Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 11 décembre 2007

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. C'est

8 l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 Bien, en ce mardi 11 décembre 2007, je salue toutes les personnes

11 présentes. Je salue Mme Dahl, je salue M. Seselj et je salue également

12 toutes les personnes qui sont dans cette salle d'audience et qui nous

13 assistent dans l'exercice de notre mission.

14 Nous avons donc aujourd'hui un témoin qui est prévu pour déposer pendant

15 deux jours. Aujourd'hui, ça va être le temps de l'Accusation pour

16 l'interrogatoire principal, et demain, ça sera le temps pour M. Seselj pour

17 le contre-interrogatoire.

18 Pour mémoire, je rappelle qu'à l'origine, l'Accusation avait formé

19 une requête pour que ce témoin soit considéré comme un témoin expert. La

20 Chambre par une décision qui a été donc récemment rendue a décidé que ce

21 témoin serait entendu en qualité de simple témoin et non sous le régime de

22 l'article 94 bis. Postérieurement à notre décision, l'Accusation nous a

23 envoyé des éléments complémentaires accréditant selon l'Accusation le fait

24 que ce témoin aurait une expertise suffisante permettant de le qualifier de

25 témoin expert.

26 La Chambre décidera à l'issue de l'interrogatoire de l'admission

27 éventuelle du document qui était le rapport de ce témoin et des questions

28 et des réponses, de la valeur probante qui sera accordée auxdits

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1 déclarations et documents de ce témoin. Voilà.

2 Je vais donc demander à l'Huissière d'introduire le témoin afin de --

3 Oui, Monsieur Seselj.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il vous plaît, avant de vous trouver face à

5 ce témoin, j'aimerais vous mettre au courant du fait que je n'ai pas reçu

6 le texte de votre décision indiquant que ce témoin serait entendu en tant

7 que simple témoin et non en tant que témoin expert.

8 Cela fait deux ans que je me prépare à ce témoin en qualité de témoin

9 expert de l'Accusation et ce serait le seul sens que l'on pourrait donner à

10 sa déposition, car ce témoin n'a assisté à aucun des crimes qui me sont

11 imputés ou qui sont imputés à d'autres personnes qui auraient agi sous mon

12 influence.

13 Il n'y a donc aucune raison qu'il témoigne s'il n'est pas témoin

14 expert. Il n'a aucune raison de s'exprimer en qualité de témoin au sujet de

15 mes livres, alors qu'il ne les a pas lus et qu'on lui a simplement soumis

16 quelques fragments de mes livres.

17 Je crois que c'est une question très importante qu'il importe de

18 régler avant l'entrée du témoin dans le prétoire.

19 Je suis prêt à interroger ce témoin en qualité de témoin expert, et

20 si maintenant par surprise, vous me mettez face à des faits comme, par

21 exemple, qu'il aurait assisté à des crimes que j'aurais commis, alors, je

22 ne suis pas compétent pour l'interroger. Je ne sais pas de quel crime il

23 pourrait s'agir. Qu'est-ce que je pourrais lui demander de dire ?

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je découvre que vous n'avez pas eu connaissance de

25 la décision que la Chambre a rendue le 30 novembre 2007. Je suis très

26 étonné puisque nous avons donné toute instruction pour que immédiatement

27 cela soit traduit et vous soit communiqué.

28 Je vais simplement vous lire quelques attendus pertinents et le dispositif

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1 pour vous faire prendre connaissance de ce qui avait été indiqué par la

2 Chambre.

3 Alors, la Chambre dans cette décision rappelle que la Chambre peut dans

4 l'exercice de son pouvoir discrétionnaire notamment avoir recours au

5 curriculum vitae, articles, publications ou autres informations relatifs au

6 témoin au sujet duquel la qualification d'expert est requise.

7 La Chambre s'est référée au titre du rapport d'expertise intitulé : "La

8 propagande nationaliste de Vojislav Seselj, contenu technique, objectif et

9 impact," et au contenu de la table des matières contenant une explication

10 sur la méthodologie.

11 Attendu ainsi que compte tenu des sujets traités dans ledit rapport,

12 la Chambre considère que le champ d'expertise d'Anthony Oberschall devrait

13 correspondre aux questions suivantes : la propagande dans les médias de

14 masse en général et en particulier en Serbie, ainsi que la propagande

15 nationaliste de l'accusé.

16 Attendu qu'il apparaît que sur de nombreux articles écrits par

17 Anthony Oberschall, certains ont trait l'ex-Yougoslavie et à la violence

18 dans les Balkans mais que ces articles sont généraux et n'apparaissent pas

19 spécifiquement liés au champ d'expertise tel qu'identifié ci-dessus.

20 Attendu qu'il n'apparaît non plus que Anthony Oberschall ait une quelconque

21 expérience pratique en ex-Yougoslavie ou qu'il soit familier avec le

22 contexte politique, social et culturel dans cette région au contraire la

23 présence d'une traductrice démontre qu'Anthony Oberschall a travaillé à

24 partir de la traduction anglaise des écrits qu'il a analysés dans un

25 domaine où chaque mot utilisé est son interprétation contextuelle et

26 fondamentale.

27 Attendu ainsi que la Chambre estime qu'Anthony Oberschall n'est pas

28 habilité à témoigner en qualité d'expert au sens de l'article de 94 bis du

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1 Règlement sur les matières évoquées dans son rapport.

2 Attendu, cependant, que la Chambre considère qu'il n'y a pas lieu d'écarter

3 ce témoignage compte tenu de sa pertinence au regard de l'acte d'accusation

4 et décide d'entendre Anthony Oberschall comme témoin de l'Accusation.

5 Attendu qu'il conviendra néanmoins que l'Accusation identifie à

6 l'avance clairement le champ de l'interrogatoire principal.

7 Attendu que si l'Accusation souhaite que le rapport d'expertise, y

8 compris ces deux addenda soient versés au dossier comme pièces à conviction

9 en tout ou en partie, les mêmes critères que ceux prévus par tout éléments

10 de preuve seront appliqués.

11 Donc, la Chambre par ces motifs ordonne qu'Anthony Oberschall

12 comparaisse devant la Chambre au titre de témoin de l'Accusation pour être

13 interrogé par les parties et la Chambre.

14 L'Accusation identifie le champ de l'interrogatoire principal

15 d'Anthony Oberschall en communiquant à la Chambre et à l'accusé avant le 7

16 décembre une liste des sujets précis sur lesquels Anthony Oberschall

17 déposera en indiquant les numéros des pages, du rapport d'expertise ainsi

18 que les numéros des extraits étudiés par Anthony Oberschall auxquels il

19 sera fait référence pendant l'interrogatoire principal, que la déposition

20 est donc prévue le 11 décembre. La durée de l'interrogatoire principal ne

21 devra pas excéder trois heures et 45 minutes.

22 Et que l'accusé procédera au contre-interrogatoire pour une durée de

23 trois heures et 45 minutes. Suite à cela, l'Accusation a adressé à la

24 Chambre mais a dû également vous l'adressez. Je ne sais pas si vous l'avez

25 eu un document qui faisait état des sujets que la Chambre avait demandé

26 donc à l'Accusation d'indiquer avec les numéros de pages, les numéros

27 également des documents. Alors ceci a dû vous être traduit et communiqué.

28 Madame Dahl, est-ce que vous avez envoyé à M. Seselj le document que

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1 vous avez envoyé à la Chambre ?

2 Mme DAHL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous avons pris nos

3 dispositions, des dispositions particulières au quartier pénitentiaire pour

4 faire en sorte que les documents soient présentés à M. Seselj.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Si j'ai bien compris, à partir de ce document vous

6 allez aborder la méthodologie, la terminologie, les violences collectives

7 ou l'application en Yougoslavie, les techniques et effets sur la propagande

8 sur les masses par la propagande, et cetera. Tous les points qui sont dans

9 ce document ?

10 Mme DAHL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, alors, ce document, vous l'avez eu

12 ou pas ?

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, je n'ai pas reçu ce

14 document. L'Accusation m'a communiqué uniquement les commentaires et les

15 répliques d'Anthony Oberschall à mon propos liminaire que j'ai prononcé le

16 8 novembre devant la Chambre, et un texte du 23 août 2006 qui est ma

17 notification officielle au sujet de l'audition de ce témoin de

18 l'Accusation. Moi, j'aurais eu le droit de faire appel par rapport à cette

19 décision, mais je n'avais pas la moindre idée du changement de statut de ce

20 témoin qui était censé être un expert.

21 Donc, je suis absolument ébahi. Je me suis préparé à affronter ce

22 témoin avec pratiquement les mêmes mots que ceux qui ont été prononcés par

23 la Chambre et que je viens d'entendre dans le texte de votre décision car

24 vous avez repris quelques uns de mes arguments dans votre décision.

25 Maintenant, je me vois contraint d'interroger cet homme sur d'autres bases.

26 Or, il ne peut être le témoin de rien. Il est peut-être le lecteur de

27 certains extraits de mes livres, mais il n'a pas eu un seul de mes livres

28 en entier.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous faites une erreur. Vous vous êtes préparé à

2 l'entendre à partir du rapport que l'intéressé a fait. L'Accusation,

3 conformément à la décision de la Chambre, a bien préparé son interrogatoire

4 principal sur la base du rapport de l'expert. Simplement pour que tout le

5 monde s'y retrouve, la Chambre a demandé à l'Accusation de bien planifier

6 son interrogatoire principal afin de ressortir plusieurs points qui sont

7 déjà dans son rapport. Simplement, c'est en ordonnancement qui permettra à

8 vous-même et à la Chambre de s'y retrouver.

9 De ce fait, la préparation que vous avez faite ne change absolument

10 pas, rien n'est changé. La seule question que la Chambre aura à déterminer,

11 c'est de savoir parce que vous aviez contesté la qualité de cet expert -

12 vous avez contesté le contenu de son rapport - ce sera de savoir si ce que

13 dit l'expert est vrai ou faux, si c'est utile par rapport à l'acte

14 d'accusation et s'il apparaît que ce que l'expert dit en réponse aux

15 questions que l'Accusation posera et que vous poserez vous-même s'il y a

16 une valeur probante. Et ceci ne pourra être déterminé qu'à la fin de ces

17 deux jours. Il est impossible de dire aujourd'hui si l'homme qui va déposer

18 devant nous est un véritable expert au sens que l'on entend d'habitude, ou

19 si ce qu'il dira revêt un intérêt ou pas pour l'Accusation, pour vous-même

20 et dans l'intérêt de la justice. Voilà

21 Donc, de ce fait, on va introduire le témoin.

22 Oui, Monsieur Seselj.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en prie, j'aimerais encore dire un mot

24 avant l'entrée du témoin. Je suis entière d'accord avec les derniers mots

25 que vous venez de prononcer, Monsieur le Juge, mais il y a une chose que

26 j'aimerais examiner. Si ce témoin est échoue en tant que témoin expert, il

27 n'a pas qualité d'être qualité expert, et dans ce cas, cela signifie qu'il

28 n'est pas qualifié pour se présenter et témoigner devant un tribunal. Donc,

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1 il n'a pas de raison d'être témoin, même simple témoin. Alors, si vous

2 prenez un témoin qui était censé être un témoin expert et que vous le

3 transformez en témoin simple, c'est scandaleux à mon avis. C'est la raison

4 pour laquelle j'indique bien que je ne suis pas opposé à ce qu'on

5 auditionne ce témoin aujourd'hui en interrogatoire principal comme témoin

6 de l'Accusation. Je n'ai pas d'objection, je n'ai pas d'objection non plus

7 à le contre interroger en qualité de témoin de l'Accusation. Mais, je pense

8 qu'il faut tout de même que vous décidiez si, oui ou non, vous l'acceptez

9 en tant qu'expert. Parce que si vous ne l'acceptez pas en tant qu'expert,

10 alors c'est une nullité, il n'a plus qualité d'agir de quelque façon que ce

11 soit, il n'a plus qualité d'être ne serait-ce qu'un simple témoin. Donc,

12 voilà le premier point.

13 Deuxième point, Monsieur le Juge, j'indique qu'il existe des

14 problèmes énormes avec le service de traduction. Je vous ai soumis deux

15 textes, mes collaborateurs ont examiné la traduction en français et en

16 anglais, et ces deux traductions sont effroyablement mauvaises,

17 tendancieuses et inexactes de façon volontaires et mal intentionnée. Donc,

18 si vous n'agissez pas par rapport au service de traduction, cela signifie

19 que les comptes rendu d'audience que vous aurez dans votre Chambre n'auront

20 aucune valeur. Je pense que des sommes importantes peuvent être investies

21 pour avoir de bons traducteurs, je l'ai fait afin d'avoir des traductions

22 valables et les preuves existent puisque j'ai mis tous les détails par

23 écrit.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Le deuxième point, on va examiner ce problème

25 de qualité de traduction.

26 Par ailleurs, je vais demander également à M. Le Greffier, de bien

27 vérifier pourquoi les documents du Procureur n'ont pas été adressés à M.

28 Seselj, et deuxièmement, pourquoi la décision de la Chambre concernant la

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1 qualité de M. Anthony Oberschall, en date du 30 novembre 2007, ça remonte

2 déjà à plus de dix jours, n'a pas été traduite et adressée à M. Seselj.

3 Monsieur Seselj, sur la question de l'expert, je vous rappelle à

4 l'origine, que l'Accusation a fait une requête afin que le rapport de M.

5 Oberschall soit considéré par la Chambre comme un rapport d'expert au sens

6 de l'article 94 bis du Règlement. Vous avez contesté l'intégralité du

7 rapport et la qualité d'expert de l'intéressé conformément à la procédure

8 qui vous est permise de contester cela tel qu'il résulte de l'article 94

9 bis paragraphe (B)(iii). Et je vous le lit cet article que vous connaissez

10 aussi bien que moi : "Si elle conteste la qualité d'expert du témoin ou la

11 pertinence du rapport et ou de la déclaration en tout, tout parti auquel

12 elle indique quelles sont les parties contestées."

13 Donc, l'article 94 bis vous permet de contester cela. La Chambre, au

14 vu de la requête, au vu du rapport, au vu de vos écritures, a estimé qu'en

15 l'état, elle ne pouvait pas dire que ce monsieur pourrait bénéficier de la

16 présomption d'être un témoin expert au sens général. Mais la Chambre a

17 donc, dans sa décision, a statué sur l'admission de son rapport parce que

18 ce que vous savez ou vous ne savez pas, mais si vous ne le savez pas je

19 vous l'indique.

20 La règle générale, quand un expert vient, il est entendu à l'issu

21 donc de l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire. Et la

22 Chambre décide s'il y a lieu d'admettre le rapport. Et il est arrivé que

23 des Chambres ont refusé l'admission du rapport parce que selon les réponses

24 données, selon le contre-interrogatoire, il était apparu en cours

25 d'audience que le témoin présumé expert n'était pas en réalité un expert.

26 Et à ce moment-là, la Chambre décide de ne pas admettre le rapport. Ce qui

27 réduit d'autant le témoignage de l'expert.

28 Voilà le système. Donc, peut-être que la Chambre admettra le rapport ou ne

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1 l'admettra pas, mais tout ça ce sera en fonction de l'éclairage que le

2 Procureur donnera dans les questions et de l'éclairage que vous donnerez

3 lors du contre-interrogatoire, et la Chambre décidera d'admettre ou de ne

4 pas admettre ce document. Voilà ce que je voulais vous dire.

5 Oui, Monsieur Seselj.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis entièrement d'accord, Monsieur le Juge.

7 Tout cela ne pose aucun problème. Mais je suis opposé simplement à une

8 chose : si en définitive vous décidez de ne pas accepter le rapport de

9 l'expert et que vous le transformiez en simple témoin, moi, je pense que ça

10 c'est absolument impossible. Si le rapport de l'expert n'est pas admis en

11 tant que rapport d'un expert, alors, l'expert n'a plus aucune qualité, il a

12 échoué. Voilà c'est mon avis dans ce cas concret.

13 Ensuite, son témoignage ne peut absolument plus pris en considération. Il

14 doit sortir du prétoire et sortir. Il ne peut pas être simple témoin non

15 plus.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez tout à fait raison, comme vous dites, s'il

17 a échoué. Ce sont vos propres termes. La Chambre n'en tiendra pas compte,

18 et la Chambre dans son jugement ne fera aucune référence à ce témoignage.

19 En revanche, si la Chambre admet le rapport, la Chambre dans son jugement y

20 fera référence.

21 Donc, il n'y a pas de contradiction entre ce que la Chambre pense et ce que

22 le Règlement prévoit.

23 Oui, Madame Dahl, pour répliquer à ce que vient de dire

24 M. Seselj ?

25 Mme DAHL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ecoutez, j'estime

26 que c'est maintenant vraiment une question purement théorique. En fait, si

27 l'on prend le critère du 89(C), en fait, si on admet la déposition au -- de

28 la pertinence et la valeur probante. Il n'y a pas, en fait, de seuil

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1 différent de déposition d'un témoin expert. Ceci est clairement indiqué

2 dans la décision du 30 novembre, et nous allons présenter à la Chambre des

3 éléments d'information qui lui permettront de déterminer si, oui ou non, M.

4 Oberschall dispose des critères ou répond aux critères du 94 bis, à savoir

5 s'il a des quelconques connaissances spécialisées ou formations qui

6 pourront aider la Chambre à essayer de déterminer les faits dans cette

7 affaire pour essayer de comprendre les questions contestées.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on va introduire le témoin.

9 Madame l'Huissière.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore un mot simplement, si vous me le

11 permettez.

12 Monsieur le Juge, encore un point, si vous me le permettez.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai rien contre à ce que la Chambre

15 apprécie la valeur probante de quelques pièces à conviction de quelques

16 éléments de preuve que ce soit, mais je vous demanderais de bien vouloir

17 dire comment ce soi-disant témoin expert au cas où il échouerait en tant

18 que témoin expert pourrait être traité en qualité de simple témoin ? C'est

19 ça qui est inconcevable. C'est absolument impossible. C'est le fond de mon

20 observation parce que je me prépare à entendre son témoignage d'expert au

21 plus précis. Voyez-vous. Mais comment est-ce qu'il aurait échoué en qualité

22 de témoin expert il peut devenir un simple témoin ? Voilà ce que je

23 conteste. C'est la seule chose, et je crois que c'est absolument impossible

24 que la Chambre de première instance l'accepte. Tout le reste est possible.

25 Moi, je n'ai rien contre le début de l'interrogatoire principal de ce

26 témoin expert, mais ce qui est absolument impossible c'est que son

27 témoignage d'expert échoue et qu'à ce moment-là il soit considéré comme

28 simple témoin. Selon l'article 89(F) du Règlement, on peut verser au

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1 dossier un élément de preuve en tant que pièce à conviction dès lors que sa

2 valeur probante est démontrée, mais la valeur probante ne peut pas résider

3 dans le fait que quelqu'un a lu quelques extraits de mes ouvrages, et

4 ensuite, commente ces quelques extraits. Ça, ça n'a aucune valeur probante.

5 On sait bien ce qui signifie l'expression valeur probante. Pour que quelque

6 chose ait une valeur probante, il faut qu'il s'agisse d'un élément de

7 preuve authentique, valable.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous avons enregistré ce que vous avez

9 dit et la Chambre appréciera en fonction des questions, des réponses et du

10 contre-interrogatoire.

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

13 entendez bien dans votre langue la traduction de mes propos. Si c'est le

14 cas, dites que vous me comprenez.

15 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur, pour la déclaration

17 solennelle, je vous demande de vous lever.

18 Vous allez d'abord me donner pour le besoin du transcript, votre nom,

19 prénom, et date de naissance.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Anthony Oberschall. 4 décembre 1936.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- profession actuelle ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à la retraite, et je suis

23 professeur honoraire.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

25 LE TÉMOIN : [interprétation] L'université de Caroline du nord, Chapel

26 Hill, Etats-Unis d'Amérique.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : -- déjà témoigné devant un Tribunal sur les

28 faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie, ou bien, c'est la

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1 première fois que vous témoignez ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- le serment.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

5 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 LE TÉMOIN : ANTHONY OBERSCHALL [Assermenté]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- veuillez vous asseoir.

9 Alors, avant de donner la parole à Mme le Procureur, quelques brèves

10 informations de ma part.

11 Vous avez été donc cité à comparaître à la demande de l'Accusation, pour

12 témoigner sur un certain nombre de sujets qui peuvent intéresser la

13 compréhension de l'affaire, dont la Chambre est actuellement saisie.

14 Comme nous sommes dans une procédure de type accusatoire, vous aurez dans

15 un premier temps à répondre aux questions que Mme Dahl va vous poser tout

16 au long de cette journée, et elle vous présentera également des documents.

17 A l'issue de cette phase, l'accusé,

18 M. Seselj, qui se trouve situé donc à votre gauche, aura la journée donc de

19 demain pour procéder au contre-interrogatoire.

