Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi le 22 mai 2007

2 [Conférence de mise en état]

3 [Audience publique]

4 --- L'audience est ouverte à 15 heures 33.

5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Il s'agit de

9 l'affaire IT-03-67-PT, le Procureur contre Vojislav Seselj.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce mardi 22 mai 2207, je salue toutes les

11 personnes présentes. Je salue les représentants de l'Accusation.

12 Je salue M. Seselj.

13 Je salue également tous ceux qui nous assistent pour cette audience.

14 Aujourd'hui, il y a donc une Audience de mise en état, et j'informe M.

15 Seselj que la prochaine Audience de mise en état a été fixée au mardi 5

16 juin, à 9 heures du matin. Donc la prochaine audience aura lieu le mardi 5

17 juin, à 9 heures du matin dans cette même salle.

18 Alors, à l'ordre du jour de notre audience de ce jour, il y a toute une

19 série de questions que je vais aborder successivement. Tout d'abord,

20 j'informe M. Seselj que concernant sa demande d'être près des Juges, de

21 l'Accusation, voire des témoins quand ils sont là, les services du greffe

22 m'ont informé qu'ils ne voyaient aucun inconvénient à ce que M. Seselj soit

23 en avant, mais on m'a indiqué qu'il devra être au deuxième rang, c'est-à-

24 dire au banc qui se trouve derrière le premier rang.

25 Ce qui fait que pendant - donc cette mesure pourra être mise en œuvre

26 dès la prochaine Audience de mise en état. Ce qui permettra à ce moment-là

27 à M. Seselj d'avoir juste devant lui, s'il le désire, ses assistants qui

28 seront en première ligne et M. Seselj sera en deuxième ligne. A titre

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1 personnel, j'aurais préféré que M. Seselj soit au premier rang, mais le

2 greffe, pour des raisons de sécurité, m'a indiqué que ce n'était pas

3 possible. Donc le compromis qui a été trouvé, c'est de placer M. Seselj au

4 deuxième rang, ce qui lui permettra d'être beaucoup plus près. Parce que je

5 constate que dans la salle numéro I l'accusé est très loin, alors que par

6 contre dans la salle numéro III et la salle numéro II, l'accusé ou les

7 accusés sont beaucoup plus près, donc c'est préférable. Comme il y a

8 l'égalité des armes il n'y a aucune raison que les Procureurs soient près

9 des Juges et que l'accusé soit loin des Juges.

10 Donc le greffe m'a indiqué que l'intéressé pourra être placé tout de

11 suite au deuxième rang. Ceci était le premier point.

12 Alors, le deuxième point, Monsieur Seselj, ça concerne la requête que

13 vous aviez formée pour outrage à la Cour à l'encontre de Mme Carla Del

14 Ponte et de ses deux substituts chargés de l'affaire. Monsieur Seselj,

15 comme vous le savez ou vous ne le savez pas, la Chambre qui est présidée

16 par le Juge Robinson à laquelle figure également le Juge Bonomy et moi-

17 même, a rendu le 15 mai une décision qui est certainement en cours de

18 traduction, que vous n'avez peut-être pas eue dans votre langue, mais dont

19 je vais vous en expliciter la teneur.

20 La Chambre a considéré à l'unanimité de ses membres qu'il est convenu de

21 statuer sur cette requête à la fin du procès, étant précisé que cette

22 procédure vous permettra vous-même, en tant qu'accusé, de poser les

23 questions à tous les témoins qui viendront soit les témoins de

24 l'Accusation, soit vos propres témoins. Donc, ces témoins qui auront prêté

25 serment, vous pourrez leur poser la question de savoir dans quelle

26 condition leur témoignage a été recueilli. Et ceci, évidemment, aura

27 beaucoup plus de poids, puisque les témoins qui répondront à vos questions,

28 répondront sous la foi du serment.

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1 Par ailleurs, l'avantage également de la procédure, c'est que s'il

2 apparaissait qu'un témoin, et notamment les témoins à charge, auraient

3 donné des déclarations écrites sous forme de certaines contraintes, vous

4 aurez à ce moment-là la possibilité conformément aux Règlements de demander

5 l'exclusion du témoignage, et ceci, dans le cadre évidemment de la

6 procédure de recueil des témoignages sous serment. Et donc, la Chambre

7 présidée par le Juge Robinson a donc décidé qu'il convenait non pas de

8 rejeter votre requête, mais de suivre de très près cela en vous permettant

9 vous-même d'interroger les témoins qui auraient été éventuellement

10 concernés par les manœuvres que vous avez excipées dans votre requête. Et

11 ce n'est qu'au final, lorsque tous les témoins auront déposé, qu'à ce

12 moment-là vous-même, vous aurez la possibilité de renouveler à nouveau

13 votre requête, et la Chambre statuera en ayant tous les éléments en sa

14 possession. Donc la décision qui a été rendue récemment, vous allez la voir

15 traduite dans votre langue si vous ne l'avez pas eue encore.

16 Alors, à ce stade, Monsieur Seselj, voulez-vous intervenir sur ce

17 sujet ? Si c'est le cas, je vous donne la parole.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je voudrais dire plusieurs

19 choses sur ce sujet. Je n'ai pas encore reçu cette décision des Juges de la

20 Chambre. Mais comme certains médias à Belgrade ont déjà communiqué des

21 informations assez brèves portant sur cette décision, d'une certaine façon

22 je me suis trouvé informé au préalable. Alors, je présenterai une requête

23 pour ce qui est d'interjeter appel à ce sujet, et pour plusieurs raisons.

24 D'abord, il s'agit de deux délits au pénal distincts; le délit au pénal qui

25 m'est reproché et un délit au pénal qui a fait l'objet d'une plainte de ma

26 part contre Mme Carla Del Ponte, Procureure principale et ses

27 collaborateurs. On ne saurait les juger à mes côtés ou en même temps. La

28 procédure à leur encontre peut être conduite ou pas, mais elle ne peut pas

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1 être jointe à la mienne, parce qu'il faudrait qu'ils soient assis sur le

2 banc des accusés à mes côtés, et je sais, que j'en suis convaincu, que vous

3 allez éviter la chose à tout prix.

4 Deuxièmement, Carla Del Ponte s'en va de ce Tribunal en septembre. Plus

5 personne ne lui mettra le grappin dessus pour la juger pour outrage au

6 Tribunal. Une fois que mon procès sera terminé, ce sera fin 1998, et là les

7 Juges de la Chambre ne pourront plus intervenir en première instance. Après

8 2008, il n'y aura que les deuxièmes -- enfin, les deuxièmes instances, à

9 savoir les appels. Donc tout report de cette procédure pour outrage au

10 Tribunal, en l'occurrence, signifie une manœuvre assez habile pour que les

11 coupables éventuels soient exonérés de toute culpabilité. Je n'ai pas

12 présenté une plainte au pénal pour faciliter ma position, mais pour

13 condamner un terrible délit au pénal, et ce délit au pénal qui ont été --

14 ces délits qui ont été perpétrés par Carla Del Ponte et ses collaborateurs

15 sont beaucoup plus graves que ceux qui me sont reprochés à moi ici. La

16 pratique à nos jours pour ce qui est des Chambres de première instance au

17 niveau de ce Tribunal, s'agissant d'outrage du Tribunal a très différente.

18 Par exemple, le cas le plus fréquent lorsqu'il y a eu outrage, les Juges de

19 la Chambre interrompaient un procès à l'encontre d'un accusé et passaient

20 immédiatement au procès de celui qui était tenu responsable d'un outrage.

21 Des fois c'étaient des Défenseurs, des conseils de la Défense, des fois

22 c'étaient des témoins.

23 Pour exemple, nous nous souviendrons du conseil de la Défense Vujin

24 dans l'affaire Tadic, si mes souvenirs sont bons, ensuite la tentative

25 d'avoir un procès contre le conseil dans l'affaire Blaskic, et ainsi de

26 suite. Dans d'autres témoins, on a, par exemple, eu un témoin Bulatovic qui

27 n'a pas voulu répondre aux questions de l'Accusation, parce que l'accusé

28 n'était pas présent à l'audience en raison de sa maladie et il ne voulait

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1 pas être interrogé sans la présence de l'accusé. Alors, il y a eu des cas

2 devant certaines Chambres de première instance où des personnes ont répondu

3 pour avoir divulguer des secrets ou pour avoir publié des documents sous

4 scellé, voire les noms de témoins protégés.

5 Il s'agissait notamment de journalistes en Croatie, qui ont répondu

6 de la divulgation du nom de Stipe Mesic qui était témoin protégé dans

7 l'affaire Blaskic. Enfin, je le dis ouvertement, parce que les mesures de

8 protection étaient supprimées depuis longtemps. Cela est notoirement connu

9 du public et cela ne fait l'objet d'embargo quelconque, donc c'est public.

10 Ici donc, on n'a jamais hésité pour ce qui est de la conduite d'une

11 procédure au pénal. Dans mon cas à moi, je tire la conclusion qui est la

12 suivante : à savoir que les Juges de la Chambre sont conscients de la

13 puissance des mes arguments et partant des éléments de preuve que j'ai

14 présentés pour ce qui est de Carla Del Ponte et de ses collaborateurs. Il y

15 a une peine de sept ans d'emprisonnement qui est susceptible d'être

16 prononcée. Alors, je n'ai pas reçu de réponse, mais j'ai présenté un

17 addendum à ma plainte au pénal déposée auparavant avec 14 nouvelles

18 déclarations faites par des personnes entendues par des enquêteurs du

19 Tribunal qui se sont vus menacer ou solliciter pour ce qui est de témoigner

20 à titre erroné. Par exemple, l'épouse de Milan Babic qui a été un témoin-

21 clé dans le procès à mon encontre, et vous savez que Milan Babic, en ayant

22 eu assez, s'est suicidé pendant le procès de Milan Martic. L'épouse de

23 Milan Martic a décrit quelles ont été les pressions sous lesquelles elle a

24 vécu, elle et sa famille. On a dit que la famille entière qui a été

25 pratiquement arrêtée, pas officiellement, mais véritablement. En réalité,

26 cela a été le cas. Par exemple, un membre des services de Sécurité, Zoran

27 Mijatovic, qui a dit que les enquêteurs du Tribunal et certains Procureurs

28 ont tenté de le placer en corrélation avec ce qu'il est convenu d'appeler

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1 les Guêpes jaunes. Ceci me concerne, parce qu'on dit que j'ai été complice

2 de crimes commis dans la région Zvornik.

3 Toute une série d'autres cas encore. Mes conseillers et mes membres

4 de l'équipe d'experts qui m'aident travaillent sur ces sujets et

5 recueillent encore des déclarations de la part de personnes qui se

6 présentent par elles-mêmes. Auparavant, nous les recherchions, maintenant

7 ces gens-là se présentent eux-mêmes pour dire comment ils ont été

8 interviewés, comment ils ont fait l'objet de pressions, comment il y a eu

9 tentative de les soudoyer pour qu'ils témoignent contre moi. Il y a eu ce

10 type de choses dans d'autres affaires encore. C'est la raison pour laquelle

11 je suis absolument contre le fait de voir cette procédure reportée en

12 l'occurrence. Les Juges de la Chambre doivent se prononcer et accepter le

13 procès ou refuser le procès au cas où ils estimeraient qu'il n'y a pas

14 suffisamment d'arguments pour celui-ci.

15 Mais comme ici il y a pas mal d'arguments, je suis conscient du fait

16 que les Juges de la Chambre de première instance n'avaient pas la

17 possibilité de décider de rejeter mon dépôt de plainte au pénal. Or, les

18 Juges de la Chambre de première instance ont voulu éviter en fin de

19 carrière de Mme Carla Del Ponte qu'il y ait une procédure au pénal contre

20 elle. Ce sont deux faits notoirement connus et absolument incontestables.

21 Maintenant, on cherche un compromis. On dit que le procès peut avoir lieu,

22 mais seulement lorsque mon procès sera terminé. Mais ce procès ne pourra

23 pas être diligenté, parce que si cela commence au mois de novembre cela va

24 durer jusqu'à la fin de 2008. Ça ne peut pas se terminer avant, parce qu'il

25 faut six mois pour l'Accusation, il faut une pause de trois mois et j'aurai

26 besoin d'au mois six mois également. Vous avez dit, Monsieur le Juge, que

27 j'avais le droit de demander des témoignages pour lesquels il serait

28 déterminé qu'ils ont été faits sous pression, qu'ils soient biffés du

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1 compte rendu; mais ce n'est pas mon objectif. Les noms de personnes que je

2 vous ai communiqués avec mon dépôt de plainte au pénal, hier ainsi que dans

3 l'addendum que j'ai présenté, ces gens-là ne seront pas du tout des témoins

4 de l'Accusation. Je m'apprête moi-même à procéder à un contre-

5 interrogatoire pour démontrer que ces gens-là ont menti pour obtenir

6 également des renseignements les concernant pour ce qui est des pressions

7 et des chantages dont ils ont fait l'objet.

8 Je tiens à vous rappeler ce qui s'est passé dans l'affaire Milosevic.

9 Slobodan Milosevic dans le cours même de son procès, de la part de plus de

10 40 témoins, a pu faire montre aux Juges de la Chambre que les témoins ne

11 savaient pas ce qu'il y avait dans leur propre déclaration que l'Accusation

12 a présenté en application de

13 l'article 92. L'Accusation présentait cela, Milosevic a le droit de contre-

14 interroger ces témoins. Il leur avait dit : Vous avez dit ceci ou cela,

15 alors que le témoin disait : Je n'en ai aucune idée. Je n'ai jamais dit

16 cela. Il y a eu très souvent des erreurs d'interprétation de traduction. Il

17 y a plus de 40 cas de ce type. Il y a eu le 92 bis, puis maintenant il y a

18 le 92 ter, et cetera, mais en substance, ça revient au même.

19 Je m'attends maintenant désormais à ce que dans le prétoire nous

20 voyions de quelle façon les gens ont été malmenés pour témoigner de façon

21 erronée pour m'inculper faussement. Mais ici il s'agit de gens qui ne vont

22 pas venir dans le prétoire. Ils seraient peut-être disposés à venir dans le

23 prétoire si je les citais à comparaître en guise de témoins de la Défense.

24 Mais ici vous m'avez, d'ores et déjà, limité pour ce qui du temps qui m'est

25 imparti pour ce qui est de citer ces témoins-ci et ne pas citer ceux que

26 j'avais eu l'intention de citer éventuellement. Donc, cela m'obligerait à

27 dépenser mon temps, mes ressources et tout le reste. Or, ces témoins-ci

28 sont censés être cités à comparaître suite à ordonnance du Tribunal de la

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1 Chambre pour ce qui de l'audition du procès de Carla Del Ponte et de ses

2 collaborateurs.

3 La seule solution possible était celle de voir les Juges de la Chambre

4 créer une fonction d'enquêteurs indépendants ou de procureurs indépendants

5 qui intervieweraient toutes ces personnes dont les noms figurent dans le

6 dépôt de plainte au pénal et qui intervieweraient les enquêteurs dont les

7 noms sont cités dans ce contexte négatif comme étant des gens qui se sont

8 servis de pressions, de chantage ou de tentatives de soudoiement, et il y

9 aurait eu un dépôt de plainte et une procédure par la suite. Dans cette

10 procédure, je ne puis être que de côté en tant que partie intéressée. Je ne

11 suis ni procureur, ni conseil de la Défense. Je suis une personne

12 intéressée par la chose, parce que les délits au pénal se sont produits

13 dans le cadre d'une enquête concernant mon procès. Il devrait y avoir des

14 conseils de la Défense, un procureur indépendant pour l'Accusation et les

15 Juges de la Chambre seraient là pour trancher. C'est la seule façon

16 appropriée de procéder.

17 Deuxièmement, l'argument que je ne vous ai pas entendu dire mais qui a été

18 évoqué dans la presse de Belgrade, à savoir que mon procès est trop en

19 retard et que c'est la raison qu'on avance pour ne pas trop faire traîner

20 les choses afin que le procès me concernant ne se voie prolongé jusqu'à la

21 fin de cette procédure en première instance. Mais cela n'est pas justifié

22 parce que cela ne se fonde sur aucun argument pertinent. L'Accusation, à

23 savoir la dame qui a été présente à la dernière des Conférences de mise en

24 état, a déclaré qu'il serait prêt au mois de novembre pour le début du

25 procès. Mais d'après la façon dont cela s'est déroulé jusqu'à présent, on

26 peut se poser la question de savoir si en novembre ce sera entamé. On a

27 déjà devant nous six mois et les Juges de la Chambre ont tout le temps

28 d'œuvrer en fonction du dépôt de plainte effectué. Les Juges de la Chambre

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1 ont le temps d'examiner les faits, de les vérifier et de prendre la

2 décision adéquate qui s'impose. Il n'y a aucune raison d'attendre d'autant

3 plus qu'il y a une possibilité qui est celle de voir les accusés s'enfuir.

4 Carla Del Ponte va s'en aller au mois de septembre --

5 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président --

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] La Suisse n'a aucune obligation pour ce qui est

7 d'extrader des gens ou ses citoyens vers ce Tribunal. La Suisse n'est même

8 pas membre des Nations Unies pour autant que je le sache. Madame, veuillez

9 ne pas m'interrompre. Je ne vous ai jamais interrompue, ça ne se fait pas.

