Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi, 28 mars 2017

  2   [Audience publique]

  3   [Audience d'appel]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'appelant Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame la Greffière, s'il vous plaît,

  8   veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 10   Monsieur le Juge. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-A, le Procureur contre

 11   Prlic et consorts.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Donc aujourd'hui nous avons une longue journée devant nous, par conséquent

 14   je compte sur la coopération de toutes les personnes présentes et je vais

 15   commencer par la présentation des parties, s'il vous plaît.

 16   L'Accusation, s'il vous plaît.

 17   Mme BAIG : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Laurel Baig pour

 18   l'Accusation. Et assistée de mon collègue, Janet Stewart; et notre conseil

 19   principal, Barbara Goy et Douglas Stringer.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 21   Et du côté de la Défense.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le

 23   Juge, toutes les personnes présentes dans le prétoire. Me Karnavas, assisté

 24   de Suzana Tomanovic, représentant les intérêts de Jadranko Prlic.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Et pour M. Stojic.

 27   Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis Me

 28   Senka Nozica, représentant les intérêts de Bruno Stojic, accompagnée de Me


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  1   Ellis et Molly Martin.

  2   Merci.

  3   Et pour M. Praljak.

  4   Mme PINTER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

  5   Juges, toutes les personnes dans le prétoire. Le général Praljak est

  6   représenté aujourd'hui par Natacha Fauveau-Ivanovic et Nika Pinter.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous salue tous deux.

  8   Et ensuite, pour M. Petkovic.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.  Je salue

 10   toutes les personnes dans le prétoire. Le général Petkovic est représenté

 11   par Me Vesna Alaburic, Me Davor Lazic et Slavko Mateskovic.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Mme TOMASEGOVIC-TOMIC : [interprétation] M. Coric est représenté par le

 14   conseil principal, Me Dijana Tomasegovic-Tomic; le co-conseil, Me Drazen

 15   Plavec; et notre assistant juridique, M. Ivetic.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, et je vous salue tous

 17   et toutes.

 18   Et M. Pusic.

 19   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 20   les Juges. M. Pusic est représenté aujourd'hui par Me Sahota et Me

 21   Ibrisimovic.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Je souhaite simplement avoir une confirmation de la part des appelants

 24   qu'ils sont en mesure de suivre la procédure dans leur langue. Très bien.

 25   Donc, c'est parfait.

 26   L'Accusation, vous avez deux heures.

 27   Mme BAIG : [interprétation] Messieurs les Juges, aujourd'hui, je vais

 28   aborder les trois premiers moyens d'appel concernant la responsabilité


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  1   pénale. Dans chacun de ces moyens, l'Accusation se concentre

  2   essentiellement sur des erreurs liées à des omissions, où la Chambre de

  3   première instance n'a pas jugé quelque chose de façon complète.

  4   Ensuite, je passerai la parole à Mme Goy, qui abordera le moyen numéro 4,

  5   qui parle sur le prononcé de la peine.

  6   A commencer par le premier moyen, qui soulève cinq erreurs liées entre

  7   elles dans l'analyse de la Chambre de première instance portant sur l'ECC

  8   de troisième catégorie.

  9   Je souhaite tout d'abord aborder l'essentiel du moyen 1, autrement dit, le

 10   manquement au fait de juger ou de donner des motifs, branche du moyen

 11   d'appel 1(c). Le problème ici est un problème fort simple. Eu égard à

 12   différents événements liés à l'ECC de troisième catégorie, la Chambre de

 13   première instance n'a pas jugé la responsabilité pénale individuelle pour

 14   ces crimes de manière significative. La Chambre de première instance a

 15   évalué les éléments de preuve et a conclu que les crimes reprochés dans

 16   l'acte d'accusation ont été prouvés de façon factuelle au-delà de tout

 17   doute raisonnable, au tome 2 de façon générale ou au début du tome 3.

 18   Et ensuite, la Chambre de première instance constate que les événements

 19   allégués répondent à tous les éléments constitutifs des crimes sous-jacents

 20   au tome 3. La Chambre de première instance poursuit et conclut que les

 21   crimes étaient "la conséquence naturelle et prévisible de l'ECC de première

 22   catégorie et sa réalisation."

 23   Tome 4, paragraphe 72.

 24   La Chambre a donné toutes ces conclusions de façon diligente. Cependant,

 25   quand il s'agit de savoir qui doit être tenu responsable pénalement, la

 26   Chambre de première instance a omis d'aborder de façon systématique la

 27   question de savoir si chacun des accusés pouvait personnellement prévoir

 28   qu'il puisse y avoir un risque que chacun de ces événements prouvés


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  1   pénalement puisse se produire. Dans la mesure où ce manquement au fait de

  2   prononcer un jugement constitue un acquittement implicite, l'Accusation

  3   fait appel de ce manquement pour les raisons suivantes.

  4   Je souhaite indiquer d'emblée que dans le cas de Pusic, les crimes sont

  5   techniquement -- font l'objet d'un jugement, mais ce prononcé figure dans

  6   une seule peine. Tome 4, paragraphe 1216.

  7   La Chambre rejette de façon globale tous les événements constitutifs de

  8   l'ECC de troisième catégorie à l'exception de deux. Sans apprécier tous les

  9   éléments de preuve, la Chambre de première instance constate simplement

 10   qu'elle ne dispose pas des éléments de preuve nécessaires pour déclarer

 11   coupable l'accusé en vertu de l'ECC de catégorie 3. De toute façon, ce

 12   jugement assez mince pour Pusic fait l'objet d'un appel parce que des

 13   raisons motivées n'ont pas été avancées. Messieurs les Juges, je vais vous

 14   donner un exemple de ceci. Au paragraphe 161 de l'acte d'accusation,

 15   l'Accusation reproche les six accusés du meurtre de Sanida Kaplan, dans la

 16   municipalité de Stolac, le 13 juillet 1993. Son nom est précisé dans

 17   l'annexe de l'acte d'accusation.

 18   Sanida a été tuée après que les forces armées du HVO soient entrées dans un

 19   tout petit village qui comprenait seulement 13 foyers musulmans et deux

 20   foyers croates. Elle venait tout juste d'avoir 18 ans. Les forces du HVO

 21   sont entrées dans le village et ces forces armées ont chassé violemment les

 22   familles musulmanes de leurs maisons. Ils ont arrêté les hommes qui

 23   n'avaient pas été rassemblés dans des descentes précédentes, ils ont tiré

 24   et les ont menacés de mort.

 25   Au cours de ces expulsions, un soldat du HVO répondant au nom de Dragan

 26   Bonojza est arrivé devant la maison de Kaplan. Et lorsque Sanida s'est

 27   présentée à la porte, il l'a tuée à bout portant en tirant de multiples

 28   coups. Sa mère, Fata, regardait sans pouvoir rien faire lorsque sa fille a


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  1   été tuée de balles dans la tête. Elle a ensuite témoigné devant ce Tribunal

  2   et a dit que le meurtrier l'a ensuite contrainte à quitter le corps de sa

  3   fille. Avec ses voisins et le reste de sa famille, Fata a été emmenée par

  4   le HVO et détenue dans une école dans un village voisin. Constatations

  5   factuelles de la Chambre au tome 2, paragraphes 1934 à 1938.

  6   La Chambre de première instance a conclu, en outre, que le meurtre de

  7   Sanida Kaplan était à la fois un assassinat en tant que crime contre

  8   l'humanité au chef 2 et un homicide intentionnel d'un civil au chef 3. Au

  9   tome 3, aux paragraphes 684 et 735.

 10   La Chambre a conclu que pour expulser les Musulmans de leurs maisons dans

 11   le but de réaliser une entreprise criminelle commune, les forces du HVO ont

 12   été impliquées dans des actes d'une violence extrême en menaçant et

 13   maltraitant les Musulmans, et en tuant des personnes et en commettant des

 14   crimes qui étaient une conséquence naturelle et prévisible de l'entreprise

 15   criminelle commune. Au tome 4, paragraphe 72.

 16   Au tome 4, paragraphe 70, la Chambre de première instance énumère même ce

 17   meurtre et le cite à titre d'exemple de crime relevant de l'entreprise

 18   criminelle commune de troisième catégorie comme étant prévisible. Malgré le

 19   fait d'avoir énuméré ces constatations factuelles au sujet de ce meurtre,

 20   que cela s'est produit tel que reproché dans l'acte d'accusation, qui en

 21   était l'auteur, qu'il s'agissait d'un crime international, et même quel

 22   mode de responsabilité devrait être appliqué, la Chambre n'a pas déterminé

 23   si trois des six accusés étaient pénalement responsable. La Chambre ne

 24   s'est penchée que sur la responsabilité pénale de Petkovic et de Coric. Et

 25   s'agissant de Pusic, cet événement constitue un des trois [comme

 26   interprété] événements rejetés sans motif.

 27   Il ne s'agit pas du seul meurtre qui a été ignoré. En réalité, la Chambre

 28   de première instance n'a pas abordé la question de savoir si Stojic ou


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  1   Praljak pouvaient prévoir l'un quelconque de ces 53 meurtres relevant de

  2   l'ECC de catégorie 3. Cinquante trois personnes ont été tuées lors de

  3   l'exécution de l'entreprise criminelle commune, et la Chambre n'a même pas

  4   considéré si Stojic ou Praljak étaient responsables de l'un quelconque de

  5   ces crimes.

  6   La Chambre n'a pas non plus abordé la question de la responsabilité pénale

  7   de l'un quelconque des accusés dans les crimes commis dans la municipalité

  8   de Prozor relevant de l'ECC de catégorie 3. Aucun des meurtres commis à

  9   Prozor, aucun viol ou violence sexuelle ou destruction de la mosquée de

 10   Skrobucani, ni les vols. Et la Chambre n'a pas tenu compte de meurtres

 11   commis dans d'autres municipalités par rapport à tous les accusés.

 12   Lorsque vous vous pencherez en profondeur sur ces questions, vous

 13   constaterez que le traitement de la Chambre est difficile à comprendre et

 14   incohérent s'agissant des six accusés.

 15   Alors pour vous donner l'idée de l'ampleur de ce problème, je vais

 16   vous montrer un tableau, et en me fondant sur l'acte d'accusation et les

 17   jugements en première instance que nous avons résumés dans notre mémoire en

 18   appel, il y avait environ 36 événements qui relevaient de l'ECC de

 19   catégorie 3, chaque événement comprend peut-être plusieurs ou une victime

 20   et réparti dans le temps. Vous multipliez ceci par six accusés, vous faites

 21   les ajustements nécessaires pour ceux qui ont rejoint l'ECC plus tôt ou

 22   plus tard, ceci correspond à peu près à 211 événements pour lesquels nous

 23   nous attendions à ce que la Chambre de première instance statue sur la

 24   question de la responsabilité pénale.

 25   Ce cercle représente ces 211 cas de responsabilité pénale. Sur ces

 26   211 cas, 151 [comme interprété] ne sont pas répertoriés. C'est ce qui est

 27   dessiné en orange ici. Soit la Chambre n'a pas du tout abordé la question

 28   de la responsabilité pénale ou, s'agissant de Pusic, a simplement écarté


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  1   les 33 événements liés à Pusic, sans que cela soit inclus dans la peine.

  2   Donc pour plus de 70 % des événements prouvés au titre de l'ECC de

  3   catégorie 3, nous ne disposons pas de conclusion sur la responsabilité

  4   pénale ou, en tout  cas, nous n'avons pas d'opinions motivées.

  5   L'ampleur de cette omission est sans précédent. On ne peut pas

  6   retenir cela. La Chambre de première instance semble avoir oublié de

  7   décider si les accusés ont une responsabilité pénale pour ces crimes graves

  8   commis contre l'humanité et sachant qu'il s'agit des crimes de guerre. Ceci

  9   est une issue inacceptable pour tout un chacun, pour les victimes; pour les

 10   victimes, telle que Fata Kaplan, cette femme qui pleurait la mort de sa

 11   fille, qui s'est rendue à La Haye pour parler à la Chambre du meurtre de sa

 12   fille et de l'épreuve qu'a dû subir sa famille. C'est une issue

 13   inacceptable pour la communauté internationale et l'héritage de ce

 14   Tribunal. Messieurs les Juges, il s'agit de la responsabilité première qui

 15   revient à la Chambre de première instance de se prononcer sur l'acte

 16   d'accusation comme il se doit, et la justice n'a pas été complètement

 17   rendue en l'espèce.

 18   Messieurs les Juges, je vais maintenant aborder les moyens d'appel

 19   qui portent sur les événements liés à l'ECC de catégorie 3 qui ont été

 20   jugés par la Chambre de première instance.

 21   A commencer par le premier moyen d'appel et l'erreur liée à la mens

 22   rea, l'élément moral. En résumé, Messieurs les Juges, la Chambre de

 23   première instance n'a pas appliqué le critère correct eu égard à l'élément

 24   moral de l'ECC de troisième catégorie. Le critère exact concerne la

 25   prévisibilité des crimes, à savoir s'il a constitué une conséquence

 26   possible ou éventuelle de l'entreprise criminelle commune. D'après la

 27   jurisprudence bien établie, ce critère n'est pas satisfait par des

 28   scénarios à distance peu possibles. La loi exige qu'il y ait possibilité


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  1   que les crimes puissent être commis et que cela est suffisamment important

  2   pour que cela soit prévisible pour l'accusé. Et je vous renvois, Messieurs

  3   les Juges, à l'arrêt Sainovic, paragraphe 1557; et Karadzic, décision en

  4   appel liée à l'entreprise criminelle de troisième catégorie.

  5   En l'espèce, la Chambre de première instance s'est penchée sur le

  6   fait que c'était probable plutôt qu'une conséquence possible, que les

  7   crimes seraient commis plutôt que pourraient ou seraient susceptibles

  8   d'être commis. Donc les crimes constituaient l'issue probable de la

  9   réalisation de l'objectif commun, donc qu'il s'agissait d'une issue

 10   possible. Le niveau de prévisibilité est donc très élevé. Messieurs les

 11   Juges, parce que la langue d'origine du jugement est en français, je place

 12   l'original et la traduction à l'écran, à savoir le critère juridique est

 13   très élevé.

 14   Au tome 1, paragraphes 216, la Chambre précise que pour l'entreprise

 15   criminelle commune de troisième catégorie, l'accusé a délibérément pris le

 16   risque que ce crime soit commis puisqu'il savait qu'un tel crime était la

 17   conséquence probable de la réalisation du but commun.

 18   La Chambre de première instance a appliqué ce critère élevé dans

 19   nombre de domaines au cours de son analyse concernant la responsabilité de

 20   l'ECC de catégorie 3. L'analyse de la Chambre de première instance sur la

 21   responsabilité pénale de Stojic est un bon exemple de cette erreur, parce

 22   que la Chambre de première instance a utilisé ce critère élevé, et ce, de

 23   façon cohérente dans toute son analyse.

 24   A commencer par le tome 4, paragraphe 433, la Chambre établit si

 25   Stojic pouvait raisonnablement prévoir que ces crimes allaient être commis

 26   et en a pris le risque. La Chambre de première instance a ensuite appliqué

 27   un critère erroné à toutes les autres neuf conclusions. En appliquant le

 28   critère erroné, la Chambre a condamné Stojic pour cinq crimes relevant de


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  1   l'entreprise criminelle commune de catégorie 3, concluant au paragraphe

  2   437, qu'il pouvait prévoir que le HVO allait commettre des violences

  3   sexuelles lors des expulsions de Mostar, aux paragraphes 439, 445, 446,

  4   447, pouvait prévoir que le HVO allait commettre des vols.

  5   Ensuite, la Chambre de première instance n'a pas appliqué le bon

  6   critère lorsqu'elle a acquitté l'accusé de quatre crimes, aux paragraphes

  7   441, 443, 448, 449, il ne pouvait pas prévoir que les vols ou la

  8   destruction d'édifices religieux se produirait au cours de certaines

  9   opérations.

 10   La Chambre de première instance n'a pas fait preuve de cohérence. Et

 11   plus précisément dans son analyse de la responsabilité de Prlic, la Chambre

 12   de première instance renvoie au niveau correct de prévisibilité, la

 13   possibilité.

 14   Mais pour ce qui est de la plupart des crimes jugés au titre de l'ECC

 15   de catégorie 3, la Chambre de première instance n'a pas appliqué le

 16   standard de probabilité correct. Ce critère juridique ou ce niveau très

 17   élevé a donné lieu à des acquittements erronés eu égard à 21 événements.

 18   Dans la mesure où l'acquittement global de Pusic était un jugement, il

 19   semble que le critère le plus élevé ait été appliqué, ce qui signifie qu'au

 20   total, il y a eu 54 acquittements. Tels sont les événements qui font

 21   l'objet de l'appel de l'Accusation.

 22   Il s'agit de dix événements supplémentaires, les éléments de preuve

 23   liés à la prévisibilité étaient tellement importants que la Chambre de

 24   première instance les a condamnés au titre du critère le plus élevé. Je

 25   vais marquer une pause ici, parce que ceci correspond à la question 10

 26   posée par les Juges de la Chambre. Messieurs les Juges, même s'il y a une

 27   erreur juridique dans les condamnations existantes, ceci n'invalide pas le

 28   jugement. Les éléments de preuve répondent à ce critère le plus élevé, ce


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  1   qui correspond au critère correct, exact. Ni l'Accusation, ni la Défense

  2   n'ont fait appel de ces erreurs juridiques, parce qu'ils n'ont aucune

  3   incidence. En appliquant le critère correct, l'issue serait la même : la

  4   déclaration de culpabilité.

  5   Plusieurs répondants ont suggéré dans leur mémoire que la Chambre de

  6   première instance aurait dû, et que cela était un principe de base,

  7   appliquer le critère idoine malgré ce choix terminologique. Mais, Messieurs

  8   les Juges, il ne s'agit pas d'une affaire où la Chambre délibérément fixe

  9   ou s'occupe de l'analyse des faits par rapport au critère juridique idoine,

 10   et ensuite utilise accidentellement plusieurs, quelques mots comme ça au

 11   hasard. Non, la Chambre de première instance a fixé le critère juridique

 12   qui n'était pas correct, mais ensuite a fait référence à ce critère dans 75

 13   % environ des crimes au titre de l'ECC de troisième catégorie qu'elle a

 14   jugés. Et seuls 14 des 60 événements jugés pour entreprise criminelle de

 15   troisième catégorie semblent être ceux pour lesquelles la Chambre a

 16   appliqué le critère idoine.

 17   J'aimerais à présent passer au premier moyen d'appel et la branche

 18   (b), la division.

 19   Dans cette branche du moyen d'appel, l'Accusation n'est pas d'accord

 20   avec l'appréciation très restreinte de la Chambre de première instance des

 21   éléments de preuve pertinents pour la prévisibilité. Lorsqu'elle a apprécié

 22   si les crimes de troisième catégorie étaient prévisibles, la Chambre de

 23   première instance devait se pencher sur l'ensemble des éléments de preuve,

 24   notamment les circonstances qui entouraient les crimes et la totalité des

 25   intentions pertinentes de l'accusé et de sa connaissance. Et, en fait, la

 26   Chambre de première instance ne l'a pas fait. Elle s'est concentrée de

 27   façon très, très, très stricte sur l'emplacement particulier à envisager et

 28   elle a apprécié si un crime particulier était prévisible exclusivement sur


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  1   la base des événements et des informations pour cette municipalité en

  2   particulier.

  3   Alors, je vais vous expliquer cela en prenant l'exemple de cette

  4   division.

  5   Lorsque les Juges de la Chambre se sont penchés sur la responsabilité

  6   de Prlic au titre de la troisième catégorie d'ECC pour le 5 décembre 1993,

  7   lorsqu'il y a eu la mort d'un détenu au centre de détention de Vojno, la

  8   Chambre de première instance a constaté que Prlic n'a été informé que des

  9   meurtres à cet emplacement-là au moyen d'une lettre du CICR datée du 20

 10   janvier 1994. Son raisonnement était le suivant. Etant donné que les crimes

 11   ont eu lieu avant qu'il ne reçoive la lettre, la Chambre n'a pas pu

 12   conclure qu'il aurait pu prévoir raisonnablement que les meurtres allaient

 13   être commis.

 14   Mais la Chambre a commis une erreur en se concentrant exclusivement

 15   sur la lettre du CICR comme le seul élément de preuve fondant cette

 16   prévisibilité des meurtres. Cet élément de preuve a été apprécié isolément

 17   et, partant, la Chambre de première instance a prononcé un acquittement,

 18   mais elle a commis une erreur. Afin d'apprécier comme il se doit si Prlic

 19   aurait pu prévoir qu'un risque existait et que des meurtres pouvaient se

 20   produire dans le centre de détention de Vojno en décembre 1993, la Chambre

 21   de première instance aurait dû aller au-delà de cette information sur les

 22   meurtres à cet emplacement en particulier. Et si elle l'avait fait, elle

 23   aurait conclu clairement qu'au vu des éléments de preuve apportés au

 24   dossier et des constatations qui auraient pu être tirées au mois de

 25   décembre 1993, Prlic aurait pu prévoir que des meurtres de Musulmans

 26   auraient pu ou allaient être commis dans le réseau de centres de détention

 27   du HVO, notamment Vojno. Donc, par exemple, il aurait été pertinent que la

 28   Chambre apprécie que Prlic était au courant que des meurtres pouvaient être


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  1   commis à Sovici et Doljani au mois d'avril 1993. Tome 4, paragraphe 283.

  2   Que Prlic était également au courant des conditions déplorables de

  3   détention dans deux autres centres de détention du réseau, Dretelj et

  4   Gabela, le 19 juillet 1993 déjà. Tome 4, paragraphe 286. Et que Prlic

  5   aurait pu prévoir que des meurtres allaient être commis pendant les

  6   expulsions qui avaient commencé, au moins en juin 1993. Tome 4, paragraphe

  7   284. N'oublions pas non plus que la constatation de la Chambre pour

  8   entreprise criminelle commune de première catégorie selon laquelle Prlic

  9   avait partagé l'intention d'expulser la population musulmane d'Herceg-Bosna

 10   par la commission de crimes, notamment la persécution et le meurtre, aurait

 11   dû être envisagée. Tome 4, paragraphes 276 et 287. Qu'il partageait

 12   l'intention de détenir des Musulmans dans des conditions cruelles et

 13   inhumaines, de les maltraiter et de les utiliser pour effectuer des travaux

 14   forcés, ce qui allait mener à leur mort sur la ligne de front. Tome 4,

 15   paragraphes 273, 274 et 287.

 16   Si la Chambre de première instance n'avait pas commis d'erreur de

 17   droit lorsqu'elle s'est concentrée sur les éléments de preuve séparément

 18   pour Vojno, la seule conclusion à laquelle elle serait arrivée à

 19   l'appréciation ou à l'examen de l'ensemble des éléments de preuve était la

 20   suivante : Prlic était au courant qu'un détenu à Vojno pouvait être une

 21   victime et qu'il allait être tué en décembre 1993, et il aurait dû être

 22   condamné au titre de l'entreprise criminelle commune de troisième

 23   catégorie, pour ce crime.

 24   Comme nous l'avons expliqué dans notre mémoire, cette erreur, en

 25   raison de cette séparation artificielle des éléments de preuve, a fait que

 26   certains acquittements ont été prononcés à tort. Et nous demandons à cette

 27   Chambre de bien vouloir corriger ces erreurs, comme nous l'avons expliqué

 28   dans notre mémoire.


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  1   Je passe à présent à la branche (d) du premier moyen d'appel,

  2   Messieurs les Juges. Coric, à présent. Pour cette branche du moyen d'appel,

  3   la Chambre de première instance a non seulement limité son analyse des

  4   éléments de preuve à un emplacement en particulier comme pour tout à

  5   l'heure, mais elle a également exigé que Coric, pour procéder à une

  6   condamnation, devait contribuer à un crime particulier au titre de

  7   l'entreprise criminelle commune de première catégorie à ces emplacements-

  8   là. Donc, la Chambre de première instance ne s'est pas contentée de vouloir

  9   que Coric ait participé à des crimes liés à l'entreprise criminelle commune

 10   de première catégorie dans les mêmes emplacements, elle a constaté qu'il

 11   avait participé à l'arrestation et la détention des hommes à Stolac et

 12   Capljina, mais parce qu'il n'avait pas personnellement la main sur les

 13   expulsions et qu'il n'avait pas donné l'ordre directement des expulsions

 14   des femmes, des enfants et des personnes âgées, la Chambre de première

 15   instance a constaté qu'il n'était pas responsable des crimes de troisième

 16   catégorie, qui incluaient 16 assassinats ou meurtres, notamment Sanida

 17   Kaplan et des vols. Tome 4, paragraphe 1015, renvoyant au paragraphe 953.

 18   Ce faisant, la Chambre de première instance ajoute une nouvelle

 19   exigence selon laquelle l'accusé devrait avoir contribué de façon

 20   particulière à un crime de première catégorie d'entreprise criminelle

 21   commune à cet emplacement particulier. Et là, une erreur a été commise. Il

 22   n'y a pas de fondement juridique justifiant cette exigence.

 23   Et enfin, Messieurs les Juges, je voudrais à présent passer à la

 24   branche (e) du premier moyen d'appel, erreur factuelle. L'Accusation

 25   soulève également des erreurs de fait. Aucun Juge du fait raisonnable

 26   n'aurait pu acquitter les accusés pour ces crimes. Pour les arguments

 27   factuels détaillés s'agissant de chaque répondant, nous renvoyons les Juges

 28   de la Chambre à notre mémoire. Et lors de mes présentations orales


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  1   aujourd'hui, je pense qu'il me suffira de vous indiquer les éléments

  2   principaux. Premièrement, appliquer les critères juridiques et de preuve

  3   idoine aurait dû avoir lieu. Les condamnations au titre de la

  4   responsabilité pénale pour entreprise criminelle commune de troisième

  5   catégorie, dans la plupart des cas, auraient pu être prononcées sur la base

  6   des propres constatations de la Chambre de première instance.

  7   En particulier, la Chambre de première instance a déjà procédé à des

  8   constatations pour plusieurs facteurs contextuels que la Chambre d'appel

  9   avait identifié précédemment comme étant la commission d'un type

 10   particulier de crimes qui n'entrent pas dans le champ d'application de cet

 11   objectif commun prévisible. Je vous renvoie là à l'arrêt Sainovic,

 12   paragraphe 1089.

 13   Par exemple, la Chambre de première instance a constaté que chaque

 14   membre de l'entreprise criminelle commune avait l'intention de poursuivre

 15   contre les Musulmans et de commettre toute une série de crimes violents et

 16   de persécutions. Il s'agit là des moyens par lesquels l'objectif commun

 17   devait être atteint, pas seulement des crimes de déplacement forcé, mais

 18   aussi des meurtres pendant les attaques et la destruction arbitraire et de

 19   grande échelle de biens qui ne sont pas justifiés par des moyens

 20   militaires. Le traitement inhumain et cruel de détenus vulnérables, des

 21   meurtres et assassinats pendant les travaux forcés dangereux illégaux sur

 22   la ligne de front. Et après le 30 juin 1993, les membres de l'ECC - c'est

 23   une des constatations - avaient eu l'intention de répandre la terreur, de

 24   mener des attaques illégales sur des civils musulmans.

 25   Et là, Messieurs les Juges, il ne s'agit pas uniquement d'une intention de

 26   poursuivre cet objectif criminel commun en utilisant des moyens violents

 27   d'une violence incroyable, ils étaient également au courant des modalités

 28   de cette ECC. Chacun savait quel était ce climat d'animosité qui régnait


Page 759

  1   entre les différents groupes ethniques, une séparation ethnique était leur

  2   objectif commun. Chacun des accusés a participé à plusieurs aspects de ce

  3   schéma de crimes dans la poursuite de cette ECC dans plusieurs

  4   municipalités, dans plusieurs centres de détention. Et, chacun d'entre eux,

  5   conjointement avec les autres membres, n'ont rien fait pour arrêter ces

  6   agissements. Et chacun d'entre eux était au courant des facteurs qui

  7   avaient prévalu dans d'autres circonstances et qui avaient fait que les

  8   victimes étaient rendues plus vulnérables, montrant qu'ils étaient au

  9   courant du risque encouru.

 10   Par exemple, ils savaient que séparer la population en fonction de leur

 11   genre devait être fait. Que la population mâle musulmane devait être

 12   rassemblée et détenue, qu'il fallait les séparer des femmes et des enfants.

 13   Chacun d'entre eux savait que les détenus étaient dans des conditions

 14   terribles, ils étaient soumis à des privations, à la violence. Chacun

 15   savait que la présence de criminels dans des unités envoyées pour mener des

 16   opérations à proximité de civils musulmans allait faire des victimes, tels

 17   que le Bataillon des Repris de justice bien connu de Naletilic.

 18   Et la Chambre de première instance a divisé ces appréciations des crimes au

 19   titre de la troisième catégorie et n'a pas pris en compte ce contexte

 20   global. Mais, si l'on regarde les choses séparément et que l'on met tout

 21   ensemble, dans la plupart des cas, cela serait suffisant pour suivre notre

 22   thèse, Messieurs les Juges.

 23   Par exemple, regardez l'appréciation des Juges de la Chambre, de la

 24   prévisibilité des vols, pillage et appropriation de biens. La Chambre a

 25   constaté que cinq accusés qui étaient membres de l'ECC à cette époque

 26   auraient pu prévoir les vols au titre de la troisième catégorie

 27   d'entreprise criminelle commune suite à l'attaque de Gornji Vakuf en

 28   janvier 1993.


Page 760

  1   Donc dès le début de la mise en œuvre de l'ECC, chacun savait déjà que les

  2   opérations d'expulsion étaient en cours et que, ce faisant, les vols

  3   étaient une conséquence prévisibles de l'objectif criminel commun. Et la

  4   Chambre a même condamné quatre d'entre eux, parce qu'ils auraient pu

  5   prévoir que ce risque existait - risque de vols - et que c'était une

  6   conséquence probable de la mise en œuvre de l'ECC à Gornji Vakuf. Qui plus

  7   est, chaque accusé, chacun des cinq accusés a été condamné pour vols dans

  8   au moins une autre municipalité après Gornji Vakuf, et ce schéma de vols

  9   des biens des Musulmans a continué pendant toute la durée de l'exécution de

 10   ce plan criminel commun.