20 Les trois Juges qui sont devant vous pourront à tout moment également

21 intervenir en vous posant des questions soit à partir des documents soit en

22 fonction des réponses que vous donnez aux uns et aux autres.

23 Nous faisons des pauses de 20 minutes toutes les heures et demie, comme

24 nous avons commencé à 9 heures, nous terminerons donc à 10 heures 30, par

25 une pause de 20 minutes, et nous reprendrons jusqu'à 13 heures 45.

26 Si à un moment donné vous voulez interrompre pour une raison quelconque

27 l'audience, n'hésitez pas à nous le demander. Et à ce moment-là, nous

28 interromprons donc l'audience et notamment si vous éprouvez un malaise

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1 quelconque.

2 Voilà, donc, de la façon générale dont va se dérouler cette audience.

3 Essayez dans la mesure du possible d'être bref et concis dans vos réponses.

4 Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à demander à

5 celui qui vous pose la question de la reformuler. Voilà.

6 Madame Dahl, vous avez la parole.

7 Interrogatoire principal par Mme Dahl :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Oberschall.

9 R. Bonjour, Madame le Procureur.

10 Q. D'abord, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de vos

11 qualifications en tant qu'expert des manipulations de l'opinion publique

12 par le biais de la propagande ainsi que des méthodes utilisées par les

13 dirigeants politiques serbes en la matière, et en particulier par le Dr

14 Seselj, par M. Seselj.

15 Quelle formation avez-vous suivie ?

16 R. J'ai un doctorat de sociologie, et j'ai enseigné à l'université en

17 qualité de professeur depuis 40 ans.

18 Q. Qu'enseignez-vous ?

19 R. J'enseigne la sociologie politique, les mouvements sociaux, les études

20 relatives à la guerre et à la paix, et des questions plus particulières et

21 des régions particulières sur ces sujets, notamment l'Europe de l'est et

22 les Balkans.

23 Q. Avez-vous publié des articles, un ouvrage ou des écrits au sujet des

24 conflits et de la construction de la paix ?

25 R. Oui, au mois de mars de cette année, j'ai fait publié un ouvrage

26 intitulé : "Conflit et construction de la paix dans les sociétés divisées,

27 réponses à la violence ethnique." Dans cet ouvrage, je consacre un chapitre

28 entier à la situation yougoslave aux Balkans de façon plus générale et

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1 notamment à la disparition de la paix dans cette région et aux accords de

2 paix qui s'en sont suivis.

3 Q. Quel travail avez-vous accompli pour rédiger cet ouvrage ?

4 R. C'est un ensemble de diverses activités que j'ai menées pendant 15 ans

5 et qui n'étaient pas centrées uniquement sur la situation yougoslave ou sur

6 la situation de la Bosnie même si ces deux sujets ont occupé une place

7 centrale dans ce travail. Donc, j'ai travaillé beaucoup sur des archives,

8 sur des documents en procédant à des recherches théoriques et historiques

9 qui m'a amené à examiner une masse de documents. J'ai également fait

10 plusieurs voyages dans l'ex-Yougoslavie. Le premier en 1998 où j'ai

11 interrogé pas mal de représentants des médias, de dirigeants politiques, de

12 réfugiés à Belgrade, Sarajevo, Banja Luka, Bihac, Zagreb, et sans doute

13 d'autres localités dont j'ai du mal à me rappeler le nom. Ce voyage a duré

14 trois semaines. Ensuite, en 2001, j'ai fait un deuxième voyage dans la

15 région, et l'année dernière, j'ai encore une fois passé deux semaines à

16 faire des recherches en compagnie d'un étudiant bosniaque. Donc, je suis

17 allé en Bosnie pour y étudier la reconstruction postérieure à la guerre. Ça

18 c'est un projet que j'ai fait pour l'université de Trento, qui m'a invité à

19 essayer d'obtenir une bourse pour faire cette recherchée. J'ai réussi à

20 obtenir la bourse en question, et donc, voyez-vous, je m'intéresse de façon

21 très continue à cette région davantage du point de vue de la construction

22 de la paix que du point de vue des conflits.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un problème. Le compte rendu ne fonctionne

24 pas. Alors, le Greffier va faire venir un technicien. "It's okay." Bien.

25 Alors, apparemment ça remarche.

26 Alors, Madame Dahl, reposez votre question parce qu'elle n'a pas été

27 transcrite.

28 Non, ça -- alors on recommence.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux y aller.

2 L'INTERPRÈTE : Signe négatif de la tête de Mme Dahl.

3 [Problème technique]

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Alors, là, apparemment, ça doit marcher.

5 Mme DAHL : [interprétation] Je vais en revenir à ma dernière question. Je

6 souhaitais que vous présentiez des informations aux Juges de la Chambre au

7 sujet des études sur le terrain, ou études théoriques que vous avez pu

8 réaliser au sujet de l'ex-Yougoslavie.

9 Q. Avec quelle université avez-vous effectué ce travail relatif à la

10 reconstruction et aux nouveaux démarrages du développement en 2006 ?

11 R. En 2006, l'université de Trento mais au point un projet qui était

12 centré sur les questions liées à la reconstruction et au nouvel essor du

13 développement et ils avaient besoin de l'aide d'un certain nombre de

14 chercheurs et d'intellectuels pour participer à ce projet et c'est ce que

15 nous avons fait.

16 Nous avons bénéficié de fonds issus du projet de la Communauté européenne

17 Erasmus, et nous sommes allés à Trento où nous avons finalement effectué un

18 voyage de deux semaines sur le terrain, ce qui a aussi aidé les étudiants

19 participant à ce projet à mieux travailler. Ce voyage nous a amené donc en

20 Bosnie. Pour ma part, j'ai procédé à des interviews à Sarajevo et à Bihac,

21 et j'ai revu donc en 2001 en particulier certaines personnes que j'avais

22 déjà interrogées en 1998, donc, j'ai pu vérifier et comparer les

23 informations reçues de ces personnes. Depuis le projet se poursuit, ce que

24 je veux dire, ce que je veux dire c'est qu'il a commencé à l'époque. Moi,

25 j'ai pris ma retraite, je fais autre chose mais le projet se poursuit et je

26 suis très heureux qu'il le fasse.

27 Q. Où se trouve l'université Trento ?

28 R. Dans le nord de l'Italie. C'est une université très connue.

Page 1965

1 Q. Avez-vous publié des articles dans la presse au sujet de la

2 manipulation de l'appartenance ethnique en rapport avec les guerres dans

3 l'ex-Yougoslavie ?

4 R. Oui.

5 Q. A quel moment ?

6 R. L'article principal publié par moi a paru en 2000, je crois, dans le

7 journal qui a pour titre : "Etudes raciales et ethniques," d'ailleurs

8 j'indique au passage que c'est une publication qui est connue

9 internationalement.

10 C'est, en fait, le magazine numéro 1 lorsqu'il s'agit de s'occuper de

11 questions liées à l'appartenance ethnique. Cet article a été réimprimé à

12 plusieurs reprises. Le titre est le suivant : "De la coopération

13 interethnique à la violence et à la guerre," et puis, il y a un autre

14 article qui s'intitule : "Manipulation de l'appartenance ethnique qui

15 débouche -- qui à partir de la coopération débouche sur la violence et la

16 guerre en Yougoslavie." Cet article est paru en novembre 2000.

17 Q. Lorsque vous avez effectué vos premières recherches dans la -- sur le

18 territoire de l'ex-Yougoslavie, comment est-ce que vous travaillez avec les

19 gens que vous rencontriez ? Est-ce que vous recouriez au service

20 d'interprètes et de traducteurs ?

21 R. Oui, en général, je dispose toujours de l'aide d'étudiants

22 universitaires ou d'étudiants dans les dernières années du secondaire.

23 Mais, par ailleurs, j'ai une grande chance, j'ai la chance de parler

24 l'allemand et le français, deux langues que j'ai apprises avant d'apprendre

25 l'anglais car mes parents ont émigré aux Etats-Unis lorsque j'avais 15 ans.

26 A Belgrade, les intellectuels -- les universitaires parlent français, donc,

27 nous pouvions communiquer en français.

28 En Bosnie et en Croatie, les intellectuels - mais même aussi un certain

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1 nombre de ceux que j'appellerais les citoyens ordinaires -parlent souvent

2 l'allemand parce qu'il y a parmi eux de nombreux émigrés économiques qui

3 sont partis travailler en Allemagne, donc, la plupart du temps je pouvais

4 leur poser mes questions en allemand et ils répondaient en serbo-croate et

5 cela m'était interprété, mais quelquefois, il arrivait aussi que nous

6 puissions communiquer directement en allemand. Parmi les plus jeunes, il y

7 en a qui parle assez bien l'anglais. Donc, voilà, et s'il n'y avait aucune

8 langue que je pouvais parler avec eux, si nous ne partagions aucune langue,

9 j'ai utilisé le service d'un interprète. Mais, tout cela a très bien

10 fonctionné.

11 Q. Que vous a-t-on demandé de faire eu égard au procès de Vojislav Seselj

12 ?

13 R. On m'a prié d'analyser le contenu d'une collection de volumes édités

14 par lui je crois ou en tout cas édités par quelqu'un à Belgrade. Cette

15 collection ne contient pas simplement des textes écrits par lui, mais aussi

16 la transcription d'interviews à la radio, à la télévision, la transcription

17 d'allocutions prononcées par lui en public. Voyez, tout document similaire,

18 et ce, bien sûr, dans une --dans une période bien circonscrite qui va de

19 1990 à 1994. On m'a demandé également d'examiner son discours sur les

20 relations politiques entre les Serbes et les non-Serbes, autrement dit,

21 d'étudier les discours nationalistes qu'il a pu prononcer dans cette

22 période de 1990 à 1994, et tout cela en veillant bien à prendre en compte

23 également les interviews à la télévision et à la radio, les écrits, les

24 discours à l'assemblée du pays de façon à ne rater aucun des publics

25 auxquels il a pu s'adresser.

26 Q. Avant que nous ne penchions sur la méthode que vous avez utilisée pour

27 procéder à cette analyse de contenu --

28 R. Oui.

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1 Q. J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de la nature des

2 textes que vous avez pu lire et de la difficulté que vous avez pu

3 rencontrer à interpréter ou à comprendre les documents en question qui

4 devaient être traduits.

5 Avez-vous pu bien comprendre ce que disait M. Seselj dans son

6 discours politique ?

7 R. J'avais Mme Bela Maric, qui est de langue maternelle serbo-croate et

8 qui à l'époque était diplômée universitaire en études slaves et également

9 candidate à un doctorat en linguistique, ce qui fait une combinaison très

10 intéressante parce que c'est quelqu'un qui s'intéresse aussi bien à la

11 littérature qu'à la langue. C'est elle qui a traduit les documents dont

12 j'ai analysé le contenu.

13 Ces textes étaient extrêmement simples, on n'y trouvait rien de

14 particulièrement subtiles. D'ailleurs, c'est toujours le cas dans les

15 discours nationalistes, il ne s'agit pas de traduire la poésie de

16 Baudelaire ou quoi que ce soit de ce genre. Des phrases comme "amputer la

17 Croatie" sont tout à fait claires, on ne peut pas y chercher un subtil

18 double sens caché, c'est une phrase qui dit exactement ce qu'elle dit.

19 Simplement, Mme Bela Maric m'a parfois rappelé quelques détails relatifs au

20 contexte ou quelques détails de l'histoire qui me permettaient de mieux

21 saisir la teneur du texte. Tout cela s'est passé sans le moindre heure, je

22 n'ai eu absolument aucun problème.

23 Q. Je vais ménager une pause entre la fin de vos réponses et le début de

24 mes questions car je tiens beaucoup à ce que les interprètes puissent nous

25 suivre.

26 R. Oui.

27 Q. Quand j'ai lu votre rapport, j'ai remarqué que vous citiez des auteurs

28 et des représentants politiques qui ont écrit un certain nombre de choses

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1 sur le conflit en question après avoir fait leur propre recherche dans la

2 région. J'ai bien compris, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Pourquoi --

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection. Vous

6 m'autorisez à formuler mon objection ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le procureur ne peut pas poser de questions

9 directrices à cet expert comme c'est toujours le cas dans quelque

10 interrogatoire que ce soit. Le Procureur n'a pas le droit de faire une

11 constatation et ensuite de demander : "Est-ce que j'ai raison de…" Le

12 Procureur doit poser des questions directes : Quoi, comment, où, ce qui

13 permet au témoin de répondre librement sans qu'il ait suggestion comme cela

14 vient d'être le cas.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dans l'interrogatoire principal, il ne peut

16 pas y avoir de questions suggestives. Et quand vous dites : "Est-ce que je

17 comprends correctement," vous appelez une réponse et il répond d'ailleurs

18 "yes" à la ligne 22 de la page 19. Donc, reformulez votre question.

19 Mme DAHL : [interprétation]

20 Q. Quels universitaires et représentants politiques vous avez consultés

21 pour en apprendre davantage et vous préparer à faire cette analyse

22 détaillée que vous avez faite au sujet de la situation dans l'ex-

23 Yougoslavie ?

24 R. Ces auteurs sont cités dans mon rapport et il s'agit des sources

25 principales qui ont pu discuter du démantèlement de la Yougoslavie, de

26 l'histoire de la Yougoslavie, du conflit dans l'ex-Yougoslavie, et cetera.

27 Durant les dix dernières années, j'ai participé à pas mal de conférences où

28 j'ai rencontré ces auteurs. Il y en a certains que je connais

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1 personnellement, je fais donc référence à leur travail et d'ailleurs, si

2 vous me permettez de m'expliquer un peu sur ce sujet, je dirais que dans

3 les sciences sociales, nous savons certaines choses sur le démantèlement de

4 la Yougoslavie et ainsi que sur les techniques de persuasion, la propagande

5 et d'autres méthodes de communication de masse qui ont été utilisées à

6 cette fin. Ce n'est pas quelque chose que j'ai inventé, c'est un édifice

7 énorme qui se compose d'un très grand nombre de briques mises les unes sur

8 les autres pour bâtir un bâtiment assez impressionnant que je défini comme

9 étant "la connaissance." Les briques en question, ce sont les éléments de

10 construction, et d'ailleurs, les Juges de la Chambre vont prendre en compte

11 des précédents judiciaires qui viennent des années passées et de systèmes

12 judiciaires différents de la planète d'ailleurs. C'est sur cet édifice

13 constitué d'un grand nombre de briques que les Juges vont ajouter des

14 éléments de construction supplémentaires à l'heure actuelle. Moi, j'ai fait

15 un peu la même chose en citant un certain nombre d'auteurs et en citant des

16 sources.

17 D'ailleurs, il y a aussi des recherches qui ont été menées en Serbie,

18 des chercheurs ont travaillé sur le contenu des masses média, et ont

19 commenté les mêmes sujets que ce que j'ai étudié moi-même. Alors, j'ai le

20 sentiment qu'il fallait les citer aussi, d'ailleurs dans la plupart des

21 cas, eux et moi sommes d'accord.

22 Q. Pourriez-vous synthétiser à mon intention les conclusions que vous avez

23 atteintes après la lecture et l'analyse des allocutions prononcées par M.

24 Seselj ?

25 R. Je crois qu'au stade où nous en sommes, il serait bon que je vous donne

26 une idée concrète du genre de discours nationalistes qui a pu être prononcé

27 par M. Seselj. Conclusion que je tire à partir de l'analyse de contenu à

28 laquelle j'ai procédée. J'essaie de situer tout cela dans mon rapport et,

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1 bon, je n'arrive pas à trouver le passage exact, alors, je vais me

2 paraphraser moi-même. Enfin, s'agissant des discours et autres expressions

3 de M. Seselj au sujet des rapports politiques entre les Serbes et les non-

4 Serbes, je dirais que le contenu de ces discours, aussi bien du point de

5 vue du sujet abordé par lui que de la technique utilisée par lui, il s'agit

6 "d'un nationalisme xénophobe," comme je l'appelle, donc, exacerbé, avec

7 répétition incessante. Ce qu'il dit ne change pas au fil des années, en

8 tout cas, pour les années que j'ai étudiées, et ce qu'il dit ne change pas

9 en fonction du média dans lequel il s'exprime ou du public devant lequel il

10 s'exprime.

11 Son discours se compose d'un certain nombre d'éléments que j'ai décrypté,

12 et j'espère qu'on rentrera dans les détails un peu plus tard. Mais, en tout

13 cas, ce qui est tout à fait typique du discours de Seselj, c'est de

14 commencer par glorifier les Serbes, qui sont présentés comme un grand

15 peuple, transformés en victimes, parce qu'il y a toujours cette composante

16 victime dans ces discours. Un peuple qui est devenu victime à cause

17 d'ennemis extérieurs, et d'ennemis internes, qui a lésé les Serbes pendant

18 toute son histoire passée et continue à le faire dans le présent. Par

19 ailleurs, les Serbes sont sous la menace, donc, d'ennemis extérieurs et

20 d'ennemis intérieures; et la réaction à ces menaces consiste à agir pour

21 éliminer la source de cette menace en recourant à des moyens violents et

22 agressifs.

23 Les solutions qu'il propose pour régler ce problème que pose les relations

24 entre Serbes et non-Serbes sont les suivantes : n'admettre aucun compromis,

25 même s'il affirme qu'il est préférable que la solution soit non violente,

26 mais la solution qu'il propose à l'adversaire c'est une solution qui est

27 prônée par lui mais qui ne souffre pas du moindre compromis. Donc, en

28 l'absence d'une seule chose qui est le fait que l'adverse doit se soumettre

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1 totalement à la grandeur de la Serbie et à ce concept de Grande-Serbie qui

2 doit succéder à la Yougoslavie, donc, s'il n'y a pas une soumission

3 complète comme celle-ci il n'y a pas d'autre solution. Il faut donc se

4 lancer dans l'action et cette action cela implique de lancer un conflit

5 armé de faire du nettoyage ethnique et d'annexer les plus grandes parties

6 de la Croatie et peut-être même d'autres régions de l'ex-Yougoslavie donc

7 de les annexer à la Serbie.

8 Donc, finalement, tout cela vous donne une idée assez claire du contenu que

9 j'ai pu trouver après examen de plus de 400 textes différents reprenant les

10 allocutions prononcées par Seselj entre 1991 et 1994.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, juste une question de suivi, par

12 rapport à ce que vous venez de dire, qui semble résumer l'intégralité de

13 votre rapport. En vous écoutant bien, vous avez donc expliqué en quoi le

14 nationalisme exacerbé se manifestait, je cite : "La glorification des

15 Serbes à un grand peuple, le fait qu'il y ait eu des victimes, des ennemis,

16 ennemis intérieurs, ennemis extérieurs, et ensuite qu'il fallait donc agir,

17 sans acceptation d'un compromis quelconque, et au niveau de l'action, vous

18 avez déterminé les deux formes d'actions, notamment le nettoyage ethnique."

19 Très bien. C'est votre conception des choses. Mais moi la question en tant

20 que Juge, que je me pose : quelle est la différence avec un discours

21 politique classique que l'on entend tous les jours ? Je ne vais pas citer

22 un cas, mais tout le monde peut avoir un cas à l'esprit. Quelle est la

23 différence entre un discours politique que tiennent des hommes politiques

24 tous les jours et par rapport à ce que vous venez de dire ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis content que vous ayez posé cette

26 question. En science politique, et d'ailleurs, dans l'heure du discours, il

27 y a le discours appelé "discours délibératif." Et c'est ce qui se fait dans

28 des assemblées, comme le parlement britannique, par exemple, ou dans le

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1 cadre de toutes sortes de débats publics dans les démocraties occidentales,

2 et d'ailleurs, il y a eu des analyses de contenu qui ont été faites sur ce

3 type de discours, il y a beaucoup d'articles à ce propos d'ailleurs.

4 Si on étudie les différentes catégories de codage que j'ai utilisées pour

5 catégoriser ce type de discours et si comme je l'ai fait, vous vous penchez

6 sur les manuels de discours, dans mon université, par exemple, on apprend

7 les discours et on utilise des manuels à ce propos d'ailleurs. Quand on

8 regarde le sommaire de ces manuels, on ne voit pas de chapitre menace,

9 peur, représailles, revanche. Ce type de catégories qui dans un discours

10 nationaliste, surtout un discours nationaliste xénophobe d'ailleurs toutes

11 les analyses de propagande qui ont été faites après la Deuxième Guerre

12 mondiale à propos de la propagande Nazi, tout comme la propagande alliée

13 d'ailleurs. On voit qu'il y a quand même deux types de discours qui

14 emploient des thèmes parfaitement différents. La différence entre la

15 propagande d'un côté et le discours délibératif, je vais vous donner la

16 définition de la "propagande" : "La propagande c'est l'emploi délibéré --

17 on veut délibérément lancer des idées sans savoir si elles sont vraies ou

18 fiables."

