Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 14 septembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Coric est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  9   tout le monde dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T,

 10   l'Accusation contre Jadranko Prlic et consorts. Je vous remercie.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 12   En ce lundi 14 septembre 2009, je salue toutes les personnes

 13   présentes, je salue MM. les accusés, Mmes et MM. les avocats, je salue M.

 14   Scott, sa collaboratrice, ainsi que toutes les personnes qui nous

 15   assistent.

 16   Je vais rendre une nouvelle décision orale. Je vais la lire lentement.

 17   Décision orale relative à la demande orale de l'Accusation portant sur

 18   réexamen de la décision relative à la demande de l'Accusation de

 19   reconsidération des ordonnances portant sur le contre-interrogatoire des

 20   témoins experts, Josip Jurcevic et Vlado Sakic.

 21   Lors de l'audience du 10 septembre 2009, l'Accusation a formulé une

 22   demande orale de réexamen de la décision orale sur la demande de

 23   l'Accusation relative au contre-interrogatoire des témoins experts, Josip

 24   Jurcevic et Vlado Sakic, rendue le 10 septembre 2009. La Chambre rappelle

 25   qu'elle a statué sur la question du temps alloué aux parties pour le

 26   contre-interrogatoire des deux témoins experts dans ces deux ordonnances

 27   portant sur les modalités de l'audition des témoins experts, Josip Jurcevic

 28   et Vlado Sakic; datées respectivement du 22 avril 2009 et du 6 mai 2009 et

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  1   également dans sa décision du 10 septembre 2009.

  2   La Chambre estime que la demande orale de l'Accusation du 10 septembre 2009

  3   s'inscrit de par sa forme en dehors du cadre procédural du Règlement. En

  4   effet, l'Accusation aurait dû présenter une demande de certification de la

  5   décision orale du 10 septembre 2009 en vertu de l'article 73(C) du

  6   Règlement, si tel était son souhait. La Chambre tient par ailleurs à

  7   souligner de nouveau le caractère extrêmement tardif de la procédure de

  8   reconsidération des deux ordonnances entamées par l'Accusation et estime

  9   qu'il reflète une certaine négligence de la part de l'Accusation dans le

 10   traitement des rapports d'experts susmentionnés. La Chambre décide, par

 11   conséquent, de rejeter la demande de l'acte d'accusation.

 12   Maître Kovacic, je crois que vous vouliez intervenir sur un autre plan.

 13   M. KOVACIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à tous

 14   et à toutes dans le prétoire et autour de ce dernier. Je vous remercie,

 15   Monsieur le Président, de m'avoir donné la parole.

 16   Mes écritures, ou plutôt mes propos vont être très courts. Avec votre

 17   autorisation, je me proposerais de présenter une requête pour que vous nous

 18   approuviez au maximum 200 pages environ d'avenants, s'agissant de la limite

 19   des 3 000 pour ce qui est des écritures -- non, excusez-moi. Non pas 200

 20   pages, 200 mots, 200 mots. On a bien commencé, aujourd'hui.

 21   Alors, 200 mots, disais-je, pour les 3 000 mots autorisés pour les

 22   écritures. Il s'agit d'une requête en application du 92 bis, que nous avons

 23   déjà rédigée, et hier ou avant-hier lorsque nous avons expurgé le texte et

 24   fait une rédaction finale, on en est arrivé à    3 200 mots plus ou moins.

 25   On a réussi à diminuer quelque peu, mes collaborateurs sont encore en train

 26   de bûcher dessus. Mais avec      3 200, je suis certain que nous pouvons

 27   présenter l'argumentation nécessaire et indispensable, et je pense qu'il y

 28   a une justification pour cette requête. Nous vous demandons donc

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  1   d'approuver pour que dans l'après-midi on le parachève.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez-moi m'entretenir avec mes collègues.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]  

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre vient de délibérer, fait droit à

  5   votre requête et vous autorise donc à utiliser 3 200 mots.

  6   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à l'huissier d'introduire le témoin

  8   expert.

  9   Maître Kovacic, vous avez prévu combien de temps pour l'interrogatoire

 10   principal ?

 11   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, comme on l'a indiqué

 12   dans notre planning pour ce qui est du temps à prévoir, j'ai envisagé une

 13   heure 20 et je m'en tiendrai strictement à cela. Merci.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 15   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Si vous m'entendez dans votre

 17   langue, dites-moi que vous me comprenez.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends et je peux suivre vos propos,

 19   Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, donnez-moi votre nom, prénom et date de

 21   naissance.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Josip Jurcevic. Je suis né le 19

 23   avril 1951.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuellement ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis docteur ès sciences.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous exercez où ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaille à l'Institut des sciences

 28   scientifiques, Ivo Pila Pilar, à Zagreb, en Croatie.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné dans un

  2   procès sur des faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie, ou bien

  3   c'est la première fois que vous témoignez ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été expert à un procès à Vukovar en 1999-

  5   2000. C'est lié à l'agression lancée contre la République de Croatie.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce procès à Vukovar, vous étiez témoin des Juges de

  7   la Chambre, témoin de l'Accusation ou témoin de la Défense ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Le tribunal de Vukovar a envoyé une ordonnance

  9   à l'intention de mon institut pour que, de façon scientifique, ce dernier

 10   se prononce sur les événements au niveau de l'ex-Yougoslavie, au niveau de

 11   l'ex-Croatie et pour ce qui est de Vukovar même. C'est alors que

 12   l'institut, puisque c'est moi qui m'en suis occupé, m'a chargé de rédiger

 13   cette expertise suite à la demande formulée par la Chambre.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quand vous avez témoigné, vous avez été

 15   interrogé par les Juges, le Procureur et les avocats ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Après la rédaction écrite de l'expertise, je

 17   suis venu témoigner au procès. J'ai été interrogé tant par les Juges de la

 18   Chambre que par l'Accusation et la Défense.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors, Monsieur, je vous demande de lire

 20   le serment que nous vous présentons.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 22   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   LE TÉMOIN : JOSIP JURCEVIC [Assermenté]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, quelques éléments d'information de ma

 28   part. Vous êtes un témoin expert de la Défense du général Praljak. C'est le

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  1   général Praljak qui vous a demandé de venir pour apporter votre

  2   contribution à la manifestation de la vérité. A la différence de ce que

  3   vous nous avez dit sur votre témoignage devant la cour de Vukovar, ici vous

  4   êtes un témoin d'une partie et vous n'êtes pas le témoin de la Chambre.

  5   Mais comme vous venez de prêter serment, à partir du moment où vous avez

  6   prêté serment, vous êtes maintenant le témoin de la justice. Si jusqu'à

  7   présent vous aviez pu avoir des liens, des entretiens avec la Défense du

  8   général Praljak, à partir de maintenant vous n'aurez plus aucun contact

  9   avec eux, d'autant que votre témoignage est prévu pour se dérouler pendant

 10   plusieurs jours. De ce fait, vous n'avez plus d'entretiens ni de contacts.

 11   Et la Chambre vous demande également de ne pas faire part aux médias de la

 12   teneur des questions et des réponses auxquelles vous êtes amené à répondre

 13   suite aux questions que les Juges vous poseront, comme Me Kovacic et M.

 14   Scott.

 15   La Chambre a votre rapport en sa possession. C'est un rapport que

 16   nous avons largement tous étudié, donc vous n'arrivez pas en terrain

 17   inconnu, car les Juges ont pris connaissance approfondie de votre rapport,

 18   ce qui fait que peut-être nous serons amenés à intervenir sur certains

 19   points si nous estimons que c'est inutile ou ça risque de nous faire perdre

 20   du temps. Donc, en temps utile, nous vous dirons de raccourcir vos

 21   réponses, le cas échéant.

 22   Par exemple, dans votre rapport, vous parlez de la coopération entre

 23   les Croates et les Musulmans. Nous avons eu énormément d'éléments de preuve

 24   en la matière, donc il sera inutile de nous citer des exemples car nous les

 25   connaissons, nous en avons eus. En revanche, si vous voulez développer ce

 26   sujet sur un autre plan, bien entendu, vous pourrez le faire, car

 27   l'audition d'un témoin se fait toujours sous le contrôle de la Chambre.

 28   Essayez d'être très précis dans vos réponses. Ne faites pas des

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  1   discours. Répondez strictement aux questions posées. Si vous estimez que la

  2   question est ambiguë ou est mal posée, n'hésitez pas à demander à celui qui

  3   vous pose la question, y compris quand c'est les Juges, de la reformuler,

  4   car personne n'est infaillible, on peut se tromper. Donc n'hésitez pas à

  5   corriger celui qui vous pose la question.

  6   Vous allez, dans un premier temps, répondre aux questions de Me

  7   Kovacic, que vous avez dû rencontrer dans le cadre de la préparation de

  8   l'audience. Une fois qu'il aura terminé, les autres avocats pourront

  9   intervenir également pour vous poser des questions; et le Procureur, qui

 10   est à votre droite, qui s'appelle M. Scott, vous posera des questions dans

 11   le cadre du contre-interrogatoire. Les trois Juges qui sont devant vous -

 12   d'habitude on est quatre, mais il y en a un qui est malheureusement

 13   indisponible - vous poseront également des questions au détour d'une

 14   réponse que vous allez donner à une question. Donc on ne sait pas. Ce sera

 15   en fonction du déroulement de l'audience.

 16   Nous faisons des pauses toutes les 20 minutes, à deux effets : pour

 17   permettre au témoin de se reposer, puis également pour permettre de changer

 18   les bandes. Mais si jamais vous ne vous sentez pas bien, vous avez un

 19   malaise qui peut survenir, on ne sait jamais, levez la main, et à ce

 20   moment-là on arrêtera l'audience. La Chambre est, bien entendu, à votre

 21   disposition.

 22   Puis, je vais terminer par un point qui est un point que mon

 23   collègue, le Juge Prandler, aime rappeler quand il y a un problème, mais

 24   autant que je le fasse, comme ça, ça lui évitera de vous le rappeler. Comme

 25   vous utilisez la même langue que l'avocat qui vous pose des questions,

 26   attendez qu'il ait fini de poser la question pour répondre parce que sinon

 27   vous allez vous chevaucher et il y aura un problème au niveau du

 28   transcript, c'est-à-dire du compte rendu que vous voyez défiler devant vous

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  1   en anglais. Au fur et à mesure que l'on parle, c'est traduit dans la langue

  2   anglaise. C'est pour cela que vous voyez sur l'écran la traduction des

  3   propos que je tiens en français, que mes collègues peuvent tenir en

  4   anglais. Donc tout est traduit et tout est inscrit. Donc faites une pause

  5   entre la question et la réponse. Bien souvent, le témoin se prend au jeu et

  6   répond immédiatement à la question et du coup, ça peut poser des problèmes.

  7   Ayez bien à l'esprit, Monsieur, mais c'est à l'universitaire que je

  8   m'adresse, comme nous travaillons dans plusieurs langues, il peut y avoir

  9   du déficit dans les traductions et ce déficit peut être accru si jamais

 10   tout le monde parle trop vite et si la traduction devient à ce moment-là

 11   approximative. Raison de plus d'être lent, clair et précis. Moi-même, il

 12   m'arrive parfois de parler trop vite et je m'en excuse par avance.

 13   Voilà ce que je voulais vous dire pour que l'audience se déroule de la

 14   meilleure façon possible.

 15   Maître Kovacic, je vous cède la parole.

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Interrogatoire principal par M. Kovacic:

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur Jurcevic.

 19   R.  Bonjour.

 20   Q.  Je voudrais commencer par quelques questions visant à présenter à tout

 21   un chacun les éléments relatifs à votre CV, y compris ce qu'on a déjà

 22   distribué aux Juges et aux parties, la formation que vous avez suivie, la

 23   carrière qui est la vôtre, et cetera. Alors, vous nous avez indiqué où est-

 24   ce que vous êtes né ou plutôt, vous avez donné votre date de naissance.

 25   Alors, dites-nous, quand est-ce que vous avez été diplômé ?

 26   R.  J'ai été diplômé en 1975, et j'ai passé mon doctorat en l'an 2000.

 27   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce que les micros du témoin

 28   soient rapprochés du témoin.

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  1   M. KOVACIC : [interprétation]

  2   Q.  Dans quelle faculté avez-vous fait vos études ?

  3   R.  A la faculté de philosophie de Zagreb.

  4   Q.  Quelle orientation ?

  5   R.  Histoire et philosophie.

  6   Q.  Merci. Avez-vous en parallèle ou ultérieurement fait des études à

  7   d'autres facultés encore ?

  8   R.  Oui. En parallèle et par la suite aussi, j'ai fait plusieurs études à

  9   plusieurs universités, y compris deux années de droit, deux années

 10   d'économie, trois années de sciences po. J'ai également un diplôme d'études

 11   de marxisme et de la théorie et pratique du socialisme autogestionnaire.

 12   J'ai fait six semestres d'études informatiques, deux semestres de théologie

 13   laïque. Et je crois n'avoir oublié aucun segment.

 14   Q.  Merci. On y viendra un peu plus tard, mais je crois que le moment est

 15   bon de poser cette question : pourquoi, Docteur, après votre diplôme -

 16   puisque vous avez fait des études d'histoire et en même temps, vous vous

 17   êtes engagé à d'autres études - pourquoi avez-vous trouvé cela nécessaire

 18   en votre qualité d'historien ?

 19   R.  J'avais l'intention de faire des recherches en matière d'histoire

 20   moderne, d'histoire contemporaine. Or, c'est impensable si vous n'avez

 21   qu'une formation historiographique classique, compte tendu de la complexité

 22   du point de vue des méthodes et des événements contemporains, où il y a eu

 23   toutes sortes d'éléments et de niveaux qui s'entremêlaient; il fallait donc

 24   avoir des connaissances en matière d'éléments fondamentaux et de

 25   méthodologies différentes relatives à des sciences autres, pour pouvoir, de

 26   la façon la plus objective qui soit, procéder à des études, à des

 27   recherches en matière d'histoire contemporaine.

 28   Q.  Merci. Pour être bien sûr d'avoir tout compris comme il se doit, est-ce

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  1   parce que la méthodologie d'intervention en matière d'histoire

  2   contemporaine requiert une approche interdisciplinaire, ainsi qu'une

  3   approche multidisciplinaire ?

  4   R.  Oui. Pour comprendre de façon objective les événements contemporains,

  5   il est indispensable d'avoir une approche interdisciplinaire et

  6   multidisciplinaire.

  7   Q.  Je vous remercie. Après votre diplôme de la faculté, vous avez fait des

  8   études de troisième cycle, puis vous avez eu un doctorat. Veuillez

  9   m'indiquer quels sont les sujets qui ont fait l'objet de vos études de

 10   troisième cycle et de votre doctorat, en l'an 2000, si je ne me trompe pas.

 11   R.  Oui. C'est bien la date appropriée. J'ai eu mon diplôme de troisième

 12   cycle sur un sujet lié au problème d'étude des victimes de la Deuxième

 13   Guerre mondiale sur le territoire de la Croatie. Et mon doctorat a porté

 14   sur le thème de la répression du système yougoslave en Croatie en 1945.

 15   Q.  Merci. Vous nous avez également fourni une liste ou plutôt, vous nous

 16   avez d'abord donné un aperçu des activités scientifiques et éducatives qui

 17   ont fait l'objet de vos interventions. C'est aux pages 4 à 9 de votre CV,

 18   et partant de là, je vois que vous avez participé à toute une série de

 19   projets de recherche scientifique, soit en tant que chef d'équipe ou alors

 20   de membre de l'équipe, et vous avez également participé à toute une série

 21   de conférences en matière d'éducation; est-ce bien exact ?

 22   R.  Oui. J'ai eu à m'occuper de toute une série de projets et j'ai eu à

 23   participer, en tant que chercheur, à bien des projets relatifs à l'histoire

 24   la plus récente. De même, mis à part le fait de travailler pour le compte

 25   de l'institut, j'enseigne aussi à plusieurs facultés, et ce, notamment pour

 26   ce qui est de l'histoire mondiale contemporaine et de l'histoire nationale.

 27   Q.  Merci.

 28   R.  J'enseigne aux études de troisième cycle sur deux domaines

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  1   d'intervention, à savoir les sciences méthodologiques dans les études

  2   modernes.

  3   Q.  Merci. Vous avez joint à votre rapport d'expert, vous avez fourni les

  4   manuels, les études, les livres que vous avez publiés, les articles, vos

  5   articles dans les journaux spécialisés et pour le compte aussi du tournage

  6   de documentaires. Je me réfère notamment au CV, et ce, aux pages 10 à 17,

  7   avec les avenants appropriés. Pouvez-vous nous donner juste une phrase ou

  8   deux pour nous indiquer quels ont été les sujets principaux de tout ce que

  9   vous avez publié ? Quels ont été les sujets qui ont le plus retenu votre

 10   attention ?

 11   R.  Pour ce qui est de mes activités scientifiques de recherche, il y a

 12   trois sujets principaux. D'abord, la guerre patriotique croate; le deuxième

 13   sujet, les souffrances pendant la guerre et après la guerre, la Deuxième

 14   Guerre mondiale notamment; et le troisième sujet, c'est les recherches

 15   effectuées en matière de l'émigration de la population croate.

 16   Q.  Bon, merci. S'agissant de la méthodologie et des normes --

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite question de ma part. Vous avez dit à

 18   l'avocat que vous avez publié un certain nombre d'ouvrages. Il y en a un

 19   que vous avez publié en 1998, "Les Origines du mythe de Jasenovac." Ce

 20   livre, qu'est-ce qu'il tendait à prouver ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce livre portait sur Jasenovac, c'est ainsi

 22   qu'on l'a intitulé pour des besoins qui étaient ceux de la maison

 23   d'édition, mais il s'agit de ma thèse de troisième cycle que j'ai défendue

 24   en 1996 à la faculté de philosophie de Zagreb. Il s'agit, en bref, des

 25   manipulations effectuées pour ce qui est du nombre des victimes de la

 26   Deuxième Guerre mondiale, et ce, par les soins du système communiste, pour

 27   aboutir à des effets politiques et autres, notamment.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

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  1   Maître Kovacic.

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Donc, concernant la méthodologie que vous avez utilisée et les normes

  4   que vous avez appliquées en rédigeant la présente expertise, pourriez-vous

  5   nous décrire les normes que vous avez utilisées aux fins de la rédaction du

  6   présent rapport d'expertise ? Vous vous y référez dans l'introduction, mais

  7   j'aimerais que vous nous expliquiez cela maintenant.

  8   R.  Cette expertise a été élaborée en se fondant sur les normes

  9   méthodologiques qui sont celles de la science historique contemporaine. Le

 10   but de cet expertise était d'envisager d'un point de vue scientifique et

 11   objectif les relations de cause à effet ainsi que le cours des événements

 12   et les conséquences de ce qui était le sujet de ces recherches, à savoir

 13   les événements sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine entre 1990 et

 14   1995.

 15   Q.  Docteur, toute personne qui a à s'occuper d'un tel travail finit par

 16   avoir en son for intérieur également une position personnelle en rapport

 17   avec le travail qu'il ou elle a produit. Bien que cela ne soit pas

 18   habituel, je vais vous poser la question : vous avez rédigé cette

 19   expertise, vous avez examiné un certain nombre de questions, soit, mais

 20   est-ce qu'en fin de compte, vous vous considérez comme satisfait du travail

 21   que vous avez accompli ?

 22   R.  Oui, je suis très satisfait du travail accompli et, si je puis me

 23   permettre de le dire, peut-être en manquant de modestie, c'est, à ma

 24   connaissance, le seul travail qui existe à ce jour sur ce sujet dans lequel

 25   on ait englobé le sujet de façon aussi exhaustive dans l'approche qui a été

 26   adoptée, et cela a fait l'objet d'explications plus détaillées dans

 27   l'introduction et dans différents chapitres. Cette expertise est fondée

 28   avant tout sur les faits, et on voit très clairement jusqu'où je suis allé

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  1   dans ce que j'expose ainsi que la façon dont l'argumentation est conduite

  2   et dont il est possible de vérifier, avec les documents à l'appui, les

  3   différentes thèses qui sont avancées.

