Page 2162
1 Le jeudi 13 décembre 2007
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appeler le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, et bonjour, Messieurs les Juges.
9 Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce jeudi 13 décembre 2007, je salue Mme
11 Dahl qui représente l'Accusation, je salue M. Seselj, je salue M. le
12 Témoin, également, et je salue toutes les personnes qui nous assistent dans
13 notre tâche.
14 J'indique qu'en application de l'article 15 bis du Règlement, la Juge
15 Lattanzi est absente ce matin de l'audience, étant pris pour des problèmes
16 personnels.
17 J'indique également à M. Seselj qu'il lui reste, d'après le décompte,
18 une heure 05 auquel on rajoutera les 20 minutes qu'il avait demandées,
19 donc, normalement, Monsieur Seselj, vous irez jusqu'à
20 10 heures 30 pour terminer le contre-interrogatoire. Voilà ce que je
21 voulais vous dire en préambule.
22 Et, Monsieur Seselj, je vous donne tout de suite la parole.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 LE TÉMOIN : ANTHONY OBERSCHALL [Reprise]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
26 Contre-interrogatoire par M. Seselj : [Suite]
27 Q. [interprétation] Monsieur Oberschall, hier après-midi, hier soir
28 ou cette nuit, avez-vous parlé avec qui que ce soit au sujet de votre
Page 2163
1 témoignage ici ?
2 R. Non.
3 Q. Bien. Alors, la dernière question que je vous ai posée hier a porté sur
4 l'attaque lancée contre la population civile croate en Vojvodine. Je vous
5 rappelle qu'auparavant vous avez dit que vous étiez bien informé, que vous
6 avez étudié le problème, et ensuite, dans votre réponse, vous avez
7 mentionné le rapport de Tadeusz Mazowiecki, qui se trouve être l'émissaire
8 du secrétaire général, si mes souvenirs sont bons, le secrétaire général
9 des Nations Unies, n'est-ce pas ? Vous en souvenez-vous ? C'est ce que vous
10 avez dit en dernier lieu.
11 R. [aucune interprétation]
12 Q. Monsieur Oberschall, savez-vous qu'à plusieurs reprises, je me suis
13 attaqué en public à Tadeusz Mazowiecki, et j'ai dit que c'était un menteur
14 et un homme qui était porté à la supercherie. Le savez-vous ?
15 R. Je ne suis pas surpris.
16 Q. Lui non plus n'a pas été surpris parce qu'il savait mieux que moi que
17 c'était un menteur, mais enfin peu importe.
18 Saviez-vous que Tadeusz Mazowiecki, à l'époque --
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl.
20 Mme DAHL : [interprétation] Pourriez-vous instruire à M. Seselj de ne pas
21 faire de commentaires sur les réponses fournies par le témoin.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai le droit de commenter les réponses du
23 témoin parce que s'ensuit de nouvelles questions après ses réponses. On ne
24 peut pas m'empêcher de le faire.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : La réponse du témoin c'était : je n'ai pas été
26 surpris. Alors, je me suis posé la question : surpris parce que M.
27 Mazowiecki était un menteur ou surpris parce que c'est
28 M. Seselj qui le disait ? Donc, il y avait une ambiguïté.
Page 2164
1 Monsieur le Témoin, votre -- le fait que vous n'aviez pas été surpris, ça
2 veut dire quoi au juste ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais dire c'est -- je ne voulais
4 sûrement pas dire que l'ex-premier ministre polonais, une éminente
5 personnalité, aurait été un menteur, mais je ne suis pas surpris que le Dr
6 Seselj ait qualifié beaucoup de gens de menteurs. Hier, il m'a traité de
7 menteur ici même. C'est le genre de chose classique qu'on dit quand on
8 n'est pas d'accord avec quelqu'un, on l'appelle le menteur. C'est ce qu'il
9 fait d'ailleurs.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez, Monsieur Seselj.
11 M. SESELJ : [interprétation]
12 Q. Je me dois d'abord -- d'abord, à faire remarquer que je n'ai pas dit
13 hier que vous étiez un menteur, Monsieur Oberschall. J'ai dit que vous
14 mentiez, mais je n'ai pas dit que vous étiez un menteur; ce sont deux
15 choses différentes. Parce que si je disais que vous étiez un menteur, vous
16 auriez le droit de vous fâcher et de considérer que c'était une offense,
17 mais quand je vous dis concrètement que, dans le cas précis en question,
18 vous mentez, vous n'avez pas à vous fâcher. J'ai le droit de le constater
19 ce genre de chose différente.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame.
21 Mme DAHL : [interprétation] Ce n'est pas comme ça qu'il faut mener un
22 contre-interrogatoire ici. C'est une querelle qu'on mène avec le témoin.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il y a -- il faut éviter les querelles avec le
24 témoin. Bien. Monsieur Seselj, vous estimez que le témoin a pu mentir,
25 alors, à ce moment-là, indiquez à la Chambre sur quel ou quel point parce
26 que, moi, j'en strictement rien.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je l'ai dit hier, Monsieur le Juge, pour ce qui
28 est de son assertion au terme de quoi il y a une enquête vis-à-vis des
Page 2165
1 médias en 1992, pour ce qui est de la Serbie partant de quoi il s'est avéré
2 que j'ai été protégé -- privilégié dans les médias là-bas. Alors, on s'est
3 penché dessus. Ne me faites pas dépenser davantage de temps, mais je n'ai
4 jamais dit que
5 M. Oberschall était un menteur. Je ne l'ai jamais dit et qu'on ne mette pas
6 ses propos-là dans ma bouche.
7 M. SESELJ : [interprétation]
8 Q. Alors, Monsieur Oberschall, saviez-vous - puisque vous avez déjà lu ce
9 rapport de Mazowiecki - que Mazowiecki, dans son rapport, affirme à mon
10 sujet que je m'étais employé en faveur de la déportation d'Hongrois depuis
11 la Vojvodine. L'avez-vous lu dans son rapport cela ?
12 R. Je ne connais pas par cœur le détail de ces rapports. Si j'avais su
13 qu'on allait me poser des questions en qualité d'expert sur le rapport
14 Mazowiecki, plutôt que sur les discours que vous avez tenus, et dont j'ai
15 analysé le contenu, j'aurais pu apporter en prétoire ces rapports pour voir
16 exactement ce que M. Mazowiecki a dit. Mais pour ce qui est du menu de
17 détail de ce qu'il a déclaré, je ne peux pas vous le dire ici de but en
18 blanc, je ne me souviens pas de ce détail.
19 Q. Monsieur Oberschall, vous vous référez au rapport de Tadeusz Mazowiecki
20 dans votre expertise. Par conséquent, vous deviez forcément vous attendre à
21 des questions au sujet de ce rapport. Vous n'êtes pas justifié du point de
22 vue de votre ignorance pour ce qui est de la teneur de votre propre
23 rapport. Mais laissons cela pour le moment de côté.
24 Si ceci se trouve être exact --
25 R. [aucune interprétation]
26 Q. -- à savoir ce que je viens de vous dire à savoir que -- mais ne
27 m'interrompez pas, s'il vous plaît. Répondez quand je vous poserai la
28 question.
Page 2166
1 Mme DAHL : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez-lui poser la question. Je ne connais
3 même pas la question. Vous êtes déjà debout. Oui.
4 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin essayait de
5 vous demander l'autorisation de poser une question alors que M. Seselj
6 poursuivait et ce faisant l'a empêché de s'adresser à vous.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Qu'est-ce que vous vouliez dire, Monsieur le Témoin
8 ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Le Dr Seselj affirme que je n'ai pas utilisé
10 les éléments du rapport Mazowiecki dans mon rapport, pourtant je l'ai fait.
11 Il a écrit un rapport spécial consacré aux médias précisément pendant cette
12 période 1992-93. M. Mazowiecki et son équipe ont analysé le contenu des
13 médias comme moi, et donc, j'en parle.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : --la seule chose qui m'intéresse mais, apparemment,
15 qui semble intéressé également l'accusé, c'est de savoir
16 si vous, en qualité d'expert, vous avez ce rapport. La réponse est
17 affirmative, je l'ai lu.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, voilà.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, une fois de plus, je
21 dois constater que les interprétations, elles doivent être
22 catastrophiquement mauvaises. J'ai dit que M. Oberschall s'est servi du
23 rapport de Mazowiecki lors de la rédaction de son expertise et on lui a
24 traduit que j'ai dit qu'il ne s'en était pas servi.
25 M. SESELJ : [interprétation]
26 Q. Monsieur Oberschall, s'il est vrai que, dans le rapport de Mazowiecki,
27 il est dit que publiquement, par le biais des médias, je me suis employé en
28 faveur de la déportation des Hongrois depuis la Vojvodine, or, je ne l'ai
Page 2167
1 jamais fait. Est-ce que, dans ce cas, à juste titre, j'ai pu qualifier
2 Mazowiecki de menteur ?
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde, les
4 interprètes vous signalent que vous parlez trop vite, Monsieur l'Accusé,
5 c'est ce qui fait que les interprètes, et précise la cabine française, la
6 sténotypiste n'ont pas le temps de tout saisir. Ceci a été dit correctement
7 par l'interprète mais ça n'a pas été répercuté au compte rendu d'audience.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'efforcerai de le faire.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je dirais oui, Monsieur Seselj. Il est arrivé à
10 plusieurs reprises qu'il y ait des problèmes d'interprétation, mais c'est
11 peut-être dû à la vitesse de la parole. De ce fait, il peut y avoir des
12 problèmes, mais là, la question a été très claire, il y a aucun problème,
13 donc, répondez à la question.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Mazowiecki a rédigé, je pense, une douzaine de
15 rapports qui tous parlent de violation des droits de l'homme en
16 Yougoslavie. Dans plusieurs de ces rapports, il y a des chapitres consacrés
17 expressément à la Vojvodine. Nous parlions hier de la Vojvodine, et je
18 pense qu'aujourd'hui encore, nous parlons de la Vojvodine.
19 Il décrit beaucoup de violations de droit de l'homme en rapport avec le
20 nettoyage ethnique en Vojvodine, le fait qu'on intimide des personnes,
21 qu'on les menace, les passages à tabac, des expulsions de domicile, ce
22 genre de chose, c'est ce que j'ai lu.
23 Plus précisément, ce que dit le rapport Mazowiecki à propos de vous, ce que
24 vous auriez dit, vous n'auriez pas dit, ça je ne m'en souviens pas.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je vous prie de donner des
26 instructions au témoin de répondre à ma question directement posée. Il
27 évite de répondre.
28 M. SESELJ : [interprétation]
Page 2168
1 Q. Alors, s'il est vrai que Mazowiecki à mon sujet avait affirmé que
2 j'avais réclamé une déportation de Hongrois, or, moi, je ne l'ai jamais
3 demandé. Ai-je eu raison de le qualifier publiquement de menteur ? S'il
4 affirme une chose qui est terrible et qui n'est pas vrai ?
5 R. C'est quelque chose d'hypothétique. Comment est-ce que je pourrais
6 savoir ce qu'aurait dit, ce que vous affirmez avoir été écrit par
7 Mazowiecki était juste ou pas ?
8 Si j'avais une déclaration écrite de la part de quelqu'un d'autre que
9 vous quant à ce que Mazowiecki aurait dit sur vous, là, je pourrais
10 répondre. Mais ici, c'est un cas hypothétique, il m'est impossible de me
11 prononcer.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, la conséquence pour les
13 Juges est la suivante : Vous avez fait des conclusions dans votre rapport à
14 partir de ce que vous avez pu lire dans le rapport de Mazowiecki. Mais dans
15 l'hypothèse où ce que dit M. Seselj est vrai, à savoir que concernant les
16 Hongrois de la Vojvodine il n'a jamais rien dit, alors, même que ça figure
17 noir sur blanc dans le dit rapport, est-ce que cet élément aurait pu
18 modifier sensiblement ou profondément certaines de vos conclusions ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, c'est la plus grande
20 conclusion qui règne dans mon esprit. Quelle est la question qui est posée
21 ? Sur quoi est-ce que ça porte ? Je ne comprends tout simplement pas.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous ne comprenez pas, je vais vous le
23 repréciser.
24 Dans ce rapport, il serait allégué que M. Seselj aurait dans des discours,
25 dit que les Hongrois de la Vojvodine devaient être expulsés. Ceci, d'après
26 ce que dit M. Seselj, figure dans le rapport. Et M. Seselj dit qu'il n'a
27 jamais dit quoi que ce soit en la matière.
28 Dans l'hypothèse où cet élément figure dans le rapport, comme quoi l'accusé
Page 2169
1 aurait tenu ses propos qui seraient faux puisqu'il ne les aurait jamais
2 tenus. Est-ce que ça aurait pu influencer vos conclusions de manière
3 relative ou profondément ? Car si vous tirez des conclusions à partir de
4 rapports dont certains éléments ne correspondent pas à la réalité, est-ce
5 que ça n'entraîne pas au niveau de votre propre rapport des conséquences ?
6 Voilà la question qui est quand même compréhensible.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais pas tout à fait parce que moi je n'ai pas
8 analysé le contenu du rapport Mazowiecki sur l'utilisation abusive des
9 médias. Moi, je me suis contenté d'analyser les contenus des déclarations
10 et discours de M. Seselj, de ses interventions à la télévision. Jamais je
11 n'ai utilisé le rapport Mazowiecki dans mes conclusions à propos du Dr
12 Seselj, moi, je me suis servi uniquement des discours et déclarations de
13 Seselj dans mes conclusions.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
15 M. SESELJ : [interprétation]
16 Q. Monsieur Oberschall, vous avez confirmé qu'en Vojvodine, il y a eu une
17 attaque à l'égard de la population civile croate, n'est-ce pas ?
18 R. J'ai dit que le rapport Mazowiecki -- plusieurs rapports Mazowiecki
19 donnent beaucoup de détails sur des incidents précis survenus dans
20 plusieurs endroits et qui concernaient plusieurs -- 58 personnes à des
21 dates précises, oui, et il y a beaucoup de documents qui en attestent, oui.
22 Q. Y a-t-il eu des attaques -- y a-t-il eu une attaque de lancée à
23 l'encontre de la population civile croate ? C'est cela ma question.
24 R. Oui, ils sont décrits dans ces rapports.
25 Q. Alors, je vous en prie, où y a-t-il eu attaque à l'égard ou à
26 l'encontre de la population civile croate dans Vojvodine ?
27 R. Ecoutez, entre parenthèses, il n'y a pas eu que la population croate,
28 il y a eu des Rom parmi ces personnes et des représentants d'autres
Page 2170
1 minorités, je vous l'ai dit. Si j'avais su qu'on allait me poser des
2 questions sur des sujets qui ne sont pas la raison de ma venue en tant
3 qu'expert, j'aurais pu vous donner des numéros de pages des rapports
4 Mazowiecki pour répondre précisément à vos questions. Si ceci vous
5 intéresse vraiment, je suis sûr que le service de recherche du deuxième
6 étage dispose de tous ces rapports et peut vous donner tous les détails que
7 vous voulez.
