Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 15 juillet 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Coric est absent]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   toutes et à tous ici présents.

 11   Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci,

 12   Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 14   En ce mercredi 15 juillet 2009, je salue en premier M. Praljak. Je

 15   salue ensuite M. Prlic, MM. Stojic, Petkovic et Pusic. Je n'oublie pas

 16   également M. Coric. Je salue M. Stringer, M. Scott, ainsi que leurs

 17   collaboratrices, et toutes les personnes qui les assistent et le personnel

 18   de la salle d'audience qui est présent au côté de nous.

 19   Tout d'abord, une annonce administrative. Nous pouvons siéger demain matin.

 20   Donc plutôt que demain après-midi, nous siégerons demain matin à 9 heures

 21   jusqu'à 13 heures 45. Lorsque nous avons une possibilité de siéger le

 22   matin, autant siéger le matin. C'est beaucoup moins fatiguant pour tout le

 23   monde d'être d'audience du matin.

 24   J'espère que M. Stringer sera disponible demain matin.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je serai

 26   disponible. Je vous serai gré, une fois de plus, à vous et au greffe,

 27   d'avoir maintenu l'horaire d'aujourd'hui, ce qui m'a permis de régler les

 28   questions que j'avais à régler ce matin.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  2   Je crois que Me Pinter a quelques corrections à apporter au

  3   "transcript" d'hier. Je vous donne la parole, Maître.

  4   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire.

  6   Par rapport à ce compte rendu du 14 juillet 2009, page 43 036, ligne

  7   25, à la place du "HV," il faut noter "HVO." En page 43 052, ligne 17, au

  8   lieu de "Klopopan," il faut noter "Klopotan." En page

  9   43 055, lignes 18, 19 et 20, et 43 056, ligne 13, au lieu du mot "request"

 10   qui est consigné au compte rendu, il faut qu'on note "order." En page 43

 11   084, ligne 25, à la place de ce mot "both," il faut marquer "boats." Merci.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître.

 13   Monsieur Stringer, vous avez donc la parole pour la suite de votre contre-

 14   interrogatoire.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

 16   vous, Messieurs les Juges. Bonjour au conseil de la Défense et à toutes les

 17   personnes dans ce prétoire et autour de celui-ci.

 18   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   Contre-interrogatoire par M. Stringer : [Suite]

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Général.

 22   R.  Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire. Bonjour, Monsieur

 23   Stringer.

 24   Q.  Je suis un peu plus éloigné de vous. Peut-être que vous préférerez

 25   cette distance aujourd'hui. Je ne sais pas.

 26   R.  Non.

 27   Q.  Général, hier après-midi ou en début de soirée lorsque nous avons

 28   terminé, nous étions en train d'examiner la pièce P 06037 dans le classeur.


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  1   Il s'agissait d'un rapport de M. Boricic, qui faisait partie des services

  2   de formation de la 5e Brigade de la Garde. Ce rapport, il l'avait envoyé au

  3   général de brigade Kapular de la 5e Brigade de la Garde de la HV. Vous vous

  4   souvenez qu'on a discuté de ce document, vous et moi ?

  5   R.  Je m'en souviens, Monsieur Stringer.

  6   Q.  Nous parlions des différentes composantes de la 5e Brigade de la Garde

  7   et des lieux de déploiements de ses composantes. Comme le dit ce document

  8   et comme le disent d'autres documents, on parle de Rastani, de Mostar, me

  9   semble-t-il, de Prozor, de Gornji Vakuf, autant de lieux où il y avait ces

 10   déploiements, lieux où la HV est venue combattre avec le HVO. Vous vous

 11   souvenez que nous avons parlé de cela hier ?

 12   R.  Je m'en souviens, oui. Mais les membres de l'armée croate ne se sont

 13   pas battus avec le HVO, ils étaient membres du HVO en tant que volontaires.

 14   Q.  Revenons à certains de vos propos d'hier, ce sera mon point de départ.

 15   Hier - et là je vais vous lire cette partie du compte rendu d'audience, je

 16   vous cite :

 17   "Je peux confirmer que certains des membres de la 5e Brigade de la

 18   Garde, certains des volontaires, ont participé sur le champ de bataille en

 19   tant qu'unité du HVO à Mostar, à Bijelo Polje aussi au début, mais surtout

 20   à Vakuf, mais le nombre n'a jamais dépassé 250 hommes à quelque moment que

 21   ce soit."

 22   Vous vous souvenez avoir dit cela hier, Général ?

 23   R.  Oui, je m'en souviens. Nous sommes en train de parler du moment où je

 24   suis devenu chef de l'état-major.

 25   Q.  Effectivement. D'ailleurs, c'est surtout sur cette période que je

 26   voulais me concentrer en examinant ce jeu de documents.

 27   Examinons un autre document du classeur. C'est plutôt vers l'avant.

 28   Nous l'avions sauté hier.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, on va continuer à voir les

  2   documents que le Procureur veut vous présenter. Vous avez compris que le

  3   Procureur présente ces documents dans le cadre de sa thèse comme quoi la

  4   République de Croatie contrôlait le HVO. Je sais que vous n'avez pas lu les

  5   jugements, vous nous l'avez dit. Afin que vous soyez bien informé de tous

  6   les éléments, je vais vous rappeler que notre Chambre a rendu, le 7

  7   décembre 2006, une décision relative aux requêtes des 14 et 23 juin 2006 de

  8   l'Accusation aux fins de dresser le constat judiciaire des faits admis.

  9   Dans le cadre de cette décision, la Chambre a décidé de faire le constat

 10   judiciaire du paragraphe 200 du jugement Naletilic. Alors je vais vous le

 11   lire lentement pour que vous en preniez bien conscience. Voilà ce que la

 12   Chambre Naletilic a écrit et ce que la présente Chambre, au début du

 13   procès, a dressé comme constat judiciaire. Alors voilà la phrase dans son

 14   intégralité. Tous les mots sont importants. J'ouvre les guillemets :

 15   "La Croatie a participé à l'organisation, à la planification ou à la

 16   coordination d'opérations militaires menées dans le cadre du conflit entre

 17   le HVO et l'ABiH."

 18   Jugement Naletilic, paragraphe 200.

 19   Ce qui veut donc dire que d'autres Juges, dans leurs jugements, étaient

 20   arrivés à la conclusion que les opérations militaires menées par le HVO

 21   contre l'ABiH avaient été organisées, planifiées, coordonnées par la

 22   République de Croatie.

 23   Voilà. Ayez bien ça en tête.

 24   Le constat judiciaire est un constat qui est fait, mais qui peut être remis

 25   en cause en fonction, évidemment, des éléments de preuve apportés allant

 26   dans un sens contraire.

 27   Vous avez compris ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, oui, tout à fait.


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  1   Je suis au courant de la chose et je maintiens mon affirmation, à savoir

  2   que les actes d'accusation contre ces gens-là étaient construits de façon à

  3   ce que les avocats n'aient pas eu à se pencher sur le problème que nous

  4   examinons nous-mêmes. Je répète que cela n'est pas exact.

  5   Le HVO était autonome. Il n'y a pas eu de coordination, de planification ou

  6   d'organisation quelle qu'elle soit d'action, du moins, pas pour autant que

  7   j'en aie eu connaissance et il me semble que j'étais au courant de tout ce

  8   que faisait l'armée croate.

  9   Deuxièmement, ces unités, notamment les Gromovi et les Tigrovi, là où j'ai

 10   demandé à ce qu'ils viennent, du point de vue militaire, c'était bien moins

 11   important que d'avoir pu dire : Voilà, nous avons des volontaires. Les

 12   brigades avaient élevé l'aptitude au combat du HVO de 30 %. Il s'agissait

 13   de gens qui avaient fait Vukovar, qui avaient fait tous les champs de

 14   bataille en Croatie et c'étaient des volontaires. Et lorsque Mme Nika me

 15   posera des questions à ce sujet, je me proposerai d'ajouter des

 16   explications pour ce qui est de ce volontariat du point de vue

 17   psychologique, parce que leur nombre n'était pas si grand que cela pour

 18   avoir du poids du point de vue militaire.

 19   Et soit dit en passant, il y avait aussi des Italiens, des Allemands qui

 20   s'étaient portés volontaires. Il y avait des volontaires d'au moins dix

 21   pays venus des pays islamistes, des Moudjahidines, il y avait des Grecs du

 22   côté de l'armés de la Republika Srpska, et cetera. Donc cette thèse n'a pas

 23   été défendue pour ce qui est de ces procédures. Ça s'est passé comme cela.

 24   Je défends cette thèse. On a des documents. Je voudrais qu'on me montre un

 25   document pour ce qui est de l'organisation, de la planification ou de la

 26   coordination de ce type d'action.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   Q.  Général, prenons le document suivant qui se trouve plutôt à l'avant du

  2   classeur, 3D 00909. C'est un des documents que vous avez présentés. Je

  3   rappelle le numéro, 3D 00909. Plutôt au début du classeur.

  4   R.  Oui, je l'ai.

  5   Q.  Gardons le document précédent à l'esprit. C'était ce rapport envoyé au

  6   général de brigade Kapular. Il portait le numéro

  7   P 06037 et c'était à propos du déploiement de la 5e Brigade en Herceg-

  8   Bosna. Maintenant nous avons un rapport venant du général de brigade

  9   Kapular adressé à M. Susak, ministre de la Défense de la République de

 10   Croatie mais le sujet est le même; aperçu de l'engagement de 5e Brigade de

 11   la Garde sur le territoire de la République croate d'Herceg-Bosna.

 12   L'autre rapport, 6037 l'a dit hier, le général Kapular fait rapport à

 13   M. Gojko Susak et dit :

 14   "Le 6 juillet 1993, un groupe de combat renforcé a été transféré des

 15   activités de combat qu'il avait eues dans l'arrière-pays de Zadar, au port

 16   de Ploce. A son arrivée, il s'est engagé dans des activités d'attaque dans

 17   le champ de bataille de Mostar pour défendre efficacement la République

 18   croate d'Herceg-Bosna. A partir du 6 juillet 1993 jusqu'à la date

 19   d'aujourd'hui, la 5e Brigade de la Garde était, s'agissant de sa formation,

 20   entièrement engagée en trois pauses. En République croate d'Herceg-Bosna,

 21   comme le HVO n'était pas capable d'organiser le roulement de ses effectifs,

 22   nous-mêmes nous avons dû assurer le roulement de nos propres unités."

 23   Il parle de la première équipe, pour ainsi dire, au point A, à partir du 6

 24   juillet 1983 elle a travaillé jusqu'au 28 juillet, c'est à peu près à cette

 25   date que vous avez pris le commandement du HVO, et il dit :

 26   "Un groupe de combat de 350 hommes était engagé sur le champ de bataille de

 27   Mostar," je saute quelques mots :

 28   "Il a été renforcé par une section d'obusiers 155-millimètres et trois


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  1   canons aussi, les D-20."

  2   Il dit :

  3   "6 juillet 1993, en parallèle avec la première équipe, le commandement de

  4   brigade a envoyé 26 officiers supérieurs au commandement du HVO pour aider

  5   l'état-major principal du HVO jusqu'au lieu de réunion des commandements du

  6   HVO et des commandements de brigade du HVO pour que la guerre soit menée

  7   avec efficacité et pour défendre la République croate d'Herceg-Bosna. Il y

  8   a une partie composée de neuf officiers qui participent encore à des

  9   opérations de combat dans ces hauts commandements."

 10   Puisque vous avez pris le commandement de l'état-major du HVO le 24

 11   juillet, est-ce que ceci est bien correct, le général de brigade Kapular

 12   fait rapport au ministre croate de la Défense, M. Susak, et il parle du

 13   déploiement de la HV -- je sais que vous dites que ce sont des volontaires,

 14   mais ces unités, ces soldats, ce matériel de l'armée croate ont été, en

 15   fait, déployés ici, pas seulement pour des activités de combat, mais il y a

 16   eu aussi envoi d'officiers haut gradés qui ont travaillé après avoir été

 17   envoyés au à l'état-major principal du HVO ?

 18   R.  Une brigade de la garde, ça ne compte pas 26 officiers, Monsieur

 19   Stringer, de hauts gradés, je veux dire. Ça peut avoir ou compter trois ou

 20   quatre hauts gradés et pas un seul de ces hommes ne se trouve employé à

 21   l'état-major principal. J'ai vérifié, pas même Kapular n'a été sollicité à

 22   l'état-major quand j'y étais. J'ai essayé de m'en souvenir, je suis arrivé

 23   à cinq ou six noms qui n'étaient pas des haut gradés, mais des officiers

 24   quand même, qui étaient des volontaires et qui, de leur gré, ont voulu

 25   apporter une aide à certaines brigades du HVO, donc ce n'est pas exact. Il

 26   n'y a pas 26 hauts gradés dans une brigade et il n'y en a pas non plus

 27   autant d'engagés.

 28   Regardez M. Kapular qui était à Vukovar, c'est un parfait combattant, et il


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  1   dit : "Les unités momentanément déployées," --

  2   Q.  Excusez-moi, mais permettez-moi d'enchaîner. Je comprends que vous

  3   n'acceptez pas ce que dit le général Kapular, à savoir que 26 haut gradés

  4   ont été placés au commandement ou à l'intérieur du commandement du HVO.

  5   Mais il y a quelque chose que vous venez de dire qui m'intéresse,

  6   permettez-moi d'y revenir.

  7   Vous dites : 

  8   "Après, j'ai vérifié pour vous dire que même Kapular n'était pas engagé à

  9   l'état-major principal pendant que moi, j'y étais."

 10   Hier, Général, nous avons examiné la pièce P 03957, vous en avez parlé,

 11   elle se trouve dans votre classeur et vous avez parlé de la demande que

 12   vous aviez envoyée au ministre de la Défense, M. Susak, et vous aviez

 13   demandé que M. Kapular soit placé à l'état-major principal pour permettre

 14   les combats. Vous vous souvenez de ce que vous avez dit ? Cette pièce 3957

 15   le montre. Vous avez demandé M. Kapular et vous avez obtenu qu'il vienne

 16   pour travailler à l'état-major principal pour assurer l'attitude de combat.

 17   R.  Pas de la façon dont vous l'avez indiqué. Il voulait rester et c'est

 18   suite à son acceptation que j'ai demandé une approbation. Il fallait des

 19   papiers pour qu'il soit couvert en cas de décès ou de blessures, mais ça

 20   n'a pas été approuvé. Bien qu'il ait voulu venir, ils avaient besoin de lui

 21   dans la 5e Brigade de la Garde, ils avaient des chamboulements en cours

 22   chez eux, j'ai fait des efforts mais il n'est pas devenu membre de l'état-

 23   major et encore moins a-t-il été amené. Il a séjourné là-bas parce qu'il

 24   est né non loin de Capljina, il est venu de son plein gré, on n'avait pas à

 25   l'amener.

 26   Mais si vous le permettez, penchez-vous sur la somme --

 27   Q.  Désolé, mais maintenant, vous dites qu'il était là, dans la zone, en

 28   tant que volontaire. Il y a deux minutes, vous nous avez dit qu'il était à


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  1   Vukovar, Général, alors tirons ceci au clair tout d'abord.

  2   Le général de brigade Kapular, commandant de la 5e Brigade de la Garde - et

  3   je pense que nous sommes d'accord sur ceci - et là les parties importantes

  4   de son unité qui sont présentes en Herceg-Bosna, en juillet, août,

  5   septembre 1993, est-ce qu'il était là, Kapular, pendant cette période de

  6   temps ou pas ?

  7   R.  Monsieur Stringer, d'abord, vous nous racontez un récit au sujet de

  8   Vukovar, puis vous reprenez une partie seulement. Je n'accepte pas ce type

  9   de façon de procéder.

 10   M. Kapular est venu du Canada, il était citoyen canadien d'origine croate.

 11   Non, je vous en prie.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, Général, je crois que vous

 13   essayez de tourner autour du pot. Vous essayez d'éviter de répondre à cette

 14   question qui est pourtant parfaitement simple. On peut répondre par "oui"

 15   ou par "non." Relisez la question et dites-nous si Kapular était présent

 16   dans la zone à cette époque-là ou pas. Ça n'a rien à voir avec la question

 17   de savoir s'il venait du Canada, de Russie ou d'ailleurs.

 18   M. STRINGER : [interprétation]

 19   Q.  Je vais reformuler la question. Ce rapport et le précédent parlent

 20   d'une idée et de matériel de la 5e Brigade de la Garde qui viennent en

 21   Herceg-Bosna à compter du 6 juillet 1993. En juillet 1993, à votre

 22   connaissance, est-ce que le général de brigade Kapular était présent en

 23   Herceg-Bosna, est-ce qu'il a participé à des activités de combat que ce

 24   soit à titre professionnel ou sur le plan militaire ? Nous parlons du mois

 25   de juillet 1993.

 26   R. Nous allons être précis. On parle du 24 juillet, date à laquelle

 27   je suis commandant. On ne parle pas de juillet.

 28   Q.  Non.


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  1   R.  Posez-moi des questions à partir du moment où j'étais là-bas, pas

  2   juillet mais le 24 juillet, là où je suis devenu commandant. A partir de ce

  3   jour-là, je vous répondrai avec précision.

  4   Q.  Non, ce n'est pas vous qui posez des questions auxquelles vous allez

  5   répondre, c'est moi qui pose les questions. Vous étiez présent dans cette

  6   zone pendant toute la durée du mois de juillet 1993. Nous le savons.

  7   Puisque vous étiez présent sur zone, vous êtes bien placé pour nous dire,

  8   si vous le savez, si Kapular était en Herceg-Bosna en train de combattre

  9   avec le HVO ou dans le HVO. Partant de vos connaissances personnelles, est-

 10   ce qu'il était là ou pas ?

 11   R.  Monsieur Stringer, indépendamment de la façon ou du degré de

 12   colère que vous pourriez ressentir à mon égard, vous ou les Juges, je dois

 13   vous répondre de cette façon. Il ne pouvait pas être dans la région.

 14   J'étais à Boksevica.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Contentez-vous de répondre à la

 16   question. Ne polémiquez pas. Vous n'êtes pas ici pour polémiquer, vous êtes

 17   sous serment. Vous devez dire la vérité. La question est simple, vous

 18   pouvez répondre par oui ou par non, et il ne vous revient pas de discuter

 19   et de dire à qui que ce soit ici quel genre de questions on doit vous

 20   poser. Si la question n'est pas bien posée, vous avez un avocat qui

 21   interviendra, les Juges aussi vont intervenir s'il y a quelque chose qui

 22   cloche. Mais vous n'êtes pas ici pour polémiquer. Vous avez décidé de

 23   comparaître en qualité de témoin et la question est parfaitement simple,

 24   vous devez simplement y répondre, "oui," "non," "je ne sais pas," "je ne me

 25   souviens pas."

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, ce que vous dites

 27   n'est pas exact. Ce n'était pas une question simple.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je suis témoin de la vérité ici. Dans ce

  2   cas-là, répondez vous-même. Je n'étais pas sur place, c'est tout. C'est

  3   très simple. Je n'étais pas sur place dans ce territoire et c'est à partir

  4   du 24 juillet que je suis devenu commandant. Or, vous affirmez que j'étais

  5   sur place, que j'étais dans ce territoire. Je n'y étais pas. J'étais à

  6   Boksevica en tant que soldat.

  7   Vous attendez de moi que je réponde à une question qui appelle une

  8   réponse mensongère. Que souhaitez-vous ? Est-ce que c'est me tourner en

  9   bourrique que l'on souhaite ? Je ne suis pas un imbécile, et vous, vous

 10   êtes un Juge. J'étais à Boksevica et j'ignore ce que Kapular a fait

 11   jusqu'au 24 juillet 1993. Si la question est posée ainsi, la réponse sera

 12   précise. A partir du 24 juillet, il a été de temps à autre sur ce

 13   territoire. C'est tout.

 14   M. LE JUGE PRANDLER : [aucune interprétation] 

 15    Monsieur Praljak, vous n'êtes pas un idiot et personne n'a suggéré cela,

 16   mais il s'agit de faits. Si vous prétendez que vous n'y étiez pas ou que

 17   vous ne le saviez pas, à ce moment-là, vous répondez en disant : "je ne

 18   comprends pas," c'est tout. Je ne vois pas pourquoi vous argumentez cette

 19   question qui est très simple. Soit vous connaissez les faits soit vous ne

 20   les connaissez pas. Dans ce cas, vous dites : "non je ne sais pas, je

 21   n'étais pas là," c'est tout.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai également un commentaire à

 23   faire, Monsieur Praljak. Votre comportement ici n'est pas un comportement

 24   correct. Vous n'êtes pas respectueux envers les Juges, envers moi-même.

 25   Ceci n'est pas votre place ici. J'estime que vous manquez de respect aux

 26   Juges de la Chambre.

 27   C'est tout, veuillez poursuivre.

 28   Pendant que j'ai la parole, Monsieur Stringer, pourriez-vous me donner la


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  1   date de ce document, s'il vous plaît ?

