Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 25 juin 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-03-

  8   67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : En ce mercredi 25 juin 2008, je salue

 10   M. le Témoin, et je salue les représentants de l'Accusation,

 11   M. Seselj ainsi que toutes les personnes qui nous assistent.

 12   Nous avons notre audience dans cette salle II en raison du fait que

 13   dans la salle I, il y a l'audience consacrée à l'appel de

 14   M. Martic, ce qui fait que nous avons été inscrits pour cette salle

 15   d'audience.

 16   Le contre-interrogatoire de M. Seselj va se poursuivre.

 17   M. Seselj a donc 28 minutes.

 18   LE TÉMOIN : TEMOIN VS-1060 [Reprise]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   Contre-interrogatoire par M. Seselj : [Suite]

 21   Q.  [interprétation] Monsieur VS-1060, le dernier sujet dont il a été

 22   question hier, c'était la déclaration de Slavko Aleksic fournie à mes

 23   assistants juridiques et de cette déclaration, vous avez pu voir que Slavko

 24   Aleksic était un citoyen de Sarajevo qui a participé à la guerre civile en

 25   Bosnie-Herzégovine dès le début en tant que combattant serbe. Et dans ce

 26   cas-là, il ne serait pas possible de maintenir votre déclaration selon

 27   laquelle ces hommes de Seselj sont venus à Grbavica au cimetière juif. Est-

 28   ce que vous êtes d'accord pour dire qu'ils y étaient déjà, c'était des

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  1   locaux de Sarajevo, des habitants de Sarajevo dont certains sont devenus

  2   par la suite membres du Parti radical serbe, ils se déclaraient en tant que

  3   membres de ce parti et les gens les appelaient parfois familièrement comme

  4   "les hommes de Seselj" ? Est-ce que vous êtes d'accord ?

  5   R.  Oui, soit "les hommes de Seselj," soit "Chetniks."

  6   Q.  Oui, "Chetniks," aussi. Moi, je ne nommais jamais d'ailleurs ce terme.

  7   Puis nous allons nous pencher sur quelques autres documents que

  8   l'Accusation m'a fournis puisque, maintenant, que je vous ai convaincu,

  9   vous, je souhaite convaincre de cela aussi la Chambre de première instance.

 10   Ce sont les documents indiquant que Slavko Aleksic est citoyen de Sarajevo,

 11   qu'il y était actif politiquement, il a pris part à la vie politique de

 12   cette ville, et après, il a été très actif militairement aussi. Ensuite,

 13   nous avons un document que l'Accusation m'a fourni. C'était censé être une

 14   pièce à conviction de l'Accusation, mais puisqu'ils n'utilisent pas leurs

 15   pièces à conviction, je les utilise en tant qu'éléments de preuve de la

 16   Défense provisoire. Il s'agit du document dont le numéro 65 ter est 00995,

 17   j'espère que ça existe sous forme électronique.

 18   Monsieur VS-1060, est-ce que le document va apparaître ? Il s'agit du

 19   compte rendu de la 13e Session extraordinaire du conseil municipal du Parti

 20   démocratique serbe de Novo Sarajevo qui a eu lieu dans la salle de

 21   l'assemblée municipale de Novo Sarajevo, le 28 février 1992, et qui a

 22   commencé à 17 heures.

 23   Pourquoi est-ce que c'est important ? Bien, parce que lors de cette séance,

 24   celui qui avait été le président du conseil municipal du Parti démocratique

 25   serbe a été remplacé à ce moment-là, et l'un des initiateurs de ce

 26   remplacement a été Slavko Aleksic. Il faisait partie du Conseil municipal

 27   de Gornji Kovacici, et si vous examinez la liste des membres, vous y

 28   trouverez Slavko Aleksic, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Donc, le 28 février 1992, il était encore fonctionnaire du Parti

  3   démocratique serbe; est-ce que vous êtes d'accord ?

  4   R.  Je n'ai pas vu ce document et c'est la première fois que j'en entends

  5   parler.

  6   Q.  Bien. Mais c'est un document de l'Accusation donc vous ne pouvez pas

  7   douter de son authenticité.

  8   R.  Je n'ai pas de raisons de douter puisque je vois le document sous les

  9   yeux.

 10   Q.  Et ça montre qu'à la fin de l'année 1992, il n'était pas encore membre

 11   du Parti radical serbe; il l'est devenu par la suite ? Slavko Aleksic avait

 12   dit qu'il ne se souvient pas de la date non plus car il est simplement

 13   écrit "1992" dans sa carte de membre mais il n'y a pas de date exacte. Mais

 14   de toute façon, c'est un peu plus tard, si mes souvenirs sont bons, c'était

 15   à la deuxième moitié de l'année 1992 mais peu importe d'ailleurs.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc, ça c'est le premier document que

 17   l'Accusation elle-même a fourni et puisque l'Accusation disposait de ces

 18   documents, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, ils auraient

 19   pu écrire l'acte d'accusation de façon un peu plus rationnel plutôt que de

 20   m'accuser de quelque chose tout en sachant que, pour eux, la lutte est

 21   perdue d'avance.

 22   Ensuite, nous avons un document que l'Accusation m'a remis. Il s'agit du

 23   document dont le numéro 65 ter est 1478, 1478. Veuillez, s'il vous plaît,

 24   l'afficher à l'écran aussi.

 25   M. SESELJ : [interprétation]

 26   Q.  Il s'agit là d'un document en date du 1er juillet 1992. C'est un

 27   document émanant du ministère des Affaires intérieures de la République

 28   serbe de Bosnie-Herzégovine, centre des services de Sécurité de Sarajevo,

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  1   poste de sécurité publique Novo Sarajevo; il s'agit de la liste des membres

  2   de la police de réserve qui s'acquittaient des tâches et des missions des

  3   policiers dans le poste de sécurité publique de Novo Sarajevo, et à qui il

  4   est nécessaire de verser leurs salaires pour le mois de juin 1992; salaire

  5   s'élevant à 6 000 dinars.

  6   Et nous allons maintenant le voir. Est-ce que vous avez le document

  7   sous les yeux ? Vous le voyez ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Maintenant, nous allons y chercher le nom de Slavko Aleksic. Voilà. A

 10   la page 2.

 11   Veuillez passer à la page 2, s'il vous plaît, au numéro c'était 137, et ça

 12   a été corrigé en 133 ensuite.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Veuillez baisser le document un

 14   peu ?

 15   M. SESELJ : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous le voyez ? Dans la deuxième colonne c'est le deuxième

 17   nom à droite, "Aleksic Slavko," et sa signature indiquant qu'il a reçu le

 18   salaire pour le mois de juin.

 19   R.  Je suppose que c'est le cas.

 20   Q.  Et ceci a été signé par le commandant du poste de sécurité publique de

 21   Novo Sarajevo, Arsenije Skipina, et un tampon y figure, autrement dit

 22   Slavko Aleksic, au mois de juin, n'était toujours pas dans les Chetniks car

 23   il était encore dans la police, à ce moment-là. Donc, cette unité, qui

 24   s'appelle le Détachement de Chetniks de Novo Sarajevo, qui était la sienne,

 25   et il a dû la former après le mois de juin 1992, n'est-ce pas ?

 26   R.  Je ne dispose pas de donnée.

 27   Q.  Vous n'avez pas de donnée indiquant le moment de sa création, n'est-ce

 28   pas ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous avez dit : "A peu près fin mai," mais vous n'en étiez pas tout à

  3   fait sûr, n'est-ce pas ?

  4   R.  Je ne peux pas le dire avec certitude si c'était début juin ou fin mai

  5   car, de toute façon, je ne pouvais avoir des informations concernant le

  6   moment de la création de cette Unité chetnik.

  7   Q.  Moi, je vous comprends. Si vous me comprenez --

  8   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'aimerais une clarification M.

  9   Seselj sur votre question que vous avez posée au témoin parce que voici ce

 10   que vous avez dit -- en tout cas, voici ce qui est écrit au compte rendu :

 11   "Slavko Aleksic n'avait toujours pas rejoint les Chetniks en juin parce

 12   qu'il faisait partie des forces de la police à l'époque." Vous vous basez

 13   sur l'hypothèse qu'il ne pouvait faire partie des deux forces, c'est-à-dire

 14   qu'il était impossible qu'il soit Chetnik tant qu'il était encore dans les

 15   forces de la police; c'est ça ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Quelqu'un fait partie soit de la police soit de

 17   l'armée. Une personne ne peut pas être à la fois dans la police et dans

 18   l'armée, Monsieur le Juge. Une Unité de la Police peut être subordonnée à

 19   l'armée en temps de guerre, mais si quelqu'un est un policier, il ne peut

 20   pas en même temps être soldat. Et visiblement, au mois de juin, il était

 21   encore policier. Nous avons son nom sur la liste et nous voyons qu'il a

 22   signé pour confirmer qu'il a reçu son salaire. Et c'est un document de

 23   l'Accusation. Donc, après le mois de juin, il a quitté la police et avec un

 24   groupe des habitants de cette région, qui pensaient -- qui avaient les

 25   mêmes opinions que lui, il a créé le Détachement de Chetnik qui, par la

 26   suite, est devenu Compagnie anti-blindée, je pense que du

 27   3e Bataillon ou de la 2e Brigade motorisée.

 28   M. FERRARA : [interprétation] L'Accusation considère qu'il était à la fois

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  1   membre des forces chetniks et de la police.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai rien à répondre à ces absurdités, c'est

  3   tellement nébuleux et absurde que je ne vais même pas faire de commentaire.

  4   L'Accusation utilise ses propres moyens pour s'en occuper. Comment est-ce

  5   que quelqu'un peu être à la fois soldat et policier ? Ça vraiment c'est la

  6   position de l'Accusation. Bien.

  7   Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi. Pour clarifier, dans la Défense

  8   territoriale, il y avait tant les policiers que les militaires. Selon vous,

  9   il est correct de demander au témoin s'il le sait : dans la Défense

 10   territoriale, y avait-il tant le policier que le militaire ? 

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me demandez à moi ?

 12   Mme LE JUGE LATTANZI : Oui, Monsieur, parce que c'est vous le témoin.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, certainement, une dissociation n'avait

 14   pas encore eu lieu, de manière évoquée par l'accusé, car c'est ainsi qu'ils

 15   se comportaient au mois de juin et au mois de mai. La République serbe,

 16   Republika Srpska, a organisé sa propre armée au mois de mai, donc, ce que

 17   l'accusé dit le plus probablement, ils organisaient ces unités

 18   paramilitaires. Je ne sais pas. L'Accusation parle des unités

 19   paramilitaires, ou s'ils sont venus, alors que ceci avait été organisé par

 20   l'armée de la République serbe de la Republika Srpska.

 21   Mme LE JUGE LATTANZI : Et à votre connaissance, dans ces unités que vous

 22   définissez paramilitaires, tant les policiers que les militaires étaient

 23   recrutés, tant des volontaires provenant d'autres peut-être pris dans les

 24   parties, étaient recrutés et après intégrés tous dans la force militaire --

 25   Republika Srpska ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ici c'est difficile. Moi, je ne savais

 27   pas que c'était des volontaires, que les volontaires venaient. Je ne savais

 28   pas comment ils s'organisaient, ni comment s'organisaient les Chetniks.

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  1   Mais je dois dire que, vers la fin du mois de mai, les Chetniks ont fait

  2   leur apparition. Je ne sais pas qui les organisait, on ne le savait pas, je

  3   ne dispose pas de telle donnée. Mais j'ai entendu dire - je répète, j'ai

  4   entendu dire - que les Chetniks arrivaient vers la fin mai. Je ne serais

  5   pas -- vous dire la date.

  6   Maintenant, quant à la question de savoir si Slavko Aleksic en faisait

  7   partie ou si quelqu'un d'autre a organisé cela, ou s'ils sont venus de

  8   l'extérieur, je ne dispose pas de telle donné.

  9   Mme LE JUGE LATTANZI : [hors micro]

 10   M. SESELJ : [interprétation]

 11   Q.  Et fin mai, vous ne les avez pas vus, ces Chetniks; vous en avez

 12   entendu parler, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Bien. Ça clarifie déjà un certain nombre de points, mais clarifions la

 15   chose suivante. Vous êtes un intellectuel et vous saviez certainement cela

 16   aussi. Vous savez qu'avant la guerre, les forces armées de la RSFY se

 17   divisaient en JNA et Défense territoriale, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, ça existait avant la guerre visiblement.

 19   Q.  A part cela, il y avait la police; est-ce exact ?

 20   R.  La police était organisée par l'Etat.

 21   Q.  Oui. Cela dit, l'armée et la Défense territoriale relevaient du

 22   ministère de la Défense, et la police relevait du ministère des Affaires

 23   intérieures, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Donc, si quelqu'un était un policier, il relevait du ministère de

 26   l'Intérieur, il ne peut pas en même temps être membre de la JNA ou membre

 27   de la Défense territoriale, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je dois vous corriger. Excusez-moi, je dois vous corriger. Cette

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  1   personne aurait pu faire partie de la police et organiser une organisation

  2   chetnik ou des Détachement Chetnik.

  3   Q.  En dehors de son temps de travail, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Cependant, tant que policier, il était censé mériter son salaire, il

  6   faisait partie d'une Unité de la Police -- ou plutôt, de la structure de

  7   réserve de la police qui était engagée pendant la guerre. Et ici, d'après

  8   ce document, il s'agit de la liste des membres de la police de réserve,

  9   donc, la police de réserve a fait l'objet d'une mobilisation en raison de

 10   la situation de guerre. Est-ce que ceci ressort visiblement de ce document

 11   ?

 12   Ramenez la page 1, s'il vous plaît, où l'on voit qu'il s'agit là de la

 13   liste des membres de la police de réserve.

 14   Est-ce que vous voyez cela au début de la liste ?

 15   R.  Oui, mais je dois dire que je ne pouvais pas le savoir. Et je ne

 16   pouvais pas avoir de donnée concernant ces organisations-là ni la question

 17   de savoir ce que la police faisait ni ce que l'armée faisait, car l'armée

 18   de la Srpska Republika n'était pas suffisamment organisée.

 19   Q.  Bien, nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Ceci n'est pas du

 20   tout important du point de vue de la totalité de votre déposition. Je vous

 21   ai dit que vous avez déposé de façon correcte. Mais ce qui m'importe par le

 22   biais de ces documents, c'est de clarifier un certain nombre de points de

 23   façon générale. Donc, vous dites que ces personnes pouvaient être membre de

 24   la police, et à la fois, travailler à l'organisation du Détachement

 25   chetnik; est-ce exact ?

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Ce n'est pas possible. Peut-être c'est ce qu'il a fait, mais pendant

 28   qu'il était membre de la police, il ne pouvait pas être en même temps

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  1   membre de ce détachement, n'est-ce pas ?

  2   R.  Il aurait pu organiser. Il aurait pu travailler à l'organisation de la

  3   défense de ce territoire qu'ils avaient occupé.

  4   Q.  Je suis d'accord avec cela. Mais le moment -- au moment où il est

  5   devenu membre du Détachement de Chetnik de Novo Sarajevo, ou autrement dit,

  6   de la Compagnie anti-blindée au sein de la Brigade motorisé de Sarajevo, et

  7   il ne pouvait plus être membre de la police de réserve; est-ce exact ?

  8   R.  Visiblement. Ça veut dire qu'à ce moment-là, il est passé dans les

  9   Chetniks.

 10   Q.  Et au moment où il est passé du côté des Chetniks, il ne pouvait plus

 11   être policier; est-ce exact ?

 12   R.  C'est exact.

 13   Q.  Bien. Il m'importait que vous me le confirmiez.

 14   J'ai un autre document, nous allons l'examiner. C'est le document

 15   dont le numéro 65 ter est 01479. Puisque l'Accusation m'a fourni tous ces

 16   documents et qu'ils ne souhaitent pas les utiliser, je vais les utiliser

 17   moi-même.

 18   Vous voyez, il s'agit d'un document émanant du ministère des Affaires

 19   intérieures de la Bosnie-Herzégovine, poste de sécurité publique de Novo

 20   Sarajevo. Les membres des forces armées de la caserne de Bosut. Est-ce que

 21   vous savez où se trouve la caserne de Bosut ?

 22   R.  Au-dessus du cimetière juif.

 23   Q.  Bien. Il s'agit de : "La liste des employés de réserve de la

 24   police," employés qui, au cours du mois de juillet 1992, s'acquittaient des

 25   activités dans ce poste de police et qui ont reçu un acompte de salaire

 26   pour ce mois-ci. Vous voyez qu'il a été muté d'une certaine manière en tant

 27   que policier au sein des forces armées de la caserne de Bosut. Donc, au

 28   mois de juillet, il reçoit encore le salaire de la police, et c'est le

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  1   dernier document de ce genre dont je disposais. Je pense que c'est le cas

  2   de l'Accusation aussi. Vous voyez qu'il est la première personne sur la

  3   liste parmi ces cinq personnes et qu'il a reçu, pour le mois de juillet, un

  4   salaire de 11 000 dinars; est-ce exact ?

  5   R.  C'est ce qui est écrit ici.

  6   Q.  Nous avons maintenant l'élément qui nous manquait tout à l'heure,

  7   n'est-ce pas ? Il s'agit ici de son transfert de la police dans les forces

  8   armées, est-ce exact, dans la caserne de Bosut au-dessus du cimetière juif

  9   ? Est-ce que vous êtes d'accord ?

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : --

 11   M. FERRARA : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, au cours de

 12   l'interrogatoire principal -- au début du contre-interrogatoire, le témoin

 13   a dit qu'il avait rencontré Aleksic deux fois environ pendant la guerre, ne

 14   savait pas ce qu'il faisait avant la guerre, ne le connaissait pas avant la

 15   guerre non plus, donc, je ne sais pas comment le témoin peut être en mesure

 16   de parler de tous ces documents, quant à savoir si Aleksic faisait partie

 17   de la police, du Mouvement chetnik, quelle était sa rétribution, qui le

 18   payait, et cetera. Je ne vois pas comment on peut employer tous ces

 19   documents avec le témoin.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, dans la déclaration écrite que

 21   vous aviez faite, au paragraphe 11, vous indiquez que vous aviez vu M.

 22   Slavko Aleksic, simplement vous n'indiquez pas de date. Vous ne  dites --

 23   il n'y a aucune date qui y figure. Partant de là, le tout est de savoir si

 24   vous l'aviez vu en mai, juin ou après. Les documents que M. Seselj

 25   montrent, je dis "semblent" établir que l'intéressé était policier de

 26   réserve et relevait du MUP, du ministère de l'Intérieur. Et, à ma

 27   connaissance, on est ou soldat ou policier. Et lorsqu'on devient -- on

 28   peut, dans une opération militaire, être resubordonné au commandement

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  1   militaire, mais à ce moment-là il y a un document.

  2   Alors, quand vous avez dit que vous l'aviez vu, est-ce que vous êtes bien

  3   sûr de l'avoir vu au mois de mai, juin, ou bien après ? Parce que vous êtes

  4   resté jusqu'en novembre 1994. Alors, il est très difficile, plusieurs

  5   années après, de dire avec certitude. Moi, le premier, j'en serais

  6   incapable. Je serais incapable de dire que j'ai vu quelqu'un au mois de

  7   mai. J'en serai incapable. Comment vous pouvez affirmer que vous l'avez vu

  8   au mois de mai ou juin ? Ou bien, vous dites : "Je l'ai vu, mais concernant

  9   la date, je ne peux pas être très précis." Alors, qu'est-ce que vous nous

 10   dites ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas à quel moment je l'ai vu, mais

 12   il est certain que ce n'était pas en 1992. C'était plus tard. Je sais que

 13   les Chetniks, on les mentionne à partir de la fin du mois de mai 1992.

 14   Slavko Aleksic, quant à lui, je ne l'ai vu ni en mai ni en juin, et

 15   d'ailleurs je ne savais pas où et comment il a été transféré de la police,

 16   c'est-à-dire dans une unité chetnik. Est-ce que c'est Aleksic ou quelqu'un

 17   d'autre qui a créé cette unité ?

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, en quelle année vous l'avez vu ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas l'affirmer. Je ne sais pas

 20   quelle est l'année où je l'ai vu. Mais quand je l'ai vu, je l'ai vu avec

 21   une torque de fourrure, donc, c'était en hiver. Car, en été, il n'aurait

 22   pas pu porter ce type de vêtement ou d'uniforme.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous l'avez vu en hiver parce qu'il avait une

 24   torque de fourrure, et ce n'est pas au mois de juillet quand il fait 30 ou

 25   35 degrés. Bon. Or, le document que nous avons, c'est un document du mois

 26   de juillet.

 27   Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai un autre problème à part cette question de la

 28   date, qui est aussi très pertinente, mais j'ai un autre problème. Ici, on

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  1   parle de "members of armed forces," des forces armées. Alors, vous avez

  2   fait le service militaire, et donc, peut-être vous savez - si vous ne savez

  3   pas, vous pouvez nous dire. Il y avait deux institutions différentes, les

  4   forces armées et l'armée en ex-Yougoslavie. Je pense - mais cela, je ne le

  5   sais pas, on va le voir des autres témoins peut-être ou même de vous - on a

  6   pris cette même loi. Cette même loi réglait la situation militaire en

  7   Republika Srpska, c'est-à-dire qu'il y avait les forces armées et dans les

  8   forces armées il y avait aussi, en temps de guerre, la police et il y avait

  9   l'armée que c'est une autre institution. Et donc police et armée, c'étaient

 10   les forces armées. Donc, en temps de guerre, la police aussi faisait partie

 11   des forces armées. C'est comme ça ou je me trompe ?