8 Q. Monsieur Oberschall, pouvez-vous à présent oublier Mazowiecki,
9 laissons-le complètement de côté. Je vous demande, quand, où et comment y
10 a-t-il eu attaque contre la population civile croate en Vojvodine parce que
11 moi, j'affirme que jamais il n'y a eu aucune espèce d'attaque contre la
12 population civile. Vous, vous affirmez que si. Alors, s'il vous plaît,
13 dites-nous où, de quoi ça eu l'air, combien de temps ça duré, quand est-ce
14 que ça s'est passé; ça m'intéresse. Vous avez fait ces déclarations ici, et
15 maintenant, il faut que vous prouviez la véracité de vos propos.
16 R. Je vous l'ai dit, si vous voulez vraiment savoir, et moi, ce que j'ai
17 dit se fonde sur ces rapports dont nous avons discuté. Ce qui s'est passé
18 en Vojvodine au cours de ces années les techniques et attaques de la
19 campagne ou du nettoyage ethnique ne sont pas quelque chose qui faisait
20 partie de mon mandat. Mais, moi, j'ai lu tous ces rapports, et si vous
21 voulez connaître les détails - c'est ce que vous me demandez maintenant -
22 il suffit d'une heure pour obtenir ces rapports et trouver la bonne page et
23 je peux vous dire la différents en droits, les situations, les cibles du
24 nettoyage ethnique qui était fait en Vojvodine.
25 Mme DAHL : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir, Monsieur le
26 Président. Nous avons une pièce 1695, c'est le numéro 65 ter. Si M. Seselj
27 veut poser d'autres questions au témoin sur ces rapports, il faudrait que
28 le témoin puisse les consulter. S'il n'y a pas d'autres solutions, je pense
Page 2171
1 que M. Seselj doit passer à autre chose parce que la question ne porte pas
2 sur le rapport d'expert.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, le témoin ne peut pas
4 répondre à votre question. Donc, je constate qu'il a dit qu'il y avait eu
5 des attaques. Vous lui posez la question, il est incapable d'y répondre, la
6 Chambre en tira les conclusions. Bien, continuez.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Certes. Le témoin n'a pas été en mesure de
8 répondre où, comment et quand il y a eu attaques contre la population
9 civile croate. Mais il ne peut pas affirmer alors que attaques il y a eu.
10 M. SESELJ : [interprétation]
11 Q. Monsieur Oberschall, nous allons passer maintenant à votre rapport
12 principal. Bien entendu, vous y affirmez et c'est le thème de notre
13 conversation à présent ou de notre débat, à savoir que je me suis servi de
14 contrevérité dans mes activités de propagande. Vous avez constaté que ces
15 activités de propagande dans un certain sens étaient une propagation
16 d'informations indépendamment de leur véracité ou de leur non véracité,
17 n'est-ce pas. Alors, vous avez affirmé que je me suis servi de
18 contrevérité. Nous allons prendre plusieurs de vos allégations pour les
19 analyser.
20 Dans le cadre de votre exposé portant sur mes thèses pour ce qui est de la
21 victimisation des Serbes, vous indiquez que très souvent j'ai présenté des
22 renseignements au sujet des victimes serbe pendant la Deuxième Guerre
23 mondiale, n'est-ce pas ?
24 R. Je fais référence à vos contrevérités, à votre déformation de
25 l'information et de l'histoire, c'est beaucoup plus précis que cela. Par
26 exemple, je cite les meilleurs chiffres qui soient disponibles pour
27 indiquer le nombre des victimes et de décès parmi les Serbes - j'ai
28 toujours du mal à prononcer à Jasenovac -- dans ce camp de Jasenovac. Donc,
Page 2172
1 j'ai fait un contraste marqué entre les chiffres que vous, et d'autres
2 nationalistes utilisaient avec les chiffres qui ont été établis par
3 l'association des victimes de ce camp.
4 C'est là que je dis que vous avez fait de la désinformation quand je
5 dis que vous avez utilisé des chiffres gonflés, que vous avez exagéré les
6 chiffres et que la mauvaise utilisation des faits, des chiffres, c'est
7 quelque chose de précis. Je ne parle de façon générale de la victimisation
8 des Serbes, rien de ce genre.
9 Q. Saviez-vous, Monsieur Oberschall, que je présentais à chaque fois des
10 chiffres officiels de l'Etat yougoslave, au total il y a eu un 1 700 000
11 victimes pendant la Deuxième Guerre mondiale en Yougoslavie, et 700 000 --
12 ou plutôt, entre 600 et 700 000 se trouvent être tués au camp Jasenovac.
13 Saviez-vous que c'étaient des renseignements ou des données officiels ?
14 R. Ce que vous appelez des données officielles, je ne sais pas. Il y a
15 beaucoup de données qui ne sont pas officielles, qui sont hypothétiques. Il
16 y a beaucoup de données montées de toutes pièces. Moi, je parle de données
17 qui sont le fruit de recherche que ce soit des chiffres officiels,
18 hypothétiques. Vous savez dans les sciences sociales nous n'essayons de
19 réécrire l'histoire pour faire l'apologie d'un groupe ou d'un autre, moi,
20 j'évite ce genre de chose. Je fais un contraste entre ces chiffres et les
21 meilleurs chiffres qu'il est possible d'obtenir partant de recherche
22 factuelle.
23 Q. Alors, pour vous, Monsieur Oberschall, les données les plus fiables que
24 vous avez trouvées se trouvent dans le texte de Srdjan Bogosavljevic. C'est
25 la note de bas de page 68 dans votre rapport, et c'est la seule note de bas
26 de page qui se rapporte à ces renseignements-là, n'est-ce pas ? Je parle de
27 la note de bas de page 68.
28 R. Je vérifie.
Page 2173
1 Q. Vérifiez, vérifiez.
2 R. Le document auquel je fais référence figure dans mon rapport d'expert à
3 la page 17, et j'y donne un chiffre, note de bas de page 4, enfin, disons
4 que cette note donne la source ce qui est dit, c'est que : "A l'occasion de
5 60e anniversaire de libération du camp de la mort" - nous parlons ici du
6 camp de Jasenovac -"les directeurs ou les dirigeants de l'association des
7 victimes du camp de la mort de Jasenovac ont déclaré que le musée avait une
8 liste faisant état d'un certain nombre -- une liste de 59 188 victimes et
9 que même si le chiffre réel ne sera jamais connu, cette association estime
10 qu'il y a eu de 80 à 100 milles personnes dont des Serbes, des Rom, des
11 Juifs, et d'autres groupes qui se sont trouvés dans ce camp."
12 Le chiffre étant 59 188, c'est sans doute le plus fiable parce que ce
13 sont les familles des victimes qui se sont présentées, qui ont donné ces
14 informations. Ce n'est pas un parti politique ou un groupe de défense de
15 telle ou telle personne, de représentant de gouvernement qui aurait été
16 intéressé à exagérer ou minimiser les chiffres. En général, les sources
17 serbes ont exagéré les chiffres, les Croates et des sources officieuses ont
18 fait le contraire. Moi, je me suis servi de chiffres dont je pensais qu'ils
19 traduisaient la volonté d'un groupe de donner des chiffres exacts, fidèles
20 à la réalité.
21 Q. Monsieur Oberschall, saviez-vous que cette association des victimes
22 fonctionne sur l'égide du gouvernement croate, et le gouvernement croate
23 finance ces activités à partir de son budget ?
24 R. Je ne sais qui parraine ou qui finance cette association, mais je sais
25 qu'il s'agit d'une association de victimes. Ce sont toutes les victimes qui
26 sont comprises, victimes serbes, victimes croates, Rom, juives, tous les
27 autres groupes. Donc, il n'y a pas qu'un seul groupe qui autorise à faire
28 partie de l'association.
Page 2174
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2175
1 Q. Monsieur Oberschall, connaissez-vous un seul Rom qui aurait séjourné à
2 Jasenovac en serait sorti vivant ? Est-ce que vous en connaissez ?
3 R. Non, bien sûr, je ne connais pas personnellement. Je ne connais
4 personnellement personne qui soit morte là-bas.
5 Q. Je suis déjà en pleine panique à cause du manque de temps. Alors, je
6 vous prie de me répondre le plus succinctement possible.
7 Est-ce que vous auriez connaissance d'un seul Serbe qui serait sorti
8 avec la tête attachée au cou de Jasenovac ?
9 R. [aucune interprétation]
10 Q. Il y en a eu un peu vers la fin de la guerre mais dix à 20 pas
11 plus.
12 Savez-vous, Monsieur Oberschall, qui est la seule personne qui a pu
13 éventuellement sortir vivant de Jasenovac ?
14 R. Je ne vois absolument pas ce que cela a à voir avec le nombre des
15 morts. Vous me parlez des survivants, le nombre de survivants, vous me
16 demandez si je les connais ou pas. Moi, je parle du nombre de morts.
17 Q. Je vais tout de suite vous l'expliquer. L'Association des victimes est
18 une association qui regroupe des gens qui ont été enfermés à Jasenovac et
19 qui en sont sortis vivants, n'est-ce pas ? Seuls les Croates pouvait sortir
20 vivants de Jasenovac ainsi que quelques rares Juifs aisés. Qu'on peut
21 compter sur les doigts des deux mains.
22 Nous avons un livre, trois tomes, le colonel Antun Miletic est l'auteur de
23 ce livre, qui a écrit au sujet du camp de Jasenovac. Il a constaté que les
24 autorités croates n'enregistraient que les détenus dans le camp qui étaient
25 croates ainsi que quelques rares Juifs, les plus riches. Quant aux autres,
26 les Rom, les Serbes et les autres, ils ont été liquidés sans aucune preuve
27 à Jasenovac. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?
28 R. Ce que vous dites n'est pas vrai, cette association ne comprend pas
Page 2176
1 seulement les survivants ceux qui ont survécu, mais comprend aussi les
2 familles de ceux qui sont morts. Ce que vous venez de dire ici dans
3 l'enceinte de ce prétoire, me paraît totalement illogique. Une association
4 de victimes ne peut pas être une association de morts évidemment. Ça doit
5 être des survivants et des familles des survivants.
6 Q. Monsieur Oberschall, il existe une littérature très, très fournie au
7 camp de Jasenovac. Vous ne l'avez absolument pas consulté. Vos conclusions
8 en revanche vous les fondez uniquement sur le rapport d'une organisation
9 soutenue par le gouvernement croate et financée par celui-ci.
10 Alors, revenons à cette note en bas de page 68 que vous essayez d'éviter.
11 Vous parlez de Srdjan Bogosavljevic en disant qu'il serait l'auteur d'un
12 article paru dans une publication Allemagne et que son article compte cinq
13 pages, qu'il aurait été publié en 1998. Je ne sais pas de quoi il s'agit
14 exactement parce que je ne parle pas allemand. Je vois qu'il est question
15 de génocide, mais je ne le comprends pas dans le détail.
16 Vous vous appuyez sur Srdjan Bogosavljevic comme étant paraît-il une source
17 valable de façon à éviter de vous confronter au problème global du nombre
18 de victimes de la Yougoslavie au cours de la Seconde Guerre mondiale,
19 n'est-ce pas ? Note en bas de page 68. N'éludez pas.
20 R. Je ne trouve pas la note de pied de page 68, puisque dans les pages que
21 j'ai les notes de pied de page vont jusqu'à 6 ou 6, donc je ne vois
22 vraiment pas à quelle note de pied de page vous faites allusion.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : -- j'ai remarqué évidemment ce problème. Dans le
24 rapport de l'expert, ces notes de bas de page sont numérotées de 1, 2, 3,
25 4, et cetera. Et à chaque page il reprend 1, 2, 3, 4, et cetera. Donc il
26 n'y a pas 68. Alors, la référence 68 je ne sais pas d'où vous la tirez.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que je l'ai trouvé. Je crois -- je
28 vois de quoi il fait allusion.
Page 2177
1 M. SESELJ : [interprétation]
2 Q. Bon. Alors, je ne dois pas chercher. Très bien. Vous l'avez trouvé la
3 note en bas de page Srdjan Bogosavljevic.
4 Pour numéroter les notes en bas de page, Monsieur le Juge, je les ai
5 numérotées dans l'ordre et donc je parle de la note 68.
6 Mme DAHL : [interprétation] Pour ce qui est du compte rendu, il s'agit de
7 la page 17, dans le rapport en anglais, et qui est à l'écran dans le
8 prétoire électronique, et nous avons aussi la traduction à l'écran. M.
9 Seselj semble avoir re-numéroté les notes de pied de page pour son
10 utilisation personnelle.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, il semblerait, Monsieur Seselj,
12 que vous auriez re-numéroté, vous-même, vous voyez on a les notes de bas de
13 page sous les yeux, et là, il n'y a "68."
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est la note numéro 1 au page de la page
15 16.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je répondre à la question ?
17 M. SESELJ : [interprétation]
18 Q. Répondez. Répondez.
19 R. J'aimerais revenir aux chiffres de Jasenovac. M. Seselj dit que je n'ai
20 jamais fait aucune recherche à ce propos, ce qui est absolument faux.
21 Lorsque j'étais à Zagreb en 1998, je me suis rendu au service démographique
22 du bureau des statistiques croates -- ils ont là un service spécial qui
23 s'occupe principalement des victimes de la Deuxième Guerre mondiale et des
24 meurtres pendant la Deuxième Guerre mondiale, et ensuite, et ils m'ont
25 donné les chiffres, ils m'ont expliqué comment ils avaient trouvé les
26 chiffres. J'ai considéré que leur méthodologie n'était pas correcte et
27 qu'ils avaient enfin gonflé leurs chiffres, et donc je n'ai pas employé ces
28 chiffres parce que je ne les ai pas trouvés fiables. C'est pour cela que je
Page 2178
1 ne me sers pas de ces chiffres.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : -- le seul intérêt pour la Chambre est de savoir,
3 bon : vous, vous estimez que c'était autour de 60 000 victimes, alors M.
4 Seselj, il estime à combien lui les victimes ? Et comme ça, ça sera au
5 transcript.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, le chiffre officiel se situe
7 entre 600 et 700 000 victimes. C'est le chiffre officiel des services
8 yougoslaves, qui a été utilisé au procès de Nuremberg également. Mais
9 enfin, nous ne parlons pas de Jasenovac pour le moment. Le témoin ne cesse
10 d'éviter de parler de Srdjan Bogosavljevic. Nous parlons du chiffre de
11 victimes total, 1 700 000 chiffres officiels. Vous dites que le chiffre
12 officiel -- le véritable -- le chiffre réel est inférieur et qu'il se
13 situerait en fait entre 896 000 et 1 200 000 victimes, n'est-ce pas ? Page
14 16 de votre rapport; c'est bien ce que vous dites ? Chiffre total. Et puis,
15 vous parlez de Srdjan Bogosavljevic alors n'évitez pas de répondre à ma
16 question au sujet de Srdjan Bogosavljevic. A votre avis, Srdjan
17 Bogosavljevic est une source valable, s'agissant de déterminer le nombre de
18 victimes de la Seconde Guerre mondiale sur le territoire de l'ex-
19 Yougoslavie, n'est-ce pas ?
20 M. SESELJ : [interprétation]
21 Q. Note en bas de page 1, page 16. Ou dans l'ordre numérique, note en bas
22 de page 68.
