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1 Le jeudi 20 novembre 2008
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 32.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à
9 toutes et à tous. Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.
10 Merci.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
12 En ce jeudi 20 novembre 2008, je salue Mme le Témoin. Je salue tous les
13 représentants du bureau du Procureur. Je salue M. Seselj et toutes les
14 personnes qui nous assistent.
15 Avant de faire prêter serment à Mme le Témoin, je vais évoquer deux
16 décisions que nous allons enregistrer dans quelques minutes, dont je vais
17 lire la teneur du dispositif, parce que comme ce sont des décisions un peu
18 longues, je n'ai pas le temps de les lire entièrement. Je lirai donc
19 uniquement le dispositif.
20 La première décision est relative à la requête de l'Accusation aux fins
21 d'applications de l'article 92 ter du Règlement au Témoin VS-1035. La
22 Chambre rejette la requête de l'Accusation et décide, premièrement,
23 d'entendre le Témoin VS-1035 viva voce, et d'attribuer une heure trente à
24 l'Accusation et une heure trente à l'accusé pour le contre-interrogatoire.
25 Voilà pour VS-1035.
26 Ensuite, décision relative à la requête de l'Accusation aux fins
27 d'application de l'article 92 ter au témoin Sulejman Tihic. Le dispositif
28 est le suivant :
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1 La Chambre rejette la requête et décide, premièrement, d'entendre le témoin
2 Sulejman Tihic viva voce, et d'attribuer une heure à l'Accusation et une
3 heure à l'accusé pour ce témoin. Voilà.
4 Ceci sera traduit, mais vu l'urgence, je tenais à en donner la teneur
5 immédiatement afin que tout le monde soit informé de cela.
6 Madame, levez-vous.
7 Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de naissance.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Anna-Maria Radic. Je suis née le 2 septembre
9 1969, en Allemagne, à Florsheim.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quelle est votre profession ou qualité
11 actuelle ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis chef du département des zones d’intérêt
13 particulier à la direction du Ministère chargé du Développement régional des
14 eaux et forêts de la République de Croatie.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avez-vous, Madame, déjà témoigné devant un
16 tribunal pour les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie, ou bien
17 c'est la première fois que vous témoignez ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je dépose
19 aujourd'hui.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire le serment.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 LE TÉMOIN : ANNA-MARIA RADIC [Assermentée]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame. Vous pouvez vous asseoir.
26 Bien. Quelques éléments d'explication de ma part afin que l'audience se
27 déroule le mieux possible et que vous ne soyez pas surprise.
28 Tout d'abord, vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être
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1 posées par la représentante du Procureur, qui a dû vous rencontrer en vue
2 de la préparation de cette audience. Donc des questions vont vous être
3 posées à partir d'un rapport qui a été rédigé et on vous présentera
4 certainement des documents. Pendant cette phase, il se peut que les trois
5 Juges qui sont devant vous posent des questions de suivi afin de poursuivre
6 l'examen en profondeur de certains points évoqués dans votre rapport.
7 En règle générale, cette phase se déroule pour le témoin dans les
8 meilleures conditions possibles. Mais la seconde phase, qui est la phase du
9 contre-interrogatoire, est une phase parfois difficile pour le témoin,
10 parce que la Défense qui contre-interroge le témoin de l'Accusation va
11 poser des questions concernant la crédibilité du témoin et des questions
12 sur le fond des déclarations du témoin ou du rapport, quand il s'agit d'un
13 rapport d'expert. Donc c'est une phase qui peut parfois être éprouvante,
14 mais c'est comme cela, c'est prévu par le règlement. Comme nous sommes dans
15 des aspects techniques, essayez, Madame, d'être la plus précise possible.
16 Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à demander à
17 celui qui vous pose la question de la reformuler.
18 Nous faisons des pauses toutes les heures et demie. De ce fait, nous nous
19 arrêterons à 10 heures pour faire une pause de 20 minutes puis après, nous
20 aurons une deuxième pause. Voilà. Donc nous avons devant nous encore une
21 heure 20, ce qui permettra certainement à Mme le Procureur de terminer son
22 interrogatoire principal.
23 Voilà ce que je voulais vous dire pour que cette audience, comme je l'ai
24 dit au début, puisse se dérouler le mieux possible pour tout le monde.
25 Madame Biersay, je vous salue à nouveau, et je vous donne la parole.
26 Mme BIERSAY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
27 Monsieur les Juges.
28 Interrogatoire principal par Mme Biersay :
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1 Q. [interprétation] Veuillez, je vous prie, Madame le Témoin, donner à la
2 Chambre l'intitulé de l'organisation pour laquelle vous travaillez
3 actuellement, l'intitulé complet.
4 R. Je travaille en ce moment pour le ministère du Développement régional
5 dans le cadre duquel il y a une administration chargée des zones d'intérêt
6 particulier de l'Etat. Et ça a récemment changé de nom, c'est une
7 Administration chargée des réfugiés, des personnes déplacées et des
8 rapatriés.
9 Q. Est-ce que cette entité c'est celle qui a succédé au Bureau chargé des
10 personnes déplacées et des réfugiés ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que l'on appelle souvent cette organisation est l'ODPR ?
13 R. Oui.
14 Q. Donc si j'utilise cet acronyme, ODPR, est-ce que nous pouvons conclure
15 que ça recouvre l'organisation pour laquelle vous travaillez actuellement
16 ainsi que toutes les organisations qui l'ont précédée ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez préparé un rapport pour l'affaire Seselj, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que ce rapport se limitait à l'affaire Seselj ou est-ce que
21 c'est un rapport qui a été préparé également pour une autre affaire ?
22 R. Ça a été rédigé ayant à l'esprit une autre affaire, l'affaire
23 Simatovic, qui est censée commencer sous peu. Ce qui fait que j'ai en
24 réalité fait un rapport unique, étant donné que conformément aux demandes
25 de l'Accusation dans une autre affaire, il y a eu recoupement du sujet
26 traité. Il était pour moi plus efficace de rédiger un type de rapport de ce
27 genre.
28 Q. Je vais vous demander de consulter la pièce 7415 dans le classeur --
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous vous rapprochez du micro parce que les
2 interprètes ont du mal à vous entendre.
3 Mme BIERSAY : [interprétation]
4 Q. Est-ce que vous reconnaissez le document 7415 sur la liste 65 ter ?
5 R. Oui.
6 Q. De quoi s'agit-il ?
7 R. Il s'agit de mon rapport, si je ne m'abuse, si je vois bien les numéros
8 ici.
9 Q. Ça se trouve dans votre classeur, ça vient après l'intercalaire 7415,
10 c'est là que ça se trouve.
11 R. Oui, je vois. Je vois le document, oui. Il s'agit du rapport que j'ai
12 rédigé.
13 Q. Dans votre rapport, dans la deuxième partie de ce rapport, est-ce que
14 vous évoquez l'évolution du directorat chargé des zones d'intérêt
15 particulier, est-ce que vous parlez de l'évolution de l'ODPR avant qu'elle
16 se transforme en l'organisation où vous travaillez actuellement ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce qu'au fil des années et pendant la transition dont vous parlez à
19 la deuxième partie, est-ce qu'il y a eu une continuité s'agissant du
20 transfert des dossiers, des données et des archives d'une entité à l'autre
21 ?
22 R. Oui. En réalité, c'est une organisation qui, au départ, était un bureau
23 gouvernemental chargé des réfugiés, des personnes déplacées et des
24 rapatriées, et cela a hérité la banque de données et toutes les archives du
25 bureau précédent. En réalité, par la suite, avec ces archives, ces banques
26 données, ces compétences vis-à-vis des domaines concernés, cela devient une
27 administration au sein d'un ministère et avec le changement de
28 l'organisation du ministère, il y a création de départements nouveaux. Mais
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1 cela conserve le segment des affaires qui se rapportent aux personnes
2 déplacées comme il est précisé dans ce rapport.
3 Q. Est-ce que la continuité a été également assurée s'agissant du
4 personnel travaillant d'abord dans l'une des entités puis dans l'autre ?
5 R. Oui, il y a une continuité au niveau des personnes. Etant donné qu'il
6 s'agit d'une administration de l'Etat, il y a des personnes qui quittent
7 l'organisation, mais il reste un nombre considérable à y avoir travaillé
8 depuis le début.
9 Q. Depuis combien de temps travaillez-vous avec ces services dans le
10 domaine des personnes déplacées et des réfugiés ?
11 R. Depuis 1994.
12 Q. J'aimerais maintenant vous demander de vous reporter à la première page
13 de votre rapport, est-ce que là nous avons une description de vos
14 responsabilités au sein de l'ODPR au fil des années ?
15 R. Oui.
16 Q. Quand on vous a demandé de préparer ce rapport que vous avez fourni
17 aussi bien pour l'affaire Stanisic/Simatovic que l'affaire Seselj, est-ce
18 que cela vous a été demandé à vous en tant que directrice ?
19 R. Non. Cela avait été demandé avant. J'ai été désignée par le
20 gouvernement conformément à la requête présentée par le Procureur pour ce
21 qui est de témoigner dans cette affaire, et de la sorte j'ai eu à rédiger
22 le présent rapport.
23 Q. Quel était l'objectif de ce rapport ?
24 R. La finalité du rapport est celle de parler de la population expulsée de
25 la Croatie sur les territoires qui ont été soumis à des activités de combat
26 entre 1991 et 1995.
27 Q. Est-ce que votre rapport concerne d'autres zones géographiques en
28 dehors de la République de Croatie -- de l'ex-République de Croatie ?
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1 R. Dans une partie, il est question de réfugiés venus de Serbie. Ceci est
2 conforme à la requête du bureau du Procureur, puisque l'administration où
3 je travaille, à savoir l'ODPR, entre autres, a également pris soin des
4 réfugiés en provenance des Etats voisins.
5 Q. Pourriez-vous définir à l'intention de la Chambre de première instance,
6 le terme de "personnes déplacées" par rapport à celui de "réfugiés" ?
7 R. Lorsqu'il est procédé à la définition de ces notions, je crois que cela
8 découle de la législation et on utilise à part entière les définitions
9 utilisées pour la notion de réfugiés en application des conventions de
10 Genève. Pour ce qui est des réfugiés et des documents appropriés, il y a
11 une différence. Lorsqu'on parle de personnes déplacées, de personnes qui
12 ont été expulsées de chez elles, il est question de personnes qui ont été
13 déplacées à l'intérieur d'un même pays mais qui restent dans les limites de
14 cet Etat dont ils sont citoyens, mais ils ont dû changer de résidence,
15 partir de chez elles pour aller ailleurs. Quand on parle de "réfugiés" il
16 s'agit de personnes qui, pour les mêmes raisons, pour ce qui est d'un péril
17 tout à fait justifié et réel pour leur vie, ont quitté l'Etat dont ils sont
18 citoyens. Quand on parle de réfugiés à l'intérieur de la Croatie, ce sont
19 des gens qui sont enregistrés en tant que réfugiés et, pour l'essentiel, il
20 s'agit de personnes venues de Bosnie-Herzégovine et de Serbie.
21 D'après notre législation, on considère que sont réfugiées les personnes
22 originaires de Croatie auraient fui vers d'autres Etats. Par exemple, il y
23 en a qui
24 étaient, pendant un certain temps, en Allemagne. Et à leur retour -- ou
25 plutôt, là-bas, ils avaient un statut de réfugiés et une fois revenues, ces
26 personnes avaient un statut de rapatriés, y compris les personnes déplacées
27 qui, quand elles revenaient chez elles, avaient également un statut de
28 personnes rapatriées.
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1 Q. J'aimerais que nous examinions rapidement le plan de votre rapport.
2 Passons au chapitre 6. Est-ce que là vous indiquez quelles sont les sources
3 de données que vous avez utilisées pour préparer votre rapport ?
4 R. Oui.
5 Q. Et au point 7, est-ce que l'on voit la description de la méthodologie
6 que vous avez utilisée pour réunir les données ?
7 R. Oui.
8 Q. Et dans les parties 9 à 12 de votre rapport, est-ce que vous faites une
9 présentation détaillée des statistiques, des données relatives aux
10 personnes déplacées sur les territoires de la République de Croatie qui
11 avaient été précédemment occupés ?
12 R. Oui.
13 Q. Maintenant, j'aimerais qu'on passe au point 10 dans votre rapport.
14 Lorsque nous nous sommes vues, hier, vous avez signalé qu'il fallait faire
15 une correction, il y a une date qui doit être corrigée.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Toute rectification pour ce qui est
17 du récolement était censée être communiquée par écrit. Or, je n'ai rien
18 reçu pour ce qui est de ces sessions de récolement.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, est-ce que M. Seselj a été informé
20 du fait qu'une date allait être modifiée ?
21 Mme BIERSAY : [interprétation] En fait, à d'autres endroits dans le
22 rapport, la date est la bonne. La correction, elle est à apporter dans une
23 partie seulement du rapport. Hier, nous avons fini la séance de récolement
24 vers 17 heures, et ça nous a paru justifié de présenter cette correction ce
25 matin. Ce n'est pas une correction fondamentale. Parce qu'en fait, il
26 s'agit simplement de donner la même date que dans les autres parties du
27 rapport.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Si c'est une rectification d'erreur
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1 matérielle, il y a aucun problème. Quelle page ?
2 Mme BIERSAY : [interprétation] Dans le système du prétoire électronique,
3 c'est à la page 27, et dans votre classeur, ça se trouve à la page 26 sur
4 un total de 47 pages. Page 26 du rapport.
5 Q. Je vais donc vous demander de vous reporter au deuxième paragraphe dans
6 la dixième partie du rapport, et c'est la deuxième phrase en particulier
7 qui m'intéresse, qui commence par les mots suivants : "Le 1er août 1994…"
8 Est-ce que cette date est exacte, Madame ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que c'est vraiment "1994" ?
11 R. Cela est indiqué dès le début du rapport, et il est clair qu'il s'agit
12 de 1991. Il s'agit d'une erreur de frappe seulement.
13 Q. Je vais essayer de comprendre. La deuxième phrase dans le deuxième
14 paragraphe dans le chapitre 10, la section 10 du rapport, est la suivante
15 actuellement : "Le 1er août 1994…" Est-ce que l'année est la bonne année ?
16 R. Non. Il faut entendre "1991."
17 Q. Bien. Maintenant, j'aimerais que vous vous reportiez à la page 2 sur un
18 total de 47 dans votre rapport, dans le prétoire électronique c'est la page
19 3. En haut de la page 2 dans la version papier, on voit la mention suivante
20 : "9 683 personnes le 1er août 1991…" Est-ce que c'est ce que vous avez
21 voulu dire, que dans d'autres parties du rapport, la date est la bonne ?
22 R. Oui.
23 Q. Dans la dernière partie de votre rapport, partie numéro 13, est-ce que
24 vous présentez les données relatives aux réfugiés de la Vojvodine ?
25 R. Oui.
26 Q. Dans votre rapport, vous faites référence à 11 tableaux, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Ces tableaux sont inclus dans votre rapport, n'est-ce pas ?
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1 R. Exact.
2 Q. Bien. Oublions pour l'instant le tableau 1, mais pour ce qui est des
3 tableaux 2 à 11, pouvez-vous me dire d'où proviennent les données reprises
4 dans ces tableaux ?
5 R. Voilà, pour ce qui est des tableaux 2, 3, 4, il s'agit de documents
6 originaux. Par la suite, c'est le 5 et le 6. Il s'agit d'originaux de
7 l'ODPR à l'époque qui est indiquée sur ces tableaux. C'est donc à l'époque
8 que ces tableaux ont été établis. Il s'agit de documents originaux. Sept,
9 8, 9, 10 et 11, ce sont également des tableaux qui sont élaborés avec des
10 données prises dans la banque de données électronique de l'ODPR, et ce,
11 partant des renseignements qui sont tenus à jour de façon électronique sur
12 les personnes expulsées et les réfugiés en Croatie à partir de 1994.
13 Q. Maintenant, revenons au tableau numéro 1. D'où proviennent les données
14 figurant dans ce tableau ?
15 R. Les données élémentaires ont été recueillies par l'établissement de
16 l'Etat ou l'institut de l'Etat chargé de la statistique en partant de ce
17 recensement de la population effectué en 1991. On a juste rangé les données
18 de façon à exprimer l'organisation territoriale de la République de
19 Croatie. Donc c'est par villes, provinces et régions de Croatie actuelle
20 que c'est rangé, et cela se rapporte uniquement aux régions qui se
21 trouvaient à être occupées ou directement exposées à des activités de
22 combat en 1991, voire en 1998 si on parle du Podunavlje, c'est-à-dire du
23 cours du Danube.
24 Q. Vous avez expliqué d'où venaient les données de base à la base des
25 tableaux que vous avez établis, n'est-ce pas ?
26 R. C'est moi qui l'ai fait.
27 Q. Est-ce que vous avez travaillé de façon indépendante à l'élaboration du
28 rapport ?
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1 R. Oui.
2 Q. Auparavant, vous avez expliqué que ce rapport expliquait la méthode que
3 vous avez utilisée pour l'établir, n'est-ce pas ?
4 R. C'est cela.
5 Q. Ces résultats que vous avez obtenus s'appuient -- s'agissant des
6 tableaux 2 à 11, ils s'inspirent ou ils proviennent des archives
7 officielles que tenaient vos employeurs ?
8 R. C'est cela.
9 Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation demande le versement du
10 document 7415 de la liste 65 ter, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : On statuera à la fin.
12 Mme BIERSAY : [interprétation] Pour que les références soient plus faciles,
13 est-ce que vous voulez accorder un numéro MFI, Monsieur le Président ?
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous voulez, on va donner un numéro MFI.
15 Monsieur le Greffier, un numéro MFI.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document MFI
17 P 632. Merci.
18 Mme BIERSAY : [interprétation]
19 Q. Dans le premier chapitre de votre rapport, vous expliquez quelles sont
20 vos responsabilités professionnelles. Pourriez-vous en quelques mots donner
21 votre parcours professionnel aux Juges ?
22 R. J'ai fait l'école élémentaire et secondaire à Split, et pour ce qui est
23 de mes études universitaires je les ai faites à l'Université de Zagreb à la
24 faculté des lettres, à la chaire de sociologie. Donc je suis diplômée comme
25 sociologue. Je suis encore en train de faire mes études doctorales à la
26 faculté des sciences politiques de l'Université de Zagreb. L'équivalent,
27 d'après les accords de Bologne, serait ce qu'ils appellent un "Master."
28 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vais demander que
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1 la page en anglais 51, ce sera en B/C/S la page 34, que ces pages de la
2 pièce P 632 soient affichées dans un instant.
3 Q. Madame, pourrions-nous parler des tableaux 2, 3, 4, 5 et 6 de façon
4 générale. Les données de l'ODPR que nous y trouvons dans ces tableaux 2, 3,
5 4, 5 et 6, ces données, de quelle période proviennent-elles ?
6 R. Ces tableaux datent de 1992. Donc c'est la période qui est indiquée sur
7 le document. Il s'agit --
8 Q. Excusez-moi, est-ce que vous avez dit "1992" ?
9 R. Oui, 1992.
10 Q. Et de quels mois parlons-nous en 1992 ?
11 R. Pour ce qui est du premier tableau, du premier et du deuxième,
12 troisième, ils datent du mois de mars 1992.
13 Q. En mars 1992, est-ce qu'il y avait enregistrement officiel des
14 personnes déplacées dans ce qui était alors la République de Croatie ?
15 R. Non, pas encore. Les premiers enregistrements formels datent d'avril
16 1992, donc après cela. A ce moment-là, les personnes qui arrivaient en tant
17 que personnes réfugiées, elles se présentaient aux bureaux régionaux - il y
18 en avait 16 déjà formés à ce moment-là en République de Croatie - ils
19 venaient se présenter et s'enregistrer, comme il s'agit d'un système très
20 important au centre des affaires sociales, d'aide sociale qui existe dans
21 toutes les villes et toutes les municipalités de Croatie, il y en a plus de
22 100. Donc ils s'enregistraient à ces endroits-là, on leur remettait une
23 carte de réfugiés, et de manière statistique on rassemblait ces données en
24 passant par les bureaux régionaux pour les faire converger vers le bureau
25 de Zagreb.
26 Q. Est-ce que vous venez de décrire la situation qui prévalait avant le
27 mois d'avril 1992 ?
28 R. Oui.
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1 Q. Ce qui veut dire que si maintenant nous regardons le tableau numéro 2,
2 page 51 en anglais, page 34 en B/C/S, pourriez-vous nous dire ce que
3 représente ce premier tableau ?
4 R. Ce premier tableau reprend un nombre de réfugiés à ce moment-là en
5 République de Croatie, il s'agit des réfugiés d'après les endroits où ils
6 étaient installés en République de Croatie. De toute évidence, nous n'avons
7 que les grandes agglomérations ici, les grandes villes.
8 Q. Pourriez-vous nous donner le nombre total de personnes déplacées ?
9 R. 335 792.
10 Q. Regardons maintenant le deuxième tableau à la même page. Est-ce que là
11 aussi on a une illustration du nombre de réfugiés venant de Croatie qui ont
12 été installés dans d'autres pays ?
13 R. Oui, et le chiffre est celui de 125 381. Ces données ont été collectées
14 par le biais des contacts avec certains autres pays en passant le HCR, donc
15 partiellement grâce aux contacts avec des pays où les réfugiés venus de
16 Croatie ont trouvé à se placer.
17 Q. Le processus d'inscription d'enregistrement officiel formel dont vous
18 avez dit qu'il a commencé en avril 1992, est-ce que ce processus donnait
19 des données qui étaient saisies dans une base de données électroniques à
20 l'époque en avril 1992 ?
21 R. Non.
22 Q. A quel moment est-ce que ces données concernant les personnes déplacées
23 et les réfugiés, à quel moment est-ce que ça a été saisi sous forme
24 électronique ?