 12   Et encore, si je me trompe à votre connaissance, vous me corrigez. Est-ce

 13   que tout cela, les forces armées en temps de guerre, étaient mises toutes

 14   sous le commandement du commandant de l'armée ? Est-ce que vous savez cela

 15   ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux dire que je ne sais pas quelle était

 17   l'organisation du commandement. Mais d'après ce que prévoit la loi, il

 18   faudrait qu'il y ait un commandement unifié lorsque l'armée a été mise sur

 19   pied dans la République serbe.

 20   La question que vous venez de me poser, j'ai servi dans l'armée et je

 21   sais que cette organisation était prévue. Il y avait la Défense

 22   territoriale, et la police, et l'armée -- l'armée de l'Etat. Ça devait être

 23   placé sous un même commandement.

 24   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.

 26   M. SESELJ : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur VS-1060, est-ce qu'il ressort clairement de ce document que

 28   cinq membres des forces de réserve de la police, pour une raison ou une

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  1   autre, ont reçu une réaffectation dans les forces armées, et au mois de

  2   juillet la police continue de leur verser leur salaire ? Est-ce que c'est

  3   ce qui vous paraît clair de ce document ?

  4   R.  Il est possible que le salaire lui soit versé également plus tard, car

  5   vu l'organisation de l'armée, je suppose à l'époque, puisqu'il y avait une

  6   Unité chetnik qui s'est organisée, ils n'avaient pas de moyens, donc, il

  7   est possible qu'il ait continué de recevoir son salaire plus tard.

  8   Q.  Fort bien. Nous avons une page de plus qui fait partie de ce document.

  9   Là, c'est le -- s'il vous plaît, tournez la page. C'est le document du 2

 10   août 1992. C'est le ministère de l'Intérieur, poste de sécurité publique de

 11   Novo Sarajevo. La liste des membres des forces armées qui mènent à bien des

 12   missions au niveau de la caserne de Bosut et qui, sur autorisation du chef

 13   du centre des services de Sécurité, ont reçu un salaire pour le mois de

 14   juillet 1992.

 15   Et là, nous avons le commandant du poste de police de Novo  Sarajevo,

 16   Arsenije Skipina. Il dit qu'il s'agit de membres des forces armées et il

 17   leur verse leur salaire néanmoins pour le mois de juillet.

 18   R.  Mais je me suis contenté de confirmer ce que vous dites.

 19   Q.  Vous voyez, il y a 16 noms; 11 ont été barrés, cinq ont été encerclés,

 20   donc, ce sont les cinq qui figurent sur la première liste. Donc, je suppose

 21   que quelqu'un a demandé 11 hommes ou 11 ont été désignés. Certains sont

 22   revenus, mais cinq sont restés dans les forces armées. C'est le mois de

 23   juillet, donc, cela viendrait à confirmer ma thèse, n'est-ce pas, qu'à ce

 24   moment-là, il a été transféré de la police dans l'armée; vous êtes d'accord

 25   ? C'est une interprétation logique; vous êtes d'accord ?

 26   R.  Je suppose qu'il pouvait organiser les unités chetniks tout en recevant

 27   un salaire de la police parce qu'il ne pouvait pas recevoir ce salaire

 28   ailleurs.

Page 8667

  1   Q.  Fort bien.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  3   M. FERRARA : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois que ce type de

  4   question : "Etes-vous d'accord que ce serait l'interprétation logique," ce

  5   type de question ne devrait pas être admis. Le témoin ne peut pas répondre.

  6   Il ne faisait pas partie de la police. Il n'est pas membre du ministère de

  7   l'Intérieur. Il n'a rien à dire à propos de tout cela. Je pense qu'il ne

  8   sert à rien de poursuivre ce type de question.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre donnera la valeur probante en fonction de

 10   la question, de la réponse et d'autres éléments. Bien.

 11   Continuez, Monsieur Seselj.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 13   Juges, je dois appeler votre attention sur quelque chose.

 14   Pendant la guerre à Grbavica, il y a eu des circonstances qui font

 15   partie de l'acte d'accusation. On m'attribue des actes criminels qui

 16   auraient été commis par Slavko Aleksic et son unité. Nous avons ici le seul

 17   témoin prévu par l'Accusation pour démontrer cette thèse de l'Accusation.

 18   Vous avez déjà vu qu'il n'y a pas eu de crimes de commis. Il n'y a

 19   pas de responsabilité de Slavko Aleksic non plus, ni des membres de son

 20   unité. Le Procureur, c'est lui-même qui s'est procuré ces documents. Il ne

 21   les a pas soumis aujourd'hui. Il n'a plus aucune occasion de le faire parce

 22   qu'il n'a plus de témoins pour le secteur de Sarajevo, au sens large, du

 23   tout. Donc, ces documents, c'est de manière aléatoire qu'il les a insérés

 24   sur la liste 65 ter, sans prévoir de les soumettre ou de les présenter.

 25   Malheureusement, j'ai feuilleté ces documents et j'ai trouvé des choses qui

 26   peuvent m'être utiles, et donc, je m'en sers pour combattre la thèse de

 27   l'Accusation. Qu'est-ce que je peux faire si je suis si compétent ? Enfin,

 28   c'est l'incompétence du Procureur. Il faudrait faire quelque chose pour

Page 8668

  1   rétablir l'équilibre entre les deux parties. Il faudrait un tuteur peut-

  2   être qui devrait être nommé au Procureur pour qu'ils puissent diriger leurs

  3   activités, pour qu'ils puissent montrer le chemin à suivre.

  4   Mme LE JUGE LATTANZI : Ne recommencez pas, autrement on va expurger ce que

  5   vous dites. Si vous voulez, vous ne pouvez pas faire tout le temps ces

  6   déclarations sur les qualités et les compétences du Procureur, autrement on

  7   va expurger ou on perd seulement du temps.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame le Juge, j'accepterais votre attitude si

  9   vous vous étiez comportée de la même façon lorsque le Procureur a annoncé

 10   qu'ils allaient demander qu'on m'impose de nouveau un conseil, comme quoi

 11   je serais incapable de me défendre, j'ai besoin d'un conseil, et eux, ils

 12   sont compétents. Or, tous les jours, je vous prouve qu'ils ne sont pas

 13   compétents.

 14   Mme LE JUGE LATTANZI : [hors micro]

 15   L'INTERPRÈTE : S'il vous plaît, micro, micro, micro.

 16   Mme LE JUGE LATTANZI : Je disais, Monsieur Seselj, que la Chambre n'a pas

 17   vu, jusqu'à maintenant, de requêtes à propos de la question du conseil,

 18   donc, la Chambre n'a pas eu l'opportunité de s'en occuper. Donc, pourquoi

 19   vous accusez la Chambre de quelque

 20   chose ? Je ne comprends pas.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, Monsieur Seselj, continuez. Il vous reste, je

 22   ne sais pas, dix, 15 minutes. En tout cas, ce que vous avez dit est acté au

 23   procès-verbal -- au compte rendu.

 24   M. MARCUSSEN : [interprétation] Au vu de ce qu'a dit l'accusé, peut-être

 25   l'Accusation devrait-elle clarifier plusieurs faits. Les documents que

 26   l'accusé semble vouloir verser par le biais de ce témoin, à notre avis, ne

 27   sont absolument pas admissibles par le biais de ce témoin-ci, puisque ce

 28   témoin ne connaît rien à la police, ne connaît rien au fait militaire non

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  1   plus. L'accusé ici semble présenter ces documents comme étant des éléments

  2   de preuve qui supportent sa thèse; il pourra le faire plus tard. Donc je

  3   vous fais référence à la pièce P217. Mais l'accusé en ce moment est en

  4   train de faire des grandes déclarations plutôt que de contre-interroger le

  5   témoin.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, il vous reste 13 minutes. Je ne

  7   sais pas si vous allez demander l'admission des documents. Vous allez le

  8   demander ou pas ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais comment est-ce que

 10   vous pouvez vous attendre à ce que je demande le versement au dossier des

 11   documents de l'Accusation ? Je me sers de ces documents pour contre-

 12   interroger. C'est une tactique dans le cadre de ma défense qui s'inscrit

 13   dans la stratégie générale de ma réfutation de tous les chefs d'accusation,

 14   mais que je demande, moi, le versement au dossier des documents de

 15   l'Accusation, mais je n'ai pas perdu ma raison.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez répondu. Alors, continuez. Il vous reste

 17   13 minutes. 

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me faudra donc abréger un petit peu ce que

 19   j'ai prévu d'utiliser.

 20   M. SESELJ : [interprétation]

 21   Q.  S'il vous plaît, ce document que je vous ai remis hier, il porte le

 22   chiffre romain II, c'est la déclaration du colonel Ratomir Maksimovic. Nous

 23   allons juste faire quelques commentaires au sujet de quelques fragments de

 24   cette déclaration. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

 25   C'est le colonel Maksimovic qui a donné cette déclaration à Belgrade, qui a

 26   été certifiée au Tribunal municipal numéro 4. Il est prêt à venir déposer

 27   ici en tant que témoin de la Défense, et témoin de la Défense

 28   exclusivement. C'est moi donc qui le cite. Voyons ce qu'il dit ici.

Page 8670

  1   Il dit : "Pendant la guerre civile en Bosnie-Herzégovine, j'étais

  2   dans le service chargé du moral et de l'information au commandement du

  3   Corps de Sarajevo-Romanija. Je suis arrivé au commandement le 1er avril

  4   1993. Mon grade était celui de colonel."

  5   Vous avez entendu parler de ce colonel, Ratomir Maksimovic, au commandement

  6   du Corps de Sarajevo-Romanija ? Vous en avez entendu parler ?

  7   R.  Je n'ai pas eu l'occasion ni d'entendre prononcer son nom ni de

  8   rencontrer ces gens qui se sont trouvés sur le territoire de l'attaque sur

  9   Sarajevo. 

 10   Q.  Il décrit les visites qu'il a rendues aux unités déployées à défendre

 11   Grbavica. Il dit que c'était l'endroit le plus périlleux pendant la guerre,

 12   que tout l'espace de Grbavica était placé sous le contrôle du feu musulman,

 13   et en particulier que c'est depuis les collines de Mojmilo et de Debelo

 14   Brdo que dominaient les forces musulmanes. Et puis, il poursuit en parlant

 15   de l'importance du cimetière juif. Et à peu près au milieu de ce paragraphe

 16   3, il dit : "La chute du cimetière juif et la jonction de celui-ci avec

 17   Debelo Brdo placé sous le contrôle des Musulmans aurait eu des conséquences

 18   catastrophiques pour l'ensemble de la population serbe de Grbavica et des

 19   villages au pied de Trebevic. L'unité contrôlait le front" - donc, l'Unité

 20   d'Aleksic - "depuis le sommet du cimetière juif jusqu'à Debelo Brdo. A

 21   l'exclusion de Debelo Brdo, Aleksic n'avait pas la responsabilité sur la

 22   partie urbanisée ou habitée de Grbavica. C'était uniquement sur un terrain

 23   accidenté ou difficile pour s'y déplacer qu'il tenait la ligne de défense."

 24   Est-ce que vous êtes au courant de l'importance de Debelo

 25   Brdo ?

 26   R.  Vous voulez savoir s'il y avait un danger pour la population et où ?

 27   S'il n'y avait pas eu la guerre, s'il n'y avait pas eu une telle attaque

 28   par l'armée de la République serbe de toute façon certainement il n'y

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  1   aurait pas eu de danger. Donc, je suppose que c'était la stratégie qui a

  2   fait choisir le cimetière juif, qui s'est trouvé divisé en deux parties.

  3   Q.  Monsieur VS-1060, nous appartenons à des parties différentes dans cette

  4   guerre, n'est-ce pas, et nous ne pouvons pas trouver un consentement là-

  5   dessus, n'est-ce pas, et nous ne pouvons pas non plus être d'accord sur les

  6   responsabilités, qui est responsable pour cette guerre ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Donc, là, nous ne nous trouverons pas un terrain d'entente, il n'y a

  9   pas lieu d'en parler.

 10   R.  Je suis d'accord, il n'y a pas lieu d'en discuter, mais je souligne que

 11   ce n'était pas une guerre civile. C'était un partage de la Bosnie-

 12   Herzégovine. Donc, c'est en vain qu'on parlera de guerre civile ou pas, il

 13   n'y a pas lieu de perdre son temps à faire ça à parler des choses que je

 14   n'ai pas eu l'occasion d'apprendre -- de savoir.

 15   Q.  Mais il y a eu un conflit entre ceux qui voulaient l'indépendance de la

 16   Bosnie-Herzégovine et ceux qui voulaient que la Bosnie-Herzégovine continue

 17   à faire partie de la Yougoslavie. Est-ce que, de manière la plus générale

 18   qui soit, on pourrait se mettre d'accord sur cette définition ?

 19   R.  Nous deux on aurait du mal à en débattre, moi, en tant que témoin, et

 20   vous, en tant qu'accusé - parce qu'il y a eu d'autres conséquences avant

 21   que la Yougoslavie ne se décompose - vous le savez très bien. Je sais que

 22   vous êtes un intellectuel et vous savez comment ça s'est déclanché en

 23   Bosnie-Herzégovine.

 24   Q.  Très bien, ne nous lançons pas dans ces histoires, le cimetière juif,

 25   pour les forces serbes et pour leurs objectifs, c'était le point le plus

 26   important dans tout le secteur de Grbavica ? Etes-vous d'accord là-dessus ?

 27   R.  Oui, nous sommes d'accord parce que depuis cette colline depuis le

 28   cimetière juif ils contrôlaient surtout le centre de Sarajevo.

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  1   Q.  Si les Musulmans s'étaient emparés du cimetière juif, toutes ces

  2   collines à l'ouest de Trebevic et Lukavica tous seraient tombés ?

  3   R.  Je ne suis pas stratège, je ne peux pas en parler. Je ne sais pas ce

  4   qui se serait produit par la suite. Nous ne pouvons que supposer.

  5   Q.  Très bien. Voyons ce que dit le colonel Maksimovic dans la suite, il

  6   dit : "J'ai rencontré Aleksic la fois où il est venu au commandement du

  7   corps, il y a eu des analyses de mener au commandement du corps et jamais,

  8   à cette occasion, on a dit du mal de lui. Pas de chose négative. En

  9   revanche, son unité gardait sa ligne de défense de manière très disciplinée

 10   conformément au concept du commandement du corps."

 11   Est-ce que vous pouvez nous citer un fait qui réfuterait cette affirmation

 12   du colonel Maksimovic ?

 13   R.  Le colonel Maksimovic l'interprète de son point de vue à lui. Et c'est

 14   comme ça qu'il voit les choses. Je ne peux pas faire de commentaire, et je

 15   n'ai pas le droit d'en parler, puisque je ne sais pas quelles sont les

 16   intentions de ce monsieur. Il défend la République serbe et Aleksic -- et

 17   il vante même ses mérites, donc, je ne peux pas rentrer là-dedans.

 18   Q.  Très bien. Voyons ce qu'il dit de l'affectation au travail. Il dit :

 19   "Aleksic n'a jamais" - c'est à la première page - "Aleksic n'a jamais

 20   entrepris quoi que ce soit de son propre chef ou à l'insu du commandement

 21   du corps. Il s'est toujours conformé aux ordres. L'armée de la Republika

 22   Srpska n'avait aucun lien avec l'affectation au travail. Ceci relevait des

 23   compétences, la responsabilité des autorités civiles, des municipalités qui

 24   fonctionnaient normalement, l'affectation au travail a été en vigueur pour

 25   l'ensemble de la population apte à travailler, sans aucune discrimination.

 26   Elle s'appliquait à la fois aux Serbes et aux Musulmans et à tous les

 27   autres."

 28   Est-ce que ce que dit le colonel Maksimovic est exact ?

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  1   R.  Je pense que c'est une honte qu'il dise cela.

  2   Q.  Pour quelle raison ?

  3   R.  Premièrement, tous les Serbes aptes à porter une arme ils ont été

  4   versés dans l'armée, tous ceux qui étaient âgés de plus de 65 ans ont été

  5   exemptés. Et puis jusqu'à 65 ans, ils faisaient partie de l'armée. Donc

  6   c'est de manière non étayée et non fondée qu'il le dit, donc je ne pense

  7   pas qu'il faudrait accepter cela comme une base d'interprétation.

  8   Q.  Mais est-ce que vous savez qu'en 1992, par exemple, il y avait une

  9   cellule de Crise de la municipalité de serbe de Novo Sarajevo qui a

 10   fonctionné ? Vous avez entendu parler de cette cellule de Crise ?

 11   R.  Je ne pouvais pas savoir que cette cellule de Crise existait, mais je

 12   suppose que ça pu exister. Je faisais partie du peloton de travail, je

 13   n'étais pas là, je creusais des tranchées et je construisais des bunkers.

 14   Q.  Cette cellule de Crise, entre autres missions, devait assurer le

 15   ravitaillement de la population civile, et il s'est chargé à l'attention de

 16   la population civile de Grbavica de leur assurer des vivres à hauteur de 50

 17   % des besoins tels qu'ils étaient estimés par le temps de paix.

 18   R.  Qui a fait cette constatation ?

 19   Q.  C'est cette cellule de Crise qui dit cela.

 20   R.  Je peux vous dire que la population recevait de l'aide humanitaire de

 21   la part de la FORPRONU.

 22   Q.  Et la FORPRONU quand est-ce qu'elle a distribué l'aide humanitaire ?

 23   R.  C'est la FORPRONU qui l'apportait. C'est toujours la FORPRONU qui

 24   suivait, escortait les camions, qui apportaient des vivres, j'ai vu ces

 25   soldats français ou autres venus d'autres pays et nous on recevait de

 26   l'aide. Et ce n'était pas de la part de la République serbe, c'est la

 27   République serbe qui distribuait ce qui était reçu de l'étranger.

 28   Q.  Donc, ce ne sont pas les soldats de la FORPRONU qui vous distribuaient

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  1   cela, c'était des employés, des fonctionnaires de l'Etat de la République

  2   serbe; c'est bien ça ?

  3   R.  Non. Je dis que cette aide humanitaire nous parvenait et que les

  4   soldats de la FORPRONU l'escortaient, l'apportaient, entreposaient, et par

  5   la suite, c'était distribué -- oui, c'était organisé pour que ce soit

  6   distribué aux citoyens de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire de Grbavica, je

  7   veux dire.

  8   Q.  Donc, vous supposez que tous ces vivres distribués par des

  9   fonctionnaires de la Republika Srpska avaient leur origine dans la FORPRONU

 10   ?

 11   R.  C'est ce qu'on pensait, que ça venait de la FORPRONU; pour l'essentiel,

 12   c'était des vivres qui étaient distribués.

 13   Q.  Mais ce ne sont pas les soldats de la FORPRONU, ce sont des

 14   fonctionnaires de la République serbe qui vous distribuaient cette

 15   nourriture ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  C'est ce que je voulais vous entendre dire.

 18   J'ai un autre document, document 65 ter du Procureur. D1401, 01401, c'est

 19   un rapport sur les activités de la cellule de Crise le

 20   5 juin 1992, la date sur le document signée par Radomir Neskovic, le

 21   président, et ici à l'endroit, il parle de l'alimentation de la population,

 22   nous l'avons aidé.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pouvez déplacer juste une

 24   ligne, s'il vous plaît ?

 25   M. SESELJ : [interprétation]

 26   Q.  Les communautés locales ont dressé des listes de civils avec leurs noms

 27   et leurs prénoms, et c'est d'après ces listes qu'on a distribué la

 28   nourriture à hauteur de 50 % des vivres en temps de paix.

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  1   Est-ce que c'est exact que cette nourriture, que vous receviez et pour

  2   laquelle vous dites que c'est la FORPRONU qui se les procurait -- est-ce

  3   qu'il est exact de dire que c'était à peu près

  4   50 % des besoins réguliers en temps de paix ?

  5   R.  Je ne peux pas affirmer qu'il en a été ainsi, parce que je n'ai pas

  6   fait partie de cela. Tout ce que je sais c'est qu'il fallait que je me

  7   rende là où c'était entreposé pour recevoir ce qui était prévu pour chaque

  8   citoyen.

  9   Q.  Fort bien. Mais ce que vous receviez --

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous reste une minute, Monsieur 

 11   Seselj.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Laissons de côté la nourriture pour

 13   employer cette minute qui me reste.

 14   M. SESELJ : [interprétation]

 15   Q.  Vous avez mentionné une situation où vous étiez employé à creuser des

 16   tranchées et à construire des bunkers sur une rive de la Miljetska, vous

 17   avez dit que, Enes Hadziahmetovic a été tué à côté de vous, et vous

 18   supposez que c'est Aleksandar Trivkovic qui l'a tué. Pendant que vous étiez

 19   en train de construire un mur, il s'est rendu dans un bâtiment. Deux balles

 20   ont été tirées, Enes est tué et l'autre balle ne vous a pas touché -- vous

 21   a raté; est-ce que j'i bien interprété vos propos ?

