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1 Le mercredi 2 mai 2007
2 [Conférence de mise en état]
3 [Audience publique]
4 --- L'audience est ouverte à 09 heures 01.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le
7 numéro de l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Affaire IT-03-
9 67-PT, le Procureur contre Vojislav Seselj.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce mercredi, 2 mai 2007, je salue toutes
11 les personnes présentes. Je salue les représentants de Mme le Procureur.
12 Je salue M. Seselj.
13 Et, je salue également toutes les personnes qui, dans cette salle
14 d'audience, nous aident dans nos travaux, en pensant particulièrement aux
15 interprètes.
16 Comme vous le savez, aujourd'hui c'est la troisième audience de mise en
17 état. Avant de commencer les divers points que je compte évoquer
18 aujourd'hui, je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter,
19 car je constate que M. Saxon n'est pas là, et je voudrais faire donc la
20 connaissance de ceux qui sont aujourd'hui présents. Alors, pouvez-vous vous
21 présenter.
22 Mme DAHL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Christine Dahl. Je
23 suis le nouveau premier substitut assigné à l'affaire avec Mme Sanja
24 Bokulic, M. Ulrich Mussemeyer et Klaus Hoffman.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci, Madame. Donc, je vous salue puisque
26 vous êtes le premier substitut qui a en charge maintenant l'affaire.
27 Alors, aujourd'hui je vais, dans un premier temps, tenter de répondre aux
28 divers points qui ont été évoqués la dernière fois par M. Seselj avant de
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1 passer à l'évocation d'autres sujets.
2 Alors, Monsieur Seselj, la dernière fois vous avez soulevé toute une série
3 de questions, depuis lors j'ai eu de nombreuses réunions de travail avec le
4 greffe pour tenter de vous apporter des réponses aux points que vous aviez
5 soulevés.
6 Vous aviez, lors de la dernière Conférence de mise en état, évoqué le fait
7 qu'on aurait saisi aux Etats-Unis une somme de
8 170 000 dollars vous appartenant. Alors, j'ai interrogé le greffe sur cette
9 question en me demandant si au départ ce n'était pas le greffe lui-même qui
10 avait agi ou bien un Juge de ce Tribunal qui avait pris une ordonnance
11 demandant la saisie de votre compte bancaire.
12 Le greffe m'a officiellement informé qu'à leur connaissance au niveau
13 du Tribunal, rien n'avait été fait. Donc, de ce fait, la saisie qui est
14 intervenue n'a pu être faite que dans le cas d'une procédure extérieure au
15 Tribunal. Alors, peut-être l'Union européenne, peut-être les Etats-Unis
16 d'Amérique, mais à ce moment-là, s'il y a eu une procédure extérieure au
17 Tribunal, vous avez dû en avoir connaissance.
18 Car lorsqu'il y a un gel des avoirs, la personne qui est titulaire du
19 compte est informée au moins par sa banque, voire par les autorités qui
20 demandent le gel des avoirs de la procédure. Donc, vous devez normalement
21 savoir qui a dû bloquer vos comptes que vous déteniez aux Etats-Unis. En
22 tout cas, sachez que ça ne vient pas de ce Tribunal. Ce n'est pas le greffe
23 et ce n'est pas un Juge qui a ordonné la saisie de ce compte, de votre
24 compte.
25 Voilà ce que je suis en état de vous indiquer sur ce point. Si vous
26 voulez intervenir là-dessus, je vous donne bien volontiers la parole;
27 sinon, je vais passer à un autre point.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, effectivement, il est
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1 possible qu'il n'existe aucune décision officielle concernant la saisie de
2 ce compte. Mais comme vous le savez, en Occident le fait de mettre en œuvre
3 des décisions informelles est très courant, décisions qui aient ensuite des
4 conséquences très durables.
5 Deux choses sont significatives en l'espèce. D'abord, le fait que le
6 blocage de ce compte s'est effectué après que j'ai par écrit informé le
7 greffe que j'étais possesseur de ce compte. J'ai donné au greffe tous les
8 éléments d'information les plus sincères au sujet des biens que je
9 possédais, et c'est après cela que cette saisie a eu lieu.
10 Je possède par écrit un document du consulat des Etats-Unis, ici, aux Pays-Bas,
11 qui confirme que cet argent a été saisi et qui, sur insistance du consul serbe à
12 La Haye, lui a été donné… saisie sans justification légale. Il était dit dans une
13 clause de ce document que je pouvais utiliser cet argent exclusivement pour
14 financer un avocat américain susceptible de me défendre devant le Tribunal de
15 La Haye. Je peux vous apporter ce document à la prochaine Conférence de mise
16 en état ou vous l'expédier, comme vous voulez. Ce document existe en langue
17 anglaise et c'est un fait. Donc, je suis au courant de deux faits. Je n'ai
18 jamais dit avoir un document du greffe qui exigeait la saisie de ce compte
19 officiellement.
20 Vous savez bien, qu'aussi bien du côté des autorités américaines que
21 du côté des autorités de l'Union européenne, il y a une décision de saisir
22 les comptes des fugitifs recherchés par le Tribunal, mais une telle
23 décision n'existe pas pour les accusés. Et d'ailleurs j'ajoute que ce
24 compte existe depuis 1989, donc avant le début de la guerre. Je voulais
25 utiliser partiellement cet argent pour payer ma défense, financer ma
26 défense, mais cet argent a été saisi. Donc, voilà ce que je peux dire au
27 sujet des biens, de mes biens qui ont été saisis.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour ces précisions.
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1 Le deuxième sujet, vous aviez dit la dernière fois, le fait que lors de
2 l'audience, la première audience de mise en état, il n'y avait pas eu de
3 retransmission dans votre pays et que de ce fait plusieurs personnes ont
4 été privées de l'audience de mise en état. Alors, je m'en suis vivement
5 inquiété, parce que si ce que vous indiquez était vrai, cela serait
6 intolérable.
7 Alors, il m'a été indiqué ceci par le greffe : comme vous le savez,
8 l'audience est filmée par des caméras qui filment l'audience; c'est pour ça
9 qu'il y a donc des caméras dans la salle d'audience. En revanche, le
10 passage à l'extérieur des séquences filmées se fait de deux manières. La
11 première manière, c'est par le site du Tribunal, via internet, où les trois
12 salles d'audience sont indiquées, et à ce moment-là quelqu'un qui est à
13 l'extérieur qui veut connaître le déroulement de la salle d'audience va
14 cliquer sur la salle d'audience pour avoir l'image et la bande audio.
15 Et puis, il y a également une organisation non gouvernementale,
16 Domovina, qui retransmet sous sa propre responsabilité les passages.
17 Alors, le greffe m'a indiqué, qu'en ce qui les concernait, ils
18 n'avaient fait aucune entrave concernant leurs propres responsabilités à la
19 diffusion de l'audience. Et que s'il y avait eu un problème, cela devait
20 être un problème technique dont ils n'étaient pas en mesure pour le moment
21 de m'indiquer la cause. Mais en revanche, ils vont se pencher sur cette
22 question. Et je vous en tiendrai informé dès que je connaîtrais la cause
23 technique.
24 En revanche, concernant l'ONG qui a la responsabilité de la
25 retransmission également des séquences filmées dans la salle d'audience,
26 là, là-dessus, moi, je n'ai aucun pouvoir sur cette ONG. Voilà ce dont je
27 voulais vous informer concernant le point que vous aviez soulevé la
28 dernière fois à juste titre.
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1 Le troisième sujet, vous l'aviez évoqué c'était la question de la
2 cellule et de la cellule adjacente dans laquelle vous pourriez consulter
3 votre documentation, et ce, pendant la nuit. Alors, le greffe m'a indiqué
4 qu'ils avaient examiné la question sous tous les angles, et qu'il était
5 apparu qu'il y avait un problème d'ordre technique, à savoir que le mur qui
6 séparait votre cellule de la cellule d'à côté - susceptible de vous servir
7 de bibliothèque - était un mur de 1 mètre de large.
8 Alors, comme je vous l'ai dit, je viendrais vous rendre visite
9 prochainement sur place. Je ne suis pas en mesure de vérifier si ce mur
10 fait bien 1 mètre; mais si c'est le cas, il faudra évidemment percer le
11 mur, et 1 mètre d'épaisseur, il faudra certainement un marteau piqueur ou
12 je ne sais quoi.
13 Donc la question était à l'ordre du jour auprès des services
14 techniques du greffe, mais pour le moment je n'ai pas été informé de
15 l'évolution de ce point, et là aussi dès que possible vous en serez
16 informé. Mais j'ai cru comprendre que pour le moment vous ne pouvez avoir
17 accès en pleine nuit à cette pièce, et ce qui peut vous occasionner
18 évidemment des désagréments.
19 Alors voulez-vous intervenir sur cette question de la cellule
20 bibliothèque ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur Antonetti, j'ai dit sur ce sujet
22 tout ce que j'avais à dire.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
24 Alors un autre sujet avait été abordé la dernière fois; l'interprétation et
25 la traduction. Alors, concernant la traduction, j'ai eu des réunions de
26 travail avec le service de la traduction qui a porté à ma connaissance les
27 éléments d'information
28 suivants : ce service dispose actuellement de 24 personnes qui traduisent
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1 les documents du B/C/S vers l'anglais et de 14 personnes de l'anglais vers
2 le B/C/S ou d'autres langues. Mais l'ensemble de ce personnel est affecté à
3 l'ensemble des affaires du Tribunal. Il n'y a donc pas une cellule
4 spécifique pour s'occuper de votre dossier. En revanche, les 30 et quelques
5 personnes qui sont affectées peuvent, en fonction des priorités, traduire
6 immédiatement certains documents à la condition qu'on leur signale les
7 priorités.
8 Je leur ai également demandé quel temps faut-il à un traducteur pour
9 traduire un certain nombre de pages. Il m'a été indiqué ceci : pour
10 traduire quatre pages, il faut un traducteur par jour. Donc un traducteur
11 ne peut traduire que quatre pages. Mais il y a après cette traduction un
12 travail de révision, c'est-à-dire que le traducteur qui a traduit va donner
13 son document à quelqu'un d'autre qui va vérifier la traduction. Ce qui veut
14 dire, en d'autres termes, que lorsque vous adressez vous-même une requête
15 qui fait 40 pages, par exemple, il faudra au traducteur dix jours pour
16 traduire le document. Alors il est certain, qu'en raison des priorités,
17 plusieurs traducteurs peuvent être affectés à ce travail à un moment donné.
18 A partir de ce chiffre, vous voyez tous les problèmes qui peuvent se poser
19 au point de vue des délais.
20 Alors, il m'a été également indiqué qu'il y a beaucoup de pages qui
21 sont en attente de traduction. Le service de traduction fait son possible
22 pour que les parties et la Chambre soient en possession desdites
23 traductions en temps utile, mais ils ne peuvent pas faire plus que les
24 moyens qui leurs sont alloués.
25 En tout cas, ce qui est très utile pour tous, c'est de bien
26 comprendre que quatre pages nécessitent un traducteur pour une journée.
27 Donc voilà. Voilà un point très important dont il convenait de vous en
28 informer, car la dernière fois vous m'aviez expliqué que vous aviez eu
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1 besoin de connaître les jugements qui avaient été rendus par le Tribunal
2 international pour le Rwanda et que vous avez été obligé de recourir vous-
3 même à des traductions privées dans la mesure où le service de traduction
4 n'avait pas été à même de vous fournir ces jugements traduits.
5 Alors, si vous voulez être informé du fonctionnement du service de
6 traduction, je vous signale qu'il existe un document qui est en anglais. Je
7 ne pense pas qu'il ait été rédigé en B/C/S, mais peut-être, je ne sais pas,
8 qui est une directive relative au service de traduction du greffe. Voilà.
9 Donc il y a un document qui explique comment ils travaillent, comment sont
10 classées les priorités, et cetera; donc cela peut vous être utile. Et je
11 vais inviter donc le greffe à vous en faire parvenir une copie très
12 rapidement pour que vous soyez informé de la façon dont travaille ce
13 service de traduction. Cette directive a été prise le 16 novembre 2006.
14 Voilà concernant la question de la traduction.
15 Alors, la dernière fois, vous avez évoqué la question des
16 40 classeurs que vous aviez refusé de recevoir. Alors, ces classeurs,
17 évidemment, sont en partie liés à la décision que la Chambre d'appel a
18 rendue récemment concernant la communication électronique. Alors j'y
19 reviendrai tout à l'heure, mais je vais aborder avec vous le contenu des 40
20 classeurs, car j'ai eu la liste de ces classeurs. Il y en a, en vérité 38,
21 pas 40, exactement 38. Alors je me suis demandé qu'est-ce qu'il pouvait
22 bien y avoir dans ces classeurs.
23 Alors, il y a dans une première partie, ce sont les classeurs 1 à 10,
24 les documents relatifs aux témoins qui sont prévus par le Procureur. Les
25 témoins -- ce sont donc des classeurs qui sont par témoin. Et il y a
26 témoins par liste alphabétique : AB, BC, CJ, D, KL, MN, RS, T, V, VZ.
27 Voilà. Il y a donc dix classeurs. Parmi ces classeurs, j'ai découvert qu'il
28 y avait donc leurs déclarations, et bien souvent, déclarations en anglais,
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1 pas traduites en B/C/S, ce qui, évidemment, va poser un problème de
2 traduction dans votre langue. En revanche, d'autres classeurs, il y a eu
3 des traductions en B/C/S. Donc, vous avez dix classeurs concernant les
4 témoins qui sont prévus.
5 Le -- les classeurs 11 et 12 sont relatifs aux témoins
6 experts : les témoins experts Ewa Tabeau, Oberschaul, Riedlmayer,
7 Stankovic. Donc tous les rapports d'experts sont dans ces deux classeurs.
8 Et là aussi, j'ai constaté qu'il y avait donc l'existence de transcripts en
9 anglais, apparemment non traduits.
10 Le classeur numéro 13 est relatif à des documents. Il y a six documents qui
11 concernent des constats judiciaires. Apparemment, ces documents sont en
12 B/C/S et en anglais, donc il n'y aura pas de problème concernant ce
13 classeur.
14 Le classeur 14, pour vous, est un classeur important, car il contient, aux
15 termes de l'article 68 du Règlement, tout ce qui peut concerner des
16 éléments à décharge pour vous. Il y un CD-ROM dont je ne sais pas ce qu'il
17 y a dedans. Il y a un document intitulé "Ce que les Serbes proposent," et
18 puis il y a d'autres documents. Je n'entre pas dans le détail, mais pour
19 vous, cela peut relater une très grande importance.
20 Les classeurs 15, 16 et 17 sont relatifs au témoignage Krajisnik dans le
21 cadre de son procès. Et ce sont les transcripts, les comptes rendus sont en
22 anglais, pas dans votre langue.
23 Les classeurs 18, 19, 20 sont des jugements concernant des constats
24 judiciaires. Il y a trois classeurs.
25 Le classeur 21, ce sont des témoignages de 15 témoins, qui sont
26 apparemment répartis entre votre dossier et celui de Slobodan Milosevic. Il
27 y aurait donc 15 témoignages dont certains sont en anglais, pas traduits.
28 Le 22, cela concerne un autre témoin, Reynaud Theunens.
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1 Le 23, c'est un autre classeur concernant deux autres témoins.
2 Le classeur 24 est constitué de différents témoins qui ont témoigné
3 dans d'autres procès, mais qui ont cité votre nom. Et donc, vous avez les
4 déclarations de ces témoins. Voilà donc classeur 24.
5 Le classeur 25, ce sont des comptes rendus de différentes audiences
6 de tenues au titre du 65 ter, mais ces comptes rendus sont en anglais, pas
7 en B/C/S.
8 Le classeur 26, ce sont les requêtes de l'Accusation de 2003 à 2006.
9 Le classeur 27, cela concerne également ces requêtes, mais là tout
10 est en anglais.
11 Le classeur 28 concerne l'avocat qui avait été nommé à titre de
12 stand-by. Là, tout est en anglais.
13 Le classeur 29, ce sont des décisions qui ont été rendues de 2003 à
14 2006 par la Chambre II certainement.
15 Alors, les classeurs 30 et 31, curieusement, contiennent des
16 documents juridiques, des mémos sur des sujets de droit, l'entreprise
17 criminelle, l'impartialité des Juges, et cetera, les mesures de protection.
18 Alors, il y a toute une série de documents juridiques qui sont dans le
19 classeur 31.
20 Le classeur 32 concerne le témoin VR017.
21 Le 33, le même témoin.
22 Alors, il nous reste maintenant quatre classeurs, cela va aller très
23 vite.
24 Le classeur 34, c'est des comptes rendus dans le procès Simic.
25 Le 35, c'est le compte rendu dans les procès Simic en anglais.
26 Le classeur 36, ce sont des documents divers de nature administrative
27 ou autre.
28 Le 37, ce sont des documents concernant également d'autres témoins.
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1 Et enfin, le dernier classeur c'est des comptes rendus du procès Milosevic,
2 et puis d'autres documents.
3 Alors, voilà les 38 classeurs.
4 Alors, on est dans la situation suivante, Monsieur Seselj : ces
5 classeurs revêtent pour vous une importance certaine. Alors, il y a deux
6 façons de procéder, mais peut-être que vous avez un autre point de vue.
7 Alors, je vous énumère les deux façons de procéder, et puis vous indiquerez
8 quelle est votre position sur cette question. Donc, pour le moment les 38
9 classeurs sont en possession du greffe. La première solution serait la
10 suivante : dès que vous avez votre …
11 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE
12 JUGE ANTONETTI : Dès que vous avez votre -- vos trois assistants plus Mme
13 Regus, à ce moment-là, le greffe porterait à la prison les 38 classeurs,
14 vous-même aidé par vos assistants et par
15 Mme Regus vous feriez le tri dans les documents retenant ce qui vous paraît
16 pour vous indispensable. Donc ça, ça peut être une solution.
17 La deuxième solution serait la suivante : comme l'Accusation a
18 transmis au titre de l'article 66 et 68 un certain nombre de documents aux
19 avocats qui avaient été commis que vous ne vouliez pas, à ce moment-là, je
20 pourrais redemander à l'Accusation de vous transmettre officiellement ces
21 documents.
22 Voilà deux façons de faire qui permettraient de régler la question,
23 indépendamment de la question de la communication que j'aborderai tout à
24 l'heure.
25 Alors, sur ce point, Monsieur Seselj, avez-vous maintenant une
26 position bien fixée concernant ces 38 classeurs ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Antonetti. David Hooper n'a
28 jamais été mon Défenseur et ces documents ne sont pas des documents qui
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1 font partie de ma défense. Vous avez énuméré le contenu des classeurs et en
2 vous écoutant j'ai cru comprendre que la majorité des documents reçus par
3 lui provenaient de l'Accusation. Il est possible que certains de ces
4 documents m'aient été communiqués également, je ne sais pas exactement de
5 quels documents il s'agit. Mais en tout cas, communiquer des documents à
6 David Hooper ne revient pas au même que de communiquer des documents aux
7 responsables de ma défense.