10 Je n'ai prononcé aucun propos offensant. Permettez-moi de terminer ma

11 phrase.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, vous allez avoir la parole, mais

13 laissez-le terminer, parce qu'il explique ses raisons et vous répondrez à

14 ce qu'il a dit --

15 Mme DAHL : [interprétation] Les dépositions des parties sont

16 confidentielles et je voudrais que cette partie de l'audience se fasse à

17 huis clos pendant la discussion des documents qui ont été déposés à titre

18 confidentiel devant la Chambre. L'ordonnance n'est pas confidentielle, mais

19 les arguments présentés par les parties le sont. La directive pratique

20 portant sur la procédure d'outrage exige qu'avant une enquête, avant qu'une

21 décision soit rendue, tous les documents doivent demeurer sous pli scellé.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais répondre à ce que vous avez dit, mais je

23 laisse terminer M. Seselj.

24 Terminez, Monsieur Seselj.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci ne peut pas être confidentiel, parce que

26 mon dépôt de plainte au pénal s'est fait de façon tout à fait publique et

27 cela a été publié dans 10 000 exemplaires dans mon livre : "Ou le témoin à

28 Carla ou la mort." Ça été publié et imprimé en 10 000 exemplaires, tout a

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1 été vendu en Serbie. La version anglaise va bientôt être mise sur le

2 marché. Ensuite, pour ce qui est de ce dépôt de plainte au pénal, il y a eu

3 une assemblée scientifique qui s'est tenue devant quelque 6 000 personnes

4 avec des juristes éminents serbes qui ont énoncé leurs opinions sur ce

5 point. Le complément de mon dépôt de plainte au pénal est également un

6 document public qui a également été distribué aux médias. Aucun de mes

7 arguments ne saurait être confidentiel ou secret. Je n'ai pas voulu que ce

8 soit confidentiel.

9 Votre réponse éventuelle peut être confidentielle, elle. Je vais

10 respecter la confidentialité si tant est que vous la déclarez comme étant

11 confidentielle. Mais s'agissant de mes documents, vous ne pouvez pas les

12 proclamer ou les déclarer comme étant secrets ou confidentiels parce que

13 j'ai décidé moi-même que cela soit fait en public. Je l'ai communiqué au

14 public. Cela a été publié dans ce livre, cela a été publié dans le journal

15 Velika Srbija, en Serbie et cela a été publié par pratiquement tous les

16 quotidiens serbes. Ces gens qui ont fait l'objet de chantage pour témoigner

17 ont défilé dans les journaux serbes pour expliquer comment ils ont été

18 traités. Comme par exemple, Jovo Ostojic. Il y a des livres qui ont été

19 publiés par ces gens. Comment voulez-vous que ce soit secret ou

20 confidentiel ?

21 Bien entendu, si vous avez une procédure à titre confidentiel et si vous

22 avez des raisons de dissimuler quelque chose, la procédure, elle, peut être

23 confidentielle mais ce que j'ai à présenter comme écriture ou comme dépôt

24 de plainte au pénal ça ne sera jamais confidentiel parce que je n'ai pas

25 autorisé à ce qu'il y ait confidentialité.

26 Je ne sais pas comment les gens ont pris l'habitude de se comporter

27 dans d'autres affaires mais je pense que dans mon affaire à moi, vous ne

28 pourrez pas vous comporter ainsi parce que je n'ai qu'une force à moi, une

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1 puissance, celle du propos public et rien de plus. Et ce propos public a

2 empêché que je ne sois enterré il y a longtemps. Bon nombre d'autres

3 personnes qui n'ont pas su se servir de la publicité des bans ont été

4 enterrées; Milan Babic, Deronjic qui vient de mourir vendredi dernier,

5 ainsi de suite. Tous ceux qui ont été instrumentalisés pour témoigner de

6 façon erronée se sont suicidés. Il y en a un qui s'est suicidé d'ailleurs,

7 qui a été prévu pour témoigner comme faux témoin, je ne vais pas mentionner

8 son nom parce qu'on n'a pas encore levé les scellés de son nom alors que le

9 bureau du Procureur a déjà demandé à ce que les scellés soient levés. Je ne

10 sais pas si les Juges de la Chambre ont décidé, je ne vais donc pas donner

11 son nom.

12 Vous avez obligé une personne à se pendre, l'autre a eu un cancer galopant,

13 et cetera, et cetera. Donc, c'est ce qui se passe avec ces faux témoins et

14 il est grand temps que quelqu'un se penche sur la question. J'ai donné

15 instructions à mes conseillers juridiques pour qu'ils s'entretiennent avec

16 la famille et les conseils de la Défense de Miroslav Deronjic pour

17 présenter des faits comment il a fait l'objet de pressions et lui a été

18 prévu comme témoin dans le procès contre moi alors que je n'ai pas Bratunac

19 du tout dans l'acte d'accusation. Lorsqu'il a été arrêté, il a été passé à

20 tabac. Ils l'ont mis dans un tonneau d'eau, ils l'ont immergé dans ce

21 tonneau à plusieurs reprises. On l'a menacé, on l'a menacé d'une prison à

22 vie et il est devenu faux témoin dans une affaire, dans une autre affaire,

23 dans une troisième affaire, et ainsi de suite. Vous pensez que l'opinion

24 publique ne le saura jamais ? Et oui, elle le saura. Je veillerai à ce

25 qu'elle le sache. Elle en saura de plus en plus long et vous ne pourrez pas

26 garder ces choses-là sous les scellés du secret, parce que ce qui a

27 constitué délits au pénal de votre part ne peut pas rester secret.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout d'abord, puis-je donner réponse à vos

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1 interrogations et vos propos.

2 Concernant la confidentialité - et là c'est vers l'Accusation, je me tourne

3 - l'article 77 du Règlement pour outrage au Tribunal ne mentionne à aucun

4 moment que la procédure est estampillée sous le sceau de la

5 confidentialité. Donc, l'accusé a le droit dans ses écritures d'indiquer de

6 manière publique, voire orale, ce qu'il estime devoir dire. Donc, votre

7 argumentation sur le fait que cette procédure est estampillée

8 confidentialité, moi, je ne la vois ni dans les Statuts ni dans le

9 Règlement. Alors, peut-être que vous pouvez éclairer ma lanterne là-dessus;

10 je vous écoute.

11 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Juge, je vous renvoie, avec le

12 respect que je vous dois, à la directive pratique émise par le greffe le 6

13 mai 2004. Cette directive pratique concerne l'enquête à mener en cas

14 d'outrage devant ce Tribunal. Ce paragraphe 5 de la directive pratique dit

15 que : "Des demandes d'enquête doivent être déposées ex parte à titre

16 confidentiel devant la Chambre de première instance devant laquelle il y

17 aurait eu présumément [phon] outrage." J'ai ici la page de garde de la

18 requête déposée par M. Seselj. Je la vois estampillée comme étant

19 "confidentielle," tout comme le fut d'ailleurs la réponse du Procureur en

20 réponse aux instructions données par la Chambre de première instance.

21 Il y a eu toute une avalanche d'accusations criminelles, de faits

22 répréhensibles, d'intimidation à l'encontre de témoins, tout ceci

23 l'Accusation le rejette de façon inconditionnelle, et nous ne devrons pas

24 avoir le droit d'écouter lorsqu'il n'y pas de procédure engagée pour que

25 soit tranchés ces faits allégués. Je pense, Monsieur le Président, sans

26 vouloir vous offenser, que ceci doit se faire à huis clos partiel, en tout

27 cas, pour protéger la vie privée des personnes accusées, de telle sorte ce

28 sont des accusations tout à fait fausses et infondées. Le bureau du

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1 Procureur n'a pas, par le passé, ne le fait pas aujourd'hui et ne le fera

2 pas demain, ne s'est pas livré à des mesures d'intimidation, de chantage,

3 de subornation pour essayer d'indûment influencer ce que diraient des

4 témoins. Notre mission est de faire rendre justice et nous avons comme

5 mission sur la base de dire la vérité.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant la directive pratique du greffier, mais

7 ce qui me concerne, je ne suis moi tenu que par le Règlement. Je rappelle

8 que dans le Règlement il a été prévu la possibilité pour le Président

9 d'adresser des directives pratiques. C'est l'article 19(B) du Règlement que

10 je lis parce que ça a son intérêt :

11 "Le Président peut à l'occasion et en consultation avec le Bureau, le

12 greffier et le Procureur émettre des directives pratique compatibles avec

13 le Statut et le Règlement et traitant d'aspects particuliers de la conduite

14 des affaires dont le Tribunal est saisi."

15 Encore faut-il que ces directives qui sont émises soient compatibles avec

16 le Règlement. Le Règlement concernant l'outrage au Tribunal ou à la Cour

17 est l'article 77 qui, dans l'article 77, rien n'est indiqué que tout doit

18 se faire en catimini.

19 Donc, sur cette question, ma position est très claire, il n'y a lieu

20 à secret en la matière.

21 Deuxièmement, je réponds à M. Seselj. Vous avez d'abord indiqué que vous

22 avez adressé une liste nouvelle de 14 témoins et j'ai découvert cette

23 information à l'instant même où vous m'avez indiqué cela. La juriste de la

24 Chambre m'a aussitôt indiqué que vous avez adressé 120 pages en cyrillique

25 en la matière, qui est actuellement en instance de traduction et votre

26 nouvel addendum n'a pas encore été enregistré, ce qui explique que cet

27 élément je l'ignorais totalement.

28 C'est un élément évidemment que la Chambre peut intégrer dans le

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1 cadre d'un éventuel réexamen de la décision que nous avons rendue le 15

2 mai. D'autant plus que vous avez indiqué que parmi les

3 15 nouveaux témoins, figurerait la veuve de M. Babic qui aurait mentionné

4 les pressions dont elle aurait été l'objet, si j'ai bien compris ce que

5 vous avez dit. Alors, de ce fait, comme il y a eu notre décision rendue le

6 15 mai, vous avez toujours la possibilité de faire une nouvelle requête en

7 réexamen de la première requête suivie de notre décision pour nous demander

8 de réexaminer cela, puisque votre addendum apporterait, selon vous, des

9 éléments nouveaux. Par ailleurs, vous l'avez indiqué, vous connaissez aussi

10 bien que moi la procédure, vous avez la possibilité de demander une

11 certification d'appel à laquelle, je vous l'indique tout de suite, je

12 souscrirai bien volontiers. Mais indépendamment de cela, vous avez

13 également fait part de plusieurs éléments qui tendraient à laisser penser

14 que cette procédure ne pourra voir le jour.

15 Alors, je vais répondre sur votre argumentation. Tout d'abord, il est

16 exact que les procès devraient normalement se terminer conformément à une

17 résolution du Conseil de sécurité en première instance en 2008 et les

18 Chambres d'appel devraient rendre leur décision en 2010. Mais il peut y

19 avoir des situations où les procès continueront au-delà de 2008, et tout ce

20 qui est accessoire ou parallèle continueront. Donc sur cette inquiétude que

21 vous manifestez, il y a déjà une réponse qui peut vous être apportée de

22 manière quasi certaine. Du jour au lendemain en 2009, on ne va pas arrêter

23 les compteurs en disant : C'est fini, on arrête de travailler. D'autant que

24 des procès ne seront pas encore terminés.

25 Deuxièmement, vous avez excipé du fait que l'intéressé n'étant plus au

26 Tribunal ne pourra pas faire l'objet de quoi que ce soit. Là aussi vous

27 commettez une erreur. Car comme vous le savez, en matière d'outrage au

28 Tribunal, la Chambre qui est saisie dispose de divers moyens. Et vous le

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1 savez parfaitement, il y a eu des procédures d'outrage où la Chambre a

2 dressé des mandats d'arrêt, nonobstant l'endroit où peut se trouver les

3 intéressés. Donc là-dessus vous n'avez pas particulièrement avoir de

4 craintes.

5 Maintenant, quant au fond même de la procédure, l'article 77 prévoit la

6 procédure suivante concernant l'enquête, ce qui vous pose problème, soit

7 c'est le Procureur qui fait l'enquête. Dans le cas d'espèce c'est

8 impossible. Vous imaginez bien, le Procureur ne peut pas faire une enquête

9 sur lui-même. Donc cette solution est évacuée.

10 La deuxième possibilité procédurale qui a été envisagée, que moi-même

11 j'avais envisagée, c'est la désignation d'un ami de la Cour, un amicus

12 curiae qui serait chargé de la conduite de l'enquête.

13 Ça peut la voie dans laquelle vous semblez inviter la Chambre. Bien.

14 Sur cette procédure d'ami de la Cour, celui qui est désigné, il est

15 totalement indépendant. Son calendrier ne dépend que de lui. C'est lui qui

16 fait ce qui lui apparaîtrait nécessaire. Et de ce fait, cette procédure

17 peut présenter des avantages, mais elle peut aussi avoir des inconvénients.

18 La troisième solution c'est que la Chambre elle-même fasse l'enquête. Mais

19 là aussi il y aurait un problème, c'est que la Chambre se trouve juge et

20 partie puisqu'elle serait amenée à interroger le bureau du Procureur, les

21 enquêteurs, les témoins qui soit sont à l'audience, soit viennent déposer.

22 Donc là aussi il y a ce problème. Et c'est compte tenu de l'ensemble de ces

23 éléments qu'une voie a été choisie, qui préserve vos droits, puisque cette

24 voie vous permettra lorsqu'un témoin viendra du Procureur dont vous pouvez

25 penser qu'il a fait lui, l'objet de pressions, vous pourrez sous la foi du

26 serment lui poser des questions. Et concernant les témoins qui ne

27 viendraient pas, parce qu'ils ne seraient pas les témoins du Procureur,

28 vous, dans la phase de la présentation de vos éléments de preuve, vous

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1 aurez la possibilité de les faire venir. Et à ce moment-là, ils viendront

2 et ils déposeront sous la foi du serment, et c'est vous qui mènerez

3 l'interrogatoire principal.

4 Donc, réfléchissez bien à l'ensemble de ces procédures. Mais rien ne

5 vous empêche, d'ores et déjà, de faire une nouvelle requête en réexamen de

6 la décision que nous avons rendue, compte tenu du fait qu'il y a 14

7 nouveaux témoins qui apparaissent, que j'ignore totalement, et je n'ai pas

8 eu la possibilité de lire vos écritures mais je ne manquerai pas de le

9 faire dès que ce sera traduit.

10 Donc, voilà sur cette question, mais je pense que nous aurons

11 l'occasion d'y revenir.

12 Je voudrais maintenant aborder ce qui me paraît maintenant des

13 obstacles majeurs et qui ne sont pas pour le moment résolus.

14 Alors, oui, à moins que vous vouliez intervenir, Madame Dahl.

15 Mme DAHL : [interprétation] Très rapidement, je voudrais que vous demandiez

16 à M. le Greffier de nous fournir des exemplaires de ces 14 nouvelles

17 déclarations dans la forme qu'elles ont actuellement en attente de

18 traduction. Ceci nous permettrait de mieux examiner les choses plus

19 rapidement. Je constate aussi qu'en vertu du Règlement, une demande de

20 certification d'appel pour appel devrait être déposée aujourd'hui et je

21 demanderais à la Chambre de proroger ce délai d'au moins dix jours,

22 jusqu'au 1er juin vendredi. Ce qui nous permettrait d'examiner ces

23 déclarations préalables et d'examiner davantage la question vu les

24 commentaires que vous venez de faire, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Le délai vous est accordé.

26 Alors, je reviens à la question de la communication au titre de l'article

27 66 et 68 en hard copies. Bien. Monsieur Seselj, vous avez donc fait vos

28 écritures, effectivement. Donc votre requête a été enregistrée et le

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1 Procureur avait 14 jours pour y répondre. Donc sur la requête aux fins de

2 communication en "hard copy" et dans votre langue des documents, j'invite

3 donc le Procureur à faire diligence, parce que la Chambre rendra, dès que

4 j'aurais vos écritures, notre décision. Mais, pour - oui, Madame Dahl.

5 Mme DAHL : [interprétation] Je suis désolée, mais je suis un peu perdue

6 pour ce qui est de cette requête dont vous nous parlez. Je ne savais pas

7 qu'il y avait une requête de ce type pour ce qui est de ces hard copies, de

8 ces copies papier qui devaient être communiquées.

9 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

10 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre nous dit que cette requête a été

11 enregistrée le 17 mai. Donc si le bureau du courrier fonctionne, vous devez

12 avoir les écritures de M. Seselj puisque moi-même je les ai. 17 mai.

13 Mme DAHL : [interprétation] Je vous remercie.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame Dahl, il faut suivre au jour le jour

15 toutes les requêtes, parce qu'il y en a de nombreuses, tout le monde peut

16 s'y perdre. Et moi personnellement, 24 heures sur 24, je passe mon temps

17 dans ce dossier pour ne pas oublier certaines requêtes et d'apporter

18 certaines réponses au problème.

19 Mais concernant les questions de la communication sous forme

20 électronique ou pas, je voulais indiquer qu'il m'apparaissait nécessaire

21 que l'accusé ait en hard copies toutes les pièces relevant de l'article 66

22 et 68. Et la décision que je serai amené à rendre s'inscrira dans cet état

23 d'esprit qui me paraît devoir prévaloir dans ce domaine. Donc ça c'est un

24 obstacle fondamental pour la suite du procès.

25 Maintenant, il y a un deuxième obstacle que je vais à nouveau

26 évoquer, qui est la question de la rémunération des assistants de

27 M. Seselj. Alors, Monsieur Seselj, comme je vous l'ai dit, je suis

28 totalement transparent avec vous et je m'efforce de vous informer en temps

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1 réel de tout ce qui se passe dans la mesure où j'estime que vous devez être

2 au courant des avancées ou des obstacles rencontrés notamment sur ce plan.

