Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 5167

  1   Le mardi 25 mars 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 8 heures 32.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,

  9   bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre

 10   Vojislav Seselj. Merci, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce mardi, 25 mars

 12   2008, je salue les représentants de l'Accusation, je salue M. Seselj ainsi

 13   que le témoin qui est présent.

 14   Je vais d'abord demander que nous passions à huis clos.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le

 16   Président.

 17   [Audience à huis clos]

18  (expurgé)

19  (expurgé)

20  (expurgé)

21  (expurgé)

22  (expurgé)

23  (expurgé)

24  (expurgé)

25  (expurgé)

26  (expurgé)

27  (expurgé)

28  (expurgé)


Page 5168

 

 2 

 3 

 4 

 5 

 6 

 7 

 8 

 9 

10 

11  Pages 5168-5181 expurgées. Audience à huis clos

12 

13 

14 

15 

16 

17 

18 

19 

20 

21 

22 

23 

24 

25 

26 

27 

28 

 


Page 5182

 1  (expurgé)

 2  (expurgé)

 3  (expurgé)

 4  (expurgé)

 5  (expurgé)

 6  (expurgé)

 7  (expurgé)

 8  (expurgé)

 9  (expurgé)

10  (expurgé)

11  (expurgé)

12  (expurgé)

13  (expurgé)

14  (expurgé)

15  (expurgé)

16  (expurgé)

17  (expurgé)

18  (expurgé)

19  (expurgé)

20  (expurgé)

21  (expurgé)

22  (expurgé)

23  (expurgé)

24  (expurgé)

25  (expurgé)

26  (expurgé)

 27   [Audience publique]

 28   M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout d'abord, s'il vous plaît, j'aimerais

 


Page 5183

  1   parler du temps qui nous est imparti. L'Accusation avait considéré que ce

  2   témoin serait interrogé pendant trois heures, et le suivant pendant deux

  3   heures. Il me semble que vous avez rendu une ordonnance portant calendrier

  4   qui va dans l'autre sens, c'est-à-dire deux heures pour ce témoin et trois

  5   heures pour ce témoin.

  6   Donc je vais essayer de terminer l'interrogatoire principal en deux heures

  7   pour ce témoin, je voulais d'abord le rappeler, donc je demande votre

  8   indulgence au cas où.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : On nous a dit la semaine dernière, je crois que

 10   c'était M. Mundis, que le premier témoin devait venir mardi et le deuxième

 11   témoin mercredi et jeudi. Et dans ces conditions si le deuxième témoin

 12   devait venir mercredi et jeudi, il valait mieux pour le deuxième témoin

 13   trois heures et pour le premier deux heures. Mais si en revanche vous

 14   estimez que celui-ci peut rester mardi et mercredi et le deuxième témoin

 15   juste un jour, on rebascule. C'est comme vous voulez.

 16   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, de toute façon

 17   nous essaierons d'aller le plus vite possible.

 18   Interrogatoire principal par M. Marcussen :

 19   Q.  [interprétation] Témoin, s'il vous plaît, pouvez-vous nous dire quelle

 20   est votre appartenance ethnique ? Désolé, j'ai oublié mon micro, donc je

 21   répète.

 22   Monsieur le Témoin, quelle est votre appartenance ethnique ?

 23   R.  Je suis Musulman de Bosnie.

 24   Q.  Avez-vous fait votre service national ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Dans quelle partie des forces armées, s'il vous plaît ?

 27   R.  Dans les unités d'artillerie antiaériennes. Unité d'importance

 28   particulière, spéciale.


Page 5184

  1   Q.  Merci.

  2   M. MARCUSSEN : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir la

  3   pièce 65 ter 2869 à l'écran.

  4   Il s'agit d'une carte, Mesdames, Messieurs les Juges. Pourrions-nous, s'il

  5   vous plaît, zoomer sur le milieu cette carte, l'endroit où se trouve -- en

  6   fait c'est très bien. Je vous remercie.

  7   Q.  Témoin, s'il vous plaît, voyez-vous la ville de Zvornik et la ville

  8   Karakaj sur cette carte ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle est la distance entre Zvornik et Karakaj

 11   ?

 12   R.  Je crois que la distance est de 3 kilomètres à peu près.

 13   Q.  La zone de Karakaj, pouvez-vous nous la décrire, s'il vous plaît ?

 14   Pouvez-vous nous décrire la région de Karakaj et ce qui se trouve à Karakaj

 15   ?

 16   R.  A Karakaj il y avait une zone industrielle, c'est là que se trouvaient

 17   toutes les usines, parce que comme Zvornik est dans une vallée, toutes les

 18   usines étaient à Karakaj.

 19   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, nous avons terminé avec cette carte.

 20   J'aimerais la verser au dossier.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette carte recevra la cote 00302. Merci.

 23   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 24   Q.  Témoin, s'il vous plaît, pourriez-vous nous dire quelles étaient les

 25   relations entre les Musulmans et les Serbes pendant votre enfance ?

 26   R.  Elles étaient bonnes, en particulier -- excusez-moi. Les relations

 27   étaient bonnes. J'ai grandi dans une famille où on ne tenait pas tellement

 28   compte de ce genre de chose. Mon grand-père était un homme de religion, mon


Page 5185

  1   père ne prêtait pas tellement attention à tout cela, de sorte que nous

  2   avons grandi avec 90 % de mes amis qui étaient des Serbes, d'ailleurs j'ai

  3   encore des contacts avec eux aujourd'hui.

  4   Q.  Dans quelle ville avez-vous grandi, s'il vous plaît ? J'aurais peut-

  5   être dû vous demander d'abord.

  6   R.  J'ai grandi à Zvornik.

  7   Q.  Est-ce qu'à un moment ou à un autre les relations entre les Serbes et

  8   les Musulmans ont été modifiées ?

  9   R.  Les rapports ont commencé à changer au début de ce que j'appellerais

 10   l'évolution de la conscience nationale serbe. Je ne sais pas exactement

 11   Gazimestan, un certain nombre de manifestations, les chants où était mis en

 12   valeur la serbité. Mais je n'ai tout de même jamais cru que les choses en

 13   arriveraient à la guerre chez nous.

 14   Q.  Pouvez-vous nous dire de quelle année on parle ?

 15   R.  Nous parlons à peu près -- je pense que tout cela a commencé en 1988,

 16   c'est à ce moment-là, dirais-je, que les rapports ont commencé lentement à

 17   changer avec un certain nombre de réunions publiques au Kosovo et l'éveil

 18   de la conscience nationale serbe dans tout ce qui constitue le territoire

 19   de l'ancienne Serbie, avec premier signe des chanteurs qui ont été célébrés

 20   par l'Académie des sciences et des arts, donc célébrés pour des raisons qui

 21   me sont inconnues. C'était un début, me semble-t-il, et un début du plan,

 22   d'après moi.

 23   Q.  Merci. Passons à un moment ultérieur, donc au printemps 1992.

 24   J'aimerais savoir si vous habitiez dans la région de Zvornik à l'époque ?

 25   R.  Oui, oui.

 26   Q.  Y avait-il à l'époque des signes de conflit armé qui menaçait ?

 27   R.  Il y avait des signes précurseurs envoyés. Sans cesse passaient des

 28   camions chargés à ras bord de réservistes ainsi qu'un certain nombre de


Page 5186

  1   convois militaires qui passaient par Zvornik et par Mali Zvornik, et ces

  2   réservistes qui rentraient des champs de bataille tiraient des coups de

  3   feu. Mais dans la ville en tant que telle, je dirais que les relations

  4   avaient empirées, mais n'en étaient pas arrivées au stade d'un conflit

  5   ouvert, car tout de même en ville nous continuions à avoir des rapports les

  6   uns avec les autres, on plaisantait les uns avec les autres, on disait si

  7   jamais tu poses un problème aux miens, moi je t'arrêterai et vice versa. Et

  8   vous savez nous nous connaissions depuis l'enfance et il était impossible

  9   d'imaginer que quelqu'un qui vit à vos côtés et que vous connaissez depuis

 10   votre enfance peut se retourner contre vous et devenir un ennemi. Puis des

 11   chars ont été installés au pont de Karakaj, et des réunions politiques ont

 12   commencé à durer nuit et jour avec expressions des différentes identités

 13   nationales, et juste avant la guerre, des camions de réservistes sont

 14   arrivés également qui allaient à un endroit où se déroulaient des

 15   entraînements militaires à Celopek et Rocevic.

 16   Moi, ça m'intéressait, j'en entendais parler donc j'ai voulu voir ce qui se

 17   passait, et un jour, accompagné d'un voisin qui voulait acheter quelque

 18   chose, il m'a dit : Bien, allons voir là-bas pour voir si tout est vrai.

 19   Effectivement, quand nous sommes arrivés là-bas, nous avons vu un très

 20   grand nombre de soldats à Celopek. Nous y avons passé quelques instants.

 21   Nous avons bu un jus de fruit, nous avons regardé ce qui se passait,

 22   personne ne nous a adressé la parole, mais il y avait des entraînements

 23   militaires qui déroulaient là-bas.

 24   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire environ à quel moment ceci est arrivé ?

 25   R.  Tout cela s'est passé à peu près, que pourrais-je dire, début du mois

 26   de mars. Enfin je ne suis pas certain que c'était au début du mois de mars

 27   ou à la mi-mars, mais je crois que c'était au début du mois de mars. Ce qui

 28   nous intéressait c'était ce qui se passait parce que nous ne pouvions pas


Page 5187

  1   concevoir que la guerre allait éclater, nous étions tout de même au XXe

  2   siècle.

  3   Q.  Avez-vous vu des signes indiquant que la population serbe de Zvornik se

  4   préparait ou prenait des mesures éventuelles en vue d'un conflit armé ?

  5   R.  Si nous parlons de paix, un week-end avant l'apparition des barricades

  6   la majorité des Serbes n'était plus à Zvornik déjà. Ils sont partis tout

  7   simplement. Ils ont entassé leurs objets de valeur à bord de leurs voitures

  8   et ils sont partis vers les zones où se trouvaient les réservistes.

  9   Personne ne comptait sur une guerre de longue durée, les gens qui

 10   réfléchissaient se disaient : Ils vont peut-être essayer de prendre le

 11   contrôle, mais ils n'y arriveront pas. Nous nous défendrons d'une façon ou

 12   d'une autre.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, une question de suivi. Vous

 14   dites que les Serbes ont quitté Zvornik. A votre connaissance ils ont

 15   quitté parce qu'ils ont eu l'ordre de quitter la ville, ou bien c'était un

 16   mouvement spontané parce qu'ils avaient peur, et quand on a peur, eh bien,

 17   on s'en va, ou bien y a-t-il une troisième hypothèse ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'était un

 19   exercice général, et qu'ils en ont reçu l'ordre, parce qu'en un week-end le

 20   nombre des personnes qui sont parties était si important il est impossible

 21   que ce soit autrement. Et même, si je puis ajouter quelques mots, même

 22   s'agissant d'amis à moi avec lesquels j'avais encore des relations

 23   d'amitié, nous ne voyions pas pourquoi nous n'aurions plus de relations,

 24   certains m'ont dit : "Nous ne savons pas ce qui est en train de se

 25   préparer, mais ce ne sera pas bon et ce sera important."

 26   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur le Témoin, s'il vous plaît, avez-vous vu des équipements

 28   militaires cantonnés sur place et dans le but de défendre, par exemple, les


Page 5188

 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12  Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

 13  pagination anglaise et la pagination française.

 14 

 15 

 16 

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28  


Page 5189

  1   ponts sur la Drina ?

  2   R.  Sur le pont de Karakaj il y avait un char. Un char était là en

  3   position.

  4   Q.  Est-ce que c'était avant la prise de la ville ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  A votre connaissance, dans ce sens, y a-t-il eu des mesures prises côté

  7   musulman pour se préparer aussi au conflit et, dans ce cadre-là, avez-vous

  8   participé à ces mesures ?

  9   R.  Des mesures prises à très haut niveau il n'y en pas eues. Simplement

 10   les gens se sont organisés, chacun essayant de défendre le mieux possible

 11   sa famille. Voilà ce que je pourrais dire.

 12   Pendant la nuit, en ville, par exemple, puisqu'on parlait de plus en plus

 13   de risques d'irruptions, vous savez les gens racontent toutes sortes de

 14   choses quand ils ont peur. Donc pour éviter que quoi que ce soit n'arrive,

 15   les gens ont commencé à s'organiser et à patrouiller la nuit. Les

 16   patrouilles étaient très mixtes, très diversifiées jusqu'au dernier moment,

 17   l'objectif étant de protéger, de défendre au cas où quelque chose

 18   arriverait.

 19   Personnellement, j'ai pris des mesures de protection parce que ma maison

 20   était juste à côté de la forêt. Donc je me suis acheté moi-même, au noir,

 21   une arme; c'était une Kalachnikov, une arme d'assaut.

 22   Q.  Merci.

 23   R.  Quand il y avait des patrouilles, je prêtais mon arme au cas où il y

 24   aurait eu une attaque. Mais une organisation à haut niveau ou dans d'autres

 25   conditions, non, il n'y en a pas eue. C'était simplement des gens, des

 26   particuliers qui se protégeaient.

 27   Je continue ?

 28   Q.  J'attends juste la fin de la traduction c'est pour ceci qu'il y a


Page 5190

  1   parfois une petite pause entre nos questions et nos réponses. Ça fait un

  2   petit peu artificiel comme discussion mais on est obligé de passer par là.

  3   Donc, avez-vous souvenir d'articles dans les journaux, dans les

  4   médias portant sur la situation à Zvornik avant les attaques ?

  5   R.  Oui. On essayait à tout prix de trouver une solution pour éviter la

  6   guerre. Vous savez, personne ne souhaitait la guerre, puisque la guerre ça

  7   signifie mort et souffrance.

  8   Mais la veille du jour où des coups de feu ont été tirés à Zvornik, à la

  9   télévision de Belgrade, on a vu une annonce indiquant qu'il y avait eu des

 10   coups de feu sporadiques à Zvornik et que 11 000 Bérets verts se trouvaient

 11   sur la tour à Zvornik.

 12   Q.  Merci. Nous reviendrons aux Bérets verts dans une minute, mais

 13   j'aimerais savoir où vous vous trouviez lorsque l'attaque sur Zvornik a été

 14   lancée ?

 15   R.  J'étais à la maison, je dormais.

 16   Q.  Donc, comment avez-vous appris qu'il y avait une attaque ?

 17   R.  Mon père m'a réveillé, et terrorisé, il m'a dit : il y a des coups de

 18   feu. J'étais à moitié réveillé. Je me suis retourné dans mon lit et j'ai

 19   dit : "Mais c'est impossible. C'est une impression. Tu entends les coups de

 20   feu dans ta tête." Et il m'a dit : "Non, non, c'est vrai. Il y a eu

 21   vraiment des coups de feu."

 22   Alors je me suis levé et effectivement j'ai entendu, à partir de Karakaj,

 23   des bruits de tir. Vous savez, c'est une impression qu'on ne connaît pas.

 24   Alors on a un peu peur, on est un peu curieux, donc je suis sorti pour voir

 25   ce qui se passait.

 26   On entendait des coups de feu qui venaient de Karakaj et de Vidakova Njiva,

 27   et j'ai entendu ce que je croyais être le bruit de trois obus. Puis les

 28   pilonnages ont commencé, les tirs de canon.


Page 5191

  1   Q.  Le tir de canon a-t-il atteint la ville ?

  2   R.  Non loin du quartier où j'habitais, un obus est tombé sur la maison de

  3   Pero le peintre. C'était un homme qui était d'appartenance ethnique serbe.

  4   Et pour les autres, je ne sais pas exactement ce qui se passait. Je crois

  5   que des tentatives ont été faites pour endommager au minimum la ville de

  6   façon à en profiter davantage une fois qu'il s'en serait emparé.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous parlez d'un obus. Est-ce à

  8   dire qu'il y a eu un tir d'artillerie préalable à l'entrée des forces ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Cet obus est tombé. D'où il a été

 10   tiré je ne sais pas. Je ne suis tout de même pas un expert militaire.

 11   Ensuite il y a eu des explosions continues qui, je crois, étaient dues à

 12   des charges d'obus destinées à créer la peur. Cela a semé la panique dans

 13   la population et la plupart du temps les gens prenaient leurs enfants par

 14   la main, les mettaient dans les voitures et s'enfuyaient le plus rapidement

 15   possible vers les ponts. Ceux qui étaient loin des ponts se dirigeaient

 16   vers Kula et Divici pour fuir.

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 18   Q.  Témoin, s'il vous plaît, est-ce que je vous ai bien compris lorsque

 19   vous avez dit que vous êtes sorti ? Répondez-moi, s'il vous plaît, par oui

 20   ou par non.

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Avez-vous vu les forces attaquantes ou est-ce que vous avez uniquement

 23   entendu ces forces ?

 24   R.  Au début on les entendait. Chez nous, ce que j'appellerais les voisins,

 25   nous nous sommes tous réunis, nous étions tous devant nos portes, devant

 26   les portes de nos maisons, et à un moment nous avons vu qu'un sniper tirait

 27   dans notre direction à l'aide d'un Z-16. A ce moment-là nous avons pris la

 28   fuite en nous protégeant dernière les murs des autres maisons. Nous pouvons


Page 5192

  1   être contents d'être restés en vie. Nous avions peur et pour avoir un peu

  2   moins peur --

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la traduction en français, vous avez parlé d'un

  4   sniper qui avait un Z-16, et dans la version anglaise, le type d'arme

  5   n'apparaît pas.

  6   Alors, pouvez-vous bien confirmer qu'un sniper utilisait une arme

  7   dont vous avez donné les caractéristiques ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mon souvenir et pour autant que j'ai bien

  9   observé les choses à ce moment-là, il n'y avait que les snipers dans les

 10   bâtiments, à ce moment-là. Vous savez les distances à vol d'oiseau sont

 11   très difficiles à déterminer. Je parlerais de 800 mètres à 1 kilomètre. Il

 12   est difficile pour une arme normale, d'après ce que je sais, une arme de

 13   soldat, il serait difficile qu'une arme nous vise avec une telle précision.

 14   Nous avons supposé donc qu'il s'agissait d'une arme de sniper.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Quel type d'arme de sniper ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] De quel type d'arme s'agissait-il ? Ça je ne

 17   saurais vous le dire. Ce que je sais, c'est qu'on a vu que depuis cet

 18   immeuble, c'était un homme avec un fusil à la main qu'on pouvait voir. Ça

 19   n'avait pas l'apparence d'une arme automatique d'après ce qu'on a pu

 20   remarquer, on a supposé que c'était un sniper.