8 Donc je vous propose soit de mettre le feu à l'ensemble des documents
9 David Hooper, soit de les remettre à l'Accusation. Parce que ce que David
10 Hooper a pu faire pour soi-disant me défendre ne m'intéresse absolument
11 pas. Est-ce qu'il a trouvé des documents qui pourraient me disculper ou
12 est-ce qu'il a pu trouver des documents intéressants ? Cela ne m'intéresse
13 pas.
14 Voyez-vous, je prends à l'avance le risque de permettre à David
15 Hooper d'aider concrètement l'Accusation dans mon affaire. Ces documents,
16 puisqu'ils sont des documents liés à David Hooper, je ne les accepterai
17 jamais. Mais j'accepterai tout document que le Procureur, le greffe, les
18 Chambres de première instance tiennent à me communiquer dans les règles,
19 c'est-à-dire noir sur blanc sur papier et en langue serbe. Sur ce point,
20 j'ai toujours été très clair.
21 Donc, Monsieur Antonetti, j'ai écouté l'énumération que vous avez
22 faite et je constate qu'une quantité énorme de documents ne m'a jamais été
23 communiquée, pas plus dans le cadre de l'application de l'article 66 du
24 Règlement que dans le cadre de l'application de l'article 68. Je vous suis
25 extrêmement reconnaissant d'avoir énuméré précisément tous ces documents.
26 Et vous m'avez fourni un élément d'information qui m'est très précieux.
27 Vous venez de confirmer que David Hooper a à plusieurs reprises, en mon nom
28 et sans que je le sache ou sans que j'aie donné mon accord, rencontré
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1 l'Accusation dans l'application de l'article 65 ter et il existe des
2 comptes rendus de ces réunions. C'est la preuve, pour ce qui me concerne,
3 que David Hooper était un instrument de l'Accusation, car il a participé à
4 ces réunions sans mon accord, ce qui signifie qu'il avait l'accord de
5 l'Accusation. Donc, j'estime que cet élément d'information est pour moi
6 tout à fait précieux.
7 J'aimerais être en possession des comptes rendus de ces réunions en langue
8 serbe. Toutefois, je ne vais pas les recevoir s'ils viennent de M. Hooper.
9 J'insiste que ce soit l'Accusation qui me les communique en langue serbe
10 pour que j'aie un argument supplémentaire prouvant que les procédures à mon
11 encontre n'ont pas été régulières et en tout état de cause pas équitables.
12 Quant à la communication, vous avez dit que le problème serait examiné plus
13 tard au cours de la présente Conférence de mise en état, donc je vais en
14 traiter plus tard sur le fond lorsque ce point viendra à l'ordre du jour.
15 Quant à ce qui concerne David Hooper, je crois que les choses sont claires.
16 Mes conseillers juridiques refuseront de recevoir de lui quelque document
17 que ce soit, pas une seule feuille de papier ne sera acceptée. Il n'existe
18 pas à nos yeux. Ce qui existe pour nous, c'est ce que je reçois par les
19 canaux officiels. Chaque fois je signe la réception d'un tel document.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, votre position, elle est parfaitement
21 maintenant claire, et là je vais me retourner vers l'Accusation pour lui
22 demander sa position. J'ai donc énuméré tout à l'heure les 38 classeurs et
23 le contenu des classeurs. De toute évidence, il semble apparaître le fait
24 suivant, à savoir qu'un certain nombre de documents doivent être transmis à
25 l'accusé soit au titre de l'article 68, soit au titre de l'article 66.
26 Vous vous êtes acquitté de cette obligation en transmettant un grand nombre
27 de documents à l'avocat qui avait été nommé et dont l'accusé a toujours
28 contesté la nomination. Ce qui fait que ces documents, l'accusé ne les a
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1 jamais vus, puisqu'il a refusé de les recevoir et il ne les a pas eus.
2 Par exemple, sans entrer dans les détails, je prends les classeurs
3 concernant les témoins dont les initiales -- dont leurs noms commencent par
4 A et B, il y a donc plusieurs témoins, et les déclarations écrites de ces
5 témoins, voire les documents qui devaient être attachés aux déclarations
6 écrites, ont été transmis en anglais dans des classeurs et remis à
7 l'avocat. Ce qui fait qu'en théorie l'accusé n'a pas connaissance de ces
8 documents.
9 De même, au classeur 14, il y a des documents que vous avez communiqués au
10 titre de l'article 68, que l'accusé n'a jamais eu connaissance et qui sont,
11 depuis leur transmission, restés dans le classeur sans que l'accusé n'en
12 ait eu connaissance.
13 Alors, compte tenu des deux décisions qui ont été rendues par la Chambre
14 d'appel sur le fait que l'accusé peut se défendre seul - et puis
15 deuxièmement, oui, j'y reviendrai tout à l'heure, concernant la
16 communication électronique - il apparaît que l'Accusation doit,
17 conformément au Règlement, transmettre à l'accusé les documents au titre de
18 l'article 66 et68. Alors, qui veut prendre au sein de l'Accusation la
19 parole sur cette question ?
20 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Il semble que le Pr
21 Seselj ne soit pas conscient de la plus récente décision prise par la
22 Chambre d'appel du 17 avril 2007, dans laquelle la Chambre a approuvé la
23 forme électronique pour la communication.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : -- tout à l'heure. Comme cela, vous aurez tous les
25 éléments en votre possession. Alors, concernant la communication
26 électronique - vous pouvez vous asseoir. Je vais vous redonner la parole.
27 La Chambre d'appel a rendu, le 17 avril 2007, une décision aux termes
28 de laquelle la Chambre d'appel confirmait la position de la Chambre I, qui
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1 avait édicté le fait que les documents pouvaient être communiqués sous la
2 forme électronique. Alors, la Chambre d'appel a tenu à rappeler qu'il
3 appartenait aux Chambres d'exercer leur pouvoir discrétionnaire qui leur
4 est reconnu par la jurisprudence de la Chambre d'appel, mais que ce pouvoir
5 discrétionnaire qui est reconnu donc aux Chambres doit être examiné sous
6 l'angle éventuel d'une erreur manifeste pouvant causer un préjudice à
7 l'accusé. Donc, la Chambre d'appel rappelle que chaque Chambre de jugement
8 dispose d'un pouvoir discrétionnaire, sous réserve d'une erreur manifeste.
9 La Chambre I a-t-elle commis une erreur manifeste ? La Chambre
10 d'appel répond que non. Dans la mesure où la Chambre I avait indiqué dans
11 sa décision que la communication se faisait par la voie électronique dans
12 la mesure où l'accusé avait donc à l'époque un avocat.
13 De ce fait, la Chambre d'appel, à juste titre, conclut qu'il n'y
14 avait pas de la part de la Chambre I une erreur qui aurait permis de faire
15 suite de manière favorable à la demande de certification d'appel formée par
16 l'accusé. Toutefois - et c'est ça qui est très important - la Chambre
17 d'appel a tenu à indiquer dans sa décision au paragraphe 20 - et je vais
18 lire lentement le paragraphe 20 qui va être traduit dans la langue de M.
19 Seselj. Je lis, et puis traduit en anglais également, je lis ce paragraphe
20 20, qui est fondamental :
21 "Cela étant, la Chambre d'appel fait remarquer que si elle ne conclut
22 pas par la présente décision que la décision attaquée est entachée d'une
23 erreur d'appréciation, rien n'empêche Vojislav Seselj d'en demander la
24 modification à la Chambre de première instance nouvellement saisie de
25 l'affaire, laquelle pourrait, en fait, décider dans l'exercice de son
26 pouvoir d'appréciation de suivre une approche différente en matière de
27 gestion du procès."
28 De ce fait, la Chambre d'appel a rejeté l'appel formé par l'accusé,
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1 mais invite l'accusé à reformuler sa demande pour qu'il ait dorénavant en
2 "hard copy" des documents de l'article 68 et 66.
3 Alors, Monsieur Seselj, j'ai cru comprendre la dernière fois, mais je
4 voudrais que vous me l'indiquiez à nouveau, vous demandez donc à la
5 nouvelle Chambre, dont je suis le Juge de la mise en état, mais dont j'ai
6 le pouvoir au titre de l'article 73 de statuer sur la question, de vous
7 communiquer à l'avenir tous les documents relevant de l'article 66 à 68 en
8 "hard copy".
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, je peux oralement vous
10 soumettre une requête aux fins de revenir sur les arrêts précédents rendus
11 par la Chambre d'appel, et mes conseillers juridiques peuvent vous
12 soumettre une requête par écrit, ce qu'ils feront sans doute. J'ai reçu
13 l'arrêt de la Chambre d'appel du
14 17 avril avec quelques jours de retard en raison de la traduction. Je ne me
15 rappelle pas exactement quel jour je l'ai reçu, mais en tout cas la date de
16 réception existe au greffe.
17 Dans tous les systèmes juridiques, il existe une possibilité pour les
18 instances responsables, selon les procédures en vigueur, c'est-à-dire selon
19 des procédures acceptables sur le plan juridique, de rendre des décisions
20 qui ne peuvent pas être remises en cause. Par exemple, la Chambre de
21 première instance peut rendre une décision indiquant que je dois me tenir
22 sur la tête pendant toute la procédure dans ce prétoire. C'est une décision
23 qui est absolument inapplicable.
24 La Chambre de première instance peut également décider que je recevrais
25 tous les documents en langue chinoise; ce qui est inapplicable, même si
26 théoriquement c'est possible.
27 Elle peut également décider que je devrais me servir en permanence
28 d'un ordinateur. Et bien, je suis trop âgé. Je ne peux pas me servir d'un
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1 ordinateur. J'ai, toute ma vie, et j'écris encore toujours avec un stylo,
2 une plume, et tous les jours j'écris au moins une dizaine de pages. Vos
3 traducteurs ont besoin d'un jour entier de travail pour traduire quatre
4 pages. Pour ma part, je mets noir sur blanc. J'écris sur du papier plus de
5 10 pages par jour, et les pages que j'écris sont des pages à ligne très
6 serrée, comme celles qu'écrivent les journalistes.
7 Alors, qu'est-ce qui se passe ? La Chambre de première instance se trouve
8 face à un dilemme, parce qu'il y a toutes raisons de revenir sur cette
9 décision de me communiquer tous les documents sous format électronique, car
10 dans ce cas-là, la procédure se déroulera en dehors de toute participation
11 de ma part. Je serai tranquillement assis dans le prétoire, dos contre la
12 chaise, et vous ferez venir tous ces témoins que vous entendrez. Je me
13 contenterai d'être tranquillement assis et de regarder prononcer le
14 jugement que les Juges prononceront. Ça, c'est une solution. J'y suis tout
15 à fait prêt. Voyez-vous, mon motif fondamental c'est que je tiens à
16 respecter tous les principes et toutes les contraintes juridiques. Je tiens
17 à ce qu'on se souvienne de moi dans l'histoire du droit international comme
18 étant quelqu'un qui le respecte.
19 Il y a une autre solution, à savoir que vous présentiez votre position à la
20 Conférence de mise en état, Monsieur Antonetti, position selon laquelle
21 vous-même et les collègues qui vous accompagnent pourriez revenir sur une
22 ancienne décision et envisager une nouvelle, ce qui contraindrait le bureau
23 du Procureur à communiquer tous ces documents qui me sont destinés par
24 écrit, sur papier, et en langue serbe.
25 Je compatis avec les souffrances du greffe eu égard à la traduction. S'il y
26 a 30 traducteurs, et bien, on pourrait en engager 300. Ce n'est vraiment
27 pas mon problème. Ce n'est pas quelque chose qui a quoi que ce soit à voir
28 avec moi ou quelque chose que je dois résoudre moi-même; c'est le problème
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1 de ce Tribunal. Si ce Tribunal n'a pas assez de traducteurs, s'il n'en a
2 que 30, et bien, qu'il en emploie 300. Si 300 ne suffit pas, qu'il en
3 emploie 1 000. On peut faire tout cela en quatre ans, tout de même, quatre
4 ans et trois mois, de surcroît. Tout cela, le Tribunal aurait pu le faire,
5 or il n'a rien fait. Pourquoi n'a-t-il rien fait ? Parce qu'ils étaient
6 tout à fait sûrs - je parle du bureau du Procureur et du greffe - qu'on
7 m'imposerait un conseil de la Défense, que je ne me verrais pas reconnu le
8 droit de me défendre moi-même, et que dans ce cas le greffe et le bureau du
9 Procureur pourraient faire ce qu'ils veulent.
10 Alors, tous ces documents qui se sont entassés - et j'insiste sur le fait
11 que j'ai reçu tous les documents pertinents et que je vais sûrement devoir
12 attendre encore quatre ans et quelques mois. Peut-être devrais-je même
13 attendre encore 14 ans. Je ne pense pas que j'attendrais aussi longtemps.
14 Je suis ici pour attendre, n'est-ce
15 pas ? C'est bien ce qu'il semble. Je fais preuve de la plus grande
16 patience. C'est le greffe et c'est le bureau du Procureur qui sont
17 impatients. Ils souhaitent un jugement sans avoir fait le moindre travail.
18 Moi, je suis patient. Les années ont passé et j'attends tranquillement,
19 impatiemment. J'espère que je vivrai assez pour voir le jour où toutes
20 leurs obligations seront remplies vis-à-vis de la Chambre de première
21 instance et vis-à-vis de moi-même.
22 Monsieur Antonetti, le bureau du Procureur, en date du
23 6 novembre - et vous avez sûrement ce texte - a soumis des écritures dans
24 lesquelles on trouve la liste de tout ce qui m'a été communiqué en
25 application des articles 66 et 68 du Règlement, et j'ai rejeté, je n'ai pas
26 accepté cette liste, ce tableau, parce qu'il m'était communiqué sous forme
27 électronique en langue anglaise. Voilà pourquoi j'ai refusé ce document. Et
28 je déduis, sur la base de cet exemple, qu'il y a encore de très, très, très
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1 nombreux documents qui ne m'ont pas été communiqués. Peut-être 200 000,
2 peut-être 300 000, et ce, uniquement en vertu de l'article 68 du Règlement.
3 Et j'insiste sur le fait que j'ai reçu tout cela du bureau du Procureur,
4 parce qu'il ne faut pas oublier qu'en dehors de l'article 68 il y a aussi
5 l'article 66 du Règlement et que ces deux articles ont la même force. On ne
6 peut pas faire au sein du bureau du Procureur ce qu'on a envie de faire. Il
7 faut tout de même avancer et il ne faut pas oublier que l'article 66 est
8 également un article prioritaire, ce qui par définition, puisque le bureau
9 du Procureur est un représentant officiel de la justice internationale,
10 doit être respecté. Il a, ce bureau du Procureur, une égale obligation de
11 me communiquer les documents à décharge que de communiquer les documents
12 qui seront utilisés à charge contre moi. Dans les deux cas, les obligations
13 sont absolument à égalité pour le bureau du Procureur, mais manifestement
14 ce dernier n'en est pas tout à fait convaincu.
15 J'insiste également pour recevoir les comptes rendus d'audience de tous les
16 témoins qui ont pris la parole, qui ont déposé dans toutes les affaires
17 jugées par ce Tribunal, tous ceux qui ont prononcé mon nom ne serait-ce
18 qu'une fois au cours de leurs dépositions. J'ai soumis cette requête -
19 quand est-ce que je l'ai fait déjà ? - il y a trois ans, je crois. La
20 Chambre de première instance a ordonné au bureau du Procureur de me
21 remettre ces documents, mais le bureau du Procureur ne l'a pas encore fait.
22 Il a essayé d'échapper à ses responsabilités. Il a dit qu'il n'avait pas
23 besoin des dépositions des témoins sur le Kosovo, parce qu'il ne faisait
24 pas partie de l'acte d'accusation me concernant. J'ai besoin de tous ces
25 comptes rendus d'audience.
26 Voyez ce qui s'est passé dans l'affaire Milosevic, l'affaire Milutinovic et
27 consorts, les affaires sur le Kosovo où mon nom a été mentionné dans un
28 contexte tout à fait falsifié. Je prouverais ma thèse au sujet de
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1 l'instrumentalisation de faux témoins ici. Un témoin qui a mentionné des
2 formations paramilitaires prétendument dirigées par Seselj alors qu'il n'y
3 en a pas eu une seule. Puis, il y a des témoins musulmans qui ont parlé des
4 Aigles blancs rattachés, d'après eux, à Seselj, ce qui est contredit par
5 les faits. C'est une impossibilité absolue. Donc je réfute la base même des
6 théories et des thèses de l'Accusation. Par conséquent, j'insiste pour
7 recevoir tous ces comptes rendus d'audience.
8 L'article 66 du Règlement, puisque le bureau du Procureur dispose de
9 témoins professionnels qui, apparemment, témoignent dans de très nombreuses
10 affaires, j'insiste pour recevoir les déclarations préalables de tous ces
11 témoins, ainsi que les rapports établis à la suite de tous les entretiens
12 entre ces témoins et les enquêteurs du bureau du Procureur, toutes les
13 déclarations préalables, également tous les comptes rendus d'audience -- de
14 leurs dépositions, y compris les contre-interrogatoires sur papier en
15 langue serbe, parce que je pense que cela me facilitera la tâche pour
16 démontrer les mensonges qu'ils ont proférés. Ils témoignent dans une
17 affaire, ils mentionnent mon nom, puis ils témoignent dans mon affaire et
18 ils m'accusent des mêmes choses que celles dont ils ont accusé d'autres
19 personnes auparavant. C'est très important pour ma défense. Sans l'aide du
20 bureau du Procureur sur ce point je ne peux pas travailler efficacement.
21 L'Accusation a mis tout cela sur papier et l'a fait ensuite traduire
22 en langue serbe. Si vous voulez avoir un procès sérieux, il faut que je
23 dispose de ces documents. Peut-être le bureau du Procureur a-t-il
24 l'intention de raccourcir mon procès. Vous savez que le bureau du Procureur
25 s'intéresse beaucoup à raccourcir les procès. Dans l'affaire Milosevic, M.
26 Nice a deux fois dit explicitement qu'il voulait que tous les témoins à
27 venir dans l'avenir soient traités en tant que témoins 92 bis. Il a même
28 inventé autre chose, l'article 92 bis et demi qui est également destiné à
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1 gagner du temps. Mais on ne peut pas gagner du temps en contrevenant aux
2 intérêts de la justice. L'intérêt de la justice c'est l'élément prioritaire
3 et pas le gain de temps ou la nécessité de gagner du temps.
4 J'ai attendu quatre ans, je pense que je peux attendre encore quatre
5 ans.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vais me retourner vers l'Accusation.
7 La situation est donc la suivante : M. Seselj vient d'argumenter sa demande
8 comme il l'a fait déjà a plusieurs reprises. Il m'a annoncé que ses
9 conseillers juridiques adresseraient donc prochainement une requête afin
10 que la décision de la Chambre d'appel soit mise en œuvre en ce qui concerne
11 le fait que la présente Chambre dont je suis le mise en état mais dont je
12 rappelle qu'au titre de l'article 73 j'ai tous les pouvoirs, reviennent sur
13 ce qu'il avait été entièrement décidé. Alors, dès que je -- dès que cette
14 requête écrite sera transmise, l'Accusation y répondra, bien entendu, et je
15 rendrais ma décision.
