Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 20 novembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 8 heures 32.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

  9   toutes et à tous. Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 10   Merci.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 12   En ce jeudi 20 novembre 2008, je salue Mme le Témoin. Je salue tous les

 13   représentants du bureau du Procureur. Je salue M. Seselj et toutes les

 14   personnes qui nous assistent.

 15   Avant de faire prêter serment à Mme le Témoin, je vais évoquer deux

 16   décisions que nous allons enregistrer dans quelques minutes, dont je vais

 17   lire la teneur du dispositif, parce que comme ce sont des décisions un peu

 18   longues, je n'ai pas le temps de les lire entièrement. Je lirai donc

 19   uniquement le dispositif.

 20   La première décision est relative à la requête de l'Accusation aux fins

 21   d'applications de l'article 92 ter du Règlement au Témoin VS-1035. La

 22   Chambre rejette la requête de l'Accusation et décide, premièrement,

 23   d'entendre le Témoin VS-1035 viva voce, et d'attribuer une heure trente à

 24   l'Accusation et une heure trente à l'accusé pour le contre-interrogatoire.

 25   Voilà pour VS-1035.

 26   Ensuite, décision relative à la requête de l'Accusation aux fins

 27   d'application de l'article 92 ter au témoin Sulejman Tihic. Le dispositif

 28   est le suivant :


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  1   La Chambre rejette la requête et décide, premièrement, d'entendre le témoin

  2   Sulejman Tihic viva voce, et d'attribuer une heure à l'Accusation et une

  3   heure à l'accusé pour ce témoin. Voilà.

  4   Ceci sera traduit, mais vu l'urgence, je tenais à en donner la teneur

  5   immédiatement afin que tout le monde soit informé de cela.

  6   Madame, levez-vous.

  7   Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de naissance.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Anna-Maria Radic. Je suis née le 2 septembre

  9   1969, en Allemagne, à Florsheim.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quelle est votre profession ou qualité

 11   actuelle ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis chef du département des zones d’intérêt

 13   particulier à la direction du Ministère chargé du Développement régional des

 14   eaux et forêts de la République de Croatie.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avez-vous, Madame, déjà témoigné devant un

 16   tribunal pour les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie, ou bien

 17   c'est la première fois que vous témoignez ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je dépose

 19   aujourd'hui.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire le serment.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 22   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   LE TÉMOIN : ANNA-MARIA RADIC [Assermentée]

 24   [Le témoin répond par l'interprète] 

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame. Vous pouvez vous asseoir.

 26   Bien. Quelques éléments d'explication de ma part afin que l'audience se

 27   déroule le mieux possible et que vous ne soyez pas surprise.

 28   Tout d'abord, vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être


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  1   posées par la représentante du Procureur, qui a dû vous rencontrer en vue

  2   de la préparation de cette audience. Donc des questions vont vous être

  3   posées à partir d'un rapport qui a été rédigé et on vous présentera

  4   certainement des documents. Pendant cette phase, il se peut que les trois

  5   Juges qui sont devant vous posent des questions de suivi afin de poursuivre

  6   l'examen en profondeur de certains points évoqués dans votre rapport.

  7   En règle générale, cette phase se déroule pour le témoin dans les

  8   meilleures conditions possibles. Mais la seconde phase, qui est la phase du

  9   contre-interrogatoire, est une phase parfois difficile pour le témoin,

 10   parce que la Défense qui contre-interroge le témoin de l'Accusation va

 11   poser des questions concernant la crédibilité du témoin et des questions

 12   sur le fond des déclarations du témoin ou du rapport, quand il s'agit d'un

 13   rapport d'expert. Donc c'est une phase qui peut parfois être éprouvante,

 14   mais c'est comme cela, c'est prévu par le règlement. Comme nous sommes dans

 15   des aspects techniques, essayez, Madame, d'être la plus précise possible.

 16   Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à demander à

 17   celui qui vous pose la question de la reformuler.

 18   Nous faisons des pauses toutes les heures et demie. De ce fait, nous nous

 19   arrêterons à 10 heures pour faire une pause de 20 minutes puis après, nous

 20   aurons une deuxième pause. Voilà. Donc nous avons devant nous encore une

 21   heure 20, ce qui permettra certainement à Mme le Procureur de terminer son

 22   interrogatoire principal.

 23   Voilà ce que je voulais vous dire pour que cette audience, comme je l'ai

 24   dit au début, puisse se dérouler le mieux possible pour tout le monde.

 25   Madame Biersay, je vous salue à nouveau, et je vous donne la parole.

 26   Mme BIERSAY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 27   Monsieur les Juges.

 28   Interrogatoire principal par Mme Biersay :


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  1   Q.  [interprétation] Veuillez, je vous prie, Madame le Témoin, donner à la

  2   Chambre l'intitulé de l'organisation pour laquelle vous travaillez

  3   actuellement, l'intitulé complet.

  4   R.  Je travaille en ce moment pour le ministère du Développement régional

  5   dans le cadre duquel il y a une administration chargée des zones d'intérêt

  6   particulier de l'Etat. Et ça a récemment changé de nom, c'est une

  7   Administration chargée des réfugiés, des personnes déplacées et des

  8   rapatriés.

  9   Q.  Est-ce que cette entité c'est celle qui a succédé au Bureau chargé des

 10   personnes déplacées et des réfugiés ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que l'on appelle souvent cette organisation est l'ODPR ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Donc si j'utilise cet acronyme, ODPR, est-ce que nous pouvons conclure

 15   que ça recouvre l'organisation pour laquelle vous travaillez actuellement

 16   ainsi que toutes les organisations qui l'ont précédée ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vous avez préparé un rapport pour l'affaire Seselj, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que ce rapport se limitait à l'affaire Seselj ou est-ce que

 21   c'est un rapport qui a été préparé également pour une autre affaire ?

 22   R.  Ça a été rédigé ayant à l'esprit une autre affaire, l'affaire

 23   Simatovic, qui est censée commencer sous peu. Ce qui fait que j'ai en

 24   réalité fait un rapport unique, étant donné que conformément aux demandes

 25   de l'Accusation dans une autre affaire, il y a eu recoupement du sujet

 26   traité. Il était pour moi plus efficace de rédiger un type de rapport de ce

 27   genre.

 28   Q.  Je vais vous demander de consulter la pièce 7415 dans le classeur --


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous vous rapprochez du micro parce que les

  2   interprètes ont du mal à vous entendre.

  3   Mme BIERSAY : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que vous reconnaissez le document 7415 sur la liste 65 ter ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  De quoi s'agit-il ?

  7   R.  Il s'agit de mon rapport, si je ne m'abuse, si je vois bien les numéros

  8   ici.

  9   Q.  Ça se trouve dans votre classeur, ça vient après l'intercalaire 7415,

 10   c'est là que ça se trouve.

 11   R.  Oui, je vois. Je vois le document, oui. Il s'agit du rapport que j'ai

 12   rédigé.

 13   Q.  Dans votre rapport, dans la deuxième partie de ce rapport, est-ce que

 14   vous évoquez l'évolution du directorat chargé des zones d'intérêt

 15   particulier, est-ce que vous parlez de l'évolution de l'ODPR avant qu'elle

 16   se transforme en l'organisation où vous travaillez actuellement ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce qu'au fil des années et pendant la transition dont vous parlez à

 19   la deuxième partie, est-ce qu'il y a eu une continuité s'agissant du

 20   transfert des dossiers, des données et des archives d'une entité à l'autre

 21   ?

 22   R.  Oui. En réalité, c'est une organisation qui, au départ, était un bureau

 23   gouvernemental chargé des réfugiés, des personnes déplacées et des

 24   rapatriées, et cela a hérité la banque de données et toutes les archives du

 25   bureau précédent. En réalité, par la suite, avec ces archives, ces banques

 26   données, ces compétences vis-à-vis des domaines concernés, cela devient une

 27   administration au sein d'un ministère et avec le changement de

 28   l'organisation du ministère, il y a création de départements nouveaux. Mais


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  1   cela conserve le segment des affaires qui se rapportent aux personnes

  2   déplacées comme il est précisé dans ce rapport.

  3   Q.  Est-ce que la continuité a été également assurée s'agissant du

  4   personnel travaillant d'abord dans l'une des entités puis dans l'autre ?

  5   R.  Oui, il y a une continuité au niveau des personnes. Etant donné qu'il

  6   s'agit d'une administration de l'Etat, il y a des personnes qui quittent

  7   l'organisation, mais il reste un nombre considérable à y avoir travaillé

  8   depuis le début.

  9   Q.  Depuis combien de temps travaillez-vous avec ces services dans le

 10   domaine des personnes déplacées et des réfugiés ?

 11   R.  Depuis 1994.

 12   Q.  J'aimerais maintenant vous demander de vous reporter à la première page

 13   de votre rapport, est-ce que là nous avons une description de vos

 14   responsabilités au sein de l'ODPR au fil des années ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Quand on vous a demandé de préparer ce rapport que vous avez fourni

 17   aussi bien pour l'affaire Stanisic/Simatovic que l'affaire Seselj, est-ce

 18   que cela vous a été demandé à vous en tant que directrice ?

 19   R.  Non. Cela avait été demandé avant. J'ai été désignée par le

 20   gouvernement conformément à la requête présentée par le Procureur pour ce

 21   qui est de témoigner dans cette affaire, et de la sorte j'ai eu à rédiger

 22   le présent rapport.

 23   Q.  Quel était l'objectif de ce rapport ?

 24   R.  La finalité du rapport est celle de parler de la population expulsée de

 25   la Croatie sur les territoires qui ont été soumis à des activités de combat

 26   entre 1991 et 1995.

 27   Q.  Est-ce que votre rapport concerne d'autres zones géographiques en

 28   dehors de la République de Croatie -- de l'ex-République de Croatie ?


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  1   R.  Dans une partie, il est question de réfugiés venus de Serbie. Ceci est

  2   conforme à la requête du bureau du Procureur, puisque l'administration où

  3   je travaille, à savoir l'ODPR, entre autres, a également pris soin des

  4   réfugiés en provenance des Etats voisins.

  5   Q.  Pourriez-vous définir à l'intention de la Chambre de première instance,

  6   le terme de "personnes déplacées" par rapport à celui de "réfugiés" ?

  7   R.  Lorsqu'il est procédé à la définition de ces notions, je crois que cela

  8   découle de la législation et on utilise à part entière les définitions

  9   utilisées pour la notion de réfugiés en application des conventions de

 10   Genève. Pour ce qui est des réfugiés et des documents appropriés, il y a

 11   une différence. Lorsqu'on parle de personnes déplacées, de personnes qui

 12   ont été expulsées de chez elles, il est question de personnes qui ont été

 13   déplacées à l'intérieur d'un même pays mais qui restent dans les limites de

 14   cet Etat dont ils sont citoyens, mais ils ont dû changer de résidence,

 15   partir de chez elles pour aller ailleurs. Quand on parle de "réfugiés" il

 16   s'agit de personnes qui, pour les mêmes raisons, pour ce qui est d'un péril

 17   tout à fait justifié et réel pour leur vie, ont quitté l'Etat dont ils sont

 18   citoyens. Quand on parle de réfugiés à l'intérieur de la Croatie, ce sont

 19   des gens qui sont enregistrés en tant que réfugiés et, pour l'essentiel, il

 20   s'agit de personnes venues de Bosnie-Herzégovine et de Serbie.

 21   D'après notre législation, on considère que sont réfugiées les personnes

 22   originaires de Croatie auraient fui vers d'autres Etats. Par exemple, il y

 23   en a qui

 24   étaient, pendant un certain temps, en Allemagne. Et à leur retour -- ou

 25   plutôt, là-bas, ils avaient un statut de réfugiés et une fois revenues, ces

 26   personnes avaient un statut de rapatriés, y compris les personnes déplacées

 27   qui, quand elles revenaient chez elles, avaient également un statut de

 28   personnes rapatriées.


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  1   Q.  J'aimerais que nous examinions rapidement le plan de votre rapport.

  2   Passons au chapitre 6. Est-ce que là vous indiquez quelles sont les sources

  3   de données que vous avez utilisées pour préparer votre rapport ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et au point 7, est-ce que l'on voit la description de la méthodologie

  6   que vous avez utilisée pour réunir les données ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et dans les parties 9 à 12 de votre rapport, est-ce que vous faites une

  9   présentation détaillée des statistiques, des données relatives aux

 10   personnes déplacées sur les territoires de la République de Croatie qui

 11   avaient été précédemment occupés ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Maintenant, j'aimerais qu'on passe au point 10 dans votre rapport.

 14   Lorsque nous nous sommes vues, hier, vous avez signalé qu'il fallait faire

 15   une correction, il y a une date qui doit être corrigée.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Toute rectification pour ce qui est

 17   du récolement était censée être communiquée par écrit. Or, je n'ai rien

 18   reçu pour ce qui est de ces sessions de récolement.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, est-ce que M. Seselj a été informé

 20   du fait qu'une date allait être modifiée ?

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] En fait, à d'autres endroits dans le

 22   rapport, la date est la bonne. La correction, elle est à apporter dans une

 23   partie seulement du rapport. Hier, nous avons fini la séance de récolement

 24   vers 17 heures, et ça nous a paru justifié de présenter cette correction ce

 25   matin. Ce n'est pas une correction fondamentale. Parce qu'en fait, il

 26   s'agit simplement de donner la même date que dans les autres parties du

 27   rapport.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Si c'est une rectification d'erreur


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  1   matérielle, il y a aucun problème. Quelle page ?

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] Dans le système du prétoire électronique,

  3   c'est à la page 27, et dans votre classeur, ça se trouve à la page 26 sur

  4   un total de 47 pages. Page 26 du rapport.

  5   Q.  Je vais donc vous demander de vous reporter au deuxième paragraphe dans

  6   la dixième partie du rapport, et c'est la deuxième phrase en particulier

  7   qui m'intéresse, qui commence par les mots suivants : "Le 1er août 1994…"

  8   Est-ce que cette date est exacte, Madame ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce que c'est vraiment "1994" ?

 11   R.  Cela est indiqué dès le début du rapport, et il est clair qu'il s'agit

 12   de 1991. Il s'agit d'une erreur de frappe seulement.

 13   Q.  Je vais essayer de comprendre. La deuxième phrase dans le deuxième

 14   paragraphe dans le chapitre 10, la section 10 du rapport, est la suivante

 15   actuellement : "Le 1er août 1994…" Est-ce que l'année est la bonne année ?

 16   R.  Non. Il faut entendre "1991."

 17   Q.  Bien. Maintenant, j'aimerais que vous vous reportiez à la page 2 sur un

 18   total de 47 dans votre rapport, dans le prétoire électronique c'est la page

 19   3. En haut de la page 2 dans la version papier, on voit la mention suivante

 20   : "9 683 personnes le 1er août 1991…" Est-ce que c'est ce que vous avez

 21   voulu dire, que dans d'autres parties du rapport, la date est la bonne ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Dans la dernière partie de votre rapport, partie numéro 13, est-ce que

 24   vous présentez les données relatives aux réfugiés de la Vojvodine ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Dans votre rapport, vous faites référence à 11 tableaux, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Ces tableaux sont inclus dans votre rapport, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Exact.

  2   Q.  Bien. Oublions pour l'instant le tableau 1, mais pour ce qui est des

  3   tableaux 2 à 11, pouvez-vous me dire d'où proviennent les données reprises

  4   dans ces tableaux ?

  5   R.  Voilà, pour ce qui est des tableaux 2, 3, 4, il s'agit de documents

  6   originaux. Par la suite, c'est le 5 et le 6. Il s'agit d'originaux de

  7   l'ODPR à l'époque qui est indiquée sur ces tableaux. C'est donc à l'époque

  8   que ces tableaux ont été établis. Il s'agit de documents originaux. Sept,

  9   8, 9, 10 et 11, ce sont également des tableaux qui sont élaborés avec des

 10   données prises dans la banque de données électronique de l'ODPR, et ce,

 11   partant des renseignements qui sont tenus à jour de façon électronique sur

 12   les personnes expulsées et les réfugiés en Croatie à partir de 1994.

 13   Q.  Maintenant, revenons au tableau numéro 1. D'où proviennent les données

 14   figurant dans ce tableau ?

 15   R.  Les données élémentaires ont été recueillies par l'établissement de

 16   l'Etat ou l'institut de l'Etat chargé de la statistique en partant de ce

 17   recensement de la population effectué en 1991. On a juste rangé les données

 18   de façon à exprimer l'organisation territoriale de la République de

 19   Croatie. Donc c'est par villes, provinces et régions de Croatie actuelle

 20   que c'est rangé, et cela se rapporte uniquement aux régions qui se

 21   trouvaient à être occupées ou directement exposées à des activités de

 22   combat en 1991, voire en 1998 si on parle du Podunavlje, c'est-à-dire du

 23   cours du Danube.

 24   Q.  Vous avez expliqué d'où venaient les données de base à la base des

 25   tableaux que vous avez établis, n'est-ce pas ?

 26   R.  C'est moi qui l'ai fait.

 27   Q.  Est-ce que vous avez travaillé de façon indépendante à l'élaboration du

 28   rapport ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Auparavant, vous avez expliqué que ce rapport expliquait la méthode que

  3   vous avez utilisée pour l'établir, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est cela.

  5   Q.  Ces résultats que vous avez obtenus s'appuient -- s'agissant des

  6   tableaux 2 à 11, ils s'inspirent ou ils proviennent des archives

  7   officielles que tenaient vos employeurs ?

  8   R.  C'est cela.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation demande le versement du

 10   document 7415 de la liste 65 ter, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : On statuera à la fin.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Pour que les références soient plus faciles,

 13   est-ce que vous voulez accorder un numéro MFI, Monsieur le Président ?

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous voulez, on va donner un numéro MFI.

 15   Monsieur le Greffier, un numéro MFI.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document MFI

 17   P 632. Merci.

 18   Mme BIERSAY : [interprétation]

 19   Q.  Dans le premier chapitre de votre rapport, vous expliquez quelles sont

 20   vos responsabilités professionnelles. Pourriez-vous en quelques mots donner

 21   votre parcours professionnel aux Juges ?

 22   R.  J'ai fait l'école élémentaire et secondaire à Split, et pour ce qui est

 23   de mes études universitaires je les ai faites à l'Université de Zagreb à la

 24   faculté des lettres, à la chaire de sociologie. Donc je suis diplômée comme

 25   sociologue. Je suis encore en train de faire mes études doctorales à la

 26   faculté des sciences politiques de l'Université de Zagreb. L'équivalent,

 27   d'après les accords de Bologne, serait ce qu'ils appellent un "Master."

 28   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vais demander que


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  1   la page en anglais 51, ce sera en B/C/S la page 34, que ces pages de la

  2   pièce P 632 soient affichées dans un instant.

  3   Q.  Madame, pourrions-nous parler des tableaux 2, 3, 4, 5 et 6 de façon

  4   générale. Les données de l'ODPR que nous y trouvons dans ces tableaux 2, 3,

  5   4, 5 et 6, ces données, de quelle période proviennent-elles ?

  6   R.  Ces tableaux datent de 1992. Donc c'est la période qui est indiquée sur

  7   le document. Il s'agit --

  8   Q.  Excusez-moi, est-ce que vous avez dit "1992" ?

  9   R.  Oui, 1992.

 10   Q.  Et de quels mois parlons-nous en 1992 ?

 11   R.  Pour ce qui est du premier tableau, du premier et du deuxième,

 12   troisième, ils datent du mois de mars 1992.

 13   Q.  En mars 1992, est-ce qu'il y avait enregistrement officiel des

 14   personnes déplacées dans ce qui était alors la République de Croatie ?

 15   R.  Non, pas encore. Les premiers enregistrements formels datent d'avril

 16   1992, donc après cela. A ce moment-là, les personnes qui arrivaient en tant

 17   que personnes réfugiées, elles se présentaient aux bureaux régionaux - il y

 18   en avait 16 déjà formés à ce moment-là en République de Croatie - ils

 19   venaient se présenter et s'enregistrer, comme il s'agit d'un système très

 20   important au centre des affaires sociales, d'aide sociale qui existe dans

 21   toutes les villes et toutes les municipalités de Croatie, il y en a plus de

 22   100. Donc ils s'enregistraient à ces endroits-là, on leur remettait une

 23   carte de réfugiés, et de manière statistique on rassemblait ces données en

 24   passant par les bureaux régionaux pour les faire converger vers le bureau

 25   de Zagreb.

 26   Q.  Est-ce que vous venez de décrire la situation qui prévalait avant le

 27   mois d'avril 1992 ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Ce qui veut dire que si maintenant nous regardons le tableau numéro 2,

  2   page 51 en anglais, page 34 en B/C/S, pourriez-vous nous dire ce que

  3   représente ce premier tableau ?

  4   R.  Ce premier tableau reprend un nombre de réfugiés à ce moment-là en

  5   République de Croatie, il s'agit des réfugiés d'après les endroits où ils

  6   étaient installés en République de Croatie. De toute évidence, nous n'avons

  7   que les grandes agglomérations ici, les grandes villes.

  8   Q.  Pourriez-vous nous donner le nombre total de personnes déplacées ?

  9   R.  335 792.

 10   Q.  Regardons maintenant le deuxième tableau à la même page. Est-ce que là

 11   aussi on a une illustration du nombre de réfugiés venant de Croatie qui ont

 12   été installés dans d'autres pays ?

 13   R.  Oui, et le chiffre est celui de 125 381. Ces données ont été collectées

 14   par le biais des contacts avec certains autres pays en passant le HCR, donc

 15   partiellement grâce aux contacts avec des pays où les réfugiés venus de

 16   Croatie ont trouvé à se placer.

 17   Q.  Le processus d'inscription d'enregistrement officiel formel dont vous

 18   avez dit qu'il a commencé en avril 1992, est-ce que ce processus donnait

 19   des données qui étaient saisies dans une base de données électroniques à

 20   l'époque en avril 1992 ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  A quel moment est-ce que ces données concernant les personnes déplacées

 23   et les réfugiés, à quel moment est-ce que ça a été saisi sous forme

 24   électronique ?

 25   R.  En 1994, après le réenregistrement [phon] des réfugiés et des personnes

 26   déplacées. Parce qu'il faut savoir que ces premières tentatives

 27   d'enregistrer les personnes concernées, bien, on a essayé de charger cela

 28   dans une base informatisée, mais cela s'est avéré impossible faute


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  1   d'organisation, faute d'équipement, et aussi parce que tout simplement les

  2   moyens technologiques techniques ne permettaient pas que l'on y parvienne.