25 R. En 1994, après le réenregistrement [phon] des réfugiés et des personnes
26 déplacées. Parce qu'il faut savoir que ces premières tentatives
27 d'enregistrer les personnes concernées, bien, on a essayé de charger cela
28 dans une base informatisée, mais cela s'est avéré impossible faute
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1 d'organisation, faute d'équipement, et aussi parce que tout simplement les
2 moyens technologiques techniques ne permettaient pas que l'on y parvienne.
3 Donc sur le terrain, là où on a recueilli les données, on a cherché à les
4 charger dans des bases de données. En fait, ce qui s'est produit c'est que
5 seule une partie de ces données a été chargée, donc il a fallu procéder à
6 une collecte statistique de ces données de la part des bureaux régionaux et
7 de ceux qui ont travaillé sur le terrain, et j'entends là les réfugiés et
8 les personnes déplacées.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, quelques questions d'ordre technique.
10 Tableau numéro 1, il y a 326 012 personnes expulsées ou déplacées. Et en
11 dessous il y a 9 780 personnes qui n'ont pas été enregistrées, alors il y a
12 marqué "Estimation." Comment vous avez pu estimer cela, enfin, comment ça a
13 pu être estimé, puisque les personnes n'ont pas été enregistrées ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces 326 000 c'est le chiffre qui correspond au
15 nombre de personnes enregistrées. Et à l'époque, à l'époque, hélas, il y
16 avait des gens qui n'étaient pas enregistrés. Et c'est sur la base des
17 éléments qu'on avait à l'époque sur le terrain, on a estimé qu'il y en
18 avait au moins 3 %, et c'est cela qui nous a permis d'arriver à ce chiffre.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc 9 780, c'est un chiffre qui a été indiqué à
20 titre estimatif, avec la règle des 3 %. Donc total,
21 335 792.
22 Deuxième tableau, ce sont donc les réfugiés qui étaient à un moment donné
23 en Croatie et qui sont partis dans d'autres pays. Donc je suppose que dans
24 ce chiffre, il peut y avoir des personnes qui étaient, par exemple,
25 enregistrées à Dubrovnik et qui sont parties en Allemagne. Vous êtes
26 d'accord ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, non. Non, vraiment pas, pour la
28 raison suivante : le bureau des réfugiés, qui a commencé à délivrer les
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1 cartes de réfugiés, il a été constitué uniquement fin 1991. Et il faut
2 savoir une chose, à l'époque les réfugiés, bien, ils arrivaient par
3 milliers en l'espace d'une journée, donc il était difficile de les
4 enregistrer vers la fin de l'année 1991. Et il s'agit tout simplement de
5 personnes qui sont restées pendant très peu de temps dans une localité et
6 qui sont parties dans les pays tiers.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc on pourrait à ce moment-là ajouter les chiffres
8 du tableau 1 au tableau 2 et on pourrait avoir un nombre global de 460 000
9 personnes. Vous êtes d'accord ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Comment se fait-il que dans les pays il y a pas
12 marqué la Serbie ? Y a pas des réfugiés qui sont partis en Serbie ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans un autre rapport, nous y viendrons aux
14 points 3 et 4, il est fait mention des réfugiés qui sont partis en Serbie.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Ce qui paraît frappant, c'est qu'en Allemagne,
16 il y en a eu 55 000, c'est-à-dire que la République fédérale allemande
17 avait ouvert largement ses frontières aux réfugiés. Et la Hongrie aussi,
18 puisqu'il y en a 45 000.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à ce moment-là c'était cela, précisément.
20 Pour ce qui est de l'Allemagne, c'est le nombre de réfugiés qui s'est
21 maintenu pendant assez longtemps. Ils ont donné le "duldung" à ces gens,
22 donc une protection provisoire, temporaire accordée aux réfugiés, la
23 plupart de ces gens sont restés jusqu'en 1994 en Allemagne. A ce moment-là,
24 il y a eu un accord bilatéral signé entre l'Allemagne et la Croatie portant
25 sur le retour des réfugiés.
26 Il y a eu un retour systématique organisé par la suite. Ce chiffre, c'était
27 au départ avec l'Allemagne et ce chiffre a même crû par la suite avec
28 l'arrivée des réfugiés de Bosnie-Herzégovine. Là vous n'avez que les
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1 réfugiés de Croatie à l'époque.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Comment vous expliquez que la Suisse, pays du statut
3 des réfugiés, il y en a que 164 ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le chiffre officiel à l'époque, donc
5 c'était ça le chiffre du départ. Bien sûr que ce chiffre a augmenté avec le
6 temps en Suisse, et la Suisse, comme tous les autres pays, bien, n'a pas
7 voulu donner des estimations, des évaluations. Pour les autres pays vous
8 avez, pour l'essentiel, des estimations donc qu'il s'agisse de la Suisse ou
9 du HCR.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien.
11 Mme BIERSAY : [interprétation]
12 Q. Vous avez décrit le nouveau processus d'enregistrement qui s'est
13 produit en 1994. A ce moment-là il y a eu saisie dans une base de données
14 électronique. Est-ce qu'il y a eu un autre processus de réenregistrement en
15 1994 ?
16 R. En 1997, on a procédé à un réenregistrement, parce qu'entre-temps il y
17 a eu des évolutions très importantes parmi les réfugiés et les personnes
18 déplacées à cause du retour au foyer.
19 Mme BIERSAY : [interprétation] Peut-on maintenant montrer le neuvième
20 tableau, page 79 en anglais, page -- excusez-moi. Non, c'est plutôt le
21 septième tableau qui m'intéresse. En anglais ce sera la page 77, en B/C/S
22 la page 60.
23 C'est un tableau assez grand, vous le voyez. Ce qui m'intéresse, on a :
24 "Comté Vukovar-Srem," et l'autre partie qui m'intéresse, c'est celle qui
25 dit : "Ville de Vukovar, comté de VS," qui se trouve à gauche.
26 Q. Vous avez trouvé ce document dans votre classeur ? Ce sera peut-être
27 une lecture plus facile.
28 Ce tableau est intitulé "Statistiques portant sur les personnes expulsées,"
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1 n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Après le processus de réenregistrement, est-ce qu'il y a eu un autre
4 chiffre qui a été établi et dire le nombre de personnes placées ?
5 R. Oui.
6 Q. Quel était ce chiffre ?
7 R. Donc, après ces quelques enregistrements, on a atteint le chiffre de
8 réfugiés que vous trouvez ici dans ce tableau; 220 338. Ce chiffre
9 correspond aux personnes déplacées venues de différentes régions occupées
10 la République de Croatie et cela concerne également des régions qui se
11 situent près des zones de délimitation, donc c'est la Croatie jusqu'en
12 1995.
13 Q. D'après vos statistiques et vos données, à quel moment est-ce que la
14 plupart de ces gens ont été déplacés ?
15 R. Il ressort très clairement des statistiques que la majorité de ces gens
16 ont été expulsés pendant cette période jusqu'à la fin de l'année 1991; donc
17 depuis l'été jusqu'à la fin de cette année-là, 1991. S'agissant des
18 personnes expulsées de 1991 à 1995. Si on parle de la vallée du Danube
19 jusqu'à la réintégration pacifique en 1991 de la vallée du Danube, ces gens
20 ont été déplacés pendant quatre à sept ans, pratiquement. Puis nous avons
21 mentionné dans les chiffres précédents qui datent de 1992, un chiffre moins
22 important, parce qu'à ce moment-là la population dans les grandes villes
23 exposées à des attaques a également quitté ses foyers et s'est déplacée,
24 s'est mise à l'abri, en fait, ailleurs en Croatie.
25 Q. Lorsque nous examinons ce tableau, est-ce que vous pourriez nous dire
26 quel est le nombre de personnes déplacées dans le comte de Vukovar-Srem ?
27 R. Pour ce qui est de la région de Vukovar-Srem, on la retrouve à deux
28 endroits, parce qu'il y a eu des dates différentes d'expulsés sur lesquels
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1 on s'est basé pour les calculs. Donc pour la région de Vukovar-Srem, c'est
2 32 470, plus la partie qui concerne uniquement la ville de Vukovar, 23 174.
3 Et là il faut prendre en considération qu'entre-temps il y a eu des
4 naissances, 1 357 naissances, pour ce qui est de Vukovar. Et pour ce qui
5 est de la région, 2 250. Donc ce qui nous a permis d'arriver au chiffre
6 total de personnes déplacées pour la région de Vukovar-Srem. Donc 23 174
7 plus 32 470.
8 Q. Partant de l'analyse que vous avez faite des données que vous aviez à
9 votre disposition, est-ce que vous avez pu déterminer quel était le groupe
10 prédominant qui a été déplacé ?
11 R. Le groupe le plus important de personnes déplacées ce sont les
12 personnes qui ont été expulsées à la date du 18 novembre 1991. Si l'on
13 parle de la ville de Vukovar. Si l'on parle du reste de la région de
14 Vukovar-Srem, donc des localités aux alentours de Vukovar, jusqu'au 20
15 octobre 1991.
16 Q. Pourriez-vous nous dire si la plupart de ces personnes -- ou plus
17 exactement, quelle était l'appartenance ethnique de la plupart de ces
18 personnes, je parle des personnes qui ont été déplacées ?
19 R. La majorité des personnes déplacées sont des Croates, c'est ce que l'on
20 retrouve au tableau numéro 9. Mais pour ce qui est du chiffre total, 205
21 215 Croates, nous avons aussi des chiffres qu'on peut voir dans ce tableau.
22 Pour ce qui est de la région de Vukovar-Srem et la ville de Vukovar, nous
23 constatons 29 770 Croates plus
24 21 235 Croates s'agissant de la ville de Vukovar elle-même. Parmi les
25 personnes déplacées il y avait aussi des Serbes - il ne faut pas les
26 oublier - en tout 500 - je vais essayer de faire l'addition, 570 personnes
27 d'appartenance serbe. Le reste ce sont des membres d'autres groupes
28 ethniques qui vivaient dans ces régions de Croatie. Et il faut savoir que
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1 dans cette partie-là de la Croatie, il y avait beaucoup de groupes
2 ethniques différents; il y avait des Hongrois, des Ruthènes, des
3 Ukrainiens, et cetera.
4 Mme LE JUGE LATTANZI : Madame, j'ai une question générale en ce qui
5 concerne ces tableaux, en particulier l'intitulé de ces tableaux.
6 Parce qu'on parle de "personnes expulsées," donc on aurait la motivation du
7 déplacement. Est-ce qu'on a pu déterminer qu'ils se sont déplacés, qu'ils
8 ont été déplacés parce qu'expulsés ou il y a peut-être quelqu'un qui aurait
9 quitté volontairement ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de personnes qui ont été expulsées
11 littéralement. Ces gens sont partis de leur localité à cause des
12 pilonnages, parce que il y a eu entrée, pénétration directe des unités de
13 la JNA de l'époque, ou des unités paramilitaires serbes. Donc ces gens ont
14 été obligés de quitter leur maison.
15 Dans certains cas, comme le cas de Vukovar, d'Ilok et de quelques autres
16 localités, donc il y a eu des sièges, un encerclement total de certaines
17 agglomérations, localités, ces gens ont simplement été obligés de partir.
18 En partie, l'armée les a mis à bord des autocars et les a déportés de leurs
19 localités. Dans beaucoup de situations les gens se sont enfuis devant les
20 unités militaires qui entraient dans leur localité, les gens ont été
21 obligés de quitter leurs foyers.
22 Puis ceux dont il est question ici dans ces tableaux, ce sont des personnes
23 déplacées qui ont trouvé à se reloger dans d'autres régions libres de la
24 République de Croatie qui n'étaient pas occupées à ce moment-là, donc
25 c'étaient des régions sous le contrôle des autorités légitimes de la
26 République de Croatie.
27 Mme LE JUGE LATTANZI : Vous êtes d'accord que vous prenez, vous utilisez
28 dans ces tableaux une mention très large d'expulsion ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit une notion très
2 large lorsqu'on parle d'expulsion, parce que expulsion ici parle de la
3 substance même de la définition du statut du réfugié, reconnue
4 internationalement. Donc il s'agit de personnes qui, vu leur peur justifiée
5 et vu le danger qui pesait sur leurs vies, ont quitté leurs foyers, leurs
6 lieux de résidence.
7 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
9 Je pense que le Procureur devrait avant la pause nous procurer une
10 définition des "réfugiés" et des "personnes déportées" conformément aux
11 conventions internationales. Parce que dans ce rapport nous avons la
12 définition qui est celle de la loi croate, et de là que vient la confusion
13 entre les "réfugiés" et les "personnes déplacées."
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est pour ça que la Juge Lattanzi a posé des
15 questions. Vous imaginez bien que si on pose des questions c'est qu'on se
16 pose des problèmes de nature juridique.
17 Bien. Madame Biersay, il doit vous rester même pas dix minutes, alors
18 terminez.
19 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Madame, vous venez de décrire certains chiffres. A votre avis, est-ce
21 qu'ils englobent toutes les personnes qui relèvent de la catégorie des
22 personnes déplacées, lorsque nous parlons de l'ex ou de l'ancienne
23 République de Croatie ?
24 R. Ces chiffres comprennent les personnes, puisque là nous avons les
25 données qui sont celles de notre base de données - je vous ai dit qu'elle
26 est gérée de manière informatisée depuis 1994 - donc ces chiffres
27 comprennent les personnes qui ont été expulsées à ce moment-là, et qui,
28 pendant une période prolongée, donc au moins depuis 1991 jusqu'en 1995,
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1 voire 1998, ont eu ce statut.
2 Cependant, ce que l'on n'a pas ici ce sont des renseignements sur des
3 personnes qui ont été réfugiées de 1991 à 1994, donc le moment en avril où
4 il y a eu l'enregistrement, et qui, entre-temps, ont quitté la République
5 de Croatie pour se rendre dans des pays tiers sans retourner en Croatie.
6 Donc ils sont restés dans d'autres pays, et donc qu'ils sont passés, qu'ils
7 ont transité par la Croatie, puis une partie de personnes qui, pour des
8 raisons personnelles, n'ont pas cherché à s'enregistrer. Et c'est --
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, Madame, je voudrais une petite précision.
10 Bon, les chiffres, ils sont impressionnants et on ne va pas les discuter en
11 ce qui concerne la quantité, mais je voudrais que vous me répondiez de
12 manière très précise à la situation théorique suivante : imaginons qu'un
13 village X fait l'objet d'une offensive militaire de la JNA, par exemple, et
14 les gens de ce village quittent ce village parce qu'on tire sur eux. Ces
15 gens qui quittent le village, vous les considérez comme des personnes
16 expulsées ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien.
19 Imaginons qu'à 40 kilomètres de là un autre village, ils apprennent
20 que dans le village X, la JNA a tiré des obus, et qu'à 40 kilomètres de là
21 le village Y, les gens quittent leurs maisons et partent. Ces gens-là, vous
22 les considérez comme des personnes expulsées ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1991, ces gens avaient été considérés comme
24 étant des expulsés. Mais vous devez savoir que nos premiers décrets, qui
25 définissaient de façon précise qui est-ce qui était les personnes expulsées
26 dès 1991 et ultérieurement en 1992, ont précisé les choses. En 1992, on
27 définit déjà que les personnes originaires de la localité d'Osijek, qui
28 avait été bombardée à ce moment-là - ce n'est pas un village avoisinant,
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1 c'est une grande ville, où il tombait des obus directement - et bon nombre
2 de personnes ont quitté cette localité, notamment des mères avec leurs
3 enfants. Et dès ce moment-là, on a précisé que c'étaient des personnes
4 qu'on ne pouvait pas considérer comme étant des expulsées, étant donné que
5 leurs maisons n'ont pas été endommagées et ils pouvaient revenir chez eux,
6 ces gens.
7 Donc on estimait que les personnes expulsées c'était, en 1992 déjà, en
8 application de la réglementation croate, rien que les personnes qui ne
9 pouvaient pas retourner chez elles, parce que leurs villages, localités,
10 villes étaient occupés à part entière et sous contrôle des forces serbes.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : N'essayez pas d'embrouiller la réponse, ma question
12 était très précise. Je vous ai donné un cas théorique où je vous demande -
13 et je ne vous demande pas d'entrer dans le détail des décrets ou autres -
14 si, dans le village Y, situé à 40 kilomètres du village X ou de la ville X,
15 les gens partent d'eux-mêmes, alors même que la JNA n'est même pas là, je
16 vous demande de me dire, ils sont expulsés, oui ou non, d'après vous ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas pour cette raison seulement, à ce moment-
18 là, ce n'est pas le cas.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Et si la JNA ne va pas là, ce village, ils le
20 laissent de côté parce qu'il n'a aucun intérêt, ils n'y vont pas. Les
21 villageois qui vont s'enregistrer à Zagreb, ils sont considérés comme
22 déplacés ou expulsés?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils ne figurent pas dans les 220 338
24 expulsés.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc ceux-là, ils ne peuvent pas figurer parce
26 qu'ils peuvent retourner chez eux ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Merci.
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1 Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation n'a plus de questions à poser
2 au témoin, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de faire la pause, et puis après M. Seselj
4 embraiera, j'ai quelques questions de nature technique à vous poser.
5 J'ai lu dans votre CV que vous aviez commencé dans l'activité
6 professionnelle comme journaliste. Et vous étiez dans l'agence Hina. En
7 tant que journaliste, quel était votre secteur de couverture journalistique
8 ? Vous faisiez la politique, les faits divers, le sport, l'environnement ?
9 Quelle était votre spécialité ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Politique intérieure.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Politique intérieure. Et particulièrement quel
12 secteur d'activité politique ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai travaillé à l'époque, j'étais jeune
14 journaliste débutante, à Zagreb; et je couvrais essentiellement les
15 événements survenant à Zagreb en 1992 jusqu'à la fin de 1993. Date jusqu'à
16 laquelle j'y ai travaillé.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites les "événements," on doit comprendre les
18 événements politiques ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, par exemple, les conférences de
20 presse de toutes sortes, ensuite les visites d'hommes politiques étrangers
21 à Zagreb. La Hina est une agence de presse qui couvre bon nombre
22 d'événements survenant à Zagreb que d'autres journaux ne vont pas couvrir,
23 par exemple. Et on ne vaque qu'à des nouvelles. On ne fait pas d'articles,
24 d'interviews et ce genre de choses, on fait juste de l'information.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : L'agence Hina était une agence totalement
26 indépendante du pouvoir ou une agence sous contrôle ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une agence de l'Etat.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc sous contrôle ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, comme il s'agit d'une agence de l'Etat,
2 oui. La question de savoir si c'est une agence de l'Etat ou pas, ça n'a
3 rien à voir avec l'indépendance de cette agence, en sa qualité de maison
4 chargée des médias; mais c'est une propriété de l'Etat, pour sûr.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Tout au début, je vous ai posé la question sur
6 les déplacés serbes, c'est-à-dire les habitants de nationalité croate mais
7 d'ethnie serbe. Cette catégorie de personnes, à votre avis, il y en a
8 combien qui ont quitté leur domicile ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est très difficile de parler ici de mes
10 opinions. Je peux parler de choses que je connais, qui sont des faits. Ce
11 que je sais, quand on parle de réfugiés de Croatie, à savoir de citoyens du
12 groupe ethnique serbe qui ont quitté la République de Croatie.
13 Malheureusement, nous n'avons pas de registres précis à ce sujet, des
14 registres portant sur le nombre de réfugiés du groupe ethnique serbe se
15 trouvant pour la plupart en Serbie et un peu moins d'entre eux se trouvant
16 en Bosnie-Herzégovine, très peu se trouvant au Monténégro encore. Nous
17 n'avons jamais eu de données précises à ce sujet. Différentes organisations
18 internationales, y compris une partie de l'opinion publique serbe de
19 Serbie, ont utilisé des évaluations variées. Malheureusement, nous n'avons
20 pas pu procéder à des échanges de renseignements concernant les réfugiés
21 originaires de la Croatie et qui ont fui vers la Serbie pour déterminer le
22 nombre exact de ces personnes.
23 Ce que nous savons, c'est ce qui se rapporte aux gens qui sont entre-temps
24 revenus en République de Croatie, qui se sont enregistrés chez nous et au
25 sujet desquels nous avons des fichiers. Il s'agit de près de 127 000
26 personnes en ce moment-ci. Etant donné que l'administration où je
27 travaille, entre autres, vaque au retour des Serbes en République de
28 Croatie, et tient des fichiers au sujet de gens qui sont enregistrés en
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1 tant que personnes rapatriées.
2 Pour ce qui est maintenant des données du moment, en Serbie il y a à peu
3 près quelque 70 000 réfugiés originaires de Croatie qui se trouvent
4 hébergés là-bas. Les évaluations selon les organisations varient autour
5 d'un même chiffre, mais dans une grande mesure, ça se trouve être plutôt
6 imprécis, et je peux très difficilement parler de chiffres car il s'agit
7 plutôt et uniquement d'évaluations.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur un autre sujet, peut-être vous pouvez nous
9 apporter des lumières.
10 Nous avons entendu plusieurs témoins qui sont venus nous parler
11 d'échanges d'appartements. A l'époque, certains vivaient en Croatie, puis
12 c'étaient des Serbes, et on leur a demandé de partir et d'échanger leurs
13 appartements avec des Croates qui vivaient dans des zones serbes. Et donc
14 on a entendu les témoins qui, preuve à l'appui, nous ont montré des
15 contrats d'échanges d'appartements. Et on a un certain nombre d'éléments en
16 la matière.
17 A votre connaissance, vous qui avez travaillé dans les statistiques, dans
18 les chiffres, ces gens-là, qui ont échangé leurs appartements, ont-ils été
19 répertoriés dans les statistiques, et ont-ils été considérés comme des
20 déplacés ou comme des réfugiés ?
21 Avant de répondre à la question, saviez-vous que ça existait ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'une telle chose a existé.