  2   M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, je peux vous la

  3   donner. Je crois que c'est la date, parce que vous avez certainement

  4   remarqué que le document ne comporte pas de date. Je propose, on peut ne

  5   pas être d'accord avec moi, je propose ceci, le document P 06037, qui était

  6   le premier rapport envoyé à Kapular par un subordonné qui est daté du 23

  7   octobre, constitue une partie du document dont s'est servi le général de

  8   brigade Kapular pour rédiger son rapport que nous évoquons maintenant,

  9   parce qu'il y a beaucoup d'analogie au niveau de l'information. En se

 10   fondant là-dessus et compte tenu des périodes temporelles qui sont citées

 11   dans le rapport de Kapular, 00909, je pense, ou en tout cas, je suggère que

 12   ce document date de la fin du mois d'octobre 1993. Mais il faut le lire à

 13   la lumière du rapport précédent et de ce qui est dit ici, parce que le

 14   document en tant que tel n'a pas de date.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Le débat qui vient d'avoir lieu, j'en suis

 16   indirectement responsable, je vais vous expliquer pourquoi.

 17   Hier quand vous avez parlé du document P 6037, vous avez dit à un

 18   moment, le brigadier Ivan Kapular était à Zagreb. Quand vous avez dit ça,

 19   je me suis dit : Tiens, c'est curieux. Comment se fait-il que Kapular qui

 20   est censé être en Bosnie-Herzégovine se trouve à Zagreb ? Et j'ai eu à ce

 21   moment-là envie de vous poser la question en vous disant : Mais pourquoi

 22   vous dites qu'il est à Zagreb alors même qu'on peut penser qu'il est là ?

 23   Puis je n'ai pas posé la question, parce que comme j'avais posé beaucoup de

 24   questions, je me suis dit : Je ne vais pas encore continuer à poser des

 25   questions. Mais si je vous avais posé la question hier, on n'aurait pas eu

 26   le débat d'aujourd'hui.

 27   Parce qu'effectivement, dans le document du 23 octobre 1993, le

 28   rapport qui est fait par M. Dragan Boricic est adressé au ministère de la


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  1   Défense à Zagreb et à l'attention du brigadier Kapular. Donc on sait que le

  2   23 octobre, il est à Zagreb puisqu'on a un document qui l'indique, d'où le

  3   problème. Comment se fait-il qu'il est là alors que comme l'a montré M.

  4   Stringer tout à l'heure, c'est vous-même qui avez demandé qu'il vienne ?

  5   Alors, vous avez certainement une réponse à nous dire.

  6   J'ai bien compris qu'avant le 24 juillet, vous étiez soldat et vous

  7   dites je ne savais pas. En revanche, le 24 juillet, vous avez dit que

  8   Kapular est venu à deux ou trois ou quatre reprises, je ne sais plus, mais

  9   à ce moment-là, si en octobre il est de retour à Zagreb, c'est qu'en

 10   réalité il n'était pas en fonction, en permanence en Bosnie-Herzégovine.

 11   D'ailleurs vous auriez pu nous le dire, ce qui aurait évité le

 12   problème d'aujourd'hui.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous aurions évité tous les problèmes si

 14   j'étais en mesure de dire ici toute la vérité s'il n'y avait pas certaines

 15   tentatives -- M. Kapular, à partir du 24 juillet et au-delà, selon toutes

 16   les informations dont je disposais, je dirais qu'il a été deux, trois ou

 17   maximum quatre fois sur place pour passer en revue les hommes qui s'y

 18   trouvaient et de façon très brève. Les volontaires étaient sur place. M.

 19   Leko était avec eux, ainsi que Mazar, un homme de Vukovar qui, entre-temps,

 20   est décédé et qui avait détruit 30 chars à Vukovar. Ce que je veux dire

 21   c'est qu'il n'y avait pas tant d'hommes que cela. Et par exemple, ici au

 22   point 3, il énumère 697 hommes. Comme vous-mêmes, Messieurs les Juges, vous

 23   avez votre calculette, vous verrez que c'est en fait 563 hommes. Ce rapport

 24   n'est pas en accord avec la situation sur le terrain, que nous avons vu

 25   hier.

 26   Je sais pourquoi on enjolivait les choses, mais personne ne me

 27   demande pourquoi alors que je pourrais expliquer pourquoi. Moi, en premier

 28   lieu, je respecte la Chambre. Je voudrais le dire, en revanche, je ne peux


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  1   pas répondre d'une façon qui serait absurde.

  2   Si je suis à Boksevica, je ne peux pas dire que je n'y étais pas.

  3   Quand on dit que je suis sur le terrain, on veut impliquer que je savais

  4   tout. Mais j'étais à Boksevica, je montais la garde et je tirais pour

  5   sauver les personnes qui s'y trouvaient. C'est très précis. Et je --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, comment se peut-il que la 5e

  7   Brigade de la Garde, une partie se trouve en République de Bosnie-

  8   Herzégovine, puis son commandant, Kapular, n'est pas là ? Il y a une

  9   explication ou il n'y en a pas ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux l'expliquer.

 11   Cette brigade a des volontaires. Là ce sont des volontaires de cette

 12   brigade et 80 % de l'effectif de cette 5e Brigade de la Garde nationale

 13   accomplit ses tâches en Croatie. Il y a eu de nombreuses pertes à

 14   Maslenica. Il faut rétablir la situation. Ce sont des hommes qui sont en

 15   Croatie et qui vaquent à leurs tâches. Donc la 5e Brigade de la Garde

 16   nationale occupe les positions qui sont les siennes en Croatie. Excusez-moi

 17   d'avoir accéléré. Ici ce sont des volontaires.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, j'aurais peut-être dû vous poser la

 19   question dès hier. La 5e Brigade de la Garde de la République de Croatie,

 20   quel est son effectif total ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette brigade comptait plus de

 22   3 000 hommes selon les informations dont je dispose.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc sur 3 000, il y aurait au maximum, si on

 24   comprend bien le document que nous avons 600, mais vous avez dit moins.

 25   Mais même si on prend 600, ça fait le 1/5, c'est-à-dire

 26   20 %. Donc 20 % au maximum de la 5e Brigade de la Garde se trouvent comme

 27   volontaires en République de Bosnie-Herzégovine ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de façon simultanée. A partir du 24 -- et


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  1   lorsque, le 28, la seconde relève est arrivée, j'affirme qu'il y en a

  2   environ 250 qui sont arrivés. Alors peut-être 10 %, mais ces hommes ont

  3   ensuite été relevés par une seconde équipe qui comptait à peu près le même

  4   effectif.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, ce qui expliquerait que si la

  6   majorité de l'effectif de la 5e Brigade est en République de Croatie, son

  7   commandant se trouve à Zagreb et non pas en République de Bosnie-

  8   Herzégovine. Est-ce là la réponse à la question sur le fait de savoir

  9   pourquoi Kapular est là ou n'est pas là ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Ils avaient des missions sur le

 11   champ de bataille autour de Zadar, à Vinkovci également.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi vous ne l'avez pas dit à M. Stringer quand

 13   il vous a posé les questions ? Vous auriez dit ça tout de suite, ça aurait

 14   réglé la question.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'on me pose des questions simples,

 16   Monsieur le Juge Antonetti, je réponds de façon très simple. Mais le

 17   Procureur me dit : Il a été à Vukovar. Ensuite comment cela se fait-il ?

 18   Vous, vous étiez sur place. Moi, dans ce cas-là, je ne comprends pas ce

 19   qu'on est en train de me demander. Pendant toute la durée de ce procès, du

 20   début jusqu'à la fin, je parle en me basant sur la meilleure information ou

 21   connaissance que je peux avoir de la situation et cela est la connaissance

 22   que j'ai de la vérité. Je réponds à chaque question. Vous n'êtes pas

 23   d'accord, Monsieur le Juge Trechsel, mais pourquoi hochez-vous de la tête

 24   ainsi ? J'ai du respect pour vous, mais pourquoi avez-vous à chaque fois

 25   cette expression lorsque je dis que je dis la vérité ? A chaque fois, je

 26   vois sur votre visage que vous pensez que je mens. Il s'agit ici de quelque

 27   chose qui n'a rien à voir avec un manque de respect à l'encontre de la

 28   Chambre. C'est tout simplement ce que je vois dans ce prétoire.


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  1   Mme PINTER : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaiterais dire que

  2   tout a démarré avec la question de M. le Procureur, qui est consignée à la

  3   page 11 d'aujourd'hui en ligne 1. La question était formulée ainsi :

  4   "Vous étiez présent sur ce territoire au cours du mois de juillet

  5   1993."

  6   Suite à cette question, le général Praljak a répondu :

  7   "Vous pouvez m'interroger et me poser des questions, mais vous ne

  8   pouvez pas me demander si j'étais sur ce territoire. Je vous ai dit que

  9   j'étais à Boksevica."

 10   Par conséquent, il est inexact de dire que le général n'a pas répondu à la

 11   question. Cependant, cette question avait été posée de telle sorte que la

 12   réponse ne pouvait être autre, car le général n'a pas passé l'ensemble du

 13   mois de juillet sur le territoire de l'Herceg-Bosna.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 15   M. STRINGER : [interprétation]

 16   Q.  Général, ce document commence à la date du 6 juillet 1993. Est-ce que

 17   vous dites dans votre témoignage qu'entre le 6 juillet 1993 et le 24

 18   juillet 1993, vous ne savez pas si le général de brigade Kapular était en

 19   Herceg-Bosna travaillant avec le HVO ?

 20   R.  C'est exact. Je ne sais rien à ce sujet.

 21   Q.  Après le 24 juillet, lorsque vous assumez le commandement de l'état-

 22   major principal du HVO -- P 03957 est le document que nous avons vu hier,

 23   qui est la demande que vous avez faite et envoyée au ministère de la

 24   Défense croate, au ministre Susak. Vous souhaitiez que Tole et Kapular

 25   viennent vous rejoindre pour travailler avec vous, si je puis m'exprimer

 26   ainsi. Dans votre témoignage hier, sur ce point, je vous ai posé une

 27   question. Ceci se trouve à la page 43 039 du compte rendu d'audience :

 28   "Est-ce que Kapular a occupé une fonction au sein de l'état-major principal


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  1   du HVO tel que l'indique cette demande ?"

  2   Et vous avez répondu :

  3   "Pour la préparation au combat. Je ne sais pas si quelqu'un sait ce

  4   que signifie la préparation au combat au niveau de l'état-major principal.

  5   J'avais des assistants pour la préparation au combat, pour l'infanterie, et

  6   cetera. Kapular devait assumer certaines de ces responsabilités, chose

  7   qu'il a faite. Je ne sais pas quand Susak l'a libéré de ses fonctions, mais

  8   en tout cas, il l'a libéré de ses fonctions. Il est né dans un village près

  9   de Capljina. Il a assumé certaines responsabilités au sein de l'état-major

 10   principal du HVO."

 11   Ensuite, je vous ai posé ces questions-ci. Je vais sauter quelques phrases

 12   :

 13   "Question : Hormis le fait d'assumer ces responsabilités-là, est-ce

 14   que Kapular a gardé son poste de commandant de la 5e Brigade de la Garde au

 15   sein de l'armée croate ?

 16   "Réponse : Il est clair qu'à l'époque, il n'était pas commandant en

 17   exercice de la garde. Quelqu'un l'avait remplacé. Ce n'est qu'au moment où

 18   il a rejoint à nouveau l'armée croate. Donc son poste avait été gelé de

 19   façon provisoire."

 20   Compte tenu de cela, est-ce que nous pouvons en conclure qu'à partir

 21   du 24 juillet ou le début du mois d'août 1993, le général de brigade

 22   Kapular est venu vous rejoindre dans votre état-major principal du HVO pour

 23   assumer ces responsabilités ?

 24   R.  Monsieur Stringer, lorsque je répondais à votre question en me basant

 25   sur mes souvenirs, il m'a semblé que les choses étaient ainsi. Ensuite, à

 26   la maison - mais quand je dis à la maison, je pense à l'unité de détention,

 27   puisque c'est là que je réside maintenant - je me suis redemandé si Kapular

 28   avait été présent ou non et je n'ai pas réussi à m'en souvenir. Il me


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  1   semble qu'il n'était pas présent. Mais je n'arrive pas à m'en souvenir.

  2   Q.  Est-ce que vous nous dites que vous retirez ce que vous avez dit ? Le

  3   témoignage que je vous ai relu d'hier, vous dites que ceci n'est pas exact

  4   ? Vous voulez retirez cela ?

  5   R.  Je ne peux pas le dire avec une exactitude totale, puisque je n'arrive

  6   pas à m'en souvenir, Monsieur Stringer. Beaucoup de temps s'est écoulé. La

  7   guerre a été tout à fait terrible. C'est avec les meilleures intentions et

  8   le meilleur souhait de vous venir en aide que je me suis posé la question

  9   de savoir s'il avait été présent. Je me suis dit : S'il était sur place, il

 10   ne pouvait pas être commandant car c'était incompatible. Mais ensuite, le

 11   soir, j'ai essayé de faire un effort supplémentaire. Je me suis concentré

 12   pour essayer de me rappeler tous les détails et je ne suis pas arrivé à me

 13   souvenir de tous les détails. Malheureusement, je ne peux pas vous donner

 14   de réponse définitive.

 15   Q.  Général, je --

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, le document P 3957 que le Procureur

 17   cite, qui est votre demande adressée à la République de Croatie de mettre à

 18   votre disposition Tole et Kapular. Ce document est daté du 4 août, ce qui

 19   voudrait dire qu'au moins le 4 août, il n'est pas là; il est en Croatie,

 20   puisque vous demandé qu'il vienne. Ça, c'est premier élément.

 21   Deuxième élément, Kapular est à la tête d'une brigade de 3 000

 22   hommes, certainement une brigade connue, performante, respectée. Quel

 23   serait son intérêt à lui de venir en République de Bosnie-Herzégovine au

 24   sein de la Herceg-Bosna HVO militaire pour commander on ne sait qui. Et le

 25   fait même que vous ayez demandé qu'il vienne, d'abord était-il d'accord lui

 26   et, effectivement, est-il venu ? C'est ça le problème.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il était d'accord. J'ai demandé qu'il

 28   vienne pour se charger de la préparation au combat car c'était un excellent


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  1   soldat. Il me fallait un homme qui serait en mesure d'aller d'unité en

  2   unité pour relever le moral des hommes et contribuer de cette façon.

  3   Toutefois, je ne suis plus sûr qu'il soit venu. Il me semble qu'il n'est

  4   pas venu. Je ne suis plus sûr de rien à cet égard, car c'était une guerre

  5   effroyable à Vakuf. Nous n'avons plus devant nous ces conditions avec ces

  6   centaines de morts et de blessés, conditions que nous avions alors et qui

  7   effacent tout simplement la mémoire que l'on peut avoir de tout cela.

  8   Pourquoi pouvait-il souhaiter venir ? Mais parce qu'il était

  9   Herzégovinien [phon]. En fait, il était un volontaire en Croatie tout comme

 10   moi. J'étais un volontaire en Croatie. Je sais qu'il est né dans le village

 11   de Zvirovici. Je connais même la maison où il est né.

 12   M. STRINGER : [interprétation]

 13   Q.  Général, passons au paragraphe B de ce document 3D 00909 qui porte sur

 14   le moment où vous commandiez l'état-major principal du HVO. Kapular écrit :

 15   Il s'agit de la deuxième équipe. Et cela étant dit, avant de venir sur ce

 16   point, je souhaite revenir sur quelque chose que vous avez dit.

 17   Vous avez précisé qu'il y avait moins que le 1/5 de la brigade qui

 18   était déployé ou présent en Herceg-Bosna. Je souhaite, en fait, vous poser

 19   cette question parce que je la conteste. Au premier paragraphe, le général

 20   de brigade Kapular écrit que :

 21   "A partir du 6 juillet 1993 jusqu'au jour d'aujourd'hui, la 5e

 22   Brigade de la Garde était entièrement, en termes de formation, engagée en

 23   Herceg-Bosna sous forme de trois équipes."

 24   Si vous tenez compte du fait que la 5e Brigade de la Garde s'est

 25   rendue en Herceg-Bosna en trois équipes, si vous tenez compte des trois

 26   équipes, ce que dit le commandant de cette brigade, c'est qu'en réalité la

 27   totalité de la brigade s'est rendue en Herceg-Bosna et a combattu avec le

 28   HVO, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Non, Monsieur Stringer. Le rapport que nous avons examiné hier, un

  2   rapport venant du terrain, était beaucoup plus précis et exact.

  3   Voyez ce qui est au point C, il dit : "697 hommes." Et quand on fait

  4   le décompte, on en a 563. Donc il ne fait même pas un décompte correct,

  5   sans même parler du reste.

  6   Q.  Alors présentons les choses ainsi : le commandant de la 5e Brigade de

  7   la Garde ne serait pas exact lorsqu'il fait un rapport à son ministère de

  8   la Défense. Il explique comment sa brigade était déployée en Herceg-Bosna.

  9   Vous le savez mieux que lui.

 10   R.  Je sais pourquoi il a écrit cela et je le sais mieux que lui, car ses

 11   hommes étaient auprès de moi et j'étais avec eux. Je sais que dans le

 12   rapport que j'ai rédigé, j'ai écris pour moi-même : 5e Brigade de la Garde

 13   nationale, Leko, 140 hommes, car je le connaissais quasi personnellement

 14   chacun d'entre eux. Je sais combien ils étaient sur place alors que lui

 15   essaie d'atteindre d'autres objectifs. Il essaie de glorifier sa brigade,

 16   d'obtenir des fonds supplémentaires à titre de supplément pour les

 17   engagements qui sont les leurs sur la ligne de front, obtenir des canons.

 18   Ensuite il va affirmer que certains canons sont défectueux. Tout comme dans

 19   chaque organisation, on a tendance à enjoliver les choses; dans l'armée

 20   aussi, on le fait pour des raisons très terre à terre.

 21   Q.  Donc vous dites dans votre témoignage, Général, que ce général de

 22   brigade très efficace de l'armée croate dont vous n'avez dit que du bien

 23   depuis que nous avons commencé à en parler, maintenant dans votre

 24   témoignage vous dites qu'il a préparé un rapport qui était erroné sur le

 25   déploiement de sa brigade, la 5e Brigade de la Garde en Herceg-Bosna. Il a

 26   sciemment remis ce rapport falsifié au ministre de la Défense afin

 27   d'obtenir davantage de matériel ou d'équipement et pour embellir sa

 28   réputation. C'est ce que vous dites dans votre déposition, qu'il a menti à


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  1   Susak pour les mauvaises raisons ?

  2   R.  Il enjolive son rapport comme cela est usuel au sein de toutes les

  3   armées du monde, notamment en temps de guerre; 90 % de ces rapports

  4   présentent une situation meilleure qu'elle n'est en réalité. Je ne peux

  5   rien en dire de plus, puisque personne ne m'interroge à ce sujet.

  6   Q.  Le fait est, Général, s'il y avait quelqu'un qui avait un mobile pour

  7   mentir à ce sujet, c'était bien vous, n'est-ce pas ? Parce que le fait est

  8   que vous ne nous dites pas entièrement la vérité sur le déploiement de la

  9   5e Brigade de la Garde en Herceg-Bosna. Vous êtes celui qui ment à ce

 10   propos. Le général de brigade Kapular n'avait aucune raison de mentir. En

 11   réalité, ce serait contre-productif et risqué sur un plan professionnel

 12   pour lui de mentir au ministre Susak. Il n'avait aucune raison pour le

 13   faire. C'est vous qui avez un mobile ici pour mentir, n'est-ce pas ?

 14   Mme PINTER : [interprétation] Je souhaiterais simplement que M. Stringer

 15   veuille bien s'abstenir de qualification de cette nature et de cette façon

 16   de s'exprimer. Lorsque les témoins de l'Accusation ont déposé et que lors

 17   du contre-interrogatoire de l'une des équipes de la Défense le conseil a

 18   dit au témoin qu'il mentait, il a reçu l'avertissement suivant, à savoir

 19   qu'il n'avait pas le droit de dire au témoin qu'il mentait. Donc je

 20   souhaiterais rappeler à M. Stringer qu'il serait préférable qu'il

 21   s'abstienne d'utiliser de telles formulations.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne me gêne pas. Je vais répondre à

 23   condition que l'on me permette de parler.

 24   Pourquoi je ne suis pas en train de mentir, Monsieur Stringer ? Dans

 25   le rapport émanant du champ de bataille d'Uskoplje, pour ce qui concerne

 26   cette période-là, la période pendant laquelle j'ai demandé que l'on envoie

 27   un rapport faisant état de l'effectif exact des hommes du HVO, du nombre

 28   exact des hommes qui étaient sur place. Donc si vous vous rappelez ce


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  1   rapport de 1993 - et j'y détaille les conditions qui sont les nôtres et je

  2   parle de la 5e Brigade de la Garde nationale - il est écrit 140 hommes. Et

  3   pourquoi aurais-je menti devant moi-même, en premier lieu, alors que je

  4   connaissais tous ces hommes ?

  5   Et voyez le point C, où il parle de la troisième relève, et il dit

  6   combien ils étaient. Il est écrit "697."

  7   Q.  Excusez-moi, Général.

  8   R.  Mais attendez. Vous dites que je suis un menteur, alors permettez-moi

  9   de me défendre.