 21   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 22   Q.  Si je vous ai bien compris, vous n'avez pas vu les forces qui venaient

 23   de Karakaj; est-ce exact ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Aviez-vous entendu parler avant l'attaque des forces qui se trouvaient

 26   à Karakaj ?

 27   R.  Ce que j'ai appris, je ne l'ai pas vu, j'ai ouï dire trois jours avant

 28   l'attaque sur Zvornik.


Page 5193

  1   Q.  De qui ?

  2   R.  C'était les hommes à Arkan, les hommes à Seselj et quelques personnes

  3   du cru, des adeptes d'Arkan et autres.

  4   Q.  Et qui vous a dit cela ?

  5   R.  J'ai appris cela de plusieurs sources et mon père aussi me l'a dit. Il

  6   les avait reconnus. Ils avaient des cocardes, des barbes, et ils portaient

  7   des insignes sur leurs uniformes.

  8   Q.  Merci. Pour en revenir à l'attaque, vous avez été pris pour cible par

  9   un tireur embusqué. Vous vous êtes enfui. Vous étiez donc à un autre

 10   endroit. Est-ce que l'on vous a tiré dessus à cet endroit-là également ?

 11   R.  Oui. J'ai plaisanté avec ce voisin à moi, et j'ai dit : "Tu as bien

 12   trouvé le moment de te marier ? Moi, au moins, j'ai eu ma lune de miel,

 13   toi, tu n'en as pas eu du tout." Ensuite, il m'a un peu bousculé et il m'a

 14   dit : "Mais tu n'as la tête qu'à ça ?" Et en me bousculant, à ce moment

 15   même, là où il y avait ma tête l'instant d'avant, il y a eu un impact de

 16   balle. Nous, on était derrière les maisons, à l'abri, aussi nous sommes-

 17   nous mis à fuir.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question d'ordre technique.

 19   Vous êtes en train de discuter avec votre voisin, et à ce moment-là,

 20   il vous bouscule et vous constatez un impact de balle. Vous étiez habillé

 21   comment ? Vous étiez en civil ? En tenue de camouflage ? Comment étiez-vous

 22   vêtu ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais un blouson en cuir, mon blue-jean et

 24   des chaussures. Des vêtements civils.

 25   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 26   Q.  Et à ce moment-là, vous vous êtes mis à courir. Simplement parce que

 27   nous n'avons pas beaucoup de temps, où pour finir vous êtes-vous rendu ce

 28   jour-là ?


Page 5194

  1    R.  Je me suis mis à courir en premier, et je suis arrivé à une clôture.

  2   C'est une femme qui avait posé une clôture autour d'un potager où elle

  3   avait planté des légumes. Je n'ai pas eu le temps d'ouvrir, j'ai arraché

  4   cela par peur et je me souviens courir vers la vallée. Autour de nous il y

  5   avait tout le temps des balles qui sifflaient. On sentait des éclats de

  6   cailloux, de pierres nous frapper au visage. Et en passant à côté d'une

  7   autre maison, on a pu voir que ce sniper avait tiré depuis Mali Zvornik et

  8   ce bâtiment Krecana [phon] -- cette usine à chaux. Et on a couru le long de

  9   la route pour aller vers Kula Grad.

 10   Q.  Vous êtes-vous rendu à Kula Grad vous-même ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous êtes retourné à Zvornik après cela ?

 13   R.  Oui. Cette nuit je suis retourné à Zvornik, je suis rentré chez moi

 14   pour prendre des affaires avec plusieurs voisins qui dans la panique

 15   avaient oublié de prendre leurs affaires. Comme on entendait tirer de

 16   partout, on est retournés à Kula Grad par la forêt.

 17   Q.  Est-ce que vous êtes reparti à Kula Grad le lendemain ?

 18   R.  On est rentrés dans le courant de la nuit même. On a passé la nuit à

 19   Kula Grad.

 20   Q.  Est-ce que vous aviez votre fusil lorsque vous étiez à Kula Grad ?

 21   R.  Oui. Toutefois, ce matin-là, mon père m'a pris avec lui et j'ai remis

 22   mon fusil à un ami.

 23   Q.  Lorsque vous étiez à Kula Grad, avez-vous vu 11 000 Bérets verts ?

 24   R.  C'est ridicule. Non, jamais.

 25   Q.  En avez-vous vu ou pas du tout ?

 26   R.  Non. Il y avait quelques hommes qui d'une façon ou d'une autre

 27   s'étaient procuré des armes. Il y avait plusieurs policiers de réserve et

 28   c'est le chiffre total, d'après mes souvenirs. Peut-être y avait-il une


Page 5195

  1   quarantaine d'hommes en armes que j'ai eu l'occasion de voir.

  2   Q.  Kula Grad a-t-il été défendu, en quelque sorte, pendant un certain

  3   temps ?

  4   R.  Oui. Kula Grad a été défendu. Ce premier matin, je suis allé avec mon

  5   père vers un hameau, on avait de la famille là-bas, puis on a vu que ça

  6   n'allait pas très bien côté nourriture chez eux non plus. Je suis allé vers

  7   Divic. J'ai passé quelques journées là-bas. Puis je suis revenu une fois de

  8   plus vers ce hameau sur les hauteurs, puis je suis retourné à Kula Grad un

  9   jour avant que Kula Grad ne tombe.

 10   Q.  J'espère que je pourrai poser une question directrice sur cette

 11   question, cela ne devrait pas être contesté.

 12   Ai-je raison de croire qu'à Kula Grad il y a une colline, et qu'au-

 13   dessus de cette colline il y a une ancienne forteresse ?

 14   R.  C'est ça.

 15   Q.  Etait-ce la position qui a été défendue pendant un certain temps ?

 16   R.  Oui. Dans une partie de Kula il y a cette vieille forteresse, et dans

 17   une autre partie il y a ce village appelé cité. Cette cité et la forteresse

 18   ont été défendues.

 19   Je dirais encore, si vous le permettez, que ce premier jour -- ou plutôt ce

 20   matin où nous avons fui vers ledit hameau, des chars en provenance de

 21   Serbie ont tiré sur Kula Grad. Il y en avait trois qui étaient stationnés à

 22   Mali Zvornik, dans un village. Etant donné que la forteresse était grande

 23   et très solide, ça n'a pas fait de gros dégâts. Je ne sais pas combien de

 24   coups on avait tirés, mais je sais qu'il y en a eu pas mal.

 25   Quand on regarde depuis Divic, on a pu voir les impacts et les éclats

 26   de pierres voler partout.

 27   Q.  Lorsque Kula Grad est tombé, avez-vous essayé de vous enfuir, et si

 28   oui, dans quelle direction ?


Page 5196

  1   R.  Nous avons essayé de fuir. C'était plutôt infernal. On tirait de

  2   partout. Nous, on n'avait pas d'armes; mon ami et moi, on a commencé à

  3   fuir.

  4   Etant donné que les chars avaient débouché de l'autre côté de Kula

  5   Grad en direction de Tuzla, à vol d'oiseau c'était en direction de Tuzla,

  6   nous, on a commencé à fuir vers le village de Kamenica. La population a fui

  7   aussi. Comment expliquer ? C'est comme si vous regardiez un film de guerre.

  8   Chacun mettait à bord de voitures ou sur des montures tout ce qu'ils

  9   pouvaient embarquer ou faire entasser pour fuir.

 10   Nous avons fui également en direction de Kamenica. On a été pilonné

 11   tout le temps.

 12   Je dirais que cette nuit-là on est arrivé dans un grand village qui

 13   s'appelle Cerska.

 14   Q.  Pardonnez-moi si je vous interromps, mais est-ce que pour finir,

 15   vous avez essayé d'arriver jusqu'à Tuzla ?

 16   R.  Nous en avions eu l'intention, mais il y avait un groupe de gens qui

 17   étaient à Kula Grad et qui avaient des armes, et qui s'étaient frayés un

 18   passage jusqu'à Tuzla. Mais nous, on n'avait pas d'armes, donc on n'osait

 19   pas y aller parce qu'on tirait là-bas, et puis on a vu des chars et on a vu

 20   des maisons en train de brûler.

 21   Q.  Est-ce que vous pourriez nous décrire les régions que vous avez

 22   traversées, de façon générale, j'entends. Avez-vous vu des villages dans

 23   les régions que vous avez traversées, et si oui, est-ce que ces villages

 24   avaient été attaqués ?

 25   R.  Le village qui se trouvait derrière Kula Grad quand on fuyait vers la

 26   vallée en contrebas -- je dirais qu'avant la guerre je ne connaissais pas

 27   tellement bien ces villages, c'est pendant la guerre que je les ai connus.

 28   Derrière Kula, il y avait un village, Marchcici, ou un hameau, que sais-je.

 


Page 5197

  1   En haut il y avait des maisons qui brûlaient et des chars étaient en train

  2   de tirer sur Kula parce qu'ils étaient placés un peu plus haut que Kula. Et

  3   nous, on a fui vers Josanica, il y a plusieurs villages et plusieurs

  4   collines. Et de tous ces villages-là, il y avait des gens qui fuyaient, qui

  5   se cachaient dans les bois, et nous, on a fui, et en fuyant on a trouvé des

  6   petits bois où 100 ou 200 personnes s'étaient cachées avec des enfants, des

  7   vieillards.

  8   Et on est tombé sur un autre groupe de gens qui s'étaient battus sur Kula.

  9   Ils avaient un blessé qui a succombé par la suite.

 10   Mais nous on a fui. Je vous dirais que tous ces villages avaient plié

 11   bagage et on a pu voir depuis les collines d'après tous ces villages qui

 12   commençaient à être pilonnés, et tout le monde fuyait en direction de

 13   Cerska.

 14   Q.  Pour finir, avez-vous été capturé ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Etiez-vous tout seul lorsque vous avez été capturé ?

 17   R.  Non, je n'étais pas seul, on était cinq.

 18   Q.  Pourriez-vous nous donner le nom des autres personnes, des quatre

 19   autres ?

 20   R.  Est-ce qu'on peut passer à huis clos partiel, je n'aimerais pas

 21   dévoiler l'identité.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer à huis clos partiel.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous sommes

 24   actuellement à huis clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

26  (expurgé)

27  (expurgé)

28  (expurgé)


Page 5198

 1  (expurgé)

 2  (expurgé)

 3  (expurgé)

 4  (expurgé)

 5  (expurgé)

 6  (expurgé)

 7  (expurgé)

 8  (expurgé)

 9  (expurgé)

10  (expurgé)

11  (expurgé)

12  (expurgé)

13  (expurgé)

14  (expurgé)

15  (expurgé)

16  (expurgé)

 17   [Audience publique]

 18   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 19   Q.  A quelle date avez-vous été capturé environ, si vous le savez ?

 20   R.  Le 4 mai, 1992. Bien sûr, c'est ce jour-là que Tito est mort.

 21   Q.  Je crois qu'il nous faut avancer un petit peu dans le temps. Est-ce

 22   qu'au cours de cette même journée vous avez été emmené quelque part où vous

 23   avez été détenu ?

 24   R.  On nous a emmenés ensuite -- je vais essayer, excusez-moi, d'aller

 25   chronologiquement, vous voulez que je vous dise où on nous a emmenés ou où

 26   est-ce qu'on a abouti en fin de journée ?

 27   Q.  Tout simplement, pour aller plus vite, il faut très simplement que vous

 28   nous disiez où, pour finir.

 


Page 5199

 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12  Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

 13  pagination anglaise et la pagination française.

 14 

 15 

 16 

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28  


Page 5200

  1   R.  On a abouti à Standard, une usine de chaussures à Zvornik, dans le

  2   bâtiment de la direction au deuxième étage.

  3   L'INTERPRÈTE : Les interprètes entendent mal le témoin et lui demandent de

  4   se rapprocher du micro.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, pouvez-vous vous rapprocher du

  6   micro quand vous parlez parce que les interprètes ont du mal -- ou parlez

  7   plus fort ?

  8   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je souhaite afficher maintenant le numéro

  9   65 ter 4052, s'il vous plaît. Voilà.

 10   Q.  Est-ce qu'il s'agit là de l'usine de chaussures Standard ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. J'ai été assez patient, Monsieur le

 12   Président, lorsqu'il s'agit de relations personnelles ou familiales et je

 13   ne suis pas intervenu pour ce qui est des questions suggestives qui ont été

 14   posées, mais pour ce qui est de cette photo, la question à poser était

 15   celle de savoir : "Qu'est-ce que c'est ?" plutôt que de dire : "Est-ce que

 16   ceci est bien cela ?" Il faut prévenir le Procureur de la façon dont il

 17   convient de conduire son interrogatoire.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur le Procureur, vous présentez la

 19   photo, puis demandez-lui c'est quoi cette photo. Je sais que vous avez

 20   essayé de gagner du temps.

 21   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 22   Q.  Je pensais que c'étaient des questions qui n'étaient pas contestées par

 23   l'accusé, mais -- savez-vous ce que c'est ?

 24   R.  C'est l'usine de chaussures appelée Standard, mais nous, on a été

 25   enfermés dans le bâtiment de la direction.

 26   Q.  Est-ce qu'on voit cette partie de l'usine sur la photo ?

 27   R.  Oui. Non, non, on ne voit pas cette partie-là de l'usine.

 28   Q.  Etiez-vous toujours avec vos quatre amis à ce moment-là ?


Page 5201

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Dans ce bâtiment où il y avait la direction, ou plutôt, il y avait

  3   l'administration, dans quelle partie du bâtiment vous a-t-on placé ?

  4   R.  On nous a casés au deuxième étage. Lorsque vous vous mettez face au

  5   bâtiment, c'est le deuxième étage juste en face. Et en montant l'escalier,

  6   quand vous êtes au deuxième étage, vous prenez à droite et une porte tout

  7   droit, une grande salle.

  8   Q.  La pièce dans laquelle on vous a emmenés, est-ce qu'il y avait eu

  9   d'autres personnes qui étaient détenues à cet endroit-là lorsque vous y

 10   êtes arrivé ?

 11   R.  Oui. D'abord on nous a fouillés. On nous a mis contre le mur puis on

 12   nous a fait entrer dans la pièce. Dans la pièce il y avait plusieurs

 13   personnes que je connaissais déjà. Certains étaient originaires de Divic,

 14   d'autres de Zvornik.

 15   Q.  Lorsqu'on vous a fouillés, est-ce qu'on vous a enlevé certains objets

 16   ou est-ce qu'on vous a simplement fouillé ?

 17   R.  Devant le poste du SUP à Zvornik, on m'a confisqué mon bracelet et ma

 18   chaîne en or.

 19   Q.  Ai-je raison de dire que ceci fait partie de la séquence chronologique

 20   que nous n'avons pas abordée ?

 21   R.  C'est cela. Oui.

 22   Q.  Donc à l'usine Standard, ils vous ont fouillés à nouveau, mais on ne

 23   vous a rien enlevé; est-ce exact ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Donc on vous a fouillé et ensuite on vous a enlevé des objets; c'était

 26   comme ça ?

 27   R.  On nous a fouillés, puis on nous a fait entrer dans cette pièce, et

 28   ensuite il est venu un membre de la police militaire qui se trouvait être


Page 5202

  1   là. Je ne me souviens plus de son grade. On le surnommait Mrki, et il en a

  2   pris deux d'abord pour qu'ils rédigent une déclaration. Ensuite, il est

  3   venu et il m'a pris moi et un autre ami pour qu'on fasse nos déclarations.

  4   Lorsqu'on est entré dans la pièce, il y avait une feuille de papier et un

  5   stylo. Il allait et venait dans la pièce. Il nous a dit d'écrire : quand

  6   est-ce qu'on est né, où est-ce qu'on est né, et pourquoi on est né, où est-

  7   ce qu'on était depuis le début depuis qu'on a commencé à échanger des tirs

  8   jusqu'au jour d'aujourd'hui.

  9   Q.  Lorsque vous avez fait votre déclaration, est-ce que vous avez été

 10   maltraité d'une manière ou d'une autre ?

 11   R.  Non. Il nous a dit que c'était un homme juste, honnête, et qu'il ne

 12   battait personne, mais qu'il avait des ordres pour ce qui est des personnes

 13   qu'on emmenait là et ces ordres disaient qu'il fallait tabasser les gens et

 14   s'il fallait tabasser il fallait cogner dans les reins, alors il percutait

 15   un peu contre la porte et nous on faisait du bruit, on poussait des cris

 16   pour qu'à l'extérieur les gens aient l'impression qu'on nous battait, mais

 17   il ne nous a pas touchés.

 18   Q.  Mais est-ce qu'il vous a dit qu'il avait reçu des consignes et qu'il

 19   devait vous frapper ?

 20   R.  Oui. Il a dit qu'il avait des ordres disant que toute personne

 21   appréhendée à l'occasion de l'interrogatoire était censée être battue pour

 22   lui.

 23   Q.  Les gens qui montaient la garde devant l'usine Standard et qui devaient

 24   monter la garde là où il y avait les prisonniers, est-ce qu'ils portaient

 25   un uniforme ?

 26   R.  Ils portaient des uniformes vert olive portés par l'armée populaire

 27   yougoslave. Ils avaient des ceinturons blancs, tels que ceux portés par la

 28   police militaire.


Page 5203

  1   Q.  Savez-vous qui était leur chef à l'usine Standard ?

  2   R.  Je ne peux pas l'affirmer avec une certitude à 100 %, mais je suppose

  3   que d'après les situations, j'ai l'impression que c'était Niski pour toute

  4   la police militaire. Mais je ne peux pas être absolument certain, dire que

  5   c'était pour la police militaire en entier. 

  6   Q.  Niski, comment avez-vous appris son nom ?

  7   R.  Tout le monde l'appelait comme ça. Je ne sais pas s'il a fait du mal à

  8   quiconque. Pendant toute la durée de mon séjour là-bas, je l'ai ouï dire.

  9   Je n'en suis pas sûr, donc j'ai ouï dire que c'était un homme à Arkan.

 10   D'autres disaient que c'était un homme Seselj. Moi, j'ai entendu dire que

 11   c'était un homme à Arkan. En principe il s'efforçait tout le temps de

 12   protéger les détenus. C'est ce que nous avons perçu. Pour ce qui est des

 13   autres endroits, je ne peux pas vous en parler, je n'ai pas été présent là-

 14   bas, mais pour l'essentiel s'il y en a qui mérite une opinion positive de

 15   ma part, c'est bien lui.

 16   Q.  Niski, c'est un véritable nom ou est-ce un surnom ?

 17   R.  C'est un surnom, mais c'est ainsi que tout le monde l'appelait.

 18   Q.  Lorsque vous étiez dans l'usine Standard, est-ce qu'on vous a donné du

 19   travail ?