  4   Q.  Merci. Juste encore une question, puisque nous en sommes à cela, à

  5   savoir l'introduction de votre rapport, qui se trouve en page 5 aussi bien

  6   en version anglaise qu'en B/C/S, est-ce que vous avez rencontré des

  7   difficultés spécifiques ou est-ce que vous avez eu des exigences

  8   particulières à l'occasion de ce travail ?

  9   R.  Oui. Il y a eu un certain nombre de problèmes qui se sont présentés.

 10   Deux problèmes fondamentaux qui sont, par ailleurs, plutôt atypiques. Le

 11   premier est un problème de sources, car les institutions qui existent sur

 12   le territoire de la Croatie et également celles qui existent sur le

 13   territoire de la Bosnie-Herzégovine n'ont toujours pas, à ce jour, réglé

 14   les problèmes les plus élémentaires qui se posent à elles en matière

 15   d'archives. Cela pose un certain nombre de difficultés en matière de

 16   recherche. Le deuxième problème qui s'est présenté est que dans la vie

 17   publique, qu'il s'agisse des médias, des affaires politiques ou du domaine

 18   des sciences, le sujet traité est extrêmement sensible, et en raison des

 19   différents intérêts en présence, des représentations erronées ont circulé

 20   et sont bien établies, y compris concernant les causes des événements,

 21   concernant également le cours même des événements et bien entendu, tout

 22   particulièrement concernant l'interprétation et le fait de placer dans leur

 23   contexte ces différents événements.

 24   Q.  Merci.

 25   M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais maintenant

 26   aborder l'expertise en elle-même. Si vous avez d'autres questions, peut-

 27   être aimeriez-vous les poser maintenant.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur, je vais vous appeler Monsieur le

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  1   Professeur, puisque vous enseignez un peu partout, j'ai regardé avec

  2   attention particulière tous les ouvrages que vous avez pu écrire et tous

  3   les articles auxquels vous avez collaboré. Il y en a un qui -- enfin, il y

  4   en a deux qui m'ont frappé. Apparemment, vous avez fait la préface de

  5   l'ouvrage que M. Praljak a écrit sur la chute du vieux pont; et puis, vous

  6   avez apparemment écrit également en 2006 un article sur l'activité de ce

  7   Tribunal, et notamment, cette notion de l'entreprise criminelle commune,

  8   avec l'intention : "What is it?" Alors, pouvez-vous me dire à partir de

  9   quels éléments vous avez pu vous pencher sur l'activité de ce Tribunal ?

 10   Est-ce que c'était des jugements, des documents ? Qu'est-ce qui vous a

 11   conduit à conduire cet article ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, il est effectivement exact que

 13   j'ai rédigé la préface de l'ouvrage "Comment le vieux pont a été détruit."

 14   C'est une collection de documents. Donc j'ai écrit la préface et j'ai

 15   également organisé le contenu. Deuxièmement, il est exact que j'ai rédigé

 16   cet article, et précédemment à cela, j'avais donné une communication lors

 17   d'un symposium à Zagreb qui traitait de ce sujet et lors de ce symposium,

 18   différents spécialistes de différents domaines sont intervenus. Ils étaient

 19   originaires aussi bien de Croatie que d'autres Etats européens. Le thème

 20   dont j'étais chargé et que reflète à peu près le tire était le suivant, à

 21   savoir : "Aspects politiques et historiques des activités du Tribunal de La

 22   Haye." Et j'ai adopté une approche propre à l'histoire pour examiner

 23   l'action publique du TPIY, notamment du bureau du Procureur, et ce, depuis

 24   sa fondation, également sur la base des postulats fondamentaux sur lesquels

 25   il s'appuie. J'ai comparé cela avec les normes juridiques et l'expérience

 26   du tribunal international le plus important du XXe siècle, à savoir le

 27   tribunal de Nuremberg.

 28   Le but qui était le mien n'était pas d'entrer dans un débat

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  1   juridique, mais d'évaluer les conséquences dans la vie publique de l'action

  2   de ces tribunaux, compte tenu des intérêts qui sont ceux de ces tribunaux

  3   internationaux. Par exemple, le fait de vouloir envoyer un message très

  4   clair indiquant que le crime ne paie pas. J'ai insisté également aussi bien

  5   dans l'introduction que dans la conclusion, j'ai expliqué cela en outre

  6   dans un chapitre qu'il est nécessaire dans les conditions d'une vie

  7   publique mondialisée de disposer d'une justice internationale. Tout comme

  8   il existe des systèmes cohérents à l'échelon de chaque Etat individuel, il

  9   est tout à fait certain qu'il manque un tel système cohérent à l'échelle

 10   mondiale, un système juridique qui pourrait être efficace. C'est ce que

 11   j'ai également écrit.

 12   Il est extrêmement important que toutes les difficultés rencontrées

 13   lors des tentatives de formation d'un système juridique international place

 14   une responsabilité beaucoup plus grande sur les tribunaux internationaux

 15   existants. Cela implique qu'il faut procéder avec une grande prudence car

 16   les difficultés rencontrées sont déjà très grandes et dans le cas

 17   contraire, elles deviendront encore plus importantes. Je peux donner des

 18   explications plus détaillées à la Chambre si c'est nécessaire, mais le plus

 19   brièvement que je puisse le formuler, c'est ainsi. La situation mondiale

 20   actuelle à tous points de vue exige l'existence et le bon fonctionnement

 21   d'une justice internationale, d'autant plus que le XXe siècle est un siècle

 22   au cours duquel se sont produits des crimes inimaginables d'ampleur

 23   internationale. Malheureusement, dans la plupart des cas, il n'y a pas de

 24   poursuites judiciaires ni de sanctions.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, vous êtes né le 19 avril 1951, dans ce

 26   petit village de Studenci où apparemment vous avez fait un petit article

 27   sur la vie de ce village. En 1991-92, vous aviez 40 ans. Avez-vous fait

 28   votre service militaire et avez-vous été volontaire ? Avez-vous été

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  1   mobilisé quand il y a eu le conflit et si oui, où ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pour ce qui est de la période s'étendant

  3   entre 1990 et 1995, j'étais volontaire dans la guerre patriotique croate,

  4   et ce à partir du printemps 1991 jusqu'à l'été 1992. J'ai été l'un des

  5   fondateurs et le commandant d'une unité de volontaires qui se nommait le

  6   Détachement pour activités documentaires et d'information. Il s'agissait

  7   d'une unité regroupant des réalisateurs, des journalistes et différents

  8   experts, des historiens, des historiens de l'art. Le but était de collecter

  9   des informations de toute nature sur les événements, qu'il s'agisse

 10   d'informations écrites, d'images, d'enregistrement sonores, de présenter

 11   ces éléments et de les conserver à des fins de recherche, si bien qu'à

 12   l'époque, un grand nombre de films documentaires ont été tournés, des

 13   expositions ont été mises sur pied et ainsi de suite. De même, j'ai essayé

 14   de mettre en place les archives centrales du ministère de la Défense de la

 15   République de Croatie. C'est quelque peu paradoxal, car j'ai quitté l'armée

 16   précisément pour travailler à ces archives et dans le document qui me

 17   permet de quitter les forces armées, il est indiqué que je suis l'un des

 18   fondateurs des archives centrales du ministère de la Défense. Je n'avais

 19   pas encore été nommé de façon officielle et c'est pour cette raison que

 20   j'ai quitté les forces armées de la République de Croatie.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, entre autres,

 22   parmi vos publications, vous avez contribué à un texte qui s'intitule :

 23   "Les conventions de Genève et l'expérience des détenus dans les camps." Je

 24   ne vous demande pas de résumer cet article. Ce que je souhaite savoir de

 25   vous, c'est de quels détenus il s'agissait dans ce texte ? Est-ce qu'il

 26   s'agissait de détenus croates, serbes, musulmans ? Est-ce qu'ils étaient

 27   séparés ? Est-ce qu'ils étaient ensemble ? Est-ce que vous pourriez

 28   répondre à cette question, s'il vous plaît.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un article, pour répondre à votre

  2   question en effet, je n'y fais aucune distinction : je ne procède à aucune

  3   discrimination sur quelque base que ce soit. Les sources sur lesquelles je

  4   me suis appuyé essentiellement pour ce qui est de l'expérience des camps

  5   étaient des rapports émanant de différentes organisations internationales,

  6   y compris un rapport d'expert de 1995 portant sur les camps, rapport qui

  7   était disponible également sur internet. J'ai également procédé à une

  8   comparaison d'un point de vue juridique. D'une part, les dispositions des

  9   conventions de Genève, et d'autre part, la réalité des victimes de ces

 10   camps qui ne bénéficiaient d'absolument aucune protection.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En regardant la liste de vos

 12   publications, j'avais l'impression que les Croates et la Croatie ne sont

 13   représentés que comme des victimes. Est-ce que mon impression est exacte, à

 14   savoir que vous n'avez jamais fait de recherches dans les allégations qui

 15   ont circulé sur les crimes et atrocités commis par les Croates ou commis

 16   par la Croatie ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ou plutôt, comme vous pouvez le voir à

 18   partir des signatures qui iront sur mes différents travaux, je ne fais

 19   aucune distinction. Par exemple, dans ma thèse de doctorat, lorsque je

 20   parle de Croates, cela sous-entend citoyens croates, à savoir les habitants

 21   de la Croatie, indépendamment de leur appartenance ethnique, de leur sexe,

 22   de toute autre distinction, tout comme il est habituel lorsque l'on parle

 23   des Français ou des Américains de par le monde, on utilise le qualificatif

 24   qui s'applique aux citoyens de cet Etat, on pense à tous de la même façon.

 25   Lorsque je parle des Croates, je parlais de tous.

 26   Puisque vous posez cette question, je dois dire que dans nombre de

 27   mes interventions j'ai défendu les droits qui sont également ceux des

 28   autres groupes et minorités ethniques, aussi bien d'un point de vue social

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  1   que dans les conditions de la guerre.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Vous allez au-delà

  3   de la réponse requise par ma question. Je souhaite simplement m'assurer

  4   d'une chose. Je souhaite que ceci soit clair. Je ne vous ai absolument pas

  5   accusé de discrimination. Je sais qu'un chercheur lorsqu'il fait des

  6   recherches est libre de choisir son champ d'étude, mais je ne vous ai pas

  7   entendu dire que vous avez étudié en particulier, disons, les temps sombres

  8   de l'histoire croate où la Croatie aurait été l'acteur qui posait problème.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous pensez à la période de la Seconde

 10   Guerre mondiale, j'ai également écrit des articles à ce sujet et j'ai

 11   indiqué très clairement de quoi il s'agissait, à savoir d'un système qui

 12   était criminel et totalitaire dans sa nature, asocial et à l'origine des

 13   pires crimes. Pour ce qui concerne la République de Croatie dans laquelle

 14   je vis, je suis l'un des scientifiques les plus éminents à avoir émis des

 15   critiques extrêmement virulentes à l'encontre d'un certain nombre de

 16   phénomènes négatifs qui se présentent aujourd'hui en Croatie, que ce soit

 17   d'un point de vue social, scientifique ou à bien d'autres égards.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, une petite précision à apporter. Vous

 20   nous avez dit que vous avez été volontaire, commandant d'une unité de

 21   volontaires qui avait pour mission de rassembler de la documentation, et

 22   cetera, des vidéos, je présume que cette unité dépendait du ministère de la

 23   Défense.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Au bout du compte, cette unité dépendait

 25   officiellement du ministère de la Défense, ou plutôt répondait à ce

 26   ministère. Cependant, jusqu'au moment où j'ai quitté les forces armées,

 27   c'était une unité de volontaires, alors que l'essentiel du matériel, la

 28   plupart des cassettes permettant l'enregistrement et tout le reste du

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  1   matériel permettant les enregistrements et la collecte des documents a été

  2   fourni par les membres de l'unité. Tout ce qui a pu être fait dépendait de

  3   la bonne volonté des membres de l'unité.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez quitté cette unité quand, à quelle date

  5   exacte ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais déjà un statut officiel au ministère

  7   de la Défense. J'étais l'un des fondateurs de la section chargée des

  8   activités psychologiques et informatives et j'étais le directeur d'une

  9   entité qui n'existait pas encore vraiment et qui avait à sa charge la

 10   fondation des archives centrales. J'ai quitté cette unité au début juillet

 11   1992. Je n'ai pas été le seul, le reste des membres a procédé de la même

 12   façon parce qu'il y avait une insatisfaction quant à la façon dont on

 13   procédait par rapport à ces archives.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Au mois d'août 1992, septembre, qu'est-ce que vous

 15   faisiez ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été sans emploi pratiquement jusqu'à la

 17   fin de l'année 1994.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous étiez, jusqu'en juillet 1992, chargé de

 19   cette unité puis de la mise en place des archives, est-ce que vous avez eu

 20   l'occasion de rencontrer le général Praljak ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Au printemps 1992, j'ai rencontré pour la

 22   première fois personnellement M. Praljak. Nous avons alors communiqué, mais

 23   de façon plutôt superficielle. Il était à l'époque assistant du ministre

 24   et, à ce titre, il couvrait également la section dans laquelle je me

 25   trouvais. Je peux dire qu'au sein de cette hiérarchie existait aussi une

 26   certaine incompréhension - pour toute une série de raisons que je ne

 27   détaillerai pas - incompréhension pour ce qui était de l'importance des

 28   archives, si bien que c'était là aussi une raison pour laquelle j'estime

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  1   que toute la hiérarchie qui s'est trouvée alors au-dessus de moi, y compris

  2   le général Praljak, était à l'origine directement ou indirectement de mon

  3   départ de l'armée.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez répondu partiellement à la question

  5   que j'allais vous poser. Au printemps 1992, le général Praljak est dans la

  6   hiérarchie au-dessus de vous ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais à l'époque, cette hiérarchie, comme

  8   je l'ai dit précédemment en mentionnant un exemple, ne signifiait pas

  9   grand-chose au regard du manque d'organisation des institutions croates à

 10   l'époque, y compris les forces armées et le ministère de la Défense.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Sur le plan politique, est-ce que vous avez

 12   appartenu à un parti politique, ou vous n'aviez aucune appartenance

 13   politique ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque de la seconde Yougoslavie, je

 15   n'étais pas membre de la Ligue des Communistes de Yougoslavie, et après

 16   1990, je n'ai pas non plus été membre de quelque parti que ce soit.

 17   Aujourd'hui je ne le suis toujours pas, d'ailleurs.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'ai vu que vous aviez sept enfants. Votre

 19   femme, elle travaille ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je suis le père de sept enfants, qui

 21   vivent tous les sept avec moi, aujourd'hui encore. Mon épouse est docteur

 22   ès sciences. Elle a obtenu son doctorat à l'Université de Brême, en

 23   Allemagne.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et votre épouse, qui est docteur ès sciences,

 25   elle exerce, aujourd'hui ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Elle est employée au sein du même

 27   institut que celui où je travaille, et c'est d'ailleurs l'endroit où nous

 28   nous sommes rencontrés avant de faire connaissance.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question, parce que je pourrais passer des

  2   heures, vous imaginez bien, à vous poser des questions, mais comme je ne

  3   veux pas lasser l'auditoire, je vais arrêter de poser des questions.

  4   Pendant cette période, 1991-1992, est-ce qu'à un moment donné, dans le

  5   cadre de l'Unité des Volontaires, est-ce que vous avez été en République de

  6   Bosnie-Herzégovine sur le terrain ou vous n'y avez pas été ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis rendu plusieurs fois sur le

  8   territoire de la Bosnie-Herzégovine, et ceci de ma propre initiative. Je

  9   n'obéissais à aucun ordre. Les membres de mon unité ont procédé de la même

 10   manière avec pour but premier de collecter autant d'éléments que possible

 11   sur le terrain et de se mettre en contact également avec des personnes qui

 12   essaient de collecter des informations afin d'établir une coopération avec

 13   ces personnes.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne voulais pas continuer à poser des questions,

 15   mais là je me dois de vous poser une question. Vous dites que vous avez été

 16   sur le terrain en République de Bosnie-Herzégovine, où vous et vos

 17   collègues avez collecté des informations. Vous aviez le statut de

 18   militaire, à l'époque, quand vous avez été en République de Bosnie-

 19   Herzégovine ?

 20    LE TÉMOIN : [interprétation] Cela répond à une époque et à une situation

 21   qu'il est difficile d'expliquer à quiconque vivant au sein d'une société

 22   bien organisée, et d'un Etat où toutes les institutions fonctionnent bien.

 23   A cette époque, très peu de choses fonctionnaient, y compris en République

 24   de Croatie, et c'était pire encore sur le territoire de la Bosnie-

 25   Herzégovine. Par conséquent, il était possible, sans rencontrer la moindre

 26   entrave, d'entrer en Bosnie-Herzégovine, de toutes parts, et on pouvait

 27   également accomplir le mouvement inverse.

 28    M. LE JUGE ANTONETTI : Où vous étiez sur place, vous travailliez en civil,

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  1   je présume, parce qu'en réalité, ce n'était pas une activité de

  2   renseignement à laquelle vous vous livriez ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Jamais dans ma vie, à l'époque non plus,

  4   je ne suis intervenu au titre du renseignement et dans les cercles

  5   scientifiques et de la recherche, nous savons bien de quoi il s'agit

  6   lorsqu'on parle de renseignements. Plusieurs membres de mon unité étaient

  7   originaires de Bosnie-Herzégovine, si bien que plusieurs fois je me suis

  8   rendu chez eux parce que leur intérêt premier, tout comme le mien, était de

  9   collecter des matériaux, collecter des informations quant aux événements

 10   qui se produisaient. Je n'ai pas été sur le territoire de la Bosnie-

 11   Herzégovine à titre officiel. Il n'y a qu'à une occasion, me semble-t-il,

 12   en mai 1992, je suis allé officiellement sur le territoire de la Posavina

 13   car ce qui s'était passé là-bas n'était pas clair, si bien que moi-même et

 14   plusieurs autres nous sommes rendus sur place pour voir ce qui se passait.

 15   Et nous avons coopéré avec des membres du HVO local.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Ultime question : quand vous avez été en

 17   République de Bosnie-Herzégovine, vous avez rencontré sur le terrain le

 18   général Praljak ou pas ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai une question très courte à vous

 22   poser qui nécessite une réponse très courte. Vous nous avez dit quelque

 23   chose qui ne me semblait pas très clair, vous avez parlé de la hiérarchie.

 24   Pourriez-vous nous dire combien d'échelons il y avait entre vous et M.

 25   Praljak dans ce service dans lequel vous travailliez tous les deux ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai travaillé au département qui s'appelait

 27   le Département chargé des activités informatives et psychologiques. A la

 28   tête de ce département, il y avait un responsable alors que le général

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  1   Praljak, lui, c'était l'un des adjoints du ministre et il était chargé de

  2   mon département à moi et de toute une autre série de départements,

  3   conformément à l'organisation de l'époque au sein du ministère.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La réponse la plus courte, c'est

  5   qu'il était votre supérieur hiérarchique direct ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Entre nous il y avait au moins le

  7   responsable de l'administration chargée des activités informatives et

  8   psychologiques, le IPD, et il y avait certainement au moins une

  9   personnalité hiérarchiquement, parlant entre nous, de façon officielle.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question concernant votre CV.

