Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 15 janvier 2009

  2   [Audience publique]

  3   --- L'audience est ouverte à 8 heures 33.

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous sommes en audience publique.

  6   Je demande à M. le Greffier d'appeler le numéro de l'affaire, s'il vous

  7   plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour à tous. Il s'agit de l'affaire

  9   IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 10   Je vous remercie, Messieurs et Madame les Juges.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 12   En ce jeudi 15 janvier 2009, je salue en premier lieu les représentants de

 13   l'Accusation; je salue également M. Seselj et je salue toutes les personnes

 14   présentes.

 15   J'ai cru comprendre, Monsieur Seselj, que vous avez quelques questions

 16   administratives. Si c'est court, je vous donne la parole. Si vous estimez

 17   que ça peut être long, il vaudrait mieux le faire après le témoin. C'est à

 18   vous de voir.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce sera assez court. Je n'ai qu'une question

 20   administrative à évoquer.

 21   Hier soir, j'ai reçu un document public avec une annexe B qui est

 22   confidentielle. C'est une requête de l'Accusation visant à obtenir le

 23   versement au dossier de la déclaration du témoin numéro 1008 en application

 24   de l'article 92 quater. Il y a quelques jours, j'ai reçu une requête

 25   similaire de l'Accusation concernant un certain nombre d'autres témoins. Je

 26   ne voudrais pas abuser de votre temps, car je ne dispose pas non plus de

 27   beaucoup de temps pour vous donner tous les détails. Mais je tiens à vous

 28   faire connaître mon opposition à ces requêtes en m'appuyant sur le

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  1   paragraphe D de l'article 6 du Règlement de procédure et de preuve qui

  2   prévoit que : "Le procès est en cours depuis que la première comparution a

  3   eu lieu au Tribunal et le procès se compose de trois parties, préalable au

  4   procès, première instance et appel.

  5   Toutes les présentations des moyens de preuve depuis le 26 février

  6   date de ma première comparution devant le Tribunal en l'année 2003. Tous

  7   les éléments qui ont été utilisés jusqu'aujourd'hui ne peuvent pas être

  8   modifiés si cela me nuit. L'article 9213 du Règlement ne peut pas permettre

  9   de telles modifications si cela va à mon encontre, et manifestement tel est

 10   le cas. Il ne s'agit pas uniquement des témoins vivants, mais également des

 11   témoins qui ont confié leur sort à Dieu, et qui, entre-temps, ont été

 12   frappés par un décès. Donc aucune modification est possible sur la base du

 13   paragraphe D de l'article 6, je cite : "Les modifications entrent en

 14   vigueur sept jours après leur publication sous forme de document officiel

 15   du Tribunal contenant les modifications sans préjudice des droits de

 16   l'accusé." Donc je m'oppose à ces requêtes de l'Accusation. Voilà, ce que

 17   j'avais à dire.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Une réplique orale très vite.

 19   M. MUNDIS : [interprétation]  Je vous remercie, Monsieur le

 20   Président.

 21   Bonjour à tous, bonjour, Monsieur Seselj, bonjour à tout le monde dans le

 22   prétoire.

 23   Bien sûr, il n'y a aucun préjudice envers les droits de la Défense avec

 24   l'application de l'article 92 quater ou l'article 92 ter puisqu'il y a des

 25   -- en fait, nous considérons qu'il n'y a aucun handicap, aucun préjudice

 26   aux droits de la Défense étant donné que les preuves qui sont dans ces

 27   documents corroborent une autre preuve donc ce sera ensuite à la Chambre de

 28   première instance de donner le poids qu'elle veut à ces déclarations.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, la Chambre rendra des décisions sur

  2   les requêtes en cours. Il y en a quatre, de mémoire,  je crois, ou cinq. Je

  3   les ai lues. J'ai constaté que toutes les personnes étaient décédées et que

  4   de ce fait l'article 92 quater pouvait entrer en application.

  5   Sur les débats juridiques que vous soulevez, vous l'avez déjà soulevé. La

  6   Chambre d'appel a déjà dit qu'il pouvait y avoir un effet rétroactif des

  7   modifications du Règlement. La question est de savoir quel est le

  8   préjudice. Il pourrait y avoir un préjudice si vous étiez dans l'incapacité

  9   totale de contester le contenu de ces déclarations. Or, vous pouvez par

 10   écrit contester lesdites déclarations en expliquant que le témoin qui est

 11   décédé a dit cela, vous le contestez pour telle ou telle raison, en

 12   fonction de tel ou tel document, et cetera. Puis, quand vous allez avoir

 13   vos propres témoins, si vous avez des témoins ou si vous témoignez, vous

 14   aurez l'occasion de revenir en disant : Il y a M. X qui est mort qui a dit

 15   ça, moi, j'estime que c'est un mensonge, que c'était ci que c'était ça, et

 16   cetera.

 17   Parce que imaginez l'hypothèse suivante : qu'un document de cette nature

 18   soit un document capital pour l'innocence d'un accusé.

 19   Alors ça voudrait dire, la justice n'en tient pas compte. Ou imaginez que

 20   ce document soit capital pour la culpabilité, et à ce moment-là la justice

 21   va fermer les yeux ? Là il y a un véritable problème.

 22   Ce débat, il a déjà eu lieu. Vous l'avez déjà soulevé, et c'est toute

 23   la question de l'application rétroactive des Règles. Ici, ça fonctionne

 24   comme ça. Voilà.

 25   Vous venez de faire une déclaration orale. Si vous et vos collaborateurs,

 26   vous avez la possibilité par écrit de contester, de dire que le témoin à

 27   tel paragraphe a dit ceci, mais ce qu'il dit n'est pas conforté parce que,

 28   et cetera, et cetera, ça, vous avez la possibilité de le dire, c'est-à-dire

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  1   qu'on est dans une procédure mixte, orale et écrite.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] D'abord, vous avez déclaré qu'il était possible

  3   de démontrer l'innocence de l'accusé par de telles déclarations. Bien

  4   entendu, si l'innocence de l'accusé est démontrée, alors c'est acceptable,

  5   car cela ne va pas à l'encontre des intérêts de l'accusé. Aucune procédure

  6   judiciaire civilisée n'autorise de procédure rétroactive pour autant

  7   qu'elle aille à l'encontre des intérêts de l'accusé. J'ai bien entendu

  8   l'arrêt de la Chambre d'appel, mais c'est un arrêt primitif et inacceptable

  9   qui ne survivrait pas à l'examen de quelque système judiciaire civilisé.

 10   Maintenant, mon rôle consiste à mettre l'accent sur ce point. Vous, vous

 11   ferez ce que vous voudrez.

 12   Je vois que vous avez déjà agi dans le sens que je mets en cause, puisque

 13   vous avez accepté la déclaration de Ljubisa Petkovic, même si elle ne

 14   relève pas de l'article 92 quater du Règlement. En effet, l'article 92

 15   quater évoque des déclarations écrites et des comptes rendus d'audience

 16   émanant d'une personne qui, dans l'intervalle, a trouvé la mort. Ljubisa

 17   Petkovic n'est pas décédé. Merci à Dieu pour cela. Il est bonne santé. Il

 18   est député de l'assemblée serbe. Et une personne qui ne peut pas dans des

 19   délais suffisamment rapides obtenir une décision judiciaire, ne peut

 20   relever quoi qu'il en soit de cet article 92 ter. Il a comparu devant vous.

 21   Il a été condamné, même en dépit du fait qu'il ne souhaitait pas

 22   comparaître, et une personne qui n'a aucun problème physique ou mental tel

 23   que lui, car il se porte très bien sur ces deux plans et qui ne souhaite

 24   pas témoigner doit avoir son souhait accepté.

 25   Hier, vous m'avez surpris lorsque j'ai dit que j'avais pas mal d'objections

 26   au travail de la Chambre de première instance. C'est l'une des objections

 27   principales qui est la mienne.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, votre objection est au compte

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  1   rendu.

  2   L'article 92 quater, vous avez raison, concerne les personnes décédées,

  3   mais pas que les personnes décédées; les personnes qu'on n'arrive pas à

  4   retrouver et les personnes qui sont malades, et dont l'état de santé

  5   physique ne permet pas de témoigner. Voilà, c'est ça la portée de l'article

  6   92 quater, qui n'est pas uniquement limité aux personnes décédées. Il y a

  7   des extensions à d'autres cas.

  8   En tout cas, votre position, nous la connaissons. Sachez que nous prenons

  9   en compte tout ce que vous dites, même si parfois vous n'en avez pas

 10   l'impression.

 11   Nous allons maintenant introduire le témoin. Je rappelle à l'Accusation

 12   qu'elle a une heure, à M. Seselj une heure, mais vu que les Juges parfois

 13   posent des questions, regardent des documents, quand on prend une heure, ça

 14   va durer toute la journée d'audience.

 15   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous me donner votre nom,

 17   prénom et date de naissance.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Zoran Stankovic. Je suis né le 9

 19   novembre 1954.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession ou qualité actuelle ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis médecin de médecine légale à Pancevo,

 22   à l'hôpital de médecine légale.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes civil ou militaire ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été général de l'armée yougoslave. En ce

 25   moment, je suis retraité de l'armée.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, avez-vous déjà témoigné devant un

 27   tribunal; si oui, lequel, et dans quelle affaire, uniquement pour les faits

 28   qui se sont déroulés dans

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  1   l'ex-Yougoslavie ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné à deux reprises au TPIY, présent

  3   physiquement en tant que témoin de la Défense dans l'affaire Krstic, et au

  4   mois de mai de cette année, j'ai été témoin expert de la Défense dans

  5   l'affaire Milutinovic, Sainovic, Ojdanic et consorts. Quant à d'autres

  6   tribunaux, j'ai été convoqué pour témoigner en public devant le tribunal

  7   spécial de Belgrade, et j'ai témoigné devant l'ancien tribunal qui existait

  8   à Rijeka [phon] en Croatie au sujet du meurtre d'un certain nombre de

  9   Serbes à Gospic. Et j'ai travaillé à plusieurs reprises avec le procureur

 10   général de Bosnie-Herzégovine dans les affaires relatives à des meurtres de

 11   Serbes en des lieux comme Zvornik, Kravica, Batkovic, Rogatica, Bratunac,

 12   Milici et d'autres localités, Srebrenica également, d'autres localités

 13   encore en Bosnie-Herzégovine.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant ce Tribunal, si je comprends bien, vous

 15   avez témoigné deux fois comme témoin de la Défense dans l'affaire Krstic et

 16   dans l'affaire Milutinovic et autres, et c'est donc la première fois que

 17   vous témoignez comme témoin de l'Accusation. Je ne me trompe pas ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez raison, en effet.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 21   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 22   LE TÉMOIN : ZORAN STANKOVIC [Assermenté]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Mon Général. Vous pouvez vous asseoir.

 25   Comme vous avez déjà témoigné ici, vous savez comment ça se déroule. Mes

 26   explications vont être extrêmement brèves.

 27   Sauf qu'aujourd'hui, vous êtes témoin de l'Accusation, mais enfin,

 28   témoin de la Défense ou témoin de l'Accusation, dans ces matières, de mon

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  1   point de vue, c'est exactement pareil.

  2   Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par le

  3   représentant de l'Accusation, M. Ferrara, que vous avez dû rencontrer. Il

  4   vous posera des questions et peut-être vous présentera des documents. La

  5   Chambre a fixé une heure à ceci. Mais pendant ce temps-là, il se peut que

  6   les Juges interviennent et je ne manquerai pas d'ailleurs d'intervenir,

  7   pour vous poser des questions complémentaires ou de suivi sur des aspects

  8   de votre travail à l'époque.

  9   Une fois que cette phase sera terminée, M. Seselj, qui est accusé et qui se

 10   trouve à votre gauche, vous posera des questions dans le cadre de son

 11   contre-interrogatoire, puisqu'on est dans une procédure où c'est d'abord

 12   l'Accusation qui pose des questions, puis après, la Défense.

 13   Voilà ce que je tenais à vous dire.

 14   Essayez d'être précis dans vos réponses, mais je n'ai aucun souci dans la

 15   matière puisque vous avez déjà eu l'expérience de ce Tribunal. Si vous ne

 16   comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à demander à celui qui

 17   vous pose la question de la reposer.

 18   Si à un moment donné vous ne vous sentez pas bien - ça peut même

 19   arriver de la part d'un médecin - si vous ne vous sentez pas bien,

 20   n'hésitez pas à nous demander d'arrêter l'audience. Voilà ce que je tenais

 21   à vous dire en préambule.

 22   Je vais tout de suite céder la parole à M. Ferrara qui va commencer

 23   son interrogatoire principal.

 24   L'INTERPRÈTE : Correction au sujet de la profession du témoin, qui est

 25   professeur de médecine légale à la clinique privée de stomatologie de

 26   Pancevo actuellement.

 27   M. FERRARA : [interprétation] Merci.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a une chose que je voudrais vous dire,

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  1   Monsieur le Président.

  2   Pour moi, cela m'est égal d'être témoin de la Défense, de

  3   l'Accusation ou d'autre. Je vais m'efforcer de dire ce que je sais, de

  4   rendre compte de la vérité que je connais. Donc pour moi, cela ne fait

  5   aucune différence d'être témoin de la Défense ou de l'Accusation.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est bien ce que j'avais compris.

  7   M. FERRARA : [interprétation] Je vous remercie.

  8   Interrogatoire principal par M. Ferrara :

  9   Q.  [interprétation] Professeur Stankovic, bonjour. Pourriez-vous tout

 10   d'abord nous parler un peu de votre carrière et de votre éducation ?

 11   R.  J'ai terminé mes études de médecine à Nis. Après quoi, j'ai fait mon

 12   service militaire, en terminant l'école des officiers de réserve dans le

 13   secteur de la santé, après quoi j'ai passé un an à l'hôpital militaire de

 14   Nis, puis j'ai dirigé le service médical en tant que chef de ce service à

 15   la caserne de Pec. Un an et demi plus tard, j'ai été proclamé meilleur

 16   médecin de la JNA, et j'ai été envoyé pour des études de spécialisation en

 17   médecine légale à l'Académie militaire de santé de Belgrade où j'ai obtenu

 18   mon diplôme en 1980. Après cela, je suis allé travailler en tant que

 19   légiste.

 20   Au début de la guerre, j'ai réalisé un certain nombre d'autopsies de corps

 21   de personnes tombées pendant les combats. Je l'ai fait en plusieurs

 22   endroits. J'ai d'abord travaillé sur des cadavres de soldats. Ensuite, je

 23   suis allé à Vukovar où j'ai dirigé l'équipe médicale chargée de l'enquête

 24   demandée par le tribunal militaire de Belgrade. J'ai ensuite travaillé sur

 25   des fosses communes dans lesquelles se trouvaient des cadavres de Serbes

 26   tués à Gospic, puis j'ai travaillé également dans le secteur de Siroka

 27   Kula. J'ai travaillé également à Zvornik à l'examen de cadavres de

 28   Musulmans tués dans cette localité et dans sa région. Puis j'ai travaillé à

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  1   des autopsies de membres de la VRS tués à Zvornik. J'ai également travaillé

  2   à Fakovici, Milici, Sarajevo également, Banja Luka, examens et autopsies de

  3   cadavres trouvés dans une fosse commune de Mirkonjic Grad. Aussi j'ai

  4   travaillé à Brcko, Bijeljina. Je suis allé ensuite en Herzégovine, non loin

  5   de Mostar, Bjelasnica était le lieu où j'ai commencé, ensuite Nevesinje.

  6   J'ai peut-être omis de vous citer le nom de certains lieux, mais je vous ai

  7   rendu compte de ce que j'ai fait au mieux de mon souvenir.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Monsieur le Témoin. Vous venez de citer

  9   toutes les autopsies que vous avez pratiquées. En regardant votre

 10   déclaration écrite, elle porte principalement sur Zvornik. Vukovar n'a pas

 11   du tout été abordée dans la déclaration que vous aviez faite. Mais comme

 12   vous venez de parler de Vukovar, moi, ça m'intéresse au plus haut point. Je

 13   ne vais pas vous poser des questions sur toutes les autopsies concernant

 14   Vukovar, mais vous avez dit quelque chose qui peut, pour les Juges, avoir

 15   un intérêt.

 16   Vous avez dit, c'est à la ligne 9 de la page 9 :

 17   "Je suis allé à Vukovar," où vous étiez le responsable de l'équipe médicale

 18   chargée de l'enquête conduite par la cour militaire de Belgrade.

 19   Cette phrase qui vient d'apparaître et qui sont vos propos, pouvez-vous

 20   nous dire exactement à quelle date la cour militaire de Belgrade vous avait

 21   saisi pour faire l'enquête et, le cas échéant, des autopsies ? C'est à quel

 22   moment que vous avez travaillé à

 23   Vukovar ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] En tant qu'institut travaillant pour une

 25   institution militaire, c'est-à-dire l'Académie de santé militaire de

 26   Belgrade, nous avons été saisis aux environs du 19 novembre 1991. J'ai reçu

 27   information du chef de l'institut de l'époque indiquant que nous devions

 28   nous rendre à Vukovar pour pratiquer l'exhumation d'un certain nombre de

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  1   soldats qui étaient tombés au cours des combats. C'est le 20 novembre, si

  2   je me souviens bien, que nous sommes allés à Vukovar pour la première fois,

  3   20 et 21 novembre. Dès notre retour de Vukovar, j'ai reçu ordre du chef de

  4   l'institut sur instruction du tribunal militaire de nous rendre à Vukovar.

  5   Je crois que nous étions à Vukovar le 20 et le 21.

  6   Le 21 novembre, nous avons réalisé les autopsies des cadavres découverts à

  7   Vukovar suite aux combats. Je crois que je suis resté à Vukovar sans

  8   interruption jusqu'au 17 ou 18 décembre.

  9   Ensuite, je suis revenu à Belgrade avec les membres de l'équipe, et à trois

 10   ou quatre reprises, nous sommes allés inspecter les cadavres découverts

 11   dans les bâtiments détruits présents dans le secteur de la municipalité de

 12   Vukovar. Je crois que cela s'est passé après la fin de l'année 1991, c'est-

 13   à-dire déjà en 1992. Je ne me rappelle pas exactement les dates, mais je

 14   sais que j'y suis allé deux fois au moins.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous dites - et c'est important - que dès

 16   le 19 novembre 1991, on vous demande d'aller à Vukovar pour examiner les

 17   corps des soldats et officiers qui ont été tués dans un tank. Est-ce que

 18   c'était une mission d'ordre général ou uniquement ponctuelle ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] La première fois que j'y suis allé, il était

 20   question d'une équipe dans laquelle on trouvait Zoran Fender [phon] --

 21   L'INTERPRÈTE : Si l'interprète a bien entendu le nom.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] -- soldat de Novi Sad. Il s'agissait d'hommes

 23   qui étaient tombés alors qu'ils s'occupaient d'un char, ça je m'en souviens

 24   très bien. Ils ont été tués à l'intérieur d'une maison. Il y avait aussi le

 25   sergent Jovic qui avait été blessé, qui a été transféré à l'hôpital de

 26   Vukovar, puis à Belgrade. Ça, c'était sur l'ordre du tribunal militaire.

 27   Par la suite, nous avons reçu un nouvel ordre et nous sommes allés dans le

 28   cadre d'une équipe à Vukovar.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour la première fois, pour les trois, ils étaient

  2   Serbes ou Croates, les tués ou blessés ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des soldats qui étaient membres de

  4   la JNA. Je ne saurais pas vous dire s'ils étaient tous serbes.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : La première fois où vous allez, c'est pour enquêter

  6   sur des soldats de la JNA. Bien. Ça, c'est première fois. La deuxième fois,

  7   quelle était votre mission exacte ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] La première fois, notre mission consistait,

  9   s'agissant de tous les cadavres découverts à Vukovar, de les examiner et

 10   nous devions également établir les documents relatifs à ces examens. Une

 11   partie spéciale de notre mission consistait à identifier les cadavres qui

 12   avaient été découverts. Dans ce cas précis. Nous avions des formulaires que

 13   nous avons utilisés dans le cadre de notre travail du début à la fin et --

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne rentre pas dans les détails, la deuxième fois,

 15   vous dites -- parce que je veux redonner la parole à M. Ferrara et je veux

 16   terminer cet aspect - la deuxième fois, vous aviez le mandat d'examiner les

 17   corps des personnes trouvées à Vukovar. Ma question, elle est aussi d'ordre

 18   technique. Tous les corps serbes et croates ou uniquement les corps des

 19   Serbes ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela concernait tous les corps, parce que nous

 21   ne pouvions pas savoir si c'étaient des Serbes ou --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Un élément important, tous les corps.

 23   Et la deuxième fois, l'ordre qui vous a été donné, ça a été un ordre

 24   verbal ou vous avez eu un document écrit ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il existe un ordre écrit sur l'enquête à

 26   Vukovar de la part du tribunal militaire de Belgrade.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc sur ordre écrit du tribunal militaire de

 28   Belgrade, vous vous êtes rendu à Vukovar pour examiner les corps de toutes

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  1   les personnes qui avaient été tuées.

  2   Ma dernière question - et c'est la plus capitale - à quelle date exactement

  3   avez-vous eu cet ordre ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Cet ordre a été reçu le 20, je pense, novembre

  5   1991. Toutefois, permettez-moi, je vais peut-être dans trop de détails,

  6   mais c'était une équipe constituée de juges d'instruction, le juge Salic

  7   était à la tête de l'équipe, et des juges civils du territoire de

  8   Vojvodine, de Novi Sad, Apatin et autres tribunaux ont pris part à

  9   l'enquête, des régions orientés vers Vukovar. Et il y avait une équipe de

 10   police technique et scientifique avec Mrakovic, qui n'est plus parmi nous,

 11   qui était à la tête de cette équipe, ils étaient chargés de tout ce qui

 12   relève de la police technique et scientifique. Puis, il y avait une équipe

 13   de police judiciaire, j'étais à la tête de cette équipe et nous

 14   travaillions sur ordre et de concert avec le juge d'instruction et avec la

 15   police criminelle et technique de Vukovar.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc - et je pense que ça a de l'importance - dès le

 17   20 novembre 1991, les autorités, qu'elles soient militaires, JNA, ou

 18   civiles, par la présence des juges de tous ressorts, a l'ordre de procéder

 19   aux examens de toutes les personnes dont les corps vont être trouvés à

 20   Vukovar. Est-ce à dire qu'à ce moment-là, toutes les autorités ont voulu

 21   que la lumière soit faite sur des circonstances de la mort de ces personnes

 22   ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Quoi qu'il en soit, oui.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. La communauté internationale

 26   exerçait un contrôle sur nos activités. J'étais placé sous le contrôle d'un

 27   expert, Antonio Pilera [phon], un expert en médecine légale espagnol qui

 28   est arrivé en mission de la part des Nations Unies, si je ne me trompe pas.

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  1   Et c'est lui qui avait un droit de regard sur ce que nous faisions.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Que cette internationale était là, c'est une

  3   chose, mais, moi, ce qui m'importait était de savoir quel était le

  4   comportement des autorités militaires serbes et les autorités civiles. Et

  5   là, vous avez répondu de manière très claire, ce que nous n'avions pas

  6   perçu jusqu'à présent. Mais grâce à votre présence, cet élément est

  7   important et figure au transcript pour Vukovar.

  8   Mais en fait, on va continuer maintenant.

  9   M. FERRARA : [interprétation] Page 14, ligne 5 --

 10   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle a bien dit le 20 novembre et

 11   non pas le 27 septembre.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait, 20 novembre et pas 27. Il y a une

 13   erreur au transcript.

 14   M. FERRARA : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur le Professeur, vous êtes-vous jamais rendu sur les fosses de

 16   Vukovar ?

 17   R. Il ne s'agissait pas de visite. J'y ai travaillé avec mon équipe. Il y

 18   avait une fosse commune au cimetière juif, deux fosses communes situées au

 19   stade de Sloga. Tout ce que nous y avons repéré, ou tout ce que nous avons

 20   appris comme étant des endroits où on a inhumé des victimes. Nous avons

 21   tout exhumé. Nous avons procédé à un examen et nous avons enterré au

 22   cimetière bulgare, si je ne me trompe pas. Un dossier volumineux existe

 23   suite à cela. Pavle Todorivic, représentant chargé des droits de l'homme, a

 24   remis cela entre les mains des autorités croates par la suite.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une question.