 10   Q.  Pardonnez-moi. Nous allons parler de la troisième équipe, mais je

 11   souhaite tout d'abord parler de la seconde. Nous allons y venir, je vous le

 12   promets. La deuxième équipe, comme c'est précisé au point B, d'après le

 13   général de brigade Kapular, est entre le 28 juillet et le 28 septembre

 14   1993. Il s'agit d'un deuxième groupe de combat qui comportait quelque 700

 15   hommes engagés dans des activités de combat à Mostar et Uskoplje, Prozor,

 16   sur cette ligne de front. N'est-il pas exact, Général, qu'à ce moment-là,

 17   vous avez quelque 700 hommes qui sont venus de Croatie, tout équipés pour

 18   vous venir en aide dans le conflit contre l'ABiH ?

 19   R.  Ce n'est pas exact, ce n'est pas exact.

 20   Q.  Mais le général de brigade Kapular poursuit. Il parle de la première

 21   partie du groupe de combat, quelque 310 hommes actifs sur la zone de Rama-

 22   Uskoplje le 28 juillet 1993. Est-ce que cette partie-là est juste, puisque

 23   c'est juste après que vous, vous eussiez pris le commandement du HVO de

 24   l'état-major le 24 juillet

 25   [comme interprété] ? Etes-vous d'accord pour dire qu'il a raison de dire

 26   que 310 de ses hommes sont engagés sur le champ de bataille de Rama-

 27   Uskoplje, ou est-ce qu'il ne dit pas la vérité au ministre Susak sur ce

 28   point ?


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  1   R.  Deux cent quarante-cinq hommes, comme vous dit le rapport de Viko

  2   Mazar, qui est commandant de la 5e Brigade de la Garde. C'est le document

  3   que vous pouvez voir. Vous l'avez montré hier, 245 hommes, et l'autre

  4   groupe n'était pas à Mostar. Il est peut-être resté un peu d'hommes, mais

  5   je ne sais trop. Il y avait 245 hommes au total. Il y avait ceux qui

  6   étaient chauffeurs et les autres. Et c'est ce qui est dit dans le rapport

  7   par Mazar à l'intention de son commandant. Et lui ajoute --

  8   Q.  Vous dites que quelqu'un manipule les documents. Est-ce que vous parlez

  9   du général de brigade Kapular ?

 10   R.  Le brigadier Kapular en rajoute.

 11   Q.  Très bien. Nous sautons quelques lignes --

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Stringer.

 13   J'aimerais vous poser une question à ce propos, Monsieur Praljak. Qui était

 14   le commandant Z. Zeko ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est Leko. Leko. Zvonimir Leko. C'est un

 16   Herzégovien d'origine, un combattant de Vukovar. Blessé trois fois. Un gars

 17   formidable. Il était commandant de ce groupe, ou plutôt, d'un groupe

 18   d'infanterie de 140 et quelques hommes qu'il avait sous ses ordres à Rama,

 19   et il a passé une fois 40 jours dans une tranchée, jusqu'à épuisement

 20   total.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, vous témoignez sous la foi du

 22   serment, donc vous êtes censé dire toute la vérité. Quand vous affirmez que

 23   la 5e Brigade n'était pas là, bon, peut-être avez-vous raison, peut-être

 24   n'est-ce pas la vérité. Moi, je n'étais pas d'éléments en l'état pour

 25   conclure dans un sens ou dans l'autre. Mais vous savez que le Procureur a

 26   d'énormes moyens. Il peut, d'ici le mois de septembre, par exemple, lancer

 27   ses enquêteurs pour rechercher Kapular, s'il est encore en vie, j'en sais

 28   rien; rechercher le major Zeko; rechercher tous ceux qui étaient dans la 5e


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  1   Brigade de la Garde, puis revenir fin août, début septembre avec toutes les

  2   déclarations des gens qui disent : Pendant cette période, nous étions tous

  3   en République de Bosnie-Herzégovine sous le commandement de Kapular. Vous

  4   voyez, c'est une possibilité technique. Et à ce moment-là, s'il fait ça,

  5   que diriez-vous ?

  6   Comme vous aussi, avec vos enquêteurs, vous pouvez très bien faire le

  7   même travail.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous m'accordez du temps supplémentaire,

  9   Messieurs les Juges, et si vous me dites : Faites revenir M. Leko, il peut

 10   venir dans un délai de 24 heures. Faites venir Mazar, il sera là dans 24

 11   heures. Si vous dites : Amenez Brekalo Juric et d'autres que je peux vous

 12   citer par nom et prénom, chacun d'entre eux viendra dans un délai de 24

 13   heures. Mais donnez-moi du temps complémentaire, et dites-moi qui est-ce

 14   que vous voulez, sur les noms que j'ai évoqués, que vous voudriez entendre

 15   pour entendre de sa bouche la vérité, et cet homme viendra. Voilà.

 16   Donc je vous demande des enquêtes complémentaires, je demande à ce que ce

 17   soit vérifié, que le Tribunal vérifie, que le Procureur le vérifie. Qui

 18   veut bien vérifier n'a qu'à vérifier.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : -- la parole à mon collègue. Mais alors, si je

 20   comprends bien, vous me dites que tous les gens qui appartenaient à la 5e

 21   Brigade, si on les entendait, ils confirmeraient ce que vous dites, à

 22   savoir qu'ils étaient volontaires et que la 5e Brigade de la République de

 23   Croatie n'était pas présente entièrement, comme le dit ce document, mais

 24   qu'ils étaient là à titre de volontaires pour certains d'entre eux. Bon,

 25   moi, j'enregistre ce que vous dites. Bien.

 26   Mais je crois que mon collègue voulait poser --

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais un élément

 28   d'information, en effet, en ce qui concerne le commandant Leko.


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  1   Manifestement, il y a une faute de frappe dans la traduction en anglais.

  2   D'où était-il originaire ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] D'Herzégovine.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous connaissez son

  5   village natal, sa ville natale ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas vous dire le nom du village à

  7   Leko. Mais pour votre information, Monsieur le Juge Trechsel, je dirais

  8   qu'en 1992, lorsque je suis arrivé là-bas, c'est depuis ce moment-là qu'il

  9   est dans les rangs du HVO, lui.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. Merci.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question : à votre connaissance, est-ce

 12   qu'Ivan Kapular, comme Ante Roso ou comme Gotovina, ou comme Milenko

 13   Filipovic, avaient été soldats dans la légion étrangère française ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Kapular, à mon avis, je le pense, je n'en

 15   suis pas à 100 % sûr, je pense qu'il était dans les rangs de l'armée

 16   canadienne, qu'il était quelque chose là-bas.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord.

 18   M. STRINGER : [interprétation]

 19   Q.  Général, voici ce que dit Kapular à propos de la première partie du

 20   groupe de combat qui est allée le 28 juillet dans la zone de Rama-Uskoplje,

 21   et ça se trouve tout à la fin de la première page en anglais :

 22   "Si la première partie du groupe de combat n'avait pas été utilisée, toute

 23   la ville d'Uskoplje serait tombée."

 24   Etes-vous d'accord avec l'évaluation qu'il fait de la situation, s'agissant

 25   de l'effet de l'action des soldats de l'armée croate sur le rapport des

 26   forces, dirons-nous, entre le HVO et l'"armija" à l'époque ?

 27   R.  Pour la centième fois, ce n'est pas des soldats de l'armée croate. Ce

 28   sont des volontaires du HVO. J'admire votre ténacité. Vous allez dire la


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  1   même chose 100 fois et je ferai la même réponse 100 fois. C'était des

  2   volontaires au sein du HVO, et du point de vue militaire c'était moi leur

  3   commandant.

  4   Q.  Je vais reformuler ma question.

  5   R.  Je vais vous répondre oui, ça a été une aide considérable pour moi,

  6   c'était des combattants de premier ordre, très courageux et ils sont

  7   repartis au mois d'octobre avec 21 morts et 100 et quelques blessés, après

  8   avoir fait Vukovar, Zadar, et je pense qu'en fin de course, la moitié de la

  9   brigade avait été soit morte, soit blessée.

 10   Q.  Mais il n'y a pas que ces combattants hors classe qui sont venus. Il y

 11   a aussi, disons, les gros canons, le matériel, tous ces moyens techniques

 12   qu'ils ont apportés qui ont permis au HVO de remporter cette victoire ce

 13   jour-là dans le champ de bataille d'Uskoplje-Rama ?

 14   R.  C'est exact, mais pas pour ce qui est des chiffres mentionnés par

 15   Kapular. Je dis oui, mais pas pour ce qui est de ces quantités telles

 16   qu'indiquées ici.

 17   Q.  D'accord. Parlons maintenant de la troisième équipe. D'après lui, c'est

 18   à partir du 28 septembre, il dit que : "Cette troisième équipe se trouve

 19   pour le moment en République croate d'Herceg-Bosna." Les unités de la

 20   brigade, dit-il, sont actuellement engagées sur les lignes de la défense de

 21   la ville d'Uskoplje, puis il parle de Stublic et en profondeur à Prozor."

 22   Ensuite, il nous donne une liste des unités déployées à ce moment-là, 4e

 23   Bataillon motorisé, un tiers du bataillon motorisé, une compagnie de chars.

 24   Nous pouvons tous lire cette liste. En conclusion, il dit qu'il y a en tout

 25   697 hommes engagés sur le terrain.

 26   En fait, je sais qu'il s'agit d'un de vos documents. Apparemment, il a

 27   établi fin octobre 1993. Et même à cette date, d'après le général de

 28   brigade Kapular, il y a un contingent très important de la 5e Brigade de la


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  1   Garde de la HV qui est encore présent en Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je vous dis, une fois de plus, faites l'addition entre ces chiffres, ça

  3   vous donne 697. Moi, quand j'additionne, ça fait 563. Donc il y a une

  4   différence de 134 déjà dès l'addition. Et le rapport qui est daté du 18

  5   septembre nous dit, rapport venu de ce champ de bataille, le commandant

  6   Vinko Mazar dit : J'ai au total 245 hommes. Et je vous dis que c'est des

  7   rapports de guerre où il y a des erreurs. Croyez-moi bien que dans toutes

  8   les guerres, dans toutes les armées, ça existe. Vous pouvez me croire, vous

  9   pouvez ne pas me croire. Vous pouvez consulter des manuels ou des livres

 10   sur les guerres. Chaque commandant va dire qu'il a moins de munitions qu'il

 11   en a vraiment. Chaque magasinier va dire qu'il en a moins qu'il en a. C'est

 12   comme ça. Parce que chacun redoute de rester sans, donc on demande plus

 13   qu'il n'en faut. C'est naturel. Mais je ne vais pas en rajouter.

 14   Q.  Au paragraphe 2, il dit ceci :

 15   "A partir du 6 juillet jusqu'à la date d'aujourd'hui, s'agissant des

 16   activités de combat sur les champs de bataille de la République croate

 17   d'Herceg-Bosna, à part les hommes de la brigade, la technique de combat

 18   suivante a été utilisée :" 

 19   Il parle de huit chars, T-55. Vous vous souviendrez peut-être que

 20   c'est le même nombre de chars qui est mentionné dans la pièce

 21   P 6037 que nous avons examinée hier. Gardez, s'il vous plaît, ce nombre à

 22   l'esprit, huit chars. Puis on va passer au point 4. Là il dit quel est le

 23   matériel au complet de la brigade. Il dit que la brigade compte 25 chars,

 24   T-55. Ce qui semble indiquer, n'est-ce pas, qu'à peu près un tiers des

 25   chars de la brigade, 8 sur 25, étaient effectivement déployés en Herceg-

 26   Bosna dans le cadre des activités de combat menées contre l'"armija." On

 27   parle bien de huit chars, c'est T-55, n'est-ce pas ?

 28   R.  A l'époque où j'y étais, non. Il n'y a pas eu huit chars. Sur le champ


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  1   de bataille, ils étaient, en général - et c'était Vakuf notamment - il y

  2   avait trois chars et un RAK. Et je ne me souviens pas qu'on ait amené des

  3   obusiers de 152-millimètres. Pour ce qui est de ces données-là, du temps où

  4   j'étais là-bas, ce n'est pas exact.

  5   Q.  Donc vous pensez qu'il y avait trois chars de l'armée croate, d'après

  6   vos souvenirs, qui se trouvaient dans la zone de Gornje Vakuf à cette

  7   période-là, en gros, en août, septembre 1993 ?

  8   R.  Non, il n'est pas exact de dire qu'il y avait trois chars de l'armée

  9   croate. Il y en est venu trois de la Croatie et c'est devenu des chars du

 10   HVO. Et en matière hiérarchique, c'était moi le commandant de ces chars. Ce

 11   n'était pas des chars de l'armée croate, c'était des chars du HVO.

 12   D'où c'est venu, peu importe. C'est venu en Bosnie-Herzégovine. Parce

 13   que si on prend les origines des armes qui sont arrivées là-bas, on

 14   pourrait dire que le monde entier était impliqué dans la guerre.

 15   Q.  Pièce suivante P 06468. 6 novembre 1993, ce sont des affectations de

 16   poste effectuées par M. Susak et Janko Bobetko, chef de l'état-major

 17   principal de l'armée croate. Et sont nommées plusieurs personnes à l'état-

 18   major principal du HVO. Vous voyez

 19   cela ? Est-ce que vous avez trouvé le document ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous connaissiez ce fait ? Parce que là, nous sommes juste

 22   au moment où vous démissionnez de votre poste de commandant de l'état-major

 23   principal du HVO. Est-ce que vous saviez alors qu'en application d'un ordre

 24   du commandant suprême des forces armées de la République de Croatie, le

 25   président Tudjman, que ces 14 personnalités sont nommées par le général

 26   Bobetko et par Susak. Nous avons au numéro 1 le général Ante Roso qui est

 27   devenu commandant de l'état-major principal ?

 28   R.  J'étais au courant des problèmes à ce sujet. Jamais M. Franjo Tudjman


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  1   commandant de l'armée croate, n'a donné l'ordre de rédiger chose pareille.

  2   Jamais il n'a signé chose pareille, pas même Gojko Susak. Et je ne pense

  3   pas que Bobetko avait signé non plus. Je sais qu'il y a eu de gros

  4   malentendus à ce sujet et qu'en réalité c'est quelqu'un qui faisait le

  5   malin pour rédiger une chose pareille. Il n'y a pas de signature et je ne

  6   pense pas que cela soit pertinent.

  7   Cela a généré beaucoup de colère de la part de Franjo Tudjman, et il

  8   a demandé d'ailleurs : Quel est l'imbécile qui a pu rédiger une chose

  9   pareille ?

 10   Q.  Le président Tudjman était fâché, parce qu'il se disait qu'un document

 11   tel que celui-ci aurait pu arriver entre les mains de certains des pays

 12   européens ou des Américains, ce qui aurait entraîné des répercutions très

 13   graves pour la République de Croatie, n'est-ce pas ?

 14   R.  Le président Tudjman était préoccupé par le fait de savoir qui pouvait

 15   écrire une telle stupidité pour ce qui est, par exemple, de faire en sorte

 16   ou montrer que lui avait donné l'ordre qu'on avait envoyé quelqu'un au HVO.

 17   On pouvait envoyer des volontaires, on pouvait promettre aux volontaires

 18   des promotions, mais c'était quelqu'un de très intelligent, ce monsieur,

 19   pour faire en sorte de quelque façon que ce soit il y ait nomination de sa

 20   part de commandants dans un autre pays. Il fallait tenir compte de toute

 21   chose et une imbécillité de cette taille pouvait apporter ou porter un

 22   éclairage tout à fait erroné sur ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine,

 23   notamment s'agissant de ceux qui ont géré la guerre pour qu'elle évolue

 24   comme elle a évolué, or cela était en bon nombre.

 25   Q.  Mais n'est-il pas vrai, Général, qu'en réalité c'est bien le président

 26   Tudjman qui, en fin de compte, nommait les personnes, les désignait,

 27   prenait les décisions, officieusement peut-être, mais c'était bien lui qui

 28   donnait le feu vert, qui approuvait des gens comme vous, le général Milivoj


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  1   Petkovic, Ante Roso, Lasic, Siljeg ? Vous tous de l'armée croate, vous

  2   n'auriez pas occupé les postes que vous avez tenus dans le HVO si le

  3   président Tudjman n'avait pas été d'accord et n'avait pas approuvé vos

  4   désignations, n'est-ce pas ? Est-ce que ce n'est pas là la vérité ?

  5   R.  Non, ce n'est pas exact.

  6   Q.  Vous déclarez que c'est Mate Boban qui détenait l'autorité ultime

  7   s'agissant de la désignation de personnalités à des postes de commandement

  8   dans le HVO ?

  9   R.  C'est exact. C'est Mate Boban qui pouvait nommer et révoquer de leurs

 10   fonctions ces gens, qui pouvait s'entretenir avec qui il voulait comme il

 11   voulait. Il pouvait demander conseil aussi, mais c'est lui qui procédait

 12   aux nominations. Et il m'a nommé parce qu'il avait besoin de moi, parce que

 13   j'avais des connaissances, je bénéficiais -- et ça vous l'avez vérifié en

 14   posant vos questions - je bénéficiais auprès des gars d'une considération

 15   certaine et on avait besoin de moi. J'ai demandé à me battre après avoir

 16   dépensé une année à essayer de réconcilier les uns et les autres.

 17   Il ne faut pas oublier que je suis citoyen de la Bosnie-Herzégovine.

 18   Q.  Vous déclarez, en tant que témoin, que le président Tudjman n'a

 19   joué aucun rôle dans la désignation d'officier à des postes de commandement

 20   au sein du HVO. Est-ce bien ce que vous déclarez en tant que témoin ?

 21   R.  Non, ce n'est pas mon témoignage. Un rôle c'est une chose; la

 22   nomination c'est autre chose. Vous pouvez avoir un rôle de conseil. Vous

 23   pouvez aider à faire faire quelque chose. Vous pouvez apporter un coup de

 24   main. Vous pouvez élever le niveau de la motivation de tout un chacun, mais

 25   ce n'est pas la décision. La décision ne vient pas de Franjo Tudjman.

 26   Franjo Tudjman influe sur la guerre en Bosnie-Herzégovine en armant l'ABiH.

 27   Il signe des traités avec Izetbegovic et la communauté internationale, ce

 28   qui nous a coûté une attaque de leur part. Tout cela est possible. Mais


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  1   c'est Mate Boban qui nomme les commandants et qui révoque tout commandant

  2   jusqu'au niveau de la brigade.

  3   Q.  D'accord. Pièce suivante, P 06797. Il s'agit d'un document de la

  4   République de Croatie, plus exactement du ministère de la Défense, des

  5   services sociaux, vous voyez la date 22 novembre 1993. Il y a une partie à

  6   propos du front du sud.

  7   L'auteur de cet ordre, M. Boris Blaskovic, envoie cet ordre aux zones

  8   opérationnelles et aux chefs des services sociaux et l'administration

  9   opérationnelle du ministère à la Défense. Voici ce qu'il dit :

 10   "C'est un ordre. Faites très attention lorsque vous remplissez des

 11   formulaires de décès, de sorte que si une personne a été tuée sur le

 12   territoire de la République de Bosnie-Herzégovine, on est supposé écrire

 13   champ de bataille du sud sans donner le lieu exact du décès. Le fait est

 14   que ça s'est passé récemment, certains donnent le nom du toponyme, du lieu.

 15   Par exemple, on dit Mostar, Bugojno entre autres lieux."

 16   Est-ce exact, Général,  que l'opinion publique croate, les familles des

 17   personnes qui ont trouvé la mort en Bosnie-Herzégovine auraient été

 18   induites en erreur quant au lieu où s'était produit le décès, et que

 19   c'était pour dissimuler le fait au monde que vous aviez beaucoup de soldats

 20   de l'armée croate qui combattaient et trouvaient la mort sur des champs de

 21   bataille tels que celui de Mostar ou de Bugojno en Bosnie-Herzégovine ?

 22   R.  Aucun soldat croate n'est mort. Ils sont morts en tant que membres du

 23   HVO. Alors pourquoi ce monsieur écrit-il ceci ? Pour les raisons que je

 24   vous ai déjà dites et avancées plusieurs fois.

 25   Il y aurait une paix par la suite. Il y aura des bureaucrates qui

 26   s'amèneront et quand bien même ont-ils été tués en tant que volontaires du

 27   HVO, on dirait -- enfin les membres de la famille n'auraient pas besoin

 28   d'une pension ou de soins médicaux.


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  1   C'est un problème social pour ce qui est du front sud, ce n'est pas

  2   psychologique. Les gens qui sont allés en tant que volontaires sont allés

  3   en tant que volontaires, ce sont des professionnels.

  4   En temps de guerre, il est important de savoir ce que l'opinion

  5   publique en pense, mais il y a plus d'importance à défendre un peuple de la

  6   part d'une agression brutale de la part de celui qui était un allié jusqu'à

  7   hier, jusqu'à la veille, et ce, au moment où la communauté internationale a

  8   proclamé des républiques et Izetbegovic voulait élargir sa république

  9   jusqu'au littoral.

 10   Q.  Mais le fait est que cette question elle aurait aisément trouvé une

 11   solution administrative honnête, ouverte si le ministère croate de la

 12   Défense n'avait pas voulu dissimuler le fait que certains de ses soldats

 13   qu'elle payait avaient des droits à la retraite dans l'armée croate, que

 14   certains de ses soldats étaient en fait engagés et avaient été tués lors

 15   d'opérations en Bosnie-Herzégovine. On aurait facilement pu trouver une

 16   solution sans qu'on ait cette dissimulation des choses.