 12   J'ai vu que vous citez dans diverses documentations et il y en a des pages

 13   et des pages, c'est intéressant, vous citez Charles Shrader. Vous l'avez

 14   rencontré ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je le sache, c'est quelqu'un

 16   que je n'ai jamais rencontré et je ne me suis pas entretenu avec non plus.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

 18   Maître Kovacic.

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Professeur, vous avez commencé dans votre expertise suite à notre

 21   demande, du reste, par l'histoire entière de la Bosnie-Herzégovine jusqu'au

 22   démantèlement de la deuxième Yougoslavie. Penchons-nous un peu sur la

 23   teneur du début de l'analyse. On voit au chapitre 1, et ça va jusqu'à la

 24   page 58 en version croate. Je me propose d'abord de vous poser une question

 25   de nature générale et par la suite on se penchera sur une petite partie

 26   liée aux chapitres. De façon générale, ce chapitre parlant de l'histoire

 27   moderne de la Bosnie-Herzégovine jusqu'au démantèlement de la RSFY. Est-ce

 28   que vous maintenez tout ce que vous avez rédigé ici, tout en indiquant vos

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  1   sources et tout le reste ?

  2   R.  Oui. Je maintiens à part entière tout ce qui est consigné dans cette

  3   partie et dans les autres de même. C'est normativisé [phon] pour ce qui est

  4   des fondements sur lesquels cela s'appuie.

  5   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vais pas

  6   m'aventurer outre mesure dans ce domaine.

  7   Q.  J'ai quelques questions à vous poser tout de même, Professeur, pour ce

  8   qui est de la dernière des parties de ce chapitre, qui est intitulé :

  9   "Démantèlement du système organisationnel de la deuxième Yougoslavie au fil

 10   des années 1990-91." En version croate, c'est la page 53. Ceux qui suivent

 11   la version anglaise, c'est la page 46.

 12   Je vais essayer ici d'aborder plusieurs questions pour faire un résumé de

 13   ce qui est dit. Pouvez-vous d'abord me dire par un oui ou par un non si

 14   avant le démantèlement de la RSFY, donc avant 1990-91, la Ligue des

 15   Communistes de Yougoslavie se trouvait être un facteur de cohésion

 16   pertinent au sein de la RSFY ?

 17   R.  Oui. La Ligue des Communistes de Yougoslavie était le seul facteur-clé

 18   puisque cela couvrait toutes les institutions de la vie sociale et de celle

 19   de l'Etat de l'ex-Yougoslavie. Les autres organisations politiques étaient

 20   interdites.

 21   Q.  Bon. Merci. Maintenant que nous sommes arrivés à cette désintégration

 22   de la Yougoslavie, quel est le point crucial du point de vue de cette Ligue

 23   des Communistes ? Etait-ce un congrès ou quoi d'autre ?

 24   R.  Au mois de janvier 1990, il s'est tenu le 14e congrès extraordinaire de

 25   la Ligue des Communistes de Yougoslavie où cette Ligue des Communistes de

 26   Yougoslavie a cessé d'exister.

 27   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, Professeur. A l'intention de ceux qui

 28   suivent la version anglaise, il s'agit de la page 48, paragraphe 3.

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  1   Q.  Veuillez continuer, Professeur.

  2   R.  Ce fait-là a été le fait crucial du démantèlement institutionnel de la

  3   deuxième Yougoslavie et le fait d'affirmer que c'était crucial pour ce qui

  4   est de cette désintégration de la Ligue des Communistes, du parti

  5   communiste en d'autres termes, cela signifiait aussi la désintégration de

  6   la Yougoslavie. Quelques jours à peine suite à ce congrès, c'est ce qui a

  7   été avancé dans toute une série d'analyses dans les médias et articles

  8   techniques et professionnels publiés au niveau de la Yougoslavie. C'est ce

  9   qui saute aux yeux quand on considère la chose avec le recul.

 10   Q.  Est-ce qu'après cette décomposition ou désintégration de la Ligue des

 11   Communistes, il y a eu un début du système pluripartite ou est-ce que le

 12   système pluripartite était quelque chose qui existait déjà avant ?

 13   R.  Le pluripartisme sur le territoire de l'ex Yougoslavie, c'est un

 14   élément qui a commencé de façon variée selon les républiques. On peut dire

 15   que dans la plupart des républiques, il y a eu des formes semi-légales de

 16   création et d'enregistrement de partis survenus en 1989. En Croatie, par

 17   exemple, vers la mi-1989, d'abord en mai, il y a eu un premier parti de

 18   créé à titre semi-légal et enregistré à titre semi-légal, le HSLS, c'est

 19   l'Alliance socio-libérale croate et il a été créé cette communauté

 20   démocratique croate qui est devenue le parti le plus important après les

 21   élections pluripartites.

 22   Q.  Et ces premières élections pluripartites, elles ont eu lieu quand en

 23   Croatie?

 24    R.  Ces premières élections pluripartites en Croatie se sont tenues en

 25   deux tours électoraux, le premier tour a eu lieu mi-avril et l'autre, au

 26   tout début du mois de mai 1990.

 27   Q.  Les communistes ont-ils également participé à ces élections, ou plutôt,

 28   les partis à provenance communiste ont-ils pris part aussi?

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  1   R.  Oui. Lors de ces élections, il y a eu participation d'un parti qui

  2   jusque là faisait partie intégrante de la Ligue des Communistes de

  3   Yougoslavie. Il n'a fait que changer de nom. Ça s'appelait alors le Parti

  4   des changements démocratiques, à savoir parti pour les changements

  5   démocratiques, Ligue des Communistes de Croatie. C'était le nom officiel.

  6   Q.  Et dites-nous à peu près quel a été le vainqueur aux élections ?

  7   R.  Le vainqueur aux élections avec le plus grand nombre de sièges au

  8   Parlement, bien que cela n'ait pas été la majorité des votes aux élections,

  9   c'était le HDZ. Juste derrière, il y avait le parti socio-libéral, ça

 10   s'appelait l'Alliance, et la Ligue des Communistes de Croatie, à savoir ce

 11   parti des changements démocratiques a eu un score très mauvais aux

 12   élections. Il a fait partie bien sûr du Parlement, il est entré au

 13   Parlement, mais le nombre des votes était peu significatif.  

 14   Q.  Merci. Je ne voudrais pas parler en même temps des processus qui se

 15   déroulent dans les autres républiques, mais juste une question seulement,

 16   sans élaboration plus avancée. Est-ce qu'il y a d'autres élections qui se

 17   tiennent à titre pluripartite dans les autres républiques et notamment la

 18   Bosnie-Herzégovine ?

 19   R.  Par rapport à ce qui se passait en Croatie, les processus pluripartites

 20   de la Bosnie-Herzégovine ont connu quelques retards. En effet, ce n'est

 21   qu'à la fin des élections en Croatie qu'il y a un début de création de

 22   nouveau parti en Bosnie-Herzégovine. Et ces élections en Bosnie-Herzégovine

 23   se sont tenues au mois de novembre 1990.

 24   Q.  Bon. Merci. Sans parler des autres républiques, bien que la question

 25   pourrait être intéressante, il suffit ici que l'on se penche sur ce qui

 26   s'est passé en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, notamment pour ce qui est

 27   de cet écart temporel. Parlons maintenant des différents niveaux des

 28   pouvoirs en place. Qu'advient-il de la présidence de la RSFY ? Je préviens

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  1   ceux qui suivent la version anglaise que je me réfère à la page 35 et qu'en

  2   B/C/S, c'est la page 39.

  3   Alors, qu'advient-il de la présidence de la RSFY ?

  4   R. Cette présidence de la RSFY, qui était une instance paritaire, ce qui

  5   revient à dire que s'y trouvaient les représentants de six républiques et

  6   de deux provinces autonomes, comme dans tous les autres organes paritaires

  7   au niveau fédéral, il y a eu un blocage de quatre pour quatre, parce que la

  8   Serbie, à titre anticonstitutionnel, a réuni quatre votes : la Serbie et le

  9   Monténégro et de façon illégale et contre constitutionnelle, ils ont pris

 10   les votes au niveau de toutes les instances, y compris de la présidence.

 11   C'est celle qui était donc les votes des deux provinces, de la Voïvodine et

 12   du Kosovo, autonomie qui a été supprimée par la Serbie en 1989, mais elle a

 13   quand même pris les votes, ce qui fait que les sièges au niveau fédéral ont

 14   connu un blocage et les votes, à chaque fois, étaient de quatre par rapport

 15   à quatre ce qui fait que les décisions n'ont pas pu être prises.

 16   Q.  Merci. Pour ce qui est des autres forces, notamment de la JNA, que se

 17   passe-t-il en son sein ? Est-ce qu'elle est restée ce qu'elle était censée

 18   être en application ou en vertu de la constitution ?

 19   R.  Ce sujet est étudié dans le détail dans mon expertise et ce, partant

 20   des recherches effectuées par différents experts originaires de Croatie

 21   mais aussi d'autres Etats appartenant à l'ex-Yougoslavie où l'on parle des

 22   changements cruciaux qui ont fait de la JNA une partie de l'armée serbe et

 23   ça s'est produit à partir des années 1980, de 1985 notamment.

 24   Q.  N'entrons pas dans ce type de détail. Les changements sont survenus

 25   avant si j'ai bien compris ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Mais à ce moment-là, qu'advient-il ?

 28   R.  En 1990 le 17 août, la JNA s'est ouvertement mise du côté de

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  1   l'agression serbe lancée contre la République de Croatie.

  2   Q.  Bon. Nous allons peut-être revenir sur le sujet. Expliquons en quoi

  3   consiste ce fait d'agression ouverte. Avant cela, dites-nous quelque chose

  4   encore au sujet de la JNA : à l'été 1990 et en 1991, est-il tout à fait

  5   clair, sans dilemme d'aucune espèce, la JNA est-elle ou n'est-elle pas ce

  6   qu'elle était censée être en vertu de la constitution ?

  7   R.  Bon nombre d'activités de la JNA en 1990 et 1991, telles qu'énoncées

  8   dans le détail dans mon expertise de façon indubitable, ont montré que

  9   celle-ci a cessé d'être l'armée conjointe et qu'elle est devenue un

 10   élément-clé de ce que l'on pourrait appeler l'armée de la Serbie.

 11   Q. Merci

 12   M. KOVACIC : [interprétation] Pour ceux qui suivent cela en version

 13   anglaise, il s'agit de la page 48 et il s'agit de la page 56 de la version

 14   croate.

 15   Q. Ces cadences de changements se déroulent comme vous nous l'avez dit.

 16   Est-ce que nous pourrions dire ou comment décririez-vous la situation en

 17   République de Croatie et en République de Slovénie dans le contexte de leur

 18   appartenance à la Fédération yougoslave ou dans le contexte de leur

 19   indépendance dans cette période 1990-1991 ?

 20   R.  Ces deux Etats, partant de ces premières sélections pluripartites et

 21   des référendums qui se sont tenus ultérieurement, sont devenus des éléments

 22   d'organisation autonomes au niveau d'Etats, et cela est décrit dans cette

 23   expertise alors que le détail, vous pouvez le trouver dans le rapport lui-

 24   même.

 25   Q.  Mais s'agissant de ces deux républiques, la Slovénie et la Croatie,

 26   ont-elles interrompu leurs liens avec la Fédération ou ont-elles proposé

 27   des changements, des concertations pour ce qui est de modifications au

 28   niveau de l'organisation de cette nouvelle Yougoslavie ?

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  1   R.  Cette désintégration ou cette dissociation des différentes républiques

  2   dans ce processus complexe ont fait que ces nouveaux Etats, la Slovénie et

  3   la Croatie, ont proposé un nouveau modèle de concertation yougoslave. Elles

  4   le font pour la première fois en septembre 1990 pour mettre en place un

  5   système confédéral.

  6   Q.  Cette proposition et autres propositions plus ou moins analogues font-

  7   elles l'objet de débats ultérieurement et de réunions entre représentants

  8   des différentes républiques ?

  9   R.  La plus grande des intensités des différents types de réunions au sein

 10   de la Yougoslavie et entre acteurs variés, il y a eu bien sûr des réunions

 11   bilatérales ou trilatérales, ou alors entre les six en présence, et ça

 12   s'est passé dans la première moitié de 1991. Ce type de réunions, il y en a

 13   eu plusieurs dizaines. Les plus importantes de ces réunions étaient

 14   certainement six réunions qui se sont tenues entre représentants ou

 15   présidents des présidences des Etats nouvellement créés, et chacune de ces

 16   réunions avait lieu dans les différents Etats nouvellement créés.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Pour ceux qui seraient intéressés par les

 18   détails, ils peuvent se référer à la page 50, version anglaise, paragraphe

 19   3 sous le sous-titre "L'année 1991." En version croate, c'est la page 58.

 20   Q.  Vous avez parlé du référendum en Croatie --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, tout à l'heure je vous ai posé une

 22   question, si vous aviez des activités politiques. Vous avez répondu non. Je

 23   crois comprendre que vous allez être candidat à la prochaine présidentielle

 24   ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, on m'a traduit votre

 26   question comme ceci : Suis-je membre d'une organisation politique ? J'ai

 27   dit non, j'ai dit que ce n'était pas le cas. C'est début juillet de cette

 28   année-ci que j'ai présenté ma candidature en ma qualité de candidat

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  1   indépendant aux fonctions de président de la République de Croatie.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Cette élection est programmée pour quand ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces élections vont commencer, parce qu'il y

  4   aura probablement deux tours, alors ce sera soit le premier week-end du

  5   mois de décembre cette année-ci ou le tout premier week-end du mois de

  6   janvier de l'année qui vient.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je dois bien comprendre, outre vos qualités

  8   d'universitaire, vous êtes également une personnalité de premier plan en

  9   Croatie ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Au fil des 20 années écoulées, lorsqu'il y a

 11   eu des libertés élémentaires à faire surface en Croatie, je me suis fait

 12   très actif dans la vie sociale, notamment dans la société civile, pour ce

 13   qui est de toute une série de ce que l'on pourrait qualifier de domaine de

 14   droits de l'homme et de cohésion sociale.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ma question n'avait été pas exactement bien

 16   traduite, ce qui avait pu créer l'ambiguïté. Maintenant, tout est clair.

 17   Maître Kovacic.

 18   M. KOVACIC : [hors micro]

 19   L'INTERPRÈTE : Micro, Monsieur Kovacic.

 20   M. KOVACIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous avez mentionné le référendum en République. Dites-nous, je vous

 22   prie, quel est le pourcentage des électeurs qui a voté en faveur d'une

 23   République de Croatie indépendante ?

 24   R.  Le référendum en Croatie s'est tenu le 19 mai 1991, et ont voté pour

 25   l'indépendance de la Croatie 93 % et plus de ceux qui se sont présentés aux

 26   élections, et ils ont été 84 % à avoir été voté.

 27   Q.  Merci. Etant donné que la Slovénie a tenu un référendum à peu près à la

 28   même époque, quand est-ce que la Croatie et la Slovénie déclarent

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  1   l'indépendance de ces Républiques ?

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Pour ce qui est des versions qui sont sur la

  3   version anglaise, c'est la page 51, et pour ce qui est de la version B/C/S,

  4   c'est la page 59.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Les Parlements des deux républiques proclament

  6   l'indépendance le même jour, le 25 juin 1991.

  7   M. KOVACIC : [interprétation]

  8   Q.  Je vais essayer d'établir une corrélation. Vous avez dit que la JNA a

  9   procédé à un coup d'Etat, en réalité, en faisant ce qu'elle faisait. On va

 10   revenir sur le détail, mais je voudrais constater brièvement -- non,

 11   plutôt, laissons cela de côté. Dites-moi ceci : la République de Croatie et

 12   la République de Slovénie ont déclaré, avez-vous dit, l'indépendance. Est-

 13   ce que de fait ça s'est produit ou est-ce que quelque chose d'autre aurait

 14   eu lieu ?

 15   R.  De façon officielle, la chose n'a pas été menée à son terme, parce que

 16   la Communauté européenne a exercé des pressions à l'égard de la Slovénie et

 17   de la Croatie; et c'est le 7 juillet 1991 qu'il y a eu cette déclaration

 18   dite de Brioni, dont la décision principale a consisté à faire mettre en

 19   place un moratoire de trois mois pour l'entrée en vigueur de ces trois

 20   décisions, tant pour la Slovénie que pour la Croatie.

 21   Q.  Professeur, de votre avis, la République de Croatie et la République de

 22   Slovénie voulaient-elles faire preuve de volonté de continuer à négocier

 23   pour trouver une solution au sein d'une Yougoslavie quelconque ?

 24   R.  Dans la plupart de leurs documents et de leurs positions officielles

 25   adoptées par les instances les plus officielles, il a été demandé des

 26   solutions politiques, et en ma qualité d'homme de sciences, je dirais

 27   qu'elles ne pouvaient pas réclamer un autre type de solution puisque ni

 28   l'une ni l'autre n'avait pratiquement aucune puissance armée, alors

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  1   qu'elles se trouvaient en processus ou en phase de création.

  2   Q.  Est-ce que cela signifiait qu'il n'y avait pas d'autre issue que celle

  3   d'"accepter", entre guillemets, le conseil avancé par la Communauté

  4   européenne ?

  5   R.  Oui. L'une et l'autre, en quelque sorte, n'avait pas d'autre

  6   alternative, parce que l'une et l'autre, et les autres Républiques de l'ex-

  7   Yougoslavie, comprenaient parfaitement bien que pour ce qui est de

  8   changements géopolitiques de taille, on pouvait compter dessus seulement

  9   s'il y avait consentement de la communauté internationale. On ne pouvait

 10   rien faire sans le consentement de la communauté internationale, donc, sans

 11   l'intervention des agents les plus importants de la communauté

 12   internationale, et cela étant valable pour la Slovénie et pour la Croatie.

 13   Q.  Merci.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, sur la déclaration de Brioni et le

 15   moratoire, vous dites : un conseil avisé de la communauté internationale.

 16   C'est une approche. Mais est-ce que le Croate moyen n'a-t-il pas à l'époque

 17   ressenti cela comme une ingérence dans les affaires intérieures croates ou

 18   slovènes, ou était-ce une déclaration amicale, un soutien favorable ?

 19   Comment ça a été ressenti sur le terrain, le fait que des puissances

 20   étrangères se mêlaient de votre devenir ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] En 1990 et 1991 en Croatie - et ça je peux

 22   vous le confirmer à titre personnel, du fait d'avoir eu un très grand

 23   nombre de contacts dès lors - il y a eu prépondérance d'une conviction qui

 24   était celle d'affirmer que les mécanismes européens puissants n'allaient

 25   sûrement pas autoriser des destructions armées où que ce soit en Europe et,

 26   par voie de conséquence, en Yougoslavie aussi. Mais au fur et à mesure que

 27   le temps passait et que cette agression armée serbe se renforçait, il y

 28   avait beaucoup de mauvaise humeur, notamment dans la première moitié de

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  1   1991, lorsque la Communauté européenne continuait à prendre des décisions

  2   relatives à l'aide financière à apporter à l'ex-Yougoslavie, ou plutôt, à

  3   l'Etat qui existait encore à peine. Donc de ce point de vue-là, étant donné

  4   que ni la Slovénie ni la Croatie, pour être tout à fait concret, n'avait

  5   bénéficié d'aucune protection. Du fait de l'existence de forces armées

  6   propres, on croyait que l'agression serbe ne pouvait être stoppée que par

  7   la communauté internationale. A cet effet, vous trouverez le détail ici

  8   aussi pour ce qui est de la République de Croatie, mais aussi pour ce qui

  9   est de la Bosnie-Herzégovine car, dès lors, en mi-1991 déjà, Alija

 10   Izetbegovic et le gouvernement de la BiH avaient lancé des appels à

 11   l'intention de la communauté internationale pour envoyer une mission de

 12   bonne volonté et d'envoyer des observateurs, mais c'est resté sans écoute.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : On poursuivra après la pause parce qu'il est

 14   largement le temps de s'arrêter. Nous allons faire 20 minutes de pause.

 15   --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

 16   --- L'audience est reprise à 16 heures 14.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peut-être juste

 19   aux fins du compte rendu d'audience, on vient de m'avertir qu'au début de

 20   la déposition du témoin, il n'a pas été mentionné le fait que l'expertise

 21   qui nous occupe figure au numéro 3D 033720 dans le système e-court, alors

 22   que le CV est versé sous le numéro 3D 033725. Je répète donc : 3D 033720

 23   pour le rapport d'expert.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Kovacic, je crois peut-

 25   être qu'il y a au niveau des premiers zéros une précision.