16 Vous vous doutez du sens de la décision que je serai amené à prendre.
17 Mais il faut respecter la procédure. A partir de la décision qui sera
18 rendue par moi, il pourrait y avoir de la part de l'Accusation, si
19 l'Accusation n'est pas suivie, une demande de certification d'appel et la
20 Chambre d'appel pourrait, le cas échéant, être amenée à nouveau à dire si
21 la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste portant un préjudice
22 à l'accusé.
23 Mais prenons plus sereinement l'hypothèse qui est la suivante :
24 l'accusé doit avoir en "hard copy" dans sa langue tous les documents au
25 titre de l'article 66 et 68. Alors, je n'ai pas pour le moment l'étendue de
26 la situation. Je présume que pendant les années qui se sont déroulées,
27 l'accusé a eu des documents en anglais et en B/C/S, mais qu'il est arrivé,
28 me semble-t-il, surtout dans les mois qui ont précédé l'ouverture du
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1 procès, le fait que l'Accusation a transmis à ce moment-là aux avocats
2 désignés lesdits documents; et qu'il s'ensuit il y a un véritable problème,
3 à savoir que l'accusé n'a pas eu tous les documents de l'article 66 et 68.
4 Puisque la situation maintenant est la suivante : il se défend seul, sans
5 avocat, ce qui fait que, normalement, si ma décision va en ce sens, la
6 trajectoire des documents, c'est Accusation, M. Seselj en direct. Il n'y
7 plus d'intermédiaire, plus d'avocats. Alors, je présume que l'Accusation
8 doit revoir l'ensemble des documents, doit vérifier tout cela, cela peut
9 prendre certain temps.
10 Mais est-ce qu'aujourd'hui vous êtes à même déjà à me donner déjà
11 quelques éclaircissements ?
12 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Juge, en vue de la présentation et
13 de la gestion de ce dossier, j'ai étudié de très près le compte rendu des
14 deux dernières Conférences de mise en état. Nous allons faire l'impossible
15 pour fournir cette information d'une façon qui permet au Pr Seselj de
16 l'utiliser. Ceci correspond d'ailleurs à la pratique adoptée par ce
17 Tribunal et ceci répond aux besoins de rendre justice de façon rapide et
18 d'éviter du travail superflu. Je pense qu'ici il y a peut-être un certain
19 désaccord face aux affirmations que fait le Pr Seselj. Il affirme n'avoir
20 reçu aucun document. Lorsqu'il dit cela, lorsqu'il dit qu'il n'a reçu aucun
21 document, que veut-il dire, en fait ? C'est qu'il les a rejetés.
22 Délibérément il s'est fermé les yeux, parce qu'il n'aime pas la modalité et
23 le contenu de ces documents, ceci ne lui convient pas. Et là je pense qu'il
24 y a un désaccord fondamental sur la question de savoir si M. Seselj se sert
25 d'un ordinateur. Avant de se livrer, de se soumettre à la compétence de ce
26 Tribunal, avant d'arriver à La Haye en 2003, M. Seselj a annoncé
27 publiquement que pendant qu'il serait en détention préventive à
28 Scheveningen il allait se servir de son portable pour écrire des livres. Et
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1 si vous me le permettez, j'aimerais diffuser un extrait de l'entretien
2 qu'il a accordé à un journaliste en février 2003, cela a été produit par BK
3 Telecom. Je vais tout d'abord diffuser l'introduction au cours de laquelle
4 le
5 Pr [inaudible] et le Pr Seselj au studio, après quoi je vais vous montrer
6 l'extrait dans lequel le journaliste demande au Pr Seselj ce qu'il va faire
7 pendant qu'il se trouve en détention. L'extrait pertinent inclut une
8 transcription synchronisée, mais faute de temps je n'ai pas pu assurer la
9 transcription de la totalité de l'entretien. La première séquence dure une
10 trentaine de secondes, puis on verra la deuxième.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : On regarde -- on appuie sur vidéo.
12 [Diffusion de la cassette vidéo]
13 INTERVENANT NON IDENTIFIÉ : Le journaliste parle des diverses
14 périodes d'incarcération de M. Seselj à Jasenica et ailleurs pour diverses
15 raisons politiques une fois quinze jours, une autre fois cinq jours pour
16 avoir organisé un meeting devant l'assemblée nationale de Serbie, et
17 cetera.
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
20 "Le Journaliste : Et bien, reparlons un peu de votre séjour à
21 Scheveningen. Comment allez-vous vous organiser ?
22 Réponse : Et bien, je pense que j'aurai une belle vie. Je me lèverai
23 tôt, vers 6 heures du matin ou même plus tôt. Je me coucherai tôt, et
24 cetera."
25 INTERVENANT NON IDENTIFIÉ : Les interprètes me disent qu'il y a un
26 problème. Je vais peut-être demander qu'on affiche la transcription
27 synchronisée pour aider les interprètes.
28 [Diffusion de la cassette vidéo]
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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
2 "Le journaliste : Mais dites-moi, vous n'allez pas regarder la télévision,
3 vous utiliserez votre ordinateur ? Comment est-ce que vous allez écrire vos
4 livres ?
5 "Réponse de Seselj : Et bien, je ne sais pas si cela sera possible.
6 Je ne sais pas. Mais j'ai un ordinateur portable.
7 "Le journaliste : C'est également un bon moyen de communication.
8 "Vojislav Seselj : Et bien, la communication n'est pas possible.
9 L'internet ne sera certainement pas branché. Est-ce qu'il sera possible
10 d'avoir un portable dans la cellule sans connexion internet ? Cela, cela
11 demeure à voir."
12 Mme DAHL : [interprétation] Donc ici, en fait, c'est que le
13 Pr Seselj ne devrait pas avoir l'autorisation de ne pas utiliser, de se
14 rendre dans l'incapacité d'examiner ces documents. S'il les veut sur
15 papier, il pourra simplement appuyer sur le bouton imprimer et il aura les
16 documents. Bien sûr, nous allons répondre de façon complète par écrit.
17 Je voudrais relever qu'il y a un désaccord sur la question de savoir
18 si la communication sous forme électronique était tributaire de ce qu'a dit
19 la Chambre de première instance lorsqu'elle pensait qu'il y aurait un
20 conseil qui représenterait ou aiderait M. Seselj. La décision, en fait,
21 elle a été rendue à un moment où le Pr Seselj se représentait, se défendait
22 lui-même, ce qui est le cas aujourd'hui. Et la décision concernant le
23 conseil a été rendue plusieurs mois plus tard.
24 Je ne pense pas que ce soit une bonne raison à invoquer pour demander
25 une modification des circonstances. Mais en formulant notre réponse, nous
26 allons tenir compte, bien entendu, du volume que représentent ces documents
27 que nécessiterait sa requête et nous tiendrons compte de l'indication de la
28 Chambre qui nous dira si elle préfère qu'il y ait un jeu de documents sur
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1 papier, par exemple, les pièces à conviction. Je pense qu'il est possible
2 de trouver un juste équilibre qui permettra de conduire, de mener ce procès
3 avec toute la sévérité voulue sans retard excessif.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, vous avez produit une vidéo où M.
5 Seselj dit que pour écrire un livre il peut utiliser un ordinateur. Entre
6 écrire un livre et se défendre dans un procès, ce n'est pas tout à fait la
7 même chose.
8 Donc pour se défendre dans ce procès, il a besoin normalement de connaître
9 les 2 827 documents qui sont mentionnés dans la
10 liste 65 ter, de les connaître dans sa langue. Et ce sera certainement le
11 sens de la décision que je serai amené à prendre en "hard copy."
12 Alors moi je ne - bien qu'ayant appartenu à la Chambre II, mais je n'étais
13 pas à l'époque le Juge de mise en état, donc je n'ai pas suivi de très près
14 la transmission des documents à M. Seselj. Je ne sais pas aujourd'hui quels
15 sont parmi les 2 827 documents ceux qu'il a eus directement et quels sont
16 ceux qui ont été transités par les avocats qui avaient été commis. Cela je
17 ne le sais pas, et peut-être vous-même vous ne le savez pas.
18 Indépendamment de ces documents, ces 2 827 documents, il y a toute une
19 autre série de documents, qu'au titre de l'article 66, vous deviez lui
20 communiquer, c'est-à-dire les transcripts où son nom apparaissait, les
21 divers témoignages d'autres procès tels Krajisnik, Milosevic, et autres où
22 il est concerné, et cetera, et cetera. Ce qui fait donc un nombre important
23 de documents. Et au titre de
24 l'article 68, il doit aussi avoir à sa connaissance tous les documents
25 susceptibles d'être à décharge.
26 Donc moi, la situation, je ne la connais pas, et il faut que cette
27 situation soit éclaircie. Pour l'éclaircir, je vais inviter très vite M.
28 Seselj, par l'intermédiaire de ses conseils extérieurs, de me faire cette
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1 requête pour que je rende très vite cette décision. Mais si on parle de
2 l'hypothèse où la décision est favorable à la thèse de M. Seselj, qu'est-ce
3 que cela va amener au niveau de l'Accusation comme masse de travail à
4 entreprendre ?
5 Et j'aurais également un autre problème; c'est que si je découvre que M.
6 Seselj va se trouver face à une montagne de documents qu'il va découvrir au
7 titre du procès équitable et au titre de l'égalité des armes, il faut que
8 M. Seselj ait le temps de digérer tous ces documents, ce qui fait que pour
9 le moment je suis dans l'incapacité de dire quand le procès va commencer
10 alors même qu'il attend depuis déjà des années.
11 Alors voilà la situation dans laquelle nous sommes. Alors je vous ai
12 bien écoutée, j'ai regardé avec intérêt la vidéo, je sens déceler au
13 travers de vos propos que vous êtes encore dans la position de la
14 communication électronique qui, évidemment, vous facilite la tâche mais ne
15 facilite pas du tout la tâche de l'accusé. Et je crois comprendre que vous
16 allez vouloir à nouveau soumettre cette question à la Chambre d'appel.
17 Donc est-ce que votre position c'est toujours de dire communication
18 électronique ?
19 Mme DAHL : [interprétation] Je comprends et je partage les préoccupations
20 de la Chambre qui tient à assurer une mise en état le plus rapide possible
21 tout en donnant suffisamment de temps à
22 M. Seselj pour se préparer. Nous allons réexaminer sa requête et le fardeau
23 que ceci représenterait si nous modifions la pratique adoptée par ce
24 Tribunal et nous en ferons part à la Chambre de première instance.
25 S'agissant de la communication, nous n'allons pas chercher à nous
26 appuyer sur le fait que des documents ont déjà été communiqués au conseil
27 que M. le Pr Seselj a rejetés. Nous sommes prêts à reprendre cette phase de
28 la communication par excès de prudence pour veiller à ce qu'il dispose de
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1 tout ce dont il a besoin pour se préparer à sa défense. Ceci dit, on ne
2 saurait permettre à M. Seselj de se rendre -- de s'incapaciter [phon], pour
3 ainsi dire, en refusant cette formation, en refusant des procédures qui
4 sont le fondement même du fonctionnement d'un tribunal pénal international
5 complexe.
6 Vous parliez d'un volume considérable de documents qui font l'objet
7 de la communication en application du Règlement. A cela j'aurais trois
8 réponses à faire qui sont, bien sûr, conditionnées par la possibilité
9 d'examiner les écritures déposées par M. Seselj. Nous allons réexaminer les
10 pièces, les témoins prévus pour réajuster le procès afin que nous
11 présentions les preuves les plus convaincantes de la façon la plus concise
12 afin d'apporter la preuve des chefs d'accusation retenus contre l'accusé.
13 Deuxième élément de réponse : il se pourrait que la communication effectuée
14 dans d'autres procès et qui ont été transmises au Pr Seselj et au conseil,
15 c'était trop général, que ce n'était pas nécessairement ce qu'exigeait le
16 Règlement. Nous allons réexaminer ces documents pour voir quelle est la
17 meilleure façon de satisfaire les obligations de communication qui sont les
18 nôtres.
19 Je comprends, je comprends la difficulté que représentent les procès très
20 grands, très complexes, mais c'est comme ça. Ici, nous avons un procès, une
21 procédure importante, complexe, et je comprends que M. Seselj voudrait
22 avoir un procès plus ramassé. Néanmoins, le procès a la portée qu'il a et
23 nous devons apporter la preuve des accusations portées contre lui à l'aide
24 des moyens de preuve dont nous disposons. Il peut décider de renoncer au
25 droit qu'il a d'examiner les pièces sous forme électronique, parce qu'il
26 veut circonscrire sa présentation aux seules pièces qui lui ont été
27 communiquées jusqu'à présent ou aux rapports d'experts et leurs annexes.
28 Quand on se défend soi-même on se heurte à d'énormes difficultés, nous le
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1 savons, et nous ferons tout ce que nous permet le Règlement, tout ce que
2 nous permettent les procédures du Règlement et les ordonnances de la
3 Chambre pour veiller à l'équité du procès et pour que ceci se passe dans
4 les temps prévus.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Seselj, à ce stade donc, je
6 vais vous redonner la parole. Vous avez entendu ce qu'a dit Mme le
7 Procureur. Moi, j'aurais besoin très rapidement de vos écritures concernant
8 la communication par "hard copy" dans votre langue, de toutes les pièces au
9 titre de l'article 66 et 68, parce que c'est la pierre angulaire du procès.
10 Comme vous l'avez parfaitement expliqué, vous avez deux positions, soit
11 assister en spectateur, sans rien dire, sans rien faire à ce procès, parce
12 que vous n'avez pas eu en votre possession les documents dans votre langue
13 en "hard copy"; ou bien, comme vous l'avez indiqué donc depuis que je suis
14 Juge à la mise en état, vous participez à la procédure en exigeant ce que
15 la procédure vous permet.
16 Alors, Monsieur Seselj, je vous redonne la parole au vu de ce qu'a dit Mme
17 le Procureur.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, ce matin lorsque j'ai vu
19 apparaître une équipe complètement renouvelée du côté du Procureur, j'ai
20 été assez content, pensant que Mme Uertz-Retzlaff et M. Daniel Saxon
21 avaient été remplacés pour incompétence, et que l'Accusation avait
22 maintenant envoyé dans ce prétoire, dans mon affaire, une équipe beaucoup
23 plus compétente. Mais, malheureusement, je viens d'être déçu en écoutant le
24 nouveau représentant de l'Accusation, Madame, dont je n'ai pas
25 malheureusement mémorisé le nom jusqu'à présent, et je ne l'ai pas sur
26 papier. J'espère qu'elle ne sera pas vexée.
27 Elle répète les mêmes déclarations erronées que celles qui ont déjà
28 été dites par ces prédécesseurs. Il y a deux ou trois ans,
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1 Mme Uertz-Retzlaff a insisté pour que les documents me soient communiqués
2 en langue anglaise, en affirmant que je savais l'anglais. Dans ce prétoire,
3 ici même, elle a fait visionner une courte discussion que j'avais avec un
4 journaliste étranger en langue anglaise, ce qui n'a tout de même rien à
5 voir avec une véritable conversation. Est-ce que depuis quoi, huit, 11, 12,
6 16 ans d'enseignement, je n'aurais pas appris tout de même les quelques
7 bases d'anglais suffisantes pour tenir une conversation simple avec un
8 journaliste étranger. Enfin, de toute façon, ceci ne prouve en rien que je
9 puisse travailler sur des documents officiels qui me seraient communiqués
10 en anglais. Mme Uertz-Retzlaff, d'ailleurs, elle-même s'est rendu compte du
11 ridicule de la situation et a ri lorsque j'ai répondu sur ce point.
12 Alors, nous avons une nouvelle équipe de l'Accusation qui nous montre une
13 nouvelle séquence vidéo où on voit que j'ai dit que j'avais un ordinateur
14 portable; évidemment, j'en ai un. Je n'en avais pas d'ailleurs un seul,
15 j'en avais deux à l'époque, mais je les ai prêtés à mes fils avant de venir
16 au Tribunal. Donc, je ne les ai plus en ma possession. On ne peut pas
17 penser que je suis un tel idiot, que je ne serais pas capable d'allumer un
18 ordinateur, de me brancher sur internet pour, par exemple, jouer aux échecs
19 sur l'ordinateur. Je peux aussi taper des textes avec mes dix doigts. J'ai
20 tout de même des compétences suffisantes. Je suis qualifié en transmission
21 télex, par ailleurs, et j'ai bien d'autres compétences. Mais ici, les
22 choses sont présentées de façon déformée. On dit que je refuse de me former
23 à l'utilisation de l'ordinateur. Oui, je refuse cela de façon automatique,
24 parce que je suis un détenu et je n'ai pas le devoir d'accepter une telle
25 formation. Si je n'avais pas été entraîné avant à prendre une douche le
26 matin, à changer mes vêtements tous les jours, à me laver les mains tous
27 les jours, je ne pense pas que ce serait votre tâche de me l'apprendre.
28 Maintenant, vous dites qu'il suffit d'un clic sur un ordinateur, et que je
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1 devrais simplement appuyer sur un bouton pour obtenir tous les documents
2 sur papier que je souhaite obtenir. Pourquoi est-ce que vous n'appuyez pas
3 vous-même sur ce bouton ? Pourquoi vous ne faites pas ce clic pour
4 m'apporter les documents sur papier si c'est tellement facile ? Vous savez
5 parfaitement bien quel est le fond du problème. Vous voulez me communiquer
6 ces documents sur DVD. Vous voulez que j'entende des voix plutôt que
7 d'avoir des caractères écrits sur du papier. Vous voulez que les
8 témoignages et les dépositions faits devant ce Tribunal, que les comptes
9 rendus des audiences qui n'ont pas été traduits ne le soient pas. Vous
10 voulez me remettre tout cela sous forme audio, et que j'écoute ces
11 personnes. J'ai calculé qu'il me faudrait 400 jours pour entendre tous ces
12 témoignages, si j'écoute huit heures par jour.
13 Je ne vais pas tomber dans ce piège. Vous avez fait de votre mieux
14 pour me faire tomber dans ce piège avec l'aide d'un certain nombre de
15 juristes qui travaillent pour ce Tribunal. Vous voulez que ces personnes me
16 contraignent à travailler en anglais. Finalement, il s'avère que cela ne se
17 passera sans doute pas. Ils ont vu les documents en anglais. Ils ont
18 compris quelques points. Tout ce qui importe c'est le piège qu'on me tend.
19 Je n'y tomberai pas. J'ai besoin de textes sur le papier. Je suis
20 tout à fait capable de taper des textes sur une machine à écrire avec mes
21 dix doigts. J'écris même assez vite. D'ailleurs, je le faisais - en tout
22 cas, je le faisais avant d'être emprisonné. C'est ce que j'ai toujours
23 fait. J'ai d'abord écrit sur le papier les textes de mes publications,
24 ensuite je les ai tapés à la machine.