 17   R.  Non, ça ne pouvait pas être résolu d'une autre façon. De nos jours

 18   encore il y a un gros problème en Bosnie-Herzégovine, parce que les membres

 19   du HVO réclament que leur pension touchée en Bosnie-Herzégovine soit rendue

 20   égale à celle perçue en Croatie, parce qu'ils estiment que les Croates

 21   n'ont attaqué personne, mais qu'ils s'étaient défendus. Tant en Croatie

 22   qu'en Bosnie-Herzégovine, ce type de tension n'a pas encore été surmonté.

 23   La Croatie, avec bon nombre de dotations [comme interprété], puisque la

 24   Bosnie-Herzégovine ne pouvait pas le faire, a payé les soldats du HVO,

 25   leurs pensions et leurs soins médicaux, parce que --

 26   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

 27   Monsieur Stringer.

 28   A propos de cet ordre, paragraphe 3, nous lisons que :


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  1   "Tous les formulaires requis doivent être bien remplis et remplis

  2   complètement, donnant non seulement les informations concernant le membre

  3   de la HV qui a été tué mais en donnant aussi des informations sur les

  4   membres de sa famille."

  5   Vous affirmez, Monsieur Praljak, que tout le monde était volontaire et que

  6   si quelqu'un était tué, il était tué "sur le front du sud," si c'est vrai,

  7   pourquoi est-ce qu'on trouve dans le troisième paragraphe de cet ordre

  8   l'expression "membre de la HV" ? C'est la question que je vous pose.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils mettent HVO, juridiquement, demain

 10   quelqu'un dira, le HVO, c'est un autre Etat, vous ne pouvez pas. Comme pour

 11   les Musulmans, un membre du HVO qui est volontaire pour devenir HVO, il a

 12   gardé ses droits, ça n'a jamais été contesté, Monsieur le Juge Prandler.

 13   Nous avons fait en sorte qu'il garde ses droits, que sa famille garde ses

 14   droits, qu'il puisse être enterré, qu'il puisse être soigné, comme s'il

 15   était membre du HVO. Où que ce soit qu'il soit tué, s'il était volontaire,

 16   on fera en sorte qu'il ait -- comme s'il était membre du HVO. Il en allait

 17   de même avec l'ABiH, en rentrant, il gardait son grade, son salaire, et

 18   cetera.

 19   C'était une position qui avait été adoptée de façon claire. Quelqu'un peut

 20   se tromper au niveau du HV ou HVO, la position était cristalement claire là

 21   où vous êtes allé vous battre contre un ennemi commun. Vous avez quitté le

 22   HVO, vous allez bénéficier du tout comme si vous étiez resté au sein du HV,

 23   je l'ai répété, c'est ainsi que c'était aménagé, j'ai travaillé en faveur

 24   de la chose pendant que j'étais chef du IPD.

 25   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci de cette réponse, mais elle ne

 26   me convainc pas. Merci.

 27   Mme PINTER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Stringer.

 28   Pour les besoins du compte rendu, je précise qu'en page 36, lignes 8 à 10,


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  1   le général a parlé du HV, mais pas du HVO.

  2   Mme NOZICA : [interprétation] Je m'excuse.

  3   On n'a pas demandé mon avis, mais comme on a l'ordre, il serait peut-être

  4   justifié de dire que je ne vois pas dans cet ordre, au paragraphe 1, qu'il

  5   y ait une corrélation avec les autres paragraphes, bien que M. Praljak soit

  6   en train de témoigner, il faut être prudent. Il s'agit ici d'une

  7   instruction pour ce qui est des soldats de la HV et des membres de leur

  8   famille qui auraient des besoins de ce genre, donc je ne vois pas en quoi

  9   les points 2, 3, 4 auraient une corrélation ou quoi que ce soit avec le

 10   point 1.

 11   Merci.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, pour être clair, le document que

 13   nous avons, de nature militaire, 22 novembre. Mais vous n'êtes plus en

 14   fonction, vous pourriez dire, ce document ne me concerne pas, puisque je

 15   n'étais plus responsable de quoi que ce soit à l'époque.

 16   Mais indépendamment de cet aspect, ce document semble indiquer qu'il

 17   y a un problème. Lorsque les soldats sont tués en République de Bosnie-

 18   Herzégovine, il convient de ne pas mentionner les lieux des décès, par

 19   exemple, Mostar, Bugojno, ou autre endroit. J'appelle à votre attention le

 20   paragraphe 195 du jugement Naletilic, dont la présente Chambre, les quatre

 21   Juges qui sont devant vous, ont fait le constat judiciaire. Là aussi, je

 22   vais le lire lentement. Je cite :

 23   "Si des défenseurs volontaires ont pu représenter une partie des

 24   troupes croates présentes en Bosnie-Herzégovine, c'est en fait la Croatie

 25   qui a organisé l'envoi de la grande majorité d'entre eux tout en essayant

 26   de dissimuler leur présence en leur demandant, par exemple, de remplacer

 27   leurs uniformes et leurs insignes par ceux du HVO."

 28   Paragraphe 195; jugement Naletilic.


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  1   Les autres Juges étaient arrivés aux conclusions que la République de

  2   Croatie avait dissimulé.

  3   Le document qu'on a sous les yeux peut entrer dans cette catégorie

  4   dite de la dissimulation. Alors, qu'en dites-vous ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Si la République de Croatie, Monsieur le Juge

  6   Antonetti, avait dissimulé quoi que ce soit, jamais on n'aurait rédigé un

  7   tel document ni même aurait-on rédigé les documents de départ de 1992.

  8   Emanant du général Tus et de moi-même, la déclaration de Gojko Susak

  9   sont tous des documents publics et donnent des instructions très précises.

 10   On n'aurait pas cherché à dissimuler des documents émanant des Musulmans où

 11   il est demandé qu'on libère telle et telle personne, mais on se réserverait

 12   les droits qui sont ceux du HVO, ou plutôt, de la HV. Je suis désolé pour

 13   M. le Juge Prandler que de ne pouvoir le convaincre, mais c'est quelque

 14   chose de très simple.

 15   Un volontaire qui se bat contre l'ennemi commun à l'époque, ou qui assure

 16   la défense du peuple croate, a l'obligation de retirer ses insignes

 17   lorsqu'il se rend auprès d'une autre armée. Si c'est le HVO, il est sous le

 18   commandement du HVO, et si jamais il vient à être tué ou blessé, tout pour

 19   lui se présentera exactement de la même manière que s'il avait été soldat

 20   de la HV. Il touchera sa solde, il sera pris en charge à l'hôpital, car là-

 21   bas sur place il n'y a pas d'hôpital. Sa famille sera assurée qu'il pourra

 22   être enterré correctement, et si le besoin s'en présente, elle recevra une

 23   aide adéquate.

 24   Rien n'a été dissimulé. On a ici affaire à des volontaires, à l'époque où

 25   moi j'étais sur place, au moment des combats les plus intenses. A aucun

 26   moment du 24 juillet au 9 novembre il n'y a eu plus de 500 de ces

 27   volontaires simultanément, jamais.

 28   Dans l'affaire Naletilic, lorsque j'ai déposé, j'ai même dit 700 à un


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  1   moment, et après, j'ai effectué un nouveau décompte, je suis revenu dessus

  2   et je suis parvenu à la conclusion que c'était 500 au maximum, il n'y en a

  3   jamais eu plus de 500, d'un point de vue psychologique, pour moi, 60 hommes

  4   issus des rangs de cette Brigade de la Garde nationale, cela signifiait

  5   énormément de choses pour moi. C'était comme si c'était des marines qui

  6   venaient me soutenir.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est l'heure de la pause, parce qu'il est 16

  8   heures moins 05, et on a déjà largement dépassé. Alors, on va faire 20

  9   minutes de pause.

 10   --- L'audience est suspendue à 15 heures 53.

 11   --- L'audience est reprise à 16 heures 20.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, je crois que vous avez une

 13   correction à faire au "transcript."

 14   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 15   bonjour. Bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire.

 16   Conformément à votre invitation, nous vous prions de signaler toute

 17   difficulté avec la traduction des documents. Je voudrais attirer

 18   l'attention de la Chambre sur la traduction de la pièce

 19   3D 00909 dont nous avons débattu aujourd'hui pendant presque la totalité de

 20   la première session.

 21   Ce document fait l'objet d'une traduction en anglais dans laquelle on

 22   a fait comme s'il s'agissait de l'ensemble de la 5e Brigade de la Garde

 23   nationale qui se serait retrouvée engagée sur le territoire de la Bosnie-

 24   Herzégovine. C'est écrit noir sur blanc à la ligne 5 du texte anglais.

 25   Cependant, l'original en B/C/S est quelque peu différent. Dans cette partie

 26   du texte en croate, il est dit que la 5e Brigade de la Garde nationale, et

 27   maintenant, je cite :

 28   "A été engagée en HR HB dans la totalité d'un segment de son effectif, et


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  1   ce, en trois relèves."

  2   On parle d'un segment de l'effectif de la 5e Brigade de la Garde nationale

  3   qui est intervenue en HR HB. Si l'on compare cela, à présent, avec le début

  4   de ce paragraphe qui parle d'un groupe de combat renforcé, qui a été

  5   transféré de l'arrière-pays de Zadar en direction de l'Herceg-Bosna. On y

  6   parle également de groupes de combat au sein de la première et de la

  7   seconde relève. Je pense qu'il est tout à fait clair qu'en Herceg-Bosna

  8   nous n'avons pas eu l'intervention de la 5e Brigade dans son intégralité

  9   comme le suggère la traduction anglaise. Il me semblait que compte tenu de

 10   l'évolution du débat avec le général Praljak, il était important de

 11   clarifier cela.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Maître Alaburic, de cette

 13   précision. Je m'étais, pour tout vous dire, interrogé quand j'ai vu

 14   également dans la version anglaise "entièrement." Puis je m'étais rendu

 15   compte qu'on avait mis aussi entre parenthèses des mots. J'avais à ce

 16   moment-là regardé la version B/C/S, mais comme je ne connais pas le B/C/S,

 17   je me suis dit : Est-ce que ça a bien été traduit. Et je m'étais dit que

 18   les avocats qui pratiquent les deux langues allaient certainement faire des

 19   observations.

 20   Mais indépendamment de cela, je me suis posé une autre question de

 21   nature technique. Quand une unité telle une brigade, 3 000 hommes se

 22   déplacent d'un point A à un point B, c'est toute une opération extrêmement

 23   compliquée et sophistiquée de déplacer toute une brigade, parce qu'en

 24   termes techniques, une telle unité laisse toujours un segment dans le lieu

 25   d'origine, parce qu'il y a une caserne, et cetera, des véhicules

 26   d'entretien, donc tout le monde ne part pas de A à B à 100 %. Donc le mot

 27   "entièrement" ne collait pas à la réalité militaire. C'est ce que je

 28   m'étais dit, mais j'attendais que les spécialistes B/C/S interviennent sur


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  1   ce plan-là. Voilà.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie, Maître Alaburic,

  3   pour avoir signalé le problème de traduction.

  4   Je souhaite savoir ce que ceci signifie. Je dois dire ce que j'ai

  5   entendu en anglais, je ne comprends absolument pas ce que ça veut dire. Je

  6   ne sais pas si vous pouvez nous éclairer. Peut-être que je vais écouter la

  7   traduction française encore une fois, peut-être que je comprendrai quelque

  8   chose, mais pour l'instant je ne comprends pas ce que cela veut dire.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, j'ai discuté de

 10   cela avec le général Petkovic, nous avons essayé de déterminer ce que cela

 11   veut dire, et je vais vous dire ce que nous pensons être la signification

 12   de cela.

 13   Donc une brigade possède son effectif qui recense l'ensemble des

 14   segments de cette brigade et l'ensemble des différents postes. Alors il y a

 15   ce que l'on appelle une partie de l'effectif ou un segment de cette

 16   brigade, donc c'est un de ces segments par rapport à cette liste des

 17   effectifs et liste des fonctions. Notre interprétation, c'est qu'en Herceg-

 18   Bosna il y a eu une partie de cette brigade qui est intervenue. C'était une

 19   partie de la brigade qu'on a formée en fonction des volontaires qui se sont

 20   présentés. Si l'on examine les moyens techniques et humains que cela a

 21   représenté, nous pouvons déterminer exactement quelle partie de la 5e

 22   Brigade cela a représenté. Selon l'estimation grossière que nous avons pu

 23   faire pendant la pause, cela correspondrait assez bien à ce que le général

 24   Praljak a, par ailleurs, déclaré pour ce qui était du nombre total d'hommes

 25   qui ont été présents en Herceg-Bosna à titre de volontaires. Si l'on

 26   compare les moyens techniques qui étaient à la disposition de la 5e Brigade

 27   avec ceux qui ont été présents en Herceg-Bosna, on retomberait encore une

 28   fois sur cette estimation approximative d'environ un tiers des chars, et


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  1   ainsi de suite.

  2   C'est notre compréhension du document en question tout en

  3   reconnaissant, bien sûr, que la formulation est assez confuse. Mais il me

  4   semble qu'on peut fournir cette interprétation que je viens d'énoncer.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  6   J'ai remarqué que ce que j'ai entendu maintenant est tout à fait

  7   différent de ce que vous avez dit au départ et vous admettez que ceci

  8   n'était pas clair. Donc l'interprétation que je comprends et que je vois

  9   ici est interprétée de telle façon par M. Praljak que ceci correspond à ce

 10   qu'il dit, ce qui est normal. Mais ceci ne peut pas être pris au pied de la

 11   lettre et ceci est loin d'être objectif. J'espère que nous aurons une

 12   précision sur ce point.

 13   Bien sûr, ce qui nous intéresse aussi, c'est de connaître le nombre

 14   d'hommes qui composaient cette 5e Brigade de la Garde. Parce que pour

 15   l'instant nous avons qu'un seul chiffre qui a été cité sans précision

 16   objective quelle qu'elle soit. Tout ce que je puis dire, c'est que ceci

 17   n'est pas clair. Et, Maître Alaburic, vous avez mis le doigt sur le fait

 18   qu'il s'agit ici de quelque chose qui n'est pas clair. Je vous remercie

 19   pour cela.

 20   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu de

 21   l'importance de ceci et de l'intérêt que portent les Juges de la Chambre,

 22   il s'agit d'un document de la Défense Praljak. En termes de traduction,

 23   c'est une traduction qui n'est pas officielle. Les traductions faites par

 24   l'Accusation comportent parfois des erreurs et pourraient être améliorées.

 25   Peut-être que ce document pourrait être amélioré aussi. Je ne peux pas

 26   faire de commentaires sur ce qu'a dit l'avocat de la Défense.

 27   Puis-je suggérer que nous ou une des parties ou peut-être les Juges

 28   de la Chambre pourraient demander au service de traduction du Tribunal, le


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  1   CLSS, les traducteurs professionnels, de revoir le document et peut-être de

  2   proposer une traduction revue et corrigée par les services de traduction du

  3   Tribunal, le CLSS, s'il y a des différences significatives en tout cas.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est ce qu'on va faire.

  5   Général Praljak, si vous aviez été plus vigilant, vous auriez dû vous

  6   rendre compte qu'il y avait un problème. Parce que quand le Procureur a dit

  7   que la 5e Brigade avait été entièrement en République de Bosnie-

  8   Herzégovine, vous auriez dû lui dire que sur le plan technique, c'était

  9   impossible. Il suffisait d'indiquer, prenons par exemple, les troupes

 10   américaines qui sont en Afghanistan, quand il y a telle unité qui part en

 11   Afghanistan, il y a toujours un segment qui reste au Etats-Unis. Concernant

 12   les forces françaises, c'est exactement pareil. C'est une constante

 13   militaire. Or là, vous n'avez rien dit. Donc le fait de ne rien dire

 14   pouvait laisser penser que vous étiez en désaccord avec le Procureur. Mais

 15   sur le mot "entièrement," là vous ne contestiez pas. En quelque sorte, vous

 16   auriez dû amener votre expertise technique sur ce problème et ne pas

 17   attendre que ça soit moi qui vienne après rectifier tout cela.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Antonetti. Je n'ai

 19   tout simplement pas suffisamment prêté attention à cela.

 20   En 1993, j'ai rédigé un rapport en pleine opération de guerre.

 21   J'aurais été heureux s'ils avaient pu être au nombre de plusieurs milliers,

 22   mais j'ai écrit dans ce document, comme vous avez pu voir, j'ai écrit en

 23   plein désespoir cette phrase assez grossière dont vous vous rappellerez

 24   peut-être. C'est alors que j'ai écrit combien d'hommes de la 5e Brigade

 25   étaient présents à Uskoplje. Dans les conditions qui prévalaient en 1993,

 26   j'aurais donc menti. En fait, j'aurais été heureux s'il y avait eu des

 27   milliers de soldats, mais ce n'était pas le cas. Ce que je vous affirme,

 28   c'est qu'il y en avait que 200 et quelques.


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  1   Tout comme j'affirme qu'au même moment, à Zagreb, l'ABiH reçoit de la

  2   part de la Croatie plus d'aide que n'en reçoit le HVO. Avec toutes ces

  3   bases logistiques dont elle dispose et qui ont permis que des milliers

  4   d'hommes du côté musulman soient équipés avec du matériel venant de

  5   Croatie.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous aviez utilisé votre calculette mentale, vous

  7   vous seriez aperçu que le Procureur, quand il a détaillé 1re unité, 2e

  8   unité, 3e unité, aux points A, B, et C du document, quand vous faisiez le

  9   total des chiffres cités, on arrivait grosso modo à 2 000. Or, vous aviez

 10   dit que la brigade faisait 3 000, donc il en manquait 1 000, et ça, vous ne

 11   vous en êtes pas aperçu.

 12   C'est vrai que de répondre à des questions pendant des mois et des

 13   mois, ça peut émousser la vigilance. Heureusement, les Juges savent faire

 14   encore des additions.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, j'ai montré

 16   l'endroit où, dans une colonne, il fait une erreur de 150 hommes. Il en

 17   rajoute 150 dans l'addition qu'il fait. Je l'ai remarqué et je l'ai

 18   signalé. Ces chiffres ne sont pas exacts. Je n'y peux rien. Mais je sais

 19   pourquoi ces chiffres sont inexacts, et j'ai une certaine compréhension

 20   pour les commandants de brigade qui se battent pour essayer d'obtenir plus

 21   d'aide. Vous vous rappelez peut-être ce document où on affirme qu'il n'y a

 22   pas de pantalons, il n'y a pas de bottes, ils n'ont rien, c'est ce qui est

 23   écrit. Ils se battent pour obtenir ce dont ils ont besoin. Evidemment qu'il

 24   va enjoliver son rapport.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, la Chambre demandera au service

 26   de traduction de traduire cette partie du document.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Q.  Général, nous avons quasiment terminé avec ce jeu de documents. Un des


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  1   documents que nous avons vu il y a quelques instants était le document P

  2   06468. C'est un document qui indiquait que compte tenu ou conformément à un

  3   ordre du président Tudjman, je pense, il fallait l'approbation ou l'appui

  4   de Gojko Susak et Janko Bobetko, un groupe de personnes de l'armée croate

  5   ont été nommées à l'état-major principal du HVO. Le premier d'entre eux

  6   était Ante Roso.

  7   Est-ce que vous avez le document sous les yeux, le 6468, vous en

  8   souvenez-vous ? Je sais que vous contestiez le fait que le président

  9   Tudjman nomme ces personnes -- les nominations qui sont indiquées sur ce

 10   document. Vous souvenez-vous du document ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Veuillez garder ceci à l'esprit, car je souhaite passer au document

 13   suivant, qui est le P 06831, qui est un des comptes rendus présidentiels ou

 14   procès-verbaux présidentiels, daté du 23 novembre 1993.

 15   Général, je sais que cette réunion s'est déroulée après votre

 16   démission ou après que vous ayez abandonné votre poste au sein du HVO, mais

 17   ceci porte sur des événements qui se sont déroulés alors que vous étiez

 18   toujours avec le HVO et lorsque vous étiez toujours associé au gouvernement

 19   du président Tudjman en tant que conseiller.

 20   Ceci est daté du 23 novembre 1993. Le président Tudjman, avec Janko

 21   Bobetko et Gojko Susak, sont là, et je souhaite vous demander de regarder

 22   la page 8 du compte rendu. Je vais vous lire quelques extraits.

 23   M. STRINGER : [aucune interprétation]

 24   LE TÉMOIN : [interprétation]  Excusez-moi, s'il vous plaît. Avant de

 25   commencer, à l'époque, je n'étais pas conseiller du président Tudjman, et

 26   je vous prie de ne pas énoncer des faits que vous n'avez pas préalablement

 27   vérifiés.

 28   M. STRINGER : [interprétation]


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  1   Q.  En réalité, j'allais vous dire que vous n'étiez pas son conseiller à

  2   l'époque. Peut-être que ceci n'a pas été traduit correctement.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Simplement, à la page 7, pour que vous

  5   puissiez retrouver la référence, le président Tudjman demande qui a donné

  6   l'ordre de détruire le pont de Mostar. Si vous tournez la page, nous

  7   passons au sujet suivant.

