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1 Le jeudi 15 janvier 2009
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 8 heures 33.
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous sommes en audience publique.
6 Je demande à M. le Greffier d'appeler le numéro de l'affaire, s'il vous
7 plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour à tous. Il s'agit de l'affaire
9 IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.
10 Je vous remercie, Messieurs et Madame les Juges.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
12 En ce jeudi 15 janvier 2009, je salue en premier lieu les représentants de
13 l'Accusation; je salue également M. Seselj et je salue toutes les personnes
14 présentes.
15 J'ai cru comprendre, Monsieur Seselj, que vous avez quelques questions
16 administratives. Si c'est court, je vous donne la parole. Si vous estimez
17 que ça peut être long, il vaudrait mieux le faire après le témoin. C'est à
18 vous de voir.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce sera assez court. Je n'ai qu'une question
20 administrative à évoquer.
21 Hier soir, j'ai reçu un document public avec une annexe B qui est
22 confidentielle. C'est une requête de l'Accusation visant à obtenir le
23 versement au dossier de la déclaration du témoin numéro 1008 en application
24 de l'article 92 quater. Il y a quelques jours, j'ai reçu une requête
25 similaire de l'Accusation concernant un certain nombre d'autres témoins. Je
26 ne voudrais pas abuser de votre temps, car je ne dispose pas non plus de
27 beaucoup de temps pour vous donner tous les détails. Mais je tiens à vous
28 faire connaître mon opposition à ces requêtes en m'appuyant sur le
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1 paragraphe D de l'article 6 du Règlement de procédure et de preuve qui
2 prévoit que : "Le procès est en cours depuis que la première comparution a
3 eu lieu au Tribunal et le procès se compose de trois parties, préalable au
4 procès, première instance et appel.
5 Toutes les présentations des moyens de preuve depuis le 26 février
6 date de ma première comparution devant le Tribunal en l'année 2003. Tous
7 les éléments qui ont été utilisés jusqu'aujourd'hui ne peuvent pas être
8 modifiés si cela me nuit. L'article 9213 du Règlement ne peut pas permettre
9 de telles modifications si cela va à mon encontre, et manifestement tel est
10 le cas. Il ne s'agit pas uniquement des témoins vivants, mais également des
11 témoins qui ont confié leur sort à Dieu, et qui, entre-temps, ont été
12 frappés par un décès. Donc aucune modification est possible sur la base du
13 paragraphe D de l'article 6, je cite : "Les modifications entrent en
14 vigueur sept jours après leur publication sous forme de document officiel
15 du Tribunal contenant les modifications sans préjudice des droits de
16 l'accusé." Donc je m'oppose à ces requêtes de l'Accusation. Voilà, ce que
17 j'avais à dire.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Une réplique orale très vite.
19 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
20 Président.
21 Bonjour à tous, bonjour, Monsieur Seselj, bonjour à tout le monde dans le
22 prétoire.
23 Bien sûr, il n'y a aucun préjudice envers les droits de la Défense avec
24 l'application de l'article 92 quater ou l'article 92 ter puisqu'il y a des
25 -- en fait, nous considérons qu'il n'y a aucun handicap, aucun préjudice
26 aux droits de la Défense étant donné que les preuves qui sont dans ces
27 documents corroborent une autre preuve donc ce sera ensuite à la Chambre de
28 première instance de donner le poids qu'elle veut à ces déclarations.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, la Chambre rendra des décisions sur
2 les requêtes en cours. Il y en a quatre, de mémoire, je crois, ou cinq. Je
3 les ai lues. J'ai constaté que toutes les personnes étaient décédées et que
4 de ce fait l'article 92 quater pouvait entrer en application.
5 Sur les débats juridiques que vous soulevez, vous l'avez déjà soulevé. La
6 Chambre d'appel a déjà dit qu'il pouvait y avoir un effet rétroactif des
7 modifications du Règlement. La question est de savoir quel est le
8 préjudice. Il pourrait y avoir un préjudice si vous étiez dans l'incapacité
9 totale de contester le contenu de ces déclarations. Or, vous pouvez par
10 écrit contester lesdites déclarations en expliquant que le témoin qui est
11 décédé a dit cela, vous le contestez pour telle ou telle raison, en
12 fonction de tel ou tel document, et cetera. Puis, quand vous allez avoir
13 vos propres témoins, si vous avez des témoins ou si vous témoignez, vous
14 aurez l'occasion de revenir en disant : Il y a M. X qui est mort qui a dit
15 ça, moi, j'estime que c'est un mensonge, que c'était ci que c'était ça, et
16 cetera.
17 Parce que imaginez l'hypothèse suivante : qu'un document de cette nature
18 soit un document capital pour l'innocence d'un accusé.
19 Alors ça voudrait dire, la justice n'en tient pas compte. Ou imaginez que
20 ce document soit capital pour la culpabilité, et à ce moment-là la justice
21 va fermer les yeux ? Là il y a un véritable problème.
22 Ce débat, il a déjà eu lieu. Vous l'avez déjà soulevé, et c'est toute
23 la question de l'application rétroactive des Règles. Ici, ça fonctionne
24 comme ça. Voilà.
25 Vous venez de faire une déclaration orale. Si vous et vos collaborateurs,
26 vous avez la possibilité par écrit de contester, de dire que le témoin à
27 tel paragraphe a dit ceci, mais ce qu'il dit n'est pas conforté parce que,
28 et cetera, et cetera, ça, vous avez la possibilité de le dire, c'est-à-dire
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1 qu'on est dans une procédure mixte, orale et écrite.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'abord, vous avez déclaré qu'il était possible
3 de démontrer l'innocence de l'accusé par de telles déclarations. Bien
4 entendu, si l'innocence de l'accusé est démontrée, alors c'est acceptable,
5 car cela ne va pas à l'encontre des intérêts de l'accusé. Aucune procédure
6 judiciaire civilisée n'autorise de procédure rétroactive pour autant
7 qu'elle aille à l'encontre des intérêts de l'accusé. J'ai bien entendu
8 l'arrêt de la Chambre d'appel, mais c'est un arrêt primitif et inacceptable
9 qui ne survivrait pas à l'examen de quelque système judiciaire civilisé.
10 Maintenant, mon rôle consiste à mettre l'accent sur ce point. Vous, vous
11 ferez ce que vous voudrez.
12 Je vois que vous avez déjà agi dans le sens que je mets en cause, puisque
13 vous avez accepté la déclaration de Ljubisa Petkovic, même si elle ne
14 relève pas de l'article 92 quater du Règlement. En effet, l'article 92
15 quater évoque des déclarations écrites et des comptes rendus d'audience
16 émanant d'une personne qui, dans l'intervalle, a trouvé la mort. Ljubisa
17 Petkovic n'est pas décédé. Merci à Dieu pour cela. Il est bonne santé. Il
18 est député de l'assemblée serbe. Et une personne qui ne peut pas dans des
19 délais suffisamment rapides obtenir une décision judiciaire, ne peut
20 relever quoi qu'il en soit de cet article 92 ter. Il a comparu devant vous.
21 Il a été condamné, même en dépit du fait qu'il ne souhaitait pas
22 comparaître, et une personne qui n'a aucun problème physique ou mental tel
23 que lui, car il se porte très bien sur ces deux plans et qui ne souhaite
24 pas témoigner doit avoir son souhait accepté.
25 Hier, vous m'avez surpris lorsque j'ai dit que j'avais pas mal d'objections
26 au travail de la Chambre de première instance. C'est l'une des objections
27 principales qui est la mienne.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, votre objection est au compte
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1 rendu.
2 L'article 92 quater, vous avez raison, concerne les personnes décédées,
3 mais pas que les personnes décédées; les personnes qu'on n'arrive pas à
4 retrouver et les personnes qui sont malades, et dont l'état de santé
5 physique ne permet pas de témoigner. Voilà, c'est ça la portée de l'article
6 92 quater, qui n'est pas uniquement limité aux personnes décédées. Il y a
7 des extensions à d'autres cas.
8 En tout cas, votre position, nous la connaissons. Sachez que nous prenons
9 en compte tout ce que vous dites, même si parfois vous n'en avez pas
10 l'impression.
11 Nous allons maintenant introduire le témoin. Je rappelle à l'Accusation
12 qu'elle a une heure, à M. Seselj une heure, mais vu que les Juges parfois
13 posent des questions, regardent des documents, quand on prend une heure, ça
14 va durer toute la journée d'audience.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous me donner votre nom,
17 prénom et date de naissance.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Zoran Stankovic. Je suis né le 9
19 novembre 1954.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession ou qualité actuelle ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis médecin de médecine légale à Pancevo,
22 à l'hôpital de médecine légale.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes civil ou militaire ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été général de l'armée yougoslave. En ce
25 moment, je suis retraité de l'armée.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, avez-vous déjà témoigné devant un
27 tribunal; si oui, lequel, et dans quelle affaire, uniquement pour les faits
28 qui se sont déroulés dans
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1 l'ex-Yougoslavie ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné à deux reprises au TPIY, présent
3 physiquement en tant que témoin de la Défense dans l'affaire Krstic, et au
4 mois de mai de cette année, j'ai été témoin expert de la Défense dans
5 l'affaire Milutinovic, Sainovic, Ojdanic et consorts. Quant à d'autres
6 tribunaux, j'ai été convoqué pour témoigner en public devant le tribunal
7 spécial de Belgrade, et j'ai témoigné devant l'ancien tribunal qui existait
8 à Rijeka [phon] en Croatie au sujet du meurtre d'un certain nombre de
9 Serbes à Gospic. Et j'ai travaillé à plusieurs reprises avec le procureur
10 général de Bosnie-Herzégovine dans les affaires relatives à des meurtres de
11 Serbes en des lieux comme Zvornik, Kravica, Batkovic, Rogatica, Bratunac,
12 Milici et d'autres localités, Srebrenica également, d'autres localités
13 encore en Bosnie-Herzégovine.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant ce Tribunal, si je comprends bien, vous
15 avez témoigné deux fois comme témoin de la Défense dans l'affaire Krstic et
16 dans l'affaire Milutinovic et autres, et c'est donc la première fois que
17 vous témoignez comme témoin de l'Accusation. Je ne me trompe pas ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez raison, en effet.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 LE TÉMOIN : ZORAN STANKOVIC [Assermenté]
23 [Le témoin répond par l'interprète]
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Mon Général. Vous pouvez vous asseoir.
25 Comme vous avez déjà témoigné ici, vous savez comment ça se déroule. Mes
26 explications vont être extrêmement brèves.
27 Sauf qu'aujourd'hui, vous êtes témoin de l'Accusation, mais enfin,
28 témoin de la Défense ou témoin de l'Accusation, dans ces matières, de mon
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1 point de vue, c'est exactement pareil.
2 Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par le
3 représentant de l'Accusation, M. Ferrara, que vous avez dû rencontrer. Il
4 vous posera des questions et peut-être vous présentera des documents. La
5 Chambre a fixé une heure à ceci. Mais pendant ce temps-là, il se peut que
6 les Juges interviennent et je ne manquerai pas d'ailleurs d'intervenir,
7 pour vous poser des questions complémentaires ou de suivi sur des aspects
8 de votre travail à l'époque.
9 Une fois que cette phase sera terminée, M. Seselj, qui est accusé et qui se
10 trouve à votre gauche, vous posera des questions dans le cadre de son
11 contre-interrogatoire, puisqu'on est dans une procédure où c'est d'abord
12 l'Accusation qui pose des questions, puis après, la Défense.
13 Voilà ce que je tenais à vous dire.
14 Essayez d'être précis dans vos réponses, mais je n'ai aucun souci dans la
15 matière puisque vous avez déjà eu l'expérience de ce Tribunal. Si vous ne
16 comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à demander à celui qui
17 vous pose la question de la reposer.
18 Si à un moment donné vous ne vous sentez pas bien - ça peut même
19 arriver de la part d'un médecin - si vous ne vous sentez pas bien,
20 n'hésitez pas à nous demander d'arrêter l'audience. Voilà ce que je tenais
21 à vous dire en préambule.
22 Je vais tout de suite céder la parole à M. Ferrara qui va commencer
23 son interrogatoire principal.
24 L'INTERPRÈTE : Correction au sujet de la profession du témoin, qui est
25 professeur de médecine légale à la clinique privée de stomatologie de
26 Pancevo actuellement.
27 M. FERRARA : [interprétation] Merci.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a une chose que je voudrais vous dire,
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1 Monsieur le Président.
2 Pour moi, cela m'est égal d'être témoin de la Défense, de
3 l'Accusation ou d'autre. Je vais m'efforcer de dire ce que je sais, de
4 rendre compte de la vérité que je connais. Donc pour moi, cela ne fait
5 aucune différence d'être témoin de la Défense ou de l'Accusation.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est bien ce que j'avais compris.
7 M. FERRARA : [interprétation] Je vous remercie.
8 Interrogatoire principal par M. Ferrara :
9 Q. [interprétation] Professeur Stankovic, bonjour. Pourriez-vous tout
10 d'abord nous parler un peu de votre carrière et de votre éducation ?
11 R. J'ai terminé mes études de médecine à Nis. Après quoi, j'ai fait mon
12 service militaire, en terminant l'école des officiers de réserve dans le
13 secteur de la santé, après quoi j'ai passé un an à l'hôpital militaire de
14 Nis, puis j'ai dirigé le service médical en tant que chef de ce service à
15 la caserne de Pec. Un an et demi plus tard, j'ai été proclamé meilleur
16 médecin de la JNA, et j'ai été envoyé pour des études de spécialisation en
17 médecine légale à l'Académie militaire de santé de Belgrade où j'ai obtenu
18 mon diplôme en 1980. Après cela, je suis allé travailler en tant que
19 légiste.
20 Au début de la guerre, j'ai réalisé un certain nombre d'autopsies de corps
21 de personnes tombées pendant les combats. Je l'ai fait en plusieurs
22 endroits. J'ai d'abord travaillé sur des cadavres de soldats. Ensuite, je
23 suis allé à Vukovar où j'ai dirigé l'équipe médicale chargée de l'enquête
24 demandée par le tribunal militaire de Belgrade. J'ai ensuite travaillé sur
25 des fosses communes dans lesquelles se trouvaient des cadavres de Serbes
26 tués à Gospic, puis j'ai travaillé également dans le secteur de Siroka
27 Kula. J'ai travaillé également à Zvornik à l'examen de cadavres de
28 Musulmans tués dans cette localité et dans sa région. Puis j'ai travaillé à
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1 des autopsies de membres de la VRS tués à Zvornik. J'ai également travaillé
2 à Fakovici, Milici, Sarajevo également, Banja Luka, examens et autopsies de
3 cadavres trouvés dans une fosse commune de Mirkonjic Grad. Aussi j'ai
4 travaillé à Brcko, Bijeljina. Je suis allé ensuite en Herzégovine, non loin
5 de Mostar, Bjelasnica était le lieu où j'ai commencé, ensuite Nevesinje.
6 J'ai peut-être omis de vous citer le nom de certains lieux, mais je vous ai
7 rendu compte de ce que j'ai fait au mieux de mon souvenir.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Monsieur le Témoin. Vous venez de citer
9 toutes les autopsies que vous avez pratiquées. En regardant votre
10 déclaration écrite, elle porte principalement sur Zvornik. Vukovar n'a pas
11 du tout été abordée dans la déclaration que vous aviez faite. Mais comme
12 vous venez de parler de Vukovar, moi, ça m'intéresse au plus haut point. Je
13 ne vais pas vous poser des questions sur toutes les autopsies concernant
14 Vukovar, mais vous avez dit quelque chose qui peut, pour les Juges, avoir
15 un intérêt.
16 Vous avez dit, c'est à la ligne 9 de la page 9 :
17 "Je suis allé à Vukovar," où vous étiez le responsable de l'équipe médicale
18 chargée de l'enquête conduite par la cour militaire de Belgrade.
19 Cette phrase qui vient d'apparaître et qui sont vos propos, pouvez-vous
20 nous dire exactement à quelle date la cour militaire de Belgrade vous avait
21 saisi pour faire l'enquête et, le cas échéant, des autopsies ? C'est à quel
22 moment que vous avez travaillé à
23 Vukovar ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] En tant qu'institut travaillant pour une
25 institution militaire, c'est-à-dire l'Académie de santé militaire de
26 Belgrade, nous avons été saisis aux environs du 19 novembre 1991. J'ai reçu
27 information du chef de l'institut de l'époque indiquant que nous devions
28 nous rendre à Vukovar pour pratiquer l'exhumation d'un certain nombre de
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1 soldats qui étaient tombés au cours des combats. C'est le 20 novembre, si
2 je me souviens bien, que nous sommes allés à Vukovar pour la première fois,
3 20 et 21 novembre. Dès notre retour de Vukovar, j'ai reçu ordre du chef de
4 l'institut sur instruction du tribunal militaire de nous rendre à Vukovar.
5 Je crois que nous étions à Vukovar le 20 et le 21.
6 Le 21 novembre, nous avons réalisé les autopsies des cadavres découverts à
7 Vukovar suite aux combats. Je crois que je suis resté à Vukovar sans
8 interruption jusqu'au 17 ou 18 décembre.
9 Ensuite, je suis revenu à Belgrade avec les membres de l'équipe, et à trois
10 ou quatre reprises, nous sommes allés inspecter les cadavres découverts
11 dans les bâtiments détruits présents dans le secteur de la municipalité de
12 Vukovar. Je crois que cela s'est passé après la fin de l'année 1991, c'est-
13 à-dire déjà en 1992. Je ne me rappelle pas exactement les dates, mais je
14 sais que j'y suis allé deux fois au moins.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous dites - et c'est important - que dès
16 le 19 novembre 1991, on vous demande d'aller à Vukovar pour examiner les
17 corps des soldats et officiers qui ont été tués dans un tank. Est-ce que
18 c'était une mission d'ordre général ou uniquement ponctuelle ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] La première fois que j'y suis allé, il était
20 question d'une équipe dans laquelle on trouvait Zoran Fender [phon] --
21 L'INTERPRÈTE : Si l'interprète a bien entendu le nom.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] -- soldat de Novi Sad. Il s'agissait d'hommes
23 qui étaient tombés alors qu'ils s'occupaient d'un char, ça je m'en souviens
24 très bien. Ils ont été tués à l'intérieur d'une maison. Il y avait aussi le
25 sergent Jovic qui avait été blessé, qui a été transféré à l'hôpital de
26 Vukovar, puis à Belgrade. Ça, c'était sur l'ordre du tribunal militaire.
27 Par la suite, nous avons reçu un nouvel ordre et nous sommes allés dans le
28 cadre d'une équipe à Vukovar.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour la première fois, pour les trois, ils étaient
2 Serbes ou Croates, les tués ou blessés ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des soldats qui étaient membres de
4 la JNA. Je ne saurais pas vous dire s'ils étaient tous serbes.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : La première fois où vous allez, c'est pour enquêter
6 sur des soldats de la JNA. Bien. Ça, c'est première fois. La deuxième fois,
7 quelle était votre mission exacte ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] La première fois, notre mission consistait,
9 s'agissant de tous les cadavres découverts à Vukovar, de les examiner et
10 nous devions également établir les documents relatifs à ces examens. Une
11 partie spéciale de notre mission consistait à identifier les cadavres qui
12 avaient été découverts. Dans ce cas précis. Nous avions des formulaires que
13 nous avons utilisés dans le cadre de notre travail du début à la fin et --
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne rentre pas dans les détails, la deuxième fois,
15 vous dites -- parce que je veux redonner la parole à M. Ferrara et je veux
16 terminer cet aspect - la deuxième fois, vous aviez le mandat d'examiner les
17 corps des personnes trouvées à Vukovar. Ma question, elle est aussi d'ordre
18 technique. Tous les corps serbes et croates ou uniquement les corps des
19 Serbes ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela concernait tous les corps, parce que nous
21 ne pouvions pas savoir si c'étaient des Serbes ou --
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Un élément important, tous les corps.
23 Et la deuxième fois, l'ordre qui vous a été donné, ça a été un ordre
24 verbal ou vous avez eu un document écrit ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il existe un ordre écrit sur l'enquête à
26 Vukovar de la part du tribunal militaire de Belgrade.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc sur ordre écrit du tribunal militaire de
28 Belgrade, vous vous êtes rendu à Vukovar pour examiner les corps de toutes
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1 les personnes qui avaient été tuées.
2 Ma dernière question - et c'est la plus capitale - à quelle date exactement
3 avez-vous eu cet ordre ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet ordre a été reçu le 20, je pense, novembre
5 1991. Toutefois, permettez-moi, je vais peut-être dans trop de détails,
6 mais c'était une équipe constituée de juges d'instruction, le juge Salic
7 était à la tête de l'équipe, et des juges civils du territoire de
8 Vojvodine, de Novi Sad, Apatin et autres tribunaux ont pris part à
9 l'enquête, des régions orientés vers Vukovar. Et il y avait une équipe de
10 police technique et scientifique avec Mrakovic, qui n'est plus parmi nous,
11 qui était à la tête de cette équipe, ils étaient chargés de tout ce qui
12 relève de la police technique et scientifique. Puis, il y avait une équipe
13 de police judiciaire, j'étais à la tête de cette équipe et nous
14 travaillions sur ordre et de concert avec le juge d'instruction et avec la
15 police criminelle et technique de Vukovar.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc - et je pense que ça a de l'importance - dès le
17 20 novembre 1991, les autorités, qu'elles soient militaires, JNA, ou
18 civiles, par la présence des juges de tous ressorts, a l'ordre de procéder
19 aux examens de toutes les personnes dont les corps vont être trouvés à
20 Vukovar. Est-ce à dire qu'à ce moment-là, toutes les autorités ont voulu
21 que la lumière soit faite sur des circonstances de la mort de ces personnes
22 ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Quoi qu'il en soit, oui.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. La communauté internationale
26 exerçait un contrôle sur nos activités. J'étais placé sous le contrôle d'un
27 expert, Antonio Pilera [phon], un expert en médecine légale espagnol qui
28 est arrivé en mission de la part des Nations Unies, si je ne me trompe pas.
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1 Et c'est lui qui avait un droit de regard sur ce que nous faisions.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Que cette internationale était là, c'est une
3 chose, mais, moi, ce qui m'importait était de savoir quel était le
4 comportement des autorités militaires serbes et les autorités civiles. Et
5 là, vous avez répondu de manière très claire, ce que nous n'avions pas
6 perçu jusqu'à présent. Mais grâce à votre présence, cet élément est
7 important et figure au transcript pour Vukovar.
8 Mais en fait, on va continuer maintenant.
9 M. FERRARA : [interprétation] Page 14, ligne 5 --
10 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle a bien dit le 20 novembre et
11 non pas le 27 septembre.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait, 20 novembre et pas 27. Il y a une
13 erreur au transcript.
14 M. FERRARA : [interprétation]
15 Q. Monsieur le Professeur, vous êtes-vous jamais rendu sur les fosses de
16 Vukovar ?
17 R. Il ne s'agissait pas de visite. J'y ai travaillé avec mon équipe. Il y
18 avait une fosse commune au cimetière juif, deux fosses communes situées au
19 stade de Sloga. Tout ce que nous y avons repéré, ou tout ce que nous avons
20 appris comme étant des endroits où on a inhumé des victimes. Nous avons
21 tout exhumé. Nous avons procédé à un examen et nous avons enterré au
22 cimetière bulgare, si je ne me trompe pas. Un dossier volumineux existe
23 suite à cela. Pavle Todorivic, représentant chargé des droits de l'homme, a
24 remis cela entre les mains des autorités croates par la suite.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une question.
26 Parce que nous, nous pensions que vous alliez témoigner sur Zvornik,
27 et puis là, on voit que sur Vukovar, c'est intéressant. Juste une
28 précision.
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1 Quand vous étiez à Vukovar, est-ce que vous avez eu connaissance qu'il
2 s'était passé des événements à l'hôpital de Vukovar ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] A Vukovar, nous avons procédé à l'examen de
4 tous les corps. S'agissant de l'hôpital, nous nous sommes rendus à
5 l'hôpital, et à proximité de l'hôpital, dans un passage, nous avons trouvé
6 des corps enterrés. Il y en avait peut-être une cinquantaine, voire plus.
7 Et à côté de cet endroit, il y avait également une cinquantaine de corps
8 qui étaient placés à même le sol, en surface, à côté de l'hôpital. Dans
9 l'hôpital, il y avait des gens, il y avait des blessés et c'est quelque
10 chose que nous avons vu.
