Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 11 mars 2008

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 8 heures 31.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

8 tous et à toutes. Il s'agit de l'affaire

9 IT-03-67-T contre Vojislav Seselj.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : En ce mardi, je salue tous les représentants de

11 l'Accusation. Je salue, M. le Témoin, M. Seselj ainsi que toutes les

12 personnes qui nous assistent dans notre tâche.

13 Je constate que l'Accusation a un nouveau membre et j'inviterais le nouveau

14 membre de l'Accusation à bien vouloir se présenter.

15 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président. Bonjour,

16 Monsieur le Président. Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge.

17 Très brièvement, mon nom est Gilles Dutertre. J'ai rejoint le parquet du

18 Tribunal en 2005. J'ai travaillé dans l'affaire Haradinaj antérieurement et

19 j'ai été affecté à l'affaire Seselj à la fin du mois de janvier 2008.

20 Je suis également assisté aujourd'hui d'une autre personne que vous

21 ne connaissez pas, notre stagiaire, Carrie Spiros, qui a bien voulu

22 participer à la préparation de ce témoin.

23 Je vous remercie.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, merci. Donc, au nom de mes collègues, je vous

25 souhaite la bienvenue dans cette enceinte.

26 Nous allons commencer l'audition de ce témoin. Avant cela, je rappelle que

27 la Chambre a rendu donc une décision écrite qui a été enregistrée hier et

28 qui n'a malheureusement pas, à ma connaissance, été encore traduite dans la

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1 langue de l'accusé. Mais cette décision écrite consistait à indiquer que la

2 procédure suivie serait une procédure viva voce et non 92 ter. Donc, le

3 témoin sera entendu en viva voce sans donc admission de déclaration écrite.

4 La Chambre a fait savoir via la Juriste de la Chambre que l'Accusation

5 aurait deux et demie pour interrogatoire principal, et la Défense aura

6 également deux heures et demie. Ce qui fait qu'en théorie, nous devrions

7 aujourd'hui terminer l'interrogatoire principal, peut-être commencer le

8 contre-interrogatoire, je ne sais pas, continuer demain avec le témoin et

9 aborder donc le second témoin de la semaine, jeudi.

10 J'ai vu M. Seselj lever la main. Oui, Monsieur Seselj, vous avez la parole.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai trois points

12 administratifs importants à soulever, mais puisque le témoin a déjà été

13 introduit dans le prétoire, peut-être pourrais-je en parler après la pause

14 lors de la session suivante.

15 Je voudrais faire une observation maintenant. Hier soir à 19 heures, j'ai

16 reçu la traduction de votre décision en langue serbe, disant que ce témoin

17 témoignerait viva voce. J'estime que cela n'est quand même approprié de

18 façon rapide, in extremis, juste avant le témoignage me faire obtenir cela

19 mais il me faut que j'aie un certain temps pour me préparer. Etant donné

20 qu'on m'avait annoncé qu'il serait témoin en application du 92 ter, moi, je

21 ne me suis pas préparé, et tout à coup, on en fait un viva voce et il faut

22 que je me prépare.

23 Pourquoi dis-je ceci ? Je vous demande à l'avenir de ne pas faire ainsi. Je

24 ne ferai rien à présent pour ne pas perdre de temps et pour ne pas à avoir

25 reporté ce témoignage, mais j'estime qu'à l'avenir, il ne faudrait pas que

26 telle chose se produise. Il faut que je puisse disposer d'un certain temps

27 pour me préparer, et je ne peux pas comme cela de but en blanc réagir où on

28 en fait un 92 ter, puis on en fait un viva voce, et c'est du chaos concret.

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1 Pourquoi maintenant témoigne-t-il viva voce ? Parce que le bureau du

2 Procureur ne dispose pas d'autres témoins et il veut combler le temps qu'il

3 a à sa disposition de la façon qui lui est donné d'utiliser. Je me félicite

4 du fait qu'on en ait fait un viva voce. Je voudrais que ça ne se répète pas

5 mais je suis tout à fait disposé à entendre l'interrogatoire principal de

6 ce témoin. Je vous prie de prévoir un certain temps pour trois questions

7 administratives importantes avant le début de la session qui vient.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. On abordera les questions administratives

9 après la pause. On n'introduira pas le témoin et on l'introduira par la

10 suite.

11 Alors, j'en reviens, Monsieur Seselj, à ce que vous venez de dire.

12 Rappelez-vous, en fin de semaine dernière, vous aviez fait part de votre

13 opposition totale à la procédure 92 ter. Nonobstant votre position, la

14 Chambre avait décidé néanmoins d'entendre le témoin précédent sous cette

15 procédure, et vous nous aviez indiqué que, dans ces conditions, vous ne

16 poseriez pas de questions dans le cadre du contre-interrogatoire. Nous vous

17 avions donné acte de votre position.

18 Suite à l'audience de jeudi, les Juges ont décidé que le témoin à venir

19 serait lui, entendu viva voce et, dès vendredi, la Juriste de la Chambre a

20 informé par mail Mme Raguz de ceci. Donc, si votre équipe fonctionne

21 parfaitement, elle a dû vous appeler de Belgrade pour vous indiquer ce

22 changement. Donc, dès vendredi, pour nous, officiellement vous avez été

23 avisé du fait que ce témoin serait entendu viva voce. Donc, vous aviez

24 samedi, dimanche, lundi, trois jours pour vous préparer, ce qui est

25 amplement suffisant compte tenu de la connaissance parfaite que vous avez

26 de tous les événements. Donc, voilà ce que je tenais à dire.

27 Concernant les trois points administratifs, ils seront abordés tout à

28 l'heure.

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1 Oui, Monsieur Seselj.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai été informé lorsque

3 j'ai reçu l'information et rien qu'à ce moment-là. Peut-être le chargé de

4 l'affaire vendredi aurait-il reçu cela par mail; mais vendredi nous avons

5 eu une réunion au soir, et ce message électronique n'est pas arrivé au

6 chargé de l'affaire. Mais alors qu'est-ce que cela veut dire ? Mais ce

7 n'est pas Marina Raguz qui va se préparer pour le contre-interrogatoire. On

8 a eu un samedi et dimanche et comment voulez-vous qu'on me contacte en

9 prison ? Pourquoi le Greffier n'a-t-il pas envoyé -- ne m'a-t-il pas envoyé

10 cela en prison ? Je suis disponible jour et nuit. Si les gardiens m'avaient

11 apporté cette information, je l'aurais reçue. Enfin, ça ne mène à rien

12 ceci. C'est la raison pour laquelle je contrôle strictement le fait que le

13 "case manager" soit dissocié du Greffier parce que le Greffier procède à

14 des supercheries de toutes sortes.

15 Parce que si, moi, je ne suis pas informé, personne ne devrait être

16 informé. Je crois que c'est un principe à faire respecter. J'ai bien dit

17 qu'il fallait qu'on m'informe en personne et que c'était à moi de

18 transférer des missions ou des devoirs, de confier des missions à mes

19 collaborateurs. Je ne veux pas que le Greffier contacte mes collaborateurs

20 à moi. Je ne permets pas la chose. Ils n'ont pas à contacter mes

21 collaborateurs en rien et encore moins sur les questions relatives aux

22 informations portant sur la procédure ou communication de pièces. Je ne

23 veux pas l'admettre.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on essaiera d'améliorer le système. Dans

25 l'urgence, s'il y a des éléments d'information à vous communiquer, on

26 essaiera de vous les faire transiter directement via l'établissement dans

27 lequel vous êtes actuellement logé, ce qui permettra peut-être d'améliorer

28 l'information. Mais nous étions dans l'idée que Marina Raguz recevant le

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1 mail devait être à tout moment avertie de cet envoi. Et même si elle était

2 à ce moment-là avec vous à La Haye, par les systèmes techniques, le mail

3 pouvait lui être re-transité sur son téléphone portable et ainsi de suite.

4 Bon, il se trouve qu'il y avait un problème et vous nous avez indiqué

5 qu'elle n'a pas pu vous en aviser. Très bien, nous en prenons acte et nous

6 essaierons d'améliorer encore mieux le dispositif. Quoi qu'il en soit il

7 n'y a pas de préjudice parce que ce témoin il n'y a pas nécessité d'une

8 grande préparation surtout vu la connaissance que vous avez de tous les

9 événements.

10 Alors, Monsieur, levez-vous. Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et

11 date de naissance ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Vil Karlovic. Je suis né le 27

13 octobre 1970.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle si vous en avez

15 une ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis officier à la retraite.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous êtes retraité de l'armée ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je ne travaille. J'ai en ma

19 propriété une société de construction. Et, j'interviens en qualité de

20 gestionnaire en matière d'immobilier.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, avez-vous déjà témoigné dans un procès sur

22 les événements qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie soit ici, soit

23 dans votre pays ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné devant ce Tribunal-ci. Je pense

25 que ceci est la quatrième fois que je témoigne. J'ai témoigné aussi à

26 Belgrade.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, vous avez témoigné quatre fois ici plus

28 une fois à Belgrade. On va essayer de lister les affaires pour éviter toute

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1 mauvaise surprise comme on n'a pu s'en apercevoir il y a quelque temps.

2 A votre connaissance, vous avez témoigné dans quelle affaire ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens avoir témoigné dans les

4 affaires Dokmanovic -- M. Dokmanovic, MM. Mrksic, Radic et Sljivancanin.

5 J'ai témoigné aussi à Belgrade dans l'affaire de la Défense de l'un des

6 accusés.

7 Monsieur le Juge, je ne suis pas tout à fait certain d'avoir été ici trois

8 ou quatre fois jusqu'à présent. Je pense que ceci est la quatrième fois.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, attendez, vous m'avez cité deux affaires,

10 Dokmanovic et l'affaire dite des trois de Vukovar. Mais là, ça ne fait que

11 deux affaires, ça ne fait pas quatre. Il en manque deux autres.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûr pour ce qui est des autres

13 affaires.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, dans les affaires quand vous êtes venu ici,

15 vous étiez témoin de l'Accusation ou témoin de la Défense ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de l'Accusation.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : A Belgrade, j'ai cru comprendre que vous aviez été

18 témoin mais cité par la Défense; alors, la Défense de qui ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] La Défense d'un homme -- ou plutôt, de deux

20 hommes qui m'ont sauvé la vie. C'étaient des membres des forces serbes, et

21 voilà.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Et ils étaient poursuivis pourquoi eux ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient poursuivis pour l'affaire à

24 Ovcara.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

26 Alors, Monsieur, je vous demande de lire le procès -- la déclaration

27 solennelle.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 LE TÉMOIN : VILIM KARLOVIC [Assermenté]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, asseyez-vous, Monsieur.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, quelques brefs éléments d'information de ma

7 part, donc, je donne la parole à M. Seselj qui soulève, semble-t-il, une

8 objection. Vous allez devoir répondre dans un premier temps à des questions

9 qui vont vous être posées par le représentant de l'Accusation qui se trouve

10 à votre droite et que vous avez dû rencontrer probablement ce week-end ou

11 hier dans le cadre de la préparation à cette audience d'aujourd'hui. Et

12 pour ce faire, l'Accusation aura deux heures et demie de temps. A l'issue

13 de cette phase, l'accusé, M. Seselj, qui se trouve à votre gauche, vous

14 contre-interrogera pendant une durée également de deux heures et demie.

15 Les trois Juges qui sont devant vous pourront à tout moment intervenir en

16 vous posant également des questions soit afin de compléter des réponses que

17 vous avez données aux questions, soit parce que dans l'intérêt même de la

18 justice il y a des sujets qui doivent être abordées par le témoin. Mais

19 comme vous avez déjà une certaine expérience, je ne vais pas aller au-delà

20 de ces quelques informations.

21 Alors, Monsieur Seselj, vous aviez levé la main pour quelle raison ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le bureau

23 du Procureur devrait se prononcer pour ce qui est du nombre d'affaires dans

24 lesquelles M. Karlovic a déjà témoigné devant le Tribunal. Si, lui, il ne

25 peut pas s'en souvenir, le bureau du Procureur devrait pouvoir disposer de

26 données officielles et nous -- ou me les communiquez.

27 Deuxièmement, étant donné que ce n'est qu'hier soir à 19 heures que j'ai

28 été informé du fait que ce témoin allait témoigner viva voce, ce n'est que

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1 cette nuit que j'ai pu commencer à me préparer pour la Défense. Et j'ai

2 retrouvé son témoignage dans l'affaire Mrksic ainsi que le témoignage qu'il

3 a fait à Belgrade. Peut-être que le bureau du Procureur ne m'a-t-il pas

4 communiqué sont témoignage dans l'affaire Dokmanovic. Et toujours est-il

5 que je ne l'ai pas trouvé cette nuit, donc, je vous demande de demander au

6 Procureur de me fournir une copie de ce témoignage quand bien même cela

7 m'aurait été communiqué auparavant parce que je n'ai eu que très peu de

8 temps pour retrouver cela.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, deux -- deux questions à l'Accusation.

10 Est-ce que le témoignage dans l'affaire Dokmanovic a été communiqué à

11 l'accusé ? Et puis deuxième question : apparemment, d'après le témoin, il a

12 témoigné quatre fois, il nous cite deux -- deux procès et il semblerait

13 qu'il aurait témoigné dans quatre procès. Alors, là, il y a peut-être une

14 confusion.

15 Oui.

16 M. DUTERTRE : Oui, je vous remercie, Monsieur le Président. J'allais

17 intervenir sur le nombre d'affaires dans lequel le témoin a participé et je

18 ne voulais pas vous interrompre et je remercie

19 M. Seselj de me tendre la perche.

20 Le témoin a témoigné dans trois affaires pour l'Accusation. La première

21 fois c'était en 1996 dans une affaire sous la règle R61. La deuxième fois

22 c'était l'affaire Dokmanovic, et puis la troisième fois dans l'affaire

23 Mrksic. Donc, trois affaires en tout pour le TPI.

24 Concernant le témoignage dans l'affaire Dokmanovic, il a été communiqué à

25 l'accusé, M. Seselj, le 9 novembre 2007, et c'est le --le -- dans la liste

26 de jure qui porte le numéro 105, et tout cela est résumé dans une série de

27 documents qui a été filés et qui récapitulent l'ensemble des communications

28 relatives à l'article 66 du Règlement de procédure et de preuve. On peut

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1 vous en donner une copie maintenant, si vous le souhaitez, Monsieur le

2 Président.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, pourriez-vous aussi donner une copie à

4 M. Seselj dans sa langue si vous êtes en possession de cette audition ?

5 Vous avez évoqué, la, la règle R61 -- l'article 61. Ça concernait quel --

6 quel accusé ?

7 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, ça concernait l'affaire Mrksic, Radic

8 et Sljivancanin.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Voilà. Alors, si vous pouvez donc

10 communiquer, à M. Seselj en B/C/S, la -- l'audition du témoin dans

11 l'affaire Dokmanovic, ça lui permettrait de la consulter pendant la pause

12 parce qu'il ne l'a pas amené avec lui.

13 Oui, Monsieur Seselj.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être était-ce un problème

15 d'interprétation. Le Procureur a dit que ce témoin a témoigné trois fois

16 devant le Tribunal de La Haye. Mais il s'avère donc que c'est deux fois

17 dans l'affaire Dokmanovic et une fois dans l'affaire Mrksic. C'est ainsi

18 que m'on a traduit la chose. Je n'ai pas très bien compris. Etait-ce qu'il

19 y a deux témoignages pour l'affaire Dokmanovic ou est-ce une troisième

20 affaire ? Ce n'est pas clair.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai cru comprendre que, dans la règle R61, c'était

22 dans Mrksic, donc, il aurait témoigné deux fois dans l'affaire Mrksic et

23 une fois dans Dokmanovic. C'est bien ça.

24 M. DUTERTRE : Il a fait effectivement témoigné une fois en 1996 dans

25 l'affaire Mrksic sous la règle R61, puis dans l'affaire Dokmanovic, puis à

26 nouveau dans l'affaire Mrksic en 2006, si j'ai bonne mémoire.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Voilà. Tout est clair maintenant.

28 Et bien, alors, je donne donc la -- je vous donne donc la parole pour le

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1 début de l'interrogatoire principal.

2 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

3 Interrogatoire principal par M. Dutertre :

4 Q. Bonjour, Monsieur Karlovic.

5 R. [aucune interprétation]

6 Q. Je vais vous poser une série de questions pour l'Accusation.

7 Est-ce que vous avez servi dans l'armée yougoslave, Monsieur Karlovic ?

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous avez servi dans l'armée croate ?

10 R. J'ai fait mon service dans l'armée croate.

11 Q. De quand à quand avez-vous servi dans l'armée croate ?

12 R. J'étais dans l'armée croate du 5 août 1991 jusqu'au

13 1er janvier 2002.

14 Q. Pour quelles raisons vous êtes-vous engagé dans l'armée croate ?

15 R. Je me suis engagé dans l'armée croate pour la raison suivante : il y a

16 eu un début de guerre en Croatie, et je suis patriote, j'ai été élevé de

17 façon patriotique, ma patrie a été attaquée par un agresseur et j'ai estimé

18 qu'il était de mon devoir de rejoindre les rangs de la défense de mon pays.

19 Q. Vous nous avez indiqué que votre patrie a été attaquée par un

20 agresseur; est-ce que vous pourriez indiquer quel était cet agresseur ?

21 R. L'agresseur c'était l'armée population yougoslave avec tous ces

22 assistants qui sont venus en aide.

23 Q. Par "assistants" qu'est-ce que vous entendez ?

24 R. J'entends les forces serbes, la Défense territoriale, et les

25 détachements de volontaires chetniks.

26 Q. Quelle région de votre patrie était attaquée au moment où vous vous

27 êtes engagé ?

28 R. En termes pratiques, c'est partout en Croatie qu'il y a eu des

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1 activités liées à l'agression. La situation la plus grave était en Slavonie

2 orientale, dans la Banija, Kordun. C'était la situation la plus critique,

3 la région autour de Knin.

4 Q. Où est située la ville de Vukovar ? Dans l'une de ces régions ?

5 R. Vukovar se trouve en Slavonie orientale.

6 Q. Je vous remercie. Quel était le nom de votre unité ? C'était une

7 compagnie, une brigade ? A quelle unité apparteniez-vous quand vous vous

8 êtes engagé ?

9 R. J'étais dans la 1ère Brigade des NDG du Rassemblement de la Garde

10 nationale. On appelait cela à l'époque 4e Bataillon. Et je faisais partie

11 de la 3e Compagnie.

12 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire le nom du chef de votre compagnie et

13 de son adjoint ?

14 R. Le chef s'appelait Tihomir Perkovic et son adjoint était Josip Nemec.

15 Q. Combien y avait-il d'hommes dans votre compagnie ?

16 R. Notre compagnie comptait 21 hommes à ce moment-là.

17 Q. Quand vous dites "à ce moment-là," vous vous référez à quelle date

18 précisément ?

19 R. C'était vers la fin du mois de septembre qu'il y a eu arrivée de

20 nouveaux soldats et qu'il y a eu création de nouvelles compagnies, c'est ce

21 qui fait que dans notre compagnie il y avait que 21 hommes, et on devait

22 nous compléter, compléter nos rangs. Donc, cela compte de la mi-septembre

23 jusqu'au moment où je suis allé à Vukovar.

24 Q. Septembre de quelle année ?

25 R. 1991.

26 Q. Je vous remercie. Vous venez d'indiquer que vous êtes allé à Vukovar, à

27 quelle date vous êtes-vous rendu à Vukovar ?

28 R. Je suis entré dans Vukovar le 1er octobre, très tôt dans la matinée,

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1 entre 3 heures et 4 heures du matin.

2 Q. Et qui était avec vous lorsque vous êtes rentré dans Vukovar ?

3 R. C'était les hommes qui faisaient partie de ma compagnie et il y avait

4 un guide du cru.

5 Q. Et pourquoi avez-vous été envoyé à Vukovar ? Pour quelle raison ?

6 R. Notre mission première consistait à relever nos hommes qui faisaient

7 partie de la brigade et qui étaient déjà dans Vukovar et, bien entendu, il

8 s'agissait de rejoindre les rangs de la défense de Vukovar.

9 Q. Quel type d'armement aviez-vous lorsque vous êtes entré dans Vukovar ?

10 R. Nous avions des armes d'infanterie, à savoir des armes personnelles qui

11 consistaient en fusils, grenades, et lance-roquettes.

12 Q. Avant d'arriver à Vukovar quelle information aviez-vous sur la

13 situation dans la ville ?

14 R. En bref, nous savions que la situation était très difficile, grave,

15 puisque la ville était encerclée, et cette ville était attaquée par les

16 effectifs très importants de l'adversaire.

17 Q. Quand vous vous référez à l'adversaire, est-ce que vous pouvez indiquer

18 qui composait l'adversaire, à votre connaissance à ce moment-là ?

19 R. Notre adversaire ou l'ennemi c'était l'armée populaire yougoslave,

20 c'était la Défense territoriale serbe, qui s'appelait ainsi, et c'étaient

21 les forces chetniks.

22 Q. Est-ce que vous saviez à l'époque à quel groupe, organisation, partis,

23 les forces chetniks étaient rattachées ?

24 R. Je dois reconnaître que je n'ai pas compris votre question. Les forces

25 des Chetniks on savait que c'étaient des Chetniks, et on savait qui se

26 battaient aux côtés de l'armée populaire yougoslave et de la Défense

27 territoriale.

28 Q. Je vais le repréciser. N'hésitez pas à redemander si vous ne comprenez

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1 pas une de mes questions.

2 Est-ce que vous savez si les forces chetniks étaient rattachées à un parti

3 politique, un groupe particulier ?

4 R. Enfin, ça n'a rien de nouveau. On savait que les forces chetniks

5 faisaient partie ou appartenaient au Parti radical serbe. C'est une chose

6 qu'on savait.

7 Q. Vous nous avez indiqué que votre premier poste était au silo. Où était

8 exactement situé le silo dans Vukovar ?

9 R. Le silo ça se trouvait sur le Danube, juste face à une citée qui

10 s'appelait Luzac. Et se trouvait entre Borovo Naselje et le reste de la

11 ville de Vukovar, du moins la partie centrale.

12 Q. Vous nous avez dit antérieurement que vous êtes rentré vers 3, 4 heures

13 du matin, si j'ai bonne mémoire, et que vous aviez un guide. Par où êtes-

14 vous passé pour rentrer dans la ville ? Quel itinéraire avez-vous suivi ?

15 R. Je me souviens que c'était ce qu'on a appelé le chemin dans le maïs. On

16 est passé par des champs. Je ne peux pas me souvenir exactement de

17 l'itinéraire, mais on est passé par des champs de maïs.

18 Q. Et lorsque vous êtes entré dans la ville, quelle était la situation sur

19 le plan militaire ? Qu'est-ce que vous avez constaté vous-même de visu ?