 22   R.  La seule chose que je puisse dire c'est que les autres qui étaient

 23   présents à ce moment-là, ont constaté la même chose, parce qu'il nous a

 24   laissés, nous deux, il nous a quittés. Nous travaillons, nous étions

 25   debout, et tout simplement deux balles ont été tirées. Je sais où ça a

 26   touché et je ne pouvais pas affirmer que c'était lui, mais c'est une

 27   supposition. Mais je dois ajouter quelque chose, c'est étrange qu'on puisse

 28   affirmer qu'on ne sait pas que ces soldats existent. Ces voisins qui ont

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  1   travaillé pour creuser des tranchées, ils se connaissaient bien parce que

  2   c'étaient des voisins. Il est né à côté du pont en bois.

  3   Q.  Peu importe, je n'ai pas beaucoup de temps. Des gens que j'ai contactés

  4   n'ont jamais entendu parler de lui, donc, vous n'avez pas de preuve que

  5   c'est lui qui a tiré, vous ne l'avez pas vu tirer. Mais vous et les gens

  6   qui se sont trouvés là avec vous, vous avez supposé que ça pouvait être lui

  7   ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Mais les balles, ça pouvait être des balles de tireurs embusqués, tirer

 10   du côté musulman, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non, puisque vu l'endroit où nous nous sommes trouvés, ça n'a pas pu

 12   venir du côté musulman, comme vous le dites. Ça n'a pas pu être un tireur

 13   embusqué de ce côté-là.

 14   Q.  Mais vous avez établi d'où ont pu arriver ces balles ?

 15   R.  En face, il y avait un bâtiment, là où il y a le stade de foot de

 16   Zeljeznicar.

 17   Q.  C'est là qu'est entré Trivkovic ?

 18   R.  C'est qu'il est allé mais je n'ai pas vu qu'il ait -- je n'ai pas pu

 19   voir qu'il ait tiré.

 20   Q.  Vous n'avez aucune preuve qu'il ait tiré ?

 21   R.  Non, c'est une supposition.

 22   Q.  Très bien. Dans ce cas-là, tenons-nous à cela, c'est une supposition,

 23   ce n'est pas une preuve. Vous n'avez pas de preuve pour étayer le fait que

 24   c'est lui qui a tiré. J'espère que c'est suffisant.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si ma minute n'a pas expiré, je peux continuer,

 26   moi.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Parfois la minute devient longue.

 28   Alors, est-ce que le Procureur a des questions

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  1   supplémentaires ? Monsieur Ferrara.

  2   M. FERRARA : [Hors micro] 

  3   Nouvel interrogatoire par M. Ferrara :

  4   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, dans le cadre de l'interrogatoire

  5   principal hier, vous avez dit qu'il y avait des hommes de Seselj à Grbavica

  6   parmi les volontaires. Dans votre déclaration, vous avez également

  7   mentionné la présence des volontaires de Seselj de Grbavica, et ce, à cinq

  8   reprises aux paragraphes 9, 11 et 15, le mot volontaire est utilisé cinq

  9   fois en anglais au moins trois fois en B/C/S. Toutefois, dans le cadre du

 10   contre-interrogatoire, vous dites je cite : "Je n'ai jamais dit que je le

 11   ne savais jamais mais je pense aussi pour la première fois maintenant qu'il

 12   y avait eu des volontaires, des hommes de Seselj ou des Chetniks."

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 14   M. FERRARA : [interprétation] Je n'ai pas terminé ma question, Monsieur le

 15   Président.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] -- mon objection.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : -- qu'il termine avant de faire une objection. Donc,

 18   je ne sais même pas ce qu'il allait dire.

 19   Oui, alors, reprenez, Monsieur Ferrara.

 20   M. FERRARA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Toute fois dans le contre-interrogatoire, vous dites et je cite de nouveau

 22   transcript 8268 [comme interprété], lignes 4 à 7 : "Je n'ai jamais dit et

 23   je ne savais jamais ceci, et je ne savais pas, et je l'entends pour la

 24   première fois maintenant qu'il y avait eu des volontaires, des hommes de

 25   Seselj ou des Chetniks. Je n'ai jamais dit cela, je ne savais pas qu'il y

 26   avait eu des volontaires."

 27   Q.  Donc, ma question est la suivante' Dites-nous, s'il vous plaît : quelle

 28   est votre réponse définitive ? Est-ce celle que vous avez donnée lors de

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  1   l'interrogatoire principal dans votre déclaration ou celle que vous avez

  2   donnée dans le cadre du contre-

  3   interrogatoire ? Y avait-il donc des volontaires à Sarajevo, à Grbavica en

  4   particulier ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. L'Accusation ne peut pas avertir le

  6   témoin en raison du fait qu'il y a eu des contradictions entre la

  7   déclaration écrite et la déposition ici. Le témoin a déposée de vive voix

  8   alors que la déclaration écrite a été rédigée par l'Accusation, et le

  9   témoin n'est pas responsable du contenu de la déclaration écrite, mais

 10   l'Accusation. Et pourquoi il y a ce

 11   décalage ? Il faut le demander à l'Accusation. Il ne revient pas à

 12   l'Accusation de chercher à attraper le témoin dans de telles

 13   contradictions. Ceci n'est pas acceptable. L'Accusation doit seulement

 14   traiter de ce que le témoin a déclaré dans ce prétoire et rien d'autre,

 15   absolument.

 16   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Président, je suis d'accord avec

 17   M. Seselj. Peut-être qu'il y a un malentendu dans l'interprétation car j'ai

 18   dit, à la fin de ma question : "Lors de l'interrogatoire principal, le

 19   témoin a affirmé qu'il y avait des hommes de Seselj, des volontaires à

 20   Grbavica." Tout comme dans la déclaration et non pas seulement dans cette

 21   déclaration mais également dans le cadre de l'interrogatoire principal.

 22   Plus tard, lors du contre-interrogatoire, il dit le contraire. Donc, la

 23   contradiction existe entre ce qu'il a dit lors de l'interrogatoire

 24   principal et ce qu'il a affirmé dans le cadre du contre-interrogatoire.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas exact. Je dois ajouter quelque

 26   chose.

 27   Moi, j'ai demandé au témoin s'il a entendu dire que des volontaires

 28   du Parti radical serbe ou des volontaires de Seselj étaient venu à Grbavica

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  1   2, et qu'ils ont participé au combat pour Hrasno. Il y avait un groupe qui

  2   était encerclé, puis je me suis appuyé sur le coup de fil intercepté. Le

  3   témoin a dit qu'il n'a pas entendu parler de cela, plusieurs fois le témoin

  4   a confirmé qu'il considérait que l'Unité de Slavko Aleksic était les hommes

  5   de Seselj, les Chetniks et que c'est la même chose pour lui. Et à chaque

  6   fois qu'il parle des hommes de Seselj et des Chetniks, lui, il parle

  7   exclusivement de l'Unité de Slavko Aleksic.

  8   Et s'agissant du groupe de volontaires du Parti radical serbe qui, en

  9   avril 92, luttait à Grbavica 2 (expurgé), il

 10   n'a jamais entendu parler d'eux.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon raison de plus de lui poser la question

 12   pour mettre un terme à la contradiction.

 13   Bien, alors, Monsieur le Témoin, répondez à la question que

 14   M. Ferrara vous a posée.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Ici, il y avait un problème de

 16   traduction. Moi, j'ai dit que les Chetniks de Seselj existaient, les hommes

 17   de Seselj ou les Chetniks. Mais j'ai dit que je n'ai jamais entendu dire

 18   qu'il s'agissait des volontaires. J'ai dit effectivement que les

 19   volontaires venaient des Russes, des Biélorusses et d'autres mais non pas

 20   dans le cadre des Chetniks. Donc, ce n'est pas la même chose, et je répète,

 21   s'il vous plaît.

 22   Nous avons vu les Chetniks et nous savions où ils étaient stationnés, ou

 23   les hommes de Seselj, pour moi, c'était la même chose. Mais s'agissant des

 24   volontaires, j'en n'ai jamais entendu parler jusqu'à maintenant, jusqu'à ce

 25   que M. Seselj ne les mentionne.  

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 27   Mme LE JUGE LATTANZI : Puis-je --

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Enfin, moi, c'est ce j'ai compris, c'est ce que vous

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  1   aviez dit hier. Pour moi, c'était très clair.

  2   Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi --

  3   L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît, Madame le Juge.

  4      Mme LE JUGE LATTANZI : Je m'excuse. Excusez-moi, pour que ce soit encore

  5   plus clair, alors, si l'on voit les Chetniks, c'étaient des soldats de la

  6   Republika Srpska qui étaient qualifiés comme Chetniks ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, je répète encore une fois :

  8   les Chetniks - ou les hommes de Seselj, comme les gens de la rue les

  9   appelaient - c'était une seule armée. Mais quant à la question de savoir

 10   s'ils dépendaient de ce commandement, du commandement de l'armée de la

 11   Republika Srpska, ou non, je ne le sais pas. Mais ils existaient.

 12   Mais, quant à la question de savoir si c'étaient des volontaires s'agissant

 13   ou s'il y avait des volontaires parmi les Chetniks, ça je ne le sais pas et

 14   je ne pouvais pas le savoir.

 15   Mme LE JUGE LATTANZI : Vous pouvez m'excuser mais je n'ai pas encore bien

 16   compris.

 17   Donc, selon cette qualification que les gens donnaient, que vous donnez des

 18   Chetniks, c'étaient tous les soldats de la Republika Srpska qui étaient

 19   qualifiés de "Chetniks" ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Si vous n'avez pas compris, je vais

 21   répéter.

 22   Il y avait l'armée de la Republika Srpska, et je ne sais pas quelle

 23   était la chaîne de commandement et l'organisation sur le plan de

 24   commandement s'agissant des relations entre les Chetniks et l'armée de la

 25   Republika Srpska. Mais les Chetniks ou les hommes de Seselj, c'étaient des

 26   soldats qui étaient stationnés au cimetière juif. Et quant à la question de

 27   savoir sous quel commandement ils étaient placés et comment, je ne le sais

 28   pas.

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  1   M. LE JUGE HARHOFF : Oui, peut-être la question [imperceptible] --

  2   Monsieur le Président, si vous pouvez nous expliquer quelle est,

  3   selon vous, la différence entre les "volontaires" et les "Chetniks." Quelle

  4   est la distinction que vous faites entre ces deux catégories ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je ne le savais pas -- je répète que je

  6   ne savais pas du tout qu'il y avait des volontaires, sauf ceux que j'ai

  7   mentionnés qui sont venus de la Russie, de la Biélorusse et de l'Ukraine.

  8   Je ne le savais pas que d'autres existaient. Encore aujourd'hui, je ne sais

  9   pas s'il y avait des volontaires parmi eux. M. Seselj a mentionné le fait

 10   que des volontaires du Parti radical serbe étaient venus de la Serbie, mais

 11   je ne le savais pas, donc, je ne pouvais pas déclarer que j'étais au

 12   courant de ces cas.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Monsieur Ferrara.

 14   M. FERRARA : [interprétation]

 15   Q.  Lors du contre-interrogatoire, page du transcript 8 646, ligne 19, vous

 16   dites qu'il aurait été mieux que le poste de police de Grbavica n'ait pas

 17   existé. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Pouvez-vous préciser, je

 18   vous prie ?

 19   R.  Ecoutez, la raison pour laquelle je l'ai dit est la suivante : on

 20   pillait à Grbavica, tout le monde l'avoue; je suppose que M. Seselj avouera

 21   lui-même qu'il est possible qu'il y a eu des pillages. C'est ce qu'il a dit

 22   au moins. Et eux, ils ne faisaient rien pour empêcher ces pillages qui se

 23   déroulaient à Grbavica, et dans d'autres parties occupées par l'armée de la

 24   Republika Srpska, c'est la raison pour laquelle je le dis.

 25   Q.  Qui était l'homme chargé de ce poste de police ou à la

 26   tête ?

 27   R.  Je pense que c'était le ministère de la Police de la Republika Srpska.

 28   Je pense que c'était eux qui étaient en charge de ce poste de police.

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  1   Q.  Lors du contre-interrogatoire, lorsqu'on a évoqué la déclaration

  2   d'Aleksic et son livret militaire, M. Seselj a essayé de démontrer que,

  3   malgré qu'Aleksic était un dirigeant chetnik, les volontaires contrôlés

  4   n'étaient pas organisés par ce parti-là. C'est à la page 8 642, lignes 11 à

  5   20.

  6   M. FERRARA : [interprétation] Madame la Greffière, pourriez-vous montrer,

  7   je vous prie, au témoin la pièce P217.

  8   Q.  C'est bien l'ordre de M. Seselj, numéro 124, en date du

  9   13 mai 1993, versé au dossier sous la cote P217, pour la proclamation des

 10   voïvodat chetniks, et il dit que : "Slavko Aleksic, fils d'Ilija, voïvodat

 11   des chetniks serbes, était un membre du Mouvement chetnik, et depuis son

 12   établissement, il a participé à l'organisation et à la promotion des idées

 13   du Mouvement chetnik et du Parti radical serbe à Sarajevo et les environs.

 14   Lorsque les Unités serbes ont commencé à terroriser la population, il a

 15   immédiatement organisé - et organisé personnellement - et dirigé toutes les

 16   actions des unités volontaires et des hommes chetniks."

 17   D'après vous, lorsque vous avez vu Aleksic, est-ce qu'il était entouré de

 18   volontaires chetniks ?

 19   R.  Je répète, encore une fois, que je n'ai jamais mentionné les

 20   volontaires et que je ne pouvais pas savoir qui était volontaire et qui ne

 21   l'était pas. Moi, je l'ai vu simplement au passage.

 22   Q.  Je reprends ma question : lorsque vous avez vu Aleksic, est-ce qu'il

 23   était entouré par des Chetniks ?

 24   R.  S'il était entouré par des Chetniks ou par d'autres soldats, je ne

 25   pouvais pas le savoir. Si c'était des Chetniks, je le savais parce qu'ils

 26   portaient de longues barbes et des cheveux longs et, par conséquent, je ne

 27   le savais pas mais les autres soldats ils pouvaient pousser leurs barbes

 28   aussi.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Maintenant, l'Accusation harcèle le

  2   témoin d'une manière bien pire par rapport à la façon qui m'a été reprochée

  3   vers la fin du contre-interrogatoire. Comment est-ce que ce témoin peut

  4   savoir tout cela ? Il s'agit là d'une proclamation de l'année 1993, où en

  5   quelques phrases seulement de façon concise, certains mérites d'Aleksic ont

  6   été soulignés. Et il est écrit qu'il a adhéré le Mouvement chetnik-serbe et

  7   le Parti radical serbe dès sa constitution. Mais la constitution à Sarajevo

  8   et non pas la constitution à Belgrade car, en Serbie, ce parti a été établi

  9   -- a été fondé le 23 février 1991, et à Sarajevo, seulement en 1992, et le

 10   Parti radical c'était le cas du personnes et du Mouvement chetnik-serbe et

 11   nous pouvons le voir d'après sa carte de membre et son appartenance au

 12   Pardi démocratique serbe.

 13   Et maintenant, l'Accusation essaie d'établir quelque chose qui est

 14   impossible.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, le seul élément important dans la

 16   nomination d'Aleksic comme voïvodat, c'est la phrase où il est marqué : "Il

 17   a été nommé commandant du Détachement Chetnik de Novo Sarajevo." Voilà.

 18   Donc, posez-lui une question uniquement à partir de là, le reste on perd

 19   son temps.

 20   M. FERRARA : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce que vous avez jamais vu Aleksic porter un uniforme régulier de

 22   l'armée de la VRS avec un insigne démontrant son grade allégué, le grade de

 23   capitaine ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Aujourd'hui, aux pages 19, 20, lignes 23 à 24, donc, 25 -- plutôt, 13

 26   de la page 20, vous avez répondu à une question posée par M. Seselj : "A

 27   savoir si vous êtes d'accord que le cimetière juif était l'endroit le plus

 28   important pour ce qui est de la région de Grbavica."

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  1   Et vous avez dit : "Oui, puisque c'était depuis cette colline qui se

  2   trouvait au-dessus du cimetière juif, c'est de là qu'il pouvait avoir le

  3   contrôle de la partie centrale de Sarajevo."

  4   Pourriez-vous nous expliquer ce que vous vouliez dire par le fait

  5   d'avoir plus de contrôle sur la partie centrale de Sarajevo ? Et est-ce

  6   qu'il était plus facile de tirer avec les fusils à lunette sur la partie

  7   centrale de Sarajevo depuis ce point ?

  8   R.  Exactement.

  9   M. FERRARA : [interprétation] Je n'ai plus de questions supplémentaires,

 10   Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, au nom de la Chambre, je vous

 12   remercie d'être venu à La Haye pour témoigner, et je vous souhaite donc un

 13   bon retour.

 14   Avant de quitter la salle d'audience, nous allons donc faire une pause de

 15   20 minutes, ce qui vous permettra donc de quitter tranquillement la salle

 16   d'audience et nous reprendrons donc dans 20 minutes.

 17   Je vous remercie.

 18   [Le témoin se retire]

 19   --- L'audience est suspendue à 15 heures 33.

 20   --- L'audience est reprise à 16 heures 04.

 21   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame la Greffière, on va passer en audience

 23   à huis clos.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

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 23   [Audience publique]

 24   M. FERRARA : [interprétation]

 25   Q.  Pouvez-vous nous parler des relations entre les différentes composantes

 26   ethniques dans votre village lorsque vous étiez jeune ?

 27   R.  Je dois dire beaucoup de bien de l'endroit où je vivais et de cette

 28   région; jusqu'à ce que j'ai 22 ans, je n'ai jamais remarqué  que qui que ce

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  1   soit m'aurait traité différemment du fait que j'appartenais à un autre

  2   peuple ou à une autre religion. On vivait véritablement bien, c'était la

  3   concorde, l'entente qui régnait. Et je peux aussi dire que, dans ma

  4   localité de Kostijerevo, il y a un mélange de population serbe et

  5   musulmane. Je peux difficilement trouver un exemple d'une autre localité en

  6   Bosnie-Herzégovine où il y avait une telle entente dans la population.

  7   Q.  Est-il arrivé un moment où ces relations ont changé ?

  8   R.  Je peux dire que d'une certaine manière ce qui s'est passé est que ça a

  9   commencé au moment de la création des partis nationaux ou nationalistes

 10   comme on les appelle, à partir de l'année 1990. Il y avait des

 11   rassemblements pour la promotion de ces partis, et là, on a pu remarquer

 12   des insignes nationaux, et puis des uniformes historiques ou datant de la

 13   Seconde Guerre mondiale. On a commencé à  les porter, à les exhiber. Donc,

 14   d'une certaine manière cette amitié, cette cohabitation commençait à se

 15   dégrader petit à petit.

 16   Q.  Avez-vous assisté ou participé à ces meetings ?

 17   R.  Non, je ne suis jamais assisté à des rassemblements politiques quels

 18   qu'ils soient ou à des réunions où on fondait des partis politiques.

 19   Q.  Pourriez-vous nous décrire une autre chose qui permettrait de montrer

 20   que les relations entre les différends, ceci avait changé, donc, pas

 21   uniquement les meetings politiques mais peut-être ce qui se passait dans la

 22   vie de tous les jours ?

 23   R.  Les relations, on ne peut pas dire qu'elles ont changé de manière très

 24   importante lorsque les partis ont été créés mais, de manière soudaine, il y

 25   a eu un changement au début du conflit en Croatie. Là, les Serbes de

 26   Bosnie, disons de manière volontaire, se présentaient pour partir faire la

 27   guerre en Croatie ou peut-être on les a mobilisés, ça je ne sais pas. Mais

 28   je sais une chose, certains Bosniens dans mon village ont reçu des feuilles

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  1   de mobilisation. Mais ils les ont tous jetés -- déchirés, et jetés. J'ai

  2   posé la question à l'un d'entre eux, à un homme -- en fait, à un homme

  3   serbe que je connaissais bien, il est de Drinjaca. Je lui ai demandé :

  4   "Qu'est-ce que cela signifie si on jette cette feuille de mobilisation

  5   disant qu'on doit se présenter dans une caserne, par exemple, à Tuzla ?" Et

  6   lui, il a hoché de la tête, il a fait un signe de main, disons mais laisse

  7   tomber. Donc, il n'y a pas eu de mobilisation que ce soit de force ou qu'on

  8   parte de son propre chef se présenter dans cette caserne où on allait se

  9   présenter.

 10   Q.  Lorsque vous dites que, dans ces meetings, on pouvait voir des gens qui

 11   portaient des uniformes historiques de la Deuxième Guerre mondiale ou qui

 12   avaient des insignes nationalistes, pouvez-vous nous dire exactement ce que

 13   c'étaient ces insignes et ces uniformes  ?

 14   R.  En fait, j'ai eu l'occasion de voir à la télévision aussi, des caméras

 15   ont enregistré des images, par exemple pour ce qui est des Serbes, j'ai

 16   remarqué qu'on portait des uniformes proprement chetniks de la Seconde

 17   Guerre mondiale et des cocardes aussi; ça aussi j'ai remarqué. Et dans la

 18   foule, on voyait des gens qui avaient des tee-Shirts avec des aigles, que

 19   sais-je. Il y avait aussi des drapeaux un pue étranges. Ça, j'ai vu ça à la

 20   télévision.

 21   Q.  A un moment ou à un autre, les Serbes ont-ils organisé des tours de

 22   garde autonomes dans votre village ?

