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1 Le jeudi 27 août 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [L'accusé Coric est absent]
5 [Le témoin vient à la barre]
6 --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour chacun
10 dans le prétoire et hors du prétoire.
11 Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et
12 consorts. Merci, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
14 En ce jeudi 27 août 2009, je salue M. Praljak, je salue MM. Prlic, Stojic,
15 Petkovic, et Pusic. Je salue Mmes et MM. les avocats, M. Stringer et
16 toutes ses collaboratrices ainsi que les personnes qui nous assistent.
17 Nous allons donc terminer cette semaine par la fin du contre-
18 interrogatoire mené par M. Stringer à partir de classeurs. Donc je donne la
19 parole à M. Stringer.
20 LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]
21 [Le témoin répond par l'interprète]
22 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Bonjour à tous, bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les
24 personnes également hors du prétoire.
25 Contre-interrogatoire par M. Stringer : [Suite]
26 Q. [interprétation] Bonjour, Mon Général.
27 R. Bonjour, Monsieur Stringer.
28 Q. Mon Général, je demanderais à M. l'Huissier de bien vouloir vous
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1 remettre le classeur qui contient six documents simplement. Je crois que
2 nous arrivons à la fin de ce classeur, Mon Général. Hier, nous en étions
3 arrivés à la pièce P 03458.
4 Vous avez trouvé ce document, Mon Général ?
5 R. Je l'ai trouvé, Monsieur Stringer.
6 Q. Je vous ai donc posé quelques questions au sujet de ce document et
7 ensuite nous avons suspendu l'audience d'hier. C'est un rapport qui date du
8 15 juillet 1993, qui émane du chef du SIS de Tomislavgrad, et qui est
9 adressé à la direction du SIS. Dans ce rapport il est question de la
10 situation à Prozor, et l'auteur du rapport évoque en particulier les crimes
11 et les actes de terreur qui ont lieu et qui visent la population musulmane
12 de Prozor.
13 Mon Général, hier, à la suspension de l'audience, je venais de vous
14 interroger au sujet de vos responsabilités par rapport aux civils qui se
15 trouvaient dans les zones tombées sous le contrôle du HVO; vous vous
16 rappelez ces questions ?
17 R. Je me les rappelle.
18 Q. Et vous avez établi une distinction, ou en tout cas, vous avez parlé de
19 vos responsabilités, si je vous ai bien compris, vos responsabilités par
20 rapport aux positions du HVO sur le front, c'est-à-dire les lieux où vous
21 meniez des combats, n'est-ce pas ?
22 R. Exact. Je m'en souviens, Monsieur Stringer.
23 Q. Je voudrais qu'un point soit bien précisé avant que nous passions à
24 l'examen du document suivant. Mon Général, ce que je soutiens devant vous,
25 enfin, je vais peut-être formuler les choses un peu différemment, parce que
26 nous parlons désormais de la journée du 15 juillet 1993, c'est-à-dire d'un
27 moment où le général Petkovic était chef de l'état-major principal du HVO,
28 à savoir le plus haut responsable militaire au sein du HVO. Est-ce bien le
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1 cas ?
2 R. Il occupait le poste le plus important au sein de l'état-major vis-à-
3 vis des unités qui relevaient de la responsabilité de cet état-major.
4 Q. Et à ce moment-là, à savoir la date du 15 juillet 1993, vous commandiez
5 des unités du HVO sur le terrain dans la zone de Prozor; est-ce exact ?
6 R. Non, Monsieur. Le 15 juillet 1993 je ne me trouvais plus sur le
7 territoire de l'Herzégovine, car après la fin de l'opération de Boksevica
8 je suis rentré à Zagreb où je suis resté jusqu'au 24 et j'y ai repris mes
9 fonctions.
10 Q. Nous avons déjà parlé de cette opération. Le 15 juillet 1993, Mon
11 Général, dites-nous, je vous prie, puisque vous êtes entré en fonction en
12 qualité de commandant de l'état-major principal du HVO neuf jours après le
13 jour où ce document a été rédigé, considérez-vous que le 15 juillet, en
14 tant que chef de l'état-major principal, c'est le général Petkovic qui
15 assumait la responsabilité de la protection des civils qui se trouvaient
16 dans les zones sous contrôle militaire du HVO ?
17 R. Je ne considère pas que ce soit le cas, Monsieur. Cela est impossible.
18 Cela ne correspond pas aux règlements militaires. Il est impossible qu'une
19 armée protège ou soit responsable de territoires situés hors de la zone de
20 responsabilité lui incombant. C'est seulement en cas d'arrivée d'une force
21 d'occupation sur les lieux, comme cela s'est passé en Irak, par exemple,
22 qu'on peut l'envisager. Mais même dans un cas comme celui-là, vous le
23 constatez à partir de l'exemple de l'Irak que je viens de donner, Bagdad,
24 et cetera, l'armée n'est pas en mesure d'assurer la protection de tous ces
25 civils. C'est simplement impossible.
26 Q. Ce rapport, Mon Général, évoque la zone de Prozor et les Musulmans. Je
27 vais lire un passage qui se trouve en page 2 de la version anglaise :
28 "Ils enlèvent aux Musulmans les bijoux, l'argent et tous les objets de
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1 valeur --"
2 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une question à vous poser, parce que je vous
3 écoute très attentivement, comme vous vous en doutez, et puis vous venez de
4 poser une question au général Praljak qui me semble être une question très
5 juridique. Le général Praljak a répondu, mais apparemment avec le bon sens
6 semble bien connaître toute la jurisprudence.
7 Vous lui posez la question, vous êtes responsable des civils. Alors
8 moi, Monsieur Stringer, je voudrais savoir sur quel fondement juridique
9 vous dites ça. L'accusé vous répond en disant : Moi, je suis responsable de
10 la zone de commandement dans la zone militaire. Et il me semble, sauf
11 erreur de ma part, que dans la jurisprudence des tribunaux de Nuremberg,
12 concernant un général de la Wermacht, il avait été effectivement dit qu'en
13 cas d'occupation le général est responsable des civils, mais en zones
14 d'occupation. Alors moi je voudrais être un peu clair dans ce que vous
15 dites, est-ce que de la part de l'Accusation le fait que dans le cas d'une
16 guerre civile ou dans toute autre forme de guerre, la zone de commandement
17 militaire implique une compétence sur le sort des civils.
18 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que nous
19 parlons peut-être de deux choses différentes. Le général nous a détournés
20 de notre direction principale. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le statut
21 du HVO. Je ne m'intéresse pas au fait de savoir s'il s'agissait d'une force
22 d'occupation ou pas. Ce qui m'intéresse davantage c'est d'apprendre de la
23 bouche du général ce que lui croit avoir été ses responsabilités ou les
24 responsabilités de son prédécesseur, le général Petkovic, pas au sens
25 juridique, mais au sens factuel. Le commandant ou le chef de l'état-major
26 principal du HVO a de nombreuses responsabilités factuelles qu'il est tenu
27 d'assumer. Il commande, il planifie, il déploie des hommes et ce que je
28 m'efforce de faire, c'est interroger le général quant à sa façon de voir ce
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1 qu'il en était. Est-ce que oui ou non, au nombre de ses responsabilités
2 factuelles, en qualité de commandant, il y avait la nécessité de protéger
3 la population civile contre les crimes. Est-ce qu'à son avis ceci fait
4 partie des responsabilités qui lui incombaient ? Donc voilà la raison pour
5 laquelle je pose les questions que je pose.
6 Q. Mon Général, je vais essayer de fragmenter les choses. Dans ce rapport,
7 il est question de crimes commis à l'encontre de la population musulmane et
8 dont les auteurs sont principalement des policiers militaires, comme c'est
9 écrit dans le texte. Pouvons-nous, vous et moi -- ou plutôt, partons du
10 principe, si vous voulez bien, que ces Musulmans se trouvaient dans un
11 quartier de Prozor qui était sous le contrôle des forces armées du HVO,
12 donc de l'armée HVO; d'accord ? Pouvons-nous nous mettre d'accord sur ce
13 point avant de poursuivre le débat ?
14 R. Monsieur Stringer, Prozor n'était pas sous le contrôle des forces du
15 HVO.
16 Q. Je ne vous demande pas, mon Général. D'ailleurs, je vais vraiment
17 insister auprès de vous pour que vous vouliez bien écouter précisément mes
18 questions et y répondre avec le plus grand soin.
19 Il y avait une partie de Prozor qui était sous le contrôle des forces
20 armées du HVO. Ceci est-il exact ?
21 R. Non. Pourquoi vous attendez-vous que j'accepte cette formulation de
22 "sous le contrôle du HVO" ? Le HVO, dans certaines parties de Prozor, de la
23 municipalité de Prozor, tenait des lignes de front faisant face à l'armée
24 de la Republika Srpska à l'ouest. Le HVO tenait également des lignes de
25 front face à l'armée de Bosnie-Herzégovine dans le secteur et la
26 responsabilité du HVO consistait à maintenir l'ordre sur ces fronts. Si ces
27 fronts étaient proches d'un village ou de plusieurs villages ou si le front
28 se trouvait dans un village, le HVO était responsable de veiller à ce que
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1 ses hommes ne commettent rien de contraire à la loi dans ces villages ou
2 dans les maisons de ces villages. Le HVO était responsable dans le sens où
3 il lui incombait d'émettre un ordre pour faire connaître aux troupes la loi
4 de la guerre et la leur donner en exemple pour que cette loi dicte leur
5 comportement. Le reste c'était la responsabilité des autorités civiles.
6 Q. Très bien, mon Général. Derrière les lignes de front tenues par le HVO,
7 il y avait des zones où des civils musulmans habitaient et ces zones
8 étaient sous le contrôle des forces armées du HVO, n'est-ce pas ?
9 R. Non, Monsieur. Ces zones n'étaient pas sous le contrôle des forces
10 armées du HVO. En effet, les hommes étaient dispersés dans 50 à 60 villages
11 de la municipalité de Prozor et ces hommes pouvaient aller jusqu'à Mostar,
12 et cetera. Ces gens habitaient là et comme tout le monde de par le monde,
13 ils couraient certains risques vis-à-vis de voleurs éventuels ou de
14 cambrioleurs, mais ils n'étaient pas sous la responsabilité du Conseil
15 croate de Défense et de son état-major principal. Je vous le dis très
16 clairement.
17 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Stringer, excusez-moi de
18 vous interrompre, mais je ne comprends pas très bien la situation. Dans
19 votre réponse précédente, vous avez dit que le HVO tenait des lignes de
20 front face à l'armée de la Republika Srpska à l'ouest et face à l'armée de
21 Bosnie-Herzégovine ailleurs. Donc cela c'était dans certaines zones de la
22 municipalité de Prozor. Et vous avez dit que le HVO était responsable de la
23 tenue de ces fronts et que si les fronts en question étaient proches d'un
24 village ou dans un village ou proches de plusieurs villages, il incombait
25 au HVO de veiller à ce que les hommes du HVO ne commettent pas quelque
26 chose de contraire à la loi dans les maisons de ces villages ou dans ces
27 villages, je vous cite.
28 Donc j'ai du mal à comprendre vraiment que dans le même temps vous
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1 puissiez dire que vous ne comprenez pas la question posée par l'Accusation
2 et j'ai du mal à comprendre que vous puissiez dire que vous n'étiez pas là
3 pour porter la responsabilité du maintien de l'ordre sur ces lignes de
4 front. Alors, qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'il y avait un vide, une
5 lacune ? Est-ce qu'il y avait des villages totalement désertés où il n'y
6 avait pas un seul habitant, où il n'y avait pas d'ordre civil ? Je pense
7 vraiment qu'il conviendrait de répondre à la question posée par
8 l'Accusation. Je vous remercie.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, je ne sais pas ce
10 qu'on vous a interprété. J'ai dit que sur ces lignes de front, le
11 commandement du HVO était responsable, donc c'est le commandant qui a cette
12 zone sous sa responsabilité et ses subordonnés hiérarchiques qui portent
13 cette responsabilité. J'ai dit que le HVO était responsable sur le front,
14 mais que l'intérieur du territoire s'étend ensuite sur plusieurs centaines
15 de kilomètres à l'arrière et que si l'on parle de toute la profondeur de ce
16 territoire en dehors de la ligne de front ou même juste derrière la ligne
17 de front, le HVO n'est pas responsable. En tout cas, à ma connaissance, une
18 telle responsabilité n'existe dans aucune armée, en tout cas, dans aucune
19 loi militaire dont j'ai pris connaissance, que j'ai lu. Sauf s'il y a des
20 forces d'occupation.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais essayer, pour aider à la compréhension,
22 parce que c'est très compliqué. Imaginons qu'on est à Prozor, on va
23 transposer Prozor dans cette salle d'audience. Il y a une ligne de front du
24 HVO qui est incarné, par exemple, par Me Karnavas, Me Khan et Me Nozica.
25 Voilà la ligne de front du HVO. Et puis l'endroit où se trouvent les Juges,
26 il y a la ligne de front de l'ABiH. Est-ce à dire, d'après ce que vous
27 dites, que les civils qui sont derrière la ligne de front, par exemple, Me
28 Alaburic qui serait civile, elle, elle ne rentre pas dans la zone de
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1 responsabilité du HVO parce qu'elle est "outside", elle est en dehors de la
2 ligne de front. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, Monsieur le Juge Antonetti. Il existe
4 un pouvoir civil, une police civile. Il existe évidemment un contrôle qui
5 s'exerce sur les soldats, eux aussi peuvent commettre des actes, mais le
6 commandement militaire est responsable du front. Vous avez vu le document
7 dont je suis l'auteur qui évoque un village, le village de Pridris [phon]
8 qui était exactement sur la ligne de front. Il y avait des habitants, il y
9 avait même des vaches et j'étais responsable de toutes ces vies, parce que
10 leurs vies étaient en danger à ce moment-là. J'étais présent physiquement
11 et j'ai déménagé les êtres humains et les vaches de tous les groupes
12 ethniques d'un endroit à un autre pour qu'ils ne subissent pas les
13 conséquences des combats menés par le HVO. C'est là que s'arrête la
14 responsabilité du commandant. On ne peut pas étendre la responsabilité du
15 commandant sur des villages qui sont à 50 kilomètres, puis encore à 50
16 kilomètres plus loin, et cetera. Selon ma connaissance des règlements, ce
17 n'est pas le cas.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai compris votre réponse. Je donne la parole à mon
19 collègue.
20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais aborder un autre aspect
21 de la question, Monsieur Praljak.
22 Les troupes du HVO placées sous les ordres de l'état-major principal
23 étaient divisées en plusieurs zones opérationnelles. Elles n'étaient pas
24 divisées en plusieurs lignes. Une zone c'est une surface dont on peut
25 tracer les limites sur une carte. Une zone c'est un secteur, ce n'est pas
26 une ligne. Est-ce que je me trompe ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas du tout. Les zones, dans le sens où nous
28 l'entendons, incarnent la limite des lignes. Quand on parle de ligne de
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1 front, on trace la ligne et on dit : y compris telle et telle cote, y
2 compris tel et tel point topographique, et puis on trace la ligne de bout
3 en bout. Et en général, l'unité la plus petite qui tient une telle ligne
4 est un bataillon, et ensuite la brigade tient les lignes qui lui
5 reviennent, et Siljeg tenait la ligne qui lui revenait. Donc on ne parle
6 pas ici de zones qui correspondent à des territoires ou à des espaces. On
7 parle de zones qui sont parfaitement circonscrites, et il est dit que
8 jusqu'à la limite de ce village, c'est un tel et un tel qui exerce le
9 commandement; ensuite, sur la ligne de front qui va jusqu'à tel autre
10 village, c'est un autre homme qui exerce le commandement. Voilà ce qu'on
11 appelle des zones. Une zone n'est pas un espace qui a plusieurs kilomètres
12 carrés de surface.
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne suis toujours pas convaincu
14 qu'il s'agisse d'une ligne. Il y a une ligne, ça, je ne le conteste pas.
15 Mais ensuite, pour défendre cette ligne, il faut d'autres instances
16 militaires. Par exemple, l'artillerie se trouve en général derrière la
17 ligne, quelquefois à plusieurs kilomètres de distance. Et puis, il y a des
18 besoins logistiques à satisfaire. Il y a les dépôts de MTS qui se trouvent
19 derrière les lignes. Donc ce serait une idée absurde que de dire que sur le
20 plan mathématique, l'armée tient une ligne et que la ligne c'est une droite
21 qu'on peut tracer sur le papier avec un crayon d'un point à un autre. Vous
22 venez de développer devant nous une conception qui n'est pas du tout
23 convaincante.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose que je peux dire c'est ce que
25 j'ai vu écrit dans tous les règlements militaires. Il ne s'agit pas de ma
26 conception, Monsieur le Juge Trechsel, mais c'est la façon dont les choses
27 fonctionnent. Un canon qui se trouve derrière une colline, et cetera, est
28 lié à la zone opérationnelle par des moyens d'observation, et cetera. Mais
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1 d'après les règlements, on ne place pas des mortiers ou des canons dans des
2 endroits habités par des personnes, et les obusiers non plus. Ils sont en
3 général derrière une colline.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : M. le Juge Mindua veut poser une question.
5 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur Stringer, excusez-moi.
6 Monsieur le Témoin Praljak, dans plusieurs droits nationaux, lorsque
7 l'état de guerre est déclaré sur le territoire d'un Etat ou d'une province
8 ou d'une localité, l'autorité politique peut prendre la décision de
9 remplacer les autorités civiles du territoire en question par les autorités
10 militaires. Alors, la question que je me pose, s'agissant justement de ces
11 zones opérationnelles avec au devant la ligne de front, est-ce que dans
12 votre expérience, lorsque vous étiez sur la ligne de front au-dedans de
13 votre zone opérationnelle, les autorités civiles continuaient-elles à
14 travailler ? Je voudrais parler des autorités provinciales, municipales,
15 des tribunaux civils, et cetera.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, toutes ces structures du pouvoir civil
17 fonctionnaient dans toutes les municipalités qui se trouvaient derrière les
18 lignes tenues par le HVO, que ce soit face à l'armée de la Republika Srpska
19 ou face à l'ABiH au moment où les conflits ont commencé. Il est exact,
20 Monsieur le Juge Mindua, que lorsque vous vous emparez d'un territoire
21 pendant un certain temps, tant que l'autorité civile n'est pas rétablie
22 sous forme de protectorat ou sous forme de nomination de tel ou tel
23 responsable, comme les Anglais l'ont fait à l'époque, un commandant
24 militaire qui s'est emparé du territoire est également pendant un certain
25 temps responsable du territoire en tant que tel. Mais là, il ne s'agissait
26 pas pour nous de territoires dont nous nous étions emparés. Dans le
27 territoire en question, les autorités civiles fonctionnaient dans toutes
28 les municipalités, complètement. Dans de bonnes ou de moins bonnes
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1 conditions, c'est sûr, mais ça, ce n'est sans doute pas l'objet des
2 questions qui me sont posées ici. Mais il existait un maire, il existait
3 toutes les structures civiles, la police civile, toutes les instances, tous
4 les pouvoirs civils existaient.