 11   Et ces constatations suffisent, Messieurs les Juges, à combler les fossés

 12   et à pouvoir appliquer le critère juridique idoine qui suffit à condamner

 13   chacun des accusés au titre de vols dans le cadre de cette entreprise

 14   criminelle commune de troisième catégorie. Et étant donné que chaque

 15   répondant savait déjà en janvier 1993 que des vols pouvaient avoir lieu

 16   dans le cadre de la poursuite de cette ECC, ils auraient également pu

 17   prévoir ce risque en avril pour Jablanica, en mai à Mostar, en juillet à

 18   Stolac et Capljina, et puis à Prozor et à Vares, tout particulièrement,

 19   compte tenu de leur connaissance des opérations violentes,

 20   discriminatoires, et de l'augmentation de leur échelle et de leur ampleur,

 21   et, particulièrement également, compte tenu du fait qu'ils n'ont rien fait

 22   pour arrêter ces violences.

 23   Messieurs les Juges, la prévisibilité ne dépend pas du fait de savoir si

 24   oui ou non un répondant en particulier savait ou ne savait pas qu'une

 25   attaque militaire avait été prévue un jour précis, à un endroit précis. La

 26   prévisibilité n'exige pas une prévision aussi précise de l'avenir.

 27   La Chambre d'appel a déjà rejeté cette approche dans l'affaire Krstic. En

 28   réponse à un argument de la Défense selon laquelle il avait été tenu


Page 761

  1   responsable de crime dont il n'avait pas connaissance et qui avait vraiment

  2   lieu, la Chambre d'appel a expliqué dans cette affaire-là que pour pouvoir

  3   prononcer une condamnation au titre de l'entreprise criminelle commune de

  4   troisième catégorie :

  5   "Il n'est pas nécessaire d'établir qu'il avait connaissance du fait que les

  6   autres actes auraient pu avoir lieu."

  7   Il suffit à la Chambre de première instance de déterminer si l'accusé :

  8   "…était, en fait, au courant que ces autres actes criminels étaient commis;

  9   et il suffit de savoir que l'on pouvait prévoir leur occurrence, qu'il le

 10   savait, et que les autres crimes avaient eu lieu effectivement."

 11   Je renvoie les Juges de la Chambre à l'arrêt Krstic ici, paragraphe 150.

 12   Dans une ECC de cette nature et de cette ampleur, d'un point de vue

 13   juridique, il suffit de déterminer le type de crimes et sa prévisibilité.

 14   Je vous renvoie là à l'arrêt Sainovic, paragraphe 1089.

 15   Compte tenu de la nature de l'ECC et des moyens utilisés pour la mettre en

 16   œuvre sur le terrain, les quatre types d'ECC de troisième catégorie étaient

 17   prévisibles pour chacun des accusés en l'espèce. Ils étaient prévisibles

 18   nonobstant la connaissance ou non de l'un des accusés en particulier et

 19   leur participation personnelle dans les activités d'ECC de première

 20   catégorie.

 21   Messieurs les Juges, la jurisprudence est claire sur ce point. Pour ce qui

 22   est des responsabilités en application de l'ECC de catégorie 3, il n'est

 23   point nécessaire que l'accusé ait eu à connaître de ce qui s'était produit

 24   comme crime précédemment afin qu'il puisse prévoir les choses. Stanisic et

 25   Zupljanin, paragraphe 627, par exemple. Les informations positives

 26   relatives aux crimes passés ne sont pas requises. Mais tous les répondants

 27   ici présents étaient au courant de ce qui s'était passé auparavant : Prlic

 28   comme président, Stojic à la tête du département de la défense, Praljak et


Page 762

  1   Petkovic au sommet de l'état-major principal du HVO, Coric lui qui était

  2   chargé de l'administration de la police militaire et de la mise en liberté

  3   et des échanges de prisonniers. Partant de leurs positions et de leurs

  4   liens mutuels, tous ceux qui avaient été au courant des informations

  5   relatives aux crimes graves contre des personnes et contre leurs biens - et

  6   cela allait même au-delà des crimes qu'on avait eu l'intention de commettre

  7   - parce qu'il y a eu une campagne de nettoyage ethnique.

  8   Alors je vais parler maintenant de la question 4(c) s'agissant de l'appel

  9   interjeté par l'Accusation. Si les Juges de la Chambre d'appel venaient à

 10   invalider les conclusions des Juges de la Chambre de première instance

 11   concernant les meurtres de la maison de Sljivo à Dusa, est-ce que cela

 12   aurait un impact quelconque pour ce qui est de la responsabilité au terme

 13   de l'ECC ? Concernant l'Accusation, notre réponse est de dire : Non.

 14   S'agissant, par exemple, de certains appels interjetés par la Défense la

 15   semaine passée, je vais présenter un certain nombre d'arguments qui sont

 16   les nôtres. Indépendamment du fait de savoir si les sept civils et la mort

 17   de ces sept civils pouvait être qualifiée comme homicide ou indépendamment

 18   du fait de savoir si les répondants avaient eu à connaître la teneur du

 19   rapport de Siljeg du 28/29 janvier, le fait est, que le modèle d'attaques

 20   est clair pour ce qui est des attaques lancées contre la municipalité de

 21   Gornji Vakuf le 18 janvier et les journées d'après avaient suivi un

 22   planning préconçu pour ce qui est d'une atmosphère d'extrême violence. Et

 23   cette violence extrême s'est poursuivie au fil de la mise en œuvre de l'ECC

 24   entière, ce qui démontre que c'était la façon dont on avait eu l'intention

 25   de mettre en œuvre l'objectif criminel commun.

 26   Dans l'affaire Sainovic, la Chambre d'appel a conclu du fait que l'accusé

 27   avait pu prévoir les homicides, et non seulement il devait être au courant

 28   de l'existence des violences, mais aussi de la gravité de ces actes de


Page 763

  1   violence, ce qui fait que les homicides étaient tout à fait prévisibles.

  2   Qu'est-ce qui diffère dans cette affaire, Messieurs les Juges ? Eh bien,

  3   tous les membres de l'entreprise criminelle commune avaient déjà eu

  4   l'intention, non seulement de déplacer par la force les Musulmans, mais

  5   aussi de les exécuter en application de l'entreprise criminelle commune,

  6   catégorie 1. La Chambre a fait une distinction pour ce qui est des tueries

  7   lors des attaques et lors des travaux forcés, ECC catégorie 1, et c'est

  8   différent de ce que l'on envisage dans la détention ou les expulsions, mais

  9   cela avait eu une influence sur la prévisibilité des autres meurtres ou

 10   homicides. Le fait est que les Musulmans avaient déjà été tués dans le

 11   cadre de la réalisation de cet objectif criminel commun.

 12   Donc, en somme, jusqu'au moment où il y a eu les premières missives dans

 13   l'application de la catégorie 3 de l'ECC, tous les répondants avaient déjà

 14   eu à commettre des violences extrêmes qui avaient été mises en œuvre pour

 15   l'accomplissement de l'objectif final, l'objectif criminel commun, ce qui

 16   fait que les homicides étaient prévisibles en application de l'ECC

 17   catégorie 3, indépendamment de la façon dont on qualifierait les exécutions

 18   de Dusa ou qui avait communiqué l'information à qui pour ce qui est de ces

 19   meurtres.

 20   Donc, la Chambre de première instance, au niveau de l'ECC catégorie 3, est

 21   pleine d'erreurs. Il n'y a pas eu de définition pour ce qui est des

 22   répondants qui avaient une responsabilité pénale pour plus de 70 % des

 23   incidents de l'ECC catégorie 3; et ce qui a été analysé a fait l'objet

 24   d'erreurs de droit. Donc je vous prie de procéder à la rectification de ces

 25   erreurs et de condamner les répondants comme nous l'avons demandé dans

 26   notre mémoire en appel.

 27   Messieurs les Juges, je crois que je devrais procéder à un rectificatif,

 28   compte rendu d'audience page 14, ligne 5. Je crois que je me suis mal


Page 764

  1   exprimé j'ai dit qu'"après juin 1993" les membres de l'entreprise

  2   criminelle commune avaient eu l'intention de répandre la terreur; j'aurais

  3   dû dire "à compter de juin 1993", et non pas "après". Le volume 4,

  4   paragraphe 59.

  5   Autre moyen d'appel, maintenant, de l'Accusation, numéro 2. Une fois de

  6   plus, la Chambre a laissé inachevée une analyse requise et a prononcé un

  7   jugement en acquittement avant que de s'être prononcée sur les autres chefs

  8   d'accusation.

  9   Dans l'acte d'accusation, tous les accusés sont mis en accusation sous les

 10   articles 7(1) et 7(3). Et lorsque la Chambre a acquitté en application du

 11   7(1), la tâche n'était pas encore terminé; il aurait dû y avoir une analyse

 12   et un jugement pour ce qui est de savoir si les défendants avaient une

 13   responsabilité pénale en leur qualité de supérieurs. Cela a été fait pour

 14   ce qui est des crimes commis à Prozor en 1992. Une fois que l'on a conclu

 15   qu'à ce moment-là il n'y avait pas eu d'objectif criminel commun, la

 16   Chambre s'est penchée sur une analyse pour ce qui est de savoir si l'un

 17   quelconque des répondants avait assumé des responsabilités criminelles pour

 18   ce qui est de la responsabilité criminelle telle qu'envisagée à l'acte

 19   d'accusation. Mais pour ce qui est de ces actes criminels, la Chambre a

 20   interrompu ses analyses lorsqu'elle a constaté qu'il n'y avait pas de

 21   responsabilité pénale en application de l'ECC. Donc, cela a été fait

 22   prématurément parce qu'on n'avait pas analysé la totalité des chefs

 23   d'accusation à l'acte d'accusation.

 24   Nous nous sommes concentrés sur l'omission de punir, parce que pour que

 25   quelque chose fasse partie de la catégorie des délits au pénal qui n'ont

 26   pas fait l'objet de condamnation, et on a dit qu'il n'y avait pas eu

 27   d'intention criminelle pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune

 28   catégorie 1 et que ces crimes n'avaient pas été prévisibles en application


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  1   de l'entreprise criminelle commune catégorie 3. Mais la seule modalité de

  2   responsabilité qui ne fait pas partie de cette analyse, c'est l'omission de

  3   punir en application de l'article 7(3).

  4   Et dans notre appel, nous avons énuméré les faits et les conclusions qui

  5   devraient faire l'objet de condamnations, parce que la Chambre a acquitté

  6   Petkovic pour ce qui est de l'ECC catégorie 3 s'agissant de l'exécution de

  7   détenus musulmans à Dretelj, en mi-juillet 1993; il y en a un qui est mort

  8   suite à une déshydratation et trois autres ont été abattus. La Chambre a

  9   estimé que Petkovic ne pouvait pas prévoir ces meurtres parce qu'il n'a été

 10   informé de la chose que le 20 janvier 1994, et ce, par les soins du Comité

 11   de la Croix-Rouge internationale.

 12   L'INTERPRÈTE : Les interprètes sauraient gré à l'Accusation de ralentir.

 13   Mme BAIG : [interprétation] Mais avant que de prononcer un jugement en

 14   acquittement, la Chambre de première instance aurait dû analyser la

 15   responsabilité du supérieur hiérarchique pour le même incident. Et il ne

 16   s'agit pas d'une décision optionnelle, ce n'est pas un droit

 17   discrétionnaire; ce n'est pas une option qu'on peut ne pas adopter. Il

 18   s'agit des modalités qui sont prévues par l'acte d'accusation. Et d'après

 19   les constatations des Juges de la Chambre, nous estimons que cette

 20   constatation serait tout à fait justifiée.

 21   Parce que Petkovic, à l'état-major principal était un supérieur

 22   hiérarchique et avait exercé un contrôle effectif à l'égard des auteurs.

 23   Volume 4, paragraphes 663 et 679.

 24   Comme je viens de le dire, les Juges de la Chambre de première instance ont

 25   constaté qu'il a, de fait, été informé par le courrier du CICR de ces

 26   homicides concrets, bien que la chose n'ait été communiquée qu'après coup.

 27   La Chambre a constaté que Petkovic avait admis qu'il y a eu de mauvais

 28   traitements de détenus à Dretelj, y compris des homicides et mauvais


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  1   traitements, et qu'il n'y a rien eu d'entrepris contre les auteurs.

  2   Paragraphe 816.

  3   Donc, tous les éléments de responsabilité du supérieur hiérarchique se

  4   trouvent être constatés, et quand bien même il n'y a pas eu de condamnation

  5   en application de la responsabilité du supérieur hiérarchique.

  6   A la place, Petkovic a été acquitté de ces crimes alors que la Chambre a

  7   constaté que les éléments de ces crimes et les modalités de ces crimes

  8   avaient été prouvés.

  9   Nous faisons ici référence à l'argumentation présentée dans notre mémoire

 10   en appel et nous estimons que cet acquittement devrait être annulé.

 11   Une mission autre pour ce qui est des Juges de la Chambre de première

 12   instance était d'établir la responsabilité première concernant les chefs

 13   d'accusation; et là aussi, la justice a été faite, mais de façon

 14   incomplète.

 15   Dans le moyen numéro 3, l'Accusation remet en question ce qui a été fait de

 16   façon incomplète. Il s'agit d'une omission technique pour ce qui est de

 17   l'application des règles relatives à la condamnation cumulative. Et pour ce

 18   qui est de la mise en œuvre de cette règle, la Chambre a fait une erreur en

 19   autorisant à ce que quatre groupes d'incidents soient omis du jugement

 20   rendu. Cette erreur doit être rectifiée parce que la Chambre a conclu du

 21   fait que les défendants avaient commis les crimes, mais il n'y a pas eu de

 22   jugement rendu et de peine prononcée.

 23   Je vais m'expliquer. La Chambre a, à très juste titre, constaté que les

 24   condamnations cumulatives devaient se baser sur les faits pour ce qui est

 25   de l'article 2, violations graves et destructions de propriété à grande

 26   échelle, et je parle ici du chef d'accusation 19; article 3, crime de

 27   destruction, tel que prévu au chef 20.

 28   Ceci s'est produit parce que seules les destructions à grande échelle en


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  1   application de l'article 2 constituaient un élément distinct pour ce qui

  2   est de la propriété, qui est généralement protégée par les conventions de

  3   Genève si elle se trouve sur des territoires occupés. Tous les éléments de

  4   cette destruction arbitraire de l'article 3 se trouvent également à

  5   l'article 2 de violations graves. Par conséquent, lorsque les éléments des

  6   deux crimes ou types de crimes sont réunis pour ce qui est des mêmes faits,

  7   la condamnation peut être rendue pour ce qui est de destruction à grande

  8   échelle en application de l'article 2. Ça se trouve comme analyse au volume

  9   4, paragraphes 1264 à 1266.

 10   La Chambre de première instance a, à juste titre, analysé ceci, et jusque-

 11   là, il n'y a aucune contestation pour ce qui est des parties en présence,

 12   s'agissant des erreurs éventuelles du jugement rendu en première instance.

 13   L'erreur se produit lorsque la Chambre de première instance a mis en

 14   œuvre l'article en question. La Chambre a, en termes simples, omis de

 15   constater que, s'agissant de quatre groupes d'incidents, il n'y a pas eu

 16   constatation de comportement criminel en application de l'article 2 et

 17   article 3. Par conséquent, la Chambre n'a pas relevé le fait qu'il

 18   s'agissait là d'une situation avec risque de condamnation cumulative. Mais

 19   ici, il s'agit de destruction de maisons musulmanes dans différents

 20   villages, quatre villages de la municipalité de Gornji Vakuf, le 18 janvier

 21   1993, les biens musulmans à Prozor, dix mosquées à Mostar est, et la

 22   destruction du vieux pont. Chacun de ces quatre incidents a fait l'objet

 23   d'une constatation de crime de destruction arbitraire, ce qui est une

 24   violation des lois et coutumes de la guerre, ce qui se trouve être prévu à

 25   l'article 3, chef d'accusation 20.

 26   Mais s'agissant du chef d'accusation 19, violations graves en

 27   application de l'article 2, la Chambre a constaté que ces éléments

 28   n'avaient pas été satisfaits pour ce qui est de ces quatre incidents-là, et


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  1   ce, parce que la destruction ne s'est pas faite sur un territoire occupé.

  2   Alors, cet élément ne se trouve pas être autrement défendu par les

  3   conventions de Genève.

  4   Donc à la fin du jugement rendu, la Chambre s'est rendu compte de

  5   condamnation cumulative pour ce qui est du chef en question, et il y a eu

  6   coïncidence des chefs d'accusation et des crimes commis en application des

  7   deux articles de la plainte déposée par l'Accusation.

  8   Donc il n'y a pas eu condamnation en application du chef 20, pages 430 et

  9   431 du volume 4. Et cela a été une erreur, il convient de rectifier cette

 10   erreur parce que les condamnations en application du chef 20 doivent être

 11   réinstallées pour ce qui est des quatre groupes d'incidents dont je viens

 12   de parler.

 13   Et ceci m'amène à la question que vous avez posée en dernier lieu, à savoir

 14   la question numéro 5, qui se rapporte, quant à elle, aux constatations

 15   juridiques qui se trouvent au fondement même des constatations des Juges de

 16   la Chambre de première instance pour déterminer si les attaques des

 17   villages à Gornji Vakuf avaient constitué des destructions arbitraires et

 18   des dévastations qui ne sont pas justifiées par des nécessités militaires,

 19   en violation de l'article 3 des lois et coutumes de la guerre, telles que

 20   prévu au chef d'accusation numéro 1. Il s'agit d'un chef d'accusation que

 21   les Juges de la Chambre n'ont pas prévu dans leur condamnation parce qu'ils

 22   ont appliqué la règle relative aux condamnations cumulatives.

 23   Alors s'agissant de cette question, vous avez demandé à ce que je parle des

 24   fondements mêmes des constatations des Juges de la Chambre pour ce qui est

 25   de la destruction de biens pendant les attaques des villages de Dusa,

 26   Hrasnica et Zdrimci et Uzricje qui avaient été arbitraires et non justifiée

 27   par la nécessité militaire.

 28   Alors, Messieurs les Juges, lorsqu'il y a eu adoption d'une


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  1   constatation raisonnable pour ce qui est de dire que cela a été justifié,

  2   les Chambres ont estimé que l'attaque lancée contre ces quatre villages le

  3   18 janvier 1993, avait été telle, que le HVO avait détruit ou endommagé un

  4   grand nombre de maisons musulmanes sur le territoire de la municipalité

  5   tout entière. Ce n'est pas une coïncidence. Les attaques lancées sur ces

  6   quatre villages se sont produites d'une façon tout à fait identique. Il y a

  7   eu d'abord pilonnage des maisons musulmanes, ensuite le HVO entrait dans

  8   les villages, procédait à des arrestations de la population, détruisait le

  9   reste des maisons et emmenait ailleurs les villageois. Volume 4,

 10   paragraphes 561, 704 et 922.

 11   Partant donc de cette analogie complète concernant les modalités de

 12   conduite des opérations et de la perpétration des crimes dans chacun de ces

 13   villages, les Juges de la Chambre ont conclu que cela correspondait à un

 14   planning préconçu. La Chambre a constaté que le HVO s'était attaqué à

 15   chacun de ces quatre villages aux mortiers, mitrailleuses lourdes et

 16   artillerie. Volume 2, paragraphe 357. Ça a été caractérisé comme pilonnage

 17   arbitraire, indiscriminé.

 18   Et le HVO s'est servi de ces armes pour tirer directement sur des

 19   civils musulmans, tels que cela a été le cas de Dusa, où un char du HVO a

 20   tiré et délibérément endommagé la maison de Sljivo. La Chambre de première

 21   instance a raisonnablement conclu du fait que la destruction de ces maisons

 22   musulmanes a été faite sans justification militaire aucune, et cela est une

 23   conclusion raisonnable. Aucune des maisons détruites ne constituait une

 24   cible militaire en soi. La Chambre a également pris en considération le

 25   fait que dans ces villages à l'époque de l'attaque, il y avait un certain

 26   nombre de membres de l'ABiH. On peut retrouver cette analyse au volume 2

 27   [comme interprété], paragraphe 1569 et volume 4, paragraphe 45. La Chambre

 28   de première instance a pris en considération le fait aussi, que dans un


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  1   village à Zdrimci, certains Musulmans armés s'étaient cachés de temps en

  2   temps dans certaines maisons. Volume 3, paragraphe 1569 et paragraphe 2382

  3   [comme interprété]. Compte tenu de ces villages, de leur petit nombre et du

  4   fait aussi qu'ils étaient armés d'armes de chasse ou d'armes à petit

  5   calibre, ce fait-là ne constitue pas une justification militaire crédible

  6   pour ce qui est d'une telle destruction des biens musulmans lors de

  7   l'attaque.

  8   Donc l'inexistence de la justification militaire pour ce qui est des

  9   attaques destructives sur les maisons civiles du 18 janvier 1993 confirme,

 10   encore une fois, que ces destructions ont continué pendant les jours qui

 11   s'en sont suivis, après la prise de contrôle de la part du HVO dans chacun

 12   de ces quatre villages. Qu'est-ce que le HVO a fait après la prise de

 13   contrôle ? D'abord, il a fait déplacer la population civile, a

 14   systématiquement incendié tous les biens musulmans qui n'avaient pas déjà

 15   été détruits pendant les opérations de pilonnage, et la Chambre de première

 16   instance a conclu que cela a été fait avec le but de prévenir le retour des

 17   Musulmans. En même temps, les biens des Croates sont restés intacts. Tome

 18   2, 414, 432, 456. A la lumière de l'ensemble des moyens de preuve, la

 19   conclusion de la Chambre selon laquelle la destruction pendant l'attaque

 20   n'était pas justifiée par les nécessités militaires, et c'était sans motif,

 21   est raisonnable et doit être confirmée.

 22   Dans la deuxième partie de la question numéro 5, vous avez posé la

 23   question de savoir s'il y avait une incidence sur la conclusion selon

 24   laquelle la destruction des biens causée pendant des attaques dans

 25   plusieurs localités et dans ces municipalités était extensive, si cette

 26   conclusion était infirmée.

 27   Notre réponse est négative. Cela n'aurait aucune incidence sur le

 28   jugement de première instance, et j'ai déjà expliqué cela. Et étant donné


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  1   que la Chambre de première instance n'a pas tenu compte de la règle

  2   concernant le cumul des déclarations de culpabilité, il n'y a pas de

  3   déclaration de culpabilité pour ce qui est des crimes de destruction à

  4   grande échelle, le 18 janvier dans ces quatre villages. Et ce critère

  5   serait le critère qui est rempli pour ce qui est des articles 2 et 3.

  6   Pour ce qui est de ce moyen d'appel de l'Accusation, notre réponse

  7   serait donc oui. Il ne reste que la destruction à la date du 18 janvier

  8   dans la ville de Gornji Vakuf. Et l'Accusation, Monsieur le Président, n'a

  9   pas interjeté appel de l'erreur concernant le cumul de déclaration de

 10   culpabilité eu égard à la ville de Gornji Vakuf.

 11   Au moyen d'appel numéro 3, l'Accusation se concentre sur les faits

 12   que le jugement n'a pas été complet. La Chambre de première instance a

 13   conclu que tous les appelants étaient coupables, mais n'a pas prononcé de

 14   déclaration de culpabilité. Et de cette façon-là, la justice n'a pas été

 15   rendue de façon complète. 

 16   Donc j'en ai conclu avec mes arguments, et je donne la parole à ma

 17   collègue, Mme Goy qui va donc répondre à d'autres questions.

 18   Mme GOY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 19   Juges.

 20   Par le fait que les appelants ont été condamnés à des peines de 10 à 25 ans

 21   d'emprisonnement, la Chambre de première instance a abusé de son pouvoir

 22   discrétionnaire. Donc, ces peines sont manifestement inadéquates.

 23   Les appelants ont été condamnés pour avoir mis en œuvre une campagne

 24   soutenue de nettoyage ethnique visant à créer une situation où les Croates

 25   domineraient en Herceg-Bosna. Les crimes ont été commis dans une large

 26   partie de la Bosnie-Herzégovine qui couvraient huit municipalités. Ces

 27   crimes ont été commis en masse. Plusieurs centaines de milliers de

 28   Musulmans ont été expulsés de leurs maisons, souvent ont été forcés de


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  1   passer la frontière en appliquant un système élaboré, plusieurs milliers de

  2   Musulmans ont été arrêtés et détenus dans des conditions déplorables.

  3   Beaucoup d'entre eux ont été forcés d'effectuer des travaux dangereux sur

  4   la ligne de front. Pendant ces attaques, les Musulmans ont été tués ou ont

  5   été tués pendant qu'ils effectuaient ces travaux sur la ligne de front. Ils

  6   ont été violés, ont fait l'objet de violences sexuelles. Les maisons de

  7   Musulmans ainsi que les mosquées ont été détruites et les biens des

  8   Musulmans ont été pillés. Plus de 55 000 [comme interprété] personnes ont

  9   été piégées à Mostar est où ils ont été donc pilonnées et ont fait l'objet

 10   de tirs isolés incessants.

 11   Les appelants ont joué les rôles-clés pour ce qui est de l'entreprise

 12   criminelle commune visant à créer la domination croate en utilisant des

 13   moyens criminels. Ils ont été ceux qui ont créé l'entreprise criminelle

 14   commune. A la lumière de la gravité des crimes et de leur rôle-clé que les

 15   appelants ont donc joué, les peines allant de 10 à 25 ans d'emprisonnement

 16   sont déraisonnables et constituent l'abus de pouvoir discrétionnaire.

 17   Aujourd'hui, Monsieur le Président, je vais me pencher sur l'analyse

 18   des peines prononcées par la Chambre de deux différents aspects. Ces deux

 19   aspects montrent que ces peines imposées sont de courte durée et

 20   constituent un abus de pouvoir discrétionnaire. D'abord, je propose qu'on

 21   regarde les conclusions de la Chambre concernant la gravité des crimes et

 22   concernant le rôle joué par les accusés. Nous allons voir que les

 23   conclusions de la Chambre de première instance ne sont pas conformes avec

 24   les peines prononcées par la Chambre, ce qui montre que la Chambre n'a pas

 25   octroyé un poids adéquat à ces crimes concernant leur gravité.

 26   Deuxièmement, je propose qu'on se penche sur plusieurs points

 27   caractéristiques de cette affaire qui confirment également que les peines

 28   prononcées sont manifestement inadéquates.


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  1   Je vais commencer par le premier argument, les peines

  2   d'emprisonnement de 25 ans pour Prlic, de 20 ans pour Stojic, Praljak et

  3   Petkovic, de 16 pour Coric et 10 pour Pusic sont manifestement

  4   déraisonnables lorsqu'on examine les conclusions de la Chambre dans la

  5   partie du jugement qui concerne le prononcé des peines. Et là, nous

  6   admettons que la fixation des peines est une question qui concerne le

  7   pouvoir discrétionnaire de la Chambre, mais ce pouvoir discrétionnaire doit

  8   être exercé de façon telle qui permet d'accorder un poids adéquat à la

  9   gravité des crimes, ainsi qu'à la forme et le degré de participation à ces

 10   crimes.

 11   Les peines les plus lourdes prononcées à ce Tribunal et au Tribunal

 12   international pour le Rwanda étaient les peines d'emprisonnement d'une

 13   durée de 40 ans imposées à Milomir Stakic, et 47 ans d'emprisonnement

 14   prononcées par la Chambre d'appel à deux accusés dans l'affaire Butare.

 15   Donc, c'est le cadre dans lequel la Chambre doit exercer son pouvoir

 16   discrétionnaire. Et, en ayant cela à l'esprit, je vous invite d'examiner

 17   trois aspects de l'analyse et de la gravité des crimes de la Chambre.

 18   D'abord, les conclusions de la Chambre de première instance concernant la

 19   gravité des crimes eux-mêmes : la Chambre de première instance a formulé

 20   les conclusions concernant la forme de responsabilité; ainsi que le degré

 21   de participation.

 22   Concernant les conclusions de la Chambre de première instance eu

 23   égard à la gravité des crimes. La Chambre de première instance a conclu que

 24   les crimes pour lesquels il a été constaté que les accusés en étaient

 25   responsables sont extrêmement sérieux et graves. La Chambre a dit : 

 26   "L'ampleur et la brutalité des crimes, d'un côté, ainsi que de la

 27   nature des infractions pénales commises, de l'autre, montrent que les

 28   crimes commis par les accusés sont extrêmement graves."


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  1   Tome 4, paragraphe 1302.

  2   Pour ce qui est du reste du jugement, on voit que cette conclusion

  3   représente la qualification appropriée des crimes commis par les appelants.

  4   Cela englobe l'expulsion de plusieurs centaines de milliers d'hommes, des

  5   meurtres commis pendant des attaques. On voit sur la ligne de front pour

  6   effectuer des travaux forcés, la détention dans des conditions déplorables,

  7   les pilonnages quotidiens, les tirs isolés dans une petite partie de Mostar

  8   est où il y avait plus de 55 000 [comme interprété] personnes piégées.

  9   Regardons maintenant les conclusions de la Chambre concernant la

 10   forme de responsabilité. La Chambre de première instance a conclu que tous

 11   les appelants étaient coupables au pénal en tant que membres d'une

 12   entreprise criminelle commune. Donc, la responsabilité au titre de

 13   l'entreprise criminelle commune et sa participation à cette entreprise

 14   criminelle commune est considéré comme étant l'une des formes les plus

 15   sérieuses de responsabilité. Arrêt dans l'affaire Mrksic, paragraphe 407;

 16   et dans l'affaire Krnojelac, paragraphe 75.

 17   Pour ce qui est de la conclusion de la Chambre de première instance

 18   concernant le degré de participation, la Chambre a conclu que tous les

 19   appelants ont joué un rôle-clé, en français "un rôle majeur", pour ce qui

 20   est de la commission des crimes. Concernant Prlic, tome 4, paragraphes

 21   1317, 1318; tome 4, 1329, 1330 pour ce qui est de Stojic; tome 4,

 22   paragraphes 1341, 1342 pour ce qui est de Praljak; tome 4, paragraphes

 23   1354, 1355 pour ce qui est de Petkovic; tome 4, paragraphe 1369, 1377

 24   [comme interprété] pour ce qui est de Coric; et tome 4, paragraphe 1381

 25   pour ce qui est de Pusic.

 26   Quatre des accusés, Prlic, Stojic, Praljak et Petkovic, ont été

 27   considérés comme étant membres-clés de l'entreprise criminelle commune.

 28   Dans l'original en français, "des membres les plus importants de


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  1   l'entreprise criminelle commune". Paragraphe 1315 du tome 4 pour Prlic;

  2   pour Stojic, paragraphe 1328; pour Praljak, paragraphe 1340; Petkovic,

  3   paragraphe --. Pour résumer, la Chambre a conclu que les crimes commis ont

  4   été extrêmement graves et elle a conclu que tous les accusés sont coupables

  5   au titre de l'une des formes les plus sérieuses de responsabilité, au titre

  6   de leur participation à l'entreprise criminelle commune, et elle a conclu

  7   que Prlic, Stojic, Praljak et Petkovic étaient les membres les plus

  8   importants, les membres-clés de l'entreprise criminelle commune et que tous

  9   les appelants, y compris Coric et Pusic, ont joué un rôle-clé ou important

 10   pour qui est de la commission des crimes.