11 Quant aux événements dans l'hôpital, nous n'étions pas au courant plus en
12 détail de ce qui se passait, parce que lorsque nous avons commencé à nous
13 mettre au travail nous étions occupés par cela. Il faisait très froid,
14 c'était l'hiver, les températures descendaient jusqu'à moins 20 degrés
15 Celsius. On cherchait à enlever au plus vite un maximum de corps du sol,
16 puisque les animaux se précipitaient sur ces corps. Il y avait un grand
17 nombre d'animaux de morts. C'était lié à un danger très important de mines
18 antipersonnel, parce que vous aviez quasiment la totalité de Vukovar pavée
19 de mines antipersonnel, donc nous avions aussi des pertes, des victimes
20 parmi nos hommes qui travaillaient avec nous, qui nous précédaient. Vous
21 aviez aussi des cas où les corps étaient minés, donc il fallait qu'on se
22 débrouille de toutes les manières possibles pour que ces corps soient
23 évacués en les tirant avec des cordes, des cordages pour ne pas avoir de
24 victimes nous-mêmes.
25 Les conditions étaient très difficiles.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous appris qu'il y avait plus de 200 personnes
27 de l'hôpital de Vukovar qui avaient disparu ou qui avaient été tuées ? Est-
28 ce que vous l'avez appris à ce moment-là ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. A ce moment-là, nous ne le savions pas.
2 Ce n'est que plus tard, quand on a commencé à écrire là-dessus et à en
3 parler, c'est là que j'ai été mis au courant. Si on avait su que ces corps
4 de ces gens tués étaient là, nous aurions procédé à une exhumation des
5 restes et nous aurions examiné les corps. Dans tous les cas, ces corps ne
6 seraient pas restés là, on les aurait trouvés par la suite.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : A ce moment-là, vous n'aviez pas eu d'indications
8 laissant supposer que les personnes qui étaient à l'hôpital de Vukovar
9 avaient été tuées ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
12 M. FERRARA : [interprétation]
13 Q. Avez-vous jamais inspecté la fosse commune d'Ovcara ?
14 R. Non.
15 Q. Poursuivons et parlons de votre parcours.
16 Vous dites que vous êtes professeur de faculté, que vous avez donné des
17 conférences en matière de médecine légale, où est-ce que vous enseignez ?
18 R. J'ai enseigné la médecine légale, pas la médecine légale militaire,
19 mais la médecine légale à partir de 1996 à l'Académie de la police de
20 Belgrade et il y a deux ou trois ans que j'ai commencé à enseigner à la
21 faculté privée d'odontostomatologie de Pancevo.
22 Q. Avez-vous donné des conférences à l'étranger ?
23 R. Oui. A deux reprises, j'ai été invité à faire une conférence à Kings
24 College à Cambridge. Puis j'ai fait une conférence au comité chargé des
25 affaires extérieures au Parlement de Grande- Bretagne et j'ai parlé devant
26 le Parlement de l'Ukraine. Puis j'ai donné des conférences sur les victimes
27 de la guerre à Paris. C'est là que j'ai rencontré Florence Artman qui est
28 venue à ma conférence, c'était en 1995.
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1 Puis j'ai donné plusieurs conférences aux Pays-Bas, la première équipe
2 qu'on a amenée voir M. Gullstone au TPIY, c'étaient des détenus et des ex-
3 détenus serbes qui se sont trouvés dans des camps tels Dreta, Sarajevo et
4 autres. Parmi eux, il y avait une femme qui avait été violée dans un des
5 camps, une femme âgée.
6 Par la suite, j'ai donné des conférences à La Haye, à Amsterdam, à Utrecht.
7 Voilà, peut-être que j'en ai omis.
8 Q. Avez-vous jamais rédigé des ouvrages sur le thème de l'identification
9 et de l'exhumation de corps ?
10 R. Oui. Nous avons rédigé, par exemple, "La vérité sur les Serbes." J'ai
11 pris part à la rédaction de deux livres avec la fondation qui s'appelle
12 "Vérité sur les Serbes" intitulé, "Le Crime attend d'être puni" et c'est un
13 crime que de se taire sur la vérité. Puis nous avons aussi rédigé un livre
14 "Génocide contre les Serbes" entre 1991 et 1993, puis plusieurs films sur
15 les victimes parmi les membres de l'armée dans une situation de guerre.
16 Puis un film sur les victimes de Gospic en 1991 intitulé, "Les meurtriers
17 sont arrivés masqués." Il y a eu plusieurs choses. C'étaient des Serbes
18 tués à Gospic en 1991 et plusieurs expositions aussi.
19 Q. Donc vous avez évoqué votre expérience en matière de fosses communes
20 dans des pays en guerre. Pourriez-vous nous parler un petit peu des
21 spécificités de l'examen des corps dans des zones de guerre ?
22 R. C'est une tâche particulière, vu comment on s'y prenait au nom de
23 l'Académie militaire médicale. Nous étions la seule équipe dans l'espace de
24 l'ex-Yougoslavie qui se livrait à ces activités pendant que les opérations,
25 les actions de guerre étaient en cours, près des premières lignes pendant
26 que les parties belligérantes étaient en conflit. Donc vu la situation, vu
27 les circonstances, il y avait un certain nombre de limitations qui
28 s'imposaient à notre travail, par exemple, nous ne pouvions pas bénéficier
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1 d'une infrastructure technique importante puisque, par exemple, nous
2 travaillions dans des endroits où il n'y avait pas de courant. C'était des
3 localités isolées. En tant que chef d'équipe, il fallait qu'on prête
4 attention à la condition des gens qui travaillaient pour moi, pour ne pas
5 avoir de victimes dans ma propre équipe, j'avais la responsabilité de leur
6 sécurité.
7 Aussi, on se trouvait contraint à procéder à un examen externe des corps,
8 sans faire d'autopsies. Parfois, on a procédé à des autopsies partielles
9 lorsqu'il ne nous ait pas été possible d'identifier la blessure ou
10 l'instrument de blessure, à savoir est-ce qu'il s'agissait de projectile ou
11 d'éclat d'obus. Donc ces activités se sont déroulées en hiver et on était
12 très limité dans notre action parce que ces corps étaient gelés. Donc il ne
13 nous était pas possible de procéder à une autopsie, il était très difficile
14 d'enlever les vêtements, par exemple. Mais ce que nous avons fait et ce
15 qu'impose la doctrine dans ce type de situation, bien, on l'a fait pour
16 pouvoir décrire le corps qu'on a trouvé, les parties du corps pour relever
17 tous les renseignements permettant l'identification ultérieurement en
18 fonction de nos capacités d'identifier les blessures, l'instrument, la
19 blessure; d'enlever les vêtements et par la suite de faire sécher ces
20 vêtements comme on l'a fait à Vukovar. C'était dans une briqueterie, pour
21 que par la suite les proches puissent essayer de formuler des hypothèses
22 sur l'identité de la personne sur la base de ces objets vestimentaires.
23 Puis on relevait tous les effets personnels dans les vêtements et on les
24 enlevait. Par exemple, s'il y avait des bijoux ou autre et on emballait ça
25 dans des housses en plastique à part et on laissait ça sur le site pour que
26 les proches puissent venir et essayer d'identifier l'un des leurs.
27 Parfois, il y avait des choses qu'on ignorait, par exemple, où est-ce
28 qu'on pouvait entreposer, déposer les effets personnels, les bijoux. Donc
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1 l'approche qu'on a adoptée était particulière, spécifique compte tenu des
2 circonstances, et nous avons fait dans la mesure de nos possibilités.
3 Par la suite, nous procédions à la rédaction des PV d'autopsies sur
4 examens externes du corps ou s'il s'agissait d'une autopsie partielle, on
5 le faisait, puis on reprenait tout ce qu'on avait trouvé comme objet
6 pendant l'examen.
7 Q. On ne vous a pas demandé de préparer un rapport dans ce cas-ci, n'est-
8 ce pas ?
9 R. Non. J'ai fait ma déclaration ici, sur demande du Procureur, sur
10 consigne reçue du gouvernement fédéral et de la république et dans
11 l'affaire contre Slobodan Milosevic, et non pas contre, ici présent,
12 Seselj.
13 Q. Pour ce qui est de cette déclaration que vous avez donnée au bureau du
14 Procureur, je souhaite attirer votre attention sur la deuxième déclaration
15 que vous avez donnée au TPIY, à l'enquêteur du TPIY le 8 juillet 2003, en
16 particulier sur ce qui s'est passé à Zvornik.
17 Quand vous a-t-on demandé de vous rendre à Zvornik pour la première fois ?
18 R. Le tribunal militaire de Belgrade nous a donné l'ordre de nous
19 présenter à Zvornik pour procéder à l'examen des corps. Il me semble que
20 c'était pour la première fois le 29 avril 1992. Et c'est à ce moment-là
21 qu'on a constitué une équipe. Le juge d'instruction, capitaine Mirko
22 Stojanovic, était passé à la tête de cette équipe et à bord d'un minibus
23 nous sommes partis pour Zvornik. C'est la première fois que nous ayons
24 procédé --
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous abordez également un élément important.
26 Le procureur militaire de Belgrade, quel était son nom, si vous vous en
27 souvenez, c'était qui, parce que si je vous pose cette question --
28 LE TÉMOIN : [interprétation] -- là c'était où ? J'ai dit qu'il ne
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1 s'agissait pas de procureur, c'était le juge d'instruction militaire,
2 capitaine Mirko Stojanovic.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais le procureur militaire en exercice à
4 l'époque, quel était son nom ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si c'était Papic. Le colonel
6 Papic, je ne suis pas tout à fait certain.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous pose cette question qui repose sur la base
8 suivante : dans le code militaire en œuvre utilisé dans l'ex-Yougoslavie à
9 votre époque, le juge d'instruction peut venir sur les lieux et il conduit
10 l'enquête, mais après, il soumet son rapport au procureur. Le procureur
11 peut classer l'affaire ou saisir le tribunal militaire ou demander à un
12 autre juge de continuer l'enquête, et cetera. Donc je veux déterminer la
13 chaîne de responsabilité pour Zvornik puisque nous savons, mais on y
14 reviendra tout à l'heure, qu'il y avait déjà le juge qui s'appelle Mirko
15 Stojanovic, mais ce juge il ne décide pas souverainement de tout. Donc
16 c'est pour cela que je voulais savoir qui était ce procureur. D'après vous,
17 c'est un "Papic" peut-être. On verra ça ultérieurement.
18 Monsieur Ferrara, continuez.
19 M. FERRARA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Pourriez-vous nous dire qui faisait partie de cette équipe et quelle
21 responsabilité incombait à chaque membre de l'équipe qui s'est rendue à
22 Zvornik.
23 R. A la tête de l'équipe, comme je vous l'ai dit, il y avait Mirko
24 Stojanovic qui était le chef de cette équipe et qui donnait l'ordre pour
25 qu'on procède à toutes les activités liées à l'enquête. Il y avait une
26 équipe de police scientifique et technique du MUP de Belgrade et ils
27 s'acquittaient de leur partie de la mission, et nous, on était chargés de
28 l'autopsie, c'est-à-dire d'examens externes des corps trouvés et qui
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1 étaient placés dans une section de l'usine Alhos dans des housses en
2 plastique, housses mortuaires.
3 Il y avait aussi des représentants de la voirie. Eux, ils devaient procéder
4 à l'organisation de l'enterrement par la suite. C'est eux qui venaient nous
5 aider lorsqu'il s'agissait de replacer dans des housses les corps qui
6 avaient été examinés.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, une question que je vous pose.
8 Le bureau du Procureur a entendu des centaines, voire des milliers de
9 témoins. Je n'en ai pas le nombre exact, mais j'aimerais savoir si le
10 bureau du Procureur a procédé à une audition de M. Mirko Stojanovic.
11 M. FERRARA : [interprétation] Je vais vérifier, Monsieur le Président, et
12 revenir vers vous plus tard.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
14 M. FERRARA : [interprétation]
15 Q. Monsieur le Professeur, vous a-t-on dit quelle était l'appartenance
16 ethnique des corps que vous deviez examiner à l'usine Alhos ?
17 R. Quand nous sommes arrivés sur place, on nous a dit qu'il s'agissait de
18 Musulmans qui ont été retrouvés dans les bois en contrebas par rapport à
19 Kula Grad de Zvornik. C'est un endroit qui surplombe, Kula Grad surplombe
20 Zvornik, le lac, c'est dans les hauteurs. C'est là qu'il y a eu un conflit
21 armé entre les forces serbes et les forces musulmanes.
22 Q. Qu'est-ce que c'était, cette usine Alhos ?
23 R. C'était une usine, je ne sais pas ce qu'on y fabriquait. C'est
24 lorsqu'on traverse le pont entre Mali Zvornik et Zvornik, c'est là qu'elle
25 se situe, on passe par la localité appelée Karakaj, et après sur la droite
26 était située cette usine. C'est là qu'on avait apporté ces corps.
27 Après avoir traversé le pont, on nous a dit de nous rendre à Alhos. Alhos,
28 au premier étage, il y avait une pièce ou deux pièces où se trouvaient
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1 installés des membres de la police de Zvornik. C'est là que nous nous
2 sommes présentés. Le juge d'instruction est allé les voir, et ils nous ont
3 dit que derrière l'usine il y avait une pièce où sont des machines, des
4 installations de chauffage, et c'est à côté de cela qu'avaient été placées
5 des housses avec des corps de Musulmans à l'examen desquels nous sommes
6 attachés. C'est ce que le juge d'instruction m'a dit.
7 Q. Savez-vous qui a procédé à la levée de ces corps ?
8 R. Je pense que les corps avaient été ramassés par des employés de la
9 voirie de Zvornik, les autorités de Zvornik de l'époque. Je pense que
10 c'étaient des organes serbes, le pouvoir local. Je pense qu'il y avait
11 Grujic, je m'en souviens qu'il était président de la municipalité. C'est
12 eux qui les ont ramassés et apportés, pour autant que je le sache, apportés
13 à cet endroit.
14 Q. Comment avez-vous étiqueté ces corps ?
15 R. Nous avons indiqué un Z pour "Zvornik." Le chiffre romain I, signifiant
16 premier examen, suivi du numéro du corps en fonction de l'ordre dans lequel
17 on examinait les corps. Lorsque nous avons commencé par l'examen du premier
18 corps, la première cote c'était
19 Z-I-24, je crois, et ce, parce qu'on nous avait dit qu'avant cela, 23 corps
20 retrouvés étaient déjà enterrés. Donc notre premier chiffre devait être 24,
21 et c'est ainsi que nous avons procédé.
22 Q. Pourriez-vous nous dire comment se déroulait l'examen des corps ?
23 Etait-ce une autopsie purement technique ou était-ce un examen externe des
24 corps ?
25 R. Nous avons agi suite aux instructions du juge d'instruction. Lorsqu'il
26 y a eu un entretien entre le juge d'instruction et les représentants des
27 autorités locales de Zvornik, on s'est mis d'accord qu'un examen externe
28 des corps serait fait, qu'on allait décrire et enlever des corps tous les
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1 objets vestimentaires, qu'on allait répertorier toutes blessures
2 éventuelles, ainsi que la présence de taches de sang sur les vêtements,
3 sang ou autre, que nous allions extraire tous les objets des vêtements,
4 d'établir une liste, et qu'on allait remettre cela à la police qui allait
5 essayer de procéder à une identification des corps; ensuite, que sur tous
6 les corps on allait prélever les bijoux ou tout autre objet qui se serait
7 trouvé sur le corps. Que pour l'ensemble des corps, là où c'était possible,
8 on procède au prélèvement d'une empreinte digitale en raison
9 d'identification ultérieure; puis de prélever d'autres paramètres, par
10 exemple, de procéder à l'établissement des fiches dentaires; ou
11 éventuellement constater des tatouages sur la peau ou des caractéristiques
12 spécifiques du corps; d'examiner d'une manière externe le corps pour
13 constater des blessures éventuelles. Par la suite, il fallait prendre des
14 photos, donc avant l'autopsie et à partir du moment où les vêtements ont
15 été enlevés, on prenait des photos des blessures et des aspects
16 caractéristiques des corps, et on établissait un PV de l'autopsie ou de
17 l'examen externe en y renseignant tous les détails et des conclusions sur
18 la base des éléments que nous avons pu constater pendant l'examen.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Deux questions d'ordre technique. Si je vous pose
20 des questions, c'est que j'ai une connaissance dans ces domaines.
21 Est-ce que vous récupériez les balles qui étaient dans les corps ? Est-ce
22 que ça se faisait ou ça ne se faisait pas ? Si vous les récupériez, est-ce
23 que les balles étaient placées dans des sacs en plastique sous scellé avec
24 un numéro d'identification, ou bien vous ne vous contentiez que d'un examen
25 sommaire ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que nous ne pratiquions pas les
27 autopsies mais que nous avions pratiqué un examen superficiel des cadavres.
28 Donc de ce fait, nous ne pouvions pas récupérer les balles à l'intérieur du
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1 corps, comme cela était fait dans d'autres circonstances étant donné des
2 conditions différentes.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxièmement, autre question technique : si un corps
4 présentait un trou d'entrée, un trou de sortie, et si le corps avait
5 plusieurs trous d'entrée et de sortie, est-ce qu'à l'aide de baguettes vous
6 reconstituiez la trajectoire, s'il y a un trou d'entrée et un trou de
7 sortie, bien entendu ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On peut le constater à la lecture des PV
9 d'autopsies ou d'examens superficiels, on peut constater que pour toutes
10 ces blessures, nous déterminions la longueur du chemin du projectile et
11 également le sens de ce chemin. Est-ce qu'il allait de gauche à droite ou
12 de haut en bas, et cetera. Mais tout cela figure --
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme il y avait également des policiers avec
14 vous, semble-t-il, de la police scientifique, est-ce que ceux-là faisaient
15 des prélèvements de poudre afin de déterminer si les tirs avaient été à
16 bout touchant ou à bout portant ?Est-ce qu'on investiguait de ce côté par,
17 le cas échéant, des prélèvements de résidus de poudre ou autre ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, nous n'avons pas relevé les traces de
19 poudre, car il est apparu qu'une seule fois l'arme était tenue à une
20 distance très courte, donc c'est à ce moment-là que nous avons pensé à un
21 meurtre. Mais je dois également dire que dans mon pays, nous ne disposons
22 pas de l'équipement nécessaire pour déterminer les résultats d'un examen
23 des traces de poudre avec précision. En effet, il faut pour cela un
24 scanneur électronique ou en tout cas un microscope électronique qui permet
25 d'examiner les fragments de poudre. Nous n'avions pas une méthode
26 suffisamment précise pour le faire. Mais il convient que vous sachiez que
27 nous déterminions la présence de poudre par l'examen des traces de nitrate
28 et autres substances chimiques présentes sur place. C'est une méthode qui
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1 n'est pas aussi précise, et dans le peu de temps dont je disposais, je n'ai
2 pas pu la mettre en pratique.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Parce qu'on pourrait y passer des
4 heures, je vais aller à l'essentiel.
5 Concernant ces examens, pour les corps non identifiés où il n'y avait aucun
6 document, rien, est-ce que vous aviez la préoccupation de l'ADN, et à ce
7 moment-là y avait-il des prélèvements en vue, le cas échéant, de recherches
8 ADN ultérieures, genre cheveux, ongles, ou je ne sais ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous connaissions la possibilité de pratiquer
10 des identifications à l'aide de l'examen de l'ADN, mais sur le territoire
11 de l'ex-Yougoslavie, dans les laboratoires, personne ne disposait des
12 moyens nécessaires pour réaliser de telles analyses. A la fin des années
13 90, un don international a permis à Tuzla de disposer de cet équipement. Au
14 moment dont je vous parle, notre mission consistait à ne faire que ce que
15 nous pouvions faire. S'agissant des corps éventuellement non identifiés, il
16 était prévu de les exhumer une nouvelle fois par la suite et de prélever
17 les éléments nécessaires pour pratiquer une analyse ADN. Ça, nous l'avons
18 fait ultérieurement quand la possibilité est apparue de réaliser
19 effectivement une analyse de l'ADN. Quand je travaillais à Sarajevo, nous
20 l'avons fait, mais là on était déjà en 1999, 2000.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Espagnol qui supervisait, c'était à Vukovar, pas à
22 Zvornik ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à Vukovar, oui.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors l'Espagnol. En Espagne, je présume que c'était
25 une technique bien connue, il ne vous avait pas dit vous n'êtes pas
26 équipés, mais ça peut servir, car le jour où vous serez équipés on pourra
27 faire les recherches ? Il n'avait absolument pas pensé à faire des
28 prélèvements en vue de recherches ADN ultérieures, ce spécialiste ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais nous le savions. Je vous l'ai dit,
2 le prélèvement d'échantillons destinés à une analyse ADN était prévu pour
3 l'avenir.
4 Je dois vous dire qu'aujourd'hui encore les prélèvements faits en vue
5 d'analyses de l'ADN ne sont pas analysés à fond. Donc il y a de très
6 nombreuses personnes qui attendent encore des identifications qui, pour
7 l'instant, sont freinées en raison de possibilités insuffisantes.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est vrai parce qu'à l'instant T 0 on peut rien
9 faire, qu'à instant T plus X mois ou X années, on ne pourra pas le faire.
10 Continuons.
11 M. FERRARA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nombre de corps que vous avez examinés
13 lors de cette première visite ?
14 R. A l'occasion de cette première visite, nous avons travaillé sur les
15 corps dont les numéros d'identification ou de référence allaient de Z-I-24
16 à Z-I-52. Donc 28 corps.
17 Q. Avez-vous identifié l'appartenance ethnique de ces corps; et si oui,
18 comment avez-vous procédé ?
19 R. Nous ne nous occupions pas de ces questions qui relevaient de la
20 responsabilité du juge d'instruction. Mais nous avons enregistré le fait
21 qu'un certain nombre de ces corps s'accompagnaient de papiers d'identité,
22 cartes d'identité ou passeports ou autres documents comportant les noms et
23 prénoms. Chaque fois que nous trouvions des documents de ce genre, nous le
24 mettions par écrit. Par ailleurs, nous avons constaté que ces corps étaient
25 circoncis, ce qui prouvait qu'il s'agissait de Musulmans. Après examen des
26 vêtements, il a été possible de conclure, en raison de la présence
27 prédominante de couleur verte dans les vêtements, que ces corps étaient
28 ceux de Musulmans. Mais pour le reste, s'agissant des autres documents,
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1 comme je l'ai déjà dit, cela relevait de la responsabilité du juge
2 d'instruction qui avait demandé les autopsies.
3 Q. Quelle était en règle générale la cause de la mort ?
4 R. Sur les 28 corps que nous avons examinés à ce moment-là, il y a eu un
5 cas où nous n'avons pas pu déterminer la cause de la mort, car aucune
6 lésion externe n'a été découverte sur le corps. Dans deux cas -- ou plutôt
7 dans un cas, il s'agissait d'une plaie due à un instrument pointu qui avait
8 touché la partie gauche de la poitrine. Dans un cas, il s'agissait d'une
9 coupure qui avait infecté la partie droite du cou et de la face. Dans les
10 autres 25 cas, il s'agissait de blessures à l'arme à feu.
11 Q. Quand avez-vous rédigé votre rapport d'autopsie ?
12 R. J'ai établi les rapports d'autopsie peu avant, voire après mes
13 entretiens avec les enquêteurs du Tribunal de La Haye, sur la base des
14 notes et de tous les documents écrits que j'avais établis pendant les
15 autopsies et examens superficiels extérieurs des corps.
16 M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrions-nous avoir la
17 pièce 65 ter 1238 à l'écran, il s'agit d'un de ces rapports d'autopsie.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Juste avant de regarder les rapports
19 d'autopsie, notamment le 24 qui est intéressant, puisque c'est le premier
20 que vous aviez regardé, semble-t-il. Juste avant que vous procédiez à
21 l'examen desdits corps, est-ce que vous, le juge d'instruction ou ceux qui
22 étaient là - et vous étiez assez nombreux d'ailleurs - quelqu'un s'est posé
23 la question de savoir où avait été retrouvé le corps, qui l'avait retrouvé
24 et si, quand on a retrouvé le corps, il y avait une arme à côté de lui ?