23 Pour une meilleure -- pour une plus grande facilité d'emploi, j'ai re-
24 numéroté les notes de façon à les avoir de 1 à la dernière. Enfin, ça n'a
25 guère d'importance.
26 R. C'est absolument vrai. Le livre auquel vous faites référence qui est en
27 langue allemande comporte des analyses des morts dues à la guerre, au cours
28 de la Deuxième Guerre mondiale, morts en Yougoslavie. Plusieurs experts et
Page 2179
1 plusieurs démographes ont trouvé des chiffres. Il y a le Dr Bogosavljevic
2 alors lui il a comparé tous ces chiffres qui existaient déjà, il est lui-
3 même expert en l'espèce, et a finalement trouvé ces chiffres, qui selon
4 moi, sont parfaitement défendable avec, bien sûr, une tolérance, puisqu'il
5 a donné une marge de manœuvre -- une marge d'erreur, bien sûr, que l'on
6 doit prendre en compte dans le cadre des sciences socialistes. C'est en
7 effet le chiffre que j'ai là à la page 17.
8 Q. -- se trouve en tant que note de numéro 3 de la page 21 de la
9 traduction française.
10 Q. Monsieur Oberschall, vous avez dit que Srdjan Bogosavljevic était un
11 expert en matière de recherche démographique. Alors, en quoi est-il expert
12 -- est sa spécialité ?
13 R. Qu'on soit expert ou plutôt un charlatan, ou un homme politique qui
14 invite ses chiffres, tout dépend de la réputation que l'on a parmi ses
15 pairs, pas uniquement au niveau d'un pays mais au niveau international.
16 Donc, si vous pensez que le Dr Bogosavljevic n'est pas un expert, vous
17 n'avez qu'à googler son nom sur Internet et vous verrez le nombre de
18 références, le nombre de fois où il est cité par d'autres démographes,
19 d'autres experts. Ils font toujours référence à son travail, ce qui
20 confirme à mon avis le fait selon moi qu'une personne est un expert sérieux
21 ou en revanche qu'il n'est qu'un homme de paille utilisé pour uniquement
22 servir la propagande d'une autre personne.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : -- si on va faire court. D'après ce que vous dites
24 de l'expert qui est cité dans ce rapport, le nombre des victimes serbes
25 pendant la Seconde Guerre mondiale serait de manière approximative disons
26 autour de 500 000.
27 Alors, pour M. Seselj, d'après lui, il y a combien de victimes serbes.
28 Monsieur Seselj, puisque vous contestez cet expert, alors, vous, vous
Page 2180
1 estimez à combien le nombre de victimes ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, Srdjan Bogosavljevic ne s'est
3 jamais occupé sérieusement de ces questions. Ce n'est pas un scientifique
4 qui jouirait d'une quelconque renommée dans les milieux scientifiques
5 serbes. C'est un spécialiste du marketing, de la publicité pour les
6 échanges internationaux et il s'occupe de pronostics en la matière, mais il
7 s'est toujours trompé dans ses pronostics parce que ses pronostics
8 dépendent de qui l'a recruté et qui lui donne de belles espèces sonnantes
9 et trébuchantes. Il n'a jamais rien écrit de sérieux sur les victimes de la
10 Seconde Guerre mondiale et ne s'occupe pas du tout, en fait, des idées de
11 l'opinion publique. Et trois auteurs ont essayé de remettre en cause --
12 seulement trois auteurs ont essayé de remettre en cause sérieusement les
13 chiffres publiés à cet égard. Bogoljub Kocevic, qui a publié son ouvrage à
14 Londres, en Angleterre, après la fin de la guerre, et qui ensuite est
15 devenu -- et ensuite, Tosevic -- un dirigeant du Parti démocratique,
16 Dasimir Tosevic [phon], et puis, il y a aussi l'ingénieur, Vladimir
17 Zeljavic [phon] de Zagreb, et Franjo Tudjman. Aucun de ces trois hommes
18 n'est un expert en recherche sur la démographie. Il y en a un qui est --
19 l'un deux était ingénieur, l'autre était publicitaire et Tosevic était, je
20 crois, journaliste.
21 Je ne mets pas en cause ses capacités en la matière mais ce n'est pas un
22 démographe, donc, voilà les trois seules études sérieuses qui existent sur
23 ce sujet.
24 J'aimerais maintenant appeler l'attention de M. Oberschall sur le
25 cœur de la falsification, et qu'il me dise ce qu'il en pense. La
26 falsification --
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'il y a trois autres personnes qui ont
28 écrits. Très bien. Mais sur le débat, savoir si c'est 500 000, un million,
Page 2181
1 deux millions, vous, qu'est-ce que vous en tirez comme conclusion ? Est-ce
2 que les chiffres que vous avanciez sont les chiffres réels, et à ce moment-
3 là, quels chiffres ? Parce que ça je ne le sais pas.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne me suis pas occupé de
5 ce genre de recherche. Moi, je dispose des chiffres officiels. Mais j'ai
6 constaté de quelle façon ces trois auteurs ont falsifié les résultats des
7 recherches et c'est cela que je voudrais dire à M. Oberschall pour entendre
8 sa position en la matière. Ces trois auteurs se sont fondés sur le
9 recensement de la population dans la Yougoslavie royaliste avant la Seconde
10 Guerre mondiale ainsi que dans la Yougoslavie communiste post-secondaire
11 mondiale.
12 Ils ont tiré de tout cela la conclusion que le nombre des victimes serbes
13 avait été gonflées, que le nombre des victimes musulmanes et croates en
14 revanche avait été réduit, donc, ils ont modifié les chiffres avec
15 réduction du nombre de victimes serbes et augmentation considérable du
16 nombre de victimes musulmanes et croates en se fondant sur les chiffres
17 officiels du recensement. Mais la tromperie résidait dans la chose suivante
18 parce que dans la Yougoslavie royaliste, le recensement se fondait
19 uniquement sur l'expression des citoyens par rapport à la religion et pas
20 comme cela s'est fait par la suite, ce que voulait éviter le roi c'était la
21 création d'une Yougoslavie communiste.
22 Alors que dans la Yougoslavie communiste, la base du recensement
23 c'était l'appartenance ethnique mais pas la mention de la religion. Donc,
24 avant la Seconde Guerre mondiale, on a un nombre de Musulmans beaucoup plus
25 important qu'après, parce qu'après la Seconde Guerre mondiale, quand il
26 déclarait leur appartenance ethnique, un grand nombre de Musulmans disait
27 être d'appartenance ethnique serbe et même un certain nombre d'appartenance
28 ethnique croate. Voilà c'est comme ça.
Page 2182
1 M. SESELJ : [interprétation]
2 Q. Est-ce que vous comprenez en quoi réside la tromperie, Monsieur
3 Oberschall ? Dans les statistiques, on ne peut pas comparer des choses qui
4 ne sont pas comparables. Il faut avoir les mêmes -- des éléments de même
5 nature pour pouvoir les comparer et aboutir à une conclusion valable. Vous
6 connaissez bien ce que sont les statistiques.
7 Mme DAHL : [interprétation] J'aimerais que l'on autorise le témoin à
8 répondre puisque M. Seselj lui a posé une question.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, vous avez entendu --
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Certes. J'ai étudié la démographie -- les
11 méthodes démographiques. M. Seselj vient de dire que lui n'a pas étudié ce
12 sujet - on le remarque d'ailleurs - au vu de ce qu'il dit.
13 Mais je tiens à dire qu'en se fondant sur les articles de démographes que
14 j'ai étudiés, et qui sont dans le rapport, j'ai évalué -- enfin, j'ai
15 considéré que l'analyse de Bogosavljevic à propos des différents chiffres,
16 des différentes allégations, bon, j'ai vu que certains chiffres étaient
17 gonflés, d'autres étaient réduits, tout dépendait évidemment du corps
18 politique d'où venait ces chiffres. Il a pondéré tout cela dans le cadre de
19 sa méthode et j'en suis arrivé à la conclusion qu'il donnait quand même une
20 fourchette assez crédible de en tout -- 460 000 à 590 000 pour ce qui est
21 des Serbes et Monténégrins, et 190 000 à 270 000 pour les Croates, ce qui
22 me paraît quand même être tout à fait, qui me paraît être corroboré par les
23 faits, ça paraît être le plus plausible.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez, Monsieur Seselj.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis pris par la panique en raison du temps,
26 donc, j'ai encore une question simplement.
27 M. SESELJ : [interprétation]
28 Q. Dans le même paragraphe, même page, vous écrivez de votre rapport, je
Page 2183
1 cite : "Dans un entretien avec l'auteur de ce rapport, un étudiant de
2 l'université de Belgrade se rappelle qu'un auteur, un écrivain serbe au
3 club des étudiants, a affirmé ce qui suit en 1990," et ensuite, vient une
4 citation.
5 Moi ce que dit cet étudient ça ne m'importe pas. Quel était le nom de cet
6 étudiant dont vous parlez à Belgrade, Monsieur
7 Oberschall ?
8 R. Je ne m'en souviens pas. Bien sûr, dans mes notes que j'ai prises lors
9 de l'été, lorsque que j'y étais, ça doit être dans mes notes, mais je ne
10 vois pas très bien l'importance de tout cela.
11 Q. Dans la note en bas de page, vous -- dans la note numéro 5, vous dites
12 que cet entretien a eu lieu le 27 mai 1998; c'est bien cela, n'est-ce pas,
13 c'est votre référence ?
14 R. [aucune interprétation]
15 Q. Comment s'appelle cet écrivain serbe qui au club des étudiants a
16 affirmé quelque chose en 1990 ? Est-ce que vous le
17 savez ?
18 R. Là encore, je l'ai de toute façon dans mon carnet de notes que j'avais
19 à l'époque, mais je n'ai pas considéré qu'il s'agissait quand même d'un
20 élément suffisamment important pour figurer dans le rapport, cet auteur
21 dont l'étudiant avait parlé. J'aurais pu y mettre énormément de citations,
22 j'aurais -- puisque j'ai mené un grand nombre d'entretiens à Belgrade, à ce
23 moment-là, mais c'était toujours un petit peu -- ça [imperceptible]
24 toujours les mêmes types d'information, donc, je n'ai pas tout répété et
25 tout ceci portait sur le fait que c'était quand même le discours des
26 intellectuels serbes et médias serbes. C'était toujours la même chose qui
27 revenait, les viols, les atrocités, toutes ces histoires. Donc, je ne cite
28 qu'une fois ce qu'un de ces étudiants m'a dit; sinon, j'aurais pu en
Page 2184
1 rajouter énormément parce que c'était un discours courant.
2 Q. Vous me répondez trop longuement, mais il n'y a pas de contenu dans vos
3 réponses.
4 Monsieur Oberschall, comment un scientifique peut-il dans un rapport
5 d'expert utiliser à titre d'argument le fait qu'un étudiant et ne sait pas
6 qui est cet étudiant, vous le savez, c'est quelque part dans vos documents
7 secrets, mais dans le rapport il n'y en a pas de traces.
8 Donc, qu'un étudiant lui a dit qu'il se souvient du fait qu'un écrivain
9 serbe plusieurs avant lui aurait dit quelque chose au club des étudiants.
10 Est-ce que ça c'est une manière sérieuse et scientifique de travailler,
11 Monsieur Oberschall ?
12 R. Absolument. On ne m'a pas demandé d'écrire un livre de
13 21 360 pages sur tout ce qu'on peut écrire à propos de la propagande dans
14 les médias de masse, à propos de vos déclarations dans les médias serbes.
15 On m'a demandé d'être bref, concis, précis, facile à comprendre, de me
16 faire une synthèse précise et donnant des détails. Mais, bien sûr, sans en
17 faire un fourre-tout, parce qu'évident ça, ça aurait fait un livre énorme,
18 donc, j'ai dû choisir les citations bien sûr, y compris les citations
19 venant de l'analyse de contenu. A chaque fois, j'aurais pu citer vos 47
20 menaces chaque fois que j'ai analysé les menaces, mais, je n'en ai choisi
21 que trois ou quatre. Si quelqu'un veut l'ensemble de tout cela, ils n'ont
22 qu'à se référer à l'annexe puisqu'il y a les documentations complètes qui
23 sont à l'annexe.
24 Q. Monsieur Oberschall, revenons-en à la méthodologie applicable dans une
25 recherche scientifique. Est-ce que la science peut accepter une méthode qui
26 s'appui sur des déclarations auto entérinées par celui qui les utilise
27 alors qu'il s'agit, en fait, de quelqu'un qui a dit quelque chose à
28 quelqu'un d'autre qui l'a rapporté à l'auteur. Est-ce que c'est acceptable
Page 2185
1 ?
2 R. Ce à quoi vous faites référence c'est de savoir si on peut utiliser les
3 informations qui sont dans des livres mais qui, en fait, ne viennent pas
4 d'exemples de première main. Donc, quant à savoir si on a le droit de citer
5 d'autres personnes dans le cadre d'interviews, si l'on peut employer des
6 informations qui ont été relatées par une autre personne sur quelque chose
7 qui se serait passé précédemment, et en effet, je pense que si tout ceci
8 est bien documenté, c'est sont des informations qui peuvent être utilisées,
9 qui doivent être utilisées après analyse, bien sûr. Mais je pense qu'on
10 peut employer ces éléments dans le cadre d'analyse scientifique.
11 Q. Monsieur Oberschall, vous avez soumis votre rapport d'expert et dans le
12 rôle que vous jouiez, à savoir appuyer l'Accusation, or, pour être tout à
13 fait exact, cette mise en accusation me menace d'un emprisonnement à vie. A
14 l'appui de cela, qu'est-ce que vous dites ? Vous dites un homme m'a dit
15 qu'il y a plusieurs années, un autre homme lui aurait dit ceci et cela. Et
16 quand je vous interroge, vous répondez en me disant que vous ne savez le
17 nom ni du premier ni du deuxième de ces deux hommes, et vous êtes venu ici
18 en sachant que j'allais vous affronter sans pitié au cours du contre-
19 interrogatoire. Qu'est-ce que tout cela signifie ?
20 R. Ce que quoi signifie ? Pouvez-vous me poser une question claire, s'il
21 vous plaît ?
22 Q. Monsieur Oberschall, mon temps est précieux, je ne vais pas insister
23 sur cette question, je vois que vous n'avez aucune réponse à fournir.
24 Passons à autre chose et je vais essayer pendant la demie heure qui me
25 reste de poser encore quelques questions.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à l'Accusation de ne pas
27 dépenser le temps qui est le mien.
28 Mme DAHL : [aucune interprétation]
Page 2186
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Là, vous prenez sur son temps, il passe à autre
2 chose. Alors, vous voulez intervenir pourquoi ?