3 J'ai tenu avec le greffe une nouvelle réunion de travail pour savoir dans

4 quelle condition le greffe pourrait être amené à payer vos assistants, tant

5 en ce qui concerne la rémunération de leur travail qu'en ce qui concerne

6 les frais liés à leur appartement, et cetera. Alors, la position du greffe

7 est la suivante : le greffe me dit que le Statut en son article 21(4)(B)

8 n'a prévu que l'aide juridictionnelle pour l'avocat et n'a rien prévu

9 concernant la situation où un accusé se défend seul. Et le greffe me dit,

10 que compte tenu de leur analyse et également du fait qu'ils sont liés par

11 une procédure budgétaire, ils ne peuvent en l'état payer quoi que ce soit.

12 Cette position qui a déjà été exprimée il y a longtemps, je leur ai demandé

13 d'en aviser le conseiller juridique à New York. C'est ce qu'ils ont fait et

14 ils m'ont communiqué copie de la lettre en date du 10 mai 2007 qu'ils ont

15 adressée à New York sur cette question.

16 A ce jour, nous n'avons pas de réponse. Alors, il s'agit d'une

17 question très importante. Comme vous le savez, à votre niveau, vous aviez

18 déjà contesté la décision du greffier, vous avez fait appel devant le

19 Président du Tribunal qui a donné raison au greffier, mais tout en

20 indiquant que vous deviez saisir la Chambre du problème. J'ai pensé pouvoir

21 arriver à régler très rapidement cette question. Je constate aujourd'hui,

22 nous sommes le 22 mai, que ceci n'est toujours pas réglé.

23 Alors, je vous invite très rapidement à faire une requête à la

24 Chambre afin que la Chambre prenne une décision en la matière.

25 Je vous indique qu'en ce qui me concerne - je veux dire en ce qui me

26 concerne, moi, la lecture que je fais de l'article 21 du Statut est la

27 suivante, j'ai l'impression que cela a échappé à beaucoup de personnes.

28 L'article 21(4) dit ceci, je vais le lire très lentement :

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1 "Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du

2 présent Statut, a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties

3 suivantes," et les garanties sont énumérées. Que dit ce paragraphe ? Il dit

4 que la personne qui est accusée a le droit, en pleine égalité, et en pleine

5 égalité vis-à-vis de l'Accusation, à des garanties, et les garanties sont

6 énumérées par les dispositions (a), (b), (c), (d), (e) et (g). Mais ces

7 garanties sont des garanties minimales, parce que l'article dit "au moins,"

8 donc il y a des garanties supplémentaires qui peuvent être accordées à

9 l'accusé.

10 Mais même concernant les garanties minimales, le Statut a prévu la

11 possibilité pour un accusé à se défendre lui-même ou avoir l'assistance

12 d'un avocat.

13 Donc, le fait que le Statut ait prévu que l'accusé peut se défendre

14 lui-même cela entraîne automatiquement des conséquences. D'autant plus que

15 dans les garanties au petit (e), il est bien indiqué que l'accusé peut

16 interroger ou faire interroger. Mais quand il y est marqué "interrogé,"

17 c'est lui-même qui interroge les témoins. De ce fait, l'article 21 donne à

18 l'accusé - c'est ce que j'ai déjà indiqué - un certain nombre de droits,

19 dont le droit de se défendre lui-même et se défendre lui-même ça entraîne

20 une série de conséquences. Et dans ces conséquences il y a les problèmes du

21 recueil des témoignages pour ces témoins, les coûts occasionnés par les

22 témoins experts, et cetera, et cetera. Ce n'est pas la peine de lister tout

23 cela, mais ceci est important.

24 Donc, Monsieur Seselj, je vous invite très rapidement à faire une requête

25 en la matière fondée sur l'application de l'article 21 du Statut, puisque

26 la Chambre d'appel vous a reconnu le droit de vous défendre vous-même, mais

27 ce droit entraîne toute une série de conséquences, et notamment des

28 conséquences liées à vos assistants, et cetera. Une fois que votre requête

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1 sera rédigée, l'Accusation aura, bien entendu, les 14 jours pour y

2 répondre, et je rendrai moi-même une décision en ce sens, nonobstant la

3 position du greffier qui m'a annoncé - mais ce n'est pas une surprise pour

4 vous - qu'il aura l'intention également d'intervenir dans la procédure,

5 puisque, ayant fait une requête l'Accusation y répondant, le greffe

6 interviendra également. Donc une décision sera rendue. Il se peut qu'à ce

7 moment-là l'Accusation demande une certification d'appel, que le greffier

8 également, et qu'à ce moment-là la Chambre d'appel dise en la matière ce

9 qu'il y a lieu de dire.

10 Mais en ce qui me concerne, je l'ai déjà dit et je ne vois pas

11 pourquoi je dirais le contraire, un accusé a le droit de se défendre seul

12 et ce droit s'accompagne, bien entendu, comme le prévoit le Statut, de la

13 mise à la disposition de l'accusé des facilités nécessaires à la

14 préparation de sa défense. C'est écrit dans le Statut.

15 Voilà ce que je voulais dire, compte tenu de l'état de la question qui,

16 pour le moment, n'est pas résolue et ne pourra être résolue, soit parce

17 que, d'ici là, New York aura indiqué au greffier qu'il peut payer, et lui

18 donne l'ordre de payer, donc c'est la meilleure des solutions. Mais si New

19 York ne bouge pas, il faut qu'à ce moment-là la Chambre, voire la Chambre

20 d'appel, prenne ses responsabilités. Pour ce qui me concerne, je n'ai

21 jamais manqué à prendre mes responsabilités quand il le fallait et je

22 prendrai mes responsabilités dès que j'aurai des écritures des uns et des

23 autres.

24 Alors, à ce stade, Monsieur Seselj, voulez-vous intervenir ? Et je donnerai

25 la parole à Mme Dahl.

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais insister jusqu'au

27 bout pour ce qui est de la participation du Tribunal international au

28 financement de ma défense. Parce que c'est un droit qui est garanti par le

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1 Statut, article 21, en me garantissant les moyens qu'il faut pour ma

2 défense. Je vais quand même prêter oreille attentive à vos conseils et je

3 vais présenter une requête aux Juges de la Chambre de première instance

4 afin que ceux-ci rendent une décision. Bien entendu, au cas où le Tribunal

5 international ne venait pas à participer à mon financement, cela ne

6 signifiera pas que je ne vais pas me défendre. Je vais me défendre quand

7 même. Mais dans ce cas-là, je me défendrai littéralement tout seul. Je vais

8 congédier mon équipe de professionnels et mes assistants juridiques. Je

9 n'aurai pas besoin d'un commis à l'affaire. A quoi voulez-vous qu'il serve

10 ? Je serai seul dans le prétoire, sans aucune aide du tout, sans aucun

11 conseiller, et je me défendrai quand même. Comment un tel procès peut-il

12 être juste et équitable ? Il appartiendra aux Juges de la Chambre de

13 l'expliquer et il appartiendra au Tribunal de l'expliquer aussi. C'est une

14 décision que j'ai fermement prise, parce que ces solutions à mi-chemin ne

15 sont absolument pas à prendre en considération.

16 Autre chose, il y a un point symptomatique, à savoir pourquoi le greffe

17 dissimule-t-il combien d'argent il a versé aux conseils commis d'office ou

18 en stand-by ou aux conseils qui m'ont été affectés. Cela est très

19 symptomatique. Pourquoi le greffe refuse-t-il de communiquer combien ont

20 coûté les défenses dans toutes les autres affaires avec la participation du

21 Tribunal pénal au financement de la Défense ? Pourquoi le greffe refuse-t-

22 il de dire combien il a dépensé jusqu'à présent d'argent dans mon affaire à

23 moi pour ce qui est des enquêteurs, pour ce qui est de l'administration et

24 pour ce qui est de toutes les autres dépenses engagées ? C'est de l'argent

25 qui appartient aux Nations Unies et cette mise à disposition et cette

26 disponibilité des ressources ne doit pas rester secrète. Cela ne peut être

27 considéré comme secret que par ceux qui ont cherché à dissimuler les

28 choses, qui ont volé de l'argent, qui ont mis de l'argent de côté, et cette

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1 variante ne serait peut-être pas très loin de la vérité non plus.

2 Ce sont là trois éléments fort symptomatiques, et c'est sur ces points-là

3 que tout repose. Parce que les représentants du greffe, à plusieurs

4 reprises, sont venus me voir pour négocier le financement de la Défense. Et

5 les négociations ont toujours été interrompues lorsqu'en guise de

6 préalable, je demandais à ce que l'on me dise combien ont coûté les avocats

7 en stand-by, combien ont coûté les autres Défenses et quels ont été les

8 frais engagés par l'Accusation. S'agissant de ces trois points-là, toutes

9 les négociations ont été interrompues. Ensuite, on m'a dit que je n'avais

10 aucun droit au financement. Alors, j'aurais certes certains droits si

11 j'évitais d'évoquer ces trois questions-là. Mais sans qu'on me réponde à

12 ces trois questions, personne ne peut savoir combien coûte ou évaluer

13 combien véritablement va coûter ma Défense. Ce sont les seuls critères

14 objectifs partant desquels il pourra être décidé en la matière.

15 Et non pas qu'on prenne des facteurs, des règlements modifiés, des

16 idées qu'on se fait, et ainsi de suite. Tout cela est fort subjectif. On

17 peut dire, par exemple, ma défense va coûter 100 $. Elle va peut-être

18 coûter 100 $. Mais prouvez-moi que l'Accusation a dépensé 100 $ seulement

19 dans mon affaire, et combien le Tribunal pénal international a dépensé.

20 Est-ce qu'il a aussi dépensé 100 $ dans d'autres affaires ou est-ce qu'on a

21 donné 100 $ à Aleksandar Lazarevic ? Est-ce qu'on a donné autant à l'autre,

22 Van der Spoel, et Hooper, et qui sais-je encore, qui aura été commis

23 d'office, par la force, dans mon affaire. Je n'ai rien contre qu'on me dise

24 qu'ils ont reçu 100 $ chacun, je dirais 100 $ me suffiront pour me

25 défendre, et je mettrai 30 % de ma poche, et le reste sera mis de la poche

26 du Tribunal. Enfin, je caricaturise, parce que je veux vous démontrer à

27 quel point il y a des formes dramatiques de mauvais comportements, de

28 comportements contraires à la légalité.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à Mme Dahl, mais juste

2 avant de lui donner la parole, je me retourne vers vous, Monsieur Seselj.

3 Pendant que vous parliez, je consultais à nouveau l'article 21 du Statut.

4 Il y a, dans l'article 21, la question de l'aide juridictionnelle qui

5 concerne un accusé indigent. Donc, dans la requête que vous allez faire, il

6 faudra que vous indiquiez exactement l'état de votre fortune. Vous nous

7 avez expliqué la dernière fois, je le rappelle, vous nous avez dit que vous

8 aviez un compte bancaire à New York qui a été saisi, donc là vous ne pouvez

9 rien. Vous aviez un compte au Canada, mais qui lui a, semble-t-il, été

10 largement amputé par des frais que vous avez payés à diverses personnes. Et

11 vous m'avez expliqué que vous aviez quelques ressources sous forme, j'ai

12 cru comprendre, de pension ou de salaire, je ne sais trop, qui vous

13 seraient versées à Belgrade. Mais de cela, je n'ai pas eu l'impression que

14 vous aviez des moyens vous permettant de faire face aux paiements de tous

15 ces frais.

16 Donc pour éviter qu'il y ait, non pas de ma part, mais de la part du

17 greffier ou de l'Accusation une contestation sur votre état d'indigence -

18 bien que moi je n'aie aucun moyen pour les apprécier, sauf les déclarations

19 que vous avez oralement faites - il faudra que dans votre requête vous

20 expliquiez exactement l'état de votre fortune. Parce que si vous avez une

21 somme X qui vous permettrait de payer certains frais, le greffier dira,

22 Dans la mesure où il se défend seul, il a fait le libre choix et c'est à

23 lui à ce moment-là de rémunérer ses assistants.

24 Donc il faudra que dans la requête vous éclairiez tout ce pan pour

25 que la décision soit en la forme irréprochable et respecte parfaitement

26 l'esprit et le texte de l'article 21. Mais je vous l'ai déjà dit la fois

27 d'avant, en appelant votre attention sur cette notion d'indigence. Car vous

28 savez, mais vous nous en avez donné la démonstration tout à l'heure, vous

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1 êtes particulièrement informé de la jurisprudence, que certains accusés qui

2 ont eu des avocats commis d'office, le greffier a pris des décisions

3 demandant aux accusés bénéficiant néanmoins d'avocats commis d'office de

4 payer certaines sommes, parce que le greffier a fait une évaluation à

5 partir de l'état de fortune de l'intéressé.

6 Donc rien nous dit que dans votre cas, le greffier, ayant

7 connaissance de votre état réel de fortune, puisse dire qu'il pourrait

8 payer une somme X, mais avec 10, 20, 30 ou 40 % à votre charge. Ça, moi, je

9 n'en sais strictement rien.

10 Donc j'appelle votre attention sur le fait qu'il faut que dans la

11 requête vous soyez parfaitement clair sur cette question.

12 Alors, Madame Dahl, voulez-vous intervenir sur cet aspect qui

13 concerne l'application de l'article 21 du Statut ?

14 Mme DAHL : [interprétation] Non, pas à l'heure actuelle. Je vais

15 d'abord attendre la requête de M. Seselj. Mais il y a une erreur à la page

16 23, ligne 19, dans le compte rendu. Le mot qui est écrit, qui a été

17 traduit, était "contest," alors que c'était, en fait, "can test", "peut

18 vérifier," pour voir si l'Accusation et le greffier pouvaient vérifier les

19 écritures de M. Seselj.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est fait droit à cette remarque sémantique.

21 C'est une vérification que le greffier ou le Procureur peut indiquer.

22 Alors, juste avant la pause, je voudrais aborder un autre problème, qui est

23 -- oui, Monsieur --

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, allez-y.

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, je voulais juste dire une phrase, une

27 phrase un peu plus longue, pour ce qui est de la question de financement.

28 Dès 2003 encore, Monsieur le Juge, j'ai communiqué au greffe tous les

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1 renseignements. J'ai complété les questionnaires appropriés. De mon côté,

2 j'ai tout fait de ce qui était prévu. Je vais l'indiquer une fois de plus

3 dans mes écritures à l'intention des Juges de la Chambre de première

4 instance. Maintenant, je dispose de beaucoup moins d'argent qu'en 2003.

5 Mais jamais je n'ai fait obstacle à la question. Cela a toujours été le

6 greffe qui a donné des coups de frein.

7 Deuxièmement, l'obligation pour ce qui est de l'aide juridique. Cela se

8 trouve être en corrélation avec la présomption d'innocence. Je suis protégé

9 par cette présomption d'innocence, et cette présomption garantit des moyens

10 à mon égard pour ma propre défense. Si ces moyens sont refusés, il n'y a

11 plus de présomption d'innocence. Je suis d'avance condamné comme étant un

12 criminel de guerre qui ne mérite aucune espèce d'aide. Or, Monsieur le

13 Juge, c'est une chose qu'il convient pour l'Accusation de prouver encore,

14 parce que cette position prise par le greffe, tout est placé comme si ma

15 culpabilité était d'ores et déjà prouvée. Or, d'autre part, proposer un

16 conseil commis d'office et des conseils juridiques, c'est une proposition

17 d'espions qui ont pour mission de miner ma défense, comme ils l'ont fait

18 dans bon nombre d'autres affaires ici, et une fois qu'ils ont imposé à

19 quelqu'un un faux conseil, on ne peut plus s'en débarrasser.

20 Et quand on a un conseil, dans la plupart des cas, on est réduit à l'état

21 ou une situation d'imbécile dans le prétoire. On n'a plus le droit de rien

22 dire. On a essayé de le faire. On peut s'adresser aux Juges de la Chambre

23 rien que par le biais du conseil commis d'office. Et c'est cela la

24 substance de ces procédures, faire venir les gens et leur interdire de se

25 défendre ou les empêcher de se défendre; et les problèmes découlent des

26 situations où il y a eu des gens qui voulaient se défendre eux-mêmes. Il

27 n'y a eu que deux cas de ce type. Il y a eu des gens qui avaient menacé de

28 se défendre eux-mêmes, et alors on leur avait exaucé leurs vœux pour ce qui

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1 est de l'identité du défenseur, du conseil de la Défense, pour qu'ils ne se

2 défendent pas eux-mêmes.

3 C'est là la substance des choses. Heureusement, j'ai identifié les

4 choses. J'ai reconnu en temps utile le problème, et je me suis bien préparé

5 à mon procès en étudiant ceux des autres. C'est la raison pour laquelle on

6 n'a pas pu se jouer de moi sur le sujet, et c'est la raison pour laquelle

7 l'Accusation est impuissante. Elle n'a pas de preuve pertinente à mon

8 encontre, et sans la coopération d'un prétendu conseil de la Défense, ils

9 ne peuvent rien faire dans ce procès. Et ils s'attendent encore à ce que

10 les choses viennent à évoluer, mais ils n'ont toujours pas essayé de me

11 remettre des documents en serbe et sur papier. Ils sont dans l'expectative

12 de Dieu sait quoi.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'ai enregistré ce que vous venez de dire et

14 j'attends impatiemment vos écritures adressées à la Chambre en la matière.