20 R. Tout simplement pour moi quand je suis entré dans cette ville au bout

21 d'un jour ou deux, c'était un choc à cause de ce qu'on a vu, sur le plan

22 militaire la situation était difficile. Il y avait des combats partout à

23 tous les endroits. C'était une situation difficile.

24 Q. L'endroit que vous appelez le silo, quelle était exactement votre

25 mission ? Qu'est-ce que vous deviez faire au silo ?

26 R. Notre mission était d'assurer le Danube pour que l'adversaire ne vienne

27 pas du côté serbe. Une autre mission était de se servir de silo comme d'un

28 point d'observation. Et la troisième mission c'était d'en faire notre base

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1 parce que depuis ce silo, on partait en tant que Groupe d'intervention à

2 tous les autres sites de la ville de Vukovar.

3 Q. Jusqu'à quelle date êtes-vous resté à ce silo ?

4 R. D'après mes souvenirs, c'était le 22 octobre.

5 Q. Et après le 22 octobre, où avez-vous été affecté ? D'abord 22 octobre

6 de quelle année ? Excusez-moi.

7 R. 1991.

8 Q. Je vous remercie. Et donc après le 22 octobre, où avez-vous été affecté

9 Monsieur Karlovic ?

10 R. On a été déployé aux positions au niveau de la rue du

11 Prvomajska.

12 M. DUTERTRE : J'aimerais afficher maintenant la pièce qui porte le numéro

13 65 ter 4127. Je répète 4127. Je vous remercie.

14 Q. Monsieur Karlovic, que de manière générale que représente cette, cette

15 carte ?

16 R. C'est la ville de Vukovar et il me semble que c'est moi qui indiquais

17 la position qui a été déployée dans rue du Prvomajska. Bien entendu, c'est

18 un titre approximatif que je l'ai indiqué. Peut-être que j'ai fait une

19 petite erreur mais c'est à peu près ça.

20 Q. Je vous remercie. Vous avez anticipez sur ma question, donc, si je

21 comprends bien, c'est vous qui avez fait les marquages A et B ?

22 R. Oui.

23 Q. Et que représente le marquage "A" ?

24 R. Le "A" -- la mention "A" indique à peu près l'endroit où était situé le

25 silo et le "B" indique le secteur de la rue du Prvomajska mai.

26 Q. Je vous remercie.

27 M. DUTERTRE : J'aimerais verser cette pièce au dossier, Monsieur le

28 Président.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro.

2 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE HARHOFF : [aucune interprétation]

4 M. DUTERTRE : Je ne m'y emploierai pas à l'avenir, Monsieur le Juge.

5 Q. Monsieur Karlovic, quelle était l'activité de combat à la rue du 1er mai

6 ? Qu'est-ce qui se passait ?

7 R. La rue du 1er mai c'était un secteur où nous avons eu des combats

8 d'infanterie au sens propre du terme et on pourrait dire que c'était

9 vraiment à bout pourtant. C'était très rapproché des combats, très

10 rapproché.

11 Q. Et quels étaient les -- les ennemis précisément à qui vous aviez

12 affaire pendant ces combats très rapprochés ? Est-ce que vous pouvez dit

13 qui c'était ? On a compris que c'étaient les forces serbes en général, mais

14 de quels groupes -- à quels groupes précisément ils appartenaient des

15 personnes à qui vous vous opposiez à cet endroit à la rue du Prvomajska ?

16 R. La rue Prvomajska, nos adversaires étaient l'armée populaire

17 yougoslave, la Défense territoriale, on l'appelait ainsi, et les forces

18 chetniks.

19 Q. Est-ce que vous pouvez décrire l'habillement des soldats de la JNA ?

20 R. Les soldats de la JNA avaient des vêtements réguliers vert gris olive -

21 - enfin, vert olive, en réalité, c'était ça l'uniforme, et généralement,

22 ils avaient une étoile à cinq branches comme insigne et ce serait ça.

23 Q. Et est-ce que vous pourriez décrire l'habillement des forces

24 territoriales ?

25 R. La Défense territoriale avait des vêtements qui étaient semblables mais

26 ils avaient des insignes serbes, des drapeaux serbes, il n'y avait pas

27 d'étoiles à cinq branches. Et c'est ça.

28 Q. Et en ce qui concerne les Chetniks, est-ce que vous pouvez décrire leur

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1 type de vêtements ?

2 R. Les forces chetniks portaient des vêtements divers, des uniformes à

3 commencer par des vêtements civils jusqu'aux vêtements militaires avec

4 leurs bonnets traditionnels des caps sajkaca et aussi, pour l'essentiel,

5 ils avaient la cocarde en plus des drapeaux serbes, ils avaient aussi la

6 cocarde.

7 Q. Est-ce que vous pouvez décrire un peu plus en détail ce chapeau

8 traditionnel donc que vous avez mentionné ?

9 R. Mais c'est relativement difficile de le décrire. Tout simplement, c'est

10 la sajkaca et en plus, ils avaient le bonnet de fourrure à la sajkaca. Cela

11 ressemble un peu à l'armée, au bonnet de l'armée populaire yougoslave mais

12 c'est un peu plus spécifique. Et le bonnet -- le bonnet de fourrure, ça

13 ressemble au bonnet russe, grand, de fourrure. Je ne sais pas comment vous

14 le décrire autrement.

15 Q. Je vous remercie. En termes de -- de présentation physique disons de

16 propreté, quelle était la différence entre les Chetniks d'un côté et les

17 soldats réguliers ? On fait référence au rasage, à la longueur des cheveux,

18 est-ce qu'il y avait des différences ? Est-ce que c'était pareil ?

19 R. Bien, les Chetniks pour la plupart traditionnellement ils avaient des

20 cheveux un peu plus long, ils avaient des barbes, enfin c'était ça

21 spécifiquement le signe distinctif. Je dirais qu'ils étaient un peu moins

22 bien tenus que les soldats de la JNA.

23 Q. Quelle différence y a-t-il entre un soldat de la JNA régulier disons et

24 un réserviste en termes d'habillement ?

25 R. Il faut faire attention parce que c'est, c'est assez comparable, sauf

26 que les réservistes étaient un peu plus âgés que les soldats de la JNA.

27 Q. Je vous remercie.

28 M. DUTERTRE : J'aimerais afficher la pièce 65 ter numéro 4186

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1 -- 4186.

2 Q. Monsieur Karlovic, selon vous, à quel groupe JNA, TO ou Chetnik ou

3 autres appartient l'homme qui est à l'extrême gauche de la photo et qui

4 porte un casque ?

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Il semblerait qu'il y a un problème avec

6 la sténotypiste.

7 Monsieur le Procureur, vous pouvez reposer votre question.

8 M. DUTERTRE : Bien entendu, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Karlovic, à quel groupe appartient la personne qui est à

10 l'extrême gauche et qui porte un casque, selon vous ?

11 R. Ce soldat il pouvait être membre des Unités de réserve de la JNA, mais

12 il pourrait être membre de la Défense territoriale également.

13 Je ne vois pas suffisamment bien et je ne peux pas vous dire vigoureusement

14 strictement auquel des deux groupes l'un comme l'autre d'après moi.

15 Q. Et à quel groupe appartient la personne qui est à l'extrême droite de

16 la photo, avec une sorte de chapeau noir sur la tête ?

17 R. Vu le chapeau, je dirais que c'était un membre des forces chetniks

18 mais, là encore, je dirais que ce n'est pas nécessairement ça. Mais d'après

19 le bonnet, ce serait ça effectivement les forces chetniks.

20 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, j'aimerais verser cette pièce au

21 dossier comme éléments de preuve.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

23 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

24 M. DUTERTRE : J'aimerais maintenant afficher la pièce qui porte le numéro

25 65 ter 4245 -- je répète, 4245.

26 Q. Monsieur Karlovic, sur cette image, il y a une personne qui porte un

27 uniforme en camouflage à l'extrême gauche. Est-ce que vous pourriez nous

28 dire à quel groupe, quelle force selon vous cet homme appartient ?

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1 R. D'après moi, il pourrait membre de la Défense territoriale.

2 Q. Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

3 R. Comme je viens de dire, c'est l'hypothèse que je formule à en juger

4 d'après les vêtements qu'il porte, je vois que ce n'est pas un uniforme

5 régulier de la JNA. Je ne vois pas d'insigne, donc, je suppose qu'il est

6 membre de la Défense territoriale.

7 Q. Je vous remercie.

8 M. DUTERTRE : J'aimerais, Monsieur le Président, également verser cette

9 pièce au dossier.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Un numéro ?

11 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

12 M. DUTERTRE : J'aimerais maintenant passer à une vidéo très brève qu'on

13 peut jouer dans Sanction et qui porte le numéro 65 ter 6033.

14 [Diffusion de la cassette vidéo]

15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

16 "Journaliste : Et parmi ces choses atroces, il y a une contradiction

17 surréaliste de la fête. Les membres des forces extrémistes paramilitaires

18 serbes posent pour la photo à la fin du combat et après ils reviennent à

19 leur fête avec la musique et les rires [aucune interprétation] --"

20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

21 M. DUTERTRE : -- à cet endroit [hors micro].

22 Q. Monsieur Karlovic, si vous le savez, est-ce que vous savez où cette

23 vidéo a été tournée ?

24 R. Je sais que cela a été tourné à Vukovar quand la ville est tombée, mais

25 je ne sais pas l'emplacement exact dans la ville de Vukovar.

26 Q. Je vous remercie. Monsieur Karlovic, quel est ce drapeau ? Enfin, à

27 quelle unité appartient ce drapeau que l'on voit à l'écran ?

28 R. D'après moi, ce drapeau fait partie des Unités chetniks.

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1 Q. Et êtes-vous capable de nous indiquer ce qui est marqué en dessous du -

2 - enfin, pouvez-vous décrire ce drapeau et nous indiquer aussi ce qui est

3 marqué en dessous ?

4 R. On n'a pas besoin de description à part. Ce qui est écrit ici c'est

5 "Liberté ou la mort." Je ne vois pas ce qui pourrait être écrit d'autre.

6 Q. Je vous remercie.

7 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, j'aurais aimé indiquer le timing

8 auquel on s'est arrêté mais, malheureusement, dans le Sanction, je ne vois

9 pas de chronomètre ce qui m'empêche de vous indiquer un temps exact. Mais,

10 enfin, je pense qu'on reconnaîtra, tous, cette partie de la vidéo. On va la

11 verser comme éléments de preuve.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] P275.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, la vidéo, elle continue, là.

15 On ne l'a pas vu --

16 M. DUTERTRE : Elle continue, on peut la jouer, si vous le souhaitez --

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

18 M. DUTERTRE : -- il y a quelques instants supplémentaires, on peut la

19 jouer.

20 [Diffusion de la cassette vidéo]

21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

22 "Journaliste : Les Serbes que doivent-ils emporter avant que la guerre ne

23 se termine.

24 Personne interviewée : La guerre sera terminé lorsque nous aurons nos

25 frontières, Karlobag-Karlovac-Ogulin-Virovitica. Tous les endroits où vit

26 la population serbe doivent libres, vous savez. Il nous faut en régler leur

27 [imperceptible] aux croates."

28 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, pour les besoins du

2 transcript, pouvez-vous nous indiquer d'où vient cette vidéo, qui l'a

3 tournée ?

4 M. DUTERTRE : C'est un extrait, d'après mes informations, d'une vidéo qui

5 s'appelle : "Cent jours à Vukovar," et le numéro ERN tait V000-0709. C'est

6 donc juste une petite partie de ce reportage. Je souhaite juste verser ce

7 petit clip comme éléments de preuve.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais on a déjà donné un numéro.

9 M. DUTERTRE : J'étais concentré --

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, cet enregistrement de

13 toute évidence n'a rien à voir avec ce témoin. Cet enregistrement, il

14 aurait dû être versé au dossier par l'entremise d'un témoin enfin qui

15 aurait dû être celui qui a fait l'enregistrement pour savoir dans quelles

16 circonstances, quelle était la situation, qui a pris part, et cetera. Est-

17 ce que ça été édité, monté ? Est-ce que ça a été fait pour des fins de

18 propagande ? Tout ça ce sont des questions auxquelles il faut apporter des

19 réponses. Tout simplement, maintenant, le Procureur se permet de nous faire

20 visionner un enregistrement, il demande au témoin de fournir son opinion

21 sur certaines questions. La question est de savoir si le témoin est

22 compétent pour nous expliquer cela. Puis on verse ce dossier mais, enfin,

23 comment est-ce possible ? On ne lui demande pas le nom de l'auteur, on ne

24 sait pas où, comment, pourquoi, où ça a été diffusé. Rien.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, vous voulez répliquer ?

26 M. DUTERTRE : Oui, Monsieur le Président. Le témoin indique clairement que

27 ça a été tourné à Vukovar, il était à Vukovar lui-même pendant la période

28 considérée, et le but de la présentation de cette vidéo est d'obtenir un

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1 commentaire du témoin sur le drapeau que l'on voit à un moment donné à

2 l'écran et sur lequel il a été tout à fait à même d'apporter des

3 commentaires. Aussi bien on peut, à votre convenance, soit -- prendre une -

4 - l'image simplement de la vidéo avec le drapeau, je ne m'y oppose pas mais

5 ça sera sans contexte ou bien verser ce petit extrait de la vidéo en tant

6 que tel. Je m'en remets à votre appréciation sur ce point, Monsieur le

7 Président.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Sur l'objection de M. Seselj, à le suivre, il

9 aurait fallu faire venir l'auteur de la vidéo. Ce n'est absolument pas

10 nécessaire si on n'a pas de doute sur l'existence de la vidéo. En revanche,

11 M. Seselj pourra toujours faire venir, s'il le veut, lui, l'auteur de la

12 vidéo.

13 Deuxièmement, ce qui compte c'est d'avoir des images des gens qui étaient

14 sur le terrain. Le témoin était lui sur le terrain. Il a vu des gens du

15 camp opposé, et la question du drapeau m'amène à lui poser la question

16 suivante :

17 Monsieur le Témoin, on a vu ce drapeau où vous avez indiqué qu'il y avait

18 la mention "liberté ou la mort." Quand vous étiez à Vukovar, est-ce que ce

19 drapeau vous l'aviez vu visuellement ? Parce que là, vous venez de le voir

20 sur la vidéo, mais est-ce que vous -- quand vous étiez dans les lignes

21 croates, est-ce que de loin vous avez pu voir ce drapeau ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais vu ce drapeau pendant j'ai

23 combattu à Vukovar.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, donc, vous n'avez jamais vu ce drapeau

25 quand vous avez combattu à Vukovar, et donc, c'est la première fois que

26 vous voyez ce drapeau sur la vidéo ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant que j'ai combattu à Vukovar, je n'ai

28 pas vu de drapeau, mais je connaissais ce drapeau depuis avant, même avant

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1 la guerre.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ce drapeau vous le connaissiez d'avant la

3 guerre. Dans quelle circonstance ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai vu à la télévision quand on diffusait

5 des images des rassemblements du Parti radical serbe, et lors de ces

6 rassemblements, j'ai vu ce drapeau. Je savais que c'était l'insigne des

7 Unités chetniks.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Tout à l'heure, vous avez répondu : je ne

9 suis pas intervenu; mais là, je me dois d'intervenir. Vous faites, semble-

10 t-il, la liaison entre ce drapeau et le Parti radical serbe - c'est à la

11 ligne 12 de la page 23 au transcript - qu'est-ce qui vous permet de le dire

12 ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'établis un lien entre -- j'établis le lien

14 avec ce parti et avec les Unités chetniks parce que les Unités chetniks ont

15 été mobilisées, entre guillemets, et recrutées sur ordre entre guillemets

16 du Parti radical serbe. Je ne sais pas si j'ai bien été clair.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Et comment savez-vous tout cela ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais des informations grâce à la télévision

19 et ça me suffit. A mon avis, c'est suffisant, des médias.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, tout ce que vous nous dites ça vient de

22 l'information que vous aviez eue à la télévision ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] La dernière chose que je viens de dire, oui.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

25 Oui, Monsieur Seselj.

26 Mme LE JUGE LATTANZI : Non, j'ai une question. J'ai deux questions.

27 Alors, Monsieur, vous avez dit à M. le Procureur que cette vidéo aurait été

28 prise à Vukovar, mais vous ne connaissez pas exactement l'emplacement à

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1 Vukovar où elle aurait été prise, donc, comment savez-vous qu'elle était

2 prise cette vidéo à Vukovar, au moment de la libération de Vukovar ?

3 Pouvez-vous nous donner des références peut-être aussi faisant références

4 précises à la vidéo ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, je ne peux rien vous dire de plus

6 concret. Simplement je sais que c'est Vukovar, c'est comme ça. Je ne vois

7 pas ce que je pourrais vous dire d'autre.

8 Mme LE JUGE LATTANZI : Comment savez-vous que c'est Vukovar ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux rien vous dire d'autre, tout

10 simplement je le sais.

11 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc, vous n'avez pas un fait pour nous justifier

12 que vous savez que c'est Vukovar ? Une opinion, un fait ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous montrer de nouveau

14 l'enregistrement pour que je le revoie encore une fois ?

15 M. LE JUGE ANTONETTI : On va le faire.

16 M. DUTERTRE : Je vais lui proposer. On va le rejouer.

17 [Diffusion de la cassette vidéo]

18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

19 "Journaliste : Parmi ces atrocités, il y a aussi la contradiction

20 surréaliste de fait des membres des unités extrémistes serbes

21 paramilitaires. Des hommes et des femmes posent pour une photographie qui

22 montre la fin du combat, et ils reviennent à leur fête, la musique, les

23 rires et ils sont motivés par l'alcool. La devise sur leur drapeau c'est

24 'liberté ou la mort,' et ils prêtent serment de continuer leur combat.

25 Personne interviewée : Non, ce n'est pas terminé.

26 Journaliste : D'après toi, que doivent faire les Serbes avant que cette

27 guerre ne se termine, que doivent-ils remporter ?

28 Personne interviewée : La guerre serai terminée lorsque nous aurons la

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1 frontière, Karlobag-Karlovac-Ogulin-Virovitica. Tous les endroits où vive

2 le peuple serbe doivent être libres, vous savez. Il nous faut en terminer

3 avec les croates. Il faut régler ça."

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de l'enregistrement, pour ce

5 qui est de l'image, je ne peux pas dire concrètement ce qui me permet de

6 reconnaître Vukovar. Mais tout simplement, en Croatie, je ne crois pas

7 qu'il y ait eu d'autres endroits où il y a eu autant de destructions et de

8 dévastations comme on le voit à l'image ici. Tout simplement, je sais que

9 c'est Vukovar et c'est ça. Et puis nous tous présents ici, nous savons

10 d'après moi que c'est Vukovar -- excusez-moi, excusez-moi de parler ainsi.

11 Mme LE JUGE LATTANZI : Alors, l'autre question que j'avais. Vous avez

12 parlé, en commentant cette vidéo et en répondant au Juge Président, que

13 vous référiez certaines images de certaines personnes aux Chetniks, et vous

14 avez après précisé que les Chetniks auraient été les volontaires du Parti

15 radical serbe; est-ce que j'ai bien compris ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui.

17 Mme LE JUGE LATTANZI : Alors, tous ceux qu'à ce moment-là, vous appelez les

18 Chetniks étaient les volontaires du Parti -- excusez-moi, les Chetniks

19 présents sur le terrain à Vukovar étaient les volontaires du Parti radical

20 serbe, ou y avait-il aussi des Chetniks que vous ne considériez pas

21 volontaires du Parti radical serbe ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Écoutez, à mes yeux pour moi, strictement

23 parlant les Chetniks étaient des volontaires du Parti radical serbe.

24 Mme LE JUGE LATTANZI : Oui, mais c'est une opinion ou un fait ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un fait.

26 Mme LE JUGE LATTANZI : Et quelle référence pourrez-vous nous donner pour ce

27 fait ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux faire appel de nouveau à quelque chose

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1 : en fait, hier soir, j'ai de nouveau revu les images de tous ces Chetniks.

2 Je les lie au Parti radical serbe.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que

6 l'Accusation place ce témoin dans une situation impossible. Ce témoin est

7 un témoin de faits et je crois que, selon moi, il faudrait que le témoin

8 parle de ce qui lui est arrivé directement à lui ou qu'il nous parle des

9 choses qui sont arrivées à d'autres personnes grâce aux connaissances qu'il

10 a, mais on le place ici dans une position de témoin expert, on lui demande

11 de parler de drapeaux, et cetera, et cetera, alors que le témoin, lui-même,

12 nous dit que ces drapeaux -- ce drapeau-là à Vukovar, il ne l'a pas vu; il

13 l'a vu à la télévision.

14 Vous aviez des experts chargés de parler des questions militaires ici.

15 C'était l'occasion idéale pour parler de ce genre de chose. Ce témoin était

16 un témoin. C'est un témoin de fait. C'est de cela qu'il est censé venir

17 témoigner et c'est tout ce dont il peut parler et non pas de ce qu'il a pu

18 voir à la télévision avant ce qui lui est arrivé ou après ce qui lui est

19 arrivé.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, le fardeau de la preuve incombe à

21 l'Accusation. Dans ce cadre, l'Accusation fait ce qu'elle veut. Si elle

22 estime de son intérêt de mettre l'accent sur le drapeau plutôt que sur

23 d'autres éléments, c'est ce risque et péril. Dans le cadre du contre-

24 interrogatoire, vous pourrez, si vous le voulez, mettre à néant la thèse de

25 l'Accusation.

26 Pour le moment, l'Accusation fait son travail. Laissez-lui le temps

27 de terminer son travail, et puis les Juges in fine apprécieront si

28 l'Accusation a des éléments permettant d'emporter la conviction que ces

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1 gens-là étaient du Parti radical serbe comme semble l'indiquer le témoin.

2 Mais là, pour le moment, on est au début de l'interrogatoire principal.

3 Alors, Monsieur le Procureur, continuez.

4 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

5 Q. Monsieur Karlovic, lors des activités de combat dans la ville de

6 Vukovar, est-ce que vous avez vu de la propagande effectuée par la partie

7 adverse par moyens télévisuels, par moyens de trac, par moyens sonores ?

8 Est-ce que vous avez été témoin de cela, enfin ?

9 R. La seule chose que j'ai pu entendre, ces derniers jours aux alentours

10 de la rue Prvomajska était l'appel à la reddition, et selon moi, la voix

11 que j'ai entendue était identique à celle à M. Seselj. En fait, selon moi,

12 c'était un enregistrement car on appelait à la reddition et c'était le même

13 enregistrement que l'on entendait tout le temps.

14 Q. Et est-ce que vous pouvez vous souvenir exactement de ce qui a été dit

15 ?