25 Ici, je ne veux rien à voir avec tout cela. Je ne veux pas accepter
26 des cassettes, parce que 400 jours, à raison de huit heures par jour,
27 personne ne peut rester sain d'esprit dans ces conditions.
28 Quand on a quelque chose sur papier, on peut le passer en revue
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1 rapidement. On peut en sortir la substance [imperceptible], ce qu'on juge
2 le plus important et laisser le reste de côté. Voilà le fond du problème.
3 Quand on a une cassette on ne peut pas choisir. On doit avancer lentement,
4 pas à pas, et tout cela c'est du temps juridique. Il y a des gens qui sont
5 occupés. Il y a des gens qui sont ralentis dans leurs tâches. Les
6 interprètes ne peuvent pas rattraper, parce que les gens ne peuvent pas
7 suivre. Alors, on ralentit. Et sans arrêt, on parle du temps. Il faut
8 gagner du temps. Il ne faut pas perdre de temps.
9 Je ne peux pas vous aider sur ce point. J'ai besoin de tous ces
10 documents sur papier. Je suis tout à fait prêt à commencer le procès. Je
11 peux, sur une feuille de papier, faire ressortir l'essentiel, laisser le
12 reste de côté. Je peux inscrire des choses en marge. Je n'ai pas besoin
13 d'un écran d'ordinateur pour ça.
14 Voilà le fond du problème, vous le connaissez très bien. Je ne sais
15 pas pourquoi l'Accusation a jugé utile de montrer la séquence vidéo qu'elle
16 a diffusée ce matin. Je pense que la Conférence de mise en état est
17 utilisée à mauvais escient lorsqu'on nous présente des séquences vidéo de
18 cette nature, parce que quelques phrases simplement ont été dites il y a
19 déjà pas mal de temps. Cela ne me surprend pas qu'on revienne sur tout
20 cela.
21 Mais je ne l'accepte pas. J'ai besoin de tout sur papier. J'ai besoin
22 de tout en langue serbe. J'y ai totalement droit. J'ai droit à cela en tant
23 qu'accusé et en tant qu'être humain. Je veux donc tout cela sur papier. Un
24 document n'existe pas pour moi tant qu'il n'est pas imprimé noir sur blanc.
25 On peut filmer des documents par la suite sur quelques supports que l'on
26 veuille, grâce au progrès de la science. Ce n'est pas possible de scanner
27 des documents pour ensuite les utiliser à diverses fins. En tout cas, quand
28 on présente un document à quelqu'un pour la première fois il faut que ce
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1 soit un exemplaire imprimé, la même chose s'applique.
2 La même obligation s'applique au bureau du Procureur, parce que je
3 dois pouvoir préparer ma défense dans des conditions qui ne soient pas trop
4 difficiles. Comment est-ce que cela peut se faire ?
5 Bien, cela peut se faire en donnant l'ordre au bureau du Procureur de
6 me communiquer sur papier tout ce qui m'a déjà été communiqué uniquement en
7 anglais et sous format électronique. Une Chambre de première instance va
8 peut-être arriver pour dire le contraire.
9 Moi, personne ne me forcera à accepter une formation, l'entraînement
10 à l'utilisation d'un ordinateur qui ne va pas dans mon sens, pas dans mon
11 intérêt. On me dit qu'internet peut servir à tout, mais j'avais des
12 secrétaires qui utilisaient des ordinateurs dans mon bureau par le passé et
13 je ne l'ai pas fait moi-même. Je ne veux pas le faire maintenant. Je n'ai
14 pas à l'apprendre ici. Je n'ai pas à l'apprendre, même si je ne veux pas le
15 faire avant la fin de ma vie. Pourquoi est-ce que je suis obligé de le
16 faire en prison, alors que les conditions pour moi sont encore plus dures
17 qu'ailleurs ? Je ne le veux pas.
18 Deuxièmement, j'ai compris quel était votre point faible. Vous êtes
19 en train de tomber vous-même dans votre propre piège. Vous avez passé les
20 quatre dernières années à ne rien faire. Vous êtes à court de temps
21 maintenant, et vous dites : J'espère que je vais réussir à diminuer le
22 nombre de témoins ou le nombre de pièces à conviction ou d'éléments de
23 preuve, ou j'espère pouvoir obtenir un raccourcissement encore de l'acte
24 d'accusation. Tout ce que j'espère, c'est que je parviendrai pour ma part à
25 vous battre sur votre terrain au cours de ce procès. Je prouverai que votre
26 acte d'accusation est faux, que vos témoins sont des faux témoins, que tout
27 est faux ici et que je partirai, je marcherai, je quitterai ce Tribunal sur
28 mes deux pieds en tant qu'homme libre. Voilà ce que j'espère.
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1 Quand vous avez allongé l'acte d'accusation, je ne me suis pas
2 opposé. Vous vous rappelez le compte rendu d'audience d'une Conférence de
3 mise en état où vous avez parlé de votre demande d'allongement de l'acte
4 d'accusation ? J'ai dit : Je vous en prie, faites une liste de tous les
5 crimes de guerre qui ont eu lieu où que ce soit dans l'ex-Yougoslavie, pour
6 que ce procès commence avec l'acte d'accusation le plus long qui soit, même
7 si moi je veux qu'il commence le plus tôt possible. Puis ensuite, vous
8 l'avez prolongé ou raccourci à votre gré. Et plus tard, vous m'avez demandé
9 d'entrer en contact avec Stanisic, Simatovic, Martic et Goran Hadzic. Vous
10 avez essayé de me manœuvrer depuis quatre ans, et finalement il s'avère que
11 seuls deux témoins, à savoir Martic et moi-même, ont quelque chose en
12 commun.
13 Et les conseils de la Défense, qu'on a voulu m'imposer, je les ai
14 refusés, parce que c'était mon droit fondamental en tant qu'accusé, et
15 parce qu'il n'y avait aucun rapport entre ce qu'ils pouvaient sortir des
16 actes d'accusation initiaux et de l'acte d'accusation modifié. Donc, tout
17 cela, vous l'avez fait, et pas seulement à moi. Vous vous êtes servis de
18 tous ces mécanismes. J'ai été révolté par votre comportement, par vos actes
19 qui sont contraires à la loi. Je n'ai jamais rien fait de contraire à la
20 loi et de contraire aux dispositions officielles.
21 Alors maintenant, vous êtes dans une situation où vous avez besoin de
22 plus de traducteurs. Il faut les recruter, c'est tout. Je ne ferai rien
23 pour vous aider.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous avez donc explicité ce que
25 vous avez dit déjà depuis plusieurs mois, voire même plusieurs années, donc
26 pour moi ce n'est pas une surprise. Il convient donc très rapidement de
27 m'adresser la requête écrite. L'Accusation y répliquera et je rendrai une
28 décision en la matière. Mais, vous avez, entre les lignes, dû comprendre
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1 quelle est ma position sur cette question de communication de documents.
2 Alors, il est maintenant 10 heures 30. On est obligé -- pour des
3 raisons techniques on va faire une pause de 20 minutes, et puis nous
4 reprendrons donc dans 20 minutes.
5 --- La pause est prise à 10 heures 28.
6 --- L'audience est reprise à 10 heures 48.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est donc reprise après ce break de
8 20 minutes. Alors, je vais continuer sur les problèmes que nous avons pu
9 identifier au cours des audiences précédentes et celle-ci.
10 Monsieur Seselj, comme je l'ai dit la dernière fois, dans l'histoire de ce
11 Tribunal, c'est la première fois qu'un accusé se défend tout seul. Il y a
12 eu un précédent qui concernait M. Milosevic, mais M. Milosevic avait auprès
13 de lui des collaborateurs et il avait un officier de liaison qui faisait le
14 "go-between" entre lui et l'Accusation et le greffe. Vous-même, vous n'avez
15 pas du tout l'intention d'avoir cet officier de liaison, ce qui fait qu'il
16 n'y a pas de dialogue direct entre vous et le Procureur. Le seul dialogue
17 passe par moi, ce qui est une complication supplémentaire.
18 La dernière fois j'ai abordé avec vous la question de Mme Regus et je vais
19 y revenir et de vos assistants juridiques. Il apparaît pour moi, d'ores et
20 déjà, que lorsque l'audience de jugement commencera, lorsque le procès sera
21 dans sa phase dite active, vous avez la possibilité d'être tout seul, ça
22 c'est un fait. Mais la dernière fois, je vous avez dit qu'il serait utile
23 pour vous que vos assistants soient à proximité de vous afin de vous aider,
24 de vous aider à divers titre. Tout d'abord, à vérifier sur le transcript ce
25 qui est traduit en anglais, parce que parfois il peut y avoir des erreurs
26 et vous vous ne pouvez tout en écoutant, en regardant le Procureur et en
27 regardant l'écran, ce qui est très difficile. Donc, vous aurez certainement
28 besoin de vos assistants pour cela.
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1 Vous aurez également besoin pour vos assistants pour vous donner des
2 documents, pour vous donner, le cas échéant, des informations qui viendront
3 au moment même où un témoin déposera. Vous aurez également besoin de vos
4 assistants pour leur demander de faire telle recherche, parce qu'à ce
5 moment-là vous avez eu une idée qui vous a traversé l'esprit. Et étant
6 seul, évidemment, vous ne pouvez pas être, comme on dit en français, au
7 four et au moulin.
8 Donc, ce que je voudrais savoir c'est : comment comptez-vous pendant le
9 procès vous faire aider ? Est-ce que vous avez pris l'option d'être tout
10 seul ou bien d'avoir avec vous dans la salle d'audience vos assistants ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, j'aimerais d'abord dire
12 deux mots suite à ce que vous avez dit, à savoir qu'il n'y a pas de
13 dialogue direct entre l'Accusation et moi-même. Il y a eu un contact, un
14 dialogue. Après la nouvelle comparution initiale et la Conférence de mise
15 en état qui s'est tenue ce jour-là, à laquelle assistait Mme Carla del
16 Ponte, les gardiens m'ont emmené dans le bureau de Carla del Ponte qui m'a
17 demandé si j'étais près à discuter avec l'Accusation. J'ai dit que j'étais
18 prêt à condition que mes conseillers juridiques participent également à cet
19 entretien et à condition que l'entretien soit filmé grâce aux moyens
20 techniques disponibles.
21 Après un certain temps, je ne me rappelle pas combien de temps
22 exactement, peut-être un mois ou deux, j'ai reçu une proposition par écrit
23 de l'Accusation qui proposait que cet entretien ait lieu, mais la date ne
24 me convenait pas parce que je devais subir une intervention chirurgicale.
25 Je l'ai subie. J'ai ensuite reçu une autre offre du Procureur qui disait
26 que mes conseillers juridiques ne pourraient pas assister. Enfin, certains
27 pensaient qu'ils pourraient y assister à condition que le greffe enregistre
28 la participation de mes conseillers juridiques. Une autre proposition me
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1 disait qu'ils ne pouvaient pas être présents. Dans ces conditions, je
2 dirais que ce n'est pas moi qui ai refusé ces contacts, c'est l'Accusation
3 qui les a objectivement rendus impossible.
4 Je pensais que même à ce moment-là, si je parlais avec l'Accusation,
5 nous pourrions nous débarrasser de pas mal de chefs d'accusation dans
6 l'acte d'accusation qui reposaient sur de fausses déclarations, sur de faux
7 témoins, et cetera, et cetera. Ceci aurait permis de gagner pas mal de
8 temps pour le bureau du Procureur également, mais il n'a pas souhaité aller
9 dans ce sens, il l'a empêché. Je n'ai jamais renoncé à une quelconque
10 rencontre avec le greffe. Toutefois, je ne souhaite pas d'officier de
11 liaison qui serait le représentant du greffe. C'est ce que je trouve, a
12 priori, inacceptable.
13 Mais qui que ce soit que le greffe envoie pour discuter avec moi,
14 j'accepterais toujours de le recevoir. Je n'ai jamais refusé de parler avec
15 quelqu'un et ce sera toujours le cas à l'avenir également. Ce que je
16 n'accepte pas, c'est qu'un représentant officiel du greffe agisse
17 officiellement en tant qu'intermédiaire entre moi-même et l'Accusation.
18 Cela non. Si l'Accusation veut me rencontrer en dehors du prétoire, elle
19 peut le faire. Mes conseillers juridiques, le chef de l'équipe
20 d'enquêteurs, l'assistant d'audience, et cetera, peuvent m'amener tout
21 représentant qu'ils souhaitent m'amener. Nous pouvons discuter de tout,
22 mais c'est l'Accusation qui refuse de le faire. C'est elle qui semble avoir
23 peur.
24 Deuxième point, s'agissant du procès en tant que tel, vous vous rappelez,
25 Monsieur Antonetti, que j'ai répété mon insistance quant au fait que je
26 voulais être assis au premier rang des sièges qui se trouvent ici, pour que
27 la Défense soit visuellement vue comme sur un pied d'égalité avec le bureau
28 du Procureur. C'est important, parce que les témoins entendus par
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1 l'Accusation viendront ici dans le prétoire et c'est important pour eux. Il
2 est important que les témoins qui seront entendus par la Défense ne soient
3 pas intimidés par le fait qu'on ne me verrait pas à l'avant, mais qu'on me
4 verrait comme une espèce de petite souris assise à l'arrière et que les
5 gens dans la galerie du public aient l'impression visuelle que c'est
6 l'Accusation qui domine dans le prétoire, physiquement. Je pense que mon
7 conseiller juridique et mon assistante devraient être dans le prétoire tout
8 le temps, mais ils ne pourront pas le faire tant que la question du
9 financement de ma défense ne sera pas résolue.
10 Le greffe a évité de répondre à cette question depuis longtemps déjà.
11 Elle refuse de répondre à mes requêtes sur ce point. Pour l'instant, la
12 seule chose qu'a accepté le greffe, c'est de financer
13 1 500 euros pour le chef d'équipe, ce qui ne lui suffirait pas pour vivre à
14 La Haye et 1 200 euros pour la location d'un appartement. Mes conseillers
15 pourraient être logés pour me rendre les services qu'ils doivent me rendre.
16 J'ai demandé à ce qu'un appartement soit mis à leur disposition pour éviter
17 des frais d'hôtel, parce que cela leur faciliterait le travail sur les
18 documents, et cetera. Ils n'auraient à faire d'allers-retours trop
19 fréquents pour retourner chez eux. Sur les faits, ceci coûte de l'argent
20 aussi bien à la Défense qu'au greffe, mais le greffe a refusé cette
21 proposition.
22 Tant que cette question de financement n'est pas résolue, il est
23 impossible pour mes conseillers juridiques d'être assis ici avec moi dans
24 le prétoire. Il faut bien qu'ils vivent quelque part, il faut bien qu'ils
25 gagnent leur vie pour répondre aux besoins matériels de leurs familles. Ils
26 devront donc abandonner leurs engagements professionnels à Belgrade en tant
27 que députés pour pouvoir se consacrer exclusivement aux questions liées à
28 ma défense.
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1 J'ai dit que le représentant du greffe, je pense que c'était John Hocking,
2 qui était greffier adjoint à l'époque, je lui ai dit que nous pourrions
3 facilement trouver une solution simple. Quel est le salaire mensuel du chef
4 de l'équipe des Défenseurs et des co-conseils d'autres procès. Et cette
5 somme, et bien, on peut la diviser par trois pour déterminer le salaire
6 éventuel donné aux conseillers juridiques. Je suis prêt à participer
7 partiellement aux coûts de ma défense en fonction de l'argent dont je
8 dispose. Bien entendu, je ne peux pas recourir à mes comptes bloqués et je
9 ne suis certainement pas prêt à engager un avocat américain. Mais je suis
10 en train de négocier avec un juriste américain pour voir s'il peut me
11 représenter devant un tribunal à New York, aux Etats-Unis ou aux Nations
12 Unies, mais certainement pas devant ce Tribunal. Je pourrais recourir
13 éventuellement à un avocat américain pour les questions liées aux mauvais
14 traitements que j'ai subis, à ma grève de la faim, et cetera, et cetera.
15 Je vais raccourcir. Cet argent qui devait m'être transféré pourrait
16 donc financer un avocat de New York. Je n'ai plus d'argent à ma
17 disposition. Je peux sacrifier le peu qui me reste, mais je ne peux pas
18 accepter un ultimatum qui m'imposerait un avocat américain ici.
19 Deuxième point, j'ai des dépenses énormes depuis quatre ans et je dois pas
20 mal d'argent à mes conseillers juridiques et aux membres des équipes
21 d'experts qui m'aident dans ma défense. Ils ont déjà menacé deux fois par
22 écrit d'arrêter de travailler sur ma défense si je ne les payais pas. Or,
23 je n'ai pas les moyens de le faire. Le Statut me garantit, en théorie, des
24 moyens matériels pour assurer ma défense. Ces moyens, cela signifie avant
25 tout de l'argent. L'argent, c'est ce qui est fondamental quand on parle de
26 moyens. C'est l'équivalent de la valeur de la compétence de mes conseillers
27 juridiques, du travail technique qui est nécessaire, traductions,
28 photocopies et autres. Le greffe refuse toujours de financer tout cela.
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1 Je me suis plaint à plusieurs reprises au Président du Tribunal au
2 sujet de l'attitude de greffe. Chaque fois le Président du Tribunal m'a dit
3 que c'est la Chambre de première instance qui avait la décision entre ses
4 mains. Donc, il vous appartient, Monsieur Antonetti, à vous et à vos
5 confrères de rendre une décision en la matière. J'ai épuisé toutes les
6 possibilités à ma disposition. Il ne sert plus à rien que j'écrive au
7 greffe sur ce sujet. Le greffe évite soigneusement de me donner quelque
8 information que ce soit sur les coûts des Défenseurs qui interviennent dans
9 d'autres affaires et qui ont été financés sur d'autres budgets des Nations
10 Unies, ou plus précisément sur le budget de ce Tribunal. Ces éléments
11 d'information sont toutefois publics. L'argent des Nations Unies doit être
12 dépensé au vu et au su du public et il est inacceptable que cela se passe
13 dans le secret sans que l'opinion publique puisse en être informée.
14 J'ai demandé des éléments d'information quant aux coûts d'un conseil
15 stand by pour les Nations Unies, c'est-à-dire le conseil qui m'avait été
16 imposé et les différentes personnes qui l'assistaient. Il y a eu deux
17 équipes, l'équipe de Hooper et l'équipe de Van der Spoel. Et bien, cette
18 information m'a également été refusée. J'ai demandé d'être informé des
19 coûts de l'Accusation et je n'ai pas non plus reçu cette information. Or,
20 c'est indispensable de le savoir pour moi, pour déterminer à combien,
21 quelle peut être l'appréciation financière de ma défense d'une façon
22 impartiale. Bien entendu, tous ces coûts, toutes ces dépenses dans mon cas,
23 seront inférieurs aux coûts qui ont pu exister dans d'autres affaires ou
24 dans le cas de l'Accusation parce que je me représente moi-même et j'ai
25 déjà abandonné mes honoraires. Mon travail n'a pas à être payé, mais le
26 travail des autres personnes qui m'aident doit être payé. Je suis prêt à
27 participer personnellement au financement de leur travail, mais avec
28 l'argent dont je dispose. Or, chaque jour, j'en ai de moins en moins.