 11   Sur la base de ces conclusions, on s'attendrait à ce que les peines

 12   imposées soient élevées pour ce qui est de Prlic, Stojic, Petkovic et

 13   Praljak et pour ce qui est de Coric et Pusic parmi les peines également

 14   relativement élevées. Est-ce qu'il y a une autre explication pour ce qui

 15   est des peines qui ont été prononcées et qui n'étaient pas aussi élevées ou

 16   bien est-ce qu'on peut expliquer cela par un abus de pouvoir

 17   discrétionnaire ?

 18   Est-ce que les éléments atténuants, les circonstances atténuantes

 19   peuvent expliquer cette réduction des peines si la Chambre avait accordé un

 20   poids adéquat pour ce qui est de la gravité des crimes, la forme et du

 21   degré de participation ? La réponse est non.

 22   Pour ce qui est de tous les appelants, la Chambre a conclu au titre

 23   des circonstances atténuantes leur reddition volontaire, leur comportement,

 24   bon comportement en détention, et lors de leur mise en liberté provisoire.

 25   La reddition volontaire ainsi que la bonne conduite en détention peut donc

 26   justifier le fait que cela a été considéré comme des circonstances

 27   atténuantes, arrêt dans l'affaire Kordic, paragraphe 1053.

 28   Mais on ne peut pas expliquer le fait que donc les peines imposées ne


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  1   sont pas élevées.

  2   Par exemple, dans Krajisnik, la Chambre d'appel a conclu que la bonne

  3   conduite en détention ne peut avoir qu'une incidence limitée sur la durée

  4   de la peine vu la gravité des crimes commis. Appel dans l'affaire Krajisnik

  5   paragraphes 816, 817.

  6   En tout cas, pour ce qui est des circonstances atténuantes, la

  7   Chambre a également tenu compte d'un élément aggravant pour ce qui est de

  8   l'abus de pouvoir par rapport à tous les appelants.

  9   Pour Prlic et Petkovic, la Chambre a tenu compte d'autres

 10   circonstances atténuantes. Pour ce qui est de Prlic, la Chambre a également

 11   tenu compte de son comportement après le conflit en tant que circonstances

 12   atténuantes, son rôle pendant les accords de Dayton, et pour ce qui est de

 13   prôner la réconciliation dans l'ancienne Yougoslavie.

 14   Pour ce qui est de Petkovic la Chambre de première instance a conclu

 15   qu'il y a deux éléments atténuants : absence de casiers judiciaires et le

 16   fait qu'il avait pris part aux négociations. La Chambre a conclu que ces

 17   deux éléments n'avaient qu'une incidence limitée pour ce qui est du poids à

 18   accorder à la gravité des crimes et pour ce qui est de l'ampleur de la

 19   participation de Petkovic et de ses efforts pour dissimuler la

 20   responsabilité du HVO. Tome 4, paragraphes 1359, 1361.

 21   Donc dans ce cas-là, les facteurs atténuants ne peuvent pas expliquer

 22   la réduction de la peine par rapport à la peine qui aurait pu être

 23   prononcée de façon raisonnable, à savoir la peine de 20 ans

 24   d'emprisonnement.

 25   Pour conclure, la Chambre de première instance a constaté que les

 26   crimes commis étaient d'une extrême gravité, que les appelants étaient

 27   responsables au titre d'une des formes les plus sérieuses de

 28   responsabilité, et qu'ils jouaient un rôle-clé pour ce qui est de la


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  1   commission des crimes. Prlic, Stojic, Petkovic, et Praljak étaient même

  2   parmi ceux qui étaient les membres-clés et les membres importants de

  3   l'entreprise criminelle commune.

  4   Dans la lumière de ces conclusions, les peines prononcées par la

  5   Chambre de première instance sont manifestement inadéquates et ne peuvent

  6   pas être expliquées par les circonstances atténuantes. Et cela ne conforme

  7   pas aux conclusions de la Chambre elle-même. Et ses conclusions sont en

  8   conformité avec les peines demandées par l'Accusation, au procès et

  9   aujourd'hui en appel : 40 ans d'emprisonnement pour Prlic, Stojic, Praljak,

 10   et Petkovic; 35 pour Coric; et 25 pour Pusic. La seule explication

 11   disponible pour ce qui est des peines qui ont été prononcées et qui sont

 12   beaucoup moins élevées imposées par la Chambre est que la Chambre n'a pas

 13   accordé un poids adéquat à la gravité des crimes ainsi qu'à la forme et le

 14   degré de participation de tous les appelants. Donc la seule explication

 15   disponible est que la Chambre a abusé de son pouvoir discrétionnaire.

 16   Maintenant, je vais parler de la deuxième partie de mes arguments. La

 17   Chambre de première instance donc a manifestement abusé de son pouvoir

 18   discrétionnaire, ce qu'on peut voir non seulement dans les peines imposées.

 19   Parce que les peines sont manifestement inadéquates et également lorsqu'on

 20   se penche sur des éléments de gravité de ces crimes. Je vais parler de ces

 21   quatre éléments concernant la gravité des crimes commis : l'ampleur des

 22   crimes; le siège brutal de Mostar est; le système d'expulsion par le biais

 23   d'un réseau de centres de détention; l'utilisation des détenus pour

 24   effectuer les travaux forcés dangereux illégaux.

 25    D'abord, ces crimes ont été commis à une grande échelle. Des

 26   centaines de milliers de Musulmans ont été déplacés, arrêtés, détenus dans

 27   des conditions terribles, exposés au mauvais traitement, ou tués; 55 000

 28   [comme interprété] Musulmans ont fait l'objet des attaques illégales et à


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  1   la terrorisation [phon] à Mostar est.

  2   Le siège brutal de Mostar est, c'est une autre caractéristique pour ce qui

  3   est de cette affaire qui rend ces crimes particulièrement graves.

  4   L'Accusation n'affirme pas que la Chambre de première instance n'a pas tenu

  5   compte du siège fait, mais affirme que la Chambre a omis d'analyser la

  6   gravité de ce siège et d'accorder un poids suffisant à ce fait. Il y a deux

  7   aspects qui indiquent que la Chambre de première instance n'a pas accordé

  8   un poids adéquat, suffisant, à ce siège : donc il s'agit du fait que la

  9   Chambre s'est occupée de ce siège dans la partie concernant la fixation de

 10   la peine du jugement, et quand on compare les peines imposées avec d'autres

 11   peines prononcées dans d'autres affaires qui impliquaient un siège.

 12   La Chambre n'a pas suffisamment analysé la gravité du siège. La Chambre de

 13   première instance n'a pas fait cela. Il a été dit : A Mostar, par exemple,

 14   le HVO a donc infligé des souffrances physiques et mentales à la population

 15   pendant des mois en les pilonnant et en utilisant des tirs isolés sur la

 16   partie de Mostar est qui était densément peuplée par les civils. Donc il y

 17   avait également des dommages provoqués sur les mosquées. Et dans cette

 18   partie de Mostar, la population de Mostar est vivait dans les conditions de

 19   pilonnage et de tirs isolés incessants en étant exposé à des menaces

 20   constantes et danger d'être tués ou blessés.

 21   La brutalité du siège est clairement démontrée dans un reportage

 22   documentaire de la BBC fait par Jeremy Bowen, qui était présent à Mostar

 23   est en août et en septembre 1993, pendant le temps où tous les appelants

 24   étaient membres de l'entreprise criminelle commune. Pièce P06365.

 25   Bowen a dit que Mostar est la ville qui est la ville la plus détruite, par

 26   rapport à Sarajevo et Vukovar; 34:56, 35:05.

 27   Je vous invite, Messieurs les Juges, à voir trois séquences vidéo

 28   maintenant qui montrent les conditions dans lesquelles était assiégée la


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  1   ville de Mostar est. Il s'agit aux fins du compte rendu d'audience, 1

  2   minute, 25 à 4 minutes, 05; séquence vidéo de 11 minutes, 20 à 12 minutes

  3   27; et 16 minutes, 36 à 17 minutes, 20.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Il n'y a plus d'endroits sûrs à Mostar est. On peut être tué ou mutilé

  7   n'importe quand à n'importe quel coin de rue. A moins de l'avoir vu soi-

  8   même, il est difficile de réaliser le peu de temps qu'il faut pour détruire

  9   une vie. En cette matinée qui s'annonçait tranquille, Franjo Pavlovic,

 10   Croate de naissance, a commis l'erreur de sortir pour réparer les dégâts

 11   causés par les obus. Son épouse, Raima, étant Musulmane, les Croates les

 12   ont chassés et contraints à traverser la ligne de front vers Mostar est en

 13   août. Il a eu au moins une chance. Un camion de pompier, le seul qui reste

 14   dans cette partie de Mostar, était à proximité. Peut-être allait-on pouvoir

 15   l'emmener à l'hôpital à temps. Rien avant la guerre n'avait préparé Mme

 16   Pavlovic à tout cela. Elle a 53 ans. Après son mariage, elle a travaillé

 17   comme comptable dans une agence de graphisme. Les derniers lambeaux de

 18   cette vie ont disparu quand son mari a été touché. Les rues étaient

 19   désertes et pas seulement à cause du pilonnage. Pendant la journée, il y a

 20   un couvre-feu de six heures pour protéger la population. L'hôpital n'était

 21   qu'à quelques minutes de là. Rien n'est loin à Mostar est.

 22   Le médecin n'a pas eu à l'examiner longtemps. M. Pavlovic était mort. Il

 23   avait été tué par un éclat d'obus dans la poitrine. Pour sa femme, le

 24   médecin a accompli les gestes usuels.

 25   'Vous ne l'avez pas encore examiné', dit-elle. 'S'il vous plaît, faites un

 26   effort.'

 27   Depuis l'explosion, il ne s'était écoulé que dix minutes. L'hôpital était

 28   prêt à accueillir les victimes suivantes."


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Les réfugiés ont commencé à arriver dans le no man's land.

  4   Il leur a dit de se dépêcher et de se mettre à couvert. Souvent, les

  5   Croates commencent à tirer après avoir contraint des Musulmans à quitter

  6   Mostar ouest en franchissant cette partie de la ligne de front. Fatima et

  7   Salin Matic venaient d'être chassés de chez eux par des Croates armés. M.

  8   Matic, qui a 72 ans, a réussi à enfiler trois chemises et à se saisir de

  9   deux parapluies avant de partir.

 10   Sa femme, âgée de 70 ans, était encore en chemise de nuit. Leur voisine de

 11   84 ans, Mme Almassa Humo, est arrivée quelques minutes plus tard.

 12   'Ne vous asseyez pas là,' lui a-t-on dit, 'ils pourraient vous tuer.'

 13   Même si cela importait encore à Mme Humo, elle n'avait plus la force de se

 14   déplacer toute seule."

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Les civils savent que leur seul espoir est de se prendre en main, de tenir

 18   jusqu'à la fin de la tuerie, de survivre à l'hiver. Mais comment éviter la

 19   pneumonie, la bronchite, et pire encore, quand on habite une maison dont le

 20   toit a été détruit par les obus ? Ces gens sont des réfugiés. Ils vivent

 21   dans des ruines, comme des milliers d'autres à Mostar est.

 22   Elle ne peut pas marcher. Elle gît sur un lit trempé dans des vêtements

 23   nauséabonds.

 24   'Que puis-je faire ? Soit je meurs, soit je continue à vivre comme ça.'"

 25   Mme GOY : [interprétation] Avec le siège de Mostar est, la mise en œuvre de

 26   l'entreprise criminelle commune a pris une nouvelle dimension. Les membres

 27   de l'entreprise criminelle commune ont ajouté les attaques illégales contre

 28   les civils, la terrorisation et la destruction de biens religieux aux


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  1   moyens criminels utilisés pour réaliser cet objectif.

  2   Les peines imposées montrent que la Chambre de première instance n'a pas

  3   accordé suffisamment de poids à ce siège infernal.

  4   Une autre indication que la Chambre de première instance n'a pas accordé le

  5   poids nécessaire aux pilonnages et tirs isolés incessants pendant le siège,

  6   si nous comparons avec les peines imposées dans les affaires contre

  7   Stanislav Galic et Dragomir Milosevic, ces deux derniers ont été condamnés

  8   à des peines d'emprisonnement de 29 ans respectivement pour avoir pilonné

  9   et lancé une campagne de tireurs isolés pendant le siège de Sarajevo.

 10   Et nous reconnaissons ici que les affaires de Galic et Dragomir Milosevic

 11   ne sont pas identiques à celles des intimés en l'espèce. Mais les attaques

 12   illégales contre les civils et la terrorisation pendant le siège, à la fois

 13   à Sarajevo et à Mostar, montrent qu'il y a suffisamment de similitudes pour

 14   permettre une comparaison. Galic et Dragomir Milosevic ont été condamnés à

 15   des peines d'emprisonnement à vie de 29 ans respectivement pour des crimes

 16   commis lors du siège de Sarajevo, notamment les attaques illégales et la

 17   terrorisation. En l'espèce, les crimes pour lesquels les intimés ont été

 18   déclarés coupables incluent les attaques illégales et la terrorisation

 19   pendant le siège de Mostar, mais le fondement des crimes est beaucoup plus

 20   important. Ceci comprend les travaux forcés illégaux et dangereux, même les

 21   meurtres lors des travaux forcés et lors des attaques contre des villes et

 22   des villages; ceci comprend la détention illégale dans des conditions

 23   terribles; ainsi que l'expulsion de dizaines de milliers de personnes.

 24   La comparaison avec les peines prononcées par ailleurs et la peine

 25   prononcée en l'espèce de 29 ans dans les affaires Galic et Dragomir

 26   Milosevic montre que les peines imposées par cette Chambre de première

 27   instance ne sont pas raisonnables.

 28   Ce qui me permet d'aborder la troisième caractéristique : le système


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  1   d'expulsion très organisé permettant de chasser les Musulmans de

  2   territoires revendiqués par les Croates sur l'ensemble du territoire de la

  3   BiH.

  4   En l'espèce, ce déplacement fonctionnait quasiment à la perfection, car ils

  5   avaient recours à un système organisé très efficace d'expulsion qui mettait

  6   à contribution un réseau de centres de détention. Les membres de

  7   l'entreprise criminelle commune ont arrêté et détenu des milliers de

  8   Musulmans. Ils ont été détenus dans des conditions fort difficiles, ils ont

  9   été maltraités, frappés, et ont fait l'objet de violences sexuelles ou de

 10   sévices. Pour échapper à des conditions épouvantables, les détenus devaient

 11   donner leur accord pour quitter l'Herceg-Bosna et la Bosnie-Herzégovine -

 12   souvent avec leurs familles - et leur remise en liberté était

 13   conditionnelle. Les Musulmans devaient quitter les territoires revendiqués

 14   par les Croates.

 15   Ce réseau de centres de détention constitue un aspect-clé de l'entreprise

 16   criminelle commune. Ceci se trouvait sur l'ensemble du territoire

 17   revendiqué par les Croates. Ceci comprenait l'Heliodrom à Mostar; les

 18   prisons de Dretelj et Gabela à Capljina; le camp de Vitina Otok; le centre

 19   de détention de Vojno; la prison de Ljubuski; ainsi que de nombreux autres

 20   centres que la Chambre a énumérés dans sa note de bas de page 1677 du tome

 21   4.

 22   Ce système d'expulsion par l'intermédiaire du réseau de centres de

 23   détention a été introduit à la fin du mois de juin 1993 [comme interprété],

 24   au moins lorsque tous les intimés étaient membres de l'entreprise

 25   criminelle commune; et c'est par l'intermédiaire de ce réseau que

 26   l'entreprise criminelle commune est devenue plus efficace. Confer tome 4,

 27   paragraphe 64. Par exemple, à Stolac, aucun des 8 000 Musulmans qui y

 28   vivaient ne sont restés. Les peines imposées laissent entendre que la


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  1   Chambre n'a pas accordé un poids adéquat à ce système maléfique.

  2   La quatrième caractéristique qui rend ces crimes particulièrement graves

  3   est l'utilisation généralisée des détenus pour mener des travaux forcés sur

  4   la ligne de front, ce qui était dangereux et illégal. Les membres de

  5   l'entreprise criminelle commune ont contraint des prisonniers de guerre,

  6   ainsi que des civils, souvent très jeunes, à accomplir des travaux forcés.

  7   Une des victimes n'avait que 13 ans. Tome 3, paragraphe 1510. Pendant dix

  8   mois, entre mai 1993 et mars 1994, les membres de l'entreprise criminelle

  9   commune ont contraint les détenus à construire ou réparer des

 10   fortifications militaires et des abris, à creuser des tranchées, à porter

 11   des caisses de munition fort lourdes, ou à aller chercher des corps et à

 12   les ensevelir, des corps de soldats. Tome 3, paragraphes 1501, 1503, 1505,

 13   1508, 1511, 1513 et 1522.

 14   Les victimes devaient accomplir des travaux forcés dans des conditions

 15   dangereuses; certaines personnes ont été blessées, d'autres voire même

 16   tuées. Ceci faisait partie du plan des membres de l'entreprise criminelle

 17   commune, et tous les intimés ont joué un rôle important dans la mise en

 18   œuvre de ce plan à différentes époques. La Chambre de première instance n'a

 19   pas accordé le poids nécessaire à ce recours généralisé aux travaux forcés.

 20   Pour conclure, quatre caractéristiques particulières mettent en lumière le

 21   caractère grave de ces crimes pour lesquels les intimés ont été déclarés

 22   coupables : leur ampleur, le siège infernal de Mostar est; un système très

 23   organisé d'expulsions; et l'utilisation généralisée et dangereuse des

 24   détenus pour accomplir des travaux forcés, qui étaient illégaux. Tous les

 25   intimés ont mis en place ce plan, qui ont permis, par ces moyens criminels,

 26   de réaliser la domination croate en Herceg-Bosna. Tous les intimés ont joué

 27   un rôle important dans sa mise en œuvre.

 28   Les peines imposées montrent que la Chambre de première instance ne


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  1   peut pas avoir accordé le poids nécessaire à la gravité des crimes ou à la

  2   forme ou au degré de participation des intimés. Si la Chambre avait accordé

  3   le poids nécessaire à ces facteurs, elle aurait imposé des peines entre 25

  4   et 40 ans d'emprisonnement : 40 ans pour Prlic, Stojic, Praljak et

  5   Petkovic; 35 ans pour Coric; et 25 ans pour Pusic.

  6   De telles peines seraient conformes aux conclusions de la Chambre de

  7   première instance sur la question de la gravité des crimes et ainsi que la

  8   forme et le degré de participation des intimés.

  9   Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 10   A moins que vous n'ayez des questions, ceci met un terme aux

 11   arguments de l'Accusation.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, nous allons maintenant commencer

 15   par les réponses, et c'est à vous, Maître Karnavas. Vous aurez une demi-

 16   heure.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 18   les Juges.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pardonnez-moi. Oui, une heure -- une

 20   demi-heure. Une demi-heure, 30 minutes.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour encore une fois. Le Dr Prlic

 22   souhaite présenter ses arguments. C'est lui qui va présenter ses arguments

 23   en réponse.

 24   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Messieurs les Juges, dans sa réponse,

 25   l'Accusation ne propose rien de nouveau s'agissant de son appel. Ceci

 26   comprend les arguments d'aujourd'hui. Par conséquent, nous maintenons tous

 27   nos moyens d'appel qui étaient fondés sur les quatre moyens d'appel de

 28   l'Accusation. Nous demandons à ce que ces moyens d'appel soient rejetés et,


Page 786

  1   en particulier, je pense en particulier aux paragraphes 74 et 185 et 243.

  2   Notre position doit être analysée au vu de tous les arguments

  3   présentés dans les mémoires en appel, mémoires en réponse et tous les

  4   arguments présentés par nos équipes de Défense.

  5   Vous avez sans doute remarqué que le terme le plus communément

  6   employé dans ce prétoire est le terme de "contexte" et de "puzzle". Un

  7   puzzle pour lequel différents éléments doivent être imbriqués les uns dans

  8   les autres. La même méthode a été utilisée lorsque le jugement a été rendu,

  9   ce qui a donné lieu à une omission de milliers de pages d'éléments de

 10   preuve et de témoins, dont la crédibilité a été remise en cause. Par

 11   exemple, dès le premier jour, nous avons entendu parler des réunions

 12   alléguées entre Tudjman et Prlic. Nous constatons que la première réunion

 13   s'est déroulée le 17 septembre 1993 et l'autre au mois de novembre 1993.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît.

 15   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] C'est quelque chose qui correspond très

 16   précisément ou c'est la définition même d'un puzzle. Et pour ce qui est de

 17   l'autre réunion, la seconde, pièce P6454, le Procureur a omis d'expliquer

 18   ce à quoi correspond l'Herceg-Bosna. C'est ce que je dis dès le premier

 19   jour. Page 34 :

 20   "En tant que république comprenant plus de 50 municipalités."

 21   Cependant, ils ont utilisé de nombreux autres termes pour nous nous

 22   présenter cet ensemble de territoires croates qui, d'après eux,

 23   correspondent à l'intention criminelle.

 24   "Encore une fois, le gouvernement au printemps dernier a présenté des

 25   conclusions ainsi que des transferts de brigades de différentes régions, ce

 26   qui comprend un déplacement de la population qui vivait dans ce secteur."

 27   Je souhaite poursuivre en disant qu'il s'agissait d'une question

 28   militaire et qui portait sur la concentration des forces; cependant, nous


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  1   avons fait valoir que chacun devait rester dans le secteur qui lui avait

  2   été alloué. Cette position est constatée dans les pièces P2881; P4208;

  3   P8155; 1D3032, page 535; et 1D2230, page 26; et 1D2224.

  4   Et il semblerait --

  5   Mme BAIG : [interprétation] Je souhaite vous interrompre. Nous avons une

  6   objection à soulever. Prlic répond à notre réponse de la semaine dernière,

  7   ce qui ne correspond pas à l'appel de l'Accusation d'aujourd'hui.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que le conseil de l'Accusation

  9   a raison.

 10   Est-ce que vous êtes ici en qualité d'avocat, Monsieur Prlic, ou pas ?

 11   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Nous étions d'accord sur le fait --

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, je vous ai posé une question. Est-

 13   ce que vous êtes un avocat professionnel ou pas ?

 14   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Non, je ne suis pas un juriste ni un

 15   avocat. J'ai enseigné, j'enseigne l'économie politique, et je voudrais

 16   qu'on m'autorise à terminer, j'apprécierais grandement.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas la question de

 18   savoir de vous autoriser à continuer. Il faut se conformer à la procédure

 19   en place. Et je vous ai demandé si vous étiez juriste et, à mes yeux, vous

 20   ne l'êtes pas. Donc étant donné que vous avez exprimé auprès de votre

 21   conseil la volonté de vous défendre par vous-même, dans un moment crucial

 22   de la procédure, je crois que vous devez aussi accepter de respecter les

 23   lois de procédure devant ce Tribunal. Autrement, je vais vous interrompre.

 24   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Monsieur le Président --

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Les choses doivent être tout à fait

 26   claires. Vous devez répondre aujourd'hui à ce que l'Accusation ou les deux

 27   conseils de l'Accusation ont dit aujourd'hui et non pas à ce qui a été dit

 28   la semaine passée. C'est de cela qu'il s'agit. La représentante de


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  1   l'Accusation a à très juste titre formulé son objection.

  2   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] J'ai déjà répondu au tout début de ce

  3   qui avait été dit ici. Et je vais dans la continuation parler de

  4   l'entreprise criminelle commune catégorie 3 par la suite. Et si vous me

  5   laissez terminer, vous allez voir que les arguments que je vais présenter

  6   seront appropriés. Du moins, c'est mon opinion.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est à vous de le faire, Monsieur

  8   Prlic, mais je vais vous interrompre si vous n'observez pas ou ne vous

  9   conformez pas aux règlements de ce Tribunal.

 10   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Il a été question aujourd'hui du déplacement de la population, et je vais

 12   continuer en croate.

 13   Cette proposition a été déterminée le 15 juin 1993 à l'occasion d'une

 14   session du HVO HZ HB, document 1D--L'INTERPRÈTE : Que l'interprète n'a pas

 15   saisi.

 16   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Il est proposé au commandant suprême

 17   Boban une réunion urgente de la présidence HZ HB, de la présidence HDZ et

 18   président des comités municipaux du HDZ pour l'organisation de la Défense

 19   des territoires croates. La présidence de la HZ HB et le commandant suprême

 20   du HVO ont reçu une proposition visant à demander une assistance militaire

 21   urgente de la part de la Croatie pour protéger les Croates de la Bosnie-

 22   Herzégovine. On propose à la présidence de la HZ HB et au commandant

 23   suprême du HVO de prendre une décision relative au retrait de la totalité

 24   des unités militaires de ce territoire, et cetera.

 25   Ceci est lié directement au moyen numéro 2 concernant la prétendue

 26   responsabilité en application du 7(3). Et vous voyez que ces trois phrases

 27   comportent le mot "propose". Pourquoi le HVO HZ HB propose ce type de

 28   conclusion ? Eh bien, avant les propositions déterminées du 9 au 13 juin,


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  1   il y a eu la chute de Travnik, ville principale avec majorité croate. Et

  2   d'après l'acte d'accusation, on était censé vouloir la nettoyer des

  3   Musulmans. Or, il y a eu 30 à 40 000 Croates d'expulsés. Et je parle ici

  4   des documents 1D1263, 1264, 2875, 2740, 2750.

  5   Les informations du département de la Défense à la session du HVO HZ

  6   HB et le document --

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Monsieur.

  8   Mme BAIG : [interprétation] Je m'excuse, une fois de plus. Nous sommes en

  9   train de parler du septième moyen d'appel de Prlic, ça ne fait pas partie

 10   de la réponse à l'appel interjeté par l'Accusation.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Mme Baig a une fois de plus

 12   raison.

 13   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Mais est-ce que je peux réagir.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, c'est un moment crucial pour vous.

 15   Vous avez pris la responsabilité sur vous-même de vous en occuper. Et

 16   plutôt que de vous concentrer sur ce à quoi vous êtes censé répondre

 17   aujourd'hui, c'est-à-dire aux allégations ou affirmations présentées

 18   aujourd'hui, vous êtes en train de parler de ce que votre avocat a déjà dit

 19   la semaine passée.

 20   Je vais vous interrompre donc. Je ne peux pas accepter que l'on ne conforme

 21   pas au Règlement de procédure et de preuve ici.

 22   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le

 23   Président. Mais je suis en train de répondre au moyen d'appel numéro 2, de

 24   l'appel de l'Accusation.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais vous avez déjà préparé cette

 26   réponse avant que d'être venu dans le prétoire. Je ne suis pas aveugle,

 27   vous l'avez écrit avant que de savoir ce que l'Accusation se proposait de

 28   dire.


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  1   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] L'Accusation n'a rien dit de nouveau.

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ah, bon ?

  3   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais vous vous exposez une fois de

  5   plus au risque d'être interrompu. Si j'entends encore une objection, je

  6   vais vous interrompre.

  7   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Mais vous n'allez entendre aucune

  8   objection, parce que c'est ce que je vais faire.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais si vous continuez dans le même

 10   sens, il y aurait des objections.

 11   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Je voudrais continuer, et vous allez

 12   voir que je vais parler du deuxième moyen d'appel de l'Accusation, et c'est

 13   une chose importante à dire. Cela se rapporte aux affirmations relatives à

 14   la responsabilité en application du 7(1) du Statut. Si je peux terminer ma

 15   phrase, j'estime que cela sera important. Et par la suite, je vais parler

 16   de l'entreprise criminelle commune.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Prlic, voici notre instruction

 20   définitive à votre intention. L'appel interjeté par l'Accusation est de

 21   façon générale basé sur l'entreprise criminelle commune catégorie 3 et sur

 22   la question relative à la peine prononcée. Vous ne pouvez parler que de

 23   cela, si vous parlez d'autre chose, je vais vous interrompre.

 24   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Bien, si je dois le faire ainsi, je

 25   vais le faire.

 26   Pourquoi a-t-on parlé de l'entreprise criminelle commune comme intention

 27   criminelle unifiée ? Ça a été la question posée ici, on n'a pas parlé de la

 28   jurisprudence relative à l'entreprise criminelle commune. On pourrait en


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  1   parler en long et en large, mais on a parlé des modalités de sa mise en

  2   œuvre, parce que la variante la plus librement interprétée ne serait être

  3   appliquée à ce cas de figure-ci. L'entreprise criminelle commune ne peut

  4   pas découler de l'intention criminelle seulement. On a vu quels ont été les

  5   ordres donnés par l'état-major, il n'y a pas d'ordre de donner pour ce qui

  6   est de l'attaque à lancer par le HVO pendant toute cette période. Et cet

  7   ordre d'attaquer ne signifierait rien du tout parce que chaque opération

  8   militaire pourrait comporter une responsabilité pour celui qui a donné

  9   l'ordre. Il faut qu'il y ait une intention criminelle qui doit être

 10   déterminée à partir des circonstances, mais au-delà de tout doute

 11   raisonnable --

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Prlic, je me dois de vous

 13   interrompre une fois de plus. Ce que vous êtes en train de nous dire ne

 14   sera pas pris en considération, parce qu'il n'est pas question d'entreprise

 15   criminelle commune catégorie 3.

 16   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Mais j'y arrive.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passez à l'entreprise criminelle

 18   commune, nous ne sommes pas des Juristes en perfectionnement professionnel.

 19   Nous sommes en train de parler de l'entreprise criminelle commune catégorie

 20   3, et de la peine prononcée. Et c'est de cela qu'il faut parler.

 21   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] J'ai deux phrases à dire.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, attendez. Attendez. Vous ne pouvez

 23   pas faire les choses comme vous le voulez, Monsieur Prlic. Nous sommes cinq

 24   ici à diriger l'orchestre. Faites comme on vous dit de faire ou je vais

 25   vous demander de vous rasseoir. Un point, c'est tout.