 26   M. KOVACIC : [interprétation] Oui. 03720.

 27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il n'y a qu'un zéro au début. Je crois

 28   qu'il est en trop.

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  1   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, c'est exact. C'est ce que j'ai dit. Ceci

  2   n'a pas été consigné correctement. Je vous remercie, Monsieur le Juge.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous en prie.

  4   M. KOVACIC : [interprétation]

  5   Q.  Donc, Monsieur le Professeur, vous avez dit que l'agression commise par

  6   la JNA est déjà en cours à ce moment-là et dans ces circonstances, nous

  7   avons évoqué déjà, pour ne pas avoir besoin de le répéter, que les nouveaux

  8   Etats ont déjà été créés, qu'on a proposé des négociations sur une

  9   éventuelle nouvelle organisation de la Yougoslavie. Est-ce qu'à ce moment-

 10   là, ce nouvel Etat a déjà commencé à fonctionner au sens plein, comme nous

 11   l'envisageons lorsque nous parlons du fonctionnement d'un Etat en général ?

 12   R.  Non. Cela n'intervient pas et ce, dans toute une série de domaines de

 13   la vie politique et sociale. A ce moment-là, c'était la défense qui était

 14   la priorité la plus importante, si bien que dans le mauvais fonctionnement

 15   des activités liées à la défense, on peut voir se refléter le mauvais

 16   fonctionnement de l'Etat en général.

 17   La défense était absolument cruciale en 1991 pour la survie de l'Etat

 18   croate nouvellement créé et sa défense contre l'agression armée serbe. Et

 19   les volontaires étaient d'une importance cruciale à cet égard, car la

 20   Croatie ne disposait ni de forces armées ni d'armes. Et sur les nombreux

 21   lieux qui étaient les théâtres des opérations, tels qu'imposés par

 22   l'agresseur, il y a des volontaires qui se sont organisés pour défendre le

 23   pays. Toutes les activités les plus importantes liées à la défense ont été

 24   le fait de volontaires, et notamment dans le cadre de la bataille de

 25   Vukovar, qui représente un phénomène à part.

 26   Q.  Quand a-t-on obtenu un cessez-le-feu et de quelle manière ? Un cessez-

 27   le-feu, c'est-à-dire une réduction des activités, des actes d'agression

 28   commis à l'encontre de la Croatie ?

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  1   R.  C'est après toute une série de cessez-le-feu qui avaient été signés

  2   mais non respectés en 1991. C'est finalement le 2 janvier 1992, sous la

  3   pression de la communauté internationale, qu'a été signé le cessez-le-feu

  4   de Sarajevo qui a représenté une forme d'interruption des tentatives des

  5   forces serbes visant à conquérir d'autres parties du territoire de la

  6   Croatie et l'agression s'est ensuite tournée vers le territoire de la

  7   Bosnie-Herzégovine dans son ensemble. Et c'est près d'un quart du

  8   territoire de la Croatie qui était alors occupé.

  9   Q.  Juste peut-être pour éclaircir une question : qu'entendez-vous

 10   exactement lorsque vous dites que l'agression s'est alors détournée en

 11   direction du territoire de la Bosnie-Herzégovine ou plus concrètement,

 12   qu'est-il advenu des forces de la JNA en Croatie lorsque ont été formées

 13   les zones de protection des Nations Unies ? Où sont allées ces forces de la

 14   JNA ?  

 15   R.  A la fin de l'année 1991, sous l'égide de la communauté internationale

 16   encore une fois, des pourparlers ont eu lieu en Croatie. On adopte certains

 17   accords et on assiste à un processus de retrait d'une partie importante des

 18   effectifs de la JNA à partir des parties libres du territoire de la

 19   Croatie. Ces effectifs, après le cessez-le-feu, se retirent également des

 20   parties occupées du territoire et c'est équipés de tout leur armement

 21   qu'ils arrivent sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 22   Q.  Merci. Pendant cette période, cette même période, vous avez souligné

 23   l'importance du rapport de la Commission Badinter. Pourriez-vous nous

 24   expliquer rapidement pourquoi ce document ou cette position qui était celle

 25   de la Commission Badinter a retenu votre attention ? C'est ce que vous

 26   écrivez, du moins en page 53 de votre rapport. En version anglaise, c'est

 27   la page 62.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de répondre à cette question, j'ai une

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  1   question de suivi par rapport à la réponse que vous avez faite avant. J'ai

  2   mis du temps à la former compte tenu de son importance. Vous dites que la

  3   communauté internationale a abouti au retrait de la JNA de la République de

  4   Croatie, territoire libre et puis territoire occupé. Et ils sont allés en

  5   République de Bosnie-Herzégovine. En vous écoutant, je me suis posé la

  6   question de savoir pourquoi la communauté internationale n'aurait pas exigé

  7   à ce moment-là qu'ils se retirent mais en passant par des zones qui leur

  8   permettaient de retourner directement en Serbie, sans "occupation" de la

  9   Bosnie-Herzégovine. Est-ce que ceci avait été, à votre connaissance,

 10   envisagé ou pas ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse à la question que vous me posez

 12   risquera d'être assez complexe, mais l'agression opérée par les Serbes

 13   envisageait le territoire de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine comme

 14   un théâtre d'opération unique. Il y a pas mal de détails sur ce sujet dans

 15   le rapport que j'ai rédigé. Pour ne pas entrer dans tous ces détails,

 16   pourquoi cette décision a-t-elle été prise de poursuivre une agression

 17   totale dirigée contre la Bosnie-Herzégovine tout en maintenant la situation

 18   du territoire occupé en Croatie ? L'une des raisons qui est devenue tout à

 19   fait claire du point de vue de l'agresseur serbe et également de la

 20   communauté internationale était la suivante, à savoir que la Serbie ne

 21   disposait plus de forces qui lui auraient permis de briser rapidement la

 22   Croatie, notamment après la bataille de Vukovar où l'agresseur serbe a

 23   souffert des pertes importantes. Et pour éviter que la guerre ne déborde en

 24   direction de l'Europe centrale, ce que l'on craignait à l'époque, on a tout

 25   à fait volontairement, d'un point de vue politique, détourné cette

 26   agression en direction de la Bosnie-Herzégovine, tout en sachant

 27   pertinemment que la JNA était devenue partie intégrante des forces serbes.

 28   Et, conformément à l'accord qui avait été conclu aux termes duquel des

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  1   forces d'interposition internationales étaient venues sur le terrain en

  2   Croatie, la JNA a changé de nom; elle n'était plus appelée sous ce nom de

  3   JNA mais sous différentes appellations, différentes formations militaires

  4   sur le territoire de la République de Croatie, mais l'essentiel de ses

  5   effectifs ont été transférés vers la Bosnie-Herzégovine.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Ma question est au cœur même de votre thèse dans

  7   votre rapport d'expertise. Vous dites que pour les Serbes, ils avaient un

  8   unique belligérant face à eux. C'était les Croates et les Musulmans. Ça,

  9   c'est la thèse de votre rapport. Et là, vous me dites qu'en se repliant sur

 10   la République de Bosnie-Herzégovine, en réalité, ils se repliaient

 11   néanmoins sur ce qu'ils considéraient eux également comme le territoire du

 12   belligérant qu'ils avaient face à eux. Alors, est-ce à dire à ce moment-là

 13   que pour la communauté internationale, il y avait de la part de la

 14   communauté internationale une connaissance réelle du problème et qu'en

 15   réalité, on a reporté le problème en Bosnie-Herzégovine alors qu'il se

 16   trouvait en Croatie, et ce, de manière consciente ? C'est une hypothèse, je

 17   n'en sais rien.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] D'un point de vue phénoménologique, il est

 19   indubitable que le problème a été transféré sur le territoire de la Bosnie-

 20   Herzégovine, et il était tout à fait évident que tous les acteurs qui

 21   étaient sur place avaient intérêt à cela, tous les acteurs présents sur le

 22   territoire de l'ex-Yougoslavie, y compris la communauté internationale.

 23   Chacun avait certains motifs qui lui étaient propres, et il y aurait là

 24   matière à conduire des recherches supplémentaires et à mener des débats.

 25   Mais il est toutefois indubitable que le centre de gravité de cette

 26   opération d'agression était transféré en direction de la Bosnie-Herzégovine

 27   alors que la situation est restée en l'état en Croatie; elle a été

 28   maintenue.

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  1   Et quand je parle de l'agression serbe, j'utilise une nuance qui

  2   indique qu'il s'agit d'une agression émanant de l'Etat croate. Ce n'est pas

  3   un qualificatif ethnique, car si l'on examine les choses d'un point de vue

  4   ethnique, il y avait également des Croates qui ont été partie des forces

  5   armées dont disposait l'Etat serbe. Symétriquement, il y a eu également des

  6   volontaires appartenant au groupe ethnique serbe qui ont défendu la

  7   République de Croatie, si bien que, aux fins d'être plus précis, j'estime

  8   qu'il serait préférable de définir les choses non pas sur une base

  9   ethnique, ce que recouvre l'adjectif "serbe", mais de faire cette

 10   distinction.

 11   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : il existe deux adjectifs en

 12   B/C/S qui sont distincts.

 13   M. KOVACIC : [interprétation]

 14   Q.  Juste une question pour revenir, s'il vous plaît, sur l'importance de

 15   cette Commission Badinter, pour l'ensemble de ce processus en cours. C'est

 16   ce qu'il faudrait préciser, s'il vous plaît.

 17   R.  Ce n'est qu'au début du mois de septembre que la conférence

 18   internationale sur l'ex-Yougoslavie a débuté avec ses activités. L'un des

 19   volets les plus importants de cette activité consistait en la commission

 20   d'arbitrage, plus généralement connue sous le nom de Commission Badinter,

 21   chargée de fournir des évaluations portant sur différentes questions

 22   politiques, historiques et juridiques. Il y avait plusieurs questions

 23   examinées, et chacune d'entre elles était importante. Je pense que vous

 24   vous référez à celle qui correspond au mois de décembre. Je n'ai pas ouvert

 25   la page correspondante sous les yeux, mais je pense qu'il s'agit de cette

 26   opinion émise par la Commission Badinter selon laquelle la Yougoslavie se

 27   situe dans la dernière phase de sa décomposition, n'est-ce pas ?

 28   Q.  En effet.

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  1   R.  Cette évaluation était tout à fait exacte. La Yougoslavie était

  2   véritablement, à ce moment-là, dans la dernière phase de sa décomposition,

  3   et j'ai étayé cette affirmation par des éléments supplémentaires de mon

  4   expertise.

  5   M. KOVACIC : [interprétation] Pour ceux qui suivent la version en anglais,

  6   cela se situe en pages 51 et 52 de la version anglaise.Q.  Donc, pour finir

  7   avec cette partie ou cette période, plutôt, suite à cela est intervenue la

  8   reconnaissance internationale de la Croatie, tout comme de la Slovénie;

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. Le processus de préparation de la reconnaissance internationale de

 11   ces deux Etats s'est déroulée dans un cadre international européen, au

 12   cours du mois de décembre, et a culminé le 15 janvier 1992 avec la

 13   reconnaissance par la Communauté européenne de la Croatie et de la Slovénie

 14   alors que, pour ce qui concernait la Bosnie-Herzégovine et sa

 15   reconnaissance, une condition a été posée, à savoir qu'il n'y aurait

 16   reconnaissance qu'au terme de la conduite d'un référendum sous surveillance

 17   internationale, référendum au cours duquel il fallait permettre à tous les

 18   citoyens de voter.

 19   Q.  Merci. Je crois que nous en sommes maintenant arrivés à ce sujet que

 20   vous examinez dans la partie 2, avec le sous-titre "La Bosnie-Herzégovine

 21   de 1990 à 1995."

 22   M. KOVACIC : [interprétation] En version croate, c'est en page 63 et en

 23   version anglaise, c'est en page 54.

 24   Q.  Je voudrais commencer par vous demander la chose suivante : pourriez-

 25   vous expliquer pour les Juges de la Chambre - pour nous, c'est quelque

 26   chose de tout à fait notoire, mais ce qui importe, c'est de fournir les

 27   éléments les plus importants à la Chambre - comment la question des peuples

 28   était-elle envisagée dans la constitution de la Bosnie-Herzégovine, à

Page 44750

  1   l'époque où la RSFY existait encore ?

  2   R.  La Bosnie-Herzégovine était la seule république de l'ex-Yougoslavie qui

  3   était dotée de trois peuples constitutifs, et ce, à partir des années 1970.

  4   La formulation en a été parachevée dans la constitution de 1974. C'était là

  5   la spécificité la plus importante de la Bosnie-Herzégovine, et c'était là

  6   l'une des raisons pour laquelle on l'a souvent qualifiée de Yougoslavie en

  7   miniature.

  8   Q.  Je crois que tout un chacun sait que je peux ici poser une question

  9   directrice, peut-être. Quels étaient ces peuples ?

 10   R.  Conformément au recensement de 1991 et par ordre décroissant

 11   d'importance, c'était les Musulmans bosniens, et j'explique dans mon

 12   rapport pourquoi je les désigne ainsi; ensuite, les Serbes; et les Croates.

 13   C'était les trois peuples constitutifs.

 14   Q.  Très bien. Vous avez mentionné la tenue d'un référendum. Tout d'abord,

 15   quand ce référendum a-t-il été organisé ?

 16   R.  Ce référendum s'est tenu pendant deux jours, le dernier jour du mois de

 17   février, qui était un 29 février, et le 1er mars 1992. Un peu plus de 64 %

 18   de la population a voté à ce référendum; et parmi les votants, 99,4 % se

 19   sont prononcés pour l'indépendance; à ceci près que ce référendum a été

 20   tenu en dépit de l'opposition des Serbes à travers tout le territoire de la

 21   Bosnie-Herzégovine, conformément à ce dont a fait état la commission

 22   électorale, à savoir que sur les 109 municipalités de la Bosnie-

 23   Herzégovine, il a été tenu dans 107 municipalités.

 24   M. KOVACIC : [interprétation] Pour ceux qui suivent en version anglaise,

 25   cela se situe en pages 86 et 87 du rapport d'expert.

 26   Q.  Monsieur le Professeur, si l'on se réfère aux chiffres officiels

 27   concernant la part de chaque peuple, quel est le taux de participation

 28   nécessaire pour que l'on puisse s'attendre à un succès de ce référendum

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  1   pour chacun des trois peuples ?

  2   R.  Aucun des trois peuples constitutifs de Bosnie-Herzégovine n'était en

  3   position de disposer d'une majorité absolue seul. Pour prendre quelque

  4   décision que ce soit, il était nécessaire d'obtenir la participation d'au

  5   moins deux des trois peuples constitutifs et cela conformément à la

  6   constitution.

  7   Q.  Conformément aux données disponibles, quels ont été les deux peuples

  8   qui sont allés voter ?

  9   R.  Il s'agissait des Musulmans bosniens et des Croates.

 10   Q.  Outre les Musulmans, les Croates ont également contribué au succès de

 11   ce référendum; n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, sans la participation des Croates, ce référendum n'aurait pas été

 13   couronné de succès, ou plutôt, il aurait été impossible de prendre sur

 14   cette base des décisions portant sur l'indépendance de la Bosnie-

 15   Herzégovine.

 16   Q.  Mais, Monsieur le Professeur, cela s'est produit malgré l'existence de

 17   divergences significatives parmi les Croates concernant la formulation de

 18   la question qui a été posée dans le cadre du référendum. Est-ce que vous

 19   pouvez nous en dire un peu plus à ce sujet ?

 20   R.  Oui. Lors des préparatifs de ce référendum, ni les Musulmans bosniens

 21   ni les Croates, à aucun moment, n'ont remis en question cette notion selon

 22   laquelle la Bosnie-Herzégovine devait devenir un Etat indépendant. Les

 23   divergences existaient quant à la formulation de cette question, les

 24   Croates s'efforçaient d'obtenir que l'on intègre dans la question qui

 25   serait posée les droits dont ils bénéficiaient jusqu'alors, à savoir les

 26   droits dont ils bénéficiaient en leur qualité de peuple constitutif. Ceci

 27   dit, cela n'a pas eu lieu, et les Croates sont malgré tout allés voter car

 28   la priorité était de voir la Bosnie-Herzégovine devenir un Etat

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  1   indépendant, si bien que les Croates ont voté dans le cadre de ce

  2   référendum en répondant à une question qui avait été formulée par la

  3   structure dirigée par les Musulmans bosniens.

  4   Q.  Professeur, est-ce que les institutions, les dirigeants au sommet

  5   croates ont participé de quelque manière que ce soit, sous forme de

  6   lobbying par exemple, pour que la population croate de la Bosnie-

  7   Herzégovine aille voter dans le cadre de ce référendum ?

  8   R.  Pendant toute la durée des préparatifs du référendum et juste avant sa

  9   tenue, les institutions les plus importantes de la République de Croatie

 10   ont encouragé de toutes les façons possibles la participation des Croates

 11   de Bosnie-Herzégovine au référendum et leur vote en faveur de

 12   l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Professeur, est-ce que la République de Croatie ou sa direction

 14   politique au sommet avait un intérêt à voir la Bosnie-Herzégovine devenir

 15   un Etat indépendant ?

 16   R.  Absolument. L'intérêt de la République de Croatie était multiple, à

 17   savoir que la Bosnie-Herzégovine soit internationalement reconnue et que

 18   son intégrité en tant qu'Etat soit respectée. Pour ne pas maintenant entrer

 19   dans tous les détails qui figurent dans mon rapport, il suffit de se

 20   reporter à une carte géographique pour voir que ni la Bosnie-Herzégovine ni

 21   la Croatie ne peuvent être des Etats stables, que ce soit du point de vue

 22   de leur sécurité ou à tout autre point de vue si l'autre Etat n'est pas lui

 23   aussi stable. C'était une question de priorité aussi pour la Croatie, car

 24   un quart de son territoire était occupé et la plupart de ces zones occupées

 25   étaient frontalières de la Bosnie-Herzégovine, si bien que la possibilité

 26   même d'une réintégration de ces territoires occupés dépendait de

 27   l'évolution de la situation en Bosnie-Herzégovine.

 28   Q.  Merci. Et après le référendum, on a publié les résultats de ce dernier,

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  1   et la Bosnie-Herzégovine a-t-elle alors été reconnue internationalement en

  2   tant qu'Etat indépendant ?

  3   R.  Oui. Comme la communauté internationale l'avait demandé, le référendum

  4   s'est tenu sous son contrôle et après cela, le 7 avril, s'en est suivi un

  5   processus de reconnaissance internationale du nouvel Etat indépendant de

  6   Bosnie-Herzégovine.

  7   Q.  Merci. Je pense que nous avons maintenant clarifié cela. Peut-être

  8   juste encore une question. Lorsque la Bosnie-Herzégovine, en date du 7

  9   avril 1992, a été reconnue internationalement - et je rappelle que j'ai

 10   posé cette même question pour ce qui concerne la République de Croatie -

 11   est-ce qu'en tant qu'Etat elle fonctionnait de la façon dont nous

 12   envisagions le fonctionnement normal d'un Etat, est-ce qu'elle était en

 13   pleine possession de toutes ses prérogatives et de tous les attributs que

 14   sont ceux attachés au fonctionnement normal d'un Etat ?

 15   R.  Cela fait l'objet d'explications plus détaillées dans différents

 16   passages de mon rapport. La Bosnie-Herzégovine s'est à ce moment trouvée

 17   dans une situation particulièrement difficile, tant du point de vue de sa

 18   sécurité que de l'organisation de l'Etat et de ses possibilités de

 19   fonctionnement. Elle s'est trouvée dans une situation beaucoup plus

 20   difficile que celle de la République de Croatie en 1990 et 1991.