 26   Parce que nous, nous pensions que vous alliez témoigner sur Zvornik,

 27   et puis là, on voit que sur Vukovar, c'est intéressant. Juste une

 28   précision.

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  1   Quand vous étiez à Vukovar, est-ce que vous avez eu connaissance qu'il

  2   s'était passé des événements à l'hôpital de Vukovar ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] A Vukovar, nous avons procédé à l'examen de

  4   tous les corps. S'agissant de l'hôpital, nous nous sommes rendus à

  5   l'hôpital, et à proximité de l'hôpital, dans un passage, nous avons trouvé

  6   des corps enterrés. Il y en avait peut-être une cinquantaine, voire plus.

  7   Et à côté de cet endroit, il y avait également une cinquantaine de corps

  8   qui étaient placés à même le sol, en surface, à côté de l'hôpital. Dans

  9   l'hôpital, il y avait des gens, il y avait des blessés et c'est quelque

 10   chose que nous avons vu.

 11   Quant aux événements dans l'hôpital, nous n'étions pas au courant plus en

 12   détail de ce qui se passait, parce que lorsque nous avons commencé à nous

 13   mettre au travail nous étions occupés par cela. Il faisait très froid,

 14   c'était l'hiver, les températures descendaient jusqu'à moins 20 degrés

 15   Celsius. On cherchait à enlever au plus vite un maximum de corps du sol,

 16   puisque les animaux se précipitaient sur ces corps. Il y avait un grand

 17   nombre d'animaux de morts. C'était lié à un danger très important de mines

 18   antipersonnel, parce que vous aviez quasiment la totalité de Vukovar pavée

 19   de mines antipersonnel, donc nous avions aussi des pertes, des victimes

 20   parmi nos hommes qui travaillaient avec nous, qui nous précédaient. Vous

 21   aviez aussi des cas où les corps étaient minés, donc il fallait qu'on se

 22   débrouille de toutes les manières possibles pour que ces corps soient

 23   évacués en les tirant avec des cordes, des cordages pour ne pas avoir de

 24   victimes nous-mêmes.

 25   Les conditions étaient très difficiles.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous appris qu'il y avait plus de 200 personnes

 27   de l'hôpital de Vukovar qui avaient disparu ou qui avaient été tuées ? Est-

 28   ce que vous l'avez appris à ce moment-là ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. A ce moment-là, nous ne le savions pas.

  2   Ce n'est que plus tard, quand on a commencé à écrire là-dessus et à en

  3   parler, c'est là que j'ai été mis au courant. Si on avait su que ces corps

  4   de ces gens tués étaient là, nous aurions procédé à une exhumation des

  5   restes et nous aurions examiné les corps. Dans tous les cas, ces corps ne

  6   seraient pas restés là, on les aurait trouvés par la suite.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : A ce moment-là, vous n'aviez pas eu d'indications

  8   laissant supposer que les personnes qui étaient à l'hôpital de Vukovar

  9   avaient été tuées ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 12   M. FERRARA : [interprétation]

 13   Q.  Avez-vous jamais inspecté la fosse commune d'Ovcara ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Poursuivons et parlons de votre parcours.

 16   Vous dites que vous êtes professeur de faculté, que vous avez donné des

 17   conférences en matière de médecine légale, où est-ce que vous enseignez ?

 18   R.  J'ai enseigné la médecine légale, pas la médecine légale militaire,

 19   mais la médecine légale à partir de 1996 à l'Académie de la police de

 20   Belgrade et il y a deux ou trois ans que j'ai commencé à enseigner à la

 21   faculté privée d'odontostomatologie de Pancevo.

 22   Q.  Avez-vous donné des conférences à l'étranger ?

 23   R.  Oui. A deux reprises, j'ai été invité à faire une conférence à Kings

 24   College à Cambridge. Puis j'ai fait une conférence au comité chargé des

 25   affaires extérieures au Parlement de Grande- Bretagne et j'ai parlé devant

 26   le Parlement de l'Ukraine. Puis j'ai donné des conférences sur les victimes

 27   de la guerre à Paris. C'est là que j'ai rencontré Florence Artman qui est

 28   venue à ma conférence, c'était en 1995.

Page 13497

  1   Puis j'ai donné plusieurs conférences aux Pays-Bas, la première équipe

  2   qu'on a amenée voir M. Gullstone au TPIY, c'étaient des détenus et des ex-

  3   détenus serbes qui se sont trouvés dans des camps tels Dreta, Sarajevo et

  4   autres. Parmi eux, il y avait une femme qui avait été violée dans un des

  5   camps, une femme âgée.

  6   Par la suite, j'ai donné des conférences à La Haye, à Amsterdam, à Utrecht.

  7   Voilà, peut-être que j'en ai omis.

  8   Q.  Avez-vous jamais rédigé des ouvrages sur le thème de l'identification

  9   et de l'exhumation de corps ?

 10   R.  Oui. Nous avons rédigé, par exemple, "La vérité sur les Serbes." J'ai

 11   pris part à la rédaction de deux livres avec la fondation qui s'appelle

 12   "Vérité sur les Serbes" intitulé, "Le Crime attend d'être puni" et c'est un

 13   crime que de se taire sur la vérité. Puis nous avons aussi rédigé un livre

 14   "Génocide contre les Serbes" entre 1991 et 1993, puis plusieurs films sur

 15   les victimes parmi les membres de l'armée dans une situation de guerre.

 16   Puis un film sur les victimes de Gospic en 1991 intitulé, "Les meurtriers

 17   sont arrivés masqués." Il y a eu plusieurs choses. C'étaient des Serbes

 18   tués à Gospic en 1991 et plusieurs expositions aussi.

 19   Q.  Donc vous avez évoqué votre expérience en matière de fosses communes

 20   dans des pays en guerre. Pourriez-vous nous parler un petit peu des

 21   spécificités de l'examen des corps dans des zones de guerre ?

 22   R.  C'est une tâche particulière, vu comment on s'y prenait au nom de

 23   l'Académie militaire médicale. Nous étions la seule équipe dans l'espace de

 24   l'ex-Yougoslavie qui se livrait à ces activités pendant que les opérations,

 25   les actions de guerre étaient en cours, près des premières lignes pendant

 26   que les parties belligérantes étaient en conflit. Donc vu la situation, vu

 27   les circonstances, il y avait un certain nombre de limitations qui

 28   s'imposaient à notre travail, par exemple, nous ne pouvions pas bénéficier

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  1   d'une infrastructure technique importante puisque, par exemple, nous

  2   travaillions dans des endroits où il n'y avait pas de courant. C'était des

  3   localités isolées. En tant que chef d'équipe, il fallait qu'on prête

  4   attention à la condition des gens qui travaillaient pour moi, pour ne pas

  5   avoir de victimes dans ma propre équipe, j'avais la responsabilité de leur

  6   sécurité.

  7   Aussi, on se trouvait contraint à procéder à un examen externe des corps,

  8   sans faire d'autopsies. Parfois, on a procédé à des autopsies partielles

  9   lorsqu'il ne nous ait pas été possible d'identifier la blessure ou

 10   l'instrument de blessure, à savoir est-ce qu'il s'agissait de projectile ou

 11   d'éclat d'obus. Donc ces activités se sont déroulées en hiver et on était

 12   très limité dans notre action parce que ces corps étaient gelés. Donc il ne

 13   nous était pas possible de procéder à une autopsie, il était très difficile

 14   d'enlever les vêtements, par exemple. Mais ce que nous avons fait et ce

 15   qu'impose la doctrine dans ce type de situation, bien, on l'a fait pour

 16   pouvoir décrire le corps qu'on a trouvé, les parties du corps pour relever

 17   tous les renseignements permettant l'identification ultérieurement en

 18   fonction de nos capacités d'identifier les blessures, l'instrument, la

 19   blessure; d'enlever les vêtements et par la suite de faire sécher ces

 20   vêtements comme on l'a fait à Vukovar. C'était dans une briqueterie, pour

 21   que par la suite les proches puissent essayer de formuler des hypothèses

 22   sur l'identité de la personne sur la base de ces objets vestimentaires.

 23   Puis on relevait tous les effets personnels dans les vêtements et on les

 24   enlevait. Par exemple, s'il y avait des bijoux ou autre et on emballait ça

 25   dans des housses en plastique à part et on laissait ça sur le site pour que

 26   les proches puissent venir et essayer d'identifier l'un des leurs.

 27   Parfois, il y avait des choses qu'on ignorait, par exemple, où est-ce

 28   qu'on pouvait entreposer, déposer les effets personnels, les bijoux. Donc

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  1   l'approche qu'on a adoptée était particulière, spécifique compte tenu des

  2   circonstances, et nous avons fait dans la mesure de nos possibilités.

  3   Par la suite, nous procédions à la rédaction des PV d'autopsies sur

  4   examens externes du corps ou s'il s'agissait d'une autopsie partielle, on

  5   le faisait, puis on reprenait tout ce qu'on avait trouvé comme objet

  6   pendant l'examen.

  7   Q.  On ne vous a pas demandé de préparer un rapport dans ce cas-ci, n'est-

  8   ce pas ?

  9   R.  Non. J'ai fait ma déclaration ici, sur demande du Procureur, sur

 10   consigne reçue du gouvernement fédéral et de la république et dans

 11   l'affaire contre Slobodan Milosevic, et non pas contre, ici présent,

 12   Seselj.

 13   Q.  Pour ce qui est de cette déclaration que vous avez donnée au bureau du

 14   Procureur, je souhaite attirer votre attention sur la deuxième déclaration

 15   que vous avez donnée au TPIY, à l'enquêteur du TPIY le 8 juillet 2003, en

 16   particulier sur ce qui s'est passé à Zvornik.

 17   Quand vous a-t-on demandé de vous rendre à Zvornik pour la première fois ?

 18   R.  Le tribunal militaire de Belgrade nous a donné l'ordre de nous

 19   présenter à Zvornik pour procéder à l'examen des corps. Il me semble que

 20   c'était pour la première fois le 29 avril 1992. Et c'est à ce moment-là

 21   qu'on a constitué une équipe. Le juge d'instruction, capitaine Mirko

 22   Stojanovic, était passé à la tête de cette équipe et à bord d'un minibus

 23   nous sommes partis pour Zvornik. C'est la première fois que nous ayons

 24   procédé --

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous abordez également un élément important.

 26   Le procureur militaire de Belgrade, quel était son nom, si vous vous en

 27   souvenez, c'était qui, parce que si je vous pose cette question --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] -- là c'était où ? J'ai dit qu'il ne

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  1   s'agissait pas de procureur, c'était le juge d'instruction militaire,

  2   capitaine Mirko Stojanovic.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais le procureur militaire en exercice à

  4   l'époque, quel était son nom ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si c'était Papic. Le colonel

  6   Papic, je ne suis pas tout à fait certain.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous pose cette question qui repose sur la base

  8   suivante : dans le code militaire en œuvre utilisé dans l'ex-Yougoslavie à

  9   votre époque, le juge d'instruction peut venir sur les lieux et il conduit

 10   l'enquête, mais après, il soumet son rapport au procureur. Le procureur

 11   peut classer l'affaire ou saisir le tribunal militaire ou demander à un

 12   autre juge de continuer l'enquête, et cetera. Donc je veux déterminer la

 13   chaîne de responsabilité pour Zvornik puisque nous savons, mais on y

 14   reviendra tout à l'heure, qu'il y avait déjà le juge qui s'appelle Mirko

 15   Stojanovic, mais ce juge il ne décide pas souverainement de tout. Donc

 16   c'est pour cela que je voulais savoir qui était ce procureur. D'après vous,

 17   c'est un "Papic" peut-être. On verra ça ultérieurement.

 18   Monsieur Ferrara, continuez.

 19   M. FERRARA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Pourriez-vous nous dire qui faisait partie de cette équipe et quelle

 21   responsabilité incombait à chaque membre de l'équipe qui s'est rendue à

 22   Zvornik.

 23   R.  A la tête de l'équipe, comme je vous l'ai dit, il y avait Mirko

 24   Stojanovic qui était le chef de cette équipe et qui donnait l'ordre pour

 25   qu'on procède à toutes les activités liées à l'enquête. Il y avait une

 26   équipe de police scientifique et technique du MUP de Belgrade et ils

 27   s'acquittaient de leur partie de la mission, et nous, on était chargés de

 28   l'autopsie, c'est-à-dire d'examens externes des corps trouvés et qui

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  1   étaient placés dans une section de l'usine Alhos dans des housses en

  2   plastique, housses mortuaires.

  3   Il y avait aussi des représentants de la voirie. Eux, ils devaient procéder

  4   à l'organisation de l'enterrement par la suite. C'est eux qui venaient nous

  5   aider lorsqu'il s'agissait de replacer dans des housses les corps qui

  6   avaient été examinés.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, une question que je vous pose.

  8   Le bureau du Procureur a entendu des centaines, voire des milliers de

  9   témoins. Je n'en ai pas le nombre exact, mais j'aimerais savoir si le

 10   bureau du Procureur a procédé à une audition de M. Mirko Stojanovic.

 11   M. FERRARA : [interprétation] Je vais vérifier, Monsieur le Président, et

 12   revenir vers vous plus tard.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 14   M. FERRARA : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur le Professeur, vous a-t-on dit quelle était l'appartenance

 16   ethnique des corps que vous deviez examiner à l'usine Alhos ?

 17   R.  Quand nous sommes arrivés sur place, on nous a dit qu'il s'agissait de

 18   Musulmans qui ont été retrouvés dans les bois en contrebas par rapport à

 19   Kula Grad de Zvornik. C'est un endroit qui surplombe, Kula Grad surplombe

 20   Zvornik, le lac, c'est dans les hauteurs. C'est là qu'il y a eu un conflit

 21   armé entre les forces serbes et les forces musulmanes.

 22   Q.  Qu'est-ce que c'était, cette usine Alhos ?

 23   R.  C'était une usine, je ne sais pas ce qu'on y fabriquait. C'est

 24   lorsqu'on traverse le pont entre Mali Zvornik et Zvornik, c'est là qu'elle

 25   se situe, on passe par la localité appelée Karakaj, et après sur la droite

 26   était située cette usine. C'est là qu'on avait apporté ces corps.

 27   Après avoir traversé le pont, on nous a dit de nous rendre à Alhos. Alhos,

 28   au premier étage, il y avait une pièce ou deux pièces où se trouvaient

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  1   installés des membres de la police de Zvornik. C'est là que nous nous

  2   sommes présentés. Le juge d'instruction est allé les voir, et ils nous ont

  3   dit que derrière l'usine il y avait une pièce où sont des machines, des

  4   installations de chauffage, et c'est à côté de cela qu'avaient été placées

  5   des housses avec des corps de Musulmans à l'examen desquels nous sommes

  6   attachés. C'est ce que le juge d'instruction m'a dit.

  7   Q.  Savez-vous qui a procédé à la levée de ces corps ?

  8   R.  Je pense que les corps avaient été ramassés par des employés de la

  9   voirie de Zvornik, les autorités de Zvornik de l'époque. Je pense que

 10   c'étaient des organes serbes, le pouvoir local. Je pense qu'il y avait

 11   Grujic, je m'en souviens qu'il était président de la municipalité. C'est

 12   eux qui les ont ramassés et apportés, pour autant que je le sache, apportés

 13   à cet endroit.

 14   Q.  Comment avez-vous étiqueté ces corps ?

 15   R.  Nous avons indiqué un Z pour "Zvornik." Le chiffre romain I, signifiant

 16   premier examen, suivi du numéro du corps en fonction de l'ordre dans lequel

 17   on examinait les corps. Lorsque nous avons commencé par l'examen du premier

 18   corps, la première cote c'était

 19   Z-I-24, je crois, et ce, parce qu'on nous avait dit qu'avant cela, 23 corps

 20   retrouvés étaient déjà enterrés. Donc notre premier chiffre devait être 24,

 21   et c'est ainsi que nous avons procédé.

 22   Q.  Pourriez-vous nous dire comment se déroulait l'examen des corps ?

 23   Etait-ce une autopsie purement technique ou était-ce un examen externe des

 24   corps ?

 25   R.  Nous avons agi suite aux instructions du juge d'instruction. Lorsqu'il

 26   y a eu un entretien entre le juge d'instruction et les représentants des

 27   autorités locales de Zvornik, on s'est mis d'accord qu'un examen externe

 28   des corps serait fait, qu'on allait décrire et enlever des corps tous les

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  1   objets vestimentaires, qu'on allait répertorier toutes blessures

  2   éventuelles, ainsi que la présence de taches de sang sur les vêtements,

  3   sang ou autre, que nous allions extraire tous les objets des vêtements,

  4   d'établir une liste, et qu'on allait remettre cela à la police qui allait

  5   essayer de procéder à une identification des corps; ensuite, que sur tous

  6   les corps on allait prélever les bijoux ou tout autre objet qui se serait

  7   trouvé sur le corps. Que pour l'ensemble des corps, là où c'était possible,

  8   on procède au prélèvement d'une empreinte digitale en raison

  9   d'identification ultérieure; puis de prélever d'autres paramètres, par

 10   exemple, de procéder à l'établissement des fiches dentaires; ou

 11   éventuellement constater des tatouages sur la peau ou des caractéristiques

 12   spécifiques du corps; d'examiner d'une manière externe le corps pour

 13   constater des blessures éventuelles. Par la suite, il fallait prendre des

 14   photos, donc avant l'autopsie et à partir du moment où les vêtements ont

 15   été enlevés, on prenait des photos des blessures et des aspects

 16   caractéristiques des corps, et on établissait un PV de l'autopsie ou de

 17   l'examen externe en y renseignant tous les détails et des conclusions sur

 18   la base des éléments que nous avons pu constater pendant l'examen.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Deux questions d'ordre technique. Si je vous pose

 20   des questions, c'est que j'ai une connaissance dans ces domaines.

 21   Est-ce que vous récupériez les balles qui étaient dans les corps ? Est-ce

 22   que ça se faisait ou ça ne se faisait pas ? Si vous les récupériez, est-ce

 23   que les balles étaient placées dans des sacs en plastique sous scellé avec

 24   un numéro d'identification, ou bien vous ne vous contentiez que d'un examen

 25   sommaire ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que nous ne pratiquions pas les

 27   autopsies mais que nous avions pratiqué un examen superficiel des cadavres.

 28   Donc de ce fait, nous ne pouvions pas récupérer les balles à l'intérieur du

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  1   corps, comme cela était fait dans d'autres circonstances étant donné des

  2   conditions différentes.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxièmement, autre question technique : si un corps

  4   présentait un trou d'entrée, un trou de sortie, et si le corps avait

  5   plusieurs trous d'entrée et de sortie, est-ce qu'à l'aide de baguettes vous

  6   reconstituiez la trajectoire, s'il y a un trou d'entrée et un trou de

  7   sortie, bien entendu ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On peut le constater à la lecture des PV

  9   d'autopsies ou d'examens superficiels, on peut constater que pour toutes

 10   ces blessures, nous déterminions la longueur du chemin du projectile et

 11   également le sens de ce chemin. Est-ce qu'il allait de gauche à droite ou

 12   de haut en bas, et cetera. Mais tout cela figure --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme il y avait également des policiers avec

 14   vous, semble-t-il, de la police scientifique, est-ce que ceux-là faisaient

 15   des prélèvements de poudre afin de déterminer si les tirs avaient été à

 16   bout touchant ou à bout portant ?Est-ce qu'on investiguait de ce côté par,

 17   le cas échéant, des prélèvements de résidus de poudre ou autre ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, nous n'avons pas relevé les traces de

 19   poudre, car il est apparu qu'une seule fois l'arme était tenue à une

 20   distance très courte, donc c'est à ce moment-là que nous avons pensé à un

 21   meurtre. Mais je dois également dire que dans mon pays, nous ne disposons

 22   pas de l'équipement nécessaire pour déterminer les résultats d'un examen

 23   des traces de poudre avec précision. En effet, il faut pour cela un

 24   scanneur électronique ou en tout cas un microscope électronique qui permet

 25   d'examiner les fragments de poudre. Nous n'avions pas une méthode

 26   suffisamment précise pour le faire. Mais il convient que vous sachiez que

 27   nous déterminions la présence de poudre par l'examen des traces de nitrate

 28   et autres substances chimiques présentes sur place. C'est une méthode qui

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  1   n'est pas aussi précise, et dans le peu de temps dont je disposais, je n'ai

  2   pas pu la mettre en pratique.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Parce qu'on pourrait y passer des

  4   heures, je vais aller à l'essentiel.    

  5   Concernant ces examens, pour les corps non identifiés où il n'y avait aucun

  6   document, rien, est-ce que vous aviez la préoccupation de l'ADN, et à ce

  7   moment-là y avait-il des prélèvements en vue, le cas échéant, de recherches

  8   ADN ultérieures, genre cheveux, ongles, ou je ne sais ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous connaissions la possibilité de pratiquer

 10   des identifications à l'aide de l'examen de l'ADN, mais sur le territoire

 11   de l'ex-Yougoslavie, dans les laboratoires, personne ne disposait des

 12   moyens nécessaires pour réaliser de telles analyses. A la fin des années

 13   90, un don international a permis à Tuzla de disposer de cet équipement. Au

 14   moment dont je vous parle, notre mission consistait à ne faire que ce que

 15   nous pouvions faire. S'agissant des corps éventuellement non identifiés, il

 16   était prévu de les exhumer une nouvelle fois par la suite et de prélever

 17   les éléments nécessaires pour pratiquer une analyse ADN. Ça, nous l'avons

 18   fait ultérieurement quand la possibilité est apparue de réaliser

 19   effectivement une analyse de l'ADN. Quand je travaillais à Sarajevo, nous

 20   l'avons fait, mais là on était déjà en 1999, 2000.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : L'Espagnol qui supervisait, c'était à Vukovar, pas à

 22   Zvornik ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à Vukovar, oui.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors l'Espagnol. En Espagne, je présume que c'était

 25   une technique bien connue, il ne vous avait pas dit vous n'êtes pas

 26   équipés, mais ça peut servir, car le jour où vous serez équipés on pourra

 27   faire les recherches ? Il n'avait absolument pas pensé à faire des

 28   prélèvements en vue de recherches ADN ultérieures, ce spécialiste ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais nous le savions. Je vous l'ai dit,

  2   le prélèvement d'échantillons destinés à une analyse ADN était prévu pour

  3   l'avenir.

  4   Je dois vous dire qu'aujourd'hui encore les prélèvements faits en vue

  5   d'analyses de l'ADN ne sont pas analysés à fond. Donc il y a de très

  6   nombreuses personnes qui attendent encore des identifications qui, pour

  7   l'instant, sont freinées en raison de possibilités insuffisantes.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est vrai parce qu'à l'instant T 0 on peut rien

  9   faire, qu'à instant T plus X mois ou X années, on ne pourra pas le faire.

 10   Continuons.

 11   M. FERRARA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du nombre de corps que vous avez examinés

 13   lors de cette première visite ?

 14   R.  A l'occasion de cette première visite, nous avons travaillé sur les

 15   corps dont les numéros d'identification ou de référence allaient de Z-I-24

 16   à Z-I-52. Donc 28 corps.

 17   Q.  Avez-vous identifié l'appartenance ethnique de ces corps; et si oui,

 18   comment avez-vous procédé ?

 19   R.  Nous ne nous occupions pas de ces questions qui relevaient de la

 20   responsabilité du juge d'instruction. Mais nous avons enregistré le fait

 21   qu'un certain nombre de ces corps s'accompagnaient de papiers d'identité,

 22   cartes d'identité ou passeports ou autres documents comportant les noms et

 23   prénoms. Chaque fois que nous trouvions des documents de ce genre, nous le

 24   mettions par écrit. Par ailleurs, nous avons constaté que ces corps étaient

 25   circoncis, ce qui prouvait qu'il s'agissait de Musulmans. Après examen des

 26   vêtements, il a été possible de conclure, en raison de la présence

 27   prédominante de couleur verte dans les vêtements, que ces corps étaient

 28   ceux de Musulmans. Mais pour le reste, s'agissant des autres documents,

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  1   comme je l'ai déjà dit, cela relevait de la responsabilité du juge

  2   d'instruction qui avait demandé les autopsies.