19 Avec des menaces et histoire de faire naître la peur chez les gens pour

20 qu'ils aient peur les uns les autres, et qui n'aient plus confiance les uns

21 vers les autres.

22 Donc, la différence entre ce que j'ai étudié dans le discours du Dr Seselj

23 et ce que mon collègue, Jurg Steiner, qui lui analyse les discours qui sont

24 prononcés dans les parlements européens, là, on a l'impression de vivre

25 dans deux mondes parfaitement différents avec deux discours totalement

26 différents.

27 Certes, il y a des hommes politiques qui emploient un discours un peu

28 "borderline" - si je puis dire - comme Hugo Chavez, par exemple. En ce

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1 moment, il y a des chefs politiques, des dirigeants politiques qui sont un

2 peu plus près du type de discours du Dr Seselj le discours nationaliste

3 xénophobe beaucoup plus près de ça que du discours des parlementaires

4 européens.

5 Je pense que c'est à peu près ma réponse.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

7 Madame Dahl.

8 Mme DAHL : [interprétation]

9 Q. Que se passe-t-il lorsque des hommes politiques prononcent des discours

10 de menace ?

11 R. Les conclusions des universitaires en psychologie et en psychologie

12 sociale et en psychologie politique, donc, les personnes qui ont étudié les

13 effets des discours et des messages de masse média sur les croyances des

14 personnes et sur les comportements des personnes ont remarqué que le

15 stimuli le plus important c'est le stimuli de menace. C'est la stimulation

16 la plus importante. Ce qui fait naître la peur dans le public et augmente

17 leur niveau de peur. Si c'est répété suffisamment souvent, les gens qui

18 entendent et qui écoutent ces messages vont demander de l'action pour que

19 l'on se débarrasse de cette menace.

20 Alors, on peut se débarrasser d'une menace en l'évitant mais nous ne sommes

21 plus à l'âge de cueilleurs chasseurs où on peut tout simplement changer de

22 vallée. Donc, ces messages de peur résultent en une audience, à un public

23 qui est prêt à soutenir des chefs politiques qui sont prêts à utiliser la

24 violence ou des moyens agressifs pour éliminer cette menace.

25 Dans toutes les recherches sur l'impact de la propagande, on voit bien que

26 la stimulation la plus forte a toujours été la menace. En l'espèce c'est

27 menace envers un groupe, envers une nation plutôt que menace envers une

28 seule personne.

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1 D'ailleurs, cette menace n'a pas besoin d'être une menace uniquement

2 physique, ça pourrait être une menace démographique, ou par exemple voilà

3 un autre groupe à côté de nous dont le nombre augmente alors que nous nous

4 déclinons en nombre. Ça peut être aussi une menace culturelle, c'est-à-dire

5 nous perdons nos traditions, nous perdons notre valeur, nous perdons notre

6 mode de vie parce que nous nous assimilons à l'autre groupe. Ça peut être

7 aussi la peur économique, la menace économique. Ils réussissent alors que

8 nous nous ne faisons que nous appauvrir et puis il y a aussi, bien sûr, les

9 menaces physiques, ils veulent nous tuer. Ils veulent nous expulser. Ils

10 veulent nous jeter dehors de notre pays.

11 D'ordinaire d'ailleurs on combien toutes ces menaces. D'ailleurs, dans --

12 au vu de ce que j'ai lu à un moment ou à un autre, le Dr Seselj rentre

13 toujours -- emploie toujours l'une ou l'autre de ces catégories.

14 Q. Très bien. Avant de regarder le rapport et certains exemples trouvés

15 dans les discours de M. Seselj, j'ai quelques questions à vous poser à

16 propos de l'analyse de contenu.

17 R. Oui.

18 Q. Pouvez-vous nous dire ce que c'est exactement ?

19 R. L'analyse de contenu c'est quelque chose que l'on fait depuis que le

20 débat existe même à Athènes, dans l'Athènes antique on le faisait déjà.

21 Mais dans l'analyse de contenu moderne, on a tendance à avoir une approche

22 plus quantitative et qualitative donc c'était développé principalement pour

23 analyser la propagande employée pendant la Deuxième Guerre mondiale. J'ai

24 étudié l'analyse de contenu d'ailleurs avec Bernard Berelson, qui a écrit

25 un grand livre sur l'analyse de contenu dans les années 50. A l'époque, on

26 n'avait pas encore d'ordinateur, or, grâce au logiciel, on peut repérer

27 beaucoup plus rapidement les choses dans les discours et c'est employé

28 depuis une dizaine d'années d'ailleurs, quelques dizaines d'années.

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1 Mais l'analyse des contenus, c'est étudier les textes et prendre dans

2 le discours de quelqu'un ce qui vous va, une phrase ici une phrase là,

3 ensuite on compile tout cela, et ainsi on identifie un grand nombre de

4 textes de ce type qui portent sur un thème spécifique, on les analyse tous

5 en employant un code identique. Donc, on recherche toujours la même chose

6 dans ces textes.

7 Le code que j'ai employé se trouve, en fait, en bas de chaque

8 enregistrement et il y a deux sujets principalement. J'ai identifié des

9 thèmes à partir de la littérature nationaliste et j'ai identifié les

10 techniques venant d'analyse de la propagande. Donc, dans chacun des textes

11 que nous avons sélectionnés, j'ai analysé les textes pour ces deux choses,

12 thème et technique.

13 On a tendance, en fait, les deux sont liés, si je puis dire, donc, le

14 thème c'est glorification de groupe interne, le stéréotypage négatif de

15 l'autre, de l'adversaire, menace interne envers les Serbes, la menace est

16 toujours importante. On le voit bien. Le

17 Dr Seselj menace aussi les autres dans un grand nombre de ces textes que

18 j'ai étudiés. Il s'attend à la violence, il est intransigeant. Il n'admet

19 pas la non violence comme moyen de gestion de crise. Menace envers les

20 Serbes, expulsion, échange de population, revanche, représailles,

21 rétribution. Ensuite, le fait de savoir qui a commencé, donc, faire

22 endosser la faute à l'autre, en anglais. Donc, tout ceci se trouve dans la

23 littérature nationaliste, bien sûr, n'a uniquement dans le discours du Dr

24 Seselj, ceci est tout à fait standard. C'est le discours de base de tout

25 nationaliste.

26 Q. Vous parlez de "techniques de persuasion;" qu'est-ce exactement ?

27 R. Les techniques de persuasion c'est ce que j'ai codé ensuite, c'est

28 quand on emploie des stéréotypes, des étiquetages, des généralisations, des

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1 informations erronées, un discours de menace, ça c'est à la fois une

2 technique et un thème. La partie importante du discours de menace des

3 Serbes revienne sans cesse sur les atrocités passées commises contre les

4 Serbes. Il en parle tout le temps. Je pensais qu'il était important de

5 faire ici une distinction quand on était dans la catégorie victimisation

6 des Serbes -- menace aux Serbes, et ensuite, il y a victimisation aussi.

7 Donc, il s'agit de techniques bien connues, ce sont des techniques de

8 propagande très connues. On appelle ça : "Techniques de persuasion."

9 C'était un terme plus agréable à entendre.

10 Mais je n'ai pas codé la répétition. Je mesurais la répétition uniquement à

11 l'aide d'un comptage, donc, je comptais le nombre de fois ces thèmes donc

12 victimisation, stéréotype négatif était employé dans tous ces textes.

13 Q. Comment avez-vous sélectionné les textes ou les textes à étudier ?

14 R. Nous avions environ 40 volumes disponibles.

15 Q. Mais de qui venaient-ils ?

16 R. Ce sont des publications du Dr Seselj. Ses discours, ses apparitions

17 télévisées, son allocution télévisée, je crois que ceci était édicté ou

18 publié par une maison d'édition, donc, qui était publié par son parti

19 politique d'ailleurs. Donc, il ne s'agit pas de notre compilation mais de

20 la sienne. C'est sa compilation de ses écrits.

21 Certains volumes n'étaient pas pertinents parce qu'ils ne couvraient pas la

22 période 1991-94. Donc, on ne les a pas étudiés. On les a laissés de côté.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Monsieur le Témoin --

24 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

25 M. LE JUGE ANTONETTI : -- mon intention vient de s'éveiller d'un seul coup.

26 Vous dites que vous n'avez pas tenu compte de certains écrits parce que ce

27 n'était pas dans la période pertinente 1991-94, C'est un choix volontaire

28 que vous avez fait ? Alors, même que peut-être entre ce qui n'était pas

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1 dans ces périodes, il pourrait y avoir une certaine logique, pourquoi

2 amputer une période sans examiner ce qui pouvait être hors période ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, tout commence vers 1989-90. Nous

4 avons inclus un certain nombre de textes venant des années de 1990. Il est

5 vrai que j'ai pris cette décision. On m'a demandé de travailler sur 1991-94

6 parce que l'acte d'accusation porte justement sur cette période. Enfin, si

7 j'ai bien compris, l'acte d'accusation porte sur 1991 à 1994.

8 C'est bien cela, n'est-ce pas, Madame Dahl ?

9 Mme DAHL : [interprétation]

10 Q. Oui, en règle générale.

11 R. Donc, c'est pour ça que je me suis attaché à ces années-là. Mais je

12 tiens à dire que nous avons quand même --

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le Procureur

14 crée la confusion dans l'esprit de son témoin en confirmant la supposition

15 exprimée par le témoin selon laquelle l'acte d'accusation me concernant

16 porte sur la période 1991-94, ce qui est inexact car l'acte d'accusation

17 dressé à mon encontre couvre la période qui va de la mi-1991 à septembre

18 1993. Or, le témoin expert est en train de travailler dans l'idée que ce

19 qu'il a dit était exact.

20 Mme DAHL : [interprétation] Nous avons étudié les enregistrements --

21 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

22 Mme DAHL : [interprétation] -- jusqu'en 1994 dans la mesure où ils

23 écrivaient ou expliquaient les intentions de M. Seselj et ses motivations

24 pour ce qu'il a fait au cours de la période reprise dans l'acte

25 d'accusation.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Suite à ce que vient de dire

27 M. Seselj par rapport à votre affirmation, vous avez dit que vous êtes

28 préoccupé de 1991 à 1994. L'acte d'accusation s'arrête en septembre 1993,

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1 donc, vous avez été au-delà.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que j'ai commencé un tout petit peu

3 avant de toute façon et je suis allé un petit peu au-delà

4 --

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- très prudente.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- bien, ma question était motivée pour la raison

8 suivante. Je ne sais pas ce qu'a écrit, M. Seselj, dans les années 80, 70,

9 je n'en sais strictement rien. Mais imaginons qu'il aurait écrit en 1970-80

10 les mêmes choses qu'il a écrit en 1991-94 - parce qu'il y avait 1991-94,

11 une situation politique particulière qui est le démantèlement de l'ex-

12 Yougoslavie - mais s'il avait écrit les mêmes choses avant, qu'est-ce que

13 vous auriez dit ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qu'il aurait écrit à propos d'une situation

15 hypothétique alors qu'il était en prison, je n'arrive pas bien à comprendre

16 ce que cela signifie.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez indiqué qu'il était en prison, oui. M.

18 Seselj, à un moment donné de sa vie, s'est retrouvé incarcéré. Mais si

19 avant 1991, il avait abordé les thèmes de la Grande-Serbie, du peuple

20 serbe, de l'histoire, du traité de Londres, et cetera, est-ce que ça aurait

21 changé vos conclusions ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Quoi qu'il ait écrit avant la période que j'ai

23 étudiée, cela n'aurait -- ne ferait -- n'aurait aucune différence dans mes

24 conclusions. Ça n'aurait pas influé sur mes conclusions. Ce qu'il a écrit,

25 ce qu'il a pensé pendant cette période de crise où il y avait risque de

26 guerre civile, de guerre même, c'est ça que j'ai étudié, et il a écrit --

27 alors, on sait ce qu'il pensait en tant que jeune homme à propos de tout

28 cela. Là, je ne vois pas trop, ce qu'on étudiait n'était pas la vue -- les

Page 1980

1 opinions personnelles de M. Seselj, ce qu'il a écrit à sa mère, par

2 exemple, ou ce qu'il disait à sa femme. Ce que nous avons étudié c'est le

3 discours politique qu'il a prononcé à un moment où il avait -- il était

4 suivi, où il était chef politique. Il avait fondé un parti politique. Il a

5 formé des volontaires. Il parlait à la télévision, et tout ceci était

6 repris dans des conférences de presse, dans les médias, dans les journaux,

7 et c'est ça qui est important en l'espèce. Ce n'est pas son opinion

8 personnelle avant qu'il ait ce profil politique de premier plan.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl.

10 Mme DAHL : [interprétation]

11 Q. Combien d'écrits avez-vous étudié en tout ?

12 R. Nous avons étudié deux séries. Tout d'abord, une première série qui

13 fait -- ou avait à peu près 240 écrits, ensuite, un deuxième jeu qui

14 portait sur à peu près 180 ou 160 textes. Je n'ai pas le chiffre exact en

15 tête, je pourrais le regarder.

16 Q. Avant de commencer, vous aviez un chiffre en tête -- nombre de -- un

17 texte nécessaire à étudier ?

18 R. Non, tout ce que je voulais c'est que cela porte bien sur les années

19 pertinentes, et puis, il fallait avoir aussi des textes venant à la fois de

20 la télévision, de la radio, des journaux, des autres médias, donc, le

21 discours de M. Seselj était quand même assez identique et assez uniforme

22 pendant toute cette période. Il disait toujours la même chose, mais dans

23 ces différentes médias, avec quelques petites variations ici et là. J'ai

24 dit à votre prédécesseur qui d'ailleurs est la personne qui m'avait engagée

25 pour faire [imperceptible] pareil contenu, que je ne pensais pas qu'il

26 fallait trouver un autre jeu après avoir étudié le premier jeu de 200

27 écrits. Bon, les gens souvent ont un peu peur des chiffres, moi, ça ne me

28 gêne pas, je me suis livré à cet exercice assez souvent. Donc, si vous

Page 1981

1 voulez je recommence avec encore des écrits mais on a retrouvé exactement

2 les mêmes schémas, tout était toujours pareil. On a rien trouvé de

3 différent, de nouveau, dans le deuxième jeun d'écrits examinés. Bon, on

4 l'avait fait donc on l'a ajouté au rapport puisque le travail avait été

5 fait.

6 Q. Que s'est-il passé, que se passait-il lorsque vous avez trouvé des

7 répétitions dans les messages que vous codiez ?

8 R. Ce qu'on a dit ah finalement à un moment, ça suffit quoi. Combien de

9 fois faut-il encore entendre la même solution Seselj aux problèmes albanais

10 au Kosovo, ça il l'a répété à l'envie avec quelques petites fluctuations

11 ici et là mais finalement l'esprit était toujours le même. Donc, dépenser

12 encore du temps, dépenser encore de l'argent, l'argent du Tribunal, à un

13 moment, il faut quand même s'arrêter.

14 Q. Mais la répétition, la fréquence d'apparitions de menaces bien

15 spécifiques, pourraient-elles modifier votre analyse ?

16 R. Non, non, puisque M. Seselj employait l'une des grandes techniques de

17 la propagande, c'est la répétition. On répète, on enfonce le clou, on

18 répète, on répète sans se lasser. Alors, selon s'il y en a des

19 contradicteurs ou pas, cela a un impact. C'est une technique bien connue,

20 la propagande, très simple et ça marche d'ailleurs si on n'a pas de

21 détracteur, s'il n'y a pas d'autres dirigeants politiques qui emploient les

22 mêmes médias pour communiquer et qui prononcent des discours différents.

23 Q. Très bien. Maintenant, nous allons passer à votre rapport, page 4, tout

24 d'abord.

25 R. Oui.

26 Q. La page, il y a une -- on voit distribution par année. Donc il s'agit

27 du numéro 65 ter 2797.

28 R. Quelle page ?

Page 1982

1 R. Page 4. Je crois que tout le monde a la page sous les yeux. Pour ce qui

2 est du prétoire électronique, c'est à la page 4 dans la version anglaise,

3 l'avoir à l'écran.

4 Donc, j'aimerais vous demander dans le premier jeu de discours et

5 d'écrits que vous avez codés, pouvez-vous nous en donner le classement par

6 année ?

7 R. Donc, 19 % pour la première année; en 1990, 12 %; 1991,

8 29 %; 1992, 20 %; et 1993, 22 %; 1994, 17 %.

9 Q. Très bien. Maintenant, voyons les sources codées. Dans la

10 première catégorie, je voudrais vous montrer un exemple de mai 1991, il

11 s'agit d'un clip vidéo, donc, une séquence vidéo, nous allons le préparer

12 pour le passer à l'écran. Il s'agit de l'exemple 31.

13 [Diffusion de la cassette vidéo]

14 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

15 "Le peuple serbe, néanmoins, le nouveau chef Oustacha et le général Tito

16 [imperceptible] et on menace le peuple serbe. Tous les Serbes ont dans

17 l'obligation de les aider contre les frappes de ces fous d'Oustachi. Nous

18 faisons ce que nous pouvons pour les aider à se défendre, mais eux-mêmes

19 avec leur propre courage, avec leur héroïsme ont démontré prêts à se

20 sacrifier pour la survie des frontière serbes, du peuple serbe et de la

21 Serbie, et ils représentent une fierté pour nous tous aujourd'hui."

22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, allez-y, Madame.

24 Mme DAHL : [interprétation] Donc, lorsque je montre une séquence vidéo,

25 j'attends quand même que la traduction en français soit finie. Donc, je

26 demande aux Juges de la Chambre de me faire savoir que la traduction est

27 terminée.

28 Q. Donc, il s'agit de l'exemple 31 à partir du deuxième jeu. Donc, de

Page 1983

1 sources que vous avez codées, pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez

2 codé ici dans le cadre donc de cet entretien télévisé et pourquoi ? Il

3 s'agit de la pièce 65 ter 2875 qui a le numéro de référence 0602895.

4 R. Ici, vous avez plusieurs menaces, plusieurs "messages menaçants." Donc,

5 menaces, j'ai principalement cherché les menaces aux Serbes. Donc :

6 "Obligation de tous les Serbes de se défendre de la bête Oustachi folle."

7 Donc, il ne s'agit pas uniquement d'une menace. J'ai aussi codé ça comme

8 étant un stéréotype négatif.

9 Q. Donc, il s'agit de la page 49 dans le prétoire électronique.

10 Donc, reprenez, s'il vous plaît, cette menace.

11 R. Donc, il y a plusieurs mentions de menaces ici. On dit que : "Le peuple

12 serbe est en danger existentiel, et le nouveau chef Oustachi Tudjman a

13 lâché Kama et l'a mis sous la -- l'a menacé."

14 "Les Serbes -- donc, les Serbes ici veulent uniquement lutter pour

15 leur propre survie."

16 Donc, il s'agit d'une dose très forte de message de menace. Je tiens

17 à dire aux Juges que la déshumanisation est certes une catégorie de la

18 "propagande et la persuasion," mais chaque fois que M. Seselj a employé les

19 termes selon lesquels, par exemple : "Les Croates sont un serpent venimeux

20 ou vous parlez de la bête folle," et cetera. Je n'ai pas parlé des

21 "Oustacha bestiaux," je n'ai pas codé cela comme étant une

22 "déshumanisation." Mais, par contre, techniquement, quand on considère tout

23 un peuple, quand on le compare à un animal, à une bête -- à une bête

24 féroce, c'est un peu de la déshumanisation certes.

25 Mais dans le codage que j'ai employé, j'ai donné à M. Seselj le

26 bénéfice du doute parce que c'est vrai que c'est un orateur qui emploie

27 beaucoup de métaphores -- qui a tendance à employer beaucoup de métaphores,

28 d'exagération. Donc, je me suis dit que, quand je trouvais ce type de

Page 1984

1 discours, je le coderais comme étant un stéréotype plutôt que

2 déshumanisation parce qu'il emploi ces termes sans ensuite les expliciter

3 dans un long paragraphe, ce n'est pas comme un discours raciste, comme le

4 discours des nazis. Il emploie plutôt ses métaphores très colorées, où l'on

5 compare les Croates ou d'autres à des animaux, et de façon très négative.

6 Alors, pour moi, je me suis dit, ce n'est pas vraiment de la

7 déshumanisation comme on dit en analyse classique de la propagande, comme

8 les Allemands nazis; je me suis dit, c'était plutôt un stéréotype négatif.

9 Donc, je lui ai un peu donné le bénéfice du doute.

10 Si je peux ajouter une chose, vous remarquez aussi que, dans

11 plusieurs exemples et plusieurs sources, je n'ai rien codé, absolument rien

12 parce que notre méthode de recherche nous a fourni des textes ou M. Seselj

13 parlait de relations entre Serbes et non-Serbes. Si, dans ce contexte, il

14 n'employait aucune technique de propagande, il ne faisait pas référence à

15 la "victimisation," il n'y avait pas de désinformation dans ces textes. Si

16 ce n'était comme ce que vous avez dit, Monsieur le Président, qu'un

17 discours politique auquel on pourrait s'attendre d'un homme politique dans

18 le cadre d'une situation contradictoire avec un autre, là, je n'ai rien

19 cité, et rien codé.