16 R. Je n'arriverai pas à me souvenir littéralement ce qui a été dit, mais

17 je peux vous dire ce que l'on disait approximativement. On disait quelque

18 chose dans le sens de : "Oustachi, rendez vous ? Il n'est plus nécessaire

19 de perdre vos vies," quelque chose dans ce genre-là. C'était le contexte de

20 nous rendre et qu'il n'était plus nécessaire de périr, de perdre la vie,

21 puisque la ville était tombée.

22 Q. Et en termes de date, est-ce que vous pouvez nous dire à quelle époque

23 à peu près c'était, approximativement ?

24 R. J'ai essayé d'être très honnête avec vous, et vous dire qu'il m'est

25 bien difficile de me remémorer des dates exactes, mais c'était environ vers

26 le 10 novembre -- octobre, jusqu'au 10, 15 octobre, novembre. C'était dans

27 cette période-là.

28 Q. De l'année -- de quelle année encore une fois ?

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1 R. 1991.

2 Q. Merci. Quelle est la situation vers la mi-novembre dans Vukovar sur le

3 plan militaire ?

4 R. Voyez-vous, c'était quelques jours avant la chute, le chaos total

5 régnait. On pouvait voir que la ville était pratiquement tombée, tout le

6 monde essayait de demander le -- les gens essayaient de se protéger. On

7 essayait de trouver une sécurité quelconque. C'était un temps de chaos

8 total -- une époque de chaos total.

9 Q. Au moment de la chute, qu'avez-vous fait personnellement de Vukovar --

10 R. Ces derniers jours pendant que la ville était en train de tomber, nous

11 nous retirions vers le centre de la ville.

12 Q. Et une fois que les combats avaient cessé, où êtes-vous allé ?

13 R. A la fin des combats, je me suis rendu à l'hôpital.

14 Q. Pourquoi vous êtes-vous rendu à l'hôpital ?

15 R. En fait, je me suis rendu à l'hôpital parce que j'ai voulu m'y rendre

16 et je savais qu'on pouvait s'y rendre à l'hôpital, il y avait quelques-uns

17 de mes collègues blessés; moi aussi, j'ai été légèrement blessé. Mais la

18 raison principale était que je me sentais le plus en sécurité à l'hôpital.

19 Q. Et pourquoi vous avez parlé de reddition, pourquoi n'avoir pas fait le

20 choix de vous rendre à partir de votre position de combat ? Pourquoi allez

21 à l'hôpital ?

22 R. Je vous l'ai déjà dit c'était le seul endroit où je pouvais attendre en

23 sécurité. Il m'était absolument impensable de me rendre à même dans la rue

24 où nous nous battions corps à corps pratiquement. En fait, j'avais peur de

25 me rendre dans la rue.

26 Q. Et pourquoi aviez-vous peur ?

27 R. J'avais peu qu'on ne me tue.

28 Q. A quelle date approximativement, si vous vous en souvenez, êtes-vous

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1 arrivé à l'hôpital ?

2 R. Si je me souviens bien, c'était le 17 --

3 Q. Et jusqu'à ce --

4 R. En fait, c'était le 17 novembre 1991.

5 Q. Merci d'être précis sur la date. Et le jour de la reddition à

6 l'hôpital, c'était quel jour ?

7 R. De façon officielle, je me suis rendu ou j'ai été placé sous la tutelle

8 des forces ennemies le 20 novembre dans la matinée, vers 9 heures du matin

9 en 1991.

10 Q. Lorsque vous êtes arrivé le 17 novembre 1991 à l'hôpital, est-ce que

11 vous étiez en uniforme et est-ce que vous aviez une arme ?

12 R. Je ne suis pas rentré à l'hôpital en uniforme ni avec une arme donc je

13 n'avais ni l'un ni l'autre.

14 Q. Quel était si vous le savez la position du personnel de l'hôpital par

15 rapport au port d'armes et d'uniforme dans l'enceinte de l'hôpital ?

16 R. De façon générale, le personnel de l'hôpital était contre les armes et

17 uniforme à l'hôpital.

18 Q. Saviez-vous pour quelle raison ?

19 R. Pour des raisons de sécurité car l'armée ennemie si elle se trouvait à

20 l'hôpital il ne faudrait pas quelle soit révoltée ou provoquée. C'était la

21 raison principale. On essayait d'éviter qu'un hôpital devienne une base

22 militaire ou une institution militaire.

23 Q. Est-ce que vous avez vu des personnes en uniforme et avec des armes,

24 dans personnes qui se rendaient à l'hôpital pendant les périodes où vous y

25 étiez du 17 au 20 ?

26 R. Si nous parlons des gens appartenant de mon côté à moi, non je n'ai vu

27 personne.

28 Q. C'était le sens de ma question. Merci. Quelle était la situation dans

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1 l'hôpital lui-même ? Est-ce que vous pouvez le décrire pendant ces deux ou

2 trois jours où vous y étiez ?

3 R. Voyez-vous, la situation était je vais répéter de nouveau le mot que

4 j'ai employé tout à l'heure : il régnait un chaos total. Il y avait un

5 grand nombre de personnes qui étaient venues à l'hôpital. Tout le monde

6 essayait de chercher refuse étant donné que les forces ennemies avançaient

7 dans la ville, les gens fuyaient, et il y avait un très grand nombre de

8 personnes. L'hôpital était bondé, il y avait énormément de personnes et les

9 gens avaient peur et pris de panique.

10 Q. Quand vous dites énormément de personnes, est-ce que vous pourrez

11 préciser ? C'était des hommes, des femmes ? Est-ce que vous pouvez être

12 plus précis sur ce point ?

13 R. Voyez-vous, à l'hôpital, il y avait pour ainsi dire des vieillards, des

14 personnes jeunes, des femmes, des enfants. En fait, à l'hôpital, à ce

15 moment-là, une très grande -- une majeure partie de la population de

16 Vukovar se trouvait à l'hôpital. Ceux qui étaient resté derrière dans la

17 ville y étaient.

18 Q. Est-ce que vous connaissiez par leur nom certaines des personnes qui

19 étaient à l'hôpital; et si oui, est-ce que vous pouvez donner ces noms ?

20 R. Oui. Je me souviens de quelques noms de quelques-unes de ces personnes

21 qui avaient été blessées appartenant à mon unité. Voilà là, il y avait

22 Zeljko Major, Robert Langel. Il y avait -- également, il y avait Robert

23 Langel - bon, je le répète. Il y a aussi Josip Nemec, il y avait également

24 Andreas Lehpamer, en fait,

25 L-e-h-p-a-m-e-r, ainsi que Goran Delic, également connu sous le nom de

26 Harlan von Bassinger. Je répète, Harlan von Bassinger, je ne me souviens

27 pas d'autres noms pour l'instant.

28 Q. Je vous remercie. Vous nous avez indiqué que, le 20 novembre au matin

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1 vers 9 heures, vous vous êtes rendu; qu'est-ce qui s'est passé ? Est-ce que

2 vous pourrez être -- est-ce que vous pourrez nous décrire ce qui s'est

3 passé ?

4 R. A 9 heures du matin, nous avions reçu l'ordre de nous diriger vers la

5 sortie principale, c'est-à-dire la sortie principale qui, à ce moment-là,

6 en fait, faisait office de sortie principale de l'hôpital, et c'est ainsi

7 que le tout a commencé. Nous nous sommes donc rendus près de la porte de

8 sortie et c'est là qu'on a commencé à nous séparer.

9 Q. Est-ce que vous avez reçu un ordre, qui a donné l'ordre ?

10 R. Cet ordre venait de l'armée, de l'armée qui nous avait encerclés et

11 fait prisonniers.

12 Q. Est-ce que vous pourrez être plus précis ? C'était l'armée régulière,

13 d'autres groupes paramilitaires; est-ce que vous pourriez nous dire qui

14 exactement vous a donné l'ordre ?

15 R. Voyez-vous le personnel de l'hôpital nous a transmis cette information

16 et étant donné que nous savions qui travaillait autour de l'hôpital ou à

17 l'hôpital, je suis tout à fait certain que cet ordre venait de la JNA.

18 Q. Je vous remercie. Et l'ordre s'appliquait à qui -- à quel type de

19 personne : à tout le monde, à une partie des personnes présentes dans

20 l'hôpital ? A qui s'appliquait cet ordre ?

21 R. Je me souviens que l'ordre s'appliquait à ceux qui pouvaient marcher.

22 Toutes les personnes qui pouvaient se déplacer, qui étaient légèrement

23 blessées, on nous a dit de nous diriger vers la sortie de l'hôpital.

24 Q. Une fois que vous étiez dehors, est-ce que vous pouvez nous décrire ce

25 qui s'est passé à nouveau ?

26 R. Après être sorti, on nous a alignés, on nous a dit où il fallait aller.

27 Mes gens à moi s'étaient divisés en deux groupes. C'était à peu près ça.

28 Donc, nous étions placés en deux groupes devant l'entrée de l'hôpital.

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1 Q. Et une fois que vous étiez placés en deux groupes devant l'entrée de

2 l'hôpital, vous avez fait l'objet de quoi ?

3 R. D'abord, on nous a fouillés. C'était la JNA qui fouillait toutes les

4 personnes qui s'étaient alignées et qui s'étaient séparées en deux groupes.

5 Et après la fouille, on nous a emmenés vers les autocars qui étaient

6 également garés sur la route.

7 Q. On va reprendre un peu --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, quand vous dites c'était la JNA.

9 On comprend qu'il y a deux groupes et on va fouiller les gens qui

10 constituaient les deux groupes. Et vous dites c'est la JNA, c'est-à-dire

11 que ce sont des militaires qui appartiennent à la JNA qui sont sous

12 commandement de la JNA, il doit y avoir des officiers de la JNA; est-ce que

13 bien cela que vous dites ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Oui, oui, c'est cela.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous en êtes sûr parce que c'est très

16 important ce que vous dites là.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis tout à fait certain de ce que

18 j'ai dit.

19 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

20 Q. Au cours des fouilles dont vous faisiez l'objet, quel était le

21 comportement de ces soldats de la JNA qui vous fouillaient ?

22 R. Voyez-vous, on ne nous a pas soumis à des mauvais traitements. On nous

23 a simplement injuriés mais je n'ai pas vu que l'on ait donné des coups à

24 qui que ce soit. Mais je n'ai pas pu non plus voir ce qui se passait

25 derrière, dans la colonne.

26 Q. Et en quoi consistaient les injures que vous venez de mentionner, est-

27 ce que vous vous en souvenez ?

28 R. C'étaient des injures tout à fait classiques de nos régions, on

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1 mentionne les familles, ensuite on parle des mères oustacha et voilà,

2 oustachi plutôt, et c'est cela rien de plus, rien de nouveau quoi.

3 Q. Est-ce que vous avez vu pendant qu'on vous fouillait des personnes en

4 charge des soldats de la JNA qui vous fouillaient ? Est-ce que vous avez

5 remarqué des personnes qui leur donnaient des ordres, qui leur indiquaient

6 ce qu'il fallait faire ?

7 R. On savait très bien ce qu'il fallait faire et dans quel ordre. J'ai

8 déjà évoqué lors de ma déposition dans l'affaire Radic et Mrksic d'avoir

9 aperçu M. Sljivancanin, en fait, je l'ai aperçu assez brièvement, mais je

10 l'ai vu.

11 Q. Merci. Est-ce qu'en dehors des soldats de la JNA, vous avez remarqué la

12 présence de personnes appartenant à d'autres unités lorsque vous étiez

13 dehors de l'hôpital pendant que vous étiez fouillés ?

14 R. A l'intérieur de l'enceinte de l'hôpital, je ne me souviens pas s'il y

15 avait d'autres personnes outre les soldats de la JNA. Mais à l'extérieur de

16 l'enceinte, derrière la clôture, il y avait des membres appartenant à

17 d'autres unités, oui, je peux évoquer immédiatement la Défense territoriale

18 et les forces chetniks.

19 Q. Et est-ce que vous souvenez de ce qu'ils faisaient ? Quel était leur

20 comportement ?

21 R. Je me souviens qu'ils étaient dans la rue à l'extérieur de l'enceinte

22 de l'hôpital.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je reviens en arrière de

24 quelques secondes. Vous avez dit que vous aviez vu Sljivancanin qui était

25 présent. Alors, cet individu vous le connaissiez; comment saviez-vous son

26 nom ? Qu'est-ce qui vous permet de dire que quand vous étiez là à l'hôpital

27 vous aviez vu

28 M. Sljivancanin ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Lors du procès de M. Sljivancanin, j'ai dit

2 que -- bien sûr que je ne savais pas qu'à l'époque, c'était M.

3 Sljivancanin, mais après, lorsque j'ai vu son nom et lorsque j'ai vu ces

4 images de lui, je me suis rendu compte qu'il s'agissait de la même

5 personne. Mais, en fait, à l'époque, à ce moment-là, je ne savais pas que

6 cette personne s'appelait Sljivancanin.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et donc, cette personne que vous avez vu à la

8 télévision, que vous avez vu certainement dans le "box" des accusés lorsque

9 vous avez témoigné, c'est le même individu qui était présent à l'hôpital ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai vu devant l'hôpital, c'est cet homme-

11 là, oui.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Et quand il était présent devant l'hôpital, aviez-

13 vous eu l'impression, la certitude que c'est lui qui commandait toute

14 l'opération ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai vu justement quand il appelait

16 quelqu'un je crois que cet homme était un officier et lui avait dit : "Mais

17 pourquoi est-ce que tu prends ton temps, il faut aller plus rapidement." Et

18 donc, j'ai ainsi pu comprendre qu'il était le supérieur de cet officier car

19 quelqu'un d'autre n'aurait pas pu dire ces choses-là sur ce ton-là à ce

20 lieutenant, enfin cet officier était un lieutenant.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ce qui a de bien quand on pose des questions,

22 c'est qu'on a des réponses auxquelles on ne s'attendait pas. Vous dites, il

23 a posé -- il a donné un ordre à un lieutenant; alors, qu'est-ce qui vous

24 permet de dire c'était un lieutenant ? Il avait des insignes ? Parce que la

25 plupart du temps quand on voit des uniformes, on voit -- on distingue mal

26 s'il y a des insignes de grades. Et là, vous dites il y avait un

27 lieutenant; alors, il y avait quelque chose qui vous permettait de dire que

28 c'était un lieutenant ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Sljivancanin lui disait : "Lieutenant,

2 lieutenant, pourquoi tu ne fais pas les choses plus rapidement, pourquoi

3 est-ce que tu es si lent ? Allez vite, dépêches-toi."

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est en entendant dire "Lieutenant,

5 lieutenant," que vous en avez tiré la conclusion que la personne auprès de

6 qui s'adressait était lieutenant. Très bien.

7 Monsieur le Procureur.

8 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je ne veux pas empiéter sur vos

9 prérogatives mais j'ai deux ou trois petites questions à poser --

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

11 M. DUTERTRE : -- et je [imperceptible] un moment approprié pour une pause.

12 Q. Monsieur Karlovic, vous avez mentionné la présence de bus. Combien y

13 avait-il de bus ?

14 R. Si ma mémoire est bonne, il y avait cinq bus.

15 Q. Vous avez indiqué que vous aviez été séparé en deux groupes; est-ce que

16 les deux groupes ont été emmenés pour monter dans les bus, ou simplement un

17 des deux groupes ?

18 R. Les deux groupes ont été placés à bord de ces cinq bus.

19 Q. Et vous-même dans quel bus étiez-vous ?

20 R. J'étais dans l'avant-dernier bus. Selon mon calcul, j'étais donc dans

21 le quatrième bus.

22 M. DUTERTRE : On peut s'arrêter là, si cela vous convient, Monsieur le

23 Président. Je voudrais juste vous demander si je peux avoir le décompte du

24 temps qu'il me reste.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, Monsieur le Greffier, je vous demande de

26 nous indiquer le temps déjà utilisé par le Procureur après quoi on fera les

27 soustractions, si c'est possible tout de suite. Bien, alors, vous avez

28 utilisé 53 minutes, donc, vous faites la soustraction.

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1 Nous allons faire une pause de 20 minutes.

2 [Le témoin quitte la barre]

3 --- L'audience est suspendue à 9 heures 57.

4 --- L'audience est reprise à 10 heures 19.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise. La parole va

6 être donnée à M. Seselj qui veut soulever des questions d'ordre

7 administratives.

8 L'INTERPRÈTE : Micro pour M. Seselj, s'il vous plaît.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, et Messieurs les

10 Juges, la toute première des questions que je voudrais évoquer, qui est de

11 nature administrative, se rapporte à un document qui m'a été communiqué par

12 l'Accusation, sous le numéro 237, le

13 4 mars de cette année-ci. Il s'agit de notes d'un inspecteur du bureau du

14 Procureur, concernant des conversations téléphones qu'il aurait eues avec

15 Petar Vujaklija et Ivica Kopic, et tout se rapporte à un témoignage celui

16 de Goran Stoparic. Vous vous souviendrez du fait que c'est de façon

17 approfondie que j'ai contesté la véracité du témoignage de Goran Stoparic

18 concernant les événements en Vojvodina.

19 Et maintenant, le bureau du Procureur, par le biais de son enquêteur, M.

20 Paolo Pastore-Stocchi - je ne suis pas très familier avec les noms en

21 italien, je ne sais pas si c'est Stokia ou Stocchi qu'on prononce - a

22 procédé à des vérifications d'allégations de ma part pour ce qui est des

23 déclarations documentées par le dires de témoins de la Défense, et il a

24 affirmé que les échanges de biens entre Vujaklija, Serbe, et Kopic, croate,

25 ont été fait en 1995, et qu'à eux deux, ils se trouvaient en bonnes

26 relations, tous les deux, et qu'ils se sont même vus l'année passée --

27 l'été passée. Vukalija a confirmé que, pour ce qui est de mon équipe, il

28 leur a remis le contrat de ventes et achats pour utilisation.

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1 Alors, ce qui est intéressant c'est que, le 29 janvier 2008, l'enquêteur

2 Stocchi s'est entretenu avec Ivica Kopic, un Croate de Gabarac [phon], qui

3 a procédé à un échange de maisons avec un Serbe et est allé vivre dans

4 Mejti [phon] en Slavonie. Il a déclaré que, dans sa cour, il n'y a pas eu

5 de grenades de jeter. Le témoin Stoparic a affirmé qu'une grenade avait été

6 jetée dans la cour de Kopic.

7 Ensuite, Kopic dit qu'il était en bons termes avec Stoparic jusqu'au

8 moment où il a appris que c'est Stoparic qui a participé à des violences ou

9 de mauvais traitements à l'égard de Croates sur ce territoire-là. Et Kopic

10 lui a déclaré que, dans sa maison, jamais il n'y a eu arrivé d'extrémistes

11 serbes dont l'intention aurait été de le convaincre à partir. Vous vous

12 souviendrez que Stoparic a affirmé ici que des membres du Parti radical

13 serbe sont venus visiter Kopic pour le persuader de déménager.

14 Donc, ici, le bureau du Procureur a effectué un travail en partie bon. Ils

15 n'ont pas tout enquêté, mais ils ont enquêté dans une mesure suffisante

16 pour permettre d'aboutir à une conclusion qui est celle de dire que le

17 Témoin Goran Stoparic a menti dans le prétoire.

18 Ce papier doit avoir forcément des répercussions. Je pense que l'obligation

19 revient au bureau du Procureur et je demande aux Juges de la Chambre de

20 faire une injonction pour ce qui est d'une procédure pour faux témoignage

21 parce que jamais devant ce Tribunal et il y a eu bien des procès avec des

22 faux témoignages, jamais à l'encontre d'un faux témoin quelconque il n'y a

23 eu de procédures d'entamer. Le Procureur a des éléments de preuve concrets

24 et je demande aux Juges de la Chambre d'intimer le lancement d'une telle

25 procédure.

26 Deuxièmement, vous vous souviendrez : ici dans le prétoire, j'ai parlé ou

27 j'ai présenté une lettre de Goran Stoparic à l'intention de l'un de ses

28 amis. Vous n'avez pas laissé lire cette lettre. Vous n'avez pas laissé

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1 interroger au sujet de cette lettre et vous m'avez saisi cette lettre. Or,

2 il s'est passé pas mal de temps depuis. On a pu vérifier l'authenticité de

3 l'écriture. Le bureau du Procureur dispose de ressources qui lui permettent

4 de mettre cela en œuvre. Ils ne l'ont pas encore fait.

5 J'estime donc qu'il s'agit là de deux questions très sérieuses et

6 qu'en votre qualité de Juges de la Chambre, il faudrait que vous vous en

7 mêliez. Vous avez de la part du bureau du Procureur des éléments de preuve

8 disant que le témoin a bel et bien menti de façon intentionnelle, de façon

9 tendancieuse, probablement suite à incitation de la part de quelqu'un. Et

10 maintenant, ce témoin soit doit dire qui est-ce qui lui a intimé de faire

11 un faux témoignage ou alors assumer des séquelles en application du

12 Règlement de procédure et de preuve, parce que vous savez qu'un faux

13 témoignage est un outrage au Tribunal et que c'est passible de sanction. Ça

14 c'est la première des questions administrative que j'avais voulu évoquer.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

16 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci. Bonjour,

17 Madame, Messieurs les Juges.

18 Tout d'abord, l'Accusation se saisit de cette opportunité pour ce qui est

19 de se prononcer au sujet des affirmations du Dr Seselj disant que Goran

20 Stoparic a menti. Nous avons tout simplement procédé à des enquêtes partant

21 du témoignage de ce témoin et nous avons communiqué des éléments qui

22 peuvent être considérés comme étant des notes prises par l'enquêteur et

23 cela a été communiqué partant de l'article numéro 68. Il est tout à fait

24 clair que l'accusé peut soulever ces questions lorsqu'il aura abouti à la

25 phase de la présentation de ses éléments de preuve. Mais maintenant,

26 partant de notre communiqué en application de cet article 68 dire que le

27 témoin a menti, c'est d'après nous, un moment inapproprié de ce faire et

28 c'est la raison pour laquelle nous estimons que l'accusé ne pourrait pas

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1 affirmer que le témoin a menti et qu'il devrait faire l'objet d'une

2 procédure pour outrage au Tribunal.

3 Mis à part ce fait, avec tout le respect dû pour ce qui est de questions

4 administratives mineures, qu'il faudrait soulever maintenant parce que nous

5 sommes sur des contraintes de temps et de délais, et je crois que nous

6 devrions, plutôt, que terminer le témoignage de ce témoin qui est ici pour

7 témoigner dans le prétoire.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- sur cette question, la Chambre va en discuter

9 entre eux, mais si j'ai bien compris, l'Accusation, par son enquêteur, a

10 communiqué à M. Seselj des éléments concernant -- sur Kopic et à partir de

11 là, M. Seselj en tire des conclusions que le Témoin Stoparic aurait menti

12 lorsqu'il a déposé. Et M. Seselj nous demande -- ou demande à l'Accusation

13 d'initier une procédure pour outrage à la Cour. Ça c'est le premier

14 élément.