  3   Q.  Quelle était en règle générale la cause de la mort ?

  4   R.  Sur les 28 corps que nous avons examinés à ce moment-là, il y a eu un

  5   cas où nous n'avons pas pu déterminer la cause de la mort, car aucune

  6   lésion externe n'a été découverte sur le corps. Dans deux cas -- ou plutôt

  7   dans un cas, il s'agissait d'une plaie due à un instrument pointu qui avait

  8   touché la partie gauche de la poitrine. Dans un cas, il s'agissait d'une

  9   coupure qui avait infecté la partie droite du cou et de la face. Dans les

 10   autres 25 cas, il s'agissait de blessures à l'arme à feu.

 11   Q.  Quand avez-vous rédigé votre rapport d'autopsie ?

 12   R.  J'ai établi les rapports d'autopsie peu avant, voire après mes

 13   entretiens avec les enquêteurs du Tribunal de La Haye, sur la base des

 14   notes et de tous les documents écrits que j'avais établis pendant les

 15   autopsies et examens superficiels extérieurs des corps.

 16   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrions-nous avoir la

 17   pièce 65 ter 1238 à l'écran, il s'agit d'un de ces rapports d'autopsie.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Juste avant de regarder les rapports

 19   d'autopsie, notamment le 24 qui est intéressant, puisque c'est le premier

 20   que vous aviez regardé, semble-t-il. Juste avant que vous procédiez à

 21   l'examen desdits corps, est-ce que vous, le juge d'instruction ou ceux qui

 22   étaient là - et vous étiez assez nombreux d'ailleurs - quelqu'un s'est posé

 23   la question de savoir où avait été retrouvé le corps, qui l'avait retrouvé

 24   et si, quand on a retrouvé le corps, il y avait une arme à côté de lui ?

 25   Est-ce qu'on posait ce type de questions qui se posent très vite ? J'ai

 26   conduit des enquêtes, c'est comme ça qu'on travaille quand on fait bien son

 27   travail. Est-ce que quelqu'un posait ces trois questions ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que cette question a été posée par le

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  1   juge d'instruction qui a effectué certains travaux dans ce sens, mais cela

  2   ne rentre pas dans le cadre de mon travail et de ma mission.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Expert, j'ai eu à côtoyer X légistes

  4   comme vous, donc réfléchissez à ce que vous dites.

  5   Dans le cadre de votre travail, si vous apprenez qu'on a trouvé quelqu'un

  6   sans arme à côté de lui, il peut à ce moment-là y avoir des doutes sur la

  7   cause réelle de la mort. En revanche, si on vous dit il avait un fusil

  8   entre les mains, vous pouvez peut-être penser que c'était un combattant,

  9   donc de ce fait votre travail peut prendre des orientations. Si on vous dit

 10   qu'il y a dix corps trouvés à un tel endroit sans armes à côté d'eux, c'est

 11   qu'on peut penser qu'ils ont été exécutés. Donc ce type de renseignements

 12   est important pour celui qui va faire l'autopsie ou l'examen superficiel du

 13   corps, car ça peut le conduire à des conclusions. Qu'est-ce que vous en

 14   dites ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que ma responsabilité

 16   consiste à dire --

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] -- en m'appuyant sur l'examen visuel, quelle

 19   est la nature des blessures, quelle est ou quelles sont les armes qui ont

 20   provoqué ces blessures, je dois me prononcer sur la cause du décès pour

 21   déterminer s'il s'agit d'une mort naturelle, d'une mort violente par

 22   suicide ou par meurtre, et à ce moment-là, je rédige mon rapport. Aller

 23   plus loin que cela, déterminer où le corps a été découvert, dire si une

 24   autopsie a été réalisée ou pas, cela relève d'une étape ultérieure du

 25   processus judiciaire qui ne peut démarrer qu'au moment où le juge

 26   d'instruction, voire la personne responsable de l'accusation - comme un

 27   procureur, par exemple - aura réuni tous les éléments nécessaires pour les

 28   soumettre à un expert qui va réaliser un rapport plus complet.

Page 13510

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous êtes sous serment. Vous êtes là pour

  2   dire toute la vérité. Vous n'êtes pas là pour renvoyer la responsabilité

  3   sur X, Y ou Z. Moi, je vous pose une question technique et j'attends de

  4   vous une réponse technique. La réponse technique est la suivante : dans la

  5   mesure où vous allez conduire l'examen du corps ou, le cas échéant, une

  6   autopsie, moi, je veux savoir si vous aviez le réflexe professionnel de

  7   demander à ceux qui pouvaient avoir découvert le corps ou à ceux qui

  8   avaient amené le corps s'ils étaient là ou au policier qui est à côté de

  9   vous ce type de renseignements afin que vous puissiez faire votre métier

 10   dans les meilleures conditions.

 11   Car comme je vous l'ai dit tout à l'heure, si on vous dit qu'on a

 12   trouvé dix personnes dans une pièce à telle heure avec aucune arme dans la

 13   pièce, vous pouvez là avoir quand même quelques suspicions.

 14   Donc au travers de mes questions, ce n'est pas une quelconque

 15   responsabilité de vous que je cherche, c'est d'essayer de savoir comment

 16   vous aviez travaillé.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit que nous avions découvert ces

 18   corps dans les locaux de l'usine Alhos. Lorsque nous avons posé la question

 19   de savoir où ces corps avaient été découverts pour commencer, ça je l'ai

 20   déjà dit, on nous a répondu qu'ils avaient été découverts dans la forêt de

 21   Kula Grad, c'est-à-dire à l'endroit où se sont menés les combats. C'est à

 22   cela que se limitent tous les renseignements dont je dispose sur ce point.

 23   Ensuite, je me suis occupé de faire le travail qui m'incombait, qui

 24   relevait de ma responsabilité. Mais je ne suis pas intervenu, je ne me suis

 25   pas ingéré dans le travail du juge d'instruction.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. On vous dit que les corps ont été trouvés

 27   à Kula Grad, où il y a eu des combats. Les policiers militaires qui étaient

 28   là et le juge d'instruction qui est capitaine, personne n'a l'idée d'avoir

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  1   un renseignement complémentaire en se demandant ils ont été découverts sur

  2   la ligne de front, dans une casemate, les armes à la main ? Personne ne

  3   pose ce type de

  4   questions ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit que ces questions n'ont pas

  6   été posées, mais dans tous les rapports, au début du rapport, il y a une

  7   mention qui indique qu'à l'époque où les examens et autopsies de ces corps

  8   ont été effectués, les combats étaient encore en cours.

  9   Donc dans de telles conditions, aucun représentant de l'instruction

 10   ne pouvait se rendre sur les lieux pour poser les questions que vous venez

 11   de poser ici. Donc savoir si dans une phase ultérieure le juge

 12   d'instruction a posé ces questions, ça je ne le sais pas.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, il reste dix minutes avant la

 14   pause.

 15   M. FERRARA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   Q.  Pouvez-vous nous décrire les parties principales de ce rapport

 17   d'autopsie ? Pourriez-vous nous décrire le rapport d'autopsie et nous

 18   parler des différents volets qu'il comporte ?

 19   R.  En première page du rapport, il est écrit : "Kuljancic, Mirsad," donc

 20   ça c'est la personne chez qui nous avons trouvé des documents à ce nom.

 21   J'ai consigné un point d'interrogation, car cela ne suffisait pas à

 22   garantir l'identification. Ce que nous indiquons donc c'est qu'il est

 23   vraisemblable qu'il s'agit bien de cette personne, nous ne pouvions pas

 24   déterminer l'identité avec certitude, car les cadavres étaient déjà en voie

 25   de décomposition et qu'un certain nombre d'entre eux étaient déjà

 26   recouverts de vers en surface, et cetera.

 27   En page 2, on trouve le nom des membres de l'équipe qui a effectué ce

 28   travail avec les prénoms, les noms, les fonctions de chacune de ces

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  1   personnes. Ensuite le lieu où l'examen était effectué, puis la mention que

  2   je viens de citer il y a un instant, à savoir que les combats dans la

  3   région de Zvornik toujours en cours ont rendu ce travail particulièrement

  4   difficile et l'ont quelque peu limité dans sa portée. Ensuite, nous

  5   déterminions que les vêtements avaient été enlevés et où ces vêtements

  6   avaient été emportés, et dans quelles conditions ces vêtements et objets

  7   personnels appartenant aux personnes décédées se trouvaient entre les mains

  8   du juge d'instruction.

  9   Dans l'examen superficiel des corps, nous indiquions quelle était la taille

 10   du corps, ensuite nous effectuions une estimation du poids. Nous décrivions

 11   les éléments caractéristiques du corps, c'est-à-dire la couleur des

 12   cheveux, des yeux, la forme des orbites, l'état des dents et des travaux

 13   dentaires effectués éventuellement, nous indiquions si des dents étaient

 14   manquantes. Nous décrivions la nature des blessures constatées par arme à

 15   feu éventuellement, en quel cas nous essayions de déterminer les points

 16   d'entrée et de sortie du projectile et le chemin de celui-ci. Dans certains

 17   cas, il y avait plusieurs projectiles et nous ne pouvions pas déterminer

 18   les orifices d'entrée et de sortie ou le chemin de chaque des projectiles.

 19   Ensuite, nous indiquions quel était l'état de composition éventuel du

 20   cadavre, puis le contenu des plaies. Et la description du cadavre en

 21   indiquant quels étaient les vêtements qui le recouvraient au départ, est-ce

 22   que nous avions trouvé certains de ces vêtements ou quoi que ce soit

 23   d'autre sur le corps. Nous décrivions également l'état des vêtements,

 24   déchirés ou perforés par un projectile éventuellement, salis ou plus ou

 25   moins propres.

 26   Et nous déterminions d'autres éléments, nous donnions notre avis sur la

 27   cause de la mort, est-ce que c'était une mort due à la perte du sang ou à

 28   d'autres causes ayant affecté les fonctions vitales les plus importantes.

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  1   Puis nous essayions de déterminer si la mort était due à un meurtre ou à

  2   d'autres causes. Dans certains cas, nous étions incapables de l'établir,

  3   donc nous disions que la cause de la mort était le fait d'avoir été tué,

  4   quand nous n'étions pas sûrs, nous l'indiquions tout à fait précisément.

  5   Ensuite, nous enregistrions les photographies, et nous transmettions le

  6   rapport d'autopsie.

  7   Q.  On peut donc dire que les rapports concernant les 29 corps que vous

  8   avez examinés à l'usine Alhos lors de cette première visite ont été rédigés

  9   selon exactement le même plan, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, j'écoutais ce que vous avez dit

 12   tout en regardant le rapport pour le 24 et, effectivement, toutes les

 13   indications que vous avez mentionnées y figurent bien. C'est donc très bien

 14   fait. Il n'y a rien à dire. Mais il me semble manquer quelque chose.

 15   Pourquoi vous ne déterminez pas de manière approximative l'heure ou le jour

 16   de la mort, pas l'heure, c'est difficile, mais au moins le jour, en

 17   fonction des mouches ou des vers constatés. Ce n'était pas possible ? Parce

 18   que vous avez dit, il y avait des vers, tout le monde sait en fonction de

 19   telle catégorie de vers on peut savoir, on peut déterminer

 20   approximativement la date de la mort.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez vous-même que la détermination de

 22   la date de la mort de cette façon en étudiant les caractéristiques

 23   physiques, comme la présentation de vers ou de mouches sur le cadavre ou le

 24   degré de putréfaction des chairs, n'est que très approximatif et qu'il est

 25   difficile de déterminer la date exacte de la mort.

 26   Mais au moment où nous avons travaillé, je n'avais pas la possibilité de

 27   m'occuper de ce genre de chose, je veux dire au moment où je remplissais

 28   ces rapports. C'est seulement plus tard, sur la base de tous les éléments

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  1   que je viens d'indiquer, ainsi que sur la base des signes visibles de

  2   transformation des corps que l'on voit sur les photographies, ce n'est que

  3   plus tard que j'aurais pu me prononcer sur ce point. Mais à l'heure

  4   actuelle, cela demeure une omission, c'est quelque chose que je n'ai pas

  5   fait, car comme je l'ai déjà dit, nous n'avions pas le temps au moment des

  6   faits de nous occuper de ce genre de chose.

  7   M. FERRARA : [interprétation]

  8   Q.  Mais dans quelle condition se trouvaient ces corps ? S'ils étaient

  9   putréfiés, oui ou non ?

 10   R.  Les corps étaient dans un état de putréfaction débutante, ceci est

 11   écrit dans tous les rapports. Et on voit également sur les photographies

 12   que les corps commencent à se décomposer et que des modifications sont déjà

 13   intervenues au niveau de l'aspect de la peau, couleur de la peau, remontée

 14   visible des vaisseaux sanguins sous-jacents et visibilité d'un certain

 15   nombre d'autres paramètres. J'ai dit, par exemple, que les orbites étaient

 16   considérablement modifiées, ce qui entravait la possibilité de reconnaître

 17   ces corps, élément qui intervient de façon négative sur la possibilité

 18   d'identification. Donc la majorité de ces cadavres étaient en état de

 19   décomposition débutante.

 20   Q.  Suite à la question que vous a posée le Président de la Chambre,

 21   j'aimerais savoir la chose suivante : avec ce type de données, est-ce que

 22   vous pouviez déterminer approximativement le jour du meurtre de ces

 23   personnes, c'est-à-dire au moins, est-ce que c'était six mois ou plutôt 15

 24   jours ? Est-ce que vous pouvez faire une approximation ?

 25   R.  Je ne peux que vous donner une idée très générale, je peux vous donner

 26   une fourchette très grande, mais je préférerais ne pas le faire ici

 27   aujourd'hui pour une raison très simple, c'est que je ne dispose pas

 28   d'éléments d'information indiquant où ces cadavres ont été découverts

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  1   exactement. Car selon que ces cadavres ont été découverts dans une forêt ou

  2   dans un lieu où la température était plus basse, ou dans un endroit humide,

  3   le processus de décomposition s'en trouve considérablement modifié et donc

  4   cela a un effet majeur sur l'approximation quant à la date. Donc je

  5   préférerais, en l'absence de ces détails, ne pas me prononcer sur ce point.

  6   Q.  Est-ce que vous vous souvenez si la majorité de ces personnes ont été

  7   tuées d'un coup de feu ou s'ils ont reçu plusieurs coups de feu ?

  8   R.  Sur les corps des victimes où j'ai trouvé des liaisons, plusieurs

  9   projectiles avaient été tirés par armes à feu, autrement dit on trouvait

 10   plusieurs blessures dues à l'utilisation d'armes à feu.

 11   Q.  Est-ce que le tribunal militaire vous a demandé de déterminer le moment

 12   où ces personnes ont été tuées ?

 13   R.  Non.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, il est 10 heures, on continuera

 15   après, on va faire la pause.

 16   D'après les calculs, il doit vous rester une vingtaine de minutes.

 17   Nous nous retrouverons tous dans 20 minutes.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures 24.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 21   Monsieur Ferrara, une petite précision pour la Chambre. Le témoin que vous

 22   avez cité, vous l'avez cité comme témoin de fait, il n'est pas cité comme

 23   témoin expert. Pouvez-vous bien nous préciser cela ?

 24   M. FERRARA : [interprétation] C'est un témoin expert.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Si c'est un expert, où est le rapport d'expertise ?

 26   M. FERRARA : [interprétation] Conformément à l'article 94 bis, un expert

 27   peut témoigner à partir d'un rapport ou à partir de sa déclaration.

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] En quelle qualité avez-vous cité ce

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  1   témoin, c'est ça la question. Parce que d'après nous, il n'a pas été cité à

  2   la barre conformément à l'article 94 bis.

  3   M. FERRARA : [aucune interprétation]

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Depuis des années, on cite ce témoin

  5   en tant que témoin expert dans mon affaire. Lorsque j'ai parlé de lui, je

  6   l'ai qualifié d'expert. A un moment donné, j'avais envoyé un mémo sur des

  7   moyens de défense spéciale à l'Accusation, et là je me suis référé à lui

  8   comme étant un témoin expert. Donc depuis toujours c'était un témoin expert

  9   dans cette affaire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : La question est résolue, car la Chambre a rendu une

 11   décision le 24 novembre. Il y en a tellement, on en rend des centaines, que

 12   parfois il est très difficile de s'y retrouver. Mais nous avons reconnu la

 13   qualité d'expert du témoin, et donc il témoigne conformément à l'article 94

 14   bis.

 15   On continue.

 16   M. FERRARA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Pour ce qui est de votre demande à propos de Mirko Stojanovic, je dois vous

 18   dire que le bureau du Procureur n'a jamais auditionné cet homme. Nous

 19   n'avons pas de déclaration de ce Mirko Stojanovic.

 20   Pour ce qui est du rapport d'autopsie préparé par le Dr Stankovic, je

 21   souhaite demander le versement au dossier du rapport d'autopsie 99/29

 22   [comme interprété] préparé à Zvornik. Je peux lire le numéro 65 ter, si

 23   vous voulez --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous demandez l'admission de tous les rapports parce

 25   que vous n'allez pas le faire un par un. Vous demandez l'admission des 29 ?

 26   M. FERRARA : [interprétation] Des 29, tout à fait.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va donner un numéro aux 29 rapports.

 28   Monsieur le Greffier.

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  1   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, cet ensemble

  3   de rapports d'autopsie aura la cote numéro P704. Merci, Madame, Messieurs

  4   les Juges.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Pour autant que je le sache, le sort

  6   qui est réservé aux pièces à conviction dépend du fait qui est de savoir si

  7   on va admettre au dossier le rapport d'expert ou la déclaration d'expert.

  8   C'est la première fois que nous avons ici un expert qui a fait une

  9   déclaration préalable au Procureur qui l'a rédigée en son nom et qui lui a

 10   été lue. Jusqu'à présent, nous avons toujours eu un travail d'expertise

 11   présenté par quelqu'un. Est-ce que vous allez accepter cela en tant que

 12   rapport d'expert, cette déclaration qui a été rédigée pour lui par le

 13   Procureur, et éventuellement les pièces à conviction qui viennent à

 14   l'annexe de la déclaration ? Peut-être que vous allez rejeter la

 15   déclaration de cet expert, et ils vous resteront les pièces. J'espère que

 16   vous la rejetterez et ils vous resteront les pièces.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je lis pour l'information du public

 18   l'article 94 bis, déposition des témoins experts : "Le rapport et/ou la

 19   déclaration de tout témoin expert cité par une partie est intégralement

 20   communiqué à la partie adverse dans les délais fixés par la Chambre de

 21   première instance ou par le Juge de la mise en état dans les 30 jours

 22   suivants," et cetera. Ce qui veut dire que la Chambre peut à l'issue du

 23   contre-interrogatoire admettre la déclaration ou la rejeter. Ça dépendra du

 24   contre-interrogatoire. Mais pour le moment, nous, nous avons admis les

 25   pièces techniques des 29 examens de cadavres, ce qui n'a rien -- elles --

 26   on peut admettre cela, rejeter la déclaration, et cetera. Mais cette pièce

 27   qui est liste.  Il n'y a pas de raison de contester qu'il y a eu un examen

 28   des 29 cadavres. Voilà. Donc la déclaration que vous avez qui figure au

Page 13519

  1   dossier, on verra si on l'admet ou pas.

  2   Continuez, Monsieur Ferrara.

  3   M. FERRARA : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. J'avais

  4   prévu de demander le versement au dossier de la déclaration du témoin.

  5   Q.  Monsieur le Professeur, passons à votre deuxième visite à Zvornik.

  6   Quand ceci a-t-il eu lieu ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection de plus. Au titre de

  8   l'article 94 bis, il serait question d'une déclaration, mais maintenant

  9   nous avons deux déclarations. Alors la question est de savoir laquelle des

 10   deux déclarations serait susceptible d'être versée au dossier ? D'après ce

 11   que j'ai compris jusqu'à présent, il s'agissait uniquement de la

 12   déclaration du 1er octobre 2003. Est-ce qu'il s'agit des deux déclarations

 13   ou de l'une des deux ou est-ce que les deux peuvent être versées au dossier

 14   ? Si le Procureur le demande alors la question s'impose logiquement qui est

 15   de savoir pourquoi il ne les a pas regroupées en temps utile ?

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : La question peut se poser de savoir si le Procureur

 17   va demander les deux ou une, on verra. Mais s'il demande les deux, à ce

 18   moment-là, la Chambre verra si les deux peuvent être admises ou l'une, pas

 19   l'autre, et cetera. Donc on a pris note de ce que vous dites.

 20   M. FERRARA : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais demander le

 21   versement au dossier de la deuxième déclaration seulement parce que c'est

 22   celle qui porte sur notre acte d'accusation. La première déclaration qui a

 23   été faite, je crois, en 2001, porte sur des endroits comme Srebrenica et

 24   d'autres endroits qui ne figurent pas dans notre acte d'accusation.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ça sera la deuxième. Très bien.

 26   M. FERRARA : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur le Professeur, quand vous êtes-vous rendu à Zvornik la

 28   deuxième fois ?

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  1   R.  La deuxième fois, j'ai reçu la consigne de la part --

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant. Monsieur Ferrara, vous abordez sa

  3   deuxième visite. Si vous me le permettez, moi, je voudrais revenir aux 29

  4   rapports d'autopsie. Je pensais que vous alliez poser la question, puis

  5   c'est peut-être le break qui vous l'a fait oublier. Je voudrais revenir au

  6   24.

  7   Alors comme le Procureur ne vous a pas posé la question, je me dois de la

  8   poser. Dans la conclusion sur les causes de la mort, car dans cette matière

  9   on essaye toujours de savoir quelles sont les causes de la mort. Au 24, la

 10   dernière ligne, vous dites la mort est probablement le résultat d'un

 11   meurtre. C'est la conclusion, ce qui veut dire que l'examen auquel vous

 12   avez procédé vous conduit à conclure qu'il y a eu meurtre ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc le juge d'instruction est informé qu'il y a eu

 15   meurtre. Que fait-il, à votre connaissance ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce que le juge d'instruction a

 17   fait par la suite.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez dans la JNA. Vous avez terminé comme

 19   général. Donc vous êtes un militaire de haut rang, bien que médecin de

 20   votre Etat. Mais dans les règles de l'armée de la JNA, dans une situation

 21   pareille le juge d'instruction militaire est informé qu'il y a meurtre, que

 22   doit-il faire ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant tout, il déclenche les activités liées à

 24   l'enquête. Il faut tout d'abord procéder à un examen du site, lieu où le

 25   corps a été retrouvé. En temps de paix, on l'accompagnait nécessairement,

 26   nous étions des collaborateurs techniques du juge d'instruction. On

 27   rassemble et il fait recueillir tous les éléments, toutes les traces, les

 28   empreintes, tout ce qui peut indiquer la cause du décès, les circonstances

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  1   de l'événement. Par la suite, il constitue un dossier de police technique

  2   et scientifique. C'est eux qui procèdent à la constitution du dossier avec

  3   l'enregistrement de l'ensemble des détails qui peuvent être relevés sur les

  4   lieux. Ensuite, il procède à l'audition des témoins ou des personnes qui

  5   ont quelque chose à dire au sujet de l'événement en question. Ensuite, il

  6   s'adresse au médecin légiste ou à un médecin qui est sur place, il lui

  7   demande de décrire la position dans laquelle le corps a été retrouvé et

  8   éventuellement des traces biologiques qui ont été constatées sur le sol, le

  9   substrat ou dans les parages, dans les environs du corps. Il s'adresse au

 10   médecin légiste pour qu'éventuellement il lui fasse part d'autres remarques

 11   qui portent sur l'événement concret et qui sont du ressort du médecin

 12   légiste. A partir du moment où ce chapitre est terminé, il donne l'ordre de

 13   transporter le corps au dépôt mortuaire où on va procéder à l'autopsie. Il

 14   envoie des échantillons dans des laboratoires où on va procéder à des

 15   analyses en fonction de l'échantillon et de l'analyse demandée. Par la

 16   suite, une fois que tout cela a été recueilli et rassemblé, il s'adresse au

 17   médecin légiste de remettre le PV d'autopsie, enfin, tout ce qui est lié à

 18   cette affaire. Une fois qu'il a rassemblé tous les faits portant sur une

 19   situation donnée, il remet cela au procureur militaire. Puis à partir du

 20   moment où il a pris connaissance du dossier, le procureur décide s'il y a

 21   lieu d'engager une procédure de poursuite contre un individu, ou il demande

 22   que l'on déclanche des activités supplémentaires, entre autres, une

 23   expertise de médecine légale ou sur la base de l'ensemble des éléments qui

 24   figurent dans le dossier, un expert se prononce sur ce qui concerne plus

 25   particulièrement cette affaire. Une fois qu'il y a eu cette expertise,

 26   cette analyse, l'expert renvoie le dossier au procureur. Une fois que tout

 27   cela a été fait, on dresse l'acte d'accusation.