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1 J'avais ce compte bancaire au Canada, j'ai retiré de l'argent de ce
2 compte. Je suis prêt à l'investir dans ma défense, mais j'ai dû dépenser
3 cet argent pour aider ma famille, et cela, depuis quatre ans. Alors,
4 qu'est-ce que je pouvais faire ? Au Canada, j'avais deux fois moins
5 d'argent sur le compte canadien que je n'en avais à New York. Il y a encore
6 ce qu'on appelle un compte en monnaies étrangères à Belgrade qui existe
7 toujours.
8 Vous ne savez pas, sans doute, de quoi il s'agit dans vos pays. Il
9 s'agit des économies que j'ai pu faire sous l'époque communiste, qui ont
10 été gelées et qui me sont versées en petite quantité, tous les ans, et cela
11 se poursuivra jusqu'en 2017 à peu près. J'avais aussi une voiture. Entre-
12 temps, ma famille l'a vendue pour pouvoir payer les frais qu'elle avait à
13 payer. Tout cela n'est pas ma faute. Le greffe a de moins en moins
14 d'argent, dit-il, ce n'est pas ma faute non plus. Est-ce que ce sont les
15 sponsors du Tribunal qui ne paient plus ? Pourquoi est-ce que tout cet
16 argent diminue ? Ce sont des problèmes que la Chambre doit résoudre, que le
17 greffe doit résoudre, mais sûrement pas moi. Sans que ces problèmes de
18 financement de ma défense soient résolus, mes conseillers juridiques ne
19 peuvent pas habiter à La Haye, ils ne peuvent pas être présents dans le
20 prétoire en permanence et ils ne peuvent pas se consacrer pleinement au
21 travail nécessaire dans mon affaire. Ce qu'ils ont fait jusqu'à présent, ce
22 sont des activités un peu parallèles. C'était un travail un peu secondaire.
23 Ils ont fait cela un peu à leurs heures perdues. Ils ont accompli un
24 travail important.
25 Mais sur le plan de la qualité, je dirais que la qualité de leur
26 travail est meilleure que celle de l'Accusation, quoi qu'il en soit. Quant
27 à la quantité, évidemment elle n'est pas comparable. On pourra m'objecter
28 que j'écris trop de requêtes, mais regardez mes requêtes devant la Chambre
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1 et regardez le nombre de pages qui ont été soumises par l'Accusation. Vous
2 constaterez que l'Accusation, le bureau du Procureur a un avantage énorme
3 en la matière. Le Procureur a produit beaucoup plus de documents et
4 distribué des projets de documents également. Il y a ce problème du
5 financement qui est au cœur de l'affaire et qui doit être résolu.
6 Monsieur Antonetti, quand votre Chambre de première instance sera mise en
7 place, je veux une réponse sur ce point. Je ne peux pas me tenir seul ici
8 dans ce prétoire. Si le problème n'est pas résolu dans le respect du
9 Statut, je ne serai pas seul dans ce prétoire.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez soulevé par votre réponse toute une
11 série de problèmes dont je vais essayer de les résoudre. Le premier
12 problème, vous avez fait une requête afin d'être, comme le bureau du
13 Procureur, en première ligne. Vous estimez que vous n'avez pas à être
14 relégué au fond de la salle d'audience. Alors vous l'aviez dit déjà la
15 dernière fois, mais pris par d'autres sujets, je ne l'avais pas évoqué avec
16 le greffe mais je vais l'évoquer prochainement.
17 Alors, sur cette question, à ce stade, je dois vous dire ceci, parce
18 que moi aussi, j'avais estimé qu'il fallait que les accusés soient prêts,
19 et même j'avais estimé qu'il fallait qu'ils soient à côté de leur avocat.
20 Sur ce, le greffe à l'époque, dans un autre procès, m'avait indiqué que
21 pour des raisons de sécurité ce n'était pas possible. Bon, je n'ai pas très
22 bien saisi les raisons de sécurité, je ne pense pas que vous alliez
23 m'agresser ni agresser qui que ce soit ni les témoins ni Mme le Procureur
24 et ses assistants. Donc là, je n'ai pas très bien compris la position du
25 greffe en la matière. Dans mon pays, les accusés sont à proximité des juges
26 et en présence de leur avocat. Dernièrement, j'ai vu aux Etats-Unis un
27 procès concernant un terroriste qui était assis à quelques mètres de la
28 Juge qui présidait la salle d'audience. Donc ce qu'on m'a dit mérite des
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1 approfondissements et je vais évoquer cela avec le greffier en faisant en
2 sorte que vous soyez le plus près possible. C'est -- cela me paraît pour
3 moi une évidence, mais peut-être pour d'autres un non-sens.
4 Donc cette question, je vais l'examiner avec le greffier.
5 Vous avez également indiqué que pour votre part, vous ne -- vous
6 seriez favorable à ce que vos assistants soient présents dans la salle
7 d'audience, mais vous avez évoqué ce que vous m'aviez dit la dernière fois,
8 les problèmes de rémunération concernant ces assistants. Alors, j'avais
9 prévu cette question à l'ordre du jour et je vais l'aborder immédiatement.
10 La dernière fois, je me suis entretenu avec le greffier sur cette question
11 et je leur ai -- je le ai invités à saisir le conseil juridique de l'ONU du
12 problème posé par la Défense d'un accusé. Car comme vous le savez, si le
13 Règlement a prévu l'aide juridictionnelle pour les avocats, rien n'a été
14 prévu dans l'hypothèse où quelqu'un se défend tout seul. Le seul précédent,
15 c'était dans l'affaire Milosevic où il avait des assistants et un officier
16 de liaison, et à ce moment-là a été mis en place par le greffe un processus
17 afin d'indemniser les intéressés. Mais vous concernant, pour le moment, la
18 question n'est pas réglée. Alors l'objectif du Juge de la mise en état,
19 c'est d'identifier les problèmes qui bloquent la tenue rapide d'un procès.
20 Bon, j'en ai déjà vu un qui est la question des documents et de leur
21 communication électronique. Ça c'est le problème majeur mais que je suis en
22 voie de régler.
23 Le deuxième problème c'est la question de vos assistants, qui
24 m'apparaît aussi être un problème important. Alors j'ai bien vu que sur les
25 documents vous aviez indiqué que vous aviez 25 personnes. Alors je me suis
26 posé la question : est-ce que les 25 personnes sont des bénévoles qui vous
27 aident à titre de bénévolat ou bien ce sont des gens que vous essayez
28 d'indemniser dans la mesure du possible. J'ai cru comprendre tout à
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1 l'heure, au travers de vos réponses, que vous, vous êtes amené à payer
2 certains frais à cette équipe. Donc c'est ce que j'ai compris. Si j'ai mal
3 compris, vous me l'indiquerez tout à l'heure.
4 Donc parmi les 25 dont nous avons les noms sur les différents
5 documents - je ne connais pas ces personnes -est-ce que donc cela commence
6 par M. Tomislav Nikolic, et cela se termine par Marina
7 Toman. Donc on a Jerkovic, Poplazic, Vucic, Todorovic, Krasic, Radeta,
8 Radovanovic, Bozic-Talijan, Maric, Vukovic, Nadoveza, Sarovic, Terzic,
9 Migati, Blagojevic, Jojic, Zobenica, Savic, Stojanovic, Mihajlovic, Marina
10 Ragus, Momir Markovic et Mihajlovic, et Marina Toman.
11 Alors parmi toutes ces personnes, je me suis dit : il doit y avoir
12 parmi eux soit des professeurs de droit, soit des avocats, soit des
13 juristes, soit des étudiants en droit. Pouvez-vous me donner, à votre
14 niveau, bien que vous n'en ayez aucune obligation, mais c'est simplement
15 une invitation de ma part, pouvez-vous me dire si parmi les experts de
16 votre Défense il y a des professeurs de droit, des avocats, des juristes,
17 et cetera ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Antonetti. Mon équipe d'experts
19 se compose de 25 personnes. Je ne cesse de rendre leurs noms publics dans
20 les écritures que je soumets au Tribunal. D'ailleurs j'ai envoyé des
21 écritures au greffe qui, précisément, étaient destinées à lui indiquer que
22 toutes ces personnes respecteraient en toutes circonstances la nécessité du
23 secret professionnel.
24 Mon équipe se compose de deux parties : des conseillers juridiques et
25 une équipe d'enquêteurs. Les conseillers juridiques sont des juristes, deux
26 avocats. Slavko Jerkovic et Petar Jovic, Nemanja Sahovic également, qui est
27 un juriste et Zoran Krasic et Aleksandar Vucic qui sont diplômés de droit,
28 auxquels s'ajoutent quelques autres. Ces personnes travaillent pour moi à
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1 la rédaction des requêtes sur mes instructions. Quant aux enquêteurs, ils
2 travaillent sur le terrain.
3 Je considère que mon procès ici est sans doute le plus compliqué, non
4 seulement parce qu'on a inventé une nouvelle infraction, c'est-à-dire ce
5 crime de discours de haine qui est une catégorie qui n'a jamais existé dans
6 aucun système judiciaire, mais aussi parce que les accusations portées
7 contre moi concernent trois régions différentes du pays. En dehors de
8 l'affaire Slobodan Milosevic, il n'y a aucun autre procès où les
9 accusations sur le plan territorial sont aussi étendues. Donc cela demande
10 que je dispose d'un nombre d'enquêteurs plus important, d'autant plus que
11 certains des crimes qui me sont reprochés dans l'acte d'accusation, je n'en
12 ai jamais entendu parler avant de les avoir vus par écrit dans l'acte
13 d'accusation. Par exemple, des crimes qui auraient été commis en
14 Herzégovine, à Lipovaca ou Lipovica, je ne sais plus comment s'appelle cet
15 endroit, à Borah, et cetera, et cetera.
16 C'est pour cette raison que j'ai besoin d'un nombre important
17 d'enquêteurs et j'ai réparti les enquêteurs par site. Je ne demande pas à
18 ce que tous les membres de mon équipe d'experts dispose d'un salaire
19 mensuel. Ce que je demande c'est que, compte tenu de la complexité de mon
20 procès, on me prévoie un budget de la Défense dans la phase préalable au
21 procès et également dans la phase où l'Accusation, pendant le procès va
22 présenter ses témoins, et enfin, dans la phase où moi-même je vais
23 présenter des éléments de preuve et entendre des témoins. Et, bien entendu,
24 également dans la phase d'appel, parce que c'est exactement ce qui se fait
25 dans d'autres procès, dans d'autre affaires aussi.
26 Puis, pour certains de mes conseils juridiques, je demande qu'ils
27 puissent disposer d'un certain revenu pour financer les frais de ma
28 Défense. Je pense à Zoran Krasic dont vous trouverez le nom au bas de la
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1 grande majorité des requêtes que j'ai soumises jusqu'à présent. Donc c'est
2 celui qui a travaillé le plus dur à ma défense jusqu'à présent en ma
3 compagnie.
4 Je ne demande donc pas un salaire pour l'ensemble de ces personnes,
5 je demande la détermination d'un budget, d'un budget avant le procès sur la
6 base de tels et tels indices, la Défense, à ce stade, vaut tant. Je suis
7 prêt à financer à telle hauteur, le greffe doit payer le reste. C'est une
8 langue de chiffres, un langage de chiffres qui peut être prouvé point par
9 point grâce à une méthodologie exacte. Mais pour avoir la possibilité de
10 recourir à cette méthodologie exacte, il faut disposer d'informations
11 venant des autres procès, car il n'y a pas d'autres possibilités des autres
12 affaires jugées par ce Tribunal.
13 Donc, je vous demande de ne pas être affolés par le grand nombre des
14 personnes qui m'aident. Parce que dans ce grand nombre il y a aussi des
15 dactylographes, il y a aussi des gens qui s'occupent de questions
16 techniques, qui vont dans des bibliothèques fouiller les journaux, les
17 livres, et cetera, et cetera. Donc j'ai engagé un groupe assez important.
18 Dans ce groupe chacun a sa place, chacun a son rôle. Tomislav
19 Nikolic, par exemple, travaille pour moi devant les représentations
20 d'avocats en Angleterre et aux Pays-Bas, où j'ai lancé des procédures
21 contre le conseil qui m'avait été imposé, le conseil stand-by. Il
22 communique en mon nom avec la cour européenne des droits de l'homme avec le
23 comité des Nations Unies chargé des droits de l'homme. Il écrit au Conseil
24 de sécurité, il écrit également à des associations qui s'occupent des
25 droits de l'homme. C'est le contact entre moi et les diplomates étrangers,
26 et cetera, et cetera. Donc chacun au sein de cette équipe a son propre
27 rôle, mais je suis responsable de l'ensemble à partir de l'endroit où je me
28 trouve, c'est-à-dire à partir de La Haye. Je le répète, je ne demande pas à
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1 ce que chacune de ces personnes reçoive un salaire mensuel, je voudrais
2 qu'un budget soit déterminé par le greffe pour ma Défense et que le chef de
3 l'équipe de ceux qui m'aident dans ma défense reçoive ces ressources pour
4 pouvoir les redistribuer.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous remercie pour ces précisions qui
6 permettent d'avancer et de bien comprendre les problèmes qui se posent.
7 Dans votre équipe de 25 personnes, il y a un distinguo à faire entre,
8 disons, les juristes, ceux qui rédigent les requêtes. Et vous avez cité M.
9 Zoran Krasic qui, effectivement, est celui dont le nom apparaît dans les
10 requêtes et aidé en cela par d'autres personnes. Vous avez parlé du rôle de
11 M. Tomislav Nikolic, qui est votre représentant auprès des diverses
12 institutions, mais vous avez surtout - et c'est cela qui a éveillé mon
13 attention, ce que je n'avais pas vu jusqu'à présent - indiqué qu'il y a
14 aussi des enquêteurs, des enquêteurs qui ont la charge de certaines
15 vérifications sur le terrain, de préparer les témoins que vous aurez dans
16 votre phase de présentation des éléments de preuve.
17 Et que là, le Statut, à mon avis, est très clair, vous devez
18 bénéficier des facilités au titre de l'égalité des armes, et que donc ces
19 gens-là, même si vous vous défendez tout seul, il faut bien qu'ils soient
20 rétribués. Donc là il y a un véritable, également, problème dont je vais
21 saisir le greffe.
22 A juste titre, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez à chaque
23 fois saisi le greffier, vous en aviez appelé au Président du Tribunal qui
24 vous renvoie vers la Chambre. Vous avez tout à fait raison. Tout ce qui
25 entrave l'exercice des droits de la Défense relève de la compétence de la
26 Chambre. Et là vous avez soulevé un véritable problème qui est celui de la
27 rétribution de vos enquêteurs dans le cadre de votre Défense. Dans le
28 système classique où les avocats représentent les accusés, il y a une somme
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1 globale qui est allouée, charge évidemment aux avocats de rétribuer leur
2 différents enquêteurs ou experts, tandis que là vous êtes dans un autre
3 système et pour le moment on est face à un vide juridique qui mérite d'être
4 très vite comblé.
5 Donc je vais m'y employer, je vais tenir très rapidement avec le
6 greffe une réunion de travail sur cette question, et comptez sur moi pour
7 faire avancer cet aspect, parce que là aussi c'est un élément susceptible
8 d'entraver la bonne marche du procès et c'est un élément très important au
9 titre de ce qu'a prévu le Statut, à savoir que vous devez disposer des
10 facilités nécessaires pour votre Défense.
11 Comme nous avons abordé la question des assistants et de
12 Mme Regus, c'est vrai qu'à titre personnel, comme vous, j'estime que ce qui
13 est alloué est vraiment très minime, 1 500 euros pour le travail de Mme
14 Regus et 1 200 euros pour un appartement qui est censé quand même abriter
15 quatre personnes, ce n'est pas avec 1 200 euros à La Haye qu'on va trouver
16 un appartement susceptible de loger quatre personnes. Donc là il y a aussi
17 un véritable problème que je vais réaborder avec le greffe.
18 Alors, tout à l'heure quand j'ai parlé de l'officier de liaison, il y a
19 peut-être une incompréhension dans le terme "officier de liaison." J'ai
20 l'impression que de votre côté vous vous méfiez de l'officier de liaison
21 qui serait désigné par le greffe, il serait un agent du greffe.
22 Bien. Alors, Monsieur Seselj, je dois vous dire que depuis plus de trois
23 ans que je suis là, je peux vous certifier que le greffe est vraiment une
24 institution digne de toute éloge et qu'ils sont tout à fait neutres à
25 l'égard des uns et des autres. Le greffe n'a aucun parti pris à l'égard de
26 quiconque, encore moins à l'égard des accusés, et que s'ils envisageaient
27 de nommer un officier de liaison, sachez par avance que la personne qui
28 serait dans cette fonction ne serait pas un agent de renseignements ni
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1 quelqu'un qui serait dans les mains du greffier, de l'Accusation ou de la
2 Chambre. Ce serait vraiment quelqu'un d'indépendant comme le sont tous les
3 fonctionnaires de ce greffe que j'ai eu l'honneur de rencontrer et de
4 discuter avec eux. Ce sont des personnes tout à fait dignes d'éloges, qui
5 remplissent au mieux les missions qui leur sont confiées par le Statut et
6 par le Règlement.
7 Mais si c'est un véritable blocage, ce que je peux comprendre pour des
8 raisons psychologiques ou subjectives, il peut y avoir une autre solution.
9 Ce serait que cela soit vous qui désigniez cette personne qui jouerait le
10 rôle d'interface entre les uns et les autres, entre le greffe,
11 l'Accusation, voire la Chambre.
12 Donc je soumets cela à votre réflexion. Je vais en parler avec le
13 greffe sur la faisabilité de nommer indépendamment de Mme Regus, et puis
14 des trois assistants quelqu'un d'autre qui serait votre porte-voix, votre
15 porte-parole et qui jouerait ce rôle entre l'administration, l'Accusation
16 et vous-même. Encore faut-il que cette personne le fasse en étant
17 rétribuée, et pas gratuitement ou bénévolement.
18 Donc là je suis - je vais être obligé d'examiner cette question très
19 prochainement avec le greffe sur la faisabilité financière de cet agent de
20 liaison, ce qui m'amène à évoquer la situation de Mme Marina Regus, qui
21 n'est toujours pas réglée, et qui, normalement, serait votre "case
22 manager", comme on dit en anglais.
23 Je sais que vous aviez communiqué son contrat de travail au greffier,
24 lequel devait l'examiner, vous donner son accord, et cetera. Moi, à titre
25 personnel, je ne vois que des avantages au fait que cette dame puisse être
26 le plus tôt possible à La Haye et puisse vous aider dans vos travaux, dans
27 les contacts qu'elle aura avec vous, le cas échéant.
28 Alors, voilà à ce stade ce que je vous indique, cela appelle de ma part des
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1 réunions avec le greffe pour aller de l'avant. Pour aller de l'avant, parce
2 qu'en vous défendant seul, cela ne veut pas dire - je vais vous donner la
3 parole - que vous faites tout de A à Z. Vous devez, bien entendu, être aidé
4 dans vos multiples tâches.