15 Le deuxième élément, lors de la comparution de M. Stoparic, l'accusé

16 Seselj avait produit un document qui, d'après M. Seselj, établissait le

17 fait que Stoparic avait écrit à un autre individu et ce que Stoparic a

18 contesté. Et M. Seselj demande à la Chambre d'ordonner une expertise

19 graphologique permettant d'établir que le

20 Scripteur de ce document est bien M. Stoparic et que, quand il a nié devant

21 nous l'authenticité de ce document, il aurait à nouveau menti.

22 Bon. Voilà les deux éléments. La Chambre va se pencher dessus. Alors, pour

23 terminer, Monsieur Seselj, qu'est-ce que vous vouliez nous dire encore ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le deuxième des problèmes - et qui est

25 également de nature administrative - que je me dois d'évoquer aussi, c'est

26 la question relative à la mise en place d'une catégorie nouvelle en matière

27 de la procédure en matière de droit pour ce qui est de la déclaration qu'on

28 appelle consolidée. Alors, je n'ai jamais ouï-dire que telle chose

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1 existait. Une déclaration consolidée du témoin. Tout témoin fait -- ou les

2 témoins font des déclarations auprès du bureau du Procureur à plusieurs

3 reprises parfois. Cela est communiqué aux accusés et c'est partant de ces

4 déclarations que les témoins viennent témoigner.

5 Or, dans ce Tribunal, on a mis en place du 92 ter qui permet de mettre --

6 de verser cela directement au dossier. Le bureau du Procureur maintenant,

7 pour ce qui est d'un témoin qui a fait plusieurs déclarations et qui a

8 témoigné à plusieurs reprises déjà, à la veille de l'audition même, rédige

9 une déclaration consolidée. Vous avez dû remarque, Madame, Messieurs les

10 Juges, que dans cette déclaration consolidée, il y a un segment qui

11 n'existe dans aucune déclaration précédente ni dans aucun témoignage

12 précédemment donné par ce témoin. Et maintenant, on me mentionne tout à

13 coup moi et on aurait dit que ma voix a été enregistrée comme quoi j'ai

14 convié par porte-voix les forces paramilitaires croates à se rendre à

15 Vukovar. Cela n'a jamais été évoqué jusqu'à la présentation de cette

16 déclaration consolidée il y a à peine deux ou trois jours.

17 Cette déclaration consolidée constitue le sommet de l'hypocrisie à mon

18 avis. C'est complètement ridicule. Est-ce que cela signifie que les autres

19 déclarations n'étaient pas solides ? Est-ce que cela signifie qu'il y a

20 deux sortes de vérité ? D'abord, une vérité initiale solide et ensuite une

21 vérité consolidée complétée ? Alors, d'autant plus qu'ici j'ai trois

22 documents disant que les autorités croates ont préparé à titre officiel

23 mais dans la clandestinité des témoins croates appelés à comparaître devant

24 ce Tribunal au nom de l'Accusation, y compris Vilim Karlovic, qui est en

25 train de témoigner à présent. Les trois documents m'ont été communiqués

26 justement par l'Accusation. Il me communique donc ce qu'il n'avait même pas

27 envisagé de me communiquer parce que ça fait partie d'un paquet de

28 documents. J'estime que la communication ou la présentation d'une

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1 déclaration soi-disant consolidée est quelque chose de tout à fait

2 inadmissible. Et ce qui est encore plus inadmissible, c'est de compléter

3 ces déclarations alors que le témoin est placé dans une fonction nouvelle.

4 Il est maintenant passé au service de ce procès-ci et il fallait intégrer

5 dans ses dires des choses qu'il n'avait jamais dites auparavant. Et c'est

6 ce qu'ils ont fait.

7 C'est ce deuxième problème de nature procédurale que je voulais

8 porter à votre attention, sans la présence de ce témoin, parce que cela ne

9 concerne pas ce témoin-ci, c'est le problème du bureau du Procureur, pas

10 celui du témoin, pour ce qui est donc de ce type de comportement.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'Accusation va répondre, mais je vais

12 essayer de résumer le problème auparavant.

13 Ce Témoin Karlovic a déjà témoigné dans plusieurs autres affaires et

14 il a dû faire des déclarations écrites dans les autres affaires, qui, dans

15 le cadre de l'article 92 ter, auraient pu être admises dans la procédure 92

16 ter.

17 Voilà que la Chambre décide que ce soit viva voce, le 5 mars

18 2008, il y a une déclaration nouvelle consolidée comme on veut qui est

19 établie à l'issue de l'entretien entre ce témoin et les enquêteurs du

20 bureau du Procureur. Et il apparaît que dans cette déclaration apparaît un

21 élément nouveau qui n'est pas minime, qui peut avoir son importance, sur

22 laquelle c'est M. Seselj qui, à Vukovar, aurait incité les Croates à se

23 rendre et le témoin indique qu'il a entendu la voix de M. Seselj. Alors, ce

24 n'est pas neutre.

25 Alors, pourquoi cet élément apparaît maintenant et pour n'apparaissait-il

26 pas auparavant ? Monsieur Mundis.

27 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

28 Madame, Messieurs les Juges, je voudrais vous expliquer brièvement de

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1 quelle façon sont préparées ces déclarations consolidées. Ce que

2 l'Accusation est en train de faire vise à faire en sorte que les

3 déclarations soient plus recevables et plus faciles à utiliser en

4 application de l'article 92 ter. Et c'est justement en raison des

5 instructions émanant du Juge qui préside les travaux de la Chambre. Nous

6 prenons donc des déclarations par écrit de la part du témoin, donc, les

7 transcriptions de tous ses témoignages précédents, et c'est ainsi que nous

8 procédons, nous essayons de procéder à une consolidation. Ces déclarations

9 comportent ou se voient complétées d'éléments qu'on estime pertinent pour

10 l'affaire concernée, et ceci est traduit dans la langue du témoin, et

11 ensuite, l'enquêteur ainsi que le juriste s'installent avec le témoin pour

12 qu'il puisse revoir la déclaration dans sa propre langue sans pour autant

13 recourir à la façon de procéder où l'on ferait lecture à voix haute partant

14 de l'anglais ou du français.

15 Ceci est fait aux fins d'apporter des éclaircissements à cette déclaration

16 consolidée parce qu'il est tout à fait possible que, lors de cette

17 interview nouvelle avec le témoin, il y ait des éléments d'information

18 nouveaux fournis par le témoin lui-même. Il est également possible que,

19 dans certaines situations, il y ait eu des questions additionnelles de

20 poser au témoin qui se rapporteraient spécifiquement à l'affaire concernée

21 parce que des déclarations précédentes ont pu se rapporter à d'autres

22 enquêtes en corrélation avec des affaires antérieures et en corrélation

23 avec d'autres accusés. Le fait est simple concernant donc la longueur de la

24 durée de ces enquêtes dans certaines affaires. Il y a, bien entendu, des

25 questions autres qui sont posées, et le témoin apporte des éléments

26 d'information nouveaux au moment où l'on se penche sur une déclaration

27 consolidée toujours dans la langue du témoin; et c'est la raison pour

28 laquelle il peut arriver que des informations nouvelles fassent

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1 soudainement leur apparition dans ces déclarations.

2 C'est donc la question qui se trouve être tout à fait bonne pour le

3 contre-interrogatoire. L'accusé s'est vu fournir toutes les déclarations

4 précédentes, toutes les transcriptions précédentes, et à l'occasion de son

5 contre-interrogatoire, en termes simples, il peut demander au témoin :

6 "Pourquoi cette information fait-elle son apparition maintenant alors que

7 vous ne me l'avez jamais

8 auparavant ?" Donc, c'est une question typique pour ce qui est du contre-

9 interrogatoire.

10 Une fois de plus, je vais demander aux Juges de la Chambre de ne pas

11 nous faire perdre notre temps sur ce type de question prétendument

12 administrative, parce que ceci ne fait que ralentir la cadence du procès.

13 Nous n'avons que trois journées de travail et nous faisons de notre mieux

14 pour être rapide autant que faire se peut, et pour être tout à fait franc,

15 bien, des questions soulevées par l'accusé ne sont pas tout à fait de

16 nature à nous aider à accélérer la procédure.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à la demande de la Chambre qui avait constaté

18 que des témoins avaient témoigné dans plusieurs procès qu'il y avait donc

19 plusieurs déclarations écrites et qu'il convenait, à ce moment-là, qu'il y

20 ait une nouvelle déclaration consolidée faisant le point de ce qu'il a pu

21 dire et notamment, dans la perspective de son témoignage, dans le présent

22 procès, parce que ce qu'il a pu dire dans d'autres affaires a peut-être

23 moins d'intérêt par rapport à notre affaire. Il se peut que, lors de cette

24 phase, le témoin rajoute quelque chose et, semble-t-il, c'est ce qu'il a

25 fait sur le fait qu'il aurait entendu la voix de M. Seselj demandant la

26 reddition des combattants - et ceci est au paragraphe 19 de cette

27 déclaration écrite. Alors, on va lui poser des questions pour savoir si

28 c'est lui-même qui a dit cela ou c'est sur l'instigation des enquêteurs du

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1 bureau du Procureur.

2 Voilà, donc, Monsieur Seselj, vous avez eu des réponses complètes à

3 vos interrogations. On va donc continuer en introduisant le témoin et je

4 vais dès qu'il sera --

5 Oui, Monsieur Seselj.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore quelque chose à dire. Je ne

7 comprends pas pourquoi vous passer aussi facilement, outre cette

8 explication inadéquate apportée par l'Accusation, mais cela vous concerne.

9 S'il s'agit d'une déclaration consolidée, celle-ci doit être rédigée

10 partant des déclarations et des témoignages précédents, or, c'est une

11 déclaration consolidée qui apporte des éléments tout à fait nouveaux. Et

12 j'estime que cela ne tient pas debout parce que ce témoin a été entendu au

13 sujet de ce procès il y a longtemps, et sa déclaration m'a été communiquée

14 il y a plus d'un an. Je ne sais pas vous dire exactement quand au juste. Et

15 ça n'y existait pas. C'est juste à la veille du témoignage qu'il y a des

16 moments ou des éléments tout à fait nouveaux, si vous voulez bien le

17 tolérer, moi, ça vous regarde.

18 La troisième des choses que j'ai voulues évoquer - et je sais que vous êtes

19 fatigués avec ces questions jusqu'à présent, je ne vais plus les évoquer -

20 mais maintenant, je me dois de vous le dire encore une fois. J'ai reçu hier

21 soir, une lettre de la part du greffier.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous abordiez ce dernier point, je vous réponds

23 tout de suite. M. Mundis vous a expliqué que vous avez eu communication de

24 toutes les déclarations antérieures et que dans le cadre du contre-

25 interrogatoire. Si vous constatez qu'il y a des divergences, des

26 contradictions, à ce moment-là, lors du contre-interrogatoire, vous pouvez

27 le dire -- vous pourrez lui dire au témoin : "Voilà, dans la déclaration

28 numéro 1, telle date, vous avez dit ceci, dans la déclaration consolidée,

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1 vous dites cela, il m'apparaît de mon point de vue qu'il y a un problème,

2 expliquez-vous," et cetera. Donc, voilà, c'est ce que M. Mundis a dit, et

3 vos droits sont totalement sauvegardés.

4 Alors, abordez le dernier sujet.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] A cet effet, Monsieur le Président, il se peut

6 qu'aujourd'hui, le bureau du Procureur nous communique une nouvelle

7 déclaration de la part de ce témoin avec des dires tout à fait nouveaux,

8 donc, c'est sans fin, et ce, sous le prétexte d'apporter une déclaration

9 consolidée, alors, peut-être n'ai-je pas bien compris la notion de

10 déclaration consolidée ? Mais peu importe.

11 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur Seselj, je voudrais seulement vous demander

12 mais, pendant la préparation du procès, il n'arrive pas très souvent que le

13 témoin puisse changer quelque chose, ajouter quelque chose à ses

14 déclarations préliminaires, donc, je ne vois pas la différence par rapport

15 à cette procédure-là qu'on y ajoute quelque chose à la déclaration

16 consolidée.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas comment qualifier ces

18 déclarations de déclarations consolidées parce que, comme on m'a expliqué

19 précédemment, une déclaration consolidée est rédigée partant de toutes les

20 déclarations précédentes et des témoignages précédents. Alors, ce n'est pas

21 une déclaration consolidée, c'est une déclaration tout à fait nouvelle. En

22 quoi se trouve t-elle être consolidée ? Qui a-t-il de consolidé là ? Je

23 veux bien admettre que je ne comprends pas bien la chose, je ne veux pas

24 vous faire perdre votre temps.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le troisième sujet que je voulais évoquer et

27 avec lequel je vous ai bien des fois fatigué - je vous promets que je ne

28 referai plus - ça concerne le financement. J'ai reçu hier la toute récente

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1 des lettres du Greffier sur ce sujet - c'est signé par Martin Petrov, chef

2 du service de l'assistance juridique et des questions de détention, c'est

3 daté du 4 mars - où l'on dit, avec plusieurs alinéas, que je me dois de

4 citer, et je vais en finir avec cela. M. Petrov dit que : "Votre décision

5 du 30 juillet 2007, lorsque vous étiez Juge de la mise en état, avait dit

6 qu'il y avait une conclusion à tirer, à savoir que j'avais peut-être besoin

7 d'une aide financière de la part du Tribunal Pénal International pour la

8 préparation de ma Défense." Et on cite trois conditions que l'on dit que je

9 n'ai pas réunies, or, je les ai réunies. J'ai prouvé que je n'avais pas les

10 moyens financiers de couvrir les frais de ma Défense, j'ai désigné Slavko

11 Jerkovic, qui serait la personne pouvant être habilité bien que ce n'est

12 pas mon conseiller juridique parce que le conseiller juridique principal

13 c'est Zoran Gazic, et vous l'avez confirmé. Et ils disent que cette

14 assistance juridique peut être rémunérée conformément à leur règlement. Ils

15 disent qu'il n'est pas possible de procéder à des paiements rétroactifs

16 pour les quatre années et quelques mois écoulés jusqu'à la prise ou le

17 rendu de votre décision, et le Greffe n'est pas tenu en quoi que ce soit de

18 le réaliser or que la situation est tout à fait contraire. Martin Petrov

19 dit : "Je tiens à préciser que vous n'avez jamais demandé l'autorisation du

20 Greffe de ce Tribunal pour ce qui est des activités de ce qu'il est convenu

21 d'appeler : 'équipe d'experts'." Or, moi, je me suis battu pendant quatre

22 années entières pour qu'on me permette mes contacts avec les membres de mon

23 équipe d'experts pour qu'ils puissent venir me rendre visite, pendant

24 quatre ans on a jamais laissé personne me rendre visite mis à part une fois

25 où ils m'ont représenté devant le barreau d'Holland dans le procès contre

26 Van der Spoel.

27 Et maintenant, il s'avère que pour toute écriture et pour tout

28 travail, expertise, étude et quoi que ce soit, j'aurais dû à l'avance

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1 demander l'autorisation du Greffe pour que ça soit fait alors que le Greffe

2 n'a jamais reconnu mes conseillers juridiques, et il n'a jamais autorisé ni

3 les visites ni les contacts électroniques avec eux.

4 Alors, ensuite, le Greffier dit que je n'ai pas voulu fournir des

5 informations concernant les biens des membres de ma famille, non. Et aucun

6 règlement ne m'y oblige, je ne vous le donnerais jamais. Et pour finir, on

7 refuse de me donner des informations concernant le coût des autres

8 Défenses, et concernant le montant payé aux conseils qu'on a imposé dans

9 mon conseil, tant le stand-by que ceux qui ont été désignés à titre

10 permanent. Et alors ils me disent que les montants versés dans les autres

11 affaires ne sont pas pertinents pour moi, ils se réfèrent à une décision de

12 la Chambre d'appel dans l'affaire Krajisnik, où les moyens qui auraient été

13 versés aux accusés qui se défendent eux-mêmes ne devraient pas être

14 comparés à ceux qui ont des conseils pour les défendre. Et que le coût de

15 la rédaction des écritures devrait être considéré comme étant l'obligation

16 des accusés qui se défendent par eux-mêmes. On dit aussi que le Greffe est

17 disposé à être avenant, à savoir me communiquer le montant total de la

18 rémunération payée aux trois conseils de la Défense imposés par le

19 Tribunal, mais qu'on ne brisera pas le montant pour ce qui est de savoir

20 combien on a versé à chacun d'entre eux parce que le Greffe considère les

21 paiements comme étant des questions confidentielles qui ne sont connues que

22 du Greffe et du récepteur de ces paiements.

23 Et d'après la façon dont je comprends ceci, est une prise de position

24 finale par le Greffe. Madame et Messieurs les Juges, je ne vais plus

25 insister sur cette question, à vous de vous pencher, s'il ne sera possible

26 du tout de présenter des éléments à décharge dans ces circonstances-là.

27 Parce qu'il y a déjà avant le nouvel an que les conseillers juridiques, mon

28 équipe et autres membres de l'équipe, m'ont prévenu qu'ils ne pourraient

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1 plus pendant longtemps travailler dans cette affaire et m'aider dans la

2 Défense à moins que d'être payé. J'ai cet avertissement noir sur blanc, je

3 peux vous l'apporter demain si cela vous intéresse. Et moi, avec le Greffe

4 sur ce sujet, je n'ai pas du tout l'intension d'avoir des contacts tant

5 qu'on ne m'aura pas communiqué les deux renseignements demandés, à savoir

6 combien ont coûté les conseils de la Défense financés par le Tribunal pénal

7 international, et combien individuellement chacun des conseils imposés dans

8 mon affaire a reçu d'argent de la part de ce Tribunal parce que cela ne

9 serait être considéré comme un secret.

10 Et je vous répète ma promesse que, pour ce qui est du financement de

11 ma Défense, je ne vous maltraiterai plus. Cette question est à mes yeux

12 complètement close.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, on a la lettre du Greffier qu'il vous a

14 envoyée. On a ce que vous venez de nous dire et puis on va se pencher sur

15 cette question, mais vous avez indiqué que, pour vous, ce sujet est clos.

16 Alors, on va introduire le témoin. Donc, il reste à l'Accusation une heure

17 et 37 minutes ou 33 - je ne sais plus - 37 minutes sauf erreur de ma part.

18 On pourra peut-être terminer aujourd'hui. Je vais juste lui poser la

19 question sur la reddition. Je dis en français la "reddition" et je vois ne

20 anglais "draft," ce n'est pas la même chose.

21 [Le témoin vient à la barre]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, juste avant de donner la parole

23 au Procureur, j'ai juste une question à vous poser qui est très simple.

24 Dans la déclaration écrite que vous aviez signée le 5 mars 2008, au

25 paragraphe 19, vous avez indiqué qu'à Vukovar, vous aviez entendu la voix

26 de M. Seselj qui demandait aux Croates de se rendre. Alors, quand vous avez

27 mentionné cela, est-ce que c'est vous qui l'avez fait spontanément, ou

28 bien, ce sont les enquêteurs qui ont appelé votre attention sur ce point

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1 particulier ? Est-ce que vous pouvez nous éclairer ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que j'ai entendu une voix qui

3 ressemblait à celle de M. Seselj, et je l'ai dit moi-même spontanément

4 pendant la conversation, je me suis rappelé ce détail. M. LE JUGE ANTONETTI

5 : Et ce détail vous ne vous en étiez pas rappelé dans les autres

6 déclarations écrites que vous aviez faites ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ça ne m'a pas semblé aussi important

8 en ce moment-là.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

10 Monsieur le Procureur.

11 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

12 Q. Est-ce que vous pouvez nous indiquer, M. Karlovic, combien de personnes

13 en tout ont été mises dans les bus. Vous avez indiqué qu'il y avait cinq

14 bus.

15 R. J'ai une sorte d'estimation personnelle, comme il y avait cinq

16 autocars, environ 50 à 55 personnes, en principe, on peut placer à bord de

17 cet autobus. Donc, je me suis dit cinq fois 50 environ 250 personnes.

18 Q. Je vous remercie. Dans votre bus, quelle était la composition ?

19 C'étaient des hommes, des femmes ? Est-ce que vous pouvez nous dire la

20 composition de votre bus ?

21 R. Dans la majorité c'étaient des hommes, mais je me suis rappelé par la

22 suite qu'il y avait dans mon bus un couple, un mari et une femme. Et puis,

23 il y avait deux soldats qui étaient devant dans la partie avant du bus,

24 près de la porte d'entrée avant, et puis, il y avait bien sûr le chauffeur.

25 Q. Je vais revenir sur cette dernière partie de votre réponse. Toujours

26 sur la composition de votre bus, est-ce que vous pouvez nous dire si les

27 personnes qui étaient dans votre bus étaient des patients, des hommes

28 valides, des hommes blessés ? Quel était leur état physique ?

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1 R. Dans mon bus, j'ai vu des personnes blessées aussi, et puis j'ai vu des

2 gens pour lesquels je ne pouvais pas savoir s'ils avaient un problème ou

3 pas. Mais toujours est-il que, dans mon bus, il y avait des blessés

4 également.

5 Q. -- en quelle proportion, est-ce que vous pouvez le dire

6 approximativement ?

7 R. Bien, là, beaucoup d'années se sont écoulées je peux essayer de me

8 rappeler. Je dirais 50/50 %. Bien sûr, ce n'est pas une information tout à

9 fait certaine.

10 Q. Oui, j'ai bien compris que c'était approximatif. Est-ce que vous

11 connaissiez par leur nom certaines personnes dans votre bus ?

12 R. Dans mon bus, j'ai reconnu un membre de ma brigade, donc, pas de ma

13 compagnie de ma brigade. Son nom de famille était Gruber et je sais qu'il

14 était blessé. Il avait des pansements sur son épaule, le bras, et

15 l'estomac.

16 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner son prénom ?

17 R. Il me semble que c'était Ivan Gruber. Je suis certain c'est son nom de

18 famille parce que c'est un peu rare, mais je pense que c'était Ivan Gruber.

19 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez nous indiquer -- vous avez

20 mentionné qu'il y avait deux soldats dans le bus. Est-ce que vous pouvez

21 nous dire si c'étaient des soldats de la JNA, si c'étaient des soldats

22 d'autre groupe ? Est-ce que vous pouvez être plus précis sur ce point ?

23 R. Voyez-vous pour l'un d'entre eux je suis certain qu'il était membre de

24 la JNA, puisqu'il était un peu plus jeune et pour ce qui est des vêtements,

25 il était vêtu comme la JNA. Et pour l'autre, il me semble qu'il était plus

26 âgé et qu'il pouvait être réserviste de la JNA.

27 Q. Et quel était leur rôle dans le bus ? Pourquoi étaient-ils dans le bus

28 ?

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1 R. Dans un premier temps, j'ai supposé -- enfin, d'après que j'ai pu voir,

2 je me suis dit que c'était des gens qui étaient chargés de la sécurité.