 28   Chez nous, un procès a eu lieu devant une chambre. Ça dépend du crime

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  1   ou de l'infraction, enfin, la constitution de la chambre en dépend. Un

  2   procès a eu lieu comme celui-ci où sont représentés à la fois les

  3   représentants des victimes et l'accusé, la chambre, le procureur et les

  4   témoins, et les experts viennent répondre aux questions. Donc les témoins

  5   répondent aux questions posées par toutes les parties. C'est ainsi que cela

  6   se passe dans notre système judiciaire.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Votre réponse est très complète. Il n'y a

  8   aucun commentaire à faire.

  9   Donc si je comprends bien, une fois que vous avez fait les 29 rapports

 10   d'autopsie remis au juge d'instruction, il, compte tenu de la conclusion

 11   qu'il y a eu meurtre, il devait saisir le procureur. A votre connaissance,

 12   l'a-t-il fait ou ne l'a-t-il pas fait ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pensez que oui. Pourquoi le procureur n'a pas

 15   continué afin qu'on identifie les auteurs du meurtre ? Vous n'avez peut-

 16   être pas la réponse.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, moi, je m'intéresse à ce qui est

 18   de mon ressort. Je ne m'ingère pas dans les activités du procureur parce

 19   que ça pourrait être mal vu, mal compris. Donc dans le cadre de mes

 20   activités professionnelles, j'essaye d'agir uniquement dans le cadre de mes

 21   attributions et par rapport à ce qui est de mon ressort. Donc je pensais

 22   que celui qui en avait la compétence devait s'en occuper, et s'il ne l'a

 23   pas fait, il en est responsable.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand -- enfin, dernière question. On pourrait y

 25   passer du temps, mais je surveille la montre parce qu'il doit rester 20

 26   minutes au Procureur, puis M. Seselj a une heure.

 27   Quand vous avez été entendu dans la deuxième déclaration par les

 28   trois personnes du bureau du Procureur - je ne cite pas les noms, mais ils

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  1   étaient trois - personne parmi les enquêteurs ne vous a demandé : vous avez

  2   fait un rapport d'autopsie; vous l'avez remis au juge d'instruction; qu'est

  3   devenu ce rapport ? Ils n'ont pas eu la curiosité intellectuelle de vous

  4   poser les questions que je viens de vous poser ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que les enquêteurs m'avaient posé la

  6   question, ils m'ont demandé où était Mirko Stojanovic; est-ce que je savais

  7   comment ils pourraient prendre contact avec lui, et je leur ai dit - c'est

  8   ce qui figure dans ma déclaration - que Mirko Stojanovic a été juge

  9   militaire à Ljubinje. Après la décomposition de la Yougoslavie, il s'est

 10   trouvé au tribunal militaire de Belgrade. Vite après le début de la guerre,

 11   après ces enquêtes qu'il a menées, il a été mis à la retraite. Depuis ce

 12   moment-là, je n'ai plus eu de contact avec lui, je ne sais pas non plus où

 13   il s'est rendu ni où il réside, ni ce qu'il fait.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, vous avez dit

 15   que cet expert a donné cette déclaration à trois hommes. Cela concerne sa

 16   première déclaration. La deuxième déclaration a été donnée à un homme, il

 17   me semble que c'est une femme, Rita Pradhan.

 18   Mais j'attire votre attention sur autre chose : le 8 juillet - c'est la

 19   date de la déclaration, mais ce n'est que le 1er octobre 2003 qu'on a donné

 20   lecture de la déclaration au témoin - vous voyez la petite déclaration, la

 21   deuxième, qui concerne notre affaire ici.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais à la deuxième déclaration. Alors il y a une

 23   déclaration des 14, 15, 16, 17, 18 et 19 août. Là, il y a trois personnes

 24   qui vous interviewent. La déclaration du 8 juillet 2003, il y a une dame

 25   qui vous interviewe, Rita Pradhan. Alors que ça soit les trois ou cette

 26   dame - en question complémentaire - apparemment, on vous a demandé où était

 27   ce juge qu'on aurait, à mon avis, facilement retrouvé. Mais ils ne vous ont

 28   pas posé les questions sur le procureur pour savoir qu'aurait fait le

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  1   procureur, dans votre souvenir ? Ça remonte à très longtemps. Je comprends.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que non.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Monsieur Ferrara.

  4   M. FERRARA : [interprétation] Quelle était la réponse ?

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, la réponse, "Je pense que non," a-t-il dit.

  6   Oui, ce n'est pas au transcript. Vous avez dit, "Je pense que non" ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. FERRARA : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur le Professeur, quand avez-vous visité Zvornik pour la deuxième

 10   fois ?

 11   R.  La deuxième fois c'était le 5 mai 1992, sur ordres du tribunal

 12   militaire.

 13   Q.  Qui était là à ce moment-là ?

 14   R.  A ce moment-là, le juge d'instruction n'est pas parti avec nous. Il

 15   s'est contenté de nous donner l'instruction de partir, il est resté à

 16   Belgrade. Nous sommes allés, donc Dr Milo Savlejevic, Djicovic [phon] et

 17   Sojotic [phon] qui étaient des assistants, lui il était médecin, et moi-

 18   même. Donc c'était l'équipe qui a pris un véhicule à part au nom de

 19   l'Académie militaire médicale de Belgrade. Puis des représentants du MUP de

 20   Belgrade sont venus. Eux, ils se sont livrés à des activités qui relèvent

 21   de leurs compétences et, entre autres, ils devaient photographier les

 22   cadavres sur lesquels nous travaillions. Sur place, on a été accueilli par

 23   des représentants de la voirie de Zvornik, ils nous ont aidés, ils nous ont

 24   aidés à transporter, à apporter et à emporter les corps examinés.

 25   Q.  Où vous êtes-vous rendus pour aller examiner ces corps; c'était dans

 26   l'usine Alhos à nouveau ou à un autre endroit ?

 27   R.  C'était au même endroit, le même site, comme l'endroit où nous avons

 28   travaillé la première fois.

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  1   Q.  D'où venaient ces corps ?

  2   R.  On nous a dit que ces corps venaient également de Kula Grad, des bois

  3   ou de la forêt. Les corps étaient déjà entreposés dans la salle de machines

  4   de l'usine Alhos, dans cette partie où il y avait les chaudières de

  5   l'usine.

  6   Q.  Ces corps ne se trouvaient pas là au moment où vous vous y êtes rendus

  7   la première fois, le 13 [comme interprété] avril 1992, n'est-ce pas ?

  8     R.  Le 30 avril 1992, ces corps n'étaient pas sur place. On les a

  9   apportés par la suite à partir du moment où on avait déjà conduit l'examen

 10   du premier groupe de corps.

 11   Q.  Etaient-ce des Musulmans ou des Serbes ?

 12   R.  On nous a dit là aussi que c'étaient des Musulmans. Les gens qui ont

 13   apporté ces corps ont dit que c'étaient des Musulmans qui ont péri dans le

 14   cadre des conflits armés entre les parties belligérantes dans le secteur

 15   qui se situe en contrebas de Kula Grad de Zvornik; ils nous ont dit qu'ils

 16   les ont retrouvés dans cette forêt. A l'examen qui a été conduit sur le

 17   terrain par la suite par des employés de la voirie et ceux qui se sont

 18   trouvés sur place pour ramasser les corps pour les mettre dans les housses,

 19   ils les ont apportés à l'endroit où nous les avons examinés le 5.

 20   Q.  Combien de corps avez-vous examinés cette deuxième fois ?

 21   R.  A cette deuxième occasion, c'était à partir de Z-I-53 jusqu'à Z-I-114.

 22   Q.  Avez-vous préparé des rapports d'autopsie selon le même modèle que vous

 23   aviez utilisé pour le premier groupe de corps ?

 24   R.  Non, je n'ai pas rédigé de rapport d'autopsie, parce que les

 25   photographies qui ont été faites à ce moment-là ne m'ont pas été transmises

 26   par les membres du MUP qui avaient pris les photos. Lorsque je leur ai posé

 27   la question, on m'a dit que ces photos avaient été transmises au tribunal

 28   de Zvornik, je ne comprenais pas pourquoi. J'ai demandé pourquoi elles se

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  1   trouvaient à Zvornik alors que c'est le tribunal militaire de Belgrade qui

  2   avait ordonné une enquête. Ils m'ont dit de m'adresser à Zvornik, et c'est

  3   ce que j'ai fait. On m'a répondu que les photographies ne s'y trouvaient

  4   pas, et depuis ce jour, on ne m'a jamais communiqué ces photographies. Je

  5   ne voulais pas procéder à des rapports d'autopsie sans avoir de

  6   photographie, sans aucune preuve vidéo ou photo montrant dans quel état

  7   étaient les corps sur lesquels j'ai conduit l'examen et des objets que j'ai

  8   examinés pendant l'autopsie. J'ai entre mes mains l'ensemble des documents

  9   qui ont été établis suite à cet examen. Mais je n'ai pas fait de rapport

 10   d'autopsie.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, un petit mystère à éclaircir.

 12   Lors de votre deuxième venue, il y avait des représentants du MUP. Le MUP,

 13   tout le monde le sait - enfin, ceux qui ne le savent pas, ils vont le

 14   savoir - relève du ministère de l'Intérieur. Il n'a rien à voir avec

 15   l'armée a priori puisque vous, vous exerciez à l'époque votre fonction dans

 16   le cadre militaire. Donc s'il y a des représentants du MUP, qu'est-ce que

 17   cela signifiait en termes de procédures ? Est-ce à dire que l'autorité

 18   civile, voire le procureur civil, pouvait être intéressé à ce qui s'était

 19   passé ? Pourquoi le MUP était là ? Vous avez une réponse ou pas ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Le tribunal militaire n'avait pas de

 21   personnel, n'avait pas de moyens non plus pour répondre à tous les besoins

 22   au début de la guerre dans l'ex-Yougoslavie. Donc comme lorsqu'il s'agit de

 23   Vukovar, quand il s'est adressé à des juges civils pour mener à bien un

 24   certain nombre d'activités à Vukovar, là aussi il a fait appel au MUP de

 25   Belgrade, l'équipe qui avait les appareils nécessaires, et qui avait plus

 26   d'expérience que les experts militaires pour la dactyloscopie, par exemple,

 27   parce que c'est quelque chose qu'ils faisaient tous les jours. Et dans le

 28   cadre de leur travail c'était une question de routine, alors que l'armée

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  1   quant à elle, avait plein de problèmes, compte tenu des problèmes qu'elle

  2   avait avec son personnel et la situation qui prévalait dans ses unités.

  3   Donc on a fait appel à eux pour qu'ils viennent en aide. Et le juge

  4   d'instruction l'a demandé à son homologue au sein de la police, le

  5   supérieur qui en avait la compétence.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc le MUP a apporté une contribution technique,

  7   mais l'enquête était toujours sous autorité militaire.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, la compétence, c'est du tribunal

  9   militaire.

 10   M. FERRARA : [interprétation]

 11   Q.  Donc vous n'avez jamais vu ces photographies qui portent sur ce

 12   deuxième groupe de corps ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé à la fin de cette deuxième

 15   visite ?

 16   R.  Je ne vois pas concrètement ce que vous avez à l'esprit. Il y avait

 17   beaucoup de choses.

 18   Q.  Vous souvenez-vous si oui ou non on vous a tiré dessus, et comment ceci

 19   est arrivé ?

 20   R.  Une fois l'autopsie terminée, nous avons placé les corps dans des

 21   housses en plastique - excusez-moi - et nous avons remis les vêtements dans

 22   des sacs en plastique posés à côté des corps, parce que nous avons estimé

 23   que les proches allaient se rendre sur place pour essayer d'identifier les

 24   leurs, et en partie qu'ils allaient se baser sur l'examen des vêtements

 25   pour ce faire. Mais comme ces corps étaient déjà considérablement

 26   décomposés, et dans chacune de ces housses il y avait plein de vers, de ma

 27   vie, malgré toutes ces autopsies que j'ai jamais conduites, je n'avais

 28   jamais vu autant de vers sur des corps. Donc il nous est arrivé de sortir

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  1   des effets personnels ou certains objets de ces housses pour les placer à

  2   un endroit derrière l'usine d'Alhos pour que ces documents sèchent pour

  3   pouvoir les remettre ultérieurement à ceux de Zvornik qui allaient

  4   continuer avec le processus d'identification.

  5   A partir du moment où nous avons emballé des choses comme ça, un groupe de

  6   personnes a fait son apparition. C'étaient des gens barbus avec des

  7   cocardes. Et nous sommes entrés en conflit parce que je ne voulais pas

  8   accepter que ces gens viennent à l'endroit où nous étions en train de faire

  9   des autopsies, parce que c'est la loi qui le veut, c'est conforme aux

 10   règles, toute personne non autorisée n'a pas accès au lieu d'autopsie. Il y

 11   a eu ce conflit entre nous. Eux, ils avaient leurs raisons, je suppose, des

 12   raisons qui les ont emmenés là-bas, et je me suis plaint auprès d'un

 13   policier qui était au premier étage, et je lui ai dit qu'il fallait qu'il

 14   écarte ces gens, parce que je voulais réunir ces documents que je devais

 15   par la suite emballer dans des sacs en plastique et remettre aux employés

 16   de la police. A ce moment-là, d'une manière tout à fait inattendue, un de

 17   ces hommes qui étaient là a pointé son fusil sur moi. Je ne sais pas s'il

 18   avait bu ou pas. J'étais seul. C'était une chose complètement inattendue.

 19   Je ne m'attendais pas à ce qu'il tire, parce qu'il y avait quelqu'un à côté

 20   de lui et celui-là a poussé son bras, et je pense que deux ou trois balles

 21   sont parties, peu importe, une rafale est passée à côté de ma tête. Je l'ai

 22   mal vécu pour plusieurs raisons, et essentiellement parce que je devais me

 23   taire, puisque de toute façon ça nous était difficile de trouver des gens

 24   qui étaient prêts à procéder à des autopsies dans de telles circonstances,

 25   parce que seuls ceux qui ne se sont jamais trouvés à un endroit pareil et

 26   qui ne sont pas trouvés en première ligne peut demander une procédure

 27   prévue par la loi pour l'autopsie des corps.

 28   C'est une situation complètement étrange. Il y avait beaucoup d'émotion.

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  1   Ces gens sont repartis. Après cela, j'ai emballé les vêtements, puis je me

  2   suis tu. Je n'en ai pas parlé à mes assistants, à ceux qui faisaient partie

  3   de mon équipe, parce que le lendemain je me serais retrouvé seul pour faire

  4   des autopsies, autopsies à faire sur instruction des gens qui en avaient la

  5   compétence.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Celui qui vous a tiré dessus, manifestement il

  7   devait faire partie d'une unité. Comme vous, vous étiez officier, pourquoi

  8   vous n'avez pas saisi votre autorisé afin que des poursuites soient

  9   intentées contre ce soldat ? Parce que c'est inadmissible qu'un soldat tire

 10   sur un officier qui fait son travail. Pourquoi vous avez préféré garder le

 11   silence ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, il n'était pas question d'un soldat.

 13   Cet homme était membre de ce qu'il est convenu d'appeler des formations

 14   paramilitaires. C'est le premier point. Deuxième point, à l'endroit où

 15   avait eu lieu des combats, et d'ailleurs c'est une chose que j'entends dire

 16   souvent dans la présente affaire, ainsi que dans d'autres ici, on dit qu'on

 17   peut distinguer à quelle formation, à quelle unité appartenait tel ou tel

 18   homme. Les seuls qui pouvaient être distingués des autres participants

 19   étaient les membres de l'armée qui avaient des insignes et des emblèmes

 20   caractéristiques, puis d'autres qu'on pouvait éventuellement distinguer et

 21   reconnaître, c'étaient ceux qu'il est convenu d'appeler les membres des

 22   unités d'Arkan qui avaient une tenue très particulière. Mais les autres, on

 23   ne pouvait pas faire la différence entre les uns et les autres, savoir

 24   s'ils étaient membres de telle ou telle formation, savoir s'ils se

 25   présentaient comme étant un tel ou un tel, ça, personne ne pouvait en

 26   vérifier la vérité ou non, en tout cas quand je me suis trouvé dans ces

 27   endroits. A qui j'aurais pu me plaindre, puisque je ne savais même pas de

 28   qui dépendait l'homme en question ni pourquoi il se trouvait là ? A

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  1   l'époque, entre les hommes qui faisaient partie de l'armée, la plus grande

  2   confusion régnait au moment où en fait était en cours ce dont on sait

  3   aujourd'hui que c'était un démantèlement de la Yougoslavie. Je ne croyais

  4   pas que la Yougoslavie allait tomber en morceaux comme elle l'a fait, comme

  5   un jeu de cartes. Pendant ces quelques années qu'a duré le processus, le

  6   pays s'est écroulé comme un véritable château de cartes. La majeure partie

  7   des institutions et des structures de l'Etat de l'ex-Yougoslavie a disparu

  8   en même temps. Donc je n'avais même pas à qui me plaindre.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je peux tomber d'accord avec ce que vous venez de

 10   dire, mais en 1992 quand vous allez pour la deuxième fois à Zvornik, je

 11   présume que la JNA, pour le moins, il devait bien y avoir une responsable

 12   militaire qui avait autorité sur toute cette zone, indépendamment du fait

 13   qu'il y avait des unités paramilitaires, non ? Ou c'était le chaos le plus

 14   total ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Le chaos le plus complet régnait là-bas. Je

 16   vais vous dire une chose. Et là je reviens sur Vukovar.

 17   Quand nous sommes arrivés à Vukovar avec une équipe de civils et de juges

 18   d'instruction, de collaborateurs techniques et avec tous ceux qui nous

 19   accompagnaient, nous avons pris le chemin d'un certain nombre d'endroits où

 20   on savait que des cadavres existaient de personnes qui avaient été tuées.

 21   Nous avons dû bénéficier de la protection d'un certain nombre d'hommes

 22   appartenant à ce qu'il est convenu d'appeler la Défense territoriale de

 23   Vukovar. Qui était ces hommes ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, ils

 24   devaient se trouver là pour nous protéger contre les tirs dans le secteur

 25   et contre l'explosion éventuelle de mines. Donc voilà, le chaos le plus

 26   total régnait. Pourquoi ? Parce que l'armée à l'époque englobait des hommes

 27   qui étaient d'appartenance éthique diverse, et qu'on savait déjà à l'époque

 28   que la Slovénie s'était détachée du pays, que la Croatie était

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  1   factuellement en train de le faire. Ensuite est arrivée la Bosnie qui,

  2   comme chacun le sait, était à l'origine un environnement multiethnique.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Ferrara.

  4   M. FERRARA : [interprétation]

  5   Q.  Donc vous ne savez pas à quelle unité appartenait cet homme qui vous a

  6   tiré dessus ?

  7   R.  Non, et je ne peux pas --

  8   Q.  Vous ne pouvez pas ?

  9   R.  Je n'ai pas entendu la question.

 10   Q.  Est-ce qu'ils vous ont dit pourquoi ils voulaient rentrer pour voir des

 11   corps ?

 12   R.  Non.]

 13   Q.  -- à nouveau rendu à Zvornik après cette deuxième visite ?

 14   R.  Après ma deuxième visite à Zvornik, j'y suis retourné à plusieurs

 15   reprises, car nous avons pratiqué des autopsies sur les corps d'un certain

 16   nombre de Serbes et membres de l'armée de la Republika Srpska, cadavres

 17   découverts dans les collines et les environs de Zvornik. Je crois que j'y

 18   suis retourné six ou sept fois, voire un peu plus ou un peu moins, je ne

 19   saurais être tout à fait exact.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question accessoire de la Chambre mais qui

 21   intéresse au plus haut point la Chambre.

 22   Quand tout à l'heure on a parlé du chaos, d'après vous, est-ce que l'armée

 23   officielle, la JNA avait le pouvoir de donner des ordres à ces unités

 24   paramilitaires ou, d'après les connaissances que vous avez, elle était dans

 25   l'incapacité de le faire ? Prenez votre temps avant de répondre.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que dans cette région - et

 27   d'ailleurs pas seulement dans cette région - régnait le plus grand chaos

 28   s'agissant des liens hiérarchiques et de subordination. A cette époque

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  1   déjà, vous vous en souviendrez, la Bosnie-Herzégovine avait déclaré son

  2   indépendance. Je crois qu'elle l'avait déjà fait à ce moment-là, et il

  3   avait déjà été annoncé que les soldats de la JNA n'avaient plus rien à voir

  4   en Bosnie-Herzégovine. Donc l'armée était en train de commencer à préparer

  5   son retrait. Dans une situation de ce genre, personnes ne pouvait jouer un

  6   rôle dominant ou commander les membres de ces unités, en tout cas pas dans

  7   une situation où l'armée se prépare à partir. Personne n'avait l'autorité

  8   suffisante pour ordonner à certaines formations paramilitaires quel devait

  9   être leur comportement.

 10   Lorsqu'une certaine collaboration s'est instaurée entre nous et eux, il y

 11   avait l'Académie de santé militaire, et il y a eu une certaine

 12   collaboration dans la réalisation des autopsies entre les volontaires du

 13   Parti radical serbe et ces autres instances. A ce moment-là, il y avait un

 14   homme très sérieux, très responsable aussi, le Vojvoda Zoran Drazilovic qui

 15   faisait partie de ces volontaires du Parti radical serbe, et qui était

 16   responsable de l'examen, de l'analyse des cadavres de volontaires tués au

 17   combat, et il s'assurait que les corps de ces hommes soient ramenés à

 18   l'Académie de santé militaire, que tous les cadavres soient autopsiés dans

 19   le respect des règles et des procédures qui s'imposent dans de telles

 20   circonstances. Par la suite, il a également été chargé de restituer ces

 21   corps aux familles et d'obtenir une identification, le cas échéant, et

 22   cetera, mais ça, ça s'est passé plus tard.

 23   Je crois que le 19 mai, c'est le dernier jour du retrait de la JNA hors de

 24   la Bosnie-Herzégovine, jusqu'à ce moment-là pour autant que je le sache,

 25   des préparatifs avaient déjà commencé pour garantir que tous les soldats

 26   pourraient quitter la Bosnie-Herzégovine en sécurité. Parce que je me

 27   souviens que je suis allé à Sarajevo et qu'il y avait dans la période

 28   antérieure des soldats et des officiers qui s'étaient fait tuer à Sarajevo.