 20   R.  Nous avons nettoyé les locaux. C'est dans ces pièces que je trouvais

 21   différentes unités. Il me semble que sur la droite il y avait les membres

 22   du groupe de sabotage, à gauche il y avait les éclaireurs et en montant à

 23   l'étage, quand je dis qu'on monte, on monte au premier étage et sur la

 24   droite, il y avait les gens de Loznica, à gauche la police militaire; et au

 25   deuxième étage, à droite il y avait nous, les détenus, et à gauche les

 26   hommes à Seselj.

 27   Q.  L'interprète vous a demandé de ralentir, s'il vous plaît. Ils ont du

 28   mal à vous suivre.


Page 5204

  1   R.  Je m'excuse.

  2   Q.  Pourriez-vous simplement répéter, s'il vous plaît, quelles unités se

  3   sont trouvées à cet endroit-là parce que je crois que ceci n'a pas été bien

  4   entendu.

  5   R.  Il y avait les éclaireurs et les membres du groupe de sabotage au rez-

  6   de-chaussée. Au premier étage, il y avait les gens originaires de Loznica

  7   parce qu'on leur portait les lits là-bas et il y avait la police militaire

  8   aussi. C'est ce qu'il me semble. Je pense que c'était la police militaire.

  9   Et au deuxième étage, en accédant par l'escalier, à droite il y avait nous

 10   les détenus, et à gauche il y avait les hommes à Seselj, originaires de

 11   Kraljevo.

 12   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous allons

 13   aborder plus en détail l'identité d'un certain nombre de ces unités et

 14   donner des détails des membres de ces unités, mais l'heure est peut-être

 15   venue de faire la pause.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire une pause de 20 minutes.

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.

 18   --- L'audience est reprise à 10 heures 21.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez. Oui.

 20   M. MARCUSSEN : [interprétation] Il nous manque un acteur principal.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors l'audience est reprise.

 22   Alors, Monsieur Marcussen, donc j'ai compris que vous aviez besoin

 23   donc de trois heures avec celui-là, ce témoin, et deux heures avec l'autre

 24   témoin. Ce qui fait que les trois heures que vous utilisez, M. Seselj aura

 25   trois heures aussi pour le contre-interrogatoire.

 26   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de

 27   poursuivre, je voudrais demander le versement de cette photographie

 28   montrant l'usine de chaussures Standard, la pièce 4052.


Page 5205

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ce sera la

  3   pièce P00303. Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, le Procureur

  5   devrait plutôt nous trouver la photographie du bâtiment administratif de

  6   Standard pour verser au dossier, puisque le témoin a déclaré que les

  7   détenus étaient placés dans ce bâtiment administratif et que c'est là qu'il

  8   y avait les membres de l'armée, maintenant il nous verse au dossier une

  9   photographie qui manque totalement de pertinence. S'ils n'ont pas la

 10   photographie du bâtiment administratif de Standard, ils peuvent envoyer

 11   l'un de leurs hommes sur place pour prendre une photo.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas la photo du bâtiment administratif ?

 13   M. MARCUSSEN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 14   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez fourni une déclaration au

 15   bureau du Procureur en 1996 ?

 16   R.  Je l'ai fait.

 17   Q.  Lorsque vous avez fourni cette déclaration, est-ce que vous avez aussi

 18   dessiné plusieurs croquis de façon à indiquer les différents endroits où

 19   vous vous êtes trouvé ?

 20   R.  Oui, je l'ai fait.

 21   Q.  Et ces croquis, est-ce que vous les avez signés et datés au moment de

 22   les dessiner ?

 23   R.  Oui, je l'ai fait.

 24   M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais maintenant demander que soit

 25   affichée la pièce 2208.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Madame, Messieurs les Juges, je vois

 27   qu'à plusieurs reprises c'est de manière très minutieuse et consciencieuse

 28   que vous êtes intervenus lorsque le Procureur demandait au témoin


Page 5206

  1   d'identifier quelque chose qu'il avait marqué précédemment sur une

  2   photographie. Et à présent, le Procureur nous présente quelque chose qui

  3   avait été dessiné il y a bien longtemps par le témoin. Il me semble que

  4   ceci est inadmissible, indépendamment du fait que cela ne me gêne peut-être

  5   pas vraiment, peut-être que c'est fidèle à la réalité des choses. Je n'ai

  6   pas raison de douter de ce que le témoin a dit jusqu'à présent, mais je

  7   pense que c'est tout à fait inacceptable car, depuis 1996, 12 années se

  8   sont écoulées, les employés du bureau du Procureur étaient libres de tout

  9   photographier, de procéder à des esquisses précises que le témoin aurait pu

 10   être appelé à identifier ici, au lieu de nous présenter un croquis vieux de

 11   12 ans que l'on demande au témoin d'identifier ici.

 12   J'aimerais que le Procureur dise tout d'abord à quoi correspond cette vue.

 13   Une vue aérienne ou quel genre de vue ?

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Le témoin a fait ce croquis le 29 septembre 1996. Je

 15   présume que l'enquêteur qui était avec lui dont le nom doit figurer sur la

 16   déclaration, qui est donc Mazhar Inayat, qui était l'enquêteur, a dû lui

 17   demander d'indiquer ce bâtiment administratif et de localiser les

 18   différentes personnes, unités, et cetera, alors même qu'ils n'avaient pas

 19   de photo. S'ils avaient une photo, ça aurait été beaucoup plus simple, et

 20   de sa main il a dessiné cela.

 21   Alors ce qui nous intéresse, nous, c'est qui se trouvait au deuxième

 22   étage, droite. Voilà, c'est le plus important pour vous.

 23   Alors, Monsieur le Procureur.

 24   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur le Témoin, j'aimerais d'abord vous demander ceci, est-ce que

 26   c'est un croquis que vous vous souvenez avoir tracé ?

 27   R.  Oui, c'est ça.

 28   Q.  Je vois qu'il y a des annotations manuscrites dans votre langue, mais


Page 5207

  1   qu'il y a aussi quelques mentions à la main en anglais. Qui a apporté les

  2   annotations dans votre langue ?

  3   R.  C'est moi qui ai écrit cela.

  4   Q.  Et s'agissant des mentions en anglais, qui les a inscrites ?

  5   R.  Je pense que c'était l'enquêteur de l'époque; il posait des questions

  6   et, en tant qu'explications, il ajoutait par exemple les mentions d'étages.

  7   Q.  Merci. On voit une croix, je pense qu'elle se trouve dans le bâtiment

  8   administratif. On voit une espèce de case avec une croix à l'intérieur.

  9   Qu'est-ce que c'est ?

 10   R.  Ça, c'était nous, c'est là qu'on était placés, nous, les détenus.

 11   Q.  Qu'est-ce qu'on voit à côté de cette croix ?

 12   R.  C'est l'abréviation pour marquer "prisonniers".

 13   Q.  Puis il y a un numéro 1, qu'est-ce que dit ce mot ?

 14   R.  Ça, c'est les hommes à Seselj, et Kraljevcani.

 15   Q.  Et au numéro 2 ?

 16   R.  C'est des hommes de Loznica [phon], à la police.

 17   Q.  Le numéro 3 ?

 18   R.  Au 3, c'est la police militaire.

 19   Q.  Au numéro 4 ?

 20   R.  Les éclaireurs et les membres de l'unité de sabotage au 5.

 21   Q.  Quand vous dites les autres, c'est le numéro 5, ou qu'est-ce que c'est

 22   que le numéro 5 ?

 23   R.  Ça, c'étaient les membres de l'unité de sabotage.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, comment saviez-vous que tous ces

 25   gens-là étaient répartis au rez-de-chaussée, premier étage, et vous-même,

 26   au deuxième étage ? Vous, on le comprend puisque vous étiez prisonnier.

 27   Mais comment vous saviez qu'il y avait l'unité de sabotage qui était au

 28   rez-de-chaussée ? Comment saviez-vous tout ça ?


Page 5208

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Plusieurs fois on m'a emmené balayer les

  2   locaux à l'intérieur du bâtiment. Et à chaque fois que j'entrais dans ces

  3   pièces, il était écrit sur une grande feuille, "membres de l'unité de

  4   sabotage", "éclaireurs", "police militaire", "police".

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Et alors, les hommes de Seselj, c'était écrit sur

  6   une feuille aussi, "les hommes de Seselj" ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Là, ce n'était pas écrit. Mais c'était à eux

  8   les pièces. Je le sais parce que premièrement ils venaient là, parfois ils

  9   venaient nous voir et aussi parce qu'ils ont emmené un de mes amis là-bas

 10   pour l'entendre. C'était leurs pièces, que je n'ai pas nettoyées. Mais j'ai

 11   nettoyé toutes les autres pièces. 

 12   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que plus tard pendant le temps que vous avez passé dans cette

 14   usine et dans d'autres endroits dont nous allons parler plus tard, est-ce

 15   que vous avez eu l'occasion d'apprendre plus de choses quant à l'identité

 16   du groupe de ces hommes de Seselj ?

 17   R.  Est-ce que ça vous serait possible de répéter la question ? Je n'ai pas

 18   très bien, ou bien Mme n'a pas très bien compris -- les identités qui vous

 19   intéressent, est-ce que j'ai appris à ce moment-là ou plus tard ?

 20   Q.  Je vous demandais ceci : vous étiez au courant de cette pièce-là dans

 21   l'usine Standard, mais est-ce que vous avez eu aussi des contacts plus ou

 22   moins rapprochés avec les hommes du groupe de Seselj à divers moments

 23   pendant tout le temps dont nous avons parlé au cours de cette audience ?

 24   R.  Oui, je vois. Oui, c'était le cas. Le commandant Toro est  venu. Il

 25   nous a enregistrés avec une caméra vidéo. Il fallait qu'on donne notre nom,

 26   notre prénom. Et plus tard, j'ai appris que cet enregistrement a été

 27   diffusé à la télévision de Serbie et qu'on a dit qu'un groupe de sabotage

 28   avait été capturé qui avait tenté de s'infiltrer dans Zvornik.


Page 5209

  1   Une fois, il y a eu des gens qui sont venus nous voir, mais qui ne nous

  2   assénaient pas de coups. Le Vojvoda Cele est venu une fois. Et il me semble

  3   qu'à ce moment-là, il avait un ou deux grands couteaux accrochés à sa

  4   ceinture, il riait et il touchait son couteau. Puis Sasa du groupe de

  5   Kraljevo est venu et il a dit : "Maintenant un homme tout à fait à part

  6   viendra. C'est quelqu'un de très rare qui va vous parler. Vous n'avez pas

  7   le droit de le regarder droit dans les yeux. Il faut lui dire honorable M.

  8   Vojvode, si vous vous adressez à lui, et s'il y en a parmi vous qui savent

  9   qui à Zvornik a fait du trafic ou autres, il faut le dire à cet homme." Et

 10   l'un d'entre nous s'est présenté, il est allé dans ces pièces avec eux et

 11   il y a passé une heure et demie.

 12   Q.  Lorsque vous avez fait votre déclaration en 1996, avez-vous eu

 13   l'occasion de revoir cette déclaration avant de venir déposer ici ?

 14   R.  Oui, j'ai eu l'occasion de la revoir.

 15   Q.  Dans cette déclaration préalable, est-ce que vous faites la description

 16   de plusieurs hommes du groupe de Loznica ainsi que du groupe de Seselj ?

 17   R.  Oui. Bien sûr, c'est en fonction de ce que j'ai vu. Et en principe,

 18   j'ai toujours essayé de comparer leur taille à la mienne donc quelques

 19   centimètres plus ou moins. Mais tout ça, c'était dû à mon évaluation, au

 20   pif.

 21   Q.  Vous vous êtes préparé à l'audition d'aujourd'hui, est-ce qu'au cours

 22   de cette préparation on vous a montré un extrait de votre déclaration, cet

 23   extrait étant la liste des différents membres des deux groupes dont vous

 24   avez parlé dans votre déclaration préalable ?

 25   R.  Oui, c'est cela, on m'a montré.

 26   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de revoir cette liste, de la

 27   vérifier pour voir si elle était exacte ?

 28   R.  Oui.


Page 5210

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12  Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

 13  pagination anglaise et la pagination française.

 14 

 15 

 16 

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25   

 26  

 27  

 28  


Page 5211

  1   Q.  Est-ce que vous avez apporté des corrections à cette liste ?

  2   R.  Oui, j'ai tenté de me rappeler au mieux, d'après mes souvenirs, mais

  3   dans la mesure du possible parce que beaucoup de temps s'est passé. Je l'ai

  4   fait, comment dirais-je, au mieux de ce que je sais.

  5   M. MARCUSSEN : [interprétation] Puis-je demander à Mme l'Huissière de

  6   m'aider, je voudrais montrer au témoin une copie de ce document.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, on présente

  8   maintenant au témoin, non pas un document qu'il a signé, mais un document

  9   qui a été établi par le Procureur, paraît-il, sur la base de sa

 10   déclaration. Et on suggère au témoin qu'il faut répéter tout ce qu'il avait

 11   dit au sujet de ces différents individus, leurs surnoms. Je pense que c'est

 12   absolument inadmissible.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Procureur.

 14   M. MARCUSSEN : [interprétation] Cette liste, en fait, a été signée par le

 15   témoin. La liste à proprement parler a été saisie dans le système, elle a

 16   été communiquée à l'accusé, elle porte le numéro de la liste 65 ter, 7184.

 17   Et au moment du récolement, c'est d'ailleurs la question que j'allais poser

 18   au témoin, comme il l'a dit, il a réexaminé cette liste, il y a apporté

 19   quelques corrections à partir de ses souvenirs. Cette liste, il l'a signée

 20   et il a daté chacune des directions qu'il a apportées. Et j'allais lui

 21   demander confirmation de la signature et demander le versement de ce

 22   document au dossier.

 23   C'est ce que j'allais faire, et je ne pense pas que ceci justifie une

 24   objection.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, si je comprends bien, dans sa

 26   déclaration écrite, il a décrit un, deux, trois, quatre, cinq, six membres

 27   des hommes de Seselj. Le Vojvode Cele, le major Toro, Pufta, Zoks, Sasa et

 28   Sava. Et donc cette description vous l'avez répertoriée intégralement dans


Page 5212

  1   ce document avec quelques petites modifications; c'est ça ?

  2   M. MARCUSSEN : [interprétation] Voici ce que nous avons fait, c'est exact.

  3   Nous avons retiré de la déclaration les descriptions et nous avons enlevé -

  4   - il n'y avait pas grand-chose mais il n'y avait que -- qui n'étaient pas

  5   que des descriptions. Nous avons donc la description de ces personnes,

  6   établi une liste qui a été examinée par le témoin qui a confirmé que ceci

  7   correspondait à ses souvenirs. Cette liste il l'a signée hier, et parce

  8   qu'il voulait apporter quelques ajouts et quelques modifications, il les a

  9   incorporés dans la liste, liste qu'il a signée.

 10   C'est une liste en deux moments. Il y a le groupe de Loznica, c'est

 11   aussi pertinent en l'espèce ainsi que le groupe des hommes, enfin, de ce

 12   qu'on appelle les hommes de Seselj.

 13   C'est simplement de façon à déterminer l'identité rapidement, c'est

 14   tout. Je suis tout à fait prêt à examiner ce document avec le témoin.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. La liste qui est à la pièce 2195 est donc

 16   la liste corrigée par rapport à la déclaration écrite; c'est bien ça ?

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense que la cote que vous avez dans

 18   votre classeur c'est 7184.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi, j'ai fait une erreur. C'est 7184.

 20   Bien. Alors quels sont les détails qu'il a changés ?

 21   M. MARCUSSEN : [interprétation] Il est peut-être utile de vous distribuer

 22   une copie de cette liste. Je voulais d'abord établir une justification à

 23   cette base par une question posée au témoin, mais on peut le faire

 24   inversement.

 25   Tout ceci a été fait hier soir, malheureusement les modifications et

 26   les traductions sont apportées à la main, mais j'ai un exemplaire pour tout

 27   le monde, pour la Chambre, pour l'accusé.

 28   Madame et Messieurs les Juges, si vous regardez le bas de la première


Page 5213

  1   page, vous verrez une signature et une date. Si vous prenez la seconde

  2   page, vous allez voir les corrections qui ont été apportées et dans la

  3   version en anglais, vous verrez quelles sont ces corrections.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est un

  5   scandale. Tout d'abord --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Ne dites pas que c'est un scandale. Il y a un

  7   enquêteur qui rencontre le témoin en 1996, au mois de septembre, et il lui

  8   demande de décrire les gens qu'il a vus quand il balayait ou qui se

  9   trouvaient dans ce bâtiment. A ce moment-là, le témoin relate et décrit

 10   exactement de son point de vue qui étaient ces gens, par exemple, le

 11   Voïvode Cele, qui était le leader du groupe, il venait de Kraljevo. Il

 12   mesurait un mètre 72, il pesait 100 kilos, il avait un estomac proéminent,

 13   les cheveux noirs, et cetera. Voilà le détail qu'il donne. Et pendant le

 14   "proofing", il a rajouté quelques corrections qui sont peu nombreuses et

 15   qui sont dans la version anglaise en page 2 et dans la version B/C/S en

 16   page 2. Voilà, c'est tout.

 17   Donc ne dites pas que c'est un scandale. C'est un moyen d'obtenir des

 18   éléments d'identification sur les gens qui étaient là. Et plutôt que de

 19   dire que c'est un scandale, j'appelle votre attention sur le paragraphe qui

 20   concerne le major Toro, où il semblerait qu'il ait une carte

 21   d'identification militaire qui pouvait peut-être laisser supposer qu'il

 22   membre de la JNA.

 23   Alors, avant de critiquer, écouter d'abord les questions du

 24   Procureur, et pendant le contre-interrogatoire vous aurez le temps à ce

 25   moment-là de démolir si vous le voulez.

 26   Ce que nous sommes en train d'essayer de comprendre sur la présence

 27   d'individus dans ce bâtiment administratif dont le témoin dit qu'il y avait

 28   des membres des hommes de Seselj. Alors, qui sont ces hommes, on va essayer


Page 5214

  1   d'y voir clair.

  2   Alors, continuez, Monsieur le Procureur.

  3   M. MARCUSSEN : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur le Témoin, est-il exact que vous avez apporté des corrections

  5   et que vous avez signé le document que vous avez corrigé ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant vous tolérez une question

  7   incroyablement directrice. Est-ce qu'il a raison ? Bien sûr le Procureur a

  8   toujours raison devant ce Tribunal. Et là, vous me direz que ce n'est pas

  9   un scandale.

 10   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense que ceci a déjà été dit à

 11   plusieurs reprises autant par M. Le Président de la Chambre que par vous-

 12   même, c'est vous-même qui avez soulevé la question. Ce document a été

 13   signé. Donc je pense que maintenant on est dans des formalités assez

 14   puriles [phon] où il n'y pas de questions directrices si je pense que c'est

 15   bien une signature et une date. Je pense que là on perd vraiment du temps.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, oui on perd du temps parce qu'il a signé le

 17   document, donc il l'authentifie les modifications qui sont vraiment

 18   minimes.