  3   Donc sur le terrain, là où on a recueilli les données, on a cherché à les

  4   charger dans des bases de données. En fait, ce qui s'est produit c'est que

  5   seule une partie de ces données a été chargée, donc il a fallu procéder à

  6   une collecte statistique de ces données de la part des bureaux régionaux et

  7   de ceux qui ont travaillé sur le terrain, et j'entends là les réfugiés et

  8   les personnes déplacées.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, quelques questions d'ordre technique.

 10   Tableau numéro 1, il y a 326 012 personnes expulsées ou déplacées. Et en

 11   dessous il y a 9 780 personnes qui n'ont pas été enregistrées, alors il y a

 12   marqué "Estimation." Comment vous avez pu estimer cela, enfin, comment ça a

 13   pu être estimé, puisque les personnes n'ont pas été enregistrées ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces 326 000 c'est le chiffre qui correspond au

 15   nombre de personnes enregistrées. Et à l'époque, à l'époque, hélas, il y

 16   avait des gens qui n'étaient pas enregistrés. Et c'est sur la base des

 17   éléments qu'on avait à l'époque sur le terrain, on a estimé qu'il y en

 18   avait au moins 3 %, et c'est cela qui nous a permis d'arriver à ce chiffre.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc 9 780, c'est un chiffre qui a été indiqué à

 20   titre estimatif, avec la règle des 3 %. Donc total,

 21   335 792.

 22   Deuxième tableau, ce sont donc les réfugiés qui étaient à un moment donné

 23   en Croatie et qui sont partis dans d'autres pays. Donc je suppose que dans

 24   ce chiffre, il peut y avoir des personnes qui étaient, par exemple,

 25   enregistrées à Dubrovnik et qui sont parties en Allemagne. Vous êtes

 26   d'accord ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, non. Non, vraiment pas, pour la

 28   raison suivante : le bureau des réfugiés, qui a commencé à délivrer les


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  1   cartes de réfugiés, il a été constitué uniquement fin 1991. Et il faut

  2   savoir une chose, à l'époque les réfugiés, bien, ils arrivaient par

  3   milliers en l'espace d'une journée, donc il était difficile de les

  4   enregistrer vers la fin de l'année 1991. Et il s'agit tout simplement de

  5   personnes qui sont restées pendant très peu de temps dans une localité et

  6   qui sont parties dans les pays tiers.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc on pourrait à ce moment-là ajouter les chiffres

  8   du tableau 1 au tableau 2 et on pourrait avoir un nombre global de 460 000

  9   personnes. Vous êtes d'accord ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Comment se fait-il que dans les pays il y a pas

 12   marqué la Serbie ? Y a pas des réfugiés qui sont partis en Serbie ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans un autre rapport, nous y viendrons aux

 14   points 3 et 4, il est fait mention des réfugiés qui sont partis en Serbie.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Ce qui paraît frappant, c'est qu'en Allemagne,

 16   il y en a eu 55 000, c'est-à-dire que la République fédérale allemande

 17   avait ouvert largement ses frontières aux réfugiés. Et la Hongrie aussi,

 18   puisqu'il y en a 45 000.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à ce moment-là c'était cela, précisément.

 20   Pour ce qui est de l'Allemagne, c'est le nombre de réfugiés qui s'est

 21   maintenu pendant assez longtemps. Ils ont donné le "duldung" à ces gens,

 22   donc une protection provisoire, temporaire accordée aux réfugiés, la

 23   plupart de ces gens sont restés jusqu'en 1994 en Allemagne. A ce moment-là,

 24   il y a eu un accord bilatéral signé entre l'Allemagne et la Croatie portant

 25   sur le retour des réfugiés.

 26   Il y a eu un retour systématique organisé par la suite. Ce chiffre, c'était

 27   au départ avec l'Allemagne et ce chiffre a même crû par la suite avec

 28   l'arrivée des réfugiés de Bosnie-Herzégovine. Là vous n'avez que les


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  1   réfugiés de Croatie à l'époque.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Comment vous expliquez que la Suisse, pays du statut

  3   des réfugiés, il y en a que 164 ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le chiffre officiel à l'époque, donc

  5   c'était ça le chiffre du départ. Bien sûr que ce chiffre a augmenté avec le

  6   temps en Suisse, et la Suisse, comme tous les autres pays, bien, n'a pas

  7   voulu donner des estimations, des évaluations. Pour les autres pays vous

  8   avez, pour l'essentiel, des estimations donc qu'il s'agisse de la Suisse ou

  9   du HCR.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien.

 11   Mme BIERSAY : [interprétation]

 12   Q.  Vous avez décrit le nouveau processus d'enregistrement qui s'est

 13   produit en 1994. A ce moment-là il y a eu saisie dans une base de données

 14   électronique. Est-ce qu'il y a eu un autre processus de réenregistrement en

 15   1994 ?

 16   R.  En 1997, on a procédé à un réenregistrement, parce qu'entre-temps il y

 17   a eu des évolutions très importantes parmi les réfugiés et les personnes

 18   déplacées à cause du retour au foyer.

 19   Mme BIERSAY : [interprétation] Peut-on maintenant montrer le neuvième

 20   tableau, page 79 en anglais, page -- excusez-moi. Non, c'est plutôt le

 21   septième tableau qui m'intéresse. En anglais ce sera la page 77, en B/C/S

 22   la page 60.

 23   C'est un tableau assez grand, vous le voyez. Ce qui m'intéresse, on a :

 24   "Comté Vukovar-Srem," et l'autre partie qui m'intéresse, c'est celle qui

 25   dit : "Ville de Vukovar, comté de VS," qui se trouve à gauche.

 26   Q.  Vous avez trouvé ce document dans votre classeur ? Ce sera peut-être

 27   une lecture plus facile.

 28   Ce tableau est intitulé "Statistiques portant sur les personnes expulsées,"


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  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Après le processus de réenregistrement, est-ce qu'il y a eu un autre

  4   chiffre qui a été établi et dire le nombre de personnes placées ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Quel était ce chiffre ?

  7   R.  Donc, après ces quelques enregistrements, on a atteint le chiffre de

  8   réfugiés que vous trouvez ici dans ce tableau; 220 338. Ce chiffre

  9   correspond aux personnes déplacées venues de différentes régions occupées

 10   la République de Croatie et cela concerne également des régions qui se

 11   situent près des zones de délimitation, donc c'est la Croatie jusqu'en

 12   1995.

 13   Q.  D'après vos statistiques et vos données, à quel moment est-ce que la

 14   plupart de ces gens ont été déplacés ?

 15   R.  Il ressort très clairement des statistiques que la majorité de ces gens

 16   ont été expulsés pendant cette période jusqu'à la fin de l'année 1991; donc

 17   depuis l'été jusqu'à la fin de cette année-là, 1991. S'agissant des

 18   personnes expulsées de 1991 à 1995. Si on parle de la vallée du Danube

 19   jusqu'à la réintégration pacifique en 1991 de la vallée du Danube, ces gens

 20   ont été déplacés pendant quatre à sept ans, pratiquement. Puis nous avons

 21   mentionné dans les chiffres précédents qui datent de 1992, un chiffre moins

 22   important, parce qu'à ce moment-là la population dans les grandes villes

 23   exposées à des attaques a également quitté ses foyers et s'est déplacée,

 24   s'est mise à l'abri, en fait, ailleurs en Croatie.

 25   Q.  Lorsque nous examinons ce tableau, est-ce que vous pourriez nous dire

 26   quel est le nombre de personnes déplacées dans le comte de Vukovar-Srem ?

 27   R.  Pour ce qui est de la région de Vukovar-Srem, on la retrouve à deux

 28   endroits, parce qu'il y a eu des dates différentes d'expulsés sur lesquels


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  1   on s'est basé pour les calculs. Donc pour la région de Vukovar-Srem, c'est

  2   32 470, plus la partie qui concerne uniquement la ville de Vukovar, 23 174.

  3   Et là il faut prendre en considération qu'entre-temps il y a eu des

  4   naissances, 1 357 naissances, pour ce qui est de Vukovar. Et pour ce qui

  5   est de la région, 2 250. Donc ce qui nous a permis d'arriver au chiffre

  6   total de personnes déplacées pour la région de Vukovar-Srem. Donc 23 174

  7   plus 32 470.

  8   Q.  Partant de l'analyse que vous avez faite des données que vous aviez à

  9   votre disposition, est-ce que vous avez pu déterminer quel était le groupe

 10   prédominant qui a été déplacé ?

 11   R.  Le groupe le plus important de personnes déplacées ce sont les

 12   personnes qui ont été expulsées à la date du 18 novembre 1991. Si l'on

 13   parle de la ville de Vukovar. Si l'on parle du reste de la région de

 14   Vukovar-Srem, donc des localités aux alentours de Vukovar, jusqu'au 20

 15   octobre 1991.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire si la plupart de ces personnes -- ou plus

 17   exactement, quelle était l'appartenance ethnique de la plupart de ces

 18   personnes, je parle des personnes qui ont été déplacées ?

 19   R.  La majorité des personnes déplacées sont des Croates, c'est ce que l'on

 20   retrouve au tableau numéro 9. Mais pour ce qui est du chiffre total, 205

 21   215 Croates, nous avons aussi des chiffres qu'on peut voir dans ce tableau.

 22   Pour ce qui est de la région de Vukovar-Srem et la ville de Vukovar, nous

 23   constatons 29 770 Croates plus

 24   21 235 Croates s'agissant de la ville de Vukovar elle-même. Parmi les

 25   personnes déplacées il y avait aussi des Serbes - il ne faut pas les

 26   oublier - en tout 500 - je vais essayer de faire l'addition, 570 personnes

 27   d'appartenance serbe. Le reste ce sont des membres d'autres groupes

 28   ethniques qui vivaient dans ces régions de Croatie. Et il faut savoir que


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  1   dans cette partie-là de la Croatie, il y avait beaucoup de groupes

  2   ethniques différents; il y avait des Hongrois, des Ruthènes, des

  3   Ukrainiens, et cetera.

  4   Mme LE JUGE LATTANZI : Madame, j'ai une question générale en ce qui

  5   concerne ces tableaux, en particulier l'intitulé de ces tableaux.

  6   Parce qu'on parle de "personnes expulsées," donc on aurait la motivation du

  7   déplacement. Est-ce qu'on a pu déterminer qu'ils se sont déplacés, qu'ils

  8   ont été déplacés parce qu'expulsés ou il y a peut-être quelqu'un qui aurait

  9   quitté volontairement ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de personnes qui ont été expulsées

 11   littéralement. Ces gens sont partis de leur localité à cause des

 12   pilonnages, parce que il y a eu entrée, pénétration directe des unités de

 13   la JNA de l'époque, ou des unités paramilitaires serbes. Donc ces gens ont

 14   été obligés de quitter leur maison.

 15   Dans certains cas, comme le cas de Vukovar, d'Ilok et de quelques autres

 16   localités, donc il y a eu des sièges, un encerclement total de certaines

 17   agglomérations, localités, ces gens ont simplement été obligés de partir.

 18   En partie, l'armée les a mis à bord des autocars et les a déportés de leurs

 19   localités. Dans beaucoup de situations les gens se sont enfuis devant les

 20   unités militaires qui entraient dans leur localité, les gens ont été

 21   obligés de quitter leurs foyers.

 22   Puis ceux dont il est question ici dans ces tableaux, ce sont des personnes

 23   déplacées qui ont trouvé à se reloger dans d'autres régions libres de la

 24   République de Croatie qui n'étaient pas occupées à ce moment-là, donc

 25   c'étaient des régions sous le contrôle des autorités légitimes de la

 26   République de Croatie.

 27   Mme LE JUGE LATTANZI : Vous êtes d'accord que vous prenez, vous  utilisez

 28   dans ces tableaux une mention très large d'expulsion ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit une notion très

  2   large lorsqu'on parle d'expulsion, parce que expulsion ici parle de la

  3   substance même de la définition du statut du réfugié, reconnue

  4   internationalement. Donc il s'agit de personnes qui, vu leur peur justifiée

  5   et vu le danger qui pesait sur leurs vies, ont quitté leurs foyers, leurs

  6   lieux de résidence.

  7   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

  9   Je pense que le Procureur devrait avant la pause nous procurer une

 10   définition des "réfugiés" et des "personnes déportées" conformément aux

 11   conventions internationales. Parce que dans ce rapport nous avons la

 12   définition qui est celle de la loi croate, et de là que vient la confusion

 13   entre les "réfugiés" et les "personnes déplacées."

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est pour ça que la Juge Lattanzi a posé des

 15   questions. Vous imaginez bien que si on pose des questions c'est qu'on se

 16   pose des problèmes de nature juridique.

 17   Bien. Madame Biersay, il doit vous rester même pas dix minutes, alors

 18   terminez.

 19   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Madame, vous venez de décrire certains chiffres. A votre avis, est-ce

 21   qu'ils englobent toutes les personnes qui relèvent de la catégorie des

 22   personnes déplacées, lorsque nous parlons de l'ex ou de l'ancienne

 23   République de Croatie ?

 24   R.  Ces chiffres comprennent les personnes, puisque là nous avons les

 25   données qui sont celles de notre base de données - je vous ai dit qu'elle

 26   est gérée de manière informatisée depuis 1994 - donc ces chiffres

 27   comprennent les personnes qui ont été expulsées à ce moment-là, et qui,

 28   pendant une période prolongée, donc au moins depuis 1991 jusqu'en 1995,


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  1   voire 1998, ont eu ce statut.

  2   Cependant, ce que l'on n'a pas ici ce sont des renseignements sur des

  3   personnes qui ont été réfugiées de 1991 à 1994, donc le moment en avril où

  4   il y a eu l'enregistrement, et qui, entre-temps, ont quitté la République

  5   de Croatie pour se rendre dans des pays tiers sans retourner en Croatie.

  6   Donc ils sont restés dans d'autres pays, et donc qu'ils sont passés, qu'ils

  7   ont transité par la Croatie, puis une partie de personnes qui, pour des

  8   raisons personnelles, n'ont pas cherché à s'enregistrer. Et c'est --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, Madame, je voudrais une petite précision.

 10   Bon, les chiffres, ils sont impressionnants et on ne va pas les discuter en

 11   ce qui concerne la quantité, mais je voudrais que vous me répondiez de

 12   manière très précise à la situation théorique suivante : imaginons qu'un

 13   village X fait l'objet d'une offensive militaire de la JNA, par exemple, et

 14   les gens de ce village quittent ce village parce qu'on tire sur eux. Ces

 15   gens qui quittent le village, vous les considérez comme des personnes

 16   expulsées ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien.

 19   Imaginons qu'à 40 kilomètres de là un autre village, ils apprennent

 20   que dans le village X, la JNA a tiré des obus, et qu'à 40 kilomètres de là

 21   le village Y, les gens quittent leurs maisons et partent. Ces gens-là, vous

 22   les considérez comme des personnes expulsées ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] En 1991, ces gens avaient été considérés comme

 24   étant des expulsés. Mais vous devez savoir que nos premiers décrets, qui

 25   définissaient de façon précise qui est-ce qui était les personnes expulsées

 26   dès 1991 et ultérieurement en 1992, ont précisé les choses. En 1992, on

 27   définit déjà que les personnes originaires de la localité d'Osijek, qui

 28   avait été bombardée à ce moment-là - ce n'est pas un village avoisinant,


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  1   c'est une grande ville, où il tombait des obus directement - et bon nombre

  2   de personnes ont quitté cette localité, notamment des mères avec leurs

  3   enfants. Et dès ce moment-là, on a précisé que c'étaient des personnes

  4   qu'on ne pouvait pas considérer comme étant des expulsées, étant donné que

  5   leurs maisons n'ont pas été endommagées et ils pouvaient revenir chez eux,

  6   ces gens.

  7   Donc on estimait que les personnes expulsées c'était, en 1992 déjà, en

  8   application de la réglementation croate, rien que les personnes qui ne

  9   pouvaient pas retourner chez elles, parce que leurs villages, localités,

 10   villes étaient occupés à part entière et sous contrôle des forces serbes.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : N'essayez pas d'embrouiller la réponse, ma question

 12   était très précise. Je vous ai donné un cas théorique où je vous demande -

 13   et je ne vous demande pas d'entrer dans le détail des décrets ou autres -

 14   si, dans le village Y, situé à 40 kilomètres du village X ou de la ville X,

 15   les gens partent d'eux-mêmes, alors même que la JNA n'est même pas là, je

 16   vous demande de me dire, ils sont expulsés, oui ou non, d'après vous ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas pour cette raison seulement, à ce moment-

 18   là, ce n'est pas le cas.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Et si la JNA ne va pas là, ce village, ils le

 20   laissent de côté parce qu'il n'a aucun intérêt, ils n'y vont pas. Les

 21   villageois qui vont s'enregistrer à Zagreb, ils sont considérés comme

 22   déplacés ou expulsés?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils ne figurent pas dans les 220 338

 24   expulsés.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc ceux-là, ils ne peuvent pas figurer parce

 26   qu'ils peuvent retourner chez eux ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Merci.


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  1   Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation n'a plus de questions à poser

  2   au témoin, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de faire la pause, et puis après M. Seselj

  4   embraiera, j'ai quelques questions de nature technique à vous poser.

  5   J'ai lu dans votre CV que vous aviez commencé dans l'activité

  6   professionnelle comme journaliste. Et vous étiez dans l'agence Hina. En

  7   tant que journaliste, quel était votre secteur de couverture journalistique

  8   ? Vous faisiez la politique, les faits divers, le sport, l'environnement ?

  9   Quelle était votre spécialité ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Politique intérieure.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Politique intérieure. Et particulièrement quel

 12   secteur d'activité politique ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai travaillé à l'époque, j'étais jeune

 14   journaliste débutante, à Zagreb; et je couvrais essentiellement les

 15   événements survenant à Zagreb en 1992 jusqu'à la fin de 1993. Date jusqu'à

 16   laquelle j'y ai travaillé.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites les "événements," on doit comprendre les

 18   événements politiques ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, par exemple, les conférences de

 20   presse de toutes sortes, ensuite les visites d'hommes politiques étrangers

 21   à Zagreb. La Hina est une agence de presse qui couvre bon nombre

 22   d'événements survenant à Zagreb que d'autres journaux ne vont pas couvrir,

 23   par exemple. Et on ne vaque qu'à des nouvelles. On ne fait pas d'articles,

 24   d'interviews et ce genre de choses, on fait juste de l'information.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : L'agence Hina était une agence totalement

 26   indépendante du pouvoir ou une agence sous contrôle ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une agence de l'Etat.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc sous contrôle ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, comme il s'agit d'une agence de l'Etat,

  2   oui. La question de savoir si c'est une agence de l'Etat ou pas, ça n'a

  3   rien à voir avec l'indépendance de cette agence, en sa qualité de maison

  4   chargée des médias; mais c'est une propriété de l'Etat, pour sûr.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Tout au début, je vous ai posé la question sur

  6   les déplacés serbes, c'est-à-dire les habitants de nationalité croate mais

  7   d'ethnie serbe. Cette catégorie de personnes, à votre avis, il y en a

  8   combien qui ont quitté leur domicile ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est très difficile de parler ici de mes

 10   opinions. Je peux parler de choses que je connais, qui sont des faits. Ce

 11   que je sais, quand on parle de réfugiés de Croatie, à savoir de citoyens du

 12   groupe ethnique serbe qui ont quitté la République de Croatie.

 13   Malheureusement, nous n'avons pas de registres précis à ce sujet, des

 14   registres portant sur le nombre de réfugiés du groupe ethnique serbe se

 15   trouvant pour la plupart en Serbie et un peu moins d'entre eux se trouvant

 16   en Bosnie-Herzégovine, très peu se trouvant au Monténégro encore. Nous

 17   n'avons jamais eu de données précises à ce sujet. Différentes organisations

 18   internationales, y compris une partie de l'opinion publique serbe de

 19   Serbie, ont utilisé des évaluations variées. Malheureusement, nous n'avons

 20   pas pu procéder à des échanges de renseignements concernant les réfugiés

 21   originaires de la Croatie et qui ont fui vers la Serbie pour déterminer le

 22   nombre exact de ces personnes.

 23   Ce que nous savons, c'est ce qui se rapporte aux gens qui sont entre-temps

 24   revenus en République de Croatie, qui se sont enregistrés chez nous et au

 25   sujet desquels nous avons des fichiers. Il s'agit de près de 127 000

 26   personnes en ce moment-ci. Etant donné que l'administration où je

 27   travaille, entre autres, vaque au retour des Serbes en République de

 28   Croatie, et tient des fichiers au sujet de gens qui sont enregistrés en


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  1   tant que personnes rapatriées.

  2   Pour ce qui est maintenant des données du moment, en Serbie il y a à peu

  3   près quelque 70 000 réfugiés originaires de Croatie qui se trouvent

  4   hébergés là-bas. Les évaluations selon les organisations varient autour

  5   d'un même chiffre, mais dans une grande mesure, ça se trouve être plutôt

  6   imprécis, et je peux très difficilement parler de chiffres car il s'agit

  7   plutôt et uniquement d'évaluations.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Sur un autre sujet, peut-être vous pouvez nous

  9   apporter des lumières.

 10   Nous avons entendu plusieurs témoins qui sont venus nous parler

 11   d'échanges d'appartements. A l'époque, certains vivaient en Croatie, puis

 12   c'étaient des Serbes, et on leur a demandé de partir et d'échanger leurs

 13   appartements avec des Croates qui vivaient dans des zones serbes. Et donc

 14   on a entendu les témoins qui, preuve à l'appui, nous ont montré des

 15   contrats d'échanges d'appartements. Et on a un certain nombre d'éléments en

 16   la matière.

 17   A votre connaissance, vous qui avez travaillé dans les statistiques, dans

 18   les chiffres, ces gens-là, qui ont échangé leurs appartements, ont-ils été

 19   répertoriés dans les statistiques, et ont-ils été considérés comme des

 20   déplacés ou comme des réfugiés ?

 21   Avant de répondre à la question, saviez-vous que ça existait ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'une telle chose a existé.

 23   Cependant, lorsqu'on parle de cela, une grande partie se rapporte aux

 24   réfugiés venus en Croatie en provenance de Serbie. Pour être tout à fait

 25   précise, un bon nombre de gens sont venus de Vojvodine. Ils sont venus en

 26   Croatie en procédant à des échanges de biens avec des gens qui ont décidé

 27   de quitter la Croatie, ce sont des citoyens du groupe ethnique serbe.