5 Alors, je vous donne la parole, Monsieur Seselj.
6 M. SESELJ : [interprétation] Ce que je demande, c'est que le salaire qui
7 sera déterminé pour cette commis aux audiences corresponde au minimum en la
8 matière. C'est une femme qui parle l'anglais bien et qui a un diplôme de
9 haut niveau. Donc, elle doit recevoir un salaire qui n'est pas le salaire
10 absolument minimum payé par le Tribunal aux fonctionnaires de rang
11 inférieur. Puisque 1 500 euros, si je suis bien informé, c'est bien le
12 salaire absolument minimal que paie le Tribunal. C'est humiliant pour une
13 commis aux audiences, et vous savez parfaitement bien que l'on ne peut pas
14 survivre à La Haye avec ce genre de salaire.
15 Deuxièmement, j'ai des raisons tout à fait objectives de me méfier du
16 greffe et je vais vous en donner une, si vous voulez bien, Monsieur
17 Antonetti. A la fin de l'année 2003 et dans les premiers six mois de 2004,
18 il m'a été absolument interdit de communiquer par téléphone. J'ai eu
19 interdiction de recevoir quelque visite que ce soit, y compris des membres
20 les plus proches de ma famille. J'ai donc été interdit de quelque contact
21 que ce soit avec le monde extérieur.
22 Vous savez quelles ont été les justifications du greffe ? La première,
23 c'était que je risquais d'influer sur les résultats aux élections de mon
24 parti, le Parti radical serbe, et la deuxième justification, c'est que je
25 serais entré en contact avec des journalistes au mépris des règlements.
26 Ensuite, on m'a expliqué par écrit un document signé par David Tolbert, le
27 Procureur adjoint actuellement, que mon parti, le Parti radical serbe,
28 avait obtenu des sièges nombreux à l'issue des élections au parlement, et
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1 que, par conséquent, c'était dans l'intérêt de la conservation de la paix
2 qu'il fallait m'empêcher d'exercer la moindre influence dans les
3 négociations à venir au sujet de la constitution du futur gouvernement.
4 Alors comment est-ce que je pourrais m'attendre à ce que le greffe agisse
5 d'une façon objective à mon égard, quand on voit que l'année dernière le
6 greffe a accepté que je sois coupé de tout contact avec même les membres
7 les plus proches de ma famille ? Parce que dans cette période, j'ai subi un
8 certain nombre de décès dans ma famille. Un de mes cousins est mort ainsi
9 qu'un gendre, et je n'ai pas pu avoir le moindre contact avec ma famille à
10 ce moment-là. Donc, c'est sur la base des soupçons que j'ai, en raison de
11 tout cela, que j'ai mentionné un nom s'agissant d'un témoin protégé, et ce
12 nom, et bien, c'est le nom de quelqu'un qui, effectivement, a comparu
13 ensuite en tant que témoin de l'Accusation. J'ai dit aux membres de mon
14 parti à Novi Sad qu'il y avait quelqu'un au sein du parti à Novi Sad qui
15 n'était pas digne de confiance et qu'il fallait couper tout lien avec lui.
16 Or, ceci s'est avéré exact par la suite.
17 Le bureau du Procureur ne m'a pas dit quels seraient les témoins qu'il
18 entendrait. Il m'a soumis, par conséquent, à une mesure très
19 discriminatoire. Des mesures spéciales ont été imposées me privant des
20 visites de mes proches et des mesures spéciales ont été imposées à mon
21 épouse quand elle venait me rendre visite, parce que j'aurais prononcé le
22 nom d'un témoin protégé une seule fois. Or, il s'agissait d'une affaire
23 interne à mon parti. C'était un homme qui faisait de l'immobilier au lieu
24 de s'occuper du parti, et je n'en ai parlé à personne d'autre, je n'ai fait
25 que le dire à un autre adhérent du parti. Aucun témoin protégé ne peut
26 prétendre que j'aurais essayé d'user de mon influence pour lui nuire d'une
27 façon ou d'une autre par l'intermédiaire de mes associés.
28 Après tout ce qui s'est passé, me donne toute justification pour
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1 avoir quelque méfiance à l'égard du greffe et de ses bonnes intentions
2 présumées.
3 L'avant-dernier jour de ma grève de la faim, Hans Holthuis m'a
4 garanti que je recevrais tous les documents sur papier en langue serbe. Un
5 mois plus tard, il m'a dit que c'était un malentendu, que je n'étais pas
6 autorisé à recevoir de telles garanties de la part du bureau du Procureur.
7 Alors, quelle est la nature exacte du travail du greffe ? Comment est-ce
8 que je pourrais lui faire confiance ? Les garanties qu'il me propose
9 quelque temps après, il les remet en cause en se riant de moi. Donc, à mes
10 yeux, le greffe a perdu tout crédit par le simple fait qu'il a agi ainsi.
11 Vous savez, il y a des gens dans ce Tribunal, des Juges, des membres
12 du bureau du Procureur ou du greffe, qui viennent de leur propre système
13 judiciaire où ils ont affaire, la plupart du temps, à des criminels purs et
14 durs et à des gens qui n'ont pas la moindre éducation, et ils pensent
15 qu'ils peuvent se comporter comme ils se comportaient à l'égard de ces
16 délinquants, qu'ils peuvent se comporter de la même façon ici. Or, ce n'est
17 pas le cas.
18 Il y a longtemps que des personnes accusées de crimes comparaissent
19 devant ce Tribunal. C'était au départ le travail de ce Tribunal, rechercher
20 tous les coupables éventuels ou présumés, y compris de petites frappes,
21 mais cela fait longtemps que c'est fini. Des Serbes de grande importance et
22 des représentants d'autres pays, qui ont participé à la guerre également,
23 ont été entendus ici, mais la plupart des accusés qui ont été jugés par ce
24 Tribunal sont des Serbes, 70 à 80 %. Les plus hauts représentants serbes
25 dans les années 90 ont comparu devant ce Tribunal. Nous sommes des citoyens
26 serbes respectés. Vous ne pouvez pas vous permettre de nous traiter de
27 cette façon. Certains diront que c'est bon de continuer ainsi.
28 Je vous ai apporté des détails au sujet de la méfiance que j'ai par
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1 rapport au greffe, et je pense qu'elle est à prendre en compte. Donc je
2 refuse tout contact proposé avec un représentant officiel du greffe.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez donné votre explication sur la
4 méfiance que vous avez à l'égard du greffe et vous avez expliqué pourquoi.
5 Bien, je ne ferai pas de commentaire sur le fond, simplement à titre
6 personnel, je dois vous indiquer que le régime de la prison relève de
7 l'autorité du directeur de la prison et du greffier. Le règlement leur
8 permet - au directeur de la prison - de vous mettre sous écoute. Mais
9 encore faut-il qu'il y ait des bonnes raisons, que ce soit des raisons
10 liées à des problèmes de sécurité, mais je ne pense pas que vous ayez envie
11 de vous évader, sinon on ne comprendrait pas pourquoi vous êtes venu de
12 vous-même au Tribunal.
13 Je vais être très clair avec vous, Monsieur Seselj. Pour moi, vous
14 êtes présumé innocent. Vous jouissez de tous vos droits, vos droits civils,
15 vos droits civiques. La seule différence avec une personne qui serait en
16 liberté, c'est que vous êtes en détention parce que ce Tribunal est à La
17 Haye et que vous faites l'objet d'un acte d'accusation et vous êtes donc en
18 détention.
19 Mais le fait d'être en détention ne vous -- de vous autoriser à l'exercice
20 de certains droits, et il est vrai que quand j'ai découvert que pendant la
21 campagne électorale de votre parti, on vous avait en quelque sorte limité
22 dans l'exercice de vos droits, j'en ai été très surpris. C'est tout ce que
23 je peux vous dire sur ce point.
24 Concernant vos assistants, bien, vous avez indiqué que
25 Mme Regus est quelqu'un de diplômée, et cetera, et sa situation devrait
26 être revue par le greffier. Alors, effectivement, au niveau légalité des
27 armes, le Procureur a aussi un "case manager". Donc, la moindre des choses
28 est que le "case manager" de l'accusé soit rétribué comme le "case manager"
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1 de l'Accusation, qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures. Donc, j'ignore
2 ce que gagne le commis de l'Accusation, mais je vais me renseigner et
3 sachez que je ne saurais tolérer une discrimination à cet égard. Mais il
4 est vrai que le commis à l'audience est quelqu'un dont le niveau de
5 qualification universitaire est bas. On n'exige pas que le "case manager"
6 soit diplômé de l'université, et cetera. Alors, pour Mme Regus, il y aurait
7 peut-être une solution à laquelle je vous demande de réfléchir.
8 Cela serait que cette dame devienne votre propre officier de liaison
9 et soit l'interface entre vous et le greffe. Ce qui apparaît un peu dans
10 son contrat de travail. Alors, je vais explorer ceci avec le greffe et je
11 vais voir comment nous pourrions régler au mieux ce type de question, car
12 au fur et à mesure je me rends compte que cette question est susceptible
13 d'être aussi une entrave -- soit une entrave sérieuse au bon déroulement du
14 procès. Donc, je vais m'efforcer de trouver très rapidement des solutions à
15 la question des assistants juridiques de Mme Regus, des rétributions, et
16 cetera. Le cas échéant, la Chambre pourrait rendre aussi une décision si le
17 blocage est tel qu'il faut prendre une décision au titre de l'exercice des
18 droits de la Défense.
19 Je voulais aussi aborder le problème de la confidentialité. Alors,
20 Monsieur Seselj, vous-même et vos experts de la Défense, votre équipe, vous
21 adressez donc des requêtes qui sont enregistrées au greffe. Je conçois avec
22 vous que parmi - quand vous citez un nom, vous ne pouvez pas savoir à
23 l'origine qu'il s'agit d'un témoin protégé ou pas. Alors, là aussi il y a
24 aussi un véritable problème qui appelle de ma part des explications
25 précises à votre intention. Monsieur Seselj, il faut que vous sachiez que
26 le Règlement permet au Procureur de faire des requêtes ex parte, c'est-à-
27 dire entre le Procureur et la Chambre sans que l'accusé en soit informé.
28 Je vais vous donner un exemple. Le Règlement permet donc au Procureur
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1 de demander à la Chambre l'autorisation de ne communiquer à l'accusé le nom
2 d'un témoin et sa déclaration qu'un mois, un mois avant que le témoin
3 vienne déposer. Ce qui veut dire - je n'en ai pas fait la liste- mais le
4 Procureur peut avoir un certain nombre de témoins dont vous ignorez, vous,
5 l'existence ne découvrant le nom du témoin et le contenu de sa déclaration
6 qu'un mois avant qu'il vienne.
7 Ce qui veut dire, imaginons, par exemple, que le Procureur veuille
8 faire venir un témoin en février 2008. Aux termes du Règlement, vous
9 n'aurez la révélation de l'existence de ce témoin qu'en janvier 2008, soit
10 un mois avant. Mais il se peut que ce témoin fasse partie de liste que
11 vous-même, ou de requête que vous avez mentionnée, et qu'à ce moment-là il
12 puisse y avoir une interférence, mais là, je n'ai aucune solution pour le
13 moment permettant de résoudre cette contradiction.
14 Concernant la procédure, les requêtes peuvent être de plusieurs
15 ordres, des requêtes qui sont publiques, c'est-à-dire elles sont
16 enregistrées immédiatement par le greffe lorsqu'une partie les demande, et
17 tout le monde y a accès. Il peut y avoir des requêtes confidentielles, à ce
18 moment-là, celui qui fait la requête marque "Confidentiel."
19 Prenons un exemple théorique. Imaginons que vous voulez avoir un
20 examen médical dans un hôpital de La Haye, et qu'à ce moment-là il y a un
21 obstacle. Vous faites une requête sans que vous éprouviez la nécessité
22 d'informer le public que vous allez subir une radio, par exemple. Et à ce
23 moment-là, vous marquez le terme "Confidentiel." Ce qui fait que tout ce
24 qui est confidentiel, personne ne le sait.
25 Les parties ont également la possibilité de faire des requêtes ex
26 parte. Vous avez, vous aussi, la possibilité de faire une requête à la
27 Chambre sans que l'Accusation le sache, mais à ce moment-là, sur votre
28 requête, vous marquez "Ex parte," et vice versa.
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1 Et il peut y avoir aussi de requêtes confidentielles ou ex parte pour
2 partie, c'est-à-dire une requête qui peut être portée à la connaissance de
3 l'autre partie, mais le contenu d'une partie de la requête qui peut être
4 une annexe sera ex parte. Donc, vous voyez, c'est très compliqué. Alors, il
5 faudrait qu'avec vos juristes et, notamment M. Zoran Krasic, vous voyez
6 tous ces aspects pour que nous ne soyons pas confrontés à des problèmes.
7 Alors, pour le moment, voilà ce qui avait été décidé, mais voilà ce que je
8 vais changer. Ce qui avait été décidé, c'est que quand vous adressiez une
9 requête dans votre langue, la requête n'était pas enregistrée par le
10 greffier. Elle était transmise au service de traduction et elle n'était
11 enregistrée qu'après qu'elle était traduite en anglais. Bon. Donc, il y a
12 un décalage dans le temps. J'estime qu'il y a un véritable danger.
13 Si, par exemple, vous faites une requête dans votre langue pour expliquer
14 à la Chambre un sujet X qui pourrait être, par exemple, votre état de santé
15 qui appelle, je ne sais quelle intervention, que cette requête parte à la
16 traduction et reste sous le coup pendant des jours et des jours alors même
17 que votre requête est urgente, et appelle une intervention immédiate.
18 Alors, dorénavant, toutes les requêtes émanant de vous-même seront
19 enregistrées au greffe et communiquées à la traduction et après que le
20 document ait été traduit, il sera transmis à la Chambre et à l'Accusation.
21 Mais il m'apparaît fondamental que quand vous adressez une requête elle
22 doit, conformément à la procédure, être enregistrée. Alors, je sais
23 pourquoi ceci avait été décidé, mais je pense que la page a été tournée
24 définitivement et que nous n'aurons pas à revenir là-dessus. C'est parce
25 qu'au départ, il y avait des requêtes qui pouvaient être considérées comme
26 des requêtes outrageantes et qu'un certain nombre de vos requêtes n'ont pas
27 été enregistrées.
28 Bien. Vous vous êtes expliqué longuement là-dessus, vous avez dit votre
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1 position, vous avez expliqué pourquoi vous aviez eu ce comportement.
2 Maintenant la page est tournée, vous avez une Chambre nouvelle qui est
3 saisie, une Accusation nouvelle et depuis un nombre d'heures que nous avons
4 passé ensemble au cours de ces trois audiences, je ne me suis jamais senti
5 outragé par vos propos. Vous avez tenu des propos qui m'ont paru ne pas
6 appeler de ma part une réaction, donc je ne vois pas pourquoi j'aurais une
7 inquiétude quelconque sur vos requêtes. Mais à cet égard, je vais vous
8 demander de m'expliquer deux choses afin que le bon climat qui est en train
9 de s'instaurer puisse continuer de la manière la plus positive possible.
10 Monsieur Seselj, j'ai constaté que parfois, quand vous parlez, vous avez un
11 ton très fort. Est-ce que c'est depuis que vous êtes tout petit vous parlez
12 très fort ou bien votre ton est dû au fait que vous êtes dans une salle
13 d'audience et que vous voulez parler fort ? Est-ce que là-dessus vous
14 pouvez m'indiquer si le niveau de votre voix est lié au contexte de la
15 salle d'audience, ou bien c'est parce que vous avez l'habitude de parler
16 comme cela ?
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, peut-être n'êtes-vous pas
18 au courant mais j'étais professeur d'université et ce qu'on m'a appris
19 c'est qu'il fallait parler à haute et intelligible voix.
20 Deuxièmement, je suis représentant politique de profession, j'ai pris la
21 parole à un très, très grand nombre de meetings, donc c'est peut-être le
22 résultat d'une déformation professionnelle. Deux de vos confrères
23 siégeaient à la Chambre de première instance qui jugeait Milosevic et j'ai
24 comparu devant cette Chambre en tant que témoin. Peut-être cela leur a-t-il
25 posé problème, le niveau de ma voix. Mais peut-être aussi, un technicien
26 qui travaille ici, pourrait-il peut-être se servir d'un bouton ou d'un
27 moyen technique pour diminuer le niveau de ma voix, c'est possible
28 techniquement. En tout cas, ce n'est pas le fait d'une intention de ma
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1 part.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Et bien, c'est bien ce que je pensais mais vous
3 l'avez indiqué.
4 Alors, le deuxième point, et puis on clôturera les débats en la question.
5 J'ai remarqué à plusieurs reprises que vous ne m'appelez pas "Monsieur Le
6 Juge," mais "Monsieur Antonetti." Alors, en règle générale, vous savez que
7 dans tous les tribunaux, on appelle les juges pas par leurs noms mais par
8 leurs titres, Monsieur le Président, Monsieur le Juge, et cetera. Je sais
9 que M. Milosevic appelait le Président de la Chambre également par son nom,
10 moi à titre personnel, je préférerais que vous m'appeliez par "Monsieur le
11 Juge", mais si vous voulez m'appeler par mon nom, vous m'appelez par mon
12 nom, c'est comme vous voulez. Moi-même, je peux vous appeler "Monsieur le
13 Professeur," ou "Monsieur Seselj" comme vous le voulez. Mais je voudrais
14 que vous m'éclaircissiez pourquoi vous m'appelez par mon nom et non pas
15 "Monsieur le Juge."
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je m'adresse à vous en
17 prononçant votre nom, et ce, sans aucune intention de vous offenser, car
18 j'ai une expérience très négative des Juges qui vous ont précédé. Vous
19 verrez à la lecture des comptes rendus d'audience qu'au début je parlais
20 aux Juges en disant, "Monsieur le Juge." Mais quand je faisais cela, sur le
21 compte rendu d'audience en anglais, au lieu des mots Monsieur le Juge, ce
22 que je lis c'est "Votre Honneur." Or dans la langue serbe, et selon la
23 tradition serbe, cette expression "Votre Honneur" peut avoir des
24 connotations négatives, car c'est un peu condescendant sur le ton même,
25 c'est très désagréable. Notre peuple, quand il regarde ici les avocats et
26 les accusés, ils voient que tout le monde parle aux Juges en les appelant
27 "Votre Honneur." Chez nous d'après notre tradition littéraire des écrivains
28 les plus anciens et les plus importants, c'est une expression qui, en
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1 général, est utilisée à des fins ironiques, dans des contextes qui ne sont
2 pas très dignes.
3 Je n'ai aucun problème à vous appeler "Monsieur le Juge" à condition
4 qu'en anglais, au compte rendu d'audience en anglais, ce soit les mots
5 "Monsieur le Juge" qui y figurent de façon à ce qu'on ne puisse pas tirer
6 la conclusion que je suis ironique ou méprisant ou offensant. Aussi
7 longtemps, Monsieur le Juge, que c'est vous qui conduisez mon affaire, vous
8 n'aurez à subir aucun désagrément de ma part. Si vous voulez que je vous
9 appelle dorénavant "Monsieur le Juge", veuillez, je vous en prie, régler ce
10 problème de compte rendu en anglais, car je ne veux pas voir les mots
11 "Votre Honneur" dans le texte anglais.