3 Q. Je vous remercie. Une fois que vous étiez tous les bus, qu'est-ce qui

4 s'est passé ? Vous êtes resté sur place ? Vous êtes parti ? Vous avez

5 attendu ?

6 R. Pendant quelques temps au début on a attendu un petit peu dans cette

7 rue devant l'hôpital, et à peu près au bout d'une demi-heure, 40 minutes,

8 les bus ont commencé à bouger et à partir. Donc, au bout d'une quarante de

9 minutes les autobus ont bougé de l'endroit où ils étaient.

10 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire approximativement quelle heure il

11 était quand les bus ont bougé ?

12 R. D'après mes estimations, à partir -- dès 9 heures puis le début du --

13 quand on s'est mis en branle, il ne s'est pas passé plus -- il était 10

14 heures 30 -- 10 heures 30, 11 heures à peu près -- au maximum 11 heures.

15 Q. Je vous remercie. Vous êtes donc parti, ainsi que vous nous l'avez

16 expliqué. Où est-ce que les bus sont allés ?

17 R. A ce moment-là, je ne savais pas, mais au bout de quelques temps, on

18 est arrivé à la caserne de Vukovar.

19 Q. Et comment saviez-vous que c'était la caserne de Vukovar, l'endroit où

20 les bus sont arrivés ?

21 R. A ce moment-là, je ne savais pas encore que c'était un endroit assez

22 particulier, et on pouvait voir que c'était un bâtiment militaire, et

23 après, j'ai appris qu'il s'est agi de la caserne de Vukovar.

24 Q. Quand les cinq bus sont arrivés à la caserne de Vukovar, qui avez-vous

25 vu ? Qui était présent ?

26 R. Sur place on a vu donc des militaires de la JNA, des membres de la TO,

27 des Chetniks, pratiquement tous nos ennemis qui ont combattu contre nous.

28 Q. Combien y avait-il de personnes en tout ? Ces personnes de la JNA, des

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1 TO, et des Chetniks comme vous l'indiquez, combien y étaient-ils ?

2 R. Vraiment, je vais essayer de vous le dire de manière approximative. Il

3 est difficile de citer des chiffres. D'après moi, dans cette cour, cette

4 partie circulaire où on s'est arrêté avec des bus, il y avait peut-être une

5 centaine de personnes, mais, encore une fois, c'est très difficile de citer

6 des chiffres.

7 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous aviez parmi cette centaine de

8 personnes, est-ce que vous en aviez déjà vues

9 auparavant ?

10 R. Près de l'hôpital, j'avais vu les mêmes personnes qui se sont

11 retrouvées par la suite là-bas dans cette caserne, plusieurs personnes

12 étaient les mêmes. Il faut savoir -- il faut bien savoir que, pendant le

13 trajet en bus, il fallait qu'on baisse la tête, donc, on ne pouvait pas

14 vraiment regarder beaucoup, mais j'ai remarqué les mêmes personnes près de

15 l'hôpital et de la caserne.

16 Q. Et ces mêmes personnes que vous avez remarqué à la fois près de

17 l'hôpital et à la caserne, c'étaient des personnes appartenant à la JNA,

18 aux Chetniks, au TO ? Est-ce que vous pouvez être plus précis sur ce point

19 ?

20 R. Il faut savoir que, bien sûr, c'étaient des membres de la JNA. Il y

21 avait aussi des Chetniks parce que, pratiquement pendant tout ce temps, les

22 Chetniks nous ont escortés. En plus de la JNA, pendant tout le temps dans

23 les véhicules derrière nous, il y avait aussi des Chetniks et, écoutez,

24 d'après moi, il y avait la Défense territoriale. Il y avait des Unités

25 chetniks et, bien sûr, la JNA qui a tout organisé et tout coordonné.

26 Q. Je vous remercie. Quelle était l'attitude des Chetniks lorsque vous

27 étiez à la caserne de Vukovar ? Que faisaient-ils ?

28 R. Je vais vous le décrire par mes propres mots - je suppose que

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1 grammaticalement ce ne sera pas très correct - mais c'était de la

2 sauvagerie. On voyait qu'en fait, ils voulaient se venger contre nous

3 verbalement, et puis ils tentaient de monter à bord des bus. Tout

4 simplement, vous pouvez voir qu'ils étaient prêts à nous faire du mal.

5 Q. Vous dites qu'ils faisaient des commentaires verbaux; est-ce que vous

6 pouvez être plus précis ? Qu'est-ce qu'ils disaient ? Est-ce que vous vous

7 en souvenez ?

8 R. Ecoutez, de leur côté, c'étaient des injures classiques habituelles

9 d'un ordre - comment dirais-je, entre guillemets - de nos contrés. Bien

10 sûr, ça commençait toujours par "Oustachi," et puis des injures classiques

11 contre la mère, des parents, des proches, l'Etat, on était qualifié

12 d'Oustachi. Ils disaient qu'ils allaient tous nous tuer, et cetera.

13 Q. Quel était votre sentiment à l'intérieur des bus, quel était votre état

14 d'esprit ?

15 R. On avait peur. On avait peur.

16 Q. Qu'est-ce que faisaient les soldats -- les deux soldats qui étaient

17 dans votre bus quand les Chetniks voulaient entrer dans les bus ?

18 R. De toute évidence, ils avaient reçu l'ordre de ne laisser personne dans

19 les autobus, et ils n'ont pas laissé un Chetnik dans le bus qui voulait

20 monter. Donc, à ce moment-là, on avait l'impression que leur attitude était

21 celle de protection. Donc, je n'ai pas d'observation à faire pour ce qui

22 est d'une mauvaise conduite de leur part.

23 Q. Je vous remercie. Est-ce que tout le monde est resté dans les bus ou

24 est-ce que des personnes ont été sorties des bus ?

25 R. De mon bus, personne, on n'a fait sortir personne si ce n'est ce

26 couple. Je ne peux plus me rappeler si les deux étaient serbes ou seul le

27 mari ou la femme. Mais il me semble que c'étaient des personnes cultivées

28 avec des diplômes, et d'après mes souvenirs, c'est à la caserne de Vukovar

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1 qu'on les a fait descendre du bus.

2 Q. Et des autres bus, est-ce que vous avez pu voir quelque chose ?

3 R. Un officier de la JNA faisait le tour des bus. Il avait une liste et il

4 prononçait des noms. Dans notre bus, aucun nom n'a correspondu à sa liste,

5 mais dans d'autres bus, on a vu qu'il y avait des gens qu'on faisait

6 descendre. On faisait descendre des bus.

7 Q. Ça représentait un nombre de combien de personnes qui sont descendues

8 des bus ?

9 R. D'après mes estimations, et ça, je ne me fonde sur ce que j'ai vu dans

10 le bus militaire où ils ont transféré des gens. D'après moi, pas plus

11 qu'une vingtaine de personnes n'ont été séparées dans ce bus, mais je n'ai

12 pas pu voir. Je n'ai pas vu si toutes les personnes ont été placées dans ce

13 bus. Toutes les personnes qui étaient sorties avant des autres bus.

14 Q. Je vous remercie. Et vous avez une idée du critère sur lequel ces

15 personnes étaient extraites des bus, pour quelle raison ?

16 R. Vraiment Je ne sais pas. Je n'en ai aucune idée.

17 Q. Et qu'est-ce qui leur est arrivé où ont-elles été dirigées, ces

18 personnes ?

19 R. Pour autant que je m'en souvienne, là, il me semble que ce bus est

20 arrivé à Ovcara en tant que dernier. Je reconnais que -- je dois

21 reconnaître que je ne retrouve pas vraiment après toutes ces années cela

22 avec certitude. Mais quelque part dans mes souvenirs je me dis que ce bus

23 est arrivé après nous à Ovcara.

24 Q. Je vous remercie. Combien de temps êtes-vous resté à la caserne de

25 Vukovar ?

26 R. D'après mes estimations, au minimum deux heures.

27 Q. Et au bout de deux heures, qu'est-ce qui s'est passé ?

28 R. Disons ce convoi, convoi constitué de bus et d'autres véhicules a pris

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1 la route, je ne savais pas où on avançait et on est arrivé à l'endroit

2 qu'on appelle Ovcara.

3 Q. Quand vous dites le "convoi," est-ce que vous vous référez au cinq bus

4 ou également au sixième ? Est-ce que le sixième bus que vous avez mentionné

5 faisait partie du convoi ?

6 R. Encore une fois, d'après mes souvenirs, j'ai en tête qu'il est arrivé

7 avec nous à Ovcara, qu'il faisait partie de notre convoi.

8 Q. Comment savez-vous que c'était Ovcara l'endroit où vous êtes arrivé

9 avec ce convoi de bus ?

10 R. Naturellement, à ce moment-là, je ne le savais pas. Mais après pendant

11 la libération d'Ovcara, quand j'étais sauvé des gens qui étaient du coin,

12 il faut savoir de je suis originaire de Zagreb, c'est la première fois que

13 je me suis trouvé là-bas de ma vie, et ces gens-là qui m'ont dit que

14 c'était Ovcara, une exploitation agricole ancienne et que c'est Ovcara.

15 Q. Quelle heure était-il approximativement lorsque vous êtes arrivé à

16 Ovcara ?

17 R. Encore une fois, d'après mes estimations, c'était vers

18 14 heures, 14 heures 30 peut-être, 15 minutes plus tôt mais à peu près vers

19 14 heures.

20 Q. A ce moment-là, est-ce que les deux soldats qui étaient dans votre bus

21 étaient toujours à bord ou ils étaient partis, ils étaient descendus ?

22 R. Pendant tout le temps, ils étaient dans le bus, et quand nous sommes

23 descendus du bus, je pense même qu'ils sont repartis avec le bus. Mais je

24 ne peux pas l'affirmer à 100 %.

25 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez nous décrire les lieux où vous

26 êtes arrivé à Ovcara, qu'est-ce que vous avez vu ? C'étaient des beaux

27 bâtiments, des buildings, une ferme ? Est-ce que vous pouvez nous décrire à

28 quoi ça ressemblait ?

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1 R. Je me souviens d'un bâtiment où nous nous sommes arrêtés avec le bus.

2 C'est la seule chose dont je me souviens. C'est une sorte de grand hangar

3 avec une porte en métal, grande porte. Peut-être disons 30, 40 mètres de

4 long, une quinzaine à 20 mètres de large.

5 Q. Je vous remercie. Et par rapport à ce hangar, comment les bus étaient-

6 ils garés ?

7 R. Les bus, ils se sont arrêtés parallèlement au hangar. Il faut savoir

8 que les gens qui descendaient des bus, le bus s'alignait avec la grande

9 porte en métal, et là, on laissait les gens descendent. Donc, les bus

10 s'arrêtaient en parallèle avec le hangar.

11 Q. Je vous remercie. Vous étiez dans quel bus au moment où vous êtes

12 arrivé, dans le premier, le second, le troisième, le quatrième, le

13 cinquième, dans quel bus ?

14 R. Moi, j'étais dans le quatrième bus.

15 Q. -- vous étiez dans le bus une fois arrêté; est-ce que vous pouviez voir

16 ce qui se passait dehors ou est-ce que vous ne pouviez voir ça une fois

17 descendu ?

18 R. On pouvait voir -- oui, oui, on voyait.

19 Q. Et, qu'est-ce qui se passait dehors ? Est-ce que vous pourriez le

20 décrire ?

21 R. Les gens qui étaient descendus du bus, c'était un par un dans une

22 colonne qu'ils passaient par, je dirais, une double haie d'hommes qui était

23 constituée de membres chetniks, et donc, les gens passaient entre cette

24 double haie d'hommes. Ils plaçaient leurs objets, leurs documents, et on

25 les passait par les baguettes, et après, on rentrait dans le hangar à

26 Ovcara.

27 Q. Vous venez de mentionner qu'il y avait donc une file composée de

28 Chetniks; à part les Chetniks qui étaient présents qui composaient cette

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1 file, est-ce que vous avez vu d'autres soldats appartenant à d'autres

2 groupes JNA ou -- qui étaient présents également à la descente des bus ?

3 R. C'est la JNA était présente sans cesse. D'après mes conclusions et de

4 la manière dont j'ai compris la situation, c'est elle qui était à la tête

5 de cette opération -- toute cette opération. Donc, la JNA et les Chetniks,

6 et les membres de la TO, pour l'essentiel, ils étaient toujours ensemble.

7 Q. -- et dont les personnes qui composaient ce "gauntlet," est-ce que vous

8 avez reconnu des personnes que vous aviez vues

9 auparavant ?

10 R. Là, nous parlons des hommes de mon côté ou de l'ennemi ? C'est les

11 miens qui vous intéressent ?

12 Q. Des hommes composants -- enfin, du côté de l'ennemi [imperceptible] ?

13 R. Non, je ne connaissais pas d'avant. Là encore, c'était pratiquement les

14 mêmes hommes qui étaient avec nous depuis l'hôpital jusqu'à la caserne puis

15 jusqu'à Ovcara. C'est deux ou trois heures, je les ai connus mais je ne les

16 connaissais pas d'avant.

17 Q. Entendu. Il y avait à peu près combien de personnes qui effectuaient

18 les -- qui donnaient les coups dans ce "gauntlet" ?

19 R. Dans cette double haie ou ce "gauntlet," pour ce qui est des ennemis,

20 il y en avait environ une vingtaine, 25, pas plus, compte tenu de l'espace

21 ou tout cela s'est passé.

22 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire comment les coups étaient donnés ?

23 Est-ce que vous pouvez être plus précis sur ce

24 point ?

25 R. Ils nous ont battus avec des poings, des crosses de fusil, des perches.

26 J'ai même vu qu'il y en avait un qui avait des chaînes des pieds. Enfin,

27 tout ce qui pouvait, ils ont utilisé pour nous frapper.

28 Q. Et à quelle vitesse les prisonniers passaient dans ce "gauntlet" ?

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1 R. C'est relatif. Il en avait qui restait plus longtemps; d'autres moins

2 longtemps. Disons que tout ceci prenait disons pour chacun des hommes

3 disons une trentaine de secondes, 20 secondes. Ça dépendait. C'était un

4 passage relativement rapide par cette double haie.

5 Q. Et pendant que ces tabassages avaient lieu, qu'est-ce que faisaient les

6 soldats qui étaient dans les bus et qui vous avaient accompagnés ?

7 Q. Je le répète : d'après mes souvenirs, ces soldats du bus ils sont

8 restés dans le bus et les bus ont bougé, sont partis.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, en un mot, quand les passagers

10 du bus ont été maltraités, les soldats du bus n'étaient plus là; ils

11 étaient repartis avec les bus ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous pose cette question -- pour nous, les Juges,

14 il est important de savoir qui a fait quoi. Apparemment, d'après vos dires,

15 il y a trois entités sur le terrain, la JNA, la Défense territoriale, et

16 les Chetniks. Vous dites la JNA a coordonné, et cetera. C'est ce que vous

17 nous avez dit. Là, on voit qui se passe un événement. Où les bus repartent

18 avec les soldats de la JNA et il y a des individus qui sont sur place, qui

19 vont maltraiter les détenus ou ceux qui étaient dans les bus.

20 Alors, nous, les Juges, on n'était pas sur place. C'est vous la victime.

21 Vous, vous étiez présent et qui mieux que vous peut nous dire ce qui s'est

22 passé. Est-ce que vous avez senti que dès que vous êtes descendu du bus, il

23 y a eu un changement dont l'autorité de ceux qui vous gardaient, ou bien,

24 pour vous ceux qui étaient là c'étaient les mêmes que ceux qui vous avaient

25 transportés ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Il va falloir que j'explique un petit pu

27 maintenant. Il me faudra un petit peu de temps. Ecoutez, oui, dans ma tête,

28 la situation paraît très claire, il y a des choses qui peuvent cependant

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1 vous confondre. Lorsque nous parlons de ceux qui sont partis de cet

2 endroit, nous parlons de peut-être d'une douzaine de personnes, c'étaient

3 des membres de la JNA. Je ne voudrais pas que ceci prête à confusion. Je ne

4 voudrais pas que vous pensiez que la JNA a quitté le site -- les lieux. Je

5 ne sais pas dans quelle mesure il est possible de traduire tout ça pour que

6 ça se comprenne, mais ce que j'ai dit c'est que la JNA a coordonné cette

7 action dans sa totalité et qu'à Ovcara, il y avait toujours les trois

8 groupes qui étaient présents, des forces. Les soldats qui sont partis c'est

9 un petit nombre de ces soldats qui étaient dans les bus. Dans chaque bus,

10 il y avait, je suppose, tout comme dans mon bus, il y avait deux hommes.

11 Deux hommes par bus, donc, par six bus, ça fait tout au plus 12 personnes.

12 J'espère que j'ai été clair maintenant.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez été très clair.

14 Monsieur le Procureur.

15 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 Q. Est-ce qu'il y avait moyen d'éviter de passer par le "gauntler," ou

17 tous les prisonniers des bus sont passés par le "gauntlet" ?

18 R. C'était inévitable, ils ont tous dû passer par le "gauntler."

19 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom de certaines personnes que vous

20 avez vu passer par le "gauntlet" ?

21 R. Je me souviens naturellement d'Ivan Gruber, qui était avec moi dans le

22 bus. J'ai vu aussi Zeljko Major. Je me souviens de deux frères qui sont

23 passés par ces doubles haies. Je me souviens d'eux de Vukovar mais je ne me

24 souviens plus de leurs noms maintenant. En somme, il y avait quelques

25 personnes que j'ai reconnues pendant qu'ils passaient par cette double

26 haie.

27 Q. Une fois que vous êtes vous-même descendu du bus et avant de passer de

28 -- à travers la double haie de soldats chetniks qui donnaient des coups,

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1 qu'est-ce qui vous est arrivé ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

2 R. Je suis descendu du bus. Nous nous sommes mis dans l'alignement et

3 petit à petit on s'approchait de cette double haie. A un moment donné un

4 soldat est venu à moi. Il a engagé la conversation. En fait, ils nous

5 posaient des questions pour savoir d'où on était venu, ce qu'on faisait là,

6 si on avait combattu. Donc, c'étaient des questions types qu'on nous

7 posait, et il s'est adressé à moi de cette manière-là ce soldat. Et il m'a

8 demandé : "D'où je venais." J'ai dit que : "J'étais originaire de Zagreb."

9 Puis, il m'a répondu quelque chose allant dans le sens : "Mais vois-tu,

10 avais-tu besoin de ça ? Moi, dans deux ou trois jours, j'en ai terminé

11 d'être militaire, je rentre à Ruma." Et c'est là qu'un contact s'est établi

12 entre nous.

13 Et puis, je lui ai dit tout de suite que j'étais allé beaucoup de fois à

14 Ruma avant, et il m'a demandé : "Qu'allais-tu faire là-

15 bas ?" Et je lui ai dit : "J'avais un bon ami à Ruma." Et je lui ai dit de

16 quelle personne il s'agissait. Et je lui ai demandé : "Pourrais-tu m'aider

17 ?" Et lui il m'a répondu : "Non, c'est absolument hors de question. Que

18 Dieu te vienne en aide." Et à cela, je lui ai dit : "S'il vous plaît,

19 sauve-moi si tu peux." Puis, le moment est venu pour moi de rentrer dans

20 cette double haie, c'est ce que j'ai fait, je suis passé par là, et puis je

21 suis entré dans le hangar même d'Ovcara.

22 Q. -- merci. Quelques questions de suivi par rapport à ce que vous venez

23 de dire. Vous dites que vous avez parlé d'un ami. Est-ce que vous pouvez

24 nous donner le nom de cet ami ?

25 R. Miroslav, on l'appelait Kemo, il était de Ruma. J'ai oublié toutefois

26 son nom de famille.

27 Q. Je vous remercie. Ce soldat qui s'est adressé à vous, c'était un soldat

28 chetnik ? Un soldat du JNA, un réserviste ? Est-ce que vous pouvez vous

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1 souvenir de ça ?

2 R. C'était un soldat de la JNA.

3 q. Mais qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

4 R. En fin de compte, lui-même m'a dit qu'il lui restait encore quelques

5 jours de service militaire et qu'il allait repartir à Ruma après, et la

6 façon dont il était vêtu également me permettait de conclure qu'il était de

7 la JNA.

8 Q. -- commencer -- est-ce que vous pouvez le décrire physiquement ?

9 R. Il ressemblait, en fait -- son poids ressemblait au mien de 70 à 75

10 kilos, à peu près ma taille. Je fais 175 centimètres, 1 mètre 75, cheveux

11 courts. Et un peu plus clair que les miens car mes cheveux sont châtain

12 clair, en réalité. Et son visage était un peu plus étroit que le mien. Ce

13 n'était pas un visage tout à fait rond, si vous voulez.

14 Q. Merci. Et du point de vue vestimentaire comment était-il habillé ?

15 R. Il était vêtu comme un soldat de la JNA sauf qu'il portait comme une

16 sorte de veste de pilote de la JNA, c'est-à-dire qu'il ne portait pas un

17 manteau typique de la JNA mais plutôt une veste de pilote comme pilote du

18 type, de type "spitfire."

19 Q. Et au niveau du pantalon, est-ce que vous pouvez le

20 décrire ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

21 R. En fait, tout le reste de ce qu'il avait sur le dos appartenait à la

22 JNA, c'était un uniforme classique de la JNA. Sur ce blouson --

23 Q. Une fois avoir été -- être passé par la double haie, de soldats qui

24 vous battaient, vous êtes entré dans le hangar; qu'est-ce qui s'est passé

25 dans le hangar ?

26 R. Après la double haie, on est entré dans le hangar et le tabassage s'est

27 poursuivi. En fait, il y avait un autre groupe d'hommes qui continuaient de

28 donner des coups. Par contre, moi, j'avais cette chance de ne pas avoir dû

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1 à endurer trop longtemps ces coups à l'intérieur du hangar. Je n'ai pas été

2 asséné de trop de coups.

3 Q. Je vous interromps juste là pour une question de suivi : quand vous

4 dites il y avait les coups qui continuaient dans le hangar, qui donnait les

5 coups ? Est-ce que vous pouvez nous dire si c'étaient les Chetniks, des

6 soldats de la JNA, des membres des forces territoriales ?

7 R. Pour ce qui est des coups, c'étaient les Chetniks principalement qui

8 les assénaient, mais tout le monde donnait des coups. Les membres de la

9 JNA, les membres de la Défense territoriale, les Chetniks, tout le monde

10 donnait des coups.

11 Q. Et en tout, il y avait combien de personnes qui donnaient des coups ?

12 Est-ce que vous pouvez vous en souvenir ?

13 R. Je crois qu'à Ovcara, et devant le hangar et à l'intérieur du hangar,

14 il y avait sans doute à peu près 150 personnes donc en tout et partout. Et

15 je peux vous dire qu'il n'était pas inférieur à nous, c'est-à-dire que leur

16 nombre était égal au nôtre ou presque.