  8   Q.  C'est le sujet qui m'intéresse maintenant, Général. En haut de la page

  9   8, le président Tudjman, après avoir demandé un rapport écrit sur la

 10   destruction de l'ancien pont, dit, et je cite :

 11   "Troisièmement, comment le ministre de la Défense et le chef de l'état-

 12   major principal aurait pu donner un tel ordre confirmant que la Croatie est

 13   engagée dans la guerre et qu'elle participe directement, et qu'elle insiste

 14   toujours sur le fait que tout ceci a été mis sur pied de façon volontaire,

 15   que ces volontaires qui ont quitté l'armée croate se battent sous le

 16   commandement du HVO, et vous nommez le quartier général principal, le

 17   ministre de la Défense de Croatie et le chef de l'état-major principal."

 18   Général Praljak, nous pouvons poursuivre, simplement pour être

 19   certains des propos du président Tudjman. En fait, il s'agit de la pièce P

 20   06468, qui est le document qui porte sur les nominations des différentes

 21   personnes à l'état-major principal du HVO. La page suivante, le président

 22   Tudjman dit :

 23   "Il ne s'agit pas, en fait, de procéder à des nominations --"

 24   Nous allons revenir un petit peu en arrière. Bobetko dit :

 25   "Nous nous sommes mis d'accord qu'après la réunion ici, nous devrions nous

 26   retrouver et rassembler des personnes qui devraient y travailler."

 27   Et le président Tudjman dit :

 28   "Mais il ne s'agit pas de procéder à des nominations. Il a été dit que j'ai


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  1   donné un ordre moi-même qu'il reste ici, le général Roso, mais le général

  2   Roso a été nommé par le président de la République d'Herceg-Bosna."

  3   Ensuite, nous allons sauter quelques lignes, Bobetko dit --

  4   R.  Excusez-moi, excusez-moi, mais --

  5      Q. -- que les gens ont du mal à suivre.

  6   R.  On s'est mal interprété. On ne va pas s'aventurer trop loin, je ne

  7   pourrai plus intervenir.

  8   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Monsieur Stringer, il y a un

  9   problème d'interprétation vers le B/C/S et c'est une erreur assez

 10   importante, et je pense qu'il serait préférable de répéter.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Bien, je vais reprendre. Je vous remercie de

 12   m'avoir prévenu.

 13   Q.  Alors, la première citation que j'ai lue, où le président Tudjman dit :

 14   "Troisièmement," maintenant, "Troisièmement," je cite :

 15   "Comment le ministre de la Défense et le chef de l'état-major principal

 16   aurait pu donner un tel ordre confirmant que la Croatie mène une guerre,

 17   qu'elle participe directement, et j'insiste constamment sur le fait que

 18   vous auriez dû préparer tout ceci de façon volontaire, qu'il s'agit de

 19   volontaires qui ont quitté l'armée croate et qui se battent là-bas sous le

 20   commandement du HVO. Ici, vous êtes en train de nommer les gens au quartier

 21   général."

 22   Simplement, nous allons évoquer ce passage-là. Est-ce que ceci ne confirme

 23   pas que tout ceci n'était que factice, et on ne fait que répéter ce que

 24   disait le président Tudjman déjà au mois de novembre 1993 afin d'induire en

 25   erreur la communauté internationale sur la participation de la Croatie en

 26   Herceg-Bosna ?

 27   R.  Non, c'est inexact. Cela ne peut être exact, le fait qu'il dise dans

 28   une phrase qu'"il faut présenter cela comme des volontaires," on ne peut


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  1   pas l'interpréter ainsi. Ce sont des volontaires qui sont partis de

  2   Croatie, qui sont placés sous le commandement du HVO, et la même chose

  3   valait pour les Musulmans, pour ceux qui ont rejoint l'ABiH, et c'était

  4   encore plus valable à l'époque que pour le HVO.

  5   Une seule phrase ainsi formulée ne change pas le fond des choses et

  6   encore moins la disposition constitutionnelle qui a été publiquement

  7   confirmée à la télévision par Gojko Susak et qui a fait l'objet d'une prise

  8   de position très claire à plusieurs reprises. Personne ne pouvait ordonner

  9   à des hommes de l'armée croate de passer les frontières de la Croatie pour

 10   aller se battre, et si jamais cela se produisait, les hommes avaient le

 11   droit de refuser d'obéir. Et cela a été publiquement connu.

 12   Mais il y a eu une aide, effectivement. Je vais le répéter encore une

 13   fois, des milliers de Musulmans ont été équipés, des brigades entières ont

 14   pu être envoyées grâce au matériel fourni par la Croatie.

 15   Q.  Je vais passer à la page 9 et lire une citation et je cite, c'est le

 16   président :

 17   "Regardez la République de Croatie, le ministre de la Défense à Zagreb,

 18   conformément à un ordre du commandant suprême des forces armées et de la

 19   Croatie, le président de la république, Tudjman, conformément à l'article

 20   52 de la Loi sur la défense du journal officiel numéro 7493, et

 21   conformément à la décision sur le fondement de l'organisation du ministère

 22   de la Défense, les personnes suivantes sont nommées au quartier général du

 23   conseil de Défense croate" -- on devrait avoir -- "la communauté d'Herceg-

 24   Bosna." Tout d'abord, le général de corps d'armée…"

 25   Ensuite, il poursuit.

 26   Est-ce que nous pouvons nous mettre d'accord pour dire que lorsque le

 27   président Tudjman parle de cela, il parle -- il lit, en réalité, ce

 28   document que nous avons vu qui n'est pas signé qui est le document P --


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  1   L'INTERPRÈTE : La cote, malheureusement, n'a pas été entendue.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation]

  3   R.  C'est une compréhension complètement erronée du document. Je vois

  4   précisément de quoi il s'agit. Il dit : Voyez, espèce d'imbéciles, Bobetko,

  5   qu'est-ce que tu es en train de faire ? Qu'est-ce qui est écrit ici ? Et

  6   dans tout le procès-verbal présidentiel, il dit : Mais est-ce que vous

  7   savez ce que vous faites, bande d'imbéciles ? Et tout un chacun connaissant

  8   la langue croate peut s'en rendre compte et le lire. Cela continue, dans

  9   tout le document il dit, Général Bobetko. Ensuite Susak dit qu'il n'y a pas

 10   de signature. Et le président répond : Toi non plus, tu n'es pas au courant

 11   de cela. Susak répond : Non.

 12   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] C'est impossible de vous suivre,

 13   Monsieur Praljak, quand vous parlez aussi vite.

 14   Mais je me tourne aussi vers vous, Monsieur Stringer, essayez de

 15   ralentir le débit car on a du mal à vous suivre. Merci.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux le répéter lentement, si vous le

 18   souhaitez.

 19   M. STRINGER : [interprétation] 

 20   Q.  Nous pouvons parler de la page 10 où vous indiquez, Susak dit ceci :

 21   "Je n'en sais rien."

 22   Bobetko dit, je cite :

 23   "Mais c'est notre proposition pour former ce groupe, pour les aider,

 24   dit Roso. Il n'y a pas de QG du tout, pas de commandement."

 25   Le président demande ceci au général Bobetko :

 26   "Général, tu as signé ça ?"

 27   Bobetko répond :

 28   "J'ai regardé ça hier soir et je dis maintenant qu'il faut voir ces


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  1   choses-là, il faut les mener jusqu'au bout. Ce commandement doit être

  2   établi, ça n'allait nulle part. Je ne sais pas comment il est arrivé ici,

  3   mais il n'allait nulle part. Il fallait bien commencer quelque part. Il

  4   fallait voir qui envoyer là-bas."

  5   Tudjman dit ceci, je cite :

  6   "Nous aurions dû passer un accord, on aurait dû envoyer des gens là-

  7   bas."

  8   Bobetko :

  9   "Lucic a reçu cette mission."

 10   Tudjman dit :

 11   "D'envoyer à Roso, quel commandant du HVO qui a été nommé, pas que

 12   nous nous devrions le nommer, parce que ce serait donner la preuve que nous

 13   donnons des ordres là-bas."

 14   Mais est-ce que ceci ne montre pas que c'est, en fait, le président Tudjman

 15   qui donnait des ordres, qui décidait des hommes qu'il allait nommer et ce

 16   qui l'énerve ici c'est que ça a été couché sur papier, ce fait-là. C'est

 17   que si ceci était connu à l'extérieur, on saurait dans le monde entier dans

 18   quelle mesure c'était le président de la Croatie qui nommait les personnes

 19   les plus haut placées, les militaires les plus haut placés dans le HVO ?

 20   R.  C'est inexact. Lucic a reçu la mission de rassembler des volontaires.

 21   Lucic s'est vu chargé de plus d'une autre mission. Roso, quant à lui, était

 22   déjà au sein du HVO; Bobetko dit que les gens se présentaient comme

 23   volontaires, ensuite on parle de ce qu'il faut proposer à ces hommes, s'ils

 24   se présentent comme volontaires, ce qu'il faut leur promettre. On procède

 25   au rassemblement de volontaires et le président est furieux, parce que

 26   quelqu'un a rédigé un document inepte et non pas parce que cela aurait

 27   entraîné le moindre changement. Il s'agit de rassembler les volontaires, de

 28   voir qui se présente comme volontaire et il faut leur fournir des


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  1   incitations, leur promettre des grades, et ainsi de suite. Mais c'est une

  2   aide qui doit être envoyée, il ne nommait personne. Il dit : J'ai relevé

  3   Roso de ses fonctions. Va-t-il le nommer de nouveau, c'est une autre

  4   question. Boban [comme interprété] peut éventuellement accepter la

  5   suggestion qui lui est faite. La Croatie peut relever certaines personnes

  6   de leurs fonctions ou les libérer de leurs obligations, mais ces aux autres

  7   ensuite de faire le nécessaire pour qu'il y ait des incitations, c'est

  8   Lucic qui doit fournir des volontaires et les incitations nécessaires.

  9   C'est complètement autre chose.

 10   Q.  Vous parlez d'un Lucic. Qui est-ce ?

 11   R.  Le général Lucic était d'abord commandant de la 1ère Brigade de la

 12   Garde, c'était son premier commandant, brillant, et il était le chef du

 13   personnel au sein du ministère de la Défense. Je le pense. Je crois que

 14   c'était quelqu'un chargé du personnel à l'époque.

 15   Q.  D'accord. Prenons, si vous le voulez bien, la page 14. Ici, il parle

 16   des volontaires, à la page 12, Bobetko dit : 

 17   "Il cherchait des volontaires et nous les lui avons donnés."

 18   Tudjman veut savoir qui a écrit cet ordre, il continue d'en parler.

 19   Bobetko dit qu'il lui a proposé des noms. Les hommes se sont présentés en

 20   tant que volontaires. On parle du fait que ces hommes sont des volontaires.

 21   Puis Tudjman dit ceci, à la page 14 :

 22   "Choisissez les hommes, si nous disons ça, c'est parce qu'ils s'en

 23   vont comme volontaires, nous allons leur donner certains privilèges au

 24   niveau du grade de leur logement. Nous sommes tous d'accord pour dire ceci

 25   ensemble, que ce n'est pas un document qui dit que c'est la Croatie qui

 26   nomme ses hommes là-bas. Des fonctionnaires du QG, pour ne pas dire que

 27   c'est nous qui dirigeons l'état-major principal."

 28   Vous venez d'y faire allusion, Général, le fait qu'il y a des officiers de


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  1   la HV qui sont allés combattre en Herceg-Bosna avec le HVO, bénéficiaient

  2   de mesures incitatives, de certains avantages. Le ministère de la Défense

  3   croate, le gouvernement croate leur donnait certains avantages pour les

  4   encourager à aller combattre en Herceg-Bosna; n'est-ce pas ?

  5   Q.  Si vous avez le droit de décider, vous n'avez pas à formuler des

  6   mesures incitatives. Si vous incitez quelqu'un ou encouragez quelqu'un,

  7   alors, il n'est pas décidé de son départ. C'est ce que je suis en train de

  8   vous dire. Mais on ne dit pas ici, état-major public, mais état-major

  9   principal.

 10   Et il est vrai de dire que c'est Cjrnac qui est né à Siroki Brijeg, Roso et

 11   tous ces gens étaient membres du HVO. On a proposé des mesures incitatives,

 12   il avait été proposé une union de trois républiques et l'implication d'un

 13   traité international, c'était proposé par Franjo Tudjman, et parce qu'il y

 14   avait participation à ce traité, il s'agissait de surveiller cette

 15   république croate qui, par la force, était de l'attaque de l'ABiH. Mais

 16   pourquoi voulez-vous qu'il promette à quelqu'un un logement s'il peut lui

 17   donner l'ordre de le faire ? Je suis en train de vous dire ce que je pense

 18   par rapport à ce qui est écrit ici. En fait, lorsque le président Tudjman

 19   est capable de placer ses officiers les plus haut gradés à l'état-major

 20   principal du HVO, qu'il continue de les payer, de leur donner des

 21   avantages; la réalité, est-ce que ce n'est pas que ces hommes restent

 22   dépendant de sa politique à lui et des instructions qu'il donne, non ?

 23   R.  C'est inexact. Le président Tudjman, s'il pouvait commander, il

 24   l'aurait ordonné. Pourquoi voulez-vous qu'il attribue des grades et qu'il

 25   prenne des mesures incitatives à l'égard de quelqu'un ? Vous essayez

 26   d'inciter quelqu'un quand vous n'avez pas d'autorité à son égard. Quand

 27   vous exercez de l'autorité, pourquoi voulez-vous prendre des mesures

 28   incitatives ? On lui dit : Fais telle chose parce que tu es payé. Et on lui


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  1   dit : Donnez-leur des logements ou des grades, parce qu'il ne peut pas

  2   avoir suffisamment de volontaires, parce que c'est réclamé par Lucic. C'est

  3   ce qu'on fait, on leur promet des logements, et cetera, et il y a un

  4   certain nombre de personnes qui répondent présents.

  5   Q.  Ce que vous dites, c'est que vous et tous les autres officiers de

  6   l'armée croate, les officiers les plus haut gradés de l'armée croate qui

  7   sont allés en Herceg-Bosna, que vous tous, vous n'étiez pas occupés à

  8   appliquer une politique des objectifs militaires décidés par le président

  9   Tudjman et le ministre Susak ?

 10   R.  C'est une invention pure et simple. Quels objectifs militaires ?

 11   Définissez donc ces "objectifs militaires." Défense vis-à-vis de l'armée de

 12   la Republika Srpska que l'Amérique n'a pas empêché à Srebrenica. Je me suis

 13   battu pour que ça n'arrive pas à Bihac et aux autres. Ça, excusez-moi,

 14   c'est ça la différence. J'ai réalisé les objectifs de la défense par

 15   rapport aux attaques, aux destructions, aux urbicides [phon] et génocides,

 16   et tout le reste, alors que tout le monde entier se taisait. C'était notre

 17   politique, oui, Monsieur.

 18   Q.  Vous ne répondez pas à ma question.

 19   R.  Si, je vous réponds quelle est la politique que je conduisais. Vous me

 20   posez des questions sur la politique. Je vous dis que j'y suis allé de mon

 21   plein gré, parce que je suis Herzégovien, parce que je suis Croate, parce

 22   que j'avais ma mère et mon père, ma sœur et qu'ils se faisaient tués là-

 23   bas.

 24   Q.  Nous parlerons plus longuement de la politique du président Tudjman et

 25   de la politique de Croatie eu égard à l'Herceg-Bosna, mais ici nous parlons

 26   des généraux de la Croatie qui étaient là-bas pour défendre la politique de

 27   la Croatie, pour défendre l'Herceg-Bosna, n'est-ce pas, et pour lutter

 28   militairement contre l'ABiH ? Est-ce que nous sommes d'accord là-dessus ?


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  1   R.  Non, nous ne pouvons pas tomber d'accord là-dessus, parce que j'ai

  2   défendu pendant un an la Bosnie-Herzégovine contre le Serbes. Dans ce

  3   conflit-ci, j'ai laissé passer des armes à l'intention de l'ABiH pour

  4   qu'ils puissent se défendre contre les Serbes à Tuzla, Sarajevo et

  5   ailleurs. Vous avez des documents à cet effet. Mais lorsque j'ai été

  6   attaqué par l'ABiH --

  7   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, arrêtez, s'il vous

  8   plaît.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je me fatigue de vous rappeler - je

 11   sais que quelque part vous êtes très agité et que vous voulez vous

 12   exprimer, exprimer vos sentiments, votre avis - mais, s'il vous plaît,

 13   n'oubliez pas que chacun de vos mots doit être interprété. Les pauvres

 14   interprètes doivent bien vous suivre. Même si vous êtes agité, sans doute

 15   êtes-vous vraiment galvanisé par vos sentiments, n'oubliez pas que vous

 16   êtes à la barre des témoins.

 17   Merci.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Juge Prandler. C'est

 19   tout à fait exact.

 20   Ici on passe des années à écouter -- oui, mais je suis en train de

 21   répondre à M. le Juge Trechsel. Je vais me calmer. Allez-y.

 22   M. STRINGER : [interprétation]

 23   Q.  Général, je vous présente la thèse de l'Accusation. Vous la connaissez

 24   cette thèse de l'Accusation.

 25   Page suivante, page 15. La conversation se poursuit.

 26   Le général Bobetko, vous l'avez dit, fait référence au général Lucic.

 27   Il dit :

 28   "Toute cette opération des volontaires, le rassemblement a été dirigé par


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  1   Lucic qui a été chargé de cette mission."

  2   Vous voyez, page 15 ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Le président dit :

  5   "Est-ce qu'il l'a préparé ?"

  6   Et je pense qu'ici le président Tudjman parle de ce document dont nous

  7   avons parlé concernant les désignations. Bobetko dit :

  8   "Il faut que je lui demande."

  9   Tudjman dit :

 10   "Bien, demande-lui, parce que c'est une horreur politique. Je ne sais

 11   pas comment ils vont réagir à ça. De toute façon c'est horrible."

 12   L'aspect que le président Tudjman trouve à ce point horrible, c'est le fait

 13   que si la communauté internationale, si les médias, si quiconque qui se

 14   trouve en dehors de ce cercle d'initiés découvre quel fut le rôle

 15   véritablement joué par la Croatie, qui a alimenté l'état-major du HVO en

 16   officiers, et que ce rôle de la Croatie c'était d'envoyer des soldats pour

 17   qu'ils combattent en Herceg-Bosna comme volontaires ou autrement. Le fait

 18   demeure que si l'opinion publique l'apprend, ce sera vraiment très

 19   préjudiciable à la réputation de la Croatie dans la communauté

 20   internationale. C'est pour ça qu'il fallait dissimuler la chose, n'est-ce

 21   pas ?

 22   R.  Non, tout un chacun savait bien. Des centaines de journalistes étaient

 23   là-bas, des centaines d'espions d'organisations internationales, la

 24   FORPRONU, tous savaient pourquoi j'étais là-bas. Tous savaient qui j'étais,

 25   tous savaient qui était Roso. Les Américains, les Britanniques le savaient.

 26   On ne pouvait rien caché. Tout était fait en public. Le président Tudjman

 27   était suffisamment intelligent pour constater une bêtise énorme telle que

 28   rédigée par autrui pour ce qui est, par exemple, de procéder à la


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  1   nomination de l'état-major du HVO. Ça, c'est vraiment l'horreur politique,

  2   mais ce n'est pas lui qui l'a fait. Il fallait rassembler des volontaires

  3   de qualité et les envoyer, oui, c'était son devoir. En sa qualité d'homme

  4   intervenant dans des négociations internationales et qui aide l'ABiH plus

  5   qu'il ne le fait à l'égard du HVO et comme il a l'obligation

  6   constitutionnelle de protéger la population croate vis-à-vis d'agressions

  7   d'où qu'elle vienne, il a pour mission de se conformer au droit

  8   international.

  9   Q.  Page 17 de ce "transcript," le président Tudjman dit :

 10   "Où est-ce qu'il est Roso, qui a été envoyé là-bas comme commandant

 11   ?"

 12   Susak dit : "Partout."

 13   Tudjman, je cite :

 14   "Est-ce qu'il en est en partie responsable ?"

 15   Susak répond : "Oui."

 16   Tudjman dit :

 17   "Alors qu'il soit le commandant."

 18   Susak dit :

 19   "Président, ils ont Skender là-bas. C'est un excellent officier aux

 20   qualités exceptionnelles et il y est tout le temps."

 21   Tudjman dit ceci, je cite :

 22   "Général Bobetko, il y a maintenant quelque chose qui n'est pas clair

 23   pour moi. J'ai dit que c'est Roso qui devrait prendre le commandement là-

 24   bas et qu'il devrait avoir la responsabilité en ce qui nous concerne et que

 25   nous devrions le soutenir."

 26   Il poursuit son intervention. Mais qu'est-ce ce texte nous dit; il le dit

 27   lui-même, le président Tudjman, c'est lui qui dit qui va commander l'état-

 28   major principal du HVO, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Mais ici il est dit que c'est Roso qui devait prendre le commandement.

  2   Cette conversation, quand vous lisez bien cela en croate, le président est

  3   au désespoir pour ce qui est des omissions faites par ces gens-là. Dans

  4   l'original, ça n'a pas la qualification que vous laissez entendre.

  5   Roso était au HVO de Livno et ailleurs. Et on mentionne Skender,

  6   Zvonimir Skender. Lui, c'était un haut gradé de la légion d'honneur et de

  7   la légion étrangère. Il a passé 33 ans là-bas, donc on pourrait accuser la

  8   France aussi d'avoir donné des volontaires. Je ne pense pas qu'on ait

  9   retiré à Roso la nationalité et la pension qui étaient les siennes.