12 L'ancienne présidente de la Republika Srpska, Biljana Plavsic, a
13 comparu ici en tant qu'accusée et elle a utilisé les mots "Bonjour,
14 Monsieur le Juge," quand elle a pris la parole pour la première
15 comparution, et bien cela fait des années qu'on se rie d'elle à cause de ce
16 compte rendu en anglais qui dit "Votre Honneur." Voilà ce qui se passe dans
17 la traduction.
18 Ce à quoi je tiens c'est la dignité dans les façons dont nous nous
19 interpellons. Moi, j'ai toutes sortes de titres, j'ai le choix. Mais bien
20 entendu, ce qui me plaît le plus, c'est qu'on s'adresse à moi en utilisant
21 mon nom de famille, à savoir celui qui est la source de ma plus grande
22 fierté. Je n'ai aucun problème s'agissant de ces dénominations, mais ce que
23 je souhaite, c'est en tout cas que vous ne voyez dans la façon dont je
24 m'adresse à vous aucune intention mauvaise.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, Monsieur Seselj, je vous remercie pour
26 vos propos et j'avais bien compris qu'il n'y avait pas d'intention à mon
27 encontre dans la mesure où j'essaie de répondre à ma mission qui est d'être
28 un Juge totalement impartial -
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, je n'entends absolument plus
2 l'interprète.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors je reprends. Je voulais dire, Monsieur
4 Seselj, je vous remercie pour vos propos. J'ai pris bonne note du fait
5 qu'il n'y avait aucune intention à mon encontre. Je suis d'autant plus
6 touché qu'en tant que Juge j'essaie de remplir ma mission en toute
7 impartialité et dans le respect des uns et des autres. Je voulais aborder
8 ce problème pour qu'on n'ait plus à y revenir. Car comme je l'ai déjà
9 indiqué, depuis trois audiences, ces audiences se déroulent dans le
10 meilleur état d'esprit et j'ose espérer qu'il pourra continuer à se
11 dérouler dans ce même état d'esprit.
12 Pour continuer, je vais m'adresser à l'Accusation, parce qu'au titre de
13 l'égalité des armes, il faut que l'Accusation remplisse également son
14 office et travaille de la manière la plus efficace possible.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il vous plaît.
16 Si vous m'y autorisez, j'aimerais ajouter quelques mots très brefs
17 sur la suite de ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet des mesures de
18 protection. Je n'ai pas les documents pertinents sous les yeux en ce
19 moment, mais je crois me rappeler qu'à huit reprises l'Accusation a demandé
20 des mesures de protection pour un certain nombre de témoins. Si je me
21 souviens bien, les Chambres de première instance ont décidé que les noms et
22 les éléments relatifs à ces témoins me soient communiqués un mois avant le
23 début du procès et pas un mois avant le début de la déposition de ce
24 témoin.
25 Deuxièmement, s'agissant des documents ex parte qui vous sont remis, je
26 sais que le Règlement autorise ce genre de chose. Mais lorsqu'il est
27 indispensable que je m'exprime à l'aide d'écritures, avant que vous ne
28 puissiez rendre une décision, il n'y aurait pas de sens à ce que je
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1 communique ce document ex parte. Parce que ce que vous pouvez recevoir ex
2 parte, c'est uniquement quelque chose qui a trait aux communications entre
3 vous, mais qui n'a rien à voir avec mes droits dans le procès. Parce que
4 dès lors que cela touche à mes droits dans le procès, l'ex parte perd son
5 sens.
6 Ensuite, étant donné que l'Accusation a vraiment exagéré quant au
7 nombre de témoins auxquels elle prévoit de donner des mesures de
8 protection. Il est tout à fait possible, je sais que dans certains cas et
9 même si je ne connais pas de cas précis ou cela est déjà arrivé, il peut
10 tout de même être envisagé que, par exemple, mes enquêteurs prennent
11 contact avec quelqu'un qu'ils souhaitent voir intervenir en tant que témoin
12 de ma défense et que finalement ce témoin devienne témoin protégé de
13 l'Accusation parce que son nom ne m'a pas été communiqué. C'est une
14 possibilité et cela vient du fait que l'Accusation a exagéré dans le nombre
15 de témoins qu'elle prévoit d'entendre avec des mesures de protection.
16 D'ailleurs, cela arrive souvent que les mesures de protection soient
17 accordées, que finalement quand le témoin entre dans le prétoire, il y
18 renonce. Ce qui est aussi un problème.
19 Et enfin, Monsieur le Juge, il y a deux ans, au mois de mai ou au
20 mois de juin, l'Accusation, dans le plus grand secret, a décidé de me
21 mettre en accusation pour non-respect du Tribunal. Vous faisiez partie de
22 la Chambre de première instance qui était prévue pour entendre cette
23 affaire. D'ailleurs si je me souviens bien, la Chambre a déterminé qu'il
24 fallait rejeter cette requête. Au jour d'aujourd'hui, je ne sais pas de
25 quoi il était question dans tout cela, parce que c'est kafkaïen cette
26 tentative de lancer une procédure à mon encontre, de me mettre en
27 accusation pour quelque chose sans que j'aie la moindre idée de ce que ce
28 quelque chose est effectivement.
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1 Quand toute cette affaire a été terminée, un responsable du Tribunal
2 m'a informé en une seule phrase que le bureau du Procureur avait lancé
3 cette procédure à mon encontre et que la Chambre avait déclaré un non-lieu
4 en d'autres termes. Je pense que j'ai tout à fait le droit de savoir
5 exactement quel était le contenu de cette requête qui a été rédigée à mon
6 encontre, parce que d'après le Règlement, j'ai le droit de lire tout ce que
7 les Juges des Chambres de première instance reçoivent du point de vue
8 requêtes du bureau du Procureur. Je pense que mes droits en l'espèce, ce
9 que j'interprète, ont été violés d'une façon tout à fait évidente.
10 Il y a d'autres problèmes au sujet des mesures de protection. Par
11 exemple, pour un témoin, l'Accusation avait demandé de l'entendre par
12 vidéoconférence. Je m'y suis opposé, parce que l'argument de l'Accusation
13 c'était que ce témoin était trop malade pour venir en personne. A cette
14 fin, l'Accusation a soumis le certificat médical de cette prétendue maladie
15 du témoin, où il n'y avait pas le nom d'un seul centre médical, hôpital ou
16 autre, pas le nom d'un seul médecin, pas le moindre sceau officiel.
17 A une Conférence de mise en état à laquelle je n'ai pas assisté, qui
18 a eu lieu pendant ma grève de la faim, le Procureur a prétendu que ces
19 éléments d'information avaient été effacés pour protéger la confidentialité
20 et le témoin. Finalement, le nom du témoin a été donné et le Procureur a
21 dit craindre que si le nom du médecin n'était pas gardé secret ainsi que
22 celui de l'hôpital qui se trouvait quelque part en Croatie, cela ne nuise à
23 telle ou telle personne et que la publication du certificat agisse de même.
24 Vraiment ceci n'a pas de sens. C'est insensé, ne pas prétendre que
25 quelqu'un n'est pas en état de voyager ici, ne donnait aucun détail.
26 Certaines personnes ont peur de prendre l'avion. Certains ont des problèmes
27 d'estomac. Certains souffrent de pneumonie; ou d'autres maladies du même
28 genre. Il y a toutes sortes de critères et d'excuses qui sont avancés pour
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1 donner des mesures de protection.
2 Bien entendu, nous avons des victimes de viol ou d'agressions
3 sexuelles qui sont entendues. Ici, je comprends très bien qu'on ne les
4 entende pas en public dans l'intégralité de leurs dépositions. Mais rien
5 n'indique que le témoin dont il était question en l'espèce, était un témoin
6 courant le moindre danger et justifiant des mesures de protection.
7 Quelquefois il est mieux que le nom soit connu et rendu public, que de le
8 garder secret. Cela lui nuit moins.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'Accusation. Avant je vais répondre à ce que vous
10 venez de dire concernant les mesures de protection. Effectivement, la
11 Chambre est saisie de plusieurs requêtes concernant des mesures de
12 protection. Alors, que je vous indique tout de suite, Monsieur Seselj,
13 également à l'Accusation, quelle est ma position pour le moment dans la
14 gestion de ces requêtes.
15 Comme je vous l'ai dit lors de la première audience, j'ai découvert
16 en étant donc Juge de la mise en état qu'il y avait un certain nombre de
17 requêtes qui étaient en attente. Alors, j'ai fait depuis lors le tri entre
18 ces requêtes. Je les ai examinées les unes après les autres, et il y a deux
19 catégories. Il y a une première catégorie qui va appeler des décisions de
20 la Chambre dont je suis le Juge de la mise en état, qui concernent des
21 mesures de protection concernant plusieurs témoins. Donc, dans les
22 prochains jours des décisions vont intervenir.
23 Et puis, il y a une autre catégorie de requêtes qui est, comme on dit
24 en anglais, en stand-by et auxquelles j'estime qu'il convient à la Chambre
25 de jugement, pas la Chambre de mise en état de se prononcer. Pourquoi ?
26 Parce que ce sont des requêtes qui portent sur le fond du dossier. Par
27 exemple, admettre votre témoignage dans l'affaire Milosevic. Cela touche au
28 fond du dossier. Et je ne peux pas, moi, avec les Juges de la Chambre III
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1 prendre une position, alors que les autres collègues, qui auront à juger
2 avec moi, pourraient avoir une vue différente.
3 Donc, il y a un certain nombre de requêtes qui, parce qu'elles
4 touchent au fond de l'affaire, méritent qu'elles soient de la compétence de
5 la Chambre de jugement.
6 Et puis, il y a des requêtes que j'allais dire, d'ordre technique,
7 telles que les mesures de protection qui peuvent être tranchées d'ores et
8 déjà. Alors, je vous ai bien écouté et j'avais l'intention, d'ailleurs,
9 d'aborder les deux requêtes concernant les vidéoconférences pour des
10 témoins qui seraient malades ou âgés. J'ai lu avec intérêt vos écritures en
11 la matière. Vous êtes opposé aux vidéoconférences pour ces deux témoins.
12 Vous avez mis en question au moins pour le fait qu'il n'y avait pas de
13 certificat médical et, surtout, vous faites valoir qu'une vidéoconférence
14 ne vous permettrait pas de le contre-interroger.
15 Donc j'ai vu dans d'autres procès la pratique des vidéoconférences.
16 Il est vrai qu'entre une vidéoconférence et le fait qu'on ait le témoin
17 juste en face de nous, il est préférable d'avoir le témoin en face de nous.
18 Mais la vidéoconférence a aussi l'avantage, c'est qu'elle permet à certains
19 témoins d'éviter les transports en avion, leur état de santé, et cetera.
20 Et la Chambre doit vérifier que ces conditions soient remplies avant
21 d'autoriser une vidéoconférence. Mais, Monsieur Seselj, sachez néanmoins
22 que lorsqu'il y a une vidéoconférence, l'accusé peut contre-interroger sans
23 aucun problème. Il n'y a quasiment pas de difficulté technique parce qu'on
24 est en temps réel. On voit très bien sûr l'écran le témoin, et globalement
25 la procédure de vidéoconférence est satisfaisante.
26 Mais simplement dans les deux cas que vous avez indiqués, je vais
27 vérifier de façon très approfondie la réalité de la possibilité qu'ils ont
28 de venir. Bon, comme vous le savez, en fonction de l'âge, certaines
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1 personnes ont du mal à se déplacer, et cetera, mais tout ça doit être
2 attesté par un certificat médical. Donc, sur ces deux questions, je vais
3 regarder cela de très près.
4 J'ai noté également que, par principe, vous êtes contre les mesures de
5 protection. C'est le sens de vos écritures. Alors, bon, vous savez que les
6 mesures de protection, elles existent dans d'autres pays, et le Tribunal
7 les -- a concrétisé la procédure par l'article 75. Alors, il y a des marges
8 de manœuvre que la Chambre peut avoir, et puis il y en a d'autres où nous
9 n'avons aucune marge de manœuvre. C'est le cas des témoins qui ont déjà
10 bénéficié de mesures de protection dans d'autres dossiers.
11 Imaginons, par exemple, qu'un témoin a témoigné dans le procès
12 Milosevic sous mesures de protection. La mesure de protection qui lui a été
13 accordée est de plein effet pour son témoignage si cette personne viendrait
14 témoigner dans votre procès. Là, je ne peux strictement rien faire. La
15 Chambre a compétence liée par la mesure ordonnée par d'autres.
16 Dans quel cas nous accordons les mesures de protection ? Nous
17 accordons des mesures de protection quand le témoin a des raisons
18 objectives, voire dans certains cas subjectives, d'avoir des craintes sur
19 sa personne ou sur sa famille en fonction de son témoignage. Donc, ceci
20 fait l'objet d'un examen. Il est vrai, par exemple, que si un homme
21 politique est cité comme témoin et qu'il demande des mesures de protection,
22 là on peut s'étonner, parce qu'étant par définition un homme politique,
23 c'est quelqu'un qui s'exprime en public, et pourquoi s'il s'exprime en
24 public, il ne s'exprimerait pas devant une salle d'audience. Donc, nous
25 vérifions cela.
26 Alors, il y a également d'autres personnes - et j'ai vu que vous y
27 êtes opposé, à mon étonnement - ce sont des victimes de sévices sexuels -
28 attentats à la pudeur, viols, et cetera - qui demandent une mesure de
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1 protection pour que leur drame ne soit pas connu soit de leur propre
2 famille, parce que des fois les membres de la famille l'ignorent
3 totalement, ou leurs voisins. Et qu'à ce moment-là, la Chambre fait droit à
4 ce type de demande dans l'intérêt de la victime qui ne veut pas que ce qui
5 lui est arrivé soit connu à l'extérieur de la salle d'audience. Donc, il y
6 a ce type de témoin qui, en règle générale, bénéficie de mesures de
7 protection.
8 Lorsqu'une Chambre prend une mesure de protection, la mesure est
9 toujours motivée; ce n'est pas une mesure qui est prise au bonheur la
10 chance. Il y a un débat entre l'Accusation qui demande la mesure de
11 protection, l'accusé qui répond, et le Juge, en son âme et conscience,
12 tranche soit en faveur, soit en défaveur de la requête.
13 Monsieur Seselj, sachez également que vous-même, lorsque vous aurez
14 vos propres témoins, je ne sais pas quels seront vos témoins, mais il se
15 peut que des témoins qui vont vouloir témoigner pour vous, vous disent :
16 Moi, je veux bien témoigner pour vous, mais j'ai besoin de mesures de
17 protection. Et qu'à ce moment-là vous-même, vous soyez amené à demander des
18 mesures de protection.
19 Et l'histoire de ce Tribunal est très révélatrice. Dans tous les
20 procès qui se sont déroulés, il y a eu des mesures de protection en faveur
21 des témoins de l'Accusation, mais il y en a aussi en faveur des témoins des
22 accusés.
23 Voilà ce que je voulais vous dire sur un plan général concernant les
24 mesures de protection, mais qui appelle évidemment un examen au cas par
25 cas.
26 Je vous donne la parole.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, d'abord je ne sais pas très
28 bien ce que les interprètes vous ont dit, mais j'ai dit tout à l'heure que
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1 s'agissant de victimes d'agression sexuelle, j'étais absolument d'accord
2 pour l'application de mesures de protection. Peut-être qu'on vous a dit le
3 contraire dans vos écouteurs.
4 Mais en tant que juriste, je l'approuve dans mon pays, si on applique
5 des mesures de protection c'est souvent dans des affaires de conflit
6 familial ou dans des affaires où on juge des responsables de crimes
7 sexuels.
8 Au début, je ne me suis pas opposé au désir de l'Accusation en matière de
9 mesures de protection. Vous le verrez à la lecture des comptes rendus. Je
10 n'ai commencé à m'y opposer que lorsque je me suis rendu compte que
11 l'Accusation exagérait beaucoup sur ce point. Parce que demander des
12 vidéoconférences et introduire des mesures de protection, c'est envisagé
13 effectivement par le Règlement de procédure et de preuve; mais si on lit le
14 texte attentivement, on se rend compte que ce n'est possible
15 qu'exceptionnellement, parce que cela mettrait a mal le principe de la
16 publicité des débats.
17 Or, le bureau du Procureur a de plus en plus tendance à en faire une
18 pratique courante. Bientôt, ce sera la loi, et bientôt les exceptions, ce
19 seront les témoignages en public.
20 Je sais que dans d'autres procès, parce que d'autres accusés et leurs
21 avocats me l'ont raconté, je sais donc que dans d'autres procès il est
22 arrivé que des témoins entendus par vidéoconférence aient devant eux un
23 souffleur qui leur glisse la réponse la plus opportune, et il est arrivé
24 aussi que ce soit d'autre personne que le témoin lui-même qui se présente
25 pour témoigner à sa place. Donc, il peut y avoir toutes sortes d'autres
26 problèmes encore. Ne parlons même pas de l'intervention possible qui a eu
27 lieu et comment des services secrets de tel ou tel pays, et notamment des
28 services secrets musulmans et croates, dans la préparation de ces prétendus
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1 témoins qui sont des faux témoins. Voilà pourquoi j'insiste qu'à l'avenir
2 la vidéoconférence ou les mesures de protection soient exceptionnelles.
3 Il y a également un autre principe qui est le principe du témoignage
4 direct et de la publicité des débats. Les deux sont liés. Ce sont des
5 principes très importants. Monsieur le Juge, vous, vous me jugez, vous et
6 vos confrères, vous me jugez, mais le public vous juge, vous. Ce sont deux
7 processus qui vont parallèlement l'un à l'autre et qui ne peuvent pas avoir
8 lieu l'un sans l'autre. C'est la raison pour laquelle les huis clos doivent
9 être l'exception et non la règle et doivent être strictement contrôlés.
10 Le nombre de témoins protégés doit être réduit au minimum, et le
11 témoignage par vidéoconférence ne doit pouvoir être autorisé que lorsque
12 chacun connaît les objectifs qui le justifient et, dans le cas contraire,
13 la vidéoconférence doit être interdite. En tout cas, il ne doit pas être
14 possible que le bureau du Procureur s'en serve comme d'un moyen.
15 Puisque vous avez évoqué cette question très importante, j'aimerais
16 également vous parler d'un autre problème. A la dernière Conférence de mise
17 en état, une partie de l'audience a eu lieu à huis clos aussi, et si vous
18 regardez les choses de plus près en relisant le compte rendu vous verrez
19 qu'il n'y avait pas de justification à cela. Depuis le mois de mai de
20 l'année dernière, il y a eu plusieurs cas de huis clos ou de huis clos
21 partiel, et à la lecture attentive des textes on se rend compte qu'il n'y
22 avait pas de justification.