 26   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Lorsqu'il s'agit d'une entreprise

 27   criminelle qui se base sur une idée politique, comment parler d'entreprise

 28   criminelle commune catégorie 3 avec des normes contestables de probabilité


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  1   si l'on ne satisfait pas aux éléments principaux ou essentiels de

  2   l'entreprise criminelle commune catégorie numéro 1 ? On arrive à un

  3   précédent dangereux. On peut accuser d'entreprise criminelle commune le

  4   président ou n'importe qui d'autre, pour ce qui est d'envoyer des soldats à

  5   la guerre, et quand bien même quelqu'un comme moi n'étais pas partie

  6   intégrante de la chaîne de commandement. Je parle ici du paragraphe 106 du

  7   témoin --

  8   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

  9   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Alors cette prétendue intention

 10   criminelle aurait été l'obsession prétendue de Tudjman par la Banovina. Et

 11   quoi qu'on dise ou fasse, il y a tout de suite disqualification en termes

 12   de politique à double sens. Et cela aurait été donc un appui inconditionnel

 13   apporté par la Croatie aux Croates de Bosnie dans leur lutte contre les

 14   Musulmans.

 15   Et pour répondre à votre question numéro 5, on parle d'intention

 16   criminelle. On parle de transcription présidentielle pour parler d'un

 17   puzzle. Si on veut chercher la cohérence des positions prises par Tudjman

 18   qui se trouve être à l'origine de la question numéro 5, je disais ce qu'il

 19   a dit dans un cercle d'initiés pour ce qui est de différents sujets

 20   importants dans l'affaire qui nous concerne, à l'opposition des citations

 21   arrachées à leur contexte qu'on nous a lues ici et qui ont servi de base

 22   pour ce qui est de la détermination d'un prétendu objectif politique

 23   criminel de l'entreprise criminelle commune.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je dois vous interrompre, une

 25   fois de plus, Monsieur Prlic. Peut-être s'agit-il ici de votre

 26   méconnaissance de la procédure juridique. Et bien que vous ayez dit que

 27   vous alliez passer tout de suite à l'entreprise criminelle commune

 28   catégorie 3, vous êtes en train de nous donner une leçon d'histoire. Nous


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  1   ne sommes pas intéressés par cela. Ce qui nous intéresse, c'est les

  2   éléments de l'entreprise criminelle commune catégorie 3 qui ont été avancés

  3   par l'Accusation, et je voudrais entendre vos contre-arguments. Tout le

  4   reste, vous pouvez l'emmener chez vous.

  5   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Je voudrais dire seulement qu'il

  6   ne peut pas y avoir une entreprise criminelle commune catégorie 3, sans

  7   qu'il y ait catégorie 1.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais vous l'avez déjà dit, cela.

  9   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Mais la chose n'est pas élaborée.

 10   Je dois étayer mes thèses. C'est une réponse directe à l'intervention du

 11   bureau du Procureur d'aujourd'hui. S'il est possible d'utiliser mon temps,

 12   j'apprécierais grandement, si je n'en ai pas la possibilité, je vais me

 13   rasseoir et c'est bon. J'estime qu'il est important de dire que si vous

 14   voulez avoir la totalité des éléments en partant desquels vous pouvez

 15   rendre une décision, tant mieux. J'essaie d'aider les Juges de la Chambre,

 16   et rien d'autre.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais vous n'êtes pas en train de vous

 18   aider vous-même, Monsieur Prlic.

 19   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai pris sur

 20   moi le risque en question j'ai l'intention de dire ce que j'avais

 21   l'intention de dire. Je suis pleinement conscient de ce fait, les 20

 22   minutes en question ne signifient pas grand-chose. Mais si vous décidez

 23   autrement, je ne peux que me conformer à votre décision.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon, allez-y.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Prlic, le Président de la

 26   Chambre essaie de vous aider, il a dit qu'il aurait été beaucoup plus utile

 27   et plus dans votre intérêt de demander à votre avocat d'en parler.

 28   Vous avez encore quelques minutes à votre disposition et je suis disposé à


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  1   vous accorder cinq minutes pour le faire mais vous n'êtes pas en train

  2   d'intervenir dans votre intérêt.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Karnavas, ne me dites pas que

  4   vous ne vous êtes pas préparé.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, dans mes 35 ans de

  6   carrière de juriste, je n'ai jamais été en prétoire sans préparation. Mais

  7   est-ce que je peux savoir de combien de temps je puis disposer ?

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez 12 ou 13 minutes, si je ne me

  9   trompe pas.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Etant donné que je ne vais pas pouvoir

 11   utiliser les 13 minutes avant la pause, est-ce que nous pourrions à présent

 12   prendre la pause. Pour moi cela n'importe que peu. Je puis commencer

 13   maintenant et faire la pause ensuite, mais je m'en remets à vous.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y maintenant.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, je

 17   vais être bref, très bref.

 18   L'Accusation aujourd'hui a avancé un certain nombre de choses

 19   intéressantes. D'abord, ils ont dit que l'échelle des omissions n'a pas été

 20   égalée jusqu'à présent. Je crois que cela est tout à fait inacceptable

 21   comme affirmation. Ils ont aussi dit que la Chambre de première instance

 22   avait pour mission de rendre des jugements sur tous les éléments de l'acte

 23   d'accusation. Je ne peux pas être plus d'accord que cela. Mais n'ont-ils

 24   pas la responsabilité aussi d'évaluer la totalité des éléments de preuve ?

 25   N'ont-ils pas pour mission de rendre des opinions sur des raisonnements

 26   avancés ? Et si vous vous penchez sur leur mémoire, vous allez voir que

 27   cela a fait l'objet de toute la présentation d'aujourd'hui. Vous allez voir

 28   qu'à plusieurs endroits, ils ont avancé une chose, à savoir que la Chambre


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  1   de première instance a limité la portée des éléments de preuve qu'elle a

  2   considérée comme pertinente. Donc elle s'est trompée en procédant à une

  3   compartimentalisation [phon] des éléments de preuve, arguant que les

  4   éléments de preuve avaient été appréciés isolément, et qu'il faut apprécier

  5   l'ensemble des éléments de preuve. Cela se retrouve également dans leur

  6   mémoire - et pour une raison ou pour une autre - lorsque la Chambre de

  7   première instance est arrivée à cette partie du jugement, eh bien, il n'y a

  8   plus eu d'argument avancé par l'Accusation. Cet argument, et tout le reste,

  9   n'a pas été apprécié de façon adéquate; c'est l'argument de l'Accusation.

 10   Il n'y a pas eu prise en compte dans les constatations des éléments de

 11   preuve pertinents, et cetera, et cetera.

 12   Et ma question, Messieurs les Juges, est la suivante : n'est-ce pas ce que,

 13   nous, nous disons depuis le début ? N'est-ce pas ce que, nous, nous faisons

 14   valoir depuis le début s'agissant du jugement et de ces constatations ?

 15   L'Accusation nous dit aujourd'hui : Bien, l'accusé Jadranko Prlic et les

 16   autres ont commis tous ces crimes, ils étaient prévisibles, et la Chambre

 17   de première instance n'a simplement pas étudié et apprécié tous les

 18   éléments de preuve. Et donc il y a eu division, séparation des différents

 19   éléments. La Chambre de première instance n'a pas fait son travail et n'a

 20   pas apprécié, comme il se doit, ces éléments de preuve.

 21   Nous, de notre côté, Messieurs les Juges, aujourd'hui ce que nous avançons,

 22   c'est que tout cela était fondé. Cet argument est fondé tout comme notre

 23   argument selon lequel, si l'on regarde tous les éléments de preuve, la

 24   Chambre de première instance n'a pas ou s'est contentée de sélectionner ce

 25   qu'elle pensait être pertinent par rapport à la version des événements et à

 26   la ligne qu'elle s'était fixée. Nous n'acceptons pas l'idée selon laquelle

 27   la Chambre de première instance aurait pu ne pas apprécier comme il se doit

 28   les éléments de preuve au regard de l'entreprise criminelle commune de


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  1   troisième catégorie. Je pense que la Chambre de première instance était

  2   perdue dans la masse d'éléments de preuve présentés. La Chambre était

  3   perdue parce que l'Accusation avait un acte d'accusation beaucoup trop

  4   large dans lequel elle a essayé de faire un fourre-tout et mettre en

  5   accusation les accusés comme s'ils avaient été omniprésents et omnipotents.

  6   Si vous regardez nos arguments concernant la peine, et je pense qu'ils se

  7   retrouvent aux paragraphes 185 à 248 de notre réponse, nous traitons de la

  8   question de la peine à ces paragraphes-là. Et l'Accusation a fait valoir

  9   que la peine infligée était beaucoup trop légère compte tenu de la gravité

 10   des événements, et cetera, et cetera. Nous ne minimisons absolument pas la

 11   tragédie humaine en l'espèce. Nous ne minimisons pas le fait qu'il y a eu

 12   énormément de pertes humaines, de destructions de traitements inhumains.

 13   Mais si vous regardez ces paragraphes, Messieurs les Juges, les paragraphes

 14   de notre mémoire en réponse, nous passons par le menu chaque élément

 15   renvoyant à la responsabilité et aux pouvoirs qu'avait l'accusé Prlic. Nous

 16   avons essayé d'expliquer pourquoi, à la Chambre d'appel, comment le HZ HB

 17   fonctionnait, quelles étaient les responsabilités engagées, quelle était

 18   l'intention. Cela ne veut pas dire que des crimes n'ont pas été commis.

 19   Mais l'objectif de ce procès est de déterminer qui est responsable des

 20   crimes et qui doit être jugé pour ces crimes.

 21   Et nous faisons valoir, Messieurs les Juges, que dans tout ce procès, la

 22   Chambre de première instance a commis une erreur. Pas seulement comme

 23   l'Accusation le fait valoir pour certaines parties mais pour la totalité du

 24   jugement. Dans la totalité du jugement, il n'y a pas eu une appréciation

 25   adéquate des éléments de preuve à disposition. Et nous faisons valoir que

 26   dans le cadre d'une procédure dûment menée, l'égalité des armes doit

 27   prévaloir - et je vous renvoie aux ressources à disposition, la façon dont

 28   l'affaire a été jugée et, la façon dont ces éléments de preuve ont été


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  1   appréciés. Au fond, la Chambre de première instance n'a pas apprécié, comme

  2   il se doit, les éléments de preuve, je le répète. Et là-dessus, nous

  3   concordons avec l'Accusation. Nous voulons que ces éléments de preuve

  4   soient appréciés avec un œil critique. Et regardez ce que nous avons. On

  5   nous rabâche sans cesse que les carnets de Mladic devraient être appréciés

  6   à leur juste valeur. Bon, cela n'a pas été soulevé aujourd'hui mais je

  7   pense que c'est un fil conducteur dans la réponse. Eh bien, regardons le

  8   moyen d'appel numéro 5, regardons notre réplique. Et malgré l'opinion

  9   raisonnée du Juge Antonetti ou la décision raisonnée de son analyse, selon

 10   laquelle 38 des 40 carnets de Mladic devraient être appréciés, cela n'a pas

 11   été fait. Mon confrère, M. Stringer, a déclaré que la majorité s'était

 12   prononcée en défaveur de tout cela. Et aujourd'hui l'Accusation nous dit

 13   que : La Chambre de première instance avait regardé les choses en dehors du

 14   contexte s'agissant de l'ECC de troisième catégorie. Nous, nous affirmons

 15   que la Chambre l'a fait aussi pour l'entreprise criminelle commune de

 16   première catégorie et pour tous les arguments qui ont été soulevés par la

 17   Défense.

 18   Et, je pense qu'il ne faut pas mélanger les pommes et les poires ici,

 19   Messieurs les Juges. Ne regardons pas uniquement un morceau de l'histoire.

 20   Je ne veux pas abuser de votre temps, vous avez les mémoires. Je ne

 21   vais pas revenir sur tout ce qui a été présenté dans les mémoires, mais je

 22   pense qu'il est nécessaire d'insister sur certains éléments et de vous dire

 23   exactement pourquoi la Chambre de première instance n'a pas apprécié les

 24   choses à leur juste valeur. Alors, dans ce cas-là, nous, nous avançons que

 25   pour la majorité, en particulier, la Chambre de première instance n'a pas

 26   fixé le bon objectif dès le départ, et qu'elle s'est fourvoyée en chemin

 27   pour cette raison.

 28   Je pense qu'il y a des transparents qui sont disponibles.


Page 798

  1   J'en ai deux. Je ne veux pas vous donner l'impression que les Juges

  2   n'ont pas fait preuve d'équité dans cette affaire, et je voudrais à cet

  3   égard revenir sur l'un des arguments soulevés par Me Khan. Il avait déclaré

  4   qu'à un moment, les Juges, en particulier la majorité aurait --

  5   Mme BAIG : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Madame Baig ?

  7   Mme BAIG : [interprétation] Vous semblez revenir sur des moyens d'appel qui

  8   sont hors sujet pour aujourd'hui, et nous aimerions soulever une objection.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Qu'avez-vous à dire ?

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Eh bien, l'Accusation s'est plainte toute la

 11   matinée et a dit que pour une raison ou l'autre, s'agissant des éléments de

 12   preuve portant sur l'ECC de troisième catégorie, la totalité des éléments

 13   de preuve n'a pas été pris dans leur ensemble. Je pense que j'ai le droit

 14   de démonter cet argument de la même façon que l'Accusation a démonté les

 15   nôtres, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, oui, mais attendez. Attendez,

 17   attendez.

 18   Ce n'est pas parce qu'ils se sont trompés que vous pouvez faire la même

 19   chose. Vous avez déjà été clair concernant les constatations et les

 20   conclusions de la Chambre de première instance. Nous avons bien compris ce

 21   que vous vouliez dire. Vous aviez du temps. Vous avez décidé de laisser une

 22   partie de ce temps à votre client. A vous de voir si c'était l'utilisation

 23   la plus intelligente de ce temps. Ce que nous attendons de vous

 24   aujourd'hui, cela étant, c'est de nous dire si Mme Baig et ses collègues

 25   ont eu raison de présenter ces arguments aujourd'hui.

 26   Et ce que j'entends ici, c'est que la Chambre de première instance -- en

 27   tout cas c'est ce que vous remâchez, la Chambre de première instance n'a

 28   pas apprécier les éléments de preuve comme il le fallait. Non. Concentrez-


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  1   vous sur les arguments présentés aujourd'hui.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Eh bien, je pense qu'il serait difficile de

  3   croire, Monsieur le Juge, que l'Accusation aurait eu l'audace de suggérer

  4   que la Chambre de première instance n'a été inéquitable que par rapport à

  5   l'Accusation et pas par rapport à la Défense. Je pense qu'il est tout à

  6   fait possible et crédible de suggérer que ce n'est que lorsque la Chambre

  7   de première instance s'est penchée sur certains moyens d'appel à apprécier

  8   au regard de l'ECC de troisième catégorie, qu'elle a adopté cette

  9   séparation, cette approche séparée et qu'elle a décidé de ne pas apprécier

 10   les éléments de preuve dans leur ensemble. Nous faisons valoir, compte tenu

 11   de cela, que ce que l'Accusation avance n'est pas totalement vrai et qu'en

 12   fait, pour la totalité du jugement, la Chambre de première instance a

 13   procédé de la sorte.

 14   Et ce que mon client, M. Prlic, essayait de vous dire s'agissant de

 15   l'ECC de troisième catégorie, c'est que si vous regardez le rôle qu'il

 16   jouait et les fonctions qu'il avait à l'époque et si vous regardez les

 17   faits qui ont été présentés, vous constaterez que même pour l'entreprise

 18   criminelle commune de première catégorie, l'appréciation n'a pas été la

 19   bonne et que, partant, c'est la même chose pour l'entreprise criminelle

 20   commune de troisième catégorie. Donc, pour contrer les arguments de l'ECC

 21   de troisième catégorie qui ont été soulevées aujourd'hui, nous voulions

 22   élargir les choses et dire que cela était valable pour la totalité du

 23   jugement et que M. Prlic n'a absolument pas participé à une entreprise

 24   criminelle commune, d'une façon ou d'une autre, quelle qu'ait été la

 25   catégorie. Regardez les responsabilités qui sont imputées à mon client.

 26   Regardez l'analyse de la Chambre de première instance, l'analyse des faits,

 27   conclusions de la Chambre disant qu'il y avait une responsabilité, une

 28   filière hiérarchique, et cetera, et vous verrez que c'est ce que mon client


Page 800

  1   essayait de vous dire.

  2   Donc, nous apprécions grandement, Messieurs les Juges, le temps que

  3   vous nous avez donné et nous vous présentons nos excuses si nous n'avons

  4   pas été dans les clous.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons à 11 heures

  6   45.

  7   --- L'audience est suspendue à 11 heures 10.

  8   --- L'audience est reprise à 11 heures 44.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, maintenant, c'est l'équipe de la

 10   Défense de M. Stojic. Vous avez 30 minutes à votre disposition.

 11   Mme NOZICA : [interprétation] C'est notre consultant juridique, Aidan

 12   Ellis, qui va donc présenter la réplique de notre équipe de la Défense, la

 13   réplique à l'appel de l'Accusation.

 14   M. ELLIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 15   Juges. Pour ce qui est de notre réplique à l'appel de l'Accusation, nous

 16   n'affirmons pas que le jugement de première instance est parfait. Nous ne

 17   pouvons pas affirmer cela puisque, nous aussi, nous avons dit qu'il y a

 18   beaucoup d'erreurs dans ce jugement. Vous avez dû remarquer dans notre

 19   mémoire d'intimé que certains points qui étaient clairs pour ce qui est des

 20   erreurs, mais malgré ces erreurs, nous disons que l'Accusation n'a pas

 21   réussi à écarter le doute raisonnable concernant la culpabilité de Stojic

 22   par rapport aux moyens d'appel 1, 2, et certains aspects du moyen d'appel

 23   3; ils n'ont pas montré non plus que la peine d'emprisonnement d'une durée

 24   de 20 ans prononcée à l'encontre de Stojic n'est pas équitable ou

 25   raisonnable. Nous maintenons nos arguments concernant ces moyens d'appel.

 26   Nous avons répondu à tous les aspects du moyen s'appel numéro 1 de

 27   l'Accusation concernant la troisième catégorie de l'entreprise criminelle

 28   commune. Lorsqu'on applique le critère juridique correct sur les


Page 801

  1   conclusions formulées par la Chambre de première instance, on peut voir que

  2   l'Accusation n'a pas réussi à écarter le doute raisonnable que les crimes

  3   étaient prévisibles pour Stojic. Par conséquent, la Chambre de première

  4   instance n'a pas commis une erreur en prononçant des déclarations

  5   d'acquittement et de novo une déclaration de culpabilité ne devrait pas

  6   être prononcée.

  7   Je vais passer maintenant au point concernant le droit, puisqu'il n'y a pas

  8   une grande différence entre l'Accusation et la Défense concernant cette

  9   question-clé. L'Accusation soumet que la Chambre de première instance a

 10   commis une erreur en appliquant le critère concernant la probabilité et la

 11   possibilité, puisqu'il a été défini par la Chambre d'appel que ce n'est pas

 12   le critère concernant la probabilité qu'il faut appliquer; il ne s'agit pas

 13   de la question concernant la pure probabilité. Il s'agit de la

 14   prévisibilité. Il est important de dire que l'accusé a été condamné pour ce

 15   qui est des crimes qui n'entrent pas dans l'objectif criminel commun pour

 16   ce qui est des crimes entrant dans la troisième catégorie de l'entreprise

 17   criminelle commune. Et pour ce qui est du critère de prévisibilité, ce

 18   critère doit être appliqué par rapport au fait que partager l'intention

 19   commune, cela pourrait entraîner la culpabilité pour tous les crimes qui

 20   ont été commis par la suite. Donc, le critère raisonnable et censé est le

 21   critère établi par les Chambres d'appel.

 22   Ce matin, l'Accusation a cité le paragraphe 18 pour ce qui est de l'affaire

 23   Sainovic concernant le critère par rapport à la troisième catégorie de

 24   l'entreprise criminelle commune. Il y a un degré de prévisibilité, mais ce

 25   critère n'est pas aussi élevé que le critère concernant la probabilité et

 26   n'est pas aussi bas par rapport au critère concernant la possibilité.

 27   Pour ce qui est de tous les détails qui figurent dans notre mémoire

 28   d'appel, nous ne voudrions que parler de deux points. D'abord, concernant


Page 802

  1   des localités pertinentes, la Chambre d'appel devrait rejeter tous les

  2   aspects du moyen d'appel numéro 1 de l'Accusation; et les documents sur

  3   lesquels l'Accusation s'est appuyée ne sont pas suffisants pour écarter le

  4   doute raisonnable concernant la culpabilité de Stojic. Lorsque je fais

  5   référence à certains "incidents" ou à certains "événements", je fais

  6   référence aux événements indiqués dans des tableaux de l'Accusation, pages

  7   53 à 57 de leur mémoire d'appel.

  8   Nous considérons que certaines localités sont importantes pour cette

  9   affaire, vu l'ampleur des faits incriminés qui sont reprochés dans l'acte

 10   d'accusation. Parce qu'il y a beaucoup de différentes localités où les

 11   crimes ont été commis pendant une période de plusieurs mois, ce qui peut

 12   être prévisible à un accusé, à une localité, à un moment donné, n'est pas

 13   nécessairement prévisible à d'autres accusés, plusieurs mois plus tard, à

 14   une localité éloignée. Il semble qu'il y ait un degré d'accord entre les

 15   parties concernant cette question. Dans la réponse consolidée de

 16   l'Accusation, au paragraphe 12, il a été accepté que les éléments

 17   concernant les localités particulières ne sont pas pertinents. Ce qui est

 18   important n'est pas de dire que Stojic devait contribuer à la commission

 19   des crimes dans chaque municipalité. L'essentiel ici est d'identifier la

 20   connaissance dont disposaient les accusés concernant le degré de

 21   vulnérabilité particulière d'une certaine population ou si les accusés

 22   savaient de quelles unités en particulier il s'agissait. Et pour ce qui est

 23   du jugement concernant la troisième catégorie de l'entreprise criminelle

 24   commune, à savoir que les conclusions s'appuient sur les connaissances de

 25   Stojic concernant beaucoup de localités sont limitées, et c'est pour cela

 26   nous vous invitons à prononcer des déclarations différentes par rapport à

 27   sa culpabilité.

 28   L'Accusation vous a invités à prononcer une déclaration de culpabilité


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  1   concernant la troisième catégorie de l'ECC par rapport à deux événements

  2   quant au meurtre et un événement quant à l'appropriation des biens. Quelles

  3   étaient les conclusions de la Chambre de première instance concernant le

  4   rôle de Stojic par rapport aux crimes commis dans cette municipalité ou par

  5   rapport à ses connaissances personnelles concernant les opérations qui ont

  6   été menées ? Nous disons qu'il n'en savait rien. Et dans de telles

  7   circonstances, nous soutenons qu'il n'était pas possible de prononcer

  8   d'autres déclarations de culpabilité par rapport à cette municipalité.

  9   Il y a beaucoup d'autres exemples, Monsieur le Président, Messieurs les

 10   Juges. A Prozor, où l'Accusation vous a invités à prononcer six nouvelles

 11   déclarations de culpabilité pour ce qui est des événements aux numéros 1,

 12   14 jusqu'à 16, ensuite 21 et 24. Dans la partie du jugement où il est

 13   question de la responsabilité de Stojic par municipalité, c'est seulement

 14   au paragraphe 329 du tome 4 où il est dit quelque chose par rapport à

 15   Prozor. C'est seulement dans ce paragraphe-là. Vous allez souvenir de cette

 16   conclusion factuelle concernant le transparent que nous avons fait montrer

 17   mardi. C'était le dernier transparent. Il s'agit d'un rapport, c'est P3418,

 18   le rapport qui a été reçu par deux accusés. Mais la Chambre de première

 19   instance a formulé des conclusions opposées par rapport à leur connaissance

 20   en s'appuyant sur ce document. Il faut comparer cela avec le paragraphe 329

 21   et paragraphe 799 du tome 4.

 22   Mis à part cette conclusion déraisonnable, il n'y a pas d'autre conclusion

 23   concernant les connaissances de Stojic par rapport aux circonstances qui

 24   prévalaient à Prozor à l'époque où ces crimes pour lesquels il a été accusé

 25   se sont passés. De même, pour ce qui est des conclusions factuelles

 26   concernant Vares, tome 4, paragraphe 380, même lorsqu'on accorde le plus

 27   grand poids à ces conclusions, Stojic était au courant de cela, beaucoup de

 28   temps, beaucoup de jours après la commission de ces crimes.


Page 804

  1   Ici, aujourd'hui, on a entendu l'affirmation selon laquelle vous êtes

  2   en mesure de prononcer de nouvelles déclarations de culpabilité concernant

  3   l'entreprise criminelle commune sans avoir tenu compte des conclusions

  4   factuelles ou le contexte. Et nous considérons que c'est une approche

  5   erronée. Et nous disons que faire cela exigerait, pour ce qui est de la

  6   Chambre d'appel, d'examiner les conclusions factuelles par rapport aux

  7   connaissances de l'accusé concernant toutes les municipalités. Mais il n'y

  8   a pas de bases factuelles nouvelles sur lesquelles on pourrait s'appuyer

  9   pour prononcer de nouvelles déclarations de culpabilité. Nous considérons

 10   que cela traduit des moyens de preuve factuels qui ont été versés au

 11   dossier et qui portent sur les connaissances de Stojic pour ce qui est des

 12   circonstances dans ces municipalités.

 13   Donc, ces crimes ne pouvaient pas être prévus par Stojic. Et donc,

 14   prononcer une nouvelle déclaration de culpabilité serait fatal pour ce qui

 15   est du moyen d'appel numéro 1, puisque ces documents et ces conclusions sur

 16   lesquels la Chambre s'est appuyée pour formuler cette conclusion ne sont

 17   pas suffisants pour établir le fait que ces crimes étaient prévisibles pour

 18   Stojic.

 19   Il y a une erreur commise par l'Accusation à répétition. Il s'agit de

 20   documents qui ont été envoyés par le département de la Défense et ils

 21   affirment que Stojic était au courant de la teneur de ces documents. Mais

 22   cela n'est pas une conclusion qu'on peut formuler nécessairement pour ce

 23   qui est de ces documents, puisque le département de la Défense avait ces

 24   secteurs. Il ne s'agissait pas d'une institution administrative de petite

 25   envergure. Il y avait également des départements chargés de la protection

 26   civile, de la sécurité ou morale, de l'approvisionnement. Et à la tête de

 27   chacun de ces secteurs, il y avait un adjoint du directeur qui assumait la

 28   responsabilité pour ce qui est du travail de ce secteur. Tome 1, paragraphe


Page 805

  1   540.

  2   Il y a des moyens de preuve montrant ce qui se passait lorsque le

  3   département de la Défense recevait un document, puisqu'au sein du

  4   département de la Défense, des documents reçus revêtaient un tampon et ce

  5   n'est pas surprenant, puisque beaucoup d'organes administratifs procèdent

  6   de la même façon. Compte rendu d'audience page 36247, lignes 2 à 21.

  7   Parfois, j'avais des difficultés pour distinguer ces différents

  8   tampons figurant sur des différents documents, mais pour ce qui est de la

  9   pièce P1880, vous pouvez voir qu'il s'agit d'exemples d'un document qui a

 10   un tampon pour confirmer que c'est le département de la Défense qui l'a

 11   reçu. Il n'y a pas d'autres indices qui pourraient nous emmener à la

 12   conclusion qu'il y avait d'autres destinataires de ce document.

 13   Mais par rapport à beaucoup de documents sur lesquels s'appuie

 14   l'Accusation, il n'y a pas de moyens de preuve ni de conclusions disant que

 15   Stojic les avait réellement vus. Au paragraphe 24 de la réplique de

 16   l'Accusation où ils ont introduit la pièce P1915 en tant que moyen de

 17   preuve disant que le département de la Défense a été informé des

 18   préparatifs pour lancer l'opération à Jablanica en avril 1993. Il n'y a pas

 19   de document indiquant que c'est le département de la Défense qui l'a reçu.

 20   Le tampon, sur l'original du document que vous pouvez voir, concerne

 21   l'état-major principal et je suppose que c'est la raison pour laquelle la

 22   Chambre de première instance a conclu dans ce cas particulier que ce

 23   document a été reçu par l'état-major principal. Tome 4, paragraphe 714.

 24   Mais il n'y avait pas de conclusion équivalente disant que le département

 25   de la Défense l'a vu en fait. La Chambre de première instance a établi au

 26   tome 4, paragraphe 441 que Stojic a été informé des opérations du HVO à

 27   Jablanica après que ces opérations avaient eu lieu, ce qui évidemment n'est

 28   pas conforme concernant le fait de s'appuyer sur la pièce P119. Il y a


Page 806

  1   d'autres commentaires également qui peuvent être appliqués ici concernant

  2   les pièces P4161, P648, P4177, P2063, pour ne citer que quatre exemples.

  3   Ces documents n'ont pas été adressés à Stojic en personne. Il n'y a pas de

  4   tampon sur ces documents qui indique qu'il s'agit de département de la

  5   Défense. Il n'y a pas de témoin qui aurait déposé que ces documents lui ont

  6   été transmis.

  7   Donc la Défense a essayé d'aider le Tribunal en indiquant le registre

  8   du département de la Défense dans lequel tous ces documents seraient

  9   indiqués. Mais malheureusement, nous n'avons pas réussi à retrouver ce

 10   registre. Donc, vous pouvez voir dans le document 2D1399 que nous avons

 11   déployé les efforts pour retrouver ce document.

 12   Et vu l'absence de ce document, on voit qu'en fait l'Accusation s'est

 13   appuyée sur d'autres documents. Il n'y a qu'un seul document dont la date

 14   est la date qui concerne une période après un nombre d'incidents, et cela

 15   par rapport aux meurtres et aux homicides intentionnels en détention. C'est

 16   la pièce P3452, P4161 datée du mois d'août 1993. Mais l'Accusation a invité

 17   la Chambre d'appel de prononcer des déclarations de culpabilité pour les

 18   meurtres survenus en détention et qui ont commencé avec l'incident 2 en

 19   avril 1993, à savoir quatre mois avant cela. Et seulement une partie d'un

 20   autre incident a été commis à la date indiquée dans la pièce P4352.

 21   Pour ce qui est de cette partie du moyen d'appel numéro 1, pour

 22   chacun des crimes reprochés, l'Accusation s'est appuyée sur un petit nombre

 23   de documents pour prouver que Stojic était au courant du fait que ces

 24   crimes pouvaient être perpétrés. Mais si vous excluez ces documents, les

 25   documents pour lesquels on ne peut pas établir que Stojic les aurait vus,

 26   vous devez exclure les moyens de preuve concernant P1351 par rapport à

 27   Gornji Vakuf. Nous soutenons que ces documents ne sont pas suffisants pour

 28   écarter le doute raisonnable concernant le fait que les crimes étaient


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  1   prévisibles à Stojic et que ce moyen d'appel numéro 1 de l'Accusation doit

  2   être rejeté.

  3   Maintenant, je passe au moyen d'appel numéro 4 pour ce qui est de la

  4   peine prononcée.