3 Mme DAHL : [interprétation] Soit M. Seselj peut reformuler la question
4 puisque le témoin n'a pas compris ou il peut tout simplement la retirer,
5 mais il ne doit pas faire de commentaire en disant que le témoin ne répond
6 pas à la question. Le témoin n'a pas du tout fait cela. Il a demandé les
7 éclaircissements, il a demandé qu'on lui ré explique la question. Donc, je
8 considère qu'il ne procède pas du tout de la façon correcte.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, passez à une autre question.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous allez me décompter le temps,
11 l'Accusation du temps qui m'est imparti ? Merci.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]
13 M. SESELJ : [interprétation]
14 Q. Monsieur Oberschall, en page 17 -- 17, vers la fin de la page de votre
15 rapport, vous dites que j'incitais activement les Serbes, que je soulevais
16 les Serbes contre l'intégrisme musulman, le pan islamisme, et cetera. Est-
17 ce que vous pensez que ces menaces n'étaient pas réelles ?
18 R. Ce que j'ai dit, c'est qu'un groupe d'écrivains ont analysé les
19 discours prononcés et diffusés à la télévision et à la radio serbe de
20 Belgrade à propos de la guerre de Bosnie et j'en ai conclu que le thème
21 principal était la menace musulmane, enfin, que les Musulmans étaient des
22 Moudjahidines, des criminels, des massacreurs, des terroristes, des
23 extrémistes. En effet, tout ceci est dans mon rapport.
24 Q. Monsieur Oberschall, savez-vous que le régime communiste en 1986 a
25 interdit de part une décision du tribunal, un livre : "Poursuite de
26 l'Hérétique," où j'ai prévenu de ces menaces pan islamistes et intégristes,
27 et ça été la raison de son interdiction, ça été interdit en 1986. Le
28 saviez-vous ?
Page 2187
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2188
1 R. Non, non, je ne connais pas ce livre.
2 Q. Bien, vous ne le savez pas.
3 Monsieur Oberschall, estimez-vous qu'en Bosnie-Herzégovine, il existe une
4 nation musulmane ?
5 R. Il y a quand même un peuple qui s'appelle les Bosniens et ils
6 s'appellent aussi Musulmans, c'est vrai.
7 Q. Monsieur Oberschall, depuis quand ces gens-là s'appellent-ils Bosniens,
8 depuis quelle année ?
9 R. Je crois c'était au cours de la guerre. Je n'ai pas la date exacte en
10 tête, je ne sais pas exactement quand c'est arrivé. Mais il y a aussi des
11 Serbes et des Croates qui ont décidé de rester au sein de la Fédération et
12 qui ont décidé de prendre la citoyenneté de la Fédération. Donc, on ne
13 parle pas que de Musulmans, mais on parle d'autres groupes ethniques.
14 Certes, la majorité est musulmane.
15 Quant à savoir quand on a commencé à employer le terme "Bosniens"
16 c'était pendant la guerre pour faire la différence entre la Republika
17 Srpska d'un côté et l'autre groupe qui voulait maintenir une Bosnie unifiée
18 qui prendrait la suite de la république qui avait existé auparavant dans le
19 cadre de l'ex-Yougoslavie.
20 Q. Monsieur Oberschall, donc, c'est une nation qui a proclamé son
21 existence il y a une dizaine, quinzaine d'années, n'est-ce pas ?
22 Auparavant, elle n'existait pas.
23 R. Monsieur Seselj, vous faites toujours une confusion entre ce qui
24 est la reconnaissance officielle et ce qui est la conscience véritable
25 effective. L'identité, l'autodéfinition d'un peuple. Je l'ai indiqué dans
26 mon rapport d'expert, à plusieurs endroits, je ne sais pas ce que je peux
27 faire pour essayer de dissiper cette confusion qui règne dans votre esprit.
28 J'ai fait référence à toutes les sources à commencer dans l'histoire du
Page 2189
1 nationalisme moderne avec Renan, qui a fait une conférence à la Sorbonne
2 sur ce qu'est une nation, et je continue dans la citation de mes sources
3 jusqu'à une étude nationaliste contemporain. Vous, vous avez toujours
4 rejeté cette terminologie acceptée pourtant dans le monde entier. Vous
5 parlez de toute sorte d'euphémismes, de nations artificielles, vous niez,
6 vous rejetez cette autodéfinition, ce sens d'appartenance à un peuple qui
7 est le produit de l'histoire, de la culture. Vous avez toujours dénigré,
8 minimisé cela. Vous pensez qu'il y a une espèce de déclaration officielle
9 qui fait exister ou ne pas exister quelque chose et ce qui fait pourtant la
10 différence. Ça, vous ne le reconnaissez pas.
11 Ce que je dirais en guise de réponse c'est qu'il y a des gens qui
12 s'appellent ou s'identifient comme étant des Musulmans de Bosnie. Il y en a
13 en Bosnie depuis pratiquement l'époque turque ottomane à partir du XVIIe
14 siècle, alors, est-ce que les autorités officielles reconnues ou pas, ça,
15 ça ne fait pas vraiment de différence ? Si ça a été inscrit dans un traité
16 de paix, ce qui compte c'est la façon dont s'aperçoivent les gens, dont ils
17 se sentent et s'ils se reconnaissent en tant que peuple.
18 Q. Vous vous référez à Renan, et pour vous, c'est une place porte. Alors,
19 saviez-vous qui était Schelling ?
20 R. Oui.
21 Q. Savez-vous quelle est la définition de la nation par Schelling ?
22 R. Vous parlez du philosophe allemand ?
23 Q Oui, oui, c'est celui-là. C'est lui qui a fait la définition des
24 nations.
25 R. Non, je ne pourrai pas vous citer la définition qu'il donne de la
26 nation.
27 Q. Je vais vous la citer. D'après Schelling, la nation c'est la langue.
28 Alors, Monsieur Oberschall, pour contester et réfuter votre thèse et cette
Page 2190
1 souffrance à laquelle -- enfin, que vous m'attribuez ou dont vous
2 m'attribuez la cause. Imaginez si cet Etat français, qui compte 60 millions
3 -- entre 50 et 60 millions d'habitats, si mes souvenirs sont bons, imaginez
4 maintenant dans une partie de la France, ça peut-être les environs de
5 Marseille ou de Paris, peu importe quelle partie de la France, 5 millions
6 de Français décideraient de se convertir à l'Islam, c'est leur droit. Nous
7 avons eu ce philosophe français, Roger Garaudy, qui s'est converti à
8 l'Islam vers les années 70. Vous avez certainement entendu parler de Roger
9 Garaudy, j'espère, c'était un philosophe à orientation Marxiste, et puis
10 ensuite, il s'est converti en philosophe musulman. Vous savez qui c'est
11 Roger Garaudy ? Imaginez si cet exemple a été suivi par 5 millions de
12 Français - Français de souche, pas d'immigrés - et ils se seraient dit : on
13 passe, on se convertit à l'Islam, et à partir de ce moment-ci, nous sommes
14 une nation musulmane. Est-ce qu'à vos yeux ce serait une raison suffisante
15 pour affirmer c'est vraiment une nation musulmane, parce qu'ils se sentent
16 comme telle ?
17 R. Vous savez, vous êtes en train de faire toute sorte de suppositions, de
18 présenter des hypothèses tout à fait bizarres. Si des gens en France ou
19 ailleurs se convertissent -- adoptent telle ou telle religion à titre
20 individuel ou en grand groupe, ça ne fait aucune différence à leur Etat
21 civil, à la question de savoir s'ils se considèrent comme étant une nation.
22 Pour eux, ce sont des gens qui partagent une même religion, une même foi,
23 ça n'a aucune incidence sur leur citoyenneté, sur le sentiment qu'ils
24 auraient d'être ici en l'occurrence des Français. Je ne sais pas, vous,
25 vous vivez dans un monde à part, qui n'est pas le monde réel à mon avis.
26 Vous brouillez l'esprit avec toute sorte de questions hypothétiques,
27 étranges qui n'ont aucun rapport avec l'histoire contemporaine.
28 Q. Vous ne pouvez pas répondre à une question posée de façon tout à fait
Page 2191
1 logique. Moi, je ne parle pas de nationalité. Ces Français hypothétiques
2 qui passeraient, qui se convertiraient à l'Islam, resteraient des citoyens
3 français. Mais s'ils faisaient ce qu'on fait les Musulmans de Bosnie et
4 s'ils venaient à dire que nous ne sommes plus des Serbes, nous sommes
5 désormais une nation musulmane; est-ce que partant de leur état de
6 conscience, vous
7 diriez : et bien, ce sont -- c'est une nation musulmane en France. C'est ma
8 question, elle est très simple, elle est très logique.
9 R. Mais tout d'abord les Musulmans n'ont jamais dit qu'ils étaient Serbes
10 et puis tout d'un coup ils seraient devenus non-Serbes. Ils ont toujours
11 dit qu'ils étaient Musulmans depuis l'époque turque -- époque ottomane. Je
12 ne sais pas, vous savez, vous réfléchissiez, vous voyiez tout ça, ça
13 embrouille tout. On peut être citoyen, être membre d'une communauté
14 religieuse qui est une minorité parmi toutes les fois, les confessions.
15 Vous pouvez parler une langue que parlera une minorité démographique dans
16 cet Etat, tout en se considérant -- tout en vous considérant comme étant
17 non pas simplement un citoyen; tout comme moi, je pense que je suis
18 Américain, un Français va penser qu'il est français. On a plusieurs
19 identités et toutes ces identités, la plupart du temps, n'affirment pas
20 avoir le droit à un Etat souverain qui va les représenter dans un
21 territoire donné. Ecoutez, dans le fond ici, c'est de l'histoire
22 élémentaire de la psychologie élémentaire. Que dire ?
23 Vous savez, je fais -- je donne des cours à mes étudiants sur ce sujet.
24 C'est vraiment dommage que vous n'ayez pas suivi des classes que j'ai
25 données sur ce cours parce que je pense que vous ne seriez pas aussi confus
26 dans votre tête.
27 Q. J'ai ici l'opinion publique et les Juges de la Chambre vont finir par
28 dire qui est-ce qui est dans la confusion et dans le flou. Je ne peux que
Page 2192
1 rire de vos assertions parce qu'il est évident qui est confus et qui est
2 dans le vague.
3 Alors, ce qui s'est passé aux Serbes, Monsieur Oberschall, au fil des
4 quelques centaines d'années écoulées, une partie sous occupation ottomane
5 s'est convertie à l'Islam et s'est identifiée à l'occupant. L'autre partie
6 a pris pour religion le catholicisme et petit à petit perd sa nation, sa
7 conscience serbe; est-ce que ça doit m'empêcher, moi, partant de fait
8 historique d'affirmer que nous Serbes orthodoxes, nous sommes des Serbes
9 orthodoxes, ce sont les Serbes musulmans et les autres ce sont des Serbes
10 catholiques. N'ai-je pas le droit de le dire -- n'ai-je pas le droit de le
11 faire indépendamment de la façon dont ils se sentent ? On nous a mis en
12 zizanie. On a saigné pendant toutes les guerres mais j'affirme et je
13 persiste à affirmer que nous sommes une même nation.
14 R. Mais vous ne m'avez pas posé de question. Vous venez de faire une
15 déclaration. D'autres personnes utiliseront cela différemment. Bon, là,
16 c'est votre avis.
17 Q. Monsieur Oberschall, vous me reprochez le fait de nier la nation
18 macédonienne dans votre rapport. Vous l'indiquez dans votre rapport.
19 R. Oui.
20 Q. Bien. Mais pourquoi les Nations Unies ne reconnaissent-elles pas la
21 nation macédonienne ?
22 R. Mais je pense que ça ne répond pas à la question. Ça n'a rien à voir
23 avec le peuple macédonien. Ça concerne l'Etat de Macédoine. Ça tient à
24 l'objection formulée par le gouvernement grec qui ne veut pas qu'on utilise
25 le nom de Macédoine parce que la Macédoine c'est aussi une région dans le
26 nord de la Grèce. Donc, ici, il y a un litige à propos non pas d'une nation
27 ou d'un peuple mais du nom -- d'une appellation qu'on donne officiellement.
28 Donc, la façon officielle onusienne qu'on a de décrire un Etat. Ici on ne
Page 2193
1 conteste pas l'existence de ce territoire ou des frontières de ce
2 territoire.
3 Q. Il n'y a pas de contestation au niveau du territoire et des frontières
4 parce que la population de la Macédoine est en majorité slave. Mais la
5 Grèce conteste l'appellation même de l'Etat et l'appellation de la nation
6 ainsi que l'appellation ou le nom de la langue, n'est-ce pas ? Ils disent :
7 "Cet Etat ne peut pas s'appeler la Macédoine. Cette nation ne peut pas
8 s'appeler macédonienne, et cette langue ne peut pas s'appeler macédonien."
9 Est-ce que cela est exact ou pas ?
10 R. C'est peut-être exact, je ne sais pas ce que disent les Grecs. Je n'ai
11 pas étudié les positions adoptées par le gouvernement grec ni qui parmi les
12 Grecs le disent.
13 Q. Bien. Pourquoi l'Union européenne n'a-t-elle pas reconnu l'appellation
14 de cet Etat de Macédoine et l'appellation de la nation macédonienne et la
15 langue macédonienne ? Pourquoi l'Union européenne ne l'a-t-elle pas reconnu
16 ? Parce que la Macédoine aspire à une affiliation à l'Union européenne,
17 mais sous une appellation temporaire, ex-République yougoslave de
18 Macédoine, n'est-ce pas ?
19 R. Ecoutez, vous m'avez posé beaucoup de questions, là, en bloc, en vrac,
20 alors, qu'est-ce que vous voulez que je dise précisément ? A quelle
21 question voulez-vous que je réponde ?
22 Q. Non, non, je m'attends à rien de votre part. Moi, je vais passer à une
23 autre question.
24 Monsieur Oberschall, vous avez dit à plusieurs fois - et vous le dites dans
25 votre rapport - à savoir que je m'emploie en faveur d'une amputation de la
26 Croatie; c'est bien cela ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce que j'ai été le premier à utiliser cette formulation,
Page 2194
1 "amputation de la Croatie" ?
2 R. Non.
3 Q. Qui a été le premier ?
4 R. Je ne sais pas. Je n'ai pas fait une recherche sur l'histoire de
5 l'utilisation de cette tournure de phrase. Toutes ne sont pas de votre cru,
6 vous en partagez l'utilisation avec certains, des gens qui ont parlé avant
7 vous. Moi, je n'ai pas fait ce genre de recherche linguistique.
8 Q. Monsieur Oberschall, je vais vous le dire. Le premier à utiliser cette
9 formulation a été le roi yougoslave Aleksandar Karadjordjevic en 1928, et
10 depuis, cela circule dans notre discours politique et historique. Bon
11 nombre d'autres intellectuels le disent dans leurs études scientifiques et
12 ils ont expliqué ce que signifiait cette idée d'amputation.
13 Malheureusement, ça n'a pas été fait en temps utile, mais c'est une autre
14 question.
15 Monsieur Oberschall, ici vous nous avez parlé du discours libéral et
16 démocratique au sein de l'Union européenne.