 21   Q.  Merci. En page 78 de la version anglaise et suivantes, et en page 93 de

 22   la version croate, vous commencez une explication de la façon dont est

 23   apparue la HZ-HB. Pourriez-vous en trois ou quatre phrases très brèves nous

 24   expliquer quel était le sens et quels étaient les objectifs, les raisons

 25   pour lesquelles a été créée cette Communauté croate d'Herceg-Bosna. Ou

 26   plutôt - je vais peut-être essayer d'abréger cela, parce que je crois qu'on

 27   en a assez parlé dans ce prétoire. Je voudrais vous demander de vous

 28   reporter aux pages 95 à 99. Pages 79 à 82 en anglais, et pages 95 à 99 en

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  1   B/C/S du débat. Nous voyons ici des photocopies de différents formulaires

  2   qui figurent à ces pages.

  3   Ces formulaires vous permettent d'étayer quelles affirmations,

  4   Monsieur le Professeur ?

  5   R.  Il y a eu un certain nombre de stéréotypes qui ont circulé quant à ce

  6   qu'était réellement la HZ-HB et la HR-HB, et c'est la raison pour laquelle

  7   j'ai ici intégré des copies d'un certain nombre de documents officiels et

  8   de formulaires qui faisaient l'objet de publications dans le Journal

  9   officiel des documents civils, militaires, liés au système éducatif, et on

 10   y voit que sans aucune exception on voit toujours figurer en première

 11   position l'appellation de l'Etat de Bosnie-Herzégovine sous lequel on fait

 12   figurer l'appellation de l'une de ses sous-entités régionales, qui est la

 13   HZ-HB, ultérieurement HR-HB.

 14   Q.  Merci. Pour ce qui concerne les dénominations adoptées et les insignes

 15   utilisés sur les frontières avec la République de Croatie, qu'est-ce que

 16   l'on utilisait dans ce contexte-là ?

 17   R.  Il y a là un certain nombre d'éléments qui nous renseignent de façon

 18   très claire concernant le caractère et la nature de cette HZ-HB. Des

 19   décisions ont été prises, des décisions officielles concernant le passage

 20   entre les deux Etats, le passage de la frontière avec la République de

 21   Croatie, alors que dans les autres parties de l'Etat de Bosnie-Herzégovine,

 22   il n'existait pas de telles décisions.

 23   Q.  Est-ce que j'ai raison de conclure de ce que vous dites que si la HZ-HB

 24   n'avait pas les emblèmes qui figuraient aux postes-frontières, ces derniers

 25   n'auraient pas du tout existé ? Est-ce là le sens de votre déposition ?

 26   R.  Oui, cela fait l'objet d'une argumentation dans l'expertise elle-même.

 27   Cela ressort des documents disponibles, à savoir que dans une situation de

 28   blocus, dans une situation où il était impossible d'agir, si les autorités

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  1   de la HZ-HB n'avaient pas mis en place ces postes de contrôle des

  2   frontières, cela reviendrait à dire que ces derniers, les postes-

  3   frontières, n'auraient pas existé.

  4   Q.  Merci. Par quel événement ou par quel acte commence l'agression

  5   de la JNA à l'encontre de la Bosnie-Herzégovine ?

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est toujours à l'écran, et ça me paraît très

  7   important. L'avocat vient de vous demander d'expliciter le fait qu'il y a

  8   République de Bosnie-Herzégovine suivie de Communauté croate de l'Herceg-

  9   Bosna. Vous, vous dites c'est une entité régionale. Vous savez que certains

 10   peuvent peut-être penser que c'est un Etat dans l'Etat. Qu'est-ce qui vous

 11   fait dire que c'est une entité régionale. Est-ce que vous pouvez un peu

 12   expliciter cela ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après toute une série de décrets, de

 14   décisions et autres documents promulgués au sein de la HZ-HB ou HR-HB, y

 15   compris la décision portant création de celle-ci, il a été défini le fait

 16   qu'il s'agissait d'un ensemble politique, culturel, économique et régional

 17   respectant les autorités de la République ou de l'Etat de Bosnie-

 18   Herzégovine. Quand on parle de l'Etat du point de vue politique et

 19   historique, je dirais même juridique aussi, il est clair ce que signifie

 20   qu'un Etat. Ça signifie souveraineté. Ça signifie non-reconnaissance de

 21   quelque autorité que ce soit au-dessus d'elle du point de vue de la

 22   souveraineté. Pour ce qui est d'une région ou d'une entité régionale -- je

 23   ne veux pas dire "entité" parce qu'"entité", dans l'évolution ultérieure

 24   des événements en Bosnie-Herzégovine, relevait des connotations autres.

 25   Mais du point de vue formel et contextuel, on voit qu'il est notamment

 26   question d'un ensemble régional qui a découlé du droit à l'autodéfense, en

 27   bref. Du point de vue de certaines décisions, on a mis l'accent sur le

 28   caractère provisoire, parce que ça allait durer pendant la guerre. C'était

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  1   intérimaire comme situation. Or, dire que c'était un Etat, à mon avis,

  2   c'est complètement infondé et, scientifiquement parlant, cela n'est pas

  3   objectif que de le dire. Mais la liberté d'interprétation profane dans une

  4   société pluraliste peut être admise, autorisée. Toujours est-il qu'il

  5   serait difficile, partant des documents que j'ai pu examiner et partant de

  6   l'expertise que j'ai rédigée, il serait difficile de voir quelque homme de

  7   science que ce soit, s'il s'en tient, bien entendu, aux normes

  8   scientifiques pour affirmer que la Communauté croate d'Herceg-Bosna ou

  9   République croate d'Herceg-Bosna ultérieurement, il s'agirait ou il se

 10   serait agi de quelque chose que l'on pourrait qualifier d'Etat.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Regardez la page 82 dans la version anglaise, où il

 12   y a un document rédigé dans votre langue.

 13   Monsieur le Greffier, est-ce que vous pouvez mettre la page 82 en anglais.

 14   Ce n'est pas la peine de la mettre en B/C/S, parce que moi, ce qui

 15   m'intéresse, c'est le document, et il est en B/C/S. Voilà.

 16   On a le document sous les yeux. Qu'est-ce que je constate ? Je vois

 17   République de Bosnie-Herzégovine en petits caractères, puis je vois en gros

 18   caractères la référence à l'Herceg-Bosna. Comment vous expliquez ça ? Est-

 19   ce que ça n'aurait pas dû être le contraire ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourquoi en est-il ainsi ? On peut interpréter

 21   la chose différemment. Toujours est-il que la taille des caractères, c'est

 22   l'un des éléments à prendre en considération pour l'analyse de ces

 23   documents. Une deuxième analyse nous dit que la République de Bosnie-

 24   Herzégovine se trouve en première position, tant dans ces documents que

 25   dans d'autres, et il y a des situations où les documents que j'ai montrés

 26   ici montrent autre chose. Je ne sais pas qui a fait le design esthétique.

 27   Mais ce qui importe, c'est que quand on place les documents dans un autre

 28   contexte, à savoir les décisions et ce qui était présent ou factuel et ce

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  1   qui a été indiqué au niveau de l'expertise, il ne fait pas l'ombre d'un

  2   doute que la taille des caractères ou la solution graphique adoptée peut

  3   difficilement, face aux autres armements, permettre de tirer une conclusion

  4   sélective disant qu'il s'agissait d'un Etat. De mon opinion scientifique,

  5   si on pensait parler d'un Etat, on n'aurait pas mis la République de

  6   Bosnie-Herzégovine.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : De fond en comble, votre travail, je l'ai lu, relu,

  8   et cetera. J'ai constaté à un moment donné que vous avez dit que dans

  9   l'histoire la population de la République de Bosnie-Herzégovine était

 10   quasiment illettrée. En voyant ça, je me dis, Tiens, le paysan dans le fin

 11   fond d'une région, il est illettré, mais il a des bons yeux, peut-être des

 12   lunettes comme moi, et il voit le design. Quelles conclusions en tire-t-il

 13   ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] La statistique sur l'analphabétisme en Bosnie-

 15   Herzégovine a été présentée pour la période relative à l'empire russe-

 16   hongrois. J'ai repris les chiffres dans une étude d'un autre homme de

 17   science qui a analysé l'évolution de l'analphabétisme en Bosnie-

 18   Herzégovine, et là on a parlé de 97 % d'analphabètes. A l'époque des années

 19   '90, date de création du document dont nous parlons, la plupart de la

 20   population était lettrée, c'est-à-dire que c'était des gens qui savaient au

 21   moins lire. Or, pour répondre logiquement à votre question, si quelqu'un

 22   est analphabète, pour lui, les gros ou les petits caractères, ça ne veut

 23   rien dire, puisqu'il ne sait pas les lire.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez raison, mais il ne sait pas lire, mais

 25   Herceg-Bosna, ça doit lui dire quelque chose, quand même ? Non ? Je vais

 26   résumer. Vous dites qu'il ne faut pas porter de l'importance à ce type de

 27   document, parce que ce document, il faut le restituer parmi tout un autre

 28   ensemble qui est beaucoup plus vaste. C'est cela votre position, si je

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  1   comprends bien ? Si je fais erreur, n'hésitez pas à me corriger.

  2   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'ai une question de suivi, quand

  3   même, suite à la question du Président. Lorsque vous avez répondu à la

  4   question précédente, à la page 50, je crois, deuxième ligne, il est écrit,

  5   je vous cite :

  6   "Je crois que la population était," et vous répétez : "Je crois que 97 % de

  7   la population, à l'époque, était illettrée, à l'époque dans les années

  8   1990."

  9   Je pense que vous avez fait un lapsus ou c'est une erreur. C'était

 10   sans doute les années 1890, puisque dans une phrase précédente, vous dites

 11   les données statistiques portant sur le nombre d'illettrés en Bosnie-

 12   Herzégovine présentées pour la période de l'empire austro-hongrois, donc ça

 13   ne peut pas être les années 1990. Ça doit être les années 1868, 1870, 1890,

 14   je ne sais pas. Donc je ne pense vraiment pas que --

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous parlez trop vite.

 16   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] On me dit que je parle trop

 17   vite, donc je me reprends. Vous avez dit que 97 % des habitants de Bosnie-

 18   Herzégovine étaient illettrés à la fin du XIXe siècle. On pourrait

 19   simplement essayer de retrouver les faits pour s'en assurer. Mais je pense

 20   bien que vous vouliez dire 1890, et non pas 1990, puisqu'à l'époque, il y

 21   avait quand même déjà des villes croates. Il y avait Sarajevo, et cetera,

 22   donc moi, j'ai l'impression quand même que ce chiffre de 97 % est un peu

 23   exagéré. Enfin, je ne sais pas. Vous pouvez me corriger si je me trompe,

 24   bien sûr. Il serait peut-être bon aussi d'étudier la chose. Je sais bien

 25   que c'est une question marginale, puisque nous --

 26   L'INTERPRÈTE DE LA CABINE ANGLAISE : [aucune interprétation] 

 27   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je remercie les interprètes qui ont

 28   clarifié une erreur de ma part, ou une erreur, en tout cas, consignée au

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  1   compte rendu. Mais je suis sûr que les corrections seront apportées par la

  2   suite. Je vous remercie.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, je m'excuse du lapsus si

  4   j'ai dit autre chose. La donnée en question se rapportait à la fin du XIXe

  5   siècle. Là, vous avez raison, c'était la période de l'empire austro-

  6   hongrois. Les données en question, je ne les ai pas étudiées de plus près.

  7   Je les ai reprises d'une étude faite par un expert qui avait vaqué à

  8   l'étude notamment de l'enseignement, de l'éducation sur le territoire de la

  9   Bosnie-Herzégovine. Mais pour ce procès-ci, peu importe de juger si l'on

 10   est arrivé à ces données partant de ceci ou de cela et quelles sont les

 11   méthodes qui ont été utilisées pour y aboutir. En tout état de cause, cela

 12   se rapporte à la fin du XIXe, voire début du XXe, donc il y a plus de 100

 13   ans, et voire même bien plus que cela. Donc ce n'est pas une donnée émanant

 14   de moi. Je l'ai reprise, et on ne m'a pas dit à quelle page cela se réfère,

 15   mais dans la note de bas de page, on a indiqué l'auteur qui a fourni le

 16   renseignement en question.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Professeur, vous n'aviez pas répondu à

 18   ma question quand mon collègue vous a envoyé la -- n'a pas fait attention

 19   que votre réponse n'était pas inscrite au transcript. Je vous demandais si

 20   la lecture d'un document, tel que nous le voyons avec République de Bosnie-

 21   Herzégovine en tout petit, puis Communauté croate de l'Herceg-Bosna en

 22   gros, devait s'appréhender dans un contexte beaucoup plus général.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] En ma qualité de chercheur, j'estime qu'aucun

 24   document ne saurait être dénué d'importance. Ça peut être très important,

 25   importance secondaire, tertiaire, et cetera. Mais si l'on se penche sur

 26   d'autres documents que j'ai fournis ici en copies, on peut voir qu'il y a

 27   des exemples différents. Par exemple, à la page 97, version croate, on peut

 28   voir l'intitulé République de Bosnie-Herzégovine en lettres plus grosses.

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  1   Sur certains imprimés, c'est des caractères identiques, et sur d'autres

  2   encore, on a des caractères variés. L'une des conclusions serait celle de

  3   dire que cela n'a pas été systématiquement indiqué concernant la façon dont

  4   il fallait l'écrire. Je ne sais pas comment la chose est survenue. Mais si

  5   l'on devait tirer des conséquences ou des conclusions de ceci, j'imagine

  6   que la totalité des documents aurait les mêmes types de caractères si des

  7   instructions avaient été données en la matière. Mais s'agissant des

  8   documents que j'ai eus à voir, y compris les écrits, on a toujours mis en

  9   premier lieu : République de Bosnie-Herzégovine. Et sur différents

 10   documents, on voit varier la taille des caractères. Alors, y avait-il une

 11   intention dans ces différents documents-là, je ne voudrais pas m'aventurer

 12   à en parler. Mais ça ne pourrait pas être une conclusion générale, parce

 13   qu'il y a des documents où il y a République de Bosnie-Herzégovine en plus

 14   grands caractères que le reste, et l'important pour moi, c'est que ces

 15   caractères sont en premier lieu.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, vous avez raison, il y a certains

 17   documents qui vont à l'encontre du fait que dans certains documents il y a

 18   République de Bosnie-Herzégovine en petit et Communauté croate d'Herceg-

 19   Bosna en gros. Je suis d'accord avec vous,  mais regardez à la page 81, les

 20   documents sur l'immatriculation des véhicules.

 21   On va regarder page 81, Monsieur le Greffier. 81, voilà. Vous voyez ?

 22   Imaginons - c'est une hypothèse - qu'un conducteur fait du tourisme

 23   et se retrouve en Finlande. Vous savez où est la Finlande. Et puis, un

 24   policier finlandais, finnois, lui demande la carte d'immatriculation.

 25   Quelle va être la conclusion de ce policier d'Helsinki qui va voir cela ?

 26   C'est une hypothèse.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] En tout état de cause, vous avez raison pour

 28   ce qui est de l'incohérence de l'inégalité des différents documents

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  1   utilisés, et toute personne ayant à voir ce type de documents pouvait tout

  2   à fait penser ce que bon lui semblait. Il aurait le droit de le faire. L'un

  3   des faits qui s'impose lorsque vous vous penchez sur mes écrits concernant

  4   la HZ-HB, et pour ce qui est des structures croates au sein de la Bosnie-

  5   Herzégovine, j'ai bien précisé que c'était dans la pire des formes

  6   d'organisation possibles. C'était très hétérogène au niveau individuel et

  7   au niveau des différents groupes ou structures. C'était un déséquilibre.

  8   Et je pense que si quelqu'un venait là-bas, compte tenu de la

  9   situation sécuritaire catastrophique sur le territoire en question, on

 10   aurait du mal à relever la chose au niveau des documents et d'autres types

 11   de choses qui, dans des situations organisées normales, sont tout à fait

 12   facile à remarquer. Donc la question liée à la sauvegarde de la vie

 13   physique était en première position et il en allait de même pour ce qui est

 14   d'autres éléments dans la vie économique, éducative et tout le reste qui

 15   était relégué au deuxième plan.

 16   M. KOVACIC : [interprétation]

 17   Q.  Peut-être une question auxiliaire, parce que la chose est intéressante

 18   compte tenu de l'exemple avancé par Monsieur le Juge pour ce qui est de la

 19   réaction d'un policier finlandais. Professeur, dans tous les documents de

 20   la HZ-HB, dans tous les documents liés aux négociations, décisions et

 21   choses analogues, y a-t-il, à quelque endroit que ce soit, une confirmation

 22   aux termes de laquelle la HR-HB aurait la prétention d'être reconnue sur le

 23   plan international en tant que facteur autonome ?

 24   R.  J'ai vu un grand nombre de documents et il n'y a qu'une partie à avoir

 25   été intégrée à cette expertise, mais je n'ai trouvé nulle part un document

 26   quelconque qui le montrerait de façon explicite ou qui comporterait cet

 27   élément d'une façon qui serait implicitement compréhensible.

 28   Q.  Cette affirmation pourrait-elle être lue entre les lignes, partant des

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  1   documents relatifs à la création, à la constitution de cette HC, Communauté

  2   croate d'Herceg-Bosna ?

  3   R.  Je ne pense pas. J'ai également étudié le journal populaire, c'est-à-

  4   dire le journal officiel, la Gazette officielle, et à chaque fois, en

  5   première position, dans les décisions, documents et autres, on mettait

  6   d'abord le nom de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, et il y a toute une autre

  7   série de documents d'origines variées où de façon inéquivoque il est dit

  8   qu'il s'agit de l'Etat des Croates de Bosnie-Herzégovine, et nulle part

  9   cela n'a été remis en question au niveau des documents officiels.

 10   Q.  Merci. Je voudrais revenir à l'endroit de départ et, pour gagner du

 11   temps, je vous demande de répondre brièvement à mes questions. Quand est-ce

 12   et par quel acte commence l'agression de la JNA et des Serbes locaux contre

 13   la Bosnie-Herzégovine ?

 14   R.  Le début de l'agression armée peut porter la date de 1991. Des exemples

 15   sont donnés dans l'expertise, je ne peux pas tout énumérer.

 16   Q.  Merci. Serait-il exact de dire que la JNA a armé les membres du SDS et

 17   autres Serbes résidant en Bosnie-Herzégovine, même avant ces actions

 18   entreprises par elle en 1991 ?

 19   R.  Oui. Il y a des documents à l'appui et des ouvrages variés, des textes,

 20   des témoignages des intervenants de l'époque qui se trouvaient au sein des

 21   autorités centrales de la Bosnie-Herzégovine.

 22   Q.  Merci. Partant de vos réponses fournies jusqu'à présent et de l'étude

 23   que vous avez fournie - et je précise qu'il a longuement été question de la

 24   chose ici - au moment où il y a début d'agression, il y a début de création

 25   de forces armées au sein de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous pouvez

 26   nous parler de la Ligue patriotique ? Qu'est-ce que c'est, qui est-ce qui

 27   l'a créée, et ainsi de suite ?

 28   R.  La Ligue patriotique, c'est une organisation militaro-politique créée

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  1   au sein de la structure musulmane bosnienne de la Bosnie-Herzégovine et en

  2   bonne partie, notamment au sein du SDA, du parti des Musulmans de Bosnie en

  3   Bosnie-Herzégovine, en ont témoigné les acteurs mêmes de sa création.

  4   Q.  La Défense territoriale, dans quelle mesure a-t-elle existé dès les

  5   débuts mêmes ?

  6   R.  Ça a été l'une des formes initiales de présence armée qui était

  7   conforme aux décisions avancées par cette expertise datant de juillet 1991

  8   qui ont changé de nom pour devenir l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  9   Q.  Merci. Compte tenu de la force de cette Défense territoriale et compte

 10   tenu de son importance, et référence faite à la conception de la Défense

 11   populaire générale, était-ce ou n'était-ce pas une force d'envergure

 12   lorsque l'agression a commencé ?