15 Alors, avant la pause, qui va intervenir d'ici une vingtaine de minutes, je

16 voudrais aborder un autre sujet qui est pour vous également très important,

17 qui est la date du début du procès. La dernière fois, vous avez entendu Mme

18 Dahl dire, à titre d'information, qu'à son avis le procès ne pourrait

19 commencer qu'au mois de novembre. Depuis lors, je me suis moi-même inquiété

20 de la disponibilité des salles d'audience, des moyens du greffe, pour que

21 le procès puisse se tenir le plus rapidement possible. Alors, comme je suis

22 totalement transparent à votre égard, je vous fais part de la situation

23 suivante des procès en cours et des procès à venir. Comme vous le savez, il

24 y a trois salles d'audience. Ici, nous sommes dans la salle I. Il y a la

25 salle II et la salle d'audience numéro III. Alors, concernant les procès en

26 cours, il y a le procès Milutinovic qui se déroule dans la salle III, et ce

27 procès se terminera, d'après des estimations sujettes peut-être à des

28 variations, mais il est prévu que ça puisse se terminer à la mi-2008. Et

Page 1156

1 après, il y a un procès qui pourrait suivre. L'autre procès, qui est dans

2 la salle d'audience III, que je suis en train de présider, c'est le procès

3 Prlic. Ce procès va donc se dérouler en 2007 et en 2008, ce qui fait que la

4 salle d'audience numéro III est occupée constamment.

5 Nous passons dans les autres salles. Nous avons un procès Boskoski qui a

6 commencé, qui est prévu grosso modo - mais tout ça est vraiment à titre

7 prévisionnel - pour une durée de plusieurs mois, et il est possible qu'il

8 se termine début 2008, et ensuite il y a un cas qui est prévu à la suite.

9 Il y a, dans la salle numéro I, le procès Popovic et autres qui a déjà

10 commencé et qui devrait, lui, se terminer, d'après des prévisions, mais

11 purement estimatives, 2009, février, mars 2009.

12 Dans la salle numéro II, il y a actuellement le procès de

13 M. Dragomir Milosevic qui a commencé et qui, lui, devrait normalement se

14 terminer en novembre. Ce qui, à ce moment-là, libérerait -- libérerait la

15 salle d'audience numéro II. Il y a un autre procès, Haradinaj, qui lui, a

16 commencé et qui se poursuivra au début 2008. Et il y a un autre procès,

17 Delic, qui va commencer, et qui lui ira jusqu'au milieu 2008.

18 Actuellement, d'après les statistiques que nous avons, il y a 15 accusés,

19 dont vous faites partie, qui attendent d'être jugés. Vous savez également -

20 parce que ce n'est pas un secret, tout le monde est au courant - qu'il y a

21 actuellement six fugitifs dont je vais citer les noms, M. Karadzic, M.

22 Mladic, M. Zupljanin, Zupljanin, M. Hadzic, M. Djordjevic et M. Tolimir

23 qui, s'ils sont arrêtés, seront jugés.

24 Alors, compte tenu du tableau des salles d'audience et de la seule

25 fenêtre que nous avons, qui est celle de la fin du procès Milosevic, votre

26 procès pourrait commencer en novembre. Mais indépendamment de cette

27 question de salle d'audience, il y a aussi un autre aspect qui est la

28 mobilisation des ressources. Car vous le voyez, dans une salle d'audience,

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1 il y a des juristes, des assistants, un greffier, un huissier, des

2 interprètes, les membres du bureau du Procureur, les assistants, la

3 sténotypiste. Donc, tout ce personnel est concerné par une enveloppe

4 budgétaire. L'enveloppe budgétaire de ce Tribunal fonctionne pour six

5 procès, pas sept procès. Et dans ce cadre budgétaire, il faut attendre

6 qu'il y ait un procès qui se termine pour enclencher un autre procès.

7 Et d'après les multiples contacts que j'ai eus, on m'indique que le mois de

8 novembre pourrait être donc la date la plus appropriée. Je sais, Monsieur

9 Seselj, que vous êtes détenu depuis plusieurs années; je le sais

10 parfaitement. Je sais que vous êtes présumé innocent. Je sais que votre

11 procès avait commencé, mais que pour des raisons liées à une question

12 procédurale des droits de la défense, votre procès a été donc repoussé et

13 vous êtes revenu à la mise en état. Voilà les données qui sont en ma

14 possession et donc je me dois de vous les communiquer. Il ne s'agit pas

15 pour moi de me cacher derrière des raisons administratives. Je vous

16 explique quelle est la situation telle qu'elle l'est.

17 Mais indépendamment de cela, vous faites le constat, avec moi,

18 suivant, et l'Accusation également, que pour le moment il y a des documents

19 que vous n'avez pas eus dans votre langue et qu'il va falloir, bien

20 entendu, que vous étudiiez afin de vous défendre.

21 Deuxièmement, il y a la question qui n'est pas réglée de vos assistants.

22 Vous avez dit tout à l'heure, à la limite, vous vous défendrez tout seul

23 mais que pour vous, ça ne sera pas un procès équitable. Je ne suis pas loin

24 de partager votre sentiment à la question, car j'imagine mal quelqu'un du

25 fond de sa cellule, dans le cadre de cette procédure, se débrouiller tout

26 seul. C'est tactiquement infaisable.

27 Il y a, par ailleurs, toute une série de requêtes, mais on verra ça tout à

28 l'heure, qui appellent, bien entendu, de la part de vous-même, de vos

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1 conseillers, des réponses, et si vous voulez être en mesure d'avoir les

2 meilleures conditions pour vous défendre, et cela veut dire quoi les

3 meilleures conditions ? Ça veut dire quelqu'un qui est dans votre

4 situation, qui se défend seul, qui contre-interroge, qui dirige sa

5 procédure, qui élabore sa stratégie, qui enquête lui-même pour trouver ses

6 propres témoins, qui s'entretienne avec ses propres témoins, et cetera.

7 Tout cela requiert de votre part énormément de travail et c'est une tâche

8 titanesque, si vous êtes seul. Donc vous avez besoin certainement d'aide.

9 Je vais citer un seul exemple pour vous permettre de prendre la mesure du

10 problème. Vous savez qu'il y a plusieurs requêtes concernant des témoins

11 experts et que l'admission des rapports d'experts a été demandée. Un

12 rapport d'expert ça mérite évidemment de la part de l'accusé et lorsqu'il a

13 un avocat, de la part de l'avocat, mais en l'espèce vous faites les deux,

14 c'est de lire le rapport d'expert qui fait parfois plusieurs centaines de

15 pages, de regarder toutes les notes de bas de page du rapport d'expert et

16 de préparer au contre-interrogatoire du rapport d'expert.

17 C'est donc une masse de travail colossale pour être seul et ceci

18 prend du temps. Et ce qui fait que pour vous préparer, pour vous préparer

19 dans le fond de votre dossier - je ne parle pas des questions de procédure,

20 de forme, qu'on a vue - mais il y a un moment où vous allez être obligé,

21 mais j'ose espérer pour vous que vous avez déjà commencé, vous allez être

22 obligé de vous plonger dans toutes les déclarations écrites des témoins,

23 donc tous les documents. Et comme vous le savez, il y a des milliers de

24 pièces, des dizaines de milliers de pages. C'est un travail titanesque. Et

25 il m'apparaît qu'il vous faut quelques semaines, voire quelques mois pour

26 vous préparer. Et sous le bénéfice d'autres observations, il m'apparaît que

27 vous donner encore quelques mois pour mieux vous préparer ça sera autant de

28 temps de gagné pour vous. D'autant plus que je me suis engagé - et vous

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1 avez vu que jusqu'à présent, je n'ai pas été défaillant à cet égard - de

2 vous voir quasiment toutes les trois semaines où nous évoquons tous les

3 problèmes, car j'estime que tout ce qu'on pourra régler en amont sera

4 autant de temps gagné sur le procès. Si nous arrivons à régler un certain

5 nombre de problèmes avant, le procès à ce moment-là, conformément à

6 l'esprit du Statut et au texte, sera un procès rapide mais pas expéditif.

7 Rapide, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de perte de temps dans les

8 problèmes de procédure, des problèmes divers, comme on voit parfois, parce

9 que tous ces problèmes on les aura réglés pendant cette phase. Dans la

10 mesure où j'ai prévu un calendrier de travail qui me permettra de nous voir

11 quasiment à toutes les trois semaines, à ce moment-là, nous gagnerons du

12 temps sur la préparation du procès.

13 Vous l'avez rappelé vous-même mais ça ne m'avait pas échappé, il

14 avait été prévu par l'autre Chambre que l'Accusation aurait six mois et

15 vous-même vous avez six mois. Je pense même que l'Accusation pourrait même

16 encore gagner du temps, mais ça j'expliquerai ultérieurement comment. On

17 peut même peut-être gagner du temps sur la présentation par l'Accusation de

18 ses éléments de preuve, tout en permettant évidemment à l'Accusation de

19 présenter ses éléments de preuve, mais on peut gagner du temps. Vous-même

20 vous l'avez dit, c'était clair, vous êtes dans l'état d'esprit d'avoir une

21 défense pour vous, étalée par vos témoins, sur six mois. Mais encore faut-

22 il que tout un certain nombre de problèmes soient réglés en amont, sinon,

23 on risque à ce moment-là d'avoir un certain nombre de problèmes.

24 Alors, je vais faire la pause de 20 minutes, puis nous reprendrons

25 après la pause et je vous donnerai la parole pour que vous me donniez votre

26 sentiment sur ce que je viens de dire.

27 Donc, il est 5 heures moins 05. Nous nous retrouvons aux environs de

28 cinq heures et quart.

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1 --- La pause est prise 16 heures 57.

2 --- L'audience est reprise à 17 heures 16.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise.

4 Alors, Monsieur Seselj, sur la question de la date du début du procès, est-

5 ce que vous voulez intervenir sur ce sujet ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] La convention des droits de l'homme à l'égard

7 de toute personne accusée garantit un minimum, un droit fondamental, celui

8 de se faire juger dans un délai raisonnable, et sur ces dispositions, tant

9 la convention américaine que les conventions d'Afrique tombent d'accord.

10 Alors, quel est le délai raisonnable où l'on devrait entamer le procès d'un

11 accusé quel que soit le délit au pénal, et dans l'occurrence c'est le plus

12 grave des délits.

13 D'après moi, dans mes circonstances à moi - et je bats les records

14 pour ce qui est des délais dans ce Tribunal - parce que si je m'étais

15 défendu en ayant la liberté de mouvement, on aurait quand bien même dépassé

16 les délais raisonnables. Parce qu'en Serbie, des accusés ou des personnes

17 arrêtées pouvaient passer au maximum six mois dans l'attente d'un procès; à

18 titre exceptionnel, un an. Après le coup d'Etat mafieux du 5 octobre, qui a

19 amené au pouvoir un régime de marionnettes pro-occidental, cette durée de

20 détention maintenant est devenue une durée de deux ans. Monsieur le Juge,

21 vous avez été président de la cour d'appel à Paris, si mes informations

22 sont bonnes, et Jacques Berger, un bon ami à moi, estime que vous êtes l'un

23 des meilleurs juristes en France. Alors, je voudrais savoir si vous

24 pourriez avoir l'amabilité de me dire quel est le maximum possible pour un

25 accusé d'avoir une détention, une durée de détention en France, dans une

26 prison française ?

27 Parce que ce qui se passe ici est une chose constituant un précédent

28 des plus néfastes. Cette durée de détention, par avance, rend impossible un

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1 procès équitable. Parce qu'attendre aussi longtemps le début d'un procès,

2 et j'aurais attendu à Belgrade en toute liberté, cela aurait rendu le

3 procès inéquitable, et encore moins équitable si j'ai été en détention. Je

4 comprends les raisons que vous avez avancées pour ce qui est du début

5 envisagé en novembre. Je comprends que les prétoires sont pris. Mais il y a

6 un point qui reste inexplicable. Pourquoi jusqu'à présent a-t-on attendu

7 presque quatre ans et demi ? Pourquoi le procès n'a-t-il commencé en 2003,

8 dans un délai raisonnable ? Carla del Ponte est venue à Belgrade vers mon

9 arrivée à La Haye en 2003, en février, et elle a dit que tout était prêt

10 pour mon procès, qu'on pourrait commencer très vite. On parlait d'automne

11 2003.

12 En 2004, j'ai présenté une requête pour ce qui est d'une remise en liberté

13 provisoire en attendant le début du procès. La demande a été rejetée. Et

14 l'un des arguments avancés, pour ne pas vous mentionner tous les arguments

15 avancés, était celui de s'attendre au début du procès en 2004, début 2004.

16 Bien sûr, le procès n'a pas commencé. Bien entendu, ils ont présenté une

17 demande de modification et d'agrandissement de l'acte d'accusation. Je ne

18 me suis pas opposé pour des raisons de principe, parce que comme les

19 accusations étaient erronées au départ, les nouvelles étaient aussi

20 erronées. Alors, il m'importait peu de savoir combien de chefs d'accusation

21 l'on me reprocherait pour ce qui est des délits au pénal. Alors, ce qui me

22 bouleverse un peu c'est quand on lit les listes de victimes, et quelqu'un

23 pourrait s'imaginer que je suis véritablement coupable pour ce qui est de

24 ces victimes-là, et c'est la chose que j'ai trouvée désagréable. Mais tout

25 le reste, je l'ai trouvé agréable. Et je pourrais vous dire que je me suis

26 même amusé pendant toutes ces années à voir le Procureur souffrir et les

27 Juges de la Chambre souffrir, qui cherchaient à me faire tomber à terre,

28 maîtriser toute résistance de ma part et mettre en scène, et tout le reste.

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1 L'an passé, on a diminué l'envergure de l'acte d'accusation. Alors on n'a

2 pas automatiquement enlevé ce qui a été rajouté en 2005, mais on a enlevé

3 la demie de ce qu'on m'avait reproché en 2003, ce qui illustre bien un

4 manque de sérieux dans la rédaction de l'acte d'accusation. Et la raison

5 n'a pas été celle de rationaliser le procès en diminuant le nombre des

6 chefs d'accusation et le nombre des sites de crimes allégués, mais le fait

7 que l'Accusation a compris que ces crimes-là n'avaient rien à voir avec

8 moi, tout comme les autres d'ailleurs non plus.

9 L'autre jour, je reçois une autre liste de témoins, et bien que les

10 Juges de la Chambre aient rendu une ordonnance pour ce qui est des éléments

11 de base de crimes en Slavonie occidentale, Vocin, Samac, Bijeljina, Brcko,

12 une fois de plus, on reprend les témoins sur cette liste de 106 noms, qui

13 viendront témoigner sur la base de crimes et qui ne m'ont probablement

14 jamais vu de leur vie. Une fois de plus, on joue à des jeux. Le bureau du

15 Procureur n'accepte pas son travail de façon sérieuse. Quand est-ce que ce

16 travail sera pris véritablement au sérieux ? Et bien, je vous dirais que

17 j'ai perdu espoir de voir cela commencer, de par leur comportement. Alors,

18 on voit aussi l'Accusation chercher à entraver ma défense, éviter ses

19 obligations de divulgation, rendre impossible l'utilisation ou le recours à

20 mes droits en matière de procédure, et ainsi de suite.

21 On a également eu des possibilités d'économiser des fonds, des

22 ressources. En 2003, j'étais disposé à converser avec le bureau du

23 Procureur pour déjà dire que certains crimes n'avaient rien à voir avec les

24 volontaires du Parti radical serbe, parce que l'élément-clé qui enlèverait

25 ou qui exclurait toute responsabilité est celui-ci. Quand bien même un

26 volontaire du Parti radical serbe aurait perpétré un crime quelque part,

27 qu'est-ce que cela a à voir avec moi ? Mais ici, il y a des crimes qu'on

28 allègue, mais qui n'ont rien à voir avec quelque volontaire du Parti

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1 radical serbe que ce soit. Le bureau du Procureur m'a posé des questions et

2 j'ai indiqué que j'avais des conditions, à savoir que les conseillers

3 juridiques de ma part soient présents. Alors, on a refusé. On a refusé la

4 présence de mes conseillers juridiques.

5 Ensuite, les Juges de la Chambre, dont vous avez été membre vous

6 aussi, a donné ordre à l'Accusation d'éliminer de l'acte d'accusation tout

7 ce qui est incriminé à Vojvodine, parce qu'en Vojvodine, il n'y a pas eu de

8 conflits armés, jamais. Cela n'a rien à voir avec les conflits armés dans

9 le reste de la Yougoslavie. Dans la pratique qui est celle de ce Tribunal -

10 et j'ai bien lu tous les jugements rendus - on a visé à prouver l'existence

11 d'un conflit armé dans la municipalité où le crime a été commis, et pas au-

12 delà. Et en Vojvodine, il n'y a pas eu d'attaques à l'encontre de la

13 population civile. Il y a eu des incidents sporadiques, mais aucun de ces

14 incidents, de par son envergure, de par le danger social qu'il pouvait

15 impliquer, ne saurait être comparé avec l'un quelconque des alinéas de

16 l'article 5 du Statut.

17 La Chambre d'appel remet cela suite à une demande de l'Accusation en

18 expliquant que dans le procès la chose devait être prouvée, à savoir les

19 faits notoirement connus. Pourquoi ? Pour que le procès soit plus gros,

20 plus long, et que certains événements, au travers de cette procédure,

21 soient étirés en longueur, et pour que l'Accusation ait le plus possible de

22 travail pour ce qui est de la préparation de ses activités, et que j'aie

23 plus d'obstacles dans mes préparatifs à moi. Ce sont des méthodes qui ont

24 visé à reporter à plus tard le procès et rendre les choses plus difficiles.