5 M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Ma dernière question sur ce sujet : vous
6 avez dit "derrière la ligne de front". Selon vous, derrière, c'est quelle
7 distance à peu près ? C'est en nombre de mètres, de kilomètres ? Quelle est
8 la distance selon vous quand vous parlez de derrière la ligne de front ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette distance où le contrôle peut s'exercer
10 dépend du terrain sur lequel on se trouve. Si vous vous trouvez sur une
11 ligne de front déterminée et que derrière vous il y a une petite colline,
12 vous allez bien sûr, à peu près au début de la ligne de front qui est votre
13 responsabilité, déployer des gens pour que personne ne puisse venir vous
14 attaquer par derrière. Donc un petit poste de contrôle à 200 mètres ou 300
15 mètres derrière la ligne, tout cela, ça dépend de la configuration du
16 terrain, de façon à ne pas être attaqué de dos par surprise. Mais je parle
17 uniquement sur le plan militaire. Cela se fait uniquement en fonction des
18 besoins de protection de vos soldats qui pourraient être mis en danger par
19 un petit groupe d'ennemis qui viendrait dans le dos et vous attaquerait et
20 tuerait ces soldats, ce qui, bien sûr, est arrivé, à Capljina, par exemple,
21 les 26 soldats qui ont été tués en profondeur derrière la ligne, si vous
22 vous souvenez de ce qu'on a lu dans un document. Et puis, il y avait aussi
23 les cuisiniers qui ont été tués, dont on a parlé. On a montré des
24 photographies de ces hommes qui ont été tués par l'ABiH à 10, 15 kilomètres
25 à l'arrière. Il s'agit, dans des cas de ce genre, d'introduction de petits
26 groupes terroristes dans la profondeur du terrain qui peuvent se mettre à
27 tuer des civils. Mais là, c'est une situation différente.
28 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. Donc, j'ai compris que ça peut varier
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1 de 200 mètres, en cas de colline, par exemple, ou jusqu'à 15 kilomètres,
2 comme dans le cas où des militaires du HVO ont été tués. C'est bien ça ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Monsieur le Juge Mindua, il est
4 impossible de contrôler 15 kilomètres. C'était des hommes qui avaient fait
5 une percée importante en profondeur. Cela arrive. On peut s'enfoncer en
6 profondeur jusqu'à 50 kilomètres, mais le plus souvent, sur ces lignes de
7 front, il n'y avait même pas de défense dans le dos, pas du tout. Mais
8 enfin, la distance peut aller jusqu'à 100 mètres. Cela dépend de la
9 possibilité d'une attaque dans le dos et de la nécessité donc d'assurer une
10 protection des soldats qui sont sur la ligne, mais rien de plus, en
11 fonction de la configuration du terrain.
12 M. LE JUGE MINDUA : Je vous remercie.
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Praljak, mais
14 vous parlez de percée à l'arrière, percée de quoi ? S'il n'y a pas de HVO
15 derrière, il n'y a pas de nécessité de percer. Ce sont des hommes qui se
16 promènent, qui se baladent. Le HVO, apparemment, ne contrôlait pas
17 l'intérieur. Il n'avait rien à voir avec ce qui se passait à l'intérieur ou
18 en profondeur, et ceci, je dois dire, ne me paraît pas très convainquant.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas modifier votre avis sur le plan
20 de la vraisemblance de ce que je dis, mais je peux vous affirmer que c'est
21 ce qui est écrit dans tous les règlements militaires. Un commandant sur le
22 terrain peut contrôler une route d'arrivée jusqu'à sa ligne. Sur une
23 distance de 100 mètres ou 50 mètres, le commandant va peut-être mettre deux
24 soldats qui vont voir ce qui se passe au niveau de la route qui amène à la
25 ligne de front, mais ça, c'est le contrôle de la ligne de front. Ce n'est
26 pas le contrôle du territoire. Une armée ne peut pas contrôler un
27 territoire, c'est absurde. Maintenant, que l'on place une batterie
28 antiaérienne dans une ville anglaise à l'époque de la Seconde Guerre
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1 mondiale qui risquait d'être frappée par des bombardiers allemands, cela ne
2 signifie pas que l'armée contrôle l'intégralité du territoire de
3 l'Angleterre parce que simplement il y a des autorités civiles en
4 Angleterre. Je ne comprends pas comment vous ne comprenez pas cela, mais je
5 crois que j'en sais un peu plus que vous.
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense qu'il n'est pas nécessaire
7 de répéter ce que vous avez déjà dit.
8 Monsieur Stringer, à vous.
9 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel.
10 Monsieur le Président, je m'apprête à ne pas m'écarter du sujet dont nous
11 sommes en train de parler, et je ne voudrais pas donner l'impression que je
12 vais changer de sujet. En revanche, je m'apprête à passer à un autre
13 document, ce qui devrait sans doute faciliter mon interrogatoire.
14 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi, j'attendais que mon collègue de
15 l'Accusation s'interrompe, puisqu'il vient de dire qu'il allait passer à un
16 autre document.
17 Pour le compte rendu d'audience, j'aimerais m'assurer que tout est
18 tout à fait clair, y compris lorsqu'on le reprendra plus tard. Nous n'avons
19 pas jusqu'à présent élevé d'objection par rapport à l'utilisation de ce
20 document, et l'Accusation utilise ce document au cours de son contre-
21 interrogatoire. Nous n'avons pas fait objection parce que nous ne voulions
22 pas sembler apporter notre aide au témoin. Mais je pense qu'à présent il
23 est de mon devoir de dire ce que j'ai à dire pour que ce soit consigné au
24 compte rendu d'audience.
25 Lorsque mon collègue de l'Accusation a demandé hier à M. Praljak, au
26 début de son interrogatoire sur ce document, page 19, ligne 5 du compte
27 rendu d'audience -- non, excusez-moi, c'était avant la page 91 -- la
28 question était assez longue, et lorsque cette question a été soumise au
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1 témoin, le témoin a immédiatement répondu qu'il n'avait jamais, jusqu'au
2 jour d'hier, vu ce document, et qu'il n'avait aucune connaissance à ce
3 sujet. En dépit de cela, une longue série de questions a continué à être
4 posée au témoin sur ce document. Le document en tant que tel, comme vous
5 avez pu le constater, n'apporte aucun fondement à ce que l'Accusation
6 puisse poursuivre l'interrogatoire à son sujet vis-à-vis du témoin. Le
7 témoin a dit : Non, je n'ai jamais vu ce document. Il a ajouté qu'il ne
8 l'avait jamais vu ici non plus. Et donc il ne l'avait jamais vu à l'époque,
9 et ce document aurait dû cependant lui être soumis au préalable, mais il ne
10 lui a pas été communiqué. Alors le résultat de cela c'est qu'il n'y a aucun
11 fondement pour que des questions soient posées au témoin au sujet de ce
12 document.
13 La Chambre de première instance a respecté ce principe à tout moment
14 et depuis trois ans et demi que nous passons dans ce prétoire, la Chambre a
15 dit qu'il était impossible d'interroger un témoin dès lors que le témoin
16 disait n'avoir jamais eu le document en question sous les yeux.
17 L'Accusation a un peu modifié sa façon de procéder aujourd'hui, et elle
18 profère aujourd'hui des hypothèses, mais ce qui s'est passé hier s'est
19 passé.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : On n'est certainement pas d'accord avec vous, parce
21 qu'effectivement, vous avez raison, ce document, M. Praljak ne le connaît
22 pas. Et le 15 juillet, il le dit lui-même, il était retourné à Zagreb. Donc
23 difficulté pour lui de donner des réponses à des faits très précis. Mais en
24 réalité, vous avez vu le Procureur, par les questions, et c'était
25 intéressant parce que moi j'ai découvert le problème de la zone
26 opérationnelle. Je pensais innocemment que la zone opérationnelle couvrait
27 une zone géographique. Or, M. Praljak soutient, à l'appui, dit-il, mais ça,
28 on va vérifier, des règlements militaires, que la zone opérationnelle ne
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1 concerne uniquement que la zone où se trouve l'armée dans le cadre de
2 lignes de front. Et le Procureur, lui, pose des questions de principe parce
3 qu'il a pris ce document mais il aurait pu prendre d'autres documents, car
4 lui, pour le Procureur, et vous l'avez compris, il estime que le
5 commandement du HVO avait une responsabilité sur les civils, car s'il y a
6 pillage, meurtre, et cetera, il y a donc une question de responsabilité.
7 Donc il utilise ce document, mais sur une question de principe. Donc sur
8 les questions de principe, le général Praljak a répondu en disant que de
9 son point de vue à lui sa responsabilité couvre la zone, et le reste, c'est
10 l'autorité civile. Voilà.
11 Donc votre objection était intéressante, mais sur le plan général
12 elle n'avait pas d'intérêt parce que les questions auraient pu être posées
13 au travers d'un autre document, car là on était sur des questions de
14 principe.
15 Alors, continuez, Monsieur Stringer.
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je crois que la correction s'impose
17 d'elle-même. Au compte rendu d'audience, nous lisons que M. Praljak a
18 déclaré que sa responsabilité portait sur la zone, alors que je crois que
19 vous avez dit que votre responsabilité portait sur la ligne de front, ce
20 qui n'est pas la même chose.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Praljak, votre responsabilité, elle
22 couvre la ligne de front, c'est-à-dire la zone de la ligne de front, même
23 si ça ne fait que quelques mètres ou quelques centaines de mètres. C'est
24 uniquement ça, pas le territoire en arrière.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact. Seulement la ligne de front. En fait,
26 quand on parle de ligne de front et quand on parle de zone, c'est la même
27 chose. C'est comme ça qu'on les appelle, et voilà.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. On a compris.
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1 Bien. Monsieur Stringer.
2 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Pour poser quelques questions de suivi. Mon Général, il est absurde,
4 n'est-ce pas, de laisser entendre que votre seule responsabilité en tant
5 que commandant militaire portait sur le tout petit secteur de la ligne de
6 front et que vous, en tant que commandant de l'état-major principal du HVO,
7 n'assumiez aucune responsabilité vis-à-vis des secteurs qui étaient sous le
8 contrôle militaire du HVO et qui se trouvaient derrière la ligne de front ?
9 C'est une proposition absurde, n'est-ce pas, une proposition que vous êtes
10 en train d'avancer uniquement aux fins d'éviter votre responsabilité eu
11 égard aux crimes qui ont été commis dans certains secteurs placés sous le
12 contrôle du HVO, n'est-ce pas ?
13 R. Non, ce n'est pas le cas, Monsieur Stringer. Si votre théorie était
14 applicable, il y aurait 150 officiers américains de haut rang qui seraient
15 assis ici parce qu'ils ont été incapables d'exercer un contrôle sur la
16 situation en Iraq, Iraq dont ils s'étaient emparés par la force militaire.
17 Ce sont des faits bien connus aujourd'hui. Le sens à donner au mot contrôle
18 est bien connu. Lorsqu'on établit un gouvernement à un endroit, qui est
19 responsable de cette situation ? Ils sont, les Américains, responsables de
20 tous ceux qui ont été tués là-bas ?
21 Q. Par ailleurs, votre description à l'instant de ce qu'est une zone de
22 responsabilité ou une zone opérationnelle est également absurde, lorsque
23 vous prétendez que la zone opérationnelle ne se compose que du secteur bien
24 circonscrit de la ligne de front et pas de l'intérieur ou de l'arrière ou
25 des zones sous contrôle du HVO qui sont tombées derrière la ligne de front,
26 n'est-ce pas ?
27 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si on développe ici de
28 nouvelles théories et si on met en place de nouveaux règlements, de
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1 nouvelles lois au sujet du sens à donner aux mots, je n'ajouterai pas un
2 mot. Je n'ai rien à dire de plus. Il est manifeste que l'on essaye ici de
3 mettre en place des règles de la façon dont on mène la guerre qui sont tout
4 à fait nouvelles et qu'on essaie de mettre en place des droits nouveaux
5 pour une armée et des responsabilités nouvelles pour un commandant. Mais
6 nous ne cessons de parler de ces questions, nous ne nous référons pas aux
7 manuels, aux manuels juridiques, par exemple, ou aux lois de la guerre, il
8 faudrait que ce soit fait de la part de l'Accusation.
9 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
10 avec votre autorisation, même si le général Praljak a déjà répondu à cette
11 question, j'aimerais élever une objection par rapport aux deux questions
12 précédentes de M. Stringer pour les raisons suivantes : M. Stringer a
13 interrogé le témoin en lui demandant si une théorie était absurde ou pas et
14 il demande au général Praljak de répondre à une question formulée dans ces
15 termes. Mais M. Stringer n'a pas dit pourquoi il serait absurde qu'un
16 commandant soit responsable uniquement d'une ligne de front et que les
17 autorités civiles soient responsables du territoire qui se trouve derrière
18 la ligne en question ou de la population qui l'habite, donc je considère
19 qu'interroger ou plutôt contre-interroger le témoin de cette façon n'est
20 pas acceptable. Je vous remercie.
21 M. STRINGER : [interprétation] Avec le respect que je dois au conseil, je
22 ne suis pas d'accord avec elle. Donc je continue l'examen du document
23 suivant, mais le sujet reste le même.
24 Q. Mon Général, le document suivant est la pièce P 04177. Nous sommes
25 maintenant dans la période qui vient après votre prise du commandement de
26 l'état-major principal du HVO. Ce document date du 14 août 1993, et il y
27 est écrit qu'il s'agit d'un rapport de Luka Markesic adressé au SIS de la
28 Communauté croate d'Herceg-Bosna à Mostar. Et avant de discuter des
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1 questions que nous avons déjà évoquées, passons en revue cette pièce et
2 parlons de la situation factuelle sur le terrain à Prozor à la mi-août
3 1993.
4 Page 2 de la version anglaise, Mon Général, et dans votre version je vous
5 indique, Mon Général, qu'il s'agit du paragraphe qui fait suite au nom
6 d'Ante Pavlovic. L'endroit du texte où il est fait mention d'un nouveau
7 commandant qui s'appelle Ante Pavlovic.
8 M. KOVACIC : [interprétation] Objection.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
10 M. KOVACIC : [interprétation] Objection. Je considère que l'Accusation,
11 avant d'interroger le témoin au sujet de ce document, a le devoir de
12 demander au témoin s'il l'a déjà vu, s'il connaît ce document et ce genre
13 de chose, et c'est seulement après, si le témoin répond par l'affirmative
14 et donne le fondement nécessaire pour l'examen de ce document, c'est
15 seulement après que le témoin peut répondre à des questions concernant ce
16 document. Sinon, l'Accusation peut utiliser ce document comme exemple de
17 l'évolution des événements, ce qu'il a déjà fait d'une certaine façon avec
18 le document précédent.
19 Je vous remercie.
20 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je suis un peu
21 surpris par ce type d'objection, très franchement. Nous avons ici un récit
22 factuel de la situation qui prévalait à Prozor à la mi-août. Le général qui
23 était commandant de l'état-major principal du HVO à l'époque, nous savons,
24 étant donné ce qu'il a déjà dit dans sa déposition, qu'il avait fait de ce
25 secteur particulier l'une de ses principales priorités, en tant que
26 commandant, et qu'il consacrait une grande partie de son temps à ce
27 secteur. Je vais passer en revue avec le général ce document. Nous allons
28 établir ce qu'il savait des événements en train de se dérouler dans le
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1 secteur, et sur la base de cela nous allons poursuivre la discussion au
2 sujet de ce qu'il pensait être ou ne pas être sa responsabilité par rapport
3 aux crimes commis par les Musulmans dans le secteur. Le document va
4 également nous démontrer, en fait, que le général Praljak se trouvait dans
5 le secteur au moment où le document était rédigé et qu'il était sur le
6 terrain en train d'employer les unités de la police militaire et de la
7 police civile dans des opérations de combat. Donc il est tout à fait
8 acceptable de l'interroger au sujet de ce document.
9 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président --
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, de prime abord, je ne voyais pas
11 le problème puisque vous vouliez poser des questions. J'ai écouté Me
12 Kovacic, et en vous écoutant l'un et l'autre, je me suis posé la question
13 par rapport à l'article 7(3) du Statut. S'il y a des faits commis
14 susceptibles de recevoir une qualification pénale, la responsabilité du
15 supérieur hiérarchique peut être mise en œuvre au titre du 7(3), aux
16 strictes conditions que vous savez. Encore faut-il qu'il en ait eu
17 connaissance, et cetera. A ce moment-là, si vous alliez sur ce terrain, il
18 fallait demander à M. Praljak, un : Le 14 août, vous étiez bien commandant
19 du HVO ? Réponse : Oui. Deux : Avez-vous eu connaissance de ce document,
20 oui ou non ? On ne sait pas. S'il vous dit oui, vous continuez. S'il vous
21 dit non, vous lui demandez : Pourquoi ? Et après quoi, il vous dit : Je ne
22 suis pas au courant, là vous lui demandez le fait même que vous n'êtes pas
23 au courant.
24 Mais, en revanche, il est dit dans ce document qu'il s'est passé telle et
25 telle chose, étiez-vous au courant ou pas, parce que là vous êtes sur le
26 terrain du 7(3).
27 M. STRINGER : [interprétation] Sauf votre respect, Monsieur le Président,
28 je suggérerais que la réalité des choses c'est que nous ne sommes pas
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1 limités au 7(3). Cela pourrait également avoir un rapport avec le 7(1),
2 ainsi que tous les problèmes liés à l'entreprise criminelle commune, donc
3 je ne suis pas tout à fait d'accord avec les limites qui viennent d'être
4 proposées.
5 Il est de pratique courante - autrement dit, cela se passe régulièrement et
6 de façon routinière - que les témoins se voient soumis des documents qu'ils
7 n'ont jamais vus précédemment. On les interroge sur les actions ou les
8 événements décrits dans ces documents en leur demandant si ces descriptions
9 correspondent à leur façon de voir la situation à l'époque ou ce qu'ils en
10 connaissaient, et c'est précisément l'intention qui existe ici.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, je suis totalement d'accord avec
12 vous, mais je vous dis, quand je vois quitte ou double avec l'entreprise
13 criminelle, si par hasard, si par les éléments du dossier il n'y a pas
14 d'entreprise, il n'y a pas du 7(1), il reste dans l'acte d'accusation 7(3).