25 Est-ce qu'on posait ce type de questions qui se posent très vite ? J'ai
26 conduit des enquêtes, c'est comme ça qu'on travaille quand on fait bien son
27 travail. Est-ce que quelqu'un posait ces trois questions ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que cette question a été posée par le
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1 juge d'instruction qui a effectué certains travaux dans ce sens, mais cela
2 ne rentre pas dans le cadre de mon travail et de ma mission.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Expert, j'ai eu à côtoyer X légistes
4 comme vous, donc réfléchissez à ce que vous dites.
5 Dans le cadre de votre travail, si vous apprenez qu'on a trouvé quelqu'un
6 sans arme à côté de lui, il peut à ce moment-là y avoir des doutes sur la
7 cause réelle de la mort. En revanche, si on vous dit il avait un fusil
8 entre les mains, vous pouvez peut-être penser que c'était un combattant,
9 donc de ce fait votre travail peut prendre des orientations. Si on vous dit
10 qu'il y a dix corps trouvés à un tel endroit sans armes à côté d'eux, c'est
11 qu'on peut penser qu'ils ont été exécutés. Donc ce type de renseignements
12 est important pour celui qui va faire l'autopsie ou l'examen superficiel du
13 corps, car ça peut le conduire à des conclusions. Qu'est-ce que vous en
14 dites ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que ma responsabilité
16 consiste à dire --
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] -- en m'appuyant sur l'examen visuel, quelle
19 est la nature des blessures, quelle est ou quelles sont les armes qui ont
20 provoqué ces blessures, je dois me prononcer sur la cause du décès pour
21 déterminer s'il s'agit d'une mort naturelle, d'une mort violente par
22 suicide ou par meurtre, et à ce moment-là, je rédige mon rapport. Aller
23 plus loin que cela, déterminer où le corps a été découvert, dire si une
24 autopsie a été réalisée ou pas, cela relève d'une étape ultérieure du
25 processus judiciaire qui ne peut démarrer qu'au moment où le juge
26 d'instruction, voire la personne responsable de l'accusation - comme un
27 procureur, par exemple - aura réuni tous les éléments nécessaires pour les
28 soumettre à un expert qui va réaliser un rapport plus complet.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous êtes sous serment. Vous êtes là pour
2 dire toute la vérité. Vous n'êtes pas là pour renvoyer la responsabilité
3 sur X, Y ou Z. Moi, je vous pose une question technique et j'attends de
4 vous une réponse technique. La réponse technique est la suivante : dans la
5 mesure où vous allez conduire l'examen du corps ou, le cas échéant, une
6 autopsie, moi, je veux savoir si vous aviez le réflexe professionnel de
7 demander à ceux qui pouvaient avoir découvert le corps ou à ceux qui
8 avaient amené le corps s'ils étaient là ou au policier qui est à côté de
9 vous ce type de renseignements afin que vous puissiez faire votre métier
10 dans les meilleures conditions.
11 Car comme je vous l'ai dit tout à l'heure, si on vous dit qu'on a
12 trouvé dix personnes dans une pièce à telle heure avec aucune arme dans la
13 pièce, vous pouvez là avoir quand même quelques suspicions.
14 Donc au travers de mes questions, ce n'est pas une quelconque
15 responsabilité de vous que je cherche, c'est d'essayer de savoir comment
16 vous aviez travaillé.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit que nous avions découvert ces
18 corps dans les locaux de l'usine Alhos. Lorsque nous avons posé la question
19 de savoir où ces corps avaient été découverts pour commencer, ça je l'ai
20 déjà dit, on nous a répondu qu'ils avaient été découverts dans la forêt de
21 Kula Grad, c'est-à-dire à l'endroit où se sont menés les combats. C'est à
22 cela que se limitent tous les renseignements dont je dispose sur ce point.
23 Ensuite, je me suis occupé de faire le travail qui m'incombait, qui
24 relevait de ma responsabilité. Mais je ne suis pas intervenu, je ne me suis
25 pas ingéré dans le travail du juge d'instruction.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. On vous dit que les corps ont été trouvés
27 à Kula Grad, où il y a eu des combats. Les policiers militaires qui étaient
28 là et le juge d'instruction qui est capitaine, personne n'a l'idée d'avoir
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1 un renseignement complémentaire en se demandant ils ont été découverts sur
2 la ligne de front, dans une casemate, les armes à la main ? Personne ne
3 pose ce type de
4 questions ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit que ces questions n'ont pas
6 été posées, mais dans tous les rapports, au début du rapport, il y a une
7 mention qui indique qu'à l'époque où les examens et autopsies de ces corps
8 ont été effectués, les combats étaient encore en cours.
9 Donc dans de telles conditions, aucun représentant de l'instruction
10 ne pouvait se rendre sur les lieux pour poser les questions que vous venez
11 de poser ici. Donc savoir si dans une phase ultérieure le juge
12 d'instruction a posé ces questions, ça je ne le sais pas.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, il reste dix minutes avant la
14 pause.
15 M. FERRARA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
16 Q. Pouvez-vous nous décrire les parties principales de ce rapport
17 d'autopsie ? Pourriez-vous nous décrire le rapport d'autopsie et nous
18 parler des différents volets qu'il comporte ?
19 R. En première page du rapport, il est écrit : "Kuljancic, Mirsad," donc
20 ça c'est la personne chez qui nous avons trouvé des documents à ce nom.
21 J'ai consigné un point d'interrogation, car cela ne suffisait pas à
22 garantir l'identification. Ce que nous indiquons donc c'est qu'il est
23 vraisemblable qu'il s'agit bien de cette personne, nous ne pouvions pas
24 déterminer l'identité avec certitude, car les cadavres étaient déjà en voie
25 de décomposition et qu'un certain nombre d'entre eux étaient déjà
26 recouverts de vers en surface, et cetera.
27 En page 2, on trouve le nom des membres de l'équipe qui a effectué ce
28 travail avec les prénoms, les noms, les fonctions de chacune de ces
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1 personnes. Ensuite le lieu où l'examen était effectué, puis la mention que
2 je viens de citer il y a un instant, à savoir que les combats dans la
3 région de Zvornik toujours en cours ont rendu ce travail particulièrement
4 difficile et l'ont quelque peu limité dans sa portée. Ensuite, nous
5 déterminions que les vêtements avaient été enlevés et où ces vêtements
6 avaient été emportés, et dans quelles conditions ces vêtements et objets
7 personnels appartenant aux personnes décédées se trouvaient entre les mains
8 du juge d'instruction.
9 Dans l'examen superficiel des corps, nous indiquions quelle était la taille
10 du corps, ensuite nous effectuions une estimation du poids. Nous décrivions
11 les éléments caractéristiques du corps, c'est-à-dire la couleur des
12 cheveux, des yeux, la forme des orbites, l'état des dents et des travaux
13 dentaires effectués éventuellement, nous indiquions si des dents étaient
14 manquantes. Nous décrivions la nature des blessures constatées par arme à
15 feu éventuellement, en quel cas nous essayions de déterminer les points
16 d'entrée et de sortie du projectile et le chemin de celui-ci. Dans certains
17 cas, il y avait plusieurs projectiles et nous ne pouvions pas déterminer
18 les orifices d'entrée et de sortie ou le chemin de chaque des projectiles.
19 Ensuite, nous indiquions quel était l'état de composition éventuel du
20 cadavre, puis le contenu des plaies. Et la description du cadavre en
21 indiquant quels étaient les vêtements qui le recouvraient au départ, est-ce
22 que nous avions trouvé certains de ces vêtements ou quoi que ce soit
23 d'autre sur le corps. Nous décrivions également l'état des vêtements,
24 déchirés ou perforés par un projectile éventuellement, salis ou plus ou
25 moins propres.
26 Et nous déterminions d'autres éléments, nous donnions notre avis sur la
27 cause de la mort, est-ce que c'était une mort due à la perte du sang ou à
28 d'autres causes ayant affecté les fonctions vitales les plus importantes.
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1 Puis nous essayions de déterminer si la mort était due à un meurtre ou à
2 d'autres causes. Dans certains cas, nous étions incapables de l'établir,
3 donc nous disions que la cause de la mort était le fait d'avoir été tué,
4 quand nous n'étions pas sûrs, nous l'indiquions tout à fait précisément.
5 Ensuite, nous enregistrions les photographies, et nous transmettions le
6 rapport d'autopsie.
7 Q. On peut donc dire que les rapports concernant les 29 corps que vous
8 avez examinés à l'usine Alhos lors de cette première visite ont été rédigés
9 selon exactement le même plan, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, j'écoutais ce que vous avez dit
12 tout en regardant le rapport pour le 24 et, effectivement, toutes les
13 indications que vous avez mentionnées y figurent bien. C'est donc très bien
14 fait. Il n'y a rien à dire. Mais il me semble manquer quelque chose.
15 Pourquoi vous ne déterminez pas de manière approximative l'heure ou le jour
16 de la mort, pas l'heure, c'est difficile, mais au moins le jour, en
17 fonction des mouches ou des vers constatés. Ce n'était pas possible ? Parce
18 que vous avez dit, il y avait des vers, tout le monde sait en fonction de
19 telle catégorie de vers on peut savoir, on peut déterminer
20 approximativement la date de la mort.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez vous-même que la détermination de
22 la date de la mort de cette façon en étudiant les caractéristiques
23 physiques, comme la présentation de vers ou de mouches sur le cadavre ou le
24 degré de putréfaction des chairs, n'est que très approximatif et qu'il est
25 difficile de déterminer la date exacte de la mort.
26 Mais au moment où nous avons travaillé, je n'avais pas la possibilité de
27 m'occuper de ce genre de chose, je veux dire au moment où je remplissais
28 ces rapports. C'est seulement plus tard, sur la base de tous les éléments
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1 que je viens d'indiquer, ainsi que sur la base des signes visibles de
2 transformation des corps que l'on voit sur les photographies, ce n'est que
3 plus tard que j'aurais pu me prononcer sur ce point. Mais à l'heure
4 actuelle, cela demeure une omission, c'est quelque chose que je n'ai pas
5 fait, car comme je l'ai déjà dit, nous n'avions pas le temps au moment des
6 faits de nous occuper de ce genre de chose.
7 M. FERRARA : [interprétation]
8 Q. Mais dans quelle condition se trouvaient ces corps ? S'ils étaient
9 putréfiés, oui ou non ?
10 R. Les corps étaient dans un état de putréfaction débutante, ceci est
11 écrit dans tous les rapports. Et on voit également sur les photographies
12 que les corps commencent à se décomposer et que des modifications sont déjà
13 intervenues au niveau de l'aspect de la peau, couleur de la peau, remontée
14 visible des vaisseaux sanguins sous-jacents et visibilité d'un certain
15 nombre d'autres paramètres. J'ai dit, par exemple, que les orbites étaient
16 considérablement modifiées, ce qui entravait la possibilité de reconnaître
17 ces corps, élément qui intervient de façon négative sur la possibilité
18 d'identification. Donc la majorité de ces cadavres étaient en état de
19 décomposition débutante.
20 Q. Suite à la question que vous a posée le Président de la Chambre,
21 j'aimerais savoir la chose suivante : avec ce type de données, est-ce que
22 vous pouviez déterminer approximativement le jour du meurtre de ces
23 personnes, c'est-à-dire au moins, est-ce que c'était six mois ou plutôt 15
24 jours ? Est-ce que vous pouvez faire une approximation ?
25 R. Je ne peux que vous donner une idée très générale, je peux vous donner
26 une fourchette très grande, mais je préférerais ne pas le faire ici
27 aujourd'hui pour une raison très simple, c'est que je ne dispose pas
28 d'éléments d'information indiquant où ces cadavres ont été découverts
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1 exactement. Car selon que ces cadavres ont été découverts dans une forêt ou
2 dans un lieu où la température était plus basse, ou dans un endroit humide,
3 le processus de décomposition s'en trouve considérablement modifié et donc
4 cela a un effet majeur sur l'approximation quant à la date. Donc je
5 préférerais, en l'absence de ces détails, ne pas me prononcer sur ce point.
6 Q. Est-ce que vous vous souvenez si la majorité de ces personnes ont été
7 tuées d'un coup de feu ou s'ils ont reçu plusieurs coups de feu ?
8 R. Sur les corps des victimes où j'ai trouvé des liaisons, plusieurs
9 projectiles avaient été tirés par armes à feu, autrement dit on trouvait
10 plusieurs blessures dues à l'utilisation d'armes à feu.
11 Q. Est-ce que le tribunal militaire vous a demandé de déterminer le moment
12 où ces personnes ont été tuées ?
13 R. Non.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, il est 10 heures, on continuera
15 après, on va faire la pause.
16 D'après les calculs, il doit vous rester une vingtaine de minutes.
17 Nous nous retrouverons tous dans 20 minutes.
18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.
19 --- L'audience est reprise à 10 heures 24.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
21 Monsieur Ferrara, une petite précision pour la Chambre. Le témoin que vous
22 avez cité, vous l'avez cité comme témoin de fait, il n'est pas cité comme
23 témoin expert. Pouvez-vous bien nous préciser cela ?
24 M. FERRARA : [interprétation] C'est un témoin expert.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Si c'est un expert, où est le rapport d'expertise ?
26 M. FERRARA : [interprétation] Conformément à l'article 94 bis, un expert
27 peut témoigner à partir d'un rapport ou à partir de sa déclaration.
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] En quelle qualité avez-vous cité ce
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1 témoin, c'est ça la question. Parce que d'après nous, il n'a pas été cité à
2 la barre conformément à l'article 94 bis.
3 M. FERRARA : [aucune interprétation]
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Depuis des années, on cite ce témoin
5 en tant que témoin expert dans mon affaire. Lorsque j'ai parlé de lui, je
6 l'ai qualifié d'expert. A un moment donné, j'avais envoyé un mémo sur des
7 moyens de défense spéciale à l'Accusation, et là je me suis référé à lui
8 comme étant un témoin expert. Donc depuis toujours c'était un témoin expert
9 dans cette affaire.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : La question est résolue, car la Chambre a rendu une
11 décision le 24 novembre. Il y en a tellement, on en rend des centaines, que
12 parfois il est très difficile de s'y retrouver. Mais nous avons reconnu la
13 qualité d'expert du témoin, et donc il témoigne conformément à l'article 94
14 bis.
15 On continue.
16 M. FERRARA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Pour ce qui est de votre demande à propos de Mirko Stojanovic, je dois vous
18 dire que le bureau du Procureur n'a jamais auditionné cet homme. Nous
19 n'avons pas de déclaration de ce Mirko Stojanovic.
20 Pour ce qui est du rapport d'autopsie préparé par le Dr Stankovic, je
21 souhaite demander le versement au dossier du rapport d'autopsie 99/29
22 [comme interprété] préparé à Zvornik. Je peux lire le numéro 65 ter, si
23 vous voulez --
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous demandez l'admission de tous les rapports parce
25 que vous n'allez pas le faire un par un. Vous demandez l'admission des 29 ?
26 M. FERRARA : [interprétation] Des 29, tout à fait.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va donner un numéro aux 29 rapports.
28 Monsieur le Greffier.
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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, cet ensemble
3 de rapports d'autopsie aura la cote numéro P704. Merci, Madame, Messieurs
4 les Juges.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Pour autant que je le sache, le sort
6 qui est réservé aux pièces à conviction dépend du fait qui est de savoir si
7 on va admettre au dossier le rapport d'expert ou la déclaration d'expert.
8 C'est la première fois que nous avons ici un expert qui a fait une
9 déclaration préalable au Procureur qui l'a rédigée en son nom et qui lui a
10 été lue. Jusqu'à présent, nous avons toujours eu un travail d'expertise
11 présenté par quelqu'un. Est-ce que vous allez accepter cela en tant que
12 rapport d'expert, cette déclaration qui a été rédigée pour lui par le
13 Procureur, et éventuellement les pièces à conviction qui viennent à
14 l'annexe de la déclaration ? Peut-être que vous allez rejeter la
15 déclaration de cet expert, et ils vous resteront les pièces. J'espère que
16 vous la rejetterez et ils vous resteront les pièces.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je lis pour l'information du public
18 l'article 94 bis, déposition des témoins experts : "Le rapport et/ou la
19 déclaration de tout témoin expert cité par une partie est intégralement
20 communiqué à la partie adverse dans les délais fixés par la Chambre de
21 première instance ou par le Juge de la mise en état dans les 30 jours
22 suivants," et cetera. Ce qui veut dire que la Chambre peut à l'issue du
23 contre-interrogatoire admettre la déclaration ou la rejeter. Ça dépendra du
24 contre-interrogatoire. Mais pour le moment, nous, nous avons admis les
25 pièces techniques des 29 examens de cadavres, ce qui n'a rien -- elles --
26 on peut admettre cela, rejeter la déclaration, et cetera. Mais cette pièce
27 qui est liste. Il n'y a pas de raison de contester qu'il y a eu un examen
28 des 29 cadavres. Voilà. Donc la déclaration que vous avez qui figure au
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1 dossier, on verra si on l'admet ou pas.
2 Continuez, Monsieur Ferrara.
3 M. FERRARA : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. J'avais
4 prévu de demander le versement au dossier de la déclaration du témoin.
5 Q. Monsieur le Professeur, passons à votre deuxième visite à Zvornik.
6 Quand ceci a-t-il eu lieu ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection de plus. Au titre de
8 l'article 94 bis, il serait question d'une déclaration, mais maintenant
9 nous avons deux déclarations. Alors la question est de savoir laquelle des
10 deux déclarations serait susceptible d'être versée au dossier ? D'après ce
11 que j'ai compris jusqu'à présent, il s'agissait uniquement de la
12 déclaration du 1er octobre 2003. Est-ce qu'il s'agit des deux déclarations
13 ou de l'une des deux ou est-ce que les deux peuvent être versées au dossier
14 ? Si le Procureur le demande alors la question s'impose logiquement qui est
15 de savoir pourquoi il ne les a pas regroupées en temps utile ?
16 M. LE JUGE ANTONETTI : La question peut se poser de savoir si le Procureur
17 va demander les deux ou une, on verra. Mais s'il demande les deux, à ce
18 moment-là, la Chambre verra si les deux peuvent être admises ou l'une, pas
19 l'autre, et cetera. Donc on a pris note de ce que vous dites.
20 M. FERRARA : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais demander le
21 versement au dossier de la deuxième déclaration seulement parce que c'est
22 celle qui porte sur notre acte d'accusation. La première déclaration qui a
23 été faite, je crois, en 2001, porte sur des endroits comme Srebrenica et
24 d'autres endroits qui ne figurent pas dans notre acte d'accusation.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ça sera la deuxième. Très bien.
26 M. FERRARA : [interprétation]
27 Q. Monsieur le Professeur, quand vous êtes-vous rendu à Zvornik la
28 deuxième fois ?
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1 R. La deuxième fois, j'ai reçu la consigne de la part --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant. Monsieur Ferrara, vous abordez sa
3 deuxième visite. Si vous me le permettez, moi, je voudrais revenir aux 29
4 rapports d'autopsie. Je pensais que vous alliez poser la question, puis
5 c'est peut-être le break qui vous l'a fait oublier. Je voudrais revenir au
6 24.
7 Alors comme le Procureur ne vous a pas posé la question, je me dois de la
8 poser. Dans la conclusion sur les causes de la mort, car dans cette matière
9 on essaye toujours de savoir quelles sont les causes de la mort. Au 24, la
10 dernière ligne, vous dites la mort est probablement le résultat d'un
11 meurtre. C'est la conclusion, ce qui veut dire que l'examen auquel vous
12 avez procédé vous conduit à conclure qu'il y a eu meurtre ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc le juge d'instruction est informé qu'il y a eu
15 meurtre. Que fait-il, à votre connaissance ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce que le juge d'instruction a
17 fait par la suite.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez dans la JNA. Vous avez terminé comme
19 général. Donc vous êtes un militaire de haut rang, bien que médecin de
20 votre Etat. Mais dans les règles de l'armée de la JNA, dans une situation
21 pareille le juge d'instruction militaire est informé qu'il y a meurtre, que
22 doit-il faire ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant tout, il déclenche les activités liées à
24 l'enquête. Il faut tout d'abord procéder à un examen du site, lieu où le
25 corps a été retrouvé. En temps de paix, on l'accompagnait nécessairement,
26 nous étions des collaborateurs techniques du juge d'instruction. On
27 rassemble et il fait recueillir tous les éléments, toutes les traces, les
28 empreintes, tout ce qui peut indiquer la cause du décès, les circonstances
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1 de l'événement. Par la suite, il constitue un dossier de police technique
2 et scientifique. C'est eux qui procèdent à la constitution du dossier avec
3 l'enregistrement de l'ensemble des détails qui peuvent être relevés sur les
4 lieux. Ensuite, il procède à l'audition des témoins ou des personnes qui
5 ont quelque chose à dire au sujet de l'événement en question. Ensuite, il
6 s'adresse au médecin légiste ou à un médecin qui est sur place, il lui
7 demande de décrire la position dans laquelle le corps a été retrouvé et
8 éventuellement des traces biologiques qui ont été constatées sur le sol, le
9 substrat ou dans les parages, dans les environs du corps. Il s'adresse au
10 médecin légiste pour qu'éventuellement il lui fasse part d'autres remarques
11 qui portent sur l'événement concret et qui sont du ressort du médecin
12 légiste. A partir du moment où ce chapitre est terminé, il donne l'ordre de
13 transporter le corps au dépôt mortuaire où on va procéder à l'autopsie. Il
14 envoie des échantillons dans des laboratoires où on va procéder à des
15 analyses en fonction de l'échantillon et de l'analyse demandée. Par la
16 suite, une fois que tout cela a été recueilli et rassemblé, il s'adresse au
17 médecin légiste de remettre le PV d'autopsie, enfin, tout ce qui est lié à
18 cette affaire. Une fois qu'il a rassemblé tous les faits portant sur une
19 situation donnée, il remet cela au procureur militaire. Puis à partir du
20 moment où il a pris connaissance du dossier, le procureur décide s'il y a
21 lieu d'engager une procédure de poursuite contre un individu, ou il demande
22 que l'on déclanche des activités supplémentaires, entre autres, une
23 expertise de médecine légale ou sur la base de l'ensemble des éléments qui
24 figurent dans le dossier, un expert se prononce sur ce qui concerne plus
25 particulièrement cette affaire. Une fois qu'il y a eu cette expertise,
26 cette analyse, l'expert renvoie le dossier au procureur. Une fois que tout
27 cela a été fait, on dresse l'acte d'accusation.
28 Chez nous, un procès a eu lieu devant une chambre. Ça dépend du crime
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1 ou de l'infraction, enfin, la constitution de la chambre en dépend. Un
2 procès a eu lieu comme celui-ci où sont représentés à la fois les
3 représentants des victimes et l'accusé, la chambre, le procureur et les
4 témoins, et les experts viennent répondre aux questions. Donc les témoins
5 répondent aux questions posées par toutes les parties. C'est ainsi que cela
6 se passe dans notre système judiciaire.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Votre réponse est très complète. Il n'y a
8 aucun commentaire à faire.
9 Donc si je comprends bien, une fois que vous avez fait les 29 rapports
10 d'autopsie remis au juge d'instruction, il, compte tenu de la conclusion
11 qu'il y a eu meurtre, il devait saisir le procureur. A votre connaissance,
12 l'a-t-il fait ou ne l'a-t-il pas fait ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pensez que oui. Pourquoi le procureur n'a pas
15 continué afin qu'on identifie les auteurs du meurtre ? Vous n'avez peut-
16 être pas la réponse.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, moi, je m'intéresse à ce qui est
18 de mon ressort. Je ne m'ingère pas dans les activités du procureur parce
19 que ça pourrait être mal vu, mal compris. Donc dans le cadre de mes
20 activités professionnelles, j'essaye d'agir uniquement dans le cadre de mes
21 attributions et par rapport à ce qui est de mon ressort. Donc je pensais
22 que celui qui en avait la compétence devait s'en occuper, et s'il ne l'a
23 pas fait, il en est responsable.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand -- enfin, dernière question. On pourrait y
25 passer du temps, mais je surveille la montre parce qu'il doit rester 20
26 minutes au Procureur, puis M. Seselj a une heure.