23 Cependant, lorsqu'on parle de cela, une grande partie se rapporte aux
24 réfugiés venus en Croatie en provenance de Serbie. Pour être tout à fait
25 précise, un bon nombre de gens sont venus de Vojvodine. Ils sont venus en
26 Croatie en procédant à des échanges de biens avec des gens qui ont décidé
27 de quitter la Croatie, ce sont des citoyens du groupe ethnique serbe.
28 Ultérieurement la même chose est arrivée avec des réfugiés originaires de
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1 Bosnie-Herzégovine. Donc il n'y a pas eu d'échange de maisons seulement
2 avec la Vojvodine, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine.
3 Cependant, pour ce qui est des gens de la Vojvodine, une partie de ces
4 personnes se trouvent être fichées chez nous comme étant des réfugiés. Nous
5 avons un registre à part parce qu'ils sont venus d'un autre Etat vers la
6 République de Croatie. Cependant, une partie des gens qui ont échangé leurs
7 maisons ne se sont pas enregistrés chez nous en tant que réfugiés. Ils
8 n'avaient pas besoin de le faire étant donné qu'ils pouvaient échanger
9 leurs biens, donc ils savaient où habiter et une partie de ces personnes
10 n'ont pas ressenti le besoin de s'enregistrer en tant que réfugiés pour
11 recevoir des avantages, avantages du point de vue de l'obtention d'un
12 hébergement, de vivres, d'une protection médicale, parce que ce sont des
13 gens qui, très rapidement, se sont procurés une nationalité croate, puisque
14 c'étaient des ressortissants de la minorité ethnique croate résidant
15 auparavant en Serbie.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est important ce que vous venez de dire. Vous
17 dites qu'il y a donc, si je comprends bien, des Croates qui venaient de la
18 Vojvodine, qui ont échangé leurs appartements avec des Serbes qui étaient
19 en Croatie, mais qui n'ont pas éprouvé la nécessité de s'enregistrer comme
20 réfugiés parce qu'ils s'estimaient Croates et du coup ils n'ont pas demandé
21 des aides. Et ce type de cas, il y en a eu beaucoup à votre connaissance ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces gens étaient en bon nombre, je ne peux pas
23 vous donner de chiffre exact. Ce que je nous avons recensé en tant que
24 réfugiés - et là nous ne parlons pas du fait de savoir si c'était tous ou
25 si c'était certains d'entre eux - mais nous avons, toujours est-il, des
26 réfugiés originaires de Vojvodine, 5 131 personnes. Et sur ce chiffre, pour
27 3 337, nous avons des données disant que ce sont des gens du groupe
28 ethnique ou de nationalité croate.
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1 Nous n'avons pas de renseignements pour 1 511 personnes qui, au
2 départ, ne s'étaient pas fichées comme réfugiés, mais à partir de 2002,
3 lorsque la Croatie a ouvert cette possibilité, ils ont demandé notre aide
4 pour ce qui est d'une assistance au logement. Donc il y a des personnes qui
5 sont venues en procédant à des échanges de biens, qui ne se sont pas
6 fichées comme réfugiés, parce qu'à ce moment-là ils n'ont pas eu besoin
7 d'une protection du type hébergement, mais ultérieurement ils se sont
8 présentés. Les gens qui, à ce moment-là, dans l'immédiat, étaient dans la
9 nécessité se sont enregistrés comme réfugiés.
10 Je pense que c'était pour des raisons plutôt personnelles que pour
11 des sentiments de telle ou telle nature pour, par exemple, s'enregistrer en
12 tant que réfugié ou pas. Parce qu'on avait estimé que c'était un domaine
13 humanitaire et qu'on avait besoin d'une assistance si on était enregistré
14 en tant que réfugié. Et c'est en 1995 que les choses ont considérablement
15 évolué, que cela avait à voir avec, par exemple, une présentation de
16 demande pour une assistance à reconstruire ou à retaper la maison lorsqu'on
17 devait rentrer chez soi, c'était différent que quand on n'avait pas de
18 maison du tout.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Ma dernière question. Vous êtes haut
20 fonctionnaire dans la République de Croatie, donc censée être au courant de
21 ce qui peut se passer actuellement. A votre connaissance, y a-t-il eu
22 maintenant -- enfin y a-t-il maintenant des contentieux de personnes qui, à
23 l'époque, avaient échangé leurs appartements et qui, s'étant rendu compte
24 qu'elles avaient été victimes de l'échange, parce que le bien échangé en
25 valeur ne correspondait pas à leur propre bien, est-ce que votre
26 gouvernement a été saisi de ce type de contentieux ou bien y a-t-il des
27 procès en cours en la matière, ou vous ne savez rien ?
28 Et si je vous pose la question -- parce que nous, on a eu quelques
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1 témoins qui nous ont dit que dans l'échange ils avaient été défavorisés, et
2 cetera.
3 Ma question, elle est très simple. Est-ce que vous avez eu
4 connaissance de gens qui ont échangé ces appartements à l'époque et qui
5 maintenant font des procès ou demandent des réparations ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de ce type de choses, nous n'avons
7 pas tenu de fichiers à jour pour ce qui est de ces litiges-là.
8 Dernièrement, je n'ai pas ouï-dire qu'il y a eu des procès individuellement
9 diligentés à ce titre; mais comme cela ne fait pas partie du domaine
10 d'intervention de mon ministère, je ne suis pas censée savoir si procès il
11 y a ou pas. Mais je dois reconnaître que je n'ai pas entendu parler de
12 procès de ce type, ce que j'ai appris, c'est qu'il y a eu des procès
13 auparavant. Mais de quels procès au juste il s'agit, je ne sais pas, j'ai
14 vaguement entendu parler de procès lorsqu'il s'est agi d'échanges de biens
15 avec la Bosnie-Herzégovine. Maintenant si vous me posez une question au
16 sujet de chiffres, là je ne sais pas vous répondre du tout.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Ultime question - et rassurez-vous, ce sera la
18 dernière question - ces gens qui ont échangé des appartements et qui sont
19 venus, par exemple, de la Vojvodine, qui sont venus à Zagreb ou dans les
20 environs.
21 A votre connaissance, dans les années postérieures, et puis peut-être même
22 encore maintenant, est-ce qu'il y en a qui retournent en Vojvodine, ou bien
23 ils sont contents et tout le monde reste où ils sont maintenant. Et s'il y
24 en a qui sont repartis, quel est le pourcentage ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas connaissance du fait que l'une de
26 ces personnes-là soit revenue chez elle. Et d'après ce que j'en sais, pour
27 l'essentiel ces gens ne sont pas rentrés chez soi. Qui plus est, une partie
28 des familles qui à un moment donné étaient venues en Croatie avaient fait
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1 venir par la suite le reste de la famille qui était peut-être restée là-bas
2 en Serbie, ce qui fait que dans la réalité la plupart des membres de la
3 famille sont restés en Croatie et vivent encore en Croatie. De là à savoir
4 s'ils sont contents ou pas contents, ça, il faudra leur poser la question à
5 eux. Mais ce que l'on sait d'une manière générale, lorsqu'il s'agit de
6 réfugiés et choses qu'ont montré les recherches effectuées au niveau
7 international, non seulement ceux des Croates qui sont partis de Serbie
8 vers la Croatie, mais ceux qui sont partis de la Croatie, des Serbes de la
9 Croatie qui sont partis vers la Serbie, au bout de quelques années, la
10 situation familiale évolue et selon les cas les gens décident s'ils vont
11 oui ou non rentrer. Ça n'a rien à voir avec le fait d'être satisfait ou
12 pas. Les parents, c'est une chose. Les enfants, c'est tout à fait autre
13 chose. Les personnes âgées c'est une troisième chose encore, les grands-
14 parents, les grands-pères et grands-mères. Nous parlons de gens qui sont
15 des êtres vivants, des êtres humains.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Peut-être que mes collègues ont des questions.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
18 Madame Radic, si j'ai bien compris, le rapport que vous avez préparé
19 concernait pour l'essentiel l'enregistrement des personnes qui ont quitté
20 certaines régions pour aller s'installer dans d'autres zones, et la
21 question que je voudrais vous poser c'est de savoir si vous avez des
22 informations sur la manière concrète pratique dont tout cela s'est
23 organisé. Et je vous pose la question pour la raison suivante : quand on a
24 des centaines de milliers de personnes qui se déplacent dans une direction
25 et que dans le même moment vous avez à peu près le même nombre de personnes
26 qui se déplacent dans le sens inverse, ça représente un problème logistique
27 considérable, et ce que je me dis c'est que cela nécessite une organisation
28 considérable.
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1 Je voudrais donc savoir si vous savez comment ça s'est organisé
2 concrètement tout cela ? Par exemple, comment une famille qui venait d'un
3 endroit donné et qui estimait devoir quitter sa maison pour aller, par
4 exemple, de Vukovar à Zagreb, comment cette famille-là s'y prenait-elle
5 concrètement pour trouver une maison vide à Zagreb sans faire appel à une
6 organisation privée, ou aux instances gouvernementales, et cetera ? Il
7 semble que forcément il devait y avoir une organisation soit au niveau des
8 particuliers, soit quelque chose d'organisé au niveau de l'Etat afin de
9 maintenir un certain niveau d'ordre et d'organisation dans tout cela.
10 Est-ce que vous pouvez nous donner quelques explications à ce sujet ?
11 LE TÉMOIN : Absolument. Je crois que cela figure dans mon rapport de façon
12 assez détaillée. En fait, en ces temps-là l'organisation qui a d'abord pris
13 en charge ces personnes expulsées et réfugiées c'était le ministère du
14 Travail et des Affaires sociales de l'époque. Ce ministère couvrait le
15 secteur des affaires sociales, et sur le territoire de la Croatie, dans la
16 plupart des villes et des municipalités, il y a des centres sociaux qui
17 faisaient partie à l'époque dudit ministère, dont ils étaient les antennes
18 locales, sur le terrain. Par ailleurs ils répondaient aux besoins des
19 familles en situation difficile, des enfants handicapés, des invalides,
20 des personnes en situation précaire, et ils avaient leurs principes. Et il
21 y avait dès ces temps-là une organisation de la Croix-Rouge croate qui,
22 dans une grande partie des villes et des municipaltés de la République de
23 Croatie, avait des antennes et un personnel à soi.
24 Alors quand on prend tout ceci en considération, à la fois le ministère à
25 l'intérieur duquel ce bureau des personnes expulsées et réfugiées a d'abord
26 été crée en 1991 et cet organe indépendant du gouvernement qu'était le
27 Bureau des personnes expulsées et des réfugiés, c'était eux qui avaient
28 organisé l'accueil des gens sur les territoires libres de la République
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1 de Croatie.
2 Alors pour qu'on ne se fasse pas une idée déformée des choses telles
3 qu'elles se passaient, dans certains cas d'expulsion il y a eu des gens
4 qui, simplement, avaient fui leurs maisons en prenant dans leurs mains des
5 sacs et rien d'autre, littéralement rien d'autre. Dans plusieurs cas
6 notoirement connus c'est arrivé. Drnis, par exemple, les gens de Drnis sont
7 devenus ainsi des personnes expulsées. Bon nombre de personnes de la Lika
8 sont devenues des personnes expulsées. Dans les secteurs autour de Slunja
9 qui, devant l'arrivée des unités militaires suite à des pilonnages
10 intensifs, avaient tout simplement fui leur propre maison. Et une partie de
11 ces départs faisait que les gens quittaient carrément leurs villages.
12 Certains avaient des moyens de transport, d'autres n'avaient rien. Et à
13 certains endroits ils étaient accueillir par quelqu'un. Alors cet accueil
14 était plutôt chose compliquée.
15 Dans les cas tels que Vukovar ou Ilok, les gens sont partis à bord
16 d'autobus. Vukovar, c'est la date du 18 novembre. C'était l'anniversaire
17 hier justement, c'était l'anniversaire de l'entrée de la JNA et des
18 paramilitaires de Vukovar, ils ont emprisonné toute la population qui était
19 restée là-bas et qui s'était rassemblée dans plusieurs localités. Et le
20 jour d'après les civils, les femmes, les enfants et les vieillards, ont été
21 installés à bord d'autobus et en passant par Novi Sad, la Bosnie, ils ont
22 été déportés vers la Croatie, en passant par Slavonski Brod, Djakovo et
23 Zagreb. Une partie des gens -- enfin on savait que ces autocars allaient
24 venir, et les gens ont été accueillis même dans des salles de sport. La
25 Croix-Rouge était celle qui avait organisé des vivres pour ces personnes.
26 Donc il y a eu un QG civil qui avait organisé l'accueil de ces personnes.
27 C'était donc la mission la plus pénible, parce que c'étaient des grands
28 groupes de personnes en arrivant telles que, par exemple, à partir de
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1 Vukovar ou ultérieurement à partir d'Ilok.
2 Donc une partie des gens ont été accueillis à Slavonski Brod, à Djakovo
3 pour ce qui est de Ilok, et le plus grand groupe a été accueilli à Zagreb.
4 La majorité ont abouti à Zagreb. Dans une journée, en quelques heures donc,
5 il y a eu 3 000 habitants de Vukovar d'accueillis à Zagreb, où l'on a
6 organisé un hébergement, et ce, dans les bâtiments de la foire de Zagreb.
7 Le jour d'après ou les jours d'après, on a ouvert les hôtels de Zagreb,
8 tous les hôtels de Zagreb - et nous parlons d'hôtels à cinq étoiles, quatre
9 étoiles - où on a hébergé ces gens. Parce qu'à l'époque, nous n'avions pas
10 de cités destinées aux réfugiés pour pouvoir les loger là-bas, donc on les
11 a d'abord installés dans des, par exemple, des maisons de repos à la mer,
12 en bord de mer. Ou alors on les accueillait dans des salles de sport ou
13 dans des locaux ou des maisons d'habitation plus grandes, par exemple, des
14 écoles. Et alors on les envoyait ailleurs. Une grande partie de ces
15 personnes ont également été accueillies chez des membres de leurs familles
16 respectives, chez la famille, ensuite ces gens-là ont demandé l'assistance
17 de l'Etat pour être hébergés ailleurs. Donc ils arrivaient dans ces grands
18 centres d'accueil, et nous les envoyions plus loin.
19 Mais à l'époque, tous les hôtels au bord de la mer Adriatique étaient
20 ouverts pour accueillir les réfugiés, Et ça été le cas pendant assez
21 longtemps. Tous les hôtels notoirement connus de nos jours avaient servi de
22 zone d'accueil.
23 Par exemple, à Dubrovnik, pour que vous ayez une image de ce qu'on
24 dit, il y avait, par exemple, 11 000 réfugiés d'accueillis là-bas - on peut
25 le voir dans l'un des tableaux - enfin, de personnes expulsées, pour être
26 plus précis, c'étaient des personnes expulsées de leurs villages de Croatie
27 vers d'autres régions.
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Merci beaucoup,
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1 Madame. Je pense qu'il faut faire une pause, mais je voudrais vous demander
2 ceci, je vous donne la question dès maintenant, vous pourrez réfléchir
3 pendant la pause. A partir du moment où étaient arrivés les réfugiés, vous
4 avez été installés dans ces hôtels, dans ces établissements scolaires,
5 notamment. Les autorités, les institutions qui aidaient, assistaient ces
6 réfugiés, comment savaient-elles qu'il y avait des maisons vides, car je
7 suppose qu'il y a eu inscription, enregistrement, disons, de Serbes qui ont
8 quitté Zagreb, qui sont partis de Zagreb pour rentrer en Serbie, de telle
9 sorte que les autorités en Croatie savaient quelles étaient les maisons
10 qu'il était possible de mettre à la disposition des réfugiés qui seraient
11 venus de Vojvodina ou d'ailleurs. Deuxième question à cet égard : savez-
12 vous s'il y a eu une coopération quelconque entre les autorités croates et
13 les autorités serbes pour organiser tout cela ? Voilà les deux questions
14 que je voudrais soumettre à votre réflexion.
15 Mais je pense que le moment de la pause est venu.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On fait une pause de 20 minutes.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 02.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 22.
19
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Madame, vous avez eu la pause. Pouvez-
21 vous répondre à la question de mon collègue, le Juge Harhoff ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ainsi donc, pour ce qui est de la première
23 question ou ce qui vous intéresse, ce sur quoi porte votre question est de
24 savoir comment les autorités étaient mises au courant de l'existence des
25 maisons qui étaient disponibles pour les réfugiés arrivés de Vojvodine ou
26 d'ailleurs. Je vais essayer d'être un peu plus précise.
27 Pour ce qui est du bureau gouvernemental chargé des réfugiées et des
28 personnes déplacées qui, à ce moment-là, s'occupait de la prise en charge
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1 d'installations des réfugiés et des personnes déplacées, donc le bureau des
2 réfugiés, des personnes déplacées et des rapatriés était l'organe
3 compétent. Mais de 1991 à 1995, n'avait pas de liste de maisons ou
4 d'appartements disponibles où on pourrait prendre en charge les réfugiés et
5 les personnes déplacées. Donc on les plaçait uniquement dans des centres
6 d'accueil organisés. Comme je l'ai déjà dit, à l'époque c'était tous les
7 hôtels, des maisons de centres de vacances, des installations réservées aux
8 ouvriers sur des chantiers, puis nous avons procédé à la création des
9 cités.
10 En 1994, grâce à l'aide du gouvernement allemand, en fait, ça a commencé
11 dès 1993, mais en 1994 près d'Osijek, près de Karlovac et près de Vinkovci,
12 nous avons pu ouvrir le premier centre organisé pour réfugiés dans Osaka
13 [phon]. Il y avait plus de 3 000 personnes d'accueillies. Nous n'avons pas
14 placé des gens chez des particuliers. Pour ce qui est des particuliers,
15 c'étaient leurs proches, leurs amis ou des parents qui leur cédait une
16 maison ou qui les plaçaient chez eux, avec eux. Il est arrivé par la suite
17 qu'en partie, les gens qui ont été installés de telle manière, ne pouvaient
18 plus rester, donc ils s'adressaient à nous, à l'institution de l'Etat pour
19 les aider.
20 Pour ce qui est des maisons ou des appartements abandonnés par des Serbes,
21 entre autres, il relevait de la compétence de ma direction, celle dont je
22 suis l'employée, de placer dans des logements des réfugiés qui rentrent de
23 Serbie, en particulier de ceux qui avaient des contrats de location avant
24 de partir. Les tribunaux croates, en se basant sur la législation croate,
25 pour ceux qui, avant, avaient le droit d'usufruit, prononçaient des
26 jugements sur la perte d'usufruit lorsqu'il était confirmé que pendant six
27 mois, pendant plus de six mois un tel n'était plus résidant dans
28 l'appartement ou la maison en question. Mais à l'époque, ce sont les villes
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1 et les municipalités qui géraient ce parc de logements, ce n'était pas le
2 bureau gouvernemental chargé des réfugiés et des personnes déplacées. Par
3 conséquent, je ne peux pas savoir comment on a placé des gens dans ces
4 logements.
5 Ce qu'on sait, parce qu'il s'est avéré avec le temps qu'un certain nombre
6 de ces personnes se sont adressées à nous pour qu'on les aide, donc nous
7 savons que des décisions ont été prononcées; mais ce n'était pas en 1991.
8 C'était bien plus tard, de 1992 à 1995 donc qu'on a placé un certain nombre
9 de personnes dans ces logements.
10 Là où l'Etat a organisé le séjour des réfugiés, c'est bien plus tard, c'est
11 en 1996 dans les régions libérées après l'opération Tempête, par exemple.
12 Mais nous ne le faisions pas nous, ma direction, cela ne relevait pas de ma
13 compétence. Nous, on ne pouvait placer les réfugiés et les personnes
14 déplacées que dans des centres d'accueil organisés, nous n'avions pas à
15 notre disposition des logements pour y installer des gens.
16 Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir est-ce qu'il y avait une
17 coopération de mise en place à l'époque entre la Croatie et la Serbie. Ce
18 type de coopération, tout simplement, n'a pas existé à ce moment-là. Aucune
19 coopération qui aurait porté sur l'accueil des gens. Non, cela n'a pas
20 existé à ce moment-là, tout simplement. On était en guerre. C'est ce que je
21 peux vous dire sur la base de ce que j'en sais.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
23 Certains des témoins qui sont venus déposer avant vous dans le cadre de ce
24 procès nous ont dit que du côté des Serbes il y avait une organisation
25 privée qui s'appelait Lasta, et que cette organisation a réussi à fournir
26 une certaine assistance, du côté serbe, aux réfugiés venus en Serbie, je
27 pense. Ce qui m'intéressait, c'était de savoir si vous, vous avez
28 connaissance de l'existence d'une organisation privée similaire mais du
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1 côté croate, organisation qui aurait pu apporter son aide, notamment en
2 matière d'échange d'appartement ou de maison.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais vraiment pas. C'étaient des agences
4 privées, j'imagine. Cette partie-là, concernant la vente des biens,
5 l'échange des biens, ce n'est pas quelque chose qui passait par des
6 instances officielles. Ce sont des rapports entre des particuliers. Ça fait
7 partie des échanges qui relèvent de la sphère privée. C'est des ventes, des
8 ventes de biens ou des échanges de biens.
9 Nous, en tant qu'agence gouvernementale, nous ne nous occupions
10 pas de cela. Les gens se mettaient en contact les uns avec les autres en
11 passant par des contacts privés. Je ne sais pas qu'il y ait eu une
12 organisation qui se soit occupée de cela.
13 Aujourd'hui, en revanche, nous avons une agence de l'Etat qui se
14 charge d'acheter des biens mais c'est sur le territoire de la République de
15 Croatie au nom de l'Etat, mais celle-ci n'a été fondée qu'en 1997, pendant
16 la réintégration pacifique de la vallée du Danube croate, elle n'a pas
17 existé avant cela.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Madame.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, vous avez la parole pour le
20 début du contre-interrogatoire. La Chambre vous a accordé une heure 30.