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  1   J'étais responsable de l'examen de cadavres et j'ai pu aller à Sarajevo en

  2   ce moment-là, mais dans la période ultérieure, nous n'avons plus eu

  3   l'autorisation d'entrer sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Ferrara, j'aimerais demander

  6   au témoin de rajouter une phrase à sa dernière déclaration. Est-ce que nous

  7   devons penser qu'après le 19 mai, on a donné ordre aux membres de la JNA de

  8   ne plus rentrer sur le territoire bosnien ? Mais est-ce que cette

  9   interdiction s'appliquait aussi aux unités de volontaires ? C'est-à-dire,

 10   après le 19 mai est-ce qu'ils pouvaient rentrer en Bosnie-Herzégovine, oui

 11   ou non ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons reçu cet ordre de l'armée, ça je le

 13   sais par ma situation personnelle. Après le 19, après le retrait de l'armée

 14   hors de Bosnie-Herzégovine, nous n'avions plus le droit d'aller dans cette

 15   région, où un nouveau commandement avait été créé, qui était placé sous la

 16   responsabilité du général Mladic qui a succédé au général Kukanjac. C'est à

 17   partir de ce moment-là qu'on a eu cette interdiction. Quant aux

 18   volontaires, je ne peux pas en parler car je ne sais pas grand-chose à leur

 19   sujet.

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara.

 22   M. FERRARA : [interprétation]

 23   Q.  Quand est-ce que la coopération était bonne avec les volontaires du

 24   SRS, s'il vous plaît ?

 25   R.  La coopération a commencé en 1992-1993, si je ne me trompe, et a duré

 26   jusqu'à la fin des combats. Zoran Drazilovic était responsable des

 27   volontaires, et tous ces volontaires, quel que soit l'endroit où ils

 28   étaient tombés au combat sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, faisait

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  1   l'objet d'un examen des cadavres et d'une autopsie et de tous les

  2   préparatifs nécessaires à l'inhumation après avoir été transférés à

  3   l'Académie de santé militaire.

  4   Q.  Quand est-ce que vous vous êtes rendu à Zvornik pour la troisième fois

  5   ? Vous dites que vous aviez des choses à faire à propos des victimes

  6   serbes, pouvez-vous nous dire quand cela s'est passé ?

  7   R.  Cela a eu lieu le 16 février 1993, date à laquelle j'ai reçu un appel

  8   du président du tribunal de Zvornik, M. Vasa Eric, qui m'a demandé de venir

  9   pour apporter mon aide à l'identification d'un certain nombre de cadavres

 10   qui avaient été découverts ou devaient être exhumés dans la région de

 11   Glagenska Brdo [phon], du mont Glodjane. J'ai demandé à me rendre dans la

 12   région, car des Serbes avaient été tués à Sijekovac et Milici et que

 13   personne ne voulait y aller parce qu'il y avait des combats. Donc on m'a

 14   appelé pour faire ce travail et j'ai accepté.

 15   Mais à ma demande, les autorités médicales de l'armée que j'avais

 16   consultées m'ont répondu que je pouvais m'y rendre, mais uniquement à titre

 17   de volontaire, et que l'armée n'acceptait aucune responsabilité au cas où

 18   il m'arriverait un malheur, et que ma famille ne pourrait pas s'adresser à

 19   l'armée pour une quelconque réclamation dans ce cas. J'ai dit, très bien,

 20   pas de problème, j'y vais dans ces conditions.

 21   Et c'est dans ces conditions, par conséquent, que je suis allé à Zvornik

 22   après que nous avons appelé le général Pandurevic, qui nous a dit qu'il

 23   fallait nous rendre sur ce mont, sur cette montagne où il y avait un très

 24   grand nombre de Serbes qui avaient trouvé la mort au cours des combats. Il

 25   nous a annoncé que nous nous y rendrions à bord d'autobus accompagnés de

 26   nombreux journalistes. Donc si je ne me trompe, c'est le 18 que nous sommes

 27   arrivés à Zvornik et le 19 que nous avons commencé à exhumer des cadavres à

 28   cet endroit qui s'appelle donc le mont Lejara [phon].

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  1   Q.  Une dernière question. Pouvez-vous nous dire si la procédure que vous

  2   avez employée pour examiner les cadavres des Musulmans était différente de

  3   la procédure que vous avez utilisée lorsque vous avez examiné les cadavres

  4   serbes sortis de ces

  5   charniers ?

  6   R.  Il y a eu une différence dans la mesure où nous avons pu pratiquer ce

  7   qu'il est convenu d'appeler des autopsies partielles à ce moment-là. Compte

  8   tenu des conditions qui régnaient à Zvornik à ce moment-là, Zvornik n'était

  9   plus au cœur de la zone de combat. Les combats se déroulaient à une

 10   vingtaine de kilomètres de Zvornik ou même davantage, donc cela nous a

 11   donné la possibilité et le temps, par exemple, d'étudier de plus près les

 12   chemins des projectiles à l'intérieur des corps de façon à voir si une

 13   plaie était le résultat de l'impact d'un projectile ou de l'utilisation

 14   d'un autre instrument, d'une autre arme, d'un autre objet. Donc des

 15   différences ont pu être déterminées dans les autopsies.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 17   M. FERRARA : [interprétation] Messieurs, Madame les Juges, je n'ai plus de

 18   questions, et j'aimerais verser, s'il vous plaît, la déclaration du 8

 19   juillet 2003.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : On statuera après le contre-interrogatoire. J'ai

 21   juste une question qui --

 22   M. FERRARA : [interprétation] Avant, je demandais que nous modifiions la

 23   liste 65 ter de l'Accusation parce que cette déclaration n'est pas incluse

 24   dans notre liste.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : La deuxième, très bien.

 26   Monsieur, j'ai une question très importante à vous poser. En règle

 27   générale, quand je pose des questions c'est qu'il y a un intérêt, mais là

 28   il y a un intérêt particulier dont vous-même vous avez évoqué cela.

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  1   Vous avez dit, parlant de Zoran Drazilovic, parlant des volontaires

  2   du Parti radical serbe, si j'ai bien compris dans la traduction, vous avez

  3   dit que :

  4   "Lorsqu'un volontaire du Parti radical serbe était tué au combat, on

  5   ramenait son corps à l'académie militaire où il y avait lieu à une

  6   autopsie."

  7   Alors quand j'entends cela, je me pose la question de savoir pourquoi ce

  8   sort privilégié pour ces volontaires du Parti radical serbe ? Pourquoi une

  9   autopsie ne se faisait-elle pas de manière automatique pour tous les autres

 10   combattants ? Pourquoi ceux-là ? Vous pouvez répondre ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais vous répondre.

 12   D'abord, nous réalisions les autopsies de tous les membres de l'armée - je

 13   veux dire de la JNA, donc de l'armée yougoslave - dès lors qu'il s'agissait

 14   d'hommes tombés au combat pendant la guerre qui a touché cette région.

 15   Deuxième point, les volontaires du Parti radical serbe ou autre, lorsqu'ils

 16   tombaient au combat, leurs cadavres étaient rapatriés en même temps que les

 17   cadavres de tous les autres soldats et ils étaient transférés comme les

 18   autres à l'Académie de santé militaire. Nous devions, après autopsie,

 19   remettre les restes de ces corps aux familles. Nous n'avions aucune

 20   consigne de la part des tribunaux compétents ou des juges d'instruction

 21   d'examiner ces cadavres de plus près. Lorsque la guerre a commencé, ces

 22   cadavres de volontaires ainsi que ceux des membres de la JNA, je

 23   transmettais les rapports d'autopsie aux juges d'instruction, et ceux-ci me

 24   répondaient par retour de courrier que ces hommes étant tombés au combat ne

 25   relevaient pas de la responsabilité des tribunaux. C'était une absurdité,

 26   évidemment, mais elle existait à l'époque.

 27   Donc de ma propre initiative, nous avons tout de même décidé de réaliser

 28   les examens et autopsies de ces cadavres. Nous devions donc demander à

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  1   cette fin l'autorisation de l'état-major, autorisation que nous avons reçue

  2   même si certains n'étaient pas d'accord avec notre initiative. Alors quand

  3   nous recevions un cadavre, selon les blessures qu'il présentait ou l'état

  4   du corps, de toute façon, nous devions enlever les vêtements de ce cadavre

  5   et établir des documents pour ces corps qui étaient, d'une certaine façon,

  6   des victimes de la guerre. Car je considérais de ma responsabilité par

  7   rapport à l'avenir de pouvoir répondre à toute personne membre de famille

  8   ou journaliste ou autre qui s'enquérrait d'un certain nombre de détails

  9   relatifs aux conditions dans lesquelles l'homme en question était mort.

 10   Donc c'est de cette façon que nous avons travaillé. Mais les corps de ces

 11   volontaires n'étaient pas privilégiés. Ils étaient simplement des corps que

 12   l'on traitait comme les autres et qui subissaient les mêmes examens et les

 13   mêmes conditions d'inhumation décentes.

 14   Je peux vous donner un autre exemple, deux volontaires d'Arkan. Leurs corps

 15   ont également été ramenés à l'Académie de santé militaire à partir de

 16   l'endroit où ils ont été découverts, nous les avons examinés. Ensuite, nous

 17   avons remis les restes aux familles, ou en tout cas, aux personnes qui en

 18   étaient responsables.

 19   Mais ensuite, plus le nombre de victimes a augmenté, plus nous sommes

 20   devenus une espèce de centre auquel s'adressait la Commission chargée des

 21   questions relatives aux droits humains dans le cadre des pourparlers

 22   nécessaires pour les échanges de ces restes humains. Je dirais donc que

 23   nous n'avons pas accordé un traitement privilégié aux cadavres dont je

 24   parle, c'était simplement un traitement qui était prévu dans les

 25   circonstances de l'époque.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc il n'y avait pas de traitement

 27   particulier, parce qu'ils étaient membres du Parti radical serbe. Mais de

 28   votre réponse découle une autre question qui est peut-être encore plus

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  1   importante.

  2   Si les volontaires du Parti radical serbe sont traités, autopsiés à

  3   l'académie militaire comme les militaires de la JNA, est-ce à dire à ce

  4   moment-là que vous les considériez comme ayant un statut de militaire et

  5   que de ce fait ces volontaires étaient sous l'autorité de la JNA ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je considérais simplement et je considère

  7   encore aujourd'hui que nous sommes tenus de réaliser les autopsies

  8   relatives à des personnes venant des couches sociales inférieures de la

  9   société ou des couches supérieures. Donc je ne changeais rien à ma façon de

 10   conduire une autopsie, qu'il s'agisse des fonctionnaires ou de personnes

 11   très haut placées ou de personnes situées beaucoup plus bas.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas compris ma question. Je la

 13   reformule. Quand la question est importante, je fais très attention à la

 14   réponse que vous amenez pour avoir la conviction que vous avez bien compris

 15   ma question. Ma question est la suivante : vous êtes dans l'organisation

 16   militaire de la JNA. L'académie militaire dans laquelle vous exerciez vos

 17   talents de légiste a compétence pour les soldats tombés au combat. Vous

 18   nous avez expliqué que les soldats de la JNA décédés vous étaient amenés

 19   ainsi que des volontaires du Parti radical serbe. Vous avez rajouté il est

 20   même arrivé une fois que deux membres de l'Unité Arkan ont été amenés.

 21   Comme vous êtes l'autorité militaire, est-ce à dire que l'autorité

 22   militaire considérait que les tués qui étaient des volontaires du Parti

 23   radical serbe avaient le statut de soldats ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, à cette époque-là,

 25   j'avais le grade de lieutenant-colonel. C'est sans doute un grade élevé au

 26   sein d'une armée, c'est vrai, mais j'étais tout de même très éloigné des

 27   structures dirigeantes et de la politique qui étaient appliquées à cette

 28   époque-là dans mon pays. Car mon niveau hiérarchique était tout de même

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  1   insuffisamment élevé pour me permettre de poser des questions dans de tels

  2   sujets, et cela aurait été abuser de ma part que de m'adresser à certaines

  3   personnes pour leur demander pourquoi et comment telle ou telle chose se

  4   faisait ainsi. Alors s'agissant des membres du Parti radical serbe et des

  5   hommes d'Arkan qui n'étaient pas simplement au nombre de deux, mais de

  6   plusieurs dizaines dans les unités, ainsi que d'autres civils dans divers

  7   lieux où des combats se sont déroulés, il est vrai que l'armée s'est

  8   occupée des cadavres, qu'elle a participé au transport des cadavres depuis

  9   l'Académie de santé militaire jusqu'au lieu d'inhumation et qu'elle a

 10   acquitté les frais d'inhumation. Nous avions deux membres au Grand quartier

 11   général qui s'occupaient de façon très compétente de toutes ces

 12   dispositions en établissant les contacts nécessaires. Nous n'avons jamais

 13   eu de problème à cet égard étant entendu que c'est l'armée qui prenait à sa

 14   charge les frais d'enterrement, c'est-à-dire le paiement des cadavres, les

 15   vêtements, et cetera.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je complète ma question par une

 17   hypothèse.

 18   Imaginons que je suis un civil serbe avec ma femme et mes enfants, et je

 19   circule en voiture à proximité de zones de combat. Sur ce, ma voiture saute

 20   sur une mine, toute ma famille est tuée, mais je suis civil. Il y a pas de

 21   discussion là-dessus. Est-ce que mon corps et ceux de ma famille vont être

 22   amenés à l'académie militaire pour être autopsiés ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Si une demande était faite par les familles ou

 24   par quelque autre instance officielle, nous réalisions les autopsies. Par

 25   exemple, Zoran Amidzic, journaliste de Sabac, est mort en Bosnie avec les

 26   membres de son équipe alors qu'il était en mission officielle. Dans la

 27   nuit, une demande est arrivée demandant qu'une autopsie soit réalisée sur

 28   les corps des membres de cette équipe. Comme on était déjà de nuit, je suis

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  1   parti pendant la nuit à Sabac de façon à ce que les cadavres, après

  2   autopsies, puissent être enterrés le lendemain. L'autopsie a eu lieu

  3   pendant la nuit. Puis par ailleurs, il y avait pas mal de personnes dont

  4   les restes humains ont été exhumés dans tel ou tel secteur géographique.

  5   Nous mettions ces restes humains dans des housses mortuaires et nous les

  6   transférions à Belgrade pour inhumation décente. Avec la Commission chargée

  7   des droits humains, des pourparlers se sont déroulés pour échanges de

  8   cadavres, comme par exemple, dans le cas où des personnes tombent dans une

  9   région particulière et sont ensuite transférées ailleurs. C'est seulement à

 10   l'arrivée des restes humains que nous réalisions les autopsies. Nous

 11   faisions, en fait, des autopsies à la demande de toute personne ou toute

 12   institution qui le demandait. Cela peut vous paraître bizarre, mais ne

 13   posions pas de questions. Notre objectif était d'aider les gens dans les

 14   circonstances les plus difficiles de leur vie qu'ils traversaient de façon

 15   au moins à leur donner des détails sur les corps des êtres chers.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc la conclusion est relativement simple.

 17   L'académie militaire où se pratiquaient les autopsies faisait des autopsies

 18   de toute le monde, militaires ou civils, il suffisait qu'on vous le

 19   demande. Voilà donc la conclusion, c'est très clair.

 20   Bien. Alors maintenant --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] La même chose, Monsieur le Juge, c'était pour

 22   ce qui est des soins à apporter. Donc l'Académie de santé militaire

 23   recevait et soignait tous ceux qui lui étaient adressés depuis les zones en

 24   guerre qui qu'ils soient. C'est de cette manière-là que nous travaillions.

 25   Mme LE JUGE LATTANZI : Donc de cette dernière question, on peut déduire que

 26   la compétence de l'armée à faire ces autopsies c'était plutôt une

 27   compétence de contexte que de conflit armé parce que vous parlez en tout

 28   cas des zones de guerre.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Je regarde avec inquiétude la montre.

  4   Oui, Monsieur Ferrara.

  5   M. FERRARA : [interprétation] Je serai extrêmement rapide.

  6   J'ai une question technique à poser au témoin. En ce qui concerne les

  7   29 rapports d'autopsie qui ont été versés au dossier, nous n'avons qu'un

  8   seul numéro, une seule cote, P704. Mais malheureusement, elles sont déjà

  9   téléchargées dans le système électronique avec 25 numéros 65 ter

 10   différents, donc il faut que je dise quand même les 29 numéros pour que

 11   l'on puisse faire la correspondance ensuite entre le P 704 et ces 29

 12   rapports d'autopsie.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une minute.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Ferrara pourrait faire cela mardi.

 15   Aujourd'hui, je ne voudrais pas renoncer à une partie de mon temps pour le

 16   contre-interrogatoire --

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : -- fait cela très vite.

 18   Parce que les Juges se sont posé la question et on avait pensé qu'il

 19   valait mieux donner un numéro, mais on peut en donner 29.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. FERRARA : [interprétation] Ça peut être fait après le prétoire, bien

 22   sûr, après l'audience.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, vous demanderez conseil à M.

 24   Mundis qui sait comment je pratique dans d'autres affaires. Vous faites une

 25   liste, vous marquez vos 29 documents avec les anciens numéros 65 ter. A

 26   côté, vous marquerez les numéros à partir du 700 - je sais plus combien, ce

 27   n'est plus à l'écran. Après quoi, la liste vous la remettrez donc au

 28   greffier, et le greffier nous dira la semaine prochaine que --

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  1   M. FERRARA : [interprétation] Nous avons déjà donné au greffier toute la

  2   liste d'ailleurs.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc la semaine prochaine, le greffier nous dira les

  4   numéros.

  5   Bien. Ce qui compte maintenant, c'est le contre-interrogatoire. Donc,

  6   Monsieur Seselj, vous avez la parole.

  7   Contre-interrogatoire par M. Seselj :

  8   Q.  [interprétation] Monsieur Stankovic, vers le mois de septembre 2005,

  9   mes collaborateurs ont rendu public le fait que le 29 août de cette année-

 10   là, j'avais présenté une écriture au Procureur en application de l'article

 11   67 du Règlement de procédure et de preuve précisant que j'entendais

 12   appliquer un moyen de défense spécial et que dans ces écritures, j'ai remis

 13   en question vos qualités et votre qualité d'expert. Vous avez répondu par

 14   la presse en disant que vous n'étiez pas témoin dans l'affaire qui est

 15   menée contre moi, que vous n'étiez pas témoin de l'Accusation.

 16   R.  Oui, c'est exact parce que sur demande du Procureur - et je l'ai ici en

 17   date du 20 décembre 2002 - donc j'ai reçu cette demande, c'est le ministre

 18   de la Justice, M. Savo Parkovic, qui a reçu cette demande disant que dans

 19   l'affaire IT-02-54-T, j'allais être cité en tant que témoin, donc affaire

 20   du Procureur contre Slobodan Milosevic. La décision du gouvernement de la

 21   République de Serbie en date du 6 février 2003 et la décision du

 22   gouvernement fédéral du 30 janvier 2003 confirment cela. Donc jamais, nulle

 23   part dans ma déclaration, je ne vous ai mentionné, je n'ai pas non plus

 24   parlé de vous. Donc il n'y a pas un seul mot qui vous soit consacré. Aucune

 25   de mes déclarations. Je ne vous ai vu qu'une fois lors d'une promotion d'un

 26   livre au foyer de l'armée. Je pense que vous étiez vice-premier ministre à

 27   ce moment-là, mais je n'ai jamais fait de déclaration à votre sujet.

 28   Je ne comprends pas puisque tout le monde en a parlé. Tous ont lu ce

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  1   que vous avez rédigé. C'est la raison pour laquelle j'ai fait la

  2   déclaration que j'ai faite, et j'ai les originaux ici que je peux montrer,

  3   à savoir que vous n'avez jamais été mentionné, que jamais je n'ai pris la

  4   décision de venir déposer dans votre affaire.

  5   Q.  Mais dans l'affaire Slobodan Milosevic, vous n'avez jamais été annoncé

  6   en tant qu'expert, du moins pour autant que je le sache ?

  7   R.  Non. On m'a dit que j'étais censé venir au procès de Slobodan Milosevic

  8   vers la fin de sa présentation de la part de l'avocat Rajcevic [phon], que

  9   j'allais intervenir vers la fin.

 10   Q.  Mais que vous allez être un des témoins de la Défense ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Donc ça n'a rien à voir avec le Procureur de La Haye. Vous alliez être

 13   expert de la Défense dans cette autre affaire ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Ça vous a gêné que votre nom figure sur la liste des témoins de la

 16   Défense dans cette affaire ? Vous n'avez pas aimé

 17   cela ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et avant tout, parce que dans l'opinion serbe c'est une honte lorsque

 20   quelqu'un vient déposer en tant que témoin de l'Accusation à La Haye ?

 21   R.  Objectivement, il en est ainsi.

 22   Q.  Très bien. Je vais vous poser des questions brèves. S'il vous plaît,

 23   répondez-moi brièvement pour pouvoir utiliser à bon escient le temps qu'il

 24   nous reste.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : La question aurait pu ne pas être posée, mais elle

 26   est posée. Vous avez répondu de manière claire. Si je comprends bien, quand

 27   un témoin vient témoigner devant ce Tribunal, c'est une honte de venir

 28   témoigner ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas dit que ça nous déshonore, ou

  2   que c'est une honte, mais j'ai dit autre chose. En tant que témoin expert

  3   ou en tant que témoin, j'ai l'obligation de dire la vérité et rien que la

  4   vérité, comme je m'y engage quand je prononce mon serment, mais on en parle

  5   énormément. On en fait tout un cas, en particulier dans mon entourage, du

  6   fait que je suis ici témoin de l'Accusation et que je viens accuser

  7   quelqu'un ou que je suis un homme qui est venu accuser ou qu'il a accusé

  8   des gens. Je suis venu ici en ma qualité de quelqu'un qui a mené des

  9   autopsies sur des corps de Musulmans à Zvornik. J'ai établi des procès-

 10   verbaux et je suis venu défendre ce travail.

 11   Ce n'est pas une honte que je sois venu devant ce Tribunal, mais je vous ai

 12   dit, qu'en fait, que je me sens gêné vu la manière dans laquelle on

 13   représente les témoins ou les experts du bureau du Procureur dans mon

 14   entourage, là où je vis, là où je travaille. Mais si j'avais honte de venir

 15   déposer ici je ne serais pas venu, parce que j'aurais trouvé mille raisons

 16   pour ne pas le faire. Donc j'éprouve une obligation. Je dois me conformer à

 17   ce que me demandent les personnes qui ont la charge de ces procès. C'est la

 18   raison pour laquelle je suis venu.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, dans votre pays, il y a des procès et dans

 20   les procès, il y a des témoins qui viennent. Des témoins parfois viennent à

 21   la demande du procureur de Belgrade, par exemple, ou d'une autre ville.

 22   Mais quand les témoins viennent déposer devant vos juridictions, est-ce

 23   qu'ils ont un problème, ou bien ils se disent : "Si le procureur me fait

 24   venir, je vais témoigner" ? Quelle est la différence entre ce Tribunal,

 25   puis le tribunal à Belgrade pour un témoin ?

 26   Si la question est délicate, vous pouvez dire : "Je préfère ne pas

 27   répondre." Ne répondez que si vous voulez. Vous n'avez aucune obligation.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Monsieur le Juge, dans notre pays, nous

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  1   sommes extrêmement insatisfaits d'un certain nombre de décisions prises par

  2   des Chambres de ce Tribunal. J'en suis témoin. Cela concerne l'acquittement

  3   de Naser Oric. Si vous vous penchez sur ma déclaration sur les descriptions

  4   des blessures, la manière dont ont été tués ces gens de Srebrenica et dans

  5   les villages alentours par les unités de Naser Oric, c'est une honte, ce

  6   jugement. Je peux le dire et je peux le prouver. S'il avait fallu apporter

  7   des preuves, mais moi j'ai remis ces PV, pas tous, parce que pendant ces

  8   entretiens, on m'a demandé : On veut ces PV et on ne veut pas les autres.

  9   Ça, c'est une première chose.

 10   Ramush Haradinaj. Prenons l'autre affaire. J'ai fait l'autopsie du

 11   chauffeur albanais de la municipalité de Pec qui a été tué par ces unités.

 12   C'est enregistré et ça était remis. Les représentants de la communauté

 13   internationale se sont rendus là-bas, et rien. J'étais à la tête du comité

 14   chargé des violations du droit international humanitaire et j'ai eu des

 15   entretiens avec Sharif Basuni [phon], Karls [phon] Hoffman, Louise Arbour,

 16   Carla Del Ponte, plein d'employés du Tribunal de La Haye. Nous avons remis

 17   beaucoup de dossiers, des documents volumineux. Il n'y a pas eu de procès

 18   devant ce Tribunal.