 28   Ultérieurement la même chose est arrivée avec des réfugiés originaires de


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  1   Bosnie-Herzégovine. Donc il n'y a pas eu d'échange de maisons seulement

  2   avec la Vojvodine, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine.

  3   Cependant, pour ce qui est des gens de la Vojvodine, une partie de ces

  4   personnes se trouvent être fichées chez nous comme étant des réfugiés. Nous

  5   avons un registre à part parce qu'ils sont venus d'un autre Etat vers la

  6   République de Croatie. Cependant, une partie des gens qui ont échangé leurs

  7   maisons ne se sont pas enregistrés chez nous en tant que réfugiés. Ils

  8   n'avaient pas besoin de le faire étant donné qu'ils pouvaient échanger

  9   leurs biens, donc ils savaient où habiter et une partie de ces personnes

 10   n'ont pas ressenti le besoin de s'enregistrer en tant que réfugiés pour

 11   recevoir des avantages, avantages du point de vue de l'obtention d'un

 12   hébergement, de vivres, d'une protection médicale, parce que ce sont des

 13   gens qui, très rapidement, se sont procurés une nationalité croate, puisque

 14   c'étaient des ressortissants de la minorité ethnique croate résidant

 15   auparavant en Serbie.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est important ce que vous venez de dire. Vous

 17   dites qu'il y a donc, si je comprends bien, des Croates qui venaient de la

 18   Vojvodine, qui ont échangé leurs appartements avec des Serbes qui étaient

 19   en Croatie, mais qui n'ont pas éprouvé la nécessité de s'enregistrer comme

 20   réfugiés parce qu'ils s'estimaient Croates et du coup ils n'ont pas demandé

 21   des aides. Et ce type de cas, il y en a eu beaucoup à votre connaissance ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces gens étaient en bon nombre, je ne peux pas

 23   vous donner de chiffre exact. Ce que je nous avons recensé en tant que

 24   réfugiés - et là nous ne parlons pas du fait de savoir si c'était tous ou

 25   si c'était certains d'entre eux - mais nous avons, toujours est-il, des

 26   réfugiés originaires de Vojvodine, 5 131 personnes. Et sur ce chiffre, pour

 27   3 337, nous avons des données disant que ce sont des gens du groupe

 28   ethnique ou de nationalité croate.


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  1   Nous n'avons pas de renseignements pour 1 511 personnes qui, au

  2   départ, ne s'étaient pas fichées comme réfugiés, mais à partir de 2002,

  3   lorsque la Croatie a ouvert cette possibilité, ils ont demandé notre aide

  4   pour ce qui est d'une assistance au logement. Donc il y a des personnes qui

  5   sont venues en procédant à des échanges de biens, qui ne se sont pas

  6   fichées comme réfugiés, parce qu'à ce moment-là ils n'ont pas eu besoin

  7   d'une protection du type hébergement, mais ultérieurement ils se sont

  8   présentés. Les gens qui, à ce moment-là, dans l'immédiat, étaient dans la

  9   nécessité se sont enregistrés comme réfugiés.

 10   Je pense que c'était pour des raisons plutôt personnelles que pour

 11   des sentiments de telle ou telle nature pour, par exemple, s'enregistrer en

 12   tant que réfugié ou pas. Parce qu'on avait estimé que c'était un domaine

 13   humanitaire et qu'on avait besoin d'une assistance si on était enregistré

 14   en tant que réfugié. Et c'est en 1995 que les choses ont considérablement

 15   évolué, que cela avait à voir avec, par exemple, une présentation de

 16   demande pour une assistance à reconstruire ou à retaper la maison lorsqu'on

 17   devait rentrer chez soi, c'était différent que quand on n'avait pas de

 18   maison du tout.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Ma dernière question. Vous êtes haut

 20   fonctionnaire dans la République de Croatie, donc censée être au courant de

 21   ce qui peut se passer actuellement. A votre connaissance, y a-t-il eu

 22   maintenant -- enfin y a-t-il maintenant des contentieux de personnes qui, à

 23   l'époque, avaient échangé leurs appartements et qui, s'étant rendu compte

 24   qu'elles avaient été victimes de l'échange, parce que le bien échangé en

 25   valeur ne correspondait pas à leur propre bien, est-ce que votre

 26   gouvernement a été saisi de ce type de contentieux ou bien y a-t-il des

 27   procès en cours en la matière, ou vous ne savez rien ?

 28   Et si je vous pose la question -- parce que nous, on a eu quelques


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  1   témoins qui nous ont dit que dans l'échange ils avaient été défavorisés, et

  2   cetera.

  3   Ma question, elle est très simple. Est-ce que vous avez eu

  4   connaissance de gens qui ont échangé ces appartements à l'époque et qui

  5   maintenant font des procès ou demandent des réparations ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de ce type de choses, nous n'avons

  7   pas tenu de fichiers à jour pour ce qui est de ces litiges-là.

  8   Dernièrement, je n'ai pas ouï-dire qu'il y a eu des procès individuellement

  9   diligentés à ce titre; mais comme cela ne fait pas partie du domaine

 10   d'intervention de mon ministère, je ne suis pas censée savoir si procès il

 11   y a ou pas. Mais je dois reconnaître que je n'ai pas entendu parler de

 12   procès de ce type, ce que j'ai appris, c'est qu'il y a eu des procès

 13   auparavant. Mais de quels procès au juste il s'agit, je ne sais pas, j'ai

 14   vaguement entendu parler de procès lorsqu'il s'est agi d'échanges de biens

 15   avec la Bosnie-Herzégovine. Maintenant si vous me posez une question au

 16   sujet de chiffres, là je ne sais pas vous répondre du tout.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Ultime question - et rassurez-vous, ce sera la

 18   dernière question - ces gens qui ont échangé des appartements et qui sont

 19   venus, par exemple, de la Vojvodine, qui sont venus à Zagreb ou dans les

 20   environs.

 21   A votre connaissance, dans les années postérieures, et puis peut-être même

 22   encore maintenant, est-ce qu'il y en a qui retournent en Vojvodine, ou bien

 23   ils sont contents et tout le monde reste où ils sont maintenant. Et s'il y

 24   en a qui sont repartis, quel est le  pourcentage ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas connaissance du fait que l'une de

 26   ces personnes-là soit revenue chez elle. Et d'après ce que j'en sais, pour

 27   l'essentiel ces gens ne sont pas rentrés chez soi. Qui plus est, une partie

 28   des familles qui à un moment donné étaient venues en Croatie avaient fait


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  1   venir par la suite le reste de la famille qui était peut-être restée là-bas

  2   en Serbie, ce qui fait que dans la réalité la plupart des membres de la

  3   famille sont restés en Croatie et vivent encore en Croatie. De là à savoir

  4   s'ils sont contents ou pas contents, ça, il faudra leur poser la question à

  5   eux. Mais ce que l'on sait d'une manière générale, lorsqu'il s'agit de

  6   réfugiés et choses qu'ont montré les recherches effectuées au niveau

  7   international, non seulement ceux des Croates qui sont partis de Serbie

  8   vers la Croatie, mais ceux qui sont partis de la Croatie, des Serbes de la

  9   Croatie qui sont partis vers la Serbie, au bout de quelques années, la

 10   situation familiale évolue et selon les cas les gens décident s'ils vont

 11   oui ou non rentrer. Ça n'a rien à voir avec le fait d'être satisfait ou

 12   pas. Les parents, c'est une chose. Les enfants, c'est tout à fait autre

 13   chose. Les personnes âgées c'est une troisième chose encore, les grands-

 14   parents, les grands-pères et grands-mères. Nous parlons de gens qui sont

 15   des êtres vivants, des êtres humains.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Peut-être que mes collègues ont des questions.

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

 18   Madame Radic, si j'ai bien compris, le rapport que vous avez préparé

 19   concernait pour l'essentiel l'enregistrement des personnes qui ont quitté

 20   certaines régions pour aller s'installer dans d'autres zones, et la

 21   question que je voudrais vous poser c'est de savoir si vous avez des

 22   informations sur la manière concrète pratique dont tout cela s'est

 23   organisé. Et je vous pose la question pour la raison suivante : quand on a

 24   des centaines de milliers de personnes qui se déplacent dans une direction

 25   et que dans le même moment vous avez à peu près le même nombre de personnes

 26   qui se déplacent dans le sens inverse, ça représente un problème logistique

 27   considérable, et ce que je me dis c'est que cela nécessite une organisation

 28   considérable.


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  1   Je voudrais donc savoir si vous savez comment ça s'est organisé

  2   concrètement tout cela ? Par exemple, comment une famille qui venait d'un

  3   endroit donné et qui estimait devoir quitter sa maison pour aller, par

  4   exemple, de Vukovar à Zagreb, comment cette famille-là s'y prenait-elle

  5   concrètement pour trouver une maison vide à Zagreb sans faire appel à une

  6   organisation privée, ou aux instances gouvernementales, et cetera ? Il

  7   semble que forcément il devait y avoir une organisation soit au niveau des

  8   particuliers, soit quelque chose d'organisé au niveau de l'Etat afin de

  9   maintenir un certain niveau d'ordre et d'organisation dans tout cela.

 10   Est-ce que vous pouvez nous donner quelques explications à ce sujet ?

 11   LE TÉMOIN : Absolument. Je crois que cela figure dans mon rapport de façon

 12   assez détaillée. En fait, en ces temps-là l'organisation qui a d'abord pris

 13   en charge ces personnes expulsées et réfugiées c'était le ministère du

 14   Travail et des Affaires sociales de l'époque. Ce ministère couvrait le

 15   secteur des affaires sociales, et sur le territoire de la Croatie, dans la

 16   plupart des villes et des municipalités, il y a des centres sociaux qui

 17   faisaient partie à l'époque dudit ministère, dont ils étaient les antennes

 18   locales, sur le terrain. Par ailleurs ils répondaient aux besoins des

 19   familles en situation difficile, des enfants handicapés, des invalides,

 20   des personnes en situation précaire, et ils avaient leurs principes. Et il

 21   y avait dès ces temps-là une organisation de la Croix-Rouge croate qui,

 22   dans une grande partie des villes et des municipaltés de la République de

 23   Croatie, avait des antennes et un personnel à soi.

 24   Alors quand on prend tout ceci en considération, à la fois le ministère à

 25   l'intérieur duquel ce bureau des personnes expulsées et réfugiées a d'abord

 26   été crée en 1991 et cet organe indépendant du gouvernement qu'était le

 27   Bureau des personnes expulsées et des réfugiés, c'était eux qui avaient

 28   organisé l'accueil des gens sur les territoires libres de la République


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  1   de Croatie.

  2   Alors pour qu'on ne se fasse pas une idée déformée des choses telles

  3   qu'elles se passaient, dans certains cas d'expulsion il y a eu des gens

  4   qui, simplement, avaient fui leurs maisons en prenant dans leurs mains des

  5   sacs et rien d'autre, littéralement rien d'autre. Dans plusieurs cas

  6   notoirement connus c'est arrivé. Drnis, par exemple, les gens de Drnis sont

  7   devenus ainsi des personnes expulsées. Bon nombre de personnes de la Lika

  8   sont devenues des personnes expulsées. Dans les secteurs autour de Slunja

  9   qui, devant l'arrivée des unités militaires suite à des pilonnages

 10   intensifs, avaient tout simplement fui leur propre maison. Et une partie de

 11   ces départs faisait que les gens quittaient carrément leurs villages.

 12   Certains avaient des moyens de transport, d'autres n'avaient rien. Et à

 13   certains endroits ils étaient accueillir par quelqu'un. Alors cet accueil

 14   était plutôt chose compliquée.

 15   Dans les cas tels que Vukovar ou Ilok, les gens sont partis à bord

 16   d'autobus. Vukovar, c'est la date du 18 novembre. C'était l'anniversaire

 17   hier justement, c'était l'anniversaire de l'entrée de la JNA et des

 18   paramilitaires de Vukovar, ils ont emprisonné toute la population qui était

 19   restée là-bas et qui s'était rassemblée dans plusieurs localités. Et le

 20   jour d'après les civils, les femmes, les enfants et les vieillards, ont été

 21   installés à bord d'autobus et en passant par Novi Sad, la Bosnie, ils ont

 22   été déportés vers la Croatie, en passant par Slavonski Brod, Djakovo et

 23   Zagreb. Une partie des gens -- enfin on savait que ces autocars allaient

 24   venir, et les gens ont été accueillis même dans des salles de sport. La

 25   Croix-Rouge était celle qui avait organisé des vivres pour ces personnes.

 26   Donc il y a eu un QG civil qui avait organisé l'accueil de ces personnes.

 27   C'était donc la mission la plus pénible, parce que c'étaient des grands

 28   groupes de personnes en arrivant telles que, par exemple, à partir de


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  1   Vukovar ou ultérieurement à partir d'Ilok.

  2   Donc une partie des gens ont été accueillis à Slavonski Brod, à Djakovo

  3   pour ce qui est de Ilok, et le plus grand groupe a été accueilli à Zagreb.

  4   La majorité ont abouti à Zagreb. Dans une journée, en quelques heures donc,

  5   il y a eu 3 000 habitants de Vukovar d'accueillis à Zagreb, où l'on a

  6   organisé un hébergement, et ce, dans les bâtiments de la foire de Zagreb.

  7   Le jour d'après ou les jours d'après, on a ouvert les hôtels de Zagreb,

  8   tous les hôtels de Zagreb - et nous parlons d'hôtels à cinq étoiles, quatre

  9   étoiles - où on a hébergé ces gens. Parce qu'à l'époque, nous n'avions pas

 10   de cités destinées aux réfugiés pour pouvoir les loger là-bas, donc on les

 11   a d'abord installés dans des, par exemple, des maisons de repos à la mer,

 12   en bord de mer. Ou alors on les accueillait dans des salles de sport ou

 13   dans des locaux ou des maisons d'habitation plus grandes, par exemple, des

 14   écoles. Et alors on les envoyait ailleurs. Une grande partie de ces

 15   personnes ont également été accueillies chez des membres de leurs familles

 16   respectives, chez la famille, ensuite ces gens-là ont demandé l'assistance

 17   de l'Etat pour être hébergés ailleurs. Donc ils arrivaient dans ces grands

 18   centres d'accueil, et nous les envoyions plus loin.

 19   Mais à l'époque, tous les hôtels au bord de la mer Adriatique étaient

 20   ouverts pour accueillir les réfugiés, Et ça été le cas pendant assez

 21   longtemps. Tous les hôtels notoirement connus de nos jours avaient servi de

 22   zone d'accueil.

 23   Par exemple, à Dubrovnik, pour que vous ayez une image de ce qu'on

 24   dit, il y avait, par exemple, 11 000 réfugiés d'accueillis là-bas - on peut

 25   le voir dans l'un des tableaux - enfin, de personnes expulsées, pour être

 26   plus précis, c'étaient des personnes expulsées de leurs villages de Croatie

 27   vers d'autres régions.

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Merci beaucoup,


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  1   Madame. Je pense qu'il faut faire une pause, mais je voudrais vous demander

  2   ceci, je vous donne la question dès maintenant, vous pourrez réfléchir

  3   pendant la pause. A partir du moment où étaient arrivés les réfugiés, vous

  4   avez été installés dans ces hôtels, dans ces établissements scolaires,

  5   notamment. Les autorités, les institutions qui aidaient, assistaient ces

  6   réfugiés, comment savaient-elles qu'il y avait des maisons vides, car je

  7   suppose qu'il y a eu inscription, enregistrement, disons, de Serbes qui ont

  8   quitté Zagreb, qui sont partis de Zagreb pour rentrer en Serbie, de telle

  9   sorte que les autorités en Croatie savaient quelles étaient les maisons

 10   qu'il était possible de mettre à la disposition des réfugiés qui seraient

 11   venus de Vojvodina ou d'ailleurs. Deuxième question à cet égard : savez-

 12   vous s'il y a eu une coopération quelconque entre les autorités croates et

 13   les autorités serbes pour organiser tout cela ? Voilà les deux questions

 14   que je voudrais soumettre à votre réflexion.

 15   Mais je pense que le moment de la pause est venu.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On fait une pause de 20 minutes.

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 02.

 18   --- L'audience est reprise à 10 heures 22.

 19  

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Madame, vous avez eu la pause. Pouvez-

 21   vous répondre à la question de mon collègue, le Juge Harhoff ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Ainsi donc, pour ce qui est de la première

 23   question ou ce qui vous intéresse, ce sur quoi porte votre question est de

 24   savoir comment les autorités étaient mises au courant de l'existence des

 25   maisons qui étaient disponibles pour les réfugiés arrivés de Vojvodine ou

 26   d'ailleurs. Je vais essayer d'être un peu plus précise.

 27   Pour ce qui est du bureau gouvernemental chargé des réfugiées et des

 28   personnes déplacées qui, à ce moment-là, s'occupait de la prise en charge


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  1   d'installations des réfugiés et des personnes déplacées, donc le bureau des

  2   réfugiés, des personnes déplacées et des rapatriés était l'organe

  3   compétent. Mais de 1991 à 1995, n'avait pas de liste de maisons ou

  4   d'appartements disponibles où on pourrait prendre en charge les réfugiés et

  5   les personnes déplacées. Donc on les plaçait uniquement dans des centres

  6   d'accueil organisés. Comme je l'ai déjà dit, à l'époque c'était tous les

  7   hôtels, des maisons de centres de vacances, des installations réservées aux

  8   ouvriers sur des chantiers, puis nous avons procédé à la création des

  9   cités.

 10   En 1994, grâce à l'aide du gouvernement allemand, en fait, ça a commencé

 11   dès 1993, mais en 1994 près d'Osijek, près de Karlovac et près de Vinkovci,

 12   nous avons pu ouvrir le premier centre organisé pour réfugiés dans Osaka

 13   [phon]. Il y avait plus de 3 000 personnes d'accueillies. Nous n'avons pas

 14   placé des gens chez des particuliers. Pour ce qui est des particuliers,

 15   c'étaient leurs proches, leurs amis ou des parents qui leur cédait une

 16   maison ou qui les plaçaient chez eux, avec eux. Il est arrivé par la suite

 17   qu'en partie, les gens qui ont été installés de telle manière, ne pouvaient

 18   plus rester, donc ils s'adressaient à nous, à l'institution de l'Etat pour

 19   les aider.

 20   Pour ce qui est des maisons ou des appartements abandonnés par des Serbes,

 21   entre autres, il relevait de la compétence de ma direction, celle dont je

 22   suis l'employée, de placer dans des logements des réfugiés qui rentrent de

 23   Serbie, en particulier de ceux qui avaient des contrats de location avant

 24   de partir. Les tribunaux croates, en se basant sur la législation croate,

 25   pour ceux qui, avant, avaient le droit d'usufruit, prononçaient des

 26   jugements sur la perte d'usufruit lorsqu'il était confirmé que pendant six

 27   mois, pendant plus de six mois un tel n'était plus résidant dans

 28   l'appartement ou la maison en question. Mais à l'époque, ce sont les villes


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  1   et les municipalités qui géraient ce parc de logements, ce n'était pas le

  2   bureau gouvernemental chargé des réfugiés et des personnes déplacées. Par

  3   conséquent, je ne peux pas savoir comment on a placé des gens dans ces

  4   logements.

  5   Ce qu'on sait, parce qu'il s'est avéré avec le temps qu'un certain nombre

  6   de ces personnes se sont adressées à nous pour qu'on les aide, donc nous

  7   savons que des décisions ont été prononcées; mais ce n'était pas en 1991.

  8   C'était bien plus tard, de 1992 à 1995 donc qu'on a placé un certain nombre

  9   de personnes dans ces logements.

 10   Là où l'Etat a organisé le séjour des réfugiés, c'est bien plus tard, c'est

 11   en 1996 dans les régions libérées après l'opération Tempête, par exemple.

 12   Mais nous ne le faisions pas nous, ma direction, cela ne relevait pas de ma

 13   compétence. Nous, on ne pouvait placer les réfugiés et les personnes

 14   déplacées que dans des centres d'accueil organisés, nous n'avions pas à

 15   notre disposition des logements pour y installer des gens.

 16   Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir est-ce qu'il y avait une

 17   coopération de mise en place à l'époque entre la Croatie et la Serbie. Ce

 18   type de coopération, tout simplement, n'a pas existé à ce moment-là. Aucune

 19   coopération qui aurait porté sur l'accueil des gens. Non, cela n'a pas

 20   existé à ce moment-là, tout simplement. On était en guerre. C'est ce que je

 21   peux vous dire sur la base de ce que j'en sais.

 22   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Certains des témoins qui sont venus déposer avant vous dans le cadre de ce

 24   procès nous ont dit que du côté des Serbes il y avait une organisation

 25   privée qui s'appelait Lasta, et que cette organisation a réussi à fournir

 26   une certaine assistance, du côté serbe, aux réfugiés venus en Serbie, je

 27   pense. Ce qui m'intéressait, c'était de savoir si vous, vous avez

 28   connaissance de l'existence d'une organisation privée similaire mais du


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  1   côté croate, organisation qui aurait pu apporter son aide, notamment en

  2   matière d'échange d'appartement ou de maison.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais vraiment pas. C'étaient des agences

  4   privées, j'imagine. Cette partie-là, concernant la vente des biens,

  5   l'échange des biens, ce n'est pas quelque chose qui passait par des

  6   instances officielles. Ce sont des rapports entre des particuliers. Ça fait

  7   partie des échanges qui relèvent de la sphère privée. C'est des ventes, des

  8   ventes de biens ou des échanges de biens.

  9   Nous, en tant qu'agence gouvernementale, nous ne nous occupions

 10   pas de cela. Les gens se mettaient en contact les uns avec les autres en

 11   passant par des contacts privés. Je ne sais pas qu'il y ait eu une

 12   organisation qui se soit occupée de cela.

 13   Aujourd'hui, en revanche, nous avons une agence de l'Etat qui se

 14   charge d'acheter des biens mais c'est sur le territoire de la République de

 15   Croatie au nom de l'Etat, mais celle-ci n'a été fondée qu'en 1997, pendant

 16   la réintégration pacifique de la vallée du Danube croate, elle n'a pas

 17   existé avant cela.

 18   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Madame.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, vous avez la parole pour le

 20   début du contre-interrogatoire. La Chambre vous a accordé une heure 30.

 21    Contre-interrogatoire par M. Seselj :

 22   Q.  [interprétation] Madame Radic, d'après vous, êtes-vous un expert ?

 23   R.  Dans le domaine où je travaille, oui.

 24   Q.  Il vous est arrivé déjà d'apparaître quelque part en votre qualité

 25   d'expert ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  En Croatie il y a d'autres personnes qui estiment que vous êtes un

 28   expert ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Où est-ce que vous avez agi en tant qu'expert ?