 19   Continuez, Monsieur le Procureur.

 20   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur le Témoin, essayons de voir quelle est la base, le socle sur

 22   lequel vous vous basez pour faire ces descriptions. Vous avez décrit ces

 23   gens qui sont énoncés ici. Est-ce que ça part des observations que vous

 24   avez faites à l'usine de chaussures ou est-ce que vous avez revu ces

 25   personnes à d'autres moments dans des endroits où vous avez été en

 26   détention ?

 27   R.  Ça correspond à toute la période de mon séjour à différents endroits,

 28   c'est-à-dire à différents camps de concentration. Et à travers tout ce que


Page 5215

  1   j'ai vécu, j'ai tiré des conclusions. Et si parfois j'ai eu l'occasion

  2   d'être face ou côté d'eux, j'essayais de me rappeler leur taille et leur

  3   poids par rapport au mien.

  4   Q.  Et quand avez-vous été relâché de ce que vous appelez ces camps de

  5   concentration?

  6   R.  Le 4 décembre 1992.

  7   Q.  Est-ce que je vous ai bien compris, à partir du mois de mai et jusqu'en

  8   décembre 1992, vous vous êtes trouvé dans plusieurs endroits et vous avez

  9   eu l'occasion de voir ces personnes ?

 10   R.  C'est cela. Jusqu'en juillet, 15 juillet, c'est là qu'on nous a

 11   transportés à Batkovici.

 12   Q.  Excusez-moi, jusqu'au mois de juillet.

 13   Mme LE JUGE LATTANZI : [chevauchement] les prétendus hommes de Seselj qu'il

 14   a vus dans l'usine Standard, parce qu'autrement je ne me retrouve pas. Si

 15   cette liste correspond à toute la période ? Mais maintenant on est sur

 16   l'usine. Est-ce qu'on peut s'arrêter là et voir ce qu'il sait sur les

 17   hommes de -- les hommes prétendus de Seselj qui étaient là ?

 18   M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout à fait, Madame le Juge. Je voulais

 19   poser quelques questions supplémentaires sur l'identification, puis au fur

 20   et à mesure vous allez voir plusieurs de ces noms que vous allez retrouvés

 21   dans divers contextes au cours de cette période dont nous venons de parler.

 22   Vous allez en trouver certains à l'usine Standard, d'autres dans d'autres

 23   endroits dont nous allons parler. Mais je pensais qu'il serait utile de

 24   présenter ces personnes dès maintenant de façon à ce que nous sachions tous

 25   de qui nous parlons, puis nous allons parler des différentes actions.

 26   Permettez-moi de poser juste quelques petites questions.

 27   Q.  Si nous parlons du groupe des hommes de Seselj, à propos de Toro, vous

 28   dites qu'il avait une carte d'identification militaire qui montrait que


Page 5216

  1   c'était un des hommes de Seselj ou l'un des hommes de l'armée de Seselj,

  2   comme c'est dit dans la traduction. Est-ce qu'à un moment donné vous avez

  3   vu cette pièce d'identité militaire ?

  4   R.  Je n'ai pas vu de carnet militaire. Un ami m'a dit qu'il l'a vu. Moi,

  5   plus tard en travaillant, en pillant dans la ville pour eux, pour leur

  6   compte, à un moment donné lorsque le commandant Toro transmettait des

  7   grandes sommes d'argent de main en main, en envoyant cela à Kraljevo près

  8   d'un camion, il lui est resté une carte d'identification noire dans sa

  9   main, et il me semble que les lettres étaient un peu argentées ou dorées,

 10   il y avait une cocarde qui était dessinée, et ce qui était écrit, c'était

 11   "Parti radical serbe." J'ai supposé que c'était une carte de membre. Nous

 12   avions comme des cartes d'identité. Je ne sais pas si c'était une véritable

 13   carte d'identité. Je ne peux pas vous le dire avec certitude parce que

 14   j'étais sur le camion, j'étais en train de charger, j'ai vu l'argent. Vous

 15   savez, quand on transmet une somme très importante, une liasse, c'étaient

 16   des liasses de billets de marks qu'on transmettait. Il lui a dit : "Prends

 17   ça, et tu sais ce qu'il faut faire."

 18   Q.  Et pour ce qui est de Sasa et Sava, savez-vous s'ils avaient un grade,

 19   avez-vous entendu dire qu'ils avaient un grade au sein du groupe de Seselj

 20   ?

 21   R.  Pour Sasa je ne me souviens pas, et pour Sava, ils ont raconté, je

 22   crois que c'était au mois de juin, que Seselj était venu à Zvornik et qu'il

 23   avait promu Sava au grade de commandant. Et Sava, cette nuit-là, nous a

 24   dits qu'il y avait une grande fête parce que Zoks et Pufta avaient été

 25   promus au grade de capitaine.

 26   Q.  Qui étaient les deux autres ?

 27   R.  Pufta et Zoks, ils sont décrits ici également, ils ont été promus.

 28   Q.  Et vous, vous avez entendu cette conversation; c'est cela ?


Page 5217

  1   R.  Oui, Zoks, cet un ami à moi. J'avais de bons rapports avec lui, donc je

  2   lui ai dit : "Félicitations, et le lendemain il l'a remercié. Je lui ai dit

  3   : "Félicitations pour la promotion." Et il a répondu : "Merci, merci."

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Zoks, vous dites : "C'est un ami à moi." Donc vous

  5   le connaissiez avant ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Il y a eu une erreur

  7   d'interprétation. Je n'ai pas dit qu'il était mon ami, mais un ami à moi

  8   l'a félicité pour sa promotion. Et il a dit : "Merci," à un de mes amis

  9   avec qui j'ai été capturé des le début.

 10   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur le Témoin, s'il vous plaît, il faut absolument que vous

 12   parliez plus fort parce que sinon les interprètes arrivent absolument pas à

 13   vous entendre, n'arrivent pas à interpréter.

 14   Donc sur cette liste, vous avez aussi le groupe Loznica. Donc est-ce que

 15   vous connaissiez les membres de ce groupe avant la guerre ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Comment les avez-vous connus ?

 18   R.  Je les connaissais parce que nous, nous allions souvent à Loznica, eux

 19   venaient quelquefois à Zvornik. C'était un groupe d'hommes qui étaient

 20   connus de la police et ils avaient pas mal d'antécédents et quand ils

 21   arrivaient dans une ville, comme d'habitude on essaie de savoir qui on doit

 22   respecter et c'étaient ces gens-là. On cherche à voir si d'une façon ou

 23   d'une autre on peut leur payer un verre pour qu'ils -- nous fassent rien de

 24   mal.

 25   Donc nous nous connaissions de vue. Et il y en avait même un parmi

 26   eux que je connaissais un peu mieux. C'était le dirigeant Stuka. Je ne le

 27   connaissais pas particulièrement bien, mais il nous est arrivé à plusieurs

 28   reprises de boire un verre ensemble. Nous avons fait connaissance par le

 


Page 5218

  1   truchement d'une jeune fille, et je n'aimerais pas raconter les détails qui

  2   sont un peu intimes.

  3   Q.  Ce groupe, est-ce que vous saviez qui était leur chef à Zvornik ?

  4   R.  C'était toujours Stuka qui les amenait, mais leur vrai dirigeant était

  5   Gogic. C'est ce qui se racontait. C'est ce qu'on a entendu. Gogic, lui, ne

  6   venait pas, n'est pas venu au moment où on nous a chargés à bord du

  7   véhicule, mais il avait une Gulf rouge. Il nous a menés --

  8   Q.  Avez-vous jamais appris de quoi -- entendu une conversation pour savoir

  9   à qui il rendait compte en dehors de l'usine Standard ?

 10   R.  -- puisse y prendre un certain nombre d'objets.

 11   Oui, oui.

 12   Q.  Mais à qui donc rendait-il compte ?

 13   R.  Alors on parle bien maintenant du jour où ils nous ont frappé, ces

 14   hommes de Loznica. Alors Niski a fait irruption, il a arrêté le passage à

 15   tabac, il s'est disputé avec eux, et à ce moment-là Stuka lui a dit : "S'il

 16   y a quelque chose que tu ne comprends pas bien, tu peux t'adresser à Marko

 17   Pavlovic, c'est le seul homme qui me donne des ordres."

 18   Q.  Savez-vous quel était le poste de Marko Pavlovic à Zvornik ?

 19   R.  D'après ce que j'ai appris dans des conversations entre les gardiens,

 20   il dirigeait à ce moment-là la défense de la ville, si j'ai bien compris,

 21   la défense de la ville par les Serbes.

 22   M. MARCUSSEN : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, maintenant

 23   passer à huis clos partiel pour une question.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 26   [Audience à huis clos partiel]

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 5219

 

 2 

 3 

 4 

 5 

 6 

 7 

 8 

 9 

10 

11  Page 5219 expurgée. Audience à huis clos partiel

12 

13 

14 

15 

16 

17 

18 

19 

20 

21 

22 

23 

24 

25 

26  

27  

28  


Page 5220

 1  (expurgé)

 2  (expurgé)

 3  (expurgé)

 4  (expurgé)

 5  (expurgé)

 6  (expurgé)

 7  (expurgé)

 8  (expurgé)

 9  (expurgé)

10  (expurgé)

 11   [Audience publique]

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, avant que tout cela se

 13   termine, je voudrais simplement vous dire qu'il n'y pas de contestation au

 14   sujet du nom mais au sujet de la précision du Procureur et de son

 15   implication dans l'affaire. Quant à cette histoire de nom elle est claire

 16   pour le Procureur d'ici et pour le tribunal de Belgrade, il n'y a pas de

 17   contestation au sujet du nom. (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, c'est au transcript. Alors on va passer en

 21   audience publique, si c'est fait déjà, oui.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour le compte rendu, je tiens à dire que

 23   nous sommes maintenant en audience publique.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il faut faire une ordonnance là pour effacer la

 25   ligne -- les lignes concernant celui qui a été jugé à Belgrade.

 26   M. MARCUSSEN : [interprétation] Cela dit, il me semble que cela a été dit

 27   en audience à huis clos partiel, non ?

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'y a que le Greffier qui peut le savoir.

 


Page 5221

 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12  Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

 13  pagination anglaise et la pagination française.

 14 

 15 

 16 

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28  


Page 5222

  1   En "open session" il y a à la ligne 12 de la page 55.

  2   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne pense pas que la mention de

  3   l'identité de cette personne n'est pas vraiment un problème en l'espèce. Si

  4   vous êtes inquiété à propos de l'identification de cette personne qui a été

  5   jugée devant le tribunal des crimes de guerre à Belgrade, nous n'avons --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre préfère effacer à titre de précaution.

  7   M. MARCUSSEN : [interprétation]

  8   Q.  Témoin, s'il vous plaît, je pense que nous devons un petit peu avancer.

  9   Le cinquième jour de votre détention à l'usine Standard, avez-vous été

 10   maltraité ce jour-là, subi des sévices ?

 11   R.  Oui. Le cinquième jour de notre séjour, les hommes de Loznica sont

 12   arrivés. Stuka les a fait entrer et il a demandé : "Est-ce que quelqu'un me

 13   connaît." Nous avons baissé la tête, certains d'entre nous le

 14   connaissaient. Il a dit : "Bon, personne ne me connaît." A ce moment-là ils

 15   se sont répartis parmi nous et ils ont commencé à nous frapper.

 16   Il y en avait un que je connaissais sous le prénom de Dejan. Il s'est

 17   tenu debout à côté de moi, et a dit : "Moi, je le prends lui." A ce moment-

 18   là, il m'a donné plusieurs coups. Il y avait un homme évidemment qui nous

 19   tenait en joue avec son fusil pendant tout le temps au cas où l'un d'entre

 20   nous aurait essayé de se défendre.

 21   Après avoir reçu plusieurs coups, bien que je n'aie rien tenté, il a

 22   dit : "Celui-là, apparemment joue à des petits jeux." A ce moment-là, l'un

 23   des boxeurs est arrivé et quand lui m'a frappé, je me suis carrément envolé

 24   dans l'espace comme dans un film.

 25   Donc ils nous ont frappés à ce moment-là, en se relayant. Je mettrais

 26   en exergue comme étant ceux qui frappaient le plus, Lale, un des hommes de

 27   Loznica qui m'a dit d'enlever mes chaussures et mes chaussettes et qui a

 28   utilisé un gros câble électrique pour me frapper les talons et la plante


Page 5223

  1   des pieds; pendant que je hurlais, il me disait : Est-ce que ça fait mal ?

  2   J'ai dit : Oui, ça fait mal. Il a dit : "Ça, ça fait pas mal, ça rend fou."

  3   Puis je mettrais en exergue également un homme du groupe des

  4   éclaireurs qui s'appelait Macak. Il portait une moustache. Il s'est

  5   approché de nous et je vais essayer de vous montrer en faisant des gestes.

  6   Il nous prenait par les reins, puis il nous tordait en nous tirant vers

  7   l'arrière. Vous imaginez avec quelqu'un devant qui donnait des coups, vous

  8   imaginez combien ça pouvait faire mal. Stuka leur disait de faire tout ça

  9   pendant ce temps.

 10   Q.  On vous battait, en même temps quelqu'un vous tenait et quelqu'un vous

 11   battait; c'est cela ?

 12   R.  Oui, oui. C'était très douloureux parce qu'on était tirés vers

 13   l'arrière et à ce moment-là, il y avait quelqu'un qui se jetait sur vous et

 14   vous frappait deux fois de suite. Pendant tout ce temps, Stuka leur disait,

 15   pas dans la tête, pas dans la tête, que ça ne se voit pas. Et s'il y avait

 16   quelqu'un qui poussait un cri ou qui hurlait de douleur, il était jeté au

 17   sol, appuyé contre le sol avec le genou et frappé sur le dos avec une

 18   matraque de police.

 19   Il y avait une jeune fille avec lui qui était pied nu. Elle avait les

 20   cheveux noirs, longs, attachés en queue de cheval. De toute évidence, elle

 21   s'entraînait pour montrer son aptitude au combat. Elle s'est entraînée sur

 22   nous. Moi, elle ne m'a pas frappé.

 23   Ces séances se sont répétées toute la nuit. La première fois qu'ils ont

 24   quitté la pièce, ils nous ont donné un morceau de papier et un stylo.

 25   Q.  Je vous arrête, s'il vous plaît. Vous nous avez parlé de Lale, vous

 26   avez dit qu'il vous avait frappé sur la plante des pieds. Vous a-t-il

 27   frappé ailleurs ?

 28   R.  Oui, oui, j'avais oublié. Il m'a frappé au genou gauche, un peu en


Page 5224

  1   dessous du genou, de sorte que ma jambe n'avait plus de sensibilité parce

  2   qu'il n'a pas arrêté de frapper au même endroit. J'ai essayé par toutes

  3   sortes de moyens de protéger mon genou avec mes mains parce qu'il frappait

  4   toujours au même endroit, mais en tout cas ma jambe est devenue totalement

  5   insensible. Je ne la sentais plus. Je sentais simplement des

  6   fourmillements. D'ailleurs encore aujourd'hui j'ai ce genre de sensation

  7   quand le temps change brutalement.

  8   Q.  Vous dites que vous avez finalement arrêté d'être maltraité, puis on

  9   vous a donné un morceau de papier. Etiez-vous le seul à être battu ou est-

 10   ce que tout le monde s'est fait battre ?

 11   R.  Tous étaient frappés, ils les ont tous frappés.

 12   Q.  Combien d'entre vous se trouvaient dans cette pièce à l'époque ?

 13   R.  Six. J'ai l'impression qu'on était huit.

 14   Q.  Combien de temps a duré ce passage à tabac, s'il vous plaît ? Ce

 15   passage à tabac dont vous venez de nous parler, combien de temps a-t-il

 16   duré ?

 17   R.  Ça a duré jusqu'à ce qu'ils se fatiguent, je ne saurai vous dire

 18   combien de temps, mais jusqu'à ce qu'ils se fatiguent. La première fois

 19   qu'ils se sont interrompus, ils nous donné un crayon pour nous dire

 20   d'écrire ce que nous savions au sujet des hommes qui avaient des

 21   antécédents judiciaires très lourds, ceux de Zvornik. Donc il fallait qu'on

 22   écrive qui ils étaient. Chaque fois qu'ils s'interrompaient, il y avait

 23   Niski qui arrivait et qui nous disait cela ne se reproduira pas. On lui a

 24   dit que eux nous avaient donné ce papier et ce crayon pour qu'on écrive et

 25   il nous a dit : Ce n'est pas la peine d'écrire.

 26   Puis, une heure ou deux plus tard, je ne sais plus très bien, ils sont

 27   revenus. Ils ont recommencé à nous rouer de coups et le même scénario s'est

 28   répété. A la fin, une fois qu'ils se sont de nouveau fatigués, Niski est de


Page 5225

  1   nouveau arrivé, il s'est de nouveau disputé avec eux. Il hurlait sur les

  2   gardiens. Mais à ce moment-là, parmi nous, si quelqu'un savait quelque

  3   chose il l'avait déjà écrit sur son papier. D'ailleurs même si on ne savait

  4   rien, on avait écrit quand même.

  5   Quand ils sont venus la dernière fois, on pensait qu'ils n'allaient plus

  6   frapper puisqu'on avait écrit, mais Stuka a pris tous ces papiers il les a

  7   déchirés en disant que ça ne l'intéressait pas du tout en proférant des

  8   mots que je préfère ne pas répéter devant la Chambre. Tout cela a duré

  9   toute la nuit, Niski venant sans arrêt. Le matin, la dernière fois qu'on

 10   nous a roués de coups, Niski nous a présenté ses excuses pour tout ce qui

 11   s'était passé et il nous a priés de n'en parler à personne. Il fallait que

 12   cela reste entre nous. Bien sûr, on a dit d'accord très rapidement parce

 13   que ce qu'on voulait c'est éviter que quelqu'un d'autre nous frappe. Il

 14   nous a dit qu'il a pris des renseignements sur nous, que tout allait bien

 15   et qu'on allait nous relâcher. Et puis --

 16   Q.  Je vous arrête à nouveau. On vous a passé à tabac à plusieurs reprises,

 17   pourriez-vous nous dire à combien de reprises environ, si vous vous en

 18   souvenez, bien sûr ?

 19   R.  Je dirais cinq à peu près, je n'en suis pas tout à fait sûr, en tout

 20   cas, ça s'est répété à plusieurs reprises. Je n'en suis pas sûr à 100 %.