17 Q. Ma question était : dans le hangar, combien y avait-il de personnes qui

18 assénaient des coups aux prisonniers ?

19 R. Selon moi, à l'intérieur du hangar, il y avait sans doute de 50 à 80

20 personnes qui assénaient des coups aux prisonniers. Je dois avouer qu'il

21 m'est assez difficile de vous donner une évaluation en chiffre.

22 Q. Est-ce que vous pouvez décrire le type de coups qui étaient assénés aux

23 prisonniers et comment ils étaient assénés ?

24 R. En fait, je n'ai pas une manière particulière de vous le décrire -- de

25 vous écrire les coups. On entendait des os craqués sous le coup des crosses

26 de fusil et des barres de métal, des chaînes. J'ai même vu un homme en

27 train de donner des coups aux hommes avec une pelle, donc, c'était

28 absolument inconcevable ce qui se passait là.

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1 Q. Est-ce que vous avez reconnu dans le hangar des gens que vous

2 connaissiez ?

3 R. J'ai vu Zeljko Major à l'intérieur du hangar. Il était contre le mur et

4 je l'ai reconnu. J'ai également entendu qu'il mentionnait le nom de Sinisa

5 Glavasevic. J'imagine que c'est l'homme qui était allongé par terre à qui

6 on donnait des coups. C'est tout ce dont je me souviens. Vous savez,

7 lorsque vous êtes là, vous ne pensiez pas à regarder autour pour essayer de

8 voir qui s'y trouvait. En fait, j'ai pu -- je peux me rappeler de ces deux

9 personnes comme étant les personnes que j'ai vues à l'intérieur du hangar.

10 Q. Je vous remercie. Vous avez indiqué que les coups n'avaient pas duré

11 longtemps en ce qui vous concerne vous. Est-ce que vous pouvez expliquer ce

12 qui s'est passé, et pourquoi ça c'est -- ça n'a pas duré longtemps ?

13 R. Lorsque je parle de longtemps ou pas longtemps, je veux dire que cela

14 n'a pas duré plus de deux à trois minutes, étant donné que d'autres

15 personnes recevaient des coups pendant deux heures constamment. Moi, dans

16 le hangar, j'ai peut-être passé en tout et partout cinq minutes car, après

17 cinq minutes dans le hangar, le soldat avec lequel j'avais parlé à

18 l'extérieur du hangar est entré et il est entré avec un officier et je l'ai

19 entendu dire "capitaine," et eux, ils m'ont fait sortir du hangar.

20 Q. Est-ce que vous pouvez dire exactement ce qu'il a dit au capitaine que

21 vous venez de mentionner ? Et comment vous êtes sorti principalement du

22 hangar ? Est-ce que vous pouvez détailler cela ?

23 R. Je suis entré dans le hangar. J'ai commencé à avoir des coups. Je crois

24 qu'i y avait déjà trois personnes qui me tabassaient, à ce moment-là, et je

25 m'efforçais de ne pas tomber par terre. J'essayais d'esquiver ma tête --

26 cacher ma tête et j'ai entendu quelqu'un crier : "Non, ne le frappez pas

27 lui." J'avais reconnu cette voix, et c'était ce jeune homme qui s'est

28 approché. Il m'a pris par les épaules. Les autres ont arrêté de me

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1 tabasser. Il était accompagné de cet officier et il a dit : "Capitaine, il

2 faut sauver cet homme. Je le connais d'avant."

3 Q. Qu'est-ce qu'a répondu le capitaine ?

4 R. Par la suite, le capitaine lui a dit : "Fais le sortir devant l'entrée

5 et fais attention à lui pour que les Chetniks ne le tuent pas." Ensuite, il

6 m'a pris par les épaules, et il m'a dit : "Comment t'appelles-tu ? Je veux

7 savoir ton nom." Moi, je lui ai donné mon nom et puisqu'on était à

8 l'extérieur du hangar, j'étais debout devant la porte et j'ai dit : "Et

9 toi, comment t'appelles-tu pour que je le sache, pour que je le retienne."

10 Et ensuite, il m'a dit qu'il s'appelait Ilija et qu'il était appelé Stuka.

11 Q. Par la suite, à un moment donné, vous avez appris son nom et son prénom

12 ? Vous avez -- vous avez pu déterminer qui c'était exactement ?

13 R. J'ai eu l'occasion, en réalité, à Belgrade d'apprendre son nom au

14 tribunal. J'ai entendu en fait son vrai nom, mais avant cela, dans un

15 journal -- dans une revue, j'ai vu son nom et son prénom. J'ai vu qu'il ne

16 s'appelait pas, en réalité, Ilija, mais on l'appelait Stuka puisque c'était

17 son surnom Stuka. Et si je me souviens bien, c'était un journal ou un

18 magazine - je ne retiens pas tout à fait le nom de ce magazine -- mais

19 c'était un magazine de l'armée. Et on disait que Stuka avait eu un prix ou

20 quelque chose comme ça. Il avait été promu et j'avais trouvé ce magazine

21 dans un garage à Rakovica lors de l'opération Tempête.

22 Q. -- le -- le, est-ce qu'il y avait son nom complet indiqué dans le

23 magazine ?

24 R. Oui, le nom -- le prénom et le surnom.

25 Q. Qui c'était ?

26 R. Spasoje Petkovic, appelé Stuka.

27 Q. Je vous remercie. Vous nous avez indiqué qu'il vous a emmené dehors --

28 en dehors du hangar; il y avait qui en dehors du hangar quand vous êtes

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1 sorti, si tant est qu'il y ait eu quelqu'un ?

2 R. Devant le hangar, il y avait deux ou trois personnes encore, des hommes

3 que quelqu'un avait sauvé, comme ça tout comme moi. Je ne me souviens pas

4 tout à fait bien si on m'a fait sortir parmi les premiers ou non, mais je

5 sais qu'il y avait déjà certaines personnes devant le hangar. Et je me

6 souviens qu'après moi, il y avait d'autres personnes qui avaient été

7 sauvées comme moi, et qui avaient été emmenées à cet endroit-là.

8 Q. En tout, combien de personnes sont sorties du hangar et ont été sauvées

9 comme vous venez de l'indiquer ?

10 R. Sept personnes.

11 Q. Est-ce que vous vous souvenez de leurs noms ?

12 R. Oui, aujourd'hui, plus ou moins, je peux vous dire qu'il s'agissait de

13 Perko Faro [phon], Cakalic, le feu Perkovic, Kojic, Guncevic; voilà, ce

14 sont les noms dont je me souviens.

15 Q. Quand vous dites Perkovic, est-ce que c'est le même Perkovic que votre

16 chef d'unité que vous avez mentionné en début de l'introduction ?

17 R. Non, non, c'est le même nom de famille et je crois qu'ils avaient même

18 prénom, mais ce n'est pas la même personne. C'est un autre Perkovic que je

19 ne connaissais pas de par avant.

20 Q. Quelle heure était-il quand le dernier -- la septième personne de ce

21 groupe est sortie du hangar ?

22 R. Nous avons tous été sortis à l'extérieur du hangar à peu près à la même

23 heure. Cela a dû prendre de 15 à 20 minutes. Donc, en 15 ou 20 minutes,

24 nous nous sommes tous retrouvés devant, mais nous avons attendu assez

25 longtemps devant le hangar.

26 Q. Combien de temps avez-vous attendu devant le hangar ?

27 R. Selon mon évaluation personnelle, nous avions dû attendre une bonne

28 demi-heure peut-être même une heure.

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1 Q. Et qui vous gardait pendant que vous étiez dehors ?

2 R. J'étais tout le temps à côté de Stuka; en fait, lui, il était à côté de

3 moi tout le temps. Il y avait un autre soldat qui avait l'air à bien

4 s'entendre avec lui. Et je crois qu'on l'appelait Mujidza, quelque chose

5 comme ça, et ces deux hommes donc étaient là. Il y avait également deux

6 autres soldats de la JNA qui nous gardaient.

7 Q. A quel endroit par rapport au hangar attendiez-vous

8 dehors ? Est-ce que vous étiez loin du hangar, près du hangar ? Est-ce que

9 vous pouvez nous décrire cela ?

10 R. C'était devant le hangar donc tout juste à côté de la porte d'entrée le

11 long du mur juste à côté de la porte d'entrée.

12 Q. Et dans quelle position était la porte ? Elle était ouverte, mais

13 entrebâillée, totalement close ?

14 R. Pendant qu'on entrait à l'intérieur du hangar, la porte était ouverte.

15 Alors qu'après, elle était tout le temps entre ouverte, elle n'était pas

16 tout à fait ouverte.

17 Q. Est-ce que vous pouviez entendre ce qui se passait à l'intérieur

18 toutefois ?

19 R. Bien sûr que oui. Nous pouvions entendre les coups, des coups, des

20 cris, des cris au secours, des gémissements, des hurlements, de l'ennemi

21 aussi des injures prononcés par l'ennemi. En fait, je pouvais entendre que

22 les os craquaient sous les coups, les os des hommes qui étaient battus.

23 Q. Vous avez mentionné antérieurement que le tabassage avait duré deux

24 heures à peu près, si j'ai bonne mémoire. Je vais vérifier sous le

25 transcript. Donc, cela a duré pendant lequel vous étiez dehors et pendant

26 lequel vous pouviez entendre ces coups; est-ce que je me trompe, j'ai bien

27 compris votre témoignage ou pas ?

28 R. Voyez-vous, lorsque je vous parle de ces deux heures peut-être même

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1 deux heures trente, je vous parle du passage à tabac à partir du moment où

2 on est passé par cette double haie jusqu'à l'entrée. Donc, les premières

3 personnes qui étaient entrées, les premières c'étaient celles qui avaient

4 été assénées de coups le plus longtemps, mais l'entrée aussi donc le

5 passage par la double haie, ensuite la fouille, tout ceci a duré un certain

6 temps aussi.

7 Q. Plus précis effectivement. Je vous remercie de cette précision. Et vers

8 quelle heure approximativement pensez-vous que les coups à l'intérieur du

9 hangar ont cessé si tant est qu'ils aient cessé d'ailleurs ?

10 R. Oui, les coups ont cessé, mais encore une fois, je n'avais pas de

11 montre sur moi. Mais je pourrais vous dire que, d'après la lumière du jour,

12 il faisait encore jour lorsque les coups ont cessé, disons peut-être que

13 c'était vers la tombée de la nuit.

14 Q. Merci. En dehors des coups et des bruits que vous entendez à

15 l'intérieur du hangar, est-ce que vous avez entendu d'autres bruits pendant

16 que vous attendiez dehors qui ont pu attirer votre attention?

17 R. Je me souviens d'un sifflet, comme un sifflet qu'un arbitre de foot a,

18 et si je me souviens bien, ce sifflet indiquait une relève ou des ordres

19 donnés car j'imagine que ces derniers ne pouvaient pas donner des coups

20 tout le temps. Il y avait donc des groupes qui donnaient des coups,

21 d'autres qui attendaient. Ils se relayaient. C'est un peu imprécis dans mon

22 esprit. J'ai entendu ce sifflement lorsque j'étais à l'extérieur du hangar.

23 Donc, il m'est assez difficile de vous dire s'il s'agissait réellement de

24 sifflet qui indiquait le changement de relève, mais j'avais vraiment

25 l'impression que ce coup de sifflet indiquait un changement de relève.

26 Q. Merci. Et à l'extérieur du hangar, est-ce que vous avez entendu des

27 bruits qui ont attiré votre attention ?

28 R. Voyez-vous, j'ai entendu une espèce de bruit comme si un véhicule, un

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1 char ou une excavatrice se déplaçait. Il y avait donc un bruit de moteur.

2 Q. Est-ce que vous avez demandé ce que c'était ?

3 R. Oui, à un moment donné, alors que je me trouvais à l'extérieur et que

4 je parlais avec Stuka, je lui ai demandé ce qui allait advenir avec toutes

5 ces personnes. Il m'a dit qu'elles seraient tuées. Ensuite, j'ai demandé :

6 qu'est-ce que c'est ce

7 bruit ? Il m'a dit que c'étaient les excavatrices qui étaient en train de

8 creuser des trous. Alors, c'est ce que j'ai pu obtenir en lui parlant comme

9 information. Mais je ne peux pas vous dire d'avoir vu plus que ceci, donc,

10 je n'ai rien vu de plus mais je vous dis ce qu'il m'a dit.

11 Q. Je vous remercie. Qu'est-ce que vous avez discuté d'autre avec Stuka

12 quand vous étiez dehors ?

13 R. Stuka avait vu que j'avais des bottes, des bottes qu'eux appelaient les

14 Zenga. Il s'agissait de bottes, disons de bottes de montagne, des bottes

15 que l'on appelait les canadiennes qui étaient fabriquées l'usine de

16 chaussures Borovo. Et comme le temps froid arrivait, ces bottes étaient

17 assez pratiques puisque, dans cette usine, il y avait un très grand nombre

18 de bottes. Donc, lui, il m'a proposé d'enlever mes bottes, et moi, j'ai

19 enlevé mes bottes. Il y avait énormément de vêtements sur une pile, et je

20 ne voulais pas trouver la mort, à cause des Zenga, de ces bottes. Donc, je

21 lui ai remis mes bottes, il m'a trouvé d'autres bottes de cette pile de

22 vêtements et de chaussures, donc, il m'a donné des bottes.

23 Il m'a donné aussi un vieux blouson, et je me souviens qu'il a

24 également vu une bague, une bague que je portais au doigt car, lorsque je

25 suis entré dans -- je suis passé par cette haie, je n'ai pas donné ma bague

26 ou mon alliance, je leur avais remis la chaîne que je portais autour du

27 cou, ils ont pris également les photos de ma femme, et cetera. Il a dit :

28 "Ce serait mieux que tu t'enlèves cette bague et place-là ici sinon les

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1 Chetniks vont te couper le doigt à cause de cette bague." Alors, moi, j'ai

2 enlevé cette bague et je lui ai dit : "Prends ma bague, c'est mieux que tu

3 portes cette bague plutôt que de jeter cette bague comme ça sur ce tas de

4 vêtements."

5 Au début, il ne pouvait pas prendre ma bague. Ensuite, je lui ai

6 supplié, j'ai dit : "Allez, je t'en supplie, c'était mon alliance de

7 mariage." Et je lui ai dit : "Tu auras peut-être la chance de me rendre

8 cette bague ou cette alliance." Et je me souviens qu'il l'a prise ses

9 doigts toutefois étaient plus gros que les miens et il n'a pas pu porter

10 mais il a essayé quand même de porter la bague et il n'a pas pu la mettre

11 sur son doigt où l'on porte normalement une alliance, mais sur le petit

12 doigt.

13 Q. Pourquoi avez-vous enlevé vos bottes ? Vous avez indiqué, je crois, que

14 vous ne vouliez pas être tués à cause de ces bottes, vous pouvez nous

15 expliquer pourquoi ?

16 R. Ce n'était pas bien d'être reconnu comme des Zenga. Zenga est une

17 abréviation de ZNG et ceci veut dire Zbor Narodna Guarde qui veut dire

18 Rassemblement de la Garde nationale. Et eux, ils avaient une certaine

19 vision, si vous voulez, des bottes, ils pensaient que toutes les personnes

20 qui portaient ce genre de bottes-là étaient des membres des ZNG; ceci ne

21 correspondait pas du tout à la vérité. C'est que ces bottes étaient chaudes

22 et que tout le monde se servait de ces bottes-là -- enfin, les portaient.

23 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous êtes à nouveau entrer dans le hangar

24 ?

25 R. Nous sommes entrés dans le hangar. Lorsque le tabassage a cessé,

26 ensuite, ils ont formé un certain groupe et il fallait -- ils appelaient

27 des noms. Nous sommes entrés dans le hangar. Il y avait soit des boites ou

28 une petite table, en tout cas, un endroit où se trouvaient les officiers de

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1 la JNA ou l'armée et c'est là qu'ils prenaient les noms des personnes.

2 Q. Je vous remercie. Et quelle était la situation dans le hangar ? Quel

3 était l'état dans lequel étaient les prisonniers ?

4 R. Voyez-vous, je n'ai pas énormément porté attention sur ce qui se

5 trouvait à l'intérieur, mais j'ai pu quand même observer qu'il y avait des

6 personnes qui étaient allongées par terre. Il y avait des personnes qui

7 gémissaient, qui pleuraient. J'ai vu d'autres personnes debout. Je ne peux

8 pas vous dire si ces personnes qui étaient par terre étaient mortes ou si

9 elles étaient par terre à cause des coups qu'elles avaient reçus, mais il y

10 avait un très grand nombre de personnes qui étaient allongées par terre.

11 Q. Je vous remercie. Après avoir donné votre nom - et je me réfère au

12 groupe de -- à ce groupe de sept personne dont vous faisiez partie - après

13 avoir donné votre nom, disais-je, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous êtes

14 resté, vous êtes partie ?

15 R. On nous a fait sortir de nouveau devant le hangar et, à ce moment-là,

16 un véhicule est arrivé. Il me semble que le véhicule était de couleur

17 blanche. Ensuite, lorsque je suis entré dans le véhicule, j'ai vu qu'il y

18 avait des espèces de boites de pain, dont je me suis dit, que c'était un

19 véhicule de boulanger, et c'est là que l'on nous a emmené d'Ovcara, que

20 l'on est parti d'Ovcara. Il ne faisait pas tout à fait ni jour ni nuit,

21 c'était entre les deux. C'était la tombée de la nuit.

22 Q. Merci.

23 M. DUTERTRE : J'aimerais afficher la pièce 65 ter portant le numéro 65 ter

24 2521. Je répète 2521, page 22.

25 Q. Monsieur Karlovic, est-ce que vous pouvez nous indiquer qu'est-ce que

26 cette image représente ?

27 R. Oui, je vois maintenant qu'il s'agit du hangar d'Ovcara.

28 M. DUTERTRE : Mme l'Huissière pourrait venir vous prêter son aide et

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1 j'aimerais que vous marquiez avec un cercle le hangar où vous êtes rentré

2 où les prisonniers étaient mis.

3 Q. Et que vous mettiez la lettre A à côté.

4 R. Voilà, donc, je vous trace un cercle ici.

5 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez maintenant indiquer l'endroit

6 où les cinq ou six bus étaient garés et mettre la lettre B ?

7 R. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Est-ce que vous pouvez marquer avec une croix l'endroit où vous avez vu

9 Stuka pour la première fois ? Encerclez cette croix et mettre la lettre C,

10 s'il vous plaît.

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 Q. Et en essayant d'éviter les surcharges, peut-être que vous aurez besoin

13 de faire ça avec une flèche, indiquez l'endroit où vous avez attendu dehors

14 avec le groupe de sept personnes, lorsque vous étiez gardé par Stuka,

15 mettre une croix, un cercle et la lettre D.

16 R. Où avez-vous dit que vous vouliez la flèche, je n'ai pas bien compris ?

17 Q. -- c'est suffisamment clair, je pense, comme ça, il n'y a pas de

18 surcharge. Parfait. Donc, la croix mentionne l'endroit où vous étiez en

19 dehors du hangar. Je vous remercie.

20 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, j'aimerais déposer cette pièce comme

21 élément de preuve.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 276.

24 M. DUTERTRE : Je vous remercie. Monsieur le Président, je crois que c'est

25 peut-être le moment de la pause, je n'en sais rien.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : -- alors, on va faire une pause. D'après mes

27 calculs, vous avez utilisé une heure 50, donc, à la reprise, il vous

28 restera 40 minutes.

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1 M. DUTERTRE : Entendu, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous faisons une pause de 20 minutes.

3 --- L'audience est suspendue à 11 heures 51.

4 --- L'audience est reprise à 12 heures 14.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Nous allons

6 normalement pouvoir terminer l'interrogatoire principal.

7 Monsieur le Procureur.

8 M. DUTERTRE : -- Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Karlovic, j'ai encore beaucoup de questions.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste dix secondes, s'il vous plaît. Je demande

11 à ce que vous demandiez au Greffe de délivrer une attestation pour ce qui

12 est de la réception du message par Marina Raguz du message qu'on dit lui

13 avoir envoyé. Elle a, à 20 heures 5 minutes, été à la maison et elle n'a

14 pas pu confirmer réception de ce message. C'est ce que j'ai appris dans un

15 contact téléphonique. Donc, qu'ils vous apportent la preuve que cela a été

16 fait vendredi, comme ils affirment l'avoir fait.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- remet ça à tout à l'heure.

18 Continuez, Monsieur le Procureur.

19 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

20 Q. Monsieur Karlovic, on a si peu de temps, j'ai beaucoup de question. Je

21 vous demanderais de bien écouter mes questions et de répondre de façon

22 concise. Une fois que vous avez quitté Ovcara avec le groupe de sept

23 personnes, où êtes-vous arrivé -- où êtes-vous

24 allé ?

25 R. Depuis Ovcara, on nous a d'abord emmené pour peu de temps à Velepromet,

26 et peu de temps après, on est allé à Modateks qui est une usine textile.

27 Q. A Modateks, qui était présent ?

28 R. A Modateks, il y avait essentiellement des civils, des femmes, des

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1 enfants, des personnes âgées et il y avait des soldats de la JNA là-bas.

2 Q. Qu'est-ce qu'ont fait Stuka et les soldats qui vous accompagnaient une

3 fois que vous étiez à Modateks ?

4 R. Ils étaient tout le temps avec nous. Ils nous gardaient puis ils nous

5 ont remis à qui de droit à Modateks.

6 Q. Une fois qu'ils vous ont remis à qui de droit et j'imagine que c'est

7 des soldats de la JNA, qu'ont-ils fait ?

8 R. A un moment donné, j'ai demandé à Stuka s'il pouvait rester avec moi

9 jusqu'à ce que je n'aboutisse à un endroit sûr, mais lui, il m'a dit qu'il

10 devait -- qu'il devait continuer et il est parti avec les autres soldats de

11 Modateks, les soldats qui nous ont emmenés.

12 Q. Je vous remercie. Pendant la nuit, qu'est-ce qui s'est passé ?

13 R. Pendant la nuit, il est arrivé à Modateks un groupe de Chetniks et ils

14 ont demandé ce qu'on faisait là, pourquoi on était là, qu'on ne pouvait pas

15 rester là et qu'on viendrait nous chercher au matin.

16 Q. Quand vous dites qu'ils ont dit qu'est-ce qu'on faisait là, vous vous

17 référez au groupe de sept personnes dont vous faisiez partie ou à

18 l'ensemble des personnes qui étaient là, y compris les femmes et les

19 enfants ?

20 R. Je me suis référé au groupe dont nous faisions partie, nous sept.

21 Q. Est-ce que vous en avez reconnu, comme vous avez vu -- ou de ces

22 individus antérieurement de ces Chetniks ?