27 Quand vous avez été entendu dans la deuxième déclaration par les
28 trois personnes du bureau du Procureur - je ne cite pas les noms, mais ils
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1 étaient trois - personne parmi les enquêteurs ne vous a demandé : vous avez
2 fait un rapport d'autopsie; vous l'avez remis au juge d'instruction; qu'est
3 devenu ce rapport ? Ils n'ont pas eu la curiosité intellectuelle de vous
4 poser les questions que je viens de vous poser ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que les enquêteurs m'avaient posé la
6 question, ils m'ont demandé où était Mirko Stojanovic; est-ce que je savais
7 comment ils pourraient prendre contact avec lui, et je leur ai dit - c'est
8 ce qui figure dans ma déclaration - que Mirko Stojanovic a été juge
9 militaire à Ljubinje. Après la décomposition de la Yougoslavie, il s'est
10 trouvé au tribunal militaire de Belgrade. Vite après le début de la guerre,
11 après ces enquêtes qu'il a menées, il a été mis à la retraite. Depuis ce
12 moment-là, je n'ai plus eu de contact avec lui, je ne sais pas non plus où
13 il s'est rendu ni où il réside, ni ce qu'il fait.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, vous avez dit
15 que cet expert a donné cette déclaration à trois hommes. Cela concerne sa
16 première déclaration. La deuxième déclaration a été donnée à un homme, il
17 me semble que c'est une femme, Rita Pradhan.
18 Mais j'attire votre attention sur autre chose : le 8 juillet - c'est la
19 date de la déclaration, mais ce n'est que le 1er octobre 2003 qu'on a donné
20 lecture de la déclaration au témoin - vous voyez la petite déclaration, la
21 deuxième, qui concerne notre affaire ici.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais à la deuxième déclaration. Alors il y a une
23 déclaration des 14, 15, 16, 17, 18 et 19 août. Là, il y a trois personnes
24 qui vous interviewent. La déclaration du 8 juillet 2003, il y a une dame
25 qui vous interviewe, Rita Pradhan. Alors que ça soit les trois ou cette
26 dame - en question complémentaire - apparemment, on vous a demandé où était
27 ce juge qu'on aurait, à mon avis, facilement retrouvé. Mais ils ne vous ont
28 pas posé les questions sur le procureur pour savoir qu'aurait fait le
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1 procureur, dans votre souvenir ? Ça remonte à très longtemps. Je comprends.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que non.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Monsieur Ferrara.
4 M. FERRARA : [interprétation] Quelle était la réponse ?
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, la réponse, "Je pense que non," a-t-il dit.
6 Oui, ce n'est pas au transcript. Vous avez dit, "Je pense que non" ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
8 M. FERRARA : [interprétation]
9 Q. Monsieur le Professeur, quand avez-vous visité Zvornik pour la deuxième
10 fois ?
11 R. La deuxième fois c'était le 5 mai 1992, sur ordres du tribunal
12 militaire.
13 Q. Qui était là à ce moment-là ?
14 R. A ce moment-là, le juge d'instruction n'est pas parti avec nous. Il
15 s'est contenté de nous donner l'instruction de partir, il est resté à
16 Belgrade. Nous sommes allés, donc Dr Milo Savlejevic, Djicovic [phon] et
17 Sojotic [phon] qui étaient des assistants, lui il était médecin, et moi-
18 même. Donc c'était l'équipe qui a pris un véhicule à part au nom de
19 l'Académie militaire médicale de Belgrade. Puis des représentants du MUP de
20 Belgrade sont venus. Eux, ils se sont livrés à des activités qui relèvent
21 de leurs compétences et, entre autres, ils devaient photographier les
22 cadavres sur lesquels nous travaillions. Sur place, on a été accueilli par
23 des représentants de la voirie de Zvornik, ils nous ont aidés, ils nous ont
24 aidés à transporter, à apporter et à emporter les corps examinés.
25 Q. Où vous êtes-vous rendus pour aller examiner ces corps; c'était dans
26 l'usine Alhos à nouveau ou à un autre endroit ?
27 R. C'était au même endroit, le même site, comme l'endroit où nous avons
28 travaillé la première fois.
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1 Q. D'où venaient ces corps ?
2 R. On nous a dit que ces corps venaient également de Kula Grad, des bois
3 ou de la forêt. Les corps étaient déjà entreposés dans la salle de machines
4 de l'usine Alhos, dans cette partie où il y avait les chaudières de
5 l'usine.
6 Q. Ces corps ne se trouvaient pas là au moment où vous vous y êtes rendus
7 la première fois, le 13 [comme interprété] avril 1992, n'est-ce pas ?
8 R. Le 30 avril 1992, ces corps n'étaient pas sur place. On les a
9 apportés par la suite à partir du moment où on avait déjà conduit l'examen
10 du premier groupe de corps.
11 Q. Etaient-ce des Musulmans ou des Serbes ?
12 R. On nous a dit là aussi que c'étaient des Musulmans. Les gens qui ont
13 apporté ces corps ont dit que c'étaient des Musulmans qui ont péri dans le
14 cadre des conflits armés entre les parties belligérantes dans le secteur
15 qui se situe en contrebas de Kula Grad de Zvornik; ils nous ont dit qu'ils
16 les ont retrouvés dans cette forêt. A l'examen qui a été conduit sur le
17 terrain par la suite par des employés de la voirie et ceux qui se sont
18 trouvés sur place pour ramasser les corps pour les mettre dans les housses,
19 ils les ont apportés à l'endroit où nous les avons examinés le 5.
20 Q. Combien de corps avez-vous examinés cette deuxième fois ?
21 R. A cette deuxième occasion, c'était à partir de Z-I-53 jusqu'à Z-I-114.
22 Q. Avez-vous préparé des rapports d'autopsie selon le même modèle que vous
23 aviez utilisé pour le premier groupe de corps ?
24 R. Non, je n'ai pas rédigé de rapport d'autopsie, parce que les
25 photographies qui ont été faites à ce moment-là ne m'ont pas été transmises
26 par les membres du MUP qui avaient pris les photos. Lorsque je leur ai posé
27 la question, on m'a dit que ces photos avaient été transmises au tribunal
28 de Zvornik, je ne comprenais pas pourquoi. J'ai demandé pourquoi elles se
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1 trouvaient à Zvornik alors que c'est le tribunal militaire de Belgrade qui
2 avait ordonné une enquête. Ils m'ont dit de m'adresser à Zvornik, et c'est
3 ce que j'ai fait. On m'a répondu que les photographies ne s'y trouvaient
4 pas, et depuis ce jour, on ne m'a jamais communiqué ces photographies. Je
5 ne voulais pas procéder à des rapports d'autopsie sans avoir de
6 photographie, sans aucune preuve vidéo ou photo montrant dans quel état
7 étaient les corps sur lesquels j'ai conduit l'examen et des objets que j'ai
8 examinés pendant l'autopsie. J'ai entre mes mains l'ensemble des documents
9 qui ont été établis suite à cet examen. Mais je n'ai pas fait de rapport
10 d'autopsie.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, un petit mystère à éclaircir.
12 Lors de votre deuxième venue, il y avait des représentants du MUP. Le MUP,
13 tout le monde le sait - enfin, ceux qui ne le savent pas, ils vont le
14 savoir - relève du ministère de l'Intérieur. Il n'a rien à voir avec
15 l'armée a priori puisque vous, vous exerciez à l'époque votre fonction dans
16 le cadre militaire. Donc s'il y a des représentants du MUP, qu'est-ce que
17 cela signifiait en termes de procédures ? Est-ce à dire que l'autorité
18 civile, voire le procureur civil, pouvait être intéressé à ce qui s'était
19 passé ? Pourquoi le MUP était là ? Vous avez une réponse ou pas ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Le tribunal militaire n'avait pas de
21 personnel, n'avait pas de moyens non plus pour répondre à tous les besoins
22 au début de la guerre dans l'ex-Yougoslavie. Donc comme lorsqu'il s'agit de
23 Vukovar, quand il s'est adressé à des juges civils pour mener à bien un
24 certain nombre d'activités à Vukovar, là aussi il a fait appel au MUP de
25 Belgrade, l'équipe qui avait les appareils nécessaires, et qui avait plus
26 d'expérience que les experts militaires pour la dactyloscopie, par exemple,
27 parce que c'est quelque chose qu'ils faisaient tous les jours. Et dans le
28 cadre de leur travail c'était une question de routine, alors que l'armée
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1 quant à elle, avait plein de problèmes, compte tenu des problèmes qu'elle
2 avait avec son personnel et la situation qui prévalait dans ses unités.
3 Donc on a fait appel à eux pour qu'ils viennent en aide. Et le juge
4 d'instruction l'a demandé à son homologue au sein de la police, le
5 supérieur qui en avait la compétence.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc le MUP a apporté une contribution technique,
7 mais l'enquête était toujours sous autorité militaire.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, la compétence, c'est du tribunal
9 militaire.
10 M. FERRARA : [interprétation]
11 Q. Donc vous n'avez jamais vu ces photographies qui portent sur ce
12 deuxième groupe de corps ?
13 R. Non.
14 Q. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé à la fin de cette deuxième
15 visite ?
16 R. Je ne vois pas concrètement ce que vous avez à l'esprit. Il y avait
17 beaucoup de choses.
18 Q. Vous souvenez-vous si oui ou non on vous a tiré dessus, et comment ceci
19 est arrivé ?
20 R. Une fois l'autopsie terminée, nous avons placé les corps dans des
21 housses en plastique - excusez-moi - et nous avons remis les vêtements dans
22 des sacs en plastique posés à côté des corps, parce que nous avons estimé
23 que les proches allaient se rendre sur place pour essayer d'identifier les
24 leurs, et en partie qu'ils allaient se baser sur l'examen des vêtements
25 pour ce faire. Mais comme ces corps étaient déjà considérablement
26 décomposés, et dans chacune de ces housses il y avait plein de vers, de ma
27 vie, malgré toutes ces autopsies que j'ai jamais conduites, je n'avais
28 jamais vu autant de vers sur des corps. Donc il nous est arrivé de sortir
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1 des effets personnels ou certains objets de ces housses pour les placer à
2 un endroit derrière l'usine d'Alhos pour que ces documents sèchent pour
3 pouvoir les remettre ultérieurement à ceux de Zvornik qui allaient
4 continuer avec le processus d'identification.
5 A partir du moment où nous avons emballé des choses comme ça, un groupe de
6 personnes a fait son apparition. C'étaient des gens barbus avec des
7 cocardes. Et nous sommes entrés en conflit parce que je ne voulais pas
8 accepter que ces gens viennent à l'endroit où nous étions en train de faire
9 des autopsies, parce que c'est la loi qui le veut, c'est conforme aux
10 règles, toute personne non autorisée n'a pas accès au lieu d'autopsie. Il y
11 a eu ce conflit entre nous. Eux, ils avaient leurs raisons, je suppose, des
12 raisons qui les ont emmenés là-bas, et je me suis plaint auprès d'un
13 policier qui était au premier étage, et je lui ai dit qu'il fallait qu'il
14 écarte ces gens, parce que je voulais réunir ces documents que je devais
15 par la suite emballer dans des sacs en plastique et remettre aux employés
16 de la police. A ce moment-là, d'une manière tout à fait inattendue, un de
17 ces hommes qui étaient là a pointé son fusil sur moi. Je ne sais pas s'il
18 avait bu ou pas. J'étais seul. C'était une chose complètement inattendue.
19 Je ne m'attendais pas à ce qu'il tire, parce qu'il y avait quelqu'un à côté
20 de lui et celui-là a poussé son bras, et je pense que deux ou trois balles
21 sont parties, peu importe, une rafale est passée à côté de ma tête. Je l'ai
22 mal vécu pour plusieurs raisons, et essentiellement parce que je devais me
23 taire, puisque de toute façon ça nous était difficile de trouver des gens
24 qui étaient prêts à procéder à des autopsies dans de telles circonstances,
25 parce que seuls ceux qui ne se sont jamais trouvés à un endroit pareil et
26 qui ne sont pas trouvés en première ligne peut demander une procédure
27 prévue par la loi pour l'autopsie des corps.
28 C'est une situation complètement étrange. Il y avait beaucoup d'émotion.
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1 Ces gens sont repartis. Après cela, j'ai emballé les vêtements, puis je me
2 suis tu. Je n'en ai pas parlé à mes assistants, à ceux qui faisaient partie
3 de mon équipe, parce que le lendemain je me serais retrouvé seul pour faire
4 des autopsies, autopsies à faire sur instruction des gens qui en avaient la
5 compétence.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Celui qui vous a tiré dessus, manifestement il
7 devait faire partie d'une unité. Comme vous, vous étiez officier, pourquoi
8 vous n'avez pas saisi votre autorisé afin que des poursuites soient
9 intentées contre ce soldat ? Parce que c'est inadmissible qu'un soldat tire
10 sur un officier qui fait son travail. Pourquoi vous avez préféré garder le
11 silence ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, il n'était pas question d'un soldat.
13 Cet homme était membre de ce qu'il est convenu d'appeler des formations
14 paramilitaires. C'est le premier point. Deuxième point, à l'endroit où
15 avait eu lieu des combats, et d'ailleurs c'est une chose que j'entends dire
16 souvent dans la présente affaire, ainsi que dans d'autres ici, on dit qu'on
17 peut distinguer à quelle formation, à quelle unité appartenait tel ou tel
18 homme. Les seuls qui pouvaient être distingués des autres participants
19 étaient les membres de l'armée qui avaient des insignes et des emblèmes
20 caractéristiques, puis d'autres qu'on pouvait éventuellement distinguer et
21 reconnaître, c'étaient ceux qu'il est convenu d'appeler les membres des
22 unités d'Arkan qui avaient une tenue très particulière. Mais les autres, on
23 ne pouvait pas faire la différence entre les uns et les autres, savoir
24 s'ils étaient membres de telle ou telle formation, savoir s'ils se
25 présentaient comme étant un tel ou un tel, ça, personne ne pouvait en
26 vérifier la vérité ou non, en tout cas quand je me suis trouvé dans ces
27 endroits. A qui j'aurais pu me plaindre, puisque je ne savais même pas de
28 qui dépendait l'homme en question ni pourquoi il se trouvait là ? A
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1 l'époque, entre les hommes qui faisaient partie de l'armée, la plus grande
2 confusion régnait au moment où en fait était en cours ce dont on sait
3 aujourd'hui que c'était un démantèlement de la Yougoslavie. Je ne croyais
4 pas que la Yougoslavie allait tomber en morceaux comme elle l'a fait, comme
5 un jeu de cartes. Pendant ces quelques années qu'a duré le processus, le
6 pays s'est écroulé comme un véritable château de cartes. La majeure partie
7 des institutions et des structures de l'Etat de l'ex-Yougoslavie a disparu
8 en même temps. Donc je n'avais même pas à qui me plaindre.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je peux tomber d'accord avec ce que vous venez de
10 dire, mais en 1992 quand vous allez pour la deuxième fois à Zvornik, je
11 présume que la JNA, pour le moins, il devait bien y avoir une responsable
12 militaire qui avait autorité sur toute cette zone, indépendamment du fait
13 qu'il y avait des unités paramilitaires, non ? Ou c'était le chaos le plus
14 total ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Le chaos le plus complet régnait là-bas. Je
16 vais vous dire une chose. Et là je reviens sur Vukovar.
17 Quand nous sommes arrivés à Vukovar avec une équipe de civils et de juges
18 d'instruction, de collaborateurs techniques et avec tous ceux qui nous
19 accompagnaient, nous avons pris le chemin d'un certain nombre d'endroits où
20 on savait que des cadavres existaient de personnes qui avaient été tuées.
21 Nous avons dû bénéficier de la protection d'un certain nombre d'hommes
22 appartenant à ce qu'il est convenu d'appeler la Défense territoriale de
23 Vukovar. Qui était ces hommes ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, ils
24 devaient se trouver là pour nous protéger contre les tirs dans le secteur
25 et contre l'explosion éventuelle de mines. Donc voilà, le chaos le plus
26 total régnait. Pourquoi ? Parce que l'armée à l'époque englobait des hommes
27 qui étaient d'appartenance éthique diverse, et qu'on savait déjà à l'époque
28 que la Slovénie s'était détachée du pays, que la Croatie était
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1 factuellement en train de le faire. Ensuite est arrivée la Bosnie qui,
2 comme chacun le sait, était à l'origine un environnement multiethnique.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Ferrara.
4 M. FERRARA : [interprétation]
5 Q. Donc vous ne savez pas à quelle unité appartenait cet homme qui vous a
6 tiré dessus ?
7 R. Non, et je ne peux pas --
8 Q. Vous ne pouvez pas ?
9 R. Je n'ai pas entendu la question.
10 Q. Est-ce qu'ils vous ont dit pourquoi ils voulaient rentrer pour voir des
11 corps ?
12 R. Non.]
13 Q. -- à nouveau rendu à Zvornik après cette deuxième visite ?
14 R. Après ma deuxième visite à Zvornik, j'y suis retourné à plusieurs
15 reprises, car nous avons pratiqué des autopsies sur les corps d'un certain
16 nombre de Serbes et membres de l'armée de la Republika Srpska, cadavres
17 découverts dans les collines et les environs de Zvornik. Je crois que j'y
18 suis retourné six ou sept fois, voire un peu plus ou un peu moins, je ne
19 saurais être tout à fait exact.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question accessoire de la Chambre mais qui
21 intéresse au plus haut point la Chambre.
22 Quand tout à l'heure on a parlé du chaos, d'après vous, est-ce que l'armée
23 officielle, la JNA avait le pouvoir de donner des ordres à ces unités
24 paramilitaires ou, d'après les connaissances que vous avez, elle était dans
25 l'incapacité de le faire ? Prenez votre temps avant de répondre.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que dans cette région - et
27 d'ailleurs pas seulement dans cette région - régnait le plus grand chaos
28 s'agissant des liens hiérarchiques et de subordination. A cette époque
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1 déjà, vous vous en souviendrez, la Bosnie-Herzégovine avait déclaré son
2 indépendance. Je crois qu'elle l'avait déjà fait à ce moment-là, et il
3 avait déjà été annoncé que les soldats de la JNA n'avaient plus rien à voir
4 en Bosnie-Herzégovine. Donc l'armée était en train de commencer à préparer
5 son retrait. Dans une situation de ce genre, personnes ne pouvait jouer un
6 rôle dominant ou commander les membres de ces unités, en tout cas pas dans
7 une situation où l'armée se prépare à partir. Personne n'avait l'autorité
8 suffisante pour ordonner à certaines formations paramilitaires quel devait
9 être leur comportement.
10 Lorsqu'une certaine collaboration s'est instaurée entre nous et eux, il y
11 avait l'Académie de santé militaire, et il y a eu une certaine
12 collaboration dans la réalisation des autopsies entre les volontaires du
13 Parti radical serbe et ces autres instances. A ce moment-là, il y avait un
14 homme très sérieux, très responsable aussi, le Vojvoda Zoran Drazilovic qui
15 faisait partie de ces volontaires du Parti radical serbe, et qui était
16 responsable de l'examen, de l'analyse des cadavres de volontaires tués au
17 combat, et il s'assurait que les corps de ces hommes soient ramenés à
18 l'Académie de santé militaire, que tous les cadavres soient autopsiés dans
19 le respect des règles et des procédures qui s'imposent dans de telles
20 circonstances. Par la suite, il a également été chargé de restituer ces
21 corps aux familles et d'obtenir une identification, le cas échéant, et
22 cetera, mais ça, ça s'est passé plus tard.
23 Je crois que le 19 mai, c'est le dernier jour du retrait de la JNA hors de
24 la Bosnie-Herzégovine, jusqu'à ce moment-là pour autant que je le sache,
25 des préparatifs avaient déjà commencé pour garantir que tous les soldats
26 pourraient quitter la Bosnie-Herzégovine en sécurité. Parce que je me
27 souviens que je suis allé à Sarajevo et qu'il y avait dans la période
28 antérieure des soldats et des officiers qui s'étaient fait tuer à Sarajevo.
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1 J'étais responsable de l'examen de cadavres et j'ai pu aller à Sarajevo en
2 ce moment-là, mais dans la période ultérieure, nous n'avons plus eu
3 l'autorisation d'entrer sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Ferrara, j'aimerais demander
6 au témoin de rajouter une phrase à sa dernière déclaration. Est-ce que nous
7 devons penser qu'après le 19 mai, on a donné ordre aux membres de la JNA de
8 ne plus rentrer sur le territoire bosnien ? Mais est-ce que cette
9 interdiction s'appliquait aussi aux unités de volontaires ? C'est-à-dire,
10 après le 19 mai est-ce qu'ils pouvaient rentrer en Bosnie-Herzégovine, oui
11 ou non ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons reçu cet ordre de l'armée, ça je le
13 sais par ma situation personnelle. Après le 19, après le retrait de l'armée
14 hors de Bosnie-Herzégovine, nous n'avions plus le droit d'aller dans cette
15 région, où un nouveau commandement avait été créé, qui était placé sous la
16 responsabilité du général Mladic qui a succédé au général Kukanjac. C'est à
17 partir de ce moment-là qu'on a eu cette interdiction. Quant aux
18 volontaires, je ne peux pas en parler car je ne sais pas grand-chose à leur
19 sujet.
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara.
22 M. FERRARA : [interprétation]
23 Q. Quand est-ce que la coopération était bonne avec les volontaires du
24 SRS, s'il vous plaît ?
25 R. La coopération a commencé en 1992-1993, si je ne me trompe, et a duré
26 jusqu'à la fin des combats. Zoran Drazilovic était responsable des
27 volontaires, et tous ces volontaires, quel que soit l'endroit où ils
28 étaient tombés au combat sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, faisait
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1 l'objet d'un examen des cadavres et d'une autopsie et de tous les
2 préparatifs nécessaires à l'inhumation après avoir été transférés à
3 l'Académie de santé militaire.
4 Q. Quand est-ce que vous vous êtes rendu à Zvornik pour la troisième fois
5 ? Vous dites que vous aviez des choses à faire à propos des victimes
6 serbes, pouvez-vous nous dire quand cela s'est passé ?
7 R. Cela a eu lieu le 16 février 1993, date à laquelle j'ai reçu un appel
8 du président du tribunal de Zvornik, M. Vasa Eric, qui m'a demandé de venir
9 pour apporter mon aide à l'identification d'un certain nombre de cadavres
10 qui avaient été découverts ou devaient être exhumés dans la région de
11 Glagenska Brdo [phon], du mont Glodjane. J'ai demandé à me rendre dans la
12 région, car des Serbes avaient été tués à Sijekovac et Milici et que
13 personne ne voulait y aller parce qu'il y avait des combats. Donc on m'a
14 appelé pour faire ce travail et j'ai accepté.
15 Mais à ma demande, les autorités médicales de l'armée que j'avais
16 consultées m'ont répondu que je pouvais m'y rendre, mais uniquement à titre
17 de volontaire, et que l'armée n'acceptait aucune responsabilité au cas où
18 il m'arriverait un malheur, et que ma famille ne pourrait pas s'adresser à
19 l'armée pour une quelconque réclamation dans ce cas. J'ai dit, très bien,
20 pas de problème, j'y vais dans ces conditions.
21 Et c'est dans ces conditions, par conséquent, que je suis allé à Zvornik
22 après que nous avons appelé le général Pandurevic, qui nous a dit qu'il
23 fallait nous rendre sur ce mont, sur cette montagne où il y avait un très
24 grand nombre de Serbes qui avaient trouvé la mort au cours des combats. Il
25 nous a annoncé que nous nous y rendrions à bord d'autobus accompagnés de
26 nombreux journalistes. Donc si je ne me trompe, c'est le 18 que nous sommes
27 arrivés à Zvornik et le 19 que nous avons commencé à exhumer des cadavres à
28 cet endroit qui s'appelle donc le mont Lejara [phon].
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1 Q. Une dernière question. Pouvez-vous nous dire si la procédure que vous
2 avez employée pour examiner les cadavres des Musulmans était différente de
3 la procédure que vous avez utilisée lorsque vous avez examiné les cadavres
4 serbes sortis de ces
5 charniers ?