20 Donc, nous n'avons pas uniquement choisi les textes de

21 M. Seselj qui contait de la propagande. Nous avons identifié tous les

22 textes, repérés tous les textes où il parlait de relations entre Serbes et

23 non-Serbes, et on les a codé à l'aide de notre technique, notre méthode.

24 S'il n'y avait pas de propagande, je n'ai rien codé.

25 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Juge, Monsieur le Président, je

26 vois qu'il est l'heure de faire la pause.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] -- nous allons faire donc une pause de

28 20 minutes, nous nous retrouverons dans 20 minutes.

Page 1985

1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

2 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise. J'inviterais

4 l'Accusation lorsqu'elle présente une pièce, par exemple, la vidéo, de dire

5 dans la foulée qu'elle demande l'admission de cette pièce.

6 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite

7 marquer, aux fins d'identification, le numéro 65 ter la pièce 65 ter 2797,

8 qui est le rapport de l'expert, le Dr Oberschall, y compris l'annexe 2. Je

9 demande l'admission de tout ceci à la fin de l'interrogatoire principal.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection, Monsieur le Juge.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme le Juge, dès lors que l'on demande le

13 versement au dossier d'un futur élément de preuve, on a pour devoir de dire

14 quelle est la nature de document. Jusqu'à présent, nous avons entendu qu'il

15 s'agissait d'une interview de ma personne, mais le Procureur a pour

16 obligation de dire à quel moment, en quel lieu, en présence de qui cette

17 interview a été recueillie; sinon, cela ne peut pas être versé au dossier

18 parce que, s'il peut s'agit de quelque chose que j'ai dit à mon épouse,

19 dans mon appartement personnel, tout ce qui est versé au dossier doit être

20 défini de la façon la plus claire et la plus limpide qui soit.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, pour le moment, la Chambre est saisie

22 d'une demande concernant la vidéo, qui est la pièce --

23 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président, 65 ter 6015.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, c'est la pièce 6015. Cette vidéo, quelle est

25 la date ? Vous avez la date ou pas de date ?

26 Mme DAHL : [interprétation] Mai 1991. Diffusée à la télévision émission

27 intitulée : "Sans coupure et anesthésie," le studio de télévision NS, y

28 compris ceci figure sur notre liste 65 ter avec une description en regard.

Page 1986

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Poursuivez.

2 Mme DAHL : [interprétation] Je souhaite maintenant marquer aux fins

3 d'identification la pièce 65 ter 7000, s'il vous plaît, qui a été traduite

4 avec des corrections de traduction de l'annexe marquée, aux fins

5 d'identification, c'est la pièce numéro 1.

6 Ensuite, je souhaite marquer, aux fins d'identification, le numéro 65 ter

7 qui se trouve sur la liste 65 ter 2875, qui est l'annexe au rapport du Dr

8 Oberschall, dans lequel il a codé 156 exemples supplémentaires,

9 complémentaires.

10 Ensuite, je demande le versement au dossier du numéro 6015 sur la liste 65

11 ter, qui est la séquence vidéo qui a été diffusée avant la pause, et ceci

12 concerne l'exemple numéro 31.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, donc, la vidéo qui est sous le numéro

14 6015 est donc admise et les autres documents mentionnés sont admis aux fins

15 d'identification.

16 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE JUGE

18 ANTONETTI : Allez-y.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le numéro

20 65 ter la séquence vidéo sera la pièce P1, c'est le numéro 6014. Le numéro

21 6015 aura la cote P2. Le document 65 ter P02875 sera marqué aux fins

22 d'identification, et aura le numéro MFI P3, et le document 65 ter 7000 sera

23 marqué aux fins d'identification, et c'est le MFI P4. Merci.

24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] Mme DAHL :

25 [interprétation] J'ai cru avoir commencé par le document 2797, qui se

26 trouve sur la liste 65 ter, qui est le rapport de l'expert avec ces

27 annexes.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro MFI P5.

Page 1987

1 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

2 Mme DAHL : [interprétation]

3 Q. Je vais maintenant passer à la réponse faite à la crise de la

4 constitution yougoslave proposée par le Dr Seselj et je vais visionner une

5 série de séquences vidéo.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : -- objections, quand il y a une séquence vidéo, vous

7 donnez la date, le lieu, l'origine.

8 Mme DAHL : [interprétation] Donc, il s'agit du numéro 65 ter 6021. La date

9 est celle du mois de juillet 1991, 25 juillet 1991. Une interview télévisée

10 diffusée par Politika, la télévision, la chaîne de télévision.

11 C'est le numéro 51.

12 [Diffusion de la cassette vidéo]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Seselj : Ecoutez, sous Tito, la Yougoslavie était un Etat artificiel,

15 c'était une construction grotesque et imposée. Elle n'existera jamais sous

16 cette forme. Elle pourrait être à nouveau comme cela sous une dictature

17 communiste mais jamais dans des conditions naturelles. Ceux qui sont plus

18 grands et plus forts domineront, c'est ce qui se passe dans le monde

19 entier. La prochaine Yougoslavie n'est possible que sous domination serbe."

20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

21 Mme DAHL : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ceci,

22 s'il vous plaît.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ça sera la

25 pièce P6.

26 Mme DAHL : [interprétation]

27 Je souhaite maintenant passer à l'exemple numéro 51. Ceci est marqué aux

28 fins d'identification, c'est la pièce 3, page 78 dans le système

Page 1988

1 électronique du prétoire.

2 Q. Avez-vous trouvé ce document ? Comment avez-vous qualifié ces mots

3 prononcés par M. Seselj ?

4 R. Bien sûr il s'agissait d'un discours sur la nation et les nationalités

5 et sa théorie sur la formation de l'Etat et de l'Etat et de la nation.

6 J'ai parlé de généralisation -- pardonnez-moi, de "glorification du groupe

7 à l'intérieur," lorsqu'il dit que : "La Yougoslavie ne pourra à l'avenir

8 qu'être sous domination serbe." Il dit également que les Serbes sont les

9 plus forts et les plus grands et c'est eux qui domineront, et je crois

10 qu'il s'agit là d'une glorification des Serbes et de la Serbie.

11 J'ai également indiqué qu'il s'agissait de "généralisation." C'est la

12 partie la plus importante parce qu'il a dit que : "La Yougoslavie était un

13 Etat artificiel, une construction grotesque et imposée" et "ceci n'était

14 possible que sous une dictature communiste."

15 Il fait référence ici au fait que la Yougoslavie était composée de

16 différents peuples, et il y a bon nombre d'autres exemples de par le monde

17 d'Etats tout à fait viables sur tous les continents de ce que nous appelons

18 multinational ou un Etat multinational ou multiethnique, ou pluriethnique.

19 Il y a le Canada, par exemple, en Amérique du nord. Il y a la Tanzanie.

20 L'Afrique du sud qui, en réalité, est devenue un Etat démocratique dont ce

21 qui était un ensemble encore plus complexe de différents peuples et races

22 que l'ex-Yougoslavie, et l'Inde que j'ai cité également.

23 J'ai fait référence à certaines études qui ont été faites sur le sujet et

24 j'ai montré qu'un Etat qui se compose d'un seul peuple ou d'une seule

25 nation moins -- avec des minorités de moins de 10 % sont des exceptions. Le

26 Japon est une exception à la règle et la plupart des Etats ont des

27 minorités ethniques assez importantes et des différents groupes ethniques

28 et linguistiques différents au sein de leur pays. Donc, il n'y a pas ici --

Page 1989

1 ceci n'est pas artificiel du tout, et ceci relève de la philosophie de M.

2 Seselj. Il parle de l'impossibilité qu'il y a de faire se rejoindre dans un

3 seul et même Etat des peuples de culture, de nationalité, de langues et de

4 religions différentes, et cetera. Donc, j'estime que c'est une

5 généralisation qui est fausse, en réalité.

6 Mme DAHL : [interprétation] Je souhaite maintenant passer à l'exemple

7 numéro 54 qui se trouve à la page 82 du système électronique du prétoire,

8 et je vais maintenant montrer une séquence vidéo qui est la séquence C.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : -- donner la date de la vidéo, le lieu, et cetera.

10 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de le même

11 interview télévisé et fait partie de la pièce P6. Le numéro 65 était le

12 numéro 6021, donc, le document C au sein de ce groupe.

13 [Diffusion de la cassette vidéo]

14 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

15 "Je considère qu'il n'y aura pas de retour au calme jusqu'à ce qu'il y ait

16 détermination précise et définie des frontières entre les Serbes et les

17 Croates. Nous et les Croates ne pouvons plus vivre ensemble dans un seul et

18 même Etat, sauf si cet Etat est démocratique. Tous les Serbes s'en sont

19 rendus compte. Quant a nos frontières occidentales, elles s'étendent sur

20 une ligne qui va de Karlobag à Virovitica, en passant par Ogulin et

21 Karlovac, et je pense qu'il ne doit pas y avoir de concession là-dessus."

22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

23 Mme DAHL : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

24 séquence. C'est l'exemple du numéro 54, séquence C, sur la liste 65 ter

25 6015.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs, numéro P7.

27 Mme DAHL : [interprétation]

28 Q. Donc, comment avez-vous codé ce discours politique de

Page 1990

1 M. Seselj ?

2 R. Je l'ai dit que c'était "un compromis" parce que le

3 Dr Seselj a indiqué que : "Pour ce qui est des frontières occidentales,

4 cela se trouve le long de la ligne Karlobag-Virovitica et il ne devrait pas

5 y avoir de concessions."

6 Nous ne parlons pas ici de frontières reconnues au plan international. On

7 ne parle pas ici de frontières internes de la Yougoslavie telle qu'elle

8 existait, on parle ici d'une frontière que le Dr Seselj a dessiné en

9 Croatie et il pense qu'il ne devrait pas y avoir de concessions, ceci doit

10 constituer la frontière à l'ouest entre la Serbie et la Croatie.

11 Mme DAHL : [interprétation] Donc, passons maintenant à l'exemple numéro 55,

12 e nous allons maintenant visionner ceci. C'est la page 84. Nous allons

13 montrer la séquence vidéo D du numéro 65 ter 6021.

14 [Diffusion de la cassette vidéo]

15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

16 "Bonjour, nous avons perdu du temps retournons à ce que nous disions. Vous

17 voulez amputer la Croatie; qu'est-ce que ça signifie ?

18 Seselj : Cela signifie que l'armée s'est retirée de la Slovénie. Vous

19 voyez les Croates, il faut escalader la situation. Le tronc de Tudjman

20 s'ébranle, il est nerveux. Il va faire des erreurs. Il va faire de plus en

21 plus d'erreurs. Il va faire d'une erreur à une autre. Il demande maintenant

22 que toutes les troupes du territoire de la Croatie d'aujourd'hui reviennent

23 dans les casernes. Mais on ne peut pas permettre cela. Si l'armée se retire

24 de Slovénie, les troupes doivent se retirer du territoire de Zagreb, de la

25 Rijeka, Istria, Kvarner, et cetera, jusqu'à la ligne Karlobag-Ogulin-

26 Karlovac-Vitrovica, et ceci ampute les Croates. Les Italiens, pendant la

27 Deuxième Guerre mondiale, ont souvent sauvé des Serbes des couteaux

28 croates. Tout le monde sait cela."

Page 1991

1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 Mme DAHL : [interprétation] Je demande le versement au dossier, s'il

3 vous plaît, de ceci.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro P8.

5 Mme DAHL : [interprétation]

6 Q. Comment avez-vous classé le numéro 55, s'il vous plaît ?

7 R. Je l'ai classé comme étant des défenseurs ou des aspects de la violence

8 sur la base de la déclaration ici car cela ampute les Croates. L'amputation

9 est une violence coercitive sanguinaire, douloureuse, et en tout cas,

10 évoque l'image d'un événement violent et traumatisant.

11 Q. Passons maintenant à l'exemple numéro 56, s'il vous plaît, qui se

12 trouve à la page suivante dans le système électronique du prétoire, page

13 86. La séquence vidéo est la séquence E qui vient de la même émission et

14 programme d'actualité sur le numéro 65 ter, c'est le numéro 6021.

15 [Diffusion de la cassette vidéo]

16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

17 "Quelle a été l'information qui a circulé à Belgrade récemment selon

18 laquelle les généraux de la -- Tudjman s'était plaint que les généraux de

19 la JNA n'avaient plus le contrôle de la situation en Slavonie. Comment

20 résoudre ce problème ?

21 Seselj : Et bien, il a perdu le contrôle sur toutes les zones serbes, le

22 peuple serbe ne peut pas, ne reconnaîtra pas le gouvernement Ustasha et le

23 règne de la terreur de Tudjman. Le peuple serbe a libéré presque tout son

24 territoire. Nous avons pratiquement

25 -- ils ont pratiquement mis en place un gouvernement serbe là-bas, un

26 gouvernement qui a été établi en Krajina serbe. Les Serbes ont leur propre

27 gouvernement, leur propre ministre, leur propre armée, leur propre police.

28 Le gouvernement serbe a été établi sur le territoire de la Slovénie, la

Page 1992

1 Baranja et sur la Srem occidentale aussi. Le gouvernement serbe a été

2 établi là-bas aussi."

3 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

4 Mme DAHL : [interprétation] Donc, je demande le versement au dossier de

5 cette séquence vidéo, s'il vous plaît.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce sera le

7 numéro P9.

8 Mme DAHL : [interprétation]

9 Q. Donc, maintenant, pour revenir avec votre système de classement,

10 comment avez-vous classé ce discours ?

11 R. En fait, je l'ai classé comme étant "une menace extérieure contre les

12 Serbes." Je fais référence ici au règne de la terreur de Tudjman et de son

13 gouvernement. Ensuite, j'ai dit que c'était encore une fois une situation

14 de non compromis parce que la question qui est posée c'est comment peut-on

15 trouver une solution ? Puisque celui, qui interviewe Dr Seselj, répond en

16 disant que c'était un fait accompli. Les Serbes contrôlent la Krajina

17 serbe, et voilà, et les Croates doivent l'accepter.

18 Donc, j'ai indiqué ceci -- j'ai indiqué qu'il s'agissait d'une

19 situation de "non compromis."

20 Q. Passons à l'exemple numéro 57, s'il vous plaît, séquence vidéo F, donc,

21 sur la liste 65 ter, c'est le numéro 6021. Il s'agit d'un court extrait de

22 la même émission télévision.

23 [Diffusion de la cassette vidéo]

24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

25 "TV Politika : Donc, le quotidien demain va de -- il nous faut dire

26 d'élément d'actualité intéressant. Il y a un bateau qui vient du Liban

27 portant 30 tonnes d'armes qui a été arrêté dans une ville de Bar au

28 Monténégro. Pour l'instant, nous ne savons pas à quoi allaient servir ces

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1 armes. Quel est votre commentaire ?

2 Seselj : Les armes sont sans doute destinées à la Croatie. Les Croates font

3 venir des armes au monde entier. Cet embargo de l'Union européenne, ce

4 n'est pas suffisamment efficace. Néanmoins, les Croates ne savent pas

5 utiliser ces armes. Le vrai problème au sens militaire du terme, ils sont

6 comme des poulets, des poules sans tête. Nous avons armé les Serbes, les

7 Croates sont ainsi. Même s'ils ont la supériorité numérique ils ne peuvent

8 pas vivre.

9 TV Politika : Une telle façon de penser est intéressante lorsqu'on sait

10 qu'ils ont vécu avec des convictions différentes, lorsqu'il y avait la

11 fraternité et l'unité.

12 Seselj : Nous allons nous libérer aujourd'hui, libérer les Serbes parce

13 qu'ils sont forts à nouveau et nous allons revenir à leur gloire ancienne.

14 Pas un seul Serbe n'a fui le champ de bataille en Slovénie et en Krajina

15 serbe. Vous savez lorsque le combat va commencer, il y aura d'autres

16 personnes qui fuiront, ceux-là ne seront que les Croates, c'est le cas.

17 TV Politika : Qu'est-ce que vous entendez par événements récents.

18 Seselj : Ces événements.

19 TV Politika : Pensez-vous qu'il s'agit d'un conflit à grande échelle ?

20 Seselj : Il n'y a pas de conflit à grande échelle. Il y aura davantage de

21 sang qui coulera qu'il y ait conflit ou non au sens réel du terme. Le

22 gouvernement fédéral réussira à garder ces unités et ces armes sous

23 contrôle. Il n'y aura pas de véritable guerre civile."

24 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

25 Mme DAHL : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

26 pièce, s'il vous plaît.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro P10.

28 Mme DAHL : [interprétation]

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1 Q. Lorsque je regarde en fait votre système de classement numéro 57,

2 comment avez-vous classé ce discours politique de

3 M. Seselj ?

4 R. Tout d'abord, il y a la glorification du groupe qui se trouve à

5 l'intérieur, c'est-à-dire les Serbes qui prennent conscience de leur gloire

6 passée. Ce sont de formidables combattants. Personne ne fuit le champ de

7 bataille. Ensuite, il y a un étiquetage négatif ainsi qu'un stéréotype

8 négatif à l'encontre des Croates qui ne savent même pas se servir des armes

9 lorsqu'ils en ont. Ce sont des "cowards," ce sont -- ensuite, j'ai étiqueté

10 cela en disant qu'il y a d'autres stéréotypes et étiquetages en matière de

11 technique de persuasion, c'est-à-dire que cela n'allait pas seulement au

12 niveau des thèmes et du contenu, mais lorsqu'on parle d'un peuple dans son

13 ensemble, il ne s'agit pas de dire que certains Croates sont des poltrons

14 et que certains ne savent pas se servir des armes. On englobe tout le monde

15 et on dit que ce sont tous les Croates.

16 Donc, ceci ne -- sont des gens incapables, et j'ai également dit qu'on --

17 il ne prône pas la violence, mais il s'attende à la violence car, dans sa

18 déclaration, il dit : "Qu'il n'y aura pas de conflit à grande échelle mais

19 davantage de sang coulera," et davantage de victimes tomberont. Donc, ce

20 qu'il prône en terme d'action sera de toute façon sanguinaire, et c'est ce

21 que j'ai voulu représenter par cette catégorie.

22 Q. Je souhaite maintenant passer au numéro 6019 sur la liste 65 ter qui

23 correspond au document numéro 210 qui est un des documents qui est proposé

24 en annexe à votre premier rapport.

25 Mme DAHL : [interprétation] Pour les besoin du compte rendu, ce sera la

26 numéro 02797 sur la liste 65 ter page 251 dans le système électronique du

27 prétoire.

28 Je vais maintenant à la vidéo et nous allons entendre la pièce 6029 sur la

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1 liste 65 ter. Il s'agit d'une séquence qui est datée du 1er juin 1991, c'est

2 une apparition à la télévision de M. Seselj qui est l'invité avec des

3 questions et des réponses, des questions qui viennent de l'auditoire. Ceci

4 a été diffusé sur la télévision NS intitulée : "L'autre visage."

5 [Diffusion de la cassette vidéo]

6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

7 "Vesna Radovanovic : Comment voyez-vous la Yougoslavie à l'avenir et quelle

8 est votre attitude vis-à-vis des peuples qui composent la Serbie ?

9 Seselj : Je ne vois aucun avenir à la Yougoslavie. Je considère que deux

10 options sont possibles à cet égard. Toutefois, je suis profondément

11 convaincu que quoi qu'il en soit la Yougoslavie disparaîtra. Dans la

12 première version, il est possible que la Yougoslavie se démantèle en trois

13 Etats, la Grande-Serbie, la Petite-Slovénie et même une Croatie encore plus

14 petite. Dans la version, si les Croates n'aiment pas la première version,

15 nous, les Serbes, nous allons conclure un accord avec les Italiens et nous

16 créerons une frontière serbo-italienne qui longera la ligne Karlobag pour

17 rendre aux Italiens ce qui leur appartient. Nous pourrons parler aux

18 Hongrois, en particulier, ainsi qu'aux Autrichiens, et en particulier aux

19 Hongrois car l'Allemagne pourra rendre le droit aux Hongrois de profiter de

20 ce qui leur appartient. Ils ont des droits historiques. Il y avait une

21 époque où les Croates avaient une frontière qui englobait un port important

22 sur la cote adriatique au siècle dernier, ce port s'appelait Rijeka. Donc,

23 il serait peut-être juste de restituer Rijeka aux Hongrois. Tout cela

24 concerne les rapports entre Etats voisins pour autant qu'ils ne se soient

25 pas bien comportés, vous voyez que je ne sais pas comment on peut donner

26 son soutien à des ennemis, les Hongrois ont aidé la Croatie à se léser

27 elles mêmes, ces gouvernements sont à courte vue, il n'y a pas de meilleure

28 expression pour les qualifier, les Serbes sont leurs alliés naturels, s'ils

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1 veulent atteindre certains objectifs, les Hongrois ne feront jamais partie

2 de la Vojvodine, c'est quelque chose qu'ils doivent comprendre. Le seul

3 territoire qu'ils peuvent avoir est à l'ouest, Rijeka qui est au-delà de la

4 ligne Croatie-Zagorje."