 23   R.  Pendant la guerre en Croatie, nous, on avait des tours de garde mais

 24   c'était de manière conjointe avec les Serbes. Et pendant cette période,

 25   moi, je travaillais à Belgrade. Un soir, je suis rentré à la maison et mon

 26   frère aîné, je l'ai trouvé avec un fusil, M-48, alors que je savais qu'il

 27   n'avait pas de fusil. Et je lui ai demandé : "Mais d'où vient ce fusil,

 28   comment tu l'as eu ?" Et il a dit : "Mais on a des patrouilles, des tours

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  1   de garde ensemble avec les Serbes, soi-disant les Serbes avaient demandé

  2   cela, et puis ils ont cherché à se mettre d'accord avec les Musulmans

  3   disant qu'il fallait qu'il y avait des garder pour éviter des tentatives

  4   d'infiltration de l'extérieur ou des tentatives de semer le trouble entre

  5   les deux peuples." Et, lui, il m'a donné le nom de ce voisin serbe qui

  6   aurait organisé cela, il a dit : "Voilà, maintenant, il va avoir une relève

  7   pour l'autre équipe. Si tu veux, tu peux prendre part également. Tu peux y

  8   participer." J'ai dit : "Non, non, je suis juste très brièvement de

  9   passage, je dois retrouver mon travail."

 10   Q.  A un moment ou à un autre, entre ces tours de garde conjointes, ont-ils

 11   été mis un terme ?

 12   R.  Ces gardes communes ça s'est arrêté à la fin de la guerre en Croatie.

 13   Je crois que c'était en novembre 1991.

 14   Q.  Et pourquoi ?

 15   R.  En novembre, j'ai terminé mon travail à Belgrade, je suis venu pour mes

 16   vacances d'hiver, c'est-à-dire que le patron là où je travaillais dans

 17   cette entreprise privée, il a envoyé un homme avec moi pour qu'il m'escorte

 18   -- m'accompagne jusqu'à l'autocar. Et j'ai demandé pourquoi, et il m'a dit

 19   : "Il y a des choses qui se produisent là à Belgrade. Il y a toute sorte de

 20   choses. Voilà. Pour que tu sois en sécurité, pour être sûr de monter dans

 21   l'autocar." Il a dit à cet homme qui m'a emmené de ne pas me laisser tant

 22   que je ne serais pas monté dans l'autocar, et ça m'a étonné même si j'avais

 23   vu des choses -- pas mal de choses à Belgrade. Il y avait des excès

 24   nationalistes et je me suis trouvé dans une situation où j'aurais pu perdre

 25   la vie mais j'ai été sauvé par un homme, un propriétaire de restaurant.

 26   Et quand je suis arrivé à Kostijerevo, j'ai vu qu'il n'y avait plus

 27   de tours de garde en commun, alors, j'ai demandé ce qui était en train de

 28   se passer : "Pourquoi il n'y avait plus de gardes ?" Et la réponse c'était

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  1   que comme quoi ce qui était d'actualité en 1992, il allait y avoir un

  2   référendum sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, donc, c'est en

  3   parlant autour de moi, j'ai appris qu'ils ne voulaient plus avoir de gardes

  4   avec nous puisque nous avions déjà pris la décision de voter au référendum

  5   pour la séparation de la Bosnie-Herzégovine du reste de la Yougoslavie. Et

  6   il y avait des appels à cet effet de la part de certains partis politiques,

  7   des choses comme ça. Donc, c'est là que le temps de la coopération avec les

  8   Serbes de mon village s'est terminé.

  9   Q.  Lorsque vous dites qu'ils ne voulaient plus qu'il y ait des tours de

 10   garde conjoints, qui sont ces "ils" ?

 11   R.  J'étais en train de vous dire ces Serbes de mon village. Ils ont dit :

 12   "Mais comment voulez-vous qu'on monte des tours de garde ensemble, qu'on

 13   continue de le faire puisque voilà on vous appelle à voter au référendum et

 14   on voit bien que vous allez tous voté pour que la Bosnie-Herzégovine se

 15   sépare ? Mais, nous, nous voulons rester en Yougoslavie, est-ce que ce

 16   n'était pas bien pendant qu'on était en Yougoslavie ?" Et nous, on disait :

 17   oui, oui, bon, il y avait des conversations et on disait oui, c'était bien,

 18   mais ce n'est plus la même Yougoslavie dans sa totalité. Et pourquoi que ça

 19   ne pourrait plus s'appeler Yougoslavie désormais. Alors, eux, ils disaient

 20   : "Mais, voyez-vous, il y a la Serbie, le Monténégro, la Bosnie, ça

 21   suffirait pour que la Yougoslavie soit bien et pour qu'elle soit forte."

 22   Q.  A ce moment-là, avez-vous organisé vous-même les tours de garde de

 23   votre village, vous-même, les Musulmans ?

 24   R.  C'est à partir de ce moment-là qu'il y a eu des tours de garde

 25   séparément.

 26   Q.  Avez-vous participé à ces tours de garde ?

 27   R.  Bien sûr que si j'y ai pris part. Nous sortions le soir, tous les

 28   soirs. C'est uniquement de nuit qu'il y avait des gardes dans le village

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  1   juste pour qu'il n'y ait pas quelqu'un qui par hasard passe par le village,

  2   voit qu'on est au lit, qu'on est endormi, et qu'il ne provoque un incident,

  3   et que ceci ne déclenche éventuellement des conflits, je ne sais pas.

  4   Q.  Avez-vous un uniforme ou une arme ?

  5   R.  Nous n'avions pas d'uniforme du tout. Mais pour ce qui est de

  6   l'armement, on avait des fusils de chasse de nos voisins qui eux

  7   possédaient des fusils de chasse et à tour de rôle on prenait ces fusils.

  8   Q.  De combien de fusils disposiez-vous ?

  9   R.  Nous avions six pièces de fusils de chasse. Un fusil de chasse au sens

 10   classique et puis une carabine qui ressemble à un

 11   M-48. On avait trois chasseurs qui avaient l'autorisation pour avoir cette

 12   arme, et donc, ils nous prêtaient leurs armes et c'est comme ça qu'on

 13   pouvait tous monter la garde.

 14   Q.  Quand est-ce que votre village a été attaqué et par qui a-t-il été

 15   attaqué ?

 16   R.  Le village a été attaqué le 30 mai 1992. Je me souviens bien, la

 17   veille, la nuit, nous avons tous passé la nuit dans les bois.

 18   C'est-à-dire ce que je veux dire c'est que pendant le dernier mois à peu

 19   près il nous est souvent arrivé de passer la nuit dans les bois. On avait

 20   abandonné les maisons et puis le lendemain on rentrait à la maison. Et puis

 21   --

 22   Q.  Avant ce 30 mai 1992, quelqu'un se serait-il rendu dans votre village

 23   le 19 avril 1992 ?

 24   R.  Je dois vous corriger là. Je ne connais pas la date du

 25   13 mai; c'est le 30 mai.

 26   Q.  C'est le 29 -- ce n'était pas le 19; c'est le 29.

 27   R.  Le 29, le 29, vous voulez dire avril ?

 28   Q.  Tout à fait.

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  1   R.  Oui, le 29 avril 1992, l'armée populaire yougoslave avec des

  2   réservistes, c'est-à-dire avec la population serbe mobilisée qui était en

  3   uniforme, les autres à ce moment-là n'avaient pas d'uniformes; ils nous ont

  4   lancé un appel à Drinjaca au niveau de la communauté locale de remettre

  5   tout l'armement que nous avions. Et alors, les gens, ceux qui avaient une

  6   arme, ils ont -- ils l'ont prise et ils l'ont remise là. Et il y a eu une

  7   liste qui a été dressée pour chaque fusil, son numéro et le propriétaire.

  8   Q.  Et il y avait que des membres de la JNA, ou y avait-il aussi des

  9   membres de formations paramilitaires ?

 10   R.  Je n'étais pas là mais mon frère était là. Et lui il m'a dit que tout

 11   s'est passé dans l'ordre, qu'il y avait un homme qui était un commandant

 12   d'après son grade, qu'il a remercié tous ces gens qui avaient apporté leurs

 13   armes, il les a remerciés de les avoir rendus et il a dit je ferai en sorte

 14   que vous retrouviez votre travail dans vos entreprises et usines où vous

 15   travaillez. "Vous allez vivre comme des citoyens loyaux. Vous n'aurez

 16   aucuns problèmes."

 17   Et il y avait des gens qui ont été touchés, ou euphoriques qui

 18   étaient heureux que cela se passe ainsi qu'il n'y aurait pas de punitions

 19   parce qu'il y avait aussi des gens qui avaient eu une arme de manière

 20   illégale, donc, qu'ils allaient pouvoir retrouver leur travail à l'usine,

 21   et cetera, parce qu'il y avait en ces deux mois comme la guerre a commencé

 22   -- enfin, jusqu'à ce 29 avril, les gens se sont retrouvés vraiment à

 23   manquer de beaucoup de choses parce qu'il n'y avait pas de nourriture. Ils

 24   ne sont pas préparés pour la guerre.

 25   Et je connais bien mon village. On ne peut pas dire que c'était des

 26   gens aisés. Les gens ils n'avaient pas grand-chose. C'était des salaires

 27   qui étaient modestes dans ces petites usines du coin, comment dire, on

 28   pouvait joindre les deux bouts à peine.

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  1   Q.  Après ce jour, vous dites que, pendant un mois, vous avez dormi dans

  2   les bois, donc, y a-t-il eu des changements dans le village après ces jours

  3   d'avril -- enfin, en ce qui concerne la vie de tous les jours, la routine ?

  4   R.  Vous savez, quand Kula Grad -- donc, c'était le dernier bastion des

  5   Bosniens. Kula Grad est tombé le 29 avril, alors, à partir de ce moment-là,

  6   de manière subite, il y a eu un changement -- une modification profonde des

  7   relations avec les Serbes, et eux, ils se sont trouvés encouragés par cela.

  8   Lorsqu'on avait besoin d'information, il fallait qu'on vienne les prier,

  9   qu'on les prie pour ce qui est de la nourriture, de savoir où on pouvait

 10   acheter, sur ce qui allait se produire, eux, ils disaient : "Pour le

 11   moment, nous, on ne sait rien, mais quelqu'un qui se serait sali les mains

 12   ou qui aurait enfreint la loi." Et bien, lui, il serait tenu responsable de

 13   ce qu'il a fait, ça c'est certain. C'est ce qu'ils ont dit.

 14   Q.  Avez-vous pu aller vous rendre travailler ?

 15   R.  Non. Il y avait des gens qui ont tenté de s'y rendre, mais il y avait

 16   une barricade à Karakaj. On leur a asséné quelques gifles et on les a

 17   insultés, et puis ils sont rentrés à la maison. Heureusement, pour ce qui

 18   est des gens de mon village, personne n'a été victime là, mais il y a eu de

 19   mauvais traitements, là.

 20   Q.  Passons maintenant à la date que vous nous avez précisée précédemment,

 21   c'est-à-dire le 30 mai 1992. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé ce

 22   jour-là ? Quelqu'un est-il arrivé dans votre village ce jour-là ?

 23   R.  Le 30 mai 1992, nous sommes rentrés à la maison nous avions été dans

 24   les bois. J'étais là avec un parent, et on écoutait la radio serbe de

 25   Zvornik car, jusqu'à ce moment-là, il y avait la radio commune, et puis,

 26   eux, ils l'ont appelé : "Radio serbe de Zvornik."

 27   Et puis tout d'un coup, on entend une information où il est dit : on

 28   demande à tous les citoyens de la communauté locale de Drinjaca-Kostijerevo

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  1   de se tenir à la maison et de ne pas succomber à la panique parce que

  2   l'armée va venir. Et nous, nous ne savions pas pourquoi, mais apparemment

  3   l'armée viendra dans le village pour vérifier quelque chose : "Faites

  4   preuve de patience, coopérez lorsqu'ils vous poseront des questions, et

  5   n'ayez pas peur."

  6   Et cette information ça nous a un petit peu ému pour quelle raison il y

  7   aurait l'armée qui viendrait. Puisque nous avons donné toutes les armes

  8   qu'il y avait. Et puis vite cette nouvelle s'est répandue dans le village.

  9   Les gens étaient incrédules. Et puis ils étaient assez tranquilles,

 10   sereins, ils disaient : "On est coupable d rien; pourquoi est-ce qu'on

 11   chercherait à fuir ?" Cependant, en l'espace d'une heure peut-être ou un

 12   peu plus - je ne peux pas être tout à fait certain - à l'entrée du village,

 13   on a vu un camion et il tractait un canon, il entrait dans le village, et

 14   dans les champs, on a vu se déplacer des militaires, et ils tiraient des

 15   coups de feu -- pas beaucoup, mais ils tiraient des coups de feu, et puis

 16   quelqu'un leur criait dessus, en disant d'arrêter des tirs.

 17   Et nous, on a été pris de panique. On s'est arrêté à côté des maisons.

 18   Certains se sont enfuis dans les bois à côté, et puis cette armée s'est

 19   répandue rapidement dans le village. Et les gens --

 20   Q.  Qui était ces soldats ? Pouvez-vous nous le décrire

 21   l'habit ?

 22   R.  Ces soldats, ils étaient en uniforme JNA, c'est-à-dire l'uniforme qui

 23   était l'uniforme des Unités de réserve de la JNA. Ça ne pouvait pas être

 24   distingué de l'armée régulière. Parce que j'avais servi pendant un an, j'ai

 25   fait mon service militaire, donc, je connais bien cet uniforme.

 26   Q.  Leur avez-vous -- avez-vous résisté ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Ils rassemblaient tout le monde, y compris les Serbes de votre village

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  1   ?

  2   R.  En fait, nous étions à côté de nos maisons quand ils sont arrivés, et

  3   comme ils venaient devant la maison, ils nous ont intimés de placer les

  4   bras au-dessus de la tête et vérifier ce qu'on avait dans les sacs, parce

  5   qu'on avait toujours des sacs préparés pour nous rendre dans les bois, s'il

  6   y avait quelque chose qui arrivait pour se sauver. Mais là, on était sur

  7   place; on avait comme accepté notre sort, on n'avait pas où fuir, et donc,

  8   ils étaient assez brutaux à notre égard.

  9   Je voudrais juste dire un fait. Un soldat a frappé mon frère, il lui asséné

 10   un coup de pied dans l'estomac tout simplement parce qu'il ne savait pas

 11   répondre à une salutation qui était que : "Dieu te salue." Et je lui

 12   soufflais ce qu'il fallait dire. Il était trop jeune, il était mineur, il

 13   ne savait pas comment répondre, donc, il lui a asséné un coup à l'estomac,

 14   et puis il a dit : va avec nous --

 15   Q.  Où vous ont-ils emmené ?

 16 R. Ils nous ont tous emmenés devant la maison. Il y avait un Bosnien, (expurgé)

 17   (expurgé), c'est à lui qu'appartenait la maison, ils nous ont tous ramassés et

 18   amenés devant sa maison.

 19   Q.  Combien e personnes se trouvaient dans le groupe, à ce moment-là ?

 20   R.  Je pense qu'il y avait à peu près en tout -- si on prend les hommes,

 21   les femmes, les enfants, des familles entières, environ 150 dans cette

 22   partie du village où je vivais.

 23   Q.  Avez-vous vu qui commandait ces hommes ?

 24   R.  Ce que j'ai vu quand cette armée nous a encerclés, ces soldats qui se

 25   tenaient là devant nous, j'ai remarqué un jeune homme. Il avait un

 26   Motorola. Je pense qu'il avait peut-être 25 ans. Motorola qu'il avait et il

 27   avait un uniforme de camouflage. Souvent il parlait à quelqu'un par le

 28   biais de ce Motorola.

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  1   Q.  Pouvez-vous, s'il vous plaît, répéter le nom --

  2   M. FERRARA : [interprétation] Mon collègue m'a suggéré d'expurger peut-être

  3   le nom du moins la ligne 2, page 8 --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut expurger la ligne -- il faut expurger la

  5   page 49, ligne 5.

  6   M. FERRARA : [interprétation]

  7   Q.  Avez-vous entendu cet homme parler dans son Motorola ?

  8   R.  Je n'ai pas vraiment compris. Il était peut-être à une dizaine de

  9   mètres de moi, je n'ai pas compris ce qu'ils se disaient. Mais la dernière

 10   fois qu'il y a eu quelque chose d'échangé, de dit, je l'ai entendu

 11   confirmer comme en disant : "Drinjaca," et je l'ai entendu dire il y en a

 12   beaucoup. Il a mentionné le Drinjaca."

 13   Q.  Où vous a-t-on emmené ?

 14   R.  Ensuite, il a donné l'ordre qu'on se mette tous debout, et il nous a

 15   dit : "Les hommes doivent prendre dans leurs bras les enfants en bas âge et

 16   l'homme ou la femme, enfin si c'est un couple doit se mettre l'un à côté de

 17   l'autre de telle façon que l'homme porte l'enfant et "nous allons prendre

 18   le chemin de Drinjaca."

 19   M. FERRARA : [interprétation] Madame la Greffière, pourrions-nous avoir,

 20   s'il vous plaît, la pièce 4150 de la liste 65 ter à l'écran, il s'agit

 21   d'une photo.

 22   Q.  Monsieur, est-ce que vous reconnaissez le bâtiment qui se trouve sur

 23   cette photographie ?

 24   R.  Oui, c'est la maison de la culture à Drinjaca. C'est là que l'on a été

 25   installé en détention.

 26   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 27   Juges, je souhaite demander le versement au dossier de cette photographie.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,

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  1   Messieurs les Juges, il s'agira de la pièce 475.

  2   M. FERRARA : [interprétation] 

  3   Q.  Quand êtes-vous arrivé à ce centre culturel ?

  4   R.  Je pense que c'était -- il est difficile de dire l'heure exacte mais je

  5   pense que c'était vers midi.

  6   Q.  Lorsque vous êtes arrivé au centre culturel, y avait-il d'autres

  7   détenus déjà sur place ?

  8   R.  Lorsque nous sommes entrés dans la salle du cinéma, il n'y avait

  9   personne, mais à l'extérieur, il y avait des soldats portant des uniformes

 10   des structures de réserve de la JNA parmi lesquels j'ai  reconnu certains

 11   voisins serbes de mon village.

 12   Q.  Est-ce que vous pouviez partir si vous voulez, aviez-vous cette

 13   possibilité ?

 14   R.  Pourriez-vous me clarifier votre question. Que voulez-vous dire par là

 15   ?

 16   R.  Est-ce que vous pouviez sortir de cette maison de la culture, avez-vous

 17   eu ce choix ?

 18   R.  Non, ce n'était pas possible, pas du tout.

 19   Q.  Est-ce qu'à un moment donné on a emmené d'autres personnes au centre

 20   culturel ?

 21   R.  Peu de temps après, la maison de la culture s'est entièrement remplie.

 22   Ils ont fait venir les civils d'autres parties de Kostijerevo, de Drinjaca,

 23   Sopotnik et Djevanje. Donc, la maison de la culture était entièrement

 24   remplie. Il y avait des femmes, des hommes et des enfants.

 25   Q.  Il y avait combien de personnes dans le bâtiment ?

 26   R.  Il est difficile de vous dire le nombre exact, mais peut-être jusqu'à

 27   300 même avec les femmes et les enfants.

 28   Q.  Quelle était l'appartenance ethnique de toutes ces personnes

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  1   rassemblées au centre culturel ?

  2   R.  Ils étaient tous des Bosniens, des Musulmans et je connais mon peuple,

  3   je sais quelles sont les personnes avec lesquelles j'avais connues.

  4   Q.  A l'intérieure de la maison de la culture, sans nous donner leur nom ou

  5   sans identifier les personnes, vous-même, pourriez-vous nous dire s'il y

  6   avait d'autres membres de votre famille sur place ?

  7   R.  A ce moment-là, mes trois frères y étaient de même que mon père. Je

  8   souligne que l'un de mes frères n'était pas majeur. Il était âgé de 17 ans.

  9   Q.  Et est-ce qu'à un certain moment donné, un officier de l'armée est

 10   entré à l'intérieur de la maison de la culture et s'est adressé à vous ?

 11   R.  Peu de temps après, un officier est venu. A ce moment-là, je ne

 12   connaissais pas son nom et son prénom. Il portait un uniforme de l'officier

 13   de la JNA, et il y avait deux bandes qui désignaient le grade. Et il a dit

 14   : "N'ayez pas peur. Rien ne vous arrivera. La situation est telle que je

 15   dois vous dire que vous allez être transférés dans certains villages près

 16   de Zenica. Les Serbes qui habitent viendront dans vos villages et dans vos

 17   maisons."

 18   Par la suite, au bout de deux jours, j'ai regardé cet homme à la

 19   télévision, j'ai appris qu'il s'appelait Branko Studen, et il était

 20   lieutenant.

 21   Q.  qu'est-il arrivé aux femmes et aux enfants qui se trouvaient dans la

 22   maison de la culture ? Avaient-ils une liberté de mouvement ?

 23   R.  Il a dit à ce moment-là : "Maintenant, nous allons faire sortir les

 24   femmes et les enfants, et que les hommes resterons. Nous aurons un

 25   entretien d'information avec eux et ensuite, eux aussi, ils vont sortir et

 26   seront échangés."