6 R. Il y a eu une différence dans la mesure où nous avons pu pratiquer ce
7 qu'il est convenu d'appeler des autopsies partielles à ce moment-là. Compte
8 tenu des conditions qui régnaient à Zvornik à ce moment-là, Zvornik n'était
9 plus au cœur de la zone de combat. Les combats se déroulaient à une
10 vingtaine de kilomètres de Zvornik ou même davantage, donc cela nous a
11 donné la possibilité et le temps, par exemple, d'étudier de plus près les
12 chemins des projectiles à l'intérieur des corps de façon à voir si une
13 plaie était le résultat de l'impact d'un projectile ou de l'utilisation
14 d'un autre instrument, d'une autre arme, d'un autre objet. Donc des
15 différences ont pu être déterminées dans les autopsies.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
17 M. FERRARA : [interprétation] Messieurs, Madame les Juges, je n'ai plus de
18 questions, et j'aimerais verser, s'il vous plaît, la déclaration du 8
19 juillet 2003.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : On statuera après le contre-interrogatoire. J'ai
21 juste une question qui --
22 M. FERRARA : [interprétation] Avant, je demandais que nous modifiions la
23 liste 65 ter de l'Accusation parce que cette déclaration n'est pas incluse
24 dans notre liste.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : La deuxième, très bien.
26 Monsieur, j'ai une question très importante à vous poser. En règle
27 générale, quand je pose des questions c'est qu'il y a un intérêt, mais là
28 il y a un intérêt particulier dont vous-même vous avez évoqué cela.
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1 Vous avez dit, parlant de Zoran Drazilovic, parlant des volontaires
2 du Parti radical serbe, si j'ai bien compris dans la traduction, vous avez
3 dit que :
4 "Lorsqu'un volontaire du Parti radical serbe était tué au combat, on
5 ramenait son corps à l'académie militaire où il y avait lieu à une
6 autopsie."
7 Alors quand j'entends cela, je me pose la question de savoir pourquoi ce
8 sort privilégié pour ces volontaires du Parti radical serbe ? Pourquoi une
9 autopsie ne se faisait-elle pas de manière automatique pour tous les autres
10 combattants ? Pourquoi ceux-là ? Vous pouvez répondre ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais vous répondre.
12 D'abord, nous réalisions les autopsies de tous les membres de l'armée - je
13 veux dire de la JNA, donc de l'armée yougoslave - dès lors qu'il s'agissait
14 d'hommes tombés au combat pendant la guerre qui a touché cette région.
15 Deuxième point, les volontaires du Parti radical serbe ou autre, lorsqu'ils
16 tombaient au combat, leurs cadavres étaient rapatriés en même temps que les
17 cadavres de tous les autres soldats et ils étaient transférés comme les
18 autres à l'Académie de santé militaire. Nous devions, après autopsie,
19 remettre les restes de ces corps aux familles. Nous n'avions aucune
20 consigne de la part des tribunaux compétents ou des juges d'instruction
21 d'examiner ces cadavres de plus près. Lorsque la guerre a commencé, ces
22 cadavres de volontaires ainsi que ceux des membres de la JNA, je
23 transmettais les rapports d'autopsie aux juges d'instruction, et ceux-ci me
24 répondaient par retour de courrier que ces hommes étant tombés au combat ne
25 relevaient pas de la responsabilité des tribunaux. C'était une absurdité,
26 évidemment, mais elle existait à l'époque.
27 Donc de ma propre initiative, nous avons tout de même décidé de réaliser
28 les examens et autopsies de ces cadavres. Nous devions donc demander à
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1 cette fin l'autorisation de l'état-major, autorisation que nous avons reçue
2 même si certains n'étaient pas d'accord avec notre initiative. Alors quand
3 nous recevions un cadavre, selon les blessures qu'il présentait ou l'état
4 du corps, de toute façon, nous devions enlever les vêtements de ce cadavre
5 et établir des documents pour ces corps qui étaient, d'une certaine façon,
6 des victimes de la guerre. Car je considérais de ma responsabilité par
7 rapport à l'avenir de pouvoir répondre à toute personne membre de famille
8 ou journaliste ou autre qui s'enquérrait d'un certain nombre de détails
9 relatifs aux conditions dans lesquelles l'homme en question était mort.
10 Donc c'est de cette façon que nous avons travaillé. Mais les corps de ces
11 volontaires n'étaient pas privilégiés. Ils étaient simplement des corps que
12 l'on traitait comme les autres et qui subissaient les mêmes examens et les
13 mêmes conditions d'inhumation décentes.
14 Je peux vous donner un autre exemple, deux volontaires d'Arkan. Leurs corps
15 ont également été ramenés à l'Académie de santé militaire à partir de
16 l'endroit où ils ont été découverts, nous les avons examinés. Ensuite, nous
17 avons remis les restes aux familles, ou en tout cas, aux personnes qui en
18 étaient responsables.
19 Mais ensuite, plus le nombre de victimes a augmenté, plus nous sommes
20 devenus une espèce de centre auquel s'adressait la Commission chargée des
21 questions relatives aux droits humains dans le cadre des pourparlers
22 nécessaires pour les échanges de ces restes humains. Je dirais donc que
23 nous n'avons pas accordé un traitement privilégié aux cadavres dont je
24 parle, c'était simplement un traitement qui était prévu dans les
25 circonstances de l'époque.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc il n'y avait pas de traitement
27 particulier, parce qu'ils étaient membres du Parti radical serbe. Mais de
28 votre réponse découle une autre question qui est peut-être encore plus
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1 importante.
2 Si les volontaires du Parti radical serbe sont traités, autopsiés à
3 l'académie militaire comme les militaires de la JNA, est-ce à dire à ce
4 moment-là que vous les considériez comme ayant un statut de militaire et
5 que de ce fait ces volontaires étaient sous l'autorité de la JNA ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je considérais simplement et je considère
7 encore aujourd'hui que nous sommes tenus de réaliser les autopsies
8 relatives à des personnes venant des couches sociales inférieures de la
9 société ou des couches supérieures. Donc je ne changeais rien à ma façon de
10 conduire une autopsie, qu'il s'agisse des fonctionnaires ou de personnes
11 très haut placées ou de personnes situées beaucoup plus bas.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas compris ma question. Je la
13 reformule. Quand la question est importante, je fais très attention à la
14 réponse que vous amenez pour avoir la conviction que vous avez bien compris
15 ma question. Ma question est la suivante : vous êtes dans l'organisation
16 militaire de la JNA. L'académie militaire dans laquelle vous exerciez vos
17 talents de légiste a compétence pour les soldats tombés au combat. Vous
18 nous avez expliqué que les soldats de la JNA décédés vous étaient amenés
19 ainsi que des volontaires du Parti radical serbe. Vous avez rajouté il est
20 même arrivé une fois que deux membres de l'Unité Arkan ont été amenés.
21 Comme vous êtes l'autorité militaire, est-ce à dire que l'autorité
22 militaire considérait que les tués qui étaient des volontaires du Parti
23 radical serbe avaient le statut de soldats ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, à cette époque-là,
25 j'avais le grade de lieutenant-colonel. C'est sans doute un grade élevé au
26 sein d'une armée, c'est vrai, mais j'étais tout de même très éloigné des
27 structures dirigeantes et de la politique qui étaient appliquées à cette
28 époque-là dans mon pays. Car mon niveau hiérarchique était tout de même
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1 insuffisamment élevé pour me permettre de poser des questions dans de tels
2 sujets, et cela aurait été abuser de ma part que de m'adresser à certaines
3 personnes pour leur demander pourquoi et comment telle ou telle chose se
4 faisait ainsi. Alors s'agissant des membres du Parti radical serbe et des
5 hommes d'Arkan qui n'étaient pas simplement au nombre de deux, mais de
6 plusieurs dizaines dans les unités, ainsi que d'autres civils dans divers
7 lieux où des combats se sont déroulés, il est vrai que l'armée s'est
8 occupée des cadavres, qu'elle a participé au transport des cadavres depuis
9 l'Académie de santé militaire jusqu'au lieu d'inhumation et qu'elle a
10 acquitté les frais d'inhumation. Nous avions deux membres au Grand quartier
11 général qui s'occupaient de façon très compétente de toutes ces
12 dispositions en établissant les contacts nécessaires. Nous n'avons jamais
13 eu de problème à cet égard étant entendu que c'est l'armée qui prenait à sa
14 charge les frais d'enterrement, c'est-à-dire le paiement des cadavres, les
15 vêtements, et cetera.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je complète ma question par une
17 hypothèse.
18 Imaginons que je suis un civil serbe avec ma femme et mes enfants, et je
19 circule en voiture à proximité de zones de combat. Sur ce, ma voiture saute
20 sur une mine, toute ma famille est tuée, mais je suis civil. Il y a pas de
21 discussion là-dessus. Est-ce que mon corps et ceux de ma famille vont être
22 amenés à l'académie militaire pour être autopsiés ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Si une demande était faite par les familles ou
24 par quelque autre instance officielle, nous réalisions les autopsies. Par
25 exemple, Zoran Amidzic, journaliste de Sabac, est mort en Bosnie avec les
26 membres de son équipe alors qu'il était en mission officielle. Dans la
27 nuit, une demande est arrivée demandant qu'une autopsie soit réalisée sur
28 les corps des membres de cette équipe. Comme on était déjà de nuit, je suis
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1 parti pendant la nuit à Sabac de façon à ce que les cadavres, après
2 autopsies, puissent être enterrés le lendemain. L'autopsie a eu lieu
3 pendant la nuit. Puis par ailleurs, il y avait pas mal de personnes dont
4 les restes humains ont été exhumés dans tel ou tel secteur géographique.
5 Nous mettions ces restes humains dans des housses mortuaires et nous les
6 transférions à Belgrade pour inhumation décente. Avec la Commission chargée
7 des droits humains, des pourparlers se sont déroulés pour échanges de
8 cadavres, comme par exemple, dans le cas où des personnes tombent dans une
9 région particulière et sont ensuite transférées ailleurs. C'est seulement à
10 l'arrivée des restes humains que nous réalisions les autopsies. Nous
11 faisions, en fait, des autopsies à la demande de toute personne ou toute
12 institution qui le demandait. Cela peut vous paraître bizarre, mais ne
13 posions pas de questions. Notre objectif était d'aider les gens dans les
14 circonstances les plus difficiles de leur vie qu'ils traversaient de façon
15 au moins à leur donner des détails sur les corps des êtres chers.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc la conclusion est relativement simple.
17 L'académie militaire où se pratiquaient les autopsies faisait des autopsies
18 de toute le monde, militaires ou civils, il suffisait qu'on vous le
19 demande. Voilà donc la conclusion, c'est très clair.
20 Bien. Alors maintenant --
21 LE TÉMOIN : [interprétation] La même chose, Monsieur le Juge, c'était pour
22 ce qui est des soins à apporter. Donc l'Académie de santé militaire
23 recevait et soignait tous ceux qui lui étaient adressés depuis les zones en
24 guerre qui qu'ils soient. C'est de cette manière-là que nous travaillions.
25 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc de cette dernière question, on peut déduire que
26 la compétence de l'armée à faire ces autopsies c'était plutôt une
27 compétence de contexte que de conflit armé parce que vous parlez en tout
28 cas des zones de guerre.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
2 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Je regarde avec inquiétude la montre.
4 Oui, Monsieur Ferrara.
5 M. FERRARA : [interprétation] Je serai extrêmement rapide.
6 J'ai une question technique à poser au témoin. En ce qui concerne les
7 29 rapports d'autopsie qui ont été versés au dossier, nous n'avons qu'un
8 seul numéro, une seule cote, P704. Mais malheureusement, elles sont déjà
9 téléchargées dans le système électronique avec 25 numéros 65 ter
10 différents, donc il faut que je dise quand même les 29 numéros pour que
11 l'on puisse faire la correspondance ensuite entre le P 704 et ces 29
12 rapports d'autopsie.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une minute.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Ferrara pourrait faire cela mardi.
15 Aujourd'hui, je ne voudrais pas renoncer à une partie de mon temps pour le
16 contre-interrogatoire --
17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- fait cela très vite.
18 Parce que les Juges se sont posé la question et on avait pensé qu'il
19 valait mieux donner un numéro, mais on peut en donner 29.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. FERRARA : [interprétation] Ça peut être fait après le prétoire, bien
22 sûr, après l'audience.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, vous demanderez conseil à M.
24 Mundis qui sait comment je pratique dans d'autres affaires. Vous faites une
25 liste, vous marquez vos 29 documents avec les anciens numéros 65 ter. A
26 côté, vous marquerez les numéros à partir du 700 - je sais plus combien, ce
27 n'est plus à l'écran. Après quoi, la liste vous la remettrez donc au
28 greffier, et le greffier nous dira la semaine prochaine que --
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1 M. FERRARA : [interprétation] Nous avons déjà donné au greffier toute la
2 liste d'ailleurs.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc la semaine prochaine, le greffier nous dira les
4 numéros.
5 Bien. Ce qui compte maintenant, c'est le contre-interrogatoire. Donc,
6 Monsieur Seselj, vous avez la parole.
7 Contre-interrogatoire par M. Seselj :
8 Q. [interprétation] Monsieur Stankovic, vers le mois de septembre 2005,
9 mes collaborateurs ont rendu public le fait que le 29 août de cette année-
10 là, j'avais présenté une écriture au Procureur en application de l'article
11 67 du Règlement de procédure et de preuve précisant que j'entendais
12 appliquer un moyen de défense spécial et que dans ces écritures, j'ai remis
13 en question vos qualités et votre qualité d'expert. Vous avez répondu par
14 la presse en disant que vous n'étiez pas témoin dans l'affaire qui est
15 menée contre moi, que vous n'étiez pas témoin de l'Accusation.
16 R. Oui, c'est exact parce que sur demande du Procureur - et je l'ai ici en
17 date du 20 décembre 2002 - donc j'ai reçu cette demande, c'est le ministre
18 de la Justice, M. Savo Parkovic, qui a reçu cette demande disant que dans
19 l'affaire IT-02-54-T, j'allais être cité en tant que témoin, donc affaire
20 du Procureur contre Slobodan Milosevic. La décision du gouvernement de la
21 République de Serbie en date du 6 février 2003 et la décision du
22 gouvernement fédéral du 30 janvier 2003 confirment cela. Donc jamais, nulle
23 part dans ma déclaration, je ne vous ai mentionné, je n'ai pas non plus
24 parlé de vous. Donc il n'y a pas un seul mot qui vous soit consacré. Aucune
25 de mes déclarations. Je ne vous ai vu qu'une fois lors d'une promotion d'un
26 livre au foyer de l'armée. Je pense que vous étiez vice-premier ministre à
27 ce moment-là, mais je n'ai jamais fait de déclaration à votre sujet.
28 Je ne comprends pas puisque tout le monde en a parlé. Tous ont lu ce
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1 que vous avez rédigé. C'est la raison pour laquelle j'ai fait la
2 déclaration que j'ai faite, et j'ai les originaux ici que je peux montrer,
3 à savoir que vous n'avez jamais été mentionné, que jamais je n'ai pris la
4 décision de venir déposer dans votre affaire.
5 Q. Mais dans l'affaire Slobodan Milosevic, vous n'avez jamais été annoncé
6 en tant qu'expert, du moins pour autant que je le sache ?
7 R. Non. On m'a dit que j'étais censé venir au procès de Slobodan Milosevic
8 vers la fin de sa présentation de la part de l'avocat Rajcevic [phon], que
9 j'allais intervenir vers la fin.
10 Q. Mais que vous allez être un des témoins de la Défense ?
11 R. Oui.
12 Q. Donc ça n'a rien à voir avec le Procureur de La Haye. Vous alliez être
13 expert de la Défense dans cette autre affaire ?
14 R. Oui.
15 Q. Ça vous a gêné que votre nom figure sur la liste des témoins de la
16 Défense dans cette affaire ? Vous n'avez pas aimé
17 cela ?
18 R. Oui.
19 Q. Et avant tout, parce que dans l'opinion serbe c'est une honte lorsque
20 quelqu'un vient déposer en tant que témoin de l'Accusation à La Haye ?
21 R. Objectivement, il en est ainsi.
22 Q. Très bien. Je vais vous poser des questions brèves. S'il vous plaît,
23 répondez-moi brièvement pour pouvoir utiliser à bon escient le temps qu'il
24 nous reste.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : La question aurait pu ne pas être posée, mais elle
26 est posée. Vous avez répondu de manière claire. Si je comprends bien, quand
27 un témoin vient témoigner devant ce Tribunal, c'est une honte de venir
28 témoigner ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas dit que ça nous déshonore, ou
2 que c'est une honte, mais j'ai dit autre chose. En tant que témoin expert
3 ou en tant que témoin, j'ai l'obligation de dire la vérité et rien que la
4 vérité, comme je m'y engage quand je prononce mon serment, mais on en parle
5 énormément. On en fait tout un cas, en particulier dans mon entourage, du
6 fait que je suis ici témoin de l'Accusation et que je viens accuser
7 quelqu'un ou que je suis un homme qui est venu accuser ou qu'il a accusé
8 des gens. Je suis venu ici en ma qualité de quelqu'un qui a mené des
9 autopsies sur des corps de Musulmans à Zvornik. J'ai établi des procès-
10 verbaux et je suis venu défendre ce travail.
11 Ce n'est pas une honte que je sois venu devant ce Tribunal, mais je vous ai
12 dit, qu'en fait, que je me sens gêné vu la manière dans laquelle on
13 représente les témoins ou les experts du bureau du Procureur dans mon
14 entourage, là où je vis, là où je travaille. Mais si j'avais honte de venir
15 déposer ici je ne serais pas venu, parce que j'aurais trouvé mille raisons
16 pour ne pas le faire. Donc j'éprouve une obligation. Je dois me conformer à
17 ce que me demandent les personnes qui ont la charge de ces procès. C'est la
18 raison pour laquelle je suis venu.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, dans votre pays, il y a des procès et dans
20 les procès, il y a des témoins qui viennent. Des témoins parfois viennent à
21 la demande du procureur de Belgrade, par exemple, ou d'une autre ville.
22 Mais quand les témoins viennent déposer devant vos juridictions, est-ce
23 qu'ils ont un problème, ou bien ils se disent : "Si le procureur me fait
24 venir, je vais témoigner" ? Quelle est la différence entre ce Tribunal,
25 puis le tribunal à Belgrade pour un témoin ?
26 Si la question est délicate, vous pouvez dire : "Je préfère ne pas
27 répondre." Ne répondez que si vous voulez. Vous n'avez aucune obligation.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Monsieur le Juge, dans notre pays, nous
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1 sommes extrêmement insatisfaits d'un certain nombre de décisions prises par
2 des Chambres de ce Tribunal. J'en suis témoin. Cela concerne l'acquittement
3 de Naser Oric. Si vous vous penchez sur ma déclaration sur les descriptions
4 des blessures, la manière dont ont été tués ces gens de Srebrenica et dans
5 les villages alentours par les unités de Naser Oric, c'est une honte, ce
6 jugement. Je peux le dire et je peux le prouver. S'il avait fallu apporter
7 des preuves, mais moi j'ai remis ces PV, pas tous, parce que pendant ces
8 entretiens, on m'a demandé : On veut ces PV et on ne veut pas les autres.
9 Ça, c'est une première chose.
10 Ramush Haradinaj. Prenons l'autre affaire. J'ai fait l'autopsie du
11 chauffeur albanais de la municipalité de Pec qui a été tué par ces unités.
12 C'est enregistré et ça était remis. Les représentants de la communauté
13 internationale se sont rendus là-bas, et rien. J'étais à la tête du comité
14 chargé des violations du droit international humanitaire et j'ai eu des
15 entretiens avec Sharif Basuni [phon], Karls [phon] Hoffman, Louise Arbour,
16 Carla Del Ponte, plein d'employés du Tribunal de La Haye. Nous avons remis
17 beaucoup de dossiers, des documents volumineux. Il n'y a pas eu de procès
18 devant ce Tribunal.
19 Pour ce qui est de Gospic, pour ce qui est de l'expertise des 24 corps, je
20 suis allé au procès qui a été mené à Rijeka. Le Juge a accepté mes
21 rapports, mais ce n'est pas logique que le Tribunal de La Haye ne prenne
22 pas en considération le meurtre de 24 civils à Gospic. Pour la plupart, ce
23 sont des femmes et des personnes âgées, et en même temps 100 ou plus ont
24 été balancés dans des grottes Velebit. Et vous avez le général en charge
25 qui, aujourd'hui, circule librement, le général Norac, en Croatie; 181
26 corps de civils et de militaires dans cette région ont été trouvés. Le
27 général Matijasevic, le commandant de la 6e Brigade de la Garde de Croatie,
28 a été tué là-bas. Donc vous avez une participation directe, implication
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1 directe d'un pays sur le territoire d'un autre; 36 personnes âgées de plus
2 de 80 ans ont été trouvées avec des blessures les plus graves.
3 Donc c'est ça le ressentiment des citoyens de mon pays face à ce Tribunal.
4 Cet homme qui est présent ici, qui m'a injurié et insulté comme personne
5 d'autre de ma vie, qui a cité tant de contrevérités sur moi, c'est
6 uniquement à cause de ces histoires qu'il est accusé. Il est jugé ici pour
7 délit verbal. C'est ça aux yeux de notre opinion. Donc c'est ça le grand
8 ressentiment dans mon entourage. C'est ainsi que l'on perçoit le Tribunal.
9 Ça ne nous gêne pas que tous les criminels soient condamnés, mais justement
10 le tribunal militaire a mené l'enquête à Vukovar sur les Musulmans de
11 Zvornik, et cetera.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse est très complète. Je vous remercie
13 d'avoir longuement répondu.
14 A ce que vous dites, deux observations. Des crimes ayant été commis, il
15 appartenait à l'époque au Procureur de diligenter et de poursuivre les
16 auteurs de ces infractions. Mais depuis maintenant, en raison d'une
17 résolution du Conseil de sécurité, il incombe aux autorités nationales
18 d'intenter les poursuites en la matière.
19 Deuxièmement, sur les acquittements, je n'ai rien à dire. Ce sont des Juges
20 qui ont tranché. Mais indépendamment de cela, sachez - mais vous le savez
21 aussi maintenant - que sur le plan pénal, avant que quelqu'un soit déclaré
22 coupable, faut-il encore en rapporter la preuve et bien établir que c'est
23 lui qui est coupable. C'est ce qu'on appelle la présomption d'innocence et
24 ce qu'on appelle évidemment, les éléments qui doivent être réunis pour la
25 constitution d'une infraction. Voilà le problème. Alors c'est peut-être
26 très compliqué à comprendre quand on n'est pas juriste, mais un juriste
27 comprend ce que je viens de dire.
28 Voilà. Vous vous êtes exprimé très bien.
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1 Monsieur Seselj, continuons parce que je regarde l'heure tourner.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me faudra une heure entière, Monsieur le
3 Président. Vous me l'avez allouée, alors est-ce qu'on renonce à la pause ?
4 Je ne sais pas comment --
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Non, non, mais l'heure, vous allez l'avoir, parce
6 qu'avant la pause il y a 20 minutes et après il y aura encore une heure.
7 Alors donc, allez-y.
8 M. SESELJ : [interprétation] Très bien.
9 Q. Monsieur Stankovic, nous allons poser des questions brèves. Répondez-
10 moi par des réponses brèves.
11 Est-il exact de dire que dans sa grande majorité, l'opinion serbe estime
12 que le Tribunal de La Haye n'est pas un tribunal légal?
13 R. L'opinion éduquée estime qu'il n'est pas légal. Les opinions divergent,
14 mais vu la manière dont il a été créé, cela nous permet de penser qu'ils
15 ont raison, ces gens qui disent qu'il s'agit d'un tribunal illégal.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette question, vous l'avez déjà indiquée, vous avez
17 pris votre position. On n'est pas en train de faire le procès du Tribunal.
18 On est en train simplement de vérifier lord du contre-interrogatoire ce
19 qu'a pu dire le témoin à partir de sa déclaration puisque vous avez
20 contesté l'admission comme rapport d'expert. Alors ne profitez pas de la
21 venue du témoin pour aborder d'autres sujets.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, ce que vous souhaitiez
23 entendre, vous l'avez entendu pendant l'interrogatoire principal et pendant
24 que les réponses ont été apportées aux questions posées par les Juges.
25 Maintenant je teste la crédibilité de ce témoin expert. Mes questions, par
26 conséquent, ont été conçues avec cet objectif. Il est tout à fait clair -
27 et on sait très bien - et vous le savez très bien ce que je pense du
28 Tribunal de La Haye. Mais je pose ma question à ce témoin, je lui demande à
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1 lui sur ce qu'il en sait des opinions, de l'opinion serbe, à savoir je
2 m'intéresse à l'opinion éclairée, aux juristes, et cetera. J'y ai le droit,
3 j'ai le droit de lui poser ça. Si vous m'interdisez cela, il n'y a pas de
4 raison que je lui pose mes questions dans le contre-interrogatoire.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Le seul problème, Monsieur Seselj, c'est que c'est
6 hors du champ de son expertise, parce qu'il est venu à la demande du
7 Procureur uniquement pour parler de la question des cadavres, des autopsies
8 et autre. Il n'est pas venu par parler de la politique, du contexte.