  5   Au début de cette audience en appel, Monsieur le Président, vous avez

  6   rappelé les parties qu'il ne s'agit pas d'un nouveau procès, que les

  7   parties doivent s'abstenir de réitérer des arguments présentés au procès.

  8   L'Accusation et l'appel de l'Accusation concernant le prononcé de la peine,

  9   ils constituent justement la présentation des arguments déjà présentés lors

 10   du procès. L'Accusation continue à demander une peine de 40 ans

 11   d'emprisonnement pour Stojic; c'est exactement la peine d'emprisonnement

 12   que l'Accusation a demandé au procès. C'est exposé au paragraphe 182 de

 13   notre réplique. Beaucoup d'arguments écrits de l'Accusation ainsi que

 14   d'autres arguments oraux présentés ici ressemblent aux arguments présentés

 15   lors de l'audience en clôture, lors de réquisitoires et plaidoiries.

 16   Nous considérons que l'Accusation n'a pas identifié l'erreur dans

 17   l'approche de la Chambre concernant le prononcé de l'appel, la Chambre n'a

 18   pas imposé la peine que l'Accusation a demandé, ne veut pas dire qu'il

 19   s'agit d'une erreur. Le critère a été établi pour un appel similaire de

 20   l'Accusation dans l'affaire Galic, et la majorité a conclu dans cette

 21   affaire aux paragraphes 455 et 456 que la Chambre d'appel ne devrait

 22   intervenir que dans le cas où la Chambre de première instance a imposé une

 23   peine à tel point déraisonnable ou pas équitable pour conclure que la

 24   Chambre de première instance donc n'a pas exercé de façon correcte son

 25   pouvoir discrétionnaire. Donc la Chambre de première instance a un pouvoir

 26   discrétionnaire considérable pour ce qui est du prononcé de la peine.

 27   Devant cette Chambre, des moyens de preuve ont été présentés pendant

 28   quelques années, y compris quelques vidéos concernant Mostar est, et y


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  1   compris les dépositions des victimes de ces crimes. Pour ce qui est donc du

  2   raisonnement juridique de ces conclusions et concernant l'entreprise

  3   criminelle commune, et les faits incriminés, la Chambre de première

  4   instance a parlé en détail de ces crimes sur des milliers de pages de ce

  5   jugement. Pour ce qui est du contexte, la Chambre de première instance a

  6   adopté une approche concernant seulement la gravité des crimes par rapport

  7   à la peine prononcée. Nous disons qu'il aurait fallu tenir en compte

  8   également d'autres éléments. Et les peines imposées dans d'autres affaires

  9   nous amènent à la conclusion que la peine d'emprisonnement d'une durée de

 10   20 ans pour Stojic n'est pas juste et n'est pas raisonnable. Alors si nous

 11   parlons de causes comparables, aucune comparaison n'est possible. Parce que

 12   dès que je commence à établir une comparaison entre différentes affaires,

 13   cela peut être perçu comme si je tentais de minimiser les crimes ou la

 14   responsabilité de l'accusé. Telle n'est pas mon intention, Messieurs les

 15   Juges. Au vu des vidéos présentées par l'Accusation ce qui s'est passé à

 16   Mostar est, après avoir lu les éléments de preuve en l'espèce après tant

 17   d'années; évidemment ces images nous touchent.

 18   Et au nom de M. Stojic, nous avons commencé par présenter nos

 19   arguments et en adressant nos plus sincères condoléances à toutes les

 20   victimes de la guerre, et il se faisait l'écho des propres paroles de

 21   Stojic lorsqu'il s'est adressé à la Chambre de première instance lors des

 22   plaidoiries :

 23   "Du fond du cœur, je souhaite vous exprimer ma compassion pour

 24   ces personnes et en particulier les victimes musulmanes de cette guerre."

 25   Nous n'avons pas l'intention, et lui n'a pas l'intention de minimiser ces

 26   souffrances non plus. Confer la page du compte rendu d'audience 52964.

 27   Néanmoins, il faut se pencher sur les affaires passées pour comprendre

 28   quelle est la palette des peines raisonnables. Aux paragraphes 210 et 211


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  1   de l'affaire Sainovic, ceci est pertinent, parce qu'il s'agit d'affaires

  2   importantes en matière d'entreprise criminelle commune et de l'expulsion de

  3   la population sur des bases ethniques, des centaines de milliers de civils

  4   ont été déplacés. On ne peut pas parler d'affaires moins importants ou plus

  5   petites. Il y a eu des facteurs atténuants qui ont été pris en compte. Il y

  6   a eu la coopération avec le Tribunal comme Stojic, Djordjevic n'a pas été

  7   arrêté avant quatre ans, ce qui a augmenté la souffrance de victimes. M. LE

  8   JUGE AGIUS : [interprétation] Il vous reste dix minutes.

  9   M. ELLIS : [interprétation] Les peines imposées dans ces affaires après

 10   l'appel allaient de 14 à 22 ans, je ne sais pas si cette comparaison est

 11   valable, je ne laisse pas entendre que les peines prononcées ne sont pas

 12   appropriées, qu'il s'agit de la même chose. Mais l'Accusation fait valoir

 13   aujourd'hui qu'il faut imposer une peine plus importante pour tenir compte

 14   de la gravité du siège de Mostar. L'Accusation s'est fondée essentiellement

 15   sur sa réplique pour ce qui est du niveau de criminalité lors d'une

 16   campagne de pilonnage qui a duré neuf mois. Une campagne qui, parce que le

 17   siège de Mostar est, au vu des conclusions de la Chambre, a commencé au

 18   mois de juin 1993 et s'est terminée au mois de mars 1994. A ce moment-là,

 19   Stojic n'était plus à la tête du département de la Défense. Il a quitté le

 20   département de la Défense à la mi-novembre 1993. La Chambre de première

 21   instance déclare que c'était le 15 novembre, la Défense Stojic parle du 10

 22   novembre, mais cela n'a pas d'importance. Aucun élément de preuve n'a dit

 23   qu'il est resté membre de l'entreprise criminelle commune après cette date

 24   au mois de novembre 1993. Sa responsabilité s'arrête à ce moment-là au

 25   milieu du siège de Mostar. Sa peine ne peut pas être fondée sur le niveau

 26   de criminalité illustré par neuf mois de siège, et même si vous confirmez

 27   sa condamnation pour avoir terrorisé la population civile, nous vous

 28   invitons, Messieurs les Juges, à invalider ce jugement en raison d'un


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  1   manque de conclusion motivée sur l'intention spécifique.

  2   En se fondant sur l'affaire Galic, mes confrères et consœurs de

  3   l'Accusation ont cité cela; il y a des différences. D'après l'Accusation,

  4   le siège de Sarajevo a touché plus de 300 [comme interprété] civils. La

  5   responsabilité de Galic pour ce siège a duré 23 mois, ça a duré beaucoup

  6   plus longtemps, il y a eu beaucoup plus de civils en l'espèce. Donc la

  7   comparaison proposée par l'Accusation n'est pas d'une grande utilité pour

  8   montrer que la peine prononcée était erronée.

  9   Messieurs les Juges, une peine de 40 ans telle que proposée par

 10   l'Accusation, est-ce que vous pensez que c'est plus adéquat ? Nous avons

 11   essayé au paragraphe 215 de l'indiquer dans notre mémoire en réponse, les

 12   cas où les Juges de la Chambre ont imposé des peines semblables. Ceci ne

 13   correspond pas à cette affaire pour les raisons annoncées dans ce mémoire.

 14   Mais nous constatons que la Chambre de première instance a condamné M.

 15   Karadzic à 40 ans, c'est ce que souhaite avoir l'Accusation pour Stojic. Il

 16   a contribué de façon importante à une entreprise criminelle commune qui

 17   visait à déplacer la population musulmane des territoires revendiqués par

 18   les Serbes, mais il ne s'agit que d'un aspect de cette affaire-là. Il a

 19   également été l'élément moteur derrière l'objectif commun supplémentaire de

 20   prendre pour otage du personnel des Nations Unies. Il a également fortement

 21   contribué au pilonnage de Sarajevo, et ce, pas pendant quelques mois, mais

 22   pendant trois ans et demi. Il a également contribué de façon importante au

 23   génocide de Srebrenica, ce qui a donné lieu à la mort de plus de 5 000

 24   personnes et transfert d'innombrables hommes, femmes, et personnes âgées.

 25   Messieurs les Juges, la peine de Stojic ne doit pas être mesurée ou on ne

 26   doit pas imposer une peine à l'aune des affaires précédentes.

 27   La peine que demande l'Accusation est beaucoup plus importante. L'appel de

 28   l'Accusation, si on fait droit à l'Accusation, et si ces années sont


Page 812

  1   imposées à Stojic, il aurait 92 ans. Et nous faisons valoir que ceci n'est

  2   pas justifié. L'Accusation n'a pas démontré que la peine ne correspondait

  3   pas et n'a pas montré que c'était si déraisonnable et injuste que la

  4   Chambre de première instance n'a pas appliqué les pouvoirs discrétionnaires

  5   qui sont les nôtres comme il se doit. Pour ce qui est 56.2 qui concerne le

  6   cumul des déclarations de culpabilité, et 57 eu égard au temps passé en

  7   liberté provisoire, c'est important.

  8   C'est la dernière fois que nous pouvons nous adresser à la Chambre. Et nous

  9   avons écouté attentivement les arguments de l'Accusation ce matin,

 10   l'Accusation a indiqué qu'il y avait des omissions sans précédent dans ce

 11   jugement et qu'il y avait des manquements à l'obligation d'apprécier tous

 12   les éléments de preuve en l'espèce. Messieurs les Juges, ces erreurs, eh

 13   bien, c'est ce qu'a indiqué Me Karnavas un peu plus tôt ce matin, ces

 14   erreurs se retrouvent tout au long du jugement. Il s'agit pas simplement

 15   des arguments de l'Accusation. C'est exactement la même chose que nous

 16   avons mis en exergue. La Chambre de première instance n'a pas tenu compte

 17   des armes, des munitions qui ont été utilisées par le HVO et la Croatie,

 18   ces erreurs, ces manquements à l'obligation d'analyser tous les éléments de

 19   preuve eu égard à cet objectif commun, unique de l'entreprise criminelle

 20   commune. Et au fil et à mesure de ces jours d'audience en appel, vous avez

 21   entendu des erreurs signalées par les deux parties et la conclusion

 22   inévitable, malheureusement, consiste à dire qu'il s'agit d'un jugement qui

 23   ne réunit pas les conditions fixées par ce Tribunal. Ceci ne fournit pas

 24   d'opinion motivée sur tous les éléments de preuve, n'apprécie pas tous les

 25   arguments présentés, et nous faisons valoir, Messieurs les Juges, que la

 26   seule réponse possible au vu de toutes ces erreurs est d'infirmer le

 27   jugement et d'autoriser l'appel de l'Accusation dans la seule mesure de ce

 28   que nous avons indiqué dans notre mémoire écrit est d'annuler la


Page 813

  1   déclaration de culpabilité de Stojic.

  2   Je crois que j'en ai terminé. Merci.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Ellis.

  4   Nous allons maintenant passer à la Défense de M. Praljak.

  5   Oui, Madame Fauveau.

  6   Mme FAUVEAU-IVANOVIC : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je serai

  7   vraiment extrêmement brève.

  8   L'appel du Procureur démontre des lacunes du jugement; c'est incontestable.

  9   Le Procureur considère que cela est inadmissible pour l'héritage de ce

 10   Tribunal et pour la communauté internationale. Le compte rendu

 11   d'aujourd'hui, page 7, lignes 4 et 5.

 12   Le jugement dans sa totalité est effectivement plein d'erreurs, qui sont

 13   ineffaçables et irréparables. C'est effectivement inadmissible. Mais c'est

 14   d'abord inadmissible pour l'accusé; ensuite, c'est inadmissible pour ce

 15   Tribunal; et finalement, c'est inadmissible pour la justice pénale

 16   internationale, dont la crédibilité est mise à rude épreuve dans cette

 17   affaire.

 18   Le premier et le troisième moyens d'appel du Procureur concernent les

 19   crimes qui auraient été conséquence du plan commun pour le premier moyen ou

 20   qui auraient été commis dans le cadre du plan commun; le troisième moyen.

 21   Or, il n'y avait pas de plan commun. Donc, sur le premier moyen, on ne peut

 22   pas parler de l'entreprise criminelle 3 s'il n'y a pas l'entreprise

 23   criminelle 1. Et sur le troisième moyen, on ne peut pas parler des crimes

 24   commis dans le cadre d'une entreprise criminelle commune si cela n'existe

 25   pas.

 26   Pour le reste, nous maintenons tous nos arguments écrits exposés dans la

 27   réponse à l'appel du Procureur concernant les moyens 1, 2 et 3 du

 28   Procureur.


Page 814

  1   Je voudrais juste ajouter - sans vouloir entrer dans ce que nous avons dit

  2   déjà - une remarque concernant les vidéos que le Procureur nous a montrées

  3   déjà aujourd'hui. Ces vidéos ne changent rien à toutes les preuves que la

  4   Défense a exposées dans cette procédure concernant le siège de Mostar. Je

  5   vous invite de lire particulièrement attentivement nos moyens d'appel

  6   concernant Mostar.

  7   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous ne nous prononcerons pas

  8   sur le quatrième moyen d'appel relatif à la peine. Toute condamnation de

  9   Slobodan Praljak serait profondément injuste, mais surtout - surtout - elle

 10   serait contraire aux normes et principes élémentaires de droit, car sa

 11   responsabilité n'a pas été établie. La condamnation de Slobodan Praljak

 12   repose sur les faits déformés, sur les conclusions erronés auxquelles la

 13   Chambre de première instance est parvenue à l'issue d'une procédure dans

 14   laquelle les droits fondamentaux de l'accusé garantis par l'article 21 du

 15   Statut du Tribunal étaient constamment violés. L'appel du Procureur doit

 16   être rejeté dans sa totalité et le jugement doit être invalidé également

 17   dans sa totalité. Je vous remercie.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant

 19   entendre M. Petkovic ?

 20   L'équipe de Défense de M. Petkovic. L'équipe de Défense de M. Petkovic,

 21   vous pouvez commencer. Merci. Vous avez 30 minutes.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Nous allons essayer d'utiliser nos 30

 23   minutes qui, à notre sens, est la meilleure façon d'utilisation de notre

 24   temps.

 25   Je suis tout à fait d'accord avec ce que mes collègues de l'Accusation,

 26   consœurs et confrères, ont dit lorsqu'ils ont dit que le jugement est

 27   incohérent et c'est difficile à comprendre. Je sais qu'ils ont consacré des

 28   jours et des semaines pour essayer de comprendre ce qui se passait avec les


Page 815

  1   211 faits ou événements pour lesquels les accusés ont été condamnés ou pas

  2   condamnés, eu égard à chacun de ces événements.

  3   Et je vais commencer par parler du moyen d'appel numéro 2 ou le manquement

  4   de l'obligation de la Chambre de décider de la responsabilité de l'accusé

  5   par rapport à la question de la responsabilité de commandement après avoir

  6   établi qu'il n'y avait pas de responsabilité au terme de l'ECC de catégorie

  7   numéro 3. Sur le transparent numéro 2, vous pouvez voir quels ont été les

  8   arguments présentés par l'Accusation. Moi, je vais parler notamment de la

  9   demande de modifier le jugement rendu, et mon client, M. Petkovic, serait

 10   censé d'être condamné pour deux crimes, à savoir la responsabilité du

 11   commandement supérieur et une proposition alternative demandant à la

 12   Chambre d'appel de procéder à la modification de ce jugement ou son

 13   annulation pour redémarrage du procès à partir du début.

 14   Alors, pour ce qui est des éléments d'acquittement, je voudrais dire que

 15   nous sommes conscients d'accéder à un sujet où les Juges de la Chambre

 16   d'arrêt ont formulé des positions différentes. Je sais qu'il n'est point

 17   sage de s'aventurer dans les sujets où il y avait désaccords, mais nous

 18   allons le faire quand même.

 19   Au niveau de ce transparent numéro 3, nous pouvons voir une brève

 20   explication de ce qui est nécessaire pour notre analyse. M. le Juge Pocar

 21   a, dans l'affaire Gotovina, formulé une opinion dissidente, devant ce

 22   Tribunal et d'autres tribunaux, l'opinion de jugement d'acquittement ne

 23   devrait pas être modifiée indépendamment des attributions de la Chambre

 24   d'arrêt si ceci dépossède l'accusé du droit à un recours. Etant donné que

 25   le Statut et le Règlement de procédure et de preuve ne prévoient pas de

 26   recours pour ce qui est d'une décision de la Chambre en arrêt, la question

 27   serait celle de savoir si cela mettrait en péril les droits de nos clients

 28   pour ce qui est de faire en sorte qu'un tribunal d'instance supérieure


Page 816

  1   puisse revoir le jugement rendu ou l'arrêt rendu.

  2   Et étant donné que je traite des droits de l'homme, cette position

  3   est une position qui est proche de ce que je fais dans ma carrière, étant

  4   donné que je vaque à la question des droits de l'homme, ce sont des

  5   positions que je connais bien. Et je vais vous dire comment les choses se

  6   présentaient en ex-Yougoslavie il y 50 ans. Lorsque vous vous pencherez sur

  7   le transparent suivant, vous pourrez voir un extrait du Code pénal de la

  8   RSFY. Et on parle de l'année 1986, mais il s'agit en fait d'un texte épuré

  9   de la loi qui a été adoptée, en fait, en 1977. Et dans ce texte, vous allez

 10   pouvoir vous rendre compte du fait que c'est à l'époque de la Yougoslavie

 11   qui était un pays monopartite, communiste et totalitariste, il avait été

 12   prévu de faire en sorte que l'accusé ait un droit de recours pour ce qui

 13   est même des jugements en arrêt lorsqu'il y a eu modification d'une

 14   sentence d'acquittement en peine de condamnation. Et, on s'adresserait à

 15   une cour suprême où les choses étaient aménagées de façon à respecter les

 16   droits de tout un chacun. Et des dispositions similaires sont gardées dans

 17   le Code pénal de la République de Croatie, article 190 de ce Code pénal.

 18   Ces mêmes dispositions sont contenues dans la réglementation de la Bosnie-

 19   Herzégovine et cela a été le cas dès le début des années 1990, parce que la

 20   totalité des pays issues de l'ex-Yougoslavie avaient repris ladite loi

 21   relative au Code pénal et ces dispositions existent de même de nos jours

 22   dans le Code pénal de la Bosnie-Herzégovine.

 23   Par conséquent, dans nos pays respectifs, si ce procès devait se tenir en

 24   Bosnie-Herzégovine ou en Croatie, nos accusés se verraient garantir le

 25   droit de voir une peine d'acquittement ne pas pouvoir être modifiée en

 26   peine de condamnation, sans qu'il y ait pour autant une protection

 27   appropriée en matière de recours ou droit de recours auprès d'une cour

 28   d'instance supérieure pour réexaminer les décisions ou arrêt d'un tribunal


Page 817

  1   autre. Et nous nous attendrions à ce qu'on n'accorde pas à nos clients des

  2   droits inférieurs à ceux qui devaient être les leurs dans le cas où ils

  3   seraient mis en accusation dans un pays communiste, totalitaire et

  4   monopartite.

  5   Alors, s'agissant maintenant de faire en sorte que l'affaire soit jugée à

  6   nouveau, nous avons pu entendre ici parler d'un crime explicite qui est

  7   reproché à mon client dans ce contexte-là, à savoir le meurtre d'un

  8   prisonnier à Dretelj. Ma consœur de l'Accusation, Mme Baig, a parlé de

  9   quatre crimes d'homicide. Je crois qu'il s'agissait d'une erreur, parce que

 10   d'après nos registres, et je crois que dans l'appel il est question de six

 11   homicides.

 12   Dans une colonne, nous avons essayé de vous montrer ce que la Chambre

 13   d'appel avait déterminé au sujet dudit incident et pourquoi Petkovic n'a

 14   pas été condamné pour ce qui est de la catégorie 3 de l'ECC. La Chambre de

 15   première instance a estimé que Petkovic avait été informé sept mois après

 16   l'événement en tant que tel et cela n'était pas une chose prévisible pour

 17   lui.

 18   Dans les colonnes qui suivent, nous parlons de deux paragraphes de

 19   l'appel de l'Accusation. L'Accusation estime en effet que les conclusions

 20   factuelles des Juges de la Chambre de première instance suffisent pour que

 21   le jugement en acquittement soit modifié et soit mué en condamnation. Je

 22   vais être bref.

 23   Tout ce qui a été dit se fonde sur un document du CICR, le P07636,

 24   qui parle des connaissances qu'avait pu avoir Petkovic au sujet des crimes

 25   en question. Vous pouvez voir ce document sur le transparent. Sur ce sur

 26   quoi nous voulons attirer votre attention est la chose suivante. Le fait

 27   est que le document a été envoyé à M. Marjan Biskic. On indique ici qu'il

 28   se trouvait être ministre adjoint de Défense. Au fait, il était l'un des


Page 818

  1   assistants. Mais pour notre sujet, enfin, le sujet qui nous intéresse, ce

  2   qui importe de dire, c'était un homme qui était chargé de la police

  3   militaire au niveau du ministère de la Défense et du service SIS, chargé de

  4   la sécurité, qui a assumé des responsabilités vis-à-vis des poursuites en

  5   justice, les auteurs de justice et la conduite d'investigation. C'est donc

  6   l'auteur du courrier et cela a été envoyé à Petkovic, Prlic et au bureau du

  7   commandant suprême, c'est-à-dire le président, pour information. Alors, si

  8   on garde à l'esprit un certain nombre d'autres circonstances et du fait

  9   d'avoir peu de temps à ma disposition, je vais faire référence à un seul

 10   document, 4D01614. Il s'agit d'un document qui montre de façon claire que

 11   Petkovic, bien qu'à l'époque, en décembre 1993, se trouvait être commandant

 12   adjoint de l'état-major principal, cela ne signifie pas qu'il est l'homme

 13   en chef, si le chef de l'état-major était absent. On peut voir ici que le

 14   chef de l'état-major de l'époque était Ante Roso. Et lui, a dit que mis à

 15   part Petkovic, les personnes autorisées à le remplacer sont M. Matic et

 16   M. Vrbanac. Si on détermine donc de façon exacte qui, à quel moment,

 17   pouvait accomplir les missions de chef d'état-major, on doit savoir quelles

 18   ont été les circonstances qui prévalaient à l'époque. Et point n'est

 19   maintenant nécessaire de parler des dispositions légales pour ce qui est de

 20   savoir qui avait les attributions essentielles de punir tel soldat ou tel

 21   autre responsable. Nous n'avons pas le temps de le faire.

 22   Mais ce qu'on peut conclure ici, c'est que la personne qui était

 23   autorisée d'informer quelqu'un des crimes commis et de prendre les mesures

 24   nécessaires, nous montre qu'il n'y avait aucune raison pour ce qui est de

 25   Petkovic ou le commandant suprême à ce sujet, entreprennent quoi que ce

 26   soit de particulier à ce sujet.

 27   Le transparent numéro 9 parle des vols commis à Stupni Do. A ce

 28   sujet, le Procureur a dit qu'il fallait déterminer la responsabilité de


Page 819

  1   Petkovic en fonction de sa responsabilité de commandement. Et il a été dit

  2   beaucoup de choses à ce sujet. Je vais essayer d'abréger au maximum,

  3   Messieurs les Juges. Il n'est pas contestable que le crime ait été commis.

  4   Nous en avons parlé dans notre présentation des arguments, jeudi passé.

  5   Mais ce que je voudrais dire ici, c'est - et là, j'aimerais qu'on nous

  6   montre le transparent suivant, et que ce ne soit pas diffusé vers

  7   l'extérieur, il va y avoir des données relatives à des témoins protégés et

  8   on veut être "on the safe side" comme on dit en anglais, donc on veut

  9   intervenir en toute sécurité.

 10   (expurgé)

 11   (expurgé)

 12   (expurgé). Le Témoin Bandic nous a parlé des

 13   activités déployées par le procureur militaire. Je me réfère ici à la page

 14   du compte rendu d'audience 38101.

 15   Le Témoin Jan Koet a parlé des contacts qu'il avait eus avec le

 16   procureur public au sujet des accusations relatives à Stupni Do, pièce à

 17   conviction P10092, paragraphe 22. Le fait d'avoir recours au procureur

 18   militaire départemental pour ce qui est des investigations relatives au

 19   crime de Stupni Do nous est montré par le document 4D00499. Donc, Ivica

 20   Rajic qui avait dirigé les opérations de Vares, a communiqué de façon

 21   directe avec le commandement suprême Mate Boban et les éléments de preuve à

 22   ce sujet sont les suivants. (expurgé)

 23   (expurgé)

 24   Ivica Rajic a envoyé des rapports directs au commandant suprême,

 25   pièce à conviction P06291.

 26   Boban a ensuite parlé des crimes commis à Stupni Do, de

 27   l'investigation et de la nécessité de sanctionner les auteurs à l'occasion

 28   d'une réunion avec le président croate, M. Tudjman, à Split en 1993, le 5


Page 820

  1   novembre. Et le général Petkovic était présent. Document P06575.

  2   Le ministre de la Défense de l'époque, Perica Jukic, a eu des

  3   échanges à ce sujet avec la FORPRONU pour essayer d'investiguer les crimes

  4   commis à Stupni Do; document 4D00506.

  5   Je crois que maintenant, on peut montrer le transparent suivant de

  6   façon publique, et le suivant sera protégé également. Ici il est question

  7   des activités du SIS, à savoir des services de sécurité qui sont chargés

  8   d'enquêter au sujet des crimes commis à Stupni Do. Il s'agit du document

  9   P06828. Le rapport du SIS a été envoyé à Jukic qui était ministre de la

 10   Défense à l'époque et au chef de l'état-major de l'époque M. Roso. Le

 11   Témoin Bandic en a parlé. Page du compte rendu d'audience 38324. Le Témoin

 12   Jan Koet en a parlé également. Document cité tout à l'heure déjà, P10092.

 13   Et si on prend en considération les choses qui ont été constatées par la

 14   Chambre d'appel dans l'affaire Blaskic, on voit que les instances chargées

 15   d'enquêter et de poursuivre en justice les auteurs de crimes étaient

 16   impliquées à part entière pour ce qui est de l'affaire de Stupni Do. Mis à

 17   part ce fait, Petkovic se trouvait être, à ce moment-là, chef adjoint de

 18   l'état-major, et je vais dire encore, en quelques minutes, un certain

 19   nombre de choses sur la façon dont Ivica Rajic a changé de nom pour devenir

 20   Viktor Andric. Et je voudrais maintenant que le transparent suivant ne soit

 21   pas diffusé vers l'extérieur du prétoire.

 22   On peut voir, partant des documents suivants, que le 10 novembre 1993, Mate

 23   Boban a formulé une déclaration disant que Rajic était relevé de ses

 24   fonctions. P10255. (expurgé)

 25   (expurgé)

 26   (expurgé)

 27   (expurgé). Compte rendu d'audience T24532 à 533. Ivica Rajic nous a fait

 28   savoir que Mate Boban avait décidé de le garder mais de lui faire changer


Page 821

  1   de nom pour faire de lui Viktor Andric. Page de compte rendu d'audience

  2   38306. Toute une série d'autres documents encore qui sont fort nombreux -

  3   mais je n'en ai énumérés que quelques-uns - et qui montrent que toute la

  4   structure politique et militaire de l'Herceg-Bosna avait été au courant du

  5   fait que Rajic avait changé de nom. Et j'excuse si quelqu'un ne le savait

  6   pas, mais mon client M. Petkovic le savait.

  7   Alors qu'est-il advenu par la suite d'Ivica Rajic ? En avril 1994 il change

  8   de nouveau son nom, il devient maintenant Jakov Kovac. En 1995 Rajic se

  9   trouve être arrêté, mais il n'a pas été mis en accusation s'agissant des

 10   crimes commis à Stupni Do, et le tribunal de Mostar l'a acquitté de toute

 11   responsabilité. Et partant de tous ces éléments de preuve et ils sont

 12   nombreux encore,  Monsieur le Juge, nous pouvons tirer la conclusion qui

 13   est celle de dire que Milivoj Petkovic ne peut assumer aucune

 14   responsabilité de commandement pour ce qui est des crimes commis à Stupni

 15   Do. En terme simple, tous ses supérieurs hiérarchiques avaient, tout comme

 16   lui, été informés de ces événements, et les organes, les instances

 17   compétentes de l'Herceg-Bosna chargées d'enquêter et de poursuivre les

 18   crimes en justice ont été informées de toute chose à ce moment-là.

 19   Donc la conclusion à tirer concernant ce moyen d'appel est celle de dire

 20   que ce moyen d'appel devrait être rejeté comme dénué de fondement.

 21   Pour ce qui est maintenant du moyen d'appel 3, je serai très brève. Je me

 22   suis efforcée véritablement et j'ai relu à maintes reprises le jugement. A

 23   la première lecture et suivantes, je dirais que l'on a tort de dire que mon

 24   client a été condamné pour destruction arbitraire dans quatre localités. On

 25   voit dans la colonne de gauche de quelles localités il s'agit. Et j'ai

 26   essayé de fournir, à partir du jugement, les éléments pertinents pour ce

 27   qui est des crimes en question. Et ma conclusion est celle de dire que mon

 28   client a été condamné à cet effet. Et c'est encore une preuve de plus pour


Page 822

  1   indiquer à quel point il est difficile de prendre lecture de ce jugement.

  2   Je pense avoir encore cinq minutes ou dix minutes. Alors je vais peut-être

  3   ralentir mon débit.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, vous avez raison, vous avez dix

  5   minutes.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vais dire quelques mots au sujet du

  7   moyen d'appel numéro 1. Je vais en terminer avec le sujet de Mostar et du

  8   jugement rendu ou de la peine encourue.

  9   Alors pour ce qui est du moyen d'appel numéro 1, le bureau du Procureur où

 10   mes consœurs ont dit à juste titre qu'il y avait un désordre terminologique

 11   complet. Nous avons essayé de définir quand est-ce que l'on utilise le

 12   terme de probabilité ou de possibilité. Et pour mon client, le général

 13   Petkovic, nous estimons que les normes ont été correctement établies, et

 14   nous avons jugé qu'il s'agissait là d'une confusion totale du point de vue

 15   linguistique, mais qu'en substance, on a utilisé la bonne norme, et que ce

 16   fondement d'appel ne se trouve pas être justifié.

 17   Maintenant pour ce qui est de l'analyse de la base de crime pour ce qui est

 18   de la façon d'analyser chaque crime individuel, nous estimons que sur

 19   modèle des jugements rendus dans l'affaire Brdjanin, paragraphe 413 et

 20   Martic arrêt en appel, article 169, il conviendrait de procéder à une

 21   analyse au cas pour cas.