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez établi une différence entre ce discours et le discours
19 politique serbe. Avez-vous entendu parler de Jean Cot ? C'est un général
20 français, ex-commandant de la FORPRONU en Bosnie.
21 R. D'abord, ce n'est pas vrai que j'ai comparé l'Union européenne, ou que
22 j'ai -- enfin, j'ai comparé ce que j'appelle le discours nationaliste avec
23 le discours serbe. J'ai plutôt parlé du discours xénophobe nationaliste, et
24 il y a beaucoup plus que les seuls Serbes, les hommes d'Etat, les
25 intellectuels.
26 Q. Moi, je vous ai posé la question de savoir si vous avez entendu parler
27 de Jean Cot. Je vous ai dit qui il était. Alors, Jean Cot, dans une
28 déclaration pour la revue Défense Nationale, en juin 1997, a déclaré :
Page 2195
1 "Pour ce qui est des Serbes, c'est de nos jours un peuple malade,
2 empoisonné depuis longtemps, qui est tombé dans une espèce de paranoïa
3 collective dangereuse."
4 Est-ce que c'est un discours libéral et démocratique ?
5 R. Non, en fait, là, la généralisation, on donne dans le stéréotype.
6 Q. Merci. J'ai une autre question.
7 Mme DAHL : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. On devrait
8 permettre au témoin de terminer sa réponse. Ce n'est pas bien contre-
9 interrogé si on ne le laisse pas faire.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Il manque un bout, là. C'est un stéréotype. Et
11 vous voulez rajouter quelque chose ? Parce qu'il y a marqué, "and," et
12 puis, des points.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement. Ce que je voulais ajouter c'est
14 que, même s'il est vrai que le discours xénophobe nationaliste a prévalu à
15 cette époque en Serbie, ça ne veut pas dire pour autant que tous les
16 intellectuels serbes. Il y avait beaucoup d'écrivains et d'hommes
17 politiques de grande qualité en Serbie, qui ont, eux, utilisé -- ont pensé
18 dans le discours civique; malheureusement, ils ont été les perdants
19 politiquement. Je ne dirais jamais de tous les Serbes qu'ils avaient un
20 uniforme, une idéologie qui soit nationaliste, entre autres. En fait, j'ai
21 parlé à certaines de ces personnalités, il y a des partis politiques qui
22 contestent les élections. Donc, je voulais simplement le dire.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez.
24 M. SESELJ : [interprétation]
25 Q. Monsieur Oberschall, c'est une machine à dépenser -- à gaspiller mon
26 temps précieux. Je voulais recevoir des réponses précises, et non pas des
27 opinions sur des thèmes variés.
28 Monsieur Oberschall, l'ex-président français, Jacques Chirac, à l'époque où
Page 2196
1 il était président de la France, au sommet des chefs d'Etat de l'Union
2 européenne, en juin 1995 à Paris, interrompt l'exposé du premier ministre
3 grec, Andreas Papadreou, qui a dit qu'en Bosnie, il y avait guerre civile
4 avec bien des éléments de guerre religieuse. Jacques Chirac a dit :
5 "Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur le Premier -- Monsieur le
6 Président. Les Serbes sont un peuple sans loi et sans foi. C'est un peuple
7 de brigands et de terroristes." Cela a été diffusé sur EuroNews, chaîne de
8 télévision, en juin 1995.
9 Mon collaborateur, Dejan Mirovic, l'a cité, dans une information relative à
10 la défense, des moyens de défense spéciaux que j'ai communiqués à
11 l'Accusation, et cela a été publié dans un livre de l'auteur Zoran
12 Petrovic, qui dit : "Eliminer le virus serbes," en 1995. Alors, cette
13 déclaration de Jacques Chirac fait-elle partie de ce discours libéral et
14 démocratique aussi ?
15 R. Tout d'abord, je doute vraiment que le président Chirac ait prononcé
16 ces paroles qui lui sont attribuées. Si vous avez cité un journal -- un
17 journaliste français, plutôt, que de vous livrer à ce genre de
18 circonlocutions, là, je pourrais réagir et évaluer ce qu'aurait dit
19 exactement le président Chirac. Je serais sûr qu'il l'a dit.
20 Mais, ici, vous citez des sources, vous les décrivez; ce que vous décrivez
21 ce n'est pas pour moi digne de foi, parce qu'on y trouve beaucoup
22 d'éléments de propagande et de fiction qui sont repris dans ces tentatives
23 de toute justification pour attaquer aussi d'autres personnes. Si vous me
24 donnez une déclaration dont je peux croire qu'elle est vraiment du
25 président Chirac qui concernerait les Serbes au cours de cette guerre, à ce
26 moment-là je pourrais réagir. Mais, ici, je ne veux pas réagir à ce genre
27 d'ouï-dire.
28 Q. Monsieur Oberschall, avant-hier, vous avez cité ou mentionné M. Hugo
Page 2197
1 Chavez, le président du Venezuela, et vous l'avez donné en exemple de
2 leader politique qui se trouve être plus proche de mon discours politique à
3 moi. Vous l'avez dit avant-hier ici dans le prétoire; vous en souvenez vous
4 ? C'est au compte rendu, moi, j'ai pris note de votre déclaration.
5 R. Je suppose que si c'est consigné au compte rendu, ça doit être juste.
6 Q. Monsieur Oberschall, bon, pour ce qui est de Hugo Chavez, je pense que
7 c'est un des leaders de cette humanité éprise de liberté parce qu'il
8 s'oppose à l'impérialisme américaine, à la domination, à l'hégémonie, à cet
9 nouvel ordre mondial, au globalisme ou au mondialisme, appelez-le comme
10 vous voulez.
11 Hugo Chavez a participé dernièrement, il y a quelques jours, à un sommet --
12 Mme DAHL : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]
14 Mme DAHL : [interprétation] Ici, maintenant, M. Seselj donne son avis sur
15 Hugo Chavez; ce n'est pas ce qu'on doit faire en contre-interrogatoire.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, l'avis sur M. Hugo Chavez n'a pas à entrer en
17 ligne de compte sauf si à partir d'une question vous lui posez une question
18 et il répond.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais le représentant de l'Accusation ne
20 m'a pas laissé poser ma question. La question arrive.
21 M. SESELJ : [interprétation]
22 Q. Il y a quelques jours, il y a eu un sommet des Etats Hispano et
23 américains, et est-ce que vous avez vu à la télévision la tenue de ce
24 sommet ? C'était montré sur CNN, la BCC, les télévisions françaises,
25 hollandaises que je peux suivre ici, tout le monde a montré cela. L'avez-
26 vous vu cela ?
27 R. Probablement. Oui, moi je regarde les journaux télévisés, oui.
28 Q. Je vais vous rappeler. Il y a eu un incident lorsque le roi espagnol
Page 2198
1 Juan Carlos, a bondi et a offensé Hugo Chavez. Toutes les télévisions du
2 monde l'ont montré. L'avez-vous vu aussi ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que vous pensez que le roi espagnol Juan Carlos, est une
5 personne qui représente un discours libéral et démocratique ?
6 R. Je voudrais dire pourquoi le roi d'Espagne dit ce qu'il a dit. C'est
7 parce que Hugo Chavez a insulté l'Espagne, l'histoire espagnole et s'est
8 servi d'une façon tout à fait non diplomatique, s'est servi de termes tout
9 à fait insultants, inadéquats, s'adressant à un chef d'Etat. C'est la
10 raison pour laquelle le roi Juan Carlos, s'est levé et a quitté la salle,
11 et je pense qu'il a bien fait.
12 Q. Fort bien, Monsieur Oberschall.
13 Hugo Chavez a parlé de faits historiques, les Espagnols ont colonisé
14 l'Amérique du Sud de façon brutale. Ils ont pillé et tué devant tout ce qui
15 s'opposait à eux. Ils ont mis à feu et à sang. C'est un fait historique,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Monsieur Seselj, vous voulez vraiment parler de l'histoire de l'Espagne
18 dans les Amériques pendant le reste du temps que vous avez ? Est-ce qu'on
19 est en train de faire un cours -- un séminaire ?
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous pose une question. Vous dites : "Je sais,"
21 "Je ne sais pas, les Espagnols --
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je connais cette histoire dont il parle, bien
23 entendu.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous connaissez.
25 Bien, continuez.
26 M. SESELJ : [interprétation]
27 Q. Alors, le président du Venezuela, Hugo Chavez, a-t-il été élu à des
28 élections démocratiques par la volonté de son propre
Page 2199
1 peuple ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que le roi espagnol Juan Carlos a été élu à des élections
4 démocratiques par la volonté de son peuple à lui ?
5 R. Le roi d'Espagne n'est pas élu par un vote populaire, son poste est
6 prévu dans la constitution mais ce n'est pas un poste auquel on est élu.
7 Q. Fort bien, Monsieur Oberschall. Savez-vous qui est-ce qui a nommé ou
8 placé le roi Juan Carlos d'Espagne sur ce trône pré instauré en Espagne ?
9 R. Mais je ne sais pas tout à fait comment ça s'est passé; ça se passait
10 lors des dernières années du régime franquiste, et je crois qu'il y a eu un
11 arrangement constitutionnel, mais, moi, je ne suis pas prêt à parler des
12 détails de l'histoire d'Espagne jusqu'à ce degré de détails.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Allez à la question, Monsieur Seselj, parce
14 que le temps est quasiment terminé. Donc, posez votre question.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si mon temps touche à sa fin, je vais poser
16 juste une question encore.
17 M. SESELJ : [interprétation]
18 Q. Le roi d'Espagne Juan Carlos a été placé sur son trône par la volonté
19 personnelle d'un dictateur fasciste, Francisco Franco. D'un côté, nous
20 avons Hugo Chavez, qui le peuple vénézuélien a élu par sa propre volonté à
21 des élections démocratiques. D'un autre côté, nous avons le roi espagnol
22 Juan Carlos que le dictateur fasciste a placé sur son trône, et pour vous,
23 à vos yeux, Juan Carlos est le représentant du discours libéral et
24 démocratique, et Hugo Chavez est le représentant du discours opposé au
25 libéral et démocratique qui est donc plus proche du mien, n'est-ce pas ?
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Il doit y avoir une erreur dans le
27 transcripts, là, parce que je vois "Omarska camp," ça rien à voir. Alors,
28 la question est posée; répondez.
Page 2200
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2201
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voudrais signaler, c'est qu'il n'y a
2 que trois semaines à l'occasion d'un référendum tenu au Venezuela, Hugo
3 Chavez voulait que soit confirmé sa [imperceptible] d'avoir un pouvoir de
4 dictateur, et je pense qu'il a perdu ce référendum. Il y a eu 52 % des voix
5 qui se sont exprimées contre lui, contre 48 % des voix en sa faveur. Alors,
6 si on dit qu'ici, vous -- de dire que Chavez représente le peuple
7 vénézuélien, que c'est un homme politique qui a été élu, mais il y a une
8 majorité de ces concitoyens s'est prononcée contre lui, aujourd'hui même.
9 Ces gens se sont exprimés clairement, ils ont dit qu'ils étaient opposés à
10 lui. Alors, maintenant, vous me posez des questions où vous comparez une
11 monarchie constitutionnelle, la légitimité qu'un tel monarque de s'exprimer
12 au nom de son peuple, et vous voulez le comparer avec quelqu'un, un chef
13 d'Etat qui a été élu. Moi, franchement, je ne comprends pas quel rapport
14 tout ceci a avec le sujet dont nous débattons et je ne sais plus exactement
15 où nous en sommes, je vous l'avoue.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, cette question sur la comparaison
17 du roi d'Espagne et de M. Chavez, c'était pour établir quoi parce qu'on a
18 du mal à suivre. Quel était le but de cette question dans le cadre du
19 contre-interrogatoire par rapport au rapport. C'était pour mettre en
20 évidence quelle vérité ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je veux mettre en évidence, c'est
22 l'impossibilité de garder debout cette construction qui a été mise sur pied
23 par M. Oberschall dans son expertise. D'un côté, il y aurait un discours
24 libéral et démocratique et de l'autre un nationaliste qui ne serait pas
25 libéral et démocratique. Hugo Chavez, lui avait voulu qu'on élargisse ses
26 attributions constitutionnelles, il y a eu un référendum et récemment le
27 peuple a dit non. Hugo Chavez a reconnu la chose, il a dit, le peuple ne
28 veut pas élargir mes attributions. Donc, c'est démocratique ici -- s'est
Page 2202
1 avéré à être démocratique cet homme. Or, le roi d'Espagne --
2 Mme DAHL : [interprétation] -- objection --
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- le roi d'Espagne.
4 L'INTERPRÈTE : Madame Dahl demande la parole.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- et à un référendum pour vérifier la volonté
6 de son peuple vis-à-vis de la volonté de ce dictateur franco.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, que vouliez-vous dire ?
8 Mme DAHL : [interprétation] Le volume de la voix de M. Seselj est tellement
9 fort dans l'audience, que je n'arrive même pas à entendre la traduction.
10 Vous parlez beaucoup trop fort.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien.
12 Donc, Monsieur Seselj, vous avez expliqué pourquoi vous vouliez poser cette
13 question. Bien. Alors, votre temps est donc terminé puisque vous avez
14 utilisé le temps qui vous a été alloué par la Chambre.
15 Si, Madame Dahl n'a pas de questions supplémentaires ? Pas de questions.
16 Bien.
17 Alors, Monsieur le Témoin --
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste une seconde.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas eu le temps de poser toutes les
21 questions et je ne m'en plains pas. Ce que je voudrais seulement c'est les
22 deux documents que j'ai préparés, je voudrais qu'ils soient versés au
23 dossier. Je ne sais pas si M. Oberschall a reçu une traduction en langue
24 anglaise de cette proclamation à l'égard des Serbes du -- groupe de
25 confession musulmane que j'ai signé en 1990 et qui a été publié dans le
26 premier des numéros de Grande-Serbie, et une partie introductive publiée
27 par cette revue Grande-Serbie.
28 L'avez-vous, Monsieur Oberschall ? L'avez-vous -- vous l'a-t-on communiqué
Page 2203
1 ? Les services appropriés étaient censés vous le donner. Mais je vois que
2 c'est que maintenant qu'on vous le donne. J'avais espéré qu'on vous le
3 donnerait avant.
4 Autre chose, Monsieur le Président, vous n'avez pas accepté ma notification
5 officielle pour ce qui est du deuxième complément de ce rapport du Témoin
6 Oberschall que j'ai remis le 26 novembre en raison de l'écoulement du délai
7 imparti parce que j'ai dépassé les délais. Mais les Juges de la Chambre
8 peuvent rallonger le délai prévu ou imparti pour ce qui est du Règlement de
9 procédure et de preuve.
10 Aussi, vous demanderais-je de faire en sorte que ceci fasse partie du
11 dossier et que la traduction soit déduite des 10 000 pages qui m'ont été
12 approuvées, donc, je voudrais que ça fasse partie de ce quota.
13 Je pense avoir communiqué cela suffisamment de temps en avance pour que M.
14 Oberschall et l'Accusation en prennent connaissance.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous demandez le versement au dossier.