 27   A ce moment-là, c'est la panique qui s'est installée, les femmes et les

 28   enfants ont commencé à pleurer en disant : "Nous ne partirons pas sans

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  1   eux." Eux, ils ont dit : "Calmez-vous, n'ayez pas peur, d'ici une demi-

  2   heure, ils viendront après vous." C'est ainsi qu'ils ont calmé les femmes

  3   et les enfants. Nous, nous sommes séparés ainsi, on les regardait et, eux,

  4   ils nous regardaient. Ils ont ouvert la double porte et, eux, ils sont

  5   partis. Ils sont sortis. Et nous, lorsque nous sommes restés seuls dans

  6   cette salle, il nous a dit encore une fois : "N'ayez pas peur. Je sais que

  7   vous n'êtes coupables de rien, je vois bien comment vous avez vécu ici avec

  8   les Serbes, j'en ai entendu parler. Vous serez échangés, mais, avant cela,

  9   certains experts militaires viendront ici, ils vous poseront quelques

 10   questions, Coopérez avec eux, donnez toutes les réponses, facilitez leur

 11   tâche aussi, et après cela, lorsqu'ils en auront terminé avec vous, ils

 12   vont vous placer dans des cars et vous serez échangés avec vos familles.

 13   Q.  Que s'est-il passé après que Branko ait quitté le centre ?

 14   R.  Après avoir dit cela, il a quitté la salle. Beaucoup de soldats sont

 15   restés derrière, soldats qui nous gardaient. Ils se tenaient à côté du mur

 16   de même que sur le podium et ils nous regardaient. Puis ils jouaient un peu

 17   avec nous. Ils sortaient les détonateurs de grenade à main puis ils les

 18   jetaient entre eux pour nous faire peur. Ils demandaient des cigarettes. Et

 19   ceci n'a duré pas pendant longtemps.

 20   Soudainement, certaines personnes que je n'avais pas vues auparavant sont

 21   entrées dans la salle, ils portaient des uniformes de camouflage. J'en ai

 22   remarqué six, en particulier. Celui qui était leur leader, il portait un

 23   uniforme de camouflage mais il portait aussi une longue barbe et des

 24   lunettes noires. Il avait les manches retroussées et un couvre-chef de

 25   camouflage, et il ressemblait plutôt aux membres des Unités d'Arkan, mais

 26   je ne saurais le dire avec certitude, mais d'après les uniformes, nous

 27   arrivions distinguer toutes ces unités paramilitaires.

 28   Et lorsque celui-ci est entré, il se comportait de façon bestiale. Il

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  1   criait. Il a dit immédiatement : "Allez, les balija, levez-vous," il

  2   proférait des jurons de toute sorte contre nous et puis il a dit : "Je veux

  3   entendre une chanson maintenant." On le regardait, on ne savait pas ce

  4   qu'il voulait et il a dit quoi vous n'avez pas entendu la chanson de Topola

  5   jusqu'à Havna Gora [phon], il n'y a que des gardes du général Draza. Moi,

  6   je sais que c'est une chanson chetnik.

  7   Mais, moi, j'étais perplexe. Je regardais les autres de mon point de

  8   vue là je me disais qu'est-ce qu'on va faire et les gens ils ont commencé à

  9   chanter. Ce n'est pas une chanson difficile, la rime est facile, et

 10   imaginez 91 personnes qui chantent de Topola jusqu'à Havna Gora, il n'y a

 11   que les gardes du général Draza et, eux, ils riaient face à tout ça. A ce

 12   moment-là, c'est le chaos total qui a commencé à régner.

 13   Il faisait sortir ou il tirait des gens de leur place, il les

 14   tabassait, il les mettait sur le podium et il passait les gens tellement

 15   brutalement à tabac qu'ils n'avaient même pas besoin de recevoir une balle

 16   pour mourir. Ils allaient mourir de ces passages à tabac et je n'arrive pas

 17   à comprendre comment cet homme qui était apparemment leur dirigeant se

 18   comportait ainsi soit il était fou, soit il était ivre, mais un homme

 19   normal, il ne pouvait pas se comporter ainsi. Ce n'était pas un homme,

 20   c'était une bête sauvage.

 21   Q.  Dites-nous : est-ce que ce n'était que cet homme qui vous faisait

 22   passer à tabac ou y avait-il encore cinq ou six autres personnes ?

 23   R.  Ils tabassaient tous mais, lui, il était le seul qui se déplaçait à

 24   travers la salle qui fulminait qui a sauté sur le podium et puis je me

 25   souviens il a pris Mujo Sabanovic. Vraiment, c'était un homme costaud, je

 26   pense qu'il pesait plus de 100 kilos et il l'a fait venir sur le podium. Et

 27   en 15 secondes, cet homme il était par terre, il avait perdu connaissance,

 28   ensuite, il le faisait se lever, et ensuite, nous avons tous été abasourdis

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  1   par ce que l'on a vu et on pensait que c'était la fin de nous tous.

  2   Il a pris un couteau et je ne l'oublierais jamais ce couteau, on

  3   l'appelle "couteau Rambo," il l'a empoigné, il l'a poignardé trois fois

  4   dans la partie droite de l'épaule et cet homme, il est tombé par terre

  5   immédiatement. Ensuite, ils l'ont retiré en bas du podium et ils l'ont

  6   poussé à l'endroit où il avait été assis et ils ont dit : "Allez, pensez

  7   ses plaies vite." Et un homme il déchirait son tee-shirt et pendant qu'il

  8   lui pansait ses plaies, j'ai vu trois blessures de couteau dont le sang

  9   coulait et cet homme il tremblait, il allait très mal. Moi, je pensais

 10   qu'il allait mourir d'une minute à l'autre, et ces passages à tabac ont

 11   duré pendant très, très longtemps. Il faisait presque nuit, j'ai pu le voir

 12   à travers les fenêtres.

 13   Ils le faisaient avec interruption. A mon avis, ils ont passé à tabac

 14   environ 25 à 30 personnes et, lui, il a traversé l'ensemble de la salle

 15   deux fois en montrant des photos de certaines personnes. Moi, j'en

 16   connaissais, je les connaissais les personnes sur la photo, je les ai vus

 17   assis quelque part lors d'une manifestation, célébration, il y avait le

 18   drapeau du SDA, c'était un parti nationaliste bosnien qui avait remporté le

 19   plus de votes et il a

 20   dit : "Dites-nous où ils sont, je vais les égorger tels les lapins." Et

 21   personne ne voulait dire où ils étaient, et comment ils s'appelaient. Il a

 22   dit : "Ah, bon, vous ne savez pas." Et donc, il giflait les gens les uns

 23   après les autres. Il passait à travers eux et il les giflait en disant :

 24   "Comment ça, vous ne le savez pas."

 25   Q.  Est-ce que l'on frappait les personnes avec les mains ou

 26   frappait-on ces personnes également de d'autres façons ?

 27   R.  Non, ils ne tabassaient pas les gens avec leurs mains. J'ai remarqué

 28   des objets différents dans leurs mains, par exemple. Lorsqu'ils passaient à

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  1   côté de moi, ils avaient des bâtons de bois ou bien des morceaux de fer.

  2   L'un d'eux avait une matraque policière et ils utilisaient ces armes-là, et

  3   avec ces armes-là, il suffit de dix secondes pour en terminer avec un

  4   homme, pas plus.

  5   Q.  Au cours de ces passages à tabac, est-ce que vous pouvez nous dire si

  6   quelque chose est arrivé à Valid Husenovic ?

  7   R.  Ce que je vais vous dire c'était vraiment difficile à regarder.

  8   Je ne sais pas comment ils ont appris qu'il était le président de la

  9   commune locale. Ils l'ont passé à tabac de façon tellement brutale, et en

 10   plus, ça s'est passé à deux ou trois mètres de moi que j'avais l'impression

 11   non pas qu'ils le frappaient un corps humain. C'était comme s'il s'agissait

 12   des sacs de plastique remplis de quelque chose, et ensuite, ils ont dit :

 13   "Regardez les Oustachi." Nous n'étions pas Oustachi, mais ils disaient

 14   "Oustachi" ou "balija," ils ont dit : "Regardez votre commandant et ce qui

 15   lui arrive." Et puis il a dit : "Et toi, commandant, regarde, regarde tes

 16   soldats dans quoi tu les as jetés," et lui, il nous regardait tabasser

 17   comme il était. Ils ont continué à le passer à tabac.

 18   Ils l'ont fait à plusieurs reprises, et à un moment donné, il leur a

 19   dit : "Ecoutez, donnez-moi un fusil que je me tue moi-même, je ne peux plus

 20   supporter cela."

 21   Q.  Pendant ces passages à tabac, est-ce qu'il est arrivé quelque chose de

 22   particulier à Muriz Abidovic ?

 23   R.  Muriz Abidovic --

 24   Q.  Muriz Abidovic.

 25   R.  Muriz Abidovic, ça c'était encore sur le podium. Un soldat qui portait

 26   un uniforme vert olive, j'ai vu qu'autour de sa main. Il avait un câble et

 27   il l'a fait aller dans une salle, un vestiaire derrière la scène. Et au

 28   bout de cinq à dix minutes, il l'a ramené mais l'autre avait l'air d'être

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  1   sur le point de perdre connaissance et moi, j'avais conclu que peut-être il

  2   lui a fait quelque chose avec l'utilisation de l'électricité pour extirper

  3   des informations ou quelque chose. Je ne suis pas sûr mais c'est ce que je

  4   supposais en raison du fait qu'il portait ce câble, ces fils autour de la

  5   main.

  6   Q.  Vous dites qu'il y avait des soldats de la JNA dans ce hall, dans cette

  7   pièce. Est-ce qu'ils ont essayé d'empêcher pour que ce genre de passages à

  8   tabac ait lieu ?

  9   R.  Vous savez, nous croyons qu'à cette époque-là, ces soldats-là qui

 10   portaient des uniformes JNA vert olive, que d'une certaine façon ils

 11   faisaient encore partie de la JNA, d'après ces uniformes et d'après

 12   l'ensemble des choses, les moyens logistiques, les commandants, nous

 13   savions qu'ils étaient mobilisés afin de créer un jour une certaine armée

 14   serbe, mais nous savions aussi que le tout était encore placé sous le

 15   commandement de l'armée populaire yougoslave, de la JNA.

 16   Eux, ils ont rien entrepris, simplement leurs tâches étaient de nous

 17   observer attentivement dans cette salle avec leurs fusils et ils

 18   n'entreprenaient pas grand-chose.

 19   Q.  Les hommes d'Arkan sont restés là pendant combien de temps environ ?

 20   R.  Et, d'après ce que j'ai dit dans ma déclaration d'après les uniformes,

 21   je dirais que c'était les hommes d'Arkan. Ce n'était pas nécessairement le

 22   cas. Mais au moins d'après la description, ces mitaines qu'ils portaient,

 23   mitaines noires, ces manches retroussées de veste, ces pistolets, nous on

 24   avait l'impression que c'était des hommes d'Arkan. Mais je ne serais pas

 25   vous le dire avec exactitude ils ressemblaient certainement aux Unités

 26   d'Arkan.

 27   Cependant, ce que je ne peux pas comprendre, c'est pourquoi leur leader,

 28   celui qui était barbu, pourquoi il insistait toujours pour que l'on chante

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  1   des chansons "Chetniks," et puis souvent il mentionnait les Chetniks. Et

  2   d'ailleurs, d'après son aspect physique, il ressemblait à un Chetnik, au

  3   moins c'est la façon dont on les concevait nous, avec des barbes, et c'est

  4   soit à quoi ils ressemblaient lorsqu'on les voyait, Mais d'ailleurs, je

  5   n'ai pas vu de cocarde ni d'autre insigne indiquant qu'il leur aurait un

  6   Chetnik, mais c'est comme ça qu'il se comportait comme un Chetnik. A un

  7   moment donné, lorsqu'il a poignardé Muriz Sabanovic, il a sauté de la

  8   scène, du podium sur nous, et il a brandi son couteau, en me menaçant et en

  9   disant : "Ce soir vous allez voir ce que sont les Chetniks."

 10   Et à ce moment-là, je me suis dit, mais est-ce que quelque chose de pire

 11   encore peut arriver. Mais ce qu'il a dit : "Vous allez voir ce soir ce que

 12   sont les Chetniks," et il faut l'analyser : est-ce qu'il se considérait

 13   comme Chetnik ou bien est-ce qu'il parlait d'autrui d'autres personnes qui

 14   se déclaraient comme Chetniks ? A mon avis, eux, ils sont restés dans la

 15   salle jusqu'à environ 21 heures, auprès d'après ce que voyais à travers la

 16   fenêtre j'ai vu qu'il faisait déjà sombre dehors. Il y avait du brouillard,

 17   il pleuvait, donc, il était peut-être 9 heures du soir.

 18   A ce moment-là, ils sont partis de la salle, et ils ne sont plus jamais

 19   revenus dans cette salle.

 20   Cela dit, je dois souligner les conditions qui régnaient. Par exemple,

 21   personne ne pouvait aller aux toilettes. Il n'y avait pas de nourriture,

 22   personne ne pouvait recevoir de l'eau pendant toute la journée. Si

 23   quelqu'un avait vraiment besoin d'aller aux toilettes, il fallait lever

 24   trois doigts.

 25   J'avais vu ce symbole au début de la guerre, j'ai vu qu'ils levaient trois

 26   doigts en l'air.

 27   Et il fallait qu'ils disent : "Monsieur, le soldat serbe, puise allez

 28   aux toilettes," Et si l'autre le permettait, il l'escortait jusqu'aux

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  1   toilettes ensuite il l'escortait jusqu'à sa place d'origine.

  2   Q.  Que s'est-il passé après le départ de cet homme ?  [imperceptible].

  3   R.  Avant qu'il ne parte, ils nous ont donné l'ordre de pencher nos têtes

  4   et les placer aussi loin que possible entre nos genoux et de rester ainsi.

  5   Ils ont dit : "Si quelqu'un bouge, tirez." Et ensuite, un silence total

  6   s'est installé. Peut-être 15 soldats sont restés à l'intérieur. Et personne

  7   n'est apparu pendant assez longtemps peut-être 15 minutes, je ne suis pas

  8   sûr peut-être 30. Mais j'avais l'impression que c'était une éternité. Car

  9   je ne saurais vous dire exactement combien de temps ça a duré, car j'avais

 10   des douleurs épouvantables dans le cou. On a entendu des gardes se dire

 11   quelque chose, mais on n'a pas entendu exactement quoi.

 12   Ensuite, on a entendu le son d'un bruit d'un coup très fort derrière nous,

 13   et quelqu'un a dit en disant -- quelqu'un a dit : "Levez vos têtes, vous

 14   là-bas, [imperceptible] vos mères turques et balija," et cetera, et ainsi

 15   de suite. Et à ce moment-là, j'ai vu des personnes que je n'avais jamais

 16   vues dans la salle auparavant, et j'ai bien senti qu'ils étaient derrière

 17   nous aussi d'après ce qu'ils disaient lorsqu'ils sont entrés, et puis j'ai

 18   pu constater qu'ils étaient venus du côté gauche aussi.

 19   Et à ce moment-là, j'ai pu voir des gens portant des uniformes JNA

 20   vert olive, mais un peu différent puisque j'ai vu qu'ils portaient des

 21   pantalons larges au-dessus des genoux et j'ai vu qu'ils avaient des

 22   insignes, comme des cocardes. Et puis j'ai vu aussi qu'ils avaient des

 23   badges, et il s'est avéré que ceci ressemblait à ce qu'ils portaient sur

 24   leurs têtes.

 25   Vous savez, à cette époque-là, je n'étais pas en mesure de bien observé, il

 26   s'agissait de quelques secondes et on n'osait pas vraiment les observer.

 27   J'avais peur de croiser leur regard, j'avais peur qu'ils ne me

 28   sélectionnent. Donc, je vous parle de mon point de vue.

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  1   J'étais préoccupé et je suis dit à moi-même, apparemment ce sont des

  2   Chetniks là, et ainsi je tenais ma tête baissée, j'ai fait le lien entre ça

  3   et ce que l'autre avait dit lorsqu'il a dit : "Ce soit vous allez voir ce

  4   que sont les Chetniks."

  5   Et tout d'un coup l'un deux a dit : "Baissez les têtes," et c'est ce que

  6   nous avons fait. Et ensuite ils ont demandé dix volontaires. Moi, je me

  7   demandais si j'allais me porter volontaire ou pas à ce moment-là je me

  8   disais qu'ils allaient envoyer dix personnes à chercher de la nourriture et

  9   à chercher à boire. Je ne pouvais pas imaginer autre chose, je ne pouvais

 10   pas m'imaginer qu'ils étaient venus afin de nous exécuter.

 11   J'ai réfléchi un peu plus, et il y a un dicton chez nous qui dit : "Ne sois

 12   jamais ni le premier, ni le dernier, reste plutôt toujours au milieu."

 13   Et il a dit : "Alors, il n'y a pas de volontaire." Et nous on gardait le

 14   silence. Il a dit : "Comment ça vous ne voulez pas être des volontaires ?

 15   Nous, nous sommes des volontaires partout où c'est nécessaire dans le

 16   village où il faut monter les gardes. Pourquoi vous ne voulez pas être

 17   volontaires ?" Et les gens ne disaient rien. Alors, il a dit : "Si vous ne

 18   voulez pas, c'est nous qui allons choisir dix personnes," et ensuite, mais

 19   après ils ont dit aussi : "Mais vous allez le regretter si vous ne vous

 20   portez pas volontaire tout seul."

 21   Et ensuite, ils ont compté dix personnes, ils ont compté de 1 à 10, et je

 22   pouvais sentir qu'ils les retiraient de leurs sièges, et qu'ils les

 23   faisaient venir vers la sortie. Et c'est là qu'ils ont commencé à les

 24   passer à tabac à leur donner des coups de pied et à les frapper avec

 25   quelque chose. Ce que je sentais. Et puis ils disaient : "Sortez, sortez."

 26   Et puis ils juraient, proféraient des jurons contre leurs mères et

 27   d'autres. C'est ce qu'ils faisaient souvent.

 28   Et moi, toujours je ne savais pas ce qui allait se passer, mais je

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  1   l'ai entendu à côté du mur car, lorsqu'ils sortaient à l'extérieur, c'était

  2   le silence qui régnait. Sauf quelques-uns seulement qui parlaient autour de

  3   nous. Et ensuite, ils les ont fait sortir de l'autre côté de la salle, et

  4   ensuite, de l'autre côté, on a entendu des rafales des coups de feu. Et ça

  5   on l'a entendu très bien dans la salle. A ce moment-là, je me suis dit

  6   maintenant c'est fini.

  7   Au bout de cinq minutes, ils sont revenus et demandent de nouveau dix

  8   personnes. Personne ne se portait volontaire. Ils ont dit : "Bon, vous ne

  9   voulez pas, c'est nous qui allons choisir." Encore une fois, ils

 10   sélectionnent dix personnes. Ils les emmènent au même endroit, ensuite, on

 11   a entendu des rafales d'armes automatiques, et ensuite les gens revenaient

 12   dans la salle de nouveau. Et à chaque fois c'était la même chose.

 13   Toutes les cinq minutes, ils revenaient et à chaque fois, ils

 14   venaient de sortir dix personnes, et ils les tuaient au même endroit. C'est

 15   ce que j'ai supposé, qu'ils les tuaient.

 16   Q.  D'accord.

 17   L'INTERPRÈTE : Correction : Qui est venu vous faire sortir ? Est-ce que

 18   c'était un Chetnik ou était-ce un soldat de la JNA ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Les soldats de la JNA ou de cette armée, ils

 20   étaient dans la salle. Mais ceux que j'ai reconnus avec ces uniformes-là,

 21   ils sont venus. Maintenant, je souligne, je faisais partie du cinquième

 22   groupe. Je vais vous décrire mon sentiment. J'étais hors de moi. Je savais

 23   que mes minutes étaient comptées. Ensuite, l'un d'eux m'a frappé, m'a donné

 24   un coup de fusil dans le dos et a dit : "Vas-y vite à l'extérieur." Et moi,

 25   je n'osais même pas le regarder. Je me suis précipité vers la sortie et

 26   j'ai vu dans la salle, là où il y avait des sièges, il y avait beaucoup

 27   d'eau car on avait passé les gens à tabac là-bas et je suppose qu'ils les

 28   rafraîchissaient ainsi, ou je ne sais pas ce qu'ils faisaient exactement.

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  1   Donc, ils nous ont regroupés tous et nous ont donné l'ordre de sortir vite.

  2   Nous sortions vite de la maison de culture, et devant nous étaient alignés

  3   les soldats en uniformes vert olive. Je ne peux pas dire que quelqu'un

  4   d'entre eux avait un cocarde à ce moment-là, mais ceux qui nous faisaient

  5   sortir, ils disaient simplement : "A gauche là-bas." Les autres soldats,

  6   simplement ils tenaient leurs fusils et ils n'ont rien entrepris. Lorsque

  7   l'on s'est approché de cet endroit, de l'endroit dont on entendait

  8   précédemment des rafales, et bien, une personne de notre colonne en était

  9   presque là, et bien, lui a dit : "Les gens fuyant.". En ce moment, on a

 10   entendu l'ordre : "Tirez," et ils ont tiré des rafales. Moi, j'ai été

 11   touché dans la hanche droite. J'ai senti que j'ai été touché par balle et

 12   je suis tombé immédiatement. Je savais qu'une balle m'avait touché.