 19   Pour ce qui est de Gospic, pour ce qui est de l'expertise des 24 corps, je

 20   suis allé au procès qui a été mené à Rijeka. Le Juge a accepté mes

 21   rapports, mais ce n'est pas logique que le Tribunal de La Haye ne prenne

 22   pas en considération le meurtre de 24 civils à Gospic. Pour la plupart, ce

 23   sont des femmes et des personnes âgées, et en même temps 100 ou plus ont

 24   été balancés dans des grottes Velebit. Et vous avez le général en charge

 25   qui, aujourd'hui, circule librement, le général Norac, en Croatie; 181

 26   corps de civils et de militaires dans cette région ont été trouvés. Le

 27   général Matijasevic, le commandant de la 6e Brigade de la Garde de Croatie,

 28   a été tué là-bas. Donc vous avez une participation directe, implication

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  1   directe d'un pays sur le territoire d'un autre; 36 personnes âgées de plus

  2   de 80 ans ont été trouvées avec des blessures les plus graves.

  3   Donc c'est ça le ressentiment des citoyens de mon pays face à ce Tribunal.

  4   Cet homme qui est présent ici, qui m'a injurié et insulté comme personne

  5   d'autre de ma vie, qui a cité tant de contrevérités sur moi, c'est

  6   uniquement à cause de ces histoires qu'il est accusé. Il est jugé ici pour

  7   délit verbal. C'est ça aux yeux de notre opinion. Donc c'est ça le grand

  8   ressentiment dans mon entourage. C'est ainsi que l'on perçoit le Tribunal.

  9   Ça ne nous gêne pas que tous les criminels soient condamnés, mais justement

 10   le tribunal militaire a mené l'enquête à Vukovar sur les Musulmans de

 11   Zvornik, et cetera.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse est très complète. Je vous remercie

 13   d'avoir longuement répondu.

 14   A ce que vous dites, deux observations. Des crimes ayant été commis, il

 15   appartenait à l'époque au Procureur de diligenter et de poursuivre les

 16   auteurs de ces infractions. Mais depuis maintenant, en raison d'une

 17   résolution du Conseil de sécurité, il incombe aux autorités nationales

 18   d'intenter les poursuites en la matière.

 19   Deuxièmement, sur les acquittements, je n'ai rien à dire. Ce sont des Juges

 20   qui ont tranché. Mais indépendamment de cela, sachez - mais vous le savez

 21   aussi maintenant - que sur le plan pénal, avant que quelqu'un soit déclaré

 22   coupable, faut-il encore en rapporter la preuve et bien établir que c'est

 23   lui qui est coupable. C'est ce qu'on appelle la présomption d'innocence et

 24   ce qu'on appelle évidemment, les éléments qui doivent être réunis pour la

 25   constitution d'une infraction. Voilà le problème. Alors c'est peut-être

 26   très compliqué à comprendre quand on n'est pas juriste, mais un juriste

 27   comprend ce que je viens de dire.

 28   Voilà. Vous vous êtes exprimé très bien.

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  1   Monsieur Seselj, continuons parce que je regarde l'heure tourner.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me faudra une heure entière, Monsieur le

  3   Président. Vous me l'avez allouée, alors est-ce qu'on renonce à la pause ?

  4   Je ne sais pas comment --

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Non, non, mais l'heure, vous allez l'avoir, parce

  6   qu'avant la pause il y a 20 minutes et après il y aura encore une heure.

  7   Alors donc, allez-y.

  8   M. SESELJ : [interprétation] Très bien.

  9   Q.  Monsieur Stankovic, nous allons poser des questions brèves. Répondez-

 10   moi par des réponses brèves.

 11   Est-il exact de dire que dans sa grande majorité, l'opinion serbe estime

 12   que le Tribunal de La Haye n'est pas un tribunal légal?

 13   R.  L'opinion éduquée estime qu'il n'est pas légal. Les opinions divergent,

 14   mais vu la manière dont il a été créé, cela nous permet de penser qu'ils

 15   ont raison, ces gens qui disent qu'il s'agit d'un tribunal illégal.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Cette question, vous l'avez déjà indiquée, vous avez

 17   pris votre position. On n'est pas en train de faire le procès du Tribunal.

 18   On est en train simplement de vérifier lord du contre-interrogatoire ce

 19   qu'a pu dire le témoin à partir de sa déclaration puisque vous avez

 20   contesté l'admission comme rapport d'expert. Alors ne profitez pas de la

 21   venue du témoin pour aborder d'autres sujets.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, ce que vous souhaitiez

 23   entendre, vous l'avez entendu pendant l'interrogatoire principal et pendant

 24   que les réponses ont été apportées aux questions posées par les Juges.

 25   Maintenant je teste la crédibilité de ce témoin expert. Mes questions, par

 26   conséquent, ont été conçues avec cet objectif. Il est tout à fait clair -

 27   et on sait très bien - et vous le savez très bien ce que je pense du

 28   Tribunal de La Haye. Mais je pose ma question à ce témoin, je lui demande à

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  1   lui sur ce qu'il en sait des opinions, de l'opinion serbe, à savoir je

  2   m'intéresse à l'opinion éclairée, aux juristes, et cetera. J'y ai le droit,

  3   j'ai le droit de lui poser ça. Si vous m'interdisez cela, il n'y a pas de

  4   raison que je lui pose mes questions dans le contre-interrogatoire.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Le seul problème, Monsieur Seselj, c'est que c'est

  6   hors du champ de son expertise, parce qu'il est venu à la demande du

  7   Procureur uniquement pour parler de la question des cadavres, des autopsies

  8   et autre. Il n'est pas venu par parler de la politique, du contexte.

  9   Maintenant, la crédibilité, si vous estimez qu'il ne nous a pas dit la

 10   vérité, bon, très bien. Mais ce n'est par le biais de lui dire ce qu'il

 11   pense et ce que l'opinion pense de ce Tribunal, que ça va nous éclairer sur

 12   la crédibilité.

 13   M. FERRARA : [interprétation] Objection. Nous ne souhaitons pas que ces

 14   questions soient posées en ces termes-là pendant le contre-interrogatoire,

 15   parce que comme vous l'avez dit, ceci n'a rien à voir avec la crédibilité

 16   du témoin, il s'agit plutôt de recueillir les opinions politiques du

 17   témoin.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Anthony Oberschall a été

 19   le premier témoin expert que j'ai interrogé, qui soi-disant aurait une

 20   thèse de sociologie, mais qui avant était diplômé de physique. Je lui ai

 21   posé des questions qui relevaient du domaine des mathématiques et de la

 22   physique. Vous voyez, il ne savait pas ce que c'était qu'un numéro

 23   imaginaire, et j'avais le droit de lui poser ces questions. Là j'ai un

 24   témoin expert, un général qui se trouvait être un ministre de la Défense et

 25   je lui pose des questions de substance, des questions de principe, et c'est

 26   sur la base de ses réponses que moi et vous et le Procureur et l'opinion

 27   pourront tirer des conclusions portant sur sa crédibilité.

 28   Je sais que vous n'appréciez pas ces questions, peut-être que les réponses

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  1   qui seront apportées, vous ne les apprécierez pas non plus, mais à partir

  2   du moment où vous avez accepté d'être Juge de ce Tribunal, vous pouviez

  3   anticiper ce type de situation désagréable. Et maintenant vous utilisez

  4   sans raison, je pense mon temps.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je vous fais remarquer que c'est

  6   moi-même qui ai permis au témoin de dire ce qu'il pensait et ce que pense

  7   l'opinion serbe du Tribunal. Et vous avez remarqué, je ne lui ai pas coupé

  8   la parole, je n'ai pas coupé le micro, je l'ai laissé longuement

  9   s'exprimer. Et il a dit des choses.

 10   Maintenant vous, vous reprenez par derrière le contre-interrogatoire qui,

 11   je le rappelle, n'est pas un droit illimité à faire tout et n'importe quoi,

 12   et vous remettez cela mais sous un autre aspect, sur la légalité du

 13   Tribunal. Il n'est pas juriste, vous auriez un professeur de droit

 14   constitutionnel ou de droit international public peut-être, mais lui n'est

 15   pas juriste. Donc vous perdez votre temps.

 16   Ce qui m'intéresse, est-ce que vous avez des éléments dans votre

 17   contre-interrogatoire qui peuvent nous être utiles à nous, à partir des

 18   événements de Vukovar ou de Zvornik ? C'est ça qui est intéressant parce

 19   que tout le reste, tout ce que vous voulez dire, vous l'avez déjà dit, on

 20   le sait.

 21   Je vous redonne la parole.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] A chaque fois que je cède, Monsieur le

 23   Président, après je regrette de vous avoir cédé, voilà, mais là encore je

 24   vais céder. Je ne vais pas lui poser des questions de nature juridique

 25   puisqu'il occupait le poste de ministre de la Défense, il était général.

 26   Enfin, aujourd'hui encore il est général même s'il est à la retraite, on le

 27   reste à vie, général. Donc j'ai une question qui, de part sa nature, n'est

 28   pas juridique.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : En revanche, Monsieur Seselj, vous venez de dire

  2   quelque chose que j'ignorais totalement. Vous dites qu'il a été ministre de

  3   la Défense. Je ne le sais pas.

  4   Monsieur le Témoin, vous avez été ministre de la Défense ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai été ministre de la Défense du 24

  6   décembre 2005 au 15 mai 2007.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors il a été ministre de la Défense, étant donné

  8   ministre de la Défense il peut répondre à certaines questions, oui. Mais

  9   encore fallait-il que je le sache, nous ne le savions pas. Mais des

 10   questions militaires, bien entendu, ou des questions liées à son activité

 11   de ministre de la Défense de l'époque.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord.

 13   Q.  Monsieur Stankovic, vous êtes un ancien ministre de la Défense. En

 14   cette qualité-là, je vous pose la question : savez-vous que pratiquement

 15   dans son ensemble l'opinion serbe estime que ce Tribunal est un tribunal

 16   expressément anti-Serbe, compte tenu du fait du nombre d'accusés serbes qui

 17   sont jugés et par rapport à cela, le petit nombre de Croates, de Musulmans,

 18   d'Albanais, et cetera, vu la différence très considérable des peines

 19   prononcées, vu les criminels notoires qui ont été acquittés ou libérés et

 20   qui ne sont pas Serbes ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais le témoin a répondu à votre question,

 22   Monsieur le Président, vous lui avez posé la question, l'attitude du

 23   Procureur vis-à-vis des preuves qu'il avait apportées et proposées.

 24   N'acceptez pas que M. Ferrara utilise mon temps, je ne renoncerai à aucune

 25   minute de mon temps.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Ferrara.

 27   M. FERRARA : [interprétation] Je ne suis pas en train de vous faire perdre

 28   votre temps. Je dis que j'oppose complètement à ces types de questions qui

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  1   ne sont pas pertinentes. Le témoin ici est là en temps qu'expert en matière

  2   de médecine légale. Il n'est pas là pour donner son avis ni pour donner

  3   l'avis du public dans son pays sur ce Tribunal. Ce type d'observation ne

  4   peut pas être accepté ici dans le prétoire.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voulez que je renonce à cette question

  6   également, j'y renonce pour abréger.

  7   Je poursuis ?

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et voilà.

 10   M. SESELJ : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Stankovic, d'après les informations dont je dispose, vous,

 12   sous une forme ou une autre, je ne saurais pas trop définir cela, vous avez

 13   été consultant du bureau du Procureur portant sur des autopsies et

 14   l'identification des corps de soldats musulmans exhumés, et cela concerne

 15   la libération de Srebrenica en 1995, qu'il s'agisse des gens tombés au

 16   combat ou qu'ils étaient fusillés. Vous avez occupé ce poste ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Alors ?

 19   R.  Non, ce n'est pas exact. Je n'ai eu aucune fonction liée à ces examens

 20   et s'agissant du bureau du Procureur.

 21   Q.  Le bureau du Procureur du Procureur n'a pas cherché à avoir votre avis

 22   ou votre conseil ?

 23   R.  Non. C'était fait par la Défense dans l'affaire Krstic, mais pas

 24   l'Accusation, pas le Procureur.

 25   Q.  Mais votre opinion d'expert, c'était uniquement à la Défense que vous

 26   l'avez fournie ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Mais de cette manière-là, vous vous êtes procuré des informations sur

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  1   toute une série de phénomènes scandaleux pendant les activités des médecins

  2   légistes occidentaux qui y ont pris part ?

  3   R.  Dans mon rapport, dans l'opinion que j'ai fournie, j'ai fourni à la

  4   Chambre du Tribunal à La Haye, dans mon avis, j'ai remis en question la

  5   qualité des experts qui ont travaillé sur l'exhumation de Srebrenica et

  6   dans les environs.

  7   Q.  Très bien. Est-ce que vous avez remarqué que c'est une tendance

  8   générale de ces soi-disant experts en médicine légale du Tribunal de La

  9   Haye d'agir de la manière suivante : tous les cadavres retrouvés dans les

 10   parages dans les environs de Srebrenica, tous les corps de soldats

 11   musulmans sont représentés comme étant des corps de victimes de fusillade ?

 12   R.  L'un des reproches-clés que j'ai formulé par écrit est le suivant : sur

 13   les 2 082 restes humains exhumés à ce moment-là à Srebrenica et dans les

 14   environs, il y avait 2 800 et quelques morts. Peut-être que les chiffres ne

 15   sont pas exacts mais je l'ai contesté, parce que le nombre de causes de

 16   décès ne peut pas être supérieur à celui des restes.

 17   Q.  Est-ce que vous savez que dans le jugement prononcé par ce Tribunal à

 18   l'encontre du général Radislav Krstic, il est dit que les forces serbes ont

 19   abattu entre 7 000 et 8 000 prisonniers musulmans ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord sur ce chiffre; est-ce que ce chiffre est

 22   possible ?

 23   R.  Dans ce travail d'expertise, j'ai attiré l'attention ou j'ai rédigé --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara.

 25   M. FERRARA : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je ne vois pas

 26   en quoi ceci est pertinent par rapport à l'acte d'accusation.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis en train de tester la crédibilité du

 28   témoin pour ce qui est de son expertise, de sa moralité et de ses

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  1   qualifications. C'est ce que je suis en train de tester et ça me permettra

  2   d'en conclure sur sa crédibilité.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que je voulais dire. Attendez, Monsieur, je

  4   voulais dire ceci. Suite à l'objection du Procureur, nous avons des

  5   documents qui ont été admis, et dont des documents qui viennent de médecins

  6   internationaux concernant les victimes -- un certain nombre de victimes

  7   avec des documents internationaux. Voilà, maintenant que la Défense

  8   conteste le travail des médecins internationaux et pour contester cela,

  9   prend l'exemple de Srebrenica, que je ne connais pas, que je suis en train

 10   de découvrir au fur et à mesure.

 11   Voilà. On n'est pas en train de juger l'affaire de Srebrenica, mais par ce

 12   biais, il y a une remise en cause des constats de certains médecins

 13   internationaux. Or, ces constats de médecins internationaux, nous les avons

 14   admis, nous, comme documents.

 15   Continuez, Monsieur Seselj.

 16   M. SESELJ : [interprétation]

 17   Q.  Savez-vous quel est le chiffre le plus récent pour ce qui est du nombre

 18   d'exhumations qui aurait été mené eu égard à Srebrenica ?

 19   R.  Je ne sais pas, mais ce que vous avez dit, j'ai réagi, j'ai objecté, et

 20   c'est le problème principal. Si quelqu'un affirme que

 21   7 000 ou 8 000 personnes ont été tuées, alors il faut qu'il dispose d'un

 22   tel nombre de restes de corps humains. S'il ne les a pas, d'après ce que

 23   j'en sais, la règle veut que l'on évoque uniquement le chiffre des restes

 24   et les autres sont considérés comme étant portés disparus, ce qui permet de

 25   donner une instruction à des institutions nationales ou étrangères de

 26   rechercher les personnes portées disparues. Par exemple, au centre mémorial

 27   près de Srebrenica, nous avons le nom d'une personne, d'un homme qui, il y

 28   a un an ou deux ans, s'est présenté comme étant en vie, et à partir de ce

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  1   moment-là quelle est la crédibilité de ce type d'information. Je n'ai eu de

  2   cesse d'attirer l'attention là-dessus, on m'a critiqué parce que je

  3   réduisais le nombre de victimes musulmanes. Non, mais on sait quel est le

  4   nombre de personnes qui ont été retrouvées, ceux qui n'ont pas été

  5   retrouvés, on sait ce que c'est qu'une personne portée disparue et ce

  6   qu'est qu'une personne dont les restes ont été retrouvés, on sait quand on

  7   les proclame décédés. Ça c'est ma réponse à cette question.

  8   Q.  Est-ce que vous savez --

  9   Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi, Monsieur le Témoin, est-ce qu'il y a

 10   encore des fosses communes non exhumées ou non, à votre connaissance comme

 11   expert qui s'occupe de ces choses-là ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le rapport que j'ai lu, je crois que

 13   c'est le rapport de Wright, si je ne me trompe, on peut lire qu'un certain

 14   nombre de fosses communes qui ont été découvertes, enregistrées, qui sont

 15   bien connues, n'ont pas encore été exhumées au jour d'aujourd'hui.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux poursuivre ?

 17   M. SESELJ : [interprétation]

 18   Q.  Etes-vous au courant, Monsieur Stankovic, du fait qu'au centre mémorial

 19   de Bratunac, autrement dit dans le cimetière des soldats musulmans, sont

 20   enterrés également un grand nombre de musulmans qui ont trouvé la mort dans

 21   des circonstances diverses en 1992 et 1995, autrement dit avant la

 22   libération de Srebrenica ?

 23   R.  Au sujet de ce genre de renseignements et d'observations, à savoir que

 24   sont enterrés là tous les Musulmans, y compris ceux qui sont tombés dans

 25   d'autres lieux, j'ai été informé.

 26   Q.  Très bien. Donc il existe un objectif déterminé qui consiste à

 27   augmenter au maximum le nombre des tués, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je ne peux pas répondre à cette question, mais en prenant compte un

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  1   nombre plus important de morts, on augmente le nombre de tués.

  2   Q.  Mais on fait ça de façon artificielle dans la mesure où on refuse de

  3   faire la distinction entre les gens qui sont morts avant et après la

  4   libération de Srebrenica, ainsi qu'entre les gens qui ont été exécutés et

  5   les gens qui sont morts au combat. Je ne nie pas le fait qu'il y ait eu des

  6   exécutions, car on a constaté qu'il y avait des cadavres dont les mains

  7   étaient ligotées, n'est-ce pas ?

  8   R.  A partir de 2002, j'ai observé un grand nombre de restes humains et sur

  9   368 personnes, à peu près, j'ai trouvé les mains ligotées, les jambes

 10   ligotées ou des bandeaux sur les yeux ou sur la bouche. Il est donc

 11   manifeste que ces personnes ont bien été exécutées. Quant aux restes des

 12   cadavres, puisque le total était de 2 082, qui ont été autopsiés, nous

 13   avons trouvé des blessures par armes à feu ou parfois pas; et c'est

 14   mentionné dans le rapport lorsque les blessures ont été constatées. Je veux

 15   dire que c'est une question d'expertise et cela peut faire objet de

 16   vérification.

 17   Q.  Mais il y a un problème là. Certains cadavres contenaient des balles,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, dans les vêtements ou à l'intérieur des corps.

 20   Q.  Est-il possible que ces personnes aient été tuées par une balle venant

 21   d'une certaine distance, parce que si vous êtes tué à bout portant ou à

 22   bout touchant par un fusil, la balle traverse en général proprement le

 23   corps, n'est-ce pas ?

 24   R.  J'ai écrit dans mon rapport que les blessures par balle peuvent

 25   survenir comme conséquence d'une exécution ou de ce qui s'est passé pendant

 26   les combats ou peuvent même être des blessures infligées par la personne

 27   elle-même ou résulter de toutes sortes d'autres choses que je ne vais pas

 28   énumérer ici. Par conséquent, j'ai dit que sur les 360 - je crois que

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  1   c'était le nombre total - tout le monde avait été exécuté et que c'était

  2   certain. Car rien d'autre n'a pu sortir des examens et investigations

  3   menés.

  4   Q.  Puisque vous traitez de cette question, est-ce que vous êtes au courant

  5   que le plus grand nombre de soldats musulmans, au moment où ils se

  6   retiraient de Srebrenica, ont été tués dans des conflits entre eux ?

  7   R.  Il a été question de cela, le bruit en a couru, mais je ne suis pas au

  8   courant.

  9   Q.  Etes-vous au courant du fait qu'une équipe de légistes finlandais

 10   dirigés par Helena Ranta, qui explique aujourd'hui que le représentant

 11   américain de l'OSCE, le chef de l'OSCE, à ordonner la façon dont les choses

 12   devaient se passer à Racak, elle a enquêté sur les cadavres musulmans tués

 13   au cours de conflit entre musulmans dans la forêt non loin du village de

 14   Kravica, et c'est seulement dans un lieu qu'elle a trouvé des cadavres

 15   dispersés sur le terrain alors qu'il y en avait 594 au total. Est-ce que

 16   vous êtes au courant ? Est-ce que vous savez qu'Helena Ranta a participé à

 17   cette enquête ?

 18   R.  Non, je ne suis pas au courant.

 19   M. FERRARA : [interprétation] Quelle est la pertinence de cette question ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'éprouve la crédibilité du témoin. Je ne vois

 21   pas comment mettre en cause la pertinence de mes questions. C'est un témoin

 22   de l'Accusation, un témoin expert. J'éprouve sa crédibilité.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais y répondre. De moi-même, j'avais posé tout à

 24   l'heure la question au témoin sur les tirs à bout touchant ou à bout

 25   portant puisque dans les 29 rapports, ceci n'avait pas été mentionné. Et ça

 26   a une importance, parce que si on tire à 1 mètre, à 5 mètres ou à 100

 27   mètres, c'est peut-être pas la même chose. Il y a des chances que celui qui

 28   est tué à 100 mètres ou à 200 mètres a plutôt été victime d'un combat que

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  1   d'une exécution, d'où l'importance de savoir. Je ne sais pas si c'est venu

  2   dans l'esprit de M. Seselj, mais apparemment, par les questions qu'il pose,

  3   il semble dire qu'il y a eu, sur les 594 corps, là, dans ce qu'il dit à la

  4   page 79, des doutes sur la distance. Moi, ça me semble pertinent de savoir

  5   que des fois il y a des expertises sans qu'on sache exactement quelle était

  6   la distance où les personnes ont été tuées.

  7   Bien. Continuez.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, toutes mes notes ont été

  9   prises pendant l'interrogatoire principal et pendant que les Juges posaient

 10   des questions. Toutes les associations de pensée que j'ai faites sont

 11   fondées sur vos questions. Je suis de très près vos questions et je prends

 12   des notes. Et je souhaite que le témoin présent ici réponde à mes questions

 13   de façon à ce que je puisse voir s'il est compétent ou pas en tant que

 14   témoin expert. Voyez-vous, jusqu'à présent, je suis assez satisfait de ses

 15   réponses, ça, je dois vous l'avouer aussi, mais vous ne cessez de me poser

 16   des obstacles.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara.

 18   M. FERRARA : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je ne pense pas

 19   que les Juges ou l'Accusation, au cours de l'interrogatoire principal, ont

 20   posé des questions à ce témoin à propos de ces 594 corps de Srebrenica. Là

 21   je ne vois pas la pertinence. Cette question n'a pas été posée à propos de

 22   ces 594 corps, on parle uniquement des corps qui sont à Zvornik, rien de

 23   plus.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : La question n'a pas été posée, mais sur Zvornik peut

 25   se poser toute une série de questions d'ordre technique. Si le témoin peut

 26   y répondre via le biais d'autres affaires parce qu'il semble -- mais c'est

 27   votre témoin. Ce n'est pas le témoin de la Défense. Comme ce témoin a fait

 28   des autopsies pour Srebrenica ou d'autres lieux, apparemment il a une

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  1   certaine compétence, il a peut-être des aspects techniques sur lesquels il

  2   peut répondre. C'est votre témoin, l'Accusation. Je le rappelle.