 21   Mais c'est ce que je crois. Je ne sais pas. Trois, cinq fois, à peu près.

 22   Je crois que c'était cinq fois.

 23   Q.  Et les passages à tabac étaient-ils toujours de la même nature à chaque

 24   fois ?

 25   R.  Chaque fois la même chose. Il arrivait que parmi eux certains aient des

 26   chouchous, si je peux employer ce terme, et à ce moment-là ils se ruaient

 27   immédiatement sur l'homme en question. Mais en tout cas quand ils

 28   frappaient, on volait dans les airs.


Page 5226

  1   Q.  Etait-ce le même groupe qui revenait pour vous passer à tabac à chaque

  2   fois ou y avait-il des personnes différentes ?

  3   R.  Cette nuit-là, c'était toujours le même groupe qui revenait. Niski a

  4   même hurlé à plusieurs reprises sur les gardiens, en leur disant qu'ils

  5   n'avaient pas le droit de les laisser entrer, qu'ils devaient faire usage

  6   de leurs armes, mais eux, chaque fois c'était le même scénario tout

  7   simplement. Le lendemain matin, ils nous ont ramassés, ils nous ont fait

  8   montrer dans un minibus. Et ils nous ont emmenés jusqu'au bâtiment régional

  9   de l'armée à Zvornik. Il y avait Mrki qui était là aussi, celui qui nous

 10   avait interrogés en premier. Il s'est excusé devant nous, il a dit aussi

 11   qu'il n'avait rien pu faire.

 12   Et finalement -- j'ai oublié, pardon. Après le dernier passage à tabac, ces

 13   hommes de Loznica nous ont dit : "On se retrouva plus tard" --

 14   Q.  Vous avez dit que Niski avait dit que vous alliez être libérés. Que

 15   s'est-il passé ? Vous êtes allés à Ekonomija ou est-ce que vous avez été

 16   libérés ?

 17   R.  Ils nous ont emmenés jusqu'au bâtiment de l'armée. Ils ont commencé à

 18   nous donner des laissez-passer. Les hommes de Loznica sont arrivés à ce

 19   moment-là, ils ont repris nos laissez-passer et ont ordonné à la police

 20   militaire de nous conduire jusqu'à Ekonomija. Et Ekonomija, pendant qu'on a

 21   séjourné à Standard, on a entendu des choses terribles. Les gardes ne

 22   cessaient de répéter que quelqu'un qui allait là-bas n'en revenait pas

 23   vivant et donc on avait peur.

 24   Quand on est arrivé à Ekonomija, on nous a pris nos ceintures, nos lacets,

 25   nos papiers d'identité, et le peu de bijoux que certains avaient encore sur

 26   eux, et un gardien nous a dit : "De toute façon, vous n'en aurez plus

 27   besoin."

 28   Puis on nous a fait entrer dans le bâtiment d'Ekonomija. Ekonomija, c'est


Page 5227

  1   une entreprise agricole non loin de Zvornik, je crois qu'au moment où on

  2   nous y a détenus, c'était un entrepôt. Parce que là-bas il y avait un

  3   espace bétonné avec très haut des fenêtres grillagées. Il y avait une porte

  4   métallique. Et dans la grande porte métallique, il y avait un petit

  5   portillon qui servait à nous remettre de la nourriture et à vérifier qui

  6   était à l'intérieur.

  7   C'est là qu'on nous a emmenés, nous étions combien, je ne saurais vous le

  8   dire exactement, mais je dirais 15 à 20 personnes à l'intérieur.

  9   M. MARCUSSEN : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, regarder

 10   la pièce 65 ter 4147.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si vous reconnaissez cet

 12   endroit ?

 13   R.  Ce sont les bâtiments de l'entreprise agricole Ekonomija à Karakaj. A

 14   côté du bâtiment allongé, il y a le bâtiment qu'on voit moins bien et c'est

 15   celui où on était enfermés. Celui qui est à droite du grand bâtiment dont

 16   on ne voit que le toit.

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, c'est

 18   malheureusement la meilleure photographie que nous ayons, donc je vous le

 19   dis juste avant qu'il y ait une objection éventuelle.

 20   J'aimerais aussi que cette photographie soit versée au dossier, s'il vous

 21   plaît.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Numéro.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P00304.

 24   M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais aussi verser au dossier la pièce

 25   6208 [comme interprété] de la liste 65 ter, c'était le croquis de l'usine

 26   Standard.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote P00305.

 28   M. MARCUSSEN : [interprétation] Puisque nous en sommes à des points

 


Page 5228

  1   administratifs, j'aimerais aussi verser la pièce 7184. Il s'agit de la

  2   liste des hommes de Seselj et des hommes de Loznica. Voici ce que je

  3   propose que nous fassions, on pourrait conserver le numéro 65 ter mais

  4   télécharger dans le système électronique la version amendée et modifiée que

  5   nous avons vue aujourd'hui. Donc si nous pouvions avoir une cote tout de

  6   suite et ensuite nous téléchargerons le bon document.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P00306.

  8   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.

  9   Q.  Témoin, on vous a fait rentrer dans cette pièce où se trouvaient

 10   environ 15 à 20 personnes. Quand vous êtes rentré dans cette pièce, est-ce

 11   que vous avez reconnu qui que ce soit, est-ce que vous connaissez les noms

 12   de ces gens ?

 13   R.  Je connaissais quelques-unes de ces personnes, et j'ai fait la

 14   connaissance de toutes ces personnes pendant mon séjour. J'ai appris leurs

 15   noms et prénoms. Mais au départ je connaissais quelques-unes de ces

 16   personnes qui se trouvaient à l'intérieur.

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation] Pourrions-nous peut-être passer à huis clos

 18   partiel afin que le témoin puisse parler de l'identité des personnes --

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 21   [Audience à huis clos partiel]

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 5229

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19   [Audience publique]

 20   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 21   Q.  Lorsque vous étiez dans cette ferme coopérative Ekonomija, est-ce que

 22   les prisonniers ont été passés à tabac à cet endroit-là ?

 23   R.  Oui. Ekonomija c'est la période la plus dure que j'ai connue pendant

 24   toute la durée de nos détentions, et je ne le souhaite à personne, pas même

 25   au pire des ennemis comme le dirait notre peuple. Ekonomija, c'était un

 26   endroit où venaient tous ceux qui avaient envie de donner des coups. Et

 27   comme c'était un domaine agricole, vous pouviez hurler pendant trois jours

 28   sans que personne n'entende. C'était à l'écart de la ville, à l'écart de la

 


Page 5230

  1   route, pas trop loin de la route mais quand même à l'écart, ce qui fait

  2   qu'on pouvait faire tout ce qu'on voulait sans que personne ne le remarque

  3   ou ne le sache. C'est à Ekonomija qu'on nous a régulièrement tabassés.

  4   C'est surtout le groupe de Loznica qui venait là-bas et qui nous

  5   battait. A leur côté il y avait aussi un dénommé Roki, c'est ainsi qu'on

  6   l'appelait, et il venait. J'ai donné son descriptif parce qu'à l'occasion

  7   de la première déclaration je pense avoir dit cela, il a dû avoir eu des

  8   ordres, il a probablement eu des entraînements en arts martiaux parce que

  9   quand il venait seul il y avait autant de sang que quand ils étaient six à

 10   huit à venir pour asséner des coups.

 11   Parfois il y avait des gens de Kraljevo qui venaient également, mais c'est

 12   surtout des gens de Loznica qui venaient pour tabasser. Ils venaient à des

 13  moments différents, le jour, la nuit. Pour ce qui est de l’endroit où on nous

 14   maintenait, que voulez-vous que je vous dise, il y avait juste quelques

 15   cartons étalés au sol, une nuit ils ont même versé de l’eau par terrre pour

 16   qu’on ne puisse pas s'asseoir ni s'allonger, mais nous, moi, je suis resté

 17   debout, j’ai dormi debout, dans une sorte de confusion. Et vous ne saviez

 18   jamais... ils venaient à toute heure du jour et de la nuit et nous

 19   battaient. Et ils nous forçaient aussi à nous battre entre nous. Le deuxième

 20   jour à l'Ekonomija on m'a brisé l'os de l'épaule. C'est le dénommé Roki et

 21  on m'a dit qu'il venait de Borina, après j'ai appris qu'il était de Rocevici,

 22   en somme je ne sais pas trop. J'ai été battu par deux hommes, et je l'ai vu

 23   prendre son élan pour me taper à la tête, alors machinalement j'ai esquivé,

 24   et ça l'a rendu fou de colère. Il a pris un pieu en bois d'acacia, on avait

 25   préparé ça pour faire une clôture autour de l'Ekonomija. Et il a commencé à

 26   me frapper avec ce pieu sur l'épaule gauche. Il m'a tant et si bien frappé

 27   qu'à un moment donné je n'ai plus senti mon épaule du tout. Je suis tombé

 28   dans les pommes trois fois. Et on m'a arrosé d'eau, il y avait un sceau là,


Page 5231

  1   et à chaque fois il injuriait ma mère. Je ne vais pas vous donner les

  2   détails. Et il me disait : "Non, tu ne vais pas encore crever, non, tu ne

  3   crèveras pas encore." A la fin, il m'a demandé si je voulais qu'il me frappe

  4   à mon épaule droite. Et j'ai dit oui. Alors il s'est mis à me frapper avec

  5   ce pieu à mon épaule droite. Il m'a donné plusieurs coups, puis il a dit :

  6   "Je préfère le côté gauche" et il s'est remis à me frapper du côté gauche.

  7   Je ne sais pas combien de temps ça a duré. Ce que je sais, c'est que

  8   le pieu s'est brisé à la fin. Suite à ces coups, j'ai eu l'épaule brisée et

  9   les séquelles sont durables. Elles sont encore là. Je ne peux pas lever ce

 10   bras en l'air, et pour ce qui est par exemple de la force que j'ai dans le

 11   bras droit, je n'ai que 30 % de cette force dans le bras gauche. Alors

 12   comment --

 13   Q.  Vous dites que vous ne pouvez pas lever le bras gauche. Est-ce que vous

 14   pouvez nous montrer cela. Le témoin a dit qu'il ne peut lever son bras

 15   qu'un tout petit peu au-dessus du niveau horizontal. Voilà. C'est ça, son

 16   bras gauche.

 17   R.  Je ne peux pas le lever davantage parce que ça s'est cicatrisé en

 18   biais.

 19   Je ne sais pas comment j'ai eu la force le matin d'après, et je vais

 20   passer certains détails, mais entre Cele et Niski il y avait eu un accord

 21   pour aller travailler. Ceux qui pouvaient lever les bras iraient travailler

 22   -- ceux qui pouvaient lever les deux bras pouvaient aller travailler et

 23   ceux qui ne pouvaient pas aller travailler étaient vraiment ennuyés, et

 24   j'ai réussi à lever mes deux bras.

 25   Q.  Arrêtons-nous pendant quelques instants. La personne qui vous a frappé

 26   au niveau de l'épaule, qui était-ce ?

 27   R.  C'était Roki.

 28   Q.  Il appartenait à quel groupe ?


Page 5232

 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12  Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

 13  pagination anglaise et la pagination française.

 14 

 15 

 16 

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28  


Page 5233

  1   R.  Je ne saurais pas vous dire à quel groupe il appartenait. Il venait

  2   avec les gens de Loznica. Des fois il venait seul. Au tout début de ses

  3   venues à Ekonomija - je me demande si je parle trop vite - il portait des

  4   cheveux frisés, on appelle ça mi-val. Et il avait les cheveux châtains.

  5   Puis après on l'a vu quand on nous a transférés vers la briqueterie, il

  6   avait des cheveux noirs et une moustache noire. Il était versé en arts

  7   martiaux, parce qu'il pouvait donner des gifles avec ses pieds bottés à un

  8   homme, par exemple, qui était plus haut que lui-même d'une tête.

  9   Q.  Vous avez également dit qu'il y avait le groupe de Kardelj qui venait.

 10   Vous les avez cités un peu plus tôt. Est-ce que c'est ce groupe-là que vous

 11   avez décrit comme étant le groupe de Seselj à l'usine Standard ?

 12   R.  Kardelj était membre de ce groupe de Loznica.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Une fois de plus il y a une question

 14   directrice et le Procureur a fait un ratage de taille. Nulle part ailleurs

 15   on ne mentionne le groupe à Kardelj. Kardelj est mentionné comme étant l'un

 16   des membres du groupe de Loznica, alors on pose une question directrice et

 17   le témoin, s'il n'est pas concentré, pourrait dire, oui, c'est quelqu'un du

 18   groupe de Kardelj. Or c'est inadmissible.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas très bien compris, Monsieur Marcussen.

 20   M. MARCUSSEN : [interprétation] Non, il va falloir que je reprenne le

 21   compte rendu, mais je suis quasiment certain que le témoin a parlé des

 22   hommes de Seselj et qu'il a dit un peu plus tôt aujourd'hui que ces hommes

 23   faisaient partie du groupe de Kardelj. Je  ne suis pas en train de faire

 24   dire certaines choses au témoin. Simplement j'aimerais retrouver le passage

 25   du compte rendu qui le précise.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : -- enfin moi, je n'ai pas entendu ça.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président --

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre n'a pas entendu ça, alors --


Page 5234

  1   L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise qu'il s'agit

  2   probablement de Kraljevo.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'estime qu'il faudrait

  4   prendre des mesures en vue de sanctionner le Procureur parce qu'il est en

  5   train d'inventer des choses. On n'a pas mentionné les groupes à Seselj ou

  6   le groupe à Kardelj. Or j'ai estimé que Seselj et Kardelj, c'était la même

  7   chose, il s'agit de personnalités historiques pour ce qui est de l'un et de

  8   l'autre, mais ça ne mène à rien ceci.

  9   Il faut laisser le témoin raconter tout seul ce qui lui est arrivé et

 10   sans qu'il y ait des questions directrices de la part de l'Accusation pour

 11   nous jeter dans la confusion.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je crois que --

 13   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vais reformuler ma phrase.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : -- ce n'est pas Kardelj, ça doit être Kraljevo.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Est-ce que je peux vous le dire ? Kardelj

 16   était le membre d'un groupe des gens de Loznica. Il y a peut-être confusion

 17   avec les gens de Kraljevo. Il portait des vêtements verts. Il était petit

 18   de taille, membre de ce groupe de Loznica. Et lui, il m'a battu lorsque

 19   j'avais esquivé le coup de Roki. Le type de Rocevic ou de je ne sais plus

 20   de quelle localité. Il portait un surnom qui était un patronyme qui était

 21   le nom d'un homme politique de l'époque.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si vous permettez. Il

 23   s'est passé dix ans depuis le jour où VS-1013 a fait sa déclaration. En 13

 24   ans le Procureur a eu suffisamment de temps pour identifier toutes ces

 25   personnes, pour nous donner leurs noms, prénoms et adresses, le Procureur

 26   n'a pas conduit d'enquête. Le témoin a fait sa déclaration, et tout ça a

 27   attendu pendant dix ans.

 28   On fait venir le témoin et le Procureur n'a rien fait pour étayer les


Page 5235

  1   choses et il a étayé sa vérité. Il fait des hypothèses ici. Il présente des

  2   -- Qu'est-ce que c'est cette vérité ? Où est-ce qu'ailleurs dans le monde

  3   on peut diligenter des enquêtes de ce genre ? Il a eu le temps de tout

  4   vérifier et déterminer l'identité de toutes ces personnes, si tant est que

  5   ces personnes ont bel et bien existé.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Marcussen.

  7   M. MARCUSSEN : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une objection. Il

  8   s'agit d'un commentaire sur l'enquête menée par l'Accusation.

  9   Je vais reformuler ma question et la question sera la suivante :

 10   Q.  Alors que vous étiez à l'Ekonomija, le groupe que vous avez identifié

 11   un peu plus tôt comme étant le groupe de Seselj, ont-ils participé au

 12   passage à tabac des prisonniers ?

 13   R.  A notre deuxième journée du séjour, on a emmené Bubica, Buljubasic

 14   [phon], Abdul Rahman [phon], lorsqu'ils l'ont fait entré, c'est les gens de

 15   Loznica qui l'ont fait venir. Lui il disait qu'il fallait appeler Jefto

 16   Subotic, que c'était ridicule, qu'il y avait forcément erreur. Nous lui

 17   avons dit : "Tais-toi donc, calme-toi, à Dieu plaise qu'on sorte vivant,

 18   nous autres." Alors il a commencé à se rire de nous. Enfin je ne vais pas

 19   vous donner tous ces détails. Je ne sais pas si j'ai le temps de tout vous

 20   raconter.

 21   Q.  Je vais vous arrêter. Avant d'aborder ce sujet, pourriez-vous décrire

 22   en quelques mots qui était cette personne surnommée Bubica, s'il vous plaît

 23   ?

 24   R.  C'était un chauffeur du directeur de cette usine d'exploitation des

 25   mines à Zvornik. C'était un homme en vue. C'était donc le chauffeur de

 26   cette personnalité. Et eux deux déambulaient ensemble souvent, ils avaient

 27   des relations qui n'étaient pas des relations de service ou d'affaire. Les

 28   uns connaissaient les petits secrets de l'autre et vice versa. Bubica tout


Page 5236

  1   le monde le connaissait. C'était un homme qui présentait très bien.

  2   Q.  Et comment s'appelait le directeur dont il était le conducteur ?

  3   R.  Jefto Subotic, c'était le directeur de cette usine Glinica. Il a été

  4   élu manager de l'année en 1991, enfin je suppose que c'est avec ses propres

  5   deniers qu'il a dû financier certaines choses, et Bubica en savait long de

  6   façon évidente parce qu'il avait séjourné en Allemagne et avec sa famille

  7   il avait eu un contact permanent avec Jefto, et c'est Bubica qui nous l'a

  8   raconté tout ça. Jefto lui aurait dit que tout irait bien, qu'il pouvait

  9   rentrer et Bubica est rentré. Il a passé quelques journées à Belgrade chez

 10   l'autre, puis il était censé déclarer ses biens, et pour ne pas perdre de

 11   son appartement, il a convenu avec Jefto d'aller à Zvornik pour déclarer

 12   qu'il avait là-bas un appartement. Jefto lui avait assuré que tout irait

 13   bien. Lorsqu'il a fait la queue, on l'a pris dans la queue, et les gens de

 14   Loznica l'ont passé à tabac, puis ils l'ont emmené là, et ils lui ont dit

 15   maintenant on va aller s'amuser un peu avec ta femme.