21 Contre-interrogatoire par M. Seselj :
22 Q. [interprétation] Madame Radic, d'après vous, êtes-vous un expert ?
23 R. Dans le domaine où je travaille, oui.
24 Q. Il vous est arrivé déjà d'apparaître quelque part en votre qualité
25 d'expert ?
26 R. Oui.
27 Q. En Croatie il y a d'autres personnes qui estiment que vous êtes un
28 expert ?
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1 R. Oui.
2 Q. Où est-ce que vous avez agi en tant qu'expert ?
3 R. Lors de nombreuses conférences internationales.
4 Q. Vous étiez expert en la matière des réfugiés et des personnes déplacées
5 ?
6 R. Oui, pour ce qui s'est produit en Croatie.
7 Q. Très bien. Vous nous avez dit que c'est le gouvernement croate qui vous
8 a désignée pour rédiger ce rapport d'expert et pour venir déposer dans
9 cette affaire ?
10 R. Oui.
11 Q. Donc le Procureur ne s'est pas mis en contact directement avec vous,
12 mais avec le gouvernement croate ?
13 R. Oui, c'est cela.
14 Q. Le Procureur s'est adressé au gouvernement croate, et vous avez été
15 désignée par le gouvernement croate, qui vous fait confiance de bien faire
16 ce travail ?
17 R. Oui, c'est ça.
18 Q. Vous l'avez fait sur instructions de votre gouvernement, dans le cadre
19 de votre emploi régulier, vos horaires réguliers ?
20 R. Quant à dire qu'il s'agit des horaires réguliers, quand on travaille
21 dix à 12 heures par jour, je ne sais pas.
22 Q. Moi, c'était 16 heures par jour quand je travaillais. Donc vous avez
23 même fait des heures supplémentaires, mais c'était à votre poste de travail
24 régulier ?
25 R. En partie, oui.
26 Q. Il a fallu aussi que vous continuiez à travailler à la maison ?
27 R. Oui.
28 Q. Et que des employés gouvernementaux vous aident pour ce qui est de ces
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1 renseignements, de ces données ?
2 R. Dans une moindre partie, oui.
3 Q. Donc vous êtes un expert du gouvernement croate, qui a été mis à la
4 disposition du Procureur pour présenter un rapport d'expert et pour venir
5 témoigner en l'espèce ?
6 R. Oui.
7 Q. Et vous devez venir déposer également dans l'affaire Jovica Stanisic et
8 Frenki Simatovic ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce qu'on vous a jamais expliqué ce que signifie venir déposer en
11 tant qu'expert devant un tribunal ? Est-ce que vous avez reçu des
12 instructions de base, de principe, parce que c'est la première fois que
13 vous venez déposer comme expert ?
14 R. Oui, c'est vrai.
15 Q. Vous étiez expert gouvernemental présent à des conférences
16 internationales et vous avez défendu les intérêts de votre gouvernement
17 dans ce domaine ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce qu'on vous a donné des instructions pour que vous compreniez ce
20 que c'est que le rôle joué par un expert devant les tribunaux ?
21 R. Le Procureur a essayé de le faire, ils m'ont demandé de leur fournir un
22 certain nombre de choses, et je considère que j'ai rédigé cela dans mon
23 rapport. Je les ai fait figurer dans mon rapport.
24 Q. Ce n'est que vendredi que j'ai reçu votre rapport ainsi que les
25 documents annexes. J'ai tout bien lu consciencieusement. Cela ne pose pas
26 aucun problème, vous verrez bien. Mais maintenant ce sont des questions de
27 principe que je vous pose.
28 Est-ce qu'on vous a dit que vous alliez défendre les intérêts du
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1 gouvernement croate ici, ou est-ce qu'on vous a dit que vous deviez déposer
2 de manière impartiale, même si cela pourrait porter préjudice au
3 gouvernement croate ? Est-ce qu'on ne vous a jamais dit cela ?
4 R. Mais lorsqu'on parle d'expert ou de quelqu'un qui agit de manière
5 professionnelle, c'est ce que cela sous-entend d'être impartial.
6 Q. Pourquoi alors vous n'avez pas fait des efforts pour démontrer votre
7 impartialité par le truchement de votre rapport d'expert ?
8 R. Je ne vois pas à quoi vous faites allusion.
9 Q. Je vais vous montrer. Est-ce qu'on vous a dit qu'initialement ce qui
10 était prévu par le Procureur c'était de citer le colonel Ivan Grujic en
11 tant témoin expert ?
12 R. Je ne suis pas au courant de cela.
13 Q. Et ils ne vous ont jamais dit cela ?
14 R. Non, je ne sais pas.
15 Q. Dans des documents officiels ici, le Procureur a remplacé Ivan Grujic
16 qui est compromis, et a nommé deux autres personnes pour présenter des
17 rapports d'expert, Mme Visnja Bilic qui est venue déposer hier et avant-
18 hier et vous-même ? Est-ce qu'on vous a informée à ce sujet ?
19 R. Je n'ai pas appris cela, le Procureur ne me l'a pas dit. Mais ce que je
20 sais c'est que M. Grujic dans d'autres affaires s'est également chargé de
21 ce domaine-ci.
22 Q. Et si on vous avait dit Ivan Grujic est disqualifié pour telle ou telle
23 raison, est-ce que vous auriez accepté de venir déposer à sa place ?
24 R. Je n'ai pas été désignée pour venir déposer en l'espèce ni par M.
25 Grujic ni par le Procureur, mais par --
26 Q. Par le gouvernement croate ?
27 R. -- oui, le gouvernement croate pour lequel je travaille.
28 Q. Oui, je me félicite de votre réponse. Connaissez-vous personnellement
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1 Ivan Grujic ?
2 R. J'ai été présentée à M. Grujic.
3 Q. Il est général de brigade maintenant, n'est-ce pas ?
4 R. Je ne sais pas.
5 Q. Est-ce que vous savez pourquoi il a été disqualifié ?
6 R. Je ne le sais pas.
7 Q. Est-ce qu'on ne vous a jamais dit qu'Ivan Grujic était à un moment
8 donné chef de l'antenne militaire de la Sûreté de l'Etat à Osijek à partir
9 de 1990 ?
10 R. Vraiment, je ne sais pas.
11 Q. Savez-vous qu'Ivan Grujic en 2001, est venu déposer dans les affaires
12 Glavas et consorts s'agissant des meurtres de civils serbes à Osijek ?
13 R. Vraiment je ne sais pas. Je n'ai pas vraiment suivi l'actualité
14 suffisamment pour savoir tout ce qui s'est produit là-bas. D'aucune manière
15 cela ne fait partie de mon domaine de travail.
16 Q. Madame Radic, vous êtes un haut fonctionnaire de l'Etat, employée,
17 comme vous voulez. Vous avez des diplômes. Vous êtes sortie de
18 l'université. Vous êtes diplômée de sociologie. Vous faites vos études
19 doctorales. Je suppose que vous regardez la télévision, écoutez la radio,
20 vous lisez la presse.
21 R. Oui, bien entendu. Evidemment, je regarde la télévision, j'écoute la
22 radio, je lis la presse, mais croyez-moi, l'information est multiple à un
23 tel point à la radio et à la télévision qu'on ne peut pas tout entendre. Et
24 cela m'a échappée.
25 Q. Mais vous savez qui est Branimir Glavas ?
26 R. Oui, je sais.
27 Q. C'est un général croate, qui est député, il est député au Sabor.
28 R. Oui.
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1 Q. C'est un homme politique de premier ordre ?
2 R. Oui.
3 Q. Il a même eu un parti politique à un moment donné. C'était un homme
4 important du régime à un moment donné ?
5 R. Oui.
6 Q. Aujourd'hui, il est traduit devant la justice, vous le savez ?
7 R. Oui.
8 Q. C'est pour des meurtres de civils serbes d'Osijek ?
9 R. Oui, c'est l'acte d'accusation contre lui.
10 Q. Oui, c'est pour cela qu'il est jugé. Je ne préjuge pas de l'issue du
11 procès, parce qu'il est déjà arrivé qu'il soit acquitté de par le passé. Il
12 y a l'affaire Scotch --
13 R. Oui, je suis au courant grâce aux médias.
14 Q. Oui, grâce aux médias. Mes collaborateurs m'ont trouvé des documents
15 s'agissant d'Ivan Grujic sur internet. Parce qu'en fait je m'étais préparé
16 pour l'interroger lui et pour vous, je n'ai pas pu particulièrement
17 préparé, je n'ai pas vraiment recherché votre CV; mais je suppose qu'il n'y
18 a pas de points aussi comprometteurs [phon] que pour Ivan Grujic.
19 R. J'espère que non.
20 Q. Donc je n'en aurais pas trouvé même si j'en avais cherché. Donc j'ai
21 ici "Nacional Feral tribune" croate, la publication croate.
22 Et Ivan Grujic a été témoin-clé dans l'affaire Glavas, et en 2001, pendant
23 l'enquête, il a présenté des éléments à charge contre Glavas. Puis à partir
24 de 2006, il a retiré toutes ces accusations portées contre Glavas en tant
25 que chef de la Sûreté de l'Etat à Osijek. Il est au courant de tous les
26 crimes de Glavas, il l'a sérieusement accusé devant le Procureur, puis
27 Glavas l'a fait chanter parce qu'il a des éléments lui permettant de savoir
28 que Grujic a pris part à l'assassinat de Reihl Kir. Et Grujic a retiré
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1 toutes ses accusations contre Glavas. La presse croate en a parlé, et même
2 s'il a accordé un entretien à "Nacional," même s'il a dit ça au journaliste
3 Robert Bajrusi, il évite d'en parler. Est-ce que vous êtes au courant de
4 cela ?
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout simplement, je vous remercie de tous ces
7 éléments d'information. Je n'étais pas au courant de manière aussi
8 détaillée de cela. Par exemple, je ne savais pas que M. Grujic aurait pris
9 part à ces poursuites. Peut-être que j'ai vu des choses dans "Nacional,"
10 mais je dois dire que je n'y ai pas véritablement prêté attention.
11 Mme BIERSAY : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, permettez-
12 moi, avec tout le respect que je vous dois, de demander des précisions à M.
13 Seselj en ce qui concerne la pertinence des informations concernant M.
14 Grujic vu le contexte de l'audition et du rapport d'expert de ce témoin.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, en quoi est-ce utile de savoir que
16 M. Grujic, qui devait être l'expert du Procureur, a été retiré pour être
17 remplacé par deux autres personnes ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vérifie la
19 crédibilité du témoin expert, pour commencer. Et je remporte des succès, me
20 semble-t-il. Du moins, c'est ce que j'en pense.
21 Mme Biersay devrait vous expliquer à son tour comment cela se fait que le
22 Procureur n'a pas cherché à citer un témoin expert indépendant, par
23 exemple, la Croix-Rouge internationale aurait pu en fournir un pour faire
24 une expertise sur les réfugiés et les personnes déplacées de l'ex-
25 Yougoslavie, en particulier pour ce qui est de la Croatie. Mais à la place
26 de cela, le Procureur s'adresse au gouvernement croate, et le gouvernement
27 croate confie une mission à Mme Radic pour qu'elle rédige son rapport
28 d'expert. Mais je pense que c'est un scandale sans précédent.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, dans votre pays et dans le mien, ce
2 type de situation n'arriverait pas, car les experts sont des personnes
3 indépendantes désignées par les juges. Ici, il se trouve qu'on est dans une
4 procédure anglo-saxonne où chaque partie fait venir son propre expert. Et
5 la jurisprudence de la Chambre d'appel a estimé que ces experts pouvaient
6 être indépendants. Bon. C'est la Chambre d'appel qui pense cela. Voilà.
7 Donc vous, quand vous ferez venir votre expert, ce sera pareil, le
8 Procureur dira qu'il n'est pas indépendant, et cetera.
9 C'est un sujet sans fin. Il aurait mieux valu que les experts soient
10 désignés par la Chambre, sur requête de l'une ou de l'autre des parties, et
11 il n'y aurait pas eu tous ces débats. Comme ce Règlement a mis en place le
12 système, le Procureur choisit qui il veut, y compris ses propres salariés,
13 et peut demander à un gouvernement d'envoyer ses représentants. Voilà.
14 Chacun peut penser ce qu'il veut, mais c'est ce que permet le Règlement.
15 Simplement, à l'issue de l'audition du témoin et à l'issue du contre-
16 interrogatoire, la Chambre décidera s'il y a lieu ou pas à admettre ledit
17 rapport.
18 Continuez.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez parfaitement raison, Monsieur le
20 Président. Cependant, nous avons ici une nouvelle qualité qui se produit.
21 Ce n'est pas l'expert du Procureur, c'est l'expert du gouvernement croate,
22 dans le prétoire ce sont des forces conjointes maintenant contre moi, du
23 Procureur et du gouvernement croate.
24 Parce que nous avons entendu cinq experts employés par le Procureur, des
25 fonctionnaires du Procureur dans le passé. Or, désormais nous avons des
26 experts envoyés par le gouvernement croate. Ce n'est pas le Procureur qui
27 les a trouvés pour leur confier une mission, non, il s'adresse au
28 gouvernement croate qui, lui, se charge de tout le reste. Donc c'est une
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1 nouvelle qualité par rapport à la pratique qu'on a connue dans le passé.
2 Lorsque je parle de "qualité, "évidemment je mets ça entre guillemets, et
3 entre des guillemets solides.
4 M. SESELJ : [interprétation]
5 Q. Madame Radic, vous devez savoir qui était Reihl Kir.
6 R. Oui, je le sais.
7 Q. Il était chef de la police à Osijek, et il est Allemand, un Allemand du
8 cru, Allemand slavonien, n'est-ce pas, d'appartenance. Et Reihl Kir
9 prônait une solution pacifique à la crise entre les Croates et les Serbe en
10 Slavonie orientale, dans le Srem occidental. Il voulait empêcher des
11 incidents, des conflits, des rixes, des échanges de coups de feu, et
12 cetera. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi sur cette définition du
13 comportement de Reihl Kir ?
14 R. Vous dites beaucoup de choses là sur Reihl Kir, mais je n'en sais pas
15 autant, donc je ne pourrais pas accepter ce que vous dites. Ceci ne relève
16 pas de mon domaine de compétence. J'ai appris uniquement des choses sur lui
17 dans les médias.
18 Q. Mais vous devez savoir que Reihl Kir, chef de la police d'Osijek, a été
19 tué d'une main croate et que cela s'est produit en 1991. Vous devriez le
20 savoir quand même.
21 R. Vraiment, je ne le sais pas.
22 Q. Bon, si vous ne le savez pas.
23 R. Je ne suis pas ici pour parler de ces événements, je n'en sais rien.
24 Q. Non, vous êtes ici pour répondre à mes questions, et je ne vous pose
25 pas de questions insultantes; vous êtes d'accord avec moi ?
26 R. Oui, je suis d'accord.
27 Q. Et nous allons procéder ainsi jusqu'à la fin. Mais il vous faut
28 répondre à toutes mes questions, et lorsque vous ne connaissez pas la
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1 réponse, vous me le dites, et nous allons aller de l'avant.
2 Vous étiez journaliste à Zagreb en 1992 et vous avez travaillé pour une
3 agence de presse de l'Etat, est-ce que vous saviez en tant que journaliste
4 que les autorités croates, à partir de 1991 jusqu'en 1995, se sont servis
5 de la foire de Zagreb pour en faire un camp où ont été placés en détention
6 des civils serbes, et où plusieurs milliers de Serbes de Zagreb se sont
7 retrouvés en détention ?
8 R. Je ne suis pas au courant de cela.
9 Q. Mais est-ce que vous savez, vous êtes sociologue diplômée, qui est le
10 Pr Zarko Puhovski ?
11 R. Ça je le sais. Entre autres, il a été mon professeur à l'université.
12 Q. C'est un professeur imminent, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Et il a été président du comité d'Helsinki croate.
15 R. C'est exact.
16 Q. Et il est l'auteur d'un documentaire très détaillé sur le camp qui a
17 été ouvert à la foire de Zagreb ?
18 R. Non, je ne suis pas au courant.
19 Q. Bon. Si vous n'en savez rien, nous n'allons pas nous attarder là-
20 dessus. Très bien.
21 Pendant que vous avez travaillé sur ce rapport, est-ce que vous vous êtes
22 fondée sur des publications portant sur les expulsions, les déportations
23 des Serbes en Croatie de 1991 à 1995 ?
24 R. Non, je ne me suis pas appuyée sur ces documents dans le cadre de mon
25 rapport, puisque le sujet de mon rapport ce sont les expulsions des régions
26 s'agissant des événements sur lesquels j'ai des données précises. Nous, en
27 tant qu'institution, nous avons des données précises sur le retour des
28 Serbes.
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1 Q. Mais pas sur le départ des Serbes ?
2 R. Non, hélas, nous n'avons pas de données sur leur départ, parce que ces
3 régions-là de la Croatie, qui se sont trouvées occupées, qui s'appelaient
4 "Krajina" à l'époque, qui étaient placées sous le contrôle de la FORPRONU,
5 cela échappait complètement au système étatique de la République de
6 Croatie, n'étaient pas placées sous le contrôle du gouvernement Croate,
7 donc nous ne savons pas ce qui se produisait dans ces régions-là.
8 Ce que nous savons, par la suite, lorsque les retours ont commencé, lorsque
9 les gens ont commencé à raconter leurs histoires, ce que nous avons appris
10 c'est que pas mal de gens sont partis de 1991 à 1995.
11 Q. Ce n'est pas ce que je vous demande. Ce que je vous demande ce sont les
12 régions qui ont tout le temps été sous le contrôle du gouvernement croate à
13 Zagreb, et c'est de là qu'il a été chassé des centaines de milliers de
14 Serbes. C'est de cela que je vous parle. Est-ce que vous avez consulté une
15 littérature là-dessus si vous n'avez pas de renseignements officiels à ce
16 sujet ?
17 R. Je n'ai pas de renseignements officiels à ce sujet.
18 Q. Bien. Savez-vous qui est le Pr Svetozar Livada ?
19 R. J'en ai entendu parler, mais je ne suis pas trop sûre.
20 Q. C'est un professeur à l'Université de Zagreb. Maintenant, il est à la
21 retraite, pour autant que je sache.
22 R. Ça se peut.
23 Q. Il a publié bon nombre de choses au sujet de l'expulsion de Serbes du
24 territoire de la Croatie, sous le contrôle du gouvernement Croate. Le
25 bureau du Procureur dispose de ses publications, de ses déclarations, et
26 cetera, mais vous, vous n'en savez rien, n'est-ce pas ?
27 R. Ecoutez --
28 Q. Je vous écoute.
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1 R. Il a été publié beaucoup de littérature fondée sur des estimations
2 variées concernant le nombre de Serbes ayant quitté la Croatie. Ceux dont
3 je puis parler, ce sont des renseignements officiels qui en parlent, qui
4 nous disent combien d'habitants vivaient dans ces régions qui ont été
5 occupées à l'époque, combien de personnes entre-temps sont revenues.
6 Q. Mais attendez, qui a occupé ces régions ?
7 R. A l'époque, ces régions étaient à l'extérieur du système juridique de
8 la République de Croatie, en 1991 elles étaient occupées par la JNA et par
9 les unités paramilitaires, et qui se sont ensuite qualifiées de "Krajina."
10 Q. Mais attendez, comment la JNA pouvait-elle occuper des parties de la
11 Yougoslavie alors que c'était l'armée régulière de la Yougoslavie ?
12 R. Oui, mais la République de Croatie était déjà un Etat indépendant.
13 Q. Quand ?
14 R. En 1991. Le 18 octobre 1991, il a été publié une décision du Parlement
15 croate portant interruption de tout lien d'Etat et de droit avec la RSFY.
16 Q. Qui est-ce qui a reconnu cela ?
17 R. C'est une décision légale du Parlement croate.
18 Q. Vous, vous allez, en tant qu'employée de votre gouvernement, dire que
19 c'était légal et que les décisions de votre parlement étaient légales. Moi,
20 je demande qui est-ce qui a reconnu cet acte juridique comme valide ?
21 Personne.
22 R. Cela a été reconnu ultérieurement.
23 Q. Oui, ça a été reconnu ultérieurement. Mais auparavant, le territoire
24 entier de la République de la Krajina serbe était placé sous la protection
25 des Nations Unies, n'est-ce pas, ensuite on a reconnu l'indépendance de la
26 Croatie.
27 R. Ce n'est pas tout à fait exact. La répartition des troupes de la
28 FORPRONU a duré jusqu'à mai 1992.
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1 Q. Oui, mais ça a duré un certain temps. Mais cela a été adopté avant que
2 l'Allemagne, le Vatican et les autres n'aient reconnu l'indépendance de la
3 Croatie. On a d'abord accepté le plan Vance, ensuite il y a eu
4 reconnaissance de la Croatie. Ai-je raison ?
5 R. Je ne sais pas quand est-ce que le plan Vance a été adopté. Ce n'est
6 pas mon domaine d'expertise pour pouvoir vous en parler.
7 Q. Bien. Mais c'est une question si importante que tout intellectuel
8 serait censé le savoir, notamment vous, intellectuelle croate, êtes censée
9 le savoir.
10 R. Vous, vous pensez que nous devrions savoir, mais voyez-vous, je ne le
11 sais pas.
12 Q. Bon. Que voulez-vous que je fasse, je ne peux rien faire. Vous avez
13 créé une confusion terminologique dans votre rapport en vous référant à une
14 loi croate portant sur le statut des personnes expulsées et des réfugiés.
15 C'est ainsi que s'appelle cette loi, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous avez dit qu'une personne expulsée, c'est une personne qui, d'une
18 région mise en péril par la guerre, a quitté son lieu de résidence pour
19 éviter de mettre en péril sa vie devant l'agression et autres actions
20 armées pour trouver refuge dans d'autres régions de la Croatie, n'est-ce
21 pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que cela découle de l'aspect du droit international ou est-ce
24 que c'est plutôt arbitraire comme définition de personne expulsée ?