 22   Et je vais maintenant sauter un certain nombre de transparents parce que

 23   nous n'avons pas suffisamment de temps de le faire. Nous allons rester à la

 24   page 20.

 25   Et je préfère, lorsque je peux tomber d'accord avec l'Accusation, les

 26   remercier d'avoir fait quelque chose en faveur de mon client, et je le fais

 27   à présent. Donc le bureau du Procureur, dans son moyen d'appel 1(g) au

 28   petit (f), a déterminé que le général Petkovic aurait dû être condamné pour


Page 823

  1   la destruction d'édifices religieux et il s'agit d'une forme de

  2   responsabilité alors qu'il aurait dû être condamné en application de

  3   l'entreprise criminelle commune 3. Et comme cela est en faveur de mon

  4   client, je les remercie; nous considérons qu'il n'y a pas de fondement pour

  5   l'une ou l'autre de ces deux formes de responsabilité concernant ces

  6   aspects.

  7   Etant donné que mes collègues de l'Accusation ont conclu leur présentation

  8   en montrant des vidéos concernant Mostar, moi, je vais faire la même chose,

  9   je vais donc en finir avec ma présentation en parlant du siège de Mostar,

 10   la destruction survenue à Mostar et le fait que la terreur était répandue

 11   parmi la population civile. Il s'agit du transparent 21 qu'on va voir

 12   maintenant. Nous ne voulons minimiser aucune victime ou l'importance

 13   d'aucune victime. Il s'agissait de témoins protégés, des comptes rendus

 14   protégés. Et c'est pour cela que nous n'allons pas montrer ce transparent.

 15   Ces trois témoins étaient les représentants de la communauté internationale

 16   : BB, BA, et BC. Si vous regardez minutieusement leurs dépositions

 17   concernant ce sujet, nous allons voir qu'ils ont établi que les civils de

 18   Mostar est voulaient et pouvaient partir mais que les autorités de Mostar

 19   est ne leur permettaient pas de faire ainsi. Les dépositions de ces trois

 20   témoins sont tout à fait identiques. Et ils disent qu'ils ont également

 21   parlé de cela dans leurs rapports. Cela veut dire qu'ils étaient conscients

 22   de la situation qui prévalait à Mostar et du fait que les civils voulaient

 23   partir de Mostar.

 24   Voyons ce que les documents de l'ABiH en disent, à savoir des autorités de

 25   Mostar est. Dans le document 4D719 du 14 octobre 1993, il s'agit d'un

 26   rapport du commandant de l'ABiH, où il dit que le grand problème représente

 27   le transport de la population civile ainsi que d'autres personnes qui

 28   partent vers le nord et vers le sud par rapport à Mostar, il s'agit


Page 824

  1   d'octobre 1993. Puisqu'il s'agit d'un grand problème pour l'armée BiH,

  2   l'armée voulait que les autorités civiles s'en occupent et que les

  3   autorités civiles se chargent du transport des civils.

  4   Document suivant, c'est 4D545. Un extrait du journal d'Esad Sejtanic,

  5   qui était commandant de l'armée BiH, et il a écrit :

  6   "Un grand nombre d'habitants veulent partir pour Jablanica et plus

  7   loin vers la Bosnie. Et en appliquant les mesures répressives, nous avons

  8   dû -- donc le départ de la population à réduire les mouvements de la

  9   population au minimum."

 10   Nous avons montré cela, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 11   pour tenir compte du fait que la situation à Mostar n'était pas seulement

 12   la conséquence des agissements des activités du HVO, c'était également la

 13   conséquence des activités de l'armée de BiH. Et comme vous pouvez

 14   constater, la population est restée à Mostar du fait également que les

 15   autorités de Mostar est ne leur permettaient pas de partir de Mostar est.

 16   Etant donné que nous avons montré que dans la première moitié de 1993, il

 17   n'y avait pas de départ en masse de la population musulmane et qu'aucun

 18   crime commis pendant cette période de temps-là ne peut pas être considéré

 19   raisonnablement comme étant un crime commis pour réaliser le plan visant le

 20   nettoyage ethnique, étant donné qu'à la mi-1993, la guerre générale a

 21   commencé entre le HVO et l'armée de BiH, et que le soi-disant siège de

 22   Mostar et les souffrances de la population civile à Mostar étaient la

 23   conséquence non seulement des activités du HVO mais aussi des activités de

 24   l'armée BiH, en particulier pour ce qui est de l'interdiction imposée à la

 25   population civile de Mostar de partir de la ville, donc étant donné toutes

 26   ces circonstances ainsi que celles qu'on a mentionnées dans toutes nos

 27   requêtes, nous considérons que la peine prononcée à l'encontre de mon

 28   client, le général Petkovic, n'est pas déraisonnable, et qui, du point de


Page 825

  1   vue de l'Accusation, devait être augmentée. Nous considérons qu'il faut

  2   annuler cette peine ou la réduire dans une grande mesure.

  3   Je pense que j'ai utilisé tout le temps qui m'a été accordé.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Nous allons faire une

  5   pause d'une heure et demie, au lieu d'une heure. Donc nous allons reprendre

  6   à 14 heures 15. Merci.

  7   --- L'audience est levée pour la pause déjeuner à 12 heures 47.

  8   --- L'audience est reprise à 14 heures 16.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Maintenant, c'est la Défense de

 10   M. Coric qui a la parole. Vous avez 30 minutes, Maître Ivetic.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

 12   Monsieur le Président, Monsieur le Juge.

 13   Je vais essayer d'utiliser le temps qui nous a été accordé le plus

 14   efficacement possible. Mais étant donné qu'on a déjà parlé du moyen d'appel

 15   1A de l'Accusation la semaine dernière, et on en a parlé longuement en

 16   répondant à l'une des questions de la Chambre d'appel, je crois qu'il

 17   s'agissait de la question numéro 10, donc c'est pour cela que nous n'allons

 18   pas présenter les mêmes arguments. Aujourd'hui, nous allons nous pencher

 19   sur d'autres moyens d'appel de l'Accusation.

 20   Et nous maintenons ce que nous avons fait figurer dans nos mémoires écrits,

 21   à savoir que nous n'admettons rien, indépendamment du fait si on puisse en

 22   parler dans le prétoire.

 23   L'appel de l'Accusation présenté dans le mémoire d'appel de l'Accusation

 24   ainsi que les arguments présentés aujourd'hui dans le prétoire reposent sur

 25   plusieurs moyens d'appel. Ils demandent l'augmentation de la peine

 26   prononcée, qui est déjà manifestement excessive et injuste, vu les

 27   circonstances. L'Accusation s'appuie sur la position de M. Coric ainsi que

 28   sur ses présumés actes et omissions, et cela a généré un climat d'impunité,


Page 826

  1   et lorsqu'on se penche sur l'ensemble des moyens de preuve, l'Accusation a

  2   demandé la même chose à la page du compte rendu temporaire 12, lignes 14 à

  3   25, par rapport à Coric, et nous croyons que dans la lumière de cet

  4   ensemble des moyens de preuve, les conclusions de l'Accusation concernant

  5   M. Coric sont erronées.

  6   Je vais dire quelques mots concernant la branche du moyen d'appel 1B de

  7   l'Accusation. L'Accusation affirme que la Chambre de première instance n'a

  8   pas tenu compte des moyens de preuve de l'Accusation, et ainsi a prononcé

  9   une déclaration d'acquittement de façon erronée à l'encontre de M. Coric

 10   pour certains incidents. Pourtant, l'Accusation n'a pas montré quels sont

 11   les moyens de preuve qui existent et qui n'ont pas été pris en

 12   considération et qui montreraient que Coric était au courant de la

 13   commission des crimes et qu'il était impliqué dans la commission de ces

 14   crimes, ainsi qu'il savait que les auteurs de ces crimes n'ont pas été

 15   punis et que les poursuites au pénal n'ont pas été engagées contre les

 16   auteurs de ces crimes de la part des autorités judiciaires. Bien au

 17   contraire, si on regarde le jugement et les moyens de preuve qui

 18   corroborent les conclusions de la Chambre, cela montre que la Chambre n'a

 19   pas analysé de façon appropriée les éléments de preuve de la Défense, et

 20   maintenant, il faut qu'ils soient analysés dans la lumière de l'appel de

 21   l'Accusation.

 22   Au paragraphe 29 de notre réponse à l'appel de l'Accusation, nous avons

 23   présenté en détail certains moyens de preuve que la Chambre n'a pas pris en

 24   considération, les moyens de preuve de la Défense tels que registres

 25   contenant plusieurs centaines de plaintes au pénal déposées par les organes

 26   de la police militaire et civile contre les auteurs de crimes commis contre

 27   les victimes musulmanes. Donc, vous pouvez maintenant demander pourquoi

 28   c'est important. Je vais en parler plus tard.


Page 827

  1   Aujourd'hui, à la page du compte rendu provisoire 4, nous avons entendu que

  2   l'Accusation a décrit de façon pleine d'émotion les événements entourant la

  3   mort tragique et le meurtre de Sanida Kaplan. Excusez-moi si je n'ai pas

  4   bien prononcé le nom de famille de cette personne - Kaplan, je pense que

  5   c'est cela. Et donc, il s'agit par rapport à cela des pièces à conviction

  6   versées au dossier en l'espèce P9550, 5D4234, 5D4236. Puisqu'il s'agit

  7   précisément des jugements qui ont été rendus contre les auteurs des crimes

  8   concernant la famille Kaplan, et ces jugements ont été rendus par les

  9   autorités compétentes en Bosnie-Herzégovine. En outre, si on lit ces

 10   jugements, on peut voir que les autorités judiciaires après la guerre ont

 11   cité des plaintes au pénal qui leur étaient grandement utiles, ainsi que

 12   d'autres documents datés de 1993, il s'agit également des registres dont la

 13   Défense a fait mention et qui ont été transmis aux organes judiciaires

 14   compétents pour en finir avec les enquêtes déjà entamées par la police par

 15   le fait que la police avait déjà déposé des plaintes au pénal contre ces

 16   auteurs. Le registre dont on parle est 5D4288, et dont on a parlé

 17   longuement. Il s'agit d'un grand nombre de procès engagés contre les

 18   personnes qui ont commis les crimes, et les personnes d'appartenances

 19   ethniques différentes.

 20   Donc, nous soumettons que l'Accusation n'avait pas tout à fait raison ce

 21   matin en disant que la justice ne sera pas rendue par rapport à la famille

 22   Kaplan si M. Coric est acquitté ou si les déclarations d'acquittement

 23   restent en vigueur. En fait, la justice a été déjà rendue par les personnes

 24   qui se sont occupées de ces crimes commis, au nom des organes compétents.

 25   Et il n'y avait aucunement le lien entre les actes ou les omissions de M.

 26   Coric et ces crimes.

 27   Donc, l'appel de l'Accusation n'est pas fondé. Si on considère l'ensemble

 28   des éléments de preuve corroborant la thèse que la police militaire ainsi


Page 828

  1   que la police civile ont déposé les plaintes au pénal de façon appropriée,

  2   donc il faut prononcer une déclaration d'acquittement à l'encontre de Coric

  3   pour plus de crimes par rapport à ceux concernant lesquels la Chambre de

  4   première instance a prononcé des déclarations d'acquittement.

  5   Vu le principe de présomption d'innocence et le principe de dubio pro

  6   rea, à savoir que le doute profite à l'accusé, vu que c'est à l'Accusation

  7   que repose la charge de la preuve, nous croyons que l'erreur faite par la

  8   Chambre doit être réévaluée par la Chambre d'appel, donc dans la lumière de

  9   tous ces principes, et dans ce sens-là, on ne peut pas retenir le moyen

 10   d'appel de l'Accusation.

 11   Maintenant, je passe au moyen d'appel numéro 2 de l'Accusation

 12   concernant l'article 7(3) et concernant la responsabilité qui est régie par

 13   cet article. Concernant le moyen d'appel numéro 2 du mémoire d'appel de

 14   l'Accusation, et vu que l'Accusation s'appuie sur le fait que M. Coric

 15   avait le contrôle effectif sur les policiers militaires et qu'il était

 16   architecte, comme ils disent, au paragraphe 404 de leur mémoire d'appel,

 17   l'architecte du réseau de centre de détention du HVO. Et on en a beaucoup

 18   entendu aujourd'hui, il était beaucoup question de ce réseau de centres de

 19   détention du HVO. J'ai noté que cela se trouve aux pages du compte rendu

 20   provisoire 32 et 36, l'Accusation a dit qu'elle s'est appuyée sur ce réseau

 21   de centres de détention.

 22   Et ils affirment que M. Coric a omis de faire quoi que ce soit pour

 23   punir ou prévenir ces crimes. Et à la page du compte rendu provisoire 17,

 24   ils ont dit qu'il avait, entre autres, la connaissance de ces crimes. Et à

 25   la page 14 du compte rendu provisoire, l'Accusation a dit qu'il n'a pas

 26   pris de mesures pour combattre les crimes. Nous croyons que les éléments de

 27   preuve, ainsi que les incidents sur lesquels l'Accusation s'appuie,

 28   n'étayent pas cette conclusion. Par exemple, un événement sur lequel


Page 829

  1   l'Accusation s'est appuyée dans leur mémoire d'appel, c'est par rapport à

  2   la troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune et par rapport à

  3   la responsabilité conformément à l'article 7(3), est l'événement du 14

  4   juillet 1993. Dans cet événement, une personne a été tuée et deux détenus

  5   ont été blessés à Dretelj. Il s'agissait donc des détenus de Dretelj. C'est

  6   dans le mémoire d'appel de l'Accusation, au paragraphe 279, et 317 jusqu'à

  7   321. Pourtant, si on considère les faits par rapport à ces événements, on

  8   voit qu'il n'est pas possible de conclure qu'il s'agit de la responsabilité

  9   du supérieur hiérarchique conformément à l'article 7(3) du Statut, et qu'on

 10   ne peut pas attribuer à M. Coric cette culpabilité au pénal. Et, encore une

 11   fois, Dretelj est mentionné à la page 20 du compte rendu provisoire, pour

 12   ce qui est dans un sens plus général par rapport à un autre appelant.

 13   Dans la mémoire d'appel de l'Accusation, et je fais référence à P3446

 14   et à la note de bas de page 1016, pour ce qui est de ce moyen d'appel, il

 15   est dit qu'à Dretelj, un certain Vulic, policier, a commis le crime en

 16   tirant sur les détenus. Il y est dit :

 17   "Après avoir fait sa déclaration, il a été démis de ses fonctions en

 18   tant que policier militaire. Les enquêteurs au pénal vont procéder à une

 19   enquête plus détaillée par rapport à tout cela."

 20   C'est un document sur lequel l'Accusation s'est appuyée. Et dans ce

 21   rapport, il est clair que M. Coric, en tant que directeur de

 22   l'administration de la police militaire, une fois informé de cet incident

 23   dans lequel une arme à feu a été utilisée, a pris toutes les mesures

 24   nécessaires et appropriées conformément à la loi, que les autorités

 25   devaient prendre contre l'auteur du crime, qui est leur subordonné pour

 26   déterminer les conséquences de cela.

 27   Donc il n'y avait pas de raison pour que M. Coric ait des doutes concernant

 28   des procédures appropriées, d'enquêtes disciplinaires, y compris des


Page 830

  1   mesures juridiques, soient prises par les autorités pertinentes et

  2   compétentes. Donc on ne peut pas considérer que Coric a été informé de la

  3   commission de ce crime, et qu'il n'est pas intervenu par la suite pour

  4   punir l'auteur de ce crime ou pour que des mesures disciplinaires soient

  5   prononcées à son encontre. On a d'autres éléments de preuve, P3476, un

  6   témoin protégé de l'Accusation qui a déposé aux pages 22401 et 22402, pour

  7   ce qui est des mesures appropriées qui ont été prises contre l'auteur de

  8   cet incident, incluant l'utilisation d'une arme à feu.

  9   Et d'après la jurisprudence de ce Tribunal international, lorsqu'un

 10   subordonné ou les subordonnés de l'accusé prennent des mesures telles que

 11   des mesures disciplinaires, alors l'accusé est disculpé et ne peut pas être

 12   considéré comme étant pénalement responsable conformément à l'article 3.

 13   C'est également le cas dans le jugement dans Boskoski et Tarculovski, ou

 14   bien à l'arrêt dans l'affaire Popovic, paragraphe 1942, pour ce qui est de

 15   l'utilisation de mesures disciplinaires qui peuvent être suffisantes pour

 16   un supérieur pour s'acquitter de son devoir de punir les crimes

 17   conformément à l'article 7(3).

 18   Nous avons déjà dit la semaine dernière, et nous soulignons la même chose

 19   aujourd'hui, que ni Coric ni la police militaire ne pouvait prendre de

 20   mesures ultérieures une fois l'enquête au pénal finie, et une fois la

 21   plainte au pénal déposée auprès des organes judiciaires pertinents, donc ce

 22   ne sont pas eux qui ont pris des mesures disciplinaires contre les

 23   policiers militaires qui auraient pu commettre des crimes.

 24   Contrairement à ce que l'Accusation a dit dans leur moyen d'appel, Coric

 25   n'avait pas le contrôle effectif sur les policiers militaires à Dretelj et

 26   à Gabela, qui étaient donc les prisons militaires placées sous le

 27   commandement et le contrôle effectif d'une 1er Brigade de Knez Domagoj et de

 28   son commandant Obradovic. C'est dans le document P3731, P4253.


Page 831

  1   Les moyens de preuve montrent que le seul devoir de la police militaire, du

  2   Bataillon de la police militaire à Dretelj était d'assister la brigade du

  3   HVO pour ce qui est de la sécurité sous le commandement du commandant de la

  4   brigade et d'envoyer des rapports concernant d'éventuels incidents

  5   criminels liés aux crimes de meurtre commis par la police militaire. Les

  6   moyens de preuve montrent que l'administration de la police militaire et M.

  7   Coric n'avaient pas l'autorité ni l'influence sur les conditions de la

  8   détention dans ces deux centres de détention.

  9   Cela concerne ce que l'Accusation a dit aujourd'hui, aux pages du

 10   compte rendu provisoire 17 et 14 concernant les mesures qui n'ont pas été

 11   prises par Coric pour commettre les crimes.

 12   Dans notre réponse à l'appel de l'Accusation, aux paragraphes 52 et

 13   81 jusqu'à 83, nous avons montré qu'une série de mesures diverses prises

 14   par M. Coric, ainsi que ses efforts déployés pour essayer d'avoir une

 15   influence positive sur les conditions à Dretelj, malgré le fait qu'il

 16   n'avait pas l'autorité sur Dretelj, et c'est pour cela qu'il s'est adressé

 17   aux organes supérieurs. Nous n'allons pas répété ces mêmes arguments

 18   aujourd'hui, nous aimerions plutôt faire référence à des parties de notre

 19   réponse pour examiner ces paragraphes, et les efforts de Coric au moment où

 20   la Chambre procède à l'appréciation de l'affirmation de l'Accusation

 21   présentée aujourd'hui, si ces affirmations sont fondées ou pas.

 22   Nous faisons valoir que la responsabilité de commandement en vertu de

 23   l'article 7(3) ne peut être appliquée à M. Coric pour avoir manqué à son

 24   obligation de prendre des mesures nécessaires dans le cadre des pouvoirs

 25   limités qui étaient les siens, en particulier au vu des éléments de preuve

 26   au dossier. Messieurs les Juges, pages du compte rendu provisoire, page 10,

 27   lignes 10 à 19, et page 12, lignes 14 à 25. Le Procureur a demandé à la

 28   Chambre d'examiner l'ensemble des éléments de preuve. Nous faisons valoir


Page 832

  1   que si vous vous penchez sur l'ensemble des éléments de preuve, vous

  2   constaterez que M. Coric ne peut être tenu responsable de ces événements.

  3   Encore une fois, il s'agit du prolongement de cette même question, je

  4   réponds au paragraphe 404 de l'appel de l'Accusation où M. Coric est cité

  5   comme étant l'architecte de ce réseau de centres de détention, qui a été

  6   cité à deux ou trois reprises déjà aujourd'hui, pages du compte rendu

  7   provisoire 32 et 36 - c'est ce que j'ai noté - et aujourd'hui, également,

  8   l'Accusation a dit que la Chambre de première instance avait à tort

  9   acquitté M. Coric, tout en ayant conclu qu'il aurait dû être déclaré

 10   coupable. Si nous utilisons ce même critère pour analyser le jugement de la

 11   Chambre de première instance, la Défense fait valoir que des conclusions à

 12   décharge et des conclusions contradictoires de la Chambre de première

 13   instance ont été rendues à l'égard de Coric lorsqu'il a été déclaré

 14   coupable.

 15   Et nous le faisons valoir notamment au tome 4, paragraphes 905, 916, 1421

 16   et 1426 du jugement, où Coric n'a jamais limité l'accès aux représentants

 17   d'organisations internationales lorsqu'on le lui a demandé. Ceci ne cadre

 18   pas avec le scénario de l'Accusation tel que l'Accusation l'a présenté

 19   aujourd'hui. Donc, on ne peut retenir leur appel.

 20   Deuxièmement, tome 4, paragraphe 955, la Chambre de première instance a

 21   conclu que Coric n'était pas informé des mauvais traitements et n'avait

 22   aucune raison de croire que les détenus étaient maltraités. Ceci ne permet

 23   pas d'étayer non plus l'appel présenté par l'Accusation aujourd'hui.

 24   Au tome 2, paragraphe 1470, la conclusion en vertu de laquelle au début du

 25   mois d'octobre 1992, aucun élément de preuve n'indique que les détenus ont

 26   été contraints à accomplir des travaux forcés suite à l'autorisation donnée

 27   par Coric.

 28   Tome 2, paragraphes 1612, 1617 et 1633, ni l'administration de la police


Page 833

  1   militaire, ni la police militaire n'a été impliquée dans un quelconque

  2   événement eu égard au mauvais traitement allégué des détenus qui

  3   travaillaient sur le front.

  4   Nous pensons, Messieurs les Juges, que vous devriez également vous pencher

  5   sur les conclusions de la Chambre au tome 2, paragraphe 1446, conclusions

  6   contradictoires et la Chambre insiste pour dire que Coric a ordonné la

  7   libération de personnes détenues après avoir reçu des lettres de garantie,

  8   malgré la confirmation que de tels ordres n'existaient pas. Nous souhaitons

  9   également vous demander de vous pencher sur le tome 4, paragraphes 960 à

 10   961, autrement dit, l'entrave ou la limitation de l'accès aux centres de

 11   détention ne peut pas avoir été ordonnée par Coric.

 12   Encore deux exemples. Tome 4, 897, 899, et 955, 957, 962, 985, 988 et 1018,

 13   qui montrent que Coric ne pouvait pas accéder aux rapports concernant les

 14   conditions dans les prisons. Encore une fois, ceci n'étaye pas la version

 15   des événements de l'Accusation telle que présentée dans cette partie-là de

 16   leur mémoire en appel.

 17   Dernièrement, tome 4, paragraphe 904, la conclusion que Coric n'était pas

 18   impliqué dans les questions médicales ou logistiques de la prison qui,

 19   encore une fois, est contraire à ce qu'avance l'Accusation dans son appel.

 20   Encore une fois, si l'Accusation souhaite se pencher sur les erreurs

 21   commises par la Chambre, elle doit admettre que ces erreurs s'appliquent

 22   aux condamnations de M. Coric eu égard aux centres de détention. Donc, nous

 23   pensons que de faire droit à l'appel de l'Accusation, il faudrait à ce

 24   moment-là écarter ces autres incohérences ou condamnations erronées, ce qui

 25   occasionnerait un déni de justice.

 26   Pour ce qui est du troisième moyen d'appel de l'Accusation, nous avons été

 27   assez succincts et clairs dans notre mémoire, et donc, nous maintenons ce

 28   qui est écrit dans ce mémoire et nous vous demandons de bien vouloir vous


Page 834

  1   pencher sur le mémoire en question.

  2   Je vais maintenant passer au moyen 4, qui porte sur le prononcé de la

  3   peine. Vous avez entendu l'Accusation aujourd'hui dire, Messieurs les

  4   Juges, que ces peines, et en particulier la peine imposée à M. Coric,

  5   étaient insuffisantes ou inappropriées. J'ai noté cela au moins à quatre

  6   reprises, aux pages du compte rendu provisoire 26, 27, 31 et 32.

  7   Messieurs les Juges, M. Coric a été condamné à 16 ans d'emprisonnement. Aux

  8   paragraphes 137 à 140 de notre mémoire en réponse, nous avons indiqué que

  9   cette peine va au-delà de la peine maximale qui aurait pu être imposée en

 10   vertu de la loi en ex-Yougoslavie et la loi de la Republika Srpska en

 11   Bosnie-Herzégovine au moment où les crimes allégués ont été commis. Nous

 12   faisons valoir que cette peine est inappropriée et "manifestement

 13   insuffisante".

 14   Même si le Tribunal a déclaré qu'il n'était pas tenu par les dispositions

 15   relatives au prononcé de la peine de la RSFY, nous vous demandons de vous

 16   pencher sur le droit international et nullum crimen sine lege. La loi

 17   appliquée au moment où les crimes sont allégués est le texte qui est

 18   appliqué jusqu'à l'an 2000. La peine d'emprisonnement correspond à cinq à

 19   15 ans et la peine de mort pour l'essentiel des crimes, mais la peine de

 20   mort a été abolie et remplacée par une peine d'emprisonnement de 20 ans.

 21   Articles 38, 142 et 37 de la loi en question.

 22   La rétroactivité est interdite, l'application rétroactive de lex gravior,

 23   autrement dit la peine la plus lourde, ne peut être imposée. Autrement dit,

 24   on ne peut imposer une peine plus lourde qui n'existait pas au moment

 25   matériel des faits et une peine moins importante doit être appliquée dans

 26   le cas du principe favor liberatis. Messieurs les Juges, il ne s'agit pas

 27   simplement d'un argument de la Défense; il s'agit d'une conclusion de la

 28   Cour européenne des droits de l'homme, Maktouf contre Damjanovic. Le


Page 835

  1   principe de légalité et son corollaire, nulla poena sine lege - sans crime,

  2   il n'y a pas de loi - énoncent une interdiction de l'application d'un code

  3   pénal plus strict que celui qui existait à l'époque où les crimes ont été

  4   commis. Nous faisons valoir que cette rétroactivité interdite fait partie

  5   du droit international coutumier et des critères péremptoires du droit

  6   international. Autrement dit, les dérogations ne sont pas autorisées.

  7   Maktouf et Damjanovic contre la BiH, page 46 d'un jugement rendu par la

  8   Cour européenne des droits de l'homme.

  9   Et donc, si on parle de la même question ici --

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il vous reste quatre minutes.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Alors, au sujet de la même question, une application du Code pénal de la

 13   BiH de 2003 plutôt que du Code de 1976 de la RSFY, la Cour européenne des

 14   droits de l'homme a conclu qu'il s'agissait là d'une violation et qu'on ne

 15   pouvait appliquer le nouveau droit, dont les conditions d'application

 16   étaient plus strictes ou, en tout cas, dont les peines étaient plus

 17   lourdes. Et donc, dans ce contexte, cette peine prononcée à l'encontre de

 18   M. Coric ne peut pas être considérée comme étant appropriée. Et pour cette

 19   simple raison, nous vous demandons, Messieurs les Juges, de ne pas

 20   augmenter sa peine. Mais nous avons également abordé d'autres arguments

 21   dans notre mémoire en réponse que je ne vais pas aborder ici maintenant

 22   dans le détail, mais nous pensons que chacun de ces arguments appelle à une

 23   réduction de la peine ou, en tout cas, à pas de peine du tout, certainement

 24   pas une augmentation de la peine, surtout si vous acceptez les conclusions

 25   rendues par l'accord européen des droits de l'homme.

 26   Aujourd'hui, le Procureur a invoqué d'autres affaires portées devant le

 27   TPIY. Nous en avons parlé aux paragraphes 129 à 133 de notre réponse et

 28   nous maintenons ces arguments. Egalement les arguments présentés par M.


Page 836

  1   Ellis et la Défense de Stojic concernant les questions du prononcé de la

  2   peine.

  3   Nous avons vu une vidéo aujourd'hui qui provoque des réactions

  4   émotionnelles et qui nous montre les victimes. Nous pensons qu'il faut

  5   aborder la loi et les faits en ne tenant pas compte des émotions, mais en

  6   vous fondant simplement sur ces éléments de preuve qui montrent que M.

  7   Coric, par rapport au poste qu'il occupait, a essayé de réagir en sa

  8   qualité de policier respectable chargé de faire respecter la loi et l'ordre

  9   public et travaillant pour l'administration de la police militaire, et plus

 10   tard, il a travaillé pour le MUP et il a essayé d'empêcher les crimes et

 11   faire en sorte que les auteurs soient traduits en justice en déposant des

 12   rapports au pénal et en prenant les mesures nécessaires. Et donc, nous

 13   rejetons l'appel de l'Accusation, à savoir sa condamnation et sa peine ne

 14   doit pas être augmentée de temps.

 15   Messieurs les Juges, maintenant, je suis resté dans les temps.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Maintenant, Monsieur Sahota, la Défense de M. Pusic. Est-ce que vous

 18   souhaitez avancer un petit peu ou rester à votre place ? Très bien, vous

 19   avez 30 minutes à partir de maintenant.

 20   M. SAHOTA : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite aborder

 21   l'appel de l'Accusation qui porte directement sur M. Pusic, mon client. Et

 22   comme nous l'avons fait hier, nous allons essayer d'adopter la même

 23   approche : accepter ou comprendre les questions soulevées par l'Accusation.

 24   Nous allons nous efforcer d'adopter des arguments présentés par d'autres

 25   parties lorsque cela est approprié.

 26   Notre thème hier était -- nous avons indiqué que M. Pusic n'était pas un

 27   haut représentant et un accusé qui devait être traité différemment. Et

 28   d'une certaine façon, ceci est encore plus clair au vu de ces arguments


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  1   présentés dans le cadre de cet appel, à savoir c'est le seul accusé qui n'a

  2   pas été condamné pour avoir participé à l'entreprise criminelle commune. Et

  3   c'est donc le seul accusé qui, d'après l'Accusation et en vertu de la

  4   décision de la Chambre de première instance, pour lequel ses acquittements

  5   doivent être annulés.