16 L'Accusation va y répondre. Sur le document qui a été communiqué à
17 l'Accusation, à la Chambre et au témoin il y a quelques instants, donc, ça
18 c'est le premier document.
19 Et le deuxième document c'est l'addendum que la Chambre n'avait pas admis
20 en raison du fait que le délai n'avait pas été respecté. Alors, sur ces
21 deux demandes, quelle est la position de Madame Dahl ?
22 Mme DAHL : [interprétation] En matière de procédure, ça devrait être sans
23 doute une pièce de la Défense MFI, marqué pour identification. Cela dit, je
24 ne soulève aucune objection si M. Seselj veut que nous allions vite, s'ils
25 veulent que ces pièces soient admises rapidement. Dans ce cas-là, nous ne
26 soulevons pas d'objection. Cela dit, j'ai quand même une question à poser,
27 une question supplémentaire rapidement, si je puis, peut-être après la
28 pause ou avant.
Page 2204
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Si après, on fait -- il n'y aura pas de pause. On
2 termine. Donc, posez votre question tout de suite.
3 Nouvel interrogatoire par Mme Dahl :
4 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, avez-vous pu lire le livre de M.
5 Seselj appelé: "L'idéologie du nationalisme serbe" ?
6 L'INTERPRÈTE : pas de réponse.
7 R. [aucune interprétation]
8 Q. Sur toutes les têtes de chapitre de ce livre --
9 R. Oui, je les ai d'ailleurs ici. J'ai ces titres avec moi.
10 Q. Très bien. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder le chapitre portant
11 sur les opinions de M. Seselj pour ce qui est des Croates dans un point de
12 vue historique ?
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection. Tout d'abord, hier, M.
16 Oberschall a dit qu'il n'a jamais tenu en main mon livre : "L'idéologie du
17 nationalisme serbe," et je viens d'en clore avec mes questions -- et j'en
18 ai terminé aussitôt avec mes questions -- dans une autre question.
19 Le représentant de l'Accusation a le droit de se référer rien qu'aux
20 questions qui ont été entamées à l'interrogatoire principal ou celles qui
21 ont été abordées en contre-interrogatoire. Ils n'ont pas le droit d'aborder
22 de nouveaux sujets.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, tout d'abord, il semblerait que
24 sur ce livre vous auriez dit que vous ne l'aviez pas lu. Et puis,
25 maintenant, vous dites : je le connais, alors --
26 Mme DAHL : [aucune interprétation]
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'ai vu en fait le sommaire. Je n'ai pas
28 lu le livre, j'ai vu le sommaire.
Page 2205
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxièmement, sur l'objection pour la question
2 supplémentaire, en quoi la question supplémentaire a un fondement par
3 rapport à une question qu'aurait posé M. Seselj ?
4 Madame Dahl.
5 Mme DAHL : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous avons présenté les
6 textes en format électronique sur lesquels on pouvait faire une recherche,
7 donc nous n'avons pas les livres, les livres physiques, les volumes que M.
8 Seselj soulevaient et je voudrais que l'on parle justement de la façon dont
9 il a parlé des Croates.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est la question que M. Seselj avait posée au
11 témoin qui appelle de votre part une question supplémentaire ?
12 Mme DAHL : [interprétation] C'était une question posée à propos de
13 fiabilité de la façon dont M. Seselj avait parlé des Croates au cours de
14 l'histoire.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, posez votre question.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, objection.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, quand ai-je parlé de cela,
19 hier ou avant-hier ? Il n'a pas été dit un mot à ce sujet. Rappelez-vous ma
20 première question de ce matin a été la suivante :
21 M. Oberschall, est-ce que dans le courant de l'après-midi, de la soirée ou
22 de la nuit d'hier, vous avez parlé avec quelqu'un de votre déposition ? Il
23 a répondu non. Tout d'un coup, on voit apparaître le contenu de mon livre,
24 donc, il a contacté quelqu'un pour parler de cela. Ne permettez pas que des
25 choses de ce genre se passe. Mme Dahl aura l'occasion d'entendre un autre
26 témoin sur ce sujet.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : -- la question n'est pas celle-là. Vous avez dans le
28 cas du contre-interrogatoire abordé la question des Croates, des victimes
Page 2206
1 croates, et cetera, et cetera. Bon. Donc, un sujet large qui peut amener de
2 la part de l'Accusation un complément. Et le complément, elle veut
3 l'introduire, donc, attendons la question. Vous intervenez alors qu'on ne
4 sait même pas ce qu'elle va demander.
5 Alors, posez la question.
6 Mme DAHL : [interprétation]
7 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire la façon dont
8 M. Seselj qualifie les Serbes dans son sous chapitre, et ensuite, nous en
9 faire un commentaire par le biais de votre analyse de contenu. Pouvez-vous
10 nous dire dans quelle catégorie cette qualification des Croates pourrait
11 tomber.
12 R. Voici les titres des sous chapitres : "L'Europe horrifié par la soif de
13 sang des Croates," influence criminelle épouvantable de l'attitude croate.
14 "Les Croates sont le paradigme de la cruauté -- barbarisme -- barbares --
15 le côté barbare des Croates dans la musique folklorique." "L'histoire
16 croate égale le meurtre, le vol." "Ceci ce sont les caractéristiques
17 principales -- de nature croate, les Croates sont une créature du Vatican."
18 "Une caricature aveugle du Vatican."
19 Enfin, je n'ai pas tout lu, mais tout est de la même eau.
20 C'est quand même des stéréotypes extrêmement violents, extrêmement
21 négatifs. Certains tomes d'ailleurs dans des catégories que je n'ai pas
22 employées lorsque j'ai lu les autres textes.
23 Ici on parle vraiment de la "déshumanisation." Puisque les besoins urgents,
24 les besoins bestiaux du Croate -- et ici on compare quand même le Croate à
25 un espèce d'animal primaire à un primate, à un sous homme -- enfin, tout
26 ceci bien sûr tomberait dans la catégorie généralisation puisqu'ici il n'y
27 a pas qu'un Croate qui est en compte, mais tous les Croates. Donc, je
28 reconnais cela dans cette catégorie.
Page 2207
1 Q. Dans le cadre d'une technique de propagande classique, comment -- dans
2 quel but emploierait-on ces types de déshumanisation, d'un exemple de
3 généralité ?
4 R. Tout d'abord, pour faire naître la peur, peur de ces êtres bestiaux.
5 Ensuite, cela créerait une certaine animosité contre ces personnes, manque
6 de confiance à -- incapacité de travailler avec eux, d'avoir des relations
7 normales avec eux puisque ce sont des sauvages, donc, ceci tomberait dans -
8 - ce serait l'emploi de tout ceci dans le cadre de la propagande pour faire
9 naître ses sentiments, faire naître des relations extrêmement hostiles,
10 extrêmement inamicales.
11 Mme DAHL : [interprétation] Merci. Je n'ai plus de questions.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- il y a une question --
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur, il a lu ce que vous aviez indiqué
15 dans le sommaire de votre livre et il a répondu en terme de technique de
16 propagande. Bon. Qu'est-ce que vous voulez dire de
17 plus ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je vous invite à ne pas
19 autoriser une analyse d'un texte sur la base d'un petit passage à la fin du
20 livre sans avoir lu l'intégralité du livre. Car il est question ici du
21 témoignage de témoins oculaires historiques et d'historiens importants de
22 l'Europe, et même de Schiller, le grand poète allemand, qui dans sa ballade
23 de Wallenstein [comme interprété], a décrit les Croates dans ces mêmes
24 termes. Il est question du moment où les Croates dans les guerres de
25 l'époque ont assassiné toute la population d'un village d'Allemagne de
26 Magdeburg. On ne peut pas analyser tout un -- faire une telle analyse sur
27 la base de l'analyse d'un petit passage d'un livre.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
Page 2208
1 Questions de la Cour :
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Il y a plus beaucoup de temps,
3 peut-être faudrait-il quand même faire la pause ?
4 M. LE JUGE ANTONETTI : -- temps, parce que je préfèrerais qu'on termine
5 définitivement.
6 Monsieur le Greffier, combien de temps nous reste-t-il pour la bande ?
7 Parce que ça sert à rien de faire 20 minutes et revenir pour quelques
8 minutes. Bien. Bon. Il doit nous rester cinq à dix minutes.
9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : "Ten minutes," bien.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien.
12 Monsieur Oberschall, j'ai quelques questions à propos de plusieurs choses
13 qui n'ont pas été abordées par les parties, c'est-à-dire principalement les
14 méthodes employées dans votre rapport d'expert. Tout d'abord, j'aimerais
15 savoir quelque chose à propos de ce que vous avez écrit à la page 1 de
16 votre rapport, je voulais savoir quelle était la question qui vous avait
17 été posée par l'Accusation lorsqu'ils vous ont demandé de travailler à ce
18 rapport.
19 Je vois qu'en haut de la page il est écrit : "Comme la propagande, quel est
20 l'impact de la propagande des médias sur l'acceptation de la violence
21 collective par les gens ordinaires et comment la propagande nationaliste de
22 Vojislav Seselj a-t-elle encouragé les Serbes à recourir à la coercition et
23 à la violence contre les non-Serbes et comment a-t-elle justifié cette
24 situation ?"
25 J'aimerais savoir si c'est la question qu'on vous a posée, la mission qu'on
26 vous a donné ?
27 R. Si je me souviens bien on m'a demandé de faire une analyse de contenu
28 du discours politique de M. Seselj à propos des relations entre Serbes et
Page 2209
1 non-Serbes au cours bien sûr de la période qui m'a été donnée, c'est-à-dire
2 '91 à '94. Il s'agissait d'un discours nationaliste bien sûr et on m'a
3 demandé de donner mon opinion en tant qu'expert sur ce discours politique,
4 donc immédiatement j'ai dit pour faire cela il faut procéder à une analyse
5 de contenu, c'est la seule façon de procéder, plutôt que de rechercher ici
6 et là quelques citations, il faut avoir une analyse complète, c'est ce
7 qu'il se fait dans le cadre de l'analyse des discours politiques, on se
8 base sur l'analyse de contenu plutôt que de choisir ici et là les textes
9 appropriés. Il m'ont dit : "Très bien, dans ce cas-là, faites-le," et c'est
10 ainsi que je l'ai fait.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vais y revenir. Mais qui donc a
12 formulé ce passage que je vous ai lu ?
13 R. C'est moi.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ça semble quand même être une thèse
15 de travail.
16 R. Oui, c'est moi. C'est moi. En tant que sociologue, je ne pensais pas
17 que l'on pouvait de façon utile tirer des conclusions en se basant sur une
18 analyse de propagande et sur la quantité en sachant combien de menaces,
19 combien de --
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Oberschall, cette hypothèse
21 de travail donc cette question que vous vous êtes posé au départ vous a-t-
22 elle dirigé dans votre recherche ?
23 R. De quoi parlez-vous ?
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je relie donc ce qui est en haut,
25 quel est l'impact de la propagande des médias, et cetera, et cetera.
26 R. Oui, j'ai bien compris.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ces deux questions qui sont dans ce
28 paragraphe, en fait, votre thèse de travail et c'est à partir de cela vous
Page 2210
1 avez commencé à travailler ?
2 R. L'analyse de propagande, que ce soit analyse de contenu ou autre
3 choses, traite de trois questions principales.
4 Le messager, le message, et l'impact du message. L'impact du message est
5 essentiel dans l'analyse de la propagande. Donc, dans la mesure du
6 possible, j'ai essayé d'analyse l'impact.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, vous voyez, nous commençons ce
8 procès.
9 Vous avez présenté ce rapport. Et pour que les Juges de la Chambre
10 comprennent bien l'utilité de votre rapport et ce qu'ils peuvent en tirer,
11 il faut qu'ils s'assurent du but même de votre étude. C'est pour ça que je
12 vous pose une question à propos de la thèse de travail de départ. Vous
13 voulez traiter l'impact de la propagande des médias sur l'acceptation de la
14 violence collective par les gens ordinaires et la participation de ces
15 derniers -- ce fait -- et comment la propagande nationaliste Seselj a
16 encouragé les Serbes à recourir à la coercition et la violence contres les
17 non-Serbes et comment elle a justifié cette situation ?
18 Deux questions, et j'aimerais savoir si c'était bien ce que vous avez
19 essayé de prouver dans votre travail ?
20 R. Oui, en effet.
21 Mon intention était de prouver ces deux hypothèses de travail.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien.
23 Dans ce cas-là, si on passe à la page 2, vous décrivez la méthodologie
24 employée pour procéder à l'analyse de contenu. Dans le paragraphe qui se
25 trouve au milieu de la page, le paragraphe très étoffé --
26 R. [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] -- vous dites : "Oberschall," donc,
28 vous parlez de vous-même à la troisième personne, "a identifié les thèmes
Page 2211
1 suivants pour lesquels il convenait d'apporter des précisions pour décrire
2 en détail les opinions et les positions de Seselj." Ensuite, vous faites
3 une liste de tous les mots-clés que vous avez employés par la suite dans le
4 cadre de votre analyse, et que vous avez donc appliqués à chaque document
5 fourni par l'Accusation; c'est bien cela ?
6 R. Oui.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Comment êtes-vous arrivé à ces mots-
8 clés ?
9 R. Je l'explique d'ailleurs, j'ai étudié les écrits sur le nationalisme --
10 toutes les sources -- donc, Anthony Smith, par exemple, qui est un
11 professeur à Oxford qui écrit sur le nationalisme, j'ai employé -- je me
12 suis référé aussi à d'autres personnes, et dans leurs livres sur le
13 discours nationaliste, ils énumèrent un certain nombre de sujets, la
14 victimisation, par exemple, le fait que l'on essaie d'établir un lien entre
15 le fait d'être un peuple élu, un peuple -- parfois c'est un peuple élu
16 religieusement, élu par Dieu, élu par l'histoire, élu par le destin. Donc,
17 j'ai d'abord recherché quels étaient les grands thèmes, et donc, tout ce
18 qui est la glorification, la stéréotype négative, tout ceci se trouve dans
19 les écrits de ces experts surtout Anthony Smith. Donc, c'est ainsi que je
20 suis arrivé à une liste de thèmes que j'allais chercher, j'allais trouver
21 mes codes-clés et ça m'a permis d'avoir mes catégories dans lesquelles
22 j'avais classé tout ce qui relevait du discours nationaliste. Donc, ça
23 venait quand même des écrits sur le nationalisme.
24 Ensuite, il y a cinq ou six autres catégories qui viennent des écrits sur
25 la propagande, les techniques de propagande, la généralisation,
26 stéréotypage, message de menace, victimisation, et cetera, et cetera. Donc,
27 on peut employer ces techniques sur des discours d'aujourd'hui comme sur
28 des discours du passé, des discours du XIXe siècle parce que la propagande
Page 2212
1 est toujours un peu identique. Les techniques sont toujours identiques.