25 R. Voilà, pour ce qui est de la définition, la définition qui existe dans
26 la convention de Genève, je veux poser certaines limites. Je n'ai pas une
27 formation de juriste, donc je ne peux pas en matière de droit débattre de
28 ce sujet, mais je sais ce que je sais partant de mon expérience, parce que
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1 l'on en débat depuis longtemps.
2 Q. Coupons court.
3 R. Attendez. Laissez-moi finir ma réponse, si j'ose.
4 Q. Allez-y.
5 R. La définition d'un réfugié, d'après la Convention de Genève, se trouve
6 être plutôt ample. Elle parle de danger justifié ou de péril ressenti de
7 façon justifiée pour une personne qui quitte son pays d'origine par peur
8 d'être expulsée. Et ceci vient du fait de son appartenance à un sexe, à une
9 race, à une religion.
10 Q. Attendez. Je n'ai pas autant de temps pour des réponses aussi vastes.
11 Moi, je vous parle de personnes expulsées.
12 R. Les personnes expulsées, ce sont des réfugiés internes. Cette notion a
13 été acceptée par l'UNHCR, en sa qualité d'organisation internationale.
14 Cette Convention de Genève qui définit le statut de réfugié date des années
15 50, donc du siècle passé, et au fil des ans, notamment en raison de choses
16 qui se sont produites ultérieurement et des crises de réfugiés, la
17 définition a été adaptée et on y a inclus les réfugiés en temps de guerre,
18 les gens qui se sont réfugiés du fait d'une guerre, qui ont quitté un Etat,
19 qui ont traversé la frontière de leur propre Etat, et ils sont devenus
20 réfugiés; ou alors, ce sont des personnes qui se sont internement réfugiées
21 mais qui sont restées à l'intérieur de l'Etat dont ils sont ressortissants.
22 Vous avez, dans bon nombre d'Etats, ce cas. Cela arrive. Vous avez, par
23 exemple, le Congo qui ne quitte pas les pages de la presse.
24 Q. Oui, mais attendez. Les réfugiés, ce sont des personnes qui ont fui un
25 danger. Ça peut être un danger de guerre, ça peut être des inondations, ça
26 peut être un tremblement de terre, la terreur politique. Les réfugiés
27 fuient un péril, les personnes expulsées sont des personnes déportées, des
28 personnes à qui l'on a donné l'ordre de s'en aller. Par menace de recours à
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1 la force, ordre où on leur dit, par exemple :
2 "Vous allez partir ou vous allez être emprisonnés. Vous allez partir ou
3 nous allons vous tuer. Ou vous allez partir de votre plein gré ou nous
4 allons vous escorter jusqu'à la frontière." Donc les personnes déplacées,
5 ce sont des personnes déportées. Etes-vous d'accord avec moi ou pas ?
6 R. C'est quelque chose d'analogue, mais ce n'est pas de la même façon tout
7 à fait que cela a été décrit dans la loi croate.
8 Q. Justement, non, vous avez dit autre chose. Vous avez dit qu'une
9 personne expulsée, c'est une personne réfugiée mais sur le territoire de la
10 Croatie elle-même, c'est-à-dire ayant quitté la Krajina pour aller vers
11 d'autres régions de la Croatie, comme vous nous avez dit cela ici. Peu
12 importe. Donc vous avez procédé à un échange de thèses sur le plan
13 terminologique.
14 Pour vous, une personne expulsée, c'est quelqu'un qui, pour des raisons
15 variées, a quitté le territoire de la Krajina serbe et est passée en
16 Croatie. Et maintenant, est-il réfugié, est-il en train de fuir un danger,
17 est-ce une personne déportée ? Vous ne faites pas la différence. Pour vous,
18 ce sont toutes des personnes expulsées. Et c'est ça la substance de la
19 confusion terminologique que vous avez créée. Oui ou non ?
20 R. J'ai dit de façon tout à fait claire de quelle définition il est
21 question ici. Je vais essayer de vous le répéter. Une personne expulsée est
22 une personne définie par la législation qui a fui une région menacée par la
23 guerre en Croatie, qui a quitté son lieu de résidence pour fuir un danger
24 immédiat pour sa vie, du fait de l'agression ou d'activités armées, pour
25 trouver un refuge dans d'autres sites ou dans d'autres localités sur le
26 territoire de la République de Croatie.
27 Q. Mais vous êtes en train de me relire votre rapport.
28 R. -- qui ont quitté la région de crise. Pour ce qui est des modalités de
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1 leur déportation, cela s'est fait de façons variées dans des cas de
2 situations variées. Nous parlons d'un très grand nombre de personnes qui
3 n'ont pas toutes été mises le même jour à bord d'autocars pour être
4 transportées.
5 Q. Les gens qu'on a mis dans des autocars et qui ont été transférés contre
6 leur volonté, ce sont des personnes expulsées. Ce sont des personnes
7 déportées. Les gens qui ont fui Knin en se sentant réellement en danger ne
8 sont pas des personnes expulsées. Ce sont des réfugiés, n'est-ce pas ?
9 R. Voyez-vous --
10 Q. Je vous écoute.
11 R. Il s'agit ici d'un débat linguistique, je ne sais pas si cela est tout
12 à fait clair pour des personnes qui parlent l'anglais, des anglophones.
13 Parce que, littéralement, on pourrait les qualifier d'expulsés. Dans la
14 législation croate, nous nous sommes servis de cette notion de personnes
15 chassées de chez elles et nous avons défini cela légalement.
16 Q. Cela sous-entend réfugiés aussi ?
17 R. Cela sous-entend tout ce dont vous êtes en train de parler.
18 Q. Justement, je suis en train d'en parler. Vous avez créé, délibérément,
19 une confusion linguistique pour brouiller la substance des choses. C'est de
20 cela que je vous parle. Vous faites confusion entre réfugiés et personnes
21 déportées ou expulsées. Vous confondez les deux et ceux qui vous traduisent
22 vers l'anglais ont véritablement un problème.
23 Parce que moi, je ne parle absolument pas l'anglais et je la trouve
24 dégoûtante cette langue, pour être tout à fait sincère. Mais c'est une
25 chose que de parler de "réfugiés" et c'est une chose que de parler de
26 "personnes expulsées."
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Ne portez pas d'appréciation sur les langues,
28 parce que ça n'a pas lieu d'être.
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1 Madame --
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vais plus le faire.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.
4 Madame, on est dans des notions juridiques très complexes. Vous n'êtes pas
5 juriste, à ce moment-là, ne perdons pas de temps. Mais le terme croate que
6 vous employez dans vos documents, si j'ai bien compris - et vous
7 m'excuserez de la prononciation - c'est le mot "prognanik" ou quelque chose
8 comme ça. Alors, est-ce que c'est le mot qui sert à qualifier, comme semble
9 dire M. Seselj, les réfugiés et les déplacés ? Est-ce que le mot
10 "prognanik" englobe toutes les situations ou pas ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela englobe les personnes qui ont fui à
12 l'intérieur des frontières et sont restées à l'intérieur des frontières de
13 la République de Croatie, mais les conditions dans lesquelles ça s'est
14 fait, c'était pour éviter un danger imminent pour leurs propres vies. C'est
15 ainsi que je l'ai dit. Alors ça, nous l'avons déjà défini auparavant. Il
16 s'agit de personnes qui se sont réfugiées depuis les régions de crise ou
17 les régions occupées et ne pouvaient plus revenir vers leur logis et ce, à
18 long terme. Ça n'a pas duré une journée; ça a duré longtemps.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Maintenant, quel est, dans votre langue, le terme
20 que vous employez pour le réfugié qui est parti, par exemple, en Suisse ?
21 Les 164 qui sont partis en Suisse, quel est le terme, dans votre langue,
22 qui les qualifie cela ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous nous servons de ce terme "izbjeglica"
24 pour parler de ces gens et, en tant que tels, ils se trouvent à être
25 définis par la loi --
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme le transcript -- pouvez-vous épeler ce terme ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] I-z-b-j-e-l-i-c-a.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ça, ce sont les réfugiés au sens des
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1 Conventions de Genève ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Alors, la définition qui se
5 trouve au niveau de la législation se trouve à être adaptée comme
6 définition. Et elle parle de personnes qui se sont réfugiées du fait de la
7 guerre. Il y a donc une surdéfinition de réfugiés du fait de la guerre.
8 Vous l'avez dit vous-même, je ne suis pas un juriste, et je ne suis pas un
9 expert en matière de droit international lorsqu'il est question de
10 réfugiés. J'ai dit sur le sujet ce que je savais et je sais vous définir la
11 notion tel que cela se trouve être défini dans la loi croate.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
13 Mme LE JUGE LATTANZI : [interprétation]
14 Q. Madame, toujours avec cette définition de la loi croate. Donc, tous les
15 "izbjeglica" provenant des territoires en conflit sont considérés dans
16 cette loi des expulsés et donc, "proganice", je sais pas là, quelque chose
17 comme ça; cela, est-ce que j'ai bien compris ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
19 Mme LE JUGE LATTANZI : [interprétation] Merci.
20 Monsieur. SESELJ : [Interpretation]
21 Q. Madame Radic, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que vous et moi,
22 nous parlons la même langue ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Une langue similaire. Mais on se
24 comprend très bien.
25 Q. Oui, on se comprend pas. Alors, ce qui est différent, pour ce qui
26 est de notre langue, est une chose qui date d'il y a pas très longtemps, et
27 vous aussi, vous avez du mal à vous adapter à ces modifications subites de
28 la langue telle que parlée en Croatie. Je l'ai remarqué. A plusieurs
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1 reprises, vous avez dit "izvjestaj," puis vous vous êtes rectifiée pour
2 dire "izvjesce." Puis vous avez dit, à plusieurs reprises, "système," puis
3 vous avez dit "sustav." Tout cela est enregistré ici, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, mais --
5 Q. Donc ce qui est la différence entre nos langues, c'est une chose qui
6 date d'il n'y a pas très longtemps, n'est-ce pas ?
7 R. Je ne peux pas l'affirmer. Les mots "sustav" et "système" "izvjestaj"
8 et "izvjesce" sont utilisés sur pied d'égalité en langue croate. Je ne vois
9 pas où est le problème.
10 Q. Vous, Croates, jusqu'à il n'y a très longtemps, vous disiez "izvjestaj"
11 et "system." Il y a quelques années de cela, on vous a donné instruction de
12 changer cela et de ne vous servir que de "sustav" et de "izvjesce," n'est-
13 ce pas, pour vous différencier des Serbes.
14 Ici, vous avez donné au tableau numéro 1 un aperçu de la population sur les
15 territoires de la République de Croatie qui étaient occupés en 1991. Dites-
16 moi alors, quel est le document, l'acte juridique international ou l'acte
17 de l'Accusation qui dit que les territoires de la République de la Krajina
18 serbe entre 1991 et 1995 se trouvent être des territoires occupés de la
19 Croatie ? Savez-vous nous dire quel est l'acte en question qui le définit ?
20 R. Je ne sais pas vous dire concrètement quels sont ces actes ou documents
21 internationaux qui le confirment, mais il y a eu des résolutions du Conseil
22 de sécurité parlant de la chose.
23 Q. Qui parlaient de l'occupation ?
24 R. Attendez un peu. Exception faite de ceci, sur ces régions, il y a eu
25 déploiement des forces de la FORPRONU, donc sur ces territoires occupés ou
26 qui se trouvaient englobés par les conflits armés. Donc il y a eu
27 déploiement des forces de la FORPRONU et il y a des résolutions des Nations
28 Unies qui définissent quelles sont ces régions là.
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1 Par la suite, on a défini des zones roses dans les secteurs de délimitation
2 et dans ce tableau-ci, on voit justement l'énumération de toutes ces
3 localités en application de cet organigramme territorial de la République
4 de Croatie, qui diffère de ce que nous avions comme organisation
5 territoriale de l'époque. Et cela se trouve à être défini par la loi
6 croate.
7 Q. Madame Radic, les Nations Unies, s'agissant de ces régions de la
8 République de la Krajina serbe, ont qualifié officiellement cela de région
9 UNPA, à savoir, "United Nations Protected Areas," n'est-ce pas ?
10 R. Exact.
11 Q. Alors pourquoi, pour ce qui est de cette appellation neutre, pourquoi
12 ne l'avez-vous pas utilisée si vous ne voulez pas dire "République de la
13 Krajina serbe" ? Mais vous dites ce dont se sert la propagande de l'Etat
14 croate, à savoir, de "territoires occupés", comme si les Serbes de la
15 Krajina pouvaient s'occuper eux-mêmes, ou soi-même.
16 R. Moi, je n'y vois pas, je n'y vois rien de problématique, étant donné
17 que ces "régions occupées" -- enfin, ce terme de régions occupées, je l'ai
18 entendu utilisé dans l'exposé, entre autres, du bureau du Procureur. Nous
19 considérions ces territoires comme occupés parce que pendant quatre années,
20 cela échappait au contrôle du gouvernement légalement élu à Zagreb. Je le
21 sais parce que je travaillais là-bas à l'époque. Des gens qui ont été
22 chassés de ces régions-là, nous ne pouvions pas les ramener dans leurs
23 propres maisons pour ces mêmes raisons.
24 Q. Madame Radic, lorsque la République de Croatie a été internationalement
25 reconnue en tant qu'Etat indépendant, la région de la République de Krajina
26 serbe, ou la région UNPA, était hors contrôle du gouvernement à Zagreb; ça,
27 c'est bien vrai ?
28 R. C'est vrai.
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1 Q. Donc en application du droit international, lorsque l'on reconnaît un
2 Etat indépendant, on peut reconnaître cet Etat sur le territoire contrôlé
3 par son gouvernement central. Est-ce que quelqu'un vous en a informée,
4 puisque vous n'êtes pas juriste, mais vous êtes un expert, et un expert est
5 censé connaître la sociologie, politicologie, le droit, l'économie, la
6 psychologie ? Non, ce n'est pas le cas. Bon, allons de l'avant.
7 R. Monsieur Seselj, je dois vous répondre de la façon suivante, à votre
8 question : je sais quand même quelque chose au sujet des thèmes que vous
9 évoquez ici. Cependant, je ne suis pas venue ici pour parler de ces sujets-
10 là. Je n'ai pas été amenée ici pour parler en tant qu'expert sur des sujets
11 qui se rapportent au droit international, et je ne peux pas en parler.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous abordez des sujets juridiques extrêmement
13 compliqués, et Mme n'est pas expert.
14 Mais j'ai une question à vous poser; mais pas sur le fond, mais uniquement
15 sur le plan juridique, à la page 57, ligne 23, vous
16 dites : "Quand la République de Croatie a été internationalement reconnue
17 comme étant indépendante," vous semblez sous-entendre que cette
18 reconnaissance n'englobait pas la zone sous contrôle UNPA. C'est ça que
19 vous aviez voulu dire ou j'ai mal compris ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est à moi que vous posez la question ?
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] En application du droit international, ça ne
23 pouvait nullement se rapporter aux territoires qui étaient placés sous la
24 protection des Nations Unies, parce que le plan Vance disait que ces
25 territoires étaient placés sous la protection des Nations Unies pour que,
26 par négociation, on vienne par la suite à décider de leur statut. C'était
27 ça, la signification du plan Vance.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : -- c'est votre interprétation.
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1 Très bien. Bien, continuez.
2 M. SESELJ : [interprétation]
3 Q. Madame Radic, en établissant ce premier tableau portant sur la
4 structure ethnique de la population sur le territoire de la République de
5 la Krajina serbe, à savoir la région UNPA, vous n'avez pas eu recours au
6 découpage administratif de la Croatie qui était celui de 1991 et 1992, mais
7 vous vous êtes servie du découpage administratif ultérieurement adopté une
8 fois que, en Croatie, on a augmenté le nombre des municipalités en
9 procédant à un morcellement des municipalités existantes à l'époque; parce
10 qu'en votre qualité d'expert, vous deviez vous servir du découpage
11 administratif de la période concernée, et non pas du découpage
12 administratif actuel.
13 R. J'aurais pu faire un autre tableau. J'ai choisi de faire ce tableau-ci
14 pour que l'on puisse voir de quoi on parle lorsqu'il est question de
15 certaines localités. Par exemple, c'est le cas de Vukovar, entre autres,
16 car le découpage territorial actuel sous-entend, justement, le territoire
17 de la ville de Vukovar, alors que le découpage territorial de 1991 sous-
18 entendait une région beaucoup plus vaste. Et vous avez pu voir par vous-
19 même que dans certaines données, on voit que cette province de Vukovar
20 devait être délimitée pour que les choses soient rendues bien plus
21 précises.
22 Q. Madame Radic, vous nous avez donné ici des renseignements sur le nombre
23 de personnes expulsées et de réfugiés pour le territoire de la République
24 de Croatie. Nous avons les chiffres pour 1992, nous avons des dates
25 ultérieures. Cependant, vous nous avez donné des renseignements - je me
26 réfère notamment au tableau numéro 6, "Aperçu des installations d'accueil
27 organisées pour ces personnes au fil du mois d'octobre 1992," puis vous
28 avez donné une liste de ces bâtiments et le nombre de personnes qu'on y a
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1 hébergées. Vous avez des installations de catégorie "B," ce sont des
2 hôtels, n'est-ce
3 pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Puis vous avez une catégorie d'en dessous, vous avez des centres de
6 réfugiés. Ce sont donc des centres d'hébergement collectif, et vous avez
7 des lieux où l'on organisait juste une alimentation à l'intention de
8 réfugiés, puisqu'ils ont été logés dans des maisons privées, probablement.
9 Alors si on se penche maintenant sur ces chiffres, vous pouvez voir qu'il y
10 a une somme, 73 898 dans la catégorie "B," puis dans une catégorie d'en
11 dessous, il y a une somme, 15 033; dans les centres de réfugiés, ce sont
12 des centres d'accueil collectifs, 21 020; et vous avez dans les
13 installations où l'on a organisé juste l'alimentation, 16 401, n'est-ce pas
14 ? Ça, c'est le tableau numéro 6.
15 R. Oui.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : -- je présume que vous cherchez le tableau.
17 Mme BIERSAY : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je voulais
18 simplement dire que ceci se trouve dans le système électronique à la page
19 67 en anglais et en B/C/S à la page 50. C'est pour que tout le monde puisse
20 s'y retrouver facilement.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, moi, je vois que Mme Biersay aime bien
23 m'interrompre. Elle n'aime que ça.
24 M. SESELJ : [interprétation]
25 Q. Alors 73 000, on ajoute 15 033, ça nous donne 103 921. On ajoute 21
26 000, ça nous donne, disons, 130 000. Puis, il y en a 16 000 qui ne sont que
27 nourris. Mettons -- additionnons le tout, arrondissons à 150 000. J'ai
28 arrondi en votre faveur. Ici, vous avez des renseignements qui parlent des
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1 expulsés et réfugiés en République de Croatie le 27 mars 1992, sept mois
2 avant, 325 806. Je sous-entends qu'en octobre il devait y en avoir plus que
3 325 000, n'est-ce pas ?
4 Donc si 150 000 sont installés dans des hôtels, des centres d'accueil
5 collectifs, et cetera, qu'advient-il des 200 000 qui ne sont pas hébergés
6 de cette façon ? Ils sont hébergés dans des maisons et appartements serbes,
7 n'est-ce pas, si tant est qu'ils étaient 325 000 au départ ? Où pouvaient-
8 ils autrement être accueillis ou hébergés, chez de la famille, mais pas
9 tant que cela chez la famille.
10 R. C'est là précisément que vous faites erreur, parce qu'un grand nombre
11 de personnes déplacées, puis de réfugiés par la suite ne se sont pas
12 trouvés dans des centres d'accueil organisés. C'est chez des particuliers
13 qu'ils se sont placés chez de la famille, au départ. Puis dans un deuxième
14 temps, il y a eu des gens qui sont partis dans des centres d'accueil
15 organisés lorsque nos possibilités d'accueil se sont accrues. Et je vous ai
16 dit que nous avons commencé à construire, dès 1993, des centres d'accueil
17 pour des réfugiés, et une quinzaine ont été construits, finalement, en
18 République de Croatie, grâce aux donations internationales. Donc le nombre
19 de centres d'accueil cités dans ce rapport a augmenté par la suite.
20 La majeure partie des gens, qu'il s'agisse de personnes déplacées ou, par
21 la suite, de réfugiés venus de Bosnie-Herzégovine, qui étaient les plus
22 nombreux, a été placée chez des particuliers, et comme je vous l'ai dit,
23 c'était chez des amis pour commencer, et après les gens se sont
24 débrouillés.
25 Alors pour ce qui est des chiffres maintenant, dans un premier temps,
26 les chiffres étaient très importants, parce que sur le territoire de la
27 République de Croatie, il y avait un maximum de personnes déplacées vers la
28 fin de l'année 1991 et au début de l'année 1992. Là, un grand nombre de
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1 personnes ont quitté leur foyer non seulement dans les régions occupées
2 mais aussi dans les parties de la République de Croatie qui étaient
3 constamment exposées à des pilonnages. En partie, ces gens ont été placés
4 en Croatie, une autre partie est partie à l'étranger.
5 Et très vite, après la trêve de Sarajevo et après le déploiement des forces
6 de la FORPRONU dans les zones UNPA, dans les territoires occupés de la
7 République de Croatie, la majorité de ces gens sont rentrés chez eux.
8 Et je vous ai dit que, conformément à la législation croate, nous ne
9 reconnaissions pas le statut de personne déplacée à ces gens-là. Mais il y
10 a eu l'enregistrement en avril 1992 et nous avons précisément --
11 Q. Là, vous débordez le champ de ma question. S'il vous plaît, mon temps
12 est limité et, en même temps, il m'est très précieux parce que je dois
13 aborder beaucoup de sujets avec vous.