15 C'est dans l'acte d'accusation. Donc si vous, vous ne voulez pas couvrir
16 tout le champ, c'est à vous de prendre vos risques. Mais d'un point de vue
17 technique, il vaut mieux couvrir tout le champ. Mais vous avez raison, on
18 n'est pas obligé que l'intéressé connaisse le document. Ça, vous avez
19 parfaitement raison.
20 Alors continuez.
21 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Général --
23 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le
24 permettez, un point simplement. Je suis entièrement d'accord avec votre
25 position. Le témoin n'a pas nécessité de connaître le document. Je suis
26 tout à fait d'accord. Mais il faut l'établir, l'interrogatoire ou le
27 contre-interrogatoire doivent établir cela, nonobstant le fait que cela
28 relève du 7(1) ou du 7(3) ou de l'entreprise criminelle commune. Si le
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1 Procureur interroge le témoin au sujet de faits qui sont évoqués dans ce
2 document, cela s'est toujours fait jusqu'à présent. Il faut d'abord établir
3 si le témoin a déjà vu ce document, ensuite celui qui interroge va plus
4 loin et si le témoin dit ne pas avoir déjà vu le document, il lui demande
5 s'il est au moins au courant des événements qui figurent dans le document.
6 Je sais pourquoi j'élève mon objection, parce que quand on voit l'auteur du
7 document et quand on voit le sceau apposé sur le document, on voit que cela
8 n'a aucun rapport avec l'état-major. Ce n'est pas nous qui avons commencé,
9 et le Procureur le sait très bien. On voit très bien qui est l'auteur de ce
10 document et on ne voit pas qu'un quelconque exemplaire de ce document ait
11 été adressé au témoin. Par conséquent, je suis d'accord avec vous sur le
12 fait qu'ensuite le Procureur peut poser toutes les questions qu'il veut,
13 mais d'abord il lui incombe d'établir le lien entre le témoin et ce
14 document. Est-ce que le témoin sait quelque chose de ce qui est écrit dans
15 ce document ? Et ensuite on peut entrer dans le détail.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, le Procureur a déjà posé des
17 questions sur Prozor. Deuxièmement, il a déjà posé des questions à partir
18 de documents du SIS. Troisièmement, l'auteur de ce document, on a déjà vu
19 des documents de cet auteur, Luka Markesic. Bien. Donc il y a toute une
20 série d'éléments qui ont déjà été vus, discutés. C'est un document
21 supplémentaire qui couvre la période du mois d'août. On a vu déjà des
22 périodes antérieures. Donc il y a une ligne de conduite. Les fondements, on
23 les sait déjà, c'est-à-dire que le Procureur veut savoir est-ce que M.
24 Praljak était au courant de ce qui s'était passé au mois d'août à Prozor,
25 et cetera, alors même que toute une série de documents montrait qu'il
26 s'était déjà passé des choses dans les mois antérieurs.
27 Continuez, Monsieur Stringer.
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aurais
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1 une question à poser à M. Stringer.
2 J'avoue ne pas très bien voir en quoi le fait pour vous de demander au
3 témoin s'il a déjà vu ce document pourrait constituer un obstacle dans
4 votre travail.
5 M. STRINGER : [interprétation] Je vais poser la question, Monsieur le Juge.
6 Q. Mon Général, ce document est un rapport, comme nous l'avons déjà
7 indiqué, dont l'auteur est Luka Markesic, que nous avons évoqué déjà à
8 plusieurs reprises, rapport adressé au SIS de la Communauté croate
9 d'Herceg-Bosna à Mostar. Avez-vous vu ce document le 14 août 1993 ou à peu
10 près à cette date ?
11 R. Non. Le 14 août, je sais avec exactitude que j'étais en plein dans les
12 combats qui se menaient au sud de Mostar, et par la suite je n'ai pas vu ce
13 document, je ne l'ai vu qu'ici, à mon arrivée à La Haye en qualité
14 d'accusé.
15 Q. Très bien. Ce document évoque un certain nombre d'événements survenus à
16 Prozor, et j'aimerais vous interroger sur ces événements pour vous demander
17 de confirmer ou d'infirmer la réalité de ces événements.
18 En page 2 de la version anglaise, après avoir fait référence au
19 nouveau commandant, Ante Pavelic, Markesic évoque la chute de Konjic, de
20 Bugojno et d'une partie de Gornji Vakuf, et évoque les réfugiés, femmes,
21 enfants, personnes âgées venus de toutes ces localités et arrivés à Prozor.
22 Et puis il écrit :
23 "Au départ, ils, c'est-à-dire les réfugiés, ont été logés dans des
24 maisons croates, mais lorsque leur nombre a crû, on a commencé à les
25 installer dans des maisons et des villages musulmans. Ainsi, la population
26 musulmane de la municipalité de Rama se trouve toute entière dans trois
27 centres de regroupement; à Podgrodze, Duge et Lapcanje [phon].
28 "La réinstallation de ces Musulmans est faite par la police
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1 militaire, sous le commandement d'Ilija Franjic."
2 Alors, ma première question, Mon Général, est la suivante : est-ce
3 que vous avez été informé du relogement des Musulmans de Prozor qu'on a
4 fait partir de leurs maisons pour les mettre dans des centres de
5 regroupement afin de faire de la place aux réfugiés croates qui arrivaient
6 ?
7 R. Non.
8 Q. Est-ce que vous avez été au courant, comme c'est indiqué ici, du fait
9 que la police militaire du HVO ordonnait aux Musulmans de quitter leurs
10 domiciles afin de les placer dans des centres de regroupement ?
11 R. Non.
12 Q. Markesic poursuit en écrivant :
13 "L'arrivée des soldats et des civils dans la municipalité a provoqué une
14 augmentation du crime, de la prostitution et de l'extraction des Musulmans
15 hors des prisons ainsi que de leur liquidation, a provoqué également une
16 augmentation de l'extorsion de bijoux, d'argent et d'autres objets de
17 valeur pris aux Musulmans, ainsi que des liquidations après extorsion."
18 Pour que tout soit clair sur le plan de l'interprétation et de la
19 traduction, Mon Général, est-ce que nous pouvons convenir, ou en tout cas,
20 est-ce que vous conviendrez avec moi que j'ai raison lorsque je dis que
21 lorsque Markesic parle de liquidation ici, il parle de meurtres, de
22 personnes qui sont tuées ?
23 R. C'est probablement de cela qu'il parle.
24 Q. Markesic poursuit. Je passe à la page suivante de la version anglaise,
25 je cite :
26 "Des hommes entrent également dans des maisons musulmanes, et les jeunes
27 filles sont dénudées devant leur père, et vice versa. Tout ceci se passe de
28 façon systématique et depuis déjà pas mal de temps, même si nous avons
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1 informé le président du HVO, Mijo Jozic, le commandant de la brigade et les
2 commandants de la police militaire et de la police civile au sujet de ces
3 faits par écrit."
4 Et puis il poursuit en disant qu'il met en pièces jointes des rapports de
5 gardiens de prison et qu'il met également en pièces jointes des
6 déclarations de femmes musulmanes qui ont été violées. Un peu plus loin, il
7 écrit :
8 "De telles choses sont principalement le fait de soldats de la région et de
9 certains membres de la police militaire. Ainsi, le service de Sécurité est
10 incapable de résoudre tous les problèmes parce que la collaboration avec la
11 police militaire s'agissant de prévenir de tels actes est impossible, étant
12 donné que les auteurs de ces actes se trouvent dans ses rangs. Pour le
13 moment, nous sommes parvenus à faire pression sur le commandement et sur la
14 présidence du HVO pour qu'il soit mis un terme à de tels actes grâce à
15 notre unification."
16 Je saute un paragraphe. Un peu plus loin, Markesic déclare :
17 "La police militaire exécute l'ordre venu d'en haut qui demande que les
18 Musulmans dont l'âge se situe entre 16 et 60 ans soient placés en détention
19 dans des conditions particulières, c'est-à-dire que tous les hommes soient
20 emprisonnés sans exception, y compris ceux qui ont moins de 16 ans ou plus
21 de 60 ans, et que des traitements particulièrement inhumains leur soient
22 appliqués."
23 Je passe à la page suivante de la version anglaise. Je saute un ou deux
24 paragraphes, et nous voyons que Markesic, un peu plus loin, écrit :
25 "On sait depuis déjà quelque temps que des membres de la police militaire
26 ont été impliqués dans la prise de véhicules au milieu de convois d'aide
27 humanitaire et de la vente de ces véhicules sur le marché normal. Le
28 commandant de la police militaire admet ouvertement qu'il a autorisé le
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1 pillage du convoi."
2 Et quelques paragraphes plus bas, il écrit :
3 "Il importe de remarquer que la police militaire sur le terrain participe à
4 des opérations d'attaques quotidiennes et que son crédit en tant qu'organe
5 qui réussit ces actions est très diminué auprès de la population en raison
6 de ces actes. En ce qui concerne des cas concrets, nous voyons la logique
7 qui préside à de telles actions. C'est simplement que les temps étant ce
8 qu'ils sont, il est difficile d'exposer tout le monde."
9 Et un peu plus bas, dans le paragraphe suivant, il évoque les questions
10 liées au moral des troupes et écrit :
11 "La police civile est incapable de régler tout cela, de faire face à la
12 situation, et récemment elle a très souvent été sur le terrain sous le
13 commandement du général Slobodan Praljak."
14 Donc, Mon Général, ce document évoque un certain nombre de sujets sur
15 lesquels j'aimerais vous interroger.
16 Conviendriez-vous avec moi, Mon Général, que partir du principe que
17 Markesic rend exactement compte de la situation nous permettrait de
18 conclure que la police militaire de Prozor est incontrôlable au mois d'août
19 1993 ?
20 R. Je ne peux pas commenter. Je ne peux rien dire d'autre que ce qui est
21 écrit dans ce document. Je ne peux pas vous dire si ce qui est écrit ici
22 est vrai ou pas. Je ne connais pas ce document. Tout ce que je peux répéter
23 c'est ce que j'ai déjà dit par rapport à cette période à partir du 24.
24 Écoutez, je ne sais pas.
25 Q. Je ne vous demande pas de répéter ce que vous avez déjà dit, Mon
26 Général. Je vous demande si, et je rappelle que vous étiez commandant de
27 l'état-major principal du HVO à ce moment-là, si à votre avis la police
28 militaire du HVO était incontrôlable à Prozor.
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1 R. Comme vous venez de le constater dans cette phrase, la police militaire
2 se bat bien lorsqu'on l'emploie à mener des combats. Et puis Markesic
3 déclare également que le crédit gagné par les policiers militaires,
4 lorsqu'ils se sont battus pour défendre le secteur, a disparu en raison
5 d'actes de ce genre. Il continue en disant que tout ceci a eu une incidence
6 sur le moral d'un grand nombre d'hommes de la Brigade de Rama et sur
7 l'ensemble des troupes. Donc de nombreux soldats ne sont pas d'accord avec
8 ce qui s'est fait et leur moral s'en trouve réduit. Lorsque la police
9 militaire était sur le front, elle était bien sûr sous le commandement de
10 celui qui commandait cette partie de la ligne de front, et ensuite de la
11 brigade, de la zone opérationnelle, et lorsque Praljak était sur le
12 terrain, sous la responsabilité de Praljak également, mais la police
13 militaire se battait bien.
14 Q. Parlons de cela. Ces unités de police militaire, vous nous avez
15 longuement dit dans votre déposition que vous les avez employées vous-même,
16 personnellement, dans des combats. Le fait est, n'est-ce pas, Mon Général,
17 que vous avez fermé les yeux sur les crimes commis par les policiers
18 militaires parce que vous souhaitiez qu'ils continuent à être auprès de
19 vous sur le terrain et à se battre, à participer aux combats. C'est le
20 choix que vous avez fait, n'est-ce pas ?
21 R. Non, Monsieur Stringer, je n'ai pas fermé les yeux sur quoi que ce
22 soit, jamais. Les combats se déroulaient, je le répète pour la dixième,
23 vingtième ou trentième fois, les combats étaient terriblement intenses.
24 Q. Mon Général, vous avez vu les actes criminels commis par les policiers
25 militaires du HVO à Prozor et vous n'avez rien fait à ce sujet, ceci n'est-
26 il pas un fait ?
27 R. Non, Monsieur Stringer.
28 Q. Vous nous dites que vous n'étiez pas au courant de ce qui était en
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1 train de se passer, des crimes qui étaient commis ?
2 R. Non, je n'ai connu aucun de ces crimes pour la simple raison que
3 personne ne m'en a informé. Et compte tenu de l'intensité des combats et de
4 la charge de travail que cela créait pour moi, je ne me rappelle pas avoir
5 passé deux nuits dans le même lit. Donc si vous voulez me dépeindre la
6 situation avec angélisme et me dire qui était responsable de quoi et me
7 dire que j'étais responsable de tout, faites-le, mais ce n'est pas exact.
8 Moi, je m'efforce de vous décrire la situation réelle dans cette période de
9 guerre. Vous dites que c'était quelque chose que je savais. La personne qui
10 sait quelque chose a le devoir de déposer plainte au pénal. C'est son
11 devoir. Personne ne savait.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne l'avez pas vu. Très bien. Le Procureur vous
13 dit : Etiez-vous au courant ? Vous avez répondu : Non, je ne savais pas.
14 Très bien. Moi, maintenant, je vais vous poser une question sous un autre
15 plan.
16 Imaginons qu'à l'époque vous auriez appris le 14 août qu'à Prozor se
17 déroulaient tous ces événements. Qu'auriez-vous fait ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais appelé ce même homme, je lui aurais
19 dit d'appeler au téléphone son supérieur hiérarchique pour demander
20 l'arrestation de ces hommes, car c'était son devoir de déposer une plainte
21 au pénal et parce que c'est également son devoir qu'il accomplisse les
22 devoirs qui lui incombent conformément à la loi et aux règlements
23 applicables, ainsi que conformément à la voie hiérarchique. C'est ce que
24 j'aurais demandé à l'auteur de ce rapport, je lui aurais demandé non pas de
25 rédiger un rapport mais d'agir conformément à ses compétences et
26 responsabilités officielles. Moi, personnellement, je ne suis pas habilité
27 à procéder à des arrestations. Je n'ai pas à ma charge la police militaire
28 ni la possibilité de découvrir qui est le perpétrateur d'un acte, qui a
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1 incendié une maison, par exemple. Moi, je ne comprends pas comment on peut
2 présenter des choses dans une approche aussi totale.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que le document est arrivé au département
4 de la Défense le 18 août sous le numéro 693. Il y a le cachet et le tampon
5 de réception. Dans votre souvenir, est-ce qu'à un moment donné M. Stojic
6 vous aurait dit ceci : Général Praljak, nous avons eu toute une série de
7 rapports comme quoi la criminalité est galopante, il y a des faits graves
8 qui se produisent. Qu'est-ce que l'armée peut faire pour aider la police
9 militaire, le procureur militaire, la police civile ? Est-ce qu'à un moment
10 donné vous avez eu une conversation avec M. Stojic, ou vous n'avez pas eu
11 de conversation sur ce sujet ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'en ai pas parlé avec M. Stojic. Je
13 n'ai pas parlé de ce sujet.
14 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,
15 s'il vous plaît. Il ne s'agit pas d'une objection. Il ne peut y en avoir à
16 une question d'un Juge, mais je voulais attendre que le témoin réponde. Je
17 pense simplement que concernant cette hypothèse qui a été avancée par M. le
18 Président, il faudrait savoir si M. Stojic s'est jamais vu remettre ce
19 rapport que nous avons sous les yeux ou s'il lui a jamais été adressé. Le
20 cachet mentionne que ce rapport est arrivé au SIS, mais du point de vue du
21 protocole et du numéro qui y figure, on ne voit pas qu'il s'agit du
22 département de la Défense où était M. Stojic. Mais je souhaite très
23 simplement qu'il figure donc au compte rendu d'audience que rien dans ce
24 rapport ne permet d'établir que M. Stojic avait connaissance de ce rapport.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est une possibilité que j'avais envisagée et la
26 réponse catégorique de M. Praljak peut également couvrir le fait que M.
27 Stojic n'a pas eu connaissance de cela et, ne l'ayant pas eu, il n'en a pas
28 parlé à M. Praljak. Bon. Donc tout ça est parfaitement logique.
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1 Monsieur Stringer.
2 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Alors, Général, conviendrez-vous avec moi qu'au mois d'août 1993, le
4 chef du SIS de la HZ HB était M. Lucic ?
5 R. C'est exact. Conformément à toutes les informations dont je dispose,
6 c'était M. Ivo Lucic.
7 Q. Il était un membre du département de la Défense du HVO, n'est-ce pas ?
8 Il y était rattaché ?
9 R. A ma connaissance, oui.
10 Q. Alors, Général, si nous revenons au document relatif à la situation à
11 Prozor, il me semble que vous avez quelque peu oublié quelle était la
12 position qui avait été la vôtre concernant le 14 août 1993. Peut-être que
13 vous avez pu vous permettre le luxe d'intervenir et d'être impliqué
14 simplement dans certaines activités de combat et de limiter votre attention
15 uniquement à ces événements-là, mais il est un fait, n'est-ce pas, Général,
16 que lorsque vous avez pris en charge le commandant de l'état-major
17 principal du HVO, vous avez accepté également l'éventail de responsabilités
18 beaucoup plus large que les responsabilités relatives uniquement à
19 certaines opérations de combat. N'est-ce pas exact de dire cela ?
20 R. Alors, quelles responsabilités ? Pouvez-vous me citer, en vous fondant
21 sur quelque document que ce soit, quelles sont les responsabilités
22 incombant au commandant de l'état-major principal ? Si tel est le cas, nous
23 pouvons en discuter.
24 Q. Dans ce cas-là, parlons de cette responsabilité qui vous incombe à vous
25 en tant que supérieur hiérarchique des commandants des zones
26 opérationnelles, par exemple. Il est un fait, par exemple, que tout ce qui
27 se situe dans cette chaîne de commandement remonte à vous ou part de vous
28 en descendant vers les zones opérationnelles, pour tout ce qui s'y produit,
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1 n'est-ce pas ? Et tout ce que nous avons vu se passe dans cette zone
2 opérationnelle, n'est-ce pas ?
3 R. Monsieur Stringer, cela ne se passe pas dans une zone opérationnelle,
4 mais dans le territoire d'une municipalité.