9 Maintenant, la crédibilité, si vous estimez qu'il ne nous a pas dit la
10 vérité, bon, très bien. Mais ce n'est par le biais de lui dire ce qu'il
11 pense et ce que l'opinion pense de ce Tribunal, que ça va nous éclairer sur
12 la crédibilité.
13 M. FERRARA : [interprétation] Objection. Nous ne souhaitons pas que ces
14 questions soient posées en ces termes-là pendant le contre-interrogatoire,
15 parce que comme vous l'avez dit, ceci n'a rien à voir avec la crédibilité
16 du témoin, il s'agit plutôt de recueillir les opinions politiques du
17 témoin.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Anthony Oberschall a été
19 le premier témoin expert que j'ai interrogé, qui soi-disant aurait une
20 thèse de sociologie, mais qui avant était diplômé de physique. Je lui ai
21 posé des questions qui relevaient du domaine des mathématiques et de la
22 physique. Vous voyez, il ne savait pas ce que c'était qu'un numéro
23 imaginaire, et j'avais le droit de lui poser ces questions. Là j'ai un
24 témoin expert, un général qui se trouvait être un ministre de la Défense et
25 je lui pose des questions de substance, des questions de principe, et c'est
26 sur la base de ses réponses que moi et vous et le Procureur et l'opinion
27 pourront tirer des conclusions portant sur sa crédibilité.
28 Je sais que vous n'appréciez pas ces questions, peut-être que les réponses
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1 qui seront apportées, vous ne les apprécierez pas non plus, mais à partir
2 du moment où vous avez accepté d'être Juge de ce Tribunal, vous pouviez
3 anticiper ce type de situation désagréable. Et maintenant vous utilisez
4 sans raison, je pense mon temps.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je vous fais remarquer que c'est
6 moi-même qui ai permis au témoin de dire ce qu'il pensait et ce que pense
7 l'opinion serbe du Tribunal. Et vous avez remarqué, je ne lui ai pas coupé
8 la parole, je n'ai pas coupé le micro, je l'ai laissé longuement
9 s'exprimer. Et il a dit des choses.
10 Maintenant vous, vous reprenez par derrière le contre-interrogatoire qui,
11 je le rappelle, n'est pas un droit illimité à faire tout et n'importe quoi,
12 et vous remettez cela mais sous un autre aspect, sur la légalité du
13 Tribunal. Il n'est pas juriste, vous auriez un professeur de droit
14 constitutionnel ou de droit international public peut-être, mais lui n'est
15 pas juriste. Donc vous perdez votre temps.
16 Ce qui m'intéresse, est-ce que vous avez des éléments dans votre
17 contre-interrogatoire qui peuvent nous être utiles à nous, à partir des
18 événements de Vukovar ou de Zvornik ? C'est ça qui est intéressant parce
19 que tout le reste, tout ce que vous voulez dire, vous l'avez déjà dit, on
20 le sait.
21 Je vous redonne la parole.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] A chaque fois que je cède, Monsieur le
23 Président, après je regrette de vous avoir cédé, voilà, mais là encore je
24 vais céder. Je ne vais pas lui poser des questions de nature juridique
25 puisqu'il occupait le poste de ministre de la Défense, il était général.
26 Enfin, aujourd'hui encore il est général même s'il est à la retraite, on le
27 reste à vie, général. Donc j'ai une question qui, de part sa nature, n'est
28 pas juridique.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : En revanche, Monsieur Seselj, vous venez de dire
2 quelque chose que j'ignorais totalement. Vous dites qu'il a été ministre de
3 la Défense. Je ne le sais pas.
4 Monsieur le Témoin, vous avez été ministre de la Défense ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai été ministre de la Défense du 24
6 décembre 2005 au 15 mai 2007.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors il a été ministre de la Défense, étant donné
8 ministre de la Défense il peut répondre à certaines questions, oui. Mais
9 encore fallait-il que je le sache, nous ne le savions pas. Mais des
10 questions militaires, bien entendu, ou des questions liées à son activité
11 de ministre de la Défense de l'époque.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord.
13 Q. Monsieur Stankovic, vous êtes un ancien ministre de la Défense. En
14 cette qualité-là, je vous pose la question : savez-vous que pratiquement
15 dans son ensemble l'opinion serbe estime que ce Tribunal est un tribunal
16 expressément anti-Serbe, compte tenu du fait du nombre d'accusés serbes qui
17 sont jugés et par rapport à cela, le petit nombre de Croates, de Musulmans,
18 d'Albanais, et cetera, vu la différence très considérable des peines
19 prononcées, vu les criminels notoires qui ont été acquittés ou libérés et
20 qui ne sont pas Serbes ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais le témoin a répondu à votre question,
22 Monsieur le Président, vous lui avez posé la question, l'attitude du
23 Procureur vis-à-vis des preuves qu'il avait apportées et proposées.
24 N'acceptez pas que M. Ferrara utilise mon temps, je ne renoncerai à aucune
25 minute de mon temps.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Ferrara.
27 M. FERRARA : [interprétation] Je ne suis pas en train de vous faire perdre
28 votre temps. Je dis que j'oppose complètement à ces types de questions qui
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1 ne sont pas pertinentes. Le témoin ici est là en temps qu'expert en matière
2 de médecine légale. Il n'est pas là pour donner son avis ni pour donner
3 l'avis du public dans son pays sur ce Tribunal. Ce type d'observation ne
4 peut pas être accepté ici dans le prétoire.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voulez que je renonce à cette question
6 également, j'y renonce pour abréger.
7 Je poursuis ?
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et voilà.
10 M. SESELJ : [interprétation]
11 Q. Monsieur Stankovic, d'après les informations dont je dispose, vous,
12 sous une forme ou une autre, je ne saurais pas trop définir cela, vous avez
13 été consultant du bureau du Procureur portant sur des autopsies et
14 l'identification des corps de soldats musulmans exhumés, et cela concerne
15 la libération de Srebrenica en 1995, qu'il s'agisse des gens tombés au
16 combat ou qu'ils étaient fusillés. Vous avez occupé ce poste ?
17 R. Non.
18 Q. Alors ?
19 R. Non, ce n'est pas exact. Je n'ai eu aucune fonction liée à ces examens
20 et s'agissant du bureau du Procureur.
21 Q. Le bureau du Procureur du Procureur n'a pas cherché à avoir votre avis
22 ou votre conseil ?
23 R. Non. C'était fait par la Défense dans l'affaire Krstic, mais pas
24 l'Accusation, pas le Procureur.
25 Q. Mais votre opinion d'expert, c'était uniquement à la Défense que vous
26 l'avez fournie ?
27 R. Oui.
28 Q. Mais de cette manière-là, vous vous êtes procuré des informations sur
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1 toute une série de phénomènes scandaleux pendant les activités des médecins
2 légistes occidentaux qui y ont pris part ?
3 R. Dans mon rapport, dans l'opinion que j'ai fournie, j'ai fourni à la
4 Chambre du Tribunal à La Haye, dans mon avis, j'ai remis en question la
5 qualité des experts qui ont travaillé sur l'exhumation de Srebrenica et
6 dans les environs.
7 Q. Très bien. Est-ce que vous avez remarqué que c'est une tendance
8 générale de ces soi-disant experts en médicine légale du Tribunal de La
9 Haye d'agir de la manière suivante : tous les cadavres retrouvés dans les
10 parages dans les environs de Srebrenica, tous les corps de soldats
11 musulmans sont représentés comme étant des corps de victimes de fusillade ?
12 R. L'un des reproches-clés que j'ai formulé par écrit est le suivant : sur
13 les 2 082 restes humains exhumés à ce moment-là à Srebrenica et dans les
14 environs, il y avait 2 800 et quelques morts. Peut-être que les chiffres ne
15 sont pas exacts mais je l'ai contesté, parce que le nombre de causes de
16 décès ne peut pas être supérieur à celui des restes.
17 Q. Est-ce que vous savez que dans le jugement prononcé par ce Tribunal à
18 l'encontre du général Radislav Krstic, il est dit que les forces serbes ont
19 abattu entre 7 000 et 8 000 prisonniers musulmans ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que vous êtes d'accord sur ce chiffre; est-ce que ce chiffre est
22 possible ?
23 R. Dans ce travail d'expertise, j'ai attiré l'attention ou j'ai rédigé --
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara.
25 M. FERRARA : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je ne vois pas
26 en quoi ceci est pertinent par rapport à l'acte d'accusation.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis en train de tester la crédibilité du
28 témoin pour ce qui est de son expertise, de sa moralité et de ses
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1 qualifications. C'est ce que je suis en train de tester et ça me permettra
2 d'en conclure sur sa crédibilité.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que je voulais dire. Attendez, Monsieur, je
4 voulais dire ceci. Suite à l'objection du Procureur, nous avons des
5 documents qui ont été admis, et dont des documents qui viennent de médecins
6 internationaux concernant les victimes -- un certain nombre de victimes
7 avec des documents internationaux. Voilà, maintenant que la Défense
8 conteste le travail des médecins internationaux et pour contester cela,
9 prend l'exemple de Srebrenica, que je ne connais pas, que je suis en train
10 de découvrir au fur et à mesure.
11 Voilà. On n'est pas en train de juger l'affaire de Srebrenica, mais par ce
12 biais, il y a une remise en cause des constats de certains médecins
13 internationaux. Or, ces constats de médecins internationaux, nous les avons
14 admis, nous, comme documents.
15 Continuez, Monsieur Seselj.
16 M. SESELJ : [interprétation]
17 Q. Savez-vous quel est le chiffre le plus récent pour ce qui est du nombre
18 d'exhumations qui aurait été mené eu égard à Srebrenica ?
19 R. Je ne sais pas, mais ce que vous avez dit, j'ai réagi, j'ai objecté, et
20 c'est le problème principal. Si quelqu'un affirme que
21 7 000 ou 8 000 personnes ont été tuées, alors il faut qu'il dispose d'un
22 tel nombre de restes de corps humains. S'il ne les a pas, d'après ce que
23 j'en sais, la règle veut que l'on évoque uniquement le chiffre des restes
24 et les autres sont considérés comme étant portés disparus, ce qui permet de
25 donner une instruction à des institutions nationales ou étrangères de
26 rechercher les personnes portées disparues. Par exemple, au centre mémorial
27 près de Srebrenica, nous avons le nom d'une personne, d'un homme qui, il y
28 a un an ou deux ans, s'est présenté comme étant en vie, et à partir de ce
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1 moment-là quelle est la crédibilité de ce type d'information. Je n'ai eu de
2 cesse d'attirer l'attention là-dessus, on m'a critiqué parce que je
3 réduisais le nombre de victimes musulmanes. Non, mais on sait quel est le
4 nombre de personnes qui ont été retrouvées, ceux qui n'ont pas été
5 retrouvés, on sait ce que c'est qu'une personne portée disparue et ce
6 qu'est qu'une personne dont les restes ont été retrouvés, on sait quand on
7 les proclame décédés. Ça c'est ma réponse à cette question.
8 Q. Est-ce que vous savez --
9 Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi, Monsieur le Témoin, est-ce qu'il y a
10 encore des fosses communes non exhumées ou non, à votre connaissance comme
11 expert qui s'occupe de ces choses-là ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le rapport que j'ai lu, je crois que
13 c'est le rapport de Wright, si je ne me trompe, on peut lire qu'un certain
14 nombre de fosses communes qui ont été découvertes, enregistrées, qui sont
15 bien connues, n'ont pas encore été exhumées au jour d'aujourd'hui.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux poursuivre ?
17 M. SESELJ : [interprétation]
18 Q. Etes-vous au courant, Monsieur Stankovic, du fait qu'au centre mémorial
19 de Bratunac, autrement dit dans le cimetière des soldats musulmans, sont
20 enterrés également un grand nombre de musulmans qui ont trouvé la mort dans
21 des circonstances diverses en 1992 et 1995, autrement dit avant la
22 libération de Srebrenica ?
23 R. Au sujet de ce genre de renseignements et d'observations, à savoir que
24 sont enterrés là tous les Musulmans, y compris ceux qui sont tombés dans
25 d'autres lieux, j'ai été informé.
26 Q. Très bien. Donc il existe un objectif déterminé qui consiste à
27 augmenter au maximum le nombre des tués, n'est-ce pas ?
28 R. Je ne peux pas répondre à cette question, mais en prenant compte un
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1 nombre plus important de morts, on augmente le nombre de tués.
2 Q. Mais on fait ça de façon artificielle dans la mesure où on refuse de
3 faire la distinction entre les gens qui sont morts avant et après la
4 libération de Srebrenica, ainsi qu'entre les gens qui ont été exécutés et
5 les gens qui sont morts au combat. Je ne nie pas le fait qu'il y ait eu des
6 exécutions, car on a constaté qu'il y avait des cadavres dont les mains
7 étaient ligotées, n'est-ce pas ?
8 R. A partir de 2002, j'ai observé un grand nombre de restes humains et sur
9 368 personnes, à peu près, j'ai trouvé les mains ligotées, les jambes
10 ligotées ou des bandeaux sur les yeux ou sur la bouche. Il est donc
11 manifeste que ces personnes ont bien été exécutées. Quant aux restes des
12 cadavres, puisque le total était de 2 082, qui ont été autopsiés, nous
13 avons trouvé des blessures par armes à feu ou parfois pas; et c'est
14 mentionné dans le rapport lorsque les blessures ont été constatées. Je veux
15 dire que c'est une question d'expertise et cela peut faire objet de
16 vérification.
17 Q. Mais il y a un problème là. Certains cadavres contenaient des balles,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Oui, dans les vêtements ou à l'intérieur des corps.
20 Q. Est-il possible que ces personnes aient été tuées par une balle venant
21 d'une certaine distance, parce que si vous êtes tué à bout portant ou à
22 bout touchant par un fusil, la balle traverse en général proprement le
23 corps, n'est-ce pas ?
24 R. J'ai écrit dans mon rapport que les blessures par balle peuvent
25 survenir comme conséquence d'une exécution ou de ce qui s'est passé pendant
26 les combats ou peuvent même être des blessures infligées par la personne
27 elle-même ou résulter de toutes sortes d'autres choses que je ne vais pas
28 énumérer ici. Par conséquent, j'ai dit que sur les 360 - je crois que
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1 c'était le nombre total - tout le monde avait été exécuté et que c'était
2 certain. Car rien d'autre n'a pu sortir des examens et investigations
3 menés.
4 Q. Puisque vous traitez de cette question, est-ce que vous êtes au courant
5 que le plus grand nombre de soldats musulmans, au moment où ils se
6 retiraient de Srebrenica, ont été tués dans des conflits entre eux ?
7 R. Il a été question de cela, le bruit en a couru, mais je ne suis pas au
8 courant.
9 Q. Etes-vous au courant du fait qu'une équipe de légistes finlandais
10 dirigés par Helena Ranta, qui explique aujourd'hui que le représentant
11 américain de l'OSCE, le chef de l'OSCE, à ordonner la façon dont les choses
12 devaient se passer à Racak, elle a enquêté sur les cadavres musulmans tués
13 au cours de conflit entre musulmans dans la forêt non loin du village de
14 Kravica, et c'est seulement dans un lieu qu'elle a trouvé des cadavres
15 dispersés sur le terrain alors qu'il y en avait 594 au total. Est-ce que
16 vous êtes au courant ? Est-ce que vous savez qu'Helena Ranta a participé à
17 cette enquête ?
18 R. Non, je ne suis pas au courant.
19 M. FERRARA : [interprétation] Quelle est la pertinence de cette question ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'éprouve la crédibilité du témoin. Je ne vois
21 pas comment mettre en cause la pertinence de mes questions. C'est un témoin
22 de l'Accusation, un témoin expert. J'éprouve sa crédibilité.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais y répondre. De moi-même, j'avais posé tout à
24 l'heure la question au témoin sur les tirs à bout touchant ou à bout
25 portant puisque dans les 29 rapports, ceci n'avait pas été mentionné. Et ça
26 a une importance, parce que si on tire à 1 mètre, à 5 mètres ou à 100
27 mètres, c'est peut-être pas la même chose. Il y a des chances que celui qui
28 est tué à 100 mètres ou à 200 mètres a plutôt été victime d'un combat que
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1 d'une exécution, d'où l'importance de savoir. Je ne sais pas si c'est venu
2 dans l'esprit de M. Seselj, mais apparemment, par les questions qu'il pose,
3 il semble dire qu'il y a eu, sur les 594 corps, là, dans ce qu'il dit à la
4 page 79, des doutes sur la distance. Moi, ça me semble pertinent de savoir
5 que des fois il y a des expertises sans qu'on sache exactement quelle était
6 la distance où les personnes ont été tuées.
7 Bien. Continuez.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, toutes mes notes ont été
9 prises pendant l'interrogatoire principal et pendant que les Juges posaient
10 des questions. Toutes les associations de pensée que j'ai faites sont
11 fondées sur vos questions. Je suis de très près vos questions et je prends
12 des notes. Et je souhaite que le témoin présent ici réponde à mes questions
13 de façon à ce que je puisse voir s'il est compétent ou pas en tant que
14 témoin expert. Voyez-vous, jusqu'à présent, je suis assez satisfait de ses
15 réponses, ça, je dois vous l'avouer aussi, mais vous ne cessez de me poser
16 des obstacles.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara.
18 M. FERRARA : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je ne pense pas
19 que les Juges ou l'Accusation, au cours de l'interrogatoire principal, ont
20 posé des questions à ce témoin à propos de ces 594 corps de Srebrenica. Là
21 je ne vois pas la pertinence. Cette question n'a pas été posée à propos de
22 ces 594 corps, on parle uniquement des corps qui sont à Zvornik, rien de
23 plus.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : La question n'a pas été posée, mais sur Zvornik peut
25 se poser toute une série de questions d'ordre technique. Si le témoin peut
26 y répondre via le biais d'autres affaires parce qu'il semble -- mais c'est
27 votre témoin. Ce n'est pas le témoin de la Défense. Comme ce témoin a fait
28 des autopsies pour Srebrenica ou d'autres lieux, apparemment il a une
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1 certaine compétence, il a peut-être des aspects techniques sur lesquels il
2 peut répondre. C'est votre témoin, l'Accusation. Je le rappelle.
3 M. SESELJ : [interprétation]
4 Q. Monsieur Stankovic, est-il exact que parmi les cadavres de soldats
5 musulmans exhumés, on a trouvé également un nombre important de corps de
6 soldats qui ont été tués par des éclats d'obus ou des éclats de canon ou
7 d'obusier ?
8 R. Oui. Il y a eu des soldats qui ont été tués --
9 Q. Pendant que la percée s'effectuait ?
10 R. Oui, pendant la percée effectuée non loin de Kasaba, je pense que
11 quatre tombes ont été découvertes dans le voisinage et parmi les cadavres,
12 il y avait des cadavres de soldats dans lesquels on a trouvé des fragments
13 de projectile.
14 Q. Il est impossible que quelqu'un exécute des prisonniers avec un canon,
15 n'est-ce pas ?
16 R. Non, c'est possible, c'est faisable, mais cela n'a pas été constaté.
17 Q. Je vais vous dire, puisque je lis de très près les comptes rendus du
18 procès intenté à Slobodan Milosevic et j'ai suivi de près une affaire dans
19 laquelle un Albanais a témoigné de vive voix en public dans le prétoire. Il
20 a affirmé qu'un policier serbe avait assassiné ou exécuté un homme en
21 utilisant une mitrailleuse, qu'il se tenait à une distance de 10 mètres et
22 que quatre balles avaient ricoché sur sa chemise et qu'il s'en était sorti
23 indemne. Voilà pour répondre à la question de savoir comment les blessures
24 peuvent se produire. Il a dit que sa chemise montrait la trace de cela en
25 quatre endroits et il a ajouté que Dieu lui avait sauvé la vie. Est-ce que
26 vous êtes au courant de cette affaire ?
27 R. Je ne suis pas au courant de cette affaire mais je connais une affaire
28 à Istok où il y a eu à peu près 90 tués, 100 blessés dans une prison. Les
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1 cadavres ont été examinés par les experts espagnols qui ont déclaré que 23
2 cadavres n'ont donné lieu à la découverte d'aucune blessure après examen
3 superficiel des corps. Et j'ai rédigé un document en parlant de présence de
4 plaies résultant d'explosions qui ont causé des lésions dans les organes
5 internes en raison de projectiles tirés pendant l'agression de l'OTAN. Mes
6 conclusions, on s'est efforcé de les remettre en cause en disant que les
7 membres de la police serbe étaient ceux qui avaient attaqué les Albanais.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous reprendrons dans 20 minutes. J'espère qu'il n'y
9 aura pas d'objection, que vous pourriez terminer l'heure de votre contre-
10 interrogatoire.
11 Le Procureur nous a annoncé qu'il avait besoin de 15 minutes pour parler de
12 je ne sais quoi, donc il y a des chances qu'on fasse les prolongations.
13 --- L'audience est suspendue à 12 heures 06.
14 --- L'audience est reprise à 12 heures 27.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, il vous reste 45 minutes. On va
16 jusqu'à une heure et quart, ça fait 45 minutes juste.
17 Allez-y.
18 M. SESELJ : [interprétation]
19 Q. Monsieur Stankovic, avez-vous réfléchi également au fait que certains
20 experts en médecine légale internationale ont dénombré les cadavres, ou en
21 tout cas procédé à une estimation du nombre de cadavres encore présents
22 dans des fosses communes, qui n'ont pas encore été exhumées à ce jour ?
23 R. Le Pr Wright, anthropologiste australien, a évalué le nombre de
24 cadavres présents dans les fosses communes en question, en appliquant la
25 méthode qui consiste à déterminer la quantité de substance minérale
26 présente dans le sol ou même la présence d'un minerai présent dans le sol.
27 Je considère que cette méthode n'est pas fiable car elle ne permet de rien
28 déterminer. En effet, il existe un rapport de continuité entre le volume et
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1 le nombre; compte tenu de la putréfaction des corps dans le sol, en raison
2 de la disparition des tissus mous, le corps devient plus petit et ce n'est
3 qu'une partie du cadavre que l'on retrouve dans certaines fosses communes.
4 Donc c'est une appréciation arbitraire que de pratiquer ainsi. Cela ne
5 permet pas de déterminer le nombre exact de corps jetés dans la fosse.
6 Q. Est-il exact que la cause du décès est une question totalement négligée
7 dans les exhumations qui ont été pratiquées ?
8 R. J'ai déjà dit que c'était un petit problème, par exemple, lorsque le
9 rapport d'expertise a été établi, quand j'ai participé à ce travail, sur 2
10 082 restes humains, peut-être que je me trompe légèrement dans le nombre,
11 mais en tout cas je pense que c'est bien ça, il y a eu à peu près 2 700
12 causes de décès.
13 Q. Donc pas d'égalité entre le nombre de restes humains et de causes de
14 décès ?
15 R. En effet.
16 Q. Ce qui montre que les choses se sont faites de façon très peu soignée,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Je ne dirais pas de façon très peu soignée, mais je dirais d'une façon
19 inacceptable.
20 Q. Est-il exact qu'ont été complètement négligé la recherche des signes de
21 présence de poudre sur les vêtements des soldats Musulmans tués et que si
22 présence de poudre il y avait, en déterminer l'existence aurait permis
23 d'indiquer que ces hommes avaient été tués à bout touchant et que, quand il
24 n'y a pas de poudre, cela signifie que la balle vient de beaucoup plus
25 loin, n'est-ce pas ?
26 R. Si vous me permettez, j'aimerais apporter quelques précisions.
27 En médecine légale, en Serbie, dans l'ex-Yougoslavie, pour être plus
28 simple, les distinctions établies au sujet des conditions de tir en cas
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1 d'usage d'armes à feu consistaient à parler de bout portant, ce qui veut
2 dire que le canon de l'arme se trouve à peine 5 à 10 millimètres des
3 vêtements ou du cadavre, et on a une différence entre les canons courts et
4 les canons plus longs. Dans un cas, il est question de 10 millimètres à 60
5 centimètres, et dans le deuxième, la distance peut aller jusqu'à un mètre
6 et demi pour les canons longs. Mais en dehors de cette question de
7 distance, il y a aussi des blessures qui sont infligées par des tirs
8 provenant de beaucoup plus loin. Et là on peut céder des traces de poudre,
9 car s'il existe des particules métalliques également, on peut même parler
10 d'explosion. Toutefois, il n'est pas pertinent d'établir ces distinctions
11 dans la situation qui nous intéresse. En effet, les exhumations et
12 autopsies ont été réalisées dans des circonstances bien particulières, il
13 fallait enquêter et nous n'avions pas d'informations sur ces sujets.