25 Nous sommes maintenant revenus à la case de départ. Mes préparatifs

26 véritables ont commencé il y a à peu près trois mois, une fois que j'ai

27 rétabli le contact avec mes conseillers juridiques et après que mon congé

28 de maladie ait pris fin. Pendant ces trois mois, j'ai déjà à ma disposition

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1 bon nombre de documents qui peuvent réfuter chacun des chefs de l'acte

2 d'accusation. C'est le Procureur qui a besoin de plus de temps que moi-

3 même. Bien entendu, je mettrai à profit les six mois qui viennent, voire

4 même un an, parce que la question c'est de savoir si en novembre ils seront

5 prêts. Mais le bureau du Procureur ne profite pas de façon rationnelle du

6 temps qui est le sien. Il n'a pas fait preuve de bonne volonté pour ce qui

7 est de se consacrer à son travail, pour ce qui est de réaliser ses

8 obligations, parce que s'il y a trois mois ils avaient commencé à le faire,

9 j'aurais déjà des résultats dans le concret pour ce qui est de ces trois

10 mois écoulés. Mais cela n'a pas été fait. On n'a pas expurgé la liste des

11 témoins, parce que la liste des témoins a été bâclée. Il y a d'autres noms

12 qui figurent là-bas, et il y a en plus des témoins morts, et on prévoit des

13 centaines et des centaines de pièces à conviction. L'autre jour, on m'a

14 communiqué un rapport de cet expert Terrence [phon]. Il en avait déjà été

15 question à la dernière des Conférences de mise en état. Je vous ai déjà dit

16 que je ne l'avais pas reçu, et là, sept ou huit pages ont été expurgées.

17 Pourquoi ? Pour que je ne dévoile pas les noms des témoins. Mais ce n'est

18 pas vrai. On est en train de dissimuler des descriptions, que sais-je, sans

19 raison valable rien que pour me malmener. Ce rapport de l'expert Terrence

20 est plus à mon avantage qu'au leur. Cela, je vous le garantis.

21 Alors, jusqu'à quand cela se passera-t-il ainsi ? Jusqu'au moment où

22 quelqu'un du bureau du Procureur ne finira par être tenu responsable de ne

23 pas avoir réalisé ses obligations vis-à-vis de la Chambre, vis-à-vis de

24 l'accusé et vis-à-vis de la justice internationale. Ici, en prenant en main

25 cette affaire, Monsieur le Juge, vous avez dû faire face à un grand nombre

26 de requêtes pour ce qui est de mesures de protection. Aucune de ces

27 requêtes n'est argumentée comme il se doit. Dans aucun des cas de figure il

28 n'a été prouvé qu'il fallait véritablement des mesures de protection pour

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1 illustrer qu'il y a menaces pesant sur tel ou tel témoin.

2 Il y a aussi plusieurs requêtes demandant à ce que les témoins

3 viennent témoigner par vidéoconférence. Le Juge de la Chambre a accepté

4 auparavant, mais je demande à ce que ce soit réexaminé. Parce que si

5 quelqu'un a peur de prendre l'avion n'est pas un argument pour ce qui est

6 d'un témoignage vidéo. S'il a peur de l'avion, il n'a qu'à prendre le train

7 ou l'autocar. Il n'a qu'à voyager en autostop ou à vélo. Cela ne peut pas

8 être un argument pour témoigner par vidéoconférence. Quelqu'un d'autre a eu

9 une pneumonie. Mais cette pneumonie a été soignée. Il a peut-être eu une

10 pneumonie l'an passé, mais il ne l'a plus maintenant. Cela ne peut pas

11 durer tout un an. Ou quelqu'un avait la migraine. Quelqu'un souffrait de

12 maux de tête. Quelqu'un a été vieux. Alors, si quelqu'un est si vieux et ne

13 peut pas prendre l'avion peut venir témoigner dans un procès sérieux, il ne

14 peut pas le faire. Pour des raisons de santé, il n'est plus capable de

15 témoigner. Donc, nous faisons face ici à une obstruction véritable du

16 procès. C'est cela à l'œuvre. C'est un abus de la procédure.

17 Je vous demande d'étudier la doctrine originale de l'abus de la

18 procédure, et cela est démontré dans mon affaire. Voilà ce que c'est qu'un

19 abus de la procédure. C'est là qu'on peut donner des leçons pratiques aux

20 étudiants à la faculté de droit. Je vais, bien sûr, attendre novembre. Je

21 vais attendre novembre de l'an prochain. Mais il y a des questions que les

22 Juges de la Chambre, et que vous, en votre qualité de Juge de la mise en

23 état, devaient examiner. Quel est le délai raisonnable pour le début du

24 procès et est-ce que ce délai raisonnable est outrepassé ? Alors, si c'est

25 outrepassé comme délai raisonnable - et j'en suis convaincu pour ma part -

26 quelles sont les conséquences qui en découlent ? A quoi bon un procès après

27 écoulement de ce délai raisonnable ? Qu'est-ce que cela peut signifier ? En

28 somme, ce sont des questions substantielles auxquelles il convient

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1 d'apporter des réponses, et une fois qu'on aura apporté des réponses, on

2 pourra passer aux détails.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais essayer dans une certaine mesure d'apporter

4 des réponses aux points que vous avez soulevés. Tout d'abord, la question

5 du délai raisonnable. A juste titre, vous rappelez qu'il existe des

6 jurisprudences, notamment celles de la Cour européenne des droits de

7 l'homme sur cette notion de délai raisonnable. Plusieurs pays ont traduit

8 dans leur législation le fait que si un accusé n'était pas jugé au bout

9 d'un certain temps, il devrait être remis en liberté d'office. La Cour

10 européenne des droits de l'homme a condamné plusieurs Etats pour avoir

11 tardé à faire juger certaines personnes. Cependant, la Cour européenne des

12 droits de l'homme a sorti de cette décision du fait que cette notion de

13 délai raisonnable se juge au cas par cas et que parfois il y a lieu à tenir

14 compte de certaines contraintes.

15 Alors, concernant votre cas personnel, comme vous le savez, vous l'avez

16 indiqué, j'étais moi-même Juge de la Chambre II. Quand je suis arrivé dans

17 ce Tribunal en octobre 2003, j'ai été désigné pour être membre de la

18 Chambre II, et j'ai découvert, à cette occasion, votre existence, que

19 j'ignorais certainement, et j'ai tout de suite noté que vous faisiez de

20 nombreuses requêtes. Et en tant que spécialiste du droit pénal, j'en suis

21 très vite arrivé à la conclusion que le nombre de requêtes que vous

22 émettiez était certainement lié au fait que votre procès ne commençait pas,

23 et que le procès ne commençant pas, vous faisiez de la procédure. Je me

24 suis renseigné pour savoir comment ça se passait exactement, pour fixer une

25 date de procès. Ayant été moi-même Juge de mise en état dans plusieurs

26 dossiers, c'est de la responsabilité du Juge de la mise en état de saisir

27 la Chambre pour dire que l'affaire est en état et qu'il convient de

28 commencer le procès. Mais j'ai aussi constaté qu'il existait au sein de ce

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1 Tribunal un comité de coordination, qui regroupait le Président du

2 Tribunal, le greffier et le Procureur, pour déterminer, en fonction des

3 éléments administratifs, financiers, budgétaires, de la charge du travail

4 des uns et des autres, à quel moment devait commencer le procès.

5 Dans votre cas, je me suis tout de suite aperçu que les problèmes

6 essentiels vous concernant étaient la question de votre défense que vous

7 vouliez assurer vous-même. Comme vous le savez, je n'étais pas d'accord

8 avec mes collègues et j'ai fait une opinion dissidente sur une de vos

9 requêtes indiquant que vous aviez le droit de vous défendre vous-même.

10 De même, concernant la communication des documents, il y a eu au sein

11 de la Chambre des discussions, et j'avais rédigé également une opinion

12 indiquant que vous deviez avoir en "hard copy" vos documents dans votre

13 langue. Il se trouve qu'à ce moment-là la Chambre II a été dessaisie au

14 profit d'une autre Chambre, ce qui fait que je n'ai pas pu rendre mon

15 opinion.

16 Troisièmement, l'autre sujet important qui était la rémunération de vos

17 assistants. Là aussi, j'ai indiqué à mes collègues qu'il m'apparaissait que

18 si vous vous défendiez seul vous deviez avoir une aide à ce niveau-là.

19 Donc, tous les sujets qui sont des obstacles, je les avais décelés il

20 y a très longtemps.

21 Pourquoi votre affaire n'est pas venue plus tôt ? Comme vous le savez

22 - et vous avez mis le doigt sur la véritable raison - la véritable raison

23 c'est que c'est le Procureur qui estime à quel moment il doit faire venir

24 son affaire. Pourquoi ? Parce qu'il communique à l'accusé les documents,

25 mais il poursuit parallèlement son enquête. De ce fait, il introduira

26 ultérieurement soit des transcripts d'affaires en cours, soit des parties

27 de jugements, soit il demandera le constat judiciaire de certains faits.

28 Donc, le Procureur a une stratégie. Dans un certain nombre de pays, ce qui

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1 est le cas dans le mien, mais peut-être également dans le vôtre, c'est le

2 Procureur qui choisit la date des audiences. C'est lui qui a la maîtrise de

3 la date.

4 Le Règlement ici n'a rien dit à ce sujet. Il y a une règle de non-

5 dit. On ne sait pas exactement qui décide. Normalement, c'est le Juge de la

6 Conférence de la mise en état qui doit clôturer et dire que c'est terminé,

7 et à ce moment-là, le Président doit nommer le Juge de la Chambre et le

8 greffier doit faire le nécessaire pour faire venir l'affaire. Sur ce plan,

9 vous avez tout à fait raison; il n'est pas normal que depuis plusieurs

10 années vous attendiez d'être jugé. Sur ce plan je ne peux être que d'accord

11 avec vous.

12 Quelle est la pratique de ce Tribunal ? Il faut l'indiquer pour que ce soit

13 inscrit au transcript. Parce que comme je l'ai dit, moi, je ne cache rien,

14 et en tant que juge indépendant, j'exprime mon opinion. Mon opinion est la

15 suivante : dans le choix de dates de procès, il y a un certain nombre de

16 contraintes, j'en ai énuméré certaines. Mais il y a le fait que le

17 Procureur a une maîtrise totale de la communication des pièces et du moment

18 où il dit qu'il va être prêt. Cette maîtrise est néanmoins soumise au

19 contrôle de la Chambre et du Juge de la mise en état. Il se trouve que le

20 Règlement a permis au titre de l'article 65 ter que la Conférence de mise

21 en état se fasse au départ par un juriste hors classe. Dans un certain

22 nombre d'affaires, ce n'était pas les Juges qui étaient en première ligne,

23 c'était le juriste hors classe qui avait la charge de la préparation du

24 procès. Ils se réunissaient avec l'avocat de l'accusé et le Procureur, et

25 informaient après le Juge de la mise en état.

26 Ce système a existé jusqu'au jour où le Président Meron a mené une

27 commission présidée par le Juge Bonomy qui a fait des propositions. Et une

28 de ces propositions était celle qui consistait à ce que le Juge de la mise

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1 en état soit en première ligne. Et moi, à titre personnel, je n'ai pas

2 attendu les conclusions de ce rapport pour m'investir dans plusieurs

3 dossiers de Juge de mise en état où j'ai mis la pression sur l'Accusation

4 pour que les dossiers soient en état.Mais le fait même que dans un certain

5 nombre de dossiers, et ce qui a été votre cas au départ, ce n'a pas été les

6 Juges qui ont été en première ligne dans la mise en état, c'était le

7 juriste hors classe.

8 Deuxième élément, dans un certain nombre de cas, alors même que le Statut

9 était très clair, lorsqu'il y avait un acte d'accusation, l'accusé était

10 arrêté, transféré au Tribunal et devait être jugé rapidement. C'est ce que

11 disait le Statut. Mais il s'est trouvé que le Tribunal a commencé avec un

12 rythme de croisière, et petit à petit il y a eu les affaires qui se sont

13 enchaînées les unes aux autres, ce qui a eu pour effet de créer un goulot

14 d'étranglement. A ce moment-là qu'est-ce qui s'est passé ? Dans certains

15 dossiers, des accusés ne pouvant être jugés immédiatement, ont fait des

16 demandes de mise en liberté et ont été mis en liberté. Donc il y a

17 plusieurs cas que vous connaissez, comme moi. Ils ont été mis en liberté,

18 et puis, la mise en état s'est effectuée alors même qu'ils étaient en

19 liberté, ensuite les affaires ont eu une solution quand une date été donc

20 fixée, les accusés sont revenus, ont été incarcérés et le procès a

21 commencé.

22 Il se trouve que vous n'avez pu bénéficier de ce traitement dans la mesure

23 où vous aviez été incarcéré, alors même que d'autres se sont présentés

24 après vous et ont été mis en liberté. Donc, en quelque sorte, vous êtes

25 maintenant détenu depuis plusieurs années et cette situation en trouble

26 plus d'un.

27 D'ailleurs, c'est pour cela que dans la décision sur l'outrage à la Cour

28 dont vous n'avez pas eu dans votre langue la traduction, a été indiqué par

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1 le fait même que vous êtes déjà détenu depuis plusieurs années, ce qui

2 montre que votre situation ne nous laisse pas indifférents.Le Règlement n'a

3 en l'espèce pas prévu de procédures accélérées. Le Statut lui était très

4 clair dans la mesure où le procès rapide vous deviez arriver au bout d'un

5 certain temps, vous deviez être jugé. Moi-même, j'ai fait des propositions

6 pour accélérer tout cela. J'ai saisi le comité du Règlement de

7 propositions, qui n'ont malheureusement pas été suivies, où j'ai fait une

8 proposition disant notamment qu'entre la date de la première comparution et

9 l'ouverture du procès, il devait s'écouler au mieux un délai de six mois,

10 ce qui était largement suffisant. Bon. Ma proposition n'a pas été suivie de

11 fait et de ce fait, le Règlement ne règle pas le problème. Donc je ne peux

12 que, comme vous, déplorer cette situation. Et comme je vous l'ai indiqué

13 tout à l'heure, pour de multiples raisons, et dont je vais en aborder une

14 tout à l'heure, le procès ne peut pas commencer demain.

15 La raison que je vais maintenant évoquer est la suivante : vous avez fait

16 une requête concernant l'acte d'accusation. Vous demandez qu'on vous

17 autorise à soulever une exception préjudicielle car vous contestez le

18 dernier acte d'accusation. Je me dois de rappeler certains éléments pour la

19 bonne compréhension, parce que cela aussi c'est un nouveau problème qui

20 vient de surgir. Alors, vous pouvez prendre note si vous voulez parce tout

21 est précis.

22 L'acte d'accusation initial contenait 14 chefs d'accusation et il a été

23 dressé le 15 janvier 2003. Vous-même, vous êtes venu au Tribunal quelques

24 jour après puisque vous vous êtes présenté le

25 24 février 2003. Lors des comparutions vous avez plaidé non coupable.

26 Concernant l'acte d'accusation du 15 janvier 2003. Vous avez fait une

27 requête le 24 décembre 2003, et le 26 mai 2004 la Chambre II à laquelle

28 j'appartenais, a demandé à l'Accusation de spécifier les formes de

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1 responsabilité engagées contre vous, et en particulier l'Accusation devait

2 nous dire ce qu'elle entendait par "commettre."

3 Le 1er novembre 2004 - donc l'Accusation a mis du temps pour répondre

4 - parce que la Chambre avait demandé le 24 -- le 26 mai, et l'Accusation.

5 Le 1er novembre 2004, donc on vous a indiqué tout à l'heure les raisons, en

6 voilà une, a fait une requête aux fins d'amender l'acte d'accusation

7 initial. Et l'Accusation a amendé, mais a ajouté de nouvelles bases

8 géographiques que je vous énumère, mais vous les connaissez comme moi : la

9 région de Sarajevo, Bijeljina, Mostar, Nevesinje et Brcko.

10 La Chambre II a donné son approbation à l'acte d'accusation modifié

11 et vous a informé que vous pouviez former des exceptions préjudicielles sur

12 l'acte d'accusation modifié. L'acte d'accusation modifié a été enregistré

13 le 15 juillet 2005. Vous n'avez pas perdu de temps, parce que quelques

14 semaines après le 29 août 2005, vous avez déposé une requête relative aux

15 formes de l'acte d'accusation modifié. Alors, c'est là une honte menant

16 dans le système qui a entraîné un certain nombre de problèmes.

17 Le 23 septembre 2005, le Juge de la mise en état a rendu une décision

18 rejetant la requête de 50 pages que vous aviez rédigées, parce que cette

19 requête ne correspondait à la directive pratique mais avait assorti sa

20 décision du fait que vous pouviez enregistrer une nouvelle requête avant le

21 7 octobre 2005. Le 28 septembre 2005, vous avez formé une requête

22 concernant la question de la longueur de la requête, mais dans vos

23 écritures vous n'aviez pas abordé le fond.

24 Le 20 octobre 2005, vous avez fait une nouvelle requête demandant la

25 certification d'appel de la décision du

26 23 septembre 2005, et vous avez demandé également une extension de délai

27 pour les exceptions préjudicielles en expliquant que vous avez besoin de

28 cela dans l'attente de la réception de la traduction de certains jugements

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1 du TPIR en serbe.