 13   M. FERRARA : [interprétation] 

 14   Q.  Que s'est-il passé après que vous avez été atteint ?

 15   R.  Excusez-moi, je n'ai pas entendu votre question.

 16   Q.  Que s'est-il passé après que vous ayez été atteint par balle ?

 17   R.  Ensuite, quand ils ont fini de tirer, je suis tombé à plat ventre, et

 18   puis j'ai ressenti qu'ils étaient encore à proximité. J'avais très mal,

 19   mais j'étais conscient du fait que je n'avais pas  été mortellement touché

 20   parce que je voyais bien que j'entendais encore tout. Et donc ils se

 21   rapprochaient. Je suppose qu'ils étaient en train de vérifier s'il y avait

 22   encore des gens en vie là. L'un d'entre eux m'a asséné un coup de pied de

 23   par derrière et a dit : "Il me semble que celui-ci est encore en vie."

 24   Puis, il y avait quelqu'un, ils étaient à quelques mètres, et il a dit :

 25   "Mais qu'attends-tu ? Tire encore quelques balles." Puis il a tiré encore

 26   une rafale dans mon dos. Toutes les balles m'ont raté, sauf une balle qui

 27   m'a touché au dos, à droite, et puis cette balle est sortie au niveau de

 28   l'épaule. Je ne peux pas vous décrire cette douleur lorsqu'on vous touche

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  1   par balle à une telle proximité. Ce qui se passait dans ma tête, dans mes

  2   yeux, c'étaient des sensations telles que je pensais que j'étais en train

  3   de mourir. Mais j'entendais leurs voix, et alors je me suis rendu compte de

  4   nouveau que je n'étais pas mort. Et puis, ils se sont un petit peu réjouis.

  5   Ils ont tiré quelques coups de feu en l'air et puis ils sont revenus dans

  6   la salle, je suppose, pour chercher le groupe suivant. Et puis, je sentais

  7   le sang se répandre sur mon corps, et puis je me suis mis à réfléchir. Je

  8   me suis dit qu'ils allaient probablement, soit nous entassés pour nous

  9   brûler, soit qu'ils allaient nous mettre dans une fosse commune. J'ai

 10   essayé de me redresser, mais j'avais ce bras où je n'avais aucune

 11   sensation, donc je l'ai replié contre mon corps et je me suis mis à courir.

 12   Heureusement, il n'y avait personne derrière pour voir ce qui se passait.

 13   Donc je suis allé devant l'école et un bâtiment de fonction où vivaient des

 14   enseignants, et c'était dans la cours de l'école. C'était peut-être à une

 15   dizaine de mètres de l'endroit où j'avais été. Il y en avait un qui

 16   appelait au secours encore sa mère. Il disait : "Oh, mère," mais je ne

 17   pouvais pas reconnaître la voix. C'était juste quelques secondes, et j'ai

 18   cherché à m'enfuir; c'est tout.

 19   Q.  Dites-nous un peu comment étaient toutes ses personnes, dans quel état

 20   étaient-ils ?

 21   R.  Ils gisaient sur le béton et ils étaient morts, sauf celui qui

 22   gémissait : "Oh mère." Je ne sais pas qui c'était. Ça devait être un

 23   Bosnien, un Musulman qu'on a fusillé là.

 24   Q.  Vous enfuyiez donc de cette maison de la culture, et en faisant cela

 25   avez-vous remarqué quoi que ce soit aux alentours ?

 26   R.   Pour commencer, lorsque je me suis redressé, blessé comme j'étais,

 27   comme j'ai fait ça vite pour m'enfuir, j'ai vu, pendant ces deux ou trois

 28   secondes, des gens autour de moi qui étaient morts. C'étaient des gens qui

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  1   avaient fait partie de mon groupe, et je suppose, comme je n'étais pas dans

  2   le premier groupe, ça pouvait être aussi des gens des groupes précédents.

  3   Donc, j'ai réussi à me soulever. J'étais blessé. Donc je suis passé à côté

  4   de ce bâtiment où vivaient les enseignants, puis l'école où j'avais été

  5   scolarisé pendant huit ans, et je courais en direction de mon village en

  6   passant par des prés. Il pleuvait. C'était la nuit. J'avançais vite.

  7   J'étais épuisé, endolori, mais au bout de 500 mètres, j'étais trop fatigué

  8   et j'avais trop mal. J'ai dû m'asseoir pour me reposer. Là, j'ai vérifié ma

  9   blessure. J'ai pu enfoncer mon doigt dans la totalité dedans et ressortir.

 10   Donc, ce que j'ai fait, c'est j'ai posé ma main pour empêcher le sang de

 11   s'écouler et j'ai placé tous les vêtements que j'avais -- j'ai mis tous les

 12   vêtements que j'avais. Et puis, j'ai entendu des rafales à l'identique

 13   encore, et puis les tirs se sont arrêtés. Je me suis installé pour me

 14   reposer. J'avais besoin de me reposer. Puis j'ai entendu un homme, soit qui

 15   gémissait, appelait au secours ou implorait, ou pleurait. Je l'ai entendu

 16   dire : "Mais qu'avez-vous fait ? Qu'avez-vous fait ? Que s'est-il passé ?"

 17   Et ensuite, on ne l'a plus entendu.

 18   Q.  D'où venait cette voix ?

 19   Q.  Ils l'ont fait taire. Donc, cette voix est provenue de l'endroit où il

 20   y avait ce groupe qui avait été fusillé. Je pense que c'était un Serbe

 21   parce que normalement ils n'auraient pas permis à un Bosnien, un Musulman,

 22   de crier comme ça pour qu'on l'entende : "Qu'avez-vous fait ?" Mais encore

 23   aujourd'hui, je ne sais pas qui c'était. Quand il a vu cette atrocité,

 24   environ 90 personnes mortes à l'endroit.

 25   Q.  Savez-vous ce qui est arrivé aux corps des personnes qui avaient été

 26   exécutées [imperceptible] morts ?

 27   R.  Ce que je suppose c'est la chose suivante : après cela, peut-être, je

 28   ne sais pas exactement, peut-être dix ou 15 minutes après, un camion est

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 12  Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

 13  pagination anglaise et la pagination française.

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  1   arrivé qui est arrivé du magasin pas loin de la maison où il y a eu

  2   l'exécution, la fusillade. Et le camion est arrivé à cet endroit et je les

  3   ai entendus ouvrir les parois du camion. C'était la nuit et ça retentissait

  4   au loin, ce bruit. Et là, ils ont fait quelque chose. Je ne sais pas

  5   combien de temps ça a pris, peut-être une vingtaine de minutes. Ils ont

  6   fait quelque chose. Je suppose qu'ils ont ramassé les cadavres.

  7   Ils ont refermé les parois, le camion a repris le chemin jusqu'au

  8   magasin, et là, il s'est arrêté, il a éteint le moteur, peut-être qu'ils

  9   attendaient des instructions. Mais ce que je suppose c'est qu'ils ont

 10   ramassé des cadavres.

 11   Q.  Pourriez-vous nous décrire ce deuxième groupe qui est arrivé dans la

 12   salle avant que l'on ne vous fasse sortir. Pouvez-vous nous dire s'ils

 13   portaient des uniformes, s'ils avaient quelque chose sur la tête ?

 14   R.  J'ai remarqué pour certains qu'ils avaient des pantalons larges au-

 15   dessus du genou, et même les cols ne correspondaient pas à ceux des

 16   uniformes de la JNA, les uniformes gris vert olive, comme ils les

 17   portaient. Je les ai vus de côté quand j'ai regardé, ils avaient des

 18   cocardes. Je sais ce que c'est une cocarde. J'étais à Belgrade, j'en ai vu

 19   sur des étales, avec un Serbe de mon village j'ai tenu une cocarde à la

 20   main parce que à un moment j'ai éprouvé le désir de voir ce que c'était.

 21   C'est assez grand, c'est assez lourd. Donc, c'est ce que j'ai vu.

 22    De qui il s'agit, de quelle unité Chetnik. Nous, nous savons que ce sont

 23   des Chetniks, mais de quelle unité il s'agit, est-ce une unité spéciale ou

 24   des Chetniks du coin, ou qui étaient arrivés d'ailleurs, toujours est-il

 25   que je n'ai reconnu personne, aucun Serbe de mon entourage parmi eux.

 26   Q.  Avaient-ils des couvre-chefs ?

 27   R.  Justement  comme je vous disais j'ai vu ces couvre-chefs, ces bonnets

 28   qui ressemblaient à des couvre-chefs gris vert olive mais c'était un peu

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  1   plus large. En haut, c'est ce qu'on reconnaît comme de couvre-chefs

  2   chetniks.

  3   Q.  Que voulez-vous dire par chetnik ?

  4   R.  Voyez-vous lorsque nous, on emploie le terme "Chetnik," je veux dire

  5   nous, les Bosniens dans notre ensemble, nous, comment on les voit avec ces

  6   uniformes qui correspondent donc aux Chetniks. J'ai déjà décrit avec ces

  7   cocardes sur des bonnets parce que ça ce n'était pas des unités régulières,

  8   ni de la JNA, ni des Unités de la Défense territoriale du peuple serbe qui

  9   vont devenir l'armée de la Republika Srpska, par la suite. C'était une

 10   unité paramilitaire, c'est comme ça qu'on les considérait. C'était une

 11   unité de volontaires. Ils se déclaraient comme tels comme des volontaires.

 12   C'est toujours comme ça. Mais moi, je pense que malgré tout quelqu'un

 13   devait leur fournir la logistique, il devait les recruter, sauf des

 14   individus qui par caprice, indépendamment de tout commandement souhaitaient

 15   porter cet uniforme.

 16   Q.  D'après vous, quelle est la différence entre un Chetnik et un homme de

 17   Seselj et un membre des unités de Seselj ?

 18   R.  Je ne vois pas vraiment de différence. Je ne peux pas dire, je ne peux

 19   pas affirmer, à mes yeux il n'y a pas de différence. Pour moi, si c'est un

 20   Chetnik, ils sont tous des Chetniks, tous pareils. Je ne peux pas dire que

 21   les hommes de Seselj, ceux-là qu'il y a une différence. Pendant la Deuxième

 22   Guerre mondiale, je sais, ça on l'a appris à l'école, je sais que leur

 23   commandant était Draza Mihajlovic et qu'il y avait cette armée chetnik qui

 24   a collaboré avec les agresseurs allemands. Mais pour ce qui est des

 25   Chetniks dans cette guerre-ci, dans la nôtre, nous savions qui était leur

 26   chef, c'est-à-dire le chef de ce parti, leur chef. Moi, je n'ai jamais fait

 27   de différence entre Chetnik et hommes de Seselj; pour moi, tout ça c'est

 28   pareil. C'est la même chose. S'il y a des hommes de Seselj, alors je ne

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  1   sais pas qui est leur commandant des hommes de Seselj. Je ne sais pas s'il

  2   y a deux sortes de Chetniks.

  3   Q.  Savez-vous si une autre personne que vous a survécu à ce qui s'est

  4   passé dans cette maison de la culture, ce soir-là ?

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour votre information, il vous reste 12 minutes. Il

  6   y aura bientôt la pause.

  7   Alors, le mieux on va faire la pause, ce qui vous permettra pendant la

  8   pause de vous recadrer pour savoir au mieux utiliser les 12 minutes.

  9   Bien. Donc, on va faire une pause de 20 minutes.

 10   --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.

 11   --- L'audience est reprise à 17 heures 52.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 13   Monsieur Ferrara.

 14   M. FERRARA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 15   Q.  Témoin, avez-vous fait une liste de toutes les personnes dont vous vous

 16   souvenez qui étaient là à la maison de la culture ce soir-là ?

 17   R.  Oui, j'ai fait une liste; sinon, je connais pas mal de gens de par

 18   leurs noms et leurs prénoms. Mais j'ai cherché aussi à savoir ce qu'ont

 19   pensé les membres de ma famille donc j'ai réussi à faire une liste de tous

 20   ces gens.

 21   M. FERRARA : [interprétation] Madame la Greffière, pourrions-nous avoir à

 22   l'écran la pièce 1382 de la liste 65 ter à l'écran ?

 23   M. FERRARA : [interprétation]

 24   Q.  Connaissez-vous ce document ?

 25   R.  Je reconnais c'est moi qui ai écrit cela. Ce sont des gens qui ont été

 26   exécutés et fusillés ce soir-là.

 27   Q.  Combien de personnes ont été exécutées ce jour-là ?

 28   R.  Ce soir-là, 88 personnes ont été fusillées. Pendant la journée, il faut

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  1   savoir que cinq personnes ont été tuées pendant l'arrestation mais je ne

  2   les ai pas mis sur la liste parce que je ne sais pas de quelle manière ils

  3   ont été tués ni par qui. C'est la raison pour laquelle j'ai gardé la liste

  4   des personnes qui étaient présentes à la maison de la culture.

  5   Q.  Sans nous donner de noms, afin de ne pas être identifié, pouvez-vous

  6   nous dire si vous reconnaissez le nom de vos parents sur cette liste-ci ?

  7   R.  Là, je vois le nom de mon père, de mes trois frères également, de

  8   cousins, et aussi je vois les autres que je connais.

  9   M. FERRARA : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, j'aimerais que

 10   ce document soit versé au dossier, s'il vous plaît. Je tiens à faire

 11   remarquer que l'introduction en anglais ne répète pas, elle ne reprend pas

 12   les noms qui sont dans l'original. Donc, pour bien utiliser la version

 13   anglaise, il faut aussi faire référence à la version en B/C/S parce que les

 14   noms ne sont pas repris dans l'anglais.

 15   Et ceci doit être sous pli scellé bien sûr.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, un numéro sous pli scellé.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P476 sous pli scellé.

 18   M. FERRARA : [interprétation] Madame la Greffière, pourrions-nous

 19   maintenant avoir le document 2567 de la liste 65 ter à l'écran ?

 20   Q.  Reconnaissez-vous sur ce document le nom de personnes qui se trouvaient

 21   à la maison de la culture dont vous nous avez parlée.

 22   M. FERRARA : [interprétation] Et il faudrait avoir la deuxième page du

 23   document, s'il vous plaît, à l'écran.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je les reconnais tous.

 25   M. FERRARA : [interprétation]

 26   Q.  Vous dites que votre père ni vos frères n'ont pas survécu aux

 27   événements de la nuit. Avez-vous participé à l'exhumation et à

 28   l'identification des corps ?

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  1   R.  L'identification, oui, mais pas l'exhumation puisque c'était une équipe

  2   spéciale qui a fait cela. Mais en septembre 1998, on nous a fait venir nous

  3   tous, membres de la famille à Tuzla, pour aider l'équipe chargée

  4   d'identification, donc, j'y ai participé et j'ai reconnu immédiatement mon

  5   père et mes trois frères.

  6   Je tiens à dire aujourd'hui que la moitié de ces gens étaient dans

  7   des housses noires fermées même six ans plus tard leurs corps étaient bien

  8   préservés. De manière claire on pouvait reconnaître les visages. D'après

  9   moi c'était assez phénoménal, je ne connaissais pas ces -- choses avant

 10   donc c'était facile de les reconnaître. Les corps qui n'étaient pas dans

 11   des housses ou dans des sacs étaient écrasés et c'est d'après des

 12   vêtements, l'analyse ADN, et cetera, qu'on a pu les identifier.

 13   M. FERRARA : [interprétation] J'aimerais, s'il vous plaît, que ce document

 14   soit versé au dossier sous pli scellé, Madame, Messieurs les Juges.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame la Greffière, un numéro.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P477 sous pli scellé.

 17   M. FERRARA : [interprétation]

 18   Q.  Donc, vous aviez deux blessures par balle; avez-vous été soigné à un

 19   moment ou à un autre ?

 20   R.  J'ai reçu des soins d'un Serbe le lendemain, le deuxième jour quand je

 21   me suis rendu dans un village serbe qui était peut-être à deux kilomètres

 22   de mon village. Tout le monde me connaissait là et moi aussi je les

 23   connaissais. Et là sur place j'ai trouvé trois de mes camarades d'école

 24   dans ce village. Cet homme m'a aidé. Il a pansé ma blessure. Il m'a donné

 25   une chemise qui appartenait à son fils et un pull, il m'a aidé. Et donc, je

 26   tiens à le remercier aujourd'hui et je n'oublierai jamais ce qu'il a fait

 27   pour moi, jamais tant que je vis. D'une certaine manière, je voulais

 28   remercier cet homme parce que, maintenant, j'ai des moyens financiers qui

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  1   me permettraient de l'aider. Il a refusé cela, il a dit : "Je n'en n'ai pas

  2   besoin, ce qui est important pour moi c'est que tu sois resté en vie." Et

  3   cet homme vraiment il ne veut pas que je lui montre ma gratitude d'une

  4   manière matérielle.

  5   Q.  Avez-vous été soigné à l'hôpital ? Et si oui, quand ?

  6   R.  J'ai été traité et soigné pendant un mois et demi tout simplement ils

  7   ont pansé ma blessure parce qu'elle ne cicatrisait pas. Le 15 juillet, je

  8   suis passé -- jusqu'au village de Nezuk, la municipalité de Zvornik, de

  9   Cerska et je me suis présenté au dispensaire et c'est là que j'ai été

 10   soigné et j'avais une thérapie. Ils n'arrivaient pas à intervenir de

 11   manière chirurgicale, donc, je suis handicapé au niveau de l'épaule.

 12   Malheureusement, je ne peux quasiment pas me servir de mon bras gauche,

 13   juste un petit peu, mais le travail que j'ai me permet de travailler, de

 14   faire ce travail indépendamment de mon peu d'invalidité.

 15   M. FERRARA : [interprétation] Madame la Greffière, pourrions-nous, s'il

 16   vous plaît, avoir à l'écran la pièce 7244 de la liste 65 ter ?

 17   Q.  Reconnaissez-vous ce document ?

 18   R.  Oui, je le reconnais. C'est un rapport d'orthopathie. Je le portais

 19   plier en quatre dans une poche. Donc, on ne voit pas très bien mais je

 20   reconnais bien c'est mon nom, mon nom de famille, mon prénom, tout est là.

 21   C'est l'orthopathe [comme interprété] qui a fait ce rapport.

 22   M. FERRARA : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, ce document

 23   pourrait être versé au dossier, s'il vous plaît, sous pli scellé.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, un numéro ?

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P478 sous pli scellé.

 26   M. FERRARA : [interprétation] Quelques questions pour avant d'en finir.

 27   Q.  Qu'avez-vous fait lorsque vous vous êtes échappé du centre culturel,

 28   enfin de la maison de la culture ? Vous êtes-vous rendu à votre village ?

Page 8724

  1   R.  Je suis allé dans mon village, mais je ne me suis pas approché des

  2   maisons. A un moment, j'ai vu des soldats avec une lampe, ils étaient en

  3   train de se rapprocher des maisons que je connaissais et très rapidement

  4   ils y ont mis feu. Donc je ne sais pas exactement qui c'était. Je n'ai pas

  5   pu les voir, voir comment ils étaient, leur aspect, mais c'était peut-être

  6   à une centaine de mètres de l'endroit où j'étais donc il était difficile de

  7   les reconnaître. Mais j'ai vu que les maisons ont été incendiées rapidement

  8   et elles ont brûlé vite et ils ont avancé vers moi, mais ils étaient peut-

  9   être à une cinquantaine de mètres plus bas et ils ont poursuivi le chemin

 10   en passant par le village. Je suppose qu'ils allaient incendier les autres

 11   maisons.

 12   Et j'ai continué mon trajet. Jusqu'à 5 heures, 5 heures et demie du matin,

 13   je suis arrivé à la maison de (expurgé) qui était mon camarade de

 14   classe. J'ai vu qu'il n'y avait personne devant la maison, mais avant cela,

 15   je dois dire que j'ai vu dans les bois une femme, une Bosnienne, son époux

 16   et un voisin l'avait abandonnée. Et eux, ils étaient tombés dans une

 17   embuscade et (expurgé) a été tué à ce moment-là, il me disait : "Mais

 18   viens voir," et je lui ai dit : "Mais vu trop de choses." C'est dur. Et

 19   cette femme elle s'éloignait de moi.

 20   Et après, je l'ai vu en territoire libre, je suis arrivé devant la

 21   maison de (expurgé). J'ai bu j'avais très soif, et j'ai commencé à

 22   trembler. J'ai dormi un petit peu dans son étable, peut-être, ou, sa

 23   grange. Les gens vont peut-être trouver étrange, quand je me suis réveillé

 24   il était déjà 9 heures et il faisait un petit chaud grâce au soleil, et

 25   puis j'ai poursuivi mon chemin vers la colline de Mijatovo Brdo, et c'est

 26   là que vivaient mes voisins avec qui -- que je connaissais bien. Et en

 27   route, j'ai vu que toutes les maisons, jusqu'à la dernière, toutes avaient

 28   été incendiées. J'ai vu du bétail libre dans les champs. C'était chaotique.

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  1   M. FERRARA : [interprétation] Je pense qu'il faudrait sans doute expurger

  2   le nom de cette femme, ce que l'on trouve à la ligne 14, page 130 --

  3   Q.  Avez-vous atteint le village de Mijatovo Brdo, à un moment ou à un

  4   autre ?