23 Je pense que chaque fois que l'on demande de passer à huis clos
24 partiel ou à huis clos, il faut que les motifs soient extrêmement puissants
25 et que j'aie le droit de m'y opposer. Il faut, qu'à ce moment-là, après que
26 ces motifs aient été invoqués, la Chambre détermine si oui ou non ces
27 motifs sont valables, et pas que l'on passe presque automatiquement à huis
28 clos partiel.
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1 Puisque vous avez parlé vous-même de l'affaire Milosevic, et bien
2 dans cette affaire il est arrivé qu'un témoin n'ait pas absolument demandé
3 de mesures de protection et qu'elles lui soient accordées. Pensons à
4 Vasiljkovic, qui a dit quand il est arrivé dans le prétoire : Mais moi, je
5 n'en veux pas de ces mesures. Elles ont immédiatement été levées et il a
6 témoigné en public. Il a dit : Je ne les ai jamais demandées. Aleksandar
7 Vasiljevic est venu en qualité de témoin protégé. Il a ensuite témoigné en
8 public; Zoran Lilic, aussi. Je ne vous parle que de ce qui a été rendu
9 public. Je garde le secret et je ne parle pas de ce qui continue à faire
10 partie des éléments de conspiration, donc secrets. Il y a des situations
11 qui ont été vraiment absurdes et dans lesquelles, sans la moindre raison,
12 on a accordé ou imposé des mesures de protection.
13 Pour moi, il est d'une importance capitale que mon procès se déroule
14 sous le signe de la publicité des débats. C'est pour moi absolument
15 essentiel, car seulement dans un tel cas je pense qu'un procès peut avoir
16 une quelconque valeur, parce qu'on peut penser à des procès qui se
17 dérouleraient entièrement à huis clos avec des témoins protégés. Qu'est-ce
18 que le public en saurait et quelle serait la valeur d'un tel procès ? Les
19 témoins protégés pourraient même envoyer par courrier leurs déclarations,
20 et vous pourriez me parler par téléphone et prononcer votre jugement sur
21 cette base.
22 Donc, l'importance de la publicité de débats dans un procès, c'est
23 que les Juges travaillent sous les yeux du public, et qu'un jugement, quel
24 qu'il soit, une fois qu'il est prononcé de façon définitive, puisse faire
25 l'objet de critique, puisse être contesté par des experts universitaires et
26 autres. Donc, pour qu'un expert puisse critiquer le travail d'une Chambre
27 de première instance ou le travail d'un Procureur, il faut que le prononcé
28 du jugement ait été fait devant un public qui a été bien informé, qui a été
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1 informé au maximum. C'est la raison pour laquelle je ne pense pas qu'on
2 puisse rendre la moindre décision valable en l'absence du public.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- [chevauchement] ce que vous avez dit. Il
4 est vrai que lors de la dernière audience j'ai demandé le huis clos parce
5 que, de mémoire, il y avait des requêtes de l'Accusation qui étaient
6 confidentielles et qui concernaient des témoins protégés. De ce fait, par
7 mesure de précaution, j'ai préféré passer à huis clos pour éviter que le
8 nom du témoin apparaisse en audience publique. Voilà. C'était la raison
9 pour laquelle j'étais passé en huis clos. Mais vous constaterez
10 qu'aujourd'hui le cas ne s'est pas produit.
11 Je me tourne vers l'Accusation. Je voulais lui demander dans le cadre
12 donc de la préparation du procès, étant précisé que je m'efforce à mon
13 niveau de régler tous les obstacles qui s'adressent devant nous, il
14 conviendrait que l'Accusation, d'une part concernant la liste des 65 ter
15 des témoins et des pièces à conviction, vérifie bien que la liste des
16 témoins est bien une liste actualisée, parce que, comme l'acte
17 d'accusation, il y a eu des suppressions concernant certains lieux de
18 crimes, que tout cela est bien actualisé. Donc, vérifiez bien que la liste
19 des témoins est actualisée.
20 Concernant la liste des pièces à conviction, les 2 827 pièces. Alors,
21 j'ai le problème suivant que je vous avais exposé la dernière fois. Les 2
22 827 pièces ne sont pas dans un ordre chronologique. Je suis, comme M.
23 Seselj, je travaille par document. Donc, quand il y a un problème, je
24 prends mon classeur et je regarde les documents, et quand les documents
25 sont dans l'ordre chronologique, il est plus facile à ce moment-là de se
26 repérer.
27 Alors, pouvez-vous - à mon avis, cela ne va pas être compliqué -
28 revoir les 2 827 documents et de les mettre dans un ordre chronologique; le
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1 numéro 1 étant le plus ancien dans le temps et le numéro 2 827 étant le
2 plus récent. Peut-être 1994, 1995, je ne sais pas, et le numéro 1 dans le
3 temps. Donc, reformatez votre liste, mais également, une fois que ceci sera
4 fait, de mettre une colonne supplémentaire où vous m'indiqueriez document
5 par document les dates de transmission à M. Seselj.
6 Par exemple, prenons le document 1, je ne sais pas lequel c'est, mais
7 le document 1. Ce document, il a été transmis à M. Seselj en anglais et
8 dans sa langue à quelle date, pour que je ne découvre pas à un moment donné
9 qu'il y a des documents qui n'ont pas été transmis. Bon. Donc, bien sûr,
10 c'est du travail, mais ce travail, cela vous permettra à vous de
11 repositionner ces documents dans la chronologie et par ailleurs de bien
12 vérifier qu'il n'y a pas eu d'erreur dans la transmission de ces documents.
13 Parce que ça pourrait dans certains cas avoir certaines répercussions.
14 Alors, je sais qu'il y a une colonne, la première colonne, ce sont
15 donc les chiffres, ça doit être le numéro des documents; la deuxième
16 colonne, c'est la description du document; la troisième, c'est la date; la
17 quatrième, c'est le numéro ERN en anglais; la colonne suivante, c'est le
18 numéro ERN en B/C/S; l'autre colonne, c'est le type de documents, si ce
19 sont des vidéos, et cetera; et la dernière colonne, c'est le nom du témoin
20 auquel ce document sera présenté lorsque le témoin viendra. Et donc, il
21 faut rajouter l'autre colonne, la date de transmission à l'accusé du
22 document.
23 Alors, il aurait été également souhaitable de rajouter une autre
24 colonne, si c'est faisable compte tenu des moyens que vous avez, c'est de
25 rajouter une colonne avec document par document les références aux
26 paragraphes de l'acte d'accusation. Ce document est à l'appui de quel
27 paragraphe de l'acte d'accusation ?
28 Par exemple, au hasard, je prends tel qu'il figure, le 2 231, c'est
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1 une photo. La date est inconnue. Normalement, cette photo va être présentée
2 au travers du témoin VS026. Bien. Donc, la colonne supplémentaire à
3 rajouter dirait à quel moment cette photo a été transmise à M. Seselj, et
4 puis l'autre colonne, cette photo fait référence à quel paragraphe de
5 l'acte d'accusation, donc ce qui permettra une utilité certaine dans le
6 maniement des documents.
7 Alors, il y a également le mémoire préalable. Alors, Monsieur Seselj,
8 j'appelle votre attention sur ce sujet, et ensuite j'arrêterai l'audience,
9 parce que cet après-midi je débute une audience, et donc j'ai un autre
10 procès à présider cet après-midi. Monsieur Seselj, j'appelle
11 particulièrement votre attention sur le mémoire préalable de l'Accusation.
12 Bon. Ce mémoire préalable doit être reformaté en fonction des événements
13 nouveaux qui sont arrivés, à savoir la réduction des lieux de crimes,
14 l'adéquation des références aux documents, et cetera. Mais une fois que ce
15 document sera traduit dans votre langue, vous aurez, vous, la possibilité
16 d'y répondre par écrit, et ça peut vous demander un certain temps. On est
17 dans un système qui est très différent de ce que vous avez connu dans votre
18 pays, parce que les Juges, quand ils se prononcent dans leurs délibérations
19 à la fin du procès, ils se prononcent à partir de l'acte d'accusation, du
20 mémoire préalable qui est une forme d'acte d'accusation très, très
21 développé, des témoignages recueillis au cours du procès, du contre-
22 interrogatoire des témoins de l'accusé, du contre-interrogatoire de
23 l'Accusation et des plaidoiries, et dans ce canevas, les Juges auront à
24 examiner de près le mémoire préalable et également la réponse donnée par
25 l'accusé à l'argumentation du mémoire préalable. D'où l'intérêt pour un
26 accusé de répondre à un mémoire préalable, parce que le mémoire préalable
27 aborde les questions de droit, des questions de fait et la question
28 fondamentale de la responsabilité de l'accusé. Et que si l'accusé ne dit
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1 rien, ne répond pas, il y a une forme de déséquilibre dans ce que l'on
2 appelle l'égalité des armes. Alors, je sais que quand ce procès a démarré
3 vous étiez en grève de la faim et vous avez refusé de répondre, et cetera,
4 mais comme nous redémarrons dans de nouvelles bases, j'appelle votre
5 attention toute particulière sur la nécessité que vous avez de répondre à
6 ce mémoire préalable, car votre réponse écrite sera, en fait, les grandes
7 lignes de votre défense. Et ce sera un instrument très utile. Bon. Je ne
8 vous demande pas de prendre position maintenant, mais je tiens à éveiller
9 chez vous cette question qui est fondamentale, qui est fondamentale parce
10 que le mémoire préalable est le support de l'acte d'accusation en un
11 développement très détaillé de l'argumentation de l'Accusation.
12 Et d'autant que le mémoire préalable - et je l'indique de mémoire - il y a
13 près de 3 000 documents, mais le mémoire préalable fait référence à 500
14 documents qui sont mentionnés, ce qui fait que vous, dans vos écritures,
15 vous pouvez aussi critiquer les références aux 500 documents et à
16 l'argumentation.
17 Bon. Et j'appelle également votre attention sur le fait que le mémoire
18 préalable du Procureur commence par un chapitre qui est sur votre rôle de
19 chef propagandiste de la Grande-Serbie, et ensuite tout est détaillé. Donc
20 à ce moment-là, vous avez intérêt à y répondre par écrit, bien que si vous
21 n'y répondez pas, je ne vais pas vous y obliger. Mais en tant que Juge, je
22 me dois, lorsque je constate un déséquilibre entre les uns et les autres,
23 de ramener la balance pour qu'il n'y ait pas de préjudice.
24 Donc voilà ce que je tenais à vous dire. Donc je demande à
25 l'Accusation, bien entendu, de reformater ce que je viens d'indiquer, et
26 notamment le mémoire préalable, mais je ne peux aujourd'hui donner de date
27 de début de procès vu le nombre de problèmes non réglés qui sont des
28 obstacles très sérieux au démarrage de cette affaire, et notamment le
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1 premier étant la communication des documents en "hard copy" et dans la
2 langue de l'intéressé, puis évidemment l'assistance que l'accusé doit avoir
3 avec ses assistants, et cetera.
4 Alors, il va être l'heure de conclure.
5 Monsieur Seselj, est-ce que vous voulez intervenir sur un autre point
6 ? Autant préciser que nous nous reverrons d'ici 15 jours à trois semaines.
7 Alors, je veux donner la parole à Madame, mais je -- bien, alors -- je vous
8 donne --
9 Alors Monsieur Seselj, est-ce que vous voulez intervenir sur un autre sujet
10 avant de clôturer ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais simplement vous faire savoir que
12 cela m'intéresse beaucoup de répondre au mémoire préalable au procès, mais
13 comme j'ai eu des problèmes la dernière fois, la dernière fois que
14 l'Accusation a soumis un mémoire préalable au procès, j'ai eu à faire face
15 à un nombre énorme de références dans les notes en bas de page présentées
16 par le Procureur, et je n'avais pas les documents en question à ma
17 disposition à l'époque. Ces références portaient sur des jugements rendus
18 dans d'autres procès. Alors, les choses se sont un peu améliorées depuis,
19 parce que j'ai reçu les comptes rendus de pas mal de procès, mais le greffe
20 est toujours en retard.
21 Puis, le Procureur faisait également référence à des jugements rendus
22 par le tribunal du Rwanda et je n'ai pas ces textes. Alors, Monsieur le
23 Juge, je vous demande d'exiger de l'Accusation qu'avec le mémoire préalable
24 au procès, elle me communique tous les documents qui sont mentionnés dans
25 les notes en bas de page, dans les références. Si le Procureur ne peut pas
26 me donner tous ces documents, alors qu'ils réduisent le nombre de ces
27 notes, mais je dois absolument disposer de ces documents de référence si je
28 dois répondre, et je ne les ai pas. L'Accusation les a. S'il faut les
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1 traduire en serbe, et bien, qu'on les traduise en serbe. Effectivement, un
2 grand nombre de ces références sont déjà en serbe, mais il faut encore que
3 ces documents me soient remis. J'ai soumis une requête de ma main,
4 manuscrite, dans laquelle je faisais la liste de tous les documents de
5 référence que le Procureur mentionnait dans ses notes en bas de page du
6 mémoire préalable au procès, qui n'étaient pas en ma possession. C'est un
7 problème grave.
8 Puis, Monsieur le Juge, j'aimerais également que vous me donniez un
9 délai pour cette réponse que je dois faire au mémoire préalable au procès,
10 et j'aimerais que ce délai soit d'un mois, qui est une période un peu plus
11 longue que les délais habituels en la matière.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aurez un délai d'un mois, mais qui courra à
13 partir du moment où le mémoire préalable sera définitivement formaté,
14 c'est-à-dire avec les références aux documents dans l'ordre chronologique,
15 et puis par ailleurs, ce mémoire préalable soit bien actualisé en fonction
16 de l'acte d'accusation qui avait été modifié. Et une fois que le document
17 est solidifié, il est enregistré, et le délai d'un mois court à partir de
18 cette date. Mais le mémoire préalable doit être -- le délai ne courra qu'à
19 compter de la traduction en B/C/S du document. Bien évidemment, il faut que
20 le document soit en B/C/S pour que l'accusé puisse y répondre.
21 Pour clôturer, je donne la parole à l'Accusation, si elle veut intervenir.
22 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Brièvement, trois questions. Vous avez modifié la procédure pour ce qui est
24 du dépôt ou de la procédure à suivre par le greffe, une fois que M. Seselj
25 a déposé une requête. Si j'ai bien compris, le calcul du temps donné pour
26 une réponse commencera à courir par le moment où la traduction est déposée
27 et non pas au moment où l'écriture est déposée dans la langue originelle.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Le délai court à partir de la traduction, pas du
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1 dépôt de la traduction, bien entendu.
2 Mme DAHL : [interprétation] Deuxième chose, je voulais mentionner que la
3 Chambre d'appel dans l'affaire Brdjanin a rendu une décision pertinente
4 portant sur la thèse de responsabilité qui s'applique en l'espèce à
5 l'entreprise criminelle commune. Il est important que cette décision soit
6 traduite le plus vite possible pour qu'elle soit admise à la disposition de
7 M. Seselj. Nous réexaminons l'acte d'accusation et le mémoire préalable au
8 procès pour bien nous assurer que nous sommes en conformité avec le droit
9 énoncé par la Chambre d'appel. Nous avions prévu ceci dans notre mémoire
10 préalable au procès.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ça ne m'a pas échappé puisque, comme vous le
12 savez, dans l'affaire de Brdjanin, la Chambre d'appel a été amenée à se
13 prononcer sur cette notion d'entreprise criminelle commune, et il est
14 évidemment de l'intérêt de M. Seselj de connaître l'arrêt Brdjanin dans sa
15 langue.
16 Donc, Monsieur Seselj, je vais demander au service de la traduction à
17 quelle date ils vont pouvoir vous transmettre les jugements rendus par la
18 Chambre d'appel, mais il faut également que l'Accusation voie s'il y a lieu
19 à changer quoi que ce soit dans l'acte d'accusation ou dans le mémoire
20 préalable par rapport à la jurisprudence issue de la décision de la Chambre
21 d'appel dans l'affaire Brdjanin, bien entendu.
22 Mme DAHL : [interprétation] Nous allons nous mettre à l'examen de cette
23 idée pour ce qui est des éléments contenus dans notre liste de pièce à
24 conviction. Nous vous en rendrons compte et j'espère que nous pourrons
25 avoir une affaire qui est mise en état en
26 novembre 2007. C'est la date vers laquelle nous tendons.
27 Je vous remercie.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Ecoutez, vous nous indiquez que
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1 l'Accusation envisage novembre 2007.
2 M. Seselj a écouté comme moi cette date. En ce qui me concerne, je
3 vais faire tout mon possible pour qu'on puisse commencer le plus tôt
4 possible, mais tout le monde comprend bien qu'il y a une série de
5 difficultés à régler. Voilà.
6 J'ai pris l'engagement de vous voir tous les 15 jours ou les trois
7 semaines. Donc, dès que j'ai la date de la prochaine audience, nous nous
8 reverrons. Parce que d'ici là je vous ferai le compte rendu des discussions
9 que j'ai eues avec le greffier, voir si certains points ont pu avancer et,
10 par ailleurs, aborder également d'autres sujets que je n'ai pas eu encore
11 le temps d'aborder.
12 Mme DAHL : [interprétation] Il me vient quelque chose à l'esprit. Il y a
13 aussi le règlement de ces requêtes pendantes pour ce qui est de la
14 réception des éléments de preuve. Ceci nous serait fort utile pour mettre
15 la dernière main à notre dossier en vue de la préparation du procès. Nous
16 pourrions aussi donner des informations aux Chambres pour ce qui est des
17 témoignages, des pièces à conviction. M. Seselj a répondu à sa requête
18 pendante. Nous vous serions gré d'avoir une décision dans les meilleurs
19 délais.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Madame Dahl, j'ai écouté avec attention
21 M. Seselj tout à l'heure quand il parlait de son désir de rencontrer le
22 bureau du Procureur si le bureau du Procureur voulait le rencontrer. Bien.
23 M. Seselj nous a expliqué que lui, il ne voit aucun inconvénient, mais à
24 la condition qu'il soit assisté de ses collaborateurs, de ceux qui
25 travaillent avec lui. Et à mon avis, c'est le point de blocage qui me
26 semble vraiment minime, vraiment minime.
27 Alors, je vous demande d'en référer à Mme Carla del Ponte, de lui
28 dire que le Juge de la mise en état a pris bonne note du fait que l'accusé
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1 est prêt à rencontrer le bureau du Procureur, mais que sa demande est
2 conditionnée par le fait qu'il soit assisté de ses collaborateurs, de ceux
3 qui travaillent avec lui, à la préparation de son dossier, ce qui me semble
4 être une revendication tout à fait acceptable.
5 Mme DAHL : [interprétation] Nous sommes tout à fait prêts à examiner les
6 suggestions qu'elle peut faite en vue d'une réunion. Nous sommes prêts
7 d'écouter avec beaucoup d'attention les propositions qu'il risque de faire
8 et d'en tenir compte dans le cadre d'une mise en état.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors, il est l'heure de conclure. Je
10 vous remercie et je salue toutes les personnes présentes qui nous ont aidés
11 et je vous remercie. Nous nous reverrons donc dans très peu de temps.
12 --- La Conférence de mise est levée à 12 heures 43.
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