2 Le 26 octobre 2005, la Chambre II a rejeté la requête en

3 certification, alors vous avez fait une nouvelle requête en certification

4 en redemandant un nouveau délai pour enregistrer vos exceptions. Et je

5 découvre qu'apparemment cette nouvelle requête il n'y pas eu aucune

6 réponse. Apparemment, elle s'est perdue.

7 Suite à cela, il vous a été demandé de plaider sur l'acte

8 d'accusation modifié le 3 octobre 2005. Je me souviens, parce que j'avais

9 suivi à l'époque l'Audience de mise en état. Vous aviez demandé au greffier

10 - qui n'était pas celui-là, qui était un autre - de vous lire tout l'acte

11 d'accusation. J'ai ceci en mémoire. Et le Juge vous a demandé si vous

12 plaidiez à ce moment-là coupable ou non coupable. Vous n'avez pas répondu,

13 et le Juge a estimé, comme lui permettait l'article 62(A) du Règlement, que

14 vous alliez plaider non coupable. Alors, de cette phase, on s'aperçoit

15 qu'il y a eu énormément de complication; qu'apparemment une de vos requêtes

16 n'a pas été traitée, et que par ailleurs, il vous a été refusé des

17 certifications concernant les contestations de l'acte d'accusation.

18 Par la suite, il y a eu - et c'est moi qui ai milité également en ce

19 sens - un nouvel article du Règlement, l'article 73 bis(D), qui a

20 l'avantage de permettre au Procureur de réduire le nombre des chefs

21 d'accusation et de fixer le nombre des crimes ou des faits incriminés. A

22 partir de là, la Chambre III a ordonné à l'Accusation de mettre en œuvre

23 les dispositions de l'article 73 bis. Et de ce fait, l'Accusation a enlevé

24 les chefs, 2, 3, 5, 6 et 7. Et la Chambre a indiqué que l'Accusation ne

25 pourra pas présenter des moyens à charge pour des crimes commis en Slavonie

26 occidentale, Brcko, Bijeljina, Bosanski Samac et Boracko Jezero mais que

27 l'Accusation pourra, en revanche, présenter des moyens de preuve qui ne

28 seraient pas des crimes bases pour ces localités, ce qui est déjà un

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1 élément de complication supplémentaire.

2 A partir de là, il y a eu un acte d'accusation dressé le

3 30 mars 2007, et vous en avez eu une copie le 17 avril 2007. Et vous-même,

4 avec l'aide de vos conseillers juridiques, vous avez saisi la Chambre

5 demandant à ce qu'on vous permette à ce moment-là d'utiliser les articles

6 pertinents du Règlement pour vous permettre de contester l'acte

7 d'accusation nouveau.

8 Alors, votre requête à laquelle l'Accusation se doit également de

9 répondre, la Chambre va rendre une décision. Il se trouve que je ne pourrai

10 pas moi, seul, rendre une décision, parce que cette requête ne tombe pas

11 dans le champ de compétence du seul Juge qui a la mise en état. C'est une

12 compétence de la Chambre et la Chambre actuelle est présidée par M.

13 Robinson avec le Juge Bonomy et moi-même. Mais je vous dis que pour votre

14 requête, nonobstant la position qu'aura l'Accusation et mes collègues, mais

15 ma position c'est qu'on doit vous autoriser à contester l'acte d'accusation

16 nouveau.

17 Alors, je ne sais pas ce que la Chambre dira, mais en ce qui me concerne je

18 suis très clair. Pourquoi ? Parce que je me suis rendu compte que dans la

19 procédure antérieure, il y a déjà eu une requête qui n'a pas été traduite

20 et il serait logique que dans le cadre de l'acte d'accusation nouveau vous

21 ayez la possibilité de contester. D'autant plus, qu'à ce moment-là, il y

22 avait le contentieux qui vous opposait les avocats qui vous avaient été

23 nommés et que vous n'avez pas pu, à ce moment-là, donner des instructions

24 aux avocats pour contester éventuellement l'acte d'accusation. Donc,

25 j'estime qu'il faut vous autoriser à contester l'acte d'accusation. Il faut

26 que la Chambre rende une décision qui, le cas échéant, peut être contestée

27 à nouveau par vous ou par l'Accusation, et que la Chambre d'appel puisse

28 éventuellement en être saisie.

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1 Ce qui fait que ceci est encore un élément nouveau qui me fait dire que le

2 procès ne peut pas commencer, car ça serait, de mon point de vue, porter

3 atteinte à vos droits, car vous avez le droit de dire que l'acte

4 d'accusation est imprécis et vous avez le droit de le contester. Ce droit a

5 été reconnu à d'autres accusés; il n'y a pas de raison qu'il ne vous soit

6 pas également reconnu.

7 Et cet élément est également un élément que j'allais qualifier de

8 retardateur. Alors même que l'objectif de l'article 73 bis était de gagner

9 du temps, là on a une démonstration qu'on n'en gagne pas mais qu'on en

10 perd. Alors l'objectif est de gagner du temps, parce qu'on restreint l'acte

11 d'accusation, et donc il y a moins d'éléments de preuve, donc on gagne sur

12 la durée du procès. Mais en revanche, on perd du temps, parce qu'on ouvre à

13 nouveau un délai pour contester l'acte d'accusation. Alors je me devais de

14 faire le point sur cette requête parce que c'est très compliqué. Il faut

15 suivre, jour par jour, tout ce qui s'est passé pour comprendre

16 véritablement quels sont les points d'achoppement. Et je me devais

17 d'évoquer cela, parce que l'Accusation doit aussi donner son point de vue

18 sur cela et moi, je ne peux saisir mes collègues que lorsque j'ai tous les

19 points de vue. Autant préciser que le point de vue l'Accusation, M. Seselj

20 pourra également, le cas échéant, faire une réplique, et donc tout ça prend

21 du temps.

22 Voilà, alors sur cette requête, Monsieur Seselj, voulez-vous intervenir ou

23 bien estimez-vous que j'ai vraiment fait le point complet de la situation

24 par rapport à cette requête ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai un petit complément à

26 apporter. Vous avez très bien présenté les choses, vous avez été précis.

27 Vous avez mieux fait cela que je ne l'ai fait dans ma requête moi-même. Ce

28 qui signifie que vous avez parfaitement connaissance du problème. J'ai une

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1 explication complémentaire. Le premier complément a trait à la violation de

2 mes droits en matière de procédure en 2000, parce qu'on m'a induit dans

3 l'erreur pour ce qui de la Chambre de première instance du point de vue du

4 délai de présentation de mes exceptions préjudicielles pour ce qui est de

5 l'acte d'accusation. Vous avez, à juste titre, remarqué que je l'ai fait

6 très vite. L'acte d'accusation amendé date du 15 juillet. Puis il y a eu un

7 rectificatif, je n'ai peut-être pas été précis parce que je n'ai pas les

8 dates.

9 Le 22 août, j'ai déjà interjeté mon objection. Pendant deux mois j'ai été

10 absolument bloqué parce que je n'avais aucun contact téléphonique de

11 possible. Je n'ai pas eu droit à des visites de membres de ma famille. Même

12 mes courriers attendaient à la direction de la prison, de l'Unité de

13 Détention pour ce qui est de l'écoulement de l'interdiction de contacts

14 avec le monde extérieur parce que je l'aurais fait avant. Mais je ne savais

15 pas que le bureau du Procureur était en train de préparer des documents à

16 l'appui pour ce qui est de l'acte d'accusation amendé. Parce que personne

17 ne m'avait informé du fait qu'il fallait s'attendre à des documents à

18 l'appui, alors que le délai, lui, commençait à courir à partir de la date

19 de la communication des documents à l'appui et c'est un délai d'un mois à

20 partir de ce jour-là.

21 Les Juges de la Chambre ont confirmé le fait que j'avais en temps utile

22 présenté mes objections, mais l'a rejeté en raison du nombre excessif de

23 pages, mais sans me dire pour autant qu'il y avait des documents à l'appui

24 qu'il fallait s'attendre de recevoir. C'est là une violation de mes droits

25 en matière de procédure. J'ai réagi à la chose une fois les documents à

26 l'appui communiqués, mais alors les Juges de la Chambre ont rendu décision

27 pour dire que j'avais laissé passer le délai - c'est le Juge Orie qui a dit

28 que j'avais outrepassé les délais et ma demande a été rejetée.

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1 Le fait de dire que j'ai droit à interjeter une objection pour ce qui

2 est de l'acte d'accusation modifié, il a été réduit, techniquement abrégé

3 pour rationaliser, c'était mécanique. Mais si la chose avait été faite de

4 façon rationnelle, il eut été logique d'éjecter de cet acte d'accusation

5 tout ce qui devait être rejeté du fait du non-lieu, puisque c'est de la

6 Vojvodine, étant donné que ce Tribunal n'a pas compétence vis-à-vis de la

7 Vojvodine puisqu'il n'y a pas eu conflit armé. Et il n'y a eu autre

8 corrélation avec les conflits sur le reste du territoire de l'ex-

9 Yougoslavie et il n'y a pas eu attaque vis-à-vis de la population civile

10 qui pourrait être comparée aux attaques qui ont été énumérées aux

11 différents alinéas de l'article 5 du Règlement de ce Tribunal

12 international.

13 Ce sont les raisons qui me poussent à dire que l'on n'a pas fait les choses

14 de façon adéquate. On a laissé des choses traîner et cela va encore prendre

15 du temps. On va avoir des témoins qui vont parler de désagréments qu'ils

16 ont eus éventuellement dans leurs vies là où il n'y a pas eu de

17 déportations, il n'y a pas eu de persécutions, où il y a eu des échanges de

18 propriétés et ces gens-là étaient plus avantagés que la population serbe

19 qui a échangé ses propres biens à elle. Je préciserais que bien des

20 réfugiés sont venus en Serbie du territoire de l'ex-Croatie et autres

21 territoires de l'ex-Yougoslavie chassés par le régime de Tudjman et ils ont

22 créé une situation tendue en Vojvodine. En ma qualité d'homme politique, je

23 m'étais employé en faveur de mesures de rétorsions, parce que ce que

24 j'avais voulu c'est que nos autorités vis-à-vis de la minorité nationale

25 croate se comporte de façon analogue à celle qui a été le comportement du

26 régime à Tudjman. Ça n'a pas été fait par nos autorités. Donc, j'ai été

27 celui qui a été employé en faveur de mesure de rétorsions mais cela a été

28 rejeté.

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1 Ensuite on a créé, partant de là, toute une série d'incidents avancés

2 ici mais qui n'ont pas le poids des incidents qui sont prévus à l'article 5

3 du Statut. J'ai le droit de faire objection pour dire que cet acte

4 d'accusation a été amendé de façon inadéquate, parce que les critères

5 suivis par le bureau du Procureur étaient politiques et non pas juridiques,

6 parce qu'il y avait intérêts politiques à faire du remue-ménage au niveau

7 de la Vojvodine, parce que l'ambassadeur d'Allemagne ouvertement à Belgrade

8 dit son intention, leur intention de déposséder la Serbie de la Vojvodine.

9 Alors on prétexte qu'il y a eu expulsions ou persécutions de Croates en

10 Vojvodine. C'est la raison pour laquelle j'ai le droit de présenter une

11 objection à cela.

12 Je voudrais ajouter une autre remarque, Monsieur le Juge. Je n'ai jamais

13 souhaité, par mes exceptions préjudicielles, rallonger la durée de ce

14 procès. J'ai présenté des objections en 2003, la date m'échappe, mais je

15 crois que c'était dans les délais prévus en avril, je pense, mais on a

16 objecté le nombre de pages, parce que si je ne peux pas être privé de mes

17 droits élémentaires en raison d'instructions émanant du président de ce

18 Tribunal. C'est une recommandation, ce n'est pas une norme à force

19 contraignante. En attendant le début de mon procès en automne 2003, je n'ai

20 pas voulu, une fois de plus, présenter une exception préjudicielle pour ne

21 pas retarder le début parce que peu m'importait. Il m'appartient à moi de

22 décider de la chose. Or, comme en 2003, il était venu évident que le procès

23 n'allait pas commencer, j'ai réitéré ma demande à une des Conférences de

24 mise en état et le Juge Agius m'a donné un délai. Il a dit que mon texte

25 devait comporter 50 pages. Je me suis conformé à la chose.

26 J'ai présenté cette exception préjudicielle. Une fois que l'acte

27 d'accusation a été modifié, je me suis dit que j'avais droit à 50 pages,

28 donc j'ai représenté 50 pages, et là, toutes ces écritures m'ont été

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1 rendues. Suite à cela, viennent toutes ces péripéties que vous connaissez.

2 C'est la raison pour laquelle je me vois contraint de remettre le problème

3 sur la table, parce que j'ai droit, en ma qualité d'accusé, de mettre à

4 profit toutes les erreurs en matière de procédures par l'Accusation et par

5 les Juges de la Chambre. Et je mets à profit ce droit, mais je n'ai pas

6 l'intention de reporter à plus tard le début du procès. J'insiste sur les

7 objections que j'ai avancées, si véritablement le procès ne va pas

8 commencer avant novembre, et vous venez de me dire que ça ne va pas être le

9 cas, alors pourquoi voulez-vous que je ne fasse pas cette exception

10 préjudicielle pour voir comment les choses vont se passer ?

11 Si on pouvait commencer le procès demain, je renoncerais à ces exceptions

12 préjudicielles, mis à part le dépôt de plainte au pénal contre Carla del

13 Ponte et ses collaborateurs pour ce qui de ces faux témoignages. Tout le

14 reste je pourrais le retirer afin que le procès commence au plus vite.

15 Comme j'ai beaucoup de temps devant moi, parce qu'il y a un proverbe dans

16 mon peuple qui dit : Un prêtre qui n'a pas de travail baptise même les

17 petits chevreaux. Alors quand j'ai du temps, je m'occupe de procédures et

18 je demande à mes conseillers juridiques de s'en occuper. Mais quand on

19 entrera dans le fond des problèmes, je n'aurai pas le temps de vaquer à

20 cela. Je vais mettre à profit toute erreur des Juges de la Chambre et toute

21 erreur du bureau du Procureur en matière de procédures parce que j'estime

22 que cela est à mon avantage.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors l'Accusation, c'était la requête numéro 287 du

24 25 avril 2007 que vous avez dû avoir. Est-ce que vous avez répondu, Madame

25 Dahl?

26 Mme DAHL : [interprétation] Oui, nous répondrons demain. Le délai c'est

27 pour demain.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors c'était la première requête que je

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1 voulais donc aborder.

2 Il y a également une autre requête, je ne cite pas de noms, c'est

3 l'Accusation qui a fait une requête concernant le

4 Témoin VS-031, une requête en application de l'article 92 ter du Règlement.

5 L'accusé a répondu et l'Accusation a fait une réplique. Donc, la Chambre

6 est à même de statuer, mais mon problème est le suivant : je vous l'ai déjà

7 indiqué et je l'indique à nouveau, la Chambre à laquelle j'appartiens de

8 toute évidence ne sera pas la Chambre de jugement. Et je me suis posé la

9 question de savoir si la Chambre de mise en état doit se prononcer sur des

10 requêtes qui touchent au fond de la procédure, notamment l'admission d'une

11 déclaration écrite, voire de la procédure 92 ter. Est-ce que ce n'est pas à

12 la Chambre de jugement de dire ce qu'elle compte faire.

13 Et à titre personnel, je pense qu'un certain nombre de requêtes peuvent

14 attendre que la Chambre de jugement rende une décision, parce qu'elle ne

15 porte pas préjudice pour le moment à l'accusé puisqu'une décision

16 interviendra. Donc voilà ce que je voulais dire aux uns et aux autres.

17 Je vous donne la parole, Monsieur Seselj.

18 Techniquement, je suis en mesure de répondre, parce que c'est pas

19 compliqué, mais est-ce que je ne mets pas mes collègues qui viendront avec

20 moi devant un fait accompli, parce qu'on aura pris une décision alors même

21 qu'ils auraient pu en prendre une autre. Alors pourquoi ? Je vais vous

22 l'expliquer plus en avant, Monsieur Seselj. La procédure 92 ter, je vais

23 vous donner quelques explications, parce que je suis à l'origine de la

24 modification du Règlement qui a été modifié et le 13 septembre 2006. Il y a

25 eu donc la possibilité pour une Chambre d'admettre comme élément de preuve

26 une déclaration écrite dans la mesure où le témoin peut être présent à

27 l'audience et qu'à ce moment-là, il sera contre-interrogé par l'accusé et

28 répondra aux questions des Juges.

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1 Pourquoi ? Parce que cela permet de gagner énormément de temps, car

2 l'expérience montre que la plupart du temps les témoins viva voce répètent

3 ce qu'ils ont déclaré par écrit puisqu'il y a une déclaration écrite. Donc

4 le Procureur pose des questions et le témoin répond en fonction de ce qu'il

5 a déjà dit. Alors pourquoi dans un certain nombre de cas ne pas gagner du

6 temps en disant que la déclaration écrite est admise, mais en revanche

7 l'accusé a le droit de contre-interroger le témoin parce le témoin est

8 présent. Et le

9 92 ter se comprend mieux si vous avez dans l'esprit une forme de triangle

10 dans lequel, dans ce triangle, on a tout en haut du triangle des témoins

11 viva voce qui eux sont interrogés par le Procureur et contre-interrogés par

12 l'accusé, et puis d'autres témoins 92 ter qui parlent des mêmes faits, des

13 mêmes événements mais dont il n'y a pas une nécessité à ce moment-là à

14 contre-interroger, enfin à interroger par le Procureur, mais en revanche à

15 contre-interroger par l'accusé et, le troisième étage, c'est le 92 bis de

16 témoins, en réalité, qui ne redisent que ce que des viva voce ou 92 ter on

17 déjà dit.