  6   Messieurs les Juges, je vais tout d'abord commencer par aborder le moyen

  7   d'appel numéro 1 du mémoire en appel de l'Accusation. Je vais brièvement

  8   aborder ce qui touche au critère de l'élément moral, la mens rea pour l'ECC

  9   de catégorie 3. Nous faisons valoir que la position adoptée par

 10   l'Accusation est erronée. Nous n'allons pas réitérer, reprendre toutes les

 11   questions qui ont été avancées par l'équipe de Défense de M. Stojic. Nous

 12   souhaitons simplement dire que le critère de la prévisibilité aurait dû

 13   être adopté par cette Chambre. Ceci a été appliqué par la Chambre, mais il

 14   y a un élément subjectif qui a été pris en compte, et vous, les Juges de la

 15   Chambre d'appel, vous devez envisager la possibilité que les crimes

 16   auraient pu être commis de façon suffisamment importante pour que l'accusé

 17   considère qu'ils étaient prévisibles au vu des informations dont il

 18   disposait.

 19   Alors, deux points qui découlent de cela. Premièrement, tel que cela

 20   a été clairement exprimé par la Défense de M. Stojic aujourd'hui, le niveau

 21   n'est pas aussi bas, et donc la responsabilité criminelle n'en découle pas,

 22   parce que l'accusé aurait dû conclure qu'un événement de ce type aurait pu

 23   être possible. Le deuxième point, c'est que le critère de la prévisibilité

 24   doit être analysé individuellement. Il y a certains facteurs bien

 25   particuliers qui doivent être analysés, et je ne parle pas que de l'endroit

 26   où se trouvait l'accusé dans la période couverte par l'acte d'accusation.

 27   Nous pensons qu'il faut appliquer le critère de la prévisibilité au cas par

 28   cas, individuellement, en vue des éléments de preuve tels que cités par


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  1   l'Accusation pour établir la culpabilité de M. Pusic et ces crimes déviants

  2   commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune de troisième

  3   catégorie.

  4   A ce stade, en fait, le droit eu égard à l'ECC de catégorie 3, ce qui

  5   est prévisible n'est pas forcément prévisible pour un autre accusé tout en

  6   étant membre de l'entreprise criminelle commune. Si vous appliquez cela, si

  7   vous appliquez le critère correct, les conclusions de la Chambre ne sont

  8   pas erronées, mais nous faisons valoir que si M. Pusic a été acquitté de

  9   l'ECC de catégorie 3, il ne faut pas intervenir à ce niveau-là.

 10   Messieurs les Juges, ce matin, vous avez entendu l'Accusation citer

 11   33 conclusions relatives à l'entreprise criminelle commune de troisième

 12   catégorie où l'Accusation fait valoir que la Chambre de première instance

 13   n'a pas fourni d'opinion motivée. Et je vous renvoie à cela. Il s'agit pour

 14   moi des crimes restants qui sont abordés par l'Accusation dans leur mémoire

 15   en appel aux pages 112 à 116. Nous faisons valoir que ce qui explique la

 16   décision rendue par la Chambre d'acquitter Pusic de tous ses crimes

 17   relevant de l'ECC de catégorie 3 est le manque d'éléments de preuve ou de

 18   très peu d'éléments de preuve concernant ces événements. Les conclusions de

 19   la Chambre à cet égard sont très limitées, parce qu'il n'y avait aucun

 20   élément de preuve qui le liait à ces événements. Et la Chambre n'a

 21   certainement pas trouvé un quelconque élément de preuve permettant

 22   d'établir un lien entre M. Pusic et les auteurs de ces 33 crimes relevant

 23   de l'ECC de catégorie 3.

 24   Messieurs les Juges, néanmoins, l'Accusation avance que M. Pusic

 25   devrait être tenu responsable au titre de la troisième catégorie en raison

 26   de ces actes déviants qui tombent en dehors du champ d'application de

 27   l'intention partagée. Et, Messieurs les Juges, je demanderais à la Chambre

 28   d'appel de bien vouloir réfléchir à la question de savoir s'il y a un sens


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  1   probable à donner aux faits appliqués au droit et appréciés à la lumière de

  2   la législation. Lorsque vous avez entendu nos arguments à propos du rôle

  3   qu'avait joué M. Pusic, eh bien, vous aurez constaté qu'ils étaient

  4   différents. Vous avez entendu nos arguments concernant les pouvoirs qui lui

  5   incombaient, qui sont les vrais, malgré ce que l'Accusation affirme. Et

  6   cela s'applique également aux 33 cas où il a été constaté que ces crimes

  7   lui étaient imputables ou qu'il en avait connaissance. Mais aucune

  8   constatation fondée ne peut arriver à établir ce critère indispensable.

  9   J'aimerais à présent, Messieurs les Juges, brièvement aborder la

 10   question des autres crimes qui sont plus particulièrement abordés par

 11   l'Accusation aux branches 1 à 2 et 3, pages 110 et 111 du mémoire en appel

 12   de l'Accusation. Pour ces crimes-là, il y a des constatations factuelles un

 13   petit peu plus détaillées que l'Accusation a mis en lumière. Mais lorsque

 14   l'on regarde ces constatations factuelles, nous sommes en droit d'affirmer

 15   que la Chambre d'appel devrait conclure que la Chambre de première instance

 16   avait raison lorsqu'elle avait conclu que les constatations ne justifiaient

 17   pas une condamnation au titre de la troisième catégorie d'entreprise

 18   criminelle commune.

 19   Alors, je vais les reprendre en détail. Premièrement, l'appel

 20   interjeté par l'Accusation à propos des crimes qui ont mené à la

 21   destruction des mosquées à Sovici et Doljani, page 110 de leur appel, où

 22   l'Accusation demande d'appliquer le critère de prévisibilité et fait

 23   remarquer que les infractions en question ont eu lieu pendant le même mois

 24   au cours duquel la Chambre a conclu, vu que M. Pusic avait rejoint

 25   l'entreprise criminelle commune. Donc nous parlons du mois d'avril 1993. Je

 26   tiens à faire remarquer que les éléments de preuve qui sont cités à l'appui

 27   par l'Accusation, montrent à peine que M. Pusic avait entendu parler de la

 28   destruction des mosquées ex post facto, donc après les événements, après


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  1   les événements. J'insiste, Messieurs les Juges. Donc ce que nous avançons

  2   de notre côté est repris à la lumière d'autres éléments de preuve du

  3   contexte qui nous permet de déduire en toute certitude que n'importe quel

  4   tribunal n'aurait pas pu tirer la même conclusion.

  5   A présent, passons au moyen d'appel 1A(ii), paragraphe 205, c'est là où

  6   commence ce point-là dans le mémoire de l'Accusation. L'Accusation estime

  7   que M. Pusic aurait dû être condamné au titre de la responsabilité pour

  8   participation à une entreprise criminelle commune de troisième catégorie,

  9   suite au meurtre d'un détenu au centre de détention de Vojno. De même,

 10   l'Accusation s'appuie sur le fait que l'accusé avait connaissance du

 11   meurtre, compte tenu du poste qu'il occupait. Nous, Messieurs les Juges,

 12   nous avançons que si l'on regarde les autres éléments de preuve, que

 13   l'argument de l'Accusation ne tient pas la route et, qu'en aucun cas, mon

 14   client aurait pu prévoir que cela allait se passer et que donc leur

 15   argument doit être totalement rejeté.

 16   S'agissant de ces deux incidents que je viens de vous citer, Messieurs les

 17   Juges, je tiens à faire remarquer que l'Accusation a mis l'accent sur

 18   l'entreprise criminelle commune de première catégorie, et je pense que la

 19   Chambre de première instance, si l'on regarde l'ensemble du jugement, a

 20   suivi un raisonnement mais qui n'est pas vraiment celui que l'Accusation a

 21   suivi. En résumé, nous, nous estimons que le fondement juridique n'est pas

 22   suffisant, en tout cas, pas suffisant pour déduire de façon logique que le

 23   critère à appliquer serait celui de la responsabilité pénale au titre de la

 24   troisième catégorie d'entreprise criminelle commune.

 25   Nous avançons que l'Accusation vous invite en fait à adopter ce que

 26   mon confrère qui défend M. Stojic a dit ce matin, c'est-à-dire un critère

 27   de prévisibilité à tout-va, à durée indéterminée. Ce que l'Accusation vous

 28   demande de faire c'est d'appliquer un critère beaucoup trop bas pour


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  1   pouvoir conclure à cette intention. Si vous allez dans ce sens-là,

  2   Messieurs les Juges, vous élargirez le champ d'application tellement que

  3   déterminer la responsabilité pour des crimes déviants devrait se fonder sur

  4   des éléments de preuve qui ne sont pas les mêmes que ceux qui ont été pris

  5   comme base dans l'arrêt Tadic. Je suis sûr que vous vous en rappellerez,

  6   paragraphe 428 :

  7   "L'entreprise criminelle commune n'est pas un concept ouvert qui

  8   permet de prononcer des condamnations sur la base de la culpabilité par

  9   association."

 10   Messieurs les Juges, s'agissant de cette branche-là spécifique du

 11   moyen d'appel de l'Accusation dans le premier moyen d'appel, nous affirmons

 12   que l'Accusation n'a pas pu éliminer ce doute raisonnable s'agissant des

 13   crimes déviants.

 14   Et je vais conclure très brièvement en abordant le quatrième moyen

 15   d'appel. Messieurs les Juges, l'Accusation vous a demandé de relever et

 16   d'augmenter la peine imposée par la Chambre de première instance, à savoir

 17   dix ans d'emprisonnement. A cet égard, j'aimerais adopter la même approche

 18   que la Défense Stojic ce matin, et vous demander d'arriver à la même

 19   conclusion pour mon client, M. Pusic. Nous n'acceptons pas cette

 20   affirmation concernant la fixation de la peine. Nous estimons également que

 21   l'Accusation n'a pas pu démontrer que cette peine imposée est manifestement

 22   inéquitable ou simplement injuste, et correspond au critère qui a été fixé

 23   dans l'arrêt Galic. L'Accusation a demandé d'infliger une peine plus lourde

 24   à M. Pusic car, d'après elle, cette peine ne reflète pas son niveau de

 25   participation à l'ECC.

 26   Vous avez entendu les arguments hier, l'Accusation a fait valoir

 27   qu'il avait joué un rôle-clé dans la libération et les évacuations de

 28   prisonniers, malgré nos éléments de preuve apportés et supplémentaires qui


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  1   avaient été ignorés par la Chambre de première instance dans son jugement,

  2   à savoir que ces ordres avaient été donnés par d'autres qui se trouvaient

  3   plus haut dans la filière hiérarchique, et que ces évacuations et

  4   libération avaient souvent lieu dans le cadre d'une participation

  5   d'organisation telle que le CICR ou la Mission d'observation des

  6   communautés internationales.

  7   Alors j'aimerais conclure en disant ceci, l'Accusation a demandé une

  8   peine de 20 ans -- que la peine de 20 ans soit augmentée. Il s'agit là

  9   d'une demande disproportionnée compte tenu des circonstances.

 10   Et pour ces raisons, nous demandons à la Chambre d'appel de rejeter

 11   les arguments avancés par l'Accusation s'agissant de notre client, M.

 12   Pusic.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. L'Accusation a la parole à

 14   présent. Donc 30 minutes, Madame Baig.

 15   Mme BAIG : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour.

 17   Mme BAIG : [interprétation] Aux fins du compte rendu, j'aimerais juste

 18   mentionner qu'une consœur vient de nous rejoindre. Il s'agit de Mme

 19   Houlihan, Sarah Houlihan.

 20   En modifiant des facteurs particuliers aux dépends des facteurs d'ensemble

 21   qui prouvent que Stojic était bien au courant de la nature et de l'ampleur

 22   de l'entreprise criminelle commune, la Défense essaie de démonter toute

 23   notre argumentation et notre thèse. Mais en fait Stojic a prévu, savait que

 24   ces crimes allaient avoir lieu, et quoi qu'il en soit, sa connaissance et

 25   sa prévision ne dépendent pas de facteurs bien particuliers à certaines

 26   municipalités contrairement à ce que la Défense a argué ce matin. Cet

 27   argument n'est pas du tout étayé ni par les faits ni par le droit. Le droit

 28   est clair, et il stipule que la connaissance de la part d'un accusé de


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  1   crimes, l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie, dépend de

  2   l'ensemble des circonstances entourant la mise en œuvre et la mise en

  3   marche de l'objectif commun. Et la participation de l'accusé est évidente

  4   en l'espèce. Je vous rappelle l'arrêt Sainovic. L'approche morceau par

  5   morceau, en division, n'est pas acceptée dans cette affaire-là, aucun des

  6   facteurs repris dans la jurisprudence du présent Tribunal, aucun des

  7   indicateurs ne se fonde sur l'emplacement. Aucune de ces décisions n'a

  8   exigé la possibilité de prévoir où et quand un crime de troisième catégorie

  9   d'entreprise criminelle commune allait avoir lieu. Et la Défense dans ses

 10   arguments n'a rien présenté pour étayer son affirmation. Chacun des

 11   apellants a partagé cet objectif commun. Objectif commun de commettre des

 12   crimes de façon systématique dans l'ensemble de l'Herceg-Bosna afin de

 13   rendre ce territoire homogène d'un point de vue ethnique, et chacun d'entre

 14   eux a joué un rôle dans l'entreprise criminelle commune qui est liée à

 15   cette mise en oeuvre dans l'ensemble du territoire d'Herceg-Bosna.

 16   Stojic, je me permets de vous le rappeler, Messieurs les Juges, était à la

 17   tête du département de la Défense pour le gouvernement d'Herceg-Bosna. Et

 18   de son poste, il a été constaté qu'il avait joué un rôle essentiel dans la

 19   mise en œuvre de l'objectif criminel commun sur l'ensemble du territoire

 20   d'Herceg-Bosna. Stojic, tout comme les autres appelants, compte tenu du

 21   rôle central qu'ils ont joué pendant ces événements, étaient responsables

 22   compte tenu du fait qu'ils pouvaient prévoir que ces crimes relevant de la

 23   troisième catégorie allaient être commis, et il suffit d'établir cela et de

 24   l'établir dans une municipalité pour pouvoir le conclure.

 25   Les conseils n'ont également pas pu démontrer que les connaissances réelles

 26   des crimes passés avaient une incidence; ils se sont trop concentrés là-

 27   dessus. Et je vous le rappelle également, Messieurs les Juges, pour pouvoir

 28   conclure à une responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune


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  1   de troisième catégorie, il s'agit d'un critère indispensable.

  2   Mais il y a des rapports qui ont été personnellement adressés à Stojic, et

  3   je vais vous donner un exemple en plus du rapport de Siljeg, pièce P2770.

  4   Vous en avez entendu parler la semaine dernière. Il a été envoyé à Stojic

  5   le 14 juin 1993 et contenait des informations sur des viols qui ont eu lieu

  6   dans ce territoire, d'expulsions d'appartements, de passages à tabac et

  7   d'"indications de nouveaux meurtres ou assassinats de civils", et cela a

  8   accompagné les opérations d'expulsion à l'ouest de Mostar. Vous retrouverez

  9   également cela dans notre mémoire en appel. S'agissant de ces informations,

 10   eh bien, il y a des faits qui prouvent que des viols avaient eu lieu avant

 11   tout incident de violence sexuelle.

 12   S'agissant d'autres questions soulevées par la Défense Petkovic,

 13   notamment le nombre de détenus à Dretelj - je renvoie-là au moyen 2 d'appel

 14   - la Défense est exacte à cet égard : au deuxième moyen d'appel,

 15   l'Accusation demande que Petkovic soit condamné pour le meurtre et

 16   l'homicide intentionnel de six détenus au lieu de quatre détenus, à la

 17   prison de Dretelj.

 18   S'agissant des vols à Stupni Do, la Défense nous a présenté une liste de

 19   mesures qui avaient été prises en réponse aux vols et à d'autres crimes qui

 20   avaient été commis à Stupni Do mais, ce faisant, elle ignore ou elle balaye

 21   de la main la façon dont Petkovic a dissimulé ces crimes en donnant des

 22   instructions à Rajic pour mener une fausse enquête, comme M. Schneider l'a

 23   abordé la semaine dernière. Petkovic ne pouvait pas s'appuyer sur d'autres

 24   personnes pour prendre des mesures afin d'enrayer ces crimes, contrairement

 25   à ce que la Défense a argué aujourd'hui, et il était au courant que Boban

 26   et d'autres essayaient également de protéger Rajic.

 27   Comme la Chambre d'appel l'a conclu dans d'autres affaires, un supérieur

 28   hiérarchique ne peut pas se fonder sur une mesure particulière s'il a


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  1   connaissance de l'éventualité de déclenchement d'une fausse enquête. Et là,

  2   je vous renvoie à l'arrête Boskoski, paragraphe 234. Et c'est exactement ce

  3   qu'il s'est passé en l'espèce.

  4   Je voudrais encore éclaircir un point supplémentaire concernant l'autorité

  5   qu'exerçait Petkovic au moment où il a reçu la lettre du CICR, la pièce

  6   P7636. A ce moment-là, Petkovic était chef adjoint de l'état-major général

  7   du HVO, et comme M. Schneider l'a expliqué la semaine dernière, à ce

  8   moment-là il exerçait le contrôle effectif sur les forces du HVO. Donc, la

  9   référence à la Défense aujourd'hui à cet égard ne démontre absolument pas

 10   les constatations de la Chambre sur ce point.

 11   S'agissant des arguments présentés pour l'appelant Coric. Tout d'abord, les

 12   condamnations portant sur le meurtre de Kaplan et les crimes à l'époque au

 13   même village, les deux documents que la Défense de Coric a cités portent

 14   sur des procédures au pénal qui ont eu lieu en 1997 et en 2004. La Chambre

 15   s'est attelée à cette question du dépôt de rapports criminels ou au pénal

 16   au tome 1, paragraphes 918 et 919, et au tome 4, paragraphes 880 et 882, et

 17   a, à juste titre, constaté que Coric n'avait pas remédié à ces crimes,

 18   notamment les crimes liés aux expulsions et aux détentions.

 19   Messieurs les Juges, ce qui est important ici, c'est qu'il y a une enquête

 20   et peut-être même une responsabilité pénale engagée, mais cela ne nous dit

 21   rien sur la capacité technique d'un accusé de prévoir que les crimes

 22   auraient pu avoir lieu dans un premier temps. Donc, ce type d'action prend

 23   du temps pour pouvoir constater la prévisibilité des crimes.

 24   Et à la page temporaire du compte rendu numéro 85, s'agissant de

 25   l'Heliodrom, les conseils de Coric ont encore affirmé que "la Chambre a

 26   même constaté que Coric n'était pas informé des mauvais traitements et

 27   n'avait aucune raison de croire que les détenus étaient maltraités."

 28   Là encore, le paragraphe cité, tome 4, paragraphe 955, conclut au


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  1   contraire, et je cite ce paragraphe : "Valentin Coric avait des raisons de

  2   croire que les détenus de l'Heliodrom étaient maltraités pendant la

  3   détention."

  4   Les versions anglaise et française ne font aucun doute.

  5   Et enfin, Coric - ou sa Défense - a affirmé qu'il avait pris les mesures

  6   nécessaires lorsqu'il a appris que des meurtres avaient eu lieu à Dretelj

  7   en 1993. Nous vous renvoyons ici à notre mémoire en réponse, paragraphe

  8   183. En particulier lorsqu'il affirme qu'il avait soulevé cette question

  9   lors de la session gouvernementale du 19 juillet 1993. Aucun des témoins

 10   qui sont venus déposer à la barre n'ont mentionné Coric ou sa présence

 11   indiquant qu'il était là. Pièce P3560.

 12   S'agissant maintenant des arguments de manière générale, je vous renvoie

 13   vers notre mémoire en réponse, paragraphes 129 et 131 pour des arguments

 14   plus étoffés sur ce sujet.

 15   Maintenant, pour ce qui est de l'autre point, à savoir ce que la Chambre

 16   d'appel a jugé bon d'indiquer pour ce qui est de l'arrêt Dragan Nikolic,

 17   c'est le fait d'avoir une loi qui contraint, dans un Tribunal

 18   international, qui a été modifiée par une autre loi plus avantageuse et que

 19   le Tribunal international est censé mettre en œuvre.

 20   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 21   Mme BAIG : [interprétation] Messieurs les Juges, toute une série de

 22   répondants ont essayé de procéder à une comparaison entre leur appel et

 23   notre appel à nous en affirmant que nos arguments en appel étayaient leurs

 24   arguments en appel à eux, mais il n'y a aucun parallèle qui aurait de la

 25   signification entre notre appel interjeté et les appels interjetés par la

 26   Défense.

 27   Quand il s'agit maintenant du fait de procéder à une fragmentation par

 28   compartiments, nous avons évoqué le fait que la Chambre avait erré en


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  1   matière de droit pour ce qui est d'un domaine particulier d'analyse portant

  2   sur l'ECC 3. Ils n'ont pas pris les bons éléments et les bonnes conclusions

  3   parce qu'ils ont considéré que les constatations et les éléments de preuve

  4   en matière de droit n'avaient pas de pertinence pour ce qui était de

  5   procéder à ladite analyse. Il n'y a pas d'analogie dans les arguments

  6   présentés par la Défense. Les arguments de l'Accusation pour ce qui est de

  7   cette approche compartimentée se trouvent être centrés sur des questions

  8   spécifiques de mise en œuvre très restrictive pour ce qui est des normes de

  9   l'ECC catégorie 3. Aucun des répondants n'a indiqué qu'il y avait une

 10   erreur en matière de droit de cette nature-là.

 11   Par analogie, lorsque nous avons dit que la Chambre a omis certains

 12   aspects, nous avons indiqué les secteurs où les Juges de la Chambre de

 13   première instance ont omis de rendre des jugements s'agissant de

 14   responsabilité pour crimes commis qui n'ont pas été sanctionnés, ou alors

 15   pour ce qui est du moyen d'appel où la Chambre de première instance a

 16   procédé à une analyse des sanctions cumulatives pour omettre de rendre un

 17   jugement à ce sujet. Donc aucun des arguments de la Défense ne correspond à

 18   ce nous avons dit. Les omissions dans le jugement rendu en première

 19   instance n'ont rien à voir avec ce que la Défense a avancé pour ce qui est

 20   d'omissions de jugement à rendre en corrélation avec les arguments avancés

 21   par la Défense pour indiquer qu'il y avait des points qui avaient des liens

 22   tangentiels ou des éléments de preuve isolés ou il n'y a pas eu de

 23   constatation explicite de formulée.

 24   Lorsqu'il y a eu présentation d'éléments factuels pour ce qui est de

 25   l'existence de l'entreprise criminelle commune et l'intention et les

 26   contributions respectives des répondants, la Chambre s'est penchée sur la

 27   totalité des éléments de preuve, y compris les éléments de preuve de la

 28   Défense, les témoins de la Défense, et a procédé de façon express à des


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  1   constatations relatives à la crédibilité et la valeur probante des éléments

  2   de preuve présentés par les deux parties en présence. Ce qui est clair dans

  3   l'argumentation présentée par la Défense c'est qu'ils ne sont pas d'accord

  4   avec les constatations de la Chambre de première instance, mais ces

  5   constatations se trouvent être raisonnables et se basent sur un examen

  6   détaillé des éléments de preuve présentés.

  7   Mme BAIG : [interprétation] Je voudrais, Monsieur le Juge, que vous

  8   m'accordiez quelques instants.

  9   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 10   Mme BAIG : [interprétation] Avant que d'en conclure, Monsieur le

 11   Juge, j'aurais une petite question administrative que j'aimerais aborder

 12   mais je préférerais l'aborder à huis clos.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon, on va passer à huis clos.

 14   Mme BAIG : [interprétation] Excusez-moi, je voulais dire huis clos partiel.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Huis clos partiel.

 16   On y est. On est à huis clos partiel, Madame Baig.

 17   [Audience à huis clos partiel]

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 12   [Audience publique]

 13   Mme BAIG : [interprétation] Merci. Les conclusions des Juges de la Chambre

 14   de première instance n'ont pas pris en considération l'échelle complète de

 15   la responsabilité au pénal des répondants, des appelants. Et il n'y a pas

 16   eu de condamnation pour toute une série de délits au pénal. La

 17   responsabilité criminelle n'a pas été soulignée de façon claire à la

 18   lumière des destructions arbitraires et de la responsabilité de supérieur

 19   hiérarchique. Nous demanderions donc à ce que ces responsabilités pour ce

 20   qui est des délits au pénal appropriés soient prises en compte dans le

 21   jugement en appel.

 22   Merci.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Baig, avant que d'aller de

 24   l'avant, le Juge Moloto voudrait vous poser une question.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mme Baig, M. Sahota a dit aujourd'hui

 26   que le critère de la prévisibilité, pour ce qui est des délits de l'ECC

 27   catégorie 3, se devait ou devrait être subjectif. Avez-vous un commentaire

 28   ?


Page 851

  1   Mme BAIG : [interprétation] Le critère de la catégorie 3 de l'ECC doit être

  2   subjectif et objectif. Ça doit être lié à la mise en œuvre d'un objectif

  3   criminel commun et, par conséquent, l'accusé doit, de son plein gré,

  4   assumer le risque de voir un crime de commis; ça doit être subjectivement

  5   prévisible pour l'accusé en question.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci beaucoup. Si j'ai bien compris,

  9   ceci met un terme à votre exposé ou à vos éléments en réponse.

 10   Alors pour les besoins du compte rendu d'audience, je tiens à préciser que

 11   lorsque M. Ivetic s'est adressé à nous, en page 93 du compte rendu

 12   d'audience, entre les lignes 10 et 17, il a fait référence à un paragraphe,

 13   le paragraphe 4428 -- ah, non, non, c'était M. Sahota ce n'était pas M.

 14   Ivetic - donc je disais, page  428 du jugement en appel dans l'affaire

 15   Talic, et en réalité je suis en train de procéder aux rectificatifs de

 16   ladite référence. Il s'agit de l'appel Brdjanin, en réalité.

 17   M. SAHOTA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est une erreur

 18   que j'ai faite. Mais la citation est assez connue.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certes, mais il s'agit de l'affaire

 20   Brdjanin. Parce qu'il s'agissait d'un appel qui se rapportait à un jugement

 21   rendu par moi-même … merci.

 22   On en est arrivé à la dernière phase de notre procédure d'aujourd'hui

 23   où nous allons accorder dix minutes à chacun des appelants pour qu'il y ait

 24   de leur part une intervention à l'attention des Juges de la Chambre s'ils

 25   le désirent.

 26   Je vais commencer par vous, Monsieur Pusic. Est-ce que vous souhaitez vous

 27   adresser aux Juges de la Chambre, vous avez dix minutes.

 28   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] M. Pusic n'est pas là.


Page 852

  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Monsieur Prlic, excusez-moi, je

  2   pensais à vous, en fait.

  3   L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Monsieur le Président, membre, estimé

  4   membre de la Chambre d'appel.

  5   Plutôt que de proférer des termes habituels en ce type de

  6   circonstances, je vais donner un texte qui est intitulé, nous avons besoin

  7   de gens qui ont de la bonne volonté, des mains propres et un cœur propre.

  8   Et il s'agit d'une réception à l'occasion du Ramadan qui publiée par un

  9   journal à Mostar le 16 avril 1994. Je vais citer.

 10   "En soulignant que le fait que la guerre rendait malheureux la

 11   totalité des citoyens de Bosnie-Herzégovine, qu'ils soient Musulmans ou

 12   Croates ou Serbes, Prlic a souligné que les autorités de l'Herceg-Bosna

 13   étaient tenus d'assurer un traitement sur pied d'égalité l'intention de la

 14   totalité des citoyens en place. Nous ne sommes pas satisfaits des

 15   traitements jusqu'à présent, mais nous nous efforcerons d'assurer un

 16   respect des droits de l'homme pour tout un chacun. En mon nom personnel, et

 17   au nom du gouvernement croate de l'Herceg-Bosna, tous ceux qui ont vécu ou

 18   subi des désagréments, je me sens contraint de dire la vérité la plus

 19   vraie, a déclaré Jadranko Prlic."

 20   Ce que j'ai dit il y a 25 ans, je ne puis que le répéter maintenant. Je

 21   suis profondément conscient des malheurs profonds subis par les victimes de

 22   tous les côtés au fil de cette guerre écoulée. Du reste, cette guerre je

 23   l'ai passée à deux postes des plus difficiles, à savoir Mostar et Sarajevo.

 24   Je sais ce que signifie la vie sans électricité et sans eau potable,

 25   l'occupation en ville, l'exposition à des tirs d'artillerie ou de tireurs

 26   embusqués, et je sais ce que c'est que craindre pour ses proches sans qu'il

 27   y ait des soins appropriés apportés par la communauté internationale. J'ai

 28   donc compati avec tous ceux qui ont souffert et nous avons vécu ensemble


Page 853

  1   indépendamment du fait de nous être trouvés à des parties opposées du

  2   front. Tout ça, ce sont des citoyens de Bosnie-Herzégovine et j'ai fait

  3   partie du gouvernement pendant 14 ans presque sans interruption, entre 1989

  4   et 2003.

  5   Messieurs les Juges, bien que s'agissant de 2016, pour moi -- c'était au

  6   fait l'année 2013. Je sais que la vérité en justice ne doit pas forcément

  7   correspondre à la vérité vraie. Mais je ne pensais pas que cela pouvait

  8   être aussi divergent ou opposé, contraire aux faits. Et là, je trouve que

  9   trop, c'est trop. Donc, dans la meilleure des intentions que je me suis

 10   efforcé d'intervenir pendant ces journées-ci plus que pendant le procès

 11   tout entier. Et je m'en excuse.

 12   Dans le jugement qui a été rendu à mon égard, mon erreur la plus grande

 13   avait été d'être resté plutôt que de m'en aller. Oui, j'aurais dû m'en

 14   aller. J'avais conscience des risques. Certains des témoins dans cette

 15   affaire, des étrangers qui, pour l'essentiel ont changé d'avis par rapport

 16   au temps de l'époque, me l'avaient conseillé. Mais dans ce cas-là, je me

 17   serais considéré coupable pour le reste de ma vie, parce que je n'aurais

 18   rien fait pour remédier à la situation. Est-ce que mon départ aurait été

 19   utile ?

 20   Eh bien, je suis resté sur le même projet depuis 1990 en ma qualité de

 21   vice-président ou président en exercice du gouvernement de la Bosnie-

 22   Herzégovine. Et j'ai dit en premier, de façon publique, que cela pouvait

 23   être un Etat autonome. Si vous vous penchez sur les PV des réunions, des

 24   instances où j'ai été président pendant la guerre et il y en a quelque 80

 25   que je voulais indiquer ce matin, pendant les temps les plus difficiles, ça

 26   n'a pas été, en fait, une interruption de quelle que nature que ce soit.