  5   R.  Je suis arrivé dans ce village. Personne ne m'a vu arriver. C'est

  6   bizarre. Après la nuit où tout ce qui s'est passé avec notre village, et

  7   cetera, deux femmes m'ont remarqué -- m'ont -- elles me connaissaient. Et

  8   comme je vous disais, c'est là qu'on m'a aidé. Ils se sont rassemblés

  9   autour de moi en disant : "Enfin, que s'est-il passé ?" Et je leur disais :

 10   "Voilà vous voyez ce qui s'est passé." Et à ce moment-là, j'ai fait quelque

 11   chose que jamais personne n'a fait, et ça m'étonne encore aujourd'hui que

 12   j'aie fait cela de me rendre dans leur village. Je suppose que j'étais en

 13   train de commencer à halluciner. J'avais perdu beaucoup de sang, j'étais

 14   exténué. Ça m'était égal qu'il me tue ou pas. Parce que je pensais à ce

 15   moment-là qu'il n'y avait plus aucun Musulman en vie, aucun Bosnien. Je me

 16   disais que j'étais seul au monde. Et donc je me suis dit, s'il y a plus

 17   personne d'autre mais "pourquoi est-ce que moi je vivrais ?" Mais autre

 18   chose s'est produit.

 19   Q.  Oui, que s'est-il passé ? Rapidement, s'il vous plaît, parce que je

 20   pense que nous n'avons plus beaucoup de temps.

 21   R.  Cet homme qui m'a pansé ma blessure il m'a dit de m'évader lorsque les

 22   autres ne prêteraient attention, qu'ils avaient reçu l'ordre de ne plus

 23   coopérer avec aucun Bosnien. Mais un voisin serbe s'est approché de moi, et

 24   je peux donner son nom et son prénom, il a dit : "Ce sera pas facile pour

 25   toi de partir, tu es témoin de cette exécution. Tu en parleras à Tierska

 26   [phon], le village voisin, tu diras ce qui s'est passé." Moi, je lui ai

 27   répondu expressément : "Voilà tu as un fusil, tues-moi, mais rappelles-toi

 28   ce n'était pas 90 oiseaux qui se sont envolés et que personne ne posera la

Page 8726

  1   question de leur sort."

  2   Puis un voisin m'a insulté enfin injurié quelque chose au sujet de la

  3   guerre en disant : "Tu vas, on était camarade de classe, on était en bon

  4   terme. Tu vois, ils nous ont emmenés des soldats, ils font," je ne veux pas

  5   utiliser des termes qu'il a employés, et nous ils nous laissent ici pour

  6   qu'on fasse la guerre -- qu'on vous fasse la guerre à vous." Moi, je lui ai

  7   demandé : "Si on pouvait m'aider. Comment ? Qu'est-ce que j'allais faire ?

  8   Où est-ce que j'allais

  9   aller ?" Il a dit : "Je ne peux rien faire et ils vont prendre une décision

 10   eux."

 11   Et là, il y a un voisin qui vit encore aujourd'hui dans mon village

 12   qui raconte toutes sortes d'histoires inventées. Il m'a emmené vers le

 13   village de Paljevici, un village musulman, il a dit : "C'est moi qui vas

 14   t'accompagner puis toi tu poursuivras le chemin tout seul parce que moi je

 15   n'ose pas aller au-delà." Et je lui ai dit : "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

 16   Il m'a dit : "Ne me pose pas de question, j'en sais rien." Et j'ai demandé

 17   : "Est-ce qu'on pourra revenir ?" Il a dit : "Je ne sais pas ce sera le

 18   pouvoir serbe, comment ce sera pour les Musulmans je ne sais pas," et puis

 19   on est entré dans un champ et je n'avais pas remarqué qu'il y avait déjà

 20   braqué son fusil sur moi et je me suis retourné et je me suis dit mais il

 21   va me tuer. Il a tiré une balle tout de suite, heureusement, c'est une

 22   chance qu'il avait un fusil M-48 et il faut armer le fusil après chaque

 23   balle, les autres ils avaient des fusils automatiques et semi-automatiques.

 24   Donc, à chaque fois, il m'a raté. Il me forçait en dehors de ce champ mais,

 25   moi, j'avais une force normalement j'aurais été tué. Mais j'ai réussi à me

 26   sauver dans des bois en traversant un ruisseau, et je suis arrivé dans un

 27   village. Et j'ai vu qu'il a tiré encore deux fois de l'autre côté de la

 28   rivière. En pensant que j'étais encore là à proximité. Que j'allais me

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  1   mettre à courir et qu'il allait me tuer. Le pire c'est qu'il est encore en

  2   vie là-bas, et il a inventé une autre histoire et j'ai entendu cette

  3   histoire. Il a dit qu'il m'a escorté mais qui ne voulait pas me tuer. Mais

  4   pourquoi est-ce qu'il a tiré alors sur moi, sur 300 ou 400 mètres et il m'a

  5   poussé avec cette -- il ne m'a pas dit : "Je vais tirer en l'air, si jamais

  6   on se revoit dans la vie, tu pourras me remercier." Ce n'est pas comme ça

  7   que ça s'est passé.

  8   M. FERRARA : [interprétation] J'en ai fini avec mon contre-

  9   interrogatoire.

 10   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Témoin, avant de passer

 11   au contre-interrogatoire, j'ai une question à vous poser; j'ai besoin d'une

 12   petite clarification, J'aimerais savoir ce qui est arrivé aux femmes et aux

 13   enfants qui ont été -- à qui on a autorisé de sortir de la maison de la

 14   culture, avant que de commencer le passage à tabac.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces femmes on les a fait sortir à l'extérieur,

 16   et d'après ce que ma femme m'a dit, elles ont été placées dans des cars,

 17   elles étaient beaucoup avoir été entassées dans un seul car, elles ne

 18   pouvaient même pas se tenir debout, proprement, et ils les ont amenées à

 19   Celopek. Un village serbe, chez un homme et ils sont restés là-bas dans une

 20   ferme.

 21   Et c'est là qu'ils sont restés pendant deux ou trois jours ils étaient dans

 22   une étable. Ils dormaient avec les enfants dans un silo. Et ensuite ils les

 23   ont laissés partir, c'était un endroit près de la ligne de démarcation,

 24   entre l'ABiH et l'armée des Serbes de Bosnie, c'est là qu'ils les ont

 25   relâchés.

 26   Et je dois souligner une chose qui m'a beaucoup étonnée de la part de nos

 27   gens. C'est qu'eux aussi, ils ont vu certaines choses de leur point de vue,

 28   ils ne souhaitent pas déposer, aussi certaines femmes, que j'ai entendu

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  1   dire que certaines jeunes filles ont même été violées ce soir-là là-bas.

  2   Personne pourtant ne souhaite en déposer mais moi je ne peux en déposer. Je

  3   n'ai entendu que des rumeurs. Cependant, les femmes elles ne veulent pas

  4   déposer. Je ne sais pas pourquoi.

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je pense que leur sort a été

  6   terrible, mais j'aimerais savoir si elles ont survécu -- enfin, ces femmes

  7   et ces enfants ont survécu. D'après ce que j'ai compris la plupart des

  8   femmes et des enfants ont bel et bien survécu. Avez-vous réussi à retrouver

  9   votre femme et vos enfants ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ils ont tous été libérés. Ils sont sains

 11   et saufs maintenant. Mais les conditions dans lesquelles ils ont passé les

 12   trois jours, ça c'est une autre histoire.

 13   Au bout d'un mois et demi, à peu près, j'ai retrouvé ma femme. Et eux, ils

 14   ne savaient pas que j'étais resté vivant, car il n'était pas du tout

 15   possible d'envoyer l'information sur le territoire libre, contrôlé par

 16   l'ABiH. C'était à 40 kilomètres de distance peut-être à travers les forêts

 17   et les collines, ils ne le savaient pas. Et après lorsque je suis arrivé à

 18   Tuzla lorsqu'ils ont appris que j'étais vivant, et bien, c'était la joie,

 19   c'était le choc, c'est inoubliable, je n'arrive pas à vous l'expliquer à

 20   l'époque j'avais un bébé de huit mois, c'était à la fois horrible et

 21   tellement joyeux que simplement les gens ils pleuraient, ces femmes elles

 22   pleuraient, même si bien des leurs n'avaient pas survécu mais ils étaient

 23   contents quand même.

 24   Moi, je leur donnais une consolation mais ils me posaient des questions,

 25   ils m'ont demandé : "Est-ce que tu sais ce qui est arrivé aux nôtres ?" Et

 26   moi j'ai dit : "N'ayez pas peur, ils reviendront vivant, moi j'ai réussi à

 27   fuir." Pour les calmer, parce que je n'arrivais pas à leur dire : "Vous

 28   savez, vos maris, vos fils, ils ont tous été fusillés," car elles se

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  1   seraient évanouies. J'aurais créé une panique. Je ne pouvais et ne voulait

  2   faire ça.

  3   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : -- consulter mes collègues.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai juste une question à vous poser.

  7   Bien, vous nous avez relaté cette exécution qui se déroulait en plusieurs

  8   temps, et vous êtes un survivant. Ce qui peut étonner quelqu'un qui écoute

  9   c'est cette sauvagerie de cette exécution. On a l'impression que ça a été

 10   fait de manière méthodique, et on peut se demander mais pour quelle raison,

 11   pourquoi. Alors, y avait-il eu, dans votre région avant des combats

 12   opposant des Musulmans aux Serbes, qui auraient pu justifier une telle

 13   vengeance ? A votre connaissance, il y en avait eu ou pas ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de la vie que j'y ai passée là-bas

 15   ces 22 années, je n'ai jamais entendu dire que les Musulmans, les Bosniens

 16   et les Serbes se battaient pour une quelconque raison. Imaginez à quoi

 17   ressemblait notre vie commune, si on faisait quelque chose dans les champs,

 18   si on faisait des travaux chez un Musulman, un Bosnien, c'était une femme

 19   serbe qui préparait un repas pour nous et vice versa. Et nous, on dansait

 20   au moment où on célébrait le départ de quelqu'un dans l'armée ou bien au

 21   mariage. Nos femmes musulmanes, elles se tenaient avec les hommes serbes

 22   par la main et vice versa. On s'entendait tellement bien que c'était

 23   incroyable. Je ne peux pas dire ici que quelque chose allait

 24   [imperceptible] cela mal ou qu'il y a eu des conflits. Absolument, il n'y

 25   en avait pas. Je ne peux pas dire, s'il y avait eu de tels cas, je l'aurais

 26   dit quelque chose qui aurait pu provoquer une telle situation, une

 27   vengeance de la part de quelqu'un, je ne sais pas. 

 28   Pendant la Deuxième Guerre mondiale, mon père il m'a raconté la façon dont

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  1   quatre Chetniks ont tué son père à lui. Et ces quatre Chetniks, sa mère les

  2   connaissait, ils venaient d'un village aux alentours et après ils ont

  3   simplement appelé pour qu'elle reprenne les documents et le portefeuille.

  4   Mais je ne sais même pas d'autres cas de la Deuxième Guerre mondiale, ils

  5   [imperceptible] entre eux lorsque des Oustachi arrivaient, ils abritaient

  6   les Serbes. Lorsque les Chetniks arrivaient, les Serbes abritaient les

  7   Musulmans. Et ça se répétait.

  8   Cependant, pendant cette guerre-là, c'était tout à fait autre chose.

  9   On suivait un autre plan et on voulait autre chose. Je suppose qu'à

 10   l'époque, on se battait pour un pays unitaire, pour la Yougoslavie qui

 11   regrouperait tous les peuples et tous les groupes ethniques. Ici, je

 12   suppose que tout le monde suivait simplement ces propres projets, en tenant

 13   peu compte de la façon dont ils allaient atteindre cela. Malheureusement,

 14   c'était le cas.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci pour votre réponse.

 16   Alors Monsieur Seselj, je vous donne la parole, pour le contre-

 17   interrogatoire.

 18   Contre-interrogatoire par M. Seselj :

 19   Q.  [interprétation] Monsieur VS-1064, je vais vous poser une ou deux

 20   questions concernant la dernière partie de vos réponses.

 21   Vous avez dit que votre père, lors de la Deuxième Guerre mondiale, a été

 22   tué par des Chetniks; est-ce exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Peut-être vous vous êtes trompé. Votre grand-père a été tué après la

 25   Deuxième Guerre mondiale comme rebelle oustachi, et il a été tué par

 26   l'Ozna. Or, l'Ozna était une espèce de police communiste; est-ce exact ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Bien. Votre grand-père avait participé au massacre et à l'évacuation

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  1   des Serbes sur le territoire de Djevanje, Drinjaca, Srpska Kamenica et

  2   d'autres villages autour de Drinjaca. Par exemple, il a participé au

  3   massacre de 38 membres de la famille d'Ostojic, 27 Ostojic, et toute la

  4   famille Simic; est-ce exact ?

  5   M. FERRARA : [interprétation] J'objecte ces types de questions à propos du

  6   grand-père d'un témoin, je pense que cela n'a aucune pertinence.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça ne peut pas être sans pertinence, puisque

  8   Monsieur le Président, c'est vous qui avez abordé ce sujet. Vous avez

  9   demandé quelles sont les causes. Les causes sont très profondes, elles

 10   résident dans la Deuxième Guerre mondiale. Je ne justifie pas une telle

 11   vengeance, mais puisque vous avez abordé ce sujet, je souhaite vous faire

 12   savoir que je dispose de beaucoup d'informations à ce sujet. Il ne s'agit

 13   pas de seul endroit où une telle vengeance abominable a eu lieu. Moi, je ne

 14   justifie pas de telle vengeance mais puisque vous avez abordé ce sujet, je

 15   souhaitais ajouter cela.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, voulant connaître les cause de ce qui

 17   s'était passé, j'ai posé la question au témoin qui n'a pu répondre

 18   précisément. Simplement l'accusé estime qu'au nombre de ces causes, il y a

 19   certainement des éléments issus de la Deuxième Guerre mondiale. Alors moi,

 20   je n'en sais strictement rien et je pense que le témoin n'est peut-être pas

 21   au courant de tout cela.

 22   Monsieur le Témoin, vous étiez au courant de cela ou pas ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire simplement que je suis

 24   tellement étonné d'entendre de telles informations, une telle question,

 25   vraiment je ne sais pas de quoi il s'agit ici. Car écoutez, je vais vous

 26   dire une chose.

 27   Vous savez que pendant l'existence de l'ex-Yougoslavie, mais on

 28   l'aurait su, quelqu'un aurait dit cela à moi, à ma famille. Ils auraient

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  1   dit, "voilà ce que vous avez fait. Vous étiez comme ça." Nous nous

  2   attendrions à ce que nos voisins savent le disent à ce que nous disent :

  3   "Ecoute ton grand-père, c'est ce qu'il a fait." Moi, je suis horrifié

  4   devant de telles informations. Je ne sais pas quoi dire, je n'ai pas de

  5   parole pour répondre.

  6   D'après ces informations, 200 personnes ont été tuées et par mon

  7   grand-père. Alors que mon grand-père il était menuisier, il travaillait

  8   même dans un moulin avec des maïs et tout ça. Il voulait qu'il soit

  9   Oustachi, qu'il aurait tué des Serbes et tout ça. Mais je suppose qu'un

 10   voisin aurait dit : "Ecoutez, voilà ton père, votre père a fait cela, il

 11   était dans une Unité d'Oustachi, et maintenant, c'est nous qui le faisons."

 12   Mais, non, eux, ils prenaient pitié de moi en me voyant, ils disaient : "On

 13   ne sait pas nous-mêmes ce qui se passe, c'est de la folie ce qui se passe."

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Il vaut mieux de passer à autre chose compte

 15   tenu de ce qui est arrivé au témoin, ce n'est pas la peine d'en rajouter.

 16   Donc, passez à une autre question.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais quelques autres

 18   questions concernant ce même sujet, mais puisque vous insistez je vais y

 19   renoncer. Mais simplement je souhaite que vous sachiez qu'il y a l'autre

 20   revers de la médaille et que les choses sont extrêmement complexes, que les

 21   problèmes sont extrêmement complexes.

 22   M. SESELJ : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur le Témoin, 1064, la première fois que vous avez votre

 24   déclaration auprès du bureau du Procureur, c'était le 15 et 16 janvier

 25   2001; est-ce exact ?

 26   R.  Ce n'était pas la première, je pense que c'était la deuxième

 27   déclaration.

 28   Q.  La deuxième c'était le 22 mai 2003. Moi, j'ai les deux.

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  1   R.  Moi, je pense que la première c'était en 1996.

  2   Q.  Vous n'avez fourni aucune déclaration au bureau du Procureur de La Haye

  3   ?

  4   R.  Je me souviens avoir fait une telle déclaration à Tuzla en 1996 à un

  5   homme qui s'est présenté comme un employé du Tribunal de La Haye, et j'ai

  6   fourni une telle déclaration.

  7   Q.  Dans ce cas-là, le Tribunal de La Haye, l'Accusation ne m'a pas fourni

  8   cette déclaration que vous avez faite en 1996. Est-ce que cette déclaration

  9   existe ou pas, je ne le sais pas en ce moment. J'ai reçu deux de vos

 10   déclarations faites auprès du bureau du Procureur du Tribunal de La Haye,

 11   et si l'Accusation dispose de cette déclaration de 1996 que vous avez faite

 12   devant le Tribunal de La Haye, l'Accusation peut le dire immédiatement.

 13   Mais d'après mes informations, une telle déclaration écrite n'existe pas.

 14   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Président --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara.

 16   M. FERRARA : [interprétation] La déclaration date du 2 novembre [comme

 17   interprété] 1996, mais ce n'est pas une déclaration faite à l'enquêteur du

 18   TPIY, mais aux autorités de Bosnie-Herzégovine, et ça a été communiqué à

 19   l'accusé le 20 juillet 2007, et ça a reçu une cote, et j'ai toutes les

 20   informations ici. Donc ce n'est pas du tout en fait un document du TPIY.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Donc, l'Accusation confirme ma thèse.

 22   Vous avez fourni seulement deux déclarations au bureau du Procureur de La

 23   Haye. La première, les 15 et 16 janvier 2001.

 24   M. SESELJ : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce exact ?

 26   R.  Je pense que oui.

 27   Q.  Dans cette déclaration, vous ne mentionnez les hommes de Seselj nulle

 28   part, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Non, effectivement.

  2   Q.  Bien. A la page 6 de cette déclaration, troisième paragraphe, en

  3   décrivant l'arrivée de l'autre unité qui, par la suite, procédait à

  4   l'exécution, voici ce que vous dites : 

  5   "Lorsque les hommes d'Arkan sont partis, au bout de 15 minutes

  6   environ, une autre unité est venue. Ils étaient au nombre de 30 environ et

  7   ils portaient des uniformes de Chetniks. Sur l'épaule droite, ils portaient

  8   des Aigles blancs, et sur leurs couvre-chefs de grosses cocardes. Ils

  9   étaient âgés de 20 à 30 ans."

 10   Est-ce que c'est bien ce que vous avez déclaré ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Bien.

 13   R.  Je dois expliquer s'agissant des Aigles blancs. J'ai demandé ce que ça

 14   représentait et on m'a expliqué, Et bien, c'étaient les Aigles blancs. Mais

 15   pour moi, c'est la même chose. Ça et les Chetniks et les hommes de Seselj,

 16   c'est la même chose pour moi.

 17   Q.  Je comprends que vous ne faites pas de distinction entre les Chetniks,

 18   les hommes de Seselj et les Aigles blancs. Je constate simplement ce que

 19   vous avez dit dans votre déclaration. Et si vous ne faites pas de

 20   distinction, et bien ça aussi, c'est bien. 

 21   Dans votre déclaration faite auprès du bureau du Procureur de La Haye

 22   en 2003, le 22 mai, vous ne mentionnez pas du tout les hommes de Seselj,

 23   n'est-ce pas ?

 24   R.  Je ne les ai jamais appelés les "hommes de Seselj," "Seseljevci."

 25   Q.  Bien. En 2003, vous avez déposé dans l'affaire Slobodan Milosevic; est-

 26   ce exact ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Ici, j'ai le compte rendu extrêmement long que j'ai reçu de

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  1   l'Accusation concernant votre déposition dans cette affaire, et ici non

  2   plus vous n'avez pas du tout mentionné les hommes de Seselj, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, mais je dois dire une chose. Vous pensez que quelqu'un dans cette

  4   salle allait me dire : "Vous savez, vous tous, c'est Seselj qui nous

  5   envoie, et voici la carte pour le prouver." Bien sûr que personne ne va

  6   dire qui il est et ce qu'il est.

  7   Q.  Je ne vous demande pas de faire de suppositions, mais j'attire votre

  8   attention sur certains faits qui sont étayés par les documents. 

  9   Donc, il existe deux déclarations faites auprès du bureau du

 10   Procureur de La Haye où vous ne mentionnez absolument pas les hommes de

 11   Seselj, et puis il existe votre déposition dans l'affaire Milosevic où vous

 12   n'avez nulle part mentionné les hommes de Seselj.

 13   Avant-hier, ici à La Haye, vous avez parlé avec le représentant du

 14   bureau du Procureur; est-ce exact ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Et c'est eux qui vous ont suggéré que vous disiez aujourd'hui que, pour

 17   vous, tous les Chetniks ce sont les hommes de Seselj, car vous ne pouvez

 18   pas faire de distinction entre les Chetniks, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non. Ecoutez-moi --

 20   M. FERRARA : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 22   M. FERRARA : [interprétation] Je soulève une objection à propos de ce type

 23   de question. Nous n'avons absolument rien mis dans la bouche du témoin.

 24   Nous ne lui avons rien suggéré. Nous avons écrit une note de récolement.

 25   Nous l'avons communiquée à la Chambre et à l'accusé, où il clarifie ce

 26   qu'il voulait dire par les hommes de Seselj, par Chetnik, et cetera, et

 27   cetera. Donc, je demande que ce type de phrase proféré par l'accusé soit

 28   expurgé.