14 Je vous demande, les autorités croates, à l'intention de tous les Serbes
15 expulsés ou partis du territoire croate placé sous le contrôle des
16 autorités de Zagreb, elles les ont privés de leurs droits d'usufruit et des
17 facteurs internationaux ont été amenés à intervenir pour régler cette
18 question, n'est-ce pas ?
19 Est-ce que vous voulez bien répondre ?
20 R. Ce n'est pas le gouvernement croate qui a fait cela, ce sont des
21 tribunaux dans leurs jugements qui ont agi. Vous avez des jugements --
22 Q. Lorsque je parle "d'autorité croate" là, j'entends la justice,
23 l'exécutif et les autorités locales, lorsque je parle "d'autorités
24 croates."
25 Si vous avez d'une part le gouvernement, et d'autre part, les
26 tribunaux, puis les autorités locales, puis le parlement, si cela ne
27 converge pas, ça ne m'intéresse pas. A mes yeux, vous êtes les autorités
28 croates. Vous avez privé tous les Serbes de leurs droits d'usufruit.
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1 Lorsque je dis "vous," je ne me réfère pas à vous personnellement, mais je
2 parle du pouvoir croate. Et vous avez alloué ces logements aux Croates.
3 Donc le Serbes qui sont partis n'ont plus jamais pu retrouver leurs droits
4 d'usufruit dans ces appartements; est-ce que cela est exact ?
5 R. Monsieur Seselj, en Croatie, nous avons un programme. Nous avons une
6 législation des textes que nous appliquons, et que nous appliquons
7 aujourd'hui. Vous avez des gens qui ont perdu le droit d'usufruit dans des
8 logements, des maisons en Croatie, et qui souhaitent retourner en
9 République de Croatie, alors, à leur intention, nous avons des logements,
10 des maisons, des appartements que nous mettons à leur disposition pour
11 qu'ils puissent revenir en République de Croatie. Il s'agit d'un programme
12 qui est appliqué actuellement.
13 Pour ce qui est de grandes villes maintenant, c'est de cette manière-là que
14 nous avons logé environ 750 familles. Et dans des zones d'intérêt
15 particulier, environ 5 000 familles ont été logées ainsi. Donc des familles
16 où il y avait le droit d'usufruit précédemment. Et sur ce nombre-là, pour
17 ce qui est des zones d'intérêt particulier dans des zones occupées
18 précédemment, par exemple comme Knin ou Vukovar, vous avez un retour
19 d'environ 5 000 familles dans ces endroits; et je parle de familles, parce
20 que les logements sont mis à la disposition des familles; 70 % de ces gens
21 sont des Serbes. Maintenant, s'agissant des grandes villes, des centres
22 urbains, Zagreb, Osijek, je vous ai dit environ 750 familles ont d'ores et
23 déjà eu des appartements, on a mis à leur disposition des appartements,
24 c'est ce que nous faisons aujourd'hui.
25 Q. Mais ça n'a rien à voir par rapport à des centaines de milliers de
26 Serbes qui ont été expulsés, vous devez savoir que dans l'ex-Yougoslavie,
27 ce droit d'usufruit de locataire, c'était une forme de droit de propriété,
28 en fait. L'Etat mettait à votre disposition un logement, ou l'entreprise ou
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1 l'institution pour laquelle vous travailliez. Ce logement, on en avait le
2 droit d'usufruit à vie. Personne ne pouvait vous expulser. C'était
3 héréditaire. On pouvait l'échanger. La seule chose qu'on pouvait pas faire,
4 c'est de le vendre. C'est uniquement ce droit de vente qui constituait une
5 différence entre un droit de propriété plein et entier, donc ce droit
6 d'usufruit qu'on avait dans l'ancien système. Est-ce que j'ai raison de
7 dire ça ?
8 R. Non, vous n'avez pas raison de dire cela, et je pense qu'un bon nombre
9 de juristes n'en conviendraient pas avec ce que vous affirmez-là. Parce que
10 c'est vraiment un domaine juridique sur lequel on pourrait beaucoup dire;
11 mais je pense que l'un des jugements pourrait nous éclaircir, par exemple,
12 des jugements du tribunal de Strasbourg. Blecic contre la Croatie est une
13 des affaires, en l'espèce --
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis un peu étonné, parce que tout à l'heure vous
15 disiez que vous n'étiez pas juriste, et vous voilà en train de citer des
16 arrêts de la cour de Strasbourg. Je suis très étonné.
17 Mais ceci étant dit, Madame, la question de l'usufruit et de la propriété
18 sociale est une question intéressante. A votre connaissance, une famille
19 serbe qui a été expulsée, qui a quitté Zagreb et qui avait un appartement
20 qui lui avait été alloué, parce que cette personne travaillait dans l'ex-
21 Yougoslavie, elle a perdu ce droit d'usufruit, comment le gouvernement
22 croate a pris des mesures pour rétablir ces gens-là dans leurs droits, ou
23 le gouvernement croate n'a rien fait ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai tenté d'expliquer ça dans ma réponse
25 précédente. Ceci n'a pas fait l'objet de mon rapport d'expert. Ce sont des
26 choses que nous faisons aujourd'hui.
27 Ces gens-là qui reviennent en République de Croatie, aujourd'hui nous
28 mettons à leur disposition des logements, nous mettons à leur disposition
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1 des appartements dans les zones d'intérêt particulier, des appartements ou
2 des maisons, et c'est de cette manière-là que nous permettons à ces gens de
3 rentrer en Croatie. En bonne partie, ces gens ont trouvé à se loger en
4 Serbie. Ils n'ont pas d'autres biens, et l'allocation d'un appartement
5 conditionne leur retour en République de Croatie.
6 J'ai déjà répondu à la question de M. Seselj, j'ai donné les chiffres : 5
7 000 familles dans les zones d'intérêt particulier et environ, je pense,
8 d'ores et déjà 750 familles à l'extérieur des zones d'intérêt particulier.
9 M. SESELJ : [interprétation]
10 Q. Mais on ne leur restitue pas les appartements pour lesquels ils avaient
11 l'usufruit ?
12 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai besoin d'un éclaircissement du témoin avant que
13 vous continuiez.
14 Pourriez-vous nous dire -- alors, vous faites référence à des décisions de
15 cour, de tribunaux. Ces décisions ont été prises sur la base d'une nouvelle
16 loi qui a changé la vieille loi en matière d'usufruit, si j'ai bien
17 compris, ou j'ai mal compris ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai déjà dit précédemment, je ne suis pas
19 juriste; je ne pense pas pouvoir en parler dans ces termes-là. Je suis au
20 courant de l'existence de ces jugements. J'ai la --
21 Mme LE JUGE LATTANZI : Cela -- je ne vous demande pas d'aller dans des
22 détails juridiques, mais seulement si vous connaissez s'il y a eu une
23 nouvelle loi qui aurait changé la loi précédente en enlevant le droit
24 d'usufruit, et si donc il y a eu une loi qui a eu un effet rétroactif.
25 Seulement cela, si vous savez, à votre connaissance.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je le sache, il n'y a pas eu
27 adoption, en Croatie, d'une loi rétroactive. Mais en 1996, on a annulé la
28 notion, en Croatie, d'usufruit, dans le sens de droit de loger quelque
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1 part. Et conformément à cela, il y a eu un certain nombre de délais qui ont
2 été fixés dans l'espace desquels on avait le droit de mettre en vente un
3 appartement pour lequel on avait l'ancien droit d'usufruit. Mais il n'y a
4 pas eu de rétroactivité dans les textes.
5 Mme LE JUGE LATTANZI : Une autre clarification, s'il vous plaît.
6 Vous dites que vous avez un programme pour aider les Serbes qui veulent
7 revenir en Croatie à être relocalisés, logés. Je voudrais savoir si ce
8 programme tient compte de leur volonté, de leur choix de la ville, du
9 village où revenir, ou si vous décidez une zone particulière où placer tous
10 ces gens.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument, on tient compte des souhaits des
12 gens, où est-ce qu'ils souhaitent revenir. En principe, la règle numéro 1,
13 c'est que ce sont les gens qui présentent une demande. La majorité dépose
14 une demande demandant de retourner là où ils résidaient en 1991, et nous
15 respectons cela. Bien entendu, parfois, c'est plus facile. Dans certaines
16 localités, c'est plus difficile de leur garantir cela. Mais dans tous les
17 cas, ce que nous essayons, c'est de respecter les souhaits des gens, et les
18 souhaits des gens, en principe, c'est orienté vers les lieux de résidence
19 de 1991.
20 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci, Madame.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.
22 M. SESELJ : [interprétation]
23 Q. Dernière page du tableau 4, vous donnez des chiffres en vous fondant
24 sur les chiffres du Haut-commissariat des réfugiés des Nations Unies. Je
25 vous fais confiance sur ces données-là. Pour ce qui est du nombre de
26 réfugiés enregistrés dans les autres républiques de l'ex-Yougoslavie, 27
27 mars 1992, en Serbie, 141 000; c'est bien ça ? Monténégro, Macédoine,
28 plusieurs milliers; Bosnie-Herzégovine,
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1 95 000; et en tout, 252 000, y compris les 7 600 enregistrés en Slovénie;
2 252 000 réfugiés de Croatie vers les autres républiques de l'ex-
3 Yougoslavie, c'est bien cela ? Donc pour l'essentiel, la majorité, ce sont
4 des Serbes; vous êtes d'accord ?
5 R. Je ne peux pas affirmer cela. Je suppose que la majorité sont les --
6 Q. Il se peut qu'il y ait un Slovène, un Musulman.
7 R. Nous ne pouvons pas affirmer cela, puisque, comme je l'ai déjà dit, les
8 données qui viennent de ce moment-là -- des données statistiques, nous les
9 avions. Les autres républiques également. Mais personne n'a vérifié les
10 enregistrements pour savoir exactement de qui il s'agit.
11 Q. Si, il y a eu des enregistrements pour ce qui est de l'appartenance
12 ethnique. Le Haut-commissariat des Nations Unies l'a fait, et les autorités
13 Serbes en Serbie l'ont fait également. Je ne peux pas mettre ma main au feu
14 que la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine, la Slovénie l'aient
15 fait, mais vous l'avez fait. Le Haut-commissariat l'a fait. Il y a eu des
16 cas isolés de Croates qui sont venus de Croatie en tant que réfugiés. Je
17 connais un grand intellectuel croate, Goran Babic. Vous en avez entendu
18 parler, j'imagine ? Il est devenu réfugié de Croatie vers la Serbie, parce
19 que le régime de Tudjman lui était insupportable, mais ces grands chiffres-
20 là, les Croates, ce serait un pourcentage minimal. Ce sont surtout des
21 Serbes, et il se peut qu'il y ait un certain nombre de Musulmans, quelques
22 Slovènes qui se sont enfuis, puis des Macédoniens, 2 000 sont partis vers
23 la Macédoine. Sur les 252 000, plus de 200 000, ce sont des Serbes, sans
24 aucun doute. C'est le minimum, n'est-ce pas ? Vous êtes d'accord avec moi ?
25 R. Il est possible qu'il en soit ainsi.
26 Q. Possible. D'accord. Nous avons maintenant les réfugiés croates, 115 781
27 dans les autres républiques. Vous avez dit que cela provient d'après les
28 estimations de pays tiers, surtout ils étaient en Allemagne, paraît-il.
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1 Est-ce que vous savez quelle est la ventilation entre les Serbes et les
2 Croates, là ?
3 R. Ce que j'en sais, au sujet de ces chiffres datant de cette période-là,
4 vous avez dans deux cas des chiffres précis pour la République Tchèque et
5 la Suisse. Mais à l'époque, il était très difficile de distinguer entre les
6 Croates et les Serbes; c'est-à-dire s'il est ressortissant de la République
7 de Croatie ou si le concerné est citoyen de la République de Serbie.
8 Q. Mais tout le monde s'enfuyait avec le passeport de la
9 RSFY ?
10 R. Oui. Donc pendant longtemps, dans de nombreux pays vous aviez des
11 statistiques basées sur des passeports de la RSFY. Ils ne faisaient pas la
12 différence entre un ressortissant de Croatie ou de Serbie.
13 Q. Oui, tout à fait, mais ça, ce sont les chiffres pour lesquels vous
14 dites que ce sont des réfugiés venus de Croatie donc ce chiffre-là, 115
15 781. Ce chiffre-là, ce sont des individus venus de Croatie; c'est ce que
16 vous avez écrit ?
17 R. Ce sont des estimations des autorités du coin et du HCR, mais cela ne
18 veut pas dire qu'il n'y a pas parmi ces gens-là des Serbes. Nous ne pouvons
19 pas affirmer cela.
20 Q. Parce que c'est en grande majorité des Serbes ?
21 R. Parce qu'on parlait de gens venus de Croatie. Plus tard, lorsque le
22 processus de retour a commencé de ces pays tiers, à ce moment-là on a pu
23 voir que parmi ces gens il y avait des Croates et des Serbes. Mais ce sont
24 des citoyens croates. Donc on ne peut pas faire cette différence.
25 Q. Mais ces plus de 200 000 Serbes qui se sont partis de Croatie, plus de
26 140 000 en Serbie, plus de 50 000 en Bosnie, eux aussi ce sont des
27 ressortissants croates ?
28 R. C'est exact. Ce sont des ressortissants croates, des citoyens croates,
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1 parmi eux --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je fais attention au temps, parce que je voudrais
3 que M. Seselj utilise son heure et demie. Et je ne veux pas l'interrompre.
4 Mais très vite, je prends les 164 qui ont été en Suisse. Votre service
5 aurait très bien pu interroger le HCR ou les autorités suisses pour savoir,
6 des 164, combien se déclaraient Croates ou combien se déclaraient Serbes.
7 Ce n'était pas très compliqué à faire. Et là, à ce moment-là, vous auriez
8 eu certainement une évaluation. Bien sûr, en Allemagne, les 55 000, il doit
9 y avoir des Croates et des Serbes mélangés. C'est peut-être plus compliqué.
10 Mais sur des petits chiffres, il était facile de faire une exploration. En
11 Tchécoslovaquie, il y en a 2 000, 2 117. Peut-être qu'il aurait été
12 intéressant de faire la répartition. Bon, ça n'a pas été fait. On en reste
13 là.
14 Monsieur Seselj, continuez.
15 M. SESELJ : [interprétation]
16 Q. Voyons maintenant la chose suivante, le tableau numéro 11. Les
17 personnes qui ont quitté la Serbie de 1991 à 1995, qui sont des réfugiés
18 venus de Serbie. Et à vos yeux, tous ceux-là sont des réfugiés ? Tous ceux
19 qui ont quitté la Serbie pour se rendre en Croatie pendant cette période-
20 là, 1991 à 1995, soit des réfugiés, soit des personnes déplacées, pour
21 vous; c'est bien cela ?
22 R. Il s'agit d'individus qui ont enregistré leur statut en République de
23 Croatie.
24 Q. Parce que la Croatie mettait à la disposition de ces gens-là de
25 l'argent, donc pourquoi n'iraient-ils s'enregistrer ?
26 R. Comme je l'ai déjà expliqué, la Croatie ne donnait pas de l'argent.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame Biersay.
28 Mme BIERSAY : [interprétation] Pour la référence soit plus facile en
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1 prétoire électronique, je pense que la page en anglais est 114, 99 en
2 B/C/S.
3 M. SESELJ : [interprétation]
4 Q. Ici, vous parlez des différentes municipalités de Serbie. Tout d'abord,
5 il y a la Serbie propre, la Vojvodine et le Kosovo, cette répartition-là;
6 ensuite, vous avez un aperçu précis par municipalité, je n'ai aucune raison
7 de douter de ce que vous dites par avance.
8 Alors nous avons les chiffres comme suit : dans la Serbie propre, pendant
9 longtemps, nous n'avons pratiquement aucun départ vers la Croatie; en 1990,
10 3; puis 12; puis 48; et cela augmente en 1996, on en a 113. En tout, 546
11 personnes sont parties de Serbie vers la Croatie, pour vous, ce sont des
12 réfugiés. Parmi eux, il y a 17 Serbes; c'est bien ça, d'après ce qu'on lit
13 ici ?
14 R. C'est exact.
15 Q. Voilà, donc 546 personnes en tout. Mais voyons maintenant ce qui en est
16 de la Vojvodine. Là, en tout, nous avons 5 131 personnes; c'est bien ça ?
17 R. C'est exact.
18 Q. En 1990, 7; en 1991, 61. J'attire l'attention de la Chambre là-dessus.
19 Pendant toute l'année 1992, 290 personnes de Vojvodine; pendant toute
20 l'année 1993, 345; 1994, 541; et en 1995, après Eclair et Tempête, 1 868;
21 en 1996, 280. En tout, 5 131 personnes de toute la Vojvodine, c'est ça le
22 nombre de personnes qui ont déménagé vers la Croatie. Pour vous, ce sont
23 des réfugiés. Parmi eux, 3 377 seulement sont des Croates. C'est votre
24 chiffre, n'est-ce pas ? Dites-moi oui ou non, s'il vous plaît.
25 R. Il s'agit au moins de 3 377 Croates.
26 Q. D'accord. Au moins 61 sont des Serbes au moins qui ont déménagé de
27 Vojvodine vers la Croatie. Pour vous, ce sont des réfugiés. Vous avez
28 également là six Musulmans de répertoriés, 144 "Autres"; 32 inconnus, et
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1 cetera. Mais le chiffre au total c'est
2 5 131 personnes sur la période allant de 1990 à 1996. Mais dites-moi ce qui
3 se produit en 1997 ? Vous nous dites le gouvernement croate a créé une
4 agence intergouvernementale pour se charger de l'achat des biens. Cette
5 agence achète à bas prix les biens serbes et les met à la disposition des
6 Croates qui déménagent d'où que ce soit en Croatie; est-ce que cela est
7 vrai ? Est-ce que vous pouvez me répondre par un "oui" ou un "non" pour
8 qu'on puisse avancer.
9 R. Je ne peux pas vous confirmer cela parce que cela n'est pas aussi
10 simple que ça, on ne peut pas dire qu'on met cela à la disposition
11 exclusivement des Croates.
12 Q. Moi non plus je n'aime pas les choses compliquées, avançons. Nous avons
13 les chiffres pour Vojvodine, mais ce qui intéresserait en particulier la
14 Chambre, je suppose, puisque vous faites preuve de conscience dans l'examen
15 approfondi de ce rapport, 5 131, s'il vous plaît, rappelez-vous ce chiffre.
16 C'est le nombre de personnes ayant quitté la Vojvodine pour s'installer en
17 Croatie, y compris 91 Serbes. Kosovo-Metohija, voyons maintenant ce qui se
18 passe là-bas. En tout, 6 924 personnes qui ont déménagé en Croatie. Là-
19 dessus, 3 755 Croates, 7 Serbes, 91 Musulmans et les autres, 1 490. Je
20 suppose que là il y a des Gorans, des Turcs, des Albanais, et cetera.
21 R. Oui, c'est ça.
22 Q. Alors ils se sont réfugiés devant qui au Kosovo ?
23 La majorité, vous voyez comment ils sont partis. Avant 1996, "4 251," donc
24 on ne sait pas exactement à quel moment ils sont partis, puis après, c'est
25 ventilé par année : 1990, 14; 27 pour l'année d'après; 1992, 670; 252 pour
26 l'année suivante, et cetera. Ils sont partis sans aucun doute avant 1996, 4
27 251, mais on ne sait pas en quelle année. En tout, 6 924. Donc de 1 800
28 plus que de Vojvodine. Alors ils se sont réfugiés devant qui au Kosovo ?
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1 Dites-moi, s'il vous plaît, vous le savez ?
2 R. Ecoutez, là, comme vous l'avez vu vous-même pour ces gens au Kosovo, en
3 bonne partie ce sont des Croates, mais pas exclusivement. Il y avait pas
4 mal d'Albanais parmi eux jusqu'en 1995, mais aussi à partir de 1995, c'est-
5 à-dire 1996, ils arrivaient en Croatie. La majeure partie est arrivée en
6 Croatie en 1999 pour ce qui est de ces gens-là, et c'était pendant la
7 guerre au Kosovo. Parmi ces gens-là, il y avait un grand nombre d'Albanais
8 -- il y avait des Croates et des Albanais. Les raisons pour lesquelles les
9 gens sont partis sont les mêmes que nous avons déjà évoquées.
10 Q. Ils fuyaient un certain danger ?
11 R. C'est cela.
12 Q. Très bien. Alors dites-moi maintenant la chose suivante : parmi ces 5
13 131 personnes -- ou réduisons ce chiffre. Parmi ces 3 377 Croates qui,
14 d'après vos chiffres, ont quitté la Vojvodine pour se réfugier en Croatie,
15 il y en a combien qui sont partis sans échanger leurs biens précédemment;
16 donc en laissant leurs maisons, leurs appartements en Serbie sans procéder
17 à un échange de biens ? Est-ce que vous avez ces chiffres-là ?
18 R. Non. Je n'ai pas ces chiffres-là. En partie, les renseignements sur la
19 propriété vous l'avez dans nos dossiers, mais je n'ai pas récolé cela pour
20 des besoins de ce rapport, ce n'est pas un critère sur lequel je me suis
21 basé. Mais nous relevions la situation au moment de l'enregistrement. Donc
22 je ne peux pas vous dire de quel nombre de personnes il s'agit.
23 Q. Je vous en prie, vous avez un total de 3 377 Croates pour lesquels vous
24 nous dites qu'ils ont fui la Serbie entre 1991 et 1999, et vous précisez
25 que jusqu'en 1992, quand on additionne 1990, 1991, 1992, ça nous donne 358
26 en tout; est-ce que j'ai bien additionné ?