5 Q. Excusez-moi, Général. Alors est-ce que Prozor ne se trouve pas dans la
6 zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest et ces unités de la
7 police militaire ne sont-elles pas subordonnées à leur zone opérationnelle
8 lorsque vous y avez recours dans des opérations de combat ?
9 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
10 j'ai une objection à cette question, mais en vue d'obtenir un
11 éclaircissement, car je suppose qu'il s'agit d'une maladresse ou d'une
12 erreur dans la formulation.
13 On ne peut pas subordonner ou resubordonner une unité à une zone
14 opérationnelle car il s'agit d'une entité territoriale. On peut la
15 subordonner à un commandant donné, en revanche. C'est pourquoi il me semble
16 que la question est peut-être insuffisamment précise, et peut-être est-ce
17 la raison pour laquelle le général ne peut y répondre. Lorsqu'on parle de
18 subordination, c'est toujours relativement à un commandant précis.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer.
20 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que le
21 général sait exactement de quoi je parle.
22 Q. Général, vous souhaitez que l'on précise quelles sont les
23 responsabilités vous incombant. Donc manifestement, vous ignorez quelles
24 étaient vos responsabilités en votre qualité de commandant de l'état-major
25 principal du HVO. Est-ce que c'est le chemin que nous sommes en train
26 d'emprunter ? Vous vous attendez à ce que ce soit moi qui vous précise
27 quelles étaient les responsabilités vous incombant ?
28 R. Non, Monsieur Stringer. Je connais parfaitement les responsabilités qui
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1 m'incombent, mais ce que je pense c'est que vous-même, soit vous ne savez
2 rien concernant l'armée, soit vous inventez des choses, soit vous inventez
3 un cas complètement fictif et particulier pour le HVO qui n'est valable ni
4 aux Etats-Unis, ni pour l'armée britannique, ni française. Je pense que
5 vous êtes en train d'inventer un système complètement spécifique peut-être
6 et ça ne serait pas bon.
7 Q. Alors votre position est la suivante, dans ce cas-là, c'est que bien
8 que vous ayez été le commandant de l'état-major principal du HVO et à ce
9 titre l'officier supérieur des commandants de vos zones opérationnelles, de
10 Siljeg, par exemple, que malgré cela, votre seule responsabilité se
11 limitait au théâtre de certaines opérations de combat particulières, et ce,
12 au jour le jour ? Est-ce ainsi que je dois comprendre votre déposition ?
13 R. Il y a cette responsabilité relative à une unité qui a été mobilisée et
14 redéployée à un endroit particulier, que l'on fait embarquer dans des
15 autocars et dans des camions pour se diriger vers un lieu bien précis. A ce
16 moment-là, cette unité intègre l'aile militaire et c'est là que commence
17 cette responsabilité. L'unité en question arrive à un lieu précis, se
18 subordonne à un commandant donné, est déployée dans des tranchées ou dans
19 des bunkers et c'est là la responsabilité de commandement et du commandant,
20 du bas au haut de l'échelle.
21 Q. Ces unités de la police militaire auxquelles on fait référence ici et
22 qui sont impliquées dans des opérations de combat où elles se distinguent -
23 - je voudrais juste vous donner lecture, une fois encore, de ce passage.
24 Markesic dit :
25 "Il faut signaler que la police militaire se rend sur le terrain
26 quotidiennement pour participer à des opérations de combat, si bien que le
27 crédit gagné parmi la population est gâché ou perdu de par les actions
28 citées plus haut."
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1 Alors, Général, je pense que nous pouvons convenir, en nous fondant sur
2 votre témoignage à ce sujet que ces unités de la police militaire qui
3 participaient à des opérations de combat sur le terrain étaient
4 subordonnées à la zone opérationnelle ou à la brigade, du point de vue
5 opérationnel, à ce moment précis, n'est-ce pas ?
6 R. C'est exact. Et à partir du moment où l'on dit précisément à quel
7 commandant ils sont subordonnés, à quel endroit et pour quelle mission
8 précise et lorsque cela est achevé, l'unité en question n'est plus
9 subordonnée à ce commandant et ne s'intègre plus d'aucune façon au système
10 auquel elle avait été intégrée ou rattachée au moment où cette
11 subordination cesse.
12 Q. Alors, à un moment donné, vous avez déclaré, vers le début de votre
13 interrogatoire principal, la chose suivante : Malgré leur subordination à
14 la zone opérationnelle à cet effet, ces hommes demeuraient des policiers
15 militaires et se trouvaient toujours appartenir à la structure de la police
16 militaire et de son administration, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Alors, la police militaire à laquelle on se réfère ici était partie
19 prenante à des opérations de combat pendant la journée, et pendant qu'ils
20 n'étaient plus en service pendant la nuit, ils participaient, ces mêmes
21 hommes, à des activités criminelles. Par conséquent, dans les zones
22 opérationnelles où les commandants utilisent ces unités sur le terrain, ces
23 mêmes commandants ont la responsabilité de ces mêmes unités de la police
24 militaire lorsqu'elles se livrent à des activités criminelles en dehors de
25 leur service, n'est-ce pas ?
26 R. Non, ce n'est pas exact. Ils ne couraient pas dans une direction
27 pendant le jour et puis dans une autre pendant la nuit. On dit ici que
28 l'offensive musulmane s'est quelque peu apaisée le 14 et c'est pourquoi
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1 j'ai quitté la zone. A l'époque -- alors, laissez-moi répondre, s'il vous
2 plaît. Je vous ai dit que la période temporelle devait être très
3 précisément déterminée, que l'on disait à qui ils étaient subordonnés, à
4 quel endroit et pour quelle mission. Ce n'était pas pour deux heures
5 simplement, mais dans des conditions très précises.
6 Q. Et pendant la période de cette subordination, ce que vous nous dites
7 c'est que personne ne répond des actes qu'ils pourraient commettre, des
8 crimes qu'ils commettent ?
9 R. Pendant la durée de cette subordination, ils répondent au commandant
10 qui a autorité sur eux, qui leur donne des ordres. Mais lorsque l'on
11 établit l'existence d'irrégularité, les sanctions incombent à la structure
12 au sein de laquelle ils se trouvent. Par conséquent, le commandant, s'il
13 apprend l'existence de tels actes, a l'obligation d'en référer.
14 Q. Alors ces unités de la police militaire dont il est question ici, vous
15 nous dites que pendant la durée de leur subordination à la zone
16 opérationnelle, les responsables représentant la zone opérationnelle ne
17 peuvent rien faire pour leur demander de rendre des comptes en raison de
18 crimes de guerre qu'ils ont commis et qu'en revanche, ce n'est que
19 l'administration de la police militaire qui peut entreprendre quelque chose
20 après la fin de cette resubordination ?
21 R. Cela dépend du type d'infraction pénale dont il s'agit. Donc un
22 commandant qui a été présent lors de la commission d'une infraction pénale,
23 par exemple, un meurtre, peut et doit procéder à une arrestation, désarmer
24 le perpétrateur, et cetera. Et il doit également en référer au supérieur
25 hiérarchique qui ensuite devra diligenter une enquête, entreprendre les
26 mesures nécessaires pour que ces perpétrateurs soient poursuivis et jugés,
27 comme cela est fait partout ailleurs dans le monde.
28 Q. Général, vous nous décrivez là un processus extrêmement idéalisé, mais
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1 personne ne s'intéressait vraiment à ce que les choses se passent ainsi. La
2 seule chose qui vous intéressait c'est de pouvoir recourir à ces unités
3 dans vos opérations de combat et ça ne vous intéressait absolument pas de
4 les punir. Vous ne vous intéressiez à rien d'autre que de pouvoir recourir
5 à eux dans des opérations de combat, n'est-ce pas ?
6 R. Non, c'est inexact, Monsieur Stringer. Je ne peux pas faire quelque
7 chose dont je n'ai même pas été informé. Et dans ces conditions que nous
8 connaissons bien où il faut engager une énergie, un temps considérable, si
9 vous êtes en train d'opérer du cœur un patient, vous ne pouvez pas, tout
10 d'un coup, dire, on va maintenant arrêter et puis on va faire autre chose.
11 Je répète encore une fois qu'on ne peut pas comprendre toute l'étendue du
12 problème si on ne comprend pas l'intensité de l'offensive musulmane à cet
13 instant précis et l'importance de leurs effectifs, ainsi que les problèmes
14 posés par la présence de 15 000 réfugiés et d'une armée en train de fuir
15 aussi. C'est tout simplement impossible.
16 Q. Alors vous êtes au courant des réfugiés de Bugojno, Général. Et il est
17 un fait que vous êtes parfaitement au courant de ce qu'était la situation à
18 Prozor. Vous savez que ces réfugiés ont été déplacés pour être placés en
19 centre de détention et pour faire de la place pour des réfugiés croates.
20 Vous savez que les Musulmans ont été terrorisés et liquidés. Mais il est
21 également un fait que vous n'avez rien fait à ce sujet, que cela ne vous
22 intéressait pas, que la seule chose qui vous intéressait c'était de mener
23 vos opérations de combat; n'est-ce pas là la vérité ?
24 R. Non. Vous inventez, Monsieur Stringer, complètement. C'est absolument
25 inexact ce que vous dites. Et vous le répétez pour la cinquantième fois, et
26 moi, pour la cinquantième fois je vous dis que ce n'est pas vrai, que la
27 situation n'était pas telle que vous la décrivez. Voyez également le
28 document suivant et vous verrez.
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1 Q. Alors, ce que vous avez dit dans votre déposition le 12 mai de cette
2 année, au début de votre interrogatoire principal, est la chose suivante,
3 vous avez parlé du recours à la police militaire :
4 "J'ai dit de façon très précise qu'un tel recours à la police militaire
5 entraînait une diminution considérable de l'aptitude de la police militaire
6 pour ce qui est de s'acquitter de ses tâches, des tâches lui incombant en
7 temps normal et qu'il en résulterait logiquement une recrudescence de la
8 criminalité. Il était également à prévoir une diminution du nombre de
9 perpétrateurs arrêtés pour ce qui est des crimes commis."
10 Vous souvenez-vous de cette déposition, de cette déclaration que vous avez
11 faite ?
12 R. Oui, je m'en souviens, c'est ce que j'ai dit.
13 Q. Donc ce que vous êtes en train de me dire c'est que vous avez pris une
14 décision tout à fait consciemment, vous avez fait le choix de recourir à la
15 police militaire dans des opérations de combat en sachant pertinemment que
16 cela entraînerait très probablement une recrudescence de la criminalité,
17 comme on le voit dans ce document, criminalité dirigée contre la population
18 civile, n'est-ce pas ?
19 R. Mon choix a été conscient, rationnel, raisonnable et je l'assume
20 aujourd'hui encore, car tout commandant de toute armée aurait pris la même
21 décision, qu'il s'agisse d'un Américain ou de quelqu'un d'autre, puisque le
22 devoir premier qui lui incombe est d'empêcher la chute que nous aurions
23 connue si je n'avais pas agi ainsi. Quant à la connaissance dont je
24 disposais, comme la connaissance de toute autre personne, par exemple, dans
25 une situation où vous recourez à la police de New York, vous l'engagez dans
26 une certaine mission, et puis il n'y a plus de courant, vous avez tout d'un
27 coup une recrudescence de la criminalité, c'est quelque chose de tout à
28 fait prévisible. Vous allez avoir des milliers de crimes qui seront commis,
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1 des voleurs, des meurtriers vont agir ou tout au moins, un grand nombre
2 d'entre eux vont en profiter pour agir, et il n'y a rien que vous pourriez
3 faire contre cela, et cela ne signifie pas que vous allez laisser, par
4 exemple, les Japonais vous vaincre plutôt que de recourir à la police pour
5 empêcher cela.
6 Q. Pour ce qui est de justifier vos décisions, la question est un peu plus
7 complexe, parce que vous aviez besoin de ces unités de la police militaire
8 pour combattre et vous saviez que si vous les sanctionniez, si vous les
9 punissiez, les mettiez aux arrêts, vous les retireriez du théâtre des
10 opérations pour qu'ils ne soient plus en train de prendre pour cible la
11 population civile et que vous perdriez de bons combattants, donc vous avez
12 décidé de les maintenir en tant que combattants et de tolérer les crimes
13 qu'ils commettaient, n'est-ce pas ?
14 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi. J'ai juste une brève
15 objection.
16 Le Procureur parle constamment d'unités de la police militaire. Jusqu'à
17 présent je me suis tue mais il faut vraiment que je me lève maintenant car
18 dans aucun des documents que nous avons examinés jusqu'à présent nous
19 n'avons vue cette notion d'unités. Nous avons vu des cas qui sont cités où
20 on parle de policiers militaires et de soldats. Est-ce qu'ils étaient au
21 nombre de cinq, de six, de deux, qui, pendant toute la durée de cette
22 période, ont entraîné des désordres. Nous l'ignorons. Nous ne savons pas
23 qui étaient ces hommes, quels étaient leurs noms et quel était leur nombre.
24 Il n'y a pas du tout ici la moindre notion d'unités. Si le Procureur sait
25 de quelles unités il s'agit, qu'il le dise. Qu'il dise : je dispose
26 d'informations indiquant qu'il s'agit de telle et telle unité, de tels et
27 tels effectifs, et qu'il continue en posant ainsi la question au général
28 Praljak. Mais cette façon de présenter les choses en parlant d'unités est
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1 tout à fait absurde. Il faut, si l'on veut parler d'unités, dire de combien
2 d'hommes il s'agit et de quelles unités il s'agit. Nous ne voyons pas du
3 tout cela dans les documents.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite par ailleurs dire qu'il y a un
5 nombre considérable, comme partout, un nombre considérable de policiers
6 militaires qui se sont battus tout à fait dignement et honorablement et qui
7 ont accompli leur devoir de façon tout aussi honorable, la très grande
8 majorité d'entre eux. Il y a eu, en vertu d'une loi purement statistique et
9 logique, des individus parmi eux qui ont commis des crimes, et l'on pouvait
10 s'attendre également de façon tout à fait logique et statistique à une
11 augmentation de la criminalité, mais des policiers militaires qui se sont
12 bien battus, qui ont été blessés, qui ont été tués au combat, ils ont
13 constitué l'énorme majorité, à vrai dire.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je reviendrai là-dessus quand je poserai -- j'ai
15 quelques questions à poser, mais je laisse M. Stringer terminer.
16 M. STRINGER : [interprétation] Je voudrais juste répondre très brièvement
17 au conseil. Nous parlons de la pièce P 04177. Je parle des crimes et de la
18 police militaire auxquels il est fait référence dans ce document.
19 Monsieur le Président, j'en ai terminé avec mes questions concernant ce
20 document. Peut-être la Chambre a-t-elle des questions à son sujet.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, j'ai quelques questions.
22 Je suis sur ce rapport qui est fait par Luka Markesic, et a priori, je n'ai
23 aucun élément me permettant de penser qu'il ne reflète pas l'exacte
24 situation. Je constate qu'il y a beaucoup de détails et donc je pars a
25 priori d'une situation qui se déroule comme il l'écrit. En lisant ce
26 rapport, je constate qu'il y a six personnes dont il faut examiner le rôle.
27 Ce rapport fait état du président du HVO de Prozor. La deuxième personne,
28 c'est le commandant de la brigade. La troisième personne qui semble jouer
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1 un rôle, c'est le commandant de la police militaire. La quatrième personne,
2 c'est le commandant de la police civile, car il y a des faits commis par la
3 police civile. La cinquième personne, c'est le directeur de la prison, Mato
4 Zadro [phon] qui lui dénonce des faits. Et la sixième personne, c'est
5 l'auteur de ce document.
6 Partant de là, lorsqu'on regarde le document, on constate que l'auteur du
7 rapport met en cause le président du HVO et le commandant de la police
8 militaire, et il dit que le commandant de la police militaire s'est placé
9 sous les institutions de la municipalité, le HVO, le président du HVO, et
10 du commandant de la brigade. Et il cite une preuve en disant que quand
11 quelqu'un quitte la municipalité, il faut qu'il y ait la signature et le
12 sceau du président du HVO. Donc on est dans une situation très particulière
13 à Prozor. Quand on regarde ce document, on a l'impression que l'autorité
14 municipale incarnée par le président du HVO joue un rôle important et que
15 le commandant de la police militaire s'est mis en quelque sorte sous ses
16 ordres. Mais là encore, il ne peut rien se passer. Malheureusement, comme
17 le dit le document, il se passe énormément de choses et notamment des
18 pillages de convois et le commandant de la police militaire ouvertement dit
19 qu'il a été autorisé à piller les convois.
20 Le document dit également que la police militaire participe à des combats,
21 donc on peut comprendre qu'à ce moment-là, en liaison avec le commandant de
22 la brigade, ils participent à des combats, puis après ils vont se livrer à
23 des activités criminelles. C'est ce que nous dit le document.
24 Partant de là, à votre connaissance, le président du HVO de Prozor, quelle
25 personnalité avait-il ? Un individualiste, quelqu'un qui avait sa propre
26 politique, qui faisait ce qu'il voulait, qui n'obéissait à personne, ou
27 bien était-il étroitement dépendant de la structure civile du HVO ? Si vous
28 ne savez pas, vous dites "je n'en sais rien" et je passe à une autre
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1 question.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ignore, Monsieur le Président. Je
3 répéterai 100 fois s'il le faut que l'intensité des combats qui avaient
4 lieu avec les unités qu'on a décrites à l'époque où je me trouvais sur
5 place, si vous vous référez au document suivant, par exemple, cela
6 représentait un tel engagement de temps, d'énergie, de force, qu'après 20
7 heures de travail quotidien dont je m'acquittais en passant en revue la
8 ligne de front et en faisant toutes les autres tâches qui m'incombaient, je
9 m'écroulais tout simplement pour essayer de dormir un peu. Je ne pouvais
10 tout simplement pas faire plus que ce que j'ai fait et je répondais pour ce
11 dont je devais répondre. On ne peut pas inventer un système qui ne
12 correspond pas du tout à la réalité, enfin, selon moi, chacun procède comme
13 il le souhaite.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez vu que tout à l'heure l'avocate de M.
15 Coric a soulevé la question : mais c'est qui ces unités de police militaire
16 ? La police militaire qui est mentionnée ici, d'après vous, est-ce que ce
17 sont des gens qui dépendent de la chaîne de commandement de la police
18 militaire avec à la tête M. Coric, ou bien ce sont des personnes qui se
19 qualifient policiers militaires parce qu'ils sont dans la Brigade de
20 Prozor, la Brigade Rama, et ils se sont baptisés police militaire sans pour
21 autant dépendre de M. Coric ? Vous pouvez nous renseigner ou c'est
22 impossible ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble qu'ils appartenaient à un
24 bataillon de la police militaire qui se trouvait appartenir à la structure
25 de commandement de M. Coric.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc pour vous ils appartenaient à un bataillon
27 qui relevait de la structure de commandement de M. Coric. Bien.