5 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

6 Mme LE JUGE LATTANZI : [interprétation] Madame le Procureur, pourriez-vous

7 attendre que la traduction française se conclut ? Merci.

8 Mme DAHL : [interprétation]

9 Q. Je demande le versement de cette séquence vidéo au dossier.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P11.

11 Mme DAHL : [interprétation]

12 Q. Alors, numéro 20, pouvez-vous me dire comment vous avez classé la

13 réponse de M. Seselj à cette question ?

14 R. Comme vous le constatez, je n'ai pas classé cela sous la rubrique

15 propagande, pas du tout. Tout ce que j'ai fait, puisque le sujet abordé ici

16 c'est nations et nationalités, nous sommes en présence d'un discours

17 politique qui rentre dans le cadre de ce dont parlait le Président de la

18 Chambre tout à l'heure, à savoir que des négociations sont en cours entre

19 plusieurs Etats dans des conditions pacifiques, il n'y a aucune violence

20 qui est préconisée, il n'est pas fait mention d'une quelconque menace, et

21 M. Seselj propose en fait des solutions assez compliquées, mais enfin, des

22 solutions qui peuvent être prises en compte par la diplomatie

23 internationale. C'est l'exposé de la position de M. Seselj qui à mon avis

24 n'est pas très réaliste, mais qui n'a rien de répréhensible.

25 Il évoque le transfert d'armes des Hongrois aux Croates et en fait

26 cela s'est passé, donc ce n'est pas du tout de la désinformation.

27 Donc, c'est un sujet sur lequel nous sommes tombés au cours de nos

28 recherches, et ce discours pour moi est un discours politique tout à fait

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1 normal de la part d'un dirigeant politique.

2 Q. Passons maintenant la séquence vidéo suivante, la séquence B du

3 document 6019 de la liste 65 ter et ceci correspond au texte 211, page

4 suivante du prétoire électronique.

5 Cette séquence est issue de cette même émission de la télévision de

6 Novi Sad.

7 [Diffusion de la cassette vidéo]

8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

9 "Seselj : Je n'ai pas répondu à cette autre question, à savoir comment est-

10 ce que je vois les peuples qui composent la Serbie d'aujourd'hui. La Serbie

11 se compose aujourd'hui de plusieurs peuples serbes et de minorités

12 nationales qui vivent aussi en Serbie. A mon avis, ils ont besoin de jouir

13 de tous les droits civiques, d'une totale liberté, d'une totale égalité

14 civique à la condition qu'ils ne remettent aucunement en cause la

15 souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Etat serbe, c'est-à-dire,

16 pour peu que leurs actes soient ceux de citoyens loyaux vis-à-vis de leur

17 pays, du pays dans lequel ils vivent. Ce qui remet en cause la souveraineté

18 et l'intégrité territoriale de l'Etat serbe, comme la majorité des Siptars

19 le font, n'auront pas leur place dans les frontières de la Serbie

20 d'aujourd'hui."

21 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

22 Mme DAHL : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

23 séquence vidéo.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P12, Monsieur le

25 Président, Madame et Messieurs les Juges.

26 Mme DAHL : [interprétation]

27 Q. Monsieur Oberschall, comment appréciez-vous les discours de M. Seselj

28 qui parle de droit civique dont doivent jouir les citoyens pour peu qu'ils

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1 soient fidèles à l'Etat au pays dans lequel ils vivent ?

2 R. Il vous faut comprendre une chose dès lors que l'on parle de discours

3 de propagande. C'est un élément dont nous n'avons pas encore parlé. Mais,

4 quoi qu'il en soit, les mots utilisés n'ont pas le sens que vous et moi

5 leur donneriez dans une conversation normale, c'est-à-dire lorsqu'ils sont

6 utilisés dans un délibératif.

7 Si vous tuez quelqu'un, vous direz qu'il a commis un suicide ou qu'il

8 a été abattu alors qu'il tentait de s'évader; lorsque vous commettez une

9 agression, on parle de légitime défense; et lorsqu'on se trouve dans un

10 régime dictatorial, on dit que l'on souhaite la démocratie pour le peuple.

11 Donc, ce que je veux dire c'est qu'on utilise les mots d'une façon

12 différente dans ces discours extrêmement nationalistes, différentes de la

13 façon dont on les utilise dans un discours ordinaire, et c'est le cas dans

14 le discours délibératif.

15 Donc, lorsque M. Seselj déclare : "Pour peu qu'ils soient des

16 citoyens loyaux vis-à-vis du pays dans lequel ils résident," dans ce cas,

17 ils peuvent jouir de leur droit. Si on interprète le mot "loyaux" comme

18 recouvrant la possibilité de créer une opposition politique pacifique

19 d'exprimer des opinions dissidentes, ce qui est la pratique courante dans

20 un Etat démocratique, tout va bien, mais ce n'est pas la façon dont il

21 utilise le mot, l'expression "citoyens loyaux."

22 Le motif de tout cela se trouve à la ligne suivante là où on voit

23 qu'il dit : "Ceux qui remettent en cause la souveraineté et l'intégrité

24 territoriale de l'Etat serbe comme le font la majorité des Siptars n'auront

25 pas leur place dans les frontières de la Serbie d'aujourd'hui."

26 Ce que je viens de citer, je l'ai classé sous la catégorie "menace" vis-à-

27 vis des non-Serbes, c'est-à-dire des Albanais du Kosovo en l'espèce. Donc,

28 il vous faut bien comprendre quel est le contexte, à savoir que la

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1 population albanaise participait à une grève générale contre les autorités

2 serbes qui, en fait, avaient suspendu les travaux de leur assemblée et

3 avaient donc supprimé l'autonomie politique dans cette région. Donc, il

4 s'agissait pour l'essentiel d'un mouvement d'opposition non violent, que

5 nous considérerions comme étant le droit naturel des citoyens dans tout

6 pays démocratique. Donc, voilà le contexte dans lequel il vous faut

7 replacer cette déclaration de M. Seselj.

8 Q. Passons maintenant au document 215, qui se trouve en page 256 du

9 prétoire électronique. C'est donc la séquence vidéo D, du document 65 ter

10 6019, donc, tirée de la même émission de télévision.

11 [Diffusion de la cassette vidéo]

12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

13 "Question : Selon l'information que le parlement croate avait décidé

14 d'attaquer la Krajina de Knin pendant le mois de juin. Ça a été dit aux

15 informations d'aujourd'hui. Je ne sais pas si vous l'avez entendu. Que

16 répondez-vous ?

17 "Réponse : Honnêtement, je suis très impatient de voir cette attaque

18 croate. Il semble que la leçon de Borovo Selo n'a pas suffit. Ils ont

19 besoin d'une leçon beaucoup plus dure.

20 "Question : Que dites-vous de Bijeli Manastir ?

21 "Réponse : Oui, il y a aussi le comité du Mouvement Chetnik serbe.

22 "Question : J'aurais la question suivante à vous poser : vous avez dit

23 j'arrêterais Tudjman. C'est une façon de parler. Quel genre de fusil se

24 cache derrière la lettre majuscule "U" fusils qui peuvent tirer à 1 500

25 mètres de distance ?

26 "Réponse : J'ai dit que j'arrêterais Tudjman, et Ante Markovic. Je suis une

27 personne recherchée en Croatie. Cela ne m'inquiète pas vraiment. Je me

28 déplace uniquement en territoire serbe, en Slavonie serbe, dans la Baranja,

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1 dans le Srem occidental. Mais pas en Croatie. Les Chetniks serbes

2 aujourd'hui ont de très bons fusils. En toute équité, ce sont des fusils un

3 peu anciens, un peu dépassés, qui ont été fabriqué en '42, mais ils

4 semblent très efficaces. Vous savez, lorsqu'un Chetnik est un bon tireur et

5 qu'il tire sur un Croate dans le front d'un Croate avec un Tompsons, les

6 deux yeux de la tête du Croate jaillissent hors de ses orbites. Et quand

7 une balle tirée d'un fusil mitrailleur lui frappe le cou, cela lui arrache

8 pratiquement la tête. Ce sont de très bons fusils. Bien entendu, nous ne

9 visons que les Croates qui ont des fusils à la main et attaquent des

10 villages serbes. Nous n'avons jamais visé un seul Croate désarmé."

11 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

12 LE TÉMOIN : [interprétation] De quel document parliez-vous ?

13 Mme DAHL : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

14 séquence vidéo.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

16 pièce P 13.

17 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : la transcription des vidéos sont soit

18 incomplète soit plus longue que ce qui est dit dans le prétoire. Impossible

19 de travailler dans ces conditions. Mais les interprètes font de leur mieux.

20 Mme DAHL : [interprétation]

21 Q. Passons maintenant au document 215. Page 256 du prétoire électronique.

22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

23 Mme DAHL : [interprétation] Cela correspond à la vidéo que nous venons de

24 voir.

25 Q. Comment avez-vous classé ce discours de M. Seselj ?

26 R. Je ne sais toujours pas de quel document vous parlez --

27 Q. Document 215.

28 R. 215. Je l'ai classé dans la catégorie : "Prône ou s'attend à la

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1 violence et n'assume pas la responsabilité."

2 Q. Pourquoi ?

3 R. Voyons un peu. A la nouvelle que --…

4 Dans ce discours, il parle des Chetniks qui ont de bons et des Thompsons

5 fabriqués en 1942, il parle de tirer dans la tête d'un Croate dont les yeux

6 vont sortir des orbites, il parle d'un fusil mitrailleur qui coupe le cou

7 de quelqu'un. Ce sont des images très fortes, qui manifestement viennent de

8 quelqu'un qui prône, préconise ou s'attend à de la violence.

9 Puis, il dit finalement : "Nous ne visons que les Croates qui ont le fusil

10 à la main et attaquent les villages serbes. Nous n'avons jamais visé un

11 seul Croate désarmé," ce qui signifie qu'il refuse d'assumer la

12 responsabilité de quelques actions offensives que ce soit. Tout est

13 présenté comme de la légitime défense. Ils disent ce n'est pas notre

14 responsabilité si le conflit a éclaté. C'est eux qui l'ont commencé. Donc,

15 c'est un discours défensif finalement qui refuse d'assumer une quelconque

16 responsabilité.

17 Q. Passons à présent au document 65 ter 6015, c'est une séquence vidéo, et

18 nous passons également à l'examen du document 112, page 156 du prétoire

19 électronique.

20 Mme DAHL : [interprétation] Je demande le visionnage de cette séquence.

21 C'est un discours de M. Seselj en avril 1991, photographie amateur.

22 [Diffusion de la cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

24 "Ils ont encore une fois imposé le Kama, criminel au peuple serbe."

25 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande la diffusion des images depuis le

27 début. On n'entend rien là.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame Dahl, vous pouvez le remontrer.

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1 [Diffusion de la cassette vidéo]

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Nous n'avons pas l'interprétation. Il faut

3 recommencer et que les interprètes nous traduisent ce que M. Seselj disait

4 lors de ce discours; sinon, on ne comprend rien.

5 L'INTERPRÈTE : Toutes les excuses de l'interprète français qui avait oublié

6 d'allumer son micro car retrouver les transcriptions par écrit est un

7 travail de titan.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on recommence.

9 [Diffusion de la cassette vidéo]

10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

11 "Ils ont encore une fois mis le couteau du crime sur la gorge du peuple

12 serbe, mais nous n'autoriserons plus jamais que se répète le génocide.

13 S'ils essaient de provoquer un nouveau génocide contre le peuple serbe,

14 contre la vie serbe, nous agirons -- nous vengerons chacune des vies serbes

15 et nous leur demanderons aussi des comptes pour les crimes -

16 applaudissement - pour les crimes commis dans le passé récent. Rien ne

17 restera impuni. Nous ne permettrons pas que la conséquence de l'occupation

18 des territoires serbes et du peuple serbe soient entérinés."

19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

20 Mme DAHL : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

21 séquence.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P14.

23 Mme DAHL : [interprétation] Séquence suivante.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : -- enfin, au témoin ses commentaires sur la vidéo et

25 son codage ?

26 Mme DAHL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'avais

27 l'intention de parler des deux séquences en même temps, mais je vais

28 interroger le témoin.

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1 Q. Sur la base de ce que vous venez d'entendre dans ce discours de M.

2 Seselj, comment classez-vous ce discours ?

3 R. Ce discours ne faisait partie d'aucun document, n'est-ce pas ?

4 Q. Exact.

5 R. Il est tout à fait clair qu'il y a là, une menace manifeste à l'égard

6 des Serbes lorsqu'on parle de génocide, qu'on parle des victimes du passé.

7 Par ailleurs, il est aussi fait mention de vengeance et de rétribution dans

8 ce discours. Quand il est question de la façon dont les Serbes devraient

9 réagir si ce genre de conflit se répétait. Donc, voilà ce que j'ai saisi au

10 passage en écoutant ce qui vient d'être dit sans l'avoir vraiment visionné

11 personnellement.

12 J'ajouterais peut-être que ce discours est un discours assez standard de la

13 part de M. Seselj. C'est le genre de discours que l'on entend et réentend

14 et réentend en 1991, en 1992, en 1993 à la télévision dans toutes sortes de

15 contextes divers. Donc, c'est pratiquement un discours prévisible. On

16 s'attend pratiquement à entendre ce qu'il dit par le passé il y a eu des

17 victimes parmi les Serbes, il y a eu un génocide. Ce génocide va se

18 reproduire et il est provoqué par les Croates. Ce n'est pas nous qui avons

19 commencé. Nous avons le droit de nous venger, de demander à ce que le prix

20 à payer soit payé pour tous ces actes. Donc, c'est un discours très

21 standard.

22 Q. Vous fondant sur votre étude de la sociologie politique, je vous

23 demanderais s'il existerait d'autres moyens pour éliminer une menace,

24 d'autres moyens que l'agression violente ?

25 R. Oui, et en fait, dans l'un des documents précédents que nous avons

26 examiné, M. Seselj parlait effectivement de la diplomatie dans les

27 relations entre Etats, de négociations entre les Etats. Il le fait

28 rarement, comme nous avons pu le constater dans les discours que nous avons

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1 étudiés mais le point important c'est qu'il a un doctorat en sciences

2 politiques, donc, manifestement, il est bien au courant de tout cela et il

3 sait bien que la façon régulière normale de traiter de conflits entre les

4 Etats et à l'intérieur des Etats passe par la voie politique de gestion des

5 conflits sans intervention de violence ou de menace.

6 Donc, oui, je le dis de façon très claire, il y a des solutions différentes

7 et en réalité les Etats recourent à ce genre de solutions différents la

8 plupart du temps.

9 Q. Visionnons maintenant la séquence B du document 6014 de la liste 65

10 ter.

11 R. Excusez-moi, quelle cote ?

12 Q. 6014. Dossier ou document 112, si je ne me trompe.

13 R. D'accord.

14 Q. Non, le contenu est similaire à celui que vous avez étudié dans le

15 document 112, mais je ne crois pas que vous ayez classé cette séquence

16 vidéo d'une façon particulière.

17 R. D'accord.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection pour la séquence précédente. Le

19 Procureur n'a pas dit où cette allocution avait été prononcée.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, ce discours où j'ai noté que

21 M. Seselj a été longuement applaudi par ceux qui étaient le discours, il

22 s'est déroulé où, quelle date ?

23 Mme DAHL : [interprétation] L'allocution a été prononcée à Jagodnjak, en

24 avril 1991.

25 Je vais maintenant demander la diffusion de la séquence B de ce même

26 document 65 ter qui a déjà été enregistré sous la cote P1.

27 [Diffusion de la cassette vidéo]

28 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

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1 "Seselj : Les Croates pour ce qui nous concernent peuvent sortir de

2 Yougoslavie quand ils le veulent, à leur loisir, mais nous leur faisons

3 ouvertement savoir qu'ils n'emporteront un millimètre de territoire serbe,

4 pas un morceau de territoire où il y a des villages serbes, une église

5 serbe détruite, des fosses communes serbes, des camps de concentration

6 serbe, où le camp de Jasenovac serbes. Si nous leur permettions cela, nous

7 ne serons pas dignes de nos glorieux ancêtres et nous devrions avoir honte

8 devant nos descendants. Les Croates peuvent créer leur propre Etat, un

9 nouvel Etat, mais il ne peut être qu'à l'ouest de la ligne Karlobag-Ogulin-

10 Karlovac-Virovitica. Tout ce qui est à l'est de cette ligne est Serbe. Nous

11 ne permettrons pas aux Croates de manipuler les Serbes. Les Croates ne sont

12 que des serbes catholiques et nous mettrons en cause le rôle du Vatican --"

13 L'INTERPRÈTE : la fin et la paraphrase de la part de l'interprète : "-- car

14 la transcription ne comprenaient pas la fin de ce passage."

15 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

16 Mme DAHL : [interprétation]

17 Q. D'après les images que vous venez de voir dans cette séquence vidéo,

18 comment est-ce que vous classifieriez cette

19 séquence ?

20 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : une solution sera trouvée aux divers

21 problèmes techniques qui se posent en ce moment.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais mettre en exergue devant les Juges,

23 le fait que cette ligne K-O-K-V, Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, que

24 M. Seselj préconise comme étant la frontière de la Croatie en tant qu'Etat

25 indépendant, donc, séparant ce nouvel Etat de Croatie et l'Etat que

26 constituait la Grande-Serbie, donc, cette ligne laisse un grand nombre de

27 Croates et autres du côté serbe de la frontière. En fait, la majeure partie

28 de la Slavonie est peuplée par des Croates et d'autres non-Serbes.

Page 2007

1 Donc, tracer cette ligne proposée par lui, Karlobag-Ogulin-Karlovac-

2 Virovitica, ne ferait que créer de nouvelles minorités ethniques très

3 importantes du côté serbe de la frontière et ne résoudrait en rien la

4 question des majorités et des minorités qui sont au cœur du conflit en

5 traçant cette ligne. On se contente de créer des minorités là où avant il y

6 avait des majorités, et des majorités là où avant il y avait des minorités.

7 Par ailleurs, le principe même, qui consiste à tracer cette ligne opposable

8 à d'autres lignes, et cette ligne, en tout état de cause, ne serait pas

9 négociable vis-à-vis d'autres gouvernements ou d'autres entités politiques

10 souveraines. Finalement, cette ligne n'est fonction que de sa préférence

11 personnelle vis-à-vis de la création d'une Grande-Serbie, donc, ceci en

12 aucun cas n'est une solution pour régler le problème de savoir comment des

13 gens peuvent coexister -- vivre ensemble dans un ou dans plusieurs Etats de

14 façon pacifique. Donc, c'est là un des points fondamentaux qui ne cesse de

15 revenir chaque fois que M. Seselj propose ce qu'il considère comme une

16 solution pour le règlement des rapports entre les Serbes et les Croates,

17 solution qui passe par le tracé d'une ligne, sans finalement accepter la

18 moindre négociation diplomatique ou politique, sans proposer finalement la

19 moindre réflexion quant à la solution politique qui pourrait être adoptée,

20 parce que plusieurs solutions seraient possible, l'autonomie régionale, la

21 création d'une Fédération ou d'une Confédération ou d'autres solutions

22 constitutionnelles.

23 Le Canada a fait un choix, l'inde a fait un autre choix en la

24 matière. Donc, tracer une frontière aussi artificielle que celle-ci qui, à

25 mon avis, est une fausse frontière ne résout en rien - c'est mon avis en

26 tout cas - les problèmes que peuvent poser les Etats multiethniques.

27 Mais, là encore, nous voyons quelque chose de tout à fait typique

28 dans les discours de M. Seselj qui ne cesse de revenir à l'envie sur cette

Page 2008

1 ligne K-O-K-V, et en fait, c'est une façon de lancer un ultimatum aux

2 Croates en leur disant, soit que vous acceptez cela soit nous le ferons par

3 la force.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, je me permets d'intervenir pour vous

5 demander une précision complémentaire. Dans ce discours,

6 M. Seselj parle de cette ligne K-O-K-V. Ce n'est pas la première fois, il

7 le dit à plusieurs reprises. C'est un point de vue qu'il a en pensant que

8 ça résoudrait beaucoup de problèmes. Mais mon interrogation n'est pas

9 celle-là, elle résulte du fait que vous tirez des conclusions qui me

10 laissent un peu pantois. Dans l'hypothèse où cette ligne K-O-K-V serait

11 instituée dans le cadre d'un accord international, dans le cadre d'un

12 consensus, il y aurait à ce moment-là des minorités croates, côté serbe.