14 Lors de notre travail, je parle de la situation précise dans laquelle
15 les autopsies, des Musulmans de Zvornik et autres cadavres des zones
16 touchées par la guerre à l'époque des combats, se sont déroulées, donc
17 c'est une expertise qui se fait à l'aide d'exhumation qui n'a rien à voir
18 avec les exhumation en temps de paix où on peut rechercher des traces de
19 poudre sur les vêtement ou sur le cadavre.
20 Q. Vous savez que la AK-47, ce qu'on appelle la kalachnikov, était
21 le fusil standard utilisé en ex-Yougoslavie ?
22 R. Oui.
23 Q. Si on tire sur une victime, à quelle distance sur les vêtements de la
24 victime peut-on déterminer la présence de traces de poudre ?
25 R. Ce fusil avait un canon qui jetait une flamme, mais jusqu'à un mètre et
26 demi, on pouvait déterminer la présence de poudre.
27 Q. Toutefois, tous les fusils n'ont pas ce mode de tir ?
28 R. Non, pas tous les fusils.
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1 Q. Est-il vrai que John [phon] Clark, un expert international renommé, a
2 affirmé qu'il avait établi que certaines personnes avaient été enterrées
3 vivantes dans certaines de ces fosses communes ? Est-ce que vous avez
4 rencontré ce genre d'affirmation ?
5 R. Je crois que oui.
6 Q. Est-il possible d'établir, après le passage du temps, qu'une personne
7 aurait été enterrée vivante ?
8 R. Cela dépend de l'état du corps. Est-ce que le corps est putréfié ou
9 momifié, c'est-à-dire est-ce qu'il y a encore des tissus mous, même durcis
10 ou pas ? Mais s'il n'y a rien de présent sur le cadavre, il est
11 pratiquement impossible de le déterminer. Quant à un cadavre enterré depuis
12 peu, quelques jours avant l'exhumation, par exemple, on peut le déterminer
13 bien sûr, tout dépendant de l'état du corps.
14 Q. Après un an, deux ou trois ans, ce n'est plus possible, n'est-ce pas ?
15 R. Les restes humains qui ont été exhumés plusieurs années après
16 l'inhumation ne donnaient pas, à mon avis, la possibilité de se prononcer
17 dans ce domaine en dehors de dépositions de témoins, c'est-à-dire de
18 personnes qui auraient constaté la chose.
19 Q. Vous avez lu les rapports, n'est-il pas exact que John Clark évoque
20 régulièrement un certain nombre de modalités utilisées pour tuer, mais ne
21 cherche pas à savoir dans quelles conditions les blessures constatées
22 auraient pu être infligées, à savoir est-ce qu'elles l'ont été au cours des
23 combats ou dans d'autres circonstances ? Il part pratiquement toujours du
24 principe que les victimes ont été exécutées, n'est-ce pas ?
25 R. Dans les rapports que j'ai lus, il n'y avait aucune expertise relative
26 aux constatations visant à déterminer si les cadavres avaient perdu la vie
27 au cours de combats ou dans d'autres circonstances, ou même s'il s'agissait
28 d'exécutions. Ça cela nécessite une analyse tout à fait précise et
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1 spécifique.
2 Q. Est-ce que vous savez qu'après la libération de Srebrenica, nombre
3 important de soldats musulmans ont essayé d'aller à Tuzla à pied ?
4 R. Oui.
5 Q. Savez-vous que dans ce groupe nombreux, puisqu'il comptait plusieurs
6 milliers de personnes, il y a eu des affrontements avec la Brigade de
7 Zvornik ?
8 R. Je ne savais pas cela. Je sais que la plupart de ces personnes ont
9 traversé le territoire sous contrôle serbe et sont arrivées à Kladanj, mais
10 peut-être que certains éléments des unités se sont affrontés aux forces de
11 l'armée de la Republika Srpska, cela dit, je ne suis pas au courant.
12 Q. D'après ce que je sais, il y a eu des combats féroces à ce moment-là,
13 et à un certain moment d'ailleurs, la Brigade de Zvornik était même en
14 danger et les Musulmans ont réussi une percée, mais la plupart d'entre eux
15 ont fini par mourir au cours de ces affrontements. Il y a eu aussi pas mal
16 de soldats serbes qui ont été tués. Vous n'avez jamais entendu parler de
17 cela ?
18 R. J'ai pratiqué des autopsies de cadavres de certains des soldats qui ont
19 été tués au cours des affrontements.
20 Q. Au cours des affrontements avec les Musulmans qui essayaient de se
21 rendre à Tuzla; c'est bien ça ?
22 R. Oui.
23 Q. D'accord. Alors je vous remercie, cela me suffira.
24 Est-il exact que certains cadavres exhumés ont manifesté la présence de
25 traces de tir sur leurs vêtements ou dans les os qui pourraient être
26 indicatifs du fait que ces cadavres ont été retirés de bâtiments en feu ?
27 R. Je pense que c'est peut-être le cas, mais j'ai rédigé un document à ce
28 sujet il y a longtemps, les événements datent de longtemps aussi. Je n'ai
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1 plus de certitude. Cela semblait être le cas. Il me semble que quelque
2 chose a été écrit sur cette constatation, mais je n'en suis pas sûr.
3 Q. Est-il vrai que les experts internationaux ont apprécié de façon
4 arbitraire l'âge des personnes exhumées ?
5 R. Oui, j'ai fait objection aux constatations du médecin, du légiste
6 péruvien Barobar. J'avais des objections par rapport à ce qu'il a conclu, à
7 savoir qu'un des corps était celui d'une personne âgée, dont l'âge variait
8 entre 17 et 60 ans. Mon objection, je l'ai mise par écrit, elle existe
9 toujours. C'était au moment du procès intenté au général Krstic. J'étais
10 dans le prétoire et je lui ai posé le même genre de questions que celles
11 que vous me posez, mais il y avait des estimations tout de même.
12 Q. Est-ce que vous avez entendu parler d'un certain Kitchener, spécialiste
13 de médecine légale internationale, qui aurait participé à cela ?
14 R. Non, non, je ne sais pas. Peut-être n'en ai-je plus le souvenir.
15 Q. D'après ce que je sais, les informations que j'ai reçues, il a donné
16 des consignes aux autres légistes quant à la façon de décrire les causes de
17 décès; c'est bien ça ?
18 R. C'est ce qu'on peut lire dans les documents qui ont été établis parce
19 que Kitchener a fait l'objet de pas mal d'objections.
20 Q. Des experts se sont plaints de son travail, n'est-ce pas ?
21 R. Ils se sont plaints du fait que Kitchener donnerait des informations
22 non étayées ou imprécises. Ils sont plaints de lui également sur le plan
23 personnel, à savoir qu'il aurait jeté à la poubelle des parties de
24 vêtements découverts sur les cadavres. Il a simplement décidé de les jeter.
25 Je pense que ce Tribunal a un certain nombre de plaintes déposées par des
26 experts dans ce cadre.
27 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de William Haglund ?
28 R. Oui, c'est un anthropologue.
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1 Q. Vous avez également entendu parler de Dorothy Gallagher ?
2 R. Haglund, oui. J'étais avec lui dans le prétoire, car j'ai contesté son
3 affirmation selon laquelle on ne pouvait se prononcer sur l'état des os que
4 lorsque les blessures étaient présentes et visibles sur les os en l'absence
5 de tissus mous. Pour le reste, je ne sais pas. Je ne me souviens pas.
6 Q. Selon les informations dont je dispose, Dorothy Gallagher, également
7 expert international, a fait une déclaration déclarant que William Haglund
8 avait remplacé des parties de corps des cadavres découverts ou en tout cas
9 que certaines parties de corps n'avaient pas été retrouvées.
10 R. Je ne me rappelle pas cette déclaration. Je ne saurais en parler.
11 Q. Il y a une déclaration venant d'elle, et selon les renseignements
12 fiables dont je dispose, le bureau du Procureur de La Haye possède cette
13 déclaration.
14 Bon. Vous avez entendu parler de David Del Pino ?
15 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas.
16 Q. Est-ce que vous avez entendu parler du fait qu'entre le 14 et le 19
17 novembre 1997, à San Antonio, un conseil d'anthropologues et de légistes
18 s'est réuni pour parler de médecine légale ?
19 R. Selon les renseignements dont je dispose, quelque chose de ce genre
20 s'est passé.
21 Q. Selon ce que j'ai pu apprendre, David Del Pino a fait une déclaration
22 par écrit ici selon laquelle Haglund, William Haglund, a demandé que les
23 vêtements revêtant les cadavres exhumés soient jetés. Est-ce que vous avez
24 entendu parler de quelque chose de ce genre ?
25 R. J'ai toujours dit que j'en avais entendu parler, au sujet de Haglund.
26 Je l'ai dit dans ma dernière réponse il y a deux minutes.
27 Q. Qu'il s'était débarrassé des vêtements ?
28 R. Oui, que des vêtements avaient été jetés sur son initiative. C'est sans
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1 doute ceux dont vous parlez.
2 Q. Mais qu'en est-il du remplacement de parties de corps manquantes ? Je
3 ne vous ai pas entendu sur ce point.
4 R. Je n'ai pas entendu votre question.
5 Q. C'est ce qu'on peut lire dans la déclaration de Dorothy Gallagher. Est-
6 ce que vous êtes au courant du fait que ce conseil exécutif
7 d'anthropologues et de légistes a publié une déclaration, qui est un
8 document public, au sujet des constatations relatives aux exhumations de
9 victimes présumées de liquidation après la libération de Srebrenica ?
10 D'ailleurs, je dois indiquer que je ne mets pas en cause le fait qu'un
11 certain nombre de prisonniers ont bien été exécutés, je dirais 1 000 à 1
12 200 d'entre eux. Je ne justifie en aucun cas ce crime, mais je me bats de
13 toutes mes forces contre ceux qui exagèrent le nombre en le décuplant.
14 Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ? Est-ce que vous avez
15 entendu parler de l'existence de ce document public ?
16 R. Quand j'ai pratiqué mon expertise en tant qu'expert de la Défense, j'ai
17 établi qu'un document de cette nature était présent dans les documents qui
18 m'ont été communiqués, et on peut le trouver dans la documentation du
19 Tribunal de La Haye.
20 Q. D'accord. Est-il exact qu'au point 9 de ce document, on peut lire que
21 les rapports des experts légistes internationaux sont trop subjectifs, donc
22 trop peu objectifs, comme le sont également les examens post-mortem des
23 cadavres ?
24 R. Je ne saurais vous préciser exactement ce qui est écrit dans ce
25 document.
26 Q. Je ne faisais que lire le rapport. Paragraphe 9.
27 R. J'ai lu le rapport aussi mais je ne me rappelle pas tous les détails à
28 l'instant.
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1 Q. D'accord. Est-il vrai que ce rapport établit également que les enquêtes
2 anthropologiques et de médecine légale n'ont pas été synchronisées ?
3 R. Je pense que c'est le cas, en effet.
4 Q. Est-il également exact que dans ce rapport, on peut lire qu'il y a eu
5 trop d'ingérence des médias dans les exhumations, et que les experts ont
6 cédé à la pression médiatique ?
7 R. Je ne me rappelle pas quoi que ce soit de ce genre.
8 Q. D'accord. Quelqu'un aurait dû vous demander de lire ce rapport avant de
9 pénétrer dans ce prétoire. Vous ne vous attendiez pas à des questions de ce
10 genre, vous vous attendiez à des questions totalement différentes, n'est-ce
11 pas ?
12 R. Je m'attendais à ce qu'on m'avait annoncé.
13 Q. Est-il exact que ce rapport établit que toutes les parties concernées
14 n'ont pas été autorisées à assister aux exhumations des fosses communes,
15 alors que les choses auraient dû se passer dans le respect de l'article 90
16 du protocole additionnel de la convention de Genève.
17 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant de cela.
18 Q. Par exemple, les représentants de la Republika Srpska n'ont pas été
19 autorisés à assister aux exhumations de ces fosses communes ?
20 R. Je pense qu'au début ils n'étaient pas autorisés à le faire.
21 Q. Plus tard, est-ce qu'on leur a autorisé quelque chose ?
22 R. Plus tard, leur présence était autorisée.
23 Q. Très bien. Vous aviez été ministre du dernier gouvernement de la
24 communauté d'Etat de la Serbie-et-Monténégro, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
26 Q. A l'époque où vous étiez ministre, les procédures engagées en rapport
27 avec la plainte déposée par la Bosnie-Herzégovine étaient encore en cours.
28 En fait, ce n'était pas vraiment la Bosnie-Herzégovine mais la municipalité
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1 de Sarajevo, mais des allégations de génocide avaient été avancées, n'est-
2 ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. A l'époque, vous étiez ministre fédéral, n'est-ce pas ?
5 R. J'ai été ministre pendant un an et demi.
6 Q. D'accord. Savez-vous que sur proposition de Vuk Draskovic, ministre des
7 Affaires étrangères, le principal représentant de la Serbie-et-Monténégro à
8 la CIJ, la Cour internationale de Justice, était le Pr Radoslav Stojanovic
9 en retraite.
10 R. Oui.
11 Q. Avant lui, c'était Tibor Validi [phon], n'est-ce pas, un professionnel
12 très connu; vous êtes d'accord sur ce point ?
13 R. Oui.
14 Q. Conviendrez-vous que Radoslav Stojanovic n'est expert de rien du tout ?
15 R. Je ne saurais le lire, car je ne connais cet homme que très peu.
16 Q. D'accord. Moi, je le connais bien, je peux vous le dire avec certitude.
17 Etes-vous au courant du fait que sous sa direction, les représentants de la
18 République fédérale de Yougoslavie, représentants à la CIJ, n'ont en aucun
19 cas contesté le fait qu'un génocide aurait été commis à Srebrenica ?
20 R. Je ne suis pas au courant de ce détail.
21 Q. Est-ce que le gouvernement fédéral a discuté de ce rapport du groupe de
22 juristes qui représentait notre Etat à la CIJ ?
23 R. Non, pas de mon temps.
24 Q. Donc chacun pouvait agir exactement comme il le souhaitait.
25 R. Je ne saurais vous le dire, mais cette question n'a pas été discutée au
26 conseil des ministres à l'époque. Ça n'a pas été le thème du débat.
27 Q. A aucun moment pendant votre présence au ministère ?
28 R. A aucun moment pendant mon temps.
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1 Q. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est scandaleux que cette question
2 n'ait jamais été mise à l'ordre du jour des débats du conseil des ministres
3 ?
4 R. Il y a pas mal de choses scandaleuses qui se passent, mais je ne vais
5 pas rentrer dans les détails ici à ce sujet.
6 Q. Savez-vous que Radoslav Stojanovic, qui représentait officiellement
7 notre Etat, n'a pas contesté le chiffre de 7 000 à
8 8 000 prisonniers exécutés pendant la guerre à Srebrenica, en tout cas
9 cette présomption ?
10 R. Non, je ne suis pas au courant de cela.
11 Q. Il n'a fait que contester le fait que la République fédérale de
12 Yougoslavie ait participé à tout cela, et par la suite, la Cour
13 internationale de Justice a prononcé son jugement en déclarant qu'il y
14 avait eu génocide, mais que la Serbie n'y était pas impliquée, qu'elle
15 était simplement coupable de ne pas l'avoir empêché. Est-ce que vous
16 connaissez approximativement le contenu du jugement définitif ?
17 R. C'est possible, mais je ne sais pas.
18 Q. Manifestement, c'est un jugement totalement erroné. Est-ce que vous
19 voyez que la Cour internationale de Justice aurait dû être au courant de
20 tous les détails en tant qu'institution
21 professionnelle ?
22 R. Oui, je sais.
23 Q. Bien entendu, je ne saurais citer le jugement mot pour mot, mais sur le
24 fond on voit qu'ils s'efforcent de détruire entièrement ou en partie un
25 groupe national, ou en tout cas une partie importante de ce groupe
26 national. Est-ce que j'ai bien décrit les choses ?
27 R. Vous êtes plus au courant que moi.
28 Q. D'accord. Donc un groupe protégé, selon les conventions de Genève sur
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1 le génocide, ça ne pouvait être que les Musulmans de Bosnie-Herzégovine,
2 n'est-ce pas ?
3 Mme LE JUGE LATTANZI : Première chose, on reçoit la traduction après. Mais
4 en tout cas, je voudrais savoir de vous l'argument au soutien de la
5 pertinence de ces questions sur la crédibilité, parce que du point de vue
6 substantiel, ce n'est pas lié à son rapport d'expert. Donc vous dites, non,
7 c'est pour la crédibilité. Excusez, mais je ne vois pas. Est-ce que vous
8 pourriez m'expliquer ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame Lattanzi --
10 Mme LE JUGE LATTANZI : …questions sur la décision de la Cour internationale
11 de Justice, sur le fait que la Cour internationale de Justice est arrivée à
12 certaines conclusions que je ne pense même pas qu'un médecin puisse
13 comprendre.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais tenter de vous l'expliquer par le
15 détail, Madame Lattanzi.
16 Hier, vous avez vu que c'est complètement que j'ai pu miner la
17 déposition de notre prétendu témoin. J'avais posé des questions sur son
18 père, sur sa mère, sur ses enfants, sur sa première, deuxième, troisième
19 femme, et cetera, et finalement il n'y en est plus rien resté. Ce témoin-
20 ci, je ne lui pose pas de questions portant sur sa vie privée.
21 Mme LE JUGE LATTANZI : [hors micro]
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il vous appartient en dernière instance de
23 donner votre appréciation, mais moi, je suis en train de contre-interroger.
24 J'ai devant moi un témoin qui se trouvait être ministre de la Défense
25 pendant une période-clé. Je l'interroge pour tester sa crédibilité. Est-ce
26 que jamais, pendant une réunion du gouvernement fédéral, il a posé la
27 question de ce qui est en train de se passer devant la CIJ ou sur ce qui se
28 passait devant ce Tribunal de La Haye. Ici c'est un acte d'accusation
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1 contre le général Krstic qui a été bâclé. Ça a été pris pour de l'argent
2 comptant par la CIJ.
3 Mme LE JUGE LATTANZI : On laisse. Moi, je suis de l'opinion personnelle que
4 cela n'a rien à trait à la crédibilité du témoin. Mais vous continuez où
5 vous voulez et c'est aux autres Juges de prendre position.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre position sans problème.
7 Monsieur Seselj, vous profitez de ce témoin pour critiquer deux choses : la
8 décision de la Cour internationale de Justice, et deuxièmement, la
9 participation de ce témoin au gouvernement de l'époque, alors que ce témoin
10 vient uniquement pour parler de questions relatives à des exhumations. J'ai
11 essayé de voir par quel lien on peut se rattacher à la Cour internationale
12 de Justice. Il y a un lien très tenu. C'est que dans l'arrêt de la Cour
13 internationale de Justice, il y a l'évocation de destruction de mosquées à
14 Mostar, et nous sommes saisis de cela également. Donc il y a un lien. Mais
15 de là à poser ces questions à quelqu'un qui, manifestement, les problèmes
16 juridiques le dépassent, et que deuxièmement, il a dit que le gouvernement
17 n'a pas parlé de ça, il vaudrait mieux que vous arrêtiez.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est pertinent. Mais je ne vois pas la
19 pertinence du témoignage de ce témoin qui, pendant l'interrogatoire
20 principal, a été interrogé il y a deux jours. Vous avez vu qu'il n'y a eu
21 aucune pertinence à cela. Du début à la fin, c'était faux. Je ne vais pas
22 citer de noms, donc je n'ai enfreint aucune règle.
23 La question de la pertinence, c'est toujours des reproches que vous
24 m'adressez à moi et jamais au Procureur. J'ai une conception de ma Défense,
25 je tiens à démontrer qu'il y a une espèce de complot étendu de la
26 communauté internationale contre la Serbie. Les Etats-Unis, l'OTAN, la
27 Communauté européenne, le Tribunal de La Haye consacré à l'ex-Yougoslavie
28 et la CIJ y participent. Et ce sera ça, ma plaidoirie. Je suis en train de
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1 rassembler les éléments qui vont venir étayer ma plaidoirie.
2 Je regrette que mes questions ne soient pas conformes à vos souhaits, mais
3 je cours le risque.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, en tout cas, il y a une chose que
5 je peux vous dire quand vous dites le Tribunal de La Haye -- enfin, les
6 trois Juges qui sont devant vous, nous, on ne fait partie d'aucun complot.
7 Sachez-le. Bien.
8 Deuxièmement, il vous reste 20 minutes. Essayez d'utiliser au mieux de vos
9 intérêts 20 minutes. Parce que tout le reste, vous nous l'avez déjà dit. Je
10 pourrais, si vous le voulez, vous dire tout ce que vous nous avez dit, mais
11 essayez d'utiliser ce témoin à votre profit.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais je dois être le
13 mieux placé pour savoir ce qui sert mes intérêts. Il n'y a pas de Juge ou
14 de Procureur qui le saurait mieux que moi. Mais de temps à autre, faites
15 preuve d'un petit peu de patience pour entendre mon contre-interrogatoire.
16 Attendez la fin pour me dire si ça a servi mes intérêts ou pas.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà, j'ai oublié où on s'est arrêté.
19 Parfois, l'impression que j'ai, c'est en fait que vos interventions sans
20 cesse ont pour objectif de me faire perdre ma concentration. Je me rappelle
21 maintenant où on s'est interrompu.
22 M. SESELJ : [interprétation]
23 Q. Monsieur Stankovic, est-ce que vous comprenez une chose, à savoir le
24 jugement sur le prétendu génocide se fonde sur des bases qui ne sont pas du
25 tout solides ?
26 R. Je n'ai pas lu jusqu'au bout ce jugement, et mon rapport a été accepté
27 dans son intégralité, d'après ce qu'on m'a dit, lors de cette audience de
28 la Chambre. Je ne pourrais pas entrer dans les détails du jugement.
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1 Q. Très bien. Mais quand on m'a interrompu, j'étais en train de commencer
2 quelque chose. J'allais vous dire, d'après la définition qui est reprise
3 dans la Convention internationale sur le génocide, tous les Musulmans de
4 Bosnie-Herzégovine pourraient constituer le groupe protégé, 2 180 000, à
5 peu près, à l'époque. Même si on avait fusillé tous les 8 000, ce n'est pas
6 un nombre considérable par rapport à 2 180 000, n'est-ce pas ? Ce n'est
7 même pas 1 %. Nous n'allons pas compter les millièmes. Devant ce Tribunal,
8 si on inverse les thèses, au lieu de parler du groupe protégé d'après la
9 Convention portant sur le génocide, on prend en considération la zone
10 protégée des Nations Unies, à savoir Srebrenica. Et c'est par cette
11 inversion de thèse qu'on arrive à cette affirmation qu'effectivement, il y
12 a eu génocide.
13 Vous vous êtes penché sur les documents portant sur ces exhumations,
14 je suppose que vous vous êtes au courant du processus d'identification des
15 restes exhumés ?
16 R. Oui. On a identifié uniquement 45 corps lorsque j'ai fait l'examen.
17 Q. Mais parmi les personnes exhumées, est-ce qu'il est vrai de dire qu'on
18 a identifié 2 300 ou 3 300 - je sais pas exactement quel est le dernier
19 chiffre - qu'il y a parmi un nombre de personnes résidant à Zvornik,
20 Bratunac, Vlasenica, voire même Rogatica, et non seulement à Srebrenica ?
21 R. Je suis pas au courant de cette information.
22 Q. Je suis peut-être entré dans plus de détails. Moi, je le sais. Donc on
23 prend des victimes, victimes de combats, victimes collatérales de combats.
24 Victimes, parce que ce sont des gens qui sont tombés au combat et on les
25 prend de différentes contrées, différents endroits en Bosnie-Herzégovine.
26 Parce qu'à un moment donné, il y a eu une concentration de combats à
27 Srebrenica, puis on déclare qu'un génocide a été commis sur les Musulmans
28 de Srebrenica. Est-ce qu'il en est ainsi puisque nombre de ces personnes
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1 viennent de municipalités, municipalités assez éloignées parfois ?