 13   R.  Sur des bases réelles, c'était censé être numériquement parlant une

 14   force armée de taille. Mais étant donné que la JNA dès 1990 avait dépossédé

 15   la TO de ses armes en Bosnie-Herzégovine ainsi qu'en Croatie, tout comme

 16   dans les autres républiques pour l'essentiel, la Défense territoriale de la

 17   Bosnie-Herzégovine a eu à faire face à toute une série de problèmes tels

 18   que décrits dans l'expertise.

 19   Q.  Compte tenu de ce fait, peut-on dire que la TO a démarré de façon

 20   plutôt pauvre en matière d'armement et de matériel ?

 21   R.  Une partie de la Défense territoriale qui, en Bosnie-Herzégovine, n'est

 22   pas passée du côté serbe était plus que pauvre du point de vue de son

 23   armement et de tout le reste, les vêtements, et ainsi de suite. Je vais

 24   illustrer cette chose inhabituelle, je dirais que les hommes à la tête de

 25   la Bosnie-Herzégovine ont témoigné de la première année de la guerre, donc

 26   1992 et ça va jusqu'à 1993, la plupart des soldats de la Défense

 27   territoriale, ou autrement dit, ABiH, se trouvaient en vêtements civils et

 28   en chaussures civiles. Lorsque ce chiffre des militaires a augmenté en

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  1   1994, ils étaient toujours dans la phase où il n'y avait pas un fusil par

  2   soldat encore.

  3   Q.  Merci. Qui étaient ces HOS ? Quel type de forces armées était-ce et de

  4   quoi faisaient-ils partie, ceux-là ?

  5   R.  Le HOS, c'était l'une des forces armées de l'organisation armée se

  6   fondant sur des volontaires sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, et

  7   notamment au niveau des territoires où les Croates étaient majoritaires. Et

  8   dans les HOS, il y avait aussi des Croates et des Musulmans bosniens. Donc

  9   c'était une armée ou un groupement qui a été organisé et contrôlé par le

 10   Parti croate du droit en Croatie. Ce qui fait que les QG du HOS étaient

 11   créés dès janvier 1992.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire en quelques mots quelle était la

 13   corrélation entre le HOS et le HVO au début où on commence déjà à

 14   s'organiser un peu mieux en 1992 ?

 15   R.  Les relations se présentaient de différentes façons et dépendaient des

 16   circonstances locales, de différentes situations, telles qu'elles pouvaient

 17   se présenter, et de la période de temps à examiner également. Il faut dire

 18   qu'en fin de compte, on en est arrivé à un affrontement, et à partir de

 19   1992, le HOS -- plutôt à partir de la mi-1992, le HOS cesse progressivement

 20   d'exister, que ce soit en tant qu'entité collective ou localement. Il

 21   disparaît donc pour laisser la place au HVO d'une part et à l'ABiH d'autre

 22   part. Il les rejoint, l'un ou l'autre.

 23   Q.  Juste une autre question concernant le HOS. Quel était leur projet

 24   politique ? Que souhaitaient-il obtenir ?

 25   R.  Le projet politique fondamental du HOS était celui du Parti croate du

 26   droit qui, à l'époque, défendait sans la moindre ambiguïté une Croatie qui

 27   s'étendrait jusqu'à la rivière Drina, à savoir qui inclurait non seulement

 28   le territoire de la République de Croatie mais également le territoire de

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  1   la République de Bosnie-Herzégovine.

  2   Q.  Merci.

  3   M. KOVACIC : [interprétation] Je souhaiterais simplement savoir de combien

  4   de temps je dispose encore. Je ne souhaiterais pas dépasser.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à l'heure, il vous restait 20 minutes, mais

  6   quand c'est tout à l'heure c'était il y a au moins cinq minutes. A mon

  7   avis, il doit vous rester entre dix et 15 minutes.

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est bien ce

  9   qu'il me semblait.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Professeur, -- oui, il vous reste neuf

 11   minutes exactement. Maître Kovacic, il vous reste neuf minutes.

 12   Monsieur le Professeur, Me Kovacic vous a posé la question du HOS, et vous

 13   nous avez dit que c'était l'émanation d'un parti politique, le Parti

 14   politique du droit. Nous avons eu beaucoup de témoignages, le général

 15   Praljak a également témoigné, et au stade d'aujourd'hui se pose pour moi la

 16   question : à l'époque 1992-1993 de l'action politique menée par Tudjman,

 17   est-ce qu'il avait un consensus derrière lui, ou bien devait-il composer

 18   avec différents courants de la vie politique croate dont le HOS pouvait en

 19   symboliser un, mais il a été réduit à un néant ? Alors, vous qui avez vécu

 20   cette période, dans votre souvenir, est-ce que le président Tudjman

 21   représentait une aspiration unique de tous les gens qui avaient voté pour

 22   lui, ou bien représentait-il une synthèse entre différents éléments ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, le moment est venu

 24   maintenant pour moi de vous prier de bien vouloir scinder et séparer ces

 25   questions que vous avez posées, car il me semble que vous venez de poser

 26   quatre ou cinq peut-être questions différentes. Aussi je souhaiterais, si

 27   possible, vous demander de bien vouloir séparer ces différentes questions

 28   pour que je n'aie pas à m'étendre trop sur les circonstances de la vie

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  1   politique interne dans la République de Croatie pour ne pas en parler trop

  2   longtemps peut-être.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors moi, ce que je veux savoir principalement,

  4   quand à l'époque, le président Tudjman avait été élu, est-ce qu'il avait

  5   été élu sur un programme politique derrière lequel se retrouvaient tous les

  6   électeurs ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] La première élection présidentielle,

  8   conformément à la nouvelle constitution, a eu lieu au début du mois d'août

  9   1992. Et lors de cette élection, Franjo Tudjman l'a emporté de façon

 10   prépondérante et il a donc été élu président. Puisque le droit de vote de

 11   chaque électeur et son droit à titre privé le plus strict, on aurait pu

 12   dire que le résultat de cette élection et la volonté de la majorité des

 13   votants en République de Croatie s'étaient exprimés en la personne de

 14   Tudjman, mais il est difficile de dire quelle était la structure sociale ou

 15   politique sous-jacente.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons eu beaucoup de témoins et le général

 17   Praljak nous l'a dit lui-même, plusieurs Croates résidant en République de

 18   Bosnie-Herzégovine pouvaient voter en Croatie parce qu'ils avaient la

 19   double nationalité, et que donc dans les élections, ne serait-ce que

 20   l'élection présidentielle ou au Sabor, un Croate vivant en Bosnie-

 21   Herzégovine avait le droit de vote. Alors moi, ce que je voulais savoir, le

 22   président Tudjman est élu avec des voix de Croates vivant en Herceg-Bosna,

 23   par exemple, est-ce que dans son propre programme politique il devait en

 24   tenir compte ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il serait raisonnable de le supposer tant pour

 26   Tudjman que pour d'autres hommes politiques. Mais là encore, il faut tenir

 27   compte du fait qu'à l'époque, et aujourd'hui d'ailleurs aussi, la

 28   nationalité croate en disposait, non seulement les Croates vivant en

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  1   Bosnie-Herzégovine mais également des Musulmans bosniens et bon nombre de

  2   Serbes également. Donc pour ce qui est de la pure logique politique,

  3   concernant le nombre de votes ou de voix dont ils disposent, les hommes

  4   politiques sont évidemment amenés à tenir compte de ces aspects. Cependant,

  5   si l'on examine les choses dans leur ensemble, ceux qui ont le droit de

  6   voter en République de Croatie et qui sont des citoyens de la République de

  7   Bosnie-Herzégovine ne représentent pas un facteur vraiment significatif ou

  8   très important dans le vote, que ce soit au Parlement ou à l'élection

  9   présidentielle.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que ceux qui, vivant en République de

 11   Bosnie-Herzégovine, votaient au Sabor ou pour la présidentielle ne

 12   représentaient pas un nombre suffisamment significatif pour en tenir

 13   compte. Alors, est-ce à dire qu'à ce moment-là, la question de l'Herceg-

 14   Bosna, pour le président Tudjman, était une question mineure ou importante

 15   ? Je dis en termes politiques, pas en termes stratégiques.

 16   Oui, attendez.

 17   Général Praljak, asseyez-vous, parce que votre intervention risque

 18   d'obérer la réponse.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous répondre avec une opinion qui est

 20   la mienne et qui se trouve en partie également dans mon rapport, qui est

 21   donc étayée. Elle se trouve dans la partie introductive de la troisième

 22   partie du rapport, qui aborde l'attitude de la République de Croatie à

 23   l'égard de la République de Bosnie-Herzégovine.

 24   Et dans l'introduction de cette partie, j'ai indiqué de façon concise

 25   mais très précise quels étaient les intérêts stratégiques de la République

 26   de Croatie, y compris de ces institutions dont la présidence, Franjo

 27   Tudjman, quels étaient leurs intérêts vitaux par rapport à la Bosnie-

 28   Herzégovine et aux événements qui s'y déroulaient. Les priorités, jusqu'en

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  1   1995 et au-delà de 1992, après la reconnaissance internationale de la

  2   Croatie, consistaient indubitablement en la réintégration des territoires

  3   occupés de la République de Croatie. Et si je me fonde sur l'ensemble de

  4   mon expertise, notamment sur la troisième partie où j'ai fourni un nombre

  5   de documents importants et très précis de nature politique et militaire

  6   émanant du territoire de la Bosnie-Herzégovine, je pense notamment aux

  7   documents émanant de l'ABiH et des institutions au sommet de l'Etat de

  8   Bosnie-Herzégovine, sur la base de tous ces documents, il est indubitable

  9   que l'intérêt politique premier, intérêt politique et également militaire

 10   qui était celui de Franjo Tudjman ne pouvait que se porter sur une Bosnie-

 11   Herzégovine entière dans son intégrité territoriale. Autrement, il serait

 12   extrêmement difficile d'expliquer le soutien constant et de grande ampleur

 13   qui a été fourni par les institutions de la République de Croatie à

 14   destination des organes tant militaires que politiques et humanitaires du

 15   pouvoir central de la Bosnie-Herzégovine.

 16   Donc si je devais procéder à une hiérarchisation, je dirais que les

 17   intérêts premiers concernaient les événements se déroulant en Bosnie-

 18   Herzégovine, et compte tenu des intérêts stratégiques de la République de

 19   Croatie dans cette période, le territoire qui était couvert par la

 20   Communauté croate d'Herceg-Bosna et où se trouvaient les minorités croates,

 21   ces derniers venaient en second plan. Et cela ressort de ce que Franjo

 22   Tudjman a signé, tant à Washington qu'à Dayton. Le résultat politique en a

 23   été et est toujours aujourd'hui le caractère problématique de la situation

 24   du peuple croate au terme de la constitution de la Bosnie-Herzégovine

 25   actuelle par rapport à ce qu'il était à la sortie de la RSFY.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Décomposant ma question initiale, j'ouvrais

 27   évidemment des interrogations parce qu'il manquait le volet stratégique,

 28   mais j'allais y venir. Nous avons entendu des témoins et le général Praljak

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  1   nous dire que compte tenu du fait qu'il y avait une agression, le président

  2   Tudjman devait prendre en compte ce facteur, ce qui explique, d'après le

  3   général Praljak et d'après d'autres, qu'il y a eu un effort visant à

  4   ravitailler en armes l'ABiH, l'armée de la République de Bosnie-

  5   Herzégovine, car si ça n'avait pas été fait, les Serbes auraient enfoncé le

  6   front et auraient été une menace et que, donc, partant de là, le président

  7   Tudjman devait s'intéresser à ce qui se passait en Herceg-Bosna. Est-ce que

  8   vous êtes d'accord avec la thèse de ceux qui disent cela ou pas ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] En partie, oui. En effet, la plus grande

 10   partie des territoires occupés de la Croatie - et leur réintégration était

 11   la priorité de l'Etat croate - était frontalière de zones de la Bosnie-

 12   Herzégovine où les Croates étaient majoritaires. Cela, c'est un premier

 13   fait. Deuxième fait, les parties occupées de la République de Croatie ne

 14   pouvaient se maintenir et assurer leur survie logistique qu'en étant

 15   approvisionnées via la Bosnie-Herzégovine.

 16   Donc, du point de vue du maintien et de la réintégration ultérieure

 17   de ces zones occupées de la République de Croatie, il est indubitable que

 18   ces zones qui étaient adossées aux zones occupées de la République de

 19   Croatie avaient une importance stratégique tout à fait considérable. Et je

 20   pense que si nous avions une carte nous montrant les zones occupées de la

 21   République de Croatie, cela pourrait être illustré de façon claire. Et

 22   c'est dans ce cadre que l'on peut dire que l'Herceg-Bosna, ou plutôt, la

 23   zone correspondante avait une importance prioritaire. Les territoires

 24   couverts par la HZ-HB avaient une importance stratégique qui avait trait

 25   aux parties méridionales du territoire de la Croatie, qui sont des

 26   territoires extrêmement étroits et qui, de ce fait, sont très faciles à

 27   déstabiliser. Pour ces parties méridionales de la République de Croatie,

 28   les territoires couverts par ce que nous appelons l'Herzégovine ou que nous

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  1   pouvons qualifier également de HZ-HB avaient une importance particulière.

  2   Mais si l'on examine une carte et que l'on tient compte des données que

  3   j'ai énoncées, il est tout à fait évident que c'est de façon tout à fait

  4   objective que la Bosnie-Herzégovine, dans son intégralité, et certaines de

  5   ses parties, avaient une importance beaucoup plus importante.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Je posais ma question concernant le facteur

  7   politique. Le général Praljak s'est levé tel un ressort, et puis il s'est

  8   rassis. Alors, si j'avais commis une erreur, bien entendu, que le général

  9   Praljak la corrige, mais si c'est pour témoigner, il ne peut pas.

 10   Alors, Général Praljak, qu'est-ce que vous vouliez dire ?

 11   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je ne vais pas déposer, Messieurs les

 12   Juges. Je voudrais simplement demander, avec votre permission, que l'on

 13   précise la période temporelle couverte par les questions qui sont posées.

 14   Est-ce que c'est 1991, est-ce que c'est les élections, ou plus tard ? Parce

 15   qu'on parle de faits et on ne tient pas compte de la dynamique des

 16   événements.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je reconnais qu'il faut être très précis sur

 18   les dates. D'ailleurs, le Procureur intervient parfois pour corriger cela,

 19   les autres avocats. Le général Praljak a tout à fait raison. Dans ma

 20   question, sur le plan temporel, je n'avais pas fait de distinguo. Est-ce

 21   que pour vous mes questions valaient pour 1991, 1992, 1993, ou au sein de

 22   cette période, il conviendrait de modifier vos réponses ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris votre question comme une question

 24   globale et c'est ainsi que j'ai également répondu. Bien entendu, nous

 25   pouvons entrer dans les détails de différentes périodes temporelles, mais

 26   dans ce cas-là, nous pourrions également décomposer selon différentes

 27   autres dimensions pour ce qui est des événements qui se sont déroulés en

 28   Bosnie-Herzégovine, en Croatie, quelles étaient les positions et les

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  1   relations avec la communauté internationale. Ceci dit, c'est ainsi que vous

  2   avez formulé la question - du moins, c'est ainsi que je l'ai ressenti. Si

  3   ce n'est pas le cas, merci de bien vouloir le préciser, et dites-moi si

  4   j'ai peut-être omis de répondre sur un des aspects - vous avez posé la

  5   question du HOS et de la position des organes de l'Etat croate et de Franjo

  6   Tudjman à l'égard du HOS et de la force armée qu'ils pouvaient représenter.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons examiné cela juste avant la pause. Je

  8   vais affiner la question, mais juste dans une de ces composantes. Nous

  9   savons que le président Tudjman avait été soumis à une première élection,

 10   puis après il y a eu une autre élection. Est-ce que, dans votre souvenir,

 11   au niveau de la vie politique croate, il y a eu un changement en Croatie,

 12   ou les électeurs étaient toujours dans le même état d'esprit ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] La première élection s'est tenue en 1990 et la

 14   seconde en 1992. La situation en Croatie était tout aussi difficile dans

 15   les deux cas, et en 1992, je pense que la disposition d'esprit des

 16   électeurs était la même. En 1995 aussi, à l'élection de 1995. Cela s'est

 17   traduit aussi bien à l'élection présidentielle qu'aux élections

 18   parlementaires et aux élections locales. En effet, le président Tudjman et

 19   le parti qu'il dirigeait, le HDZ, se sont vus accorder la confiance des

 20   électeurs, invariablement. A ceci près qu'à l'époque -- mais c'est un autre

 21   point de vue sur la question. Il y avait, en Croatie, des affrontements

 22   politiques particulièrement intenses qui étaient le fait de différents

 23   intérêts, et on peut le voir pour ce qui concerne le HDZ dans la première

 24   grande fissure que connaît ce parti en Croatie en 1994. Donc une crise

 25   parlementaire en a résulté, même.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ma dernière question, mais extrêmement

 27   délicate, donc il faut que je fasse très attention, mais c'est une question

 28   hypothétique. L'électeur de base du HDZ de 1991 à 1994, avant la scission

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  1   au sein du HDZ dont vous venez de faire état, donc je prends l'hypothèse

  2   d'un électeur de base. Tel que vous le savez, car vous êtes quand même un

  3   spécialiste de l'histoire de votre pays, vis-à-vis des Croates de la

  4   République de Bosnie-Herzégovine, l'électeur de base, qu'est-ce qu'il

  5   voulait, lui, au juste ? Il voulait deux républiques, le cas échéant, qui

  6   se retrouvaient dans une fédération ou une confédération ? Ou voulait-il

  7   une république unique, où la Croatie aurait absorbé un espace géographique,

  8   celui de l'Herceg-Bosna ? Qu'est-ce que l'électeur de base pensait de ces

  9   différents scénarios ? Si vous pouvez y répondre; sinon, vous dites vous ne

 10   pouvez pas répondre et je le comprendrai parfaitement.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] La première priorité pour les Croates de

 12   Bosnie-Herzégovine était certainement la question de la sécurité. Si l'on

 13   tient compte des mentalités en présence, les Croates de Bosnie-Herzégovine

 14   sont un peuple constitutif, et il s'agit d'un statut qu'ils ont acquis du

 15   fait de leur longue présence sur ces territoires. Conformément à d'autres

 16   recherches en cours dans l'institut où je travaille et de travaux de

 17   recherche qui ont été menés par des sociologues concernant la mentalité de

 18   ces populations, on pourrait dire que cette population considère la Bosnie-

 19   Herzégovine comme sa patrie.

 20   D'un point de vue politique, du début des années 1990, lorsque

 21   commence la décomposition de la Bosnie-Herzégovine, compte tenu du fait que

 22   les Croates représentaient la population numériquement la plus faible, donc

 23   la plus faible également en termes absolus, la priorité était de conserver

 24   les droits dont ils jouissaient jusqu'en 1990. C'est en ce sens qu'en

 25   tenant compte de l'ensemble des événements en Bosnie-Herzégovine et de leur

 26   dynamique, événements caractérisés par une grande instabilité, cette

 27   population, en tenant compte de sa propre expérience et des événements que

 28   toutes ces personnes avaient pu connaître au cours de leur propre vie pour

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  1   certaines d'entre elles, y compris lors de la Seconde Guerre mondiale, ont

  2   considéré qu'il était possible de voir une forme de garantie quant à

  3   l'organisation de l'Etat dans le fait de disposer de leur propre entité qui

  4   était la HZ-HB. Cela a été formulé de façon explicite par rapport à

  5   différents plans de paix qui ont été avancés par la communauté

  6   internationale. C'était une indication tout à fait spécifique. Certains des

  7   plans qui étaient avancés par la communauté internationale, à mon sens,

  8   étaient complètement contradictoires et --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne répondez pas à ma question, parce que

 10   là vous vous placez du point de vue d'un Croate qui habite en République

 11   Bosnie-Herzégovine. Ma question concernait l'électeur croate qui habite

 12   Zagreb, par exemple, quel était son point de vue vis-à-vis des Croates de

 13   l'Herceg-Bosna ? C'est de ce point de vue que ça m'intéressait.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de cette question, il est

 15   assez difficile d'en parler, car l'on ne dispose pas de travaux de

 16   recherche véritablement fiables à ce sujet. Ce que je peux vous dire, c'est

 17   ce qui est mon impression, et je ne voudrais pas que cela soit compris

 18   comme étant un argument scientifique solidement fondé. Il y avait des

 19   intérêts particuliers, politiques et autres, dans le contexte de la lutte

 20   pour le pouvoir au sein de la République de Croatie dans le cadre de la vie

 21   publique et de la société croate en général qui n'ont jamais cessé de

 22   stigmatiser les Croates d'Herzégovine, si bien que le terme d'Herzogovinia,

 23   malheureusement, est devenu assez péjoratif sans que l'on fasse la moindre

 24   distinction. Cela finit par être établi en Croatie comme une désignation

 25   péjorative et comme une forme de discrimination. C'est un stéréotype qui a

 26   cours en Croatie et qui est nourri par tout un segment des médias

 27   représentant certains intérêts. C'est mon impression, du moins. Si l'on se

 28   penchait sur la situation des médias en Croatie, et nous disposons d'outils

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  1   méthodologiques à cette fin, si l'on procédait à une analyse des jugements

  2   de valeur exprimés dans les médias concernant les Herzégoviniens, on

  3   parviendrait à la conclusion que ce sont très largement des jugements

  4   négatifs qui sont formulés et non pas des jugements neutres.