13 C'est ce que vous avez dit. Vous en tirez la conclusion que ça entraînerait

14 des problèmes, et au moment où je vous écoutais, j'avais dans l'esprit un

15 discours précédent où il avait dit que, quand il y a des minorités, ces

16 minorités ont des droits.

17 Alors, quand je joins les deux discours, moi, je ne vois pas d'incohérence,

18 mais vous, vous en tirez des conclusions autres. Alors, pouvez-vous

19 m'expliquer pourquoi d'un côté dans un discours il dit que, quand il y a

20 des minorités, ces minorités ont les mêmes droits que ceux qui font partie

21 d'une majorité. Dans cette hypothèse où il y aurait une minorité croate à

22 cause de cette frontière

23 K-O-K-V, vous en tirez la conclusion qu'il serait en situation défavorable.

24 Alors, qu'est-ce qui vous permet de le dire ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourquoi est-ce que je tire cette conclusion ?

26 Si on part d'une prémisse finalement nationaliste selon laquelle il existe

27 dans un Etat une nation favorisée et que, bien sûr, les minorités ont des

28 droits, mais qu'elles n'ont pas vraiment le même statut politique et

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1 culturel que celui de la nation favorisée.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Là aussi, vous dites, les minorités ont

3 des droits, mais vous en tirez des conclusions qu'elles n'ont pas le même

4 statut culturel et politique. Mais qu'est-ce qui vous permet de le dire ?

5 Vous procédez par des affirmations qui sont peut-être exactes, mais faut-il

6 les démontrer ? Vous partez du postulat que ces minorités ont des droits,

7 et puis, vous en rajoutez, oui, mais elles n'ont pas le même standing

8 politique et culturel. De quoi en tirez-vous cette conclusion ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous lisez ce que j'ai écrit dans mon

10 rapport d'expert, vous y trouverez un chapitre entier qui traite des Etats,

11 des minorités, des droits d'évoluer en minorité, et des diverses modalités

12 par lesquelles on peut traiter de ces questions compliquées avec les

13 exemples du Canada, de l'Inde, de la Yougoslavie et autres pays.

14 Maintenant, pour le cas précis de la Yougoslavie, je cite un article dont

15 l'auteur est le Pr Tibor Varadi, un professeur de droit, et il se trouve

16 qu'il était citoyen serbe. C'était aussi le ministre de la Justice dans le

17 premier gouvernement postérieur au communisme en Yougoslavie, si je ne

18 m'abuse. Il a défendu la Serbie à la Cour de Justice internationale, qui

19 était traduite en justice par la Bosnie pour réparations, et il exprime ce

20 que je considère -- enfin, il a écrit ce que je considère comme un article

21 très profond, très pénétrant au sujet de la structure constitutionnelle et

22 des droits de citoyen, des droits de groupe et des droits individuels qui

23 pourraient être adaptés, cette situation complexe dont nous parlons en ce

24 moment, voyez-vous.

25 Alors, je ne sais pas exactement combien de temps je dois parler de ce

26 sujet très complexe et très prenant, mais dans mon rapport d'expert, je

27 fais référence au débat sur ces sujets ainsi qu'à l'avis d'un grand

28 constitutionnaliste Yougoslavie et à la façon dont lui aborde la solution

Page 2010

1 éventuelle entre la gestion de ce genre de conflit par le biais

2 d'amendement à la constitution ou de modification des frontières. Tout ce

3 que je peux dire, c'est que ce genre de déclaration de M. Seselj, qui parle

4 de tracer une frontière arbitraire ou de déplacer une frontière d'un

5 endroit à l'autre, n'est simplement pas la bonne manière de traiter ce

6 genre de conflit important.

7 Mme DAHL : [interprétation] J'aimerais maintenant, Monsieur le Président,

8 si vous m'y autorisez, que nous examinions des exemples de ce que M. Seselj

9 préconise en matière d'échange de population et d'expulsion, car je crois

10 que cela répond à votre question au sujet des solutions préconisées par M.

11 Seselj pour les minorités dans ces nouveaux Etats qui seraient à

12 l'intérieur de ces nouvelles lignes de démarcation.

13 Q. Docteur Oberschall, pouvons-nous passer au numéro 3, s'il vous plaît,

14 la séance numéro 3 ?

15 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française s'excuse à l'anglais.

16 Mme DAHL : [interprétation] Il s'agit de la page 57 dans le système e-

17 court, et il s'agit d'un extrait du livre, volume 17 donc du livre de M.

18 Seselj : "Destruction de l'identité nationale serbe." Il s'agit d'une

19 interview avec Dragan Ciric et la date est le 15 avril 1990.

20 Q. Le contexte ici est la question albanaise, si on peut en parler ainsi.

21 Donc, que -- d'après M. Seselj, quel devrait être le sort des minorités au

22 sein de la Grande-Serbie ?

23 R. Ici, on parle des Albanais du Kosovo --

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Juge, en quoi est-ce que

25 ceci est pertinent par rapport à l'acte d'accusation dressé à mon encontre

26 ? Quelle est la pertinence de la question albanaise ? Moi, j'ai un discours

27 totalement différent par rapport aux Albanais que celui que j'ai tenu par

28 rapport aux Croates et aux Musulmans et je n'ai pas été mis en accusation

Page 2011

1 avec un lien quelconque avec les Albanais.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel est le --.

3 Mme DAHL : [interprétation] M. Seselj prône l'échange de population croate,

4 musulman, albanais, toute personne qui se trouve encore à l'intérieur des

5 frontières d'un pays qu'il a dessiné lui-même et quelqu'un qui ne considère

6 pas comme étant un Serbe éclairé.

7 Donc, je vais démontrer avec plusieurs exemples écrits que

8 M. Seselj appelle sans cesse à l'expulsion des groupes ethniques

9 minoritaires et même l'expulsion des groupes ethniques majoritaires afin

10 que les Serbes de souche aient de la place pour vivre dans leur Grande-

11 Serbie. Ensuite, nous aborderons ce qui selon lui est un échange de

12 population civilisée qui est son euphémisme pour le nettoyage ethnique.

13 Donc, je reprends.

14 Q. Professeur, que nous -- d'après M. Seselj que faudrait-il faire de ces

15 peuples une fois qu'on leur a redessiné les frontières ?

16 R. Ici pour ce qui est de cette source numéro 3, donc, il voudrait que

17 l'on fasse une ceinture de 50 kilomètres le long de l'Albanie et que dans

18 cette ceinture on enlève on déplace tous les Albanais qui sont dans cette

19 ceinture de 50 kilomètres. Il considère qu'ils doivent être -- recevoir des

20 compensations financières. Donc, cette terre fertile doit être donnée à

21 l'armée et doit être -- il faut que des habitants slaves s'y installent

22 d'une façon systématique et que les 360 000 émigrants albanais, il les

23 appelle des émigrants albanais alors que ce sont des habitants qui sont

24 allés d'Albanie en Yougoslavie depuis le 6 avril 41 jusqu'à ce jour. Or, il

25 s'agit quand même d'un chiffre parfaitement fictif qui n'est étayé par

26 aucun fait historique, donc il considère que ces personnes ainsi que les

27 membres de leur famille soient donnés -- soient placés entre les mains du

28 comité des Nations Unies document -- Commissariat pour les Réfugiés des

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1 Nations Unies étant donné qu'il y a un grand nombre de pays riches sous

2 peuplés où ils peuvent aller et pour prouver leur humanité. Donc, il est

3 très sarcastique, mais, en fait, ce qu'il veut c'est juste se débarrasser

4 des Albanais pour qu'ils aillent n'importe où.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Professeur, je vous ai laissé répondre

6 à la question malgré l'objection de M. Seselj pour la raison suivante :

7 j'ai vu effectivement dans votre rapport la question des 360 000 Albanais

8 qui seraient donc arrivés au Kosovo et que vous contestez en disant que,

9 semble-t-il, ce n'est pas ce chiffre. Alors, en vous lisant, je me suis dit

10 mais sur quoi se fonde-t-il, qu'est-ce qui vous permet de dire qu'il n'y a

11 pas eu

12 360 000 Albanais qui sont arrivés depuis des années 40 au Kosovo ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un chiffre qui est employé par les

14 nationalistes serbes, mais, dans l'histoire écrite du Kosovo par Noël

15 Malcolm ou par Tim Judah, il y a des chiffres qui sont différents c'est

16 pour cela que je conteste les chiffres proposés par M. Seselj.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Quels seraient les chiffres officiels ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les chiffres officiels, je dois regarder mon

19 rapport parce que je ne m'en souviens pas comme ça de tête, mais c'est un

20 nombre très réduit quelques milliers, certainement pas 360 000. Mais si

21 vous voulez, je peux chercher dans mon rapport le chiffre exact pour vous

22 dire quel est le chiffre avancé par les historiens spécialistes de cette

23 époque.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : En vous écoutant, si ce chiffre prête à controverse,

25 ici, je me réfère à un exemple bien connu classique entre le Mexique et les

26 Etats-Unis où il y a à tous les jours des Mexicains qui franchissent la

27 frontière pour aller, donc, aux Etats-Unis. Est-ce que vous avez envisagé

28 la possibilité qu'à partir des années 40 il y a eu aussi des mouvements

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1 migratoires pour diverses raisons politiques, économiques, sociales, et

2 cetera, qui fait que ce ne serait pas quelques milliers mais des dizaines

3 de milliers ou des centaines de milliers.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai dit, Noël Malcolm et Tim Judah

5 ont étudié les estimations, les chiffres, les flux de populations et ont

6 tiré des conclusions. Je ne vais pas les contester, moi, je ne suis pas un

7 expert sur la démographie du Kosovo dans les années 40. Je me base sur les

8 experts, sur les personnes qui elles sont expertes de cette période.

9 Je pourrais dire autre chose à propos des chiffres d'ailleurs si vous

10 me permettez. La propagande, en propagande, il faut absolument se servir et

11 manipuler les chiffres, manipuler les chiffres et les multiplier ou les

12 diviser pas par un ou deux mais par des centaines.

13 Par exemple, M. Seselj emploie des chiffres à propos des meurtres des

14 Serbes aux mains des Oustacha, des personnes mortes dans les camps, et

15 cetera. Donc, moi, je cite les chiffres des historiens qui ont étudié les

16 chiffres et je cite les chiffres et les estimations de ces chercheurs qui

17 ont étudié la chose, et ce sont toujours des chiffres qui sont beaucoup

18 plus bas que les chiffres avancés par M. Seselj ou par d'autres

19 nationalistes serbes pour ce qui est des victimes, par exemple.

20 De plus, dans sa déposition dans l'affaire Milosevic, M. Seselj a dit

21 qu'il emploie les chiffres dans des buts de propagande. Il l'a dit, il l'a

22 affirmé. Il a dit qu'il avait 30 000 volontaires, qu'il avait formé --

23 qu'il avait organisé des bandes de 30 000 volontaires et il était quand

24 même sous serment quand il l'a dit dans l'affaire Milosevic -- ensuite,

25 dans une affaire Milosevic, il a dit qu'il n'était plus que 10 000. Donc,

26 quand le -- il s'agit du Procureur,

27 M. Nice, lui a demandé pourquoi il y avait une telle différence.

28 Dr Seselj a répondu en disant : écoutez, nous, on est des hommes

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1 politiques, donc, on emploie les chiffres qui s'adaptent à notre discours

2 parce que notre métier, en fait, c'est la propagande; c'est de propager des

3 mensonges.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Objection.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon approche était très, très prudente quand

6 il s'agit des chiffres avancés par M. Seselj.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, l'objection de M. Seselj.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, il est tout à fait

9 inacceptable que l'expert, que vous avez ici, vous parle de ce que je suis

10 censé avoir dit dans mon témoignage dans l'affaire Milosevic de mémoire.

11 Pour interpréter ce genre de propos, il faudrait qu'il commence par citer

12 exactement ce que j'ai dit -- plutôt, que d'imaginer et de vous dire ce que

13 lui pense ce que j'ai dit, à ce moment-là, parce que je ne me suis jamais

14 exprimé d'une façon aussi primitive que celle que vient d'utiliser M.

15 Oberschall. C'est inacceptable pour un expert. Un témoin illettré ou semi

16 illettré peut s'il a été victime de quelque chose raconter l'histoire des

17 malheurs qui lui sont arrivés, et comme il peut, mais ici c'est un expert

18 et il est dans l'obligation de citer précisément le compte rendu, et

19 cetera.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Seselj a fait une objection. Mais j'allais vous

21 poser la question de nature similaire, mais vous avez dit que vous vous

22 êtes penché sur les réponses faites dans le procès Milosevic par M. Seselj.

23 C'est par curiosité intellectuelle que vous vous êtes penché là-dessus

24 parce que ça ne rentrait pas spécifiquement dans votre mission. Qu'est-ce

25 qui vous a motivé pour aller regarder ce qui s'est passé dans le procès

26 Milosevic ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai juste regardé pour savoir ce qui se

28 passait ici dans ce Tribunal pas uniquement dans le cadre de l'affaire

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1 Milosevic mais aussi dans le cadre d'autres affaires, par exemple, dans

2 l'affaire Galic, puisque dans la Prijedor aussi -- dans les affaires

3 portant sur Prijedor, et dans d'autres affaires. Pour être au courant de

4 toutes les nouvelles informations qui pourraient arriver puisque ce

5 Tribunal génère de nouvelles informations sans cesse sur ce qui s'est

6 vraiment passé -- sur de nouvelles informations à propos de gens dont je

7 parle dans mes écrits, donc, j'ai besoin de savoir.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai compris pourquoi vous vous êtes penché dessus,

9 mais êtes-vous sûr exactement des propos qu'il a

10 tenus ? Parce qu'il y a une contestation à ce niveau.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je les ai écrits. Je les ai sous les yeux

12 d'ailleurs.

13 M. Nice -- donc, le Dr Seselj a témoigné à décharge pour

14 M. Milosevic. M. Nice avait posé une question à propos des déclarations

15 incriminant qu'il avait fait contre --

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- M. Oberschall doit lire quelle est la page

17 qu'il est en train de lire. Je suppose qu'il s'agit du complément à son

18 rapport que j'ai reçu il y a deux ou trois jours. Est-ce que c'est là que

19 vous trouvez ce passage ? Vous devez me dire quel est le passage ?

20 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- référence de la page, ou pas, de toute façon les

22 Juges pourront toujours vérifier.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Il s'agit de la page 4, de la pièce

24 jointe que j'ai ajoutée c'est 06148632. Ça c'est la référence officielle.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

26 Mme DAHL : [interprétation] La référence 65 ter est le 7001, et c'est à la

27 fin de l'annexe. Je vais vous retrouver le numéro e-court dans une minute.

28 Il s'agit de la page 4.

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1 Le témoignage de M. Seselj dans l'affaire Milosevic a été versé au dossier

2 en tant que pièce. Pour l'instant, c'est une pièce qui n'a pas de cote.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- dans le texte sous les yeux, Seselj, en

4 anglais : "Yes, political discourse is full of --"

5 [interprétation] Seselj disant : "Oui, le discours politique est un

6 tissu de mensonges."

7 [en français] Bien.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, mon objection portait sur les

9 propos exacts de M. Oberschall. Il n'y a qu'une seule phrase interprétée

10 par lui qui est exacte, à savoir que j'ai parlé de 30 000 volontaires à des

11 fins de propagande, alors que le nombre exact était probablement aux

12 environs de 10 000. Tout ce qu'a ajouté après cela M. Oberschall n'est que

13 de la construction en bonne et due forme. Et pour démontrer la réalité de

14 sa construction, il s'appuie sur d'autres parties du compte rendu

15 d'audience, qui n'ont aucun rapport. Donc ce cas concret, dès lors que l'on

16 parle du nombre de volontaires, ce que j'ai dit est répété exactement.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- votre objection est donc enregistrée et les Juges

18 feront le tri parmi les chiffres et les indications des uns et des autres.

19 Bien, alors, on va continuer, Madame Dahl.

20 Mme DAHL : [interprétation] Je crois qu'on vient de me dire qu'il serait

21 l'heure de faire la pause.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- alors, il est midi 20, nous allons faire donc une

23 pause de 20 minutes.

24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 48.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'audience est reprise.

27 Avant de donner la parle à Mme Dahl, une information de nature logistique.

28 Demain, la Chambre Milosevic va rendre son jugement à

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1 9 heures dans cette salle d'audience, ce qui fait que nous serons obligés

2 de nous transporter en salle numéro II, et à la première pause, nous

3 reviendrons en salle numéro I.

4 Donc, Monsieur Seselj, demain à 9 heures, nous serons en salle numéro II et

5 à 10 heures et demie, on reviendra ici parce que la salle numéro I est

6 prise par le prononcé du jugement dans l'affaire Dragomir Milosevic. Voilà

7 ce que je voulais vous dire.

8 Madame Dahl.

9 Mme DAHL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

10 Donc, juste avant la pause, M. Seselj a soulevé une objection à propos

11 d'une citation du Dr Oberschall tirée de son rapport et qui venait de la

12 déposition de M. Seselj dans l'affaire Milosevic. J'aimerais que le compte

13 rendu soit absolument clair et dans la mesure du possible parfaitement

14 fiable.

15 Donc, j'ai trouvé la citation exacte, à laquelle fait référence le Pr

16 Oberschall. Donc, il s'agit de la déposition de M. Seselj, le

17 7 septembre 2005, page 4 323 -- non, 43 923, lignes 23 à 43 925, ligne 3.

18 Question de M. Nice : "La question suivante est une question très simple,

19 Monsieur Seselj. C'était votre intention à l'époque de dire quelque chose

20 qui n'était pas vraie ? "Oui, n'est-ce pas ?

21 Réponse de M. Seselj : "Oui. Dans le cadre de l'effort de propagande de la

22 SRS contre les autorités de M. Milosevic et contre lui personnellement,

23 c'est d'ailleurs les paroles les plus douces que j'ai prononcées à

24 l'époque. Il y a des propos bien plus vigoureux aussi.

25 Question : "C'était un mensonge ?

26 Réponse : "Non, M. Nice. Si vous êtes un homme éduqué, vous auriez lu le

27 livre d'Hannah Arendt : 'Vérité et mensonges en politique.' Ah, très bien.

28 Donc, c'est la meilleure chose à faire de couper un micro du témoin parce

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1 que vous n'aimez pas sa réponse."

2 Mme DAHL : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous revenions au

3 thème de nettoyage ethnique tel qu'il est abordé dans le discours politique

4 de M. Seselj.

5 Donc, tout d'abord, je voudrais que l'on -- je voudrais tout d'abord verser

6 pour identification la pièce numéro 7001 du 65 ter --

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Juge,

8 Mme Dahl vient de confirmer l'objection que j'ai exprimée par rapport à ce

9 qu'a dit M. Oberschall. Ce que j'ai dit dans mon témoignage, dans le procès

10 Milosevic - et j'ai été interrompu d'ailleurs, on m'a coupé le micro parce

11 que ma réponse ne plaisait pas à la Chambre de première instance de

12 l'affaire Milosevic - ceci n'a rien à voir avec la citation de tout à

13 l'heure au sujet de ce que j'aurais dit par rapport aux volontaires du

14 Parti radical serbe. On ne peut pas d'un côté utiliser une phrase dans un

15 contexte pour ensuite la reprendre dans un autre contexte. Chaque phrase,

16 chaque expression a son propre contexte parce que dans un [imperceptible]

17 politique, si vous dites quelque chose dont vous savez que ce n'est pas la

18 vérité et tous les participants savent également que ce n'est pas la vérité

19 cela veut dire que vous voulez offenser, insulter, blesser, et cetera.

20 Mais, vous n'êtes pas en train de dire une contre vérité parce que votre

21 auditoire ne le prend pas pour une contre vérité. Ça peut être un lapsus,

22 ça peut être une provocation politique, ça peut être une volonté

23 déterminée.

24 Mais ici, moi, je suis opposé à Mme Dahl et à M. Oberschall qu'ils

25 lisent ce qu'ils veulent. Moi, je pense que c'est inacceptable.

26 Il faut que M. Oberschall cite précisément ce qu'il dit, c'est la seule que

27 je lui demande. Je refuse qu'il invente quelque chose qui sort de sa propre

28 tête alors que quand on le ramène dans le contexte, ça n'existe pas.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, Mme Dahl a cité une réponse que

2 vous auriez faite à M. Nice, et puis, vous venez de dire tout à l'heure que

3 la Chambre vous avait coupé la parole à ce moment-là, et cetera. Donc,

4 c'est que la réponse que vous aviez faite n'était pas complète ? C'est ça

5 que vous vouliez nous dire ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Evidemment, elle n'était pas complète comme pas

7 mal d'autres réponses que j'ai faites, mais, dans les circonstances

8 actuelles, ce n'est pas capital parce que, si j'ai bien compris, jusqu'à

9 présent, vous ne me coupez pas le micro donc vous ne faites pas une

10 sélection de mes réponses en fonction de critère qui n'aurait rien à voir

11 avec ce qui se passe dans le prétoire. Alors que là-bas, c'est ce qu'il se

12 passait. Chaque fois que j'avais quelque chose à dire, on me coupait la

13 parole parce que cela ne leur convenait pas.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. En tout cas, ma position est très simple

15 : je ne vois pas pour quelle raison je vous couperais la parole. A la

16 condition évidemment que ceci reste dans les limites du débat judiciaire et

17 du débat contradictoire.