 16   Q.  Ont-ils passé à tabac Bubica ?

 17   R.  Pas devant nous. Ensuite, c'est le commandant Toro qui est venu, lui et

 18   Sava. Sava avait eu fusil à pompe, me semble-t-il, de couleur noire. Il a

 19   sorti une feuille de papier et il a dit : "Qui est Bubica Buljubasic [phon]

 20   ?" L'autre a dit : "C'est moi," et il a dit : "Quel espèce d'animal es-tu

 21   donc si c'est moi qui suis censé t'interroger ?" L'autre lui a dit qu'il

 22   fallait qu'il mette sur papier qui avait été son contact à Sarajevo au sein

 23   du SDA et partant de quel endroit, enfin de laquelle ville il était censé

 24   recevoir des explosifs pour faire sauter Jefto. L'autre a ri, il a dit :

 25   "C'est un malentendu. Jefto et moi on est les meilleurs copains du monde,

 26   au-delà des affaires, au-delà de toutes choses. Appelez-le et posez-lui la

 27   question." Et l'autre lui a dit : "Ne m'interromps pas. Si tu es coupable,

 28   je vais te tuer. Je ne bats pas les gens, moi, je tue. Je n'aime pas battre


Page 5237

  1   les gens." L'autre lui a dit : "Tu marqueras ça, ça, ça."

  2   Bubica a trouvé cela ridicule. Il ne pouvait pas comprendre qu'on pouvait

  3   l'accuser de telles choses. Il suppliait qu'on appelle Jefto ou qu'on le

  4   laisse lui parler à Jefto. A un moment donné, Toro a commencé à le frapper,

  5   d'après ce que j'ai pu jeter comme coup d'œil de travers pour ne pas me

  6   faire remarquer, il a été frappé à la main, et quand il allait tomber on le

  7   prenait en plein vol avec le pied ou la jambe pour lui donner un coup de

  8   pied et il lui disait : "Je t'ai bien dit de ne pas interrompre." A ce

  9   moment-là Sava a vu Bubica et on lui avait dit il avait encore sa chaîne en

 10   or, son bracelet et sa montre en or, on lui avait bien dit de cacher cela

 11   mais il ne voulait pas nous croire, et Sava lui a enlevé son bracelet et sa

 12   chaîne en lui disant : "Tu n'en auras plus besoin de toute façon."

 13   Il est devenu conscient à ce moment-là de l'heure qu'il était, et de

 14   l'endroit où il était arrivé, il a même enlevé sa montre et il a dit :

 15   "Ecoute, s'il arrive quelque chose à mes enfants, si tu survis, donne ceci

 16   à mes enfants." Cette montre a été confisquée par Toro au prisonnier --

 17   enfin au détenu en question, je ne voudrais pas en audience publique donner

 18   le nom de ce détenu-là.

 19   Q.  Il nous faut avancer. Alors j'aimerais vous poser cette question-ci :

 20   avez-vous vu le voïvode Cele à l'Ekonomija ?

 21   R.  Oui. Il est venu le deuxième jour. Ils sont venus lui et Zoks et Pufta,

 22   je crois, mais lui, il y était à coup sûr parce que je me souviens qu’ils se

 23   moquaient de la façon dont les gens de Loznica nous battaient, puis

 24   ils ont dit: "Ça fait rien, nous, on peut aussi bien revenir plus tard."

 25   Et dans la nuit, ils ont revenus. Tard dans la nuit. Avant cela les gens

 26   de Loznica nous battaient encore une fois de plus. Excusez-moi, je vais

 27   trop vite. Il est venu avec deux grands couteaux qu'il avait mis à sa

 28   ceinture. Il les a sortis en frottant l'un contre l'autre, histoire de les

 


Page 5238

  1   acérer. Il a dit : "Ne craignez rien ça va durer très peu de temps, j'ai

  2   des assistants avec moi." Ils nous ont obligés à nous déshabiller.

  3   D'abord ils ont commencé à accuser le père de l'un des détenus, un homme

  4   âgé qui était là, en disant que c'était un Oustachi pendant la Deuxième

  5   Guerre mondiale, et ils ont dit qu'il devait forcément avoir une lettre U

  6   tatouée sous l'aisselle gauche. Ils l'ont donc déshabillé, et ils ont pu

  7   voir que rien de tout cela n'existait, puis ils ont affirmé qu'il y a eu

  8   forcément une opération esthétique pour  enlever cela.

  9   Et nous autres, on nous a tout le temps battus à Ekonomija, et on nous a

 10  obligés à faire signe de croix. Nedjo, un Serbe qui a été détenu à nos côtés,

 11  nous disait comment il fallait lire ou réciter notre Père qui êtes aux cieux.

 12   Q.  Je vous interromps. L'homme plus âgé, est-ce qu'on l'a fait sortir de

 13   la pièce ?

 14   R.  Oui, je voulais revenir tout à l'heure, un peu plus tard sur ce point-

 15   là. 

 16   Q.  Je pense qu'il faut arriver à cet instant ultérieur.

 17   Il y a un autre prisonnier qu'on a fait sortir en même temps que l'homme

 18   plus âgé ? Répondez par oui ou par non, parce que si vous vous donnez un

 19   nom, il faut passer à huis clos partiel.

 20   R.  Oui.

 21   M. MARCUSSEN : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à huis clos

 22   partiel, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 25   le Président.

 26   [Audience à huis clos partiel]

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 5239

 1  (expurgé)

 2  (expurgé)

 3  (expurgé)

 4  (expurgé)

 5  (expurgé)

 6  (expurgé)

 7  (expurgé)

 8  (expurgé)

 9  (expurgé)

 10   [Audience publique]

 11   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 12   Q.  Pourriez-vous tout d'abord nous dire ce qui est arrivé à cet homme plus

 13   âgé à l'extérieur ?

 14   R.  Cet homme âgé, ils l'ont fait sortir et ils l'ont battu. Ils frappaient

 15   devant nous, on pouvait entendre les coups parce que nous étions torse nu

 16   et à genou.

 17   Ils ont fait sortir l'autre personne et l'ont ramenée par la suite.

 18   La personne âgée a été battue et cet homme a rampé pour rentrer dans la

 19   pièce à quatre pattes. Il ne pouvait pas marcher du fait des coups qu'il a

 20   reçus. A un moment donné, lorsqu'il entrait dans son petit coin à gauche

 21   par rapport à la porte, il a dit: "Ecoutez le enfants, bénissez-moi, moi je

 22   vais vous quitter." Et il est mort.

 23   Q.  L'autre personne qu'on a fait sortir, que lui est-il arrivé, le savez-

 24   vous ?

 25   R.  Lui, ils l'ont battu aussi mais ils l'on ramené à l'intérieur.  

 26   Q.  Vous avez dit que vous étiez à genou, pourquoi ?

 27   R.  Voïvode Cele nous a obligés à nous mettre torse nu tous et a prié Dieu,

 28   mais il a dit qu'il ne fallait pas qu'on prie Allah. Parce que nous étions

 


Page 5240

  1   Serbes, il fallait que nous priions Jésus et que cela déciderait de notre

  2   sort. Je vais revenir maintenant sur Nedjo qui a été détenu à nos côtés,

  3   parce que lui nous a donné le texte de notre Père qui êtes aux cieux, parce

  4   que nous on ne le savait pas. On ne connaissait pas ces paroles. J'ai prié

  5   Dieu véritablement pour que ça ne se fasse pas mal et que tout se passe

  6   très vite. A un moment donné, je ne sais pas combien de temps ça a duré au

  7   juste, Niski est venu avec ses hommes. Il a commencé à se disputer avec

  8   voïvode Cele dehors. Il lui a dit: "Qu'est-ce que tu fais, j'ai besoin de

  9   ces hommes-là pour des travaux." Cele lui a dit: "Tu vas aller chercher

 10   ailleurs." Niski lui a dit: "Mais où veux-tu que je trouve puisque vous

 11   avez tué tout le monde, vous avez tout égorgé." L'autre a dit: "Je m'en

 12   fiche, ceux-là ils sont à moi." Une fois de plus, le voïvode a dit:

 13   "Véritablement, il est question de votre sort, vous n'avez qu'à prier

 14   Dieu." A un moment donné ils sont tombés d'accord pour que ceux qui

 15   pouvaient encore travailler, donc lever les bras, aillent travailler et que

 16   ceux qui ne pouvaient pas soient laissés abandonnés au voïvode.

 17   Ce matin-là, j'ai réussi d'une façon plutôt difficile à lever les bras,

 18   mais toujours est-il qu'on nous a emmenés vers l'usine, la briqueterie à

 19   Karakaj, non loin de Zvornik, qui se trouvait non loin de là d'ailleurs.

 20   Q.  Des hommes qui s'étaient trouvés dans la pièce, il y en a combien qui

 21   sont allés travailler ?

 22   R.  Je pense que nous étions 23, le chiffre a varié, ça a donné 24 ou un

 23   peu plus selon les besoins. Je crois qu'au départ on était 22. Je n'en suis

 24   pas tout à fait certain mais je sais qu'on a dû faire une liste de noms et

 25   c'est à partir de cette liste qu'il me semble qu'on était 22. Je crois

 26   qu'après on était 24 ou 25, et a posteriori ils ont fait venir de Celopek

 27   d'autres hommes pour qu'il y ait plus de bras. Mais en arrivant à Novi

 28   Izvor, donc à cette briqueterie, nous on est allés charger des tuiles et


Page 5241

  1   d'autres étaient dans la pièce où on nous amènerait, et le soir Niski est

  2   venu. Il a reconnu certains d'entre nous qui avions été dans le bâtiment de

  3   Standard, il nous a dit qu'il était désolé et qu'il ne pouvait pas en faire

  4   beaucoup, mais qu'il ferait en sorte qu'on ne touche pas, que nous serions

  5   des prisonniers conformément aux conventions de Genève et qu'on recevrait

  6   cinq à dix cigarettes par jour et cinq marks parce que c'était ce qui était

  7   notre dû en application des conventions de Genève.

  8   Q.  Permettez-moi de vous interrompre pour revenir un peu en arrière.

  9   Comment s'appelait cet endroit où vous êtes allé, quel était le nom de

 10   cette usine ?

 11   R.  C'était l'usine Novi Izvor qui fabriquait des tuiles, et on appelait

 12   cela la briqueterie.

 13   M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais montrer au témoin la pièce de la

 14   liste 65 ter 4101.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, montrez la liste et puis on fera la pause

 16   après.

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur le Témoin, que voit-on sur cette photo ?

 19   R.  C'est cette briqueterie, ou plutôt, usine de tuiles qu'ils appelaient

 20   Novi Izvor.

 21   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Donnez un numéro.

 23   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00307.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors on va faire une pause de 20 minutes, on

 26   reprendra à 12 heures 10, et puis après on ira jusqu'à 1 heure 15. Il me

 27   semble, Monsieur le Procureur, que vous avez dû utiliser presque deux

 28   heures, mais M. le Greffier va vérifier.


Page 5242

  1   --- L'audience est suspendue à 11 heures 50.

  2   --- L'audience est reprise à 12 heures 12.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Marcussen.

  4   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie. Visiblement ce n'est pas

  5   mon jour aujourd'hui pour les pièces. J'aimerais que la P05, la P06 -- non

  6   je reprends, que la P305 et la P306 soient placées sous pli scellé, en

  7   effet elles portent la signature du témoin.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je tiens juste à dire que la pièce P00305

 10   et P00306 seront sous pli scellé.

 11   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Témoin, quels travaux avez-vous fait au départ à Ciglana, c'est-à-dire

 13   à l'usine de brique ?

 14   R.  Au début pour la plupart on a chargé des tuiles, ensuite -- et aussi on

 15   a nettoyé, certains devaient dégagés des déchets plastiques. Je pense que

 16   c'étaient des moules dans lesquels on coulait les tuiles. C'est ce qu'on

 17   nettoyait. C'est qu'on attachait. Et lorsque les hommes de Kraljevo nous

 18   ont repris, on a commencé à charger du matériel de construction à Zvornik -

 19   -

 20   Q.  Je vous interromps, s'il vous plaît. Avant d'en venir à cela,

 21   j'aimerais savoir la chose suivante : vous étiez détenu et vous travailliez

 22   dans une briqueterie. Y avait-il d'autres personnes qui travaillaient dans

 23   cette briqueterie ?

 24   R.  Oui, c'étaient des employés habituels de l'usine.

 25   Q.  Etiez-vous gardés par qui que ce soit puisque vous dites que vous étiez

 26   prisonniers ?

 27   R.  Oui. Dans un premier temps, là où on travaillait dans cette même

 28   partie, il y avait des gardes, généralement c'était la police militaire.


Page 5243

 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12  Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

 13  pagination anglaise et la pagination française.

 14 

 15 

 16 

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28  


Page 5244

  1   Q.  -- un uniforme ?

  2   R.  Ils avaient l'uniforme gris vert olive. L'uniforme SMB de la JNA avec

  3   le ceinturon blanc.

  4   Q.  Arboraient-ils des insignes ?

  5   R.  Au début il me semble que non. C'était l'armée régulière et ils avaient

  6   des ceinturons blancs pendant qu'on était dans l'enceinte de l'usine,

  7   pendant qu'on y travaillait.

  8   Q.  Vous nous dites que par la suite vous avez été amenés ailleurs et vous

  9   avez fait un autre travail. Vous dites "vous avez été emmenés", qu'est-ce

 10   que ça veut dire exactement ?

 11   R.  On a été repris -- d'après les instructions, je ne sais pas lesquelles,

 12   c'est le commandant Toro, et Zoks et Pufta, le trio qui se trouvait là le

 13   plus souvent. C'est eux qui nous emmenaient pour charger du matériel de

 14   construction à Zvornik. Au départ, c'était juste Zvornik. Au début, c'était

 15   juste du matériel de construction.

 16   Q.  Où êtes-vous allés pour charger tout cela ?

 17   R.  Il y avait deux transporteurs routiers de Loznica, et ils avaient leurs

 18   camions, de très grands camions remorques, on chargeait tout ça dedans et

 19   tout ce qu'on avait chargé et monté, c'était pour la briqueterie. Je pense

 20   que le directeur Misco [phon] faisait toute la paperasse, et ensuite

 21   c'était à Loznica, l'entreprise de Jadar, c'est ce que nous avons entendu -

 22   -

 23   Q.  Vous --

 24   R.  -- vendus là-bas.

 25   Q.  Est-ce que des documents ont été émis comme si les matériaux venaient

 26   de l'usine Ciglana. Pouvez-vous nous dire exactement d'où venaient ces

 27   matériaux ?

 28   R.  En réalité, c'était volé. C'était volé dans des maisons musulmanes qui


Page 5245

  1   avaient été abandonnées, d'où les gens avaient été chassés, ou ils avaient

  2   pris la fuite, c'était volé. Donc on chargeait un camion par exemple, et on

  3   était assis sur le camion et quelqu'un était installé à côté du chauffeur

  4   devant. Au départ, il y avait une voiture qui escortait et on nous amenait

  5   à la briqueterie. C'était très clair que c'est là qu'on donnait d'autres

  6   papiers, parce que je ne vois pas comment autrement on aurait pu

  7   transporter tout ça en Serbie ? Je pense que c'est de là qu'on a financé la

  8   guerre.

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Procureur, j'aimerais

 10   poser une question directement au témoin, s'il vous plaît.

 11   Avez-vous participé au chargement de ces camions avec ces matériaux de

 12   construction dont vous nous avez parlé ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais j'ai cru comprendre que vous

 15   aviez l'épaule cassée à l'époque, donc vous n'auriez jamais pu porter quoi

 16   que ce soit.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Comment vous êtes-vous débrouillé ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai chargé avec les autres, ils dissimulaient

 20   le fait que je travaillais plus lentement et que je portais moins. C'est en

 21   travaillant que mon épaule a cicatrisé mais a cicatrisé mal.

 22   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais combien de temps s'était écoulé

 23   entre ce moment-là et le moment où votre épaule s'était fait casser ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai eu l'épaule cassée, quand est-ce que ça a

 25   été, vers le 11, 12 mai, quand on était à Ekonomija, et puis les hommes de

 26   Kraljevo nous ont repris je pense fin mai. Et pendant qu'on travaillait à

 27   la briqueterie, on chargeait des tuiles et tous les autres en prenaient

 28   davantage et ils m'ont donné juste quelques tuiles placées sur les mains


Page 5246

  1   pour que je les charge et ils me couvraient. Comme ça mon épaule a

  2   cicatrisé parce que s'ils avaient découvert que je ne pouvais pas

  3   travailler, on m'aurait ramené à Ekonomija.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

  5   M. MARCUSSEN : [interprétation]

  6   Q.  Lorsque vous sortiez pour prendre des matériaux de construction, qui

  7   décidait où aller ?

  8   R.  Toro.

  9   Q.  Vous ne vous rendiez que dans les maisons musulmanes ?

 10   R.  Au début oui. Cependant, avec le temps les Serbes écrivaient en grandes

 11   lettres "maison serbe", et il est arrivé plusieurs fois qu'ils sonnent à la

 12   porte et à partir du moment où personne n'ouvrait, il disait : "Casse la

 13   porte", donc on rentrait par effraction. Et s'il trouvait des objets qui

 14   lui plaisaient, on les chargeait rapidement à bord du camion et on

 15   repartait.

 16   Q.  Vous avez pris que du matériel de construction ?

 17   R.  Au début, c'était le cas. Par la suite, on a vidé des ateliers, des

 18   entrepôts de différents entrepreneurs. Au début, c'était juste des

 19   matériaux de construction. Il est arrivé souvent que l'on aligne ces outils

 20   par exemple des ateliers, des machines, qu'on les aligne en bas, et par

 21   dessus on mette des tuiles, et comme ça on avait l'impression que c'étaient

 22   que des tuiles. Et puis, ils vendaient ça, je ne sais pas ce qu'ils

 23   faisaient. On faisait comme on nous disait de faire. Un exemple, tout un

 24   atelier de Fikret Lovric avec des barbecues, tout cela ça a été chargé et

 25   emporté.

 26   Q.  Quelle était la fréquence de ces petites promenades ?

 27   R.  Tous les jours. On y est allé tous les jours. Tous les jours on

 28   chargeait. Tous les jours.

 


Page 5247

  1   Q.  Vous êtes-vous jamais rendu dans votre propre maison ?

  2   R.  J'y suis allé, j'ai chargé -- en fait Zoks et Pufta nous ont emmenés

  3   juste en voiture. Et quand on est arrivé là bas, il y avait les hommes de

  4   Loznica avec un camion, et ces objets de ma propre maison, je les ai

  5   chargés pour Lale, donc les hommes de Loznica, Lale, celui qui m'a battu

  6   sur la plante des pieds et le genou gauche. Puis il y avait sa femme,

  7   Sneza, qui portait un bébé dans les bras, mais elle allait choisir des

  8   meubles qui lui plaisaient. Et de ma maison ils ont pratiquement tout

  9   emporté.

