Affaire n° : IT-03-67-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel A. Agius, Président
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Jean-Claude Antonetti

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
18 novembre 2003

LE PROCUREUR

c/

VOJISLAV SESELJ

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DÉCISION RELATIVE À CERTAINES ALLÉGATIONS FIGURANT DANS LA VINGT-TROISIÈME REQUÊTE

__________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Hildegaard Uertz-Retzlaff
M. Daniel Saxon

L’accusé :

Vojislav Seselj

Le Conseil d’appoint :

M. Aleksandar Lazarevic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes prétendues responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

Vu la requête1 déposée par l’accusé le 30 octobre 2003, par laquelle il allègue une conduite répréhensible du Greffier du Tribunal, d’un membre du personnel du Tribunal, du conseil Toma Fila, et du conseil d’appoint de l’accusé en l’espèce, Aleksandar Lazarevic (ensemble les « personnes prétendues coupables d’outrage »), et demande à la Chambre d’ordonner au Procureur d’enquêter à ce sujet en vue d’établir un acte d’accusation à l’encontre de ces personnes pour outrage, en application de l’article 77 C) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »)2,

ATTENDU que l’accusé n’a pas abordé cette question à la dernière conférence de mise en état, qui s’est tenue le 29 octobre 20033,

VU la Réponse à la Requête de l’accusé, datée du 10 novembre 2003, par laquelle l’Accusation affirme que celui-ci n’a produit aucun élément de preuve digne de foi à l’appui de ses allégations contre les personnes prétendues coupables d’outrage, et que sa requête présentée en application de l’article 77 C) du Règlement devrait par conséquent être rejetée,

ATTENDU que c’est avec le plus grand sérieux que la Chambre considère de graves allégations de ce genre lorsqu’elles sont formulées à l’encontre de son personnel et des conseils de la Défense désignés par le Tribunal,

ATTENDU que l’article 77 du Règlement, intitulé « Outrage au Tribunal », dispose que le Tribunal peut déclarer coupable d’outrage « les personnes qui entravent délibérément et sciemment le cours de la justice »,

ATTENDU que la Chambre ne se prononce pas sur la question de savoir si la mauvaise conduite alléguée relève de l’article 77 du Règlement,

ATTENDU, toutefois, que l’article 77 C) du Règlement dispose que :

Si une Chambre a des motifs de croire qu’une personne s’est rendue coupable d’outrage au Tribunal, elle peut :

i) demander au Procureur d’instruire l’affaire en vue de préparer et de soumettre un acte d’accusation pour outrage ;

ii) […] ; ou

iii) engager une procédure elle-même.

ATTENDU qu’en l’espèce, la Chambre ne pourrait rendre une décision en application de l’article 77 C) i) ou iii) du Règlement que sur la seule base des allégations dépourvues de fondement que l’accusé a formulées, en audience publique à la conférence de mise en état, ainsi que dans la Requête, à l’encontre des personnes prétendues coupables d’outrage,

ATTENDU que l’accusé n’a pas fourni le moindre élément de preuve à l’appui de ses très graves allégations et qu’il ne semble pas non plus prétendre en avoir en sa possession,

ATTENDU que des allégations dépourvues de fondement, surtout lorsqu’elles sont d’une telle gravité, ne sauraient, à elles seules, satisfaire au critère énoncé à l’article 77 C) i) du Règlement,

DÉCIDE que des poursuites en application de l’article 77 C) i) du Règlement seraient totalement infondées,

REJETTE la partie de la vingt-troisième Requête dans laquelle l’accusé demande à la Chambre d’ordonner à l’Accusation d’ouvrir une enquête sur la mauvaise conduite des personnes prétendues coupables d’outrage,

ESTIME en outre que l’accusé, en se comportant de la sorte, abuse de la possibilité qui lui est offerte d’être entendu publiquement au Tribunal,

PRÉVIENT l’accusé que la Chambre n’apprécie guère son comportement dans cette affaire et qu’à l’avenir, toute tentative de profiter d’une audience publique pour formuler des accusations dépourvues de fondement à l’encontre de membres du personnel ou d’autres personnes en rapport avec le Tribunal sera très probablement sanctionnée.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 18 novembre 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
___________
Carmel Agius

[Sceau du Tribunal]


1. Vingt-troisième requête (Motion no. 23) (la « Requête), datée du 30 octobre 2003, déposée le 6 novembre 2003.
2. L’accusé prétend également que la Chambre pourrait, en vertu de l’article 77 D) du Règlement, engager des poursuites pour outrage, mais cette disposition ne peut être invoquée que si l’existence de présomptions sérieuses a été établie, et l’accusé en l’espèce n’est pas parvenu à satisfaire à ce critère au moyen de ses allégations.
3. Voir le compte rendu d’audience de la conférence de mise en état du 29 octobre 2003. Il convient de souligner à cet égard que la Chambre a ordonné que le compte rendu d’audience de la conférence de mise en état du 29 octobre 2003 soit expurgé de certains passages avant d’être rendu public. Voir le document intitulé Decision to Redact the Transcript of the Status Conference of 29 October 2003, daté du 6 novembre 2003.