  3    M. SESELJ : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Stankovic, est-il exact que parmi les cadavres de soldats

  5   musulmans exhumés, on a trouvé également un nombre important de corps de

  6   soldats qui ont été tués par des éclats d'obus ou des éclats de canon ou

  7   d'obusier ?

  8   R.  Oui. Il y a eu des soldats qui ont été tués --

  9   Q.  Pendant que la percée s'effectuait ?

 10   R.  Oui, pendant la percée effectuée non loin de Kasaba, je pense que

 11   quatre tombes ont été découvertes dans le voisinage et parmi les cadavres,

 12   il y avait des cadavres de soldats dans lesquels on a trouvé des fragments

 13   de projectile.

 14   Q.  Il est impossible que quelqu'un exécute des prisonniers avec un canon,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  Non, c'est possible, c'est faisable, mais cela n'a pas été constaté.

 17   Q.  Je vais vous dire, puisque je lis de très près les comptes rendus du

 18   procès intenté à Slobodan Milosevic et j'ai suivi de près une affaire dans

 19   laquelle un Albanais a témoigné de vive voix en public dans le prétoire. Il

 20   a affirmé qu'un policier serbe avait assassiné ou exécuté un homme en

 21   utilisant une mitrailleuse, qu'il se tenait à une distance de 10 mètres et

 22   que quatre balles avaient ricoché sur sa chemise et qu'il s'en était sorti

 23   indemne. Voilà pour répondre à la question de savoir comment les blessures

 24   peuvent se produire. Il a dit que sa chemise montrait la trace de cela en

 25   quatre endroits et il a ajouté que Dieu lui avait sauvé la vie. Est-ce que

 26   vous êtes au courant de cette affaire ?

 27   R.  Je ne suis pas au courant de cette affaire mais je connais une affaire

 28   à Istok où il y a eu à peu près 90 tués, 100 blessés dans une prison. Les

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  1   cadavres ont été examinés par les experts espagnols qui ont déclaré que 23

  2   cadavres n'ont donné lieu à la découverte d'aucune blessure après examen

  3   superficiel des corps. Et j'ai rédigé un document en parlant de présence de

  4   plaies résultant d'explosions qui ont causé des lésions dans les organes

  5   internes en raison de projectiles tirés pendant l'agression de l'OTAN. Mes

  6   conclusions, on s'est efforcé de les remettre en cause en disant que les

  7   membres de la police serbe étaient ceux qui avaient attaqué les Albanais.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous reprendrons dans 20 minutes. J'espère qu'il n'y

  9   aura pas d'objection, que vous pourriez terminer l'heure de votre contre-

 10   interrogatoire.

 11   Le Procureur nous a annoncé qu'il avait besoin de 15 minutes pour parler de

 12   je ne sais quoi, donc il y a des chances qu'on fasse les prolongations.

 13   --- L'audience est suspendue à 12 heures 06.

 14   --- L'audience est reprise à 12 heures 27.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, il vous reste 45 minutes. On va

 16   jusqu'à une heure et quart, ça fait 45 minutes juste. 

 17   Allez-y.

 18   M. SESELJ : [interprétation] 

 19   Q.  Monsieur Stankovic, avez-vous réfléchi également au fait que certains

 20   experts en médecine légale internationale ont dénombré les cadavres, ou en

 21   tout cas procédé à une estimation du nombre de cadavres encore présents

 22   dans des fosses communes, qui n'ont pas encore été exhumées à ce jour ?

 23   R.  Le Pr Wright, anthropologiste australien, a évalué le nombre de

 24   cadavres présents dans les fosses communes en question, en appliquant la

 25   méthode qui consiste à déterminer la quantité de substance minérale

 26   présente dans le sol ou même la présence d'un minerai présent dans le sol.

 27   Je considère que cette méthode n'est pas fiable car elle ne permet de rien

 28   déterminer. En effet, il existe un rapport de continuité entre le volume et

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  1   le nombre; compte tenu de la putréfaction des corps dans le sol, en raison

  2   de la disparition des tissus mous, le corps devient plus petit et ce n'est

  3   qu'une partie du cadavre que l'on retrouve dans certaines fosses communes.

  4   Donc c'est une appréciation arbitraire que de pratiquer ainsi. Cela ne

  5   permet pas de déterminer le nombre exact de corps jetés dans la fosse.

  6   Q.  Est-il exact que la cause du décès est une question totalement négligée

  7   dans les exhumations qui ont été pratiquées ?

  8   R.  J'ai déjà dit que c'était un petit problème, par exemple, lorsque le

  9   rapport d'expertise a été établi, quand j'ai participé à ce travail, sur 2

 10   082 restes humains, peut-être que je me trompe légèrement dans le nombre,

 11   mais en tout cas je pense que c'est bien ça, il y a eu à peu près 2 700

 12   causes de décès.

 13   Q.  Donc pas d'égalité entre le nombre de restes humains et de causes de

 14   décès ?

 15   R.  En effet.

 16   Q.  Ce qui montre que les choses se sont faites de façon très peu soignée,

 17   n'est-ce pas ?

 18   R.  Je ne dirais pas de façon très peu soignée, mais je dirais d'une façon

 19   inacceptable.

 20   Q.  Est-il exact qu'ont été complètement négligé la recherche des signes de

 21   présence de poudre sur les vêtements des soldats Musulmans tués et que si

 22   présence de poudre il y avait, en déterminer l'existence aurait permis

 23   d'indiquer que ces hommes avaient été tués à bout touchant et que, quand il

 24   n'y a pas de poudre, cela signifie que la balle vient de beaucoup plus

 25   loin, n'est-ce pas ?

 26   R.  Si vous me permettez, j'aimerais apporter quelques précisions.

 27   En médecine légale, en Serbie, dans l'ex-Yougoslavie, pour être plus

 28   simple, les distinctions établies au sujet des conditions de tir en cas

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  1   d'usage d'armes à feu consistaient à parler de bout portant, ce qui veut

  2   dire que le canon de l'arme se trouve à peine 5 à 10 millimètres des

  3   vêtements ou du cadavre, et on a une différence entre les canons courts et

  4   les canons plus longs. Dans un cas, il est question de 10 millimètres à 60

  5   centimètres, et dans le deuxième, la distance peut aller jusqu'à un mètre

  6   et demi pour les canons longs. Mais en dehors de cette question de

  7   distance, il y a aussi des blessures qui sont infligées par des tirs

  8   provenant de beaucoup plus loin. Et là on peut céder des traces de poudre,

  9   car s'il existe des particules métalliques également, on peut même parler

 10   d'explosion. Toutefois, il n'est pas pertinent d'établir ces distinctions

 11   dans la situation qui nous intéresse. En effet, les exhumations et

 12   autopsies ont été réalisées dans des circonstances bien particulières, il

 13   fallait enquêter et nous n'avions pas d'informations sur ces sujets.

 14   Lors de notre travail, je parle de la situation précise dans laquelle

 15   les autopsies, des Musulmans de Zvornik et autres cadavres des zones

 16   touchées par la guerre à l'époque des combats, se sont déroulées, donc

 17   c'est une expertise qui se fait à l'aide d'exhumation qui n'a rien à voir

 18   avec les exhumation en temps de paix où on peut rechercher des traces de

 19   poudre sur les vêtement ou sur le cadavre.

 20   Q.  Vous savez que la AK-47, ce qu'on appelle la kalachnikov, était

 21   le fusil standard utilisé en ex-Yougoslavie ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Si on tire sur une victime, à quelle distance sur les vêtements de la

 24   victime peut-on déterminer la présence de traces de poudre ?

 25   R.  Ce fusil avait un canon qui jetait une flamme, mais jusqu'à un mètre et

 26   demi, on pouvait déterminer la présence de poudre.

 27   Q.  Toutefois, tous les fusils n'ont pas ce mode de tir ?

 28    R.  Non, pas tous les fusils.

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  1   Q.  Est-il vrai que John [phon] Clark, un expert international renommé, a

  2   affirmé qu'il avait établi que certaines personnes avaient été enterrées

  3   vivantes dans certaines de ces fosses communes ? Est-ce que vous avez

  4   rencontré ce genre d'affirmation ?

  5   R.  Je crois que oui.

  6   Q.  Est-il possible d'établir, après le passage du temps, qu'une personne

  7   aurait été enterrée vivante ?

  8   R.  Cela dépend de l'état du corps. Est-ce que le corps est putréfié ou 

  9   momifié, c'est-à-dire est-ce qu'il y a encore des tissus mous, même durcis

 10   ou pas ? Mais s'il n'y a rien de présent sur le cadavre, il est

 11   pratiquement impossible de le déterminer. Quant à un cadavre enterré depuis

 12   peu, quelques jours avant l'exhumation, par exemple, on peut le déterminer

 13   bien sûr, tout dépendant de l'état du corps.

 14   Q.  Après un an, deux ou trois ans, ce n'est plus possible, n'est-ce pas ?

 15   R.  Les restes humains qui ont été exhumés plusieurs années après

 16   l'inhumation ne donnaient pas, à mon avis, la possibilité de se prononcer

 17   dans ce domaine en dehors de dépositions de témoins, c'est-à-dire de

 18   personnes qui auraient constaté la chose.

 19   Q.  Vous avez lu les rapports, n'est-il pas exact que John Clark évoque

 20   régulièrement un certain nombre de modalités utilisées pour tuer, mais ne

 21   cherche pas à savoir dans quelles conditions les blessures constatées

 22   auraient pu être infligées, à savoir est-ce qu'elles l'ont été au cours des

 23   combats ou dans d'autres circonstances ? Il part pratiquement toujours du

 24   principe que les victimes ont été exécutées, n'est-ce pas ?

 25   R.  Dans les rapports que j'ai lus, il n'y avait aucune expertise relative

 26   aux constatations visant à déterminer si les cadavres avaient perdu la vie

 27   au cours de combats ou dans d'autres circonstances, ou même s'il s'agissait

 28   d'exécutions. Ça cela nécessite une analyse tout à fait précise et

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  1   spécifique.

  2   Q.  Est-ce que vous savez qu'après la libération de Srebrenica, nombre

  3   important de soldats musulmans ont essayé d'aller à Tuzla à pied ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Savez-vous que dans ce groupe nombreux, puisqu'il comptait plusieurs

  6   milliers de personnes, il y a eu des affrontements avec la Brigade de

  7   Zvornik ?

  8   R.  Je ne savais pas cela. Je sais que la plupart de ces personnes ont

  9   traversé le territoire sous contrôle serbe et sont arrivées à Kladanj, mais

 10   peut-être que certains éléments des unités se sont affrontés aux forces de

 11   l'armée de la Republika Srpska, cela dit, je ne suis pas au courant.

 12   Q.  D'après ce que je sais, il y a eu des combats féroces à ce moment-là,

 13   et à un certain moment d'ailleurs, la Brigade de Zvornik était même en

 14   danger et les Musulmans ont réussi une percée, mais la plupart d'entre eux

 15   ont fini par mourir au cours de ces affrontements. Il y a eu aussi pas mal

 16   de soldats serbes qui ont été tués. Vous n'avez jamais entendu parler de

 17   cela ?

 18   R.  J'ai pratiqué des autopsies de cadavres de certains des soldats qui ont

 19   été tués au cours des affrontements.

 20   Q.  Au cours des affrontements avec les Musulmans qui essayaient de se

 21   rendre à Tuzla; c'est bien ça ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  D'accord. Alors je vous remercie, cela me suffira.

 24   Est-il exact que certains cadavres exhumés ont manifesté la présence de

 25   traces de tir sur leurs vêtements ou dans les os qui pourraient être

 26   indicatifs du fait que ces cadavres ont été retirés de bâtiments en feu ?

 27   R.  Je pense que c'est peut-être le cas, mais j'ai rédigé un document à ce

 28   sujet il y a longtemps, les événements datent de longtemps aussi. Je n'ai

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  1   plus de certitude. Cela semblait être le cas. Il me semble que quelque

  2   chose a été écrit sur cette constatation, mais je n'en suis pas sûr.

  3   Q.  Est-il vrai que les experts internationaux ont apprécié de façon

  4   arbitraire l'âge des personnes exhumées ?

  5   R.  Oui, j'ai fait objection aux constatations du médecin, du légiste

  6   péruvien Barobar. J'avais des objections par rapport à ce qu'il a conclu, à

  7   savoir qu'un des corps était celui d'une personne âgée, dont l'âge variait

  8   entre 17 et 60 ans. Mon objection, je l'ai mise par écrit, elle existe

  9   toujours. C'était au moment du procès intenté au général Krstic. J'étais

 10   dans le prétoire et je lui ai posé le même genre de questions que celles

 11   que vous me posez, mais il y avait des estimations tout de même.

 12   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler d'un certain Kitchener, spécialiste

 13   de médecine légale internationale, qui aurait participé à cela ?

 14   R.  Non, non, je ne sais pas. Peut-être n'en ai-je plus le souvenir.

 15   Q.  D'après ce que je sais, les informations que j'ai reçues, il a donné

 16   des consignes aux autres légistes quant à la façon de décrire les causes de

 17   décès; c'est bien ça ?

 18   R.  C'est ce qu'on peut lire dans les documents qui ont été établis parce

 19   que Kitchener a fait l'objet de pas mal d'objections.

 20   Q.  Des experts se sont plaints de son travail, n'est-ce pas ?

 21   R.  Ils se sont plaints du fait que Kitchener donnerait des informations

 22   non étayées ou imprécises. Ils sont plaints de lui également sur le plan

 23   personnel, à savoir qu'il aurait jeté à la poubelle des parties de

 24   vêtements découverts sur les cadavres. Il a simplement décidé de les jeter.

 25   Je pense que ce Tribunal a un certain nombre de plaintes déposées par des

 26   experts dans ce cadre.

 27   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler de William Haglund ?

 28   R.  Oui, c'est un anthropologue.

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  1   Q.  Vous avez également entendu parler de Dorothy Gallagher ?

  2   R.  Haglund, oui. J'étais avec lui dans le prétoire, car j'ai contesté son

  3   affirmation selon laquelle on ne pouvait se prononcer sur l'état des os que

  4   lorsque les blessures étaient présentes et visibles sur les os en l'absence

  5   de tissus mous. Pour le reste, je ne sais pas. Je ne me souviens pas.

  6   Q.  Selon les informations dont je dispose, Dorothy Gallagher, également

  7   expert international, a fait une déclaration déclarant que William Haglund

  8   avait remplacé des parties de corps des cadavres découverts ou en tout cas

  9   que certaines parties de corps n'avaient pas été retrouvées.

 10   R.  Je ne me rappelle pas cette déclaration. Je ne saurais en parler.

 11   Q.  Il y a une déclaration venant d'elle, et selon les renseignements

 12   fiables dont je dispose, le bureau du Procureur de La Haye possède cette

 13   déclaration.

 14   Bon. Vous avez entendu parler de David Del Pino ?

 15   R.  Je ne sais pas. Je ne me souviens pas.

 16   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler du fait qu'entre le 14 et le 19

 17   novembre 1997, à San Antonio, un conseil d'anthropologues et de légistes

 18   s'est réuni pour parler de médecine légale ?

 19   R.  Selon les renseignements dont je dispose, quelque chose de ce genre

 20   s'est passé.

 21   Q.  Selon ce que j'ai pu apprendre, David Del Pino a fait une déclaration

 22   par écrit ici selon laquelle Haglund, William Haglund, a demandé que les

 23   vêtements revêtant les cadavres exhumés soient jetés. Est-ce que vous avez

 24   entendu parler de quelque chose de ce genre ?

 25   R.  J'ai toujours dit que j'en avais entendu parler, au sujet de Haglund.

 26   Je l'ai dit dans ma dernière réponse il y a deux minutes.

 27   Q.  Qu'il s'était débarrassé des vêtements ?

 28   R.  Oui, que des vêtements avaient été jetés sur son initiative. C'est sans

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  1   doute ceux dont vous parlez.

  2   Q.  Mais qu'en est-il du remplacement de parties de corps manquantes ? Je

  3   ne vous ai pas entendu sur ce point.

  4   R.  Je n'ai pas entendu votre question.

  5   Q.  C'est ce qu'on peut lire dans la déclaration de Dorothy Gallagher. Est-

  6   ce que vous êtes au courant du fait que ce conseil exécutif

  7   d'anthropologues et de légistes a publié une déclaration, qui est un

  8   document public, au sujet des constatations relatives aux exhumations de

  9   victimes présumées de liquidation après la libération de Srebrenica ?

 10   D'ailleurs, je dois indiquer que je ne mets pas en cause le fait qu'un

 11   certain nombre de prisonniers ont bien été exécutés, je dirais 1 000 à 1

 12   200 d'entre eux. Je ne justifie en aucun cas ce crime, mais je me bats de

 13   toutes mes forces contre ceux qui exagèrent le nombre en le décuplant.

 14   Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ? Est-ce que vous avez

 15   entendu parler de l'existence de ce document public ?

 16   R.  Quand j'ai pratiqué mon expertise en tant qu'expert de la Défense, j'ai

 17   établi qu'un document de cette nature était présent dans les documents qui

 18   m'ont été communiqués, et on peut le trouver dans la documentation du

 19   Tribunal de La Haye.

 20   Q.  D'accord. Est-il exact qu'au point 9 de ce document, on peut lire que

 21   les rapports des experts légistes internationaux sont trop subjectifs, donc

 22   trop peu objectifs, comme le sont également les examens post-mortem des

 23   cadavres ?

 24   R.  Je ne saurais vous préciser exactement ce qui est écrit dans ce

 25   document.

 26   Q.  Je ne faisais que lire le rapport. Paragraphe 9.

 27   R.  J'ai lu le rapport aussi mais je ne me rappelle pas tous les détails à

 28   l'instant.

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  1   Q.  D'accord. Est-il vrai que ce rapport établit également que les enquêtes

  2   anthropologiques et de médecine légale n'ont pas été synchronisées ?

  3   R.  Je pense que c'est le cas, en effet.

  4   Q.  Est-il également exact que dans ce rapport, on peut lire qu'il y a eu

  5   trop d'ingérence des médias dans les exhumations, et que les experts ont

  6   cédé à la pression médiatique ?

  7   R.  Je ne me rappelle pas quoi que ce soit de ce genre.

  8   Q.  D'accord. Quelqu'un aurait dû vous demander de lire ce rapport avant de

  9   pénétrer dans ce prétoire. Vous ne vous attendiez pas à des questions de ce

 10   genre, vous vous attendiez à des questions totalement différentes, n'est-ce

 11   pas ?

 12   R.  Je m'attendais à ce qu'on m'avait annoncé.

 13   Q.  Est-il exact que ce rapport établit que toutes les parties concernées

 14   n'ont pas été autorisées à assister aux exhumations des fosses communes,

 15   alors que les choses auraient dû se passer dans le respect de l'article 90

 16   du protocole additionnel de la convention de Genève.

 17   R.  Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant de cela.

 18   Q.  Par exemple, les représentants de la Republika Srpska n'ont pas été

 19   autorisés à assister aux exhumations de ces fosses communes ?

 20   R.  Je pense qu'au début ils n'étaient pas autorisés à le faire.

 21   Q.  Plus tard, est-ce qu'on leur a autorisé quelque chose ?

 22   R.  Plus tard, leur présence était autorisée.

 23   Q.  Très bien. Vous aviez été ministre du dernier gouvernement de la

 24   communauté d'Etat de la Serbie-et-Monténégro, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  A l'époque où vous étiez ministre, les procédures engagées en rapport

 27   avec la plainte déposée par la Bosnie-Herzégovine étaient encore en cours.

 28   En fait, ce n'était pas vraiment la Bosnie-Herzégovine mais la municipalité

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  1   de Sarajevo, mais des allégations de génocide avaient été avancées, n'est-

  2   ce pas ?

  3   R.  Oui, c'est exact.

  4   Q.  A l'époque, vous étiez ministre fédéral, n'est-ce pas ?

  5   R.  J'ai été ministre pendant un an et demi.

  6   Q.  D'accord. Savez-vous que sur proposition de Vuk Draskovic, ministre des

  7   Affaires étrangères, le principal représentant de la Serbie-et-Monténégro à

  8   la CIJ, la Cour internationale de Justice, était le Pr Radoslav Stojanovic

  9   en retraite.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Avant lui, c'était Tibor Validi [phon], n'est-ce pas, un professionnel

 12   très connu; vous êtes d'accord sur ce point ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Conviendrez-vous que Radoslav Stojanovic n'est expert de rien du tout ?

 15   R.  Je ne saurais le lire, car je ne connais cet homme que très peu.

 16   Q.  D'accord. Moi, je le connais bien, je peux vous le dire avec certitude.

 17   Etes-vous au courant du fait que sous sa direction, les représentants de la

 18   République fédérale de Yougoslavie, représentants à la CIJ, n'ont en aucun

 19   cas contesté le fait qu'un génocide aurait été commis à Srebrenica ?

 20   R.  Je ne suis pas au courant de ce détail.

 21   Q.  Est-ce que le gouvernement fédéral a discuté de ce rapport du groupe de

 22   juristes qui représentait notre Etat à la CIJ ?

 23   R.  Non, pas de mon temps.

 24   Q.  Donc chacun pouvait agir exactement comme il le souhaitait.

 25   R.  Je ne saurais vous le dire, mais cette question n'a pas été discutée au

 26   conseil des ministres à l'époque. Ça n'a pas été le thème du débat.

 27   Q.  A aucun moment pendant votre présence au ministère ?

 28   R.  A aucun moment pendant mon temps.

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  1   Q.  Est-ce que vous ne pensez pas que c'est scandaleux que cette question

  2   n'ait jamais été mise à l'ordre du jour des débats du conseil des ministres

  3   ?

  4   R.  Il y a pas mal de choses scandaleuses qui se passent, mais je ne vais

  5   pas rentrer dans les détails ici à ce sujet.

  6   Q.  Savez-vous que Radoslav Stojanovic, qui représentait officiellement

  7   notre Etat, n'a pas contesté le chiffre de 7 000 à

  8   8 000 prisonniers exécutés pendant la guerre à Srebrenica, en tout cas

  9   cette présomption ?

 10   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela.

 11   Q.  Il n'a fait que contester le fait que la République fédérale de

 12   Yougoslavie ait participé à tout cela, et par la suite, la Cour

 13   internationale de Justice a prononcé son jugement en déclarant qu'il y

 14   avait eu génocide, mais que la Serbie n'y était pas impliquée, qu'elle

 15   était simplement coupable de ne pas l'avoir empêché. Est-ce que vous

 16   connaissez approximativement le contenu du jugement définitif ?

 17   R.  C'est possible, mais je ne sais pas.

 18   Q.  Manifestement, c'est un jugement totalement erroné. Est-ce que vous

 19   voyez que la Cour internationale de Justice aurait dû être au courant de

 20   tous les détails en tant qu'institution

 21   professionnelle ?

 22   R.  Oui, je sais.

 23   Q.  Bien entendu, je ne saurais citer le jugement mot pour mot, mais sur le

 24   fond on voit qu'ils s'efforcent de détruire entièrement ou en partie un

 25   groupe national, ou en tout cas une partie importante de ce groupe

 26   national. Est-ce que j'ai bien décrit les choses ?

 27   R.  Vous êtes plus au courant que moi.

 28   Q.  D'accord. Donc un groupe protégé, selon les conventions de Genève sur

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  1   le génocide, ça ne pouvait être que les Musulmans de Bosnie-Herzégovine,

  2   n'est-ce pas ?

  3   Mme LE JUGE LATTANZI : Première chose, on reçoit la traduction après. Mais

  4   en tout cas, je voudrais savoir de vous l'argument au soutien de la

  5   pertinence de ces questions sur la crédibilité, parce que du point de vue

  6   substantiel, ce n'est pas lié à son rapport d'expert. Donc vous dites, non,

  7   c'est pour la crédibilité. Excusez, mais je ne vois pas. Est-ce que vous

  8   pourriez m'expliquer ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame Lattanzi --

 10   Mme LE JUGE LATTANZI : …questions sur la décision de la Cour internationale

 11   de Justice, sur le fait que la Cour internationale de Justice est arrivée à

 12   certaines conclusions que je ne pense même pas qu'un médecin puisse

 13   comprendre.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais tenter de vous l'expliquer par le

 15   détail, Madame Lattanzi.