  5   J'ignore si c'est peut-être un élément de réponse à votre question.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : C'en est un. Il est l'heure de faire la pause. On va

  7   faire la pause, et après la pause, Me Kovacic, il lui restera dix minutes.

  8   --- L'audience est suspendue à 17 heures 44.

  9   --- L'audience est reprise à 18 heures 05.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 11   Monsieur le Témoin, je voulais vous le dire, je vous l'ai dit tout à

 12   l'heure en début d'audience, mais je vais vous le répéter, parce qu'on va

 13   terminer à 19 heures et parfois on termine dans la précipitation, et à ce

 14   moment-là je risque de ne pas avoir le temps de vous dire ce que je vais

 15   vous dire maintenant. Comme nous savons que vous êtes une personnalité

 16   croate importante, je vous demande de n'avoir aucun contact avec la presse

 17   pour ne pas leur dire comment s'est passée l'audience, et cetera. Parce que

 18   sinon, il y aurait problème, le Procureur dirait que vous avez eu un

 19   contact, que vous avez violé le serment, et cetera. Donc, évitons cela.

 20   Quand vous retournerez dans votre pays, vous direz ce que vous voulez, mais

 21   jusqu'à votre retour, vous êtes sous serment, et donc pas de contact avec

 22   la presse. Vous avez bien compris ?

 23   Répondez-moi, puis je donne la parole à M. Kovacic après.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vous ai compris

 25   parfaitement bien. Je m'en tiendrai à ce que vous avez dit.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Prlic.

 27   L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Je n'ai qu'une petite remarque à faire,

 28   mais elle est tout à fait importante, je pense, et elle concerne le compte

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  1   rendu. C'était peut-être traduit en français, mais ce n'était pas traduit

  2   en anglais. A la page 66 ou 67, je n'ai pas LiveNote, donc je ne peux pas

  3   vraiment suivre la page, mais je suis sûr d'avoir lu quelque chose et j'ai

  4   vérifié avec mes collègues d'ailleurs. A deux reprises, c'est arrivé au

  5   moins une fois très clairement, à deux reprises donc, le témoin a répondu,

  6   et je vais paraphraser : Le but principal des Croates était d'assurer le

  7   même niveau de droits que ce qu'ils avaient obtenu en 1990. C'était

  8   l'essence même de la réponse, et elle n'a pas été traduite. Donc ce n'est

  9   pas uniquement une petite erreur technique ou une erreur mineure, c'est

 10   important. Peut-être qu'en anglais, vous l'avez. En français, vous l'avez

 11   peut-être entendu d'ailleurs, mais en anglais, ce n'est pas passé.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Monsieur le Professeur, vous

 13   confirmez ce qui vient d'être dit, à savoir que vous aviez fait une

 14   référence explicite ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est tout à fait exact. A

 16   plusieurs reprises dans le contexte de vos questions, c'est précisément de

 17   cette façon-là que j'ai répondu, à savoir que c'était la motivation

 18   principale, fondamentale, l'intérêt principal des Croates en Bosnie-

 19   Herzégovine, et j'ai expliqué pourquoi je me suis exprimé ainsi.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Kovacic.

 21   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Revenons un peu en arrière. Nous avons commencé à énumérer les groupes

 23   qui ont été actifs pour ce qui est de la défense de la Bosnie-Herzégovine,

 24   on a parlé du HOS. Je vous demande maintenant de nous dire, mais point

 25   n'est besoin de vous poser la question de savoir ce que c'était que le HVO,

 26   ça fait trois ans qu'on en parle ici. Mais dites-nous donc brièvement, mais

 27   vraiment télégraphiquement, quelles étaient les caractéristiques

 28   principales du HVO en sa qualité de force défensive ?

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  1   R.  Les caractéristiques fondamentales sont données dans le détail au

  2   niveau de l'expertise, mais il y a eu des évaluations faites qui disent

  3   qu'il s'agissait d'une armée organisée sur des principes de volontariat et

  4   qui avait bon nombre de carences pendant toute la durée dans le temps par

  5   rapport à la signification classique de ce qu'est une armée. Il manquait

  6   des cadres formés, c'était lié à des communautés locales à tous points de

  7   vue, avec toutes les faiblesses qui en découlent du point de vue militaire.

  8   On n'a pas résolu la question de financement au niveau central. C'était

  9   localement financé, et ainsi de suite. Donc je pourrais longuement

 10   énumérer, mais le détail est fourni au niveau de l'expertise, donc je ne

 11   veux pas vous priver de votre temps.

 12   Q.  Merci. L'élément que vous avez mentionné, ce principe d'organisation

 13   sur les bases de volontariat, comment décrivez-vous les volontaires ?

 14   Comment pouvez-vous les qualifier ? Est-ce que vous pourriez étoffer votre

 15   propos.

 16   R.  D'abord, ça s'est créé comme des volontaires. Ils n'étaient pas

 17   entraînés, et durant toute la durée de la guerre, il n'y a pas eu

 18   d'opportunité pour ce qui est d'entraîner les gens. Il n'y avait pas de

 19   cadres, il n'y avait pas d'institutions militaires précises qui auraient

 20   été susceptibles de le faire. L'un des problèmes principaux du HVO, d'une

 21   manière générale, c'était de voir comment faire quelque chose ressemblant

 22   le plus possible à une armée du point de vue qui est sous-entendu dans les

 23   systèmes organisés des Etats.

 24   Q.  Après qu'il y ait eu appel à la mobilisation générale des conscrits, et

 25   il y a eu même des convocations individuelles faites, le soldat x, la

 26   recrue x saisie d'un appel sous les drapeaux, était-elle censée répondre

 27   "présent" et se présenter dans l'unité concernée ?

 28   R.  Non. Il n'y avait pas de mécanisme non plus pour ce qui est de procéder

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  1   à la mobilisation par la contrainte, disons, et du point de vue de cette

  2   mentalité de volontariat, si je puis m'exprimer ainsi, il n'y avait pas non

  3   plus d'obligations de faire quoi que ce soit du point de vue de

  4   l'organisation et du point de vue d'obéir, s'agissant de personnes qui

  5   s'étaient présentées de leur plein gré, ce qui fait que la hiérarchie au

  6   niveau de commandement était, disons, nulle, ou alors à un niveau très bas.

  7   On peut voir toute une série d'exemples de ce type.

  8   Q.  Merci. Je voudrais maintenant passer à certaines petites questions

  9   parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. Pour ce qui est du chapitre

 10   "Relation de la République de Croatie vis-à-vis de la République de Bosnie-

 11   Herzégovine entre 1991 et 1995", il s'agit de la page 153 de votre rapport;

 12   version anglaise, il s'agit de la page 128. Je me propose de vous poser une

 13   ou deux questions, voire trois, si j'ai le temps. Là, vous pouvez répondre

 14   par un "oui" ou par "non". Est-ce que la République de Croatie a reconnu la

 15   Bosnie-Herzégovine ?

 16   R.  Oui. Elle l'a fait aux côtés des Etats-Unis d'Amérique et de l'Union

 17   européenne. Donc elle a été la première à le faire.

 18   Q.  Donc tout de suite après la déclaration de son indépendance, n'est-ce

 19   pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce qu'entre ces deux Etats, il y a eu une signature d'un accord

 22   d'amitié ?

 23   R.  Oui, d'amitié et de coopération, et l'accord est cité, d'ailleurs, dans

 24   mon expertise.

 25   Q.  Merci. Après la signature de cet accord, a-t-on essayé d'établir une

 26   coopération pleine et entière, par exemple, entre octobre 1992 et -- ou

 27   plutôt, à partir du mois d'avril 1992 -- non, je me corrige -- jusqu'au

 28   mois d'avril 1993. Donc est-ce qu'il y a eu tentative d'établir une

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  1   coopération pleine et entière du point de vue de la partie croate ?

  2   R.  Oui, et le tout a été élaboré dans le détail au sein de mon expertise.

  3   Q.  Est-ce que, du point de vue de la reconnaissance de la République de

  4   Bosnie-Herzégovine par la République de Croatie, il y aurait eu mise en

  5   place de relations diplomatiques ?

  6   R.  Oui, ça s'est fait de façon très -- disons, à jour.

  7   Q.  Est-ce que la République de Bosnie-Herzégovine a ouvert une ambassade à

  8   Zagreb ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce que, en sus de l'ambassade de cette RBiH à Zagreb, il y a eu un

 11   accord de la part du gouvernement croate pour ce qui est de la création

 12   d'un centre logistique de l'ABiH intervenant auprès de l'ambassade en

 13   question ?

 14   R.  Oui, auprès de l'ambassade, et il y avait aussi un grand nombre de

 15   centres logistiques créés par l'armée ou de certaines unités, voire par

 16   certains groupes qui avaient intérêt à apporter leur soutien à l'ABiH.

 17   Q.  Est-ce que la Croatie, de votre connaissance, ou est-ce qu'il y aurait

 18   des éléments de preuve, aurait posé des entraves au fonctionnement de ces

 19   centres logistiques et à leurs activités ?

 20   R.  Non, et c'est les renseignements fournis par différents organes de

 21   l'Etat de Bosnie-Herzégovine qui répondent à votre question et ceux de

 22   l'armée, notamment les intervenants qui étaient employés par ces centres

 23   logistiques.

 24   Q.  Est-ce qu'en Croatie on a soigné des combattants de l'ABiH, les

 25   combattants blessés ?

 26   R.  Oui. Là aussi il existe une documentation exhaustive très détaillée en

 27   République de Croatie et j'ai synthétisé les sources dans mon expertise.

 28   Q.  Est-ce que les soins fournis aux combattants blessés de l'ABiH se sont

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  1   poursuivis après la venue d'un conflit entre l'ABiH et le HVO en été 1993 ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Merci.

  4   R.  Pour ce qui est de la qualité des soins apportés, il y a bon nombre

  5   d'attestations et de remerciements qui émanent d'individus de l'ABiH --

  6   enfin, faisant partie des rangs de l'ABiH à l'intention des unités

  7   médicales en Croatie.

  8   Q.  Professeur, dites-moi, s'il vous plaît, et disons les choses de façon

  9   tout à fait claire, est-ce qu'il y aurait eu ne serait-ce qu'une tonne

 10   d'aliments ou de médicaments qui pouvait entrer sur le territoire de la

 11   Bosnie-Herzégovine autrement, si ce n'est pas le biais du territoire de la

 12   République de Croatie ?

 13   R.  Toutes sortes d'aide apportées à la Bosnie-Herzégovine ne pouvaient

 14   passer que par le territoire de la République de Croatie, parce que les

 15   autres frontières étaient celles de l'agresseur serbe.

 16   Q.  Merci. Est-ce qu'en République de Croatie, il y avait eu différentes

 17   organisations humanitaires à intervenir de façon tout à fait libre qui se

 18   sont consacrées à l'apport d'une aide humanitaire à l'intention de la

 19   Bosnie-Herzégovine ?

 20   R.  Oui, et ce, dans une mesure inhabituellement grande.

 21   Q.  Est-ce qu'il y a eu, parmi ces organisations, des organisations qui

 22   n'ont vaqué qu'à l'aide à apporter qu'à la population musulmane ?

 23   R.  La majeure partie de ces organisations sur le territoire de la

 24   République de Croatie avait vaqué à ce type d'activité, et des

 25   renseignements concrets sont fournis par l'expertise.

 26   Q.  Y a-t-il eu acheminement d'une assistance à l'intention de la Bosnie-

 27   Herzégovine en provenance de pays d'outre-mer ?

 28   R.  Oui, ça venait de tous les continents, exception faite de l'Amérique du

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  1   Sud.

  2   Q.  Est-ce que cette assistance, cette aide était déchargée dans les ports

  3   de la République de Croatie ?

  4   R.  Oui, en quantité considérable, et notamment pour ce qui est du port de

  5   Ploca. Il me semble qu'il y a eu plus de 611 000 tonnes de déchargées.

  6   Q.  Et là aussi, il y a des renseignements émanant de sources différentes,

  7   variées, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, il y a une documentation tout à fait précise et volumineuse pour

  9   ce qui est des différentes sources : sources internationales, sources

 10   croates et aussi sources en provenance de Bosnie-Herzégovine.

 11   Q.  Professeur, je vous remercie des réponses que vous avez apportées aux

 12   questions de la Défense du général Praljak.

 13   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous pensons avoir

 14   parcouru l'expertise autant que faire se pouvait. Les détails et les

 15   renseignements sont consignés. Nous voulions juste indiquer quel était son

 16   poids, quelle était sa valeur intrinsèque, mais comme nous n'avons pas

 17   suffisamment de temps pour la présentation des autres éléments, nous nous

 18   contenterons de dire que c'est tout à fait suffisant et que les autres

 19   parties ont l'occasion de poser toutes les questions complémentaires

 20   qu'elles voudront et de contre-interroger également. Merci.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, juste une question de suivi par rapport

 22   au travail que vous avez fait. Vous avez dit que la communauté

 23   internationale a joué un rôle crucial da la résolution des conflits. Dans

 24   votre rapport, vous évoquez successivement les actes de la communauté

 25   internationale, vous parlez de la déclaration de Lisbonne. Après, vous avez

 26   embrayé avec le plan Vance-Owen, puis le plan Stoltenberg, et vous arrivez

 27   aux négociations conduites sous l'auspice des Etats-Unis, qui vont donner

 28  lieu aux accords de Dayton, 1er mars 1994. Alors, comme vous avez regardé ça

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  1   de près, j'aimerais savoir pourquoi l'Europe, avec cette succession de

  2   plans, n'est pas arrivée et que les Etats-Unis, au mois de mars, arrivent

  3   finalement à une solution ? Vous avez une explication à nous donner ? Si

  4   vous en êtes capable, sinon, vous dites que c'est trop complexe, et

  5   j'abandonne ma question.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, la question est, dirais-je,

  7   cruciale. Et bien sûr, s'agissant de la réponse pour ce qui est des motifs,

  8   elle risque d'être complexe, mais au fond, c'est tout à fait simple. La

  9   communauté internationale avait été la seule à avoir la force politique et

 10   autres d'imposer une solution relative à la Bosnie-Herzégovine. L'Europe,

 11   comme vous l'avez dit, et là, les relations sont complexes, je ne vais pas

 12   entrer dans le détail de l'analyse, mais les puissances du continent

 13   européen n'ont pas fait preuve de disponibilité s'agissant non seulement de

 14   la Bosnie-Herzégovine mais aussi de la Croatie, se servir des ressources

 15   sécuritaires, politiques et autres pour conduire cette crise à son terme.

 16   Et là, le sort de tous les plans de paix s'est soldé par des échecs.

 17   Et lorsque les Etats-Unis d'Amérique ont débarqué, ils ont utilisé tous les

 18   mécanismes que nous connaissons, à savoir politique, diplomatique,

 19   militaire, et ceux qu'on connaît moins bien, c'est le domaine du

 20   renseignement et les autres. Mais je dirais que la raison principale,

 21   compte tenu de l'ex-Yougoslavie ou de la Bosnie-Herzégovine, s'agissant du

 22   territoire, pourquoi n'a-t-on pas accepté par des voies pacifiques les

 23   solutions politiques et les plans de paix, c'est le fait que l'agresseur

 24   serbe, ça ne l'arrangeait pas. Et très souvent, comme auparavant en

 25   Croatie, ils entraient en négociations du point de vue tactique, mais

 26   stratégiquement parlant, chose qu'on peut voir au niveau des territoires

 27   occupés, ils se sont servis des négociations pour neutraliser

 28   l'intervention militaire internationale éventuelle. Et il y a eu au final

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  1   quelque 70 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine occupé par lui. Ce

  2   n'est qu'après les accords de Washington, en 1994, et suite aux pressions

  3   des Etats-Unis d'Amérique, pressions variées, y compris, comme on le dit

  4   dans certains documents rendus publics, y compris la participation

  5   d'officiers mis à la retraite, qu'il y a eu coopération pleine et entière

  6   entre l'ABiH, le HVO et l'armée de la Croatie, chose qui s'est soldée par

  7   des actions de libération conduites en 1994 et 1995, et ce, au moment où

  8   les forces en question pouvaient supprimer les résultats de l'agression --

  9   qu'il y a eu signature des accords de Dayton. C'est au moment où ces

 10   effectifs pouvaient résoudre militairement parlant la question de

 11   l'occupation, là on a accéléré le processus des négociations conformément à

 12   des intérêts dont il peut être débattu au sein de la communauté

 13   internationale.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette réponse. Dernière question. 

 15   Le général Praljak a témoigné pendant quasiment cinq mois et est arrivé

 16   souvent dans ses propos le facteur suivant. Il a souvent parlé de

 17   l'agression des Serbes, les qualifiant d'agresseurs. Et j'ai cru comprendre

 18   au travers de ses multiples propos que peut-être la communauté

 19   internationale aurait dû avoir une action plus efficace, plus dure à

 20   l'égard des Serbes qui étaient les agresseurs. Et en scrutant ses propos,

 21   on peut avoir l'impression que la communauté internationale n'est pas

 22   intervenue, a pu laisser faire et que de ce fait, comme il y avait une

 23   agression, la République de Croatie et le HVO composante militaire ont fait

 24   le nécessaire pour faire face à l'agression car personne n'intervenait pour

 25   y mettre fin. Alors, cette idée qui est avancée, qu'est-ce que vous en

 26   pensez ? Elle est réaliste ? Elle est irréaliste ? Elle est abbérante ?

 27   Elle est juste ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour l'essentiel, c'est exact. Il y a des

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  1   éléments qui sont expliqués de façon scientifique dans cette expertise,

  2   l'expertise parle des objectifs fondamentaux de l'agression armée serbe, de

  3   ses débouchés ou motifs idéologiques, politiques et opérationnels, et

  4   notamment en corrélation avec la situation en Serbie dans la fin des années

  5   1980, où la première des actions violentes entreprises par Slobodan

  6   Milosevic et ses structures se sont exercées tout d'abord en Serbie. Tous

  7   ceux qui ne voulaient pas faire partie de ce projet d'agression à venir ont

  8   été mis de côté, et il y a bon nombre de preuves à cet effet.