28 Vous me dites qu'au mois d'août, la situation sur le plan militaire était
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1 tellement grave que vous, vous étiez uniquement occupé au combat et dans
2 ces combats la police militaire jouait un rôle, ce qui fait que vous ne
3 vous êtes pas occupé de tout cet aspect. Bon. Et M. Stringer a insisté, et
4 il a eu raison, parce qu'il voulait que vous précisiez si vous vous sentiez
5 responsable de la police militaire, et j'ai cru comprendre que votre
6 réponse c'est dire, Non, sauf quand ils sont subordonnés à une brigade qui
7 est placée sous mon autorité. C'est ça votre réponse ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors si j'analyse, quand ils sont subordonnés
10 à une brigade et qu'ils combattent, là, si jamais ils commettent un crime,
11 là vous avez un rôle à jouer. Mais quand ils ne sont plus subordonnés et
12 ils sont de retour chez eux dans leurs maisons, en permission de sortir ou
13 dans un café, à ce moment-là vous dites, Moi, je n'ai rien à voir, ce n'est
14 pas mon rôle ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, le commandant ne répond plus. Je
16 veux dire, s'il apprend quelque chose, il entreprendra quelque chose, mais
17 là il va y avoir l'enquête et des poursuites engagées par d'autres organes.
18 Et encore une fois, si on voit que ça s'est produit il faut protéger le
19 bâtiment, et cetera. Mais tout cela c'est au conditionnel, si, si, si. Et à
20 ce moment-là par les temps qui courraient ce n'était pas possible.
21 Et M. Stringer me posera des questions sur le document suivant et il verra
22 que j'ai considérablement amélioré la situation sur le terrain, comme dans
23 toutes les situations où je me suis trouvé. J'ai cherché à persuader, à
24 m'entendre, à empêcher la chute de Vakuf, et cetera.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la pause, il nous reste encore quelques
26 minutes.
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, je vous écoute cet
28 après-midi et je me souviens qu'à un moment donné M. Stringer vous a soumis
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1 que vous étiez au courant du fait qu'en envoyant la police militaire au
2 front ça aurait normalement causé une escalade de la criminalité. Donc il
3 estimait que vous étiez au courant de cela et vous, vous dites que c'était
4 inévitable, que la situation était tellement tendue et que la nécessité de
5 combattre l'ennemi justifiait le fait de verser les policiers au combat, ce
6 qui exposait les civils à un plus grand risque de subir la criminalité.
7 Est-ce que je vous ai bien compris ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Malheureusement, il en a été
9 ainsi. Vous avez bien compris. Donc ce que j'avais su précédemment sur la
10 criminalité, des centaines de chiffres, de données que j'avais reçues sur
11 le code pénal, la criminalité, le nombre de policiers, je savais, je ne
12 suis pas idiot. Donc si on réduisait le nombre de policiers militaires sans
13 doute ça allait être comme dans tout autre ville du monde, ça allait causer
14 plus de crimes de commis. Ça j'en étais conscient. Mais sur le plan
15 militaire la situation exigeait qu'une partie de ces forces de policiers
16 militaires soit versée au combat. J'ai demandé d'avoir le droit de les
17 engager, donc un droit de principe, et c'est ce que j'ai fait,
18 malheureusement, il en a été ainsi.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit qu'en raison des nécessités dues au
20 combat, vous envoyez la police militaire sur la ligne de front. Mais je
21 vais au niveau de Prozor, si vous aviez su ce qui se passait, tel qu'est
22 décrit le document, vols, viols, incendies, attaques de convois, policiers
23 militaires corrompus, tout ce qui est décrit, si vous aviez su cela, est-ce
24 que néanmoins vous auriez dit, Allez au combat, en sachant que le fait de
25 dire, Au combat, ça allait accroître la commission des crimes. Puisque si
26 les policiers militaires sont au combat, ils n'exercent pas un certain
27 contrôle, reste néanmoins les policiers civils qui eux commettent des
28 crimes. Parce que le document n'est pas uniquement consacré aux policiers
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1 militaires, mais concerne aussi la police civile. Alors est-ce que dans
2 cette hypothèse, ayant connaissance de ce document, vous les auriez
3 néanmoins envoyés au combat ?
4 La question est peut-être difficile, je ne vous oblige pas à répondre. Vous
5 pouvez dire, Je n'en sais rien. Donc j'essaie de voir quelle aurait été
6 votre réaction.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question difficile, Monsieur le
8 Président Antonetti, c'est une question très difficile, mais de bonne foi
9 et pour autant que je puisse je vais vous répondre.
10 A un moment donné, il est exact de dire que même la police civile je l'ai
11 prise pour l'emmener au front parce qu'il y a eu un endroit, la percé du
12 front, donc il y avait le risque tout comme le 2 -- du 1er au 2, il y a eu
13 la chute de Vakuf, 30 kilomètres de front sont tombés. Et moi, j'étais sur
14 un char à la mitrailleuse, j'étais le premier dans un premier temps à
15 défendre, à rattraper cette ligne. Après ils sont venus, mais tout le monde
16 s'était enfui. Ils ont incendié tous les entrepôts, leurs propres maisons,
17 voire même un entrepôt de munitions, ils l'ont fait sauté. Ils ont égorgé
18 leur propre bétail pour qu'il ne soit pris par les Musulmans. Donc dans une
19 telle situation et en ayant à l'esprit ce qui s'était passé à Bugojno,
20 probablement j'aurais envoyé cette police, quelle qu'elle soit avec moi, et
21 qu'ils répondent par la suite de ce qu'ils ont fait comme crime. Mais là
22 vous aviez 40 000 personnes qui se sont trouvées engagées dans une
23 catastrophe.
24 Enfin probable, honnêtement je vous dis que dans une telle situation,
25 même une telle police, si je l'avais su -- mais quand on dit "police
26 militaire", plus tard, en 1994 - le colonel Skender en parlera, je pense,
27 un officier haut gradé de la légion étrangère - vous avez eu un conflit
28 entre deux unités du HVO, deux morts, cinq blessés. Et ils m'ont appelé
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1 pour que je calme la situation.
2 Donc on ne peut pas vivre en dehors du monde tel qu'il se présente.
3 C'est en tout honneur que je me suis acquitté de mes obligations. Mais il
4 aurait fallu se trouver là-bas.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, terminez avec le dernier document
6 avant l'unique pause de cette journée.
7 M. STRINGER : [interprétation] Est-ce à 16 heures, Monsieur le
8 Président ?
9 M. LE JUGE ANTONETTI : "Yes."
10 M. STRINGER : [interprétation] Juste pour enchaîner, suite à quelques
11 déclarations que nous avons entendues de la part du général depuis quelques
12 instants. Page 39 943, s'il vous plaît, du compte rendu d'audience par le
13 programme sanction, si vous pouvez afficher cela.
14 Q. Le Président vient de vous poser une question, Général, il vous a
15 demandé qui avait la responsabilité des unités de la police militaire, et
16 vous avez dit :
17 "Je crois qu'ils appartenaient au bataillon de police militaire qui faisait
18 partie de la chaîne de commandement de M. Coric."
19 C'est à la page 39, ligne 10. Alors, à l'écran vous avez la
20 transcription de ce que vous avez dit en l'espèce plus tôt. Voilà ce que
21 vous avez dit en parlant de la même chose. Vous avez dit :
22 "Il est également vrai…"
23 Ligne 17, je cite :
24 "Il est également vrai que compte tenu d'une offensive intense menée par
25 l'ABiH, j'ai demandé de la part de Mate Boban, et après également de la
26 part de Bruno Stojic, qui était la deuxième instance, qu'une partie de la
27 police militaire soit placée à ma disposition et prenne part à la défense.
28 C'était toujours des officiers de police militaire, mais sur le plan
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1 opérationnel, c'était moi leur commandant."
2 Donc vous avez laissé entendre qu'ils faisaient partie de la chaîne de
3 commandement de Coric à l'instant, mais le fait est, Général, que pour ce
4 qui est des crimes commis par les policiers militaires subordonnés à vous à
5 des fins opérationnelles, c'était vous qui aviez la responsabilité de ces
6 crimes et de vous occuper de ces crimes dans la zone opérationnelle. N'est-
7 ce pas vrai ?
8 R. Non, non. La subordination opérationnelle, je l'ai expliquée par cinq
9 fois. Je ne sais pas combien de fois faut-il le faire pour que vous --
10 Q. Très bien, merci. Donc je vous soumets la chose suivante : vous étiez
11 au courant de ces crimes, mais, Général, vous êtes en train de nous dire
12 que même si vous étiez au courant, vous n'aviez aucune responsabilité, il
13 ne vous appartenait pas de vous occuper de ces auteurs de crimes ?
14 R. Je ne peux plus formuler de commentaires suite à vos questions
15 hypothétiques. Si vous aviez su telle ou telle chose, tout cela, ce sont
16 des conjectures à un degré tel que je n'ai pas de réponse à votre question.
17 Je me refuse de répondre à des questions hypothétiques.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, parfois, je formule des hypothèses.
19 Tout le monde peut formuler des hypothèses. Bon. Là, le Procureur formule
20 une hypothèse. Il vous dit, elle est très claire : Si vous aviez eu
21 connaissance de crimes à l'époque, qu'est-ce que vous auriez fait ? C'est
22 facile à répondre. D'ailleurs, vous aviez répondu tout à l'heure dans
23 l'hypothèse que j'avais formulée.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, mais il y a
25 30 ou 40 minutes que nous avons réglé cette question. Si j'avais su ce qui
26 est écrit dans ce document, l'auteur de ce document, je lui aurais dit :
27 Agis d'office. Il t'appartient de savoir de qui il s'agit, de faire saisir
28 le procureur, que ton supérieur le long de la ligne du SIS qui a la
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1 responsabilité de la sécurité de la police militaire relève de leurs
2 fonctions enquête, mette en prison, et cetera. Donc l'auteur de ce document
3 est tenu d'agir d'office, pas Praljak, pas quelqu'un d'autre.
4 Donc c'est un agent du FBI qui s'adresse à quelqu'un d'autre en disant :
5 Voilà, nous avons un certain nombre de problèmes. Mais non, c'est à eux
6 d'identifier les problèmes, d'apporter les preuves, de remettre cela au
7 procureur aux Etats-Unis qui traduira devant la justice cet homme. Donc on
8 opère une confusion. On inverse les thèses, ici. On écrit quelque part :
9 une centaine de véhicules ont été incendiés dans la banlieue parisienne, et
10 quoi maintenant ? Donc un policier qui rédige un document de ce type-là.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais que l'on s'attarde un
12 petit peu sur ce point.
13 Vous auriez dit au responsable de faire son devoir. Et ça aurait été qui ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le SIS a la responsabilité de la sécurité, le
15 service de Sécurité.
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien, merci. Vous avez emmené
17 et prélevé une partie importante de policiers militaires. Comment est-ce
18 qu'ils auraient pu faire cela ? Ils n'avaient pas la capacité de le faire.
19 Comment est-ce qu'ils auraient pu le faire, puisque vous avez prélevé leurs
20 moyens, leurs effectifs, pour qu'ils combattent la criminalité ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 14 août, cet homme écrit : La situation
22 s'est calmée. Donc, bien sûr, ils ont repris leurs postes. Et ils peuvent,
23 même s'il y a eu des lacunes, des défaillances, le faire à posteriori,
24 faire amener les auteurs des infractions.
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ça n'aurait pas véritablement
26 aidé les victimes, mais c'est une démarche possible.
27 Le Président Antonetti vous a soumis une question hypothétique. Donc si
28 vous aviez su ce qui était en train de se produire, non pas ce que vous
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1 auriez fait, mais est-ce que vous auriez agi de la même façon ? Donc si
2 vous aviez été mis au courant de manière plus détaillée et plus précise des
3 crimes commis, est-ce que néanmoins vous auriez donné l'ordre d'envoyer les
4 policiers au front ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais j'ai déjà répondu. La question est
6 difficile, mais imaginons que dans toute l'Herceg-Bosna, par la chute de
7 Vakuf et Prozor, il se produit ce qui est arrivé à Bugojno, à Travnik, ce
8 qui est arrivé aux Croates, il est très probable que j'aurais agi de cette
9 manière, que j'aurais pris tout homme armé pour empêcher la chute puisqu'à
10 ce moment-là, je suis le commandant qui a une priorité, comme tout
11 commandant de toute armée, cette priorité de ne pas subir une défaite,
12 défaite par rapport à son armée et à son peuple. Avant cela, on a eu
13 Konjic, on a eu Travnik. Donc placer son armée et son peuple dans une
14 situation où il y a des centaines de morts, d'expulsés, et cetera. Donc il
15 est très probable, Monsieur le Juge Trechsel, qu'en dépit de ces
16 connaissances, donc d'informations, j'aurais agi de la même façon. Je ne
17 voudrais pas vous mentir. C'est très probable. Bien sûr, on ne peut pas
18 affirmer avec une certitude totale.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Monsieur Praljak. Nous
20 semblons communiquer mieux aujourd'hui parce que là encore, vous avez
21 répondu à ma question. Merci.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, je vous assure que
23 c'est ce que je cherche à faire à tout moment. Si je n'y réponds pas, ce
24 n'est pas parce que je cherche à éviter la réponse, mais c'est parce que ça
25 dure trop longtemps et c'est trop complexe pour qu'on puisse éviter tout
26 malentendu, et non pas parce que je souhaiterais qu'il y ait des
27 malentendus.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause parce qu'on risque d'être en
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1 bout de bande. Donc on va faire 20 minutes et puis on reprendra vers 16
2 heures 20, et on arrêtera à 18 heures.
3 --- L'audience est suspendue à 16 heures 03.
4 --- L'audience est reprise à 16 heures 23.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, vous avez la parole.
6 M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie. Excusez-moi, j'étais en
7 train de vérifier ce qu'il en est de la pièce suivante, pour être sûr qu'on
8 pourra tous voir cette pièce.
9 Nous avons beaucoup parlé de la P 034 -- excusez-moi, 4177. Pendant
10 la pause, je suis arrivé à la conclusion que nous avons épuisé ce document.
11 C'est le point de vue de l'Accusation et il est temps de passer à un sujet
12 différent. Le sujet suivant, c'est un document que nous avons aperçu hier
13 et je souhaite revenir à l'examen de celui-ci.
14 Q. Général, 3D 00484. Général, c'est un de vos documents. C'est un
15 rapport, vous en avez parlé pendant l'interrogatoire principal, à son
16 début. C'est un rapport d'Ante Prkacin sur les efforts déployés par lui
17 pour atteindre la ligne de front de Jajce, en octobre 1992.
18 R. Oui.
19 M. STRINGER : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience,
20 Monsieur le Président, il me semble que la Défense Praljak sera d'accord
21 avec moi là-dessus, la première traduction faite de ce document, il y a
22 assez longtemps, d'après ce que j'ai compris par la Défense Praljak, ce
23 n'était pas la plus parfaite des traductions. Donc nous avons une nouvelle
24 version de la traduction. Nous avons fait la distribution, nous l'avons
25 communiquée à toutes les parties, y compris aux Juges de la Chambre. C'est
26 également téléchargé dans le prétoire électronique ou c'est en train d'être
27 téléchargé. Donc voilà la traduction. Nous avons une double interligne ici,
28 pour être certain que c'est bien du même document que nous parlons, et en
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1 haut, à droite, ET 3D 19-0240. Juste pour m'assurer que nous avons la
2 nouvelle traduction faite par le Tribunal, pas l'ancienne. La traduction
3 que vous avez à l'écran, ce n'est pas la bonne. La traduction exacte, donc,
4 n'est pas encore dans le prétoire électronique. Si nous sommes tous
5 d'accord, je peux continuer. Nous travaillerons avec des copies papier. En
6 fait, nous pouvons faire afficher par sanction la bonne traduction.
7 Q. Général, reprenons ce que vous avez dit précédemment, page 41 851 du
8 compte rendu d'audience de votre déposition, le 23 juin de cette année.
9 C'est ce que vous avez témoigné, c'est ce que vous avez dit et vous parlez
10 de la chute de Jajce. Et je voudrais contester ce que vous en dites et je
11 voudrais le faire sur la base de ce rapport.
12 Je vais vous donner lecture d'une partie de votre déclaration du mois
13 de juin portant sur la chute de Jajce. Vous avez dit :
14 "Jajce est tombé entre les mains des Serbes, une unité vient de Croatie.
15 Elle comporte environ 270 hommes, à 80 % des Musulmans et à 20 % des
16 Croates et ce sont des volontaires qui se sont portés volontaires pour
17 apporter leur contribution à la défense de Jajce."
18 Puis, je vais passer quelques lignes. Puis vous dites :
19 "Cette unité conjointe, avec une telle composition ethnique, n'a pas
20 pu parvenir en Bosnie centrale jusqu'à Travnik parce que les unités
21 musulmanes et les hommes politiques musulmans empêchaient ces hommes d'y
22 arriver. Ils ont passé trois journées à bord d'un bus en route de Gornji
23 Vakuf à Travnik. On leur a fait subir de mauvais traitements et ça a été le
24 début d'une préparation organisée de la part de l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine et de certains faisant partie de la direction du SDA pour la
26 conquête future de la Bosnie centrale.
27 Puis, je saute quelques lignes :
28 "Ça a été une nouvelle terrible, terrible et c'était très étonnant;
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1 et en fait, cela reflétait les tendances sur le plan militaire et politique
2 parmi les Musulmans et c'est ce que j'affirme."
3 Donc, Général, je voudrais contester ce témoignage. Je voudrais
4 étayer mon propos à l'aide du rapport de M. Prkacin. Donc il essaie
5 d'arriver de Grude à Jajce. Il dit que son déplacement commence le 28
6 octobre 1992 et vous voyez, au tout début du document, la deuxième phrase,
7 il dit :
8 "Le premier problème, même si ce n'était pas un problème majeur,
9 c'est quelque chose qui s'est produit au poste de contrôle, à 7 ou 8
10 kilomètres entre Tomislavgrad et Prozor, au moment où la police militaire
11 du HVO n'a pas accepté notre laissez-passer, c'est-à-dire l'ordre signé,
12 approuvé par M. Petkovic, qui était le chef d'état-major du HVO. Ils ont
13 exigé que l'on procède à un compte, qu'on dresse une liste de soldats. Et
14 l'un des soldats m'a demandé : 'Est-ce qu'il y a des Balijas ? Je les
15 tuerai tous.' Et compte tenu de la composition de l'unité, cette question a
16 été plutôt bizarre."