18 Alors, la Chambre délibèrera sur la question de savoir si la citation

19 figurera ou pas au transcript compte tenu des observations des uns et des

20 autres.

21 Continuez, Madame Dahl.

22 Mme DAHL : [interprétation] Oui, merci.

23 Le statut de M. Seselj, qui se représente lui-même, lui permet de prendre

24 la parole et de soulever des objections, ce qui, bien sûr, est tout à fait

25 normal puisqu'il se défend lui-même. Néanmoins, moi, j'aimerais que les

26 Juges le préviennent pour qu'il sache que ce qu'il ait dit pourra être

27 employé contre lui par l'Accusation.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Ça fait dix fois que vous l'avez dit, il le sait. Il

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1 le sait parfaitement. Il sait ce qu'il dit peut être utilisé. Bon, il le

2 sait.

3 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je trouve que ces

4 objections sont un peu longues et, bien sûr, cela rajoute à ce que nous

5 emploierons lors de notre réquisitoire.

6 Maintenant, j'aimerais que l'on marque pour identification la pièce de la

7 liste 65 ter 7 001.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Celle-ci recevra la cote P15 MFI.

9 Mme DAHL : [interprétation]

10 Q. Merci, passons maintenant à la pièce 65 ter 6011. Il s'agit là encore

11 d'une séquence vidéo venant de la télévision croate relatant les activités

12 de M. Seselj lors d'une conférence de presse.

13 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

14 Mme DAHL : [interprétation] Le format qui s'appelle "picture-on-picture."

15 Il s'agit de 1991 et le format donc c'est image sur image.

16 [Diffusion de la cassette vidéo]

17 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

18 "Je m'adresse de nouveau à Seselj, et je lui parle de sa proposition,

19 je lui demande si les Serbes sont expulsés de Croatie, qu'est-ce qu'il

20 prévoit pour les Serbes ? Il répond qu'il s'agit d'une mesure de distorsion

21 de représailles. Autun Skenderovic réagit en disant que les points de vue

22 de Seselj sont bien connus mais qu'il est bon qu'il les présente depuis la

23 salle de l'assemblée en répondant, Seselj -- [impossible de suivre pour les

24 interprètes les sous-titres défilent trop vite, ils n n'ont pas la

25 transcription écrite, absolument impossible]

26 Seselj a dit que si on expulse les Serbes, nous expulserons les Croates, il

27 prend l'exemple du comportement des Croates vis-à-vis de Seselj en

28 justifiant donc son propos, sur cette base."

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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Les interprètes ont appelé l'attention sur deux

3 problèmes. Tout d'abord, le texte anglais, qui figure parfois, ne restitue

4 pas exactement ce que M. Seselj a pu dire. Et puis, deuxièmement, comme M.

5 Seselj parle très vite, les interprètes ont du mal à traduire également.

6 Alors, bon, si c'est important, le mieux c'est de repasser à nouveau la

7 bande pour permettre l'occasion de corriger.

8 L'INTERPRÈTE : C'est une journaliste qui parlait.

9 Mme DAHL : [interprétation] Je vais peut-être reprendre la description

10 parce qu'il s'agit, en fait, du clip G de la pièce 6011.

11 Il y a aussi quand même le compte rendu de la session parlement serbe de M.

12 Seselj. Donc, il s'agit de l'assemblée qui a eu lieu le 1er avril 1992.

13 Excusez, ceci n'a pas été très simple.

14 Nous ne voyons pas pourquoi nous devrions revoir cette séquence.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut revoir la séquence parce que la traduction a

16 eu du mal à suivre, donc, on ne sait pas exactement ce que disait M. Seselj

17 au parlement, donc, repassez-la.

18 [Diffusion de la cassette vidéo]

19 L'INTERPRÈTE : Les interprètes ne savent absolument pas où commence cet

20 exposé qui est dit à toute vitesse par une journaliste. Quant à la

21 transcription reçue du bureau du Procureur dont dispose les interprètes,

22 l'interprète qui s'exprime actuellement va traduire.

23 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

24 "Seselj, si les Croates ont pris des maisons serbes à Zagreb, Briaka

25 [phon] et dans d'autres villes croates, il n'est que normal que les

26 réfugiés serbes s'installent dans des maisons croates."

27 L'INTERPRÈTE : C'est ce que les interprètes ont reçu sous séquence G du

28 document 65 ter 6 011, et rien de plus, et ça n'a rien à voir avec ce qui

Page 2023

1 est en train d'être diffusé.

2 [voix sur voix]

3 "C'est tout de même être le droit d'expulser les Serbes, nous

4 expulserons les Croates, a dit Seselj, et il a ajouté qu'il voulait

5 supprimer une autre illusion au sujet du bon comportement des Croates qui

6 ne sont rien d'autres que des Oustachis."

7 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

9 Mme DAHL : [interprétation] Nous allons déposer à part un compte rendu qui

10 ralentit la vitesse du discours afin que vous puissiez savoir ce qu'il est

11 vraiment dit. Je suis désolée que cette vidéo soit très rapide.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord pour qu'une

13 transcription détaillée soit versée en tant qu'éléments de preuve, mais je

14 suis opposé à ce que cette séquence devienne un élément de preuve car ce ne

15 sont pas les mots prononcés par moi, mais l'interprétation faite une

16 journaliste. Le Procureur a dit que c'était une émission de la télévision

17 croate intitulé "Image sur Image," or, ici, je reconnais un accent serbe de

18 l'autre côté de la salle parce que c'est l'accent avec des yeux qui est

19 utilisé. Donc, c'est simplement une interprétation de journaliste et une

20 interprétation de journaliste ne peut en aucun cas devenir une pièce à

21 conviction.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Apparemment, il y a deux choses. Il y a ce que dit

23 le journaliste, et puis, il y a les propos de M. Seselj au parlement. Ce

24 qui vous intéresse, c'est les propos de M. Seselj, c'est pas le

25 journaliste; c'est bien ça ?

26 Mme DAHL : [interprétation] En partie, Monsieur le Président, je suis

27 d'accord avec vous. Il y a deux questions et c'est la première c'est ce que

28 M. Seselj a dit et la deuxième question : quel incident ceci a eu; est-ce

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1 qu'il a été compris par l'auditoire; et pourquoi ceci a motivé d'aucune --

2 et je vais présenter les transcriptions de l'émission de télévision en même

3 temps que les transcriptions des sessions de parlement serbe de façon à ce

4 que vous puissiez avoir tous les éléments et qu'il n'y a pas de malentendu.

5 Je souhaite à ce stade, néanmoins, demander le versement au dossier

6 du numéro 6011 de notre document sur la liste 65 ter. C'est la séquence

7 vidéo G.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre décide de donner un numéro aux fins

10 d'identification tant qu'on n'aura pas la traduction. Monsieur le Greffier,

11 donnez un numéro, aux fins d'identification.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro MFI P16, Madame et

13 Messieurs les Juges.

14 Mme DAHL : [interprétation]

15 Q. Professeur Oberschall, avez-vous pu entendre la diffusion du discours

16 de M. Seselj et nous dire, en fait, dans quelle catégorie cela tombe ?

17 R. Oui, cela tombe sans nul doute dans la catégorie de l'expulsion,

18 l'échange de la population, dans cette catégorie-là.

19 Q. Et je vous demande --

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'expert de l'Accusation m'impute des propos

22 qui sont prononcés par une journaliste. Il n'a pas le droit de dire que les

23 mots prononcés par une journaliste sont prononcés par moi. Lorsque l'expert

24 sera témoin dans le procès intenté à la journaliste qui a dit cela, il

25 pourra le faire. Mais, là, il n'a pas le droit de commenter les propos

26 d'une journaliste en prétendant qu'il commente mes propos.

27 Mme Dahl aurait dû immédiatement lui soumettre le compte rendu d'audience

28 et là il aurait pu commenter, mais pas le discours d'une journaliste.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : La vidéo que nous avons vue, il y a deux choses, il

2 y a les commentaires de la journaliste et l'intervention de M. Seselj, et

3 puis, il y a également un membre du parlement qui intervient.

4 Alors, faites vos commentaires uniquement par rapport à ce qu'a dit M.

5 Seselj.

6 Mme DAHL : [interprétation] Puis-je répéter ma question, s'il vous plaît ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors, répétez la question.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, là, il n'y a pas un mot

11 prononcé par moi. On ne voit que l'image de moi quand j'étais plus jeune,

12 plus jeune de 16 ans. C'est la seule chose que vous voyez. Mais il n'y a

13 pas un mot prononcé par moi dans cette émission, les mots prononcés dans

14 cette séquence vidéo sont uniquement et exclusivement prononcés par la

15 journaliste. Donc, l'expert n'a pas le droit de commenter, l'expert on doit

16 lui donner la transcription de mes propos et ça éventuellement il peut le

17 commenter à moins qu'il ait sorti ça d'un de mes livres, et alors, il peut

18 le commenter aussi. Mais il ne peut pas commenter l'interprétation faite de

19 mes propos par une journaliste.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai cru, Monsieur Seselj, que quand on vous voyait

21 en train de parler, la traduction c'était la traduction de vos propos. Et

22 là vous nous dites maintenant que c'est la traduction de ce que dit la dame

23 journaliste.

24 Alors, Madame Dahl, où est -- quelle est la situation ?

25 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président, je dois dire qu'il y a

26 tellement d'exemples de M. Seselj, qui lance un appel pour l'expulsion des

27 Croates et qui demande l'expulsion des Croates, donc, de chicaner là-

28 dessus, vraiment c'est une perte de temps. Je peux vous donner la

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1 transcription de l'assemblée au parlement, mais en faite il réfute ses

2 propres termes.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- problème. On voit M. Seselj qui s'exprime au

4 parlement à Belgrade. Apparemment, M. Seselj dit que dans la bande ses

5 propos ne sont pas traduits et n'apparaissent pas. Donc, c'est déjà un

6 problème. Que dit-il ?

7 Deuxièmement, nous avons entendu tous une traduction concernant les Serbes

8 et les Croates. Vous vous parlez d'expulsion, moi, dans la traduction, je

9 n'ai pas entendu ces mots "expulsion." J'ai entendu le fait que des Serbes

10 allaient occuper des appartements croates et que des Croates allaient

11 occuper des appartements de Serbes.

12 Donc, voilà nous sommes dans une audience pénale où il faut être très

13 précis parce qu'un peu peut avoir des conséquences. Donc, il y a toute une

14 série de problèmes qui en l'état ne permettent pas d'attribuer à M. Seselj

15 à partir de cette vidéo ce que vous vouliez lui attribuer.

16 Alors, passez à une vidéo plus explicite, mais celle-là nous n'avons

17 pas les propos mots de M. Seselj. Apparemment, c'est une journaliste qui

18 commente.

19 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président, moi je suis d'accord

20 avec vous pour dire que tous les mots comptent et sont importants dans une

21 affaire comme celle-ci. J'apprécie que nous ayons marqué, aux fins

22 d'identification, cette séquence vidéo. Je vous ai dit que j'allais vous

23 fournir une transcription adéquate ainsi que la transcription de la séance

24 au parlement. Mais, je crois que l'émission des nouvelles est importante et

25 pertinente en l'espèce car l'analyse faite par l'expert Oberschall porte

26 sur l'utilisation des moyens de communication de masse et de techniques de

27 persuasion utilisées par M. Seselj, et donc, la couverture dans les médias

28 était-elle qu'il a saturé les médias avec son discours politique. Donc,

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1 j'estime qu'il y a deux aspects importants eu égard à cette vidéo et qui

2 font que c'est pertinent. Pas seulement les dires de

3 M. Seselj, mais on a compris ce qu'il a dit, ce que les gens ont compris

4 sur ce qu'il a dit dans ses reportages. Donc, je vous remercie de m'avoir

5 donné un numéro MFI et je vais vous fournir des transcriptions adéquates.

6 Je souhaite maintenant passer à l'exemple 84, il s'agit d'un document qui

7 se trouve sur la pièce marquée aux fins d'identification P3. C'est le

8 numéro 02875, page 28 du document qui se trouve sur la liste 65 ter, et

9 ceci a été publié dans Politika, le mois d'avril,

10 4 avril 1992.

11 Q. Donc, avez-vous passé en revue ce document ainsi que votre

12 classification. Veuillez nous indiquer quelles parties du texte vous avez

13 considéré comme étant important eu égard au discours de

14 M. Seselj ?

15 R. Veuillez me donner le numéro du document, en fait.

16 Q. C'est l'exemple numéro 84. Vous, dans votre classeur, cela correspond à

17 la page 127, page imprimée de votre addendum.

18 R. Donc, c'est l'exemple 84.

19 Q. Oui, s'il vous plaît.

20 R. Merci. Je dois le lire, c'est cela ?

21 Q. Non, veuillez vous familiariser avec cela, ensuite, nous pourrons en

22 parler et parler de la classification que vous en avez faite.

23 R. La façon dont je l'ai classé encore une fois, le sujet ici c'est :

24 "L'expulsion et l'échange de la population," et de surcroît, une menace

25 contre les Serbes. En d'autres termes, la menace, c'est Tudjman qui

26 expulsait plusieurs milliers de Serbes de la Croatie et nous devons chasser

27 nos Croates de Serbie. Les Serbes n'ont rien à faire en Serbie. Donc, ici,

28 cela part ici de la menace et ce à quoi fait référence M. Seselj ici,

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1 l'échange de la population. Mais comme on peut le voir ici, cela signifie

2 véritablement chasser car cela est dit ici : "Chasser sous tous les Croates

3 de Serbie, les Croates n'ont rien à faire en Serbie," et de surcroît, il

4 les perçoit comme une colonne qui ne seront pas loyaux envers l'Etat et qui

5 adversaire d'une manière ou d'une autre, mais rien ne le prouve.

6 Donc, voici comment je l'ai classé.

7 Q. Est-ce que ce document indique comment M. Seselj proposait de déplacer

8 cette population ? Je vais vous donner quelques instants pour que vous

9 puissiez le lire.

10 R. Il dit : "Simplement nous allons les mettre à bord d'autocars et les

11 escorter jusqu'à la frontière."

12 Q. Lorsque vous avez analysé le discours de M. Seselj sur l'échange de

13 populations, est-ce que vous avez constaté qu'il y avait un nombre

14 important de documents à cette question ?

15 R. Oui.

16 Q. Pourriez-vous nous en décrire les caractéristiques ?

17 R. La caractéristique c'est que j'ai ici nommé en terme d'euphémisme donc

18 échange volontaire de la population et c'est ainsi qu'il fait allusion sans

19 cesse. Mais dans la langue de la propagande, cela signifie en général que

20 ça a un caractère coercitif, que vous obligez les gens, à partir contre

21 leur volonté, que cela leur plaise ou non, et vous établissez une

22 différence entre -- vous ne faites aucune distinction sur ce qu'ils sont

23 mais vous les englobez dans la même catégorie. Pour l'essentiel, vous leur

24 demandez de faire des valises, de monter à bord d'un autocar et vous les

25 déposez à la frontière, et ceci est censé être un échange de populations

26 volontaire. Je ne peux que dire que le terme n'est pas approprié pour

27 décrire ce qui se passe sur le terrain à des gens lorsqu'ils sont traités

28 de cette manière.

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1 Q. Donc, sur la base de votre recherche --

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Objection, Monsieur le Juge, car

3 avec les propos qu'il vient de tenir il insulte moi-même et la Chambre

4 d'ailleurs. Il est toujours en train de mâchouiller, il mâchouille depuis

5 le début. Il le fait encore maintenant c'est une insulte.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, le témoin répond à une question. Sa

7 réponse peut ne pas vous plaire peut-être sujet à discussion. Ecoutons ce

8 qu'il dit, et puis, nous écouterons aussi demain votre contre-

9 interrogatoire sur ce problème et espérons que la vérité jaillira. Voilà.

10 Donc, pour le moment, on est au début d'un processus où vous parlez

11 d'échange, d'expulsion, bon, vous donnez votre opinion; nous verrons ce

12 qu'il en est.

13 Continuez, Madame Seselj -- Madame Dahl. Madame Dahl, continuez.

14 Mme DAHL : [aucune interprétation]

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, Monsieur le Juge, est-ce que

16 je peux dire encore un mot -- je peux m'exprimer ?

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y, oui.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, les réponses que fait M.

19 Oberschall me plaisent beaucoup. Toute l'audience d'aujourd'hui m'a comblé

20 d'aise car il parle extrêmement bien comme s'il était venu ici en qualité

21 de témoin expert mais je crois qu'il est inacceptable qu'il passe toute

22 l'audience à mâcher du chewing-gum. Si vous pensez que c'est acceptable,

23 alors je ne ferai plus cette observation à quel qu'autre témoin que ce

24 soit.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : -- expert je ne savais pas que vous mâchez un

26 chewing-gum. Bon, voilà, le chewing-gum a disparu.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, continuez.

Page 2030

1 Mme DAHL : [interprétation] Je souhaite maintenant que nous -- je voudrais

2 revenir sur la phrase de M. Seselj. Toujours dans l'exemple 84 que nous

3 avions sous les yeux tout à l'heure, je cite : "Ils disent que l'expulsion

4 des Croates ne serait pas une solution démocratique mais cette méthode a

5 déjà été appliquée dans le monde et elle s'est avérée bonne dans des

6 situations où les gens ne pouvaient plus vivre ensemble."

7 Q. Est-ce que vous pourriez nous aider à analyser le contenu de ces

8 deux phrases ?

9 R. Absolument. Il existe un livre très bien connu qui traite des échanges

10 de populations, du nettoyage ethnique. Un livre écrit par un historien dont

11 le nom est Najmark, et le titre de cet ouvrage est : "Les feux de la

12 haine." D'ailleurs, j'y fais référence dans mon rapport. C'est dans cet

13 ouvrage qu'on trouve les meilleurs exemples de ce qui se passe en présence

14 d'échange de populations ou d'expulsion de populations quel que soit le

15 terme qu'on veuille utiliser pour qualifier ce genre de chose. M. Seselj

16 donne à de nombreuses reprises des exemples de ce qu'il considère comme des

17 échanges de populations volontaires qui se sont donc produits et qui ont

18 servi à résoudre ce problème posé par l'existence de majorité et de

19 minorité et le conflit entre les majorités et les minorités. Ce qu'il aime

20 beaucoup citer c'est la période où l'Inde et le Pakistan se sont séparés et

21 opposés, donc, l'époque de la création d'une frontière entre l'Inde et le

22 Pakistan, et cetera. Si vous étudiez d'un peu plus près la situation

23 historique de l'époque, vous constaterez que cet événement a constitué

24 l'une des plus grandes tragédies de l'histoire mondiale puisque plus d'un

25 million de personnes ont été expulsées à moins qu'elles n'aient pris la

26 fuite pour quitter l'Inde et se rendre dans ce qui est aujourd'hui le

27 Pakistan. Il y a eu également des flux migratoires dans l'autre sens. De

28 très nombreuses personnes ont été tuées durant ces fuites dans les deux

Page 2031

1 sens, les gens ne partant qu'avec ce qu'ils pouvaient pratiquement emporter

2 sur eux. Cet événement est considéré, en tout cas, par les Indiens et les

3 Pakistanais, mais aussi par de nombreux autres habitants de la planète,

4 comme une véritable tragédie.

5 Par ailleurs, je peux vous donner un autre exemple des propos de M.

6 Seselj. Il cite en critiquant mon analyse de contenu ce qu'il fait dans un

7 document de 156 pages, et dans ce document, il parle de ce qu'il appelle

8 des échanges de populations entre les Grecs et les Turcs à la fin de la

9 guerre entre la Grèce et la Turquie en 1923. Donc, là, il parle d'échange

10 de populations or il s'agit, en réalité, d'expulsion et de nettoyage

11 ethnique. Moi, j'ai repris le livre de Najmark, celui dont je viens de

12 parler, voyez-vous pour voir ce qui s'était effectivement passé à cette

13 époque, et je cite -- je propose un exemplaire de ces pages dans mon annexe

14 -- dans une annexe à mon rapport qui compte une quinzaine de pages.