27 R. Je pense que oui.
28 Q. Certes. Alors 358 Croates qui ont fui la Vojvodine pour aller vers la
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1 Croatie. Alors pour vous, l'essentiel dans votre rapport d'expert ce serait
2 d'avoir essayé de trouver s'il y avait ne serait-ce qu'un Croate qui a dû
3 fuir la Serbie pour des raisons quelles qu'elles soient en abandonnant tous
4 ses biens mobiliers. Je vous affirme qu'il n'y en a pas un seul. Ils ont
5 soit vendu et partis, soit échangé et partis. Parce que personne n'a dû se
6 précipiter et fuir. Je sais qu'on a fui rapidement avec des sacs en
7 plastique à la main, je sais qu'il y a eu de cela. Mais depuis la Serbie,
8 personne n'a fui de la sorte avec des sacs en plastique dans les mains. Ça,
9 je vous le garantis. Alors voyons autre chose.
10 Ayez l'amabilité de me dire combien de temps il me reste encore, il
11 va falloir que j'abrège.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il va falloir que vous abrégiez parce que
13 j'aimerais qu'on ait au moins dix minutes avant la fin de l'audience pour
14 des questions administratives.
15 Vous avez "left" -- Donc vous avez utilisé une heure, donc il doit vous
16 rester 30 minutes.
17 Voilà. Madame, une question, parce que ces chiffres pour nous sont très
18 importants parce qu'ils sont au cœur de l'acte d'accusation concernant la
19 Vojvodina. Moi je me polarise sur 1991 et 1992.
20 D'abord, 1990, il y a sept qui partent. En 1990, il ne se passe pas grand-
21 chose. 1991, il y en a 61; 1992, 290. Alors ce qui aurait été très
22 intéressant dans votre étude, si ça avait été fait, c'était ces 350
23 personnes, de savoir combien avaient échangé leurs appartements. Parce que
24 s'il y en a 350 qui ont échangé en totale liberté les appartements, ce
25 n'est pas la même chose que si elles ont échangé contraints et forcés.
26 1993, il y en a 345, puis on voit bien que la situation s'aggrave puisqu'en
27 1994 il y a 541; 1995, 1 800. Mais nous, nous on est surtout sur 1991 et
28 1992, et il aurait été intéressant de savoir, pour ces 350, combien ont
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1 échangé d'appartements. Je présume que vous ne pouvez pas répondre. Vous
2 n'avez pas de données.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà indiqué, je n'ai pas de
4 données vraiment pour ce qui est du nombre de personnes ayant procédé à des
5 échanges de biens. Ce que nous avons comme information - et que je n'ai pas
6 sorti pour la rédaction de ce rapport concret, je n'ai pas mis cela en
7 exergue - ce sont les renseignements portant sur les raisons de leur
8 départ. Lors de l'enregistrement, c'est une information qu'ils ont donnée,
9 ces gens. Entre autres, ils parlent d'expulsion dans certains cas, dans
10 d'autres cas, ils parlent de menaces ou de mauvais traitements pour ce qui
11 est des raisons pour lesquelles ils ont fui leurs propres logis.
12 Je précise encore, comme je l'ai déjà dit auparavant; un nombre important
13 de ces personnes ne se sont pas enregistrées en tant que réfugiés. Je vous
14 parle de renseignements sur les gens qui se sont enregistrés en tant que
15 réfugiés et qui avaient, de façon évidente, des raisons de le faire.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
17 Monsieur Seselj, pour les cinq minutes avant la pause, reprenez la parole.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attire votre attention, Monsieur le
19 Président, sur ce qui concerne ces 350 personnes de la Vojvodine jusqu'à
20 1992 comprise. Il serait intéressant aussi de voir quelles quelle était la
21 structure ethnique parce que les 350 c'étaient pas tous des Croates. Il
22 pouvait y avoir des Serbes s'il y avait au total 61 Serbes qui sont partis
23 de là pour aller vivre là-bas pour des motifs quelconques.
24 M. SESELJ : [interprétation]
25 Q. Alors, Madame, vous nous avez dit que 127 000 Serbes, d'après les
26 fichiers que vous avez créés, sont rentrés sur le territoire de la Croatie.
27 Il y a quelques jours, les autorités serbes ont informé l'opinion publique
28 qu'il y a avait 75 000 personnes à être revenues. Alors comment
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1 interprétez-vous cet écart de 52 000 de ces Serbes qui sont rapatriés ?
2 R. Je peux vous répondre au sujet des personnes qui se sont enregistrées
3 en tant que personnes rapatriées en République de Croatie, et ça c'est le
4 chiffre exact, 127 000.
5 Q. Bien. Vous nous avez donné des renseignements au sujet de la structure
6 par âge, par sexe, par municipalités différentes actuelles de la République
7 de Croatie. Vous avez également dit que c'étaient des Croates qui avaient
8 fui de quelque part; alors ce qui aurait été intéressant c'est de nous
9 fournir des renseignements, or vous ne l'avez pas donné, au sujet de la
10 structure des Serbes par âge dans vos fichiers pour lesquels vous dites
11 qu'ils sont rentrés. Avez-vous ce type de renseignements ?
12 R. Nous, en tant qu'institution, nous avons ces renseignements.
13 Q. Mais vous n'avez pas estimé nécessaire d'en parler ?
14 R. Non, parce qu'on ne me l'a pas demandé, cela.
15 Q. Parce que le bureau du Procureur n'est pas intéressé par le sort des
16 Serbes. Vous avez raison, ils ne sont là que pour représenter votre partie
17 à vous.
18 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je retire cette observation. Allons de l'avant
20 afin que Mme Biersay n'ait pas à bondir à tout moment.
21 M. SESELJ : [interprétation]
22 Q. D'après mes informations à moi, il s'agit en premier lieu de Serbes
23 dans un âge avancé qui, en termes simples, ne pouvaient plus s'adapter
24 ailleurs et recommencer une vie normale, ou alors s'agissait-il de Serbes
25 qui, à n'importe quel prix, voulaient vendre leurs biens pour quitter à
26 titre définitif cette fois-ci les régions qui sont maintenant sous le
27 contrôle serbe. Ai-je raison de dire cela ? Il s'agit de personnes âgées ou
28 alors de personnes qui ne sont venues que pour vendre leurs biens ?
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1 R. Vous ne pouvez pas en parler de façon aussi exclusive. Il y a, bien
2 sûr, un pourcentage important de personnes âgées. Pourquoi ? Parce que les
3 personnes âgées sont les premières à revenir. Cependant, ce n'est plus le
4 cas. Il y a des familles plus jeunes avec des enfants qui reviennent en
5 République de Croatie. Ce récit disant qu'il n'y a que des personnes âgées
6 ou des personnes qui souhaitent vendre leurs biens, c'est un récit qui date
7 des débuts. Dans toutes les situations de présence de réfugiés, c'est
8 d'abord les âgés qui reviennent le plus vite, donc ceux qui regagnent leurs
9 maisons ce sont d'abord les personnes âgées. Les personnes plus jeunes ne
10 retournent qu'après. Donc vous ne pouvez pas affirmer les choses ainsi.
11 Bien sûr, il y a dans ce chiffre un peu plus de Serbes et, bien sûr, il y a
12 certaines personnes parmi ces gens qui sont venues vendre leurs biens --
13 Q. Expliquez-moi ce miracle jamais vu à ce jour. Le gouvernement croate a
14 créé, en 1997, une agence de l'Etat pour l'achat de biens immobiliers. Je
15 n'ai pas eu connaissance de cas similaires sur le territoire européen où
16 l'Etat crée une agence qui serait chargée d'acheter les biens des citoyens
17 dont elle souhaite se débarrasser. C'est arrivé en Croatie en 1997. Une
18 agence tout entière. Qu'on ait confié la chose à l'autogestion locale ou --
19 mais vous avez une agence de l'Etat qui ne vaque qu'à une chose, à savoir
20 au rachat des biens serbes pour une bouchée de pain; et ça, je sais de
21 façon fiable que c'est pour une bouchée de pain. Est-ce que vous pouvez
22 m'expliquer cela en votre qualité d'expert ?
23 R. Cette agence, je ne savais pas que vous alliez poser ce type de
24 questions et je n'ai pas apporté --
25 Q. Mais vous vous attendiez à quoi comme questions ?
26 R. Je vais vous dire quelque chose au sujet de cette agence. Elle a été
27 créée à l'époque de la réintégration pacifique des territoires le long du
28 Danube et où il y a eu un accord pour ce qui est d'un retour dans les deux
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1 sens de la vallée du Danube, et qui parle du retour des personnes
2 internement déplacées.
3 Alors selon cet accord, il est, entre autres, question de possibilité de
4 vente de biens, et il est évoqué cette agence. Là en question - je regrette
5 de ne pas l'avoir apporté, celui-là - cet accord a été signé entre le
6 gouvernement croate et l'administration transitoire. Cela a été une partie
7 intégrante de l'accord qui visait à aider les gens qui sont restés dans la
8 vallée du Danube pour ce qui est de leur donner le choix entre rester en
9 République de Croatie ou s'en aller. Malheureusement, une partie de ces
10 personnes ont quitté la République de Croatie à ce moment-là. Cette agence
11 a servi au rachat de leurs biens étant donné que sur ce territoire il n'y
12 avait pas eu de marché de biens immobiliers.
13 Q. Mais un énorme nombre de Serbes ne reviennent pas à la maison. Vous
14 dites que certaines régions de la Croatie, à savoir la République de la
15 Krajina serbe, à savoir les régions de l'UNPA, vous dites que ça a été
16 libéré dans l'opération Tempête ?
17 R. Oui.
18 Q. Ça a été libéré de toute population serbe, parce que tous les Serbes
19 ont été expulsés de la région. Ceux qui n'ont pas été expulsés ont été
20 abattus. Ceux qui se sont trompés ou qui ont fait l'erreur de rester ont
21 été tués; est-ce vrai ?
22 R. Je ne peux pas vous le confirmer.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : -- la pause et on reprend à midi vingt.
25 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.
26 --- L'audience est reprise à 12 heures 21.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est donc reprise. Le Greffier m'a indiqué
28 qu'il restait 22 minutes à M. Seselj.
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1 M. SESELJ : [interprétation]
2 Q. Madame Radic, saviez-vous que la grande majorité des Serbes expulsés et
3 chassés de chez eux, notamment ceux qui ont été chassés pendant Tempête et
4 Eclair, ne veulent pas revenir chez eux avant que l'on ne libère la
5 République de la Krajina serbe où ils résidaient auparavant, le saviez-vous
6 cela ?
7 R. Je sais qu'il existe un grand nombre de Serbes réfugiés ou partis de la
8 République de Serbie qui ne voulaient pas revenir en République de Croatie,
9 mais je ne peux pas me perdre en conjectures pour ce qui est de leurs
10 motifs. L'OSCE, le NHCR et autres organisations évoquent des raisons
11 variées pour ce qui est de la décision de revenir ou de la décision de
12 rester vivre ailleurs.
13 Q. Bien. Ici, dans les parties finales de votre rapport, vous n'essayez
14 même pas de vous servir d'une méthode scientifique ou spécialisée dans
15 l'approche au sujet. Mais vous avez recours plutôt à une méthodologie
16 journalistique, vous décrivez votre façon de voir l'expulsion de Croates de
17 certaines régions de la Krajina serbe.
18 Je vais vous donner quelques exemples. On évoque l'exemple de Borovo Selo.
19 Et vous dites que là-bas il a été exécuté, massacré des policiers croates.
20 Quelqu'un pourrait tirer une conclusion qui serait celle de dire que des
21 terroristes serbes ont tué des policiers croates innocents. C'est bien
22 cela, n'est-ce pas ?
23 R. Ici, je dis ou j'évoque un événement qui s'est produit dans le secteur
24 et qui a eu pour conséquence le départ d'un certain nombre de ces habitants
25 non-Serbes de la région.
26 Q. Madame Radic, j'ai lu attentivement ce que vous avez écrit. Vous avez
27 dit qu'ils ont été abattus et massacrés; c'est bien ce que vous avez dit ?
28 R. Exactement.
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1 Q. Je vais vous dire ce que j'ai appris au sujet de cet événement, puisque
2 là-bas il y a eu des volontaires du Parti radical serbe à avoir participé
3 au conflit, et ils sont fiers de leur victoire et moi, qui les ai envoyés
4 là-bas, je suis également fier de la victoire des armées serbes là-bas. Ces
5 villages serbes de la Slavonie orientale et du Srem occidental ont été
6 menacés par ces sauvageries oustacha de la part des formations oustacha
7 variées et des autorités croates. Des Serbes ont été arrêtés contre le
8 droit et ils ont été battus et certains ont été abattus. Ce qui a fait que
9 des villages serbes ont placé des barricades aux routes d'accès, et par les
10 armes, ils ont voulu empêcher les intrusions de la police croate et des
11 formations paramilitaires. Il y a eu ensuite négociation en vue d'un
12 apaisement de la situation. Reihl Kir a participé à ces négociations --
13 Mme LE JUGE LATTANZI : Arrêtez de témoigner et arrivez à la question.
14 Autrement, il y a un problème, là.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je ne peux pas poser ma question avant que
16 je n'aie dit ce qui s'est passé, d'après moi, là-bas. Et, Madame Lattanzi,
17 vous devriez remarquer vous aussi que de grandes parties de ce rapport
18 d'expert sont des reportages de journaliste; et une façon unilatérale de
19 voir les choses où les Croates sont innocents et les Serbes sont coupables.
20 Ce n'était pas sa mission d'expert, cela.
21 Mme LE JUGE LATTANZI : C'est un autre problème, Monsieur Seselj. Mais
22 maintenant, les questions que vous devez poser, vous devez les poser sur
23 les différents éléments de votre description, parce que vous décrivez dans
24 beaucoup d'éléments un événement; et après, on ne saura pas sur quoi vous
25 interroger exactement. C'est seulement cela je vous demande.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que vous n'êtes pas intéressée par cet
27 événement donc je ne vais pas m'en occuper. L'histoire l'a --
28 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais vous ne pouvez pas dire que je ne suis pas
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1 intéressée.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous ne me laissez pas présenter les faits les
3 plus élémentaires. Vous ne me laissez pas présenter des faits plus
4 élémentaires. Comment il y a eu intrusion de ces policiers croates dans le
5 village serbe ? Il y a eu des négociations de paix. Il y a eu un accord, on
6 a abouti à un accord pour apaiser la situation et pour lever les
7 barricades. On a levé les barricades et alors, les policiers croates, par
8 surprise, armés jusqu'aux dents, sont arrivés à bord d'autocars dans Borovo
9 Selo. Dès qu'ils sont sortis de leurs autocars, ils ont ouvert le feu. Les
10 Serbes se sont débrouillés, ils ont riposté et ils ont gagné, ils ont
11 emporté la victoire. Et maintenant, dans un rapport d'expert, on parle
12 d'exécution de policiers croates. Ça c'est l'expertise de votre expert.
13 Ça c'est la substance de ma question, mais je renonce à ma question parce
14 que je n'ai plus le temps de m'en occuper, je vais aller de l'avant.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame, sur Borovo Selo, qui est un fait
16 important parce qu'à partir de là, il s'est passé beaucoup de choses, dans
17 votre rapport, vous l'évoquez. M. Seselj vient d'exposer sa théorie sur ce
18 qui s'est passé. Alors, qu'est-ce que vous dites ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet événement, ainsi que des événements
20 similaires survenus en Croatie, indépendamment des origines ou des causes -
21 je ne peux pas parler maintenant de cela, je ne suis pas expert en cela -
22 je les ai mentionnés comme événements qui se sont produits, et je les ai
23 qualifiés tels que qualifiés, à savoir que ces gens ont été abattus. Ils
24 n'ont pas seulement été abattus à l'occasion de combats mais il y a eu
25 massacre. Il y a plusieurs événements qui se sont produits sur différentes
26 régions de la Croatie qui ont conduit directement à l'expulsion ou au
27 départ d'une certaine quantité d'habitants de ces régions.
28 Dans ce cas-ci, il s'agit de Borovo Selo, des zones frontalières de
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1 Vukovar, Borovo Nacelje et Vukovar au sens restreint du terme, et c'est là
2 que nous avons eu des premières personnes déplacées de la République de
3 Croatie. Et c'est l'une des régions où ce type d'événement s'est produit.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, pour votre information,
5 pendant que les combats duraient encore, il y a eu une unité blindée de la
6 JNA qui est intervenue pour faire cesser les conflits armés, à aider les
7 Croates à s'en sortir, c'est-à-dire à aider les survivants à s'en sortir,
8 et on a sorti les morts et les blessés. Alors, allons de l'avant.
9 Q. Pourquoi, Madame Radic, votre rapport n'englobe-t-il pas les Serbes
10 qui, suite à Eclair et Tempête, depuis la partie occidentale de la Krajina
11 serbe, sont partis vers la Slavonie, la Baranja et le Srem alors que ces
12 gens-là étaient en grand nombre ?
13 R. Parce qu'on ne me l'a pas demandé.
14 Q. Bien. Je suis satisfait de votre réponse. Saviez-vous qu'entre deux
15 recensements de la population en Croatie en 1991 et en 2001, on a relevé
16 l'absence de 380 000 Serbes ? Sans compter la natalité serbe sur le
17 territoire de la Croatie qui ne pouvait certainement pas être zéro. Il y a
18 eu des enfants qui continuaient à naître. Il devait forcément y avoir une
19 natalité, tout comme pour les Croates. Il n'y a pas de différent entre la
20 natalité des Serbes et des Croates en Croatie. Il n'y a pas de raison qu'il
21 y ait des différences, n'est-ce pas ?
22 R. Certes.
23 Q. Donc, il manque 380 000 Serbes entre deux recensements; le saviez-vous,
24 cela ?
25 R. Oui, je le sais.
26 Q. Comment expliquez-vous cela ?
27 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Il y a une erreur au transcript. C'est 380 000,
28 pas 38 000.
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1 Continuez.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et même le PV est contre moi, mais j'ai
3 l'habitude de voir que tout le monde est contre moi.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges surveillent tout.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
6 M. SESELJ : [interprétation]
7 Q. Veuillez me répondre à ma question, Madame Radic.
8 Q. Vous êtes en train de parler de ces données relatives au recensement,
9 et les chiffres que vous évoquez sont justes, 380 032 de différence entre
10 deux recensements. Mais le recensement a été fait en 2001, et après 2001,
11 en notre qualité d'administration veillant, entre autres, au retour des
12 réfugiés, nous avons eu 40 000 rapatriés qui sont revenus de l'étranger.
13 Par conséquent, le chiffre se trouve être quelque peu différent par rapport
14 à celui qui nous est donné par le recensement de la population. Ça, c'est
15 d'un. De deux, ici, il n'y a qu'un recensement de la population.
16 Permettez-moi de dire encore une chose.
17 Ce qui est important ici, c'est de prendre en considération les régions qui
18 ont été directement sous le coup de la guerre, où il y a d'abord eu fuite
19 de la population non-serbe, non pas seulement croate, mais non-serbe, d'une
20 part, et suite à cela, départ de la population serbe. Le fait est que c'est
21 là une région à laquelle vaque, dans ses activités, l'administration à la
22 tête de laquelle je me trouve.
23 Donc il y a eu, suite à la guerre et à tous ces événements, de grandes
24 migrations de population, des uns et des autres. Il n'y a pas seulement des
25 Serbes; il y a eu aussi moins de Croates par rapport à la population
26 d'avant.
27 Q. Je vais vous rectifier. Les Serbes ont commencé à fuir en 1990, dès que
28 le régime à Tudjman a été mis en place, dès qu'on a rétabli les symboles
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1 oustachi, le damier, l'échiquier croate, et cetera. Donc c'est là que les
2 Serbes ont commencé à fuir. D'abord, les Serbes des milieux urbains --
3 R. Je ne peux pas.
4 Q. Vous avez dû consulter Svetozar Livada, votre professeur d'université
5 qui a donné tous ces renseignements. Et le Procureur a tout cela, mais il
6 le dissimule. D'après vos renseignements concernant les qui ont fui, il y a
7 eu énormément de Croates qui ont fait l'objet d'un exode, mais en
8 provenance de la Bosnie-Herzégovine aussi, n'est-ce pas ?
9 R. Dans ces renseignements dont je fais l'étalage dans ce rapport, mis à
10 part les endroits où il est question de réfugiés au sens strict du terme,
11 il s'agissait de citoyens de la République de Croatie. Je ne parle pas de
12 Croates originaires de la Bosnie-Herzégovine. On évoque à quelques endroits
13 les Croates de Bosnie-Herzégovine. Donc, ces Croates de Bosnie-Herzégovine
14 ne figurent pas dans ce chiffre qui parle de 220 000 expulsés.
15 Q. Madame Radic, avec le régime de Tudjman, tous les Croates ont eu le
16 droit à une nationalité croate; donc il y a un très grand nombre de Croates
17 de Bosnie-Herzégovine à exercer ce droit. Et ils ont en masse participé à
18 toutes les élections croates au fil des 18 années écoulées, n'est-ce pas ?
19 R. C'est exact.
20 Q. Donc, ils ont presque tous -- je n'en connais aucun à ne pas avoir fait
21 cela, mais presque tous les Croates de Bosnie-Herzégovine se trouvent être
22 en même temps ressortissants de l'Etat de Croatie; est-ce que c'est exact ?
23 R. Je vais vous démentir, malheureusement. Pas tous.
24 Q. Pas tous, mais presque tous. Ceux qui n'ont pas voulu ne le sont pas
25 devenus. Et c'est le petit nombre de gens qui ont été aux côtés du régime
26 musulman à Sarajevo.
27 R. Moi je ne sais pas pourquoi.
28 Q. Moi je sais pourquoi, mais peu importe. Alors, est-il exact de dire
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1 qu'en Bosnie-Herzégovine, avant la guerre, il y avait 17 % de Croates,
2 d'après les statistiques officielles ?
3 R. Si ma mémoire ne me trompe pas, je crois que c'est exact.
4 Q. Est-il exact de dire que maintenant, ils ne sont pas plus de 6 %; vous
5 ne savez pas ? Allons de l'avant.