17 Et puis, il dit que dans la suite des événements, Prkacin a pu
18 résoudre la situation et ils ont pu passer.
19 Donc avant de passer à autre chose, Général, vous avez dit dans votre
20 déposition qu'il est vrai que ce groupe de soldats que Prkacin emmène à
21 Jajce, que c'était surtout des Musulmans; c'est exact ?
22 R. C'est exact, à 80 %, je pense, c'était des Musulmans.
23 Q. D'accord. Et c'est un groupe de militaires du HVO, ce sont surtout des
24 Musulmans; Ante Prkacin les emmène. Est-ce que ce sont des hommes qui
25 seraient passés récemment du HOS dans les rangs du HVO et que M. Prkacin
26 avait eu à voir avec eux pendant les mois qui ont précédé ?
27 R. Pour l'essentiel, c'était des volontaires arrivés de Croatie, ceux
28 qu'avait amené M. Prkacin. C'était des volontaires du HOS. Ils n'ont pas
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1 rejoint le HVO, ils sont restés le HOS et parmi eux, il y avait à peu près
2 80 % de Musulmans; et à Capljina, il y a eu le recomplètement pour aller
3 vers la Bosnie centrale.
4 Q. Donc quelques lignes plus loin, Prkacin dit :
5 "Nous sommes arrivés à Prozor vers 7 heures parce que la situation sur la
6 route était très difficile."
7 Il dit : "J'ai pris contact avec Glasnovic et puis deux autres groupes et
8 cette section antiterroriste de 30 hommes de Siroki Brijeg, avec d'autres,
9 étaient en train de m'attendre." Puis, il dit : "Nous avons attendu pendant
10 deux heures à peu près à ce que les hommes soient prêts et nous avons
11 attendu longtemps pour trouver un véhicule pour transporter 20 hommes."
12 Puis il dit qu'ils ont pris la route pour Vakuf vers 20 heures et
13 qu'à leur tête il y avait la police. Puis il dit qu'ils sont arrivés à
14 Bugojno et que c'est de manière conjointe, par la police militaire du HVO
15 et l'ABiH, que le contrôle a été exercé, et que l'ABiH a demandé une
16 demande écrite de passage afin de répondre par écrit.
17 Puis, le paragraphe suivant, il évoque une rencontre avec le
18 commandant Sead Dautovic, c'est un commandant de l'ABiH, il l'a bien
19 accueilli mais il a demandé une liste de soldats et ça a été refusé.
20 Et pour ce qui est des lignes qui suivent, il parle de Dautovic qui
21 entre en contact avec M. Lendo. Je pense que vous avez parlé de ce monsieur
22 à un moment donné. Et en fin de compte, on donne un laissez-passer à
23 Prkacin. Il dit que c'était plutôt étrange, car une escorte policière
24 allait leur être donnée et une escorte par le groupe antiterroriste qui
25 allait les protéger, mais en fait, avait pour mission de les détruire si
26 jamais leurs hommes prenaient une position de manière inquiétante. Et
27 Prkacin dit qu'il a accepté cela quasiment sans poser aucune condition
28 puisqu'il voulait arriver au plus vite à Jajce mais que la réaction a été
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1 forte parmi les membres de la police du HVO. Ils ont dit que c'était
2 inacceptable. Donc il décrit quelles sont les difficultés qu'ils ont
3 rencontrées, les conditions avec ce passage du HVO.
4 Puis, il parle de Bugojno. Il dit qu'il y avait MM. Suvalic et Bilos
5 qu'il a trouvés au QG de la police militaire de Bugojno. Et il dit qu'ils
6 n'ont pas vraiment apprécié la situation et que c'est peu dire. Puis, il
7 parle aussi d'un groupe antiterroriste de Siroki Brijeg qui comptait 30
8 hommes. Et puis il dit :
9 "Il y avait un autre groupe de ce type. Leur commandant est venu me
10 demander la permission d'attaquer des membres de l'ABiH qui nous ont
11 encerclés. Predrag Mandic (Lija), le chef du groupe de Siroki Brijeg, a
12 fait quelque chose de comparable. Il m'a dit qu'il était prêt et qu'il
13 fallait que je leur donne le signal quand le moment est bon."
14 Et puis il dit qu'ils sont revenus à Bugojno et des représentants de
15 l'ABiH, Dautovic, et du HVO, Zivko, se sont mis d'accord pour les laisser
16 passer. Il a fallu qu'ils attendent pendant cinq heures pour que cela soit
17 fait. Et puis Prkacin dit qu'il était agacé et nerveux de tout ça, et puis
18 :
19 "Le commandant de Siroki Brijeg, Mandic, était catégorique et il a dit :
20 'Je suis prêt à combattre, je n'ai pas peur de mourir, mais ça, c'est une
21 mission kamikaze. Ça n'a pas de sens. Tuta (son supérieur Tuta Naletilic)
22 m'a donné l'ordre de bien réfléchir avant d'aller où que ce soit; donc je
23 me dis que ceci n'a pas de sens et que c'est trop dangereux, donc je vais
24 rentrer…'"
25 Donc est-ce que cela correspond à ce que vous en saviez en octobre 1992, à
26 savoir que Predrag Mandic était un subordonné de Mladen Naletilic, Tuta ?
27 R. Je ne peux pas en parler. Je ne sais pas à quel moment il a été -- ce
28 n'est pas une question à laquelle je peux répondre avec certitude.
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1 Q. Ça va. Je ne voudrais pas que vous essayiez de formuler des
2 conjectures.
3 R. Mais j'ai bien peur que vous sautez pas mal de choses qui sont
4 contenues dans ce document, que c'est une partie de sabotage de l'ABiH qui
5 escorte le convoi, qu'ils ont encerclé le convoi, qu'ils ont pointé leurs
6 Zolja sur le convoi et qu'il y a des hommes qui ont été formés à Split et
7 qui sont originaires de Bosnie centrale. Donc je maintiens ce que j'avais
8 dit.
9 Q. Non, vous avez raison, Général. Je ne vais pas donner lecture de la
10 totalité du document. J'essaie de lire certains extraits. Tout un chacun
11 peut lire l'intégralité du document. Je voudrais juste avoir un aperçu
12 général de ce qui s'est passé et des endroits où ils se sont trouvés. Et je
13 pense que nous avons tous pu voir qu'il s'est produit un certain nombre de
14 choses qui ont créé beaucoup de tension et comment la situation évolue.
15 Et je vais poursuivre. Donc il dit qu'ils sont arrivés à un accord à
16 Bugojno, ils étaient prêts à partir. Donc, page 3, en haut de la page 3 de
17 la version anglaise. Il dit qu'au moment où ils étaient prêts à partir,
18 l'ABiH leur a refusé le passage le long de la route au sujet duquel ils
19 avaient précédemment donné leur accord, mais on leur a proposé ensuite un
20 itinéraire alternatif via Vakuf et Pavlovica.
21 Ensuite, il parle du passage d'un certain nombre de barrages sans
22 difficulté. Il dit qu'ils ont atteint le poste de contrôle de Sebesic, où
23 l'officier chargé du commandement était Ivica Cobanac. Il dit que les
24 hommes de ce dernier ont manifesté une opposition considérable à l'égard
25 des Musulmans, ce qui a constitué une perturbation supplémentaire pour les
26 Musulmans de son unité. Il dit :
27 "Je suis allé avec M. Cobanac dans son bureau. Il a promis de laisser
28 passer le convoi malgré le fait qu'il haïssait les Turcs plus que les
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1 Serbes, parce qu'ils avaient tué davantage de ses hommes que les Chetniks,
2 mais il disait que nous ne pourrions pas passer de façon sûre aux deux
3 barrages suivants qui avaient été établis à titre à moitié privé, des
4 barrages musulmans, parce qu'il y avait aussi des hommes là-bas qui
5 haïssaient les Croates et les criminels. Donc il a proposé de dégager le
6 terrain avec des lance-roquettes, des RPG et des armes antichars."
7 Alors, Général, nous parlons d'une période où ces hommes s'efforçaient de
8 passer à travers des zones qui étaient très proches de la zone de Prozor,
9 où il y avait des activités de combat entre l'ABiH et le HVO qui avaient
10 déjà été engagées depuis plusieurs jours, n'est-ce pas ? Nous parlons de la
11 période autour du 28 octobre 1992.
12 R. Non, cela concerne Bugojno et la zone autour de Bugojno et de Travnik.
13 Ici, toutes ces unités de volontaires, on les a laissées passer pour
14 qu'elles puissent participer à la Défense de Jajce, qui était menacée par
15 une chute imminente.
16 Q. Général, ce que j'essaie de mettre en évidence, c'est qu'en raison des
17 événements se déroulant simultanément à Prozor, en même temps que ce qui se
18 passait à Bugojno, il y avait une tension et une défiance considérable, et
19 beaucoup de peur également, et cela était présent sur toutes les routes et
20 dans tous les postes de contrôle, n'est-ce pas ?
21 R. Non. Le HVO laissait passer les unités, malgré ce Cobanac. C'est ce qui
22 est écrit ici. Il a d'ailleurs subi un véritable massacre de la part des
23 Moudjahidines plus tard.
24 Q. Je voudrais vous demander la chose suivante : si l'ABiH, en se fondant
25 sur les événements de Prozor, était réticente pour ce qui était de laisser
26 passer un groupe d'une certaine importance, un groupe armé de soldats du
27 HVO à travers son territoire, cette réticence aurait été pour le moins
28 justifiée, n'est-ce pas ?
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1 R. Non, ce sont des Musulmans et s'ils ne veulent pas laisser passer une
2 telle unité composée à 80 % de Musulmans, je veux dire, comment est-ce
3 qu'on pourrait utiliser une telle unité de quelque façon que ce soit contre
4 l'ABiH ? C'est inexact. Au contraire, cela appuie ce que j'ai dit. A ce
5 moment-là déjà, l'ABiH considérait le HVO comme une force qu'il faudrait
6 écraser à l'avenir. Il y avait au moins 200 Musulmans dans cette unité et
7 cela n'aurait pu que montrer le fait que ces hommes accompagnant Prkacin
8 étaient au sein d'une unité où il n'y avait pas de distinction sur une base
9 ethnique et qu'ils voulaient combattre ensemble, conjointement à Jajce.
10 Q. Mais ce que nous avons vu, Général, jusqu'à présent, ce qui s'est passé
11 à deux de ces points de contrôle, en réalité, c'est bien la composition
12 ethnique de ce groupe, de cette unité qui a entraîné une réaction hostile
13 au sein du HVO. Ils ne voulaient pas laisser passer des Balijas, ils ne
14 voulaient pas laisser passer les Turcs, et s'ils l'ont fait, ils l'ont fait
15 avec réticence et cela a certainement contribué à un retard et à une plus
16 grande suspicion encore, n'est-ce pas ?
17 R. Il est vrai qu'il y a eu des individus qui se sont comportés ainsi,
18 mais le HVO réussissait à contraindre de tels individus à laisser passer
19 les convois, les convois passaient. Cependant, ce n'est pas le HVO ni le
20 général Petkovic qui a décidé d'affecter un groupe antiterroriste à
21 l'escorte de cette unité pour qu'il les tienne en joug. Un individu, c'est
22 un individu et la position de l'état-major, position que l'on arrive à
23 mettre en œuvre parfois avec de grandes difficultés, c'est autre chose.
24 Ici, c'était la position de l'ABiH, alors que dans notre cas il ne
25 s'agissait que d'individus et même dans le cas de Cobanac, parce qu'il
26 affirme que l'ABiH a tué beaucoup plus de ses hommes, ce qui est exact,
27 c'est une chose, mais il n'en dit pas moins qu'il va laisser passer le
28 convoi parce qu'il en a reçu l'ordre. Alors que les autres après ne
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1 laissent pas passer parce que l'équipe suivante, le poste de contrôle
2 suivant, c'était des Moudjahidines pour la majorité à Rostovo.
3 Q. Donc Prkacin parle de poursuivre le chemin en direction de ces barrages
4 musulmans, et je ne vais pas tout lire, je voudrais juste revenir au bas de
5 la page 3 en anglais. Il dit qu'il a ordonné qu'ils fassent machine
6 arrière, qu'ils reviennent en arrière. Il dit :
7 "…cela se poursuivait en profondeur dans la forêt et le long d'un sentier
8 de mauvaise qualité et sous la pluie, j'ai essayé de trouver un hébergement
9 à Bugojno ou à Vakuf par l'intermédiaire de la police, mais ils ne
10 souhaitaient pas nous permettre de garer les autocars. Ils nous ont, au
11 lieu de cela, escortés jusqu'à Prozor où nous sommes arrivés après minuit.
12 Nous n'avons pas été en mesure d'assurer un hébergement sur place, si bien
13 que les hommes ont été obligés de dormir dans les bus."
14 Alors, Général, Prkacin revient à Prozor, il n'est pas en mesure de trouver
15 un hébergement pour ses hommes. Et ensuite, il est dit :
16 Le matin suivant, le 29, ils se regroupent et il dit qu'ils sont rejoints
17 par une section de l'ABiH originaire de Mostar, il dit qu'ils reçoivent
18 l'assurance qu'ils seront escortés par des hommes de la police jusqu'à
19 Travnik, jusqu'à des casernes importantes où les hommes pourront se reposer
20 et manger enfin, après 60 heures.
21 Il dit ensuite, je cite :
22 "Cette fois-ci, nous avons réussi à rejoindre Travnik malgré des
23 difficultés mineures (un certain nombre de retards à plusieurs endroits, un
24 camion qui avait été, de façon délibérée, laissé sur la route par des
25 Musulmans dans les villages d'Opare)…
26 "Il nous a fallu près de 20 minutes pour le déplacer, mais à présent
27 -- je faisais face à des défis, j'étais contraint de fournir un hébergement
28 et d'obtenir des informations concernant la réalité de la situation à
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1 Jajce. Ils mont amené à Vitez afin de voir le commandant de la zone
2 opérationnelle, M. Blaskic. Je me suis enquis d'un éventuel hébergement et
3 des locaux, des bâtiments ont été envisagés pour prendre en charge 20 à 50
4 hommes, mais ils étaient à 30 kilomètres de distance." Il continue, je cite
5 :
6 "Ils ont donné leur accord. Blaskic a choisi M. Filipovic pour
7 m'accompagner jusqu'à Travnik. Mais M. Filipovic ne s'est pas acquitté de
8 cela. Au lieu de prendre des décisions et d'émettre des ordres, il s'est
9 contenté de faire des propositions et de prier ce qui n'amenait aucun
10 résultat."
11 Ensuite, les unités qui sont avec Prkacin se retrouvent dans la zone
12 opérationnelle de Bosnie centrale. Le commandant de la zone opérationnelle
13 les remet ensuite aux bons soins de Filipovic pour qu'il leur trouve un
14 hébergement et le HVO ne peut même pas trouver des lits pour ses propres
15 hommes.
16 Il continue en disant :
17 "Je sais que les officiers de l'ABiH ont promis d'apporter leur aide en
18 matière d'hébergement pour ce qui était des hommes qui étaient dans des
19 pièces dépourvus de lits, mais cela n'a pas donné de bons résultats. Ils
20 n'ont réussi à libérer qu'une seule pièce sans lits ni couvertures et la
21 plupart des hommes sont restés dans les bus."
22 Ensuite, il continue. Nous sautons juste un paragraphe et il dit :
23 "Nous avons quitté Travnik, nous nous sommes dirigés vers Turbe, notre
24 véhicule a été la cible de tirs d'armes d'infanterie légère."
25 Et je vais maintenant avancer à la page suivante en anglais. Il parle des
26 événements et de ses observations lorsqu'il essayait d'arriver jusqu'à
27 Jajce pour voir quelle était la situation sur place. Il dit :
28 "Nous avons aussi vu un certain nombre de civils et de soldats se
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1 dirigeant, marchant vers Jajce [comme interprété]."
2 Voyez-vous cet extrait, Général ?
3 R. Il les a vus marcher vers Travnik.
4 Q. "Nous avons rencontré des obstacles qui avaient été dressés pour
5 empêcher le passage de véhicules en direction de Jajce."
6 Il parle de tout cela et en substance, il dit que :
7 "Après tout ce qui s'était passé, ils avaient été obligés de renoncer
8 et de partir vers Travnik. Nous n'avons pas pu retrouver les membres du
9 HVO, dit-il, et nous avons suggéré au commandant de l'ABiH de dégager la
10 route. Ils ont promis de faire ainsi, mais ils n'ont pas réussi à le faire
11 parce qu'ils avaient réessayé entre 3 et 4 heures de l'après-midi, ensuite
12 encore une fois, mais ont échoué une nouvelle fois en la matière. Nous
13 avons réussi, en revanche, à faire autre chose. A ce moment-là, nous
14 voyions un très grand nombre de soldats se déplacer de façon désordonnée à
15 partir de Jajce en direction de Travnik. En nous entretenant avec certains
16 d'entre eux, nous avons découvert que de notre côté, à savoir du côté du
17 HVO et de l'ABiH, il y avait une désertion qui était en train de se
18 produire le long des flancs."
19 Il continue ensuite en parlant de différentes choses qu'ils ont essayé de
20 mettre en place pour faire face à la situation.
21 Et à la toute fin, il conclut :
22 "Je pense que Jajce devrait être considérée comme la dernière leçon et le
23 dernier avertissement qui nous sont donnés. Nous ne pouvons pas gagner
24 cette guerre en menant le combat ainsi et face à un tel ennemi. Participer
25 à une guerre de défense ne signifie pas exclusivement se défendre. Nous
26 devons renoncer à des combats basés uniquement sur des tranchées…"
27 Il continue.
28 Général, je me rends compte que j'ai pris un certain temps pour passer en
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1 revue ce document et que je n'ai pas tout lu - chacun peut en prendre
2 connaissance - alors, Général, dans votre déposition vous reprochez à
3 l'ABiH ou à la direction politique musulmane le fait d'avoir un certain
4 nombre d'objectifs ainsi que d'avoir contribué à la chute de Jajce. Mais ce
5 que nous voyons ici c'est que toute cette tension et ces difficultés
6 rencontrées sur le terrain ont contribué au fait que ces soldats ne sont
7 pas arrivés jusqu'à Jajce et à la chute de Jajce. Et nous voyons que ce
8 n'est pas le résultat d'une volonté politique profondément enracinée ou
9 d'un désir émanant de la direction politique musulmane. C'est ce que je
10 souhaite vous soumettre. Est-ce que vous en conviendrez avec moi ?