2 Donc, j'ai recherché en mot clé les thèmes nationalistes, et là, je
3 me suis penché sur les écrits sur le nationalisme pour les trouver et je me
4 suis basé sur les écrits, sur la propagande pour trouver les mots clé de
5 propagande. Ensuite, j'ai combiné les techniques et le fond.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Certes. Donc, je pense que vous avez
7 abordé la plupart des points qui devaient être évalués dans le cadre de
8 cette étude. Mais les Juges de la Chambre doivent bien comprendre, doivent
9 bien savoir si c'est 11 sujets dont vous nous avez parlé étaient des sujets
10 que vous avez choisis à partir des textes ou s'il s'agissait de sujets que
11 vous avez déclarés vous-même comme étant pertinents dans le cadre de votre
12 analyse ?
13 R. Mais quand j'ai parlé de menace, par exemple, j'ai dû bien préciser le
14 type de menace. Menace contre les Serbes, menaces impliquant les Serbes.
15 Donc, j'ai un petit peu précisé les choses. Mais dans la littérature du
16 nationalisme, tous ceux qui parlent de nationalisme -- on parle quand même
17 des relations entre différents types de personnes, différents types de
18 groupes religieux. Parfois on parle de français, d'allemand, de russe
19 précisément. Mais, moi, j'ai fait quand même une recherche plus étroite
20 uniquement sur Serbes, non-Serbes. Donc dans le cadre du discours
21 nationaliste, j'ai recherché toutes les menaces ou toutes les
22 victimisations où l'on pouvait croiser avec Serbes, non-Serbes.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je pense que je n'ai pas été très
24 clair dans ma question. Je la reformule.
25 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Voici le problème. Nous devons savoir
27 si ces 11 sujets que vous avez choisis pour procéder à votre analyse
28 viennent des écrits scientifiques que vous avez parcourus, étudiés ou s'ils
Page 2213
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 2214
1 viennent de vous-même, si c'est vous qui avez trouvé les codes en fait.
2 R. Non. Je les ai obtenus des écrits des experts. Mais je n'ai pas tout
3 pris chez les experts, puisque j'ai laissé de côté tous les sujets qui
4 étaient hors sujet, qui n'apparaissent pas dans le discours de M. Seselj.
5 Dans le discours nationaliste, dans les écritures sur le nationalisme, on a
6 sûrement des parallèles faits entre la nation et la religion. Le fait qu'un
7 peuple, il va se dire élu de Dieu, choisi par Dieu, le peuple élu. Donc, ce
8 type de -- il y a ce type de terminologie religio-nationaliste.
9 Si je devais analyser al-Qaeda par exemple pour le discours de Bin Laden,
10 là, je devrais bien sûr aborder le thème de la religion. Alors que, dans le
11 type de discours laïc nationaliste qui est le discours de M. Seselj, ceci
12 n'est jamais apparu. Donc, ça, je l'ai écarté. Pourtant, c'est un sujet qui
13 était précisé dans la littérature scientifique.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc, vous avez choisi les 11 sujets
15 qui étaient les plus pertinents en l'espèce et vous avez décidé d'écarter
16 ceux qui en revanche n'étaient pas pertinents. Très bien, merci.
17 Voici la raison pour laquelle je pose la question. Parmi tous ces sujets,
18 j'aurais cru qu'il aurait fallu faire référence à ce qu'on pourrait appeler
19 le paradigme de l'accusé; c'est-à-dire l'opinion qu'avait l'accusé sur la
20 façon dont on devrait percevoir les Serbes dans l'histoire contemporaine.
21 R. Oui mais je l'ai inclus dans mon rapport.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas listé ici
23 comme étant un des sujets que vous avez recherché dans votre analyse de
24 contenu ?
25 R. Non. J'avais quand même un code général, "nations, nationalités." Donc,
26 les discours de M. Seselj sur la nation et la nationalité. D'ailleurs, il a
27 fait un très bel exemple aujourd'hui. Il nous a donné des exemples
28 magnifiques aujourd'hui. Donc, en rentrant dans les détails que l'on trouve
Page 2215
1 dans ces textes, le fait que les Serbes étaient une vraie nation alors que
2 les autres peuples yougoslaves ne sont que des nations artificielles,
3 l'accent sur ce qu'est une nation, ce qu'est un peuple, le fait que les
4 Monténégrins ne -- que la nation ne valait rien, que les Monténégrins sont
5 des Serbes qui s'ignorent. En fait, tout ceci est couvert dans d'autres
6 chapitres de mon rapport, surtout dans le cadre du discours nationaliste de
7 Seselj. C'est là où j'examine précisément les textes et là le classement
8 était nation nationalisme.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Je vais passer maintenant
10 à la catégorie suivante, "persuasion."
11 R. De quelle page parle-t-on ?
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Écoutez, si vous regardez les
13 enregistrements, vous voyez qu'il y a cette catégorie. Vous avez ces 11
14 catégories, et donc, il y a sujet, "topic," et ensuite, persuasion, et là,
15 vous parlez de stéréotypage, généralisation, des informations,
16 contrevérité, et cetera. J'ai pensé que le contexte quand même dans lequel
17 ces discours ont été faits aurait un impact sur leur efficacité en terme de
18 persuasion. Donc, à savoir, par exemple, si c'était un discours à la -- une
19 allocution radio diffusée ou si c'était un discours pris dans un journal ou
20 alors un discours devant un meeting. Est-ce quand même le contexte n'a pas
21 une certaine importance ?
22 R. Ce que je cite ici ce n'est pas la persuasion pour ce qui est de son
23 impact. Je parle ici de la technique de persuasion. A partir du contexte de
24 ce que je classe, que je catégorise, c'est un texte, je ne sais pas si les
25 auditeurs ou les téléspectateurs ou les lecteurs de journaux --
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suis désolé, j'ai encore des
27 questions.
28 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
Page 2216
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut qu'on fasse une pause, alors on va faire une
2 pause de 10 minutes.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux terminer parce que j'ai
4 tout un chapitre de mon rapport d'expert qui parle de l'impact et de la
5 façon dont je l'ai mesuré.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire une pause malheureusement de 10
7 minutes.
8 --- L'audience est suspendue à 11 heures 01.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 18.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise, donc, le Juge Harhoff
11 va continuer à poser ses questions.
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
13 Monsieur Oberschall, avant la pause, vous me disiez que les sept têtes de
14 rubrique que l'on a dans le chapitre consacré à la "persuasion," que ces
15 sept têtes de rubriques n'étaient pas vraiment la persuasion physique, mais
16 les techniques de persuasion.
17 Est-ce que j'ai bien compris ?
18 R. Oui.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Revenons à la thèse, à l'hypothèse de
20 travail initial que vous présentez à la première page.
21 J'aimerais revenir à la deuxième question que vous vous adressez à vous-
22 même, à savoir, à savoir "Comment la propagande nationaliste de Seselj a
23 encouragé les Serbes à recourir à la coercition et à la violence contre les
24 non-Serbes."
25 Ce dernier segment de votre analyse ou de votre thèse de travail
26 semblerait indiquer que vous auriez mené des études portant sur les effets
27 qu'auraient eu les discours, notamment de M. Seselj. C'est ce que vous avez
28 fait ?
Page 2217
1 R. Permettez-moi d'expliquer ce que j'ai fait. Si l'on veut parler de
2 l'effet qu'a le discours de la propagande. Les résultats que je mentionne,
3 par exemple des messages, de la menace, d'inciter la peur, de montrer une
4 puissance, un pouvoir. Tout ceci vient d'expérience de sociologie faite à
5 l'université de Yale sur toute une période de temps. Vous avez un groupe
6 témoin, un groupe qui fait l'objet de l'expérience, et un groupe témoin qui
7 lui va recevoir d'autres messages que ceux de l'expérience de
8 l'expérimentation et puis on fait une comparaison pour voir quelles étaient
9 les croyances, les convictions, les sentiments de ces deux groupes.
10 Ce genre de travail expérimental ne peut pas se faire dans un contexte
11 d'histoire naturelle si j'ose dire lorsque vous êtes vraiment en situation.
12 Par conséquent, on utilise d'autres moyens qui ne sont pas aussi bon mais
13 il y a quand même d'autres moyens permettant de mesurer les faits, l'impact
14 de la propagande.
15 Le médium le plus important, c'est la télévision. Quand on essaie de
16 mesurer l'impact de la télévision, un des problèmes qu'on rencontre, c'est
17 qu'aujourd'hui il est difficile de trouver un groupe de population qui ne
18 se trouverait pas en situation de téléspectateurs parce qu'on a des
19 téléspectateurs partout. Et la plupart des gens regardent la télévision
20 partout, quelque soit le pays.
21 Alors, ce que j'ai essayé de faire, c'est de trouver une façon de mesurer
22 ce qui est un impact et c'est la voix électorale, la façon dont on va
23 voter. Et j'ai fait référence après avoir essayé de le trouver, à deux
24 situations où le Dr Seselj pouvait accéder aux masses médias, pouvait les
25 utiliser avant les élections, et j'ai essayé de voir ce qu'il en était
26 d'une élection qui s'était déroulée un peu plus tard là où à ce moment-là
27 il est était rival de Milosevic dans le régime de Milosevic et du coup
28 était privé de tout accès, et même j'irais plus loin en disant qu'en fait
Page 2218
1 la façon dont il était décrit dans les médias, dans les masses médias à la
2 télévision était négative. J'ai trouvé deux de ces exemples. J'ai comparé
3 les voix qu'il a recueillies lorsqu'il a pu tenir son discours dans les
4 médias serbes et j'ai comparé ceci avec les voix qu'il a recueillies
5 lorsqu'il n'a pas eu cette possibilité ou, en tout cas, qu'il l'a eu de
6 façon plus restreinte. J'ai regardé combien de voix il avait recueilli.
7 C'était deux élections en l'occurrence qui étaient séparées.
8 La première fois de quelques mois, la deuxième fois d'à peine
9 quelques semaines parce qu'en fait, il s'agissait d'un deuxième tour. Vous
10 connaissez ce système électoral.
11 En examinant ces chiffres et les résultats électoraux donnés par Goati et
12 j'ai estimé que l'absence d'accès et ou une description négative de Seselj
13 dans les médias lui avait coûté à lui et à son parti de 20 à 40 % des voix
14 sur lesquelles il se fiait, et qu'il espérait avoir, quand on compare ce
15 résultat au résultat qu'il a obtenu quand il pouvait utiliser les médias.
16 Pour moi, c'est une bonne mesure de l'effet parce que je ne sais pas
17 comment je pourrais m'y prendre pour mesurer cet effet, c'est impact, c'est
18 un impact politique. M. Seselj n'a pas changé de politique, d'avis, de
19 point de vue, il est resté assez constant dans son discours politique à
20 cette époque-là. Donc, c'est une mesure que j'ai utilisé pour mesurer son
21 incidence.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ce qui veut dire que dans votre
23 étude, vous avez pu montrer que les discours de l'accusé avaient eu un
24 effet sur la façon dont les citoyens avaient exercé leur droit démocratique
25 ?
26 R. Oui.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] A mon avis, c'est quelque chose
28 d'assez différent de ce que vous avez présenté dans votre hypothèse de
Page 2219
1 travail, là où vous disiez que vous vouliez montrer comment la propagande
2 nationaliste avait encouragé et justifié le recours à la coercition, à la
3 violence par les Serbes. Ce sont quand même deux choses très différentes.
4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais son discours, c'est ce que j'ai
5 fait dans mon analyse de contenu, c'est un discours nationaliste assez
6 agressif qui justifie la Grande-Serbie, une politique expansionniste,
7 notamment le conflit armé contre un Etat voisin. Et c'est ce à quoi les
8 gens réagissaient, c'est son discours.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question de suivi. Si je vous comprends bien, en
10 réalité, dans une élection, ce sont les médias qui font le résultat ? Selon
11 que les candidats ont accès aux médias, les résultats découlent des médias.
12 C'est, si je vous suis bien, c'est la conclusion à laquelle on abouti ?
13 R. Pas véritablement, je m'explique. Quand il n'a pas les médias, quand il
14 n'a pas la télévision, et sans doute pas non plus la radio, il a bien
15 entendu encore le journal du parti, les rassemblements électoraux, les
16 discours qu'il fait à l'assemblée, et cetera. A mon avis, à mon estimation
17 que je livre dans mon rapport, ça représentante 600 000 voix que remporte
18 son parti, sur lesquelles il peut compter. Mais, quand il a en plus un
19 accès particulier, privilégié, la télévision, il peut délivrer son message
20 qui n'est pas simplement adressé aux lecteurs de son journal du parti
21 radical, à une opinion publique, qui va se rendre à ces rassemblements
22 politiques, donc, au soutien qu'il a déjà, à ce moment-là, il peut
23 accroître le nombre de voix et qui passe de 500 000, 600 000 à environ 1
24 000 0000.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je comprends ce que vous dites. Mais, dans votre
26 théorie, qu'est-ce que vous faites du libre arbitre du citoyen, de celui
27 qui écoute un discours, de celui qui regarde les médias. Il ne joue aucun
28 rôle ? Il est totalement manipulé par celui qui parle, par la télévision,
Page 2220
1 par les journaux ? Le libre arbitre des individus, qu'est-ce que vous en
2 faites ? On a l'impression qu'ils n'existent plus si je suis vos
3 conclusions. C'est que les gens vont dans un sens ou dans un autre en
4 fonction de ce qui voient dans les médias. Leur rôle personnel, quelle
5 place a-t-il ?
6 R. J'en ai en fait discuté de cette question précise. Lorsque j'ai parlé
7 de deux différents qui existaient dans la population. Un cadre de
8 conviction, de croyance de la façon dont les gens comprennent les rapports
9 entre les Serbes et les non-Serbes. Jusqu'au moment où le conflit devient
10 un conflit armé, jusqu'aux élections de 1990 où la propagande nationaliste
11 vraiment prend pied et s'empare des hommes politiques dans le pays.
12 J'estime d'ailleurs les sondages qui montrent les Yougoslaves en dehors du
13 Kosovo, et c'était des sondages importants effectués à l'époque, qui
14 indiquent que la plupart des gens pensaient qu'en fait, les rapports entre
15 les différents groupes démocratiques étaient satisfaisants, étaient bons,
16 que ce soit dans le milieu du travail, en tant que voisin, dans les
17 activités civiques, sociales. C'était en fait le point de départ, c'était
18 la croyance initiale.
19 Puis, il y a un discours de la crise qui se fonde aussi sur la
20 réalité, la réalité des conflits qu'il y a eu pendant la Deuxième Guerre
21 mondiale et avant, pendant la Première Guerre mondiale, la guerre des
22 Balkans. Et dans ce discours-là, de la crise, les gens prennent peur, ils
23 sont apeurés, ils se sentent menacés, ils ont été victimisés, et ils
24 interprètent les événements politiques qui leur sont expliqués par les
25 chefs politiques dans ce cadre-là.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je termine juste par un exemple parce que
27 c'est un débat interminable.