  3   R.  Lors de nombreuses conférences internationales.

  4   Q.  Vous étiez expert en la matière des réfugiés et des personnes déplacées

  5   ?

  6   R.  Oui, pour ce qui s'est produit en Croatie.

  7   Q.  Très bien. Vous nous avez dit que c'est le gouvernement croate qui vous

  8   a désignée pour rédiger ce rapport d'expert et pour venir déposer dans

  9   cette affaire ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Donc le Procureur ne s'est pas mis en contact directement avec vous,

 12   mais avec le gouvernement croate ?

 13   R.  Oui, c'est cela.

 14   Q.  Le Procureur s'est adressé au gouvernement croate, et vous avez été

 15   désignée par le gouvernement croate, qui vous fait confiance de bien faire

 16   ce travail ?

 17   R.  Oui, c'est ça.

 18   Q.  Vous l'avez fait sur instructions de votre gouvernement, dans le cadre

 19   de votre emploi régulier, vos horaires réguliers ?

 20   R.  Quant à dire qu'il s'agit des horaires réguliers, quand on travaille

 21   dix à 12 heures par jour, je ne sais pas. 

 22   Q.  Moi, c'était 16 heures par jour quand je travaillais. Donc vous avez

 23   même fait des heures supplémentaires, mais c'était à votre poste de travail

 24   régulier ?

 25   R.  En partie, oui.

 26   Q.  Il a fallu aussi que vous continuiez à travailler à la maison ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et que des employés gouvernementaux vous aident pour ce qui est de ces


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  1   renseignements, de ces données ?

  2   R.  Dans une moindre partie, oui.

  3   Q.  Donc vous êtes un expert du gouvernement croate, qui a été mis à la

  4   disposition du Procureur pour présenter un rapport d'expert et pour venir

  5   témoigner en l'espèce ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et vous devez venir déposer également dans l'affaire Jovica Stanisic et

  8   Frenki Simatovic ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce qu'on vous a jamais expliqué ce que signifie venir déposer en

 11   tant qu'expert devant un tribunal ? Est-ce que vous avez reçu des

 12   instructions de base, de principe, parce que c'est la première fois que

 13   vous venez déposer comme expert ?

 14   R.  Oui, c'est vrai.

 15   Q.  Vous étiez expert gouvernemental présent à des conférences

 16   internationales et vous avez défendu les intérêts de votre gouvernement

 17   dans ce domaine ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce qu'on vous a donné des instructions pour que vous compreniez ce

 20   que c'est que le rôle joué par un expert devant les tribunaux ?

 21   R.  Le Procureur a essayé de le faire, ils m'ont demandé de leur fournir un

 22   certain nombre de choses, et je considère que j'ai rédigé cela dans mon

 23   rapport. Je les ai fait figurer dans mon rapport.

 24   Q.  Ce n'est que vendredi que j'ai reçu votre rapport ainsi que les

 25   documents annexes. J'ai tout bien lu consciencieusement. Cela ne pose pas

 26   aucun problème, vous verrez bien. Mais maintenant ce sont des questions de

 27   principe que je vous pose.

 28   Est-ce qu'on vous a dit que vous alliez défendre les intérêts du


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  1   gouvernement croate ici, ou est-ce qu'on vous a dit que vous deviez déposer

  2   de manière impartiale, même si cela pourrait porter préjudice au

  3   gouvernement croate ? Est-ce qu'on ne vous a jamais dit cela ?

  4   R.  Mais lorsqu'on parle d'expert ou de quelqu'un qui agit de manière

  5   professionnelle, c'est ce que cela sous-entend d'être impartial.

  6   Q.  Pourquoi alors vous n'avez pas fait des efforts pour démontrer votre

  7   impartialité par le truchement de votre rapport d'expert ?

  8   R.  Je ne vois pas à quoi vous faites allusion.

  9   Q.  Je vais vous montrer. Est-ce qu'on vous a dit qu'initialement ce qui

 10   était prévu par le Procureur c'était de citer le colonel Ivan Grujic en

 11   tant témoin expert ?

 12   R.  Je ne suis pas au courant de cela.

 13   Q.  Et ils ne vous ont jamais dit cela ?

 14   R.  Non, je ne sais pas.

 15   Q.  Dans des documents officiels ici, le Procureur a remplacé Ivan Grujic

 16   qui est compromis, et a nommé deux autres personnes pour présenter des

 17   rapports d'expert, Mme Visnja Bilic qui est venue déposer hier et avant-

 18   hier et vous-même ? Est-ce qu'on vous a informée à ce sujet ?

 19   R.  Je n'ai pas appris cela, le Procureur ne me l'a pas dit. Mais ce que je

 20   sais c'est que M. Grujic dans d'autres affaires s'est également chargé de

 21   ce domaine-ci.

 22   Q.  Et si on vous avait dit Ivan Grujic est disqualifié pour telle ou telle

 23   raison, est-ce que vous auriez accepté de venir déposer à sa place ?

 24   R.  Je n'ai pas été désignée pour venir déposer en l'espèce ni par M.

 25   Grujic ni par le Procureur, mais par --

 26   Q.  Par le gouvernement croate ?

 27   R.  -- oui, le gouvernement croate pour lequel je travaille.

 28   Q.  Oui, je me félicite de votre réponse. Connaissez-vous personnellement


Page 11999

  1   Ivan Grujic ?

  2   R.  J'ai été présentée à M. Grujic.

  3   Q.  Il est général de brigade maintenant, n'est-ce pas ?

  4   R.  Je ne sais pas.

  5   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi il a été disqualifié ?

  6   R.  Je ne le sais pas.

  7   Q.  Est-ce qu'on ne vous a jamais dit qu'Ivan Grujic était à un moment

  8   donné chef de l'antenne militaire de la Sûreté de l'Etat à Osijek à partir

  9   de 1990 ?

 10   R.  Vraiment, je ne sais pas.

 11   Q.  Savez-vous qu'Ivan Grujic en 2001, est venu déposer dans les affaires

 12   Glavas et consorts s'agissant des meurtres de civils serbes à Osijek ?

 13   R.  Vraiment je ne sais pas. Je n'ai pas vraiment suivi l'actualité

 14   suffisamment pour savoir tout ce qui s'est produit là-bas. D'aucune manière

 15   cela ne fait partie de mon domaine de travail.

 16   Q.  Madame Radic, vous êtes un haut fonctionnaire de l'Etat, employée,

 17   comme vous voulez. Vous avez des diplômes. Vous êtes sortie de

 18   l'université. Vous êtes diplômée de sociologie. Vous faites vos études

 19   doctorales. Je suppose que vous regardez la télévision, écoutez la radio,

 20   vous lisez la presse.

 21   R.  Oui, bien entendu. Evidemment, je regarde la télévision, j'écoute la

 22   radio, je lis la presse, mais croyez-moi, l'information est multiple à un

 23   tel point à la radio et à la télévision qu'on ne peut pas tout entendre. Et

 24   cela m'a échappée.

 25   Q.  Mais vous savez qui est Branimir Glavas ?

 26   R.  Oui, je sais.

 27   Q.  C'est un général croate, qui est député, il est député au Sabor.

 28   R.  Oui.


Page 12000

  1   Q.  C'est un homme politique de premier ordre ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Il a même eu un parti politique à un moment donné. C'était un homme

  4   important du régime à un moment donné ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Aujourd'hui, il est traduit devant la justice, vous le savez ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  C'est pour des meurtres de civils serbes d'Osijek ?

  9   R.  Oui, c'est l'acte d'accusation contre lui.

 10   Q.  Oui, c'est pour cela qu'il est jugé. Je ne préjuge pas de l'issue du

 11   procès, parce qu'il est déjà arrivé qu'il soit acquitté de par le passé. Il

 12   y a l'affaire Scotch --

 13   R.  Oui, je suis au courant grâce aux médias.

 14   Q.  Oui, grâce aux médias. Mes collaborateurs m'ont trouvé des documents

 15   s'agissant d'Ivan Grujic sur internet. Parce qu'en fait je m'étais préparé

 16   pour l'interroger lui et pour vous, je n'ai pas pu particulièrement

 17   préparé, je n'ai pas vraiment recherché votre CV; mais je suppose qu'il n'y

 18   a pas de points aussi comprometteurs [phon]  que pour Ivan Grujic.

 19   R.  J'espère que non.

 20   Q.  Donc je n'en aurais pas trouvé même si j'en avais cherché. Donc j'ai

 21   ici "Nacional Feral tribune" croate, la publication croate.

 22   Et Ivan Grujic a été témoin-clé dans l'affaire Glavas, et en 2001, pendant

 23   l'enquête, il a présenté des éléments à charge contre Glavas. Puis à partir

 24   de 2006, il a retiré toutes ces accusations portées contre Glavas en tant

 25   que chef de la Sûreté de l'Etat à Osijek. Il est au courant de tous les

 26   crimes de Glavas, il l'a sérieusement accusé devant le Procureur, puis

 27   Glavas l'a fait chanter parce qu'il a des éléments lui permettant de savoir

 28   que Grujic a pris part à l'assassinat de Reihl Kir. Et Grujic a retiré


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  1   toutes ses accusations contre Glavas. La presse croate en a parlé, et même

  2   s'il a accordé un entretien à "Nacional," même s'il a dit ça au journaliste

  3   Robert Bajrusi, il évite d'en parler. Est-ce que vous êtes au courant de

  4   cela ?

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout simplement, je vous remercie de tous ces

  7   éléments d'information. Je n'étais pas au courant de manière aussi

  8   détaillée de cela. Par exemple, je ne savais pas que M. Grujic aurait pris

  9   part à ces poursuites. Peut-être que j'ai vu des choses dans "Nacional,"

 10   mais je dois dire que je n'y ai pas véritablement prêté attention.

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, permettez-

 12   moi, avec tout le respect que je vous dois, de demander des précisions à M.

 13   Seselj en ce qui concerne la pertinence des informations concernant M.

 14   Grujic vu le contexte de l'audition et du rapport d'expert de ce témoin.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, en quoi est-ce utile de savoir que

 16   M. Grujic, qui devait être l'expert du Procureur, a été retiré pour être

 17   remplacé par deux autres personnes ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vérifie la

 19   crédibilité du témoin expert, pour commencer. Et je remporte des succès, me

 20   semble-t-il. Du moins, c'est ce que j'en pense.

 21   Mme Biersay devrait vous expliquer à son tour comment cela se fait que le

 22   Procureur n'a pas cherché à citer un témoin expert indépendant, par

 23   exemple, la Croix-Rouge internationale aurait pu en fournir un pour faire

 24   une expertise sur les réfugiés et les personnes déplacées de l'ex-

 25   Yougoslavie, en particulier pour ce qui est de la Croatie. Mais à la place

 26   de cela, le Procureur s'adresse au gouvernement croate, et le gouvernement

 27   croate confie une mission à Mme Radic pour qu'elle rédige son rapport

 28   d'expert. Mais je pense que c'est un scandale sans précédent.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, dans votre pays et dans le mien, ce

  2   type de situation n'arriverait pas, car les experts sont des personnes

  3   indépendantes désignées par les juges. Ici, il se trouve qu'on est dans une

  4   procédure anglo-saxonne où chaque partie fait venir son propre expert. Et

  5   la jurisprudence de la Chambre d'appel a estimé que ces experts pouvaient

  6   être indépendants. Bon. C'est la Chambre d'appel qui pense cela. Voilà.

  7   Donc vous, quand vous ferez venir votre expert, ce sera pareil, le

  8   Procureur dira qu'il n'est pas indépendant, et cetera.

  9   C'est un sujet sans fin. Il aurait mieux valu que les experts soient

 10   désignés par la Chambre, sur requête de l'une ou de l'autre des parties, et

 11   il n'y aurait pas eu tous ces débats. Comme ce Règlement a mis en place le

 12   système, le Procureur choisit qui il veut, y compris ses propres salariés,

 13   et peut demander à un gouvernement d'envoyer ses représentants. Voilà.

 14   Chacun peut penser ce qu'il veut, mais c'est ce que permet le Règlement.

 15   Simplement, à l'issue de l'audition du témoin et à l'issue du contre-

 16   interrogatoire, la Chambre décidera s'il y a lieu ou pas à admettre ledit

 17   rapport.

 18   Continuez.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez parfaitement raison, Monsieur le

 20   Président. Cependant, nous avons ici une nouvelle qualité qui se produit.

 21   Ce n'est pas l'expert du Procureur, c'est l'expert du gouvernement croate,

 22   dans le prétoire ce sont des forces conjointes maintenant contre moi, du

 23   Procureur et du gouvernement croate.

 24   Parce que nous avons entendu cinq experts employés par le Procureur, des

 25   fonctionnaires du Procureur dans le passé. Or, désormais nous avons des

 26   experts envoyés par le gouvernement croate. Ce n'est pas le Procureur qui

 27   les a trouvés pour leur confier une mission, non, il s'adresse au

 28   gouvernement croate qui, lui, se charge de tout le reste. Donc c'est une


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  1   nouvelle qualité par rapport à la pratique qu'on a connue dans le passé.

  2   Lorsque je parle de "qualité, "évidemment je mets ça entre guillemets, et

  3   entre des guillemets solides.

  4   M. SESELJ : [interprétation]

  5   Q.  Madame Radic, vous devez savoir qui était Reihl Kir.

  6   R.  Oui, je le sais.

  7   Q.  Il était chef de la police à Osijek, et il est Allemand, un Allemand du

  8   cru, Allemand slavonien, n'est-ce pas, d'appartenance.  Et Reihl Kir

  9   prônait une solution pacifique à la crise entre les Croates et les Serbe en

 10   Slavonie orientale, dans le Srem occidental. Il voulait empêcher des

 11   incidents, des conflits, des rixes, des échanges de coups de feu, et

 12   cetera. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi sur cette définition du

 13   comportement de Reihl Kir ?

 14   R.  Vous dites beaucoup de choses là sur Reihl Kir, mais je n'en sais pas

 15   autant, donc je ne pourrais pas accepter ce que vous dites. Ceci ne relève

 16   pas de mon domaine de compétence. J'ai appris uniquement des choses sur lui

 17   dans les médias.

 18   Q.  Mais vous devez savoir que Reihl Kir, chef de la police d'Osijek, a été

 19   tué d'une main croate et que cela s'est produit en 1991. Vous devriez le

 20   savoir quand même.

 21   R.  Vraiment, je ne le sais pas.

 22   Q.  Bon, si vous ne le savez pas.

 23   R.  Je ne suis pas ici pour parler de ces événements, je n'en sais rien.

 24   Q.  Non, vous êtes ici pour répondre à mes questions, et je ne vous pose

 25   pas de questions insultantes; vous êtes d'accord avec moi ?

 26   R.  Oui, je suis d'accord.

 27   Q.  Et nous allons procéder ainsi jusqu'à la fin. Mais il vous faut

 28   répondre à toutes mes questions, et lorsque vous ne connaissez pas la


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  1   réponse, vous me le dites, et nous allons aller de l'avant.

  2   Vous étiez journaliste à Zagreb en 1992 et vous avez travaillé pour une

  3   agence de presse de l'Etat, est-ce que vous saviez en tant que journaliste

  4   que les autorités croates, à partir de 1991 jusqu'en 1995, se sont servis

  5   de la foire de Zagreb pour en faire un camp où ont été placés en détention

  6   des civils serbes, et où plusieurs milliers de Serbes de Zagreb se sont

  7   retrouvés en détention ?

  8   R.  Je ne suis pas au courant de cela.

  9   Q.  Mais est-ce que vous savez, vous êtes sociologue diplômée, qui est le

 10   Pr Zarko Puhovski ?

 11   R.  Ça je le sais. Entre autres, il a été mon professeur à l'université.

 12   Q.  C'est un professeur imminent, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et il a été président du comité d'Helsinki croate.

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Et il est l'auteur d'un documentaire très détaillé sur le camp qui a

 17   été ouvert à la foire de Zagreb ?

 18   R.  Non, je ne suis pas au courant.

 19   Q.  Bon. Si vous n'en savez rien, nous n'allons pas nous attarder là-

 20   dessus. Très bien.

 21   Pendant que vous avez travaillé sur ce rapport, est-ce que vous vous êtes

 22   fondée sur des publications portant sur les expulsions, les déportations

 23   des Serbes en Croatie de 1991 à 1995 ?

 24   R.  Non, je ne me suis pas appuyée sur ces documents dans le cadre de mon

 25   rapport, puisque le sujet de mon rapport ce sont les expulsions des régions

 26   s'agissant des événements sur lesquels j'ai des données précises. Nous, en

 27   tant qu'institution, nous avons des données précises sur le retour des

 28   Serbes.


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  1   Q.  Mais pas sur le départ des Serbes ?

  2   R.  Non, hélas, nous n'avons pas de données sur leur départ, parce que ces

  3   régions-là de la Croatie, qui se sont trouvées occupées, qui s'appelaient

  4   "Krajina" à l'époque, qui étaient placées sous le contrôle de la FORPRONU,

  5   cela échappait complètement au système étatique de la République de

  6   Croatie, n'étaient pas placées sous le contrôle du gouvernement Croate,

  7   donc nous ne savons pas ce qui se produisait dans ces régions-là.

  8   Ce que nous savons, par la suite, lorsque les retours ont commencé, lorsque

  9   les gens ont commencé à raconter leurs histoires, ce que nous avons appris

 10   c'est que pas mal de gens sont partis de 1991 à 1995.

 11   Q.  Ce n'est pas ce que je vous demande. Ce que je vous demande ce sont les

 12   régions qui ont tout le temps été sous le contrôle du gouvernement croate à

 13   Zagreb, et c'est de là qu'il a été chassé des centaines de milliers de

 14   Serbes. C'est de cela que je vous parle. Est-ce que vous avez consulté une

 15   littérature là-dessus si vous n'avez pas de renseignements officiels à ce

 16   sujet ?

 17   R.  Je n'ai pas de renseignements officiels à ce sujet.

 18   Q.  Bien. Savez-vous qui est le Pr Svetozar Livada ?

 19   R.  J'en ai entendu parler, mais je ne suis pas trop sûre.

 20   Q.  C'est un professeur à l'Université de Zagreb. Maintenant, il est à la

 21   retraite, pour autant que je sache.

 22   R.  Ça se peut.

 23   Q.  Il a publié bon nombre de choses au sujet de l'expulsion de Serbes du

 24   territoire de la Croatie, sous le contrôle du gouvernement Croate. Le

 25   bureau du Procureur dispose de ses publications, de ses déclarations, et

 26   cetera, mais vous, vous n'en savez rien, n'est-ce pas ?

 27   R.  Ecoutez --

 28   Q.  Je vous écoute.


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  1   R.  Il a été publié beaucoup de littérature fondée sur des estimations

  2   variées concernant le nombre de Serbes ayant quitté la Croatie. Ceux dont

  3   je puis parler, ce sont des renseignements officiels qui en parlent, qui

  4   nous disent combien d'habitants vivaient dans ces régions qui ont été

  5   occupées à l'époque, combien de personnes entre-temps sont revenues.

  6   Q.  Mais attendez, qui a occupé ces régions ?

  7   R.  A l'époque, ces régions étaient à l'extérieur du système juridique de

  8   la République de Croatie, en 1991 elles étaient occupées par la JNA et par

  9   les unités paramilitaires, et qui se sont ensuite qualifiées de "Krajina."

 10   Q.  Mais attendez, comment la JNA pouvait-elle occuper des parties de la

 11   Yougoslavie alors que c'était l'armée régulière de la Yougoslavie ?

 12   R.  Oui, mais la République de Croatie était déjà un Etat indépendant.

 13   Q.  Quand ?

 14   R.  En 1991. Le 18 octobre 1991, il a été publié une décision du Parlement

 15   croate portant interruption de tout lien d'Etat et de droit avec la RSFY.

 16   Q.  Qui est-ce qui a reconnu cela ?

 17   R.  C'est une décision légale du Parlement croate.

 18   Q.  Vous, vous allez, en tant qu'employée de votre gouvernement, dire que

 19   c'était légal et que les décisions de votre parlement étaient légales. Moi,

 20   je demande qui est-ce qui a reconnu cet acte juridique comme valide ?

 21   Personne.

 22   R.  Cela a été reconnu ultérieurement.

 23   Q.  Oui, ça a été reconnu ultérieurement. Mais auparavant, le territoire

 24   entier de la République de la Krajina serbe était placé sous la protection

 25   des Nations Unies, n'est-ce pas, ensuite on a reconnu l'indépendance de la

 26   Croatie.

 27   R.  Ce n'est pas tout à fait exact. La répartition des troupes de la

 28   FORPRONU a duré jusqu'à mai 1992.


Page 12007

  1   Q.  Oui, mais ça a duré un certain temps. Mais cela a été adopté avant que

  2   l'Allemagne, le Vatican et les autres n'aient reconnu l'indépendance de la

  3   Croatie. On a d'abord accepté le plan Vance, ensuite il y a eu

  4   reconnaissance de la Croatie. Ai-je raison ?

  5   R.  Je ne sais pas quand est-ce que le plan Vance a été adopté. Ce n'est

  6   pas mon domaine d'expertise pour pouvoir vous en parler.

  7   Q.  Bien. Mais c'est une question si importante que tout intellectuel

  8   serait censé le savoir, notamment vous, intellectuelle croate, êtes censée

  9   le savoir.

 10   R.  Vous, vous pensez que nous devrions savoir, mais voyez-vous, je ne le

 11   sais pas.

 12   Q.  Bon. Que voulez-vous que je fasse, je ne peux rien faire. Vous avez

 13   créé une confusion terminologique dans votre rapport en vous référant à une

 14   loi croate portant sur le statut des personnes expulsées et des réfugiés.

 15   C'est ainsi que s'appelle cette loi, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous avez dit qu'une personne expulsée, c'est une personne qui, d'une

 18   région mise en péril par la guerre, a quitté son lieu de résidence pour

 19   éviter de mettre en péril sa vie devant l'agression et autres actions

 20   armées pour trouver refuge dans d'autres régions de la Croatie, n'est-ce

 21   pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que cela découle de l'aspect du droit international ou est-ce

 24   que c'est plutôt arbitraire comme définition de personne expulsée ?

 25   R.  Voilà, pour ce qui est de la définition, la définition qui existe dans

 26   la convention de Genève, je veux poser certaines limites. Je n'ai pas une

 27   formation de juriste, donc je ne peux pas en matière de droit débattre de

 28   ce sujet, mais je sais ce que je sais partant de mon expérience, parce que


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  1   l'on en débat depuis longtemps.