11 R. Je n'ai pas besoin d'en convenir avec vous car je n'ai pas dit, pour
12 autant que je m'en souvienne, que la chute de Jajce ait été causée par une
13 telle attitude envers le général de l'ABiH, qui était Ante Prkacin. Il
14 était général de l'ABiH. Par conséquent, si Jajce est tombée, c'est pour
15 des raisons tout à fait différentes dans le détail desquelles je ne suis
16 pas entré.
17 Je ne pense pas que vous puissiez trouver, dans quelque déclaration
18 que j'ai pu donner, une accusation à l'encontre d'un homme politique comme
19 quoi il aurait été responsable de la chute de Jajce ou que j'aurais établi
20 un lien entre la chute de Jajce et cet événement. Cet événement-ci, j'en ai
21 parlé d'un point de vue complètement différent, à savoir que l'ABiH a fait
22 preuve d'une attitude tout à fait incompréhensible à l'égard d'une unité
23 composée de quelque 270 hommes parmi lesquels il y avait au moins 200
24 Musulmans et qui souhaitaient apporter leur contribution pour que Jajce ne
25 tombe pas. Alors, Jajce serait peut-être tombée de toute façon, cela, on ne
26 le sait pas, mais un tel comportement montre tout simplement que les choses
27 se sont déjà fissurées très profondément, et cela à très haut niveau, non
28 pas juste au niveau de quelques individus.
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1 Q. Dans votre déposition, plus tôt, je lis que vous avez établi un lien
2 entre la chute de Jajce et les objectifs politiques des Musulmans. Je
3 voudrais vous en donner de nouveau lecture. C'est de nouveau en page 41
4 851. Vous dites :
5 "J'affirme que ceci représentait le début de préparatifs organisés de la
6 part de l'ABiH et de certains membres de la direction du SDA aux fins d'une
7 conquête ultérieure de la Bosnie centrale, car comment pouvez-vous avoir
8 confiance en les bonnes intentions de quelqu'un en matière de combat
9 conjoint avec une telle unité après la chute de Jajce, si on ne laisse pas
10 passer vers Jajce une telle unité à un prix aussi élevé, qui est donc la
11 chute de Jajce ? C'était quelque chose de tout à fait terrible que de
12 prendre conscience de cela, c'était très surprenant, et cela reflétait à
13 vrai dire les tendances qui étaient présentes au sein de l'armée des
14 Musulmans et de leur direction politique dans la période suivante. C'est ce
15 que j'affirme."
16 Général, ce que j'affirme se fonde sur ce rapport. Ce que nous voyons c'est
17 que Prkacin n'a pas été en mesure d'arriver à destination.
18 R. C'est ce que je dis aussi.
19 Q. Ce que nous voyons dans ce rapport c'est qu'il y a eu un très grand
20 nombre de facteurs, aussi bien du côté du HVO que de l'ABiH, qui ont
21 résulté en retards, en tensions, en une situation conflictuelle, et qu'il
22 est tout simplement impossible d'attribuer la chute de Jajce ou l'échec de
23 Prkacin, pour ce qui était d'arriver à temps à Jajce, à juste une des deux
24 parties au conflit. C'est ce que je souhaite vous soumettre.
25 R. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir donner lecture du passage
26 exact où j'ai dit que la chute de Jajce aurait été liée à cela. J'ai dit
27 qu'après la chute de Jajce, cela reflète les réflexions et la situation qui
28 ensuite allaient amener à autre chose. Et je pense qu'à ce moment précis
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1 j'avais tout à fait raison, que les estimations auxquelles j'avais procédé
2 étaient justes. J'ai mis en œuvre tous mes efforts pour que ces estimations
3 ne se réalisent pas, et j'ai continué jusqu'au mois de mai.
4 Malheureusement, tout cela a été en vain et j'en reste à 100 % à la
5 déclaration que j'ai donnée, qui était tout à fait exacte, et ce n'est pas
6 ce que vous dites, à savoir que j'aurais établi un lien entre la chute de
7 Jajce et cet événement, l'arrivée de cette unité.
8 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je suis prêt à passer
9 au classeur suivant.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai deux questions. L'une relativement facile, et
11 la deuxième sera assez compliquée.
12 La première c'est les "check-points", où là, à partir de ce document, on
13 voit qu'il y a un incident à ce point de contrôle. Nous avons vu de
14 nombreux documents où il est toujours fait état des "check-points".
15 D'ailleurs, pas plus tard qu'il y a quelques jours, nous avions un document
16 de M. Petkovic qui marquait la nécessité d'assurer ces contrôles. J'ai
17 réfléchi à cette question depuis un certain temps, et pouvez-vous me dire
18 si dans la doctrine de la JNA, pour peu que vous la connaissez, parce que
19 c'est de nature hautement militaire, est-ce que dans l'ex-Yougoslavie la
20 doctrine de la JNA, des généraux yougoslaves, était de contrôler dans le
21 territoire de l'ex-Yougoslavie toutes les routes de communication par des
22 "check-points", compte tenu de la topographie qui, à ce moment-là, en
23 faisant un contrôle, ça permet d'assurer en quelque sorte cette notion
24 chinoise de communisme chinois, c'est-à-dire la Défense populaire. Et donc,
25 est-ce que dans l'ex-Yougoslavie et notamment en République de Bosnie-
26 Herzégovine, les "check-points" correspondaient à une stratégie militaire
27 qui était que par cela on arrivait à contrôler le mouvement des troupes de
28 l'ennemi.
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1 Donc ça c'est une question assez facile qui est de nature militaire.
2 Pouvez-vous répondre ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux répondre en me fondant sur mes
4 propres connaissances correspondant non seulement à la JNA mais également à
5 toutes les autres armées. Sur les routes, la police militaire a
6 l'obligation de procéder à des contrôles en des points précis, contrôles
7 des déplacements opérés par les convois, par les soldats, et ceci afin
8 d'avoir connaissance de ce qui se passe et de ne pas permettre que se
9 produise quelque chose qui du point de vue militaire serait inacceptable.
10 Et cela correspond à tout ce que j'ai pu voir, aussi bien dans la
11 littérature que dans les films, c'est ce qu'on observe dans toute guerre.
12 On établit des points de contrôle où l'on contrôle donc tous les véhicules
13 qui passent dans les zones où se déroule un conflit. C'est ce que je puis
14 dire en me fondant au mieux sur mes connaissances.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors une sous-question et j'aurai terminé avec
16 cette question des "check-points". Nous avons vu de nombreux documents où
17 on s'aperçoit que parfois il y a des incidents aux contrôles, et là il y en
18 a un. Nous avons vu par plusieurs documents que certains, des deux côtés,
19 semble-t-il, HVO, ABiH, avaient mis en place, au moment de ces contrôles,
20 peut-être hors de toute autorité, des taxes qu'ils percevaient lorsque les
21 gens passaient. Une voiture arrivait, il fallait payer une taxe pour
22 continuer le chemin. A votre connaissance, est-ce que c'était un système
23 qui avait lieu, qui était organisé, ou bien des comportements individuels
24 de soldats qui étaient là aux "check-points" et qui se disaient : Je joins
25 l'utile à l'agréable en taxant ceux qui passaient aux points de contrôle ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] En dehors des points de contrôle réguliers, si
27 vous voulez, qui ont été établis en des lieux précis et qui étaient sous le
28 contrôle de la police militaire, il arrivait également qu'une brigade
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1 établisse son point de contrôle.
2 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le
3 Président. Il y a une erreur très importante au compte rendu d'audience.
4 C'est en page 63, ligne 6. Le général Praljak a dit : "En dehors des points
5 de contrôle réguliers," alors qu'au compte rendu d'audience, il a été
6 consigné : "En dehors des points de contrôle irréguliers." Il me semble que
7 cela est très important et qu'il serait bon que le général répète ce qu'il
8 a dit. Je vous remercie.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc en dehors des points de contrôle
10 militaires réguliers, qu'il s'agisse de ceux de l'ABiH ou du HVO, mais en
11 tout état de cause, des points de contrôle de la police militaire, il
12 arrivait parfois aussi qu'un commandant, lorsque son unité se rendait sur
13 le théâtre des opérations ou en revenait, mette en place un point de
14 contrôle pour vérifier que tout le monde était bien placé. Cependant,
15 Messieurs les Juges, le nombre de points de contrôle sauvages était tout
16 simplement trop élevé.
17 Je suis passé juste après Prkacin en direction de la Bosnie centrale
18 et je pense que j'ai été arrêté au moins une quinzaine de fois par des
19 individus absolument invraisemblables. Et j'affirme que la seule chose qui
20 m'a permis de passer c'était mon aptitude de réalisateur et d'acteur qui
21 m'a permis de passer ces points de contrôle. C'était ma capacité à estimer
22 le comportement qu'il convenait d'adopter pour réussir à passer. Je
23 pourrais vous donner des détails si vous le souhaitez. C'était des hommes
24 qui, après quelques jours, se livraient à un vol, des larcins; puis ils
25 passaient à un autre endroit et puis ils disparaissaient. Ils revenaient
26 sur la route pour poser quelques blocs, quelques rochers pour établir un
27 barrage ou quelques rondins de bois, et ils avaient leurs propres armes
28 avec eux.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Ma deuxième question qui est de nature assez
2 compliquée.
3 Je vous ai écouté pendant ces semaines et à plusieurs reprises vous avez
4 parlé de Jajce, de cette localité, qui semble-t-il, sauf erreur de ma part,
5 est célèbre pour ses chutes d'eau. Et là, voilà qu'en fin d'après-midi M.
6 Stringer vous sort un document sur Jajce et vous pose des questions sur la
7 concordance entre une action éventuelle d'Izetbegovic, des Musulmans, et la
8 chute de Jajce. Alors on va essayer d'être clair.
9 Vous avez dit qu'à Jajce, face aux Serbes, il y avait les Musulmans
10 et le HVO qui étaient sur la ligne de front. Et puis ceci a sauté, des
11 unités ont quitté les lieux et ça a été, semble-t-il, assez catastrophique
12 puisqu'il y a eu des départs de nombreux réfugiés dont, semble-t-il, je dis
13 ça sous toute réserve, 20 000 réfugiés Musulmans qui partent dans toutes
14 les directions.
15 Est-ce que ce facteur des réfugiés qui, selon certains, posait un
16 double problème à Izetbegovic, d'une part les loger quelque part, où
17 allaient-ils aller ? Deuxièmement, allait-il les utiliser dans le cadre de
18 ce qu'on appelle les conclusions des réflexions Vance-Owen ? Certains
19 semblent dire que Izetbegovic profitait de cette situation, qui était des
20 milliers de gens sur les routes, des tas de réfugiés, un affaiblissement
21 certain du HVO dans cette débandade, qu'à ce moment-là, il aurait pu
22 planifier une attaque avec Halilovic et les autres contre le HVO, ce qui
23 pourrait expliquer d'une certaine façon les événements de Prozor. Donc il
24 pourrait y avoir un lien : Jajce, les réfugiés, l'exploitation politique
25 co-militaire de la situation par Halilovic et Izetbegovic, et les
26 événements de Prozor. Est-ce possible ? Est-ce impossible ? Qu'est-ce que
27 vous me dites ?
28 Je vous pose cette question, Général Praljak, parce qu'au terme du
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1 Statut, les Juges qui devront à la fin du procès statuer sur votre
2 éventuelle innocence ou culpabilité, ont aussi la mission de dire ce qui
3 s'est passé. Donc dans un jugement, il faudra, d'un moyen ou d'un autre,
4 expliquer l'enchaînement de tous ces événements. Donc moi, à titre
5 personnel, j'ai besoin de ce type de questions et de réponses pour essayer
6 de comprendre qu'est-ce qui s'est exactement passé. Donc je vous soumets un
7 événement qui a pu se passer. Vous me dites: C'est exact, c'est faux. Et
8 vous me dites pour quelles raisons.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas de lien de cause à la
10 conséquence entre la chute de Jajce et les événements de Prozor. Je pense
11 qu'il n'y en a pas. C'est pour répondre à votre première question.
12 A Jajce vivaient des Musulmans et des Croates, en proportion à peu près
13 égale. L'ABiH et le HVO défendaient Jajce, peut-être le HVO l'a-t-il fait
14 avec des effectifs un peu plus importants. Mais Jajce, compte tenu de la
15 façon dont elle était défendue, ne pouvait pas se maintenir d'un point de
16 vue militaire, car l'entonnoir qui va de Travnik à Jajce était complètement
17 contrôlé par les Serbes, il leur était particulièrement difficile. Vous
18 voyez que Prkacin dit qu'ils tiraient d'une distance de 200 mètres sur ce
19 chemin. Ce que j'ai essayé de faire ensuite là-bas, ce corridor, si vous
20 voulez, était complètement contrôlé par la VRS. Et d'un point de vue
21 militaire, Jajce serait tombée cinq jours plus tôt ou cinq jours plus tard,
22 mais elle serait tombée. Compte tenu de la situation militaire, c'était
23 extrêmement difficile d'agir. Et des réfugiés croates arrivaient, ainsi que
24 de nombreux membres du HVO qui eux aussi ont réussi à se frayer un chemin.
25 Ils se sont arrêtés en Croatie, à Makarska, et ainsi de suite. Et ensuite,
26 ils demandaient que leur solde leur soit versée. Et les Musulmans de
27 l'ABiH, au lieu d'agir de façon logique et de se rendre à Tuzla en
28 direction de Srebrenica et de Sarajevo, ont pris le chemin de Gornji Vakuf,
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1 où il n'y avait pas de danger en provenance de la VRS. Et ensuite, ils ont
2 provoqué des désordres, des désordres qui ont suivi. Alors pourquoi
3 déplacer une brigade en direction de Vakuf alors que vous êtes censés vous
4 battre contre des Serbes qui ne sont pas présents à Gornji Vakuf ? Et la
5 ligne qui était tenue par l'armija, face à des positions ennemies, était
6 une ligne qui n'était pas très étendue. Les réfugiés qui étaient des
7 réfugiés Musulmans sont restés à Vakuf et la majorité d'entre eux également
8 à Travnik, ont entraîné des changements de la constitution ethnique de la
9 population. Et ce sont des problèmes qui se présentent de façon tout à fait
10 logique et naturelle. La présence de ces personnes entraîne des problèmes
11 nouveaux. Elles se rendent compte qu'elles ne reviendront pas dans les
12 zones contrôlées par les Serbes et elles recherchent un espace où elles
13 pourront s'installer par tous les moyens. Ce sont des personnes qui sont
14 épuisées, désespérées, fatiguées, c'est une véritable bombe à retardement.
15 Excusez-moi. Ce sont des gens qui sont à la recherche d'un espace où ils
16 pourront se maintenir. Et c'est un problème considérable face auquel le HVO
17 et les Croates ont la perception suivante, ils se disent : Mais attendez
18 une minute, jusqu'à hier nous étions 40 ou 50 % ici, et maintenant nous
19 nous retrouvons à n'être plus que 17 %.
20 Et c'est là que l'engrenage se met en route, et c'est là également
21 que nous avons un certain nombre d'événements tout à fait révélateurs.
22 Pourquoi refuse-t-on le passage à une telle unité ? Ce n'est plus de Jajce
23 qu'il s'agit. Il n'y a plus de défense à Travnik. Jusqu'à Sarajevo, il n'y
24 a plus rien. Alors pourquoi ne pas laisser passer cette unité, pourquoi ne
25 pas permettre la constitution de ligne ? Vous avez vu le pouvoir qui est
26 celui de Filipovic par rapport à cette caserne et pour ce qui est des
27 commandants de l'ABiH. A ce moment-là, Messieurs les Juges, en dehors de
28 tout organigramme, j'ai repris à ma charge le commandement à Travnik, les
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1 ordres visant à creuser des tranchées, au déminage, et cetera.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais j'en tire deux conclusions dans ce que
3 vous dites. Un, il n'y a aucun rapport avec les événements de Prozor. Et
4 deux, vous dites ceci, et ça me paraît important et c'est livré à la
5 réflexion de tout le monde, c'est que ces réfugiés ont modifié des
6 compositions ethniques. Et vous avez cité le cas où parfois, dans certaines
7 localités, il y avait 40 %, et du fait de l'arrivée de tous ces réfugiés,
8 ça pouvait tomber à 17, 7 %. J'ai bien gardé ça en mémoire et je
9 réfléchirai sur cette question ultérieurement.
10 Bien. Alors, je vais redonner la parole à M. Stringer.
11 Oui, Monsieur Praljak.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, ayez à l'esprit que c'est à
13 ce moment-là qu'on se radicalise. C'est dans ce type de situation que voit
14 le jour le radicalisme, parce que des solutions radicales sont plus
15 acceptables dans ce type de situation que ceux qui cherchent à calmer le
16 jeu.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
18 Dépêchez-vous et comme ça on va distribuer les nouveaux classeurs.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je bois trop d'eau ici.
20 [Le témoin quitte la barre]
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, on aura un nouveau classeur ?
22 Attendez. Je le cherche.
23 M. STRINGER : [interprétation] Oui. "Liste numéro 7" s'intitule ce
24 classeur. Peut-être que l'huissier pourrait profiter de cette absence brève
25 du général pour remplacer ce classeur numéro 6 par le nouveau classeur.
26 [Le témoin vient à la barre]
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors on va commencer.
28 M. STRINGER : [interprétation]
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1 Q. Vous avez un nouveau classeur qui a été placé sur la table devant vous,
2 Général. Nous allons avancer dans le temps et nous allons parler de la
3 situation à Gornji Vakuf.
4 Prenez la première pièce, P 00643, s'il vous plaît. Général, la date est
5 celle du 24 octobre 1992, le commandant est le colonel Siljeg, l'ordre
6 d'agir.
7 Le 24 octobre, Général, si j'ai bien compris, vous n'êtes pas encore arrivé
8 dans ce secteur de Prozor; est-ce exact ?
9 R. Oui, c'est exact. Je n'étais pas encore arrivé.
10 Q. Est-ce que vous avez appris que le colonel Siljeg avait émis cet ordre
11 d'agir, et j'en donne lecture :
12 "Placez la ville sous son contrôle."
13 C'est la Brigade Ante Starcevic de Gornji Vakuf qui est le destinataire :
14 "Placez la ville sous son contrôle et contrôlez toutes les voies de
15 communication. Et de manière déterminée, éliminez toute attaque menée sur
16 les unités du HVO."
17 Saviez-vous que colonel Siljeg avait émis cet ordre avant votre arrivée
18 dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest ?