18 Je prends un exemple pour bien vous faire comprendre. Imaginons qu'un

19 témoin viva voce indique qu'on lui a pris trois vaches, un témoin 90 ter

20 explique que son voisin a été victime du vol de trois vaches et un 92 bis

21 par écrit indique que son voisin a vu disparaître trois vaches. Donc il

22 n'est pas nécessaire de faire venir trois témoins pour dire la même chose.

23 Il suffit qu'il y en ait un qui le dise, le cas échéant, conforter par un

24 92 ter et corroborer par un

25 92 bis. Ce qui fait que c'est une économie pour tout le monde, y compris

26 d'ailleurs pour l'accusé qui, lorsqu'il fera venir ces témoins pourra

27 également utiliser la même structure.

28 Et le Témoin VS-031 peut rentrer dans ce schéma, mais à ce moment-là

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1 ce schéma doit être aussi entériné par les autres Juges. Moi,

2 personnellement, j'ai ma conviction, mais je ne connais pas la position de

3 mes collègues. Et si la Chambre à laquelle j'appartiens prend une décision

4 d'ores et déjà, est-ce que les futurs Juges seront d'accord avec cette

5 décision, parce qu'ils pourront avoir un point de vue différent en disant :

6 Vous avez fait du 92 ter, en réalité, ça aurait dû être du viva voce. Vous

7 voyez. Donc, voilà la difficulté.

8 Alors, Monsieur Seselj, vous voulez intervenir ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, je suis tout à fait

10 d'accord pour dire qu'il n'est pas trop anticipé de décider de la façon de

11 verser au dossier des témoins en 92 bis et en 92 ter, et même en 92 quater.

12 Mais j'aurais un argument complémentaire. De façon à anticiper,

13 l'Accusation insiste sur ce point sans pour autant avoir indiqué qui

14 viendrait témoigner sur ce même sujet ou point, viva voce. Jusqu'à présent,

15 le Témoin VS-017 était en première position sur la liste des témoins, et en

16 qualité de proche de l'accusé, il était prévu pour le procès du mois de

17 décembre après la présentation des propos liminaires de l'Accusation.

18 C'était lui qui était le premier sur la liste, l'un des initiés.

19 Maintenant, il n'est plus important ni initié; il va juste répéter certains

20 points et il peut passer sous les dispositions du 92 ter.

21 Mais où est la logique juridique la plus élémentaire ? Le témoin le

22 plus important est réduit au statut de témoin accessoire, et on ne sait pas

23 qui va prendre la place de ce principal. Il n'est pas sur la liste. Il n'y

24 a personne qui viendrait ou pourrait venir témoigner sur les éléments dont

25 devait témoigner VS-017. Alors de quoi s'agit-il en réalité ? Je vais vous

26 dire de quoi il s'agit. Pour ce qui est de l'axe 92 bis qui est devenu 92

27 ter et 92 quater, le bureau du Procureur, ou plutôt ses enquêteurs sont

28 ceux qui rédigent les déclarations. Ensuite, le témoin qu'ils estiment être

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1 peu instruit, peu éduqué et peu capable de le dire tout seul, de ses

2 propres mots dans le prétoire, il est amené dans une situation où il doit

3 confirmer que c'est bien sa déclaration sans pour autant la comprendre.

4 Dans le procès de Slobodan Milosevic, j'ai dit qu'il y avait quelque 40 cas

5 - et vous pouvez vérifier dans les comptes rendus - que le témoin en

6 question vient et dit : Mais ce n'est pas ma déclaration. On n'a pas bien

7 interprété, on n'a pas bien traduit, on n'a pas bien entendu, je ne m'en

8 souviens pas. Dans 40 cas de figure dans le procès de Milosevic.

9 Pourquoi je mentionne ce procès ? Ça s'est produit dans d'autres,

10 mais ça c'est des comptes rendus que je lis de façon intensive, enfin,

11 comptes rendus publics. Et dans l'affaire Slobodan Milosevic les comptes

12 rendus ont été publiés dans un journal appelé "La pensée serbe éprise de

13 liberté."

14 Alors ce n'est pas la façon de procéder. Je voudrais que l'Accusation

15 présente tous les témoins viva voce, et une fois cela exposé, que l'on

16 passe au 92 ter, 92 quater pour dire pourquoi cela n'a pas été fait en viva

17 voce, et quel est le fond des choses sur lequel celui-ci peut témoigner non

18 pas en application du 92 bis mais en application du 92 ter. Le bureau du

19 Procureur procède de façon délibérée conformément à des méthodes chaotiques

20 avec des requêtes individuelles. Mais il n'y a pas eu de systématisation de

21 faite pour ce qui est des témoins que vous avez proposé, Monsieur le Juge,

22 dès la première ou la deuxième des Conférences de mise en état, me semble-

23 t-il, d'abord désigner les témoins viva voce, ensuite les témoins en

24 application du 92 bis, du 92 ter et éventuellement du

25 92 quater.

26 Je vais m'y opposer, bien sûr, parce que je ne pense qu'il n'y a que

27 le viva voce d'adéquat. Mais je ne suis pas en mesure, moi, de modifier le

28 Règlement. Ce que je veux souligner, c'est que la signification du 92 ter

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1 et quater, c'est d'y avoir recours dans des situations exceptionnelles, et

2 la situation exceptionnelle, le bureau du Procureur la transforme en

3 situation irrégulière. Parce qu'il y a un danger, à savoir que l'on va

4 avoir plus de témoins en application des trois articles nouvellement

5 rédigés que l'article principal.

6 Geoffrey Nice s'était vanté dans le procès Milosevic qu'il avait

7 inventé un 92 et demi, ensuite ça a été modifié pour être un 92 ter. Alors,

8 ils ont à tel point poussé ou incité à ces témoignages ou forcé ces

9 témoignages 92 bis et ter, que c'est que l'on retrouve dans cette

10 composition-là du bureau du Procureur. Pour ce qui est de

11 M. Milosevic, pour contre-interroger sur le type de témoin, on lui donnait

12 45 minutes, parfois une heure, rarement plus d'une heure. Parce qu'on

13 l'entravait de toutes sortes de façons pour contester la crédibilité du

14 témoin sur des faits généraux ou sur la substance même de son témoignage.

15 Et de façon analogue, nous voyons que le bureau du Procureur est en

16 train de procéder maintenant. C'est la raison pour laquelle j'appuie votre

17 position pour ce qui est des déclarations à verser au dossier en

18 application du 92 bis, ter ou quater, cela ne pourra être fait qu'une fois

19 le procès entamé et lorsqu'on en aura un aperçu systématisé de la totalité

20 des témoins, lorsqu'on aura clairement une idée des témoins qui viendront

21 témoigner viva voce et sur quels événements ou incidents, et ce n'est

22 qu'ensuite, qu'en application du 92 bis ter et quater, que l'on pourra à

23 titre complémentaire verser au dossier des témoignages d'autres affaires,

24 et ainsi de suite. Mais il est impossible, pour ce qui est des témoignages

25 qui aient eu lieu dans d'autres affaires, d'accepter quoi que ce soit avant

26 que le bureau du Procureur ne me fournisse les notes sténographiées.

27 Par exemple, on avait prévu ce malheureux Deronjic pour témoigner

28 dans mon affaire, alors que moi je n'ai rien à voir avec Bratunac. On avait

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1 prévu Milan Babic; c'était le témoin numéro 1 à l'époque. C'est la majorité

2 des pièces que l'on voulait verser au dossier par le biais de son

3 témoignage. Et aux côtés de ces deux témoins, on avait prévu quatre autres

4 témoins pour que leurs déclarations à eux soient versées au dossier en

5 application du

6 92 quater. Mais on ne m'a pas encore communiqué ces déclarations et leurs

7 auditions dans d'autres affaires. Prenez le nombre de dactylos qu'il vous

8 faut et confiez-leur la tâche de prendre, de réécouter tout ces enregistrés

9 [comme interprété] en langue serbe et de mettre tout cela sur papier. Une

10 fois que cela me sera communiqué, je pourrai dire que, à mes yeux c'est

11 acceptable ou à mes yeux ce n'est pas acceptable. Tant qu'on ne l'aura pas

12 fait, il est complètement déplacé de prendre une décision. On ne peut pas

13 en débattre avant que cela ne soit fait, et c'est là une grande tâche. Je

14 regrette que vous ayez cette grande tâche à accomplir. Vous n'aviez qu'à ne

15 pas vous aventurer dans ce type de procès de façon irréfléchie. Vous ne

16 saviez pas à qui vous aviez affaire. Maintenant, vous savez à qui vous avez

17 affaire, je crois que maintenant les choses sont claires.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je vais évoquer le Témoin 31, Monsieur

19 Seselj. Vous avez parlé du Témoin 17. Bon. Indépendamment des numéros où on

20 ne dit pas de noms. Je me tourne vers l'Accusation. Vous avez écouté M.

21 Seselj, mais moi-même, j'ai dit quasiment les mêmes choses. On regardera

22 cela ultérieurement. Mais je regardais le document que vous aviez prévu

23 concernant la liste des témoins qui était prévue, par exemple, "crime base"

24 pour Vocin, il y avait donc plusieurs témoins qui étaient prévus. J'ai

25 l'intention, pour que le procès soit hâtif, rapide, utile, de demander à

26 l'Accusation, localité par localité, de nous donner un tableau dans le

27 style triangulaire, c'est-à-dire quels témoins viva voce, quels témoins 92

28 ter, quels témoins 92 bis, pour qu'on voit l'architecture. Si un témoin qui

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1 est prévu comme viva voce devient 92 ter, c'est qu'il peut y avoir une

2 raison.

3 Mais là aussi, et M. Seselj l'a indiqué, mais avant qu'il le dit, je

4 l'avais dit moi-même, dans cette architecture, il faut qu'il y ait au moins

5 un témoin principal viva voce qui vienne parler ou qui réponde aux

6 questions de l'interrogatoire principal. Parce qu'on ne peut pas être dans

7 un système ou sur des localités où s'est passé un certain nombre de "crime

8 base", on n'ait pas de témoins viva voce, et qu'on se contente d'un 92 bis

9 ou d'un 92 ter. Donc, il faut identifier localité par localité quels seront

10 les viva voce, ce qui permettra, bien entendu, à l'accusé de se préparer le

11 mieux possible au contre-interrogatoire, quels seront les témoins 92 ter et

12 quels seront les témoins 92 bis.

13 Parce que l'accusé a un droit, qui est c'est le droit qui lui est reconnu

14 par le Statut de contre-interroger. De contre-interroger, ça c'est un droit

15 absolu. Bien entendu, ce droit de contre-interroger doit être compris

16 également. Qu'il a le droit de contre-interroger le témoin qui vient dire :

17 c'était l'exemple de mes trois vaches. Il y a eu trois vaches, mais les

18 autres témoins qui vont dire la même chose, bien entendu, il a le droit de

19 contre-interroger, mais à ce moment-là, il va perdre du temps s'il vient à

20 redemander à un deuxième témoin les mêmes questions. Et c'est pour ça qu'il

21 faut que l'accusé ait le plus tôt possible la liste des témoins, quel est

22 le statut de ces témoins viva voce, 92 ter, 92 bis, voire 92 quater, mais

23 ça, j'y reviendrai tout à l'heure, pour qu'il puisse répondre.

24 Alors, à ce stade, Madame Dahl, est-ce que vous voulez intervenir ou bien

25 c'est trop tôt, ce que je peux parfaitement comprendre ?

26 Mme DAHL : [interprétation] Je ne suis pas certaine de votre question,

27 Monsieur le Président. Dans nos écritures, nous avons bien indiqué que nous

28 avions l'intention de citer des témoins en différents statuts. Pour

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1 l'instant, ces questions sont en suspens devant la Chambre de première

2 instance. Je comprends, bien sûr, qu'il y a des décisions importantes

3 faites lors de la phase préalable au procès qui peuvent influencer le

4 déroulement du procès. Nous sommes en train d'établir les faits.

5 Cela dit, je voudrais revenir rapidement sur les commentaires de la Chambre

6 pour ce qui est de notre position par rapport à la préparation du procès et

7 aussi par rapport à cette date du mois de novembre. On ne peut pas dire que

8 l'Accusation n'est pas capable de se préparer au procès avant novembre.

9 J'ai parlé d'une date de novembre lors d'une Conférence de mise en état

10 préalable, mais l'an dernier, à l'automne, nous étions prêts à commencer le

11 procès. Nous sommes prêts aujourd'hui aussi à commencer le procès. Pour ce

12 qui est d'une date de novembre, pour le début du procès, c'était pour nous

13 assurer que M. Seselj avait le temps de se préparer afin de ne pas mettre

14 en danger l'équité du procès pour qu'il puisse étudier à fond les éléments

15 qui lui sont communiqués. Nous avons rempli toutes nos obligations de

16 communication. Il a décidé de rejeter un certain nombre d'éléments que nous

17 voulions lui donner, et il s'est donc privé lui-même de la possibilité

18 d'étudier ces éléments en détail. Mais sur le point des témoins, nous

19 considérons il s'agit d'une décision quand même très importante parce qu'on

20 ne parle pas ici de vaches volées. Ici, on parle de vies qui ont été

21 volées, donc il faut faire très attention --

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Si j'ai parlé de vaches, c'est parce que je ne

23 voulais pas aborder le fond du dossier, donc j'ai cité cet exemple. Parce

24 que le fond du dossier c'est la juridiction de jugement. Donc moi, je ne

25 m'occupe que de la forme de la préparation la meilleure. Donc, j'ai évité

26 d'entrer dans les détails, donc j'ai cité les vaches comme j'aurais pu

27 parler de voitures, de poules. C'était un seul exemple. Donc, ce n'est pas

28 la peine de partir dans des déclarations qui n'ont rien à voir.

Page 1189

1 Mme DAHL : [interprétation] Oui, pour ce qui est donc de la présentation

2 des éléments et le besoin d'assurer la rapidité du procès, l'Accusation

3 veut avoir les meilleures possibilités pour présenter ses preuves de façon

4 à ce que l'on puisse à la fois interroger les témoins et les contre-

5 interroger. Nous pensons qu'il faut donner à l'Accusation un certain temps

6 pour répondre aux besoins de la Chambre et pour préparer les témoins selon

7 la façon la plus adéquate, la présentation la plus adéquate afin que les

8 choses soient rapides. On n'aura pas de procès rapide si on sacrifie

9 l'exactitude. Et à l'heure actuelle, pour ce qui est donc de la forme que

10 prendra la déclaration de témoins vient montrer que nous sommes prêts à

11 nous adapter aux Règlements de ce Tribunal et que nous allons présenter nos

12 éléments afin de permettre de trouver la vérité, de permettre le contre-

13 interrogatoire aussi pour tester la véracité des déclarations des témoins.

14 Nous apprécions tout conseil donné par la Chambre de première instance pour

15 ce qui est donc de décisions prises sur les requêtes encore en suspens afin

16 de pouvoir être rapide.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose ?

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à l'heure, Monsieur le Juge, en peu de

21 temps, cette liste de témoins de l'Accusation, vous avez mentionné le fait

22 qu'il y avait plusieurs témoins sur la base de crimes à Vocin. Vocin se

23 trouve en Slavonie occidentale. La Slavonie occidentale ne fait plus partie

24 de l'acte d'accusation. Alors, d'où viennent maintenant ces témoins-là pour

25 ce qui est de la liste des témoignages. Ils n'ont pas été biffés. Alors,

26 est-ce qu'ils ont été biffés ou pas ? Je ne sais plus où j'en suis. Je n'ai

27 plus Vocin dans l'acte d'accusation, mais j'ai encore plusieurs témoins qui

28 témoignent de la base de crimes à Vocin. Est-ce que je dois me préparer

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1 pour leur contre-interrogatoire ou pas, et pourquoi n'ont-ils pas été

2 biffés de cette liste de témoins ? L'Accusation ne veut pas m'apporter de

3 réponse. Il en va de même pour certains autres sites qui ont été biffés de

4 l'acte d'accusation.

5 Mme Dahl a dit tout à l'heure qu'ils sont prêts à entamer le procès tout de

6 suite, mais que c'est de ma faute, parce que j'ai refusé d'accepter

7 certains documents qu'ils avaient essayé de me communiquer. Or, ici, vous

8 avez un aperçu très bien fait par l'Accusation le 8 novembre 2006, où l'on

9 voit exactement ce que j'ai reçu, ce que je n'ai pas reçu et pourquoi je ne

10 l'ai pas reçu. Je n'ai pas reçu des choses rien que parce que c'était sur

11 des CD d'ordinateur. Je ne l'ai pas accepté rien que parce que c'était en

12 anglais ou alors ne m'a-t-on pas communiqué la chose, mais a-t-on

13 communiqué ce document à M. Hooper, le conseil qu'on m'a imposé. Cela

14 prouve la culpabilité de l'Accusation pour le manquement du début du

15 procès. Ce n'est pas quelque chose qui va à l'avantage du bureau du

16 Procureur; c'est ce que le bureau du Procureur a fait contre soi-même.

17 C'est la raison pour laquelle le procès n'a pas commencé, parce qu'il

18 y a plus de 300 000 pages de documents qu'ils doivent me communiquer. Sans

19 parler des nouveaux témoignages venant d'autres affaires, sans parler des

20 témoignages de témoins décédés, et ainsi de suite. Sans compter la vieille

21 obligation, qui est la leur, de me communiquer la totalité des témoignages

22 en provenance de quelque autre procès que ce soit où il a été fait mention

23 de mon nom. C'est une obligation qui date de 2003 ou de 2004 encore et ça

24 n'a pas été encore réalisé. Ils ne l'ont pas encore fait. Comment peuvent-

25 ils dire qu'ils sont prêts ? Bien sûr, ils sont prêts à commencer le procès

26 contre moi demain, mais en me liant les points et me bâillonnant la bouche.