  2   Q.  Coupons court.

  3   R.  Attendez. Laissez-moi finir ma réponse, si j'ose.

  4   Q.  Allez-y.

  5   R.  La définition d'un réfugié, d'après la Convention de Genève, se trouve

  6   être plutôt ample. Elle parle de danger justifié ou de péril ressenti de

  7   façon justifiée pour une personne qui quitte son pays d'origine par peur

  8   d'être expulsée. Et ceci vient du fait de son appartenance à un sexe, à une

  9   race, à une religion.

 10   Q.  Attendez. Je n'ai pas autant de temps pour des réponses aussi vastes.

 11   Moi, je vous parle de personnes expulsées.

 12   R.  Les personnes expulsées, ce sont des réfugiés internes. Cette notion a

 13   été acceptée par l'UNHCR, en sa qualité d'organisation internationale.

 14   Cette Convention de Genève qui définit le statut de réfugié date des années

 15   50, donc du siècle passé, et au fil des ans, notamment en raison de choses

 16   qui se sont produites ultérieurement et des crises de réfugiés, la

 17   définition a été adaptée et on y a inclus les réfugiés en temps de guerre,

 18   les gens qui se sont réfugiés du fait d'une guerre, qui ont quitté un Etat,

 19   qui ont traversé la frontière de leur propre Etat, et ils sont devenus

 20   réfugiés; ou alors, ce sont des personnes qui se sont internement réfugiées

 21   mais qui sont restées à l'intérieur de l'Etat dont ils sont ressortissants.

 22   Vous avez, dans bon nombre d'Etats, ce cas. Cela arrive. Vous avez, par

 23   exemple, le Congo qui ne quitte pas les pages de la presse.

 24   Q.  Oui, mais attendez. Les réfugiés, ce sont des personnes qui ont fui un

 25   danger. Ça peut être un danger de guerre, ça peut être des inondations, ça

 26   peut être un tremblement de terre, la terreur politique. Les réfugiés

 27   fuient un péril, les personnes expulsées sont des personnes déportées, des

 28   personnes à qui l'on a donné l'ordre de s'en aller. Par menace de recours à


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  1   la force, ordre où on leur dit, par exemple :

  2   "Vous allez partir ou vous allez être emprisonnés. Vous allez partir ou

  3   nous allons vous tuer. Ou vous allez partir de votre plein gré ou nous

  4   allons vous escorter jusqu'à la frontière." Donc les personnes déplacées,

  5   ce sont des personnes déportées. Etes-vous d'accord avec moi ou pas ?

  6   R.  C'est quelque chose d'analogue, mais ce n'est pas de la même façon tout

  7   à fait que cela a été décrit dans la loi croate.

  8   Q.  Justement, non, vous avez dit autre chose. Vous avez dit qu'une

  9   personne expulsée, c'est une personne réfugiée mais sur le territoire de la

 10   Croatie elle-même, c'est-à-dire ayant quitté la Krajina pour aller vers

 11   d'autres régions de la Croatie, comme vous nous avez dit cela ici. Peu

 12   importe. Donc vous avez procédé à un échange de thèses sur le plan

 13   terminologique.

 14   Pour vous, une personne expulsée, c'est quelqu'un qui, pour des raisons

 15   variées, a quitté le territoire de la Krajina serbe et est passée en

 16   Croatie. Et maintenant, est-il réfugié, est-il en train de fuir un danger,

 17   est-ce une personne déportée ? Vous ne faites pas la différence. Pour vous,

 18   ce sont toutes des personnes expulsées. Et c'est ça la substance de la

 19   confusion terminologique que vous avez créée. Oui ou non ?

 20   R.  J'ai dit de façon tout à fait claire de quelle définition il est

 21   question ici. Je vais essayer de vous le répéter. Une personne expulsée est

 22   une personne définie par la législation qui a fui une région menacée par la

 23   guerre en Croatie, qui a quitté son lieu de résidence pour fuir un danger

 24   immédiat pour sa vie, du fait de l'agression ou d'activités armées, pour

 25   trouver un refuge dans d'autres sites ou dans d'autres localités sur le

 26   territoire de la République de Croatie.

 27   Q.  Mais vous êtes en train de me relire votre rapport.

 28   R.  -- qui ont quitté la région de crise. Pour ce qui est des modalités de


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  1   leur déportation, cela s'est fait de façons variées dans des cas de

  2   situations variées. Nous parlons d'un très grand nombre de personnes qui

  3   n'ont pas toutes été mises le même jour à bord d'autocars pour être

  4   transportées.

  5   Q.  Les gens qu'on a mis dans des autocars et qui ont été transférés contre

  6   leur volonté, ce sont des personnes expulsées. Ce sont des personnes

  7   déportées. Les gens qui ont fui Knin en se sentant réellement en danger ne

  8   sont pas des personnes expulsées. Ce sont des réfugiés, n'est-ce pas ?

  9   R.  Voyez-vous --

 10     Q.  Je vous écoute.

 11   R.  Il s'agit ici d'un débat linguistique, je ne sais pas si cela est tout

 12   à fait clair pour des personnes qui parlent l'anglais, des anglophones.

 13   Parce que, littéralement, on pourrait les qualifier d'expulsés. Dans la

 14   législation croate, nous nous sommes servis de cette notion de personnes

 15   chassées de chez elles et nous avons défini cela légalement.

 16   Q.  Cela sous-entend réfugiés aussi ?

 17   R.  Cela sous-entend tout ce dont vous êtes en train de parler.

 18   Q.  Justement, je suis en train d'en parler. Vous avez créé, délibérément,

 19   une confusion linguistique pour brouiller la substance des choses. C'est de

 20   cela que je vous parle. Vous faites confusion entre réfugiés et personnes

 21   déportées ou expulsées. Vous confondez les deux et ceux qui vous traduisent

 22   vers l'anglais ont véritablement un problème.

 23   Parce que moi, je ne parle absolument pas l'anglais et je la trouve

 24   dégoûtante cette langue, pour être tout à fait sincère. Mais c'est une

 25   chose que de parler de "réfugiés" et c'est une chose que de parler de

 26   "personnes expulsées."

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Ne portez pas d'appréciation sur les langues,

 28   parce que ça n'a pas lieu d'être.


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  1   Madame --

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vais plus le faire.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

  4   Madame, on est dans des notions juridiques très complexes. Vous n'êtes pas

  5   juriste, à ce moment-là, ne perdons pas de temps. Mais le terme croate que

  6   vous employez dans vos documents, si j'ai bien compris - et vous

  7   m'excuserez de la prononciation - c'est le mot "prognanik" ou quelque chose

  8   comme ça. Alors, est-ce que c'est le mot qui sert à qualifier, comme semble

  9   dire M. Seselj, les réfugiés et les déplacés ? Est-ce que le mot

 10   "prognanik" englobe toutes les situations ou pas ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela englobe les personnes qui ont fui à

 12   l'intérieur des frontières et sont restées à l'intérieur des frontières de

 13   la République de Croatie, mais les conditions dans lesquelles ça s'est

 14   fait, c'était pour éviter un danger imminent pour leurs propres vies. C'est

 15   ainsi que je l'ai dit. Alors ça, nous l'avons déjà défini auparavant. Il

 16   s'agit de personnes qui se sont réfugiées depuis les régions de crise ou

 17   les régions occupées et ne pouvaient plus revenir vers leur logis et ce, à

 18   long terme. Ça n'a pas duré une journée; ça a duré longtemps.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Maintenant, quel est, dans votre langue, le terme

 20   que vous employez pour le réfugié qui est parti, par exemple, en Suisse ?

 21   Les 164 qui sont partis en Suisse, quel est le terme, dans votre langue,

 22   qui les qualifie cela ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous nous servons de ce terme "izbjeglica"

 24   pour parler de ces gens et, en tant que tels, ils se trouvent à être

 25   définis par la loi --

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme le transcript -- pouvez-vous épeler ce terme ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] I-z-b-j-e-l-i-c-a.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ça, ce sont les réfugiés au sens des


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  1   Conventions de Genève ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Alors, la définition qui se

  5   trouve au niveau de la législation se trouve à être adaptée comme

  6   définition. Et elle parle de personnes qui se sont réfugiées du fait de la

  7   guerre. Il y a donc une surdéfinition de réfugiés du fait de la guerre.

  8   Vous l'avez dit vous-même, je ne suis pas un juriste, et je ne suis pas un

  9   expert en matière de droit international lorsqu'il est question de

 10   réfugiés. J'ai dit sur le sujet ce que je savais et je sais vous définir la

 11   notion tel que cela se trouve être défini dans la loi croate.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 13   Mme LE JUGE LATTANZI : [interprétation]

 14   Q.  Madame, toujours avec cette définition de la loi croate. Donc, tous les

 15   "izbjeglica" provenant des territoires en conflit sont considérés dans

 16   cette loi des expulsés et donc, "proganice", je sais pas là, quelque chose

 17   comme ça; cela, est-ce que j'ai bien compris ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 19   Mme LE JUGE LATTANZI : [interprétation] Merci.

 20   Monsieur. SESELJ : [Interpretation]

 21   Q.  Madame Radic, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que vous et moi,

 22   nous parlons la même langue ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Une langue similaire. Mais on se

 24   comprend très bien.

 25   Q. Oui, on se comprend pas. Alors, ce qui est différent, pour ce qui

 26   est de notre langue, est une chose qui date d'il y a pas très longtemps, et

 27   vous aussi, vous avez du mal à vous adapter à ces modifications subites de

 28   la langue telle que parlée en Croatie. Je l'ai remarqué. A plusieurs


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  1   reprises, vous avez dit "izvjestaj," puis vous vous êtes rectifiée pour

  2   dire "izvjesce." Puis vous avez dit, à plusieurs reprises, "système," puis

  3   vous avez dit "sustav." Tout cela est enregistré ici, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, mais --

  5   Q.  Donc ce qui est la différence entre nos langues, c'est une chose qui

  6   date d'il n'y a pas très longtemps, n'est-ce pas ?

  7   R.  Je ne peux pas l'affirmer. Les mots "sustav" et "système" "izvjestaj"

  8   et "izvjesce" sont utilisés sur pied d'égalité en langue croate. Je ne vois

  9   pas où est le problème.

 10   Q.  Vous, Croates, jusqu'à il n'y a très longtemps, vous disiez "izvjestaj"

 11   et "system." Il y a quelques années de cela, on vous a donné instruction de

 12   changer cela et de ne vous servir que de "sustav" et de "izvjesce," n'est-

 13   ce pas, pour vous différencier des Serbes.

 14   Ici, vous avez donné au tableau numéro 1 un aperçu de la population sur les

 15   territoires de la République de Croatie qui étaient occupés en 1991. Dites-

 16   moi alors, quel est le document, l'acte juridique international ou l'acte

 17   de l'Accusation qui dit que les territoires de la République de la Krajina

 18   serbe entre 1991 et 1995 se trouvent être des territoires occupés de la

 19   Croatie ? Savez-vous nous dire quel est l'acte en question qui le définit ?

 20   R.  Je ne sais pas vous dire concrètement quels sont ces actes ou documents

 21   internationaux qui le confirment, mais il y a eu des résolutions du Conseil

 22   de sécurité parlant de la chose.

 23   Q.  Qui parlaient de l'occupation ?

 24   R.  Attendez un peu. Exception faite de ceci, sur ces régions, il y a eu

 25   déploiement des forces de la FORPRONU, donc sur ces territoires occupés ou

 26   qui se trouvaient englobés par les conflits armés. Donc il y a eu

 27   déploiement des forces de la FORPRONU et il y a des résolutions des Nations

 28   Unies qui définissent quelles sont ces régions là.


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  1   Par la suite, on a défini des zones roses dans les secteurs de délimitation

  2   et dans ce tableau-ci, on voit justement l'énumération de toutes ces

  3   localités en application de cet organigramme territorial de la République

  4   de Croatie, qui diffère de ce que nous avions comme organisation

  5   territoriale de l'époque. Et cela se trouve à être défini par la loi

  6   croate. 

  7   Q.  Madame Radic, les Nations Unies, s'agissant de ces régions de la

  8   République de la Krajina serbe, ont qualifié officiellement cela de région

  9   UNPA, à savoir, "United Nations Protected Areas," n'est-ce pas ?

 10   R.  Exact.

 11   Q.  Alors pourquoi, pour ce qui est de cette appellation neutre, pourquoi

 12   ne l'avez-vous pas utilisée si vous ne voulez pas dire "République de la

 13   Krajina serbe" ? Mais vous dites ce dont se sert la propagande de l'Etat

 14   croate, à savoir, de "territoires occupés", comme si les Serbes de la

 15   Krajina pouvaient s'occuper eux-mêmes, ou soi-même.

 16   R.  Moi, je n'y vois pas, je n'y vois rien de problématique, étant donné

 17   que ces "régions occupées" -- enfin, ce terme de régions occupées, je l'ai

 18   entendu utilisé dans l'exposé, entre autres, du bureau du Procureur. Nous

 19   considérions ces territoires comme occupés parce que pendant quatre années,

 20   cela échappait au contrôle du gouvernement légalement élu à Zagreb. Je le

 21   sais parce que je travaillais là-bas à l'époque. Des gens qui ont été

 22   chassés de ces régions-là, nous ne pouvions pas les ramener dans leurs

 23   propres maisons pour ces mêmes raisons.

 24   Q.  Madame Radic, lorsque la République de Croatie a été internationalement

 25   reconnue en tant qu'Etat indépendant, la région de la République de Krajina

 26   serbe, ou la région UNPA, était hors contrôle du gouvernement à Zagreb; ça,

 27   c'est bien vrai ?

 28   R.  C'est vrai.


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  1   Q.  Donc en application du droit international, lorsque l'on reconnaît un

  2   Etat indépendant, on peut reconnaître cet Etat sur le territoire contrôlé

  3   par son gouvernement central. Est-ce que quelqu'un vous en a informée,

  4   puisque vous n'êtes pas juriste, mais vous êtes un expert, et un expert est

  5   censé connaître la sociologie, politicologie, le droit, l'économie, la

  6   psychologie ? Non, ce n'est pas le cas. Bon, allons de l'avant.

  7   R.  Monsieur Seselj, je dois vous répondre de la façon suivante, à votre

  8   question : je sais quand même quelque chose au sujet des thèmes que vous

  9   évoquez ici. Cependant, je ne suis pas venue ici pour parler de ces sujets-

 10   là. Je n'ai pas été amenée ici pour parler en tant qu'expert sur des sujets

 11   qui se rapportent au droit international, et je ne peux pas en parler.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous abordez des sujets juridiques extrêmement

 13   compliqués, et Mme n'est pas expert.

 14   Mais j'ai une question à vous poser; mais pas sur le fond, mais uniquement

 15   sur le plan juridique, à la page 57, ligne 23, vous

 16   dites : "Quand la République de Croatie a été internationalement reconnue

 17   comme étant indépendante," vous semblez sous-entendre que cette

 18   reconnaissance n'englobait pas la zone sous contrôle UNPA. C'est ça que

 19   vous aviez voulu dire ou j'ai mal compris ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est à moi que vous posez la question ?

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] En application du droit international, ça ne

 23   pouvait nullement se rapporter aux territoires qui étaient placés sous la

 24   protection des Nations Unies, parce que le plan Vance disait que ces

 25   territoires étaient placés sous la protection des Nations Unies pour que,

 26   par négociation, on vienne par la suite à décider de leur statut. C'était

 27   ça, la signification du plan Vance.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : -- c'est votre interprétation.


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  1   Très bien. Bien, continuez.

  2   M. SESELJ : [interprétation]

  3   Q.  Madame Radic, en établissant ce premier tableau portant sur la

  4   structure ethnique de la population sur le territoire de la République de

  5   la Krajina serbe, à savoir la région UNPA, vous n'avez pas eu recours au

  6   découpage administratif de la Croatie qui était celui de 1991 et 1992, mais

  7   vous vous êtes servie du découpage administratif ultérieurement adopté une

  8   fois que, en Croatie, on a augmenté le nombre des municipalités en

  9   procédant à un morcellement des municipalités existantes à l'époque; parce

 10   qu'en votre qualité d'expert, vous deviez vous servir du découpage

 11   administratif de la période concernée, et non pas du découpage

 12   administratif actuel.

 13   R.  J'aurais pu faire un autre tableau. J'ai choisi de faire ce tableau-ci

 14   pour que l'on puisse voir de quoi on parle lorsqu'il est question de

 15   certaines localités. Par exemple, c'est le cas de Vukovar, entre autres,

 16   car le découpage territorial actuel sous-entend, justement, le territoire

 17   de la ville de Vukovar, alors que le découpage territorial de 1991 sous-

 18   entendait une région beaucoup plus vaste. Et vous avez pu voir par vous-

 19   même que dans certaines données, on voit que cette province de Vukovar

 20   devait être délimitée pour que les choses soient rendues bien plus

 21   précises.

 22   Q.  Madame Radic, vous nous avez donné ici des renseignements sur le nombre

 23   de personnes expulsées et de réfugiés pour le territoire de la République

 24   de Croatie. Nous avons les chiffres pour 1992, nous avons des dates

 25   ultérieures. Cependant, vous nous avez donné des renseignements - je me

 26   réfère notamment au tableau numéro 6, "Aperçu des installations d'accueil

 27   organisées pour ces personnes au fil du mois d'octobre 1992," puis vous

 28   avez donné une liste de ces bâtiments et le nombre de personnes qu'on y a


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  1   hébergées. Vous avez des installations de catégorie "B," ce sont des

  2   hôtels, n'est-ce

  3   pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Puis vous avez une catégorie d'en dessous, vous avez des centres de

  6   réfugiés. Ce sont donc des centres d'hébergement collectif, et vous avez

  7   des lieux où l'on organisait juste une alimentation à l'intention de

  8   réfugiés, puisqu'ils ont été logés dans des maisons privées, probablement.

  9   Alors si on se penche maintenant sur ces chiffres, vous pouvez voir qu'il y

 10   a une somme, 73 898 dans la catégorie "B," puis dans une catégorie d'en

 11   dessous, il y a une somme, 15 033; dans les centres de réfugiés, ce sont

 12   des centres d'accueil collectifs, 21 020; et vous avez dans les

 13   installations où l'on a organisé juste l'alimentation, 16 401, n'est-ce pas

 14   ? Ça, c'est le tableau numéro 6.

 15   R.  Oui.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : -- je présume que vous cherchez le tableau.

 17   Mme BIERSAY : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je voulais

 18   simplement dire que ceci se trouve dans le système électronique à la page

 19   67 en anglais et en B/C/S à la page 50. C'est pour que tout le monde puisse

 20   s'y retrouver facilement.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, moi, je vois que Mme Biersay aime bien

 23   m'interrompre. Elle n'aime que ça.

 24   M. SESELJ : [interprétation]

 25   Q.  Alors 73 000, on ajoute 15 033, ça nous donne 103 921. On ajoute 21

 26   000, ça nous donne, disons, 130 000. Puis, il y en a 16 000 qui ne sont que

 27   nourris. Mettons -- additionnons le tout, arrondissons à 150 000. J'ai

 28   arrondi en votre faveur. Ici, vous avez des renseignements qui parlent des


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  1   expulsés et réfugiés en République de Croatie le 27 mars 1992, sept mois

  2   avant, 325 806. Je sous-entends qu'en octobre il devait y en avoir plus que

  3   325 000, n'est-ce pas ?

  4   Donc si 150 000 sont installés dans des hôtels, des centres d'accueil

  5   collectifs, et cetera, qu'advient-il des 200 000 qui ne sont pas hébergés

  6   de cette façon ? Ils sont hébergés dans des maisons et appartements serbes,

  7   n'est-ce pas, si tant est qu'ils étaient 325 000 au départ ? Où pouvaient-

  8   ils autrement être accueillis ou hébergés, chez de la famille, mais pas

  9   tant que cela chez la famille.

 10   R.  C'est là précisément que vous faites erreur, parce qu'un grand nombre

 11   de personnes déplacées, puis de réfugiés par la suite ne se sont pas

 12   trouvés dans des centres d'accueil organisés. C'est chez des particuliers

 13   qu'ils se sont placés chez de la famille, au départ. Puis dans un deuxième

 14   temps, il y a eu des gens qui sont partis dans des centres d'accueil

 15   organisés lorsque nos possibilités d'accueil se sont accrues. Et je vous ai

 16   dit que nous avons commencé à construire, dès 1993, des centres d'accueil

 17   pour des réfugiés, et une quinzaine ont été construits, finalement, en

 18   République de Croatie, grâce aux donations internationales. Donc le nombre

 19   de centres d'accueil cités dans ce rapport a augmenté par la suite.

 20   La majeure partie des gens, qu'il s'agisse de personnes déplacées ou, par

 21   la suite, de réfugiés venus de Bosnie-Herzégovine, qui étaient les plus

 22   nombreux, a été placée chez des particuliers, et comme je vous l'ai dit,

 23   c'était chez des amis pour commencer, et après les gens se sont

 24   débrouillés.

 25   Alors pour ce qui est des chiffres maintenant, dans un premier temps,

 26   les chiffres étaient très importants, parce que sur le territoire de la

 27   République de Croatie, il y avait un maximum de personnes déplacées vers la

 28   fin de l'année 1991 et au début de l'année 1992. Là, un grand nombre de


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  1   personnes ont quitté leur foyer non seulement dans les régions occupées

  2   mais aussi dans les parties de la République de Croatie qui étaient

  3   constamment exposées à des pilonnages. En partie, ces gens ont été placés

  4   en Croatie, une autre partie est partie à l'étranger.

  5   Et très vite, après la trêve de Sarajevo et après le déploiement des forces

  6   de la FORPRONU dans les zones UNPA, dans les territoires occupés de la

  7   République de Croatie, la majorité de ces gens sont rentrés chez eux.

  8   Et je vous ai dit que, conformément à la législation croate, nous ne

  9   reconnaissions pas le statut de personne déplacée à ces gens-là. Mais il y

 10   a eu l'enregistrement en avril 1992 et nous avons précisément --

 11   Q. Là, vous débordez le champ de ma question. S'il vous plaît, mon temps

 12   est limité et, en même temps, il m'est très précieux parce que je dois

 13   aborder beaucoup de sujets avec vous.

 14   Je vous demande, les autorités croates, à l'intention de tous les Serbes

 15   expulsés ou partis du territoire croate placé sous le contrôle des

 16   autorités de Zagreb, elles les ont privés de leurs droits d'usufruit et des

 17   facteurs internationaux ont été amenés à intervenir pour régler cette

 18   question, n'est-ce pas ?