 10   Q.  Page 18, en bas, la conversation se poursuit. Susak intervient :

 11   "Je pensais que c'était Boban qui nommait. Hier soir, Boban a copié

 12   un ordre par lequel le QG était nommé sans doute par ces gens."

 13   Tudjman dit :

 14   "Boban l'a fait tout de suite. Dès que nous l'avons envoyé, il l'a

 15   dit."

 16   Ce texte nous montre qu'au fond Boban était le fantoche de Tudjman. Il

 17   était en Herceg-Bosna, ostensiblement. Il avait des fonctions de commandant

 18   en chef des forces armées d'Herceg-Bosna. Mais les désignations qu'il

 19   faisait, la politique qu'il appliquait, c'était au fond la politique de la

 20   Croatie, et s'il nommait quelqu'un il fallait qu'il ait l'accord préalable

 21   du président de la République de Croatie. Est-ce que ce n'est pas comme ça

 22   que les choses se passaient ?

 23   R.  Non, Boban n'a pas de cadre. La situation là-bas n'est pas bonne et

 24   Boban a demandé de l'aide auprès de la République de Croatie, parce qu'il

 25   convient de résoudre des problèmes de criminalité et autre. Je vous ai dit

 26   quelles étaient les raisons qui m'ont animé pour partir là-bas. Boban a

 27   reçu de l'aide de la République de Croatie. C'est elle qui lui enverra

 28   d'abord des volontaires pour lesquels on estime qu'ils peuvent porter ce


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  1   fardeau sur leurs épaules et ils le feront. Dans l'armée croate, nous

  2   avions une organisation, MPRI, qui était constituée de généraux américains

  3   à la retraite que nous avons payés et qui nous ont aidés à aider Eclair et

  4   Tempête. C'est eux qui proposaient et Franjo Tudjman nommait. Mais ce n'est

  5   pas de leur faute à eux si quelque chose n'allait pas bien au final. Donc

  6   ce sont des services et Boban --

  7   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai terminé l'examen

  8   de ce document du classeur. Je ne sais pas si vous avez des questions sur

  9   ce point.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai des questions. Je ne vous ai pas interrompu,

 11   Monsieur Stringer, pour vous laisser faire au mieux votre travail.

 12   Général Praljak, j'ai toute une série de questions. Tout d'abord, je dois

 13   vous dire que j'ai préparé cette audience, comme je le fais tous les jours,

 14   ce matin, en faisant trois choses. Je n'ai pas de secrets, donc je dis ce

 15   que je fais exactement. J'ai regardé à nouveau la décision concernant les

 16   constats judiciaires sur l'implication Croatie-HVO.

 17   A cet égard, je vous signale qu'au numéro 32 de notre décision

 18   concernant le jugement Blaskic, paragraphe 95, je lis ceci émanant du

 19   jugement Blaskic. Ecoutez bien. J'ouvre les guillemets :

 20   "Outre l'intervention directe des forces de la HV, la Chambre constate que

 21   la Croatie exerçait un contrôle indirect sur le HVO et le HZ HB."

 22   Paragraphe 95. On constate donc que des Chambres se contredisent. L'une

 23   parle de contrôle direct, l'autre de contrôle indirect. La Chambre Blaskic

 24   estime que la Croatie exerçait un contrôle indirect. Vous voyez, tout ça

 25   montre que tout est compliqué.

 26   La deuxième chose que j'ai effectuée en vue de préparer cette audience,

 27   c'est que j'ai lu de fond en comble le mémoire préalable déposé par

 28   l'Accusation dans l'affaire Karadzic sur le rôle du général Mladic pour


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  1   essayer de faire une comparaison entre ce que faisait un général de la VRS

  2   et un général du HVO, mais ça, j'y reviendrai ultérieurement parce que ça

  3   peut également être intéressant.

  4   J'ai également fait quelques lectures sur l'opération Tempête. Vous

  5   en avez parlé X fois et j'essaie de comprendre pourquoi la République de

  6   Croatie est intervenue en 1995 avec le général Gotovina, et cetera.

  7   Voilà que le Procureur évoque le document que j'avais déjà abordé et

  8   je remercie le Procureur d'avoir mis ce document à titre des questions.

  9   Donc c'est le P 6831. Ce document, vous constatez, c'est un compte rendu de

 10   conversation entre trois personnes : Tudjman, Bobetko et Susak. Donc les

 11   trois personnages apparemment les plus importants de la République de

 12   Croatie sont là. De quoi discutent-ils dans le document ? De la question de

 13   la destruction du pont de Mostar. On constate - et ça je l'avais déjà

 14   signalé - Tudjman veut savoir qui a détruit le pont. Susak répond, et on

 15   entend un bruit de feuille. Donc on ne sait pas qui a détruit le pont.

 16   Néanmoins, Tudjman continue et dit que cette affaire va entraîner des

 17   dommages politiques et demande à ce que les auteurs soient punis et passent

 18   devant la cour martiale.

 19   Donc quand on lit ça, et on n'a a priori aucune raison de douter que

 20   là ils sont en train de mener un double jeu puisqu'ils sont entre eux,

 21   Tudjman veut avoir la vérité sur la question du pont de Mostar. C'est clair

 22   et net.

 23   Bien entendu, des fois quand on cherche la vérité, ça peut avoir des

 24   effets boomerang. A ce moment-là, comme il y a un véritable problème

 25   politique majeur - et M. Stringer a appelé votre attention sur la phrase de

 26   l'horreur politique de toutes ces nominations - c'est qu'on peut avoir le

 27   sentiment que M. Tudjman est en difficulté politique vis-à-vis de

 28   l'extérieur. Et dans ce genre de situation, il y a une règle générale que


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  1   tout le monde connaît : c'est qu'à ce moment-là, on cherche des

  2   responsables. Tudjman va avoir deux responsables sous la main, Susak et

  3   Bobetko. A ce moment-là, vous voyez, il aborde la question des nominations.

  4   Et quand on lit le "transcript" de manière attentive, on peut avoir

  5   l'impression qu'il découvre la lune, c'est-à-dire il pose la question à

  6   Bobetko et à Susak : Mais comment se fait-il que vous avez pu nommer ces

  7   gens-là, qui sont en République de Bosnie-Herzégovine, avec publication à

  8   la Gazette officielle, alors que ce sont des volontaires ? Donc on peut

  9   penser qu'il met en cause directement Susak et Bobetko. Est-ce qu'il le

 10   fait pour se dégager de sa propre responsabilité ou bien c'est la réalité ?

 11   Parce que nous, les Juges, on a deux thèses, la thèse de M. Stringer et de

 12   l'Accusation, puis il y a la vôtre. Mais ça peut être beaucoup plus

 13   compliqué que cela. Un Juge compétent essaie d'examiner le problème sous

 14   toutes ses facettes.

 15   Dans l'hypothèse où ces nominations se sont faites dans le dos de  Tudjman

 16   qui lui, peut-être sur le plan politique avait dit, il faut qu'on aide

 17   l'Herceg-Bosna, envoyez des volontaires. On a apparemment un bout de preuve

 18   dans ce document puisque celui qui était chargé de ça c'est Lucic, mais

 19   peut-être qu'il n'avait jamais dit qu'il fallait traduire cela dans des

 20   termes juridiques par dénomination; s'ils sont volontaires, qu'ils aillent

 21   là-bas et ce n'est plus de la compétence de la République de Croatie. A

 22   partir de là il met en cause Susak et Bobetko, qui vont prendre la parole

 23   pour se justifier et expliquer pourquoi tout cela a pu fonctionner. Susak,

 24   on le voit aussi, essaie un peu de se débarrasser du problème concernant la

 25   nomination d'Ante Roso. Il met ça sur le dos de Boban. Donc on a

 26   l'impression que tout le monde se passe, comme on dit en suisse ou en

 27   français, le mistigri.

 28   De ce fait, est-ce qu'ils sont en train les uns et les autres de se


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  1   positionner face à l'ouragan politico-médiatique international qui risque

  2   d'arriver, ou bien cette conversation est une véritable réalité, à savoir

  3   que Tudjman aurait dit : On va les aider. Mais maintenant sur le plan

  4   logistique et opérationnel il a laissé faire Lucic et ils se rendent compte

  5   de la catastrophe à ce moment-là.

  6   Général Praljak, j'ai été très long dans ce que je vous ai dit pour éviter

  7   toute erreur d'interprétation et pour vous faire comprendre quels sont les

  8   méandres de mes réflexions.

  9   Vous qui connaissez le général Tudjman, puisque vous avez été son

 10   conseiller, vous le connaissez bien. Lors de cette fameuse réunion du mois

 11   de novembre, du 23 novembre où l'on parle du pont de Mostar, est-ce que

 12   Tudjman était quelqu'un capable de faire opposer la responsabilité sur

 13   d'autres, ou bien prend-il conscience d'une réalité qu'il y a eu des

 14   bavures administratives par ce type de nomination, alors que lui n'avait

 15   jamais dit que l'engagement de la République de Croatie allait aller

 16   jusqu'à prendre des actes portant des normes juridiques susceptibles

 17   d'impliquer la République de Croatie ? Alors, quelle est votre opinion ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Antonetti. Ce texte

 19   nous montre clairement la deuxième des choses que vous avancez. Connaissant

 20   le président Tudjman, je vois son désespoir en raison d'une bêtise

 21   incroyable. Je le vois en train de crier, là je l'imagine en train de crier

 22   et en dépit du fait qu'il soit président, je le vois le général Bobetko,

 23   puis Bobetko dit, je cite : C'est moi qui proposait ces gens. C'est moi qui

 24   proposais des gens qui les aideraient. On parle ici du HVO. Et le président

 25   reste dans son film à lui, mais il dit : Mais regarde ce que vous avez

 26   fait. Puis en République de Croatie, mystère. Je vais sauter tout ça. Puis

 27   Susak dit : Il n'y a pas de signature. Personne n'a signé. Le président lui

 28   pose la question, je cite : Tu n'es pas au courant de la chose ? Je peux


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  1   même vous reproduire le ton de ces propos. Susak dit : Je ne suis pas au

  2   courant. Cela dit en passant, c'est une erreur du général Bobetko qui, de

  3   façon évidente, a fait les choses à la va-vite dans la situation, et c'est

  4   ainsi que les choses se font.

  5   Lucic s'est vu confier une mission. Il n'y a rien de contestable du

  6   point de vue d'aide et je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'aide pour ma

  7   part. Je puis ajouter qu'à cette époque - et vous vous souviendrai des

  8   documents qui disent que l'ABiH avait des bases logistiques en Croatie pour

  9   les armes et tout le reste - mais Franjo Tudjman ici, en termes simples,

 10   aide et dit : Mate, il faut nommer cela. On a réuni, rassemblé les

 11   volontaires, on récompensera ces volontaires.

 12   Il s'emploie en faveur de la défense de Vakuf afin qu'on ne le perde

 13   pas. Dans cette république croate, où la communauté internationale a déjà

 14   signé. Il y a déjà un accord de signé entre Tudjman et Izetbegovic, et

 15   Izetbegovic s'en fiche. Il avance avec son armée pour s'emparer d'un

 16   maximum de territoires et Franjo Tudjman dit : On a vécu un échec militaire

 17   et politique là-bas. Je vais calmer le ton. Et quelqu'un au niveau de la

 18   communauté internationale lui aurait dit : Monsieur Tudjman, est-ce que

 19   vous pouvez résoudre le problème de Vakuf ? Oui, c'est sur une page. Parce

 20   que si les Musulmans vous prenne Vakuf et Rama, on va reconnaître les

 21   faits. C'est ainsi que la communauté internationale se comporte.

 22   A vous de dissocier cela sur le plan juridique, Messieurs les Juges,

 23   mais ici il n'y a rien de cela -- il dit que c'est une horreur politique.

 24   Il est très en colère, non parce que cela pourrait être interprété par la

 25   communauté internationale de cette façon ou d'une autre façon, mais parce

 26   que lui, pour ce qui est des circonstances politiques de la Bosnie-

 27   Herzégovine, mis à part ce que la communauté internationale a fait et lui a

 28   pris part aux négociations, mis à part la constitution de la République de


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  1   Croatie, lui il ne s'est pas mêlé du reste. Il y avait à l'époque un

  2   ambassadeur de Bosnie-Herzégovine à Zagreb, il y avait un ambassadeur de la

  3   Croatie à Sarajevo ou je ne sais où. On emballe des armes pour l'ABiH dans

  4   les casernes de l'armée croate, chose que je sais parfaitement bien parce

  5   que c'est moi qui l'a organisé cela. Ces armes sont envoyées là-bas.

  6   Face à l'ABiH et au HVO pendant toute cette guerre, il y a eu ce même

  7   recul qui est celui de l'homme d'Etat, du chef d'Etat d'un autre Etat.

  8   Lorsque le HVO a failli être battu par l'ABiH, c'est-à-dire mis en déroute

  9   et en défaille, il fallait bien qu'il aide. Pourquoi voulez-vous qu'il

 10   autorise l'ABiH à mettre en défaite le

 11   HVO ?

 12   Maintenant je suis en train de me défendre devant un tribunal, parce

 13   que je m'étais défendu à l'époque. Comme en même temps il y avait 5 000

 14   Moudjahidines qui sont allés aider l'ABiH, et nous avons transporté

 15   plusieurs milliers de soldats de l'ABiH avec des hélicoptères, et cetera.

 16   Enfin, tout cet équipement qu'on a envoyé avec des documents à l'appui.

 17   Tous les documents, c'est pas moi qui l'affirme, tous les documents

 18   affirment que la Croatie s'est comportée de façon incroyablement correcte

 19   pour ce qui est de l'ABiH, et j'affirme qu'aucun chef d'Etat de la France

 20   ou de la Suisse n'aurait fait chose pareille à l'égard de son propre

 21   peuple, à savoir qu'il a laissé croître l'ABiH au détriment de la HVO

 22   jusqu'au moment où celle-ci l'a attaqué comme elle l'a attaqué.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer.

 24   M. STRINGER : [interprétation]

 25   Q.  Général, vous pouvez mettre ce jeu de documents de côté et prendre le

 26   classeur qui est à côté de vous.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'on peut

 28   dire --


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les documents vous avez, je les regarde tous,

  2   il y a un document que vous n'avez pas évoqué, ça concerne une demande de

  3   prisonniers. Je ne retrouve plus le numéro, alors vous l'avez fait exprès

  4   de ne pas l'évoquer ou ça vous a échappé ? Il peut avoir son utilité pour

  5   la manifestation de la vérité.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Ecoutez, si je me souviens bien, Monsieur le

  7   Président, je sais de quoi vous voulez parler. Je pense que lorsque j'ai

  8   posé mes questions hier, j'ai sauté ce document, parce que j'avais déjà

  9   recueilli du général une réponse qui était telle que j'estimais que je

 10   pouvais ne pas aborder ce document.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Continuez.

 12   M. STRINGER : [interprétation] J'étais sur le point de vous dire, Monsieur

 13   le Président, que les documents dans ce classeur, ainsi que le suivant, si

 14   nous arrivons à les aborder cette semaine, ce qui me semble peu probable,

 15   ces documents ont trait à l'entreprise criminelle commune. J'espérais ne

 16   pas commencer ce thème aujourd'hui, étant donné que nous allons avoir une

 17   pause de quatre semaines, mais je crois que je ne peux pas faire autrement.

 18   Donc nous allons commencer à aborder la question de l'entreprise

 19   criminelle commune aujourd'hui et maintenant et reprendre ce thème-là après

 20   les vacations judiciaires.

 21   Q.  Rien que l'autre jour, Général, nous avons évoqué le témoignage de

 22   l'ex-président -- l'ancien président Stipe Mesic, qui avait été le

 23   président de la Croatie, qui avait occupé un certain nombre de postes au

 24   sein du gouvernement croate et qui, au cours de sa carrière, lorsque je

 25   vous ai posé la question compte tenu des postes qu'il avait occupés et

 26   compte tenu de son expérience, je vous avais demandé s'il était mieux placé

 27   que vous pour parler de la politique croate et du point de vue de Tudjman

 28   sur la Bosnie-Herzégovine. Vous souvenez-vous de cette question que je vous


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  1   ai posée à propos du président Mesic ?

  2   R.  Oui, je m'en souviens.

  3   Q.  Bien, vous avez le classeur ouvert devant vous. Vous constatez que la

  4   première pièce est un extrait de l'ouvrage écrit par M. Mate Granic, qui

  5   était ministre des Affaires étrangères de la République de Croatie pendant

  6   le plus clair du conflit et qui a trait à ce procès. Il a eu une longue

  7   carrière et s'est distingué au service du gouvernement croate. Donc je

  8   souhaite vous poser quelques questions à propos de ce qu'il a écrit dans

  9   son livre, puisque beaucoup de livres ont été abordés pendant votre

 10   interrogatoire principal. Alors, ce qui m'intéresse en premier lieu, c'est

 11   le rôle, d'après M. Granic, qu'aurait joué M. Susak au sein du gouvernement

 12   ou de l'entourage du président Tudjman.

 13   Je regarde la page 3 en anglais et l'original. Il s'agit du bas de la

 14   page 31.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur Stringer.

 16   Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, ainsi qu'à

 17   toutes les autres personnes présentes, à quel moment ce livre a été publié

 18   et où, s'il vous plaît ? Ceci permet, en fait, d'identifier les ouvrages.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Il va falloir que je revienne vers vous sur

 20   ce point, parce que je ne dispose pas de cette information. Je n'ai que les

 21   extraits. Mais nous pouvons l'obtenir et dès que je dispose de cette

 22   information, je vous la communiquerai, Monsieur le Juge.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 24   M. STRINGER : [interprétation]

 25   Q.  Il s'agit d'un livre intitulé "Les Affaires étrangères en coulisses."

 26   Il s'agit de la pièce P 10402 pour le compte rendu d'audience, à la page

 27   31, dans l'original; à la page 3, en anglais, il évoque Susak et il dit :

 28   "Ce que je ne savais pas à ce moment-là --"


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  1   Et il parle, à ce stade, du point de vue de Tudjman, à savoir si le

  2   gouvernement de Greguric doit être dissout. Et Granic dit :

  3   "Ce que je ne savais pas à l'époque et ce qui m'est apparu clairement

  4   quelques mois plus tard, c'est que l'influence de la guerre en Bosnie-

  5   Herzégovine sur les points de vue de Susak. Le ministre de la Défense est

  6   devenu le bras droit de Tudjman et toutes les opérations en ABiH, et sans

  7   doute que l'idée qui consistait à expliquer ce qu'il faisait au ministre ne

  8   lui plaisait pas. Quelqu'un comme Berisha, Tomac, étaient membres de

  9   l'opposition."

 10   Ensuite, si je poursuis, à la page 14, Granic écrit, il parle de

 11   conversations qu'il a eues avec le président Tudjman à l'époque, qu'il

 12   allait devenir ministre des Affaires étrangères, et Granic écrit, en

 13   faisant référence au président Tudjman, je cite :

 14   "Il m'a dit que nous allions surtout évoquer la question de la Bosnie-

 15   Herzégovine, mais il a ajouté ensuite, 'Mate, il n'y a que Gojko Susak qui

 16   est responsable des Croates en Bosnie-Herzégovine.' Il a parlé de la BiH

 17   avec tellement de passion qu'il a quasiment eu des larmes dans les yeux,

 18   bien que nous n'ayons qu'abordé ce thème."

 19   Je vais --

 20   Mme PINTER : [interprétation] Excusez-moi.

 21   Je vois que ce document est une pièce à conviction, mais lorsqu'il

 22   s'agit de citer des extraits - c'est ce qui a été fait dans le cas de

 23   l'exposé de la thèse de la Défense Praljak - nous avons été contraints

 24   d'indiquer un titre, l'année, l'éditeur pour que l'on puisse procéder aux

 25   vérifications nécessaires avant de faire des citations. Et là, nous ne

 26   sommes pas en mesure de faire ces vérifications.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, l'information de ceci

 28   se trouve dans le système électronique du prétoire.


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  1   Suite de la citation : "…bien que nous n'ayons que commencer à

  2   aborder ce thème."

  3   Ensuite, je vais poursuivre et vous poser quelques questions, page

  4   50. Donc ceci a été publié en 2005 à Zagreb par Algoratam.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter, je vais répondre à ce que vous dites.

  6   Bon. Vous avez remarqué que mon collègue a posé la même question à M.

  7   Stringer. M. Stringer a dit qu'il va faire le nécessaire et il va nous

  8   renseigner. Donc vous allez avoir cela. Mais je suis étonné par votre

  9   intervention, Maître Pinter, parce qu'en tant qu'avocat de la Défense de M.

 10   Praljak, ça voudrait dire que vous-même, vous n'avez pas lu le livre de

 11   Mate Granic ?

 12   Mme PINTER : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, car en plus

 13   des 50 000 documents que j'ai dû lire et des ouvrages que j'ai également dû

 14   lire et consulter, car le général Praljak souhaitait que ces ouvrages

 15   soient présentés en tant qu'éléments de sa Défense, bien, je n'ai pas lu

 16   l'ouvrage de M. Mate Granic, car nous n'avons pas estimé qu'il s'agissait

 17   d'un ouvrage à lire prioritairement.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Stringer, je pense que vous

 20   avez cité ce qui se trouve sur notre exemplaire, à la page 4. Et on ouvre

 21   des guillemets, quelqu'un prend la parole, mais qui est-ce ? Parce qu'il me

 22   semble qu'il y a un saut de page entre la page précédente et cette page-ci.