27 Bien sûr, là le procès pourrait se dérouler comme ils l'entendent.

28 Maintenant que je peux me défendre, ils ne savent plus comment il faut

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1 faire. Ils disent que je me suis privé d'un droit. Non. Vous êtes tenus de

2 me communiquer le tout sur papier et en langue serbe. Vous devez le faire

3 quand bien même je devrais attendre quatre ans encore. Il faudra bien que

4 vous le fassiez parce qu'il n'y aura pas de procès sans cela. Vous hésitez.

5 Vous vous dites que ce quelque chose va bien finir par changer, mais rien

6 ne peut changer, soit vous allez le faire, soit le procès vous allez

7 l'avoir sans moi. Il n'y pas de variante numéro 3.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. L'Accusation, concernant la liste des témoins

9 actualisés, est-ce que vous avez communiqué à M. Seselj la dernière liste

10 comme on dit en anglais "up to date" qui fait bien le point des témoins que

11 vous aviez l'intention d'appeler si le procès démarrait demain, compte tenu

12 évidemment des modifications intervenues de l'acte d'accusation.

13 Mme DAHL : [interprétation] Est-ce que je peux vérifier auprès de notre

14 commis pour ce qui est de l'état d'avancement de la traduction de ces

15 pièces de témoins ?

16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

17 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis informée du fait que

18 nous avons fourni une liste de témoins qui reflétait les dernières

19 modifications intervenues et ceci le 29 mars 2007.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- alors, j'ai dans mon classeur --

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire quelque chose ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, attendez. Je vais vous donner la parole,

23 Monsieur Seselj, mais simplement pour votre compréhension. Le Procureur, le

24 30 mars 3007, a donc transmis son acte d'accusation qui avait été modifié,

25 amendé, et cetera. Il y a des annexes, annexe 1, annexe 2, annexe 3, annexe

26 4, annexe 5; donc vous avez eu tout cela. Et dans l'annexe A, il y a la

27 liste finale des témoins, liste révisée, liste finale. Et il y aurait, en

28 regardant ce document, 105 témoins. Alors, tout à l'heure, vous m'avez

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1 parlé de Vocin en disant que c'était en Slavonie et que vous ne compreniez

2 pas pourquoi il y aurait encore des témoins sous l'appellation de cette

3 municipalité. Je constate qu'en regardant la liste, qu'effectivement, il y

4 a des témoins qui sont prévus. Il y a donc des numéros de témoins. Je ne

5 dis pas les noms, le Témoin 18, 33, 50, puis d'autres témoins où il y a des

6 noms. Donc, il y a un certain nombre de témoins. Et là, pour cette

7 municipalité, il y en a exactement un, deux, trois, quatre, cinq, six. Il y

8 en a six qui sont prévus. Voilà. Alors théoriquement, la liste de témoins

9 vous devriez l'avoir. Alors, est-ce que ça été traduit ? Je ne sais pas. En

10 principe, oui.

11 Monsieur Seselj.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'ai reçu cette liste et je suis en train

13 de parler de cette liste justement, Monsieur le Juge. Vous venez d'énumérer

14 six témoins qui sont censés témoigner d'une base de crimes à Vocin en

15 Slavonie occidentale, et vous avez d'autres témoins qui vont parler de base

16 de crimes à Bijeljina, Brcko, Samac, et tout cela a été biffé de l'acte

17 d'accusation. Ça vient de me revenir à l'esprit, un certain Alija Busalic,

18 il n'est pas protégé lui, qui a entamé la guerre à Bijeljina. Il figure sur

19 la liste comme étant un témoin de base de crimes à Bijeljina. Je ne veux

20 pas renoncer à Alija Busalic. C'est avec grand plaisir que je le contre-

21 interrogerai ici, mais vous êtes en train d'enfreindre mes droits en

22 matière de procédure, parce que vous gardez encore dans la liste des

23 témoins, des témoins de base de crimes en provenance de lieux qui ont été

24 biffés de l'acte d'accusation.

25 Si vous venez d'en retrouver à l'instant, six de Slavonie occidentale

26 ou de Vocin, multiplié par quatre, et vous allez voir combien de témoins il

27 y a de témoins de ce type. Je suis approximatif. Je vous parle de la

28 substance des choses. Je n'entre pas dans le détail. Vous avez énormément

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1 de témoins qui vont témoigner de base de crimes, qui sont originaires de

2 lieux biffés de l'acte d'accusation. Que dois-je faire en l'occurrence ?

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

4 Alors Madame Dahl, M. Seselj soulève un problème. Il constate, mais

5 sous réserve évidemment d'un examen au fond, mais que je n'ai pas pratiqué,

6 que figureraient sur cette liste des témoins concernant des localité qui

7 ont été biffées.

8 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Juge, la décision du

9 8 novembre 2006 en application de l'article 73 bis à l'acte d'accusation

10 permettait à l'Accusation de montrer des structures de systématicité [comme

11 interprété] en ce qui concerne les crimes allégués dans l'acte

12 d'accusation. Nous avons de façon tout à fait radicale réduit le nombre de

13 témoins en réponse au fait que certains chefs d'accusation, certaines

14 infractions étaient retirées de l'acte d'accusation, mais nous exerçons la

15 prérogative qui nous est accordée lorsque la Chambre a réduit l'acte

16 d'accusation, elle nous dit aussi qu'il faut montrer une certaine

17 systématicité [comme interprété]. Nous avons essayé de circonscrire tout

18 ceci et de répercuter ceci dans la liste de témoins et dans le type de

19 moyens de preuve à apporter pour apporter des modifications nécessaires

20 sans modifier notre stratégie et sans la mettre en cause. Nous serions

21 aidés par une décision de la Chambre sur les formes de moyens de preuve;

22 c'est une décision qui n'est pas encore prise. Ceci nous permettrait de

23 voir quels sont les témoins nécessaires, de voir là où il y a

24 chevauchement, ou pour reprendre votre allégorie du triangle. Ceci nous

25 serait utile car notre liste des témoins indique le type de témoignage, la

26 pertinence au regard des chefs d'accusation retenus. Si M. Seselj estime

27 que les témoins qui restent sont trop nombreux ou ne vont pas montrer la

28 systématicité [comme interprété], ou s'il est prêt à marquer un accord pour

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1 ce qui est des faits incriminés de la base des crimes eux-mêmes, s'il est

2 prêt à marquer un accord sur les faits déjà jugés dans d'autres affaires

3 présentés par voie des requêtes, à ce moment-là nous sommes prêts à

4 éliminer certains éléments. S'il peut montrer par voie de requête qu'il

5 déposerait qu'il y a trop de preuves au regard de la décision du mois de

6 novembre; mais réduire l'acte d'accusation ne doit pas incapaciter

7 l'Accusation.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, j'essaie de bien comprendre parce que

9 je découvre, je rassure tout le monde, je ne me suis pas

10 replongé dans le fond du dossier, mais d'après ce que je crois comprendre,

11 l'article 73 bis a pour mérite de réduire et dans l'acte d'accusation il y

12 avait plusieurs municipalités. Donc, d'après ce que j'ai compris, on sort

13 la Slovénie [phon] du champ de l'acte d'accusation. Mais l'Accusation donc

14 modifie l'acte d'accusation en conséquence, tout en laissant des témoins de

15 cette municipalité pour prouver - ce sont vos propres mots - la

16 systématisation, c'est-à-dire, prouver l'ampleur, la répétition, et cetera.

17 Est-ce bien cela que je dois comprendre ? Mais prouver par rapport à

18 d'autres localités, c'est-à-dire qu'on empile des localités dont certaines

19 ont été retirées, dont l'accusé ne sera pas déclaré coupable ou innocenté,

20 mais dont les témoins de cette localité vont dire que ce qui leur est

21 arrivé c'est arrivé ailleurs, et cetera, et cetera.

22 C'est ça votre approche ?

23 Mme DAHL : [interprétation] Lorsque des municipalités comme Vocin ont été

24 enlevées, nous avons éliminé 26 témoins de la liste de témoins. Maintenant,

25 il ne reste plus que six témoins qui vont venir parler justement de la

26 systématisation des crimes qu'ils ont dû subir.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux ajouter --

28 M. LE JUGE ANTONETTI : --

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, je suis stupéfait de ce manque de

2 professionnalisme de la part du bureau du Procureur. Parce que s'il s'agit

3 d'une systématisation de comportement, cela peut servir de systématisation

4 de comportement incriminé ou criminel de ma part, mais il faudrait que ce

5 soit des témoignages portant sur mes comportements à moi, et non pas

6 entendre des témoins raconter qu'ils ont eu des désagréments. Certains

7 d'entre eux ne m'ont même pas vu. Ils ont ouï-dire que j'étais dans le

8 coin, mais qu'est-ce que c'est que cette systématisation-là, ce

9 systématique de crimes dans toute la guerre ? Vous auriez pu faire venir

10 des victimes musulmanes ou croates pour qu'ils viennent parler d'une

11 systématisation ou d'un mode de comportement identique, voire même pire.

12 Modèle de comportement à qui ? Ça doit être le modèle de comportement à

13 moi, pour que l'on puisse conforter ce qui est allégué à l'acte

14 d'accusation.

15 Je serais coupable d'un homme qui aurait tué tant de personnes à Zvornik ou

16 ailleurs et cela correspond à un modèle de comportement qui a été présent

17 dans d'autres affaires. Ce n'est pas ce que l'on s'efforce de prouver. Si

18 vous vous penchez sur la chose de façon approfondie et la liste des

19 témoins, vous verrez que bon nombre de ces témoins ne m'incriminent pas du

20 tout. Ils parlent de leur expérience tragique, à condition que ce soit

21 conforme à la vérité parce qu'il y en a qui ne disent pas ce qui s'est

22 véritablement passé, mais là aussi le bureau du Procureur ne s'est pas

23 conformé à l'ordonnance des Juges de la Chambre.

24 Je répète. Je voudrais que vous alléguiez toutes sortes de crimes perpétrés

25 dans le courant de cette guerre et que le procès dure 20 ans et que de

26 façon systématique, je vous fasse revenir sur vos allégations et que

27 j'élimine chacun des chefs et que j'en sorte victorieux au bout de 20 ans.

28 Vous êtes en train d'enfreindre ce qui constitue la règle même de la

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1 procédure. Il ne s'agit pas de modèle de comportement systématisé, pour

2 toutes sortes de crimes ou criminels dans cette guerre; il s'agit de moi,

3 d'individu que vous avez à l'avance déclaré être coupable, mais vous ne

4 finissez pas par le prouver. J'ai de plus en plus de cheveux blancs en

5 attendant que vous le prouviez et vous n'êtes pas à même de le faire.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je regarderai cela de manière plus précise.

7 Mais j'avais indiqué, Madame Dahl, vous n'étiez pas encore là, mais c'était

8 à M. Saxon qui était présent, j'avais indiqué que l'acte d'accusation était

9 en quelque sorte une fusée à trois étages. Le premier étage, je cite de

10 mémoire, je n'ai pas le transcript de mes propos, mais de mémoire j'avais

11 expliqué que le premier étage c'étaient les victimes qui venaient relater

12 ce qui était arrivé. C'est ce qu'on appelle "les crimes bases," et ceci

13 concertait -- concernait un certain nombre de municipalités. Si des

14 municipalités ont été ôtées, ou des villages, il n'est pas à ce moment-là

15 nécessaire de les faire venir.

16 Deuxième étage - et tout juriste quel qu'il soit procède de cette façon -

17 deuxième étage, qui a commis le crime ? A ce moment-là, il doit y avoir des

18 éléments de preuve pour dire que c'est M. X, Y, qui a commis les crimes,

19 destruction, pillage, et cetera, et cetera. Deuxième étage. Et c'est la

20 démarche que l'Accusation doit utiliser.

21 Troisième étage, c'est l'accusé. Quel est le lien qu'il a par rapport aux

22 crimes commis, peut-être vient ceux qui ont commis les crimes et qu'à ce

23 moment-là, il doit y avoir la démonstration du lien entre les crimes, les

24 auteurs, l'accusé, si l'accusé n'a pas commis lui-même directement les

25 "crime base". Je mets à l'écart l'entreprise criminelle qui est une forme

26 de la responsabilité au titre de l'article 7(1), mais à ce moment-là,

27 l'entreprise criminelle, il faut également la prouver. J'avais demandé à M.

28 Saxon, votre prédécesseur, comment comptait-il conduire sa présentation des

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1 éléments de preuve par rapport à ces trois grands étapes. Bon, il est

2 parti. C'est vous qui lui succédez. Bien entendu, je vous repose également

3 la même question.

4 Parce que c'est de là que découle, pour la Chambre et également pour

5 l'accusé, la façon de travailler, les gains de temps que l'on peut avoir,

6 et cetera. Parce que l'expérience que j'ai eue dans plusieurs procès montre

7 que parfois il y a des témoins qui viennent et tout est mélangé. C'est un

8 méli-mélo et je comprends bien que l'Accusation n'a pas la totale maîtrise

9 sur la venue des uns et des autres. Mais de manière très logique, il

10 conviendrait d'avoir tous les témoins d'une municipalité, ensuite d'une

11 autre municipalité, et cetera, et de ne pas passer d'un témoin à l'autre,

12 de municipalité à municipalité, et cetera. Parce que c'est une perte de

13 temps et un gâchis. Et puis, une fois que des éléments de preuve peuvent

14 permettre d'établir qu'il y a eu certains crimes, la question qui se pose

15 est de savoir qui a commis les crimes, et à ce moment-là, des éléments de

16 preuve, des témoins, et cetera. Et puis ensuite, les témoins qui vont faire

17 le lien entre l'accusé, les auteurs, et cetera.

18 Un procès pénal, c'est obéi à une structure, à une logique. Et l'Accusation

19 doit démontrer, car la charge de la preuve incombe à l'Accusation. A la

20 limite, l'accusé peut se croiser les bras, ne pas bouger et attendre qu'on

21 rapporte la preuve. Mais on est dans une procédure où l'accusé a également

22 le droit de contre-interroger, et à ce moment-là, pour contre-interroger,

23 encore faut-il qu'il ait en sa possession tous les éléments, d'où l'intérêt

24 de ces Audiences de mise en état qui permettent d'avancer et de mieux

25 comprendre les problèmes.

26 Alors, je suis obligé de terminer parce qu'il est 19 heures. Comme vous le

27 savez, on va se revoir très rapidement. D'ici là, j'aurai certainement

28 rendu la décision sur la communication, en "hard copy" et dans la langue de

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1 l'accusé, des documents, et notamment de ceux qui sont dans les fameux 40

2 classeurs, et cetera. Ce qui fait qu'en théorie, très rapidement, l'accusé

3 devrait avoir en sa possession les éléments de preuve qui sont -- qui

4 seront -- j'emploie le futur -- qui seront utilisés lors du procès, à

5 savoir les documents qui seront présentés aux témoins qui viendront. Ça,

6 c'est vraiment le minimum qu'il doit avoir. Et ceci est un obstacle que je

7 dois très rapidement franchir.

8 Le deuxième obstacle, je l'ai évoqué, c'est la question des moyens mis à la

9 disposition de l'accusé. J'attends - mais il va le faire très rapidement -

10 qu'il me fasse une requête en ce sens. J'indique d'ailleurs à M. Seselj que

11 le 3 janvier 2006, vous aviez fait une requête, le numéro 124, qui portait

12 sur le même sujet. Alors vous-même et vos collaborateurs, vous pouvez vous

13 replonger dans l'argumentaire de cette requête à l'appui de la requête qui

14 ne saurait -- qui va intervenir très rapidement. Compte tenu du délai des

15 15 jours, peut-être que lorsqu'on se reverra le 5 juin, j'aurai ou je

16 n'aurai pas, je ne sais pas, rendu ma décision en la matière. Mais très

17 vite, je m'y suis déjà attelé, et dès que j'aurai la position de

18 l'Accusation, je pourrai rendre ma décision. Et cela, c'est le deuxième

19 obstacle.

20 Le troisième obstacle, ça concerne la question de l'acte d'accusation. Là

21 aussi, j'attends que l'Accusation réponde. Je saisirai mes collègues parce

22 que ce sera une décision de la Chambre. Donc, la prochaine Audience de mise

23 en état, nous aurons certainement l'occasion de revenir sur les sujets qui,

24 j'espère, ont pu évoluer favorablement. Ceux qui n'ont pas pu évoluer,

25 j'essaierai de -- d'améliorer la situation, ce qui permettra aux uns et aux

26 autres d'intervenir. Et puis, nous continuerons en allant de plus en plus

27 près maintenant du procès, en pensant - et cela n'a pas été inutile - à la

28 façon dont l'Accusation présentera ses moyens de preuve. J'ai cru

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1 comprendre de Mme Dahl que vous attendez, de la part de la Chambre,

2 quelques indications, donc nous aurons l'occasion de revenir là-dessus.

3 Voilà, il est 19 heures passé. Je m'excuse d'avoir dépassé le temps. Je

4 vous remercie, et nous nous retrouverons très bientôt.

5 --- La Conférence de mise en état est levée à 19 heures 03.

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