23 R. J'en ai reconnu un, suite à tous ces événements.

24 Q. Est-ce que vous pouvez être plus précis -- détaillé ?

25 R. Celui qui est venu à Modateks, c'est quelqu'un que j'ai vu à la caserne

26 de Vukovar et je l'ai vu à Ovcara. Je l'ai vu donc là-bas et il était un

27 peu plus grand de taille que moi-même. Il portait la moustache, il avait

28 des insignes chetniks : cocarde, couvre-chef.

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1 Q. Est-ce que vous avez appris son nom ?

2 R. Je vais être sincère. Il y a deux noms que j'ai gardés en mémoire. Je

3 ne sais pas pourquoi ni comment l'un de ses noms c'est l'un des, enfin

4 c'est l'un des deux. Je ne sais pas si c'était "Topala" ou "Budza."

5 Q. Quand vous dites "Topala ou Budza," c'était la personne chetnik à

6 laquelle vous -- que vous mentionnez juste antérieurement ?

7 R. J'ai dit "Bulidza. Bulidza, oui, c'est cela.

8 Q. Et est-ce que cette personne Topala ou Bulidza - excusez ma

9 prononciation - a dit quelque chose de particulier ?

10 R. Ce dont je me souviens c'est qu'il avait demandé comment il se faisait

11 qu'on soit là. Puis des gens originaires de Vukovar leur ont expliqué d'où

12 on était arrivé, et à un moment donné il a dit qu'il nous abattrait et

13 qu'il abattrait aussi celui qui nous avait amené jusqu'à Modateks.

14 Encore, autre chose que j'ai gardé en mémoire, cet homme a déclaré - je ne

15 suis pas certain - je pense que c'est au matin que ça c'était dit parce

16 qu'après le soir, ils sont revenus au matin à Modateks et il a déclaré que

17 toute cette nuit-là, il avait tué et c'est en raison de ce contexte que

18 j'ai gardé à l'esprit le fait que ça été dit lorsqu'ils sont revenus. Donc,

19 il avait voulu dire qu'il a dû tuer pendant toute la nuit et qu'il pouvait

20 aussi bien continuer et nous tuer nous autres aussi.

21 Q. Vous avez dit qu'au matin, ils sont revenus -- je -- que j'en déduis

22 que vous avez passé la nuit Modateks complètement. Le matin, est-ce que

23 vous êtes reparti avec ces Chetniks ?

24 R. Oui. Non, plutôt. Quand ils sont revenus le matin à Modateks, il y

25 avait un groupe de soldats qui étaient commandés par un réserviste de la

26 JNA et il me semble que son surnom était Deda. Deda veut dire grand-père,

27 et donc, le surnom vient de son âge. Ils sont venus donc nous chercher.

28 Deda a dit qu'il fallait qu'on nettoie toute cette salle et qu'après, on

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1 pourra nous mettre à disposition.

2 Q. Une fois que vous avez nettoyé la salle, qu'est-ce qui s'est passé

3 quand vous avez eu fini ?

4 R. Quand on a nettoyé, le dénommé Deda a organisé plusieurs soldats pour

5 qu'ils nous déplacent depuis Modateks, et en colonne un par un, on est

6 arrivé à Velepromet qui d'après mes souvenirs se trouvaient relativement

7 près de Modateks.

8 Q. Et pourquoi a-t-il décidé de vous envoyer à Velepromet, le dénommé Deda

9 ?

10 R. Il a même dit qu'il nous envoyait là-bas pour que les autres puissent

11 revenir et nous abattre. Deda c'était quelqu'un qui me semblait être tout à

12 fait ok qui était tout à fait correct à notre égard.

13 Q. Je me demande si -- est-ce que vous pourriez répéter votre réponse ? Je

14 me demande s'il n'y a pas un problème de traduction. Est-ce que vous avez

15 dit qu'il vous a envoyé là-bas pour que les autres puissent revenir et vous

16 abattre ? Est-ce que c'est ce que vous avez dit ? C'est ce qui est dans la

17 traduction en anglais.

18 R. Non. J'ai dit que Deda nous a emmenés là-bas afin que les autres ne

19 nous abattent pas, ceux qui allaient revenir, les Chetniks. Donc, il

20 voulait nous enlever, nous mettre à l'écart des Chetniks qui avaient menacé

21 de nous tuer.

22 Q. Bien entendu, c'est clair. Quand vous êtes arrivé à Velepromet, qui

23 était présent du côté pour simplifier ennemi ?

24 R. J'ai vu la police militaire de la JNA. J'ai vu des membres de la

25 Défense territoriale et c'étaient eux qui prédominaient.

26 Q. Et à Velepromet, est-ce que vous dites que c'étaient eux qui

27 prédominaient, est-ce qu'il y avait d'autres soldats appartenant à d'autres

28 groupes que la JNA et la police militaire ?

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1 R. J'ai compris par la suite qu'il y en avait d'autres, les formations de

2 Chetniks faisaient sortir les gens des pièces où l'on se trouvait.

3 Q. Vous venez de mentionner des pièces où vous vous trouviez. Vous avez

4 donc été mis dans un endroit, dans un building, dans une maison; est-ce que

5 vous pouvez nous décrire cela ?

6 R. Disons qu'il s'agissait d'une maison plutôt d'un entrepôt, comment

7 expliquer. Par la suite, j'ai appris qu'ils appelaient ça Stolarija, à

8 savoir la menuiserie. En arrivant à Velepromet quand on va tout droit à 50

9 ou 60 mètres on tombe sur cette pièce. Ils ont appelé ça la menuiserie. Il

10 y avait là une porte et je suis entré par cette porte pour aller vers la

11 gauche. Cette menuiserie comportait plusieurs pièces notamment.

12 Q. Comment avez-vous appris que c'était la menuiserie, c'est quelqu'un qui

13 vous l'a dit, vous l'avez su plus tard ?

14 R. Je l'ai appris relativement tard. Je ne le savais pas sur le coup.

15 Q. Qui vous l'a appris ?

16 R. Je ne sais pas trop. A mon avis, lorsque je suis venu au procès ici, à

17 la première ou deuxième audition, j'ai appris que ça s'appelait Stolarija,

18 à savoir la menuiserie. Jusque-là, je pensais que c'était une maison comme

19 les autres.

20 Q. Je vous remercie.

21 M. DUTERTRE : J'aimerais afficher la pièce 65 ter 7182. Je répète, 7182.

22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Procureur, pendant que

23 nous attendions cette pièce à conviction sur nos écrans, j'aimerais que

24 vous exploriez davantage un point avec le témoin, ce n'est pas tout à fait

25 clair. Combien de personnes a-t-on pris de Ovcara pour les emmener à

26 Velepromet et à Modateks, ensuite ? Est-ce qu'il n'y en avait que sept de

27 ces personnes qui ont été sorties ou sauvées, ou est-ce qu'il y en a eu

28 d'autres -- d'autres prisonniers qui sont sortis du hangar pour être

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1 emmenés ? Donc, quelle était la taille du groupe qui a été pris pour être

2 emmené vers Ovcara ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que, dans mon groupe, on était sept;

4 par la suite, je ne sais pas; il y en a eu peut-être d'autres qui ont été

5 sauvés ou qui ont pu fuir, je ne sais pas.

6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous avez rencontré par la

7 suite quelqu'un à la ferme d'Ovcara une fois de plus après votre départ ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez parler des gens qui ont pu se

9 sauver comme moi ?

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'en ai vu, j'en ai rencontré.

12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous avez rencontré de

13 ceux qui n'auraient pas été sauvés à côté de vous, donc, en sus des sept ?

14 Donc, ma question est celle de savoir : est-ce que vous avez revu les

15 personnes qui ont quitté le hangar ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : On a la photo 7182. Monsieur le Procureur,

19 expliquez-nous d'où vient cette photo; qui l'a prise ?

20 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je dois reconnaître très honnêtement

21 que je ne sais pas qui a pris cette photo, ni quand elle a été prise. Je

22 m'intéresse essentiellement à la configuration des lieux.

23 Q. Monsieur Karlovic, est-ce que vous pouvez nous dire qu'est-ce que

24 représente le bâtiment principal qui est au milieu de la

25 photo ?

26 R. C'est le bâtiment Stolarija, la menuiserie dont je parlais tout à

27 l'heure.

28 Q. Monsieur Karlovic, est-ce que vous pouvez prendre le crayon et indiquer

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1 si c'est possible l'endroit dans ce bâtiment où vous étiez détenu, faire

2 une croix et mettre la lettre A.

3 R. [Le témoin s'exécute]

4 Q. Je vous remercie.

5 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, j'aimerais verser cette pièce au

6 dossier.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P277, Monsieur le

9 Président.

10 M. DUTERTRE : Je vous remercie.

11 Q. Monsieur Karlovic, combien de fois êtes-vous resté dans cette pièce ?

12 R. Plusieurs heures, j'y suis resté pendant plusieurs heures, au minimum

13 trois heures.

14 Q. Je vous remercie. Qui avait-il dans cette pièce ?

15 R. Il y avait d'autres détenus, des gens comme moi. Il y avait plusieurs

16 personnes même jusqu'à une vingtaine dans cette pièce.

17 Q. Est-ce que vous pouvez nous dires s'il s'agissait de femmes, d'enfants,

18 d'hommes ?

19 R. Je me souviens que c'était dans la majorité des hommes. Je me souviens

20 aussi d'un jeune homme, un garçon qui n'avait pas plus de 15 ans, j'en suis

21 certain, 13, 14.

22 Q. Je vous remercie. Est-ce qu'il s'agissait -- est-ce que vous avez vu

23 des gens en uniforme, ou ils étaient tous en civil ? Est-ce que vous pouvez

24 décrire leur vêtement ?

25 R. Ces gens dans cette pièce, ils étaient tous en vêtement civil.

26 Q. Et quelle était leur origine ethnique ?

27 R. Je pense que c'était dans la majorité des Croates. Cela étant dit, je

28 viens de parler de ce garçon 13, 14 ans, comme il a été tué ce jour-là à

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1 Velepromet. Plus tard, son frère est venu me voir à Zagreb, quand j'étais

2 libéré, et j'ai appris qu'ils étaient mixtes de par leur appartenance

3 ethnique. Ils n'étaient pas purement des Croates.

4 Q. Je vous remercie. Pendant cette période pendant laquelle vous étiez

5 dans cette pièce, vous avez déjà un peu anticipé sur la question; qu'est-ce

6 qui s'est passé ? Est-ce que vous pouvez décrire ce qui est arrivé ?

7 R. Dans cette pièce entraient des Chetniks, donc, des membres des Unités

8 chetniks, et ils faisaient sortir des gens dehors -- en dehors de cette

9 pièce. Je ne me rappelle pas exactement sur-le-champ, mais d'après mes

10 souvenirs, je pense qu'à peu près trois personnes ont été sorties avant

11 qu'on ne me fasse sortir moi-même.

12 Q. Est-ce que ces personnes sont sorties ensemble, ont été extraites ou

13 séparément par les Chetniks ?

14 R. Je me souviens que c'était un par un.

15 Q. Est-ce que vous avez le souvenir de la première personne qui a été

16 sortie ?

17 R. La première personne je ne me rappelle pas exactement là, mais j'avais

18 20 ans à l'époque, donc, il me semblait que cet homme était plus âgé que

19 moi, la quarantaine, un homme qu'on a fait sortir à ce moment-là.

20 Q. Et est-ce que vous savez su ce qui lui est arrivé ?

21 R. Je n'ai pas appris. On pouvait à peu près entendre le début des

22 conversations entre les Chetniks et les gens qu'on avait extrait, ce que je

23 sais c'est que, par la suite, j'ai appris que tout un chacun qui a été

24 sorti, que j'étais le seul d'entre eux qui est revenu en vie dans cette

25 pièce.

26 Q. Entendu. Est-ce que vous avez le souvenir de la seconde personne qui a

27 été extraite de votre pièce par les Chetniks ?

28 R. Franchement, je vais vous dire que ça m'est difficile maintenant de me

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1 rappeler dans l'ordre ces choses-là. J'ai en tête qu'on a extrait Perkovic,

2 mais je dois reconnaître que je ne suis pas tout à fait certain de cela. Et

3 je sais qu'on a fait sortir ce jeune homme, ce garçon dont je viens de

4 parler.

5 Q. Est-ce que vous avez indiqué que vous pouviez entendre le début de la

6 conversation entre les Chetniks et les personnes qui sortaient. Est-ce que

7 vous avez entendu autre chose ensuite, une fois que ces trois personnes

8 étaient sorties les concernant ?

9 R. On entendait -- moi, j'ai entendu, par exemple, ce garçon, on lui a

10 dit, d'enlever des vêtements complètement, de se déshabiller, j'ai entendu

11 quand ils ont commencé à le frapper, j'ai entendu ses appels au secours :

12 "Non, Monsieur, ne fais pas ça. Ça me fait mal." Puis je suppose qu'on l'a

13 emmené derrière cette pièce où on était, donc, la voix se perdait un petit

14 peu. Mais pratiquement tout le temps on entendait, et pendant une dizaine,

15 une quinzaine de minutes, il y avait des gémissements, des cris, on

16 entendait comme des coups de feu de pistolets automatiques, ou quelque

17 chose de ce genre, et c'est là que ça se terminait. Comment dirais-je ? Ces

18 cris, ce remue ménage ça s'est terminé là.

19 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous entendiez tout cela

20 ? Vous étiez dans une pièce et ces personnes étaient mises à l'extérieur.

21 Comment vous était-il possible d'entendre ce qui se passait une fois que

22 les personnes étaient sorties ?

23 R. Il y avait une fenêtre sur cette pièce, une fenêtre, et tout cela se

24 passait assez près et les voix étaient fortes. Et on avait donc une fenêtre

25 dans la pièce.

26 Q. Est-ce que vous avez revu l'une ou l'autre de ces trois personnes par

27 la suite qui ont été sorties, est-ce que vous les avez revues vivantes ?

28 R. Non. Non.

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1 Q. Juste un point de détail que j'avais oublié de mentionner. Vous étiez

2 tous de votre groupe, les sept, dans cette même pièce, à gauche, dans le

3 "carpentry workshop." Ou vous aviez été séparés ? Vous étiez encore le même

4 groupe tous ensemble dans la pièce ? Et ça composait les 20 personnes de la

5 pièce, ou est-ce que vous pouvez nous préciser ça ?

6 R. Ecoutez, d'après ce dont je me souviens et ce que j'ai en tête, on

7 n'était pas tous dans cette même pièce, me semble-t-il.

8 Q. Et vous saviez où étaient les autres de ce groupe de sept, où ils

9 avaient été mis ?

10 R. Je supposais qu'ils étaient dans une autre pièce qui se trouvait là

11 parce qu'on entendait des voix de cette autre pièce. On entendait ces voix

12 aussi lorsqu'on faisait sortir des gens. En fait, moi, je les ai entendus.

13 Je dois parler en mon nom propre.

14 Q. Je vous remercie. Vous nous avez dit que vous avez été sorti. Est-ce

15 que vous pouvez nous dire ce qui vous est arrivé ?

16 R. Ils sont venus me chercher, c'était au crépuscule, un groupe de

17 Chetniks est arrivé, qui, pendant la journée, n'avait jamais pris part à

18 ces extractions de gens. Ils étaient trois, et ils m'ont dit qu'ils

19 allaient emmener à un interrogatoire chez le commandant; cependant, sur le

20 champ, j'ai su que ce n'était pas vrai. Et ils m'ont emmené. Il y en avait

21 un qui pointait son fusil sur moi; il y en avait un qui avait un

22 Kalachnikov. Et puis, le plus grand d'entre eux, son surnom était Belgija,

23 il m'a mis le bras autour de mon épaule et il me forçait à chanter des

24 chants croates et il m'a emmené près du chemin de fer, et à une centaine de

25 mètres un véhicule est arrivé et on est monté dans ce véhicule.

26 Q. Et vous avez mentionné le chemin de fer. Par rapport à Velepromet,

27 c'était loin de Velepromet, proche de Velepromet, ce chemin de fer, où la

28 voiture est venue et vous a emmené ?

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1 R. Je suis sorti par une sortie arrière et ce chemin de fer était

2 pratiquement à côté de Velepromet, c'était près de la route.

3 Q. Où est-ce que la voiture vous a emmené ?

4 R. J'ai été emmené au mont Petrova, dans une maison où il y avait des

5 Chetniks.

6 Q. Il y avait combien de Chetniks dans cette maison ?

7 R. D'après mes estimations, une vingtaine.

8 Q. Cette maison était loin de Velepromet ? Combien de temps ça durait le

9 trajet ?

10 R. Ça n'a pas duré longtemps ce trajet. Peut-être deux ou trois minutes à

11 bord du véhicule pour atteindre la maison.

12 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez appris les noms de l'un ou

13 l'autre de ces Chetniks qui étaient présents dans cette maison, cette

14 vingtaine de Chetniks ?

15 R. Je me souviens de Belgija, cet homme, et puis, un autre qui était avec

16 lui, on l'appelait Cedo, et il y a deux noms pour lesquels je ne suis pas

17 certain. Et il y avait le plus âgé des Chetniks d'entre eux et il me semble

18 qu'il était Miljan ou Smiljan, et quelque chose de cet ordre. Et une femme,

19 je ne sais pas si elle était Darca, ou Arca, quelque chose comme ça. C'est

20 ça les noms que j'ai à l'esprit maintenant.

21 Q. Et comment avez-vous appris ces noms ?

22 R. Belgija il s'est présenté tout seul, c'est comme ça qu'il s'est

23 présenté, et j'ai entendu dans la conversation qu'on appelait l'autre Cedo

24 et puis les autres noms je les ai entendus de leur propre bouche. Belgija

25 il s'est présenté à moi.

26 Q. Je vous remercie. Qu'est-ce qui s'est passé une fois que vous êtes

27 entré dans la maison ?

28 R. Dès que je suis entré dans la maison, il y avait une espèce

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1 d'enthousiasme généralisée d'euphorie, Belgija m'a craché au visage, et il

2 m'a dit - je ne sais pas si j'ai le droit d'être vulgaire dans ce prétoire,

3 ou est-ce que je dois dire ce qu'on m'a dit -

4 Q. Ce dont vous vous souvenez, mais sous contrôle de M. le Président.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Dites ce que vous avez entendu.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a dit quand il m'a craché au visage : "Ma

7 chatte on va te niquer ta mère, tu verras ce que les Chetniks sont capable

8 de faire."

9 M. DUTERTRE :

10 Q. Et après ces paroles, que vous est-il arrivé ?

11 R. Après cela, on m'a installé dans une position assise, disant devant

12 cette table à peu près, au milieu de la table, la table avait peut-être

13 quatre mètres de long, et autour de la table, tous les Chetniks étaient

14 installés; sur ma gauche il y avait Belgija, sur ma droite ce Chetnik plus

15 âgé. Je ne me rappelle pas exactement ce Smiljan ou Milan. Et derrière moi

16 le fusil pointé contre ma nuque il y avait Cedo, et les autres étaient

17 autour de la table, et en face, j'avais cette femme.

18 Q. Et quel traitement avez-vous reçu ?

19 R. En réalité, tout de suite, ils ont commencé à me torturer. Ils m'ont

20 demandé d'où j'étais originaire, ce que je faisais, qui j'étais, ils n'ont

21 pratiquement pas cessé de me frapper. Puis ils m'ont enlevé des vêtements

22 jusqu'à la taille, donc j'étais nu jusqu'à la taille, et puisqu'il est

23 arrivé aussi c'est que j'avais un tee-shirt noir, tee-shirt en manches

24 courtes sous ces vêtements, et tout de suite, ils ont dit que j'étais une

25 chemise noire, Oustacha, ça les a enragés, et puis, la torture a commencé

26 petit à petit.

27 Q. Très brièvement, est-ce que vous pouvez nous dire en quoi consistait

28 cette torture ?

Page 4746

1 R. Il faut savoir que quand ça a commencé dans un coin dans cette pièce

2 était assis un homme qui leur a dit à eux, mais pourquoi faites-vous ça ?

3 Il leur a demandé pourquoi ils le faisaient et il y a eu même une

4 altercation entre eux et Belgija a répondu à cet

5 homme : "Si tu ne veux pas prendre part à ça, sors et cet homme est sorti

6 de la maison." Et après, tout d'abord, à Kompolike [phon], ils ont essayé

7 de me brûler les tétons, les cheveux, j'avais un petit peu de barbe parce

8 que ça faisait plusieurs jours que je ne m'étais pas rasé. Ils ont essayé

9 de mettre feu à ça avec leur briquet, mais comme c'était -- le temps était

10 un peu humide, ils n'arrivaient pas à mettre le feu. Et il avait des

11 bougies sur la table, Belgija a pris une bougie et avec cette --- cette

12 bougie, il l'a posée contre mon oreille, mes cheveux, mon bras, puis à un

13 moment donné, comme je n'étais pas ligoté, je n'étais pas attaché,

14 instinctivement, j'ai réagi -- donc, instinctivement, j'ai fait tomber la

15 bougie par terre, puis Smiljan, qui était à droite, il est devenu furieux.

16 Il a pris une bouteille sur la table, il l'a brisé contre ma tête et il m'a

17 coupé le bras droit et le dos. Puis comme j'étais assis sur cette chaise,

18 Belgija a repris une chandelle et il a commencé à brûler le téton avec

19 cette bougie. Et tant que j'ai pu endurer, j'ai enduré, puis je n'ai pas

20 pu, et donc, j'ai commencé à hurler, à bouger avec des bras, puis ils ont

21 commencé à me frapper. Je suis tombé. Je me suis renversé de la chaise,

22 puis ils m'ont redressé et ils se sont remis à me frapper, mais ce qui

23 s'est passé, à ce moment-là, c'est que des personnes sont rentrées dans la

24 pièce et ce sont des gens qui par la suite m'ont sauvé.

25 Q. Est-ce que vous pouvez décrire comment ils vous ont sauvé brièvement ?

26 R. Si je puis juste ajouter quelque chose.

27 Q. -- allez vite.

28 R. Pendant ces tortures, cette femme elle -- elle essayait de les

Page 4747

1 persuader de me violer. Elle disait qu'elle allait me couper mes organes

2 génitaux et que, dans la cour, ils allaient m'égorger. Elle leur disait

3 qu'ils m'égorgent dans la cour, et elle -- elle était assez obstinée en

4 essayant de les convaincre de me violer. Nous pouvons poursuivre, excusez-

5 moi.

6 Q. Non, non, je vous en prie. C'est votre témoignage. Vous êtes là pour le

7 -- pour le dire.

8 Comment vous êtes-vous sorti ? Vous avez mentionné que deux hommes étaient

9 rentrés. Est-ce que vous pouvez nous dire brièvement comment -- enfin,

10 qu'est-ce qu'ils ont fait et comment vous vous êtes sorti de cette

11 situation ?