 27   Nous nous sommes efforcés de construire un pays normal, un pays européen

 28   composé par trois peuples et non pas seulement par un peuple, conformément


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  1   aux plans internationaux. Cela est confirmé par 250 citations des

  2   transcriptions présidentielles, et ce, pour les raisons que nous avons

  3   avancées dans notre appel. A titre de comparaison, il n'y en a que

  4   quelques-uns qui ont été mis de côté dans le jugement rendu pour indiquer

  5   qu'il n'y avait pas d'intention criminelle unique et que cela avait été une

  6   erreur de constatation dans le jugement rendu en première instance.

  7   Je me suis donc efforcé de continuer à travailler davantage, à

  8   libérer le pays en 1994 en ma qualité de ministre de la Défense. Et en ma

  9   qualité de ministre des Affaires étrangères, j'ai représenté la totalité

 10   des citoyens dans le monde pendant plus de cinq ans. Et ici, on me condamne

 11   en disant que j'ai été contre ce pays auquel j'ai consacré ma vie entière

 12   et que le jugement dit que j'ai occupé.

 13   Avec le sénateur Robert Dole, dès le début de la création de ce

 14   Tribunal, je savais que les familles des victimes voulaient qu'il y ait des

 15   sanctions de prononcées à l'égard des coupables et on connaît les

 16   coupables. On sait plus ou moins qui a tiré sur qui pendant cette guerre.

 17   Il y a des milliers d'assassins, comme je l'ai dit en 2001 dans une

 18   interview à l'intention du Procureur ou comme l'a dit le président de la

 19   Chambre, M. Agius, lorsqu'il a rendu visite à la région. Il y a des

 20   milliers qui déambulent librement dans les rues de nos villes. C'est la

 21   raison pour laquelle moi-même et le gouvernement à la tête duquel je me

 22   trouvais avions apporté notre soutien à la création de ce Tribunal. Nous

 23   avions collaboré avec. Et le Procureur a dit que la commission chargée des

 24   crimes de guerre n'avait jamais été créée. Mais non seulement y a-t-il eu

 25   des investigations conjointes, mais les dossiers entiers au sujet des

 26   crimes commis ont été communiqués avec des milliers de pages. Il s'agit du

 27   1D02243.

 28   J'ai participé à la conférence de Rome, j'ai fait partie du groupe


Page 855

  1   des pays qui ont assuré un lobbying au niveau des Nations Unies pour

  2   arriver à la création d'un Tribunal pénal international permanent afin que

  3   ce type de décisions entre en vigueur.

  4   Ai-je changé d'opinion au bout de ces quelque 13 années que je me

  5   trouve en prison et que j'attends un jugement et un arrêt ? Je tiens à être

  6   sincère, on l'a montré dans les appels, dans les jugements et le niveau

  7   d'injustice dans cette procédure a été insupportable. Ce qui fait que

  8   pendant une bonne partie du temps passé, je ne voulais même pas venir

  9   assister au procès. J'ai demandé à ce que le Procureur prête serment pour

 10   dire la vérité, parce que seul ici le Procureur a une mission au prétoire.

 11   Et cela a été rejeté de façon automatique. Ce procès a un côté terni de la

 12   justice internationale. Et si au fil des 13 ans écoulés, le prix à payer

 13   est le prix que j'ai à payer, ainsi soit-il.

 14   De toute façon, les années que j'ai passées ici, rien ne saurait plus

 15   me les rendre. Merci.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certainement pas.

 17   Mme TOMASEGOVIC-TOMIC : [interprétation] Est-ce que je peux quitter le

 18   prétoire pendant quelques minutes, parce que j'ai un problème médical et je

 19   dois prendre des médicaments ?

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien sûr.

 21   Si j'ai bien compris, Monsieur Stojic, vous avez décidé de ne pas utiliser

 22   ce temps --

 23   L'APPELANT STOJIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 24   Messieurs les Juges. Mais quand même, j'aimerais dire quelque chose pendant

 25   quelques minutes, deux ou trois minutes.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, bien sûr, allez-y.

 27   L'APPELANT STOJIC : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans le

 28   prétoire. Je soutiens la présentation de mon équipe de Défense, de mes


Page 856

  1   avocats et je les remercie d'avoir fait cela pendant des années. J'ai eu

  2   une bonne coopération avec eux et je les remercie.

  3   (expurgé)

  4   (expurgé)

  5   (expurgé)

  6   Il est peut-être quelque peu étonnant de dire aujourd'hui que je

  7   remercie le personnel du quartier pénitentiaire pour leurs rapports

  8   professionnels humains envers moi pendant tout mon séjour ici à La Haye.

  9   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je me suis rendu à ce

 10   Tribunal, parce que je crois en ce Tribunal, à cette institution

 11   judiciaire. Je vous crois, Messieurs les Juges et je crois que vous allez

 12   rendre une décision équitable. Et pour finir j'aimerais dire que je suis

 13   désolé pour toutes les victimes de la guerre, victimes musulmanes et

 14   serbes, et en particulier les victimes musulmanes, parce qu'elles étaient

 15   au cœur de ce procès.

 16   Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Stojic.

 18   Monsieur Praljak, vous avez la parole. Vous avez à votre disposition 10

 19   minutes.

 20   L'APPELANT PRALJAK : [interprétation] Bonjour. En 2016, le ministère de

 21   l'Intérieur de l'Allemagne a enregistré 3 700 incidents contre les réfugiés

 22   accueillis par ce pays-là, en moyenne, dix attaques par jour. Des dizaines

 23   d'institutions de ce pays démocratique, civilisé, riche n'ont pas réussi à

 24   éviter que cela se passe. Pour ce qui est des psychologues qui s'occupent

 25   de la société, ces événements étaient prévisibles. Prévoir un nombre

 26   d'incidents est plus difficile, mais prévoir des incidents individuels est

 27   impossible. Le nombre d'auteurs de ces infractions pénales qui ont été

 28   découvertes est minime.


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  1   Pour ce qui est d'un autre exemple, en Nouvelle-Orléans, il y a eu 1 700

  2   infractions pénales, des centaines de meurtres, des centaines de viols et

  3   d'infractions pénales comme des pillages. Les institutions judiciaires des

  4   Etats-Unis n'ont pas réussi à éviter que cela en arrive et ont réussi à

  5   découvrir un petit nombre d'auteurs de ces crimes et des petits problèmes

  6   dans la structure sociale peuvent amener un grand nombre d'infractions

  7   pénales commises par un grand nombre d'individus.

  8   En 1992, en Bosnie-Herzégovine, après le début de l'agression serbe, toute

  9   la structure étatique s'est effondrée. Toutes les fonctions sociales se

 10   sont arrêtées et tout a été réduit au niveau d'individus. Dans de telles

 11   conditions et circonstances, on peut opérer de deux façons. On peut essayer

 12   et à nouveau essayer de reconstruire les formes de pouvoir habituelles et

 13   la vie de la société. C'est une tâche qui est lente et incertaine. Le

 14   nombre de blessés, de morts, de réfugiés, d'exilés, l'échec des conférences

 15   de paix, la trahison de la politique des Musulmans, l'agression contre les

 16   Croates, la durée de la guerre minimisent tous ces efforts et sapent tous

 17   ces fondements. Dans de telles circonstances, les activités - et c'est sous

 18   B - les activités des individus sont en scène.

 19   Pour ce qui est de mon exemple, je peux dire que j'ai agi, à l'époque, donc

 20   il y a 13 ans, de la même façon à laquelle j'agirais aujourd'hui. Je ne

 21   changerais rien pour ce qui est de mes activités, pour ce qui est de mes

 22   agissements dans une situation chaotique, parce que la portée de ces

 23   activités sont limitées dans le temps et dans l'espace. Et pour ce qui est

 24   des prémices qu'on appelle les prémices erronées, c'est quelque chose qui

 25   représente un phénomène général de la politique de l'ouest. La même chose

 26   s'est passée lors de ce processus.

 27   Et mettre le signe d'égalité entre ces deux nations -- de vouloir faire

 28   quelque chose et la notion de pouvoir n'a aucun sens. Pourquoi autant de


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  1   guerres avec de telles conséquences si personne ne veut qu'une guerre

  2   éclate ? Pourquoi le pouvoir est aussi faible ? Le degré d'efficacité de ce

  3   qu'on appelle dans l'OTAN commandement et contrôle, ainsi que les

  4   communications et le contrôle des communications peuvent être appliqués sur

  5   l'exemple du HVO seulement si on considère les définitions de l'armée au

  6   sein du HVO et au sein des armées occidentales comme identiques. Mais c'est

  7   trop différent, il y a trop d'éléments qui sont différents pour pouvoir

  8   faire une telle comparaison. Les prémices erronées ne permettent pas la

  9   compréhension de ces éléments et ne nous mènent pas vers la vérité.

 10   L'agression de la Bosnie-Herzégovine sur le front qui était d'une longueur

 11   de plus de 200 kilomètres, qui avait trois corps d'armée à sa disposition,

 12   l'intensité de leurs attaques contre le HVO à l'époque où j'étais

 13   commandant a eu pour conséquence de nous trouver dans une situation

 14   d'exténuation physique et mentale pour ce qui est de moi-même et de mes

 15   soldats, les soldats que je commandais. Dans de telles situations,

 16   commander d'un bureau de général n'est pas possible. Vingt heures par jour,

 17   vous devez vous trouver sur le terrain avec vos soldats. Vous devez les

 18   commander, donner des ordres, les encourager et combattre ensemble avec

 19   eux. La frustration des soldats était insupportable, puisque le fait était

 20   que c'est leur allié qui les a attaqués et tout ce qu'ils avaient pour les

 21   attaquer, ils l'avaient obtenu des Croates. Et scientifiquement parlant, on

 22   peut dire que c'est prévisible que ce sont les soldats qui commettraient

 23   des crimes, mais on ne peut pas prévoir quand, et où, et qui.

 24   En 1992, au printemps, et plus tard également de façon régulière, tous les

 25   soldats du HVO connaissaient le droit de la guerre. Cela a été fait en

 26   coopération avec le CICR. Nous avons fait tout ce que nous avons pu faire

 27   pour éviter cela. Comme le Dr Prlic a dit, d'abord, nous aurions pu partir.

 28   Nous aurions pu nous rendre à l'ABiH et à l'armée de la Republika Srpska.


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  1   Nous aurions pu partir et se sauver, partir en Croatie, mais cela n'aurait

  2   pas diminué le nombre de crimes. Lorsque les alliances des pays occidentaux

  3   combattent les soldats de l'Etat islamique, alors il y a des dommages 

  4   collatéraux inévitables, et c'est ce qui s'était passé. Si vous ne voulez

  5   pas avoir des victimes collatérales, alors il ne faut pas que vous les

  6   attaquiez. C'est une option.

  7   Et pour finir, à Mostar, l'ABiH a attaqué le HVO, et ce n'était pas

  8   l'inverse. Ma participation et mes agissements pendant la guerre peuvent

  9   être résumés ainsi : la loi de Praljak et d'Archimède. C'est un peu

 10   pompeux, mais j'ai lu cela à la Chambre, le 4 mai 2000, et cela se trouve à

 11   la page du compte rendu 39481 et 39482 du compte rendu d'audience. Je

 12   maintiens ce que j'ai dit, à savoir que cette loi est véridique. Et si les

 13   Juges considèrent que je suis coupable, je ne demande pas qu'on prenne en

 14   compte les circonstances atténuantes, puisque ma conscience est tranquille.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Praljak.

 16   Monsieur Petkovic, vous avez la parole.

 17   L'APPELANT PETKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais

 18   d'abord souligner le fait que je ne suis pas un Croate originaire de

 19   Bosnie-Herzégovine, mais que je suis né en Croatie, mais c'est mon peuple,

 20   le même, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. J'étais officier dans l'ex-

 21   Etat et j'ai résidé pendant un certain temps en Slovénie, puis en Croatie,

 22   et jamais en Bosnie-Herzégovine.

 23   En Bosnie-Herzégovine, je suis arrivé début avril 1992, lorsque l'armée

 24   croate préparait la libération de la partie sud de son territoire. C'est un

 25   territoire très étroit et il fallait planifier toutes les opérations et

 26   déplacer la logistique sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine avec

 27   l'approbation de M. Izetbegovic et des autres autorités de cette Bosnie-

 28   Herzégovine. L'armée croate, à cette époque, avait coopéré de façon très


Page 860

  1   étroite avec le HVO et avec certaines unités de l'ABiH sur ce territoire,

  2   parce que cette armée protégeait le flanc gauche de l'armée croate, qui

  3   avançait vers Dubrovnik.

  4   Les combats ne m'ont pas trouvé présent en Bosnie-Herzégovine. J'avais une

  5   certaine expérience, depuis le mois de juillet 1991, dans ma ville de

  6   naissance, Sibenik, en République de Croatie. En partant vers le territoire

  7   de la Bosnie-Herzégovine, j'ai fait la connaissance de M. Boban et de

  8   dizaines d'autres personnes qui s'efforçaient d'organiser le Conseil croate

  9   de la défense pour s'opposer à l'agression serbe. Etant donné mon

 10   expérience professionnelle et mon éducation j'avais considéré comme

 11   obligation professionnelle et humaine de les aider. Je pensais que ça

 12   allait durer au plus quelques mois. Mais malheureusement j'y suis resté

 13   moi-même pendant plusieurs de deux ans.

 14   Et pendant les pires conflits avec l'ABiH dans la deuxième moitié de 1993,

 15   je suis resté en Bosnie-Herzégovine parce que pour moi ça aurait été de

 16   lâcheté et déshonorable que d'abandonner mes collègues et mes soldats. La

 17   chose la plus facile aurait été de s'en aller, et probablement ne serais-je

 18   pas ici de nos jours. Toujours est-il pour ce qui me concerne, en ma

 19   qualité d'officier de profession et de carrière, cela aurait été de la

 20   lâcheté que d'abandonner mes collègues et amis dans la difficulté.

 21   Je voulais vous dire deux choses, en fait. D'abord, j'ai toujours voulu que

 22   le HVO soit une armée des Croates et des Musulmans et je me réjouissais de

 23   chaque soldat nouveau recruté. Je n'ai jamais prêté attention à

 24   l'appartenance ethnique de tel ou de tel autre soldat. Vers la mi-1992, le

 25   HVO a libéré les parties considérables de la Bosnie-Herzégovine aux côtés

 26   de certaines parties ou segments de la BiH. A nos yeux c'était une armée

 27   alliée, ou plutôt, avions-nous considéré que nous étions deux composantes

 28   d'une seule et même armée. C'est du moins la façon dont je voyais les


Page 861

  1   choses.

  2   Je voudrais dire que dans notre avenant numéro 8, vous pouvez voir quel a

  3   été l'évolution de ma carrière et mes déplacements. Prenons, par exemple,

  4   le mois d'avril et même le mois de mai. Ces mois-là je les ai passés

  5   pendant une dizaine ou quinzaine de jours en compagnie de M. Sefer

  6   Halilovic en inspectant la totalité des sites de conflits au large de la

  7   Bosnie-Herzégovine. Donc j'ai passé pendant ces deux mois-là plus de temps

  8   avec Halilovic qu'avec mes propres soldats et nous nous sommes efforcés

  9   d'arriver à chaque site possible.

 10   Et dans tous mes contacts au niveau du commandement, j'ai insisté sur la

 11   nécessité d'un comportement attentif et prévenant à l'égard des femmes,

 12   enfants, et vieillards, que nous ne considérons pas de par la loi comme

 13   étant des gens aptes au combat. J'ai donné beaucoup d'ordres pour empêcher

 14   les agissements incontrôlés d'individus et de groupes, empêcher les

 15   destructions de maisons et autres biens, éliminer les extrémistes, et

 16   protéger la population civile conformément aux conventions internationales.

 17   Bon nombre de documents se trouvent être joints au dossier.

 18   J'ai notamment mis en garde la nécessité d'avoir un comportement

 19   humanitaire à l'égard des civils et de les protéger. J'ai envoyé les ordres

 20   pour éduquer tout un chacun pour dire que les civils n'avaient pas un rôle

 21   à jouer dans la guerre et qu'ils ne devaient pas faire l'objet ou la cible

 22   d'attaque. Ce n'est peut-être pas le moment de le faire mais ces documents

 23   se trouvent dans les avenants et dans notre mémoire en appel.

 24   S'agissant de mon point de vue actuel, il me semble que j'aurais

 25   peut-être pu faire les choses autrement. J'aurais peut-être dû le faire

 26   autrement. Ce qui est certain et ce que je ne modifierais pas de nos jours

 27   non plus c'est mon souhait sincère de voir les Croates et les Musulmans

 28   défendre leurs maisons ensemble. Les autres en Herceg-Bosna l'avaient


Page 862

  1   souhaité. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place le HVO en

  2   tant qu'armée défensive. Chaque brigade était composée de gens résidant sur

  3   ces territoires-là indépendamment du fait de savoir si c'étaient des

  4   Croates et des Musulmans. Et il était normal de voir dans certaines unités

  5   du HVO les Musulmans à être en majorité. Et en '93, je n'ai pas pu estimer

  6   ou prévoir que cela aurait pu constituer un problème sécuritaire pour le

  7   HVO.

  8   Et pour finir quelques mots encore. Messieurs les Juges, ma Défense a

  9   montré qu'en 1993, j'avais estimé qu'il valait mieux négocier pendant deux

 10   ans plutôt que de faire la guerre un seul jour. Je le pense même

 11   maintenant. Je crois que tout un chacun devrait le penser. Imaginez le

 12   malheur qu'une seule grenade peut apporter aux gens pour comprendre que la

 13   guerre n'est pas une bonne façon de résoudre les problèmes. Parce que même

 14   les guerres finissent à des tables de négociations. Et le problème de

 15   l'humanité c'est que précède à ces tables de négociations de grande

 16   souffrance.

 17   Et, Messieurs les Juges, je regrette énormément la totalité des

 18   souffrances et victimes. Notamment les victimes civiles de la guerre

 19   pendant ce conflit, et j'espère que rien de semblable ne se répétera sur ce

 20   territoire à nouveau.

 21   Messieurs les Juges, merci de votre attention.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais procéder à

 23   la rectification du compte rendu d'audience.

 24   Page 110, ligne 21 : Il n'a pas dit -- Il a dit que : Je n'étais pas

 25   en Bosnie pendant la guerre. En fait, le général a dit que : "Il n'était

 26   pas en Bosnie au début de la guerre."

 27   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Merci de cet

 28   éclaircissement.


Page 863

  1   Je voudrais maintenant, Monsieur Coric, que nous passions à -- avant que

  2   vous proposez de prendre la parole, Monsieur Coric, je voudrais que nous

  3   passions à huis clos partiel pour un instant, je voudrais tirer quelque

  4   chose au clair.

  5   Nous sommes à huis clos partiel.

  6   [Audience à huis clos partiel]

  7   (expurgé)

  8   (expurgé)

  9   (expurgé)

 10   (expurgé)

 11   (expurgé)

 12   (expurgé)

 13   (expurgé)

 14   (expurgé)

 15   (expurgé)

 16   (expurgé)

 17   (expurgé)

 18   (expurgé)

 19   (expurgé)

 20   [Audience publique]

 21   L'APPELANT CORIC : [interprétation] Messieurs les Juges, depuis le moment

 22   où j'ai été confronté à de graves accusations devant ce Tribunal au fil des

 23   14 années de mon séjour à La Haye, j'ai toujours recherché une réponse, à

 24   savoir définir si dans le courant de cette guerre, de façon consciente ou

 25   inconsciente j'aurais commis quelque mal ou tort que ce soit à l'égard de

 26   quelconque individu que ce soit ? J'ai attentivement écouté tous les

 27   témoignages et j'ai lu des milliers et milliers de documents pendant la

 28   durée de ce procès. Je sais qu'il n'y a pas de gens sans péché aucun. Je


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  1   sais que nous, membres du HVO, nous n'avons pas été non plus libérés ou

  2   dispensés de péché, mais je sais que la grande majorité des membres du HVO

  3   avaient les meilleures intentions possibles et qui ont de façon honorable

  4   et digne défendu la totalité des personnes innocentes et leur patrie.

  5   J'espère et je veux croire que les membres déshonorant le HVO ne pourront

  6   et ne sauraient détériorer l'image qui a été créée à cet effet par la

  7   grande majorité des défenseurs croates honnêtes.

  8   Monsieur le Juge, l'acte d'accusation de La Haye a visé à me faire

  9   comprendre que j'étais du mauvais côté pendant cette guerre ou que j'étais

 10   partie prenante à une entreprise criminelle commune. Je vous rappelle

 11   qu'une histoire -- une vérité historique vraie, à savoir que les

 12   responsables au sommet de la direction politique croate à la différence des

 13   autres parties en Bosnie-Herzégovine, avaient accepté toutes les

 14   propositions proposées ou accords ou projets d'accord de la communauté

 15   internationale pour la Bosnie-Herzégovine, à commencer par le plan

 16   Cutileiro, le plan Vance-Owen, le plan de Washington, et pour finir le plan

 17   de paix de Dayton. Donc il est illogique et injuste de me voir juger pour

 18   ces solutions, et ceux qui nous ont imposé ces solutions, ne sont même pas

 19   mentionnés, et encore moins déclarés coupable.

 20   Messieurs les Juges, le meilleur des indicateurs des horreurs de la guerre

 21   auquel nous avons été exposées c'est justement le renseignement relatif aux

 22   membres blessés ou tués de la police militaire. Sur les 2 000 membres que

 23   nous avons comptés pendant les 19 mois de la guerre, lorsque j'étais à la

 24   tête de l'administration de la police militaire, il y en a eu 164 de tués

 25   et 720 de blessés. Lorsque ces souffrances-là se voient rajouter le nombre

 26   des membres du ministère de l'Intérieur qui ont péri et en particulier les

 27   membres de la police spéciale et les membres de la police militaire, le

 28   nombre total de ces policiers s'élève à quelque 300 et le nombre des


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  1   blessés est de plus de 1 000.

  2   En raison de grandes pertes en hommes, en effectifs, nous avons été

  3   constants de renouveler constamment nos rangs par des nouveaux membres.

  4   C'est la raison pour laquelle dans notre activité, il y avait un segment

  5   important qui est celui de l'éducation et de la formation pour

  6   accomplissement de la police militaire. Une partie intégrante de cette

  7   formation avait été l'initiation aux conventions de Genève et au droit

  8   humanitaire international et au droit de guerre international. Du fait de

  9   cette approche et d'un niveau enviable de professionnalisme parmi nos

 10   membres, il y a bon nombre de vies humaines de sauvées et il y a eu des

 11   résultats exceptionnels de réalisés pour ce qui était d'empêcher ou de

 12   poursuivre en justice les activités illégales de groupes criminels ou

 13   d'individus animés par des intentions criminelles.

 14   Malheureusement, les missions fondamentales de la police, tant

 15   militaires que civiles, du fait de la violence des conflits armées, chose

 16   que je n'ai pas arrêté de souligner dans mes mises en garde, très souvent

 17   ont été placés en deuxième plan indépendamment de mes mises en garde à moi.

 18   Et il est un segment très important pour ce qui est de la police militaire.

 19   C'est le département de la police criminelle. Les intervenants dans ce

 20   département ont coopéré avec les autres membres de la police et c'est dans

 21   des circonstances très difficiles qu'ils se sont efforcés de prévenir,

 22   d'arrêter et de poursuivre en justice les violations de bon nombre de

 23   délits au pénal indépendamment de l'armée ou du peuple dont faisaient

 24   partie soit les victimes soit les auteurs de tels agissements. La police

 25   militaire, en temps de guerre, a présenté au procureur compétent plus de

 26   2 000 dépôts de plaintes au pénal.

 27   Messieurs les Juges, la mission d'un chef et d'un ministre a été

 28   accomplie par moi dans la continuité au sein de l'Herceg-Bosna et au sein


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  1   des gouvernements "post-Daytoniens" de Bosnie-Herzégovine jusqu'en 2002.

  2   Pendant toute cette période-là, mes activités et les activités déployées

  3   par mes collaborateurs ont été exposées au jugement du public et tout ce

  4   que nous avons fait en public pour ce qui est des événements ont été fait

  5   en temps utile de façon concrète et tout à fait transparente. Pendant ces

  6   temps-là je n'ai jamais planifié, encouragé, commandé ou dissimulé, voire

  7   participé de quelque autre façon, à quelque crime que ce soit. Tous mes

  8   agissements ont été orientés vers des activités légales et professionnelles

  9   pour empêcher la criminalité et tous les actes illicites.

 10   Pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune, c'est une chose

 11   que j'ai eu l'occasion d'apprendre dans l'acte d'accusation. Je n'ai jamais

 12   eu conscience de quelque plan, intention ou objectif criminel que ce soit.

 13   Et jamais personne ne m'a demandé ou proposé de prendre part à chose

 14   pareille.

 15   Messieurs les Juges, dans ce prétoire, nous avons assisté au

 16   témoignage de plus de 400 témoins et aucun d'entre eux n'a proféré des

 17   accusations professionnelles ou simplement humaines à mon égard. C'est la

 18   raison pour laquelle je suis étonné de voir le Procureur présenter ses

 19   louanges comme étant des éléments à charge pour ce qui est de mon

 20   comportement en temps de guerre.

 21   Avec tout le respect dû à tout un chacun au fil de ces années

 22   écoulées, pour ce qui est des choses utilisés par le Procureur de ce

 23   Tribunal dans le procès nous concernant nous six et dans d'autres procès,

 24   il me semble évident qu'ils n'ont pas du tout compris les circonstances de

 25   la guerre survenue en Bosnie-Herzégovine. Le Procureur ne peut pas ou ne

 26   veut pas faire la distinction de ce qui se passe en temps de guerre en

 27   dépit des efforts déployés à titre professionnel et humain pour définir ce

 28   qu'il est possible de faire et ce qu'il n'est pas possible de faire, pour


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  1   distinguer ceux qui se sont battus contre les malheurs de toutes sortes et

  2   dans l'intérêt de tout un chacun par rapport aux individus et groupes qui

  3   se sont comportés de façon illicite en commettant des crimes pour aboutir à

  4   le réalisation de leurs propres objectifs ou intérêts personnels.

  5   En sus, le bureau du Procureur n'a pas hésité de recourir à des

  6   méthodes indignes pour ce qui est de ses collaborateurs, pour ce qui est

  7   d'embaucher un certain nombre d'avocats et des intervenants des services de

  8   sécurité, voire même des hommes politiques à des niveaux élevés de l'Etat.

  9   Ces gens déshonorés qui venaient des rangs du peuple croate ont présenté

 10   des faux témoignages, ont collaboré en secret avec le bureau du Procureur

 11   et ont apporté des documents falsifiés du temps de la guerre. Et de cette

 12   façon, le Procureur a sciemment "amnestié" bon nombre de criminels de

 13   guerre, bien que sachant que parmi eux il y avait des individus qui avaient

 14   commis des crimes de guerre, qui avaient dissimulé des délits au pénal, et

 15   ce, pour faire incomber des responsabilités à des personnes innocentes

 16   devant ce Tribunal et les tribunaux de Bosnie-Herzégovine.

 17   Monsieur le Juge, je ne suis pas un homme sans péché. Les membres du

 18   HVO ne sont pas des gens qui n'ont pas de péchés de par le passé. Mais à

 19   l'étude réaliste de ce qui s'est passé sur le territoire de la Bosnie-

 20   Herzégovine et en comparant les indices policiers au sujet des activités,

 21   du succès ou insuccès de formations policières, il est difficile de trouver

 22   une unité quelle qu'elle soit de la police qui est de par le passé avec

 23   plus de succès, professionnalisme et humanité accompli ses tâches si ce

 24   n'est la police militaire dans la HR HB.

 25   Indépendamment de votre décision quelle qu'elle soit, je serai

 26   toujours fier d'avoir effectué la mission de chef de l'unité de

 27   l'administration de la police militaire dans la guerre patriotique, les

 28   missions de ministre de l'Intérieur et de membre du conseil de la


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  1   présidence de la chaire HB. Je remercie donc sincèrement tous ceux qui nous

  2   aidés, et tous ceux qui ont rendu les choses plus difficiles pour nous, eh

  3   bien, je dirais que Dieu leur pardonne.

  4   Messieurs les Juges, je regrette énormément chaque victime civile et

  5   les souffrances générées par cette malheureuse guerre. Et si en temps de

  6   guerre, de quelque façon que ce soit, à l'égard de qui que ce soit, j'ai

  7   apporté de l'injustice ou du malheur, je leur demande pardon.

  8   Merci de votre attention.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Coric.

 10   Le conseil de M. Pusic, d'après ce que j'ai compris, votre client a décidé

 11   de ne pas faire de déclaration. C'est exact ?

 12   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, notre client a

 13   décidé de ne pas faire de déclaration. Sa position est identique à celle

 14   qu'il a présentée dans le prétoire en octobre 2006 lorsqu'il s'est excusé

 15   auprès de toutes les victimes. Et il est certain que la Chambre d'appel

 16   rendra une décision juste.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Je dois

 18   consulter un représentant du Greffe.

 19   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel

 21   juste pendant quelques instants.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Stringer.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Au risque de

  9   vous mettre en colère, je souhaite déclarer aux fins du compte rendu

 10   d'audience que la Chambre de première instance rejette avec force les

 11   allégations faites par M. Coric concernant le fait d'acheter des éléments

 12   de preuve, je ne sais quoi d'autre. Il s'agit d'une nouvelle accusation, et

 13   nous rejetons cela avec force. Il s'agit d'allégation grave.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je m'y attendais. Vous ne me surprenez

 15   pas beaucoup.

 16   Mesdames et Messieurs, ceci conclut la présentation des sept appels en

 17   l'espèce. Je souhaite en particulier remercier les parties, les accusés et

 18   les conseils pour leur travail et leur coopération avec la Chambre d'appel.

 19   Je souhaite également exprimer ma reconnaissance envers les interprètes, la

 20   sténotypiste, le personnel technique et les techniciens chargés des

 21   questions audiovisuelles, les officiers chargés de la sécurité, les membres

 22   du Greffe qui sont présents dans le prétoire et le dernier, mais pas des

 23   moindres, le personnel des Chambres à l'extérieur et à l'intérieur du

 24   prétoire. Je souhaite également remercier tous les autres membres du

 25   personnel qui ont participé à l'organisation de cette audience, et qui ont

 26   permis que cela fonctionne bien au cours de ces 15 derniers jours. Je vous

 27   remercie tous pour votre excellent travail et votre concours.

 28   Mes collègues et moi-même, nous allons maintenant entrer dans la phase de


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  1   délibération de l'appel. Et la Chambre d'appel rendra sa décision en temps

  2   utile, d'ici le mois de novembre au plus tard.

  3   L'audience est levée, je vous remercie.

  4   --- L'audience est levée à 16 heures 09 sine die.

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