 23   Ceci n'est pas très clair.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Trechsel. Je crois que

 25   la citation, on peut la lire. J'étais passé dessus, mais on peut la citer.

 26   Je vais lire la citation :

 27   "Vous aurez une entière liberté --"

 28   Je vais reprendre l'extrait. Page 49. Dans l'original, c'est la page


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  1   3. Si je puis simplement le lire, Général.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je retire ma question, parce qu'il

  3   est clair que la première phrase est une phrase prononcée par M. Tudjman.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Praljak a besoin de s'absenter pendant que --

  5   alors, on peut peut-être faire la pause parce que c'était 6 heures moins

  6   25. Donc le mieux, c'est de faire la pause tout de suite. On fait la pause

  7   de 20 minutes.

  8   --- L'audience est suspendue à 17 heures 33.

  9   --- L'audience est reprise à 18 heures 02.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise, Monsieur Stringer.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Général, pendant la pause, nous avions commencé à parler d'un livre

 13   publié par un ancien premier ministre, Mate Granic, et nous regardions un

 14   extrait du livre à la page 49, page 4 en anglais, où Granic dit, en parlant

 15   de Tudjman, je cite :

 16   "Il m'a dit que nous devrions particulièrement évoquer la question de la

 17   Bosnie-Herzégovine."

 18   Mais a ensuite ajouté, et je cite :

 19   "Mate, il n'y a que Gojko Susak qui est responsable des Croates en Bosnie-

 20   Herzégovine."

 21   Ensuite, Granic poursuit en disant :

 22   "Il a tellement parlé de l'ABiH avec passion que les larmes lui sont

 23   quasiment venues dans les yeux, alors que nous venions tout juste d'aborder

 24   cette question."

 25   Ensuite, un autre extrait à la page 50, c'est la même page, page 4 de

 26   l'anglais. Granic écrit :

 27   "Dans le gouvernement de 1991 et 1992, il n'y a que le ministre de la

 28   Défense, Gojko Susak, qui était devenu le bras droit de Tudjman pour toutes


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  1   les questions militaires et matérielles, ainsi que pour tous les contacts

  2   politiques du HDZ avec la Bosnie-Herzégovine, a pris part aux questions

  3   relatives à la Bosnie-Herzégovine, surtout lorsqu'il s'agissait des

  4   Croates. Susak était responsable et ne devait rendre des comptes qu'au

  5   président Tudjman pour les Croates qui se trouvaient là ainsi que pour la

  6   mise en œuvre des politiques qui avaient trait à la Bosnie-Herzégovine."

  7   Général, vous êtes devenu membre du Conseil national de défense de la

  8   République de Croatie et vous avez assisté à un bon nombre de ces réunions

  9   en présence de Tudjman et Susak et d'autres personnes. Etes-vous d'accord

 10   avec la déclaration de Mate Granic que nous venons de lire, à savoir que

 11   c'est Susak qui disposait de l'autorité pour ce qui est de la politique

 12   croate à l'égard des Croates en Bosnie-Herzégovine ?

 13   R.  Non, je ne suis pas d'accord.

 14   Q.  Est-ce que vous -- sous réserve, bras droit du président Tudjman ou son

 15   second, est-ce que vous conviendrez avec moi que Susak avait la principale

 16   autorité pour ce qui est de la politique à l'égard des Croates en Bosnie-

 17   Herzégovine ?

 18   R.  Je ne conviendrai pas non plus de cela, car c'étaient les Croates de

 19   Bosnie-Herzégovine qui menaient la politique sur place, et non pas Susak.

 20   Pour ce qui est de l'assistance en matière militaire, c'était Susak qui en

 21   avait la charge. Pour les finances, c'était Martinovic. Pour le ministère

 22   de l'Intérieur, c'était lui qui prenait en charge l'entraînement des

 23   Musulmans. Si vous vous rappelez les documents, les Musulmans qui devaient

 24   être entraînés pour devenir membres de la police de Bosnie-Herzégovine. Et

 25   M. Granic était impliqué activement dans les négociations par rapport à la

 26   Bosnie-Herzégovine. Lorsque j'ai fait passer ce convoi, il a prononcé un

 27   discours et a demandé que l'on laisse passer ce convoi. Cependant, son

 28   influence n'était pas assez importante. Il a également abordé un certain


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  1   nombre de sujets avec M. Prlic. Pour autant que je m'en souvienne c'était

  2   à Makarska, ils ont discuté du démantèlement des centres de détention et

  3   du reste. Il a joué un rôle important, mais s'il

  4   n'était pas d'accord avec le président Tudjman, il aurait dû donner sa

  5   démission à temps. Il a écrit cet ouvrage en 2005. Lorsqu'il a lu l'acte

  6   d'accusation dressé contre nous, c'est de peur que de se voir cité comme

  7   membre d'une entreprise criminelle commune qu'il a décidé de se laver les

  8   mains de toute une série de choses, de minorer toute une série d'autres

  9   choses et de déformer certaines réalités. Mais tout cela est inexact. Il a

 10   pris ses distances par rapport à tout cela, en fait.

 11   Q.  La page 70 de son livre, à la page 5 en anglais, c'est ce que dit

 12   Granic à propos de Mate Boban, je cite :

 13   "Mate Boban a joué un rôle particulier dans ce conflit. J'ai entendu parler

 14   de lui pour la première fois en 1992 et il est devenu le dirigeant du HDZ

 15   en Bosnie-Herzégovine."

 16   Ensuite je vais sauter quelques phrases. Il poursuit, et je cite :

 17   "Nous n'avons jamais été proches et nous avions des positions tout à fait

 18   opposées. Boban était un homme à l'esprit étroit, plein de haine pour les

 19   Musulmans de Bosnie. Il soutenait les Serbes de Bosnie. Autrement dit, il

 20   pouvait conclure un accord avec eux quelles que soient les politiques

 21   criminelles de Karadzic, Mladic et leurs sbires ou assistants. Il était

 22   clair que c'était le principal obstacle à la paix en Bosnie-Herzégovine.

 23   Aux réunions, il n'a jamais évoqué les Musulmans de Bosnie ou Musulmans. Il

 24   a simplement utilisé les termes comme 'Turcs' ou 'balija.'"

 25   Boban venait de Grude. Général Susak était originaire de Siroki

 26   Brijeg. Vous-même, vous êtes originaire de Siroki Brijeg. Nous allons

 27   parler de ceci davantage aujourd'hui et demain. Vous trois, vous aviez à

 28   peu près le même point de vue sur la façon dont la Bosnie-Herzégovine


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  1   devait être configurée pour les Croates. Votre point de vue était en faveur

  2   d'une séparation des Croates des autres groupes, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non, ce n'est pas exact. Vous avez complètement tort de dire cela.

  4   Q.  Lorsque Granic dit ici que Boban avait une idée négative des Musulmans

  5   de Bosnie, êtes-vous d'accord avec ce propos ou n'êtes-vous pas d'accord ?

  6   R.  Comment Mate Granic peut-il dire que c'était Susak qui était là au nom

  7   des Croates de Bosnie, ensuite suggérer qu'il a eu le temps de rendre

  8   compte de cela avec Mate Boban ? Alors pourquoi ensuite ne réagit-il pas

  9   lors des réunions du VONS ? Pourquoi n'exprime-t-il pas son désaccord ?

 10   Q.  Ce n'était pas ma question. Ma question, lorsque je vous l'ai posée,

 11  était comme suit: Est-il exact de dire que lorsqu'il a écrit cela, il disait

 12  que Boban avait un point de vue négatif sur les Bosniens? Etes-vous d'accord

 13    avec son évaluation du point de vue de Boban sur les Musulmans de Bosnie ?

 14 R. Je ne suis pas d'accord. C'est l'inverse. Boban avait une opinion positive

 15   concernant les Bosniens, mais il avait une opinion qui était très négative,

 16   et de plus en plus négative à mesure que le temps avançait, concernant la

 17   politique menée par Alija Izetbegovic. Il devenait de plus en plus évident

 18 pour lui qu'Izetbegovic ne menait pas une politique dans le cadre de laquelle

 19   les Croates auraient pu rester sur un pied d'égalité avec les autres,

 20   mais qu'il menait une politique de plus en plus exclusivement musulmane.

 21   Q.  Très bien. A la page suivante de l'extrait suivant, la page 71 du

 22   livre, en bas de la page 5 en anglais, il évoque le point de vue de Tudjman

 23   et il dit :

 24   "En tant que ministre des Affaires étrangères, j'ai souvent évoqué la

 25   question là-bas avec Tudjman. La Bosnie-Herzégovine était son thème favori.

 26   Il en parlait toujours au niveau stratégique, alors qu'il laissait à Susak

 27   toutes les questions d'ordre pratique, y compris l'aide militaire, le

 28   financement des Croates, les relations politiques avec le BH HDZ."


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  1   Ensuite il parle de la façon de la façon dont Tudjman recevait des

  2   informations d'autres sources. Il évoque M. Sancevic, l'ambassadeur qui a

  3   témoigné dans ce procès. Ensuite il poursuit :

  4   "L'obsession de Tudjman était de recréer la "banovina" croate qui avait été

  5   créée en 1939 en se fondant sur l'accord Cvetkovic-Macek, en vertu duquel

  6   différentes parties étaient réunies, et la "banovina" faisait partie de la

  7   Croatie. Le président m'a souvent dit que la "banovina" c'était la

  8   meilleure solution. Tout en divisant la BH en trois républiques, il y

  9   aurait une confédération au sens large du terme. C'était l'idée qui

 10   circulait en présence de Lord Owen, qui a essayé également de modifier les

 11   frontières. Ceci a reçu un soutien. Ce qui fait que Tudjman pensait que les

 12   hommes politiques britanniques et français souhaitaient diviser la Bosnie-

 13   Herzégovine, ce qui n'était pas possible sans l'accord des Etats-Unis.

 14   Tudjman était convaincu de ceci jusqu'aux négociations de Washington."

 15   Général, nous avons tellement évoqué cette question de la "banovina," cet

 16   accord Cvetkovic-Macek. Encore une fois, nous l'avons évoqué la semaine

 17   dernière lorsque nous avons évoqué le témoignage du président Mesic dans

 18   l'affaire Blaskic. Maintenant, nous avons le ministre des Affaires

 19   étrangères du président Tudjman qui, pour l'essentiel, dit la même chose, à

 20   savoir l'obsession de Tudjman. Son rêve était de réaliser la remise en

 21   place de la "banovina" croate telle qu'elle existait après 1939.

 22   Donc je vais vous poser la question que j'ai posée à propos du

 23   président Mesic : N'est-il pas exact de dire, Général, que le ministre des

 24   Affaires étrangères du président Tudjman serait mieux placé que vous pour

 25   connaître les points de vue de Tudjman sur la création à nouveau d'une

 26   banovina croate ?

 27   R.  Non, il n'était pas en meilleure position ni ne le savait mieux que

 28   moi, et ce, pour deux raisons. Tout d'abord et avant tout, parce que


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  1   préalablement à l'exercice de ses fonctions il était médecin. Il était très

  2   peu au fait à la fois en matière de politique et d'histoire.

  3   Deuxièmement, il s'agit ici d'un ouvrage dans lequel il ne dit pas la

  4   vérité, mais il cherche à justifier ses propres positions. Il faudrait ici

  5   aborder ces thèmes dans le cadre d'un ouvrage sérieux pour ce qui est de

  6   savoir quelles étaient les positions du président Tudjman par rapport à la

  7   Bosnie-Herzégovine, positions qu'il a exprimées à 50 reprises de façon

  8   publique. Il a signé tous les accords internationaux.

  9   Alors il décrit ici Tudjman avec eux dans cette croyance jusqu'au

 10   début des négociations de Washington. Mais ces négociations de Washington

 11   ne sont pas tombées du ciel, elles sont le résultat de la politique de

 12   Franjo Tudjman. Il présente cela comme si c'était tombé du ciel. C'est

 13   inexact. C'est une déformation de la réalité. Ce monsieur devrait faire

 14   mention de toutes les étapes du plan Cutileiro jusqu'à Washington et au-

 15   delà, à quel moment Mate Boban et Franjo Tudjman auraient refusé de signer

 16   quelque accord international que ce soit. Et dans aucun de ces accords

 17   internationaux il n'a jamais été question de la "banovina" croate.

 18   Q.  Général, vous avez dit ceci à plusieurs reprises. Vous venez de nous

 19   dire que le président Tudjman n'évoquait pas la question de la "banovina"

 20   lors de déclarations publiques, mais c'est un peu facile de dire que le

 21   président Tudjman ne souhaitait pas remettre en place la "banovina"

 22   simplement parce qu'il n'en parlait pas en public. C'est ainsi que la

 23   politique étrangère est menée à ce niveau-là. Un président d'un pays va

 24   dire au monde quels sont ses plans, ses objectifs. C'est souvent tout à

 25   fait l'inverse, n'est-ce pas ?

 26   R.  Peut-être est-ce le cas dans la politique des Etats-Unis. Mais

 27   dans une petite Croatie où le président Tudjman est bien conscient du fait

 28   qu'il est à la tête d'une population de quatre millions et demi d'habitants


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  1   et qu'il a accroché à son cou toutes les puissances mondiales, il ne peut

  2   pas imaginer un seul instant de s'engager dan une voie qui ne recevra pas

  3   l'assentiment de ces mêmes puissances. Bien sûr, en tant qu'historien, il a

  4   abordé un certain nombre de sujets, mais en tant qu'homme politique et en

  5   tant que docteur en histoire, il n'a pas imaginé un seul instant qu'il

  6   aurait pu faire un choix contraire au fait que la Bosnie-Herzégovine est

  7   devenue membre des Nations Unies, que Tudjman lui-même a reconnu l'Etat de

  8   Bosnie-Herzégovine et y a envoyé un ambassadeur, et ainsi de suite. Je vous

  9   en prie.

 10   Q.  Général, la pièce suivante dans votre classeur est la pièce P --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de passer à la pièce suivante, d'abord une

 12   première question.

 13   J'ai découvert ce document il y a quelques minutes avant la pause et

 14   j'ai constaté que M. Granic parle des commandants des unités

 15   professionnelles qui avaient été nommés par M. Susak. C'est entre les pages

 16   29 et 31; page 2 dans la version anglaise. Puis il cite les noms des

 17   commandants qui lui paraissent importants. Il y a Mirko Norac, Ivan Korade,

 18   Marijan Marinkovic, Milenko Filipovic, puis Ivan Kapular, le fameux Ivan

 19   Kapular dont on a parlé tout à l'heure. En lisant cette liste je me suis

 20   dit : Tiens, il ne parle pas du général Praljak, il ne parle pas du général

 21   Petkovic, pourquoi ?

 22   Mme PINTER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Le

 23   général peut certainement répondre à la question, mais je tiens à vous dire

 24   seulement que ce document, à savoir la page que vous venez de citer, elle

 25   n'existe pas en langue croate. Elle n'existe qu'en anglais. C'est la page

 26   30 chez vous que nous, en croate, nous n'avons pas. Nous, on en a 29, puis

 27   après il y a la page 31. La page 30 n'est pas traduite. Le général ne l'a

 28   pas sous les yeux. Il ne peut pas lire.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, apparemment cette page dont je

  2   cite les noms des commandants, vous ne l'avez pas donnée en B/C/S.

  3   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons vérifier cela, Monsieur le

  4   Président, et nous allons y remédier.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Indépendamment de cela, si je vous le dis, Général

  6   Praljak, c'est que j'ai le nez sur le document en anglais, donc j'ai cité

  7   les noms de ces commandants de brigade. Comment se fait-il que M. Mate

  8   Granic n'ait pas pensé à vous et n'ait pas pensé au général Petkovic ? Il y

  9   a des raisons ou il n'y en a

 10   pas ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Le général Petkovic était un

 12   officier de la JNA. Suite à un appel lancé par le président Tudjman, pour

 13   ce qui est de tous les officiers membres de l'armée populaire yougoslave,

 14   ça s'est fait en 1991, donc au début de l'agression. Il les a conviés à

 15   passer dans les rangs de l'armée croate pour conserver les grades qui

 16   étaient les leurs au sein de la JNA. Donc ils auraient les mêmes grades

 17   dans l'armée croate aussi. Il y a eu beaucoup d'officiers de l'armée

 18   populaire yougoslave à passer dans les rangs de l'armée croate. Pour autant

 19   que je sache, c'est le cas de M. Milivoj Petkovic qui, tout de suite, a

 20   pris part au combat à Zadar. Là-bas il a repoussé les attaques serbes

 21   lancées contre cette ville.

 22   Pour ce qui me concerne, j'avais ma place dans la société croate en ma

 23   qualité de metteur en scène et aussi en ma qualité d'anticommuniste et en

 24   ma qualité d'intellectuel, si on peut s'exprimer ainsi, et en ma qualité de

 25   volontaire sur le champ de bataille avec pas mal de succès, du reste.

 26   Indépendamment de la position de M. Mate Granic, qui était ministre des

 27   Affaires étrangères, à tout point de vue, je dirais que cet homme était,

 28   certes, important, mais à mes yeux, non pas particulièrement. C'était l'un


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  1   des responsables qui était censé faire du travail sans avoir beaucoup de

  2   connaissances, sans passion, du reste, et qui ferait par la suite des

  3   choses par intérêt personnel, des choses que je n'aurais jamais faites et,

  4   notamment, écrire un livre de ce genre.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxième question, puis j'en aurai une autre.

  6   A la page 70 du livre, Mate Granic fait une description de Mate Boban. Je

  7   n'y reviens pas. Simplement, il dit que Mate Boban - je le vérifierai à

  8   partir des "transcripts" présidentiels qui sont en possession - parlait des

  9   Musulmans, en disant les Turcs ou les "balija." Vous avez assisté à

 10   plusieurs réunions et on le sait par les "transcripts," réunions dans

 11   lesquelles se trouvait Boban. Dans votre souvenir, est-ce vrai que M.

 12   Boban, quand il parlait des habitants musulmans de la République de Bosnie-

 13   Herzégovine disait Turcs ou "balija" ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais entendu prononcer ce genre

 15   d'expression. Mais vous avez les transcriptions présidentielles. Pour

 16   autant que je m'en souvienne, il ne s'est jamais servi de ce type de terme.

 17   Il est consigné là-bas exactement ce que Boban dit au sujet de la politique

 18   d'Izetbegovic, ce qu'il propose et toute la douleur ressentie par lui pour

 19   ce qui est de cette politique. Il doit, bien sûr, défendre les intérêts du

 20   peuple croate dans le cadre des négociations et de l'égalité en droits,

 21   chose qui n'était pas avancée ni du côté serbe ni du côté bosnien. On en a

 22   vu 40 ou plus, et je ne me souviens pas qu'on y ait vu des termes "Turcs,"

 23   ou "balija," comme vous le dites. Il se peut que je me trompe, mais je fais

 24   confiance à M. le Procureur, il le retrouvera bien.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document, le Procureur a abordé cela en

 26   parlant de l'obsession de M. Tudjman pour la "banovina." C'est ce que dit

 27   M. Granic, et il dit qu'il avait été envisagé une confédération avec trois

 28   républiques. On peut penser à une république croate au sein de la


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  1   République de Bosnie-Herzégovine, une république serbe Srpska au sein de la

  2   République de Bosnie-Herzégovine, puis une république bosniaque, qui

  3   seraient toutes les trois dans une confédération. Il dit que tout cela a

  4   été évoqué de Lord Owen, et il rajoute - et là c'est le ministre des

  5   Affaires étrangères qui parle - il dit que Tudjman y croyait.

  6   Alors, entre croire et être certain il y a une nuance que les

  7   Britanniques et les Français étaient en faveur de cette division.

  8   Il rajoute - et c'est ça qui est intéressant, me semble-t-il - que ça

  9   ne serait possible qu'avec l'agrément des Etats-Unis. Donc M. Granic, sans

 10   dire que M. Tudjman avait dans l'idée cela, la "banovina," mais que cette

 11   idée ne pouvait être réalisée qu'avec le feu vert des Américains.

 12   Est-ce que l'analyse politique de politiques internationales, même de

 13   grandes politiques internationales, développée par M. Granic, coïncide avec

 14   ce que vous avez appris dans les contacts que vous avez eus avec Tudjman,

 15   Susak, Granic et les autres. Est-ce que ce qu'il dit là est la réalité, à

 16   savoir sans les Américains il n'était possible de rien faire ?

 17   R.  Pour l'essentiel, oui. A chaque fois qu'il y avait des accords - et le

 18   président Tudjman a été parfaitement conscient - il l'a dit à plusieurs

 19   reprises, il a parlé de ce monde tel qu'il était, il était conscient des

 20   rapports des forces, je vous cite, il a dit ce monde tel qu'il est. Alors,

 21   ce disant, il pensait que le monde n'avait pas beaucoup de moralité et que

 22   souvent on intervenait que dans l'intérêt propre de tout un chacun. La

 23   Croatie a ressenti cela au fil des siècles, à savoir les intérêts des

 24   autres. Donc il est conscient de ses potentiels et c'est pour cela qu'il

 25   signe ou cosigne Cutileiro, Vance-Owen, Vance-Stoltenberg, la fédération

 26   avec la confédération avec la Croatie, les accords de Dayton, c'étaient des

 27   efforts déployés aux fins de protéger les intérêts du peuple croate.