  9   La communauté internationale, elle, et c'est ce que je dirais, je

 10   pense avoir publié des textes et j'ai mis des références dans mon

 11   expertise, j'ai qualifié cela d'échec des systèmes internationaux et

 12   humanitaires et sécuritaires aussi, n'a pas réalisé la mission qui était la

 13   sienne - et je l'ai dit aussi - la communauté internationale, ce n'est pas

 14   une notion simple, ce n'est pas un intérêt monolithique. Il s'agit d'un

 15   conglomérat, de tout un marché de différents intérêts nationaux,

 16   multinationaux et autres présents dans le monde actuel. Lorsque ce qu'on a

 17   évoqué tout à l'heure, la décision prise au niveau des Etats-Unis

 18   d'Amérique et d'autres puissances internationales, le problème a été à ce

 19   moment-là résolu par des puissances régionales, c'est-à-dire l'Etat de

 20   Croatie et l'Etat de Bosnie-Herzégovine, qui se sont jointes l'une à

 21   l'autre sous la contrainte, je dirais, de la communauté internationale.

 22   Objectivement et scientifiquement parlant, le paradoxe c'est de dire que

 23   les victimes de cette agression serbe, et l'agression a duré dix ans, entre

 24   1990 et 1999, y compris le Kosovo, alors qu'il apparaissait clairement le

 25   fait de savoir où l'agression allait être lancée et comment elle allait

 26   évoluer. Et on savait qui était vu d'avance comme étant la victime

 27   prédestinée de l'agression. Jusqu'à ce qu'il n'y ait contrainte de la

 28   communauté internationale, ces victimes-là ne se sont pas jointes les unes

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  1   aux autres sur le plan sécuritaire pour résoudre le problème. Donc, pour ce

  2   qui est des responsabilités, je dirais que les victimes au niveau des Etats

  3   ont fait des erreurs et leur situation s'est avérée tout à fait claire

  4   parce qu'elles se sont vues désarmer. Et il est apparu clairement que la

  5   Serbie allait jouer sur la carte du plus fort dans cette situation, donc la

  6   carte de la force.

  7   Parce que compte tenu du plan qui était celui de faire entrer tous

  8   les Serbes dans un seul et même Etat, il n'était pas approprié pour eux

  9   d'entrer dans un processus politique, diplomatique ou autre de recherche

 10   d'une solution quelle qu'elle soit, parce que ça risquait de durer

 11   longtemps. Ça dépendait de bon nombre de mécanismes susceptibles de faire

 12   leur apparition. Et le seul avantage absolu dont ils bénéficiaient, c'était

 13   la force armée. Donc les décisions prises ont été celles qui ont été prises

 14   et il est arrivé ce qui est arrivé.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Professeur, je vous ai bien écouté. Donc

 16   vous semblez confirmer ce que nous avait dit le général Praljak. Mais si on

 17   se place sur ce terrain, si la communauté internationale se devait d'agir,

 18   il risquait d'y avoir donc un conflit militaire. Avec tout ce que l'on voit

 19   aujourd'hui en Irak, en Afghanistan, de votre point de vue d'historien, de

 20   Croate, de personne qui avez vécu ces événements de très près, de votre

 21   point de vue, y avait-il un accord unanime de la communauté internationale

 22   pour s'opposer militairement aux Serbes, ou bien il n'y en avait pas, ce

 23   que les Serbes savaient, et ont pu en profiter ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, la communauté

 25   internationale, c'est un marché très complexe d'intérêts différents, et

 26   compte tenu de ce fait, la Serbie s'est habilement servie de ce fait lors

 27   de ses préparatifs du point de vue du niveau psychologique et promotionnel,

 28   en se servant notamment des instruments de la deuxième Yougoslavie, en

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  1   particulier la diplomatie où bon nombre de cadres de la première et

  2   deuxième Yougoslavie s'étaient créé des contacts, et s'agissant des autres

  3   Etats, le démantèlement de l'ex-Yougoslavie. Comme je l'ai indiqué dans mon

  4   expertise, au début de la création de ces Etats, il n'y a pas eu la

  5   possibilité de se préparer, institutionnellement parlant, pour les

  6   événements à venir, et à témoin le fait que lors de toutes les élections,

  7   exception faite de la Serbie-et-Monténégro, il est arrivé au pouvoir des

  8   partis nouvellement créés, et il n'y a que la Serbie-et-Monténégro qui a

  9   fait hériter du pouvoir les structures déjà en place de la Yougoslavie

 10   précédente. Et c'est ce qui a influé sur ce dont nous sommes en train de

 11   parler au sujet de la question que vous venez de poser, Monsieur le Juge.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

 13   Maître Alaburic, et je vais donner la parole à mon collègue.

 14   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, juste une correction

 15   au compte rendu d'audience, avec votre permission. En ligne 21, il est

 16   indiqué que les anciennes structures au Monténégro ont continué à exercer

 17   le pouvoir. Le témoin a dit au Monténégro et en Serbie, donc le mot

 18   "Serbie" est manquant. Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

 20   M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Cela n'est peut-

 21   être pas nécessaire, mais par excès de prudence, je ne souhaitais pas, par

 22   ailleurs, interrompre Me Kovacic, mais au cours des dix dernières minutes

 23   peut-être de l'interrogatoire principal, Me Kovacic a posé un certain

 24   nombre de questions directrices auxquelles a répondu le témoin de façon

 25   assez générale. Je souhaite vérifier avec vous que ce témoignage n'a aucune

 26   valeur au niveau des éléments de preuve, en sus de ce que contient le

 27   rapport. Soit les éléments sont contenus dans le rapport, soit ils ne le

 28   sont pas. Je souhaitais simplement que la situation ne se présente pas où,

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  1   d'ici un an, on a des références extraites de son témoignage qui sont

  2   considérées comme ayant une certaine valeur et que ceci est étayé par son

  3   rapport. Je ne m'y oppose pas. Je souhaite simplement que tel est l'état

  4   actuel de la présentation des éléments de preuve. Si cela est correctement

  5   documenté dans ce rapport, ceci peut avoir une certaine valeur. Le fait

  6   qu'il ait donné ces réponses et qu'il ait répondu à la question directrice,

  7   je dirais, ceci ne contribue pas un poids supplémentaire à son témoignage.

  8   Je souhaitais que ceci soit consigné au compte rendu.

  9   Puisque je suis debout, Monsieur le Président, est-ce que je pourrais

 10   avoir le temps nécessaire ce soir pour m'enquérir des intentions des autres

 11   équipes de la Défense sur l'ordre de demain ? Je ne sais pas combien

 12   d'équipes de la Défense ont encore l'intention de poser des questions.

 13   Merci.

 14   M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, il a demandé des

 15   garanties ou quelque chose par rapport au poids accordé aux preuves et aux

 16   réponses. En fait, je souhaite savoir où nous en sommes.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : -- a soulevé et la question que vous posez. Il faut

 18   que la Chambre puisse vous répondre, mais cette question a déjà été

 19   soulevée dans le passé. Des éléments de preuve sont constitués de deux

 20   sortes : d'un document d'un expert et des questions et des réponses qu'il

 21   donne lors des questions multiples posées par vous, par les autres avocats,

 22   par son avocat, par les Juges.

 23   Mais lorsque la question est directrice, à ce moment-là, la valeur

 24   probante, évidemment, baisse par rapport à une question non directrice. Ça,

 25   ça va de soi. Donc que font les Juges quand ils vont délibérer ? Ils vont

 26   regarder le point particulier, ils vont regarder la forme de la question,

 27   et s'ils se rendent compte que la question est directrice, ils peuvent en

 28   tirer la conclusion qu'elle initiait déjà la réponse, et donc la valeur

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  1   diminue. Mais ça, c'est au cas par cas. Il est très difficile de dire

  2   maintenant ce qu'il a dit n'a aucune valeur, ce n'est pas possible. En

  3   plus, son audition n'est pas terminée parce qu'il y a également les

  4   questions des autres avocats. Il y a également vos questions à vous. Donc

  5   déterminer maintenant sur la valeur probante, ça relève de l'exploit.

  6   Monsieur Scott.

  7   M. SCOTT : [interprétation] Tout d'abord, pour répondre à la question de Me

  8   Stewart, en tout cas, au cours des 20 dernières minutes -- il s'agit des 20

  9   dernières minutes, et tout avocat sait ce qu'est une question directrice

 10   lorsqu'on répond en disant, Oui, j'ai vu quelque chose à cet effet, ceci

 11   n'est pas particulièrement utile. Il est difficile de savoir quelle est la

 12   véritable nature des questions posées.

 13   Deuxième point, Monsieur le Président, encore une fois, j'ai évoqué ceci

 14   jeudi, le niveau d'attente se développe au cours d'un procès qui a duré

 15   trois ans et demi. Je pensais qu'il n'était pas recommandé de ma part de me

 16   mettre debout chaque fois qu'une question d'ordre juridique est posée, mais

 17   si on me dit que telle est la pratique, à ce moment-là, je me lèverai à

 18   chaque fois qu'une question directrice est posée et que je considère

 19   qu'elle est incorrecte, si c'est ainsi que les Juges de la Chambre

 20   souhaitent procéder. Moi, j'ai estimé que c'était inconvenant. Je ne

 21   souhaitais pas interrompre le conseil. Si je n'ai pas agi comme il fallait,

 22   j'agirai différemment à l'avenir.

 23   M. STEWART : [interprétation] Je souhaite terminer ce que j'ai à dire, s'il

 24   vous plaît.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je crois que Me Karnavas est

 26   frustré. Il souhaite parler. Avant que vous ne preniez la parole, il a

 27   indiqué qu'il souhaitait parler.

 28   M. STEWART : [interprétation] Je comprends que ma frustration ne l'emporte

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  1   pas sur celle de Me Karnavas.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ecoutez, nous essayons de répartir

  3   la frustration comme il se doit.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] J'apprécie l'acte de courtoisie de Me

  5   Stewart, mais je souhaite dire en premier lieu que chaque avocat, que ce

  6   soit de la Défense ou de l'Accusation, a l'obligation de faire un compte

  7   rendu et de faire en sorte que ceci soit préparé de façon adéquate en temps

  8   et en heure. Si tel n'est pas le cas, on ne peut pas dire quelque chose une

  9   fois que c'est trop tard et dire à la fin du témoignage, Je souhaite tout

 10   supprimer. Ce que l'on aurait pu faire dans ce cas, et M. Scott est tout à

 11   fait au courant, sans avoir besoin de se lever à chaque fois, je m'oppose

 12   aux questions directrices, et c'est une objection qui vaut pour toutes les

 13   autres questions directrices. A ce moment-là, ceci est consigné au compte

 14   rendu. Et l'avocat a aussi une indication, l'avocat qui pose les questions

 15   est averti et il peut y remédier. Mais je crois qu'on peut le laisser

 16   continuer sur des questions aussi différentes lorsque le conseil pense

 17   qu'il s'agit là de questions qui sont liées au contexte, qui ne sont pas

 18   des questions qui sont véritablement essentielles, à ce moment-là, c'est un

 19   piège pour le conseil, parce que d'autres souhaitent prendre la parole à ce

 20   moment-là et posent des questions aux Juges de la Chambre. Cela étant dit,

 21   les conseils ont l'obligation de se lever, d'indiquer quelle est la nature

 22   de l'objection, et si cela est quelque chose qui persiste, l'avocat est en

 23   droit de dire que c'est une objection qui vaut pour les autres si le

 24   problème persiste.

 25   M. STEWART : [interprétation] En général, on dit que l'âge a un précédent

 26   sur la beauté. Je ne sais pas comment nous en sommes au niveau des

 27   priorités.

 28   Pour ce qui est des questions directrices, M. Scott a tout à fait

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  1   raison de dire que la plupart des avocats sont capables de reconnaître une

  2   question directrice, en général, mais compte tenu des échanges, il est très

  3   difficile d'établir la ligne de démarcation entre une question qui est une

  4   question directrice et celle qui ne l'est pas.

  5   Mais un point essentiel, me semble-t-il, Messieurs les Juges, nous

  6   essayons de vous proposer une solution. Les garanties qu'offre M. Scott ou

  7   qu'il souhaite obtenir quant au poids à accorder aux réponses du témoin

  8   pendant son témoignage, c'est quelque chose, je dois dire, tout à fait

  9   ouvertement, est quelque chose qui ne peut pas se faire. Il aura à se

 10   déterminer sur le poids à accorder ou non à certaines réponses et il devra

 11   présenter sa thèse et faire son contre-interrogatoire à la lumière des

 12   jugements qu'il fera, et c'est ce que nous faisons sans cesse. Cela fait

 13   partie de notre tâche ou, en tout cas, une de nos tâches dans cette immense

 14   tâche qui est la nôtre.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez soulevé tout à l'heure un autre problème,

 16   qui était celui de savoir comment les autres avocats allaient intervenir

 17   pour le contre-interrogatoire. Le mieux c'est de demander à chacun qui va

 18   intervenir, puisque nous avions donné trois heures à l'Accusation, donc une

 19   heure 30 à tous les autres, donc vous avez une heure 30. Donc le tout est

 20   de savoir le une heure 30, comment vous allez l'utiliser. Et puis je crois

 21   que mon collègue voulait intervenir aussi.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est tout à fait le cas. C'était

 23   avant que Me Alaburic ne prenne la parole, pour ce qui est de la

 24   frustration, ça n'est pas unilatéral. C'est quelque chose qui existe

 25   partout. J'ai une question d'ordre terminologique. Dans les études que vous

 26   avez menées, avez-vous rencontré quelque chose qui permettrait d'étayer la

 27   thèse suivante : le terme d'"Herceg-Bosna" correspond à la Bosnie-

 28   Herzégovine. Est-ce qu'on peut dire qu'il s'agit d'un seul et même terme ?

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  1    LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, pour l'essentiel, on peut dire que c'est

  2   la même chose, ou plutôt, la dénomination de "Bosnie-Herzégovine" dans

  3   l'expression dominante actuelle est utilisée depuis la période austro-

  4   hongroise, à savoir à partir de 1878. Et si l'on prend, par exemple, le cas

  5   de la dynastie des Karadjordjevic lors de la première Yougoslavie, dans

  6   certains de leurs documents, ils utilisaient --

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi. Je parle de la

  8   période qui couvre l'année 1990 et 1995. Vous nous dites qu'il s'agit de la

  9   même chose. Est-ce que vous avez quelque chose qui vous permettrait

 10   d'étayer cela ? Avez-vous vu des documents qui indiquent que lorsqu'on

 11   parle d'"Herceg-Bosna", cela signifie Bosnie-Herzégovine ou vice-versa ? Ou

 12   est-ce qu'on dit "Bosnie-Herzégovine" lorsqu'on veut parler de l'Herceg-

 13   Bosna ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, car l'un comme l'autre des deux termes

 15   ont leur propre héritage historique. C'est pour cela que je souhaitais

 16   mettre en avant l'exemple de ces documents officiels de la dynastie serbe

 17   qui, lors de la première Yougoslavie, utilisait cette dénomination

 18   d'"Herceg-Bosna".

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, mais vous devriez

 20   écouter ma question attentivement. Vous devriez vous en tenir, lorsque vous

 21   répondez à la question, au champ de ma question.

 22   La question porte sur 1990 et 1995 et je vous ai demandé de me dire si vous

 23   pouviez m'indiquer les documents qui mentionnent cela.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de me souvenir des procès-verbaux des

 25   réunions de la présidence de la Bosnie-Herzégovine. Mais pour ce qui est de

 26   répondre à cette question, j'ai tapé ce terme d'Herceg-Bosna dans Google il

 27   y a quelques mois pour trouver moi-même une réponse et cela permet

 28   d'obtenir la version scannée d'un certain nombre d'ouvrages et d'autres

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  1   documents correspondant à la période 1990 à 1995, car il s'agit d'un terme

  2   qui est utilisé dans différents types de discours et de documents publics

  3   comme équivalent du terme Bosnie-Herzégovine. Tout comme il est assez

  4   fréquent de voir dans des documents officiels et dans des discours

  5   officiels l'utilisation d'un terme inexact pour l'Etat de Bosnie-

  6   Herzégovine qui est celui de "Bosnie". Donc on utilise simplement le terme

  7   de "Bosnie". Dans les documents émanant de docteurs internationaux, on

  8   parle également plus souvent de "Bosnie" que de "Bosnie-Herzégovine".

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'en reviens maintenant au sujet que Me

 10   Stewart avait soulevé, à savoir comment vont s'organiser les avocats et,

 11   enfin, le temps de parole des avocats. M. Scott en a parlé aussi. Le mieux

 12   c'est de demander à chacun est-ce qu'il compte intervenir et combien de

 13   temps il lui faut.

 14   Maître Karnavas.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Bonjour encore une fois, Monsieur le

 16   Président, Messieurs les Juges. Je pense avoir besoin de 15 à 20 minutes,

 17   mais voire davantage peut-être. Mais j'avais plutôt à l'esprit 15. Je crois

 18   que l'équipe Stojic allait prendre la parole en premier, mais d'après ce

 19   que j'ai compris, ils n'ont peut-être pas de questions. Je ne sais pas.

 20   Après cela, cela devait être l'équipe Petkovic. Donc je viendrai après

 21   l'équipe Petkovic, s'ils peuvent consacrer 15 minutes à mon contre-

 22   interrogatoire et d'après mes collègues, mes autres collègues n'ont peut-

 23   être pas de questions.

 24   Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 25   Juges. Oui, comme mon estimé confrère, Me Karnavas, vient de le dire, de

 26   par l'ordre que nous tendons à suivre entre nous, je devrais commencer par

 27   poser des questions au témoin, mais je souhaite informer la Chambre que

 28   nous n'aurons pas de questions pour ce témoin.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous n'avez pas de questions. Très bien.

  2   Maître Alaburic.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  4   je souhaiterais rappeler que les requêtes pour le contre-interrogatoire de

  5   ce témoin n'ont été déposées que par les Défenses Stojic, Prlic et

  6   Petkovic, et de par votre décision du 7 mai 2009 concernant la requête de

  7   la Défense Petkovic demandant un réexamen de la décision de la Chambre

  8   concernant les possibilités pour les différentes Défenses de procéder à un

  9   contre-interrogatoire, vous avez décidé que ces Défenses disposeraient de

 10   deux heures en tout pour le contre-interrogatoire du témoin Jurcevic. Et je

 11   dois reconnaître que c'est là le temps sur lequel nous avions compté, si

 12   bien que la Défense Petkovic aurait besoin, conformément à ce temps qui

 13   était initialement alloué, de l'ensemble de ce temps et souhaiterait

 14   partager avec la Défense Prlic le temps qui avait été alloué, ce qui

 15   reviendrait à une heure 45 minutes, sous réserve qu'aucune des autres

 16   Défenses ne souhaite poser de questions.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais d'abord vérifier si effectivement on vous a

 18   donné deux heures, mais vous avez certainement raison. Mais je vais le

 19   vérifier parce que moi, j'étais à une heure 30. Donc vous, vous auriez une

 20   heure 45 et Me Karnavas, 15 minutes.

 21   Je vais quand même pour la forme demander à la Défense de M. Coric et

 22   de M. Pusic s'ils avaient des questions.

 23   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La

 24   Défense Coric n'aura pas de questions pour ce témoin. Merci.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Et Maître Ibrisimovic.

 26   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la même

 27   situation du côté de la Défense Pusic. Merci.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc Me Alaburic aura une heure 45, Me Karnavas 15 à

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  1   20 minutes, enfin, il complétera. C'est Me Alaburic qui commencera. Donc

  2   voilà comment se présente l'audience de demain. Etant précisé, je pense

  3   qu'on aura peut-être d'autres documents qui nous seront présentés sous

  4   forme de classeurs. Le mieux c'est qu'on commence demain.

  5   Monsieur Scott, est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ?

  6   M. SCOTT : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président. Pas

  7   maintenant.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Professeur, comme vous le savez, nous

  9   serons d'audience demain matin. Donc nous commençons à 9 heures et la

 10   Section des témoins fera le nécessaire pour vous conduire dans cette salle

 11   d'audience à 9 heures. D'ici là, je souhaite une bonne fin de soirée à tout

 12   le monde.

 13   --- L'audience est levée à 18 heures 53 et reprendra le mardi 15

 14   septembre 2009, à 9 heures 00.

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