 10   Puis un détail aussi, si vous souhaitez qu'on passe à huis clos parce que

 11   j'ai peur de révéler mon identité.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 14   [Audience à huis clos partiel]

15  (expurgé)

16  (expurgé)

17  (expurgé)

18  (expurgé)

19  (expurgé)

20  (expurgé)

21  (expurgé)

22  (expurgé)

23  (expurgé)

24  (expurgé)

25  (expurgé)

26  (expurgé)

27  (expurgé)

28  (expurgé)


Page 5248

 1  (expurgé)

 2  (expurgé)

 3  (expurgé)

 4  (expurgé)

 5  (expurgé)

 6  (expurgé)

 7  (expurgé)

 8  (expurgé)

 9  (expurgé)

10  (expurgé)

11  (expurgé)

12  (expurgé)

13  (expurgé)

14  (expurgé)

 15   [Audience publique]

 16   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 17   Q.  Pendant combien de temps avez-vous continué à travailler pour le groupe

 18   de Seselj à faire ce genre de déplacements ?

 19   R.  Pratiquement jusqu'à la fin de mon séjour à Zvornik. Je ne saurais pas

 20   vous donner la date, était-ce vers le 1er juillet ou vers le 7, lorsque les

 21   hommes de Loznica nous ont repris de nouveau. Mais les hommes de Loznica,

 22   par la suite, nous ont plus souvent emmenés charger à Kozluk d'où la

 23   population était vidée. Même si ce sont les hommes de Loznica qui nous ont

 24   repris, c'était Sava et Sasa qui faisaient qui passaient. C'était

 25   pratiquement tous les jours, je ne sais pas. On faisait ça pratiquement

 26   tous les jours. Je ne saurais pas vous dire exactement, était-ce le 1er

 27   juillet ou le 7 juillet, mais je sais que le 15 on nous a transportés à

 28   Batkovici.

 


Page 5249

  1   Q.  Pourriez-vous nous dire à quoi ressemblait Kozluk à l'époque ?

  2   R.  A l'époque, il n'y avait plus de population à Kozluk, et ce sont les

  3   Serbes déplacés d'autres endroits qui venaient s'installer à Kozluk, ils

  4   venaient s'installer dans différentes maisons, et nous, avec les hommes de

  5   Loznica, on essayait de travailler le plus vite avant que quelqu'un d'autre

  6   ne s'installe. Donc on essayait de charger les matériaux. Et si les gens

  7   avaient caché des postes de télévision ou je ne sais pas, il est arrivé que

  8   l'on dise à quelqu'un, creuse dans la cours, si on suspectait qu'il y ait

  9   de l'or, de l'argent caché là dedans.

 10   Mais Kozluk s'est vidé très rapidement, parce que de nouvelles personnes

 11   venaient s'installer dans ces maisons abandonnées.

 12   Q.  Pendant que vous étiez à Ciglana, avez-vous subi les mêmes mauvais

 13   traitements que ceux que vous aviez subis à l'Ekonomija et à Standard ?

 14   R.  Oui. Au début, pendant les quelques premiers jours, ils ne m'ont pas

 15   fait ça, pendant que Niski était encore là, et petit à petit, les gardes se

 16   sont mis à nous rouer de coups, puis il venait des gens qui étaient de

 17   passage, de l'extérieur. Et puis Roki qui m'avait cassé l'épaule, il s'est

 18   mis à venir régulièrement. Il nous forçait à chanter des chansons chetniks.

 19   On était obligé de les connaître par cœur. Chaque fois qu'il venait, il

 20   fallait qu'on se mette debout et il nous désignait, nous qui avions bien

 21   appris cela rapidement, nous étions quelques uns -- ils nous appelaient les

 22   chanteurs. Et on était obligés de chanter ces chansons chetniks pendant

 23   qu'il rouait de coups les autres. Il y prenait du plaisir. Je ne sais pas

 24   si vous voulez que je vous reparle des soldats qui nous ont frappés ou lui

 25   ?

 26   Q.  Je crois qu'il nous faut avancer. Je vais évoquer des incidents précis.

 27   Je pense que la Chambre a saisi l'idée générale de ce comportement.

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Procureur,


Page 5250

  1   mais pas tout à fait. Il y a une chose qui reste peu claire. C'est la

  2   passation du contrôle -- on passe du groupe de Loznica au groupe que vous

  3   appelez le groupe des hommes de Seselj. Ce n'est pas très clair à mes yeux.

  4   Je ne sais pas qui de ces deux groupes faisaient quoi. Parfois on nous dit

  5   qu'ils sont venus avec le groupe de Loznica, pourtant c'est un des hommes

  6   de Seselj qui contrôlait les événements. J'aimerais que le témoin nous

  7   explique comment cette passation du contrôle s'est effectuée dans la

  8   pratique.

  9   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur le Témoin, quel est le premier groupe qui vous a fait sortir

 11   pour ces excursions que vous avez décrites ?

 12   R.  C'est le groupe des hommes de Kraljevcani qui nous emmenait, mais je ne

 13   me rappelle pas les dates exactes. Ce groupe nous a emmenés depuis la fin

 14   mai à peu près jusqu'au début du mois de juin. Donc pendant cette période

 15   nous étions sous leur contrôle.

 16   Q.  Et le second groupe ?

 17   R.  Et ensuite nous avons été sous le contrôle des hommes de Loznica. Qui

 18   prenait des décisions, dans quelles conditions, malheureusement, nous ne

 19   l'avons pas su. Nous savons seulement qu'ils sont arrivés un certain jour

 20   et que désormais, ils ont été responsables de nous.

 21   Q.  Si je peux me permettre de synthétiser ce que vous dites, quand vous

 22   parliez de cette passation, vous disiez au fond qu'il y avait un nouveau

 23   groupe de gens qui ont commencé à être ces gens qui vous faisaient sortir.

 24   C'est bien comme ça qu'il vous comprendre ?

 25   R.  C'est ça.

 26   Q.  Est-ce que vous connaissez ou connaissiez un certain Ismet Cirak ?

 27   R.  Oui. Je l'ai rencontré pour la première fois quand on nous a emmenés à

 28   Ekonomija. Il faisait partie du groupe qui ensuite a été transféré depuis


Page 5251

  1   Ekonomija vers la briqueterie. Et à un certain moment, est-ce que c'était

  2   un gardien, c'était qu'on appelait Djoko, surnommé Kobra de Trsic, à moins

  3   que ce ne soit l'un des gardiens, je ne suis pas sûr parce qu'il circulait

  4   avec le groupe des hommes de Krajevcani par la suite, en tout cas, il avait

  5   un surnom. Et on disait qu'il avait un fusil et sur ce fusil qu'il était

  6   écrit : "Cette dame tire toute seule," puis ensuite, quelqu'un a ajouté un

  7   adjectif : "Cette dame tire toute seule sur les Serbes."

  8   Q.  Est-ce qu'à un moment donné, vous l'avez vu subir un mauvais traitement

  9   de la part de quelqu'un ?

 10   R.  Oui. Ils venaient, ils nous frappaient tous, comme d'habitude. Mais une

 11   fois, c'est Zoks qui nous a fait sortir pour laver sa voiture qui était

 12   couverte de sang, de marque Stojadin. Ils étaient tous couverts de sang,

 13   ils se sont lavés les mains au robinet. Puis cet homme qu'on appelait

 14   Djoko, et qu'on surnommait Kobra, a fait sortir Ismet et il a pris une

 15   paire de tenailles et a essayé de lui enlever une dent à Ismet. Il n'a pas

 16   réussi alors il s'est attaqué à une autre dent. Il n'a pas réussi non plus.

 17   Et à ce moment-là Zoks l'a fait partir. Je ne sais pas exactement ce qu'il

 18   lui a dit mais en tout cas, l'autre a dit : on se reverra, ce genre de

 19   chose.

 20   Q.  Est-ce que quelqu'un est revenu voir Ismet ?

 21   R.  Oui. Un jour Pufta est arrivé, accompagné de Savo et de Sasa. Il me

 22   semble que Toro n'était pas là ce jour-là mais je n'en suis pas sûr.

 23   En tout cas, Pufta s'est comporté d'une façon assez bizarre toute cette

 24   journée-là, il a essayé de se faire mousser devant les autres en donnant

 25   l'impression qu'il pouvait tout faire. Et à un certain moment, il a proféré

 26   des menaces à l'encontre de Fikret. Je crois qu'il l'a d'abord fait vis-à-

 27   vis de Fikret et ensuite de Cirak. Et à ce moment-là, il a fait sortir

 28   Cirak et il lui a dit qu'il allait l'égorger. Nous ne pouvions pas croire


Page 5252

  1   ce que nous entendions. Nous étions assez près. Moi j'étais pas loin de la

  2   fenêtre et Savo et Sasa ont passé tout ce temps-là à rire l'un avec l'autre

  3   en disant : "Mais il n'est pas normal celui-là," et toutes sortes d'autres

  4   choses. "Arrête de faire l'imbécile," lui a dit Savo, si je ne me trompe. A

  5   moins que ce ne soit Sasa, je n'en suis pas sûr. "Arrête-toi avec qu'il ne

  6   soit trop tard."

  7   Et à ce moment-là Sasa est entré et s'est assis parmi nous. Il a approché

  8   une chaise de la porte et il s'est assis, et il a dit qu'il ne pourrait

  9   jamais torturer personne. Qu'il pouvait tuer quelqu'un, mais pas torturer.

 10   Et il a dit que Pufta était un imbécile. Il a dit : "Regarde-moi cet

 11   imbécile. Il voulait lui couper la gorge avec un couteau émoussé alors je

 12   lui ai donné un couteau aiguisé." A un certain moment, Pufta a fait son

 13   apparition, il portait un couteau couvert de sang, il l'a donné à un

 14   prisonnier qui était près de la porte et je ne vais pas dire son nom parce

 15   que nous sommes en audience publique, mais en tout cas, il est sorti pour

 16   laver son couteau, il est revenu très pâle, il avait les yeux qui roulaient

 17   dans les orbites et il a chuchoté qu'il avait effectivement coupé la gorge

 18   de quelqu'un.

 19   Ensuite, il a fait sortir un autre prisonnier qui avait un tatouage dont je

 20   ne connais pas le nom --

 21   Q.  Permettez-moi de vous interrompre. Qui est-ce qui a sorti ce couteau et

 22   l'a nettoyé ? Pas de nom, mais dites-nous si c'était un prisonnier ?

 23   R.  Pufta a fait entrer le couteau, il l'a remis à un prisonnier en lui

 24   ordonnant de sortir pour laver le couteau.

 25   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense qu'il sera utile de passer

 26   quelques instants à huis clos partiel, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Greffier. 

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 


Page 5253

  1   [Audience à huis clos partiel]

 2  (expurgé)

 3  (expurgé)

 4  (expurgé)

 5  (expurgé)

 6  (expurgé)

 7  (expurgé)

 8  (expurgé)

 9  (expurgé)

10  (expurgé)

11  (expurgé)

12  (expurgé)

 13   [Audience publique]

 14   M. MARCUSSEN : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur le Témoin, savez-vous ce qu'on a fait du corps d'Ismet Cirak ?

 16   R.  Ils l'ont chargé dans une voiture. Je n'ai pas vu ça, je dois vous

 17   dire, parce que nous étions à l'intérieur, mais nous avons entendu la

 18   voiture partir. Je crois qu'ils ne sont pas allés très loin. Ils sont allés

 19   à Karakaj un peu en dessous de la zone industrielle. Ils n'ont pas dû aller

 20   loin parce qu'ils sont entrés en une dizaine ou quinzaine de minutes. Ça

 21   n'a pas duré longtemps. Je ne peux pas vous dire précisément combien de

 22   temps. Est-ce que c'était 10, 20 minutes. Enfin c'était à peu près cela.

 23   Puis --

 24   Q.  Vous avez mentionné un homme qui portait un tatouage. Qu'est-ce qui est

 25   advenu de lui ?

 26   R.  Pufta lui a dit qu'il fallait qu'il le mette de côté, sinon il allait

 27   le couper. Et que s'il entendait un cri pendant qu'il le coupait, il allait

 28   lui trancher la gorge.

 


Page 5254

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12  Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

 13  pagination anglaise et la pagination française.

 14 

 15 

 16 

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28  


Page 5255

  1   Q.  Est-ce que cette personne a essayé d'ôter ce tatouage ?

  2   R.  Oui. Je crois qu'il lui a donné un briquet, nous on lui a donné un

  3   briquet aussi.

  4   Q.  Qu'a-t-il fait de ce briquet ?

  5   R.  Il s'est fait brûler la peau avec ce briquet. Et finalement Pufta n'a

  6   pas été satisfait. Il l'a fait sortir, enfin il l'a emmené dans une autre

  7   pièce et il lui a coupé ce fragment de peau au couteau. Quant à lui, il n'a

  8   pas poussé un cri. Ensuite Pufta l'a fait revenir, et on lui voyait la

  9   transpiration sur le front, et à ce moment-là, l'un d'entre nous a utilisé

 10   des morceaux de son tee-shirt pour le panser et sa plaie a fini par

 11   cicatriser.

 12   Et après tout cela, il y avait un prisonnier que Pufta appelait le

 13   Suisse, parce que cet homme avait un emploi temporaire en Suisse. Il était

 14   venu en vacances et Pufta lui a dit qu'il serait le suivant.

 15   Q.  Je vous demande ceci avant de passer à autre chose. Qu'est-ce qui

 16   représentait ce tatouage, vous le savez ?

 17   R.  Une demi-lune et une étoile.

 18   Q.  Et le Suisse, il a été tué ?

 19   R.  Non. Ce soir-là, ils travaillaient en équipe de nuit, eux, et le Suisse

 20   sans rien dire aux autres hommes de l'équipe, nous n'avions jamais posé de

 21   problèmes aux gardiens, en tout cas il a décidé d'appeler un gardien, il

 22   l'a frappé, il lui a pris son arme et il s'est évadé. Et avec lui se sont

 23   évadés trois autres prisonniers.

 24   Ce qui montre qu'il n'avait rien planifié, c'est que la moitié des gens qui

 25   travaillaient avec eux sont restés à leur travail sans rien remarquer dans

 26   l'usine.

 27   Q.  Merci. Vous avez passé combien de temps à Ciglana ?

 28   R.  A Ciglana, la briqueterie, nous y sommes restés, si je me souviens


Page 5256

  1   bien, jusqu'au 15 juillet. Je ne sais trop pourquoi cette date m'est restée

  2   en mémoire. Il me semble que c'était le 15 juillet.

  3   Q.  Pour aller où ?

  4   R.  Après Ciglana, on nous a emmenés au camp de Batkovic. Est-ce que je

  5   pourrais simplement faire un commentaire au sujet de la période antérieure

  6   à notre transfert ? Est-ce que je peux le faire rapidement ?

  7   Q.  Nous n'avons pas beaucoup de temps. Soyez très bref.

  8   R.  Huit cents personnes ont disparu dans les villages avoisinants Zvornik.

  9   C'est de cela que je voulais parler. Un matin, un jeune homme a été amené

 10   du village de Kaldurani, si je ne me trompe. Il avait dit à quel endroit

 11   certains villageois avaient enterré des armes, donc ce matin-là il a été

 12   amené. Ce jour-là, des autobus pleins de passagers qui avaient la tête

 13   baissée et les mains sur la nuque chantaient des chants chetniks. Un

 14   autobus s'est arrêté. Le jeune homme est monté à bord et nous l'avons

 15   entendu dire : "Ils nous emmènent pour un échange." Et j'ai entendu moi,

 16   quelqu'un qui disait : "Bien, tant mieux pour eux." Et Toro a ajouté : "Ils

 17   vont tous être tués. Vous devriez être contents. Vous avez la chance d'être

 18   ici." Et on ne sait pas ce que sont devenus tous ces hommes à l'heure

 19   d'aujourd'hui.

 20   Q.  Je vous remercie. Vous êtes arrivé à Batkovic, est-ce qu'il y avait

 21   d'autres personnes déjà détenues à cet endroit ?

 22   R.  Pendant qu'on nous transportait à Batkovic, il y avait, bien sûr, des

 23   gens qui venaient de différents endroits où ils étaient enfermés à Zvornik.

 24   Et quand on est arrivé à Batkovic il s'y trouvait déjà des prisonniers

 25   originaires de Vlasnica, de Papraca, de Brezevo Polje, de Bijeljina, Brcko.

 26   Et ensuite des gens de Rogatica ont été amenés, et finalement des gens qui

 27   venaient d'un autre camp. Est-ce que c'était Manjaca ? En tout cas, c'était

 28   dans les environs de Prijedor, il me semble.


Page 5257

  1   Q.  Au compte rendu, ligne 10, on voit le nom de Petkovic. En fait, c'est

  2   Batkovic, comme on voit l'orthographe deux lignes plus loin.

  3   A Batkovic, est-ce que les autres prisonniers vous ont dit quel sort on

  4   leur réservait ?

  5   R.  Comme on nous a regroupés avec les gens de Divic, ce sont surtout ces

  6   gens-là qui nous ont dit ce qui leur était arrivé à la maison de la

  7   culture. Nous avions déjà quelques renseignements parce que certains,

  8   originaires de ce village, avaient déjà travaillé avec nous. Ils avaient

  9   raconté ce que faisait Toro, Pufta, Zoks, là-bas, mais ils ne nous avaient

 10   pas tout dit. On a donc entendu aussi ce qu'avait fait Repic avec son

 11   groupe et, bien sûr, on essayait d'obtenir autant de renseignements que

 12   possible. Evidemment à condition de croire ce qu'on nous disait, parce que

 13   personne ne savait qui allait survivre. Donc on pensait qu'il était bon

 14   d'avoir le plus de renseignements possible en cas de survie pour les

 15   transmettre.

 16   Q.  Et qu'est-ce qu'on vous a dit à propos de ce qui s'est passé à Celopek

 17   ?

 18   R.  On nous a dit, par exemple, que Repic et son équipe, Toro, Zoks et

 19   Pufta également, venaient là-bas pour tuer des gens, couper les organes

 20   sexuels des hommes, contraindre certains hommes comme, par exemple, un père

 21   et un fils à avoir des rapports sexuels les uns avec les autres. Ils nous

 22   disaient que ces hommes jouissaient de toute humiliation qu'ils pouvaient

 23   faire subir aux prisonniers.

 24   Et qu'un jour un vieil homme, ils ont demandé s'il avait un fils de

 25   16 ans et d'autres jeunes enfants. Cet homme a dit : Non, et donc ils lui

 26   ont dit : Bien, tu n'en auras plus, et ils lui ont tiré dans la tête. Et si

 27   je ne me trompe, Repic lui a tiré une rafale dans la tête et a tué l'homme

 28   qui était à côté de lui aussi.