12 R. Deux hommes sont entrés, et par la suite, j'ai appris qui c'était. Et

13 il y a eu une querelle entre l'homme qu'on surnommait Kinez, le chinois.

14 J'avais la sensation que c'était lui la personne en charge entre eux,

15 l'autorité. Il a dit quelque chose du genre : "Mais, Belgija, que fais-tu ?

16 Tu as capturé cet homme au front." Je me souviens qu'il a dit : "Vous êtes

17 tous des jeunes. Pourquoi est-ce que vous salissez les mains avec du sang.

18 Ça suffit. C'est un prisonnier de guerre. S'il est coupable, il faut qu'il

19 soit tenu responsable." Mais Belgija lui a demandé : "Juste celui-ci

20 encore, et puis on arrêtera. On ne fera plus ça."

21 Cependant, Kinez n'a pas laissé tombé, donc, il a fait le tour de la table,

22 et il m'a pris par un bras. Et puis il y avait avec lui, en sa compagnie,

23 un autre. En fait, je sais que c'était un volontaire, mais je ne sais pas

24 s'il était membre des Chetniks ou de la Défense territoriale, mais je sais

25 que c'était un volontaire. Son surnom était Mare. Alors, ces deux étaient

26 armés, et là, il a commencé à y avoir un combat pour me sortir de cette

27 maison. Et à un moment, ils ont réussi à me faire sortir de la maison. Ils

28 m'ont placé dans la cour; cependant, les Chetniks sont ressortis de la

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1 maison dans la cour et le plus agressif était Cedo qui a pointé son arme

2 sur Kinez et sur Mare. Alors, Kinez lui a dit : "Mes frères, ne me forcez

3 pas à tirer, ça n'a plus de sens ce qui est en train de se passer ici."

4 Et puis, par la suite, nous sommes sortis dans la rue et là, j'avais mes

5 mains posées sur la tête à quelques mètres, donc devant eux, j'avançais

6 dans la rue et Mare et Kinez m'ont emmené. Très vite, nous sommes entrés

7 dans une cour, et dans cette cour -- excusez-moi, je suis un peu trop

8 rapide peut-être pour les interprètes.

9 Dans cette cour, c'était déjà la nuit, l'obscurité, et il y avait là --

10 d'après mes estimations, c'était un capitaine ou quelque chose comme ça.

11 C'était un officier dans tous les cas, une femme, et du puits, ils m'ont

12 donné de l'eau et on m'a donné une pomme.

13 Q. [hors micro]

14 R. Il faut savoir que Belgija est revenu dans cette cour après moi et il a

15 demandé à Kinez et à Mare de me remettre à eux encore une fois, mais ils

16 l'ont refusé. Et puis après cela, quelques mètres plus loin, nous nous

17 sommes rendus dans une autre maison où il y avait la police militaire. Et

18 là, il y avait un officier de la police militaire et lui, il m'a accueilli.

19 On m'a donné des -- une sorte de -- en fait, on m'a donné quelque chose à

20 me vêtir -- pour me vêtir parce que j'étais nu jusqu'à la taille. Et cet

21 officier, Mare, le chinois Kinez, et puis deux ou trois autres membres de

22 la police militaire m'ont placé dans un transporteur et on nous a ramené à

23 Velepromet. Et il faut savoir --

24 Q. O.K.

25 R. O.K.

26 Q. Une fois à Velepromet, vous êtes resté, où est-ce qu'on vous a mis dans

27 un --

28 R. On m'a ramené dans la même pièce de laquelle on m'avait sortie --

Page 4749

1 Q. Et combien de temps êtes-vous resté dans cette pièce ?

2 R. Comme j'étais coupé, recouvert de sang et qu'à deux endroits j'avais

3 des coupures à la tête, j'étais tellement fatigué comme si je commençais à

4 m'endormir.

5 Q. Et vous êtes resté longtemps dans cette pièce ou vous êtes allé à un

6 autre endroit ensuite ?

7 R. Dans cette pièce, nous sommes restés, si je me souviens bien, environ

8 deux heures ou peut-être une heure, et je sais qu'il y avait un autre

9 lieutenant qui est entré -- un autre officier, plutôt, qui était entré dans

10 la pièce. Il était petit de taille, assez bâti, et je l'ai entendu dire

11 avec un accent serbe : "Où est cet homme qu'ils ont coupé ?" Alors que,

12 moi, j'étais allongé par terre. Au début initialement, j'avais très peur,

13 je me suis réveillé et j'ai vu que c'était l'armée de la JNA et que ces

14 derniers étaient accompagnés d'un homme qui ressemblait à un membre d'une

15 Unité spéciale qui portait un uniforme et qui était à côté de cet officier.

16 Et il a regardé mes blessures, il a examiné les endroits où j'étais

17 coupé et il a dit à l'autre, à un autre soldat d'aller chercher un médecin.

18 Et je me souviens qu'il avait même dit : "Jusqu'à maintenant, nous nous

19 sommes battus contre les Oustachi, et maintenant, il va falloir rendre --

20 nous battre -- nous battre contre les Chetniks."

21 Ensuite, on m'a mis dans un véhicule. C'était un Opel Omega et je me

22 souviens bien d'un détail que j'ai remarqué. Il y avait une horloge

23 derrière et c'était minuit moins 20.

24 Et donc, avec le soldat avec lequel j'étais, ce soldat de la police

25 spéciale, j'étais derrière et lui, il était assis devant avec le chauffeur.

26 Ensuite, les personnes qui étaient dans la pièce --

27 Q. J'allais revenir à cela : est-ce que les autres personnes vous

28 ont suivi également, qui étaient dans la pièce ?

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1 R. Oui, justement j'allais vous le dire. Pendant que tout ceci m'arrivait

2 cet officier qui était venu d'après ce que j'ai conclu plus tard que

3 c'était de la caserne de Vukovar, il avait organisé que toutes les

4 personnes sortent de cette pièce. Je me souviens que l'autobus qui se

5 trouvait là ne pouvait pas démarrer, alors, les hommes devaient pousser le

6 bus, et ensuite, tous les hommes sont montés à bord du bus. Et avec ce bus,

7 nous avons été emmenés jusqu'à la caserne de Vukovar.

8 Q. Entendu. Où avez-vous passé la nuit ?

9 R. J'ai passé la nuit dans la caserne de Vukovar, dans une pièce. Le

10 lendemain matin, le 22 novembre 1991, nous avons été placés à bord d'un

11 autobus. Encore une fois, tous ensemble, c'était un autobus accordéon et on

12 nous a emmenés à Sremska Mitrovica.

13 Q. Sremska Mitrovica, est-ce que vous pouvez précise ce que c'était ? Vous

14 étiez où à Mitrovica ?

15 R. Sremska Mitrovica se trouve en Serbie, relativement près de la

16 frontière. Moi, j'étais placé dans l'une des pièces de cette prison qui est

17 une prison civile.

18 Q. Vous étiez en prison; combien de temps êtes-vous resté en prison ?

19 R. Six mois.

20 Q. Au bout de six mois, qu'est-ce qui s'est passé ?

21 R. Il y a eu un échange, et j'ai fait l'objet d'un échange.

22 Q. Est-ce que -- quelle destination avez-vous prise ? Où vous vous êtes

23 rendu après l'échange ?

24 R. A Zagreb -- je suis allé à Zagreb.

25 Q. Et une fois à Zagreb, est-ce que vous avez continué à participer à des

26 actions de combat ? Et si oui, lesquelles ?

27 R. J'étais en congé pendant trois ou quatre mois, congé de maladie, et

28 ensuite, je suis retourné sur le front de bataille de Dubrovnik.

Page 4751

1 Q. Vous avez participé à d'autres opérations ?

2 R. Oui. J'étais membre de la 1ère Brigade de Gardes et j'étais un soldat

3 professionnel. J'ai participé à toutes les autres opérations avec mes

4 unités. J'ai participé aux opérations de Dubrovnik et Zadar pendant deux

5 ans. J'ai également pris part aux opérations Eclair et Tempête.

6 Q. Entendu. Lorsque vous êtes venu témoigner la première fois, vous

7 souvenez-vous si vous aviez voyagé avec d'autres témoins ?

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

15 Q. Et est-ce que vous avez discuté du contenu de votre témoignage avec ces

16 autres témoins ?

17 R. Je n'ai pas parlé du contenu du témoignage. Nous avons parlé des

18 événements qui nous étaient arrivés. Nous avons fait des commentaires entre

19 nous, mais je n'ai pas parlé de la teneur de mon témoignage. Je n'aurais

20 pas parlé du mien eux ne m'ont pas parlé du leur non plus.

21 Q. Je vous remercie. Une de mes dernières -- ça fait partie de la dernière

22 question : est-ce qu'avant votre témoignage en 1996 au TPY, vous avez été

23 en contact avec les services de la Sécurité militaire à Zagreb ?

24 R. Bien sûr que oui. En tant que membre professionnel de l'armée croate,

25 je ne pouvais pas non plus partir à l'étranger sans que mes supérieurs en

26 Croatie n'aient connaissance de cela. En tant qu'officier, j'avais

27 l'obligation de dire que je partais dans un pays tiers et quel était le but

28 de ce voyage. Cela faisait partie d'une procédure régulière.

Page 4752

1 Je dois ajouter encore quelque chose. Ce qui est très important c'est

2 que tout ceci se passait peu de temps avant la première fois où je suis

3 venu témoigner, c'est-à-dire avant cela en 1992, 1993 ou 1994, je n'avais

4 pas parlé de ceci à personne. J'avais fait une déclaration une fois dans

5 les bureaux du président de la République, le Dr Franjo Tudjman, et c'était

6 en 1992. En fait, c'était -- le but était de raconter ce qui m'était

7 arrivé. Maintenant, s'agissant de cette déclaration faite dans les bureaux

8 du président de la République, je crois que je n'en avais pas -- je n'ai

9 pas mentionné ce fait dans mes déclarations précédentes.

10 Q. Quand vous avez eu ce contact avec la sécurité militaire, est-ce

11 qu'ils vous ont dit ce que deviez dire devant le Tribunal et ce sur quoi

12 vous deviez témoigner ?

13 R. D'abord, mon récit n'est pas truffé ou n'a rien d'ajouter, rien

14 d'inventer. Ceci est la vérité. C'est exactement ce qui m'est arrivé. Et je

15 suis même allé à Belgrade au tribunal, j'ai témoigné pour un homme qui

16 était un membre des forces ennemies. Je suis vraiment navré de ne pas pu

17 avoir participé, de ne pas pu avoir fait en sorte que l'homme -- les deux

18 hommes soient libérés mais seulement l'un d'eux. Personne ne m'a jamais dit

19 quoi dire. Le mensonge est toujours quelque chose que l'on peut percevoir.

20 Je n'aurais certainement pas voulu que mon histoire qui est tragique, mette

21 en péril des personnes qui ne soient pas responsables. On ne m'a jamais dit

22 quoi dire, on n'a jamais mis des propos dans ma bouche. Et cela n'a été

23 fait jamais par personne.

24 M. DUTERTRE : J'ai une dernière question, si vous m'autorisez.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, dernière question parce que le temps est

26 terminé.

27 M. DUTERTRE : J'en ai bien conscience, c'est pour ça je sollicite votre

28 autorisation.

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1 Q. Monsieur Karlovic, est-ce que le nom du colonel Ivankovic vous évoque

2 quelque chose ? Et si oui, quoi ?

3 R. Lorsque nous étions devant le hangar, une femme est venue également

4 devant le hangar et elle gémissait. Elle pleurait, et elle disait que son

5 fils, qui était un invalide, se trouvait à l'intérieur du hangar, un

6 handicapé, et elle a demandé à l'officier de la JNA de faire sortir son

7 fils handicapé. Il l'a fait entrer dans le hangar. Ils ont sorti ce jeune

8 homme, elle disait qu'il était retardé mental également, et lorsque --

9 qu'il n'était pas en bonne santé et lorsque cette femme et son fils sont

10 partis, je me souviens que cet homme avait dit, "rappelez-vous que cet

11 homme a sauvé la vie de votre fils." Maintenant il y a quelques noms de

12 famille qui se ressemblent, est-ce que c'est Ivankovic, Ivanovic, Jovanovic

13 ? Je ne me souviens plus parce que ces trois noms de famille se ressemblent

14 mais c'est comme ça qu'il lui a dit : "Rappelez-vous que soit donc

15 Ivanovic, Ivankovic ou Jovanovic a sauvé la vie de votre fils."

16 Q. Je vous remercie.

17 M. DUTERTRE : Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président. Peut-

18 être juste une précision sur la vidéo que nous avons vue où il y avait le

19 drapeau, vous vous souvenez. J'ai reçu l'information selon laquelle cette

20 vidéo avait été tournée par Adno Verlinden, à Vukovar, pour SkyNews.

21 L'information que je vous avais donnée était erronée.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

23 Alors Monsieur, votre interrogatoire principal vient de se terminer. Vous

24 reviendrez donc demain pour le contre-interrogatoire. Comme vous êtes

25 maintenant le témoin de la justice, vous n'avez plus aucun contact avec le

26 bureau du Procureur et vous ne devez pas parler de ce que vous avez dit à

27 quiconque, y compris le cas échéant, à des témoins qui seraient dans le

28 même hôtel que vous. Donc, vous pouvez parler de la pluie et du beau temps,

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1 mais pas de l'affaire. Et demain, donc, vous reviendriez pour 8 heures 30

2 puisque l'audience commencera donc demain à 8 heures 30. Voilà. Donc, je

3 vais demander à Mme l'Huissière de vous raccompagner parce que je vais

4 aborder maintenant deux autres sujets avec M. Seselj avant la fin, donc,

5 vous pouvez partir.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, à tous.

7 [Le témoin quitte la barre]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Seselj, premier sujet. Vous

9 avez demandé la preuve du fait que Mme Raguz a été avisée. Alors, je vais

10 donc vous communiquer deux documents qui établissent que Mme Raguz a été

11 donc informée le 3 mars, à 4 heures 52 -- à 16 heures 52, du fait que la

12 procédure serait viva voce. Et donc, il y a un e-mail qui a été adressé par

13 la Juriste de la Chambre à Mme Marina Raguz. Il y a donc son nom. Et

14 également copie de ceci a été envoyé au Greffier de l'audience et également

15 à d'autres personnes de ce Tribunal. Donc, je vais vous remettre cela.

16 Deuxième document. Le lundi, il a été indiqué à 12 heures 16, à Mme Raguz

17 également, que la Chambre avait donc rendu une décision et que le Procureur

18 et vous-même auraient deux heures 30, pour les questions. Voilà.

19 Donc, les deux documents, on va vous les transmettre. Ils sont rédigés en

20 anglais, mais je crois que vous avez quelques connaissances en la matière.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, le 3 mars n'est pas une

22 date qui figure ici nulle part. Je ne vois aucunement la date du 3 mars à

23 aucun endroit. C'est une façon anglaise de rédiger certaines choses - je ne

24 parle pas du tout la langue anglaise, j'entends seulement quelques mots

25 dont je peux -- que je peux reconnaître des fois - donc, en anglais, on

26 écrit d'abord le mois, et ensuite la date. Donc, lorsqu'on voit "3/10," ce

27 n'est pas le 3 mars mais c'est le 10 mars. D'abord, pour vous dire ceci

28 c'est ce qui a été envoyé hier à Mme Marina Raguz.

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1 Ensuite, pour ce qui est de la communication qui a été envoyée le 7 mars,

2 vous savez que c'était lundi de la semaine dernière. Ensuite, c'était

3 mardi, mercredi, et jeudi a suivi pendant trois jours nous avons siégé, et

4 pendant ces trois jours-là, vous me dites que Vilim Karlovic viendra

5 témoigner en tant que témoin 92 ter, et j'étais malheureusement à cause de

6 ceci, je m'en suis plaint. Vous voyez que les informations ne sont pas

7 bonnes.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- n'introduisez pas de confusion. Je vous confirme,

9 parce que j'en ai été le témoin, que la semaine dernière, vendredi, Mme

10 Raguz a été avisée, vous en avez la preuve sous les yeux. Et lundi, lundi

11 c'est le 10 mars, Mme Raguz a également eu l'information que vous auriez

12 deux heures 30, ainsi que le Procureur. Voilà. Voilà ce qui a été fait. Et

13 celle qui a envoyée l'information est devant moi, donc, ne remettez pas en

14 cause des personnes qui ont tout fait pour que vous soyez informé en temps

15 utile. Mme Raguz a été informée vendredi et lundi.

16 Alors, on va améliorer encore l'information. On va faire en sorte que ce

17 soit vous qui recevriez dans les meilleurs délais ce type d'information,

18 alors, on est en train de travailler cela pour éviter ce type de problème.

19 Deuxième information que je vous donne : la Chambre qui en a délibéré tout

20 à l'heure, décide que le prochain témoin qui viendra jeudi, c'est M.

21 Berghofer, qui sera entendu selon la procédure de l'article 92 ter. De ce

22 fait, la Chambre fixe d'ores et déjà au Procureur 30 minutes pour la

23 présentation de la déclaration écrite consolidée, dite en date du 6 mars

24 2008. Il y a cinq documents qui seront présentés, et qui sont des photos et

25 des cartes. Et, Monsieur Seselj, vous aurez une heure 30 pour contre-

26 interroger. Le témoignage de M. Berghofer vient compléter le témoignage du

27 témoin que nous avons aujourd'hui devant nous. Voilà.

28 Donc, il est aujourd'hui mardi. Vous avez tout demain pour préparer, le cas

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1 échéant, le contre-interrogatoire. Si vous ne voulez pas poser vos

2 questions dans le cadre du contre-interrogatoire, la Chambre posera donc

3 des questions et l'audition de ce témoin se terminera donc jeudi.

4 Voilà ce que je voulais vous dire. Il nous reste trois minutes. Si vous

5 voulez reprendre la parole, c'est bien volontaire que je vous donne la

6 parole.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Mais comment allez-vous pouvoir

8 m'expliquer, Monsieur le Président, de quelle façon cela est-il possible ?

9 Si vous, en tant que Juge de la Chambre, ayez pris la décision hier que le

10 Témoin Vilim Karlovic soit un témoin de vive voix, comment est-ce que le

11 secrétariat ou le Greffe ait pu informer Mme Marina Raguz vendredi ? C'est

12 hier que la décision a été prise pour que Vilim Karkovic soit un témoin de

13 vive voix, ou est-ce que le Greffe doit passer par Belgrade pour m'informer

14 ?

15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- dire tout de suite. Vendredi, j'étais en contact

16 donc avec la Juriste de la Chambre et avec mes collègues, et nous avions

17 décidé qu'il y aurait donc du viva voce, et j'ai donc donné les

18 instructions pour que vous en soyez immédiatement informé par

19 l'intermédiaire de Mme Raguz. Par ailleurs, nous avons rendu une décision

20 écrite qui fait quand même quelques pages, pour concrétiser le passage du

21 92 ter en viva voce. Comme la déclaration écrite devait être enregistrée et

22 traduite, ceci n'a été fait que lundi. Et c'est pour vous permettre en

23 temps utile de vous retourner que, dès vendredi, nous nous avons informé,

24 afin de ne pas vous mettre devant le fait accompli.

25 Donc, vous voyez, de la part de la Chambre, il y a eu le maximum qui a été

26 fait pour vous informer. Alors, peut-être qu'on en a fait trop. On aurait

27 peut-être dû ne pas faire autant et attendre lundi pour vous le dire. Donc,

28 vous n'allez quand même pas nous reprocher, ça serait incombe. De vous

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1 donner en temps utile toutes les informations alors qu'on aurait pu

2 attendre lundi enregistrer et vous communiquer votre décision lundi, j'ai

3 préféré que vous en soyez informé plusieurs jours avant, dès vendredi.

4 Maintenant, si Mme Raguz - et je comprends très bien qu'elle n'a pas eu le

5 message et n'a pas pu vous le dire, oui - alors, on va maintenant remédier

6 à cela et on va faire en sorte que vous ayez directement l'information. Il

7 est vrai que, si vous aviez un avocat, la question ne se poserait pas. On

8 aurait immédiatement informé l'avocat qui se serait préparé. Bon. Il se

9 trouve que vous êtes vous-même votre propre avocat. Nous pensions peut-être

10 à tort que vos collaborateurs avaient le lien permanent avec vous et

11 qu'avisant vos collaborateurs l'information serait immédiatement remontée

12 parce qu'il y a quand même le téléphone entre Belgrade et La Haye. Ça n'a

13 pas été le cas. On va y remédier et on va faire en sorte que vous n'ayez

14 plus à critiquer quoi que ce soit. Mais sachez que la volonté de la Chambre

15 avait été de vous informer le plus tôt possible. Voilà ce que je voulais

16 vous dire, Monsieur Seselj.

17 Il est donc l'heure de terminer. Mes collègues vont recommencer dans

18 quelques minutes un autre procès. Donc, nous nous retrouverons demain à 8

19 heures 30.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dix secondes, s'il vous plaît.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Monsieur Seselj.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant de me

23 collaborateurs, je peux contacter -- je peux les contacter seulement

24 lorsque je les appelle et pas du tout autrement. Pour ce qui est des week-

25 end, Marina Raguz ne peut pas me contacter par le biais des autorités de

26 détention car la personne ne travaille pas le week-end, la personne

27 contacte au centre de détention n'est pas le week-end. Et troisièmement,

28 depuis cinq ans, toutes les informations, toutes les décisions et tous les

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1 documents, je les reçois en signant. Chaque fois que je reçois un document,

2 je dois signer. Et donc, je voudrais que vous empêchiez que quelqu'un

3 d'autre soit informé de toute sorte de chose. Lorsque Marina Raguz sera

4 dans le box des accusés, à ce moment-là, envoyez-lui les informations. Elle

5 collabore avec moi et non pas avec vous puisque les questions de

6 financement n'ont pas encore été réglées pour son cas. Elle n'a absolument

7 rien à voir avec ce Tribunal ni avec le Greffe, ni avec le bureau du

8 Procureur et ils n'ont absolument aucune raison pour qu'elle soit

9 contactée. Je suis mon défenseur et en tant que défenseur, je dois être

10 informé, tout comme les autres conseils de la Défense. Et on connaît mon

11 adresse, mon adresse est demeuré inchangé depuis cinq ans. Alors, pourquoi

12 est-ce qu'on essaie de me contacter en passant par Addis Ababa ou Palma de

13 Mallorca ? Pourquoi est-ce que l'on n'essaie pas de me trouver à

14 Scheveningen ?

15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- pris note de ce que vous avez dit et notamment le

16 fait de l'impossibilité qu'elle avait de vous communiquer avec vous pendant

17 le week-end.

18 Comme je l'ai indiqué, donc, nous nous retrouverons demain à

19 8 heures et demie. Je vous remercie.

20 --- L'audience est levée à 13 heures 16 et reprendra le mercredi 12 mars

21 2008, à 8 heures 30.

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