 19   Est-ce que vous voulez bien répondre ?

 20   R. Ce n'est pas le gouvernement croate qui a fait cela, ce sont des

 21   tribunaux dans leurs jugements qui ont agi. Vous avez des jugements --

 22   Q. Lorsque je parle "d'autorité croate" là, j'entends la justice,

 23   l'exécutif et les autorités locales, lorsque je parle "d'autorités

 24   croates."

 25   Si vous avez d'une part le gouvernement, et d'autre part, les

 26   tribunaux, puis les autorités locales, puis le parlement, si cela ne

 27   converge pas, ça ne m'intéresse pas. A mes yeux, vous êtes les autorités

 28   croates. Vous avez privé tous les Serbes de leurs droits d'usufruit.


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  1   Lorsque je dis "vous," je ne me réfère pas à vous personnellement, mais je

  2   parle du pouvoir croate. Et vous avez alloué ces logements aux Croates.

  3   Donc le Serbes qui sont partis n'ont plus jamais pu retrouver leurs droits

  4   d'usufruit dans ces appartements; est-ce que cela est exact ?

  5   R.  Monsieur Seselj, en Croatie, nous avons un programme. Nous avons une

  6   législation des textes que nous appliquons, et que nous appliquons

  7   aujourd'hui. Vous avez des gens qui ont perdu le droit d'usufruit dans des

  8   logements, des maisons en Croatie, et qui souhaitent retourner en

  9   République de Croatie, alors, à leur intention, nous avons des logements,

 10   des maisons, des appartements que nous mettons à leur disposition pour

 11   qu'ils puissent revenir en République de Croatie. Il s'agit d'un programme

 12   qui est appliqué actuellement. 

 13   Pour ce qui est de grandes villes maintenant, c'est de cette manière-là que

 14   nous avons logé environ 750 familles. Et dans des zones d'intérêt

 15   particulier, environ 5 000 familles ont été logées ainsi. Donc des familles

 16   où il y avait le droit d'usufruit précédemment. Et sur ce nombre-là, pour

 17   ce qui est des zones d'intérêt particulier dans des zones occupées

 18   précédemment, par exemple comme Knin ou Vukovar, vous avez un retour

 19   d'environ 5 000 familles dans ces endroits; et je parle de familles, parce

 20   que les logements sont mis à la disposition des familles; 70 % de ces gens

 21   sont des Serbes. Maintenant, s'agissant des grandes villes, des centres

 22   urbains, Zagreb, Osijek, je vous ai dit environ 750 familles ont d'ores et

 23   déjà eu des appartements, on a mis à leur disposition des appartements,

 24   c'est ce que nous faisons aujourd'hui.

 25   Q.  Mais ça n'a rien à voir par rapport à des centaines de milliers de

 26   Serbes qui ont été expulsés, vous devez savoir que dans l'ex-Yougoslavie,

 27   ce droit d'usufruit de locataire, c'était une forme de droit de propriété,

 28   en fait. L'Etat mettait à votre disposition un logement, ou l'entreprise ou


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  1   l'institution pour laquelle vous travailliez. Ce logement, on en avait le

  2   droit d'usufruit à vie. Personne ne pouvait vous expulser. C'était

  3   héréditaire. On pouvait l'échanger. La seule chose qu'on pouvait pas faire,

  4   c'est de le vendre. C'est uniquement ce droit de vente qui constituait une

  5   différence entre un droit de propriété plein et entier, donc ce droit

  6   d'usufruit qu'on avait dans l'ancien système. Est-ce que j'ai raison de

  7   dire ça ?

  8   R.  Non, vous n'avez pas raison de dire cela, et je pense qu'un bon nombre

  9   de juristes n'en conviendraient pas avec ce que vous affirmez-là. Parce que

 10   c'est vraiment un domaine juridique sur lequel on pourrait beaucoup dire;

 11   mais je pense que l'un des jugements pourrait nous éclaircir, par exemple,

 12   des jugements du tribunal de Strasbourg. Blecic contre la Croatie est une

 13   des affaires, en l'espèce --

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis un peu étonné, parce que tout à l'heure vous

 15   disiez que vous n'étiez pas juriste, et vous voilà en train de citer des

 16   arrêts de la cour de Strasbourg. Je suis très étonné.

 17   Mais ceci étant dit, Madame, la question de l'usufruit et de la propriété

 18   sociale est une question intéressante. A votre connaissance, une famille

 19   serbe qui a été expulsée, qui a quitté Zagreb et qui avait un appartement

 20   qui lui avait été alloué, parce que cette personne travaillait dans l'ex-

 21   Yougoslavie, elle a perdu ce droit d'usufruit, comment le gouvernement

 22   croate a pris des mesures pour rétablir ces gens-là dans leurs droits, ou

 23   le gouvernement croate n'a rien fait ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai tenté d'expliquer ça dans ma réponse

 25   précédente. Ceci n'a pas fait l'objet de mon rapport d'expert. Ce sont des

 26   choses que nous faisons aujourd'hui.

 27   Ces gens-là qui reviennent en République de Croatie, aujourd'hui nous

 28   mettons à leur disposition des logements, nous mettons à leur disposition


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  1   des appartements dans les zones d'intérêt particulier, des appartements ou

  2   des maisons, et c'est de cette manière-là que nous permettons à ces gens de

  3   rentrer en Croatie. En bonne partie, ces gens ont trouvé à se loger en

  4   Serbie. Ils n'ont pas d'autres biens, et l'allocation d'un appartement

  5   conditionne leur retour en République de Croatie.

  6   J'ai déjà répondu à la question de M. Seselj, j'ai donné les chiffres : 5

  7   000 familles dans les zones d'intérêt particulier et environ, je pense,

  8   d'ores et déjà 750 familles à l'extérieur des zones d'intérêt particulier.

  9   M. SESELJ : [interprétation]

 10   Q.  Mais on ne leur restitue pas les appartements pour lesquels ils avaient

 11   l'usufruit ?

 12   Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai besoin d'un éclaircissement du témoin avant que

 13   vous continuiez.

 14   Pourriez-vous nous dire  -- alors, vous faites référence à des décisions de

 15   cour, de tribunaux. Ces décisions ont été prises sur la base d'une nouvelle

 16   loi qui a changé la vieille loi en matière d'usufruit, si j'ai bien

 17   compris, ou j'ai mal compris ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai déjà dit précédemment, je ne suis pas

 19   juriste; je ne pense pas pouvoir en parler dans ces termes-là. Je suis au

 20   courant de l'existence de ces jugements. J'ai la --

 21   Mme LE JUGE LATTANZI : Cela -- je ne vous demande pas d'aller dans des

 22   détails juridiques, mais seulement si vous connaissez s'il y a eu une

 23   nouvelle loi qui aurait changé la loi précédente en enlevant le droit

 24   d'usufruit, et si donc il y a eu une loi qui a eu un effet rétroactif.

 25   Seulement cela, si vous savez, à votre connaissance.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je le sache, il n'y a pas eu

 27   adoption, en Croatie, d'une loi rétroactive. Mais en 1996, on a annulé la

 28   notion, en Croatie, d'usufruit, dans le sens de droit de loger quelque


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  1   part. Et conformément à cela, il y a eu un certain nombre de délais qui ont

  2   été fixés dans l'espace desquels on avait le droit de mettre en vente un

  3   appartement pour lequel on avait l'ancien droit d'usufruit. Mais il n'y a

  4   pas eu de rétroactivité dans les textes.

  5   Mme LE JUGE LATTANZI : Une autre clarification, s'il vous plaît.

  6   Vous dites que vous avez un programme pour aider les Serbes qui veulent

  7   revenir en Croatie à être relocalisés, logés. Je voudrais savoir si ce

  8   programme tient compte de leur volonté, de leur choix de la ville, du

  9   village où revenir, ou si vous décidez une zone particulière où placer tous

 10   ces gens.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument, on tient compte des souhaits des

 12   gens, où est-ce qu'ils souhaitent revenir. En principe, la règle numéro 1,

 13   c'est que ce sont les gens qui présentent une demande. La majorité dépose

 14   une demande demandant de retourner là où ils résidaient en 1991, et nous

 15   respectons cela. Bien entendu, parfois, c'est plus facile. Dans certaines

 16   localités, c'est plus difficile de leur garantir cela. Mais dans tous les

 17   cas, ce que nous essayons, c'est de respecter les souhaits des gens, et les

 18   souhaits des gens, en principe, c'est orienté vers les lieux de résidence

 19   de 1991.

 20   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci, Madame.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.

 22   M. SESELJ : [interprétation]

 23   Q.  Dernière page du tableau 4, vous donnez des chiffres en vous fondant

 24   sur les chiffres du Haut-commissariat des réfugiés des Nations Unies. Je

 25   vous fais confiance sur ces données-là. Pour ce qui est du nombre de

 26   réfugiés enregistrés dans les autres républiques de l'ex-Yougoslavie, 27

 27   mars 1992, en Serbie, 141 000; c'est bien ça ? Monténégro, Macédoine,

 28   plusieurs milliers; Bosnie-Herzégovine,


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  1   95 000; et en tout, 252 000, y compris les 7 600 enregistrés en Slovénie;

  2   252 000 réfugiés de Croatie vers les autres républiques de l'ex-

  3   Yougoslavie, c'est bien cela ? Donc pour l'essentiel, la majorité, ce sont

  4   des Serbes; vous êtes d'accord ?

  5   R.  Je ne peux pas affirmer cela. Je suppose que la majorité sont les --

  6   Q.  Il se peut qu'il y ait un Slovène, un Musulman.

  7   R.  Nous ne pouvons pas affirmer cela, puisque, comme je l'ai déjà dit, les

  8   données qui viennent de ce moment-là -- des données statistiques, nous les

  9   avions. Les autres républiques également. Mais personne n'a vérifié les

 10   enregistrements pour savoir exactement de qui il s'agit.

 11   Q.  Si, il y a eu des enregistrements pour ce qui est de l'appartenance

 12   ethnique. Le Haut-commissariat des Nations Unies l'a fait, et les autorités

 13   Serbes en Serbie l'ont fait également. Je ne peux pas mettre ma main au feu

 14   que la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine, la Slovénie l'aient

 15   fait, mais vous l'avez fait. Le Haut-commissariat l'a fait. Il y a eu des

 16   cas isolés de Croates qui sont venus de Croatie en tant que réfugiés. Je

 17   connais un grand intellectuel croate, Goran Babic. Vous en avez entendu

 18   parler, j'imagine ? Il est devenu réfugié de Croatie vers la Serbie, parce

 19   que le régime de Tudjman lui était insupportable, mais ces grands chiffres-

 20   là, les Croates, ce serait un pourcentage minimal. Ce sont surtout des

 21   Serbes, et il se peut qu'il y ait un certain nombre de Musulmans, quelques

 22   Slovènes qui se sont enfuis, puis des Macédoniens, 2 000 sont partis vers

 23   la Macédoine. Sur les 252 000, plus de 200 000, ce sont des Serbes, sans

 24   aucun doute. C'est le minimum, n'est-ce pas ? Vous êtes d'accord avec moi ?

 25   R.  Il est possible qu'il en soit ainsi.

 26   Q.  Possible. D'accord. Nous avons maintenant les réfugiés croates, 115 781

 27   dans les autres républiques. Vous avez dit que cela provient d'après les

 28   estimations de pays tiers, surtout ils étaient en Allemagne, paraît-il.


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  1   Est-ce que vous savez quelle est la ventilation entre les Serbes et les

  2   Croates, là ?

  3   R.  Ce que j'en sais, au sujet de ces chiffres datant de cette période-là,

  4   vous avez dans deux cas des chiffres précis pour la République Tchèque et

  5   la Suisse. Mais à l'époque, il était très difficile de distinguer entre les

  6   Croates et les Serbes; c'est-à-dire s'il est ressortissant de la République

  7   de Croatie ou si le concerné est citoyen de la République de Serbie.

  8   Q.  Mais tout le monde s'enfuyait avec le passeport de la

  9   RSFY ?

 10   R.  Oui. Donc pendant longtemps, dans de nombreux pays vous aviez des

 11   statistiques basées sur des passeports de la RSFY. Ils ne faisaient pas la

 12   différence entre un ressortissant de Croatie ou de Serbie.

 13   Q.  Oui, tout à fait, mais ça, ce sont les chiffres pour lesquels vous

 14   dites que ce sont des réfugiés venus de Croatie donc ce chiffre-là, 115

 15   781. Ce chiffre-là, ce sont des individus venus de Croatie; c'est ce que

 16   vous avez écrit ?

 17   R.  Ce sont des estimations des autorités du coin et du HCR, mais cela ne

 18   veut pas dire qu'il n'y a pas parmi ces gens-là des Serbes. Nous ne pouvons

 19   pas affirmer cela.

 20   Q.  Parce que c'est en grande majorité des Serbes ?

 21   R.  Parce qu'on parlait de gens venus de Croatie. Plus tard, lorsque le

 22   processus de retour a commencé de ces pays tiers, à ce moment-là on a pu

 23   voir que parmi ces gens il y avait des Croates et des Serbes. Mais ce sont

 24   des citoyens croates. Donc on ne peut pas faire cette différence.

 25   Q.  Mais ces plus de 200 000 Serbes qui se sont partis de Croatie, plus de

 26   140 000 en Serbie, plus de 50 000 en Bosnie, eux aussi ce sont des

 27   ressortissants croates ?

 28   R.  C'est exact. Ce sont des ressortissants croates, des citoyens croates,


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  1   parmi eux --

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Je fais attention au temps, parce que je voudrais

  3   que M. Seselj utilise son heure et demie. Et je ne veux pas l'interrompre.

  4   Mais très vite, je prends les 164 qui ont été en Suisse. Votre service

  5   aurait très bien pu interroger le HCR ou les autorités suisses pour savoir,

  6   des 164, combien se déclaraient Croates ou combien se déclaraient Serbes.

  7   Ce n'était pas très compliqué à faire. Et là, à ce moment-là, vous auriez

  8   eu certainement une évaluation. Bien sûr, en Allemagne, les 55 000, il doit

  9   y avoir des Croates et des Serbes mélangés. C'est peut-être plus compliqué.

 10   Mais sur des petits chiffres, il était facile de faire une exploration. En

 11   Tchécoslovaquie, il y en a 2 000, 2 117. Peut-être qu'il aurait été

 12   intéressant de faire la répartition. Bon, ça n'a pas été fait. On en reste

 13   là.

 14   Monsieur Seselj, continuez.

 15   M. SESELJ : [interprétation]

 16   Q.  Voyons maintenant la chose suivante, le tableau numéro 11. Les

 17   personnes qui ont quitté la Serbie de 1991 à 1995, qui sont des réfugiés

 18   venus de Serbie. Et à vos yeux, tous ceux-là sont des réfugiés ? Tous ceux

 19   qui ont quitté la Serbie pour se rendre en Croatie pendant cette période-

 20   là, 1991 à 1995, soit des réfugiés, soit des personnes déplacées, pour

 21   vous; c'est bien cela ?

 22   R.  Il s'agit d'individus qui ont enregistré leur statut en République de

 23   Croatie.

 24   Q.  Parce que la Croatie mettait à la disposition de ces gens-là de

 25   l'argent, donc pourquoi n'iraient-ils s'enregistrer ?

 26   R.  Comme je l'ai déjà expliqué, la Croatie ne donnait pas de l'argent.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame Biersay.

 28   Mme BIERSAY : [interprétation] Pour la référence soit plus facile en


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  1   prétoire électronique, je pense que la page en anglais est 114, 99 en

  2   B/C/S.

  3   M. SESELJ : [interprétation]

  4   Q.  Ici, vous parlez des différentes municipalités de Serbie. Tout d'abord,

  5   il y a la Serbie propre, la Vojvodine et le Kosovo, cette répartition-là;

  6   ensuite, vous avez un aperçu précis par municipalité, je n'ai aucune raison

  7   de douter de ce que vous dites par avance.

  8   Alors nous avons les chiffres comme suit : dans la Serbie propre, pendant

  9   longtemps, nous n'avons pratiquement aucun départ vers la Croatie; en 1990,

 10   3; puis 12; puis 48; et cela augmente en 1996, on en a 113. En tout, 546

 11   personnes sont parties de Serbie vers la Croatie, pour vous, ce sont des

 12   réfugiés. Parmi eux, il y a 17 Serbes; c'est bien ça, d'après ce qu'on lit

 13   ici ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Voilà, donc 546 personnes en tout. Mais voyons maintenant ce qui en est

 16   de la Vojvodine. Là, en tout, nous avons 5 131 personnes; c'est bien ça ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  En 1990, 7; en 1991, 61. J'attire l'attention de la Chambre là-dessus.

 19   Pendant toute l'année 1992, 290 personnes de Vojvodine; pendant toute

 20   l'année 1993, 345; 1994, 541; et en 1995, après Eclair et Tempête, 1 868;

 21   en 1996, 280. En tout, 5 131 personnes de toute la Vojvodine, c'est ça le

 22   nombre de personnes qui ont déménagé vers la Croatie. Pour vous, ce sont

 23   des réfugiés. Parmi eux, 3 377 seulement sont des Croates. C'est votre

 24   chiffre, n'est-ce pas ? Dites-moi oui ou non, s'il vous plaît.

 25   R.  Il s'agit au moins de 3 377 Croates.

 26   Q.  D'accord. Au moins 61 sont des Serbes au moins qui ont déménagé de

 27   Vojvodine vers la Croatie. Pour vous, ce sont des réfugiés. Vous avez

 28   également là six Musulmans de répertoriés, 144 "Autres"; 32 inconnus, et


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  1   cetera. Mais le chiffre au total c'est

  2   5 131 personnes sur la période allant de 1990 à 1996. Mais dites-moi ce qui

  3   se produit en 1997 ? Vous nous dites le gouvernement croate a créé une

  4   agence intergouvernementale pour se charger de l'achat des biens. Cette

  5   agence achète à bas prix les biens serbes et les met à la disposition des

  6   Croates qui déménagent d'où que ce soit en Croatie; est-ce que cela est

  7   vrai ? Est-ce que vous pouvez me répondre par un "oui" ou un "non" pour

  8   qu'on puisse avancer.

  9   R.  Je ne peux pas vous confirmer cela parce que cela n'est pas aussi

 10   simple que ça, on ne peut pas dire qu'on met cela à la disposition

 11   exclusivement des Croates.

 12   Q.  Moi non plus je n'aime pas les choses compliquées, avançons. Nous avons

 13   les chiffres pour Vojvodine, mais ce qui intéresserait en particulier la

 14   Chambre, je suppose, puisque vous faites preuve de conscience dans l'examen

 15   approfondi de ce rapport, 5 131, s'il vous plaît, rappelez-vous ce chiffre.

 16   C'est le nombre de personnes ayant quitté la Vojvodine pour s'installer en

 17   Croatie, y compris 91 Serbes. Kosovo-Metohija, voyons maintenant ce qui se

 18   passe là-bas. En tout, 6 924 personnes qui ont déménagé en Croatie. Là-

 19   dessus, 3 755 Croates, 7 Serbes, 91 Musulmans et les autres, 1 490. Je

 20   suppose que là il y a des Gorans, des Turcs, des Albanais, et cetera.

 21   R.  Oui, c'est ça.

 22   Q.  Alors ils se sont réfugiés devant qui au Kosovo ?

 23   La majorité, vous voyez comment ils sont partis. Avant 1996, "4 251," donc

 24   on ne sait pas exactement à quel moment ils sont partis, puis après, c'est

 25   ventilé par année : 1990, 14; 27 pour l'année d'après; 1992, 670; 252 pour

 26   l'année suivante, et cetera. Ils sont partis sans aucun doute avant 1996, 4

 27   251, mais on ne sait pas en quelle année. En tout, 6 924. Donc de 1 800

 28   plus que de Vojvodine. Alors ils se sont réfugiés devant qui au Kosovo ?


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  1   Dites-moi, s'il vous plaît, vous le savez ?

  2   R.  Ecoutez, là, comme vous l'avez vu vous-même pour ces gens au Kosovo, en

  3   bonne partie ce sont des Croates, mais pas exclusivement. Il y avait pas

  4   mal d'Albanais parmi eux jusqu'en 1995, mais aussi à partir de 1995, c'est-

  5   à-dire 1996, ils arrivaient en Croatie. La majeure partie est arrivée en

  6   Croatie en 1999 pour ce qui est de ces gens-là, et c'était pendant la

  7   guerre au Kosovo. Parmi ces gens-là, il y avait un grand nombre d'Albanais

  8   -- il y avait des Croates et des Albanais. Les raisons pour lesquelles les

  9   gens sont partis sont les mêmes que nous avons déjà évoquées.

 10   Q.  Ils fuyaient un certain danger ?

 11   R.  C'est cela.

 12   Q.  Très bien. Alors dites-moi maintenant la chose suivante : parmi ces 5

 13   131 personnes -- ou réduisons ce chiffre. Parmi ces 3 377 Croates qui,

 14   d'après vos chiffres, ont quitté la Vojvodine pour se réfugier en Croatie,

 15   il y en a combien qui sont partis sans échanger leurs biens précédemment;

 16   donc en laissant leurs maisons, leurs appartements en Serbie sans procéder

 17   à un échange de biens ? Est-ce que vous avez ces chiffres-là ?

 18   R.  Non. Je n'ai pas ces chiffres-là. En partie, les renseignements sur la

 19   propriété vous l'avez dans nos dossiers, mais je n'ai pas récolé cela pour

 20   des besoins de ce rapport, ce n'est pas un critère sur lequel je me suis

 21   basé. Mais nous relevions la situation au moment de l'enregistrement. Donc

 22   je ne peux pas vous dire de quel nombre de personnes il s'agit.

 23   Q.  Je vous en prie, vous avez un total de 3 377 Croates pour lesquels vous

 24   nous dites qu'ils ont fui la Serbie entre 1991 et 1999, et vous précisez

 25   que jusqu'en 1992, quand on additionne 1990, 1991, 1992, ça nous donne 358

 26   en tout; est-ce que j'ai bien additionné ?