Page 8737

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma question ne peut pas être expurgée.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : -- Monsieur Seselj.

  3   J'en reviens à la rencontre que vous avez eue hier avec le bureau du

  4   Procureur en vue de préparer cette audience. Et le Procureur nous a dit que

  5   vous avez fait des précisions. Alors, ce qui est très important c'est de

  6   savoir si, quand les termes "les hommes de Seselj" sont apparus, c'est vous

  7   spontanément qui avez dit cela ou c'est le Procureur qui vous aurait dit :

  8   "Quand dans vos déclarations vous parliez des Chetniks, précisez -- pouvez-

  9   vous préciser qui c'était. Et à ce moment-là, vous auriez dit : "Dans les

 10   Chetniks, il y avait les hommes de Seselj." Alors qu'est-ce qui s'est passé

 11   exactement ? Est-ce que vous savez comment le sujet est venu ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire sincèrement comment les

 13   choses se sont déroulées. 

 14   Cet homme, c'est vrai, il m'a demandé de lui expliquer ce que ça veut

 15   dire un "homme de Seselj" et ce que ça veut dire un "Chetnik," et voici ce

 16   que j'ai répondu. Pour moi personnellement, je ne connais pas la

 17   différence. Je ne sais pas faire une distinction entre les hommes de Seselj

 18   et les Chetniks. Pour moi, les Chetniks, ils sont tous pareils. Maintenant,

 19   quant à la question de savoir si cet homme avait été recruté par Seselj ou

 20   si pour eux c'était une lubie de leur part s'ils ont pris de tels uniformes

 21   pour se présenter ainsi. Vous savez, ils ne sont pas venus nous dire :

 22   "Moi, je suis un homme de Seselj," ou bien, "Je ne suis pas un homme de

 23   Seselj. Voici ma carte. Je suis autre chose." Ça ce ne s'est passé comme

 24   ça.

 25   Cependant, les gens chez nous, lorsqu'ils parlent de ça, lorsqu'ils

 26   savent, par exemple, qui est leur chef, par exemple aujourd'hui en Bosnie-

 27   Herzégovine, vous avez le Parti radical serbe, et bien, on l'appelle le

 28   "Parti radical serbe du Dr Vojislav Seselj," et j'ai vu leurs membres. Ils

Page 8738

  1   ont tous des t-shirts avec la photo du Dr Vojislav Seselj. Et même dans

  2   l'assemblée serbe c'est le cas. Les députés portent les t-shirts avec son

  3   image. Et je peux vous dire que personnellement je ne fais pas de

  4   distinction entre les hommes de Seselj et les Chetniks, et j'ai été étonné

  5   par cette question posée par l'Accusation. Cet homme, il a insisté pour que

  6   je le lui explique, et moi, je lui ai dit, Mais moi, je ne peux pas te

  7   l'expliquer, te clarifier les choses.

  8   Je ne sais pas si ces hommes-là ont été recrutés par Seselj ou pas.

  9   Pour moi, ils sont tous pareils. Ce sont tous des Chetniks. Car il y avait

 10   des Chetniks, il y avait des hommes d'Arkan, il y avait la structure de

 11   réserve, ou plutôt, ce qui deviendra par la suite l'armée de la Republika

 12   Srpska et la JNA, l'armée populaire yougoslave. Je ne connais pas d'autres

 13   formations militaires.

 14   Donc pour clarifier, pour moi, je vais confirmer ici, pour moi,

 15   Chetniks et hommes de Seselj, ça ne m'intéresse pas du tout. Pour moi,

 16   c'est la même chose. Maintenant, si certains d'entre eux ont été recrutés

 17   par Seselj et qu'ils s'appellent les "hommes de Seselj," je n'ai jamais

 18   entendu qui que ce soit d'entre eux dire : "Ecoutez, nous sommes les hommes

 19   de Seselj."

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Témoin, je voudrais être sûr que nous

 21   comprenions bien. Vous avez aussi parlé au cours de votre déposition des

 22   "hommes d'Arkan." D'après vous, ce sont aussi des Chetniks ? Y a-t-il une

 23   différence entre les "hommes d'Arkan" et les "hommes de Seselj" ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je fais une distinction

 25   entre les uniformes, par rapport aux uniformes d'Arkan. D'après ce que j'ai

 26   vu à la télévision, il est facile de faire la distinction. S'agissant des

 27   hommes d'Arkan, je ne peux pas dire que ce sont des Chetniks. 

 28   Mais ceux qui ressemblent aux hommes d'Arkan et qui étaient dans la

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  1   salle de cinéma, je ne peux pas dire qu'ils ont été mobilisés par Arkan,

  2   car quelqu'un peut porter cet uniforme car ça lui plaît, alors qu'il n'a

  3   aucune chance de devenir membre de son unité. Mais peut-être il aurait aimé

  4   y ressembler. Et peut-être que quelqu'un d'autre aurait aimé ressembler à

  5   un Chetnik en raison des résultats des Chetniks en Croatie et en Bosnie-

  6   Herzégovine. Peut-être que quelqu'un le souhaitait. Je ne peux pas faire de

  7   suppositions. Je ne sais pas qui a mobilisé qui, mais je fais une

  8   distinction entre les uniformes des unités d'Arkan, les uniformes de

  9   Chetniks, les uniformes de la JNA et de l'armée qui deviendra par la suite

 10   l'armée de la Republika Srpska. Moi, je vois la distinction entre les

 11   quatre formations; ça c'est très clair.

 12   Mais quant à la question de savoir si quelqu'un s'appelle "Chetnik,"

 13   ou "homme de Seselj," j'ai entendu ça. Les gens chez nous en Bosnie disent

 14   : "Seseljevci, hommes de Seselj," car simplement ils savent que Seselj est

 15   le leader du Parti radical serbe qui produit ces Chetniks, qui les envoie

 16   même sur les fronts. Ils se déclarent comme volontaires.

 17   Mais je ne sais pas si ce sont des volontaires auprès de Seselj, si

 18   c'est Seselj qui leur a suggéré de faire cela d'une certaine manière, je ne

 19   sais pas. Je ne vais pas entrer là-dedans. Il ne me revient pas de le faire

 20   et je ne peux pas savoir de telles choses. Je pense que c'est tout à fait

 21   clair.

 22   Et je répète que c'est mon opinion par rapport aux Chetniks.

 23   Maintenant, s'il y avait un autre Voïvodat chetnik qui avait marqué avec

 24   des insignes particuliers cette formation, je n'aurais pas dit que

 25   c'étaient des hommes de Seselj. J'aurais dit que c'étaient des hommes de

 26   cet autre homme. Mais je ne connaissais pas d'autre homme qui s'immisçait

 27   aux affaires de Vojislav Seselj. Maintenant, s'il y avait des Chetniks et

 28   en Croatie et en Bosnie et en Serbie, nous ne connaissons qu'un seul chef.

Page 8740

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question avant que je redonne la parole

  2   à M. Seselj.

  3   Quand vous avez été fait prisonnier, vous, votre père, vos frères, vos

  4   cousins, et cetera, et pendant le temps avant que vous soyez vous-même

  5   victime des tirs et que vous vous échappiez, est-ce qu'à un moment donné

  6   quelconque vous avez entendu de la part de ceux qui vous avaient arrêté le

  7   fait qu'ils étaient des hommes de Seselj ? Est-ce que vous avez entendu ça

  8   dans vos oreilles ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne les ai jamais entendu dire pour eux-

 10   mêmes qu'ils étaient des hommes de Seselj ou d'un autre leader. Ça a duré

 11   très brièvement. Quand ils sont entrés, ils ont commencé à appeler les gens

 12   par leurs noms. Ils ne se sont pas présentés. Ils n'ont pas dit qui était

 13   leur chef. Qu'est-ce que ça pouvait signifier pour nous puisqu'on n'en

 14   aurait plus besoin. Quand j'ai vu cela, je savais que c'était la fin parce

 15   que j'avais entendu pas mal d'histoires de mon village sur la Deuxième

 16   Guerre mondiale. J'ai supposé ce qui allait se produire et je me suis même

 17   dit à moi-même à un moment donné : "C'est terminé maintenant, c'est la

 18   fin," parce que par là par où ils passaient rien ne restait en vie, aucun

 19   membre d'un autre groupe ethnique; pas de merci. On était que des balijas,

 20   des Turcs à leurs yeux.

 21   Je suis hostile à ce qu'on m'appelle Turc, je n'ai rien à voir avec tout

 22   cela, mais comme j'ai dit, c'est comme ça qu'ils se sont manifestés, donc

 23   je savais quel était leur objectif.

 24   Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai une question, Monsieur le Témoin.

 25   Quand est-ce que la première fois vous avez entendu parler de Seseljevci ?

 26   Pendant la guerre, après la guerre, maintenant ? La première fois que vous

 27   avez entendu cette expression ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous le dire avec certitude. Je

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  1   n'étais pas informé de cela. C'est plus tard que j'ai rejoint la défense de

  2   mon pays, à ma façon, de la manière dont j'ai pu contribuer à mon pays.

  3   Sincèrement, je vais vous dire, ce mot "hommes de Seselj" ce n'est pas

  4   quelque chose de très fréquent. On l'entendait, mais là encore je dois

  5   dire, nous, les Bosniens, on sait qu'il existe des Chetniks, mais peu nous

  6   importe comment on les appelle autrement. On ne sait pas comment on

  7   pourrait ressortir quelque chose de différent à leur sujet. Personne ne

  8   vous dira : "Nous sommes des hommes de Seselj," mais ce sont les uniformes

  9   qui parlent.

 10   Je ne peux pas dire que ce sont des marines américains, puisqu'ils ne

 11   le sont pas. D'après l'uniforme, on sait qui est qui. Est-ce qu'on peut

 12   savoir si leur chef est Seselj, mais ce ne sont pas eux qui vont le dire.

 13   Ils ne vont pas dire : "Attendez, maintenant ce sont les hommes de Seselj

 14   qui vont vous attaquer."

 15   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Président --

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Ferrara.

 17   M. FERRARA : [interprétation] -- je veux simplement que l'on soit tout à

 18   fait sûr de quoi on parle. M. Seselj dit que la première fois que le témoin

 19   fait référence aux hommes de Seselj c'était hier. Le témoin, dans sa

 20   déclaration de 1996, a dit qu'il était entré dans le cinéma --

 21   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 22   M. FERRARA : [interprétation] Attendez. Monsieur le Président, permettez-

 23   moi de terminer.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, il ne peut pas terminer cette phrase. Le

 25   Procureur --

 26   L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent, l'interprète ne peut pas

 27   interpréter.

 28   M. FERRARA : [interprétation] -- ce que j'ai dit --

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  1   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  2   M. FERRARA : [interprétation] -- pouvoir terminer ma phrase.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Les documents de l'AID ne peuvent pas être

  4   introduits de cette manière. 

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous avez fait preuve de calme

  6   jusqu'à présent, que ça continue.

  7   M. Ferrara nous dit quelque chose que, moi, je n'ai pas ce document

  8   de 1996. Je ne l'ai pas sous les yeux. Je ne l'ai pas.

  9   M. FERRARA : [interprétation] M. Seselj dit que la première  fois que

 10   le témoin a parlé des hommes de Seselj c'était hier ou il y a deux jours

 11   lors du récolement.

 12   Mais en 1996, le témoin a fait une déclaration à une agence chargée

 13   de l'enquête, mais --

 14   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 15   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 16   Juges.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez-le le dire et ensuite vous nous direz --

 18   vous nous direz votre position.

 19   M. FERRARA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alors, il a

 20   fait une déclaration le 2 novembre 1996 à un agent chargé de l'enquête et

 21   de la documentation en Bosnie-Herzégovine à Tuzla, et c'est dans cette

 22   déclaration qu'il a désigné ces hommes comme étant des hommes de Seselj,

 23   dans la version en anglais ainsi que dans la version en B/C/S. Il les

 24   appelle les "Seseljevci." Donc, ce n'est pas l'Accusation qui a évoqué ce

 25   terme pour la première fois il y a quelques jours.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Seselj -- oui.

 27   M. FERRARA : [interprétation] Cette question trompe en fait, d'une certaine

 28   façon, le témoin, puisque dans la question on dit que : "Le témoin n'a

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  1   jamais évoqué le terme hommes de Seselj."

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous avez la parole.

  3   Donc il semblerait que, dans ce document, ça été mentionné en 1996.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

  5   Juges, vous savez parfaitement que le comportement du Procureur est

  6   inadmissible. Il évoque un document de la police secrète musulmane. Mais

  7   lors de ses entretiens préparatifs, il a parlé de ce document avec le

  8   témoin et le témoin a corrigé, paraît-il, la teneur du document. C'est ce

  9   qui figure dans les notes du récolement dans le premier paragraphe de ce

 10   qu'ils m'ont donné.

 11   S'il est vrai que le témoin a donné cette déclaration aux autorités

 12   musulmanes, pour tous les soldats serbes là-bas, il dit que ce sont des

 13   Chetniks, au sujet de tous. Et maintenant, paraît-il, le témoin se

 14   corrigerait. "Donc là où on parle de 'Chetnik,' lorsqu'on évoque les

 15   personnes devant la maison de la culture et lorsqu'on cite les gens, ce ne

 16   seraient pas des hommes de Seselj." Le témoin a tiré au clair cela. Il a

 17   dit qu'il n'a pas employé ce terme lorsqu'il a fait cette déclaration. Il a

 18   parlé de "soldats serbes" ou de "soldats de la VRS." C'est la personne qui

 19   a recueilli la déclaration qui a dû mal comprendre. Parfois, il y a des

 20   gens qui emploient le terme "Chetnik" pour désigner tous les Serbes, mais

 21   ce n'est pas le cas de ce témoin.

 22   Le témoin a même corrigé ce document des autorités musulmanes, et le

 23   Procureur n'a pas le droit de s'en servir. Il n'a pas le droit de se servir

 24   d'un document de la police secrète musulmane. Il a ses propres

 25   déclarations, deux déclarations recueillies par ses enquêteurs, et il doit

 26   se fonder sur ces déclarations-là. Donc, c'est un double traficage [phon].

 27   J'ai réussi à dénoncer cela de manière très efficace.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous, vous avez rencontré l'AID

Page 8744

  1   en 1996. Alors, M. Seselj nous dit c'est la police secrète, et l'Accusation

  2   nous dit ça dépendait du ministère de l'Intérieur, ils avaient la

  3   possibilité de faire des enquêtes. On ne va pas rentrer dans ce débat.

  4   Mais dans votre souvenir, 1996 ça fait presque 12 ans déjà, est-ce

  5   que les enquêteurs de l'AID vous auriez évoqué de vous-même les "hommes de

  6   Seselj" ou c'est eux qui ont introduit cela ? Parce que vous avez été très

  7   clair tout à l'heure en nous disant que pour vous il y avait des Chetniks,

  8   et puis la VRS, la JNA, mais pour vous la catégorie -- vous -- il y avait

  9   Arkan aussi, mais les "hommes de Seselj," vous n'en aviez pas mentionné.

 10   Alors, est-ce que vous l'avez dit en 1996 ou bien c'est le fonctionnaire de

 11   police qui a mis cela dans votre audition ? Vous vous en rappelez ou pas ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens que j'ai donné cette

 13   déclaration il y a longtemps. Je pense que c'est une question de

 14   terminologie. Si j'ai dit les "Chetniks," est-ce qu'à ce moment-là

 15   quelqu'un aurait dit : "Serait-ce peut-être des hommes de Seselj ?" Je ne

 16   m'en souviens pas. Mais si quelqu'un a écrit que j'ai dit que c'étaient des

 17   hommes de Seselj, écoutez, je vous ai dit, je ne fais pas la différence

 18   entre les Chetniks et les hommes de Seselj. Je ne vois aucune différence.

 19   Mais c'est peut-être une question de terminologie. Je vais répéter encore

 20   une fois que ce que je souhaite dire c'est la vérité. Le reste ne

 21   m'intéresse pas.

 22   Je ne peux pas dire pourquoi quelqu'un qui porte un uniforme chetnik que

 23   c'est un homme de Seselj, parce qu'il ne m'a pas montré sa carte d'identité

 24   ou une carte montrant qu'il était un homme de Seselj. Mais nous, nous

 25   savons en Bosnie, quand on parle de Chetniks, nous savons qu'ils n'ont

 26   qu'un seul chef. Peu importe que je dise Chetnik ou homme de Seselj, peu

 27   importe, puisque je sais qu'ils ont un seul chef, et il y a des filières,

 28   des branches en Bosnie et en Croatie. Je vous ai dit quels sont les Partis

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  1   radicaux. Ils portent son nom, son prénom, et portent des t-shirts avec son

  2   effigie. Mais je ne peux pas dire maintenant, si quelqu'un m'avait dit des

  3   "hommes de Seselj," peut-être que j'aurais accepté : Oui d'accord, que ce

  4   soient les hommes de Seselj, puisqu'ils n'ont pas un autre chef.

  5   Autre chose : pour éviter cette polémique de savoir si quelqu'un est un

  6   homme de Seselj ou telle ou telle chose, je ne peux pas vous apporter la

  7   réponse qu'il faut, mais ce que je peux vous dire, quelle que soit la

  8   déclaration, est-ce que c'est un Chetnik ou un homme de Seselj, et bien

  9   pour moi, c'est une seule armée et ils ont qu'un seul chef. C'est tout ce

 10   que je peux vous dire. Je ne peux pas être plus précis.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 12   Monsieur Seselj.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 15   Monsieur le Procureur, avez-vous des questions supplémentaires ?

 16   M. FERRARA : [interprétation] Non, Monsieur le Président, Madame, Monsieur

 17   les Juges.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur le Témoin, au nom de mes

 19   collègues et en mon nom personnel, je vous remercie d'être venu témoigner à

 20   La Haye sur ces événements au combien tragiques pour vous et votre famille.

 21   Je vous en remercie et je formule mes meilleurs vœux pour votre retour dans

 22   votre pays.

 23   Je vais donc demander à madame de bien vouloir vous raccompagner. Comme le

 24   rideau est --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : --  de quitter la salle.

 27   [Le témoin se retire]

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je vais me tourner vers

Page 8746

  1   M. Marcussen. Apparemment, pour cette semaine, nous n'avons plus de

  2   témoins. Je ne me trompe pas ?

  3   M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est exact,

  4   nous n'aurons pas de témoin pour demain.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, il y a un programme qui est prévu pour

  6   la semaine prochaine. Nous informerons les uns et les autres de nos

  7   décisions concernant les témoins qui viendront témoigner viva voce ou 92

  8   ter.

  9   Il nous reste dix minutes. Monsieur Seselj. Voulez-vous aborder une

 10   question administrative, s'il y en a une ? Je ne sais pas.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'ai une question, Monsieur le Président.

 12   Je ne sais pas si dix minutes suffiront. Je pensais que j'allais avoir

 13   l'occasion de poser cette question demain.

 14   Le Procureur m'a communiqué sa requête afin de verser au dossier, en

 15   application de l'article 92 ter, la déclaration du VS-1112, et c'est le 23

 16   juin uniquement que j'ai reçu cette requête. Je suis absolument opposé.

 17   J'estime qu'il n'y a rien qui permet de verser cela au dossier en

 18   application du 92 ter, et qui de plus est, je n'ai pas reçu tous les

 19   documents. Le dernier document qui figure ici ne m'a pas été remis dans sa

 20   version intégrale. C'est l'annexe 5, un texte manuscrit du 8 octobre 1991.

 21   Je n'ai reçu que les six premières pages.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, c'est 1020 ou 1026 ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le Témoin 1112 -- 1112 ?

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, 1112. Oui, il y a eu une erreur au transcript.

 25   C'est 1112.

 26   Oui. Alors, le Témoin 1112 est prévu dans la deuxième semaine de

 27   juillet. On ne donne pas le nom pour le moment, mais il est prévu sur trois

 28   jours. Mais pour le moment, il était prévu viva voce.

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  1   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, Monsieur Seselj, après consultation avec

  3   la juriste de la Chambre, il y a une requête pendante et la Chambre n'a pas

  4   statué sur la question, donc, je ne peux pas vous dire aujourd'hui. La

  5   requête est pendante et la Chambre n'a pas examiné encore la situation.

  6   De toute façon, c'est ultra simple. Ou il viendra en viva voce ou la

  7   requête au titre du 92 ter sera admise, et voilà. Donc, pour le moment, je

  8   ne peux rien vous dire.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ce qui serait utile, et mes collègues me le

 11   disent, j'aurais dû y penser moi-même, donnez-nous vos arguments pour nous

 12   dire que vous êtes contre le fait qu'il vient en 92 ter, indépendamment de

 13   votre position générale que nous connaissons. Mais sur ce cas particulier,

 14   dites-nous pourquoi vous êtes contre.

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a peut-être un point de confidentialité. Oui,

 20   Monsieur Marcussen.

 21   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je suis tout à fait certain que l'accusé

 22   n'a pas souhaité faire quelque chose contre les règlements, mais on

 23   pourrait peut-être parler à huis clos partiel de ceci.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos partiel.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 26   Monsieur le Président.

 27   [Audience à huis clos partiel]

 28  (expurgé)

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 13  Pages 8748-8751 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2   --- L'audience est levée à 19 heures 06 et reprendra le mardi, 1er juillet

  3   2008, à 8 heures 30.

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