2 R. Je ne sais pas. A l'époque où je travaillais sur ce corpus, on n'a
3 identifié que 45 corps sur 2 082 restes, et ils étaient tous des Musulmans.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Là, la question a une certaine pertinence parce que
5 nous, nous sommes saisis de Zvornik où il apparaît qu'il y a eu beaucoup de
6 victimes, que ça serait un second Srebrenica. Donc je présume qu'il y a des
7 victimes de Zvornik qu'on n'a jamais retrouvées. Est-il techniquement
8 possible que ces victimes de Zvornik, on les découvre dans les fosses
9 communes relatives à Srebrenica ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il est possible qu'on les retrouve dans
11 les fosses communes de Srebrenica et dans les alentours.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce qui voudrait dire qu'au niveau de
13 l'évaluation de Srebrenica, il puisse y avoir des comptabilités prenant en
14 compte différentes régions ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Théoriquement, oui.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avançons.
17 M. SESELJ : [interprétation]
18 Q. Vous savez que pendant l'agression menée sur la République fédérale de
19 Yougoslavie, l'aviation de l'OTAN s'est servie de moyens avec l'uranium
20 appauvri; est-ce que vous êtes au courant de cela ?
21 R. Je me suis penché sur la question de l'uranium appauvri en Bosnie-
22 Herzégovine, mais je sais qu'effectivement ça a été utilisé au Kosovo-
23 Metohija.
24 Q. Dans d'autres régions de Serbie, est-ce qu'on s'est servi de ces
25 munitions ?
26 R. Ces munitions ont été utilisées près de Vranje, nous avons procédé au
27 nettoyage de ce terrain, puis Ohrocevac [phon] et près du Kosovo, puis au
28 Monténégro, et cetera.
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1 Q. Vous savez qu'en Republika Srpska, ce qui est typique pour l'emploi des
2 munitions [inaudible] c'était à Hadzici, pendant que Hadzici était entre
3 les mains des Serbes ?
4 R. Oui, parce qu'à Hadzici, il y avait ce centre mécanique, de garage et
5 réparations, atelier pour véhicules de combat. C'est là qu'on a tiré un
6 grand nombre de projectiles de ce type-là, de ces munitions-là, et une fois
7 que cette partie du territoire s'est rendue, a été remise aux Musulmans,
8 dans ce secteur 3 000 sont venus déménager à Bratunac.
9 Q. Des Serbes ?
10 R. Oui, des Serbes ont déménagé à Bratunac et le dernier chiffre 1 500
11 personnes seraient décédées de tumeurs malignes et autres. Nous avons
12 essayé de mettre sur pied une recherche portant sur les liens de causalité
13 entre ces munitions et les maladies et les causes de décès des personnes
14 qui ont été les victimes. Puisqu'un nombre considérable de ces personnes,
15 par rapport au pourcentage de ces personnes, est décédé par rapport à ceux
16 qui avaient vécu initialement à Bratunac. Et un cas typique, nous n'étions
17 pas au courant de certains nombres d'informations. Sladjana Sarenac, c'est
18 une fillette, je pense qu'elle avait 8 ou 9 ans, elle a joué dans un
19 cratère dû à une bombe lancée par l'OTAN, et avec le temps, elle a perdu
20 les ongles sur les doigts des pieds. Elle a souffert de bronchite,
21 d'épilepsie, et cetera, et d'autres problèmes chroniques.
22 Et nous avons établi un lien avec ces munitions. Mais ce qui s'est avéré
23 par la suite, c'est que le fluor est venu remplacer l'hydrogène dans la
24 poudre et ça créé un acide par opération chimique et les parties du corps
25 qui viennent en contact avec cet acide causent des liaisons irréversibles,
26 à savoir les tissus mous disparaissent et c'était la conséquence directe de
27 cet obus.
28 Et vous avez un cimetière où repose tous ces gens à Bratunac. Je pense que
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1 Milovic Dragan [phon] est l'auteur de ce film. Nous avons des familles
2 entières qui ont succombé à des maladies qui sont dues, je pense, à ces
3 munitions. Ces modifications ne sont pas intervenues immédiatement après le
4 pillage ou que les bombes soient lancées, mais quelques années plus tard.
5 On a pu voir apparaître les premières maladies et ça s'est manifesté d'une
6 manière caractéristique. A l'époque, nous n'avions pas de méthodologie, en
7 fait, nous n'avions pas d'appareils nous permettant d'établir ce lien
8 direct entre ces munitions et ces maladies et vous avez des
9 transformations, modifications sur les chromosomes qui disparaissaient au
10 bout de quelques années, c'était un handicap.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous savez que j'ai une approche assez libérale dans
12 les questions dont vous posez, mais là je dois vous dire : quelle est la
13 pertinence par rapport à notre dossier de Zvornik, de Vukovar, et cetera.
14 Quelle est la pertinence d'événements qui se sont déroulés des années
15 après. Sauf à ce que vous déclamez au monde entier qu'une bombe de l'OTAN a
16 causé des dégâts, mais ça, ça a été écrit, ça a déjà été dit.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à démontrer
18 quels sont les criminels auxquels s'est trouvé confronté le peuple serbe.
19 Je ne pense pas aux criminels issus des rangs des Musulmans ou des Croates
20 ou des Albanais, mais je pense à l'OTAN. Je pense à tous ceux qui ont pris
21 part à l'agression contre notre pays, c'est ça que j'ai à l'esprit. Quand
22 je vous aurais montré quels sont les criminels auxquels on se trouvait
23 confrontés, c'est au moins une petite circonstance atténuante pour moi, en
24 fin de compte, n'est-ce pas ?
25 Non, ce n'est pas une circonstance atténuante ? Bien.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, à supposer que ce que vous dites a
27 une consistance, les faits reprochés à l'OTAN se sont déroulés
28 postérieurement à ce qui vous est reproché. Voilà le problème. Il n'y a pas
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1 une concordance. Donc vous profitez de cette tribune pour aborder le sujet
2 connu.
3 Il nous reste 10 minutes.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je ne me plains pas à cause de ces
5 10 minutes. C'est précisément le temps que je vais utiliser, précisément le
6 temps qui me reste, même si d'après mon appréciation, il me reste 11 ou 12
7 minutes. Enfin, revenons à la période qui est pertinente pour mon acte
8 d'accusation. Je ne suis pas certain que quelqu'un a expliqué à cet expert
9 quelle est cette période qui est pertinente pour mon acte d'accusation.
10 Peu importe.
11 Q. En 1991, est-ce que vous savez, sur la base des exhumations auxquelles
12 vous avez procédé de soldats serbes, qu'il s'agisse des soldats de la JNA
13 faisant leur service militaire régulier ou de réservistes, de volontaires,
14 de membres de la Défense territoriale; est-ce que vous savez que nombre
15 d'entre eux sont tombés de la main croate et les armes utilisées étaient
16 des armes qu'ils se servaient, de munitions de petit calibre, par exemple,
17 des fusils à lunette de petit calibre ou un fusil automatique de
18 fabrication Singapore, et cetera.
19 R. En 1991, la seule fosse commune sur laquelle on a travaillé, c'était à
20 Vukovar, Dobro [phon] de Vukovar, Siroka Kula de Gospic, mais il y a eu des
21 blessures par projectiles. On ne voyait pas l'orifice d'entrée et l'orifice
22 de sortie était immense, très grand. Très vite, les experts en balistique
23 nous ont fait comprendre que ce 5,56 le calibre de cette munition qui
24 causait des lésions terrifiantes. La personne qui était touchée au niveau
25 du thorax ou de l'abdomen ne pouvait pas survivre, parce que l'effet
26 dévastateur était plus important sur les organes vu la vitesse de l'avancée
27 de ce projectile, donc des blessures très graves étaient infligées qui ont
28 causé la mort dans la plupart des cas.
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1 Q. Je suppose qu'en tant que spécialiste en médecine légale, vous savez
2 que ces munitions sont interdites dans le cadre des combats ?
3 R. Oui, c'est ce qu'ils disaient, que l'uranium appauvri lui aussi était
4 interdit. D'autres cherchaient à nous convaincre que c'était autorisé, mais
5 nous, on nous a dit effectivement que c'était interdit.
6 Q. D'expérience, je peux vous dire la chose suivante : je peux vous dire
7 ce que j'en sais. Ce n'est pas mon expérience personnelle, mais dont j'ai
8 été témoin. Alors dites-moi si cela est exact ou non. Par exemple, prenons
9 une balle de petit calibre, de fusil à lunette de petit calibre, quand cela
10 touche un homme à la tête, la moitié du crâne peut être enlevée. Mais
11 lorsque ça touche la poitrine non seulement à cause de la vitesse de la
12 balle mais à cause de la petite taille de la balle aussi, la balle commence
13 à errer dans le corps, la trajectoire n'est pas rectiligne et donc nombre
14 d'organes vont être détruits ?
15 R. Les projectiles de fusil de petit calibre, ça dépend de l'angle sous
16 lequel ils pénètrent dans le crâne ou la partie du crâne qu'ils touchent, à
17 savoir le point d'entrée et le point de sortie, causaient des blessures
18 comme vous dites en détruisant la moitié du crâne ou, par exemple, sur les
19 organes au niveau de la cavité abdominale ou du thorax, causaient des
20 destructions très importantes sur les tissus mous des organes internes ou
21 des vaisseaux sanguins ou, par exemple, détruisaient des os. Puis vous avez
22 des éclats d'obus qui causaient eux aussi à leur tour des lésions. Donc il
23 y a toutes sortes de choses dans ces documents que possède l'Académie
24 médicale militaire de Belgrade. Vous avez beaucoup d'exemples de ce type.
25 Q. Très bien. A un moment donné, vous avez dit que seuls les membres de la
26 JNA et les hommes d'Arkan pouvaient être distingués des autres soldats du
27 côté serbe ?
28 R. Oui.
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1 Q. Pour ce qui est des hommes d'Arkan, je ne doute pas de cela puisque
2 eux, ils portaient des insignes spécifiques. Souvent, ils avaient un
3 couvre-chef noir avec une ouverture pour les yeux aussi. Mais est-ce que
4 vous savez que dès 1991, nombre de soldats de la JNA se sont mis à enlever
5 l'étoile à cinq branches de leur couvre-chef. Ils cherchaient à l'effacer
6 sur leur casque, puis ils mettaient leurs insignes nationaux ?
7 R. Oui, il y en avait, parmi les supérieurs aussi.
8 Q. Est-ce que vous savez que l'ensemble de l'équipement militaire, les
9 volontaires du Parti radical serbe, ils l'ont reçu des entrepôts de la JNA
10 ?
11 R. Oui, on écrivait à ce sujet. On disait que c'était dans les bâtiments
12 militaires de Bubanj Potok que c'était distribué. Mais c'est ce que j'ai
13 lu, je n'étais pas présent personnellement.
14 Q. Ici, vous dites que tous les volontaires du Parti radical serbe ont été
15 enterrés aux frais de la JNA, c'est-à-dire de l'Académie militaire médicale
16 ou je ne sais pas de quel organe. Vous dites que d'abord on procédait à une
17 autopsie à l'Académie militaire médicale, qu'on les transportait, mais est-
18 ce que vous savez aussi que la garnison du coin était présente pour les
19 honneurs militaires ?
20 R. Les frais n'étaient pas à la charge de l'Académie militaire médicale ou
21 le Grand état-major ou le ministère de la Défense, je sais pas lequel des
22 deux instances. Pour ce qui est de la fanfare, les unités, oui,
23 effectivement, cette unité était accordée pour l'enterrement des
24 volontaires du Parti radical serbe.
25 Q. Est-ce que vous savez que tous les volontaires du SRS
26 service de la JNA jusqu'au 19 mai 1992, la fin de la participation de la
27 JNA ?
28 R. La seule chose que je puisse vous dire, c'est que j'ai collaboré avec
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1 Zoan [phon] Drazilovic, enfin, ces gens-là. C'est tout ce que je peux vous
2 dire. Sur le terrain, je ne peux pas vous en parler.
3 Q. Vous avez mentionné votre séjour à Vukovar tout de suite après la
4 libération.
5 R. Oui. C'était les 19 et 20.
6 Q. Vous savez qui était le commandement de la ville lorsque vous êtes
7 arrivé à Vukovar ?
8 R. Quand je suis arrivé à Vukovar la première fois, c'était des membres de
9 la police militaire qui nous escortaient; le juge d'instruction, ça je ne
10 sais pas, donc. Et la deuxième fois, je me suis présenté au QG du général
11 Mrksic. A l'époque, il était colonel.
12 On a été accueilli par le chef d'état-major, le colonel Panic.
13 Q. C'était à quel moment ?
14 R. C'est quand nous sommes arrivés à Vukovar pour travailler sur les
15 victimes. Donc le 20 ou le 21 novembre 1991.
16 Q. Mais la question que je vous pose, cela porte sur les suites, après la
17 libération de Vukovar. Le 23, la Brigade de la Garde est partie ?
18 R. Oui, le 23, elle est partie mais nous, nous sommes arrivés le 20, le
19 21, nous sommes restés.
20 Q. Vous êtes restés jusqu'à la mi-décembre ?
21 R. Oui, la mi-décembre.
22 Q. Tant que vous n'avez pas tout terminé ?
23 R. Une partie du travail, parce qu'après le commandant de la ville était
24 un lieutenant-colonel Vojnovic, me semble-t-il.
25 Q. Commandant de la 80e Brigade motorisée; c'est bien ça ?
26 R. Non. Je sais pas de quelle -- c'était lui qui était le commandant de la
27 ville. Il me semble qu'il était situé près de la gare ferroviaire ou un
28 bâtiment appartenant au chemin de fer.
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1 Q. Puisque je n'ai plus de temps, deux ou trois questions pour terminer.
2 Nous allons écourter.
3 Vous avez dit - et c'est quelque chose qui m'a étonné - que la sécurité
4 n'était pas fournie par l'armée mais par la Défense territoriale. Mais vous
5 savez que le lieutenant-colonel Vojnovic commandait dans son ensemble la
6 Défense territoriale ?
7 R. Je sais pas qui le faisait mais quand nous avons commencé à rechercher
8 les cadavres --
9 Q. C'était la Brigade de la Garde ?
10 R. Oui.
11 Q. Après le 23 novembre ?
12 R. Après. Pendant ces quelques premiers jours, pendant que nous
13 recherchions l'endroit où nous allions pouvoir travailler sur les corps, il
14 y avait ces gens-là. Et après, nous n'avions plus de gardes ou d'escortes.
15 Des équipes entières travaillaient sans avoir quelqu'un pour garantir leur
16 sécurité.
17 Q. Il n'y avait pas besoin de garantir la sécurité.
18 R. On n'en avait pas besoin.
19 Q. Personne ne vous a gêné de travailler ?
20 R. C'est ça.
21 Q. Et Ovcara, vous étiez pas au courant ?
22 R. Je n'étais pas au courant.
23 Q. Et si vous aviez su ?
24 R. Si j'avais su, j'aurais travaillé là-dedans.
25 Q. Et ceux qui étaient au courant, ils ne vous l'ont pas dit ?
26 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que la réponse est inaudible.M. SESELJ :
27 [interprétation]
28 Q. Très rapidement, nous allons devoir terminer. Compte tenu du fait que
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1 par deux fois, vous vous êtes rendu à Zvornik le 30 avril et le 5 mai 1992,
2 j'ai l'impression que la JNA a fait des efforts pour que, dans son
3 ensemble, toutes les activités liées à ces victimes soient faites dans les
4 règles. Donc que toutes les victimes fassent l'objet d'examens du côté
5 adverse, qu'on établisse les causes du décès et qu'on agisse conformément à
6 la loi ?
7 R. Oui.
8 Q. Et cela a duré au maximum jusqu'au 19 mai, de la date du retrait de la
9 JNA de Bosnie; c'est bien ça ? Mais je suppose que vous savez et que dans
10 leur majorité, les victimes de liquidation, de torture ont eu lieu en juin
11 1992, à partir du moment où la JNA n'y était plus. Vous le savez ?
12 R. Grâce aux médias, mais c'est tout.
13 Q. Il semblerait qu'au moment où vous avez fait ces autopsies, que la
14 plupart de ces combattants musulmans qui sont tombés, ils ont péri dans des
15 opérations de combat. Je n'exclus pas la possibilité. Nous avons eu des
16 témoins ici qui ont évoqué une vingtaine de civils de tués à Zvornik. On
17 sait qui les a tués. Ça, ce n'est pas particulièrement important pour ce
18 qui nous intéresse ici. Mais de toute évidence, tous les cadavres qui ont
19 été trouvés en contrebas par rapport à Kula Grad, ce sont des gens qui ont
20 péri dans les combats.
21 R. La majorité a péri dans les combats mais je vous ai dit, nous avons sur
22 deux corps, sur un, une blessure par couteau ou poignard au niveau du
23 thorax, au niveau du cœur, puis pour ce qui est d'un cas, il y a deux
24 coupures au niveau de la partie droite du visage et du cou. Ces deux
25 personnes, la thèse la plus vraisemblable est qu'ils ont péri face à
26 quelqu'un qui leur a infligé ces blessures. Je ne sais pas si c'était
27 pendant les combats ou non.
28 Q. Cette déclaration que vous avez donnée en 2003, je l'ai lue. Je vois
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1 ici quelque chose qui me paraît étrange. L'entretien avec vous a eu lieu le
2 8 juillet 2003, et la déclaration, on vous en a donné lecture le 1er octobre
3 2003. Alors, d'où cette distance dans le temps entre l'entretien et la
4 lecture de la déclaration ?
5 R. Je dois dire que j'ai beaucoup de fois, soit en tant que membre du
6 comité ou en une autre qualité, j'ai eu des entretiens avec des
7 représentants du Tribunal de La Haye. Lorsque j'ai fait ma première
8 déclaration, où j'ai cité un certain nombre de choses, il y a eu des
9 objections suite à mes conclusions et on a cherché d'autres explications
10 pour ce qui est des causes de décès de ces personnes. A plusieurs reprises,
11 ils sont venus à l'Académie militaire médicale. Ça, c'est tout à fait sûr,
12 mais je ne saurais pas vous donner d'explication exacte, quelle en est la
13 raison.
14 Q. C'est sur 70 pages qu'il y a votre première déclaration ?
15 R. A peu près.
16 Q. Et il y est question d'autopsies menées sur des victimes serbes ?
17 R. Oui. De Kravica.
18 Q. Ce sont des civils ?
19 R. Oui, des civils, des victimes civiles ou parfois, des membres de
20 l'armée de la Republika Srpska. Miladin Aseric, on l'a décapité; Trisa qui
21 a été étranglé avec un nœud coulant en plastique --
22 Q. Mais ce qui m'importe, c'est que le Procureur de La Haye n'a jamais
23 montré qu'il souhaitait se servir de votre première déclaration lors d'un
24 procès.
25 R. Non, non. Il était prévu que je vienne au procès contre Naser Oric,
26 mais sa Défense a accepté toutes mes constatations et c'est la raison pour
27 laquelle je ne suis pas venu.
28 Q. Mais dites-moi --
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous avez utilisé votre heure, donc
2 on arrête cela.
3 Monsieur le Témoin, je vous remercie d'être venu et je vous souhaite un bon
4 retour dans votre pays. Je vais demander à M. l'Huissier de vous
5 raccompagner.
6 [Le témoin se retire]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner maintenant la parole à M. Mundis qui
8 a quelque chose à nous dire.
9 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie. En effet, je comprends bien
10 que j'ai très peu de temps. Je vais être bref dans la mesure du possible,
11 bien sûr. Je tiens quand même à permettre aux interprètes de suivre.
12 Suite à l'audition du premier témoin que nous avons entendu cette semaine,
13 l'Accusation fait une demande urgente pour retarder la séance --
14 M. LE JUGE ANTONETTI : -- à huis clos, parce que --
15 M. MUNDIS : [interprétation] Non. Je pense que j'aimerais faire des
16 remarques d'introduction uniquement à cette séance publique.
17 Nous considérons que l'on compromet complètement l'intégrité de cette
18 procédure et c'est à la Chambre de première instance de protéger
19 l'intégrité de la procédure et s'assurer que le procès est équitable pour
20 les deux parties. L'accusé d'un côté, mais aussi pour l'Accusation. Nous
21 avançons que la Chambre de première instance doit absolument arrêter ces
22 procédures étant donné que les moyens de preuve actuels montrent bien que
23 l'intégrité de la procédure est mise en péril. Le Statut est extrêmement
24 clair là-dessus, la Chambre doit s'assurer que les témoins sont en sécurité
25 et que les victimes et les témoins sont traités avec dignité et respect.
26 Or, c'est là que je pense que nous devrions passer maintenant à huis clos
27 partiel, s'il vous plaît.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Avant de passer à huis clos partiel. Je
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1 tiens à vous dire ceci. Attendez, Monsieur Seselj.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il vous plaît.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je tiens à dire ceci à M. Mundis. Il ne vous
4 reste même pas 18 heures pour terminer votre cause. Voilà maintenant que
5 vous me parlez de suspendre le procès parce qu'il y aurait des témoins qui,
6 par des pressions, mettraient en cause l'intégrité du Tribunal. Si des
7 témoins, je dis "si" des témoins font l'objet de pressions, ceci sera
8 établi. En revanche, ces témoins viennent en audience. A l'audience, ils
9 sont dans vos mains.
10 Quand vous êtes, vous, Procureur, et que vous posez des questions,
11 vous pouvez aborder toutes questions sur cesdits témoins, et l'accusé, bien
12 entendu, contre-interroge. Mais les Juges, qui font leur travail ayant les
13 éléments d'appréciation, vérifient toutes les données des témoins. Il ne
14 faut pas confondre deux choses, Monsieur Mundis, parce que l'intégrité du
15 Tribunal, c'est que le procès soit rapide et qu'il y ait un jugement et
16 qu'on ne joue pas au chat et à la souris. Quand le témoin vient, témoin de
17 l'Accusation, témoin de la Chambre, témoin de la Défense, quand le témoin
18 vient, il peut dire la vérité, il peut mentir, je n'en sais rien. Quoi
19 qu'il en soit, il fait l'objet d'un filtre par les questions du Procureur,
20 par les questions de la Défense, par les questions des Juges. Et les Juges
21 se rendent compte si le témoin dit la vérité ou ment, et cetera. Mais
22 indépendamment des témoins, il y a des documents, et les documents, en
23 règle générale, ils ne mentent pas.
24 On est à moins de 18 heures de la fin de votre clôture, et vous
25 revenez à nouveau sur cette question, en vous basant ce qui a pu se passer
26 hier. Je dis ce qui a pu, car ce qui s'est passé ou qui a pu se passer, ça
27 mérite un examen, mais hier, on avait un témoin qui a répondu conformément
28 à la déclaration qu'il vous avait donnée en 2003, je dis ça de mémoire, ou
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1 2004, et la majorité -- tous les témoins qui ont fait toutes les
2 déclarations au moment où il n'y avait rien, 2003, 2004, et cetera, ils
3 sont venus, puis si jamais ils ne viennent pas, la Chambre, et je vous l'ai
4 déjà clairement dit, admettra ces déclarations. Voilà. Le procès, pour moi,
5 doit continuer.
6 Vous voulez passer à huis clos, on va passer à huis clos pour que
7 vous continuiez d'intervenir.
8 Monsieur Seselj.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je vous en prie. J'ai le droit de répondre
10 à la partie publique de la déclaration de M. Mundis après quoi vous pourrez
11 passer à huis clos partiel.
12 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, hier vous avez pu de vos
13 propres yeux et de vos propres oreilles vous convaincre de l'aisance avec
14 laquelle j'ai démoli complètement toute la déposition du témoin de
15 l'Accusation. Dans ces conditions, je vous pose la question : quel pourrait
16 bien être mon intérêt de terroriser d'une façon ou d'une autre un tel
17 témoin. Où serait mon intérêt en agissant ainsi. Pour moi, il est très
18 heureux que ce témoin soit venu en tant qualité de témoin de l'Accusation.
19 Qu'est-ce que j'aurais fait si, par hasard, il avait été témoin de la
20 Défense ?
21 M. MUNDIS : [interprétation] Nous voulons passer à huis clos partiel.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
24 partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
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28 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mardi 20 janvier
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1 2009, à 14 heures 15.
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