 27   R.  Je pense que oui.

 28   Q.  Certes. Alors 358 Croates qui ont fui la Vojvodine pour aller vers la


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  1   Croatie. Alors pour vous, l'essentiel dans votre rapport d'expert ce serait

  2   d'avoir essayé de trouver s'il y avait ne serait-ce qu'un Croate qui a dû

  3   fuir la Serbie pour des raisons quelles qu'elles soient en abandonnant tous

  4   ses biens mobiliers. Je vous affirme qu'il n'y en a pas un seul. Ils ont

  5   soit vendu et partis, soit échangé et partis. Parce que personne n'a dû se

  6   précipiter et fuir. Je sais qu'on a fui rapidement avec des sacs en

  7   plastique à la main, je sais qu'il y a eu de cela. Mais depuis la Serbie,

  8   personne n'a fui de la sorte avec des sacs en plastique dans les mains. Ça,

  9   je vous le garantis. Alors voyons autre chose.

 10   Ayez l'amabilité de me dire combien de temps il me reste encore, il

 11   va falloir que j'abrège.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il va falloir que vous abrégiez parce que

 13   j'aimerais qu'on ait au moins dix minutes avant la fin de l'audience pour

 14   des questions administratives.

 15   Vous avez "left" -- Donc vous avez utilisé une heure, donc il doit vous

 16   rester 30 minutes.

 17   Voilà. Madame, une question, parce que ces chiffres pour nous sont très

 18   importants parce qu'ils sont au cœur de l'acte d'accusation concernant la

 19   Vojvodina. Moi je me polarise sur 1991 et 1992.

 20   D'abord, 1990, il y a sept qui partent. En 1990, il ne se passe pas grand-

 21   chose. 1991, il y en a 61; 1992, 290. Alors ce qui aurait été très

 22   intéressant dans votre étude, si ça avait été fait, c'était ces 350

 23   personnes, de savoir combien avaient échangé leurs appartements. Parce que

 24   s'il y en a 350 qui ont échangé en totale liberté les appartements, ce

 25   n'est pas la même chose que si elles ont échangé contraints et forcés.

 26   1993, il y en a 345, puis on voit bien que la situation s'aggrave puisqu'en

 27   1994 il y a 541; 1995, 1 800. Mais nous, nous on est surtout sur 1991 et

 28   1992, et il aurait été intéressant de savoir, pour ces 350, combien ont


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  1   échangé d'appartements. Je présume que vous ne pouvez pas répondre. Vous

  2   n'avez pas de données.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà indiqué, je n'ai pas de

  4   données vraiment pour ce qui est du nombre de personnes ayant procédé à des

  5   échanges de biens. Ce que nous avons comme information - et que je n'ai pas

  6   sorti pour la rédaction de ce rapport concret, je n'ai pas mis cela en

  7   exergue - ce sont les renseignements portant sur les raisons de leur

  8   départ. Lors de l'enregistrement, c'est une information qu'ils ont donnée,

  9   ces gens. Entre autres, ils parlent d'expulsion dans certains cas, dans

 10   d'autres cas, ils parlent de menaces ou de mauvais traitements pour ce qui

 11   est des raisons pour lesquelles ils ont fui leurs propres logis.

 12   Je précise encore, comme je l'ai déjà dit auparavant; un nombre important

 13   de ces personnes ne se sont pas enregistrées en tant que réfugiés. Je vous

 14   parle de renseignements sur les gens qui se sont enregistrés en tant que

 15   réfugiés et qui avaient, de façon évidente, des raisons de le faire.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 17   Monsieur Seselj, pour les cinq minutes avant la pause, reprenez la parole.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attire votre attention, Monsieur le

 19   Président, sur ce qui concerne ces 350 personnes de la Vojvodine jusqu'à

 20   1992 comprise. Il serait intéressant aussi de voir quelles quelle était la

 21   structure ethnique parce que les 350 c'étaient pas tous des Croates. Il

 22   pouvait y avoir des Serbes s'il y avait au total 61 Serbes qui sont partis

 23   de là pour aller vivre là-bas pour des motifs quelconques.

 24   M. SESELJ : [interprétation]

 25   Q.  Alors, Madame, vous nous avez dit que 127 000 Serbes, d'après les

 26   fichiers que vous avez créés, sont rentrés sur le territoire de la Croatie.

 27   Il y a quelques jours, les autorités serbes ont informé l'opinion publique

 28   qu'il y a avait 75 000 personnes à être revenues. Alors comment


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  1   interprétez-vous cet écart de 52 000 de ces Serbes qui sont rapatriés ?

  2   R.  Je peux vous répondre au sujet des personnes qui se sont enregistrées

  3   en tant que personnes rapatriées en République de Croatie, et ça c'est le

  4   chiffre exact, 127 000.

  5   Q.  Bien. Vous nous avez donné des renseignements au sujet de la structure

  6   par âge, par sexe, par municipalités différentes actuelles de la République

  7   de Croatie. Vous avez également dit que c'étaient des Croates qui avaient

  8   fui de quelque part; alors ce qui aurait été intéressant c'est de nous

  9   fournir des renseignements, or vous ne l'avez pas donné, au sujet de la

 10   structure des Serbes par âge dans vos fichiers pour lesquels vous dites

 11   qu'ils sont rentrés. Avez-vous ce type de renseignements ?

 12   R.  Nous, en tant qu'institution, nous avons ces renseignements.

 13   Q.  Mais vous n'avez pas estimé nécessaire d'en parler ?

 14   R.  Non, parce qu'on ne me l'a pas demandé, cela.

 15   Q.  Parce que le bureau du Procureur n'est pas intéressé par le sort des

 16   Serbes. Vous avez raison, ils ne sont là que pour représenter votre partie

 17   à vous.

 18   Mme BIERSAY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je retire cette observation. Allons de l'avant

 20   afin que Mme Biersay n'ait pas à bondir à tout moment.

 21   M. SESELJ : [interprétation]

 22   Q.  D'après mes informations à moi, il s'agit en premier lieu de Serbes

 23   dans un âge avancé qui, en termes simples, ne pouvaient plus s'adapter

 24   ailleurs et recommencer une vie normale, ou alors s'agissait-il de Serbes

 25   qui, à n'importe quel prix, voulaient vendre leurs biens pour quitter à

 26   titre définitif cette fois-ci les régions qui sont maintenant sous le

 27   contrôle serbe. Ai-je raison de dire cela ? Il s'agit de personnes âgées ou

 28   alors de personnes qui ne sont venues que pour vendre leurs biens ?


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  1   R.  Vous ne pouvez pas en parler de façon aussi exclusive. Il y a, bien

  2   sûr, un pourcentage important de personnes âgées. Pourquoi ? Parce que les

  3   personnes âgées sont les premières à revenir. Cependant, ce n'est plus le

  4   cas. Il y a des familles plus jeunes avec des enfants qui reviennent en

  5   République de Croatie. Ce récit disant qu'il n'y a que des personnes âgées

  6   ou des personnes qui souhaitent vendre leurs biens, c'est un récit qui date

  7   des débuts. Dans toutes les situations de présence de réfugiés, c'est

  8   d'abord les âgés qui reviennent le plus vite, donc ceux qui regagnent leurs

  9   maisons ce sont d'abord les personnes âgées. Les personnes plus jeunes ne

 10   retournent qu'après. Donc vous ne pouvez pas affirmer les choses ainsi.

 11   Bien sûr, il y a dans ce chiffre un peu plus de Serbes et, bien sûr, il y a

 12   certaines personnes parmi ces gens qui sont venues vendre leurs biens --

 13   Q.  Expliquez-moi ce miracle jamais vu à ce jour. Le gouvernement croate a

 14   créé, en 1997, une agence de l'Etat pour l'achat de biens immobiliers. Je

 15   n'ai pas eu connaissance de cas similaires sur le territoire européen où

 16   l'Etat crée une agence qui serait chargée d'acheter les biens des citoyens

 17   dont elle souhaite se débarrasser. C'est arrivé en Croatie en 1997. Une

 18   agence tout entière. Qu'on ait confié la chose à l'autogestion locale ou --

 19   mais vous avez une agence de l'Etat qui ne vaque qu'à une chose, à savoir

 20   au rachat des biens serbes pour une bouchée de pain; et ça, je sais de

 21   façon fiable que c'est pour une bouchée de pain. Est-ce que vous pouvez

 22   m'expliquer cela en votre qualité d'expert ?

 23   R.  Cette agence, je ne savais pas que vous alliez poser ce type de

 24   questions et je n'ai pas apporté --

 25   Q.  Mais vous vous attendiez à quoi comme questions ?

 26   R.  Je vais vous dire quelque chose au sujet de cette agence. Elle a été

 27   créée à l'époque de la réintégration pacifique des territoires le long du

 28   Danube et où il y a eu un accord pour ce qui est d'un retour dans les deux


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  1   sens de la vallée du Danube, et qui parle du retour des personnes

  2   internement déplacées.

  3   Alors selon cet accord, il est, entre autres, question de possibilité de

  4   vente de biens, et il est évoqué cette agence. Là en question - je regrette

  5   de ne pas l'avoir apporté, celui-là - cet accord a été signé entre le

  6   gouvernement croate et l'administration transitoire. Cela a été une partie

  7   intégrante de l'accord qui visait à aider les gens qui sont restés dans la

  8   vallée du Danube pour ce qui est de leur donner le choix entre rester en

  9   République de Croatie ou s'en aller. Malheureusement, une partie de ces

 10   personnes ont quitté la République de Croatie à ce moment-là. Cette agence

 11   a servi au rachat de leurs biens étant donné que sur ce territoire il n'y

 12   avait pas eu de marché de biens immobiliers.

 13   Q.  Mais un énorme nombre de Serbes ne reviennent pas à la maison. Vous

 14   dites que certaines régions de la Croatie, à savoir la République de la

 15   Krajina serbe, à savoir les régions de l'UNPA, vous dites que ça a été

 16   libéré dans l'opération Tempête ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ça a été libéré de toute population serbe, parce que tous les Serbes

 19   ont été expulsés de la région. Ceux qui n'ont pas été expulsés ont été

 20   abattus. Ceux qui se sont trompés ou qui ont fait l'erreur de rester ont

 21   été tués; est-ce vrai ?

 22   R.  Je ne peux pas vous le confirmer.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : -- la pause et on reprend à midi vingt.

 25   --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.

 26   --- L'audience est reprise à 12 heures 21.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est donc reprise. Le Greffier m'a indiqué

 28   qu'il restait 22 minutes à M. Seselj.


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  1   M. SESELJ : [interprétation]

  2   Q.  Madame Radic, saviez-vous que la grande majorité des Serbes expulsés et

  3   chassés de chez eux, notamment ceux qui ont été chassés pendant Tempête et

  4   Eclair, ne veulent pas revenir chez eux avant que l'on ne libère la

  5   République de la Krajina serbe où ils résidaient auparavant, le saviez-vous

  6   cela ?

  7   R.  Je sais qu'il existe un grand nombre de Serbes réfugiés ou partis de la

  8   République de Serbie qui ne voulaient pas revenir en République de Croatie,

  9   mais je ne peux pas me perdre en conjectures pour ce qui est de leurs

 10   motifs. L'OSCE, le NHCR et autres organisations évoquent des raisons

 11   variées pour ce qui est de la décision de revenir ou de la décision de

 12   rester vivre ailleurs.

 13   Q.  Bien. Ici, dans les parties finales de votre rapport, vous n'essayez

 14   même pas de vous servir d'une méthode scientifique ou spécialisée dans

 15   l'approche au sujet. Mais vous avez recours plutôt à une méthodologie

 16   journalistique, vous décrivez votre façon de voir l'expulsion de Croates de

 17   certaines régions de la Krajina serbe.

 18   Je vais vous donner quelques exemples. On évoque l'exemple de Borovo Selo.

 19   Et vous dites que là-bas il a été exécuté, massacré des policiers croates.

 20   Quelqu'un pourrait tirer une conclusion qui serait celle de dire que des

 21   terroristes serbes ont tué des policiers croates innocents. C'est bien

 22   cela, n'est-ce pas ?

 23   R.  Ici, je dis ou j'évoque un événement qui s'est produit dans le secteur

 24   et qui a eu pour conséquence le départ d'un certain nombre de ces habitants

 25   non-Serbes de la région.

 26   Q.  Madame Radic, j'ai lu attentivement ce que vous avez écrit. Vous avez

 27   dit qu'ils ont été abattus et massacrés; c'est bien ce que vous avez dit ?

 28   R.  Exactement.


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  1   Q.  Je vais vous dire ce que j'ai appris au sujet de cet événement, puisque

  2   là-bas il y a eu des volontaires du Parti radical serbe à avoir participé

  3   au conflit, et ils sont fiers de leur victoire et moi, qui les ai envoyés

  4   là-bas, je suis également fier de la victoire des armées serbes là-bas. Ces

  5   villages serbes de la Slavonie orientale et du Srem occidental ont été

  6   menacés par ces sauvageries oustacha de la part des formations oustacha

  7   variées et des autorités croates. Des Serbes ont été arrêtés contre le

  8   droit et ils ont été battus et certains ont été abattus. Ce qui a fait que

  9   des villages serbes ont placé des barricades aux routes d'accès, et par les

 10   armes, ils ont voulu empêcher les intrusions de la police croate et des

 11   formations paramilitaires. Il y a eu ensuite négociation en vue d'un

 12   apaisement de la situation. Reihl Kir a participé à ces négociations --

 13   Mme LE JUGE LATTANZI : Arrêtez de témoigner et arrivez à la question.

 14   Autrement, il y a un problème, là.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je ne peux pas poser ma question avant que

 16   je n'aie dit ce qui s'est passé, d'après moi, là-bas. Et, Madame Lattanzi,

 17   vous devriez remarquer vous aussi que de grandes parties de ce rapport

 18   d'expert sont des reportages de journaliste; et une façon unilatérale de

 19   voir les choses où les Croates sont innocents et les Serbes sont coupables.

 20   Ce n'était pas sa mission d'expert, cela.

 21   Mme LE JUGE LATTANZI : C'est un autre problème, Monsieur Seselj. Mais

 22   maintenant, les questions que vous devez poser, vous devez les poser sur

 23   les différents éléments de votre description, parce que vous décrivez dans

 24   beaucoup d'éléments un événement; et après, on ne saura pas sur quoi vous

 25   interroger exactement. C'est seulement cela je vous demande.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que vous n'êtes pas intéressée par cet

 27   événement donc je ne vais pas m'en occuper. L'histoire l'a --

 28   Mme LE JUGE LATTANZI : Mais vous ne pouvez pas dire que je ne suis pas


Page 12039

  1   intéressée.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous ne me laissez pas présenter les faits les

  3   plus élémentaires. Vous ne me laissez pas présenter des faits plus

  4   élémentaires. Comment il y a eu intrusion de ces policiers croates dans le

  5   village serbe ? Il y a eu des négociations de paix. Il y a eu un accord, on

  6   a abouti à un accord pour apaiser la situation et pour lever les

  7   barricades. On a levé les barricades et alors, les policiers croates, par

  8   surprise, armés jusqu'aux dents, sont arrivés à bord d'autocars dans Borovo

  9   Selo. Dès qu'ils sont sortis de leurs autocars, ils ont ouvert le feu. Les

 10   Serbes se sont débrouillés, ils ont riposté et ils ont gagné, ils ont

 11   emporté la victoire. Et maintenant, dans un rapport d'expert, on parle

 12   d'exécution de policiers croates. Ça c'est l'expertise de votre expert.

 13   Ça c'est la substance de ma question, mais je renonce à ma question parce

 14   que je n'ai plus le temps de m'en occuper, je vais aller de l'avant.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame, sur Borovo Selo, qui est un fait

 16   important parce qu'à partir de là, il s'est passé beaucoup de choses, dans

 17   votre rapport, vous l'évoquez. M. Seselj vient d'exposer sa théorie sur ce

 18   qui s'est passé. Alors, qu'est-ce que vous dites ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Cet événement, ainsi que des événements

 20   similaires survenus en Croatie, indépendamment des origines ou des causes -

 21   je ne peux pas parler maintenant de cela, je ne suis pas expert en cela -

 22   je les ai mentionnés comme événements qui se sont produits, et je les ai

 23   qualifiés tels que qualifiés, à savoir que ces gens ont été abattus. Ils

 24   n'ont pas seulement été abattus à l'occasion de combats mais il y a eu

 25   massacre. Il y a plusieurs événements qui se sont produits sur différentes

 26   régions de la Croatie qui ont conduit directement à l'expulsion ou au

 27   départ d'une certaine quantité d'habitants de ces régions.

 28   Dans ce cas-ci, il s'agit de Borovo Selo, des zones frontalières de


Page 12040

  1   Vukovar, Borovo Nacelje et Vukovar au sens restreint du terme, et c'est là

  2   que nous avons eu des premières personnes déplacées de la République de

  3   Croatie. Et c'est l'une des régions où ce type d'événement s'est produit.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, pour votre information,

  5   pendant que les combats duraient encore, il y a eu une unité blindée de la

  6   JNA qui est intervenue pour faire cesser les conflits armés, à aider les

  7   Croates à s'en sortir, c'est-à-dire à aider les survivants à s'en sortir,

  8   et on a sorti les morts et les blessés. Alors, allons de l'avant.

  9   Q.  Pourquoi, Madame Radic, votre rapport n'englobe-t-il pas les Serbes

 10   qui, suite à Eclair et Tempête, depuis la partie occidentale de la Krajina

 11   serbe, sont partis vers la Slavonie, la Baranja et le Srem alors que ces

 12   gens-là étaient en grand nombre ?

 13   R.  Parce qu'on ne me l'a pas demandé.

 14   Q.  Bien. Je suis satisfait de votre réponse. Saviez-vous qu'entre deux

 15   recensements de la population en Croatie en 1991 et en 2001, on a relevé

 16   l'absence de 380 000 Serbes ? Sans compter la natalité serbe sur le

 17   territoire de la Croatie qui ne pouvait certainement pas être zéro. Il y a

 18   eu des enfants qui continuaient à naître. Il devait forcément y avoir une

 19   natalité, tout comme pour les Croates. Il n'y a pas de différent entre la

 20   natalité des Serbes et des Croates en Croatie. Il n'y a pas de raison qu'il

 21   y ait des différences, n'est-ce pas ?

 22   R.  Certes.

 23   Q.  Donc, il manque 380 000 Serbes entre deux recensements; le saviez-vous,

 24   cela ?

 25   R.  Oui, je le sais.

 26   Q.  Comment expliquez-vous cela ?

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : -- Il y a une erreur au transcript. C'est 380 000,

 28   pas 38 000.


Page 12041

  1   Continuez.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et même le PV est contre moi, mais j'ai

  3   l'habitude de voir que tout le monde est contre moi.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges surveillent tout.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  6   M. SESELJ : [interprétation]

  7   Q.  Veuillez me répondre à ma question, Madame Radic.

  8   Q.  Vous êtes en train de parler de ces données relatives au recensement,

  9   et les chiffres que vous évoquez sont justes, 380 032 de différence entre

 10   deux recensements. Mais le recensement a été fait en 2001, et après 2001,

 11   en notre qualité d'administration veillant, entre autres, au retour des

 12   réfugiés, nous avons eu 40 000 rapatriés qui sont revenus de l'étranger.

 13   Par conséquent, le chiffre se trouve être quelque peu différent par rapport

 14   à celui qui nous est donné par le recensement de la population. Ça, c'est

 15   d'un. De deux, ici, il n'y a qu'un recensement de la population.

 16   Permettez-moi de dire encore une chose.

 17   Ce qui est important ici, c'est de prendre en considération les régions qui

 18   ont été directement sous le coup de la guerre, où il y a d'abord eu fuite

 19   de la population non-serbe, non pas seulement croate, mais non-serbe, d'une

 20   part, et suite à cela, départ de la population serbe. Le fait est que c'est

 21   là une région à laquelle vaque, dans ses activités, l'administration à la

 22   tête de laquelle je me trouve.

 23   Donc il y a eu, suite à la guerre et à tous ces événements, de grandes

 24   migrations de population, des uns et des autres. Il n'y a pas seulement des

 25   Serbes; il y a eu aussi moins de Croates par rapport à la population

 26   d'avant.

 27   Q.  Je vais vous rectifier. Les Serbes ont commencé à fuir en 1990, dès que

 28   le régime à Tudjman a été mis en place, dès qu'on a rétabli les symboles


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  1   oustachi, le damier, l'échiquier croate, et cetera. Donc c'est là que les

  2   Serbes ont commencé à fuir. D'abord, les Serbes des milieux urbains --

  3   R.  Je ne peux pas.

  4   Q.  Vous avez dû consulter Svetozar Livada, votre professeur d'université

  5   qui a donné tous ces renseignements. Et le Procureur a tout cela, mais il

  6   le dissimule. D'après vos renseignements concernant les qui ont fui, il y a

  7   eu énormément de Croates qui ont fait l'objet d'un exode, mais en

  8   provenance de la Bosnie-Herzégovine aussi, n'est-ce pas ?

  9   R.  Dans ces renseignements dont je fais l'étalage dans ce rapport, mis à

 10   part les endroits où il est question de réfugiés au sens strict du terme,

 11   il s'agissait de citoyens de la République de Croatie. Je ne parle pas de

 12   Croates originaires de la Bosnie-Herzégovine. On évoque à quelques endroits

 13   les Croates de Bosnie-Herzégovine. Donc, ces Croates de Bosnie-Herzégovine

 14   ne figurent pas dans ce chiffre qui parle de 220 000 expulsés.

 15   Q.  Madame Radic, avec le régime de Tudjman, tous les Croates ont eu le

 16   droit à une nationalité croate; donc il y a un très grand nombre de Croates

 17   de Bosnie-Herzégovine à exercer ce droit. Et ils ont en masse participé à

 18   toutes les élections croates au fil des 18 années écoulées, n'est-ce pas ?

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  Donc, ils ont presque tous -- je n'en connais aucun à ne pas avoir fait

 21   cela, mais presque tous les Croates de Bosnie-Herzégovine se trouvent être

 22   en même temps ressortissants de l'Etat de Croatie; est-ce que c'est exact ?

 23   R.  Je vais vous démentir, malheureusement. Pas tous.

 24   Q.  Pas tous, mais presque tous. Ceux qui n'ont pas voulu ne le sont pas

 25   devenus. Et c'est le petit nombre de gens qui ont été aux côtés du régime

 26   musulman à Sarajevo.

 27   R.  Moi je ne sais pas pourquoi.

 28   Q.  Moi je sais pourquoi, mais peu importe. Alors, est-il exact de dire


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  1   qu'en Bosnie-Herzégovine, avant la guerre, il y avait 17 % de Croates,

  2   d'après les statistiques officielles ?

  3   R.  Si ma mémoire ne me trompe pas, je crois que c'est exact.

  4   Q.  Est-il exact de dire que maintenant, ils ne sont pas plus de 6 %; vous

  5   ne savez pas ? Allons de l'avant.