15 Donc, je cite ce qu'a écrit le professeur au sujet de ce prétendu

16 échange de populations volontaire qui encore une fois s'est terminé dans la

17 plus grave et la plus grande des tragédies avec de nombreuses morts, des

18 personnes mourantes de faim et des grandes difficultés dans le relogement

19 des personnes qui ont survécu à ces soi-disant échanges de population.

20 Alors, si vous vous penchez sur l'ouvrage de Najmark, qui parle

21 également de la situation des Arméniens et des Turcs, puis de la situation

22 des Grecs et des Turcs, qui ensuite passe en revue la situation de la

23 Seconde Guerre mondiale avec toutes les expulsions de populations et tout

24 le nettoyage ethnique qui a eu lieu après le traité de Versailles, qui

25 passe en vue la Première Guerre mondiale avec les expulsions et les

26 échanges de populations qui ont eu lieu après la signature du traité de

27 Versailles, qui passe ensuite en revue la Seconde Guerre mondiale et les

28 suites de la Seconde Guerre mondiale, et puis les expulsions de l'ère

Page 2032

1 Staliniste, expulsion de certains territoires de l'Union Soviétique, et

2 cetera, et cetera, jusqu'à l'époque actuelle la situation de la

3 Yougoslavie. Après cette lecture, vous découvrirez que quelle que soit la

4 façon dont on appelle cela, quels que ce soient les mots élégants qu'on

5 peut utiliser pour en parler tout cela se résume au fait qu'un grand nombre

6 de personnes sont déplacées de force et contraintes de quitter leur

7 domicile et que pas mal de ces personnes meurent durant le processus. Ces

8 personnes on leur prend leurs biens et elles finissent avec le statut de

9 réfugié, réfugié permanent dans certains pays étrangers. Donc, voilà

10 l'histoire des échanges de population du

11 XXe siècle finalement. Il n'y a pas un seul exemple à moins qu'il ne

12 s'agisse d'une région très très limitée en taille, il n'y pas un seul

13 exemple d'important échange de populations dans l'histoire du

14 XXe siècle quine réponde à cette définition. L'histoire de l'Europe, bien

15 entendu, mais c'est également vrai d'autres régions du monde.

16 Q. Est-ce que vous considérez que la façon dont M. Seselj qualifie

17 les échanges de population dans l'histoire est exacte ?

18 R. Non, bien sûr que non.

19 Q. J'aimerais maintenant appeler votre attention sur un document que

20 vous avez classé lorsque vous avez étudié la façon dont M. Seselj définit

21 les échanges de population entre l'Inde et le Pakistan. Je parle de la

22 pièce à conviction de l'Accusation enregistrée aux fins d'identification

23 numéro 5, page 231 de la version anglaise du prétoire électronique, et 247

24 de la version en B/C/S. Je vous prie, de m'excuser, Monsieur Oberschall, de

25 vous imposer tous ces numéros.

26 R. Oui.

27 Q. Le document lui porte le numéro 192.

28 R. Document 192 ?

Page 2033

1 Q. Oui.

2 R. D'accord.

3 Q. Je vous demanderais de lire pour le compte rendu d'audience ce passage.

4 R. Reparution dans le volume 22 des publications faites à l'initiative de

5 M. Seselj. La date est celle du 4 août 1992. Il s'agit d'une interview par

6 studio B, une station de télévision, et

7 M. Seselj fait paraître cela par écrit et se présente donc comme ayant dit

8 ce qui suit, je cite :

9 Deuxièmement, comme M. Lilic l'a dit : "Oui, il existe de bons Croates,

10 quelques-uns. Je pourrais être d'accord sur ce point en tout cas sur le

11 principe. Il y a probablement de bons Croates quelque part mais je n'en ai

12 jamais rencontré de ma vie. Donc, je ne sais pas où ils sont. Il nous a été

13 montré clairement qui sont ceux qui agissent le mieux et que ceux qui ont

14 l'air d'être les meilleurs d'entre nous sont en fait les plus dangereux. Ce

15 sont nos pires ennemis. Ce sont les plus grands criminels, comme par

16 exemple, Ante Markovic. Vous savez, avec quelle chaleur la Serbie a

17 accueilli Ante Markovic, quel appui elle lui a accordé, et combien il a été

18 difficile de s'en débarrasser une fois qu'il est devenu clair qu'il faisait

19 encore plus de dégâts que Tudjman. Tudjman est un Oustachi qui est très

20 ouvert en tant qu'Oustachi, et il a été utile aux Serbes. Il a réveillé la

21 conscience nationale serbe et a uni les Serbes dans une unité fédérale

22 croate, et cetera. Mais ceux qui ont prétendu qu'ils étaient bons ou qu'ils

23 étaient nos amis, ce sont eux qui ont toujours fait retombé les pires

24 destructions sur nous, à commencer par Tito et ceux qui ont suivi.

25 S'agissant de la question de l'exil des Croates hors de Serbie, je crois

26 que cela ne contredit aucun droit fondamental démocratique parce que, si

27 vous regardez l'expérience internationale à cet égard, nous constatons

28 d'abord qu'il n'y a rien de nouveau dans cette idée. Les Allemands ont été

Page 2034

1 expulsés hors de Pologne. Les Allemands ont été expulsés hors de

2 Tchécoslovaquie, hors de la zone des Sudètes. Les Allemands ont été

3 expulsés hors de Yougoslavie. Pourquoi les Croates ne le seraient pas dans

4 ces conditions ? Si maintenant c'est un crime contre les Croates alors cela

5 aurait dû être un crime contre les Allemands. Soit nous expulserons les

6 Croates maintenant soit nous faisons revenir les Allemands de l'époque. Un

7 dilemme se pose sur les principes ici. Après tout, il y a eu échange de

8 population pendant un certain temps entre l'Inde et le Pakistan au moment

9 de la séparation entre ces deux pays. Cela s'est passé dans d'autres

10 parties du monde également. Pourquoi ? Si une haine aussi importante surgit

11 entre deux peuples cela rend leur cohabitation impossible dans des

12 conditions normales. Si la vie ensemble est impossible ce qui est tout à

13 fait évident dans le cas présent, alors, la population doit être échangée

14 dans de bonnes conditions. Qu'est-ce que cela signifie ? Il est

15 insupportable pour les Serbes de vivre en Croatie mais les Croates

16 pourraient vivre en Serbie. Pourquoi, et à quelle fin, et où vont aller ces

17 200 à 300 000 Serbes lorsqu'ils arriveront de Croatie ? Ceux qui resteront

18 sur le territoire de la Krajina serbe et qui pourraient continuer à y

19 vivre, le feront, mais les capacités de logements de cette région sont

20 limitées. Les autres, ceux qui ne pourront pas se loger là, iront dans une

21 Serbie, elle-même rétrécie. Où est-ce que l'on mettra ? Où est-ce qu'ils

22 vivront ? Où est-ce qu'ils travailleront ? Nous ne pouvons pas les

23 accueillir. La Serbie n'a pas suffisamment d'argent pour construire des

24 maisons à leur intention pour construire des bâtiments, pour leur donner du

25 travail, et cetera. La solution la plus élégante c'est que les Croates

26 aillent gentiment en Croatie et que les Serbes aillent gentiment en Serbie.

27 Tout oiseau a ses propres congénères, et cela permettrait une solution

28 durable. Pourquoi est-ce que nous laisserions quelqu'un qui ne cesse de

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1 nous déstabiliser, qui coopère ouvertement avec les Oustachi avec ce qu'ils

2 ont fait ? Comme lorsque les Oustachi ont été transportés à la frontière

3 hongroise, et cetera, continuer à agir de la sorte. Après tout, nous

4 n'oublions pas qu'un nombre important des Croates, qui résident aujourd'hui

5 en Serbie, ont été envoyés là par Ante Pavelic, président de l'Etat

6 indépendant fasciste de Croatie durant la Seconde Guerre mondiale. Ils sont

7 arrivés dans la région de Srem et dans le secteur de Slankamen, plus

8 précisément. Ce sont les pires Oustachi de l'Herzégovine occidentale.

9 Comment des Oustachi pourraient-ils rester dans la municipalité de Zemun ?

10 Qu'est-ce qu'ils y feraient ?"

11 Q. Comment avez-vous classé cela, Monsieur Oberschall ?

12 R. Il y a pas mal de choses dans ce passage. Bien entendu, il est

13 principalement question d'expulsions d'échange de population, mais il

14 présente les Croates comme des stéréotypes en disant finalement qu'ils sont

15 toujours les mêmes et que les bons sont dangereux, des choses de ce genre,

16 des stéréotypes négatifs. Il parle aussi de menace interne contre les

17 Serbes si les Croates devaient rester en Serbie. Bien entendu, il avance

18 toutes sortes de raisons pour justifier son propos et justifier ce qu'il

19 appelle les échanges de population.

20 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je pourrais dire quelques mots ?

22 M. LE JUGE Antonetti : [interprétation] Allez-y.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous vous rappellerez un document précédent

24 dans lequel M. Seselj déclare quand il entend que les citoyens sont loyaux

25 vis-à-vis de l'Etat, ils bénéficient, ils jouissent des mêmes droits de

26 l'homme des mêmes droits en tant que citoyens. Ici, il dit que même les

27 bons Croates ne doivent pas pouvoir rester en Serbie parce qu'en fait, les

28 bons Croates sont les plus dangereux, ce qui à mes yeux apparaît comme une

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1 totale contradiction.

2 Puis, deuxièmement, voyez-vous, il donne les raisons qu'il donne. Ce qui à

3 mes yeux revient à dire que parce que des gens ont provoqué des horreurs et

4 des atrocités du nettoyage ethnique par le passé, c'est-à-dire dans

5 l'histoire restante de l'Europe, il est acceptable et justifiable de faire

6 la même chose, ce qui, à mon avis, est une contradiction totale du point de

7 vue des causes et des conséquences. Je ne plaiderais jamais non coupable si

8 j'ai tué quelqu'un en disant que d'autres personnes ont commis le même

9 meurtre par le passé. Puis, pénurie de logements, je veux dire ce n'est pas

10 une raison pour chasser tous les Croates hors de Serbie. Voilà le genre de

11 motifs qu'il avance.

12 Puis, il y a un autre point important sur lequel j'aimerais mettre

13 l'accent. Il ne cesse de maintenir que les Serbes et les Croates se

14 haïssent depuis des temps immémoriaux et qu'en conséquence de cette haine

15 séculaire, ils ne sont pas capables -- ils ne peuvent pas vivre ensemble

16 dans des conditions pacifiques et régler les conflits qui les opposent de

17 façon non violente.

18 Pour ma part, j'ai étudié l'histoire des relations entre les Serbes

19 et les Croates et je dispose d'ailleurs de longs extraits d'un ouvrage que

20 M. Seselj cite beaucoup et qui traite de ce sujet. L'auteur est John Lampe.

21 J'ai trouvé au moins une demi-douzaine d'exemples dans l'histoire de

22 situations dans lesquelles les Serbes et les Croates ont coopéré sur le

23 plan militaire, sur le plan politique, sur le plan culturel et lorsque je

24 dis les Serbes et les Croates, je parle de nombre important de ces deux

25 populations, donc, il ne s'agit pas de cas isolés. Ça c'est un point que je

26 voulais souligner devant la Chambre.

27 Autre point que je voudrais souligner : c'est qu'après la signature du

28 traité de paix de Dayton, un accord a été conclu entre la Serbie et la

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1 Croatie à propos de ce qu'il allait advenir de Vukovar un dossier qui --

2 finalement, de la Slavonie orientale. Donc, la Slavonie orientale passait

3 d'une occupation militaire serbe à une intégration à la Croatie. Cet accord

4 c'était un traité international qui avait l'appui de l'Union européenne et

5 de l'OTAN.

6 Sur le plan militaire dans cet accord, il était stipulé de la façon la plus

7 claire qu'il soit que l'Union européenne et l'OTAN n'allaient en aucun cas

8 admettre un quelconque nettoyage ethnique de la part des Serbes contre les

9 Croates qui essayaient de rentrer dans leur ancien domicile et de récupérer

10 leurs biens immobiliers en obtenant éventuellement quelques indemnisations.

11 En fait, ce qui se passe depuis 1997, c'est qu'au début un nombre assez

12 limité, mais ensuite, un nombre croissant de Croates qui avaient été

13 expulsés ou qui avaient fui hors de Vukovar pendant la guerre, et bien un

14 nombre de plus en plus important de ces Croates est en train d'y retourner.

15 Les Serbes qui se trouvaient à Vukovar pendant la guerre, ils sont restés.

16 Je vous parle là d'une étude importante qui a été réalisée par la faculté

17 de droit et d'anthropologie de Californie en 2001, si je ne me trompe. Cela

18 a donné un ouvrage important qui est centré exclusivement sur ces relations

19 entre les Serbes qui sont restés à Vukovar et les Croates qui sont revenus.

20 Vous savez, n'est-ce pas, que Vukovar a été le site d'un des épisodes les

21 plus atroces, de la guerre, avec de très nombreuses civiles, et cetera.

22 Donc, je ne dis pas que ce que ces chercheurs ont découvert c'est que les

23 gens s'embrassaient dans la rue, pas du tout. Mais les Croates et les

24 Serbes qui sont censés ne pas pouvoir se supporter et se haïr au jour le

25 jour depuis des temps très anciens, les Serbes et ces mêmes Serbes et

26 Croates qui se tuaient encore jusqu'à peu de temps avant, si nous pensons à

27 Vukovar, nous constatons qu'ils vivent côte à côte à Vukovar aujourd'hui.

28 Vukovar a été reconstruite. Elle abrite une communauté qui fonctionne, une

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1 collectivité locale et toutes sortes de services municipaux auxquels

2 participent à la fois les Serbes et les Croates et dont ils tirent le plus

3 grand profit. Ça c'est un exemple parmi d'autres du fait que M. Seselj dans

4 ses conceptions et sa philosophie politique ainsi que dans ses propos. Nous

5 savons que c'est un homme éduqué, n'est-ce pas, qui devrait savoir, par

6 exemple, ce qui s'est passé entre l'Inde et le Pakistan au moment de la

7 participation. Je veux dire c'est de notoriété publique. Cela se trouve

8 dans les livres d'histoire un peu partout. Enfin je n'hésiterais pas à être

9 trop long et excusez-moi pour la durée de mon propos, mais est-ce que tout

10 cela n'indique pas que la solution aux problèmes interethniques qui peuvent

11 se poser entre différents groupes de population, différents groupes

12 religieux n'existent pas de façon innée, inhérente en tant que conflit mais

13 que, dans de nombreux pays, ces problèmes se règlent avec des solutions

14 politiques, culturelles, et cetera, qui fonctionnent.

15 Donc, la conception de M. Seselj, qui consiste à dire que tout cela

16 ne peut pas fonctionner et que, par conséquent, il faut chasser et

17 déménager les gens d'un endroit à un autre en créant de nouvelles

18 frontières, et cetera, c'est simplement en désaccord avec ce que nous

19 montre la science sociale et l'histoire.

20 Mme DAHL : [interprétation] J'aimerais que nous examinions maintenant le

21 document 191, page 230 de la version anglaise du prétoire électronique, qui

22 correspond à la page 246 de la version en B/C/S. Pour gagner du temps je

23 vais présenter ce document. C'est le texte d'une interview qui a fait

24 l'objet d'une nouvelle parution à l'initiative de M. Seselj, et la date de

25 l'interview est le 7 mai 1993. Ce document est publié dans le volume 21 des

26 œuvres complètes de M. Seselj intitulé : "Défi politique actuel," je cite :

27 "La personne qui mène l'interview, selon ces projets, les Serbes de Bosnie

28 auraient droit à 43 % du territoire et ils en ont obtenu 70 %. Ils doivent

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1 restituer une partie du territoire.

2 Seselj : rien ne sera restitué ici parce que les réfugiés serbes de cette

3 région qui est actuellement contrôlée par les Croates et les Musulmans

4 habitaient ce secteur. Zvornik est aujourd'hui plein de Serbes. A un

5 certain moment, de nombreux Musulmans habitaient à Zvornik. Il y a eu

6 échange spontané de population.

7 Le responsable de l'interview : spontané. Vous êtes en train de jouer à un

8 jeu cruel. C'est une plaisanterie.

9 Seselj : je ne plaisante pas. Les Musulmans ne voulaient pas rester et

10 vivre sous contrôle serbe. Quant aux Serbes, ils ne voulaient pas rester et

11 vivre sous contrôle musulman ou croate. Les Croates ont expulsé les Serbes

12 hors du territoire de l'Herzégovine occidentale. Les Musulmans ont

13 encouragé le départ des Serbes hors de Sarajevo, Tuzla, et d'autres

14 endroits sous leur contrôle en gardant ces Serbes comme otages. C'est

15 l'argument qu'ils ont avancé pour insister afin que soit créé un Etat

16 unifié de Bosnie-Herzégovine.

17 L'occident insistera pour que les gens rentrent au domicile qu'ils ont

18 quitté, mais seules quelques rares personnes rentreront parce qu'elles

19 craindront pour leur sécurité. Comment est-ce qu'une famille peut rentrer

20 quand -- à l'intérieur de sa maison il y a déjà une autre famille dont la

21 maison a été incendiée ? Ce sont des choses très compliquées qui sont

22 bonnes pour les Américains parce qu'ils ont besoin d'une raison pour

23 justifier une présence militaire."

24 Comment est-ce que vous avez classé ce document ?

25 R. Je l'ai classé sous la rubrique : "Expulsion et échange de population,"

26 ainsi que dans la rubrique : "Menace extérieure contre les Serbes." Mais

27 là, j'aimerais faire un commentaire si vous me le permettez.

28 Q. Oui.

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1 R. Là encore, nous voyons ce que pense M. Seselj qui estime en fait qu'il

2 est impossible de ramener dans leur domicile, dans leur propriété des gens

3 qui ont pris la fuite ou qui ont été expulsés pendant la guerre, comme cela

4 s'est passé en Bosnie.

5 Mais que s'est-il passé en réalité après la signature de l'accord de

6 Dayton ? Une commission internationale a été créée, commission qui recevait

7 les demandes de restitution des biens immobiliers ayant appartenu par le

8 passé à des personnes qui avaient été expulsées ou qui s'étaient enfuis de

9 l'endroit où elles résidaient. Donc c'est un phénomène très compliqué parce

10 que nous parlons de 7 à 800 000 familles et il a fallu beaucoup de temps

11 pour mettre en marche ce processus quasi-judiciaire. Mais, en tout état de

12 cause, la commission internationale en question a tout de même résolu

13 certains problèmes, disons qu'elle a résolu 95 à 98 % des problèmes qui se

14 posaient. Une minorité importante de ces personnes déplacées, donc, de ces

15 réfugiés, a décidé de rentrer dans les lieux où aujourd'hui désormais elles

16 constituent une minorité afin, entre autres, de récupérer leurs biens

17 immobiliers. Donc, cette option qui a été proposée aux gens, l'option du

18 retour avec restitution de leurs propriétés, ce processus a été assez

19 fructueux. Je dirais même que c'est l'un des résultats positif de l'accord

20 de Dayton parce que l'autre possibilité c'était d'être expulsé et d'avoir à

21 l'accepter sans discuter. Donc, il est tout à fait possible de mettre en

22 œuvre des solutions de ce genre. Je veux dire qu'il faut évidemment partir

23 de ce qui se passait au début de ces divers conflits de la réalité de la

24 situation, mais ce genre de chose est possible. Voyez-vous. Lorsque M.

25 Seselj dit : comment est-ce qu'une famille pourrait rentrer alors qu'à

26 l'intérieur de sa maison se trouve déjà une famille dont la maison a été

27 incendiée ? Dans la pratique, ce qui se passe lorsqu'on est en présence

28 d'une famille dont la maison a été incendiée, cette famille a également le

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1 droit de prétendre à vivre temporairement dans un lieu déterminé, à obtenir

2 des indemnisations à reconstruire sa maison, et cetera.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- je vais vous arrêter parce qu'il est 13 heures 45

4 et qu'après, il y a une autre audience qui va succéder à celle-ci.

5 Alors, Madame Dahl, d'après mes calculs, vous avez utilisé aux environs de

6 deux heures 40 minutes. Donc, il vous restera demain une heure. C'est le

7 temps qui vous faudra demain ou beaucoup moins.

8 Mme DAHL : [interprétation] Je crois que c'est une question piège de poser

9 cette question-là à un avocat. Si le temps sera peut-être plus court, je

10 vais éviter, en fait, la redondance avec ces documents et je vais essayer

11 de terminer le plus rapidement possible.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- un petit conseil, vous pourriez peut-être gagner

13 du temps en évitant de lire tout le document. Vous dites : "Voilà, il y a

14 le document que tout le monde connaît," et puis, vous posez votre question

15 à partir de cela. Voilà.

16 Alors, comme vous le savez, donc, demain, nous nous retrouvons à 9 heures,

17 en salle II.

18 L'audience est donc levée.

19 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 12

20 décembre 2007 à 9 heures 00.

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