 28   Monsieur le Juge Antonetti, quand il s'agissait de ce terme de "banovina,"


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  1   il était question d'un aménagement intérieur de la Bosnie-Herzégovine,

  2   alors que dans ce cas-là, la partie de la Bosnie-Herzégovine qui à l'époque

  3   avait fait partie de la "banovina" ou à peu près, devrait constituer la

  4   partie où les Croates étaient majoritaires et cette partie-là constituerait

  5   cette république croate au sein de la Bosnie-Herzégovine.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vois pas la question. La "banovina," on en a

  7   parlé, on y reviendra certainement. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est

  8   l'analyse politique que fait M. Granic.

  9   Si je pars du fait que le projet de M. Tudjman de la "banovina" ne

 10   pourrait être réalisé qu'avec l'accord des Américains - c'est ça qui est

 11   écrit noir sur blanc - à ce moment-là, M. Tudjman connaît la position des

 12   Américains, puisque l'ambassadeur qui est venu et qui était à votre place

 13   nous l'a expliqué. Tous les jours il était soit dans le bureau, soit au

 14   téléphone avec Tudjman. L'ambassadeur est décédé. On a également la

 15   déclaration, il a également dit beaucoup de choses.

 16   Alors, si Tudjman sait que rien ne peut se faire qu'avec l'accord des

 17   Américains, dans cette hypothèse, est-il concevable que dans le dos des

 18   Américains il dirige en sous-main le HVO et le HZ HB, pour que ceux-ci

 19   mènent leur politique allant dans le sens de M. Tudjman alors même que les

 20   Américains ont mis leur veto ? Est-il envisageable une seconde que M.

 21   Tudjman ait pu jouer un double jeu à l'égard des Américains alors qu'il

 22   sait parfaitement leur position ?

 23   Vous comprenez ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends parfaitement bien. C'est

 25   impensable, pas même dans les rêves les plus fous d'un ivrogne, c'est

 26   impensable. Le président Tudjman a essayé de faire participer les

 27   Américains au MPRI, à savoir les généraux américains qui étaient venus

 28   aider les Croates. Avec l'opération Tempête, il a attendu l'épuisement de


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  1   toutes les négociations pour que les Américains donnent le feu vert pour

  2   libérer la Croatie.

  3   Encore moins, pour créer quelque chose en Bosnie-Herzégovine, mais

  4   même pas dans le plus fou des scénarios. Il attend l'opération Tempête pour

  5   libérer la Croatie. C'est-à-dire qu'on a négocié pendant trois ans pour

  6   avoir l'autorisation de libérer la Croatie et sauver Bihac, parce que

  7   Srebrenica, on a vu comment ça s'est passé, et les Américains, suite à des

  8   questions qu'il a posées pour ce qui est de pouvoir y aller, il a attendu

  9   qu'on lui dise : Vas-y. C'est inconcevable.

 10   Enfin, moi, j'ai répondu.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, je n'ai plus de questions à poser sur ce livre,

 12   pour le moment.

 13   M. STRINGER : [interprétation]  Monsieur le Président, nous avons

 14   maintenant la page 30 de l'original qui manquait dans le système

 15   électronique du prétoire. Ceci a été remis à toutes les parties, et à ce

 16   stade, je ne sais pas si nous avons besoin d'y revenir, mais peut-être que

 17   Mme Pinter peut en décider.

 18   Mme PINTER : [interprétation] Je ne peux pas décider. C'est aux Juges qu'il

 19   appartient de décider.

 20   Ce que je peux dire, c'est que cette page n'existait pas dans

 21   l'affichage électronique. Je voudrais qu'on la mette dans l'affichage

 22   électronique pour en faire une pièce à conviction, parce que sans cette

 23   page en langue croate, la pièce à conviction n'est pas complète.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter, c'est de la compétence du greffier.

 25   C'est à lui d'intégrer dans le système e-court ce document. Le Procureur

 26   l'a versé, cela a été un oubli, mais maintenant, tout ceci est réparé.

 27   Bien.

 28   Monsieur Stringer, vous pouvez continuer.


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  1   M. STRINGER : [interprétation]

  2   Q.  Général, vous pouvez mettre ce document de côté. C'était la page qui

  3   contient ce texte qui a fait l'objet de la question du Président de la

  4   Chambre où certains des généraux étaient nommés par Gojko Susak. Je vais

  5   passer au document suivant.

  6   R.  Non.

  7   Q.  Document suivant, P 00089, un des "transcripts" présidentiels, 27

  8   décembre 1991. Nous avons déjà consacré beaucoup de temps à l'examen de ce

  9   "transcript" pendant ce procès, il va falloir que nous y revenions, je

 10   pense. Espérons que d'ici à demain soir, ou en fin de journée, nous en

 11   aurons terminé.

 12   Première chose, est-ce que nous pouvons revenir en arrière, parce que la

 13   transition me semble bonne. Nous allons, pour ce faire, prendre la pièce P

 14   10402, page 50. C'est le livre de Granic; 4, en anglais. Il écrit ceci, M.

 15   Granic :

 16   "Mis à part le président, rares sont ceux parmi les dirigeants de l'Etat et

 17   dans le HDZ qui s'occupent du problème de la Bosnie-Herzégovine. Même si

 18   j'étais vice-premier ministre dans le gouvernement de Greguric, j'ai eu

 19   connaissance de cette réunion consacrée à la Bosnie-Herzégovine qui s'est

 20   tenue le 27 décembre 1991 dans le palais présidentiel, seulement plusieurs

 21   années plus tard en lisant un magazine," dit-il.

 22   Voyons maintenant ce "transcript" présidentiel de la réunion du 27 décembre

 23   1991. Voici l'idée que je vous propose, la réunion mentionnée par Granic

 24   dans son livre, c'est bien celle dont on trouve le procès-verbal dans ce

 25   "transcript," n'est-ce pas ? Nous allons donc en parler.

 26   Pour dresser le décor, pour ainsi dire, il s'agit d'une réunion du

 27   président Tudjman. Comme le dit la première page, il accueille des invités,

 28   une délégation du HDZ de Bosnie-Herzégovine. Si vous feuilletez ce


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  1   document, vous allez voir qu'il y a Stjepan Kljujic, à l'époque il était

  2   président du HDZ de Bosnie-Herzégovine. Il est présent, mais il n'est pas

  3   seul. Nous allons parler de Dario Kordic, qui était présent, de Ignjac

  4   Kostroman aussi, et d'autres personnes. Mais vous, vous n'étiez pas là,

  5   n'est-ce pas, Général ? Vous n'avez pas assisté à cette réunion ?

  6   R.  Non. A l'époque, j'étais au champ de bataille à Sunja, non loin de

  7   Sisak.

  8   Q.  Page 17 du "transcript" présidentiel, Boban commence une intervention.

  9   Nous sommes en décembre 1991. Il dit, je le cite :

 10   "Vous savez tous que récemment il y a eu une entité différente dans le

 11   territoire de Bosnie-Herzégovine, ou plutôt, une continuité de la politique

 12   du HDZ et du peuple croate en général. Il existe quelque chose de nouveau

 13   qui s'appelle la communauté croate d'Herceg-Bosna et la communauté croate

 14   de Posavina dans le nord de la Bosnie."

 15   Vous êtes d'accord, n'est-ce pas, pour dire que le décret portant

 16   établissement de la communauté croate d'Herceg-Bosna date du mois

 17   précédent, de novembre 1991, n'est-ce pas ? Ce n'est pas grave si vous ne

 18   le savez pas.

 19   R.  Enfin, je ne voudrais pas parler de dates. Pour en parler, il faut me

 20   montrer des documents. Je ne conteste pas ce que vous dites, mais ne me

 21   demandez pas de confirmer quelque chose au sujet de documents que je n'ai

 22   pas sous les yeux et, notamment, de choses où je n'ai pas pris part moi-

 23   même.

 24   Q.  D'accord. Paragraphe suivant, il dit ceci -- je saute quelques lignes

 25   de ce que Boban dit, et puis il dit ceci :

 26   "Si la Bosnie-Herzégovine demeurait un Etat indépendant sans aucun lien

 27   avec l'ancienne Yougoslavie qui se désintègre, ou une Yougoslavie nouvelle,

 28   ou si la Bosnie devait se désintégrer, la zone où quelque 650 000 Croates


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  1   vivent appliquerait des méthodes démocratiques reconnues internationalement

  2   pour se constituer territoire croate indépendant, qui pourrait adhérer à

  3   l'Etat de Croatie, mais uniquement au moment où les dirigeants croates, en

  4   qui notre peuple fait absolument confiance, décideront que le moment

  5   opportun est venu."

  6   Mate Boban était jusqu'en décembre 1991 président de la HZ HB, et ce qu'il

  7   voulait, c'était un territoire croate indépendant en Bosnie-Herzégovine

  8   qui, à un moment donné, allait adhérer à ou faire partie de l'Etat de

  9   Croatie ? Etes-vous d'accord avec moi pour dire que c'est ce qu'il dit ici,

 10   c'est ce qu'il exprime ?

 11   R.  Ce qu'il dit est tout à fait contraire à ce que vous affirmez. Je ne

 12   suis pas d'accord avec vous, mais je suis d'accord avec ce que Mate Boban

 13   dit ici. Vous n'êtes pas en train de dire ce qu'avance ici Mate Boban, donc

 14   je ne peux pas être d'accord avec vous. Mais je suis d'accord avec Mate

 15   Boban, bien que je n'ai absolument pas été sur place, et il dit que si

 16   jamais on assiste à l'effondrement, dans ce cas, c'est par des procédés

 17   démocratiques et internationalement reconnus qu'il pourrait être envisagé

 18   cela, si les Musulmans et les Serbes en Bosnie-Herzégovine se mettent

 19   d'accord sur la base d'un accord historique, et s'ils souhaitent emmener

 20   leur part pour l'intégrer à la Yougoslavie alors, dans ce cas-là, je peux

 21   dire devant cette Chambre que Praljak se serait battu pour que la partie où

 22   vivent des Croates ne parte pas rejoindre la Yougoslavie, et non seulement

 23   il l'aurait fait alors, mais également aujourd'hui. Mais il ne s'agit pas

 24   de dire ici qu'il va y avoir effondrement. Mais s'il y a effondrement, à

 25   vrai dire, si quelqu'un d'autre entraîne cet effondrement du pays, dans ce

 26   cas-là nous allons nous battre par des méthodes internationalement

 27   reconnues pour que les Croates reçoivent ce qui est leur dû.

 28   Q.  En fait, Général, M. Boban cerne deux possibilités qui pourraient régir


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  1   cette proclamation d'un territoire croate indépendant. Vous vous êtes

  2   intéressez à la première des possibilités, mais vous avez fait l'impasse

  3   sur la première. Il dit ceci :

  4   "Si la Bosnie-Herzégovine reste un Etat indépendant sans aucun lien avec

  5   l'ancienne Yougoslavie qui se désintègre ou une Yougoslavie future…"

  6   Donc si la Bosnie-Herzégovine reste un Etat indépendant ou si la Bosnie se

  7   désintègre. Selon l'un ou l'autre de ces scénarios, d'après Boban, il va y

  8   avoir proclamation d'un territoire croate indépendant et une adhésion à la

  9   Croatie. Ce n'est pas une bonne lecture ?

 10   R.  Non, pas du tout. Si la Bosnie-Herzégovine reste un Etat indépendant --

 11   mais je cite :

 12   "Au cas où la Bosnie-Herzégovine resterait un Etat indépendant dénué de

 13   tout lien avec quelque forme de Yougoslavie que ce soit - en train de

 14   s'effondrer ou quelque forme de Yougoslavie future que ce soit," et on

 15   entend par là que les Croates, dans ce cas-là, restent dans le cadre de la

 16   Bosnie-Herzégovine, se battent pour cette dernière et en forme une partie

 17   constitutive. Mais ensuite il est écrit "ou," mais en fait c'est une

 18   erreur, c'est "ali" qu'il faut lire, c'est-à-dire "mais." S'il y a

 19   désintégration, c'est tout à fait clair jusqu'au jour d'aujourd'hui. Toutes

 20   les politiques qui ont été menées ont gardé cela à l'esprit en permanence.

 21   Q.  Je vais passer à autre chose. Je pense que vous nous avez livré votre

 22   interprétation de cette déclaration de M. Boban.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit que vous allez passer à autre chose.

 24   Je me permets de revenir sur le texte, Monsieur Praljak, parce que c'est

 25   important puisque c'est M. Mate Boban qui s'exprime. Tout le monde doit

 26   avoir remarqué que lorsqu'il parle, il n'y a pas de Turcs ou de "balija."

 27   Peut-être qu'il y en a ailleurs, mais là on n'en voit pas. Ceci étant dit,

 28   son discours semble être axé sur deux choses. Il informe tous les


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  1   participants qu'il y a eu création de la communauté croate et c'est ce que

  2   M. Stringer a dit en vous demandant, est-ce que c'est en liaison avec ce

  3   qui c'était passé antérieurement. Là vous n'avez pas pu répondre, mais on

  4   pourrait penser qu'il y a un lien direct. Mais, Monsieur Praljak, remarquez

  5   que M. Boban définit ce que c'est que cette communauté croate. Elle est

  6   politique, culturelle et économique. Il n'y a pas la notion de territoire.

  7   C'est ce que je remarque.

  8   Vous êtes d'accord que dans ce qu'il définit, il n'y a pas de

  9   territoire dans le texte en B/C/S ? J'ai le texte en anglais.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est également le cas dans le texte en B/C/S,

 11   il n'y a pas de notion de "territoire." On parle de "communautés" au

 12   pluriel, "communautés croates." Il s'agit encore de communautés qui se

 13   trouvent en différents endroits. Il s'agit ici de la détermination

 14   culturelle, politique et économique du peuple croate à l'intérieur de la

 15   Bosnie-Herzégovine, Monsieur le Juge.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, puisque effectivement la fin de la phrase c'est

 17   "en Bosnie-Herzégovine."

 18   L'autre partie qui est la plus intéressante, où il parle de la

 19   possibilité de la création d'un territoire croate indépendant, mais je note

 20   dans la formule anglaise que tout cela est conditionnel, c'est-à-dire que

 21   ça passe par toute une série de conditions. Désintégration de l'Ex-

 22   Yougoslavie, désintégration de la Bosnie. Ensuite il faut que la communauté

 23   internationale reconnaisse cela par un processus des méthodes

 24   démocratiques, puis le verrou semble être fait. C'est que même si tout ceci

 25   aboutit, encore faut-il que le peuple croate de la République de Croatie

 26   soit d'accord. Donc il y a toute une série de conditions.

 27   Est-ce que dans le texte dans votre langue ceci apparaît bien par

 28   toutes ces conditions ?


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  1   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous propose de voir la page 17

  2   en croate. Le paragraphe est très long. On voit [inaudible] ce sont les

  3   premiers mots, et cetera.

  4   Je propose ceci. Peut-on lire ce paragraphe et nous entendrions les

  5   interprètes.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : L'idée de mon collègue est excellente. Pouvez-vous

  7   lire le paragraphe à partir de "U tom" ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais le faire très lentement avec un

  9   avertissement, toutefois. Je vais vous montrer qu'il n'y a que ces mots

 10   "ili," "ou," qui est une erreur et que le sens qu'on a voulu exprimer c'est

 11   "ali," "mais." Donc c'est juste un avertissement. Je vais donner lecture du

 12   texte, mais je voulais juste attirer votre attention là-dessus. Je vais en

 13   donner lecture et après je vais dire ce qui, selon moi, représente

 14   l'essence de cette phrase.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, mais quelle est

 16   l'autorité dont vous êtes investi qui vous permet de changer le texte ?

 17   Parce que vous n'aimez pas le texte comme il est ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge Trechsel. Je n'ai pas

 19   dit que je vais changer la signification, j'ai dit que je vais donner

 20   lecture du texte tel qu'il est écrit. Mais je me propose de montrer que ce

 21   mot "ili" qui signifie "ou" est absurde après avoir donné lecture. Alors je

 22   cite :

 23   "C'est en ce sens qu'a été mis en place ce cadre pour l'expression de la

 24   volonté politique du peuple croate, volonté politique qui a été exprimée de

 25   la façon la plus optimale par le HDZ auquel le peuple a confié la direction

 26   pleine et entière. Et ce cadre, c'est l'établissement de ces communautés

 27   croates qui représentent, par conséquent, la détermination spatiale,

 28   politique, culturelle et économique du peuple croate en Bosnie-Herzégovine.


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  1   Et au cas où la Bosnie-Herzégovine resterait un Etat indépendant, mais sans

  2   maintenir aucun lien avec l'Etat précédent en cours d'effondrement ou toute

  3   Yougoslavie future quelle que soit sa forme, ou alors" -et là je pense

  4   qu'il faut lire "ali," c'est-à-dire "mais," alors que ce qui est écrit,

  5   c'est "ili", "ou" - si cet Etat devait s'effondrer, dans ce cas-là, cet

  6   espace au sein duquel vivent à peu près 650 000 Croates serait amené dans

  7   une situation où il faudrait travailler la question en appliquant des

  8   méthodes internationalement reconnues et démocratiques aux fins de déclarer

  9   cet espace comme étant un espace croate indépendant qui serait rattaché à

 10   l'Etat croate, mais cela au moment où les dirigeants croates au sommet, qui

 11   jusqu'à ce jour ont joui de la confiance absolue de notre peuple,

 12   décideront que ce moment est arrivé."

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak -- attendez. C'est important ce que

 14   je vais dire.

 15   Dans ce que vous avez dit, la traduction en français introduit la

 16   notion d'espace spatial. Quand tout à l'heure j'ai dit dans le texte

 17   anglais, il n'y a que politique, culturelle et économique, il n'y avait pas

 18   l'espace. Or, quand vous avez lu dans la langue, la traduction a parlé de

 19   la détermination spatiale et politique. Donc dans votre langue, cette

 20   notion d'espace a été intégrée. Voilà ce que je voulais dire par rapport à

 21   la traduction anglaise, peut-être la différence qui apparaît.

 22   Alors, Maître, vous vouliez intervenir.

 23   Mme TOMANOVIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président. Je

 24   voulais intervenir précisément au sujet de ce que vous venez de dire.

 25   C'est mon devoir que de signaler qu'en page 89 du compte rendu

 26   d'audience, en lignes 11, 16 et 19, à chaque fois que l'on a utilisé le mot

 27   "territory" dans l'interprétation anglaise, "territoire," j'estime que

 28   c'est une mauvaise traduction, car à chaque fois, le général Praljak


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  1   donnait lecture du terme "prostor" en croate, c'est-à-dire "area" en

  2   anglais ou "espace." Nous avons déjà eu cette discussion dans ce prétoire

  3   avec le témoin Buntic, qui est avocat et qui nous a expliqué, d'un point de

  4   vue juridique, la différence entre "prostor," "espace" ou "zone", et

  5   "territoire".

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Tomanovic, vous m'excuserez d'avoir

  7   été plus rapide que vous, mais j'avais noté cela.

  8   Oui, Monsieur Praljak.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici il n'est même pas question de cette notion

 10   d'espace. Il s'agit d'un syntagme politico-spatial ou "spatial et

 11   politique." On ne parle pas de la notion de territoire isolément. Donc ce à

 12   quoi l'on pense, c'est là où se trouvent les membres du HDZ et là où ces

 13   derniers ont procédé à la fondation de quelque chose. Donc les deux notions

 14   sont liées d'un point de vue politique et spatial, c'est-à-dire le HDZ a

 15   ses membres à tel et tel endroit et qui ont procédé à la mise en place de

 16   telle ou telle structure.

 17   Mme PINTER : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais juste

 18   intervenir pour le compte rendu d'audience, page 89, ligne 9, en rapport

 19   avec la traduction. Je souhaite intervenir, parce que derrière cette notion

 20   de territoire qui aurait dû être "area," c'est-à-dire "zone" ou "espace,"

 21   on a placé une virgule dans le compte rendu d'audience

 22   LE TÉMOIN : [aucune interprétation] 

 23   Mme PINTER : [interprétation] Alors que dans l'original, il n'y a pas de

 24   virgule. Donc on a introduit une séparation là où il n'y en a pas.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est un syntagme.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : De toute façon, M. Stringer reviendra certainement

 27   demain sur cette question, donc nous aurons l'occasion d'y revenir, je

 28   pense.


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  1   Comme vous le savez, nous siégeons demain matin dès 9 heures. Donc la nuit

  2   va être très courte et j'aurai le plaisir de tous vous revoir demain matin.

  3   Sur ce, je vous souhaite à vous une bonne fin de soirée.

  4   L'audience a lieu dans cette pièce, en salle I et pas III. De ce

  5   fait, il faut qu'on amène nos classeurs, sauf mon collègue, qui a une

  6   secrétaire fort diligente qui viendra lui prendre son classeur. Mais je

  7   vais prendre le mien et mes collègues aussi.

  8   Donc je vous souhaite à tous une bonne soirée et à demain.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le jeudi 16 juillet

 11   2009, à 9 heures 00.

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