28 La vidéo où on a vu cette jeune femme qui va au combat, semble-t-il,
Page 2221
1 cette jeune femme, sa formation, ce qu'elle a appris dans son passé, si
2 elle a appris que 500 000 ou 1 000 000 de Serbes ont été tués pendant la
3 Second Guerre mondiale, y en aurait déjà un, c'est déjà un de trop, mais vu
4 les chiffres et qu'elle va au combat pour éviter semble-t-il que ça
5 recommence. Dans sa démarche personnelle, quelle est la part d'un homme
6 politique du type de M. Seselj ? Qu'est-ce qui est déterminant ? Sa
7 conviction personnelle ou ce qu'elle a pu entendre d'un homme politique ?
8 R. Mais ça dépend vraiment de ce qu'elle entend aussi ou la part est
9 important de ce qu'elle entend dans les médias, de ce que devient le
10 discours public de ce que disent les hommes politiques. Pendant 30 ans,
11 dans les écoles où elle est allée, on n'a jamais mentionné 500 000
12 victimes, ce genre d'histoire, ce genre de matière n'a jamais été discuté,
13 ça été réprimé, refoulé pendant les années du titoisme, et ça n'a pas
14 vraiment fait surface de façon importante que disons avant les années 1990.
15 Donc, comment cette jeune femme a-t-elle appris ces choses-là ? Elle l'a
16 appris par ce discours nationaliste, extrémiste qui s'établissait surtout
17 au moment des élections de 1990 et après.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Et ça c'est votre conviction. Vous dites :
19 "Elle l'a appris par --"
20 R. [aucune interprétation]
21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- mais vous êtes incapable d'en rapporter la
22 preuve, ça c'est une conclusion que vous avez.
23 R. Je m'excuse, mais je cite également plusieurs exemples d'interviews
24 réalisés par des journalistes qui intervient plusieurs Serbes, des non-
25 Serbes pour leur demander pourquoi ils faisaient ce qu'ils ont fait, et
26 surtout, je cite un exemple, j'aurais pu en citer beaucoup d'autres.
27 Il y a une femme. Elle est réfugiée. C'est une serbe réfugiée avec sa
28 famille, elle vient d'un endroit qui est devenu la Republika Srpska. Elle a
Page 2222
1 abandonné son village pour aller ailleurs là où les Serbes étaient
2 majoritaires. Le journaliste lui pose la question suivante : pourquoi est-
3 ce que vous êtes partie ? Elle répond : "Parce qu'à la télévision, j'ai
4 entendu dire que les Musulmans allaient tuer tous les hommes serbes et que
5 toutes les femmes allaient devenir des esclaves sexuelles des Musulmans.
6 Elles allaient être mises dans un harem et -- pour produire des enfants
7 musulmans." Elle poursuit, elle parle de ce qui en fait a été décrit et dit
8 à la télévision s'inscrivait dans ce discours xénophobe.
9 C'est alors que le journaliste lui demande ceci : "Mais qu'en est-il de vos
10 voisins, c'étaient des Musulmans ?" Elle répond : "Ah, mais ce sont des
11 gens biens. Je cohabite avec eux en toute paix et c'est ce que je fais
12 depuis toujours, mais je n'ai pas peur de mes voisins, j'ai peur de ces
13 Musulmans-là, ceux dont on parle à la télévision." Et ça, ça vous donne un
14 exemple frappant, très parlant. J'en ai un autre de ce genre de ce
15 discours.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : -- exemple, cette femme qui entend à la télévision
17 comme quoi elle est susceptible d'aller dans un harem, elle peut très bien
18 penser que ce sont des idioties qu'on dit à la télévision et rien ne
19 l'oblige à partir. Donc, elle a bien une démarche personnelle nonobstant le
20 fait qu'elle a entendu ça à la télévision. Ce n'est pas parce que quelque
21 chose est dit à la télévision que c'est la vérité.
22 Donc, dans toute décision, il y a bien une part personnelle. Il y a
23 d'autres gens qu'elle qui ont entendu ça et qui sont restés.
24 R. [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà. Bien. Je vais redonner la parole à mon
26 collègue.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Permettez-moi de revenir à ce qui me
28 semble être une disparité entre la conclusion et l'hypothèse de travail
Page 2223
1 dans votre rapport.
2 R. Oui.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] En effet, il y a un instant vous nous
4 avez dit que les effets que vous avez pu constater les faits de la
5 propagande nationaliste de l'accusé, ça été le comportement démocratique de
6 l'électorat puisque avant et après ses discours les gens ont changé leur
7 façon de voter, droit démocratique.
8 R. Oui.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais comment est-ce que vous en
10 arrivez partant de là à ce que vous appelez coercition et violence des
11 Serbes contre les non-Serbes ?
12 R. [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous supposez qu'en raison
14 de la modification du comportement au moment de l'élection, dans l'exercice
15 du droit démocratique que ces gens vont avoir à recourir à la violence
16 contre les non-Serbes; est-ce ça votre thèse ?
17 R. Je dirais qu'au début de mon rapport d'expert, je donne effectivement
18 une explication, la majorité des gens qui votent dans un régime qui crée et
19 préconise une politique d'agression, une politique agressive, la majorité
20 de ces gens ne doit pas nécessairement être favorable à une violence, une
21 volonté de tuer quel qu'elle soit, non. Il suffit simplement que ces gens
22 se sentent menacer, qu'ils aient peur, qu'ils votent pour un homme
23 politique qui va dire : voilà, nous allons vous sauver. Nous allons vous
24 mettre à l'abri de cette menace. Faites-nous confiance et nous aurons une
25 politique qui va évacuer cette -- menace.
26 Je dirais aussi, je pense que c'est au début page 3 ou 4, qu'on -- pour
27 exécuter ce genre de politique agressive, il suffit d'avoir un nombre assez
28 limité de gens, 5 ou 10 % de la population, des jeunes hommes en général
Page 2224
1 qui sont déjà dans l'armée ou qui sont conscrits, qui sont recrutés ou qui
2 sont dans des milices paramilitaires, qui sont des voyous, qui sont dans
3 des gangs éventuellement. Si vous prenez l'Allemagne, les SS, les troupes
4 spéciales, c'est un phénomène qu'on retrouve dans tous conflits armés.
5 L'élément crucial c'est qu'on a un régime qui a une politique active --
6 agressive, donc, la menace -- la politique de la menace, et on dit : voilà,
7 vraiment il suffit d'avoir quelques 10 % des gens tout à fait ordinaires
8 qui sinon ne feraient pas de mal à une mouche en temps normal qui sont
9 mobilisés, armés, formés et puis qui vont aller combattre.
10 On n'a pas un discours qui va créer une population assoiffée de sang, alors
11 que cette population aurait été normale. Il suffit d'avoir ces trois
12 éléments qui vont concourir, converger et s'ils convergent c'est parce
13 qu'il y a des hommes politiques, des organisations politiques qui veulent
14 cette convergence. Si cette convergence aboutit, on a un conflit armé.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais est-ce que vous avez pu établir
16 ce genre de lien entre les discours de l'accusé et les faits par exemple le
17 fait que des actes violents ont, effectivement, été commis ?
18 R. Non, mais ce qu'il faut faire et on a essayé de le faire, c'est que Mme
19 le Procureur a essayé de faire c'est qu'elle a montré des séquences vidéo.
20 Vous avez vu cette femme en uniforme qui montait à bord d'un bus qui disait
21 qu'elle avait été inquiétée par ce qu'elle avait vu à la télévision, ce
22 qu'elle percevait comme étant un danger pour les Serbes de Vukovar. Nous
23 avons une autre séquence qui montre des paramilitaires en uniforme, armés,
24 et lorsque le journaliste leur demande : pourquoi ils sont là ? Dans le
25 fond, il répète le message qu'ils ont entendu dans ce discours politique
26 dont j'ai analysé le contenu. C'est tout ce qu'on peut faire.
27 Non, il n'y a pas de preuves par l'expérimentation, comme on peut l'avoir
28 pour des études fondamentales portant sur la peur ou la menace.
Page 2225
1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc, ce que vous dites dans votre
2 rapport ce n'est pas que les discours de l'accusé ont effectivement
3 encouragé ou promu la violence, mais que c'était quelque chose qui était de
4 telle à encourager peut-être ou se prêtait à ce genre d'action ?
5 R. Je pense que j'ai un exemple qu'il serait peut-être utile d'examiner.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ça se trouve dans votre rapport ?
7 R. Oui, et ça correspond à quelque chose qu'a dit un de ces combattants
8 armés à Vukovar, pour expliquer ce qu'il fait et pourquoi il le fait,
9 pourquoi il combat là. Ce qu'il dit c'est que les Croates ont massacré tous
10 ces petits enfants dans une école. C'est ce qu'il dit. Il dit qu'il est là
11 pour empêcher que ce massacre n'ait lieu.
12 Moi, je cite l'endroit exact, le moment précis, où à la télévision
13 serbe il y a eu un reportage, un journaliste qui a cité, qui a dit qu'il
14 avait parlé à des gens à Vukovar qui lui avaient dit qu'il y avait eu un
15 massacre d'enfants dans une école, je crois qu'on donne même le nom de
16 l'école, c'est le numéro 41 -- le nombre d'enfants tués, 41.
17 Le lendemain, certains ont mis en doute ce soi-disant fait et le
18 journaliste a, en fait -- s'est détracté le lendemain parce que c'était une
19 histoire montée de toute pièce, une histoire, un reportage qui était faux.
20 Ceci j'en fais mention. Vous allez le lire. C'est un exemple très parlant
21 puisque là nous avons quelqu'un qui est armé, qui participe à un combat et
22 dit si je suis ici c'est à cause de ces enfants qui ont été massacrés, et
23 puis, à la télévision, avant qu'il n'arrive sur les lieux il avait entendu
24 ce reportage où il y avait ce reportage à propos d'un massacre, et la
25 chaîne de télévision le lendemain l'admet que c'était quelque chose qui
26 était fabriqué, monté de toutes pièces.
27 Ceci vous donne une idée de ce qui se passe. Le soldat qui est sur le
28 terrain ne savait pas que le journaliste s'était rétracté. Et de façon
Page 2226
1 générale, il y a beaucoup de contrevérités qui n'ont pas du tout été
2 contestées ni démenties.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suis sûr qu'on peut trouver
4 beaucoup d'exemples en sociologie. Mais assurons-nous de ce qu'il en est
5 pour cet exemple-ci. Ce n'était pas du tout en rapport avec l'accusé,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Non. Pas à ma connaissance.
8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Une dernière question, vous dites
9 avoir utilisé ce que vous appelez l'analyse de contenu ?
10 R. Oui.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Si je comprends bien, c'est une
12 méthodologie ?
13 R. Oui, l'analyse de contenu --
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est une façon de procéder ?
15 R. C'est une méthode quantitative d'analyse du contenu qui se fonde -- qui
16 ne se fonde pas sur de grandes quantités de documents qui sont sélectionnés
17 de façon arbitraire pour prouver une thèse. C'est un petit peu différent de
18 l'analyse textuelle qui part de l'analyse de certains textes seulement
19 qu'on a choisis à des fins précises.
20 C'est ça l'analyse du contenu. C'est une technique qui a été mise au
21 point après la Première Guerre mondiale et surtout après la Seconde Guerre
22 mondiale pour analyser la propagande des alliés et la propagande Nazi.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Quelle autre méthode auriez-vous pu
24 utiliser, pour autant que ce soit possible ?
25 R. La seule autre chose que j'aurais pu faire et d'ailleurs je ne voudrais
26 pas le faire. Ce serait de faire une sélection, une hyper sélection de
27 certains dires, de certaines déclarations pour me faire l'avocat si vous
28 voulez d'une cause particulière. Je l'ai dit aux Juges de la Chambre. Ma
Page 2227
1 méthode, celle de l'analyse du contenu c'est ce qui aujourd'hui est une
2 méthode consacrée, acceptée en sociologie. On la considère comme étant la
3 méthode la plus fiable, la plus sûre. Je n'aurais pas voulu utiliser
4 d'autre méthode.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous nous garantissez que ce n'est
6 pas une méthode qualitative, que c'est uniquement une méthode quantitative
7 ?
8 R. Mais Monsieur le Juge, cette codification que j'ai faite sur classement
9 est indiquée pour chacune des fiches, chacun des exemples. Vous pourrez le
10 vérifier vous-même. Si vous n'êtes pas d'accord, si vous n'êtes pas
11 d'accord avec ma classification vous pourrez vérifier ce que j'ai fait et
12 ce que vous, vous feriez. C'est quelque chose qui est du domaine public. Je
13 n'ai rien, absolument rien à cacher. Je dirais même que j'ai plutôt donné à
14 M. Seselj le bénéfice du doute. S'il y avait quelque chose qui n'était pas
15 clair, c'est par exemple il faisait une blague un peu sarcastique, j'ai dit
16 bon c'est la façon qu'il a de s'adresser à un public. Là, je n'ai pas
17 classé ceci comme étant forcément une de mes catégories. J'en tenais
18 compte.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je voulais simplement que vous me
20 donniez l'assurance que pour vous, vous n'avez pas fait une analyse
21 qualitative dans votre rapport, que vous vous appuyez uniquement sur une
22 méthode quantitative qui n'applique pas de techniques qualitatives.
23 R. Mais, bien sûr, il faut que je prenne une décision pour savoir ce
24 qu'est la victimisation et ce qui ne l'est pas. Si quelqu'un dit voilà on a
25 commis un génocide contre nous au cours de la Deuxième Guerre mondiale, ça,
26 c'est la victimisation. Alors, pour dénombrer exactement le nombre de fois
27 que la victimisation est mentionnée, ça, c'est un décompte qu'on fait, que
28 j'ai fait aussi. Mais vous n'êtes pas d'accord avec ma façon de voir la
Page 2228
1 victimisation, ce qui est pour moi la victimisation vous avez toutes les
2 données pour vérifier si vous le voulez.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, donnez-moi deux numéros pour
5 les deux documents de M. Seselj, aux fins d'identification.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait. Donc, ils recevront la cote
7 MFI D1 et ensuite l'addendum qu'il a ajouté recevra la cote MFI D2.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, sauf erreur de ma part, est-ce que vous
9 avez demandé l'admission du rapport ? Oui, et on a donné un numéro aux fins
10 d'identification ?
11 Mme DAHL : [interprétation] Tous les documents ont reçu une cote provisoire
12 MFI. Il y a une requête qui est en suspens demandant que ces documents
13 soient versés, acceptés. Bien sûr, il n'y a pas qu'un seul témoin pour
14 prouver notre thèse, et donc, c'est à la Chambre de décider quand elle
15 acceptera ces pièces.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc la Chambre décidera.
17 Alors, Monsieur, votre témoignage vient de se terminer. Je vous remercie
18 d'être venu à la demande de l'Accusation pour apporter votre concours. Et
19 je vous souhaite un bon voyage de retour.
20 Juste avant de lever l'audience, comme vous le savez, nous nous
21 retrouverons donc le mardi 8 janvier 2008 et je crois que nous serions
22 d'audience l'après-midi, donc c'est à 14 heures 15. Voilà. Donc, nous nous
23 retrouverons le 8 janvier à 14 heures 15. Je vous remercie.
24 --- L'audience est levée à 11 heures 50 et reprendra le mardi
25 8 janvier 2007, à 14 heures 15.
26
27
28