6 R. Je ne peux pas vous parler de chiffres précis, parce que la Bosnie-
7 Herzégovine n'a pas procédé à un recensement de la population. Il ne s'agit
8 que d'estimations, là.
9 Q. Bien. Vous n'ignorez pas le fait que le gouvernement croate a porté
10 plainte contre la Serbie au sujet d'un prétendu génocide devant la Cour
11 internationale de Justice ?
12 R. Je le sais.
13 Q. Alors pour vous poser ma question suivante, je vais vous raconter une
14 anecdote historique brève.
15 Vers la fin de 1941 ou début 1942, le président américain Roosevelt a
16 convié à Washington les représentants les plus éminents des Serbes et des
17 Croates. Parmi les Serbes, il y avait l'un des plus grands poètes serbes,
18 Jovan Ducic. Et parmi les Croates, il y avait Juri Krnjevic, vice-président
19 du Parti paysan croate, et qui était le premier adjoint de Macek. Et il a
20 été question des crimes commis par les Oustachi vis-à-vis de la population
21 serbe, dont des nouvelles terrifiantes arrivaient déjà en Amérique. Les
22 Croates qui étaient présents ont tous essayé de nier ces crimes et de les
23 attribuer aux forces d'occupation allemandes ou italiennes.
24 J'en finis, j'en finis.
25 Mme BIERSAY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, Madame,
26 Messieurs les Juges. Objection, parce que M. Seselj est en train de
27 déposer. S'il a une question, qu'il la pose au témoin. Il prétend donner
28 une introduction à ses questions, mais en fait, il fait un discours.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : -- question, encore faut-il en poser les bases.
2 Donc, il veut poser une question au témoin en relatant un entretien entre
3 M. Roosevelt, un Serbe et un Croate. Donc il lui explique cela.
4 Continuez.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faut bien qu'on pose aux experts des
6 questions un peu plus compliquées et plus complexes, et pas les questions
7 les plus élémentaires comme si c'était des élèves à l'école primaire. Mme
8 Radic est ici en qualité d'expert.
9 M. SESELJ : [interprétation]
10 Q. Alors, s'agissant de ces tentatives de dissimulation des crimes
11 oustachi et du transfert de la culpabilité vers les Allemands et les
12 Italiens, Jovan Ducic a prononcé une phrase qui est restée dans la mémoire
13 de tous. Il a dit :
14 "Vous, les Croates, vous êtes le peuple le plus courageux du monde, mais
15 pas par le fait de n'avoir peur de personne. Vous êtes le peuple le plus
16 courageux, vous, Croates, parce que vous n'avez honte de rien."
17 Madame Radic, est-ce que de par ces agissements du gouvernement croate et
18 de cette plainte à l'encontre de la Serbie, en réalité, on réactualise, les
19 propos tenus par Ducic à l'époque ?
20 R. Je ne vois aucune corrélation entre ces propos-là et l'autre événement.
21 Je pense que rien -- enfin, il n'y a aucun lien entre les deux. C'est une
22 opinion de quelqu'un. Ce n'est pas un fait.
23 Q. J'en ai terminé avec mon contre-interrogatoire.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui, attendez. Madame, pouvez-vous répéter la
25 réponse, parce qu'il y a eu un problème.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je ne voyais aucune corrélation
27 entre ces propos-là et l'événement en tant que tel, ou plutôt la procédure
28 qui est en cours. Je pense qu'il s'agit plutôt d'une opinion de quelqu'un
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1 que de faits. Et moi, je ne peux parler que de faits.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, j'ai une question de suivi suite à une
3 question que vous a posée M. Seselj.
4 Questions de la Cour :
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous êtes quelqu'un de cultivé, je peux me
6 permettre de faire une question un peu plus longue que je poserais à
7 quelqu'un de moins cultivé que vous.
8 Nous avons eu plusieurs témoins qui, sur la Vojvodine, nous ont expliqué
9 qu'il y avait eu beaucoup de Serbes qui étaient arrivés en provenance de la
10 Croatie. On a eu énormément de détails là-dessus. Suite à cela, il y a eu
11 des échanges d'appartements, et cetera. Je n'entre pas dans les détails.
12 Voilà que tout à l'heure M. Seselj vous dit, il y a eu le recensement
13 de 1991 et le recensement de 2001. Et selon lui, mais il doit se baser sur
14 des documents irréfutables, il y aurait eu un déficit de plus de 300 000
15 Serbes entre ces deux recensements en Croatie. Le chiffre est énorme, 300
16 000 personnes qui auraient donc plus -- qui ne se seraient plus déclarées
17 Serbes en 2001 au moment du recensement.
18 Vous qui êtes une spécialiste, pouvez-vous me dire si ces chiffres
19 soient exacts ? Est-ce qu'ils correspondent à une réalité ?
20 R. Ces chiffres qui évoquent une divergence entre le nombre de la
21 population entre deux recensements sont exacts. Les raisons à cela, c'est
22 qu'il y a eu diminution non seulement du nombre de Serbes en Croatie, mais
23 si nous parlons maintenant de la composition ethnique de la population, je
24 dirais qu'il y a eu diminution aussi du nombre de Croates entre deux
25 recensements, parce qu'entre deux recensements il y a eu une différence de
26 méthodologie utilisée. Il en a longuement été question dans l'opinion
27 publique suite au recensement même.
28 Les chiffres sont exacts. Cependant, si nous parlons maintenant des raisons
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1 à cela, il faudrait que nous élaborions une analyse à part à ce sujet parce
2 que nous parlons aussi de démographie. Vous devez savoir qu'en ces temps-
3 ci, la croissance naturelle de la population doit être prise en
4 considération, et pendant cette période pour tous les groupes ethniques, ça
5 a été négatif. Et entre les deux recensements, mise à part la raison de
6 guerre, nous avons eu une grande migration de la population depuis les
7 autres régions de la Croatie, et pas seulement les Serbes, mais aussi des
8 Croates et autres groupes ethniques en direction de l'étranger.
9 Un grand sujet est débattu actuellement, c'est ce départ des cerveaux, à
10 savoir le départ des jeunes personnes qualifiées vers l'Occident. Une
11 partie de ces gens sont parties en tant que réfugiées. Vous n'ignorez pas
12 que certains vivent encore aux Pays-Bas, entre autres, ils ne sont jamais
13 rentrés en Croatie. Je ne parle pas seulement de Serbes, mais je parle
14 aussi de Croates. Le chiffre total des habitants s'est vu réduit de la
15 sorte.
16 La guerre et ce qui s'est produit pendant la guerre a eu de grosses
17 séquelles sur toute la Croatie, sur sa démographie, et ça a été
18 particulièrement dramatique pour ce qui est des régions qui ont été
19 embrasées par les conflits de façon directe, et occupées. D'abord, il y a
20 eu départ de là-bas de pratiquement toute la population non-serbe. Ensuite,
21 il y a eu le départ des Serbes. Nos démographes ont fait couler beaucoup
22 d'encre pour ce qui est des raisons de ces événements. On essaie justement
23 d'expliquer pourquoi tout ceci s'est produit dans l'ensemble, et par
24 période on parle des départs des Serbes depuis ces régions-là.
25 De mon point de vue, il m'est difficile d'en parler, car ces quatre, voire
26 sept années, nous n'avons pas exercé de contrôle sur ces territoires pour
27 savoir combien de gens ont quitté à ce moment-là la République de Croatie.
28 Nous n'avons pas exercé de contrôle vis-à-vis des frontières avec la Serbie
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1 pour savoir qui sont ces gens qui partaient. Donc nous savons qu'il y a eu
2 des gens à partir. C'est tout ce que nous savons.
3 Le fait est que de nos jours, en dépit de toutes les mesures que notre
4 gouvernement met en œuvre pour ce qui est de fournir la possibilité à ces
5 gens de recevoir des maisons ou des appartements pour venir habiter dans
6 ces régions, pour ce qui est d'encourager au maximum le retour de la
7 population d'avant-guerre, tant des Croates que des Serbes, nous avons un
8 déficit, d'après donc le recensement, de 65 %. Si l'on prend en
9 considération le fait qu'il s'est écoulé six ou sept ans depuis le
10 recensement, si l'on rajoute le nombre des rapatriés, nous avons quand même
11 30 % de population en moins vis-à-vis de l'avant-guerre. Ce sont les
12 événements les plus dramatiques qui sont survenus justement dans ces
13 régions-là.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une dernière question. Aujourd'hui, la
15 population en Croatie est de combien d'habitants ? Et dans cette
16 population, il y a quel pourcentage de Serbes ?
17 R. D'après le recensement, 4 500 000, je pense en tout, d'habitants.
18 D'après le recensement, il y avait 4,5 % de Serbes. Mais il y a eu des
19 retours de réfugiés même après le recensement.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il y avait plus de 12 % de Serbes en 1991,
21 d'après le recensement.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la question que j'allais poser. Vous allez
23 plus vite que moi. J'allais poser la question suivante : en 1991, il y
24 avait combien d'habitants et quel pourcentage de
25 Serbes ?
26 R. C'était 4 700 000, et le pourcentage des Serbes, 12,2 %.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc en pourcentage, il y a une diminution des
28 Serbes, sans conteste.
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1 R. C'est exact.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, des questions supplémentaires ?
3 Mme BIERSAY : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le
4 Président, oui. J'ai quelques questions supplémentaires.
5 Nouvel interrogatoire par Mme Biersay :
6 Q. [interprétation] J'aimerais en effet revenir très rapidement sur deux
7 domaines. Le premier domaine que j'aimerais aborder avec vous, Madame,
8 c'est la question des chiffres et des statistiques s'agissant des réfugiés
9 de la Vojvodine. Deuxième domaine - il y aura certains chevauchements entre
10 les deux - ce seront les définitions dont nous avons discuté, et j'espère
11 que vous pouvez faire la lumière sur certains points et démêler un peu cet
12 écheveau.
13 Pour ce qui est des personnes qui venaient de Vojvodine en tant que
14 réfugiés et qui sont venus en Croatie, le tableau numéro 11 dans votre
15 rapport nous donne quelques chiffres, n'est-ce pas ?
16 R. C'est exact.
17 Q. Et ce tableau numéro 11 est ventilé par date ? On a en haut des années,
18 au début du tableau. Est-ce que c'est la date d'expulsion ou est-ce que
19 c'est une autre date ?
20 R. Ce sont les dates où les personnes ont été chassées, et lorsque nous
21 n'avons pas la date où la personne a été chassée, cette date correspond à
22 la date d'enregistrement, c'est-à-dire que c'est en fonction des
23 déclarations données par les individus concernés que nous avons agi.
24 Q. C'est précisément là l'objet de mes questions. D'où viennent ces
25 informations s'agissant de la date d'expulsion ?
26 R. Ces données proviennent de l'enregistrement des réfugiés en 1994. C'est
27 là que nous avons procédé de manière systématique à leur enregistrement, et
28 c'est à partir de ce moment que nous avons une base de données
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1 informatisée. Au moment de cet enregistrement, toutes les personnes
2 concernées ont rempli un questionnaire et l'ont signé, et ont cité la date
3 d'expulsion, les raisons d'expulsion et tous les renseignements personnels.
4 Et les renseignements concernant leur installation ont été renseignés
5 également.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Dans l'ensemble de ces documents ici
7 et dans le tableau, il est question de réfugiés, Mme Biersay, quant à elle,
8 suggère maintenant à son expert qu'il s'agit de personnes expulsées, et
9 elles évoquent les dates d'expulsion. Mais j'ai cité ce tableau. Et il est
10 question ici de réfugiés venus de Serbie. Et là on fait une distinction
11 entre la Serbie propre, la Vojvodine et le Kosovo.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est au transcript. Les Juges ont bien tout
13 cela en tête. Et quelles que soient les questions posées, on ne risque pas
14 de nous induire en erreur.
15 Mme BIERSAY : [interprétation]
16 Q. Si on avait quelqu'un de Vojvodine qui essayait de trouver refuge en
17 Croatie, disons en 1992, et cette personne allait s'inscrire dans un des
18 centres locaux pour se faire enregistrer, supposons que cette personne
19 parte avant qu'il n'y ait cette réinscription en 1994, est-ce que cette
20 personne on va la retrouver dans les données que l'on retrouve au tableau
21 numéro 11 ?
22 R. Cet individu ne figurerait pas dans ces données-là.
23 Q. Pourquoi ?
24 R. Parce que les dossiers, la partie papier, lorsqu'il s'agissait
25 d'accorder à quelqu'un le statut, jusqu'en 1994, ces dossiers n'étaient
26 tenus que localement dans des centres des affaires sociales, dans des
27 antennes territoriales locales, des bureaux régionaux des réfugiés et des
28 personnes déplacées. Eux conservent ces archives, mais uniquement sur
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1 papier. Et ces données, ces renseignements portant sur les personnes de
2 1992 et 1993 ayant eu ce statut, ça n'a jamais été regroupé pour qu'on
3 puisse avoir en un seul endroit la liste des noms. C'est la raison pour
4 laquelle en 1994, on a entrepris de réenregistrer les gens pour avoir, en
5 un seul lieu, une concentration de tous ces renseignements concernant les
6 individus qui bénéficiaient du statut de réfugiés ou de personnes déplacées
7 en République de Croatie.
8 Q. Dernière question, elle porte sur la couverture géographique, pour
9 ainsi dire, de certains termes que nous avons utilisés; le terme de
10 "réfugiés," par exemple. Des réfugiés, est-ce que ce sont des gens qui sont
11 déplacés à l'intérieur de la République de Croatie ou est-ce que ce sont
12 des gens qui viennent de l'extérieur de la République de Croatie ?
13 R. Les réfugiés ce sont les gens qui sont venus d'autres Etats, qui sont
14 venus de Bosnie-Herzégovine ou de Serbie. Ce ne sont pas les gens qui, en
15 fait, sont déplacés à l'intérieur des frontières de la République de
16 Croatie. Dans ce cas-là, lorsqu'il s'agit de gens déplacés à l'intérieur
17 des frontières de la République de Croatie, là on parle de personnes
18 déplacées.
19 Le terme international souvent utilisé comme synonyme, mais ça risque de
20 créer la confusion ici, très souvent on parle de "réfugiés internes". Mais
21 justement pour mieux comprendre, on parle de "personnes déplacées" en
22 anglais, "displaced persons."
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une observation. Il s'agit de personnes
24 délacées intérieurement, c'est ainsi que l'on dit en serbe, et les croates,
25 de manière tendancieuse, ont introduit un nouveau terme, "prognanik" en
26 fait, ce sont des personnes déportées.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. On a passé beaucoup de temps là-dessus.
28 Mme BIERSAY : [interprétation] J'ai terminé, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, je vous remercie d'être venue à la demande
2 du Procureur apporter votre témoignage. Et je vous souhaite un bon voyage
3 de retour, en demandant à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner
4 à la porte de la salle d'audience.
5 Je vais aborder quelques questions administratives. Tout d'abord en
6 audience publique, et d'autres en audience à huis clos.
7 [Le témoin se retire]
8 M. LE JUGE ANTONETTI : En audience publique, Monsieur Seselj, c'est une
9 question que je vous pose.
10 Le 25 septembre, le Procureur a fait une requête aux fins de constat
11 judiciaire des faits concernant Vukovar, faits mentionnés dans le jugement
12 Mrksic et autres. On vous a posé la question, et vous aviez répondu.
13 Simplement, il apparaît maintenant que quand on compare le transcript en
14 anglais et le transcript en français, il y a une ambiguïté sur votre
15 position. Alors je vous repose la question. Est-ce que vous allez faire une
16 réponse écrite ou pas à cette
17 requête ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai déjà apporté ma
19 réponse oralement. Si cette requête avait été déposée de manière régulière,
20 j'aurais répondu par écrit, point par point, j'aurais répondu aux faits
21 tels qu'exposés. Mais puisqu'il s'agit de faits établis dans le cadre d'un
22 jugement qui n'est pas valable, le Procureur n'a pas de fondement pour
23 formuler cette requête. Donc s'il y avait un jugement valable, j'aurais
24 réagi par écrit, point par point. Mais là, vu la situation, c'est a priori
25 que je rejette cela parce que la requête formulée par le Procureur se fonde
26 sur une décision en première instance, qui n'est pas finale.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maintenant, deuxième question. Mais là, à M.
28 Mundis ou à Mme Biersay ou au Procureur.
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1 Concernant Vukovar, est-ce que l'Accusation maintient sa requête, étant
2 observé que du point de vue de la Chambre, nous avons eu beaucoup de
3 témoins sur Vukovar, est-il nécessaire que vous mainteniez cette requête ?
4 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Tout à fait,
5 nous voulons la maintenir, elle est nécessaire, nous maintenons notre
6 requête.
7 Permettez-moi de répondre en quelques mots à ce qu'a dit l'accusé, bien
8 entendu, la jurisprudence de ce Tribunal veut qu'une Chambre peut faire un
9 constat judiciaire de faits jugés dans un autre procès, s'agissant de faits
10 qui ne font pas l'objet d'un appel par rapport au jugement en première
11 instance.
12 Ce que nous avons placé dans notre requête du 25 septembre 2008 se bornait
13 à des questions qui ne faisaient pas l'objet d'appel et qu'on pouvait, dès
14 lors, considérer comme étant définitif; et c'est la raison pour laquelle
15 nous pensons que la Chambre est dûment saisie.
16 Nous maintenons notre requête --
17 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va regarder chacun des faits et prendra
18 une décision.
19 Oui, Monsieur Seselj.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si M. Mundis avait raison, alors le Procureur
21 devrait tout d'abord me communiquer tous les appels pour que je puisse
22 m'assurer que cela n'a pas été contesté en appel. Mais là ce sont des
23 propos en l'air.
24 Et, Monsieur le Président, pour la partie publique, j'aurais deux questions
25 en audience publique.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Oui, je vous donnerai la parole, mais je
27 préfère qu'on passe tout de suite en audience à huis clos, parce que ce que
28 j'ai à annoncer est important, et je voudrais avoir le temps parce qu'on
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1 est obligé d'arrêter à une heure et quart, car quelques minutes après on a
2 l'installation d'un nouveau Juge.
3 Alors, huis clos.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
5 le Président.
6 [Audience à huis clos partiel]
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14 [Audience publique]
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
16 Juges, premièrement, je tiens à vous dire que j'ai reçu une requête de la
17 part de l'Accusation en application de 92 ter, le Témoin VS-1000 devrait
18 déposer, d'après leur requête. Vous avez déjà refusé cela, vous avez décidé
19 que ce témoin vienne déposer viva voce. Avec tous les arguments à l'appui
20 déjà avancés par moi, je m'oppose à ce qu'on réinterroge cette requête 92
21 ter. Il s'agit du VS-1000. Ça, c'est une première chose.
22 Deuxième chose, le 27 octobre, j'ai été informé par le Procureur au sujet
23 de la déclaration de VS-018, qui porte la date du 15 octobre. Et il y a
24 quelques jours, j'ai reçu une information de la part du Procureur qu'il
25 retirait cette écriture. Puis, par deux fois, les gardes de la prison sont
26 venus me voir pour que je leur remette cela.
27 De prime abord, je n'ai pas pu retrouver ça. Parce que je pensais que
28 c'était une écriture qui n'avait aucune importance, donc je l'ai égarée
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1 quelque part. Puis le représentant du greffe dans le prétoire hier, avant-
2 hier, m'a demandé de lui remettre ce document. Alors, le document je l'ai
3 retrouvé hier soir, je demande aujourd'hui à M. Mundis s'il m'a demandé que
4 je lui restitue ce document, il avait absolument pas à l'idée de ce que je
5 lui demandais. Puis, le représentant du greffe m'a dit qu'en fait c'était
6 le greffe qui exigeait la restitution de ce document.
7 Mais c'est de l'inouï. Mais enfin, comment est-ce que le greffe peut
8 avoir le droit de s'adresser à moi pour me demander un document qui était
9 retiré par le Procureur comme écriture ? Donc je ne donne pas cela au
10 greffe. Et dès mon retour à la cellule, je cacherai bien ce document. Et
11 pour que le greffe puisse le retrouver, il faudra qu'il fouille encore pire
12 ma cellule que ce qu'ils ont fait pendant la dernière fouille.
13 Mais je vois pas ce qu'ils ont à voir avec ce document, un document
14 public avec une annexe confidentielle dont j'ai pris connaissance depuis
15 longtemps.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, qu'est-ce que c'est que cette
17 histoire de document VS-18 ? Apparemment, M. Seselj reçoit un document,
18 après vous auriez fait savoir qu'il faut lui retirer ? Je ne comprends
19 rien.
20 M. MUNDIS : [interprétation] Franchement, Monsieur le Président, je n'ai
21 pas la moindre idée de quoi parle M. Seselj. Je n'ai rien déposé en ce qui
22 concerne le témoin VS-18. Je suis dans l'obscurité la plus complète.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Seselj, on est dans l'obscurité. M.
24 Mundis va se renseigner auprès de ses collègues.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il vous plaît, s'il vous plaît, qu'un
26 représentant du greffe vous en informe, puisque sur décision de la Chambre
27 le représentant du greffe peut s'exprimer dans le prétoire. Il est présent.
28 C'est lui qui m'a demandé de restituer le document. C'est le document du
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1 Procureur, et c'est le Procureur qui m'a dit, qui m'a informé de son
2 retrait.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : La juriste de la Chambre va prendre la tâche du
4 greffier. On va essayer d'éclaircir cette affaire. Le document, vous
5 l'avez, vous le gardez, vous en faites ce que vous voulez. Pour le moment,
6 j'ignore tout de ce document.
7 Bien. Alors, il était quasiment l'heure de terminer. Donc je vous souhaite
8 à tous une bonne fin de semaine et nous nous retrouverons mardi à 14 heures
9 15.
10 --- L'audience est levée à 13 heure 09 et reprendra le mardi 25 novembre
11 2008, à 14 heures 15.
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