  6   R.  Je ne peux pas vous parler de chiffres précis, parce que la Bosnie-

  7   Herzégovine n'a pas procédé à un recensement de la population. Il ne s'agit

  8   que d'estimations, là.

  9   Q.  Bien. Vous n'ignorez pas le fait que le gouvernement croate a porté

 10   plainte contre la Serbie au sujet d'un prétendu génocide devant la Cour

 11   internationale de Justice ?

 12   R.  Je le sais.

 13   Q.  Alors pour vous poser ma question suivante, je vais vous raconter une

 14   anecdote historique brève.

 15   Vers la fin de 1941 ou début 1942, le président américain Roosevelt a

 16   convié à Washington les représentants les plus éminents des Serbes et des

 17   Croates. Parmi les Serbes, il y avait l'un des plus grands poètes serbes,

 18   Jovan Ducic. Et parmi les Croates, il y avait Juri Krnjevic, vice-président

 19   du Parti paysan croate, et qui était le premier adjoint de Macek. Et il a

 20   été question des crimes commis par les Oustachi vis-à-vis de la population

 21   serbe, dont des nouvelles terrifiantes arrivaient déjà en Amérique. Les

 22   Croates qui étaient présents ont tous essayé de nier ces crimes et de les

 23   attribuer aux forces d'occupation allemandes ou italiennes.

 24   J'en finis, j'en finis.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, Madame,

 26   Messieurs les Juges. Objection, parce que M. Seselj est en train de

 27   déposer. S'il a une question, qu'il la pose au témoin. Il prétend donner

 28   une introduction à ses questions, mais en fait, il fait un discours.


Page 12044

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- question, encore faut-il en poser les bases.

  2   Donc, il veut poser une question au témoin en relatant un entretien entre

  3   M. Roosevelt, un Serbe et un Croate. Donc il lui explique cela.

  4   Continuez.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faut bien qu'on pose aux experts des

  6   questions un peu plus compliquées et plus complexes, et pas les questions

  7   les plus élémentaires comme si c'était des élèves à l'école primaire. Mme

  8   Radic est ici en qualité d'expert.

  9   M. SESELJ : [interprétation]

 10   Q.  Alors, s'agissant de ces tentatives de dissimulation des crimes

 11   oustachi et du transfert de la culpabilité vers les Allemands et les

 12   Italiens, Jovan Ducic a prononcé une phrase qui est restée dans la mémoire

 13   de tous. Il a dit :

 14   "Vous, les Croates, vous êtes le peuple le plus courageux du monde, mais

 15   pas par le fait de n'avoir peur de personne. Vous êtes le peuple le plus

 16   courageux, vous, Croates, parce que vous n'avez honte de rien."

 17   Madame Radic, est-ce que de par ces agissements du gouvernement croate et

 18   de cette plainte à l'encontre de la Serbie, en réalité, on réactualise, les

 19   propos tenus par Ducic à l'époque ?

 20   R.  Je ne vois aucune corrélation entre ces propos-là et l'autre événement.

 21   Je pense que rien -- enfin, il n'y a aucun lien entre les deux. C'est une

 22   opinion de quelqu'un. Ce n'est pas un fait.

 23   Q.  J'en ai terminé avec mon contre-interrogatoire.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui, attendez. Madame, pouvez-vous répéter la

 25   réponse, parce qu'il y a eu un problème.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je ne voyais aucune corrélation

 27   entre ces propos-là et l'événement en tant que tel, ou plutôt la procédure

 28   qui est en cours. Je pense qu'il s'agit plutôt d'une opinion de quelqu'un


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  1   que de faits. Et moi, je ne peux parler que de faits.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, j'ai une question de suivi suite à une

  3   question que vous a posée M. Seselj.

  4   Questions de la Cour :

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous êtes quelqu'un de cultivé, je peux me

  6   permettre de faire une question un peu plus longue que je poserais à

  7   quelqu'un de moins cultivé que vous.

  8   Nous avons eu plusieurs témoins qui, sur la Vojvodine, nous ont expliqué

  9   qu'il y avait eu beaucoup de Serbes qui étaient arrivés en provenance de la

 10   Croatie. On a eu énormément de détails là-dessus. Suite à cela, il y a eu

 11   des échanges d'appartements, et cetera. Je n'entre pas dans les détails.

 12   Voilà que tout à l'heure M. Seselj vous dit, il y a eu le recensement

 13   de 1991 et le recensement de 2001. Et selon lui, mais il doit se baser sur

 14   des documents irréfutables, il y aurait eu un déficit de plus de 300 000

 15   Serbes entre ces deux recensements en Croatie. Le chiffre est énorme, 300

 16   000 personnes qui auraient donc plus -- qui ne se seraient plus déclarées

 17   Serbes en 2001 au moment du recensement.

 18   Vous qui êtes une spécialiste, pouvez-vous me dire si ces chiffres

 19   soient exacts ? Est-ce qu'ils correspondent à une réalité ?

 20   R.  Ces chiffres qui évoquent une divergence entre le nombre de la

 21   population entre deux recensements sont exacts. Les raisons à cela, c'est

 22   qu'il y a eu diminution non seulement du nombre de Serbes en Croatie, mais

 23   si nous parlons maintenant de la composition ethnique de la population, je

 24   dirais qu'il y a eu diminution aussi du nombre de Croates entre deux

 25   recensements, parce qu'entre deux recensements il y a eu une différence de

 26   méthodologie utilisée. Il en a longuement été question dans l'opinion

 27   publique suite au recensement même.

 28   Les chiffres sont exacts. Cependant, si nous parlons maintenant des raisons


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  1   à cela, il faudrait que nous élaborions une analyse à part à ce sujet parce

  2   que nous parlons aussi de démographie. Vous devez savoir qu'en ces temps-

  3   ci, la croissance naturelle de la population doit être prise en

  4   considération, et pendant cette période pour tous les groupes ethniques, ça

  5   a été négatif. Et entre les deux recensements, mise à part la raison de

  6   guerre, nous avons eu une grande migration de la population depuis les

  7   autres régions de la Croatie, et pas seulement les Serbes, mais aussi des

  8   Croates et autres groupes ethniques en direction de l'étranger.

  9   Un grand sujet est débattu actuellement, c'est ce départ des cerveaux, à

 10   savoir le départ des jeunes personnes qualifiées vers l'Occident. Une

 11   partie de ces gens sont parties en tant que réfugiées. Vous n'ignorez pas

 12   que certains vivent encore aux Pays-Bas, entre autres, ils ne sont jamais

 13   rentrés en Croatie. Je ne parle pas seulement de Serbes, mais je parle

 14   aussi de Croates. Le chiffre total des habitants s'est vu réduit de la

 15   sorte.

 16   La guerre et ce qui s'est produit pendant la guerre a eu de grosses

 17   séquelles sur toute la Croatie, sur sa démographie, et ça a été

 18   particulièrement dramatique pour ce qui est des régions qui ont été

 19   embrasées par les conflits de façon directe, et occupées. D'abord, il y a

 20   eu départ de là-bas de pratiquement toute la population non-serbe. Ensuite,

 21   il y a eu le départ des Serbes. Nos démographes ont fait couler beaucoup

 22   d'encre pour ce qui est des raisons de ces événements. On essaie justement

 23   d'expliquer pourquoi tout ceci s'est produit dans l'ensemble, et par

 24   période on parle des départs des Serbes depuis ces régions-là.

 25   De mon point de vue, il m'est difficile d'en parler, car ces quatre, voire

 26   sept années, nous n'avons pas exercé de contrôle sur ces territoires pour

 27   savoir combien de gens ont quitté à ce moment-là la République de Croatie.

 28   Nous n'avons pas exercé de contrôle vis-à-vis des frontières avec la Serbie


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  1   pour savoir qui sont ces gens qui partaient. Donc nous savons qu'il y a eu

  2   des gens à partir. C'est tout ce que nous savons.

  3   Le fait est que de nos jours, en dépit de toutes les mesures que notre

  4   gouvernement met en œuvre pour ce qui est de fournir la possibilité à ces

  5   gens de recevoir des maisons ou des appartements pour venir habiter dans

  6   ces régions, pour ce qui est d'encourager au maximum le retour de la

  7   population d'avant-guerre, tant des Croates que des Serbes, nous avons un

  8   déficit, d'après donc le recensement, de 65 %. Si l'on prend en

  9   considération le fait qu'il s'est écoulé six ou sept ans depuis le

 10   recensement, si l'on rajoute le nombre des rapatriés, nous avons quand même

 11   30 % de population en moins vis-à-vis de l'avant-guerre. Ce sont les

 12   événements les plus dramatiques qui sont survenus justement dans ces

 13   régions-là.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une dernière question. Aujourd'hui, la

 15   population en Croatie est de combien d'habitants ? Et dans cette

 16   population, il y a quel pourcentage de Serbes ?

 17   R.  D'après le recensement, 4 500 000, je pense en tout, d'habitants.

 18   D'après le recensement, il y avait 4,5 % de Serbes. Mais il y a eu des

 19   retours de réfugiés même après le recensement.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il y avait plus de 12 % de Serbes en 1991,

 21   d'après le recensement.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la question que j'allais poser. Vous allez

 23   plus vite que moi. J'allais poser la question suivante : en 1991, il y

 24   avait combien d'habitants et quel pourcentage de

 25   Serbes ?

 26   R.  C'était 4 700 000, et le pourcentage des Serbes, 12,2 %.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc en pourcentage, il y a une diminution des

 28   Serbes, sans conteste.


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  1   R.  C'est exact.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, des questions supplémentaires ?

  3   Mme BIERSAY : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le

  4   Président, oui. J'ai quelques questions supplémentaires.

  5   Nouvel interrogatoire par Mme Biersay :

  6   Q.  [interprétation] J'aimerais en effet revenir très rapidement sur deux

  7   domaines. Le premier domaine que j'aimerais aborder avec vous, Madame,

  8   c'est la question des chiffres et des statistiques s'agissant des réfugiés

  9   de la Vojvodine. Deuxième domaine - il y aura certains chevauchements entre

 10   les deux - ce seront les définitions dont nous avons discuté, et j'espère

 11   que vous pouvez faire la lumière sur certains points et démêler un peu cet

 12   écheveau.

 13   Pour ce qui est des personnes qui venaient de Vojvodine en tant que

 14   réfugiés et qui sont venus en Croatie, le tableau numéro 11 dans votre

 15   rapport nous donne quelques chiffres, n'est-ce pas ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Et ce tableau numéro 11 est ventilé par date ? On a en haut des années,

 18   au début du tableau. Est-ce que c'est la date d'expulsion ou est-ce que

 19   c'est une autre date ?

 20   R.  Ce sont les dates où les personnes ont été chassées, et lorsque nous

 21   n'avons pas la date où la personne a été chassée, cette date correspond à

 22   la date d'enregistrement, c'est-à-dire que c'est en fonction des

 23   déclarations données par les individus concernés que nous avons agi.

 24   Q.  C'est précisément là l'objet de mes questions. D'où viennent ces

 25   informations s'agissant de la date d'expulsion ?

 26   R.  Ces données proviennent de l'enregistrement des réfugiés en 1994. C'est

 27   là que nous avons procédé de manière systématique à leur enregistrement, et

 28   c'est à partir de ce moment que nous avons une base de données


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  1   informatisée. Au moment de cet enregistrement, toutes les personnes

  2   concernées ont rempli un questionnaire et l'ont signé, et ont cité la date

  3   d'expulsion, les raisons d'expulsion et tous les renseignements personnels.

  4   Et les renseignements concernant leur installation ont été renseignés

  5   également.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Dans l'ensemble de ces documents ici

  7   et dans le tableau, il est question de réfugiés, Mme Biersay, quant à elle,

  8   suggère maintenant à son expert qu'il s'agit de personnes expulsées, et

  9   elles évoquent les dates d'expulsion. Mais j'ai cité ce tableau. Et il est

 10   question ici de réfugiés venus de Serbie. Et là on fait une distinction

 11   entre la Serbie propre, la Vojvodine et le Kosovo.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est au transcript. Les Juges ont bien tout

 13   cela en tête. Et quelles que soient les questions posées, on ne risque pas

 14   de nous induire en erreur.

 15   Mme BIERSAY : [interprétation]

 16   Q.  Si on avait quelqu'un de Vojvodine qui essayait de trouver refuge en

 17   Croatie, disons en 1992, et cette personne allait s'inscrire dans un des

 18   centres locaux pour se faire enregistrer, supposons que cette personne

 19   parte avant qu'il n'y ait cette réinscription en 1994, est-ce que cette

 20   personne on va la retrouver dans les données que l'on retrouve au tableau

 21   numéro 11 ?

 22   R.  Cet individu ne figurerait pas dans ces données-là.

 23   Q.  Pourquoi ?

 24   R.  Parce que les dossiers, la partie papier, lorsqu'il s'agissait

 25   d'accorder à quelqu'un le statut, jusqu'en 1994, ces dossiers n'étaient

 26   tenus que localement dans des centres des affaires sociales, dans des

 27   antennes territoriales locales, des bureaux régionaux des réfugiés et des

 28   personnes déplacées. Eux conservent ces archives, mais uniquement sur


Page 12050

  1   papier. Et ces données, ces renseignements portant sur les personnes de

  2   1992 et 1993 ayant eu ce statut, ça n'a jamais été regroupé pour qu'on

  3   puisse avoir en un seul endroit la liste des noms. C'est la raison pour

  4   laquelle en 1994, on a entrepris de réenregistrer les gens pour avoir, en

  5   un seul lieu, une concentration de tous ces renseignements concernant les

  6   individus qui bénéficiaient du statut de réfugiés ou de personnes déplacées

  7   en République de Croatie.

  8   Q.  Dernière question, elle porte sur la couverture géographique, pour

  9   ainsi dire, de certains termes que nous avons utilisés; le terme de

 10   "réfugiés," par exemple. Des réfugiés, est-ce que ce sont des gens qui sont

 11   déplacés à l'intérieur de la République de Croatie ou est-ce que ce sont

 12   des gens qui viennent de l'extérieur de la République de Croatie ?

 13   R.  Les réfugiés ce sont les gens qui sont venus d'autres Etats, qui sont

 14   venus de Bosnie-Herzégovine ou de Serbie. Ce ne sont pas les gens qui, en

 15   fait, sont déplacés à l'intérieur des frontières de la République de

 16   Croatie. Dans ce cas-là, lorsqu'il s'agit de gens déplacés à l'intérieur

 17   des frontières de la République de Croatie, là on parle de personnes

 18   déplacées.

 19   Le terme international souvent utilisé comme synonyme, mais ça risque de

 20   créer la confusion ici, très souvent on parle de "réfugiés internes". Mais

 21   justement pour mieux comprendre, on parle de "personnes déplacées" en

 22   anglais, "displaced persons."

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une observation. Il s'agit de personnes

 24   délacées intérieurement, c'est ainsi que l'on dit en serbe, et les croates,

 25   de manière tendancieuse, ont introduit un nouveau terme, "prognanik" en

 26   fait, ce sont des personnes déportées.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. On a passé beaucoup de temps là-dessus.

 28   Mme BIERSAY : [interprétation] J'ai terminé, Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, je vous remercie d'être venue à la demande

  2   du Procureur apporter votre témoignage. Et je vous souhaite un bon voyage

  3   de retour, en demandant à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner

  4   à la porte de la salle d'audience.

  5   Je vais aborder quelques questions administratives. Tout d'abord en

  6   audience publique, et d'autres en audience à huis clos.

  7   [Le témoin se retire]

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : En audience publique, Monsieur Seselj, c'est une

  9   question que je vous pose.

 10   Le 25 septembre, le Procureur a fait une requête aux fins de constat

 11   judiciaire des faits concernant Vukovar, faits mentionnés dans le jugement

 12   Mrksic et autres. On vous a posé la question, et vous aviez répondu.

 13   Simplement, il apparaît maintenant que quand on compare le transcript en

 14   anglais et le transcript en français, il y a une ambiguïté sur votre

 15   position. Alors je vous repose la question. Est-ce que vous allez faire une

 16   réponse écrite ou pas à cette

 17   requête ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai déjà apporté ma

 19   réponse oralement. Si cette requête avait été déposée de manière régulière,

 20   j'aurais répondu par écrit, point par point, j'aurais répondu aux faits

 21   tels qu'exposés. Mais puisqu'il s'agit de faits établis dans le cadre d'un

 22   jugement qui n'est pas valable, le Procureur n'a pas de fondement pour

 23   formuler cette requête. Donc s'il y avait un jugement valable, j'aurais

 24   réagi par écrit, point par point. Mais là, vu la situation, c'est a priori

 25   que je rejette cela parce que la requête formulée par le Procureur se fonde

 26   sur une décision en première instance, qui n'est pas finale.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maintenant, deuxième question. Mais là, à M.

 28   Mundis ou à Mme Biersay ou au Procureur.


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  1   Concernant Vukovar, est-ce que l'Accusation maintient sa requête, étant

  2   observé que du point de vue de la Chambre, nous avons eu beaucoup de

  3   témoins sur Vukovar, est-il nécessaire que vous mainteniez cette requête ?

  4   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Tout à fait,

  5   nous voulons la maintenir, elle est nécessaire, nous maintenons notre

  6   requête.

  7   Permettez-moi de répondre en quelques mots à ce qu'a dit l'accusé, bien

  8   entendu, la jurisprudence de ce Tribunal veut qu'une Chambre peut faire un

  9   constat judiciaire de faits jugés dans un autre procès, s'agissant de faits

 10   qui ne font pas l'objet d'un appel par rapport au jugement en première

 11   instance.

 12   Ce que nous avons placé dans notre requête du 25 septembre 2008 se bornait

 13   à des questions qui ne faisaient pas l'objet d'appel et qu'on pouvait, dès

 14   lors, considérer comme étant définitif; et c'est la raison pour laquelle

 15   nous pensons que la Chambre est dûment saisie.

 16   Nous maintenons notre requête --

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va regarder chacun des faits et prendra

 18   une décision.

 19   Oui, Monsieur Seselj.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si M. Mundis avait raison, alors le Procureur

 21   devrait tout d'abord me communiquer tous les appels pour que je puisse

 22   m'assurer que cela n'a pas été contesté en appel. Mais là ce sont des

 23   propos en l'air.

 24   Et, Monsieur le Président, pour la partie publique, j'aurais deux questions

 25   en audience publique.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Oui, je vous donnerai la parole, mais je

 27   préfère qu'on passe tout de suite en audience à huis clos, parce que ce que

 28   j'ai à annoncer est important, et je voudrais avoir le temps parce qu'on


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  1   est obligé d'arrêter à une heure et quart, car quelques minutes après on a

  2   l'installation d'un nouveau Juge.

  3   Alors, huis clos.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

  5   le Président.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

 16   Juges, premièrement, je tiens à vous dire que j'ai reçu une requête de la

 17   part de l'Accusation en application de 92 ter, le Témoin VS-1000 devrait

 18   déposer, d'après leur requête. Vous avez déjà refusé cela, vous avez décidé

 19   que ce témoin vienne déposer viva voce. Avec tous les arguments à l'appui

 20   déjà avancés par moi, je m'oppose à ce qu'on réinterroge cette requête 92

 21   ter. Il s'agit du VS-1000. Ça, c'est une première chose.

 22   Deuxième chose, le 27 octobre, j'ai été informé par le Procureur au sujet

 23   de la déclaration de VS-018, qui porte la date du 15 octobre. Et il y a

 24   quelques jours, j'ai reçu une information de la part du Procureur qu'il

 25   retirait cette écriture. Puis, par deux fois, les gardes de la prison sont

 26   venus me voir pour que je leur remette cela.

 27   De prime abord, je n'ai pas pu retrouver ça. Parce que je pensais que

 28   c'était une écriture qui n'avait aucune importance, donc je l'ai égarée


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  1   quelque part. Puis le représentant du greffe dans le prétoire hier, avant-

  2   hier, m'a demandé de lui remettre ce document. Alors, le document je l'ai

  3   retrouvé hier soir, je demande aujourd'hui à M. Mundis s'il m'a demandé que

  4   je lui restitue ce document, il avait absolument pas à l'idée de ce que je

  5   lui demandais. Puis, le représentant du greffe m'a dit qu'en fait c'était

  6   le greffe qui exigeait la restitution de ce document.

  7   Mais c'est de l'inouï. Mais enfin, comment est-ce que le greffe peut

  8   avoir le droit de s'adresser à moi pour me demander un document qui était

  9   retiré par le Procureur comme écriture ? Donc je ne donne pas cela au

 10   greffe. Et dès mon retour à la cellule, je cacherai bien ce document. Et

 11   pour que le greffe puisse le retrouver, il faudra qu'il fouille encore pire

 12   ma cellule que ce qu'ils ont fait pendant la dernière fouille.

 13   Mais je vois pas ce qu'ils ont à voir avec ce document, un document

 14   public avec une annexe confidentielle dont j'ai pris connaissance depuis

 15   longtemps.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, qu'est-ce que c'est que cette

 17   histoire de document VS-18 ? Apparemment, M. Seselj reçoit un document,

 18   après vous auriez fait savoir qu'il faut lui retirer ? Je ne comprends

 19   rien.

 20   M. MUNDIS : [interprétation] Franchement, Monsieur le Président, je n'ai

 21   pas la moindre idée de quoi parle M. Seselj. Je n'ai rien déposé en ce qui

 22   concerne le témoin VS-18. Je suis dans l'obscurité la plus complète.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Seselj, on est dans l'obscurité. M.

 24   Mundis va se renseigner auprès de ses collègues.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il vous plaît, s'il vous plaît, qu'un

 26   représentant du greffe vous en informe, puisque sur décision de la Chambre

 27   le représentant du greffe peut s'exprimer dans le prétoire. Il est présent.

 28   C'est lui qui m'a demandé de restituer le document. C'est le document du


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  1   Procureur, et c'est le Procureur qui m'a dit, qui m'a informé de son

  2   retrait.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : La juriste de la Chambre va prendre la tâche du

  4   greffier. On va essayer d'éclaircir cette affaire. Le document, vous

  5   l'avez, vous le gardez, vous en faites ce que vous voulez. Pour le moment,

  6   j'ignore tout de ce document.

  7   Bien. Alors, il était quasiment l'heure de terminer. Donc je vous souhaite

  8   à tous une bonne fin de semaine et nous nous retrouverons mardi à 14 heures

  9   15.

 10   --- L'audience est levée à 13 heure 09 et reprendra le mardi 25 novembre

 11   2008, à 14 heures 15.

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