 


Page 5258

  1   Q.  -- combien de temps à Batkovic ?

  2   R.  J'y suis resté jusqu'au 4 décembre 1992. A ce moment-là, je suis

  3   sorti de Batkovic.

  4   M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et

  5   Messieurs les Juges, j'ai ainsi terminé l'interrogatoire principal.

  6   Questions de la Cour :

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'aurais une question, Monsieur le Témoin, à

  8   vous poser, qui n'avait pas été abordée, mais qui est dans l'acte

  9   d'accusation. Vous habitiez Zvornik. A côté, il y a une autre localité qui

 10   s'appelle Mali Zvornik; est-ce bien ça ?

 11   R.  Oui, juste en face.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est indiqué dans l'acte d'accusation que M.

 13   Seselj serait venu prononcer un discours dans la localité qui est face.

 14   Aviez-vous été au courant de cela ?

 15   R.  J'en ai entendu parler, mais je n'ai pas assisté à cette allocution. Je

 16   ne l'ai pas entendue moi-même. Je sais que ce meeting a été parsemé de

 17   certains incidents, mais personnellement je ne les ai pas vécus.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Au moment où il y a eu ce discours vous étiez

 19   présent à Zvornik, vous ?

 20   R.  Je ne me rappelle pas la date exacte de ce meeting, mais pratiquement

 21   toute l'année qui a précédé le début de la guerre j'étais à Zvornik en

 22   permanence.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Et vos voisins ou les gens qui habitaient Zvornik

 24   parlaient de ce discours ou bien personne n'en parlait ?

 25   R.  On en parlait, mais il y a une chose. Personne parmi nous ne pouvait

 26   concevoir que la guerre allait éclater chez nous, voyez-vous. On prenait ça

 27   pour des mots, pour une façon d'obtenir des électeurs. Mais même

 28   aujourd'hui quand je repense à tout cela, je ne peux pas croire vraiment à


Page 5259

  1   la réalité de tout ce que j'ai vécu.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : sur le plan de répartition ethnique, Zvornik était

  3   majoritairement serbe ou musulman ?

  4   R.  Zvornik en tant que ville était une ville majoritairement peuplée de

  5   Musulmans. Il y a une partie de Zvornik qu'on appelait Srpska Varos la

  6   ville serbe où des Serbes s'étaient déjà installés en occupant les maisons,

  7   mais la majorité des habitants serbes de Zvornik habitaient tout de même

  8   dans des appartements qui leur étaient concédés par l'Etat. Il est certain

  9   que 60 à 70 % de la population de Zvornik était musulmane.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais juste terminer une question. Par l'action

 11   que vous avez menée pour charger sur les camions des produits, des

 12   matériaux qui avaient été pris aux maisons musulmanes, et j'ai écouté avec

 13   attention ce que vous avez dit.

 14   Alors si je comprends bien, vous mettiez dans le camion les matériaux qui

 15   étaient pris à droite et à gauche.

 16   R.  Monsieur le Président, ces matériaux de construction étaient devant les

 17   maisons d'où les Musulmans avaient été chassés donc c'était là, et nous,

 18   nous contentions d'aller prendre ces matériaux et de les charger à bord des

 19   camions. A la mi-juillet --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous dites que vous les chargiez à bord des

 21   camions. Il y avait donc plusieurs camions. Ces camions ils venaient de

 22   Serbie ou c'étaient des camions locaux ?

 23   R.  La plupart du temps c'étaient des camions qui appartenaient à ces deux

 24   entreprises de transport, des gros camions remorques qui emportaient tout

 25   cela vers la Serbie. Quelquefois --

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est -- vous dites ces camions appartenaient aux

 27   deux entreprises de transport. Ces entreprises de transport étaient des

 28   entreprises locales ou des entreprises de transport de Belgrade ou de


Page 5260

  1   Serbie ?

  2   R.  C'étaient des entreprises de transport, l'une s'appelle Ljubisa de

  3   Loznicka Polje, qui avait un vrai camion. Et l'autre c'était un certain

  4   Dragan, surnommé Mrgud, et je crois que lui aussi il avait une entreprise

  5   de transport à Loznica.

  6   Et si vous le permettez, Monsieur le Président, j'ajouterais --

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Ces deux entreprises de transport ne sont

  8   pas des -- venaient pas de Belgrade mais des environs.

  9   R.  En effet.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le matériel était sur ces camions. Où

 11   partaient-ils ces camions ?

 12   R.  Ils partaient vers l'entreprise communale Jadar à Loznica.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ils allaient donc à l'entreprise communale

 14   dans cette localité Lozica, mais qui vous a dit que de là ça partait après

 15   en Serbie ? Qui vous a dit ça ?

 16   R.  Excusez-moi, Monsieur le Juge, mais Loznica c'est déjà en Serbie c'est

 17   de l'autre côté de la Drina.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Mais enfin quand je vous -- quand je disais la

 19   Serbie je pensais à Belgrade. Ça allait à Loznica ou ça partait vers

 20   Belgrade ?

 21   R.  Pour autant que je sache d'après ce que j'ai ouï dire de la bouche des

 22   chauffeurs, ça allait vers Loznica. Je sais qu'une fois Dragan, le surnommé

 23   Mrgud, a porté ou transporté des choses vers Kraljevo. Il était fâché, il

 24   était en colère, il a dit qu'il ne le ferait plus jamais. Je ne sais pas ce

 25   qui se trouvait à bord de ce camion.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce pillage, dont vous-même avez été victime puisque

 27   vous nous avez expliqué l'anecdote du parapluie et de l'appareil CD acheté

 28   en Allemagne. Vous-même vous avez été victime de cela. Quand vous étiez sur


Page 5261

  1   place, est-ce que vous aviez le sentiment que c'était un pillage organisé

  2   ou bien des personnes profitaient de la situation pour s'enrichir ? Quel a

  3   été votre point de vue ?

  4   R.  A mon avis, Monsieur le Juge, si on peut les qualifier de la sorte, ces

  5   petits vols, ces pillages à petite échelle où on volait des effets

  6   particuliers dans les maisons, c'était à titre privé qu'on le faisait. Les

  7   gros vols, tels qu'engins, matériaux de construction, ça a été à caractère

  8   organisé. Je vais étayer ma thèse en avançant un fait, lorsqu'il y a eu un

  9   contrôle de la police militaire pour voir qui nous étions et ce qu'on

 10   faisait là, le commandant Toro a sorti une feuille de papier où il y avait

 11   probablement autorisation de faire tout cela, parce que les autres s'en

 12   allaient tout de suite.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc le commandant Toro avait une feuille de papier

 14   sur lequel il y avait marqué ce qui devait être fait ?

 15   R.  Probablement était-ce une autorisation, le plein pouvoir. Enfin, je

 16   n'ai peut-être pas eu le temps de le dire. Une fois qu'on a chargé dans un

 17   magasin de tôlerie qui se trouvait non loin du marché à Zvornik, on a

 18   trouvé à l'intérieur des sacs pleins de vêtements humains, donc des

 19   vêtements utilisés pleins de sang. Je crois que j'en ai vu 192 ou 198. Le

 20   numéro de la maison où on a trouvé ça. Il est venu des membres d'une unité

 21   spéciale qui ont dit qu'il ne fallait pas y toucher, que c'était ce qu'ils

 22   ont appelé des archives. Et Toro a montré un papier. On a donc laissé les

 23   sacs de côté mais on a chargé le reste, et eux sont repartis.

 24   Donc il devait forcément avoir des pouvoirs assez importants.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : J'en termine avec une dernière question. Vous avez

 26   longuement parlé du voïvode Cele, et je me suis posé la question de savoir

 27   pourquoi vous lui attribuez le titre de voïvode à ce Cele ? Comment le

 28   saviez-vous, qui vous l'a dit ? Vous pouvez m'apporter des précisions ?


Page 5262

  1   R.  C'est des cocombattants qui l'ont dit, ça c'est d'un. Parce qu'eux ils

  2   l'appelaient voïvode. Et quand Sasa est arrivé à Standard c'est ce qu'il a

  3   dit. Qui plus est, je ne sais pas si c'est à ce moment-là ou à un autre

  4   moment qu'il aurait raconté qu'un meeting au Monténégro lorsque quelqu'un a

  5   jeté une grenade sur Seselj, il aurait donné un coup de pied pour

  6   l'écarter, et il a sauvé la vie à Seselj et c'est pour cela qu'il a été

  7   nommé voïvode. Je ne peux pas le confirmer pour sûr parce que je n'y étais

  8   pas.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : D'après vous il aurait été nommé voïvode en quelle

 10   année ?

 11   R.  Ça je ne saurais pas vous le dire. Parce que lorsque nous les avons

 12   rencontrés par la première fois, ces gens-là l'appelaient déjà voïvode.

 13   Alors de là à savoir quand est-ce qu'il est devenu voïvode, ça je ne sais

 14   vraiment pas vous le dire.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc en 1992, puisque c'est en 1992 dans le deuxième

 16   semestre que vous avez rencontré Cele, ceux qui étaient avec lui

 17   l'appelaient voïvode ?

 18   R.  Excusez-moi, Monsieur le Juge. Nous étions en train de parler du mois

 19   de mai de 1992, donc nous étions détenus dans le bâtiment de Standard.

 20   C'est là que Sasa est venu nous dire que c'était un monsieur distingué

 21   qu'il fallait prendre avec considération et lui faire preuve et montre de

 22   considération en l'appelant voïvode.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous pose cette question parce qu'il y a un

 24   témoin dont je ne vous dirais pas le nom mais qui est mentionné dans les

 25   écritures du Procureur dans son mémoire préalable, qui indique que ce Cele

 26   a été nommé voïvode chetnik en mai 1993.

 27   Donc si ce témoin ne se trompe pas, en 1992 il n'était pas voïvode.

 28   R.  Ce que je peux vous dire c'est ce que je sais et ce que j'ai ouï dire.

 


Page 5263

  1   Malheureusement, si Sasa nous a menti à ce moment-là, je suis également en

  2   train de vous véhiculer une information erronée, mais c'est ce que j'ai

  3   reçu comme information à l'époque.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors il nous reste un quart d'heure, M. Seselj,

  5   vous voulez commencer le contre-interrogatoire ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, ne perdons pas de temps.

  7   Contre-interrogatoire par M. Seselj :

  8   Q.  [interprétation] Monsieur VS-1013, c'est ainsi que je vais vous appeler

  9   puisque c'est le nom de cote qu'on vous a attribué. Je ne conteste pas du

 10   tout le fait qu'il y ait eu des crimes importants de commis à Zvornik. Je

 11   n'ai aucune raison non plus de contester le fait que vous avez été victime

 12   de ces crimes, et vous avez fini par un hasard, heureux hasard à vous

 13   sauver. Mais je vais essayer de contester des identifications de personnes,

 14   d'événements et de périodes dans le temps. Nous allons commencer par ce que

 15   vous avez évoqué en dernier, à savoir le meeting de Mali Zvornik.

 16   Vous avez dit qu'il y a eu là-bas des incidents, d'après ce que vous avez

 17   ouï dire, n'est-ce pas ?

 18   R.  C'est ce que j'ai ouï dire, oui.

 19   Q.  Vous souvenez-vous de détails au sujet desdits incidents ? Il serait

 20   arrivé un grand groupe du Grand Zvornik, ils nous auraient jeté des pierres

 21   dessus, et cetera, le saviez-vous cela ?

 22   R.  Pour être tout à fait sincère, je sais qu'il y a eu des incidents, mais

 23   de là à savoir de quel type d'incidents il s'agissait, je ne sais pas vous

 24   en parler. Je ne sais pas qui les a commencés, à qui la faute.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Les interprètes me rappellent que quand vous posez

 26   la question, éteignez le micro, votre micro afin que lui parle et réponde,

 27   et puis quand vous reprenez la parole, vous rallumez le micro. C'est ça que

 28   M. Marcussen voulait me dire ? Bien, très bien. J'ai lu dans ses pensées.


Page 5264

  1   Bien, continuez, Monsieur Seselj.

  2   M. SESELJ : [interprétation]

  3   Q.  Savez-vous à quel endroit dans Mali Zvornik j'ai tenu ce meeting ?

  4   R.  Je ne sais pas vous répondre, je n'étais pas présent.

  5   Q.  Est-ce que ça pouvait être la maison de la culture au centre même de la

  6   ville ?

  7   R.  Je ne pourrais pas vous parler de ce meeting, je n'arrive pas à m'en

  8   souvenir, je ne sais pas. Cela se peut mais je ne peux pas vous répondre ni

  9   par oui ni par non.

 10   Q.  Ce qui est important c'est que vous ayez le souvenir d'avoir entendu

 11   parler de l'incident, alors si vous ne pouvez pas parler de détails, tant

 12   pis je ne vais pas insister.

 13   R.  Excusez-moi, je regrette vraiment, je n'étais pas présent. J'ai ouï

 14   dire qu'il y a eu quelque chose, mais je ne sais pas. Il y aurait eu une

 15   bagarre, une rixe, mais je ne sais pas vous dire ce qui s'est passé

 16   vraiment parce que je n'ai pas été présent.

 17   Q.  Savez-vous en quelle année s'est tenu ce meeting ?

 18   R.  Etait-ce en 1990 ou en 1991, je ne sais pas.

 19   Q.  Bon, c'est ce qui importe, Monsieur VS-1013, ce meeting s'est produit

 20   en début août 1990 et non pas comme l'acte d'accusation le dit en mars

 21   1992. J'en suis satisfait de votre réponse.

 22   R.  Je peux ajouter qu'en 1990, début 1992, j'ai eu un malade grave dans ma

 23   famille, ce qui fait que 90 % de mon temps je l'ai consacré aux soins.

 24   Malheureusement cette personne est décédée par la suite, ce qui fait que le

 25   reste, croyez-moi bien, ne m'intéressait pas tant.

 26   Q.  Moi, ce qui est important pour moi, c'est que vous ayez situé la

 27   période de temps de façon correcte. Je vous ai quelque peu aidé, donc il

 28   s'agissait du début août 1990 et non pas mars 1992. Je ne vais pas m'y

 


Page 5265

  1   attarder davantage.

  2   Quelles ont été les raisons qui vous ont incité à demander des

  3   mesures de protection pour ce qui est de ce témoignage, ça m'intéresse ?

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer aux mesures de protection,

  5   certainement à huis clos mais je reviens au discours.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas de raison, je retire ma

  7   question. Dans ce cas, je retire ma question ou alors je la reformulerai.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas sur ce sujet que j'intervenais.

  9   La question qui me paraît très importante, c'est le discours que tient M.

 10   Seselj apparemment au mois d'août 1990.

 11   Les événements graves qui vont se dérouler ne se déroulent pas en

 12   1990. Vous êtes bien d'accord.

 13   Si M. Seselj tient un discours en août 1990, il doit y avoir un

 14   retentissement en principe. Dans votre mémoire, août, septembre, octobre,

 15   novembre, la fin de l'année 1990, est-ce que ce discours a eu un

 16   retentissement parce que vous, vous parlez d'incidents. Alors les incidents

 17   que vous aviez en mémoire, est-ce qu'ils sont consécutifs immédiatement au

 18   discours, et là, c'est 1990, mais pas en 1991, pas en 1992. Quelles

 19   précisions pouvez-vous nous donner ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel

 21   pour que je vous explique la situation qui était la mienne à l'époque.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : On passe à huis clos partiel.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis

 24   clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

26  (expurgé)

27  (expurgé)

28  (expurgé)


Page 5266

 1  (expurgé)

 2  (expurgé)

 3  (expurgé)

 4  (expurgé)

 5  (expurgé)

 6  (expurgé)

 7  (expurgé)

 8  (expurgé)

 9  (expurgé)

10  (expurgé)

11  (expurgé)

12  (expurgé)

13  (expurgé)

14  (expurgé)

15  (expurgé)

16  (expurgé)

17  (expurgé)

18  (expurgé)

19  (expurgé)

 20   [Audience publique]

 21   M. SESELJ : [interprétation]

 22   Q.  Je n'aime pas poser de questions à huis clos partiel, j'espère que vous

 23   me comprenez. Monsieur VS-1013, est-ce que vous estimez que de mon côté à

 24   moi, vous êtes menacé de représailles pour ce qui est de votre témoignage

 25   dans le procès qui est conduit à mon encontre et que cela pourrait être la

 26   raison des mesures de protection ?

 27   R.  Si je puis répondre, je dirais que dans une vie normale on n'est jamais

 28   trop prudent.


Page 5267

  1   Q.  Si je vous ai bien compris, vous n'avez aucun indice concret disant que

  2   vous êtes menacé de ma part dans le concret. Est-ce que vous pouvez être

  3   plus précis dans votre réponse ?

  4   R.  Je n'ai pas reçu de menaces directes.

  5   Q.  Merci.

  6   R.  Je vous en prie.

  7   Q.  Vous vous souviendrez du début des conflits.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Pas de menaces directes, mais un esprit logique

  9   pense aux indirectes. Il y aurait eu quelque chose sur le plan indirect ?

 10   On peut peut-être passer à huis clos. Bien, alors on va passer à huis clos.    

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous  sommes

 12   à huis clos partiel.

 13   [Audience à huis clos partiel]

14  (expurgé)

15  (expurgé)

16  (expurgé)

17  (expurgé)

18  (expurgé)

19  (expurgé)

20  (expurgé)

21  (expurgé)

22  (expurgé)

23  (expurgé)

24  (expurgé)

25  (expurgé)

26  (expurgé)

27  (expurgé)

28  (expurgé)


Page 5268

 1  (expurgé)

 2  (expurgé)

 3  (expurgé)

 4  (expurgé)

 5  (expurgé)

 6  (expurgé)

 7  (expurgé)

 8  (expurgé)

 9  (expurgé)

10  (expurgé)

11  (expurgé)

12  (expurgé)

13  (expurgé)

14  (expurgé)

15  (expurgé)

16  (expurgé)

17  (expurgé)

18  (expurgé)

19  (expurgé)

20  (expurgé)

21  (expurgé)

 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une recommandation. Vous êtes maintenant

 24   témoin de la Justice. Ce qui veut dire que vous n'avez pu aucun contact

 25   avec le bureau du Procureur, et donc nous nous retrouverons demain pour la

 26   suite du contre-interrogatoire qui a juste commencé. Mais M. Seselj aura

 27   donc quasiment trois heures demain pour vous contre-interroger. Donc, en

 28   principe, nous devrions terminer avec vous demain. Demain, nous reprenons

 


Page 5269

  1   l'audience à 8 heures 30 parce que mes collègues sont également partie

  2   prenante dans un autre procès, donc nous commencerons demain à 8 heures 30.

  3   Je vous remercie.

  4   --- L'audience est levée à 13 heures 16 et reprendra le mercredi 26 mars

  5   2008, à 8 heures 30.

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21   

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28