19 R. Je ne le savais pas. Il a donné cet ordre à Ante Starcevic à Gornji
20 Vakuf.
21 Q. Prenons le document suivant, puis je vais vous poser quelques questions
22 sur les deux.
23 Alors, P 00460. Général, cela se présente de manière un peu inhabituelle
24 pour ce qui est de la forme.
25 R. Pas 460. Qu'est-ce que vous avez dit ?
26 Q. P 00460.
27 R. Oui, oui, je vois. Pardon.
28 Q. Dans la version originale, il semble qu'il y a deux communications par
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1 paquet distinctes sur une page. C'est la première seulement qui
2 m'intéresse, en haut, qui porte la date du 27 octobre 1992, vous voyez en
3 haut à gauche.
4 Donc, Général, le colonel Siljeg appelle cela rapport urgent demandé et il
5 s'adresse aux brigades de Bugojno, Gornji Vakuf et Prozor, et il dit :
6 "Nous avons besoin sur-le-champ de recevoir des informations sur la
7 situation à Bugojno, Gornji Vakuf et Prozor. Appréciez la possibilité
8 d'emprunter des routes le long de la route Prozor-Gornji et cetera, donnez
9 l'appréciation sur la possibilité d'éliminer les forces musulmanes à Gornji
10 Vakuf."
11 Puis il demande qu'on établisse un contact avec le commandant Jure Smidt et
12 d'informer des résultats.
13 C'est le 27 octobre, Général. Le précédent document c'était celui du 24
14 octobre. Les deux documents -- enfin, pour commencer : le deuxième
15 document, celui que nous avons sous les yeux, est-ce que vous étiez au
16 courant de l'existence de cet ordre ou de cette requête, demande de la part
17 de Siljeg que l'on élimine les forces musulmanes de Gornji Vakuf quand vous
18 êtes arrivé dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest ?
19 R. Non --
20 Q. Je vais continuer. Général, est-ce que nous pouvons convenir que ces
21 deux ordres ont été émis avant la chute de Jajce ? On le voit dans le
22 rapport de M. Prkacin que nous venons de parcourir.
23 R. Je pense que c'est vers le 27 ou le 28 qu'il y a eu la chute de Jajce.
24 Ça dépend un peu de la manière dont on définit la chute, quand tous les
25 évacués, toutes les personnes qui fuyaient sont partis ou quand toutes les
26 lignes de front ont été prises.
27 Q. Bon, mais il y a quelques instants, page 66 du compte rendu d'audience
28 d'aujourd'hui, ligne 17, vous avez dit, et je vous cite :
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1 "Pourquoi déplacer une brigade à Vakuf ?"
2 Nous parlons de l'ABiH, et pourquoi déplaceraient-ils une brigade à Vakuf
3 après la chute de Jajce plutôt que de la redéployer ailleurs, comme Tuzla ?
4 Et je vous demande, Général, sur la base de cela, la chose suivante -- en
5 fait, je vous soumets qu'après la chute de Jajce, l'ABiH devait envoyer une
6 brigade à Vakuf afin de s'occuper de ce type d'action et de tentatives
7 menées par le HVO de placer la ville de Gornji Vakuf sous leur contrôle.
8 Est-ce que ce ne serait pas la raison qui aurait incité l'ABiH à envoyer
9 une de ses brigades à Vakuf ?
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Spéculation. De toute évidence,
11 le témoin ne savait pas ce qu'ils avaient à l'esprit à ce moment-là.
12 M. STRINGER : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, le général a
13 dit, il a attribué des motivations à l'ABiH. Il a dit, Ils auraient dû
14 faire ceci, ils auraient dû envoyer une brigade à un autre endroit. Donc il
15 est tout à fait correct de se servir de ces documents pour suggérer au
16 général autre chose, de savoir qu'ils avaient des raisons légitimes.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, de deux choses l'une, ou le général Praljak
18 peut répondre ou il dit, je ne peux pas répondre. S'il peut répondre, ça
19 peut être utile à la manifestation de la vérité. S'il ne peut pas répondre,
20 il dira, mais je ne savais pas qu'existait ce document, je n'en savais
21 rien.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur Stringer, c'est
23 un ordre d'agir, ce n'est pas un ordre d'attaquer et il se lit de manière
24 très précise : "Libérer la communication Gornji Vakuf - Prozor." Donc
25 l'armée de Bosnie-Herzégovine avait déjà interrompu cette communication et
26 ne permet pas à Tokic [phon], le commandant de brigade de Vakuf, de se
27 rendre dans ses locaux. Quand il dit de placer la ville sous le contrôle,
28 ça ne veut pas dire conquérir la ville, prendre la ville. Ça veut dire,
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1 empêchez, éliminez par votre déploiement, empêchez qu'il n'y ait une
2 attaque sur le HVO et voyez si vous pouvez dégager la communication vers
3 Gornji-Vakuf, Bugojno et le reste des unités du HVO et de l'ABiH.
4 Autrement, comment Merhamet va-t-il passer pour apporter des armes aux
5 Musulmans si les voies de communication sont interrompues, c'est ce que le
6 document suivant vous dit, signé par Susak ou Praljak.
7 M. STRINGER : [interprétation]
8 Q. Général, le fait est que juste avant la chute de Jajce, Siljeg émet des
9 ordres à ses brigades demandant que ses brigades apprécient la possibilité
10 d'éliminer la brigade musulmane ou les forces musulmanes de Gornji Vakuf,
11 donc il envisage des opérations visant à éliminer les forces de l'ABiH à
12 Vakuf. Si c'est le cas, ça donne une raison légitime à l'ABiH de répondre
13 en déployant sa brigade là-bas.
14 R. Non, ce n'est pas exact. On apprécie la possibilité d'éliminer après
15 avoir dit, Il n'y a pas de circulation sur les voies de communication
16 Prozor-Vakuf-Bugojno-Travnik. L'agression a déjà commencé, mais sauf que ce
17 n'est pas une agression menée par le HVO. Il dit, Si nous n'avons pas de
18 voies de communication, bien sûr --
19 Q. Avançons un petit peu dans le temps, voyons le document suivant, P
20 01068.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Avoir de voir le document suivant, je reviens au
22 premier document. J'ai un document militaire et j'essaie de l'analyser sur
23 un plan militaire.
24 Le colonel Siljeg envoie à la Brigade Ante Starcevic un document, un
25 ordre disant, Mettez la ville sous votre contrôle, contrôlez toutes les
26 routes, mais il rajoute, et je crois que c'est important, on ne peut pas
27 éclipser ça, Afin de prévenir une attaque sur les unités du HVO. Donc en
28 termes militaires, Général Praljak, se pourrait-il, parce que
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1 malheureusement, on pose des questions parce que ceux qui écrivent les
2 documents ne sont pas là - évidemment, dans un autre procès de manière
3 inquisitoriale on aurait vu tout ça, mais ici, ce n'est pas possible. Donc
4 je suis obligé de faire des hypothèses. Se pourrait-il que le colonel
5 Siljeg ait eu des informations aux termes desquelles il y avait une
6 possibilité d'attaque sur le HVO, et que lui, en termes militaires, pour
7 contrer cela - je dis contrer, je ne dis pas pour attaquer - la première
8 action militaire qu'il ordonne c'est de contrôler les routes ? Est-ce que
9 militairement c'est une possibilité ou pas ?
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Juste un point technique. Il n'est
11 pas dit, du moins pas dans la traduction, il n'est pas dit "afin d'empêcher
12 une attaque," il est dit "et empêcher l'attaque," donc c'est une
13 juxtaposition et non pas une relation de cause à effet.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document en B/C/S, pouvez-vous me lire la
15 phrase ? Qu'est-ce qu'il est dit exactement ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] "Placez la ville sous son contrôle. Contrôlez
17 les voies de communication, et de manière déterminée, éliminez toute
18 attaque sur les unités du HVO. Gardez contact avec la brigade du HVO, Eugen
19 Kvaternik de Bugojno et la Brigade du HVO Rama de Prozor. Communiquez entre
20 vous, et si possible, de manière conjointe, libérez la voie de
21 communication Gornji Vakuf-Prozor."
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, comme le dit mon collègue, est-ce
23 qu'en réalité c'est cumulatif, il faut faire deux choses, contrôler les
24 routes et éliminer toute attaque contre le HVO.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, sauf que placer la ville sous son
26 contrôle, ça ne signifie pas s'emparer militairement de la ville, ça veut
27 dire là où il y a des points importants, se mettre en état d'être prêt à
28 agir du côté du HVO et prévenir toute attaque sur le HVO. Et toute
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1 communication est déjà coupée.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je passe tout de suite au deuxième document puisque
3 le Procureur fait un lien avec les deux documents et il a raison. Dans le
4 deuxième document, est-ce qu'il n'y a pas une lecture où le colonel Siljeg
5 demande à la Brigade Eugen Kvaternik et aux autres brigades, parce que vous
6 voyez que la différence entre les deux documents c'est que le premier n'est
7 adressé qu'à une brigade, par contre, le deuxième document est adressé à
8 trois brigades. Et qu'à ce moment-là il demande une évaluation de la
9 situation, notamment la possibilité de passer sur les routes de passage et
10 la possibilité d'éliminer les forces musulmanes à Gornji Vakuf, et à ce
11 moment-là d'établir une connexion avec le fameux Jure Smidt et puis
12 d'attendre les résultats. Alors, est-ce que le deuxième document est une
13 demande d'évaluation de possibilité, sans pour autant être un ordre
14 d'attaque, ou bien c'est un ordre d'attaque ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'y a aucune attaque. Il demande un
16 rapport. Il dit, donnez une appréciation, une évaluation de la possibilité
17 de passer, donc ça veut dire qu'il n'y a pas la possibilité d'emprunter ces
18 voies, parce que l'ABiH a bloqué les voies de communication. Un commandant
19 digne de ce nom dit, Appréciez, évaluez les forces que nous allons peut-
20 être attaquer si nous ne parvenons pas à débloquer tout le HVO de la Bosnie
21 centrale. C'est la guerre. Mais ce n'est pas le HVO qui est à l'origine de
22 ces deux documents. C'est l'ABiH qui commande cette guerre. Elle bloque
23 toutes les voies de communication.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernière question. Si je pars de l'hypothèse
25 où effectivement le colonel Siljeg aurait décidé d'attaquer, de prendre le
26 contrôle de Gornji Vakuf, de faire des prisonniers, et cetera, est-ce qu'il
27 n'y aurait pas eu dans cette hypothèse un ordre tout à fait différent; les
28 ordres qu'on a vus, classiques, avec point 1, point 2, point 3, l'attaque
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1 commence à telle heure, vous me rendez compte minute par minute, et cetera,
2 et cetera ? Est-ce qu'on n'aurait pas eu cet ordre classique ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Vous avez déjà vu les ordres
4 d'attaque au sens classique du terme, mais vous avez vu que pendant les
5 jours suivants, on parle des entretiens à Bugojno, Rama, Vakuf et Travnik.
6 J'ai pu démener cette situation. Donc on a pu libérer les voies pour qu'on
7 circule, on a défendu Travnik, et jusqu'au 11 janvier 1993, la situation
8 était plutôt convenable. Je suis allé voir les unités de l'ABiH, on a
9 planifié des actions communes, j'ai vu leurs commandants, et cetera, et
10 cetera.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Juste une question qui s'impose
13 logiquement, Général.
14 Il est écrit ici : "Nous demandons de toute urgence des éléments
15 d'information, entre autres sur la possibilité d'utiliser les voies de
16 communication…" puis le reste n'est pas pertinent. Donc vous dites que cela
17 veut dire qu'il n'y a pas de possibilité de passage, mais je ne comprends
18 pas pourquoi est-ce que vous interprétez cela comme ça. Je me réfère à la
19 page 74, ligne 21, qui va bientôt disparaître.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais la phrase est logique. Il demande
21 l'évaluation de la possibilité d'emprunter ces voies. Donc il y a ce Smidt,
22 et cetera, comme il y a l'évolution des entretiens à Bugojno, à Travnik, je
23 pense, c'est mon avis, donc est-ce que ces entretiens auront pour issue
24 qu'on débloquera les routes, et c'est ce qui s'est passé. Donc donner
25 l'évaluation de la possibilité de passage, ça veut dire comment avancent
26 les entretiens.
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Kovacic.
28 M. KOVACIC : [interprétation] Mais lorsqu'il disait que les voies de
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1 communication n'étaient pas ouvertes, M. Praljak parlait du document 460,
2 et c'est ce qui ressort de la dernière phrase, tandis que ce document que
3 vous employez maintenant -- excusez-moi, c'est dans 643, la dernière phrase
4 dans le premier document, où il dit que les voies de communication ne sont
5 pas praticables. C'est le document auquel se réfère M. Praljak. Et le
6 dernier document, 460, est celui dont vous parlez.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, et 460, c'est quelques jours
8 plus tard, mais je pense que nous avons là une question et une réponse, et
9 je ne souhaite pas commenter à présent.
10 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais je voulais simplement
11 dire qu'avant votre question, une page avant votre question, lorsqu'il a
12 dit qu'il avait compris que les voies de communication étaient bloquées,
13 qu'il l'a compris sur la base du document du 24 octobre.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ça me fascine que vous sachiez à ce
15 point ce que pense le témoin. Je pense qu'il lui appartient de dire ce
16 qu'il a à l'esprit et que ce n'est pas la tâche de ses conseils. Et de
17 toute façon, cela ne portera pas de fruits. Ce n'est pas désagréable, mais
18 je ne pense pas que ce soit la première tâche de ce Tribunal.
19 M. KOVACIC : [interprétation] Mais je voulais simplement aider. Deux
20 minutes avant votre question, il a dit quelque chose en se fondant sur ce
21 document. C'était évident. Et j'ai lu le document d'une manière attentive,
22 les deux documents. Excusez-moi, je voulais juste aider.
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne remets pas en question
24 l'intégrité de vos intentions.
25 Monsieur Stringer.
26 M. STRINGER : [interprétation]
27 Q. Passons au document suivant, P 01068. Général, nous avons là un rapport
28 du Bataillon britannique du 6 janvier 1993, donc c'est plus tard et cela
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1 concerne la situation à Gornji Vakuf le jour en question. Vous venez de
2 nous parler de routes et de la situation eu égard aux routes. Je sais que
3 vous affirmez que l'ABiH avait coupé un certain nombre de voies de
4 communication et de routes en forçant le HVO à se servir de l'aide de la
5 FORPRONU pour atteindre son QG.
6 Au deuxième paragraphe, ici, il est dit, ligne 3 :
7 "Commentaire : Il y a un barrage à ce poste de contrôle pour forcer la
8 population musulmane de Hare pour se déplacer à Prozor et pas à Gornji
9 Vakuf. Donc il y a une escalade de tensions de toute évidence dans la zone,
10 ce qui se traduit par la présence du HVO au poste de contrôle."
11 Puis le paragraphe suivant :
12 "A peu près à 15 heures lundi après-midi, le HVO a hissé un drapeau
13 oustacha dans la ville. Les Musulmans ont réagi, un militaire bosnien a
14 essayé de retirer le drapeau. Un policier du HVO a tiré à ce moment sur un
15 soldat de l'armée bosnienne…"
16 Monsieur le Président, je ne vais pas continuer avec cette question tant
17 qu'on ne s'est pas calmé dans le prétoire. Il y a trop de choses qui me
18 distraient. Me Kovacic peut-être ne se rend pas compte à quel point sa voix
19 résonne. Il a une voix qui porte. Je suis sûr qu'il est un bon chanteur.
20 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je demande cela,
22 mais ça fait 58 jours que l'on dépose. Est-ce qu'on pourrait terminer 15
23 minutes plus tôt aujourd'hui ? Je suis un petit peu à bout de forces.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, aujourd'hui, on devait terminer
25 donc à 18 heures. Bon, je sais que vous êtes fatigué; moi-même, enfin, tout
26 le monde, on est tous extrêmement fatigués parce que tous les documents
27 appellent de notre part une attention extrême. Moi, quand je vous pose des
28 questions, je les pose dans un stress dont vous n'avez pas idée parce qu'il
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1 faut que je sois extrêmement prudent dans la formulation de mes questions,
2 donc ça m'oblige à une tension nerveuse immense, ce qui fait qu'à la fin de
3 l'audience je suis complètement vidé. Je me mets à votre place et je pense
4 également que vous, vous êtes aussi dans la même situation, parce que vous
5 vous demandez si derrière les questions il y a des pièges ou autres, et
6 donc vous devez être dans un stress.
7 Bon, si vous voulez terminer, moi, je ne vois aucun inconvénient, parce
8 qu'autant que vous répondiez sans être fatigué, en votre possession totale.
9 Donc je vous ai dit, quand vous voulez qu'on arrête, on arrête. De toute
10 façon, on n'est pas à 15 minutes près. Donc, on va arrêter. Je crois que
11 mes collègues sont entièrement d'accord avec cela.
12 Nous continuerons, Monsieur Stringer, avec le classeur lundi prochain. Il y
13 aura encore combien de classeur après ? J'ai cru comprendre qu'il y en
14 avait quelques-uns encore.
15 M. STRINGER : [interprétation] A ce stade, il n'en reste qu'un, mais il y
16 en aura davantage lundi.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, c'est ça que je voulais savoir. Vous avez
18 combien de classeurs encore ?
19 M. STRINGER : [interprétation] Ils ne sont pas encore constitués, ces
20 classeurs. Mais pour ce qui est des questions à soulever, ce sont des
21 sujets qui sont regroupés dans les classeurs, donc il nous faudra parler de
22 camps, de manière générale, ensuite des documents relatifs à la campagne
23 d'arrestation d'été 1993, les événements à Capljina, Stolac, Herzégovine du
24 sud. Puis, des documents qui portent sur la ville de Mostar. Ensuite,
25 quelques documents supplémentaires, pas beaucoup, sur Vares, par exemple.
26 Et comme j'ai dit, nous allons probablement revenir à la question de la
27 nature internationale du conflit armé et quelques questions de coopération
28 avec la VRS. Donc il reste encore quelques sujets.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait. Je vois le nombre de classeurs dont
2 vous aurez besoin, il y en aura un certain nombre.
3 Bien. Alors, très bien. Monsieur Praljak, on va arrêter et on se reverra
4 lundi prochain. D'ici là, reposez-vous bien. Je souhaite donc à tout le
5 monde une bonne fin d'après-midi.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
7 Juges.
8 [Le témoin quitte la barre]
9 --- L'audience est levée à 17 heures 46 et reprendra le lundi 31 août 2009,
10 à 14 heures 15.
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