 16   Hier, vous avez vu que c'est complètement que j'ai pu miner la

 17   déposition de notre prétendu témoin. J'avais posé des questions sur son

 18   père, sur sa mère, sur ses enfants, sur sa première, deuxième, troisième

 19   femme, et cetera, et finalement il n'y en est plus rien resté. Ce témoin-

 20   ci, je ne lui pose pas de questions portant sur sa vie privée.

 21   Mme LE JUGE LATTANZI : [hors micro]

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il vous appartient en dernière instance de

 23   donner votre appréciation, mais moi, je suis en train de contre-interroger.

 24   J'ai devant moi un témoin qui se trouvait être ministre de la Défense

 25   pendant une période-clé. Je l'interroge pour tester sa crédibilité. Est-ce

 26   que jamais, pendant une réunion du gouvernement fédéral, il a posé la

 27   question de ce qui est en train de se passer devant la CIJ ou sur ce qui se

 28   passait devant ce Tribunal de La Haye. Ici c'est un acte d'accusation

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  1   contre le général Krstic qui a été bâclé. Ça a été pris pour de l'argent

  2   comptant par la CIJ.

  3   Mme LE JUGE LATTANZI : On laisse. Moi, je suis de l'opinion personnelle que

  4   cela n'a rien à trait à la crédibilité du témoin. Mais vous continuez où

  5   vous voulez et c'est aux autres Juges de prendre position.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre position sans problème.

  7   Monsieur Seselj, vous profitez de ce témoin pour critiquer deux choses : la

  8   décision de la Cour internationale de Justice, et deuxièmement, la

  9   participation de ce témoin au gouvernement de l'époque, alors que ce témoin

 10   vient uniquement pour parler de questions relatives à des exhumations. J'ai

 11   essayé de voir par quel lien on peut se rattacher à la Cour internationale

 12   de Justice. Il y a un lien très tenu. C'est que dans l'arrêt de la Cour

 13   internationale de Justice, il y a l'évocation de destruction de mosquées à

 14   Mostar, et nous sommes saisis de cela également. Donc il y a un lien. Mais

 15   de là à poser ces questions à quelqu'un qui, manifestement, les problèmes

 16   juridiques le dépassent, et que deuxièmement, il a dit que le gouvernement

 17   n'a pas parlé de ça, il vaudrait mieux que vous arrêtiez.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est pertinent. Mais je ne vois pas la

 19   pertinence du témoignage de ce témoin qui, pendant l'interrogatoire

 20   principal, a été interrogé il y a deux jours. Vous avez vu qu'il n'y a eu

 21   aucune pertinence à cela. Du début à la fin, c'était faux. Je ne vais pas

 22   citer de noms, donc je n'ai enfreint aucune règle.

 23   La question de la pertinence, c'est toujours des reproches que vous

 24   m'adressez à moi et jamais au Procureur. J'ai une conception de ma Défense,

 25   je tiens à démontrer qu'il y a une espèce de complot étendu de la

 26   communauté internationale contre la Serbie. Les Etats-Unis, l'OTAN, la

 27   Communauté européenne, le Tribunal de La Haye consacré à l'ex-Yougoslavie

 28   et la CIJ y participent. Et ce sera ça, ma plaidoirie. Je suis en train de

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  1   rassembler les éléments qui vont venir étayer ma plaidoirie.

  2   Je regrette que mes questions ne soient pas conformes à vos souhaits, mais

  3   je cours le risque.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, en tout cas, il y a une chose que

  5   je peux vous dire quand vous dites le Tribunal de La Haye -- enfin, les

  6   trois Juges qui sont devant vous, nous, on ne fait partie d'aucun complot.

  7   Sachez-le. Bien.

  8   Deuxièmement, il vous reste 20 minutes. Essayez d'utiliser au mieux de vos

  9   intérêts 20 minutes. Parce que tout le reste, vous nous l'avez déjà dit. Je

 10   pourrais, si vous le voulez, vous dire tout ce que vous nous avez dit, mais

 11   essayez d'utiliser ce témoin à votre profit.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais je dois être le

 13   mieux placé pour savoir ce qui sert mes intérêts. Il n'y a pas de Juge ou

 14   de Procureur qui le saurait mieux que moi. Mais de temps à autre, faites

 15   preuve d'un petit peu de patience pour entendre mon contre-interrogatoire.

 16   Attendez la fin pour me dire si ça a servi mes intérêts ou pas.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation]  Voilà, j'ai oublié où on s'est arrêté.

 19   Parfois, l'impression que j'ai, c'est en fait que vos interventions sans

 20   cesse ont pour objectif de me faire perdre ma concentration. Je me rappelle

 21   maintenant où on s'est interrompu.

 22   M. SESELJ : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Stankovic, est-ce que vous comprenez une chose, à savoir le

 24   jugement sur le prétendu génocide se fonde sur des bases qui ne sont pas du

 25   tout solides ?

 26   R.  Je n'ai pas lu jusqu'au bout ce jugement, et mon rapport a été accepté

 27   dans son intégralité, d'après ce qu'on m'a dit, lors de cette audience de

 28   la Chambre. Je ne pourrais pas entrer dans les détails du jugement.

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  1   Q.  Très bien. Mais quand on m'a interrompu, j'étais en train de commencer

  2   quelque chose. J'allais vous dire, d'après la définition qui est reprise

  3   dans la Convention internationale sur le génocide, tous les Musulmans de

  4   Bosnie-Herzégovine pourraient constituer le groupe protégé, 2 180 000, à

  5   peu près, à l'époque. Même si on avait fusillé tous les 8 000, ce n'est pas

  6   un nombre considérable par rapport à 2 180 000, n'est-ce pas ? Ce n'est

  7   même pas 1 %. Nous n'allons pas compter les millièmes. Devant ce Tribunal,

  8   si on inverse les thèses, au lieu de parler du groupe protégé d'après la

  9   Convention portant sur le génocide, on prend en considération la zone

 10   protégée des Nations Unies, à savoir Srebrenica. Et c'est par cette

 11   inversion de thèse qu'on arrive à cette affirmation qu'effectivement, il y

 12   a eu génocide.

 13   Vous vous êtes penché sur les documents portant sur ces exhumations,

 14   je suppose que vous vous êtes au courant du processus d'identification des

 15   restes exhumés ?

 16   R.  Oui. On a identifié uniquement 45 corps lorsque j'ai fait l'examen.

 17   Q.  Mais parmi les personnes exhumées, est-ce qu'il est vrai de dire qu'on

 18   a identifié 2 300 ou 3 300 - je sais pas exactement quel est le dernier

 19   chiffre - qu'il y a parmi un nombre de personnes résidant à Zvornik,

 20   Bratunac, Vlasenica, voire même Rogatica, et non seulement à Srebrenica ?

 21   R.  Je suis pas au courant de cette information.

 22   Q.  Je suis peut-être entré dans plus de détails. Moi, je le sais. Donc on

 23   prend des victimes, victimes de combats, victimes collatérales de combats.

 24   Victimes, parce que ce sont des gens qui sont tombés au combat et on les

 25   prend de différentes contrées, différents endroits en Bosnie-Herzégovine.

 26   Parce qu'à un moment donné, il y a eu une concentration de combats à

 27   Srebrenica, puis on déclare qu'un génocide a été commis sur les Musulmans

 28   de Srebrenica. Est-ce qu'il en est ainsi puisque nombre de ces personnes

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  1   viennent de municipalités, municipalités assez éloignées parfois ?

  2   R.  Je ne sais pas. A l'époque où je travaillais sur ce corpus, on n'a

  3   identifié que 45 corps sur 2 082 restes, et ils étaient tous des Musulmans.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Là, la question a une certaine pertinence parce que

  5   nous, nous sommes saisis de Zvornik où il apparaît qu'il y a eu beaucoup de

  6   victimes, que ça serait un second Srebrenica. Donc je présume qu'il y a des

  7   victimes de Zvornik qu'on n'a jamais retrouvées. Est-il techniquement

  8   possible que ces victimes de Zvornik, on les découvre dans les fosses

  9   communes relatives à Srebrenica ? 

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il est possible qu'on les retrouve dans

 11   les fosses communes de Srebrenica et dans les alentours.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce qui voudrait dire qu'au niveau de

 13   l'évaluation de Srebrenica, il puisse y avoir des comptabilités prenant en

 14   compte différentes régions ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Théoriquement, oui.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Avançons.

 17   M. SESELJ : [interprétation]

 18   Q.  Vous savez que pendant l'agression menée sur la République fédérale de

 19   Yougoslavie, l'aviation de l'OTAN s'est servie de moyens avec l'uranium

 20   appauvri; est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 21   R.  Je me suis penché sur la question de l'uranium appauvri en Bosnie-

 22   Herzégovine, mais je sais qu'effectivement ça a été utilisé au Kosovo-

 23   Metohija.

 24   Q.  Dans d'autres régions de Serbie, est-ce qu'on s'est servi de ces

 25   munitions ?

 26   R.  Ces munitions ont été utilisées près de Vranje, nous avons procédé au

 27   nettoyage de ce terrain, puis Ohrocevac [phon] et près du Kosovo, puis au

 28   Monténégro, et cetera.

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  1   Q.  Vous savez qu'en Republika Srpska, ce qui est typique pour l'emploi des

  2   munitions [inaudible] c'était à Hadzici, pendant que  Hadzici était entre

  3   les mains des Serbes ?

  4   R.  Oui, parce qu'à Hadzici, il y avait ce centre mécanique, de garage et

  5   réparations, atelier pour véhicules de combat. C'est là qu'on a tiré un

  6   grand nombre de projectiles de ce type-là, de ces munitions-là, et une fois

  7   que cette partie du territoire s'est rendue, a été remise aux Musulmans,

  8   dans ce secteur 3 000 sont venus déménager à Bratunac.

  9   Q.  Des Serbes ?

 10   R.  Oui, des Serbes ont déménagé à Bratunac et le dernier chiffre 1 500

 11   personnes seraient décédées de tumeurs malignes et autres. Nous avons

 12   essayé de mettre sur pied une recherche portant sur les liens de causalité

 13   entre ces munitions et les maladies et les causes de décès des personnes

 14   qui ont été les victimes. Puisqu'un nombre considérable de ces personnes,

 15   par rapport au pourcentage de ces personnes, est décédé par rapport à ceux

 16   qui avaient vécu initialement à Bratunac. Et un cas typique, nous n'étions

 17   pas au courant de certains nombres d'informations. Sladjana Sarenac, c'est

 18   une fillette, je pense qu'elle avait 8 ou 9 ans, elle a joué dans un

 19   cratère dû à une bombe lancée par l'OTAN, et avec le temps, elle a perdu

 20   les ongles sur les doigts des pieds. Elle a souffert de bronchite,

 21   d'épilepsie, et cetera, et d'autres problèmes chroniques.

 22   Et nous avons établi un lien avec ces munitions. Mais ce qui s'est avéré

 23   par la suite, c'est que le fluor est venu remplacer l'hydrogène dans la

 24   poudre et ça créé un acide par opération chimique et les parties du corps

 25   qui viennent en contact avec cet acide causent des liaisons irréversibles,

 26   à savoir les tissus mous disparaissent et c'était la conséquence directe de

 27   cet obus.

 28   Et vous avez un cimetière où repose tous ces gens à Bratunac. Je pense que

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  1   Milovic Dragan [phon] est l'auteur de ce film. Nous avons des familles

  2   entières qui ont succombé à des maladies qui sont dues, je pense, à ces

  3   munitions. Ces modifications ne sont pas intervenues immédiatement après le

  4   pillage ou que les bombes soient lancées, mais quelques années plus tard.

  5   On a pu voir apparaître les premières maladies et ça s'est manifesté d'une

  6   manière caractéristique. A l'époque, nous n'avions pas de méthodologie, en

  7   fait, nous n'avions pas d'appareils nous permettant d'établir ce lien

  8   direct entre ces munitions et ces maladies et vous avez des

  9   transformations, modifications sur les chromosomes qui disparaissaient au

 10   bout de quelques années, c'était un handicap.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous savez que j'ai une approche assez libérale dans

 12   les questions dont vous posez, mais là je dois vous dire : quelle est la

 13   pertinence par rapport à notre dossier de Zvornik, de Vukovar, et cetera.

 14   Quelle est la pertinence d'événements qui se sont déroulés des années

 15   après. Sauf à ce que vous déclamez au monde entier qu'une bombe de l'OTAN a

 16   causé des dégâts, mais ça, ça a été écrit, ça a déjà été dit.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à démontrer

 18   quels sont les criminels auxquels s'est trouvé confronté le peuple serbe.

 19   Je ne pense pas aux criminels issus des rangs des Musulmans ou des Croates

 20   ou des Albanais, mais je pense à l'OTAN. Je pense à tous ceux qui ont pris

 21   part à l'agression contre notre pays, c'est ça que j'ai à l'esprit. Quand

 22   je vous aurais montré quels sont les criminels auxquels on se trouvait

 23   confrontés, c'est au moins une petite circonstance atténuante pour moi, en

 24   fin de compte, n'est-ce pas ?

 25   Non, ce n'est pas une circonstance atténuante ? Bien.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, à supposer que ce que vous dites a

 27   une consistance, les faits reprochés à l'OTAN se sont déroulés

 28   postérieurement à ce qui vous est reproché. Voilà le problème. Il n'y a pas

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  1   une concordance. Donc vous profitez de cette tribune pour aborder le sujet

  2   connu.

  3   Il nous reste 10 minutes.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je ne me plains pas à cause de ces

  5   10 minutes. C'est précisément le temps que je vais utiliser, précisément le

  6   temps qui me reste, même si d'après mon appréciation, il me reste 11 ou 12

  7   minutes. Enfin, revenons à la période qui est pertinente pour mon acte

  8   d'accusation. Je ne suis pas certain que quelqu'un a expliqué à cet expert

  9   quelle est cette période qui est pertinente pour mon acte d'accusation.

 10   Peu importe.

 11   Q.  En 1991, est-ce que vous savez, sur la base des exhumations auxquelles

 12   vous avez procédé de soldats serbes, qu'il s'agisse des soldats de la JNA

 13   faisant leur service militaire régulier ou de réservistes, de volontaires,

 14   de membres de la Défense territoriale; est-ce que vous savez que nombre

 15   d'entre eux sont tombés de la main croate et les armes utilisées étaient

 16   des armes qu'ils se servaient, de munitions de petit calibre, par exemple,

 17   des fusils à lunette de petit calibre ou un fusil automatique de

 18   fabrication Singapore, et cetera.

 19   R.  En 1991, la seule fosse commune sur laquelle on a travaillé, c'était à

 20   Vukovar, Dobro [phon] de Vukovar, Siroka Kula de Gospic, mais il y a eu des

 21   blessures par projectiles. On ne voyait pas l'orifice d'entrée et l'orifice

 22   de sortie était immense, très grand. Très vite, les experts en balistique

 23   nous ont fait comprendre que ce 5,56 le calibre de cette munition qui

 24   causait des lésions  terrifiantes. La personne qui était touchée au niveau

 25   du thorax ou de l'abdomen ne pouvait pas survivre, parce que l'effet

 26   dévastateur était plus important sur les organes vu la vitesse de l'avancée

 27   de ce projectile, donc des blessures très graves étaient infligées qui ont

 28   causé la mort dans la plupart des cas.

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  1   Q.  Je suppose qu'en tant que spécialiste en médecine légale, vous savez

  2   que ces munitions sont interdites dans le cadre des combats ?

  3   R.  Oui, c'est ce qu'ils disaient, que l'uranium appauvri lui aussi était

  4   interdit. D'autres cherchaient à nous convaincre que c'était autorisé, mais

  5   nous, on nous a dit effectivement que c'était interdit.

  6   Q.  D'expérience, je peux vous dire la chose suivante : je peux vous dire

  7   ce que j'en sais. Ce n'est pas mon expérience personnelle, mais dont j'ai

  8   été témoin. Alors dites-moi si cela est exact ou non. Par exemple, prenons

  9   une balle de petit calibre, de fusil à lunette de petit calibre, quand cela

 10   touche un homme à la tête, la moitié du crâne peut être enlevée. Mais

 11   lorsque ça touche la poitrine non seulement à cause de la vitesse de la

 12   balle mais à cause de la petite taille de la balle aussi, la balle commence

 13   à errer dans le corps, la trajectoire n'est pas rectiligne et donc nombre

 14   d'organes vont être détruits ?

 15   R.  Les projectiles de fusil de petit calibre, ça dépend de l'angle sous

 16   lequel ils pénètrent dans le crâne ou la partie du crâne qu'ils touchent, à

 17   savoir le point d'entrée et le point de sortie, causaient des blessures

 18   comme vous dites en détruisant la moitié du crâne ou, par exemple, sur les

 19   organes au niveau de la cavité abdominale ou du thorax, causaient des

 20   destructions très importantes sur les tissus mous des organes internes ou

 21   des vaisseaux sanguins ou, par exemple, détruisaient des os. Puis vous avez

 22   des éclats d'obus qui causaient eux aussi à leur tour des lésions. Donc il

 23   y a toutes sortes de choses dans ces documents que possède l'Académie

 24   médicale militaire de Belgrade. Vous avez beaucoup d'exemples de ce type.

 25   Q.  Très bien. A un moment donné, vous avez dit que seuls les membres de la

 26   JNA et les hommes d'Arkan pouvaient être distingués des autres soldats du

 27   côté serbe ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Pour ce qui est des hommes d'Arkan, je ne doute pas de cela puisque

  2   eux, ils portaient des insignes spécifiques. Souvent, ils avaient un

  3   couvre-chef noir avec une ouverture pour les yeux aussi. Mais est-ce que

  4   vous savez que dès 1991, nombre de soldats de la JNA se sont mis à enlever

  5   l'étoile à cinq branches de leur couvre-chef. Ils cherchaient à l'effacer

  6   sur leur casque, puis ils mettaient leurs insignes nationaux ?

  7   R.  Oui, il y en avait, parmi les supérieurs aussi.

  8   Q.  Est-ce que vous savez que l'ensemble de l'équipement militaire, les

  9   volontaires du Parti radical serbe, ils l'ont reçu des entrepôts de la JNA

 10   ?

 11   R.  Oui, on écrivait à ce sujet. On disait que c'était dans les bâtiments

 12   militaires de Bubanj Potok que c'était distribué. Mais c'est ce que j'ai

 13   lu, je n'étais pas présent personnellement.

 14   Q.  Ici, vous dites que tous les volontaires du Parti radical serbe ont été

 15   enterrés aux frais de la JNA, c'est-à-dire de l'Académie militaire médicale

 16   ou je ne sais pas de quel organe. Vous dites que d'abord on procédait à une

 17   autopsie à l'Académie militaire médicale, qu'on les transportait, mais est-

 18   ce que vous savez aussi que la garnison du coin était présente pour les

 19   honneurs militaires ?

 20   R.  Les frais n'étaient pas à la charge de l'Académie militaire médicale ou

 21   le Grand état-major ou le ministère de la Défense, je sais pas lequel des

 22   deux instances. Pour ce qui est de la fanfare, les unités, oui,

 23   effectivement, cette unité était accordée pour l'enterrement des

 24   volontaires du Parti radical serbe.

 25   Q.  Est-ce que vous savez que tous les volontaires du SRS ont été au

 26   service de la JNA jusqu'au 19 mai 1992, la fin de la participation de la

 27   JNA ?

 28   R.  La seule chose que je puisse vous dire, c'est que j'ai collaboré avec

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  1   Zoan [phon] Drazilovic, enfin, ces gens-là. C'est tout ce que je peux vous

  2   dire. Sur le terrain, je ne peux pas vous en parler.

  3   Q.  Vous avez mentionné votre séjour à Vukovar tout de suite après la

  4   libération.

  5   R.  Oui. C'était les 19 et 20.

  6   Q.  Vous savez qui était le commandement de la ville lorsque vous êtes

  7   arrivé à Vukovar ?

  8   R.  Quand je suis arrivé à Vukovar la première fois, c'était des membres de

  9   la police militaire qui nous escortaient; le juge d'instruction, ça je ne

 10   sais pas, donc. Et la deuxième fois, je me suis présenté au QG du général

 11   Mrksic. A l'époque, il était colonel.

 12   On a été accueilli par le chef d'état-major, le colonel Panic.

 13   Q.  C'était à quel moment ?

 14   R.  C'est quand nous sommes arrivés à Vukovar pour travailler sur les

 15   victimes. Donc le 20 ou le 21 novembre 1991.

 16   Q.  Mais la question que je vous pose, cela porte sur les suites, après la

 17   libération de Vukovar. Le 23, la Brigade de la Garde est partie ?

 18   R.  Oui, le 23, elle est partie mais nous, nous sommes arrivés le 20, le

 19   21, nous sommes restés.

 20   Q.  Vous êtes restés jusqu'à la mi-décembre ?

 21   R.  Oui, la mi-décembre.

 22   Q.  Tant que vous n'avez pas tout terminé ?

 23   R.  Une partie du travail, parce qu'après le commandant de la ville était

 24   un lieutenant-colonel Vojnovic, me semble-t-il.

 25   Q.  Commandant de la 80e Brigade motorisée; c'est bien ça ?

 26   R.  Non. Je sais pas de quelle -- c'était lui qui était le commandant de la

 27   ville. Il me semble qu'il était situé près de la gare ferroviaire ou un

 28   bâtiment appartenant au chemin de fer.

Page 13587

  1   Q.  Puisque je n'ai plus de temps, deux ou trois questions pour terminer.

  2   Nous allons écourter.

  3   Vous avez dit - et c'est quelque chose qui m'a étonné - que la sécurité

  4   n'était pas fournie par l'armée mais par la Défense territoriale. Mais vous

  5   savez que le lieutenant-colonel Vojnovic commandait dans son ensemble la

  6   Défense territoriale ?

  7   R.  Je sais pas qui le faisait mais quand nous avons commencé à rechercher

  8   les cadavres --

  9   Q.  C'était la Brigade de la Garde ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Après le 23 novembre ?

 12   R.  Après. Pendant ces quelques premiers jours, pendant que nous

 13   recherchions l'endroit où nous allions pouvoir travailler sur les corps, il

 14   y avait ces gens-là. Et après, nous n'avions plus de gardes ou d'escortes.

 15   Des équipes entières travaillaient sans avoir quelqu'un pour garantir leur

 16   sécurité.

 17   Q.  Il n'y avait pas besoin de garantir la sécurité.

 18   R.  On n'en avait pas besoin.

 19   Q.  Personne ne vous a gêné de travailler ?

 20   R.  C'est ça.

 21   Q.  Et Ovcara, vous étiez pas au courant ?

 22   R.  Je n'étais pas au courant.

 23   Q.  Et si vous aviez su ?

 24   R.  Si j'avais su, j'aurais travaillé là-dedans.

 25   Q.  Et ceux qui étaient au courant, ils ne vous l'ont pas dit ?

 26   L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que la réponse est inaudible.M. SESELJ :

 27   [interprétation] 

 28   Q.  Très rapidement, nous allons devoir terminer. Compte tenu du fait que

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  1   par deux fois, vous vous êtes rendu à Zvornik le 30 avril et le 5 mai 1992,

  2   j'ai l'impression que la JNA a fait des efforts pour que, dans son

  3   ensemble, toutes les activités liées à ces victimes soient faites dans les

  4   règles. Donc que toutes les victimes fassent l'objet d'examens du côté

  5   adverse, qu'on établisse les causes du décès et qu'on agisse conformément à

  6   la loi ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et cela a duré au maximum jusqu'au 19 mai, de la date du retrait de la

  9   JNA de Bosnie; c'est bien ça ? Mais je suppose que vous savez et que dans

 10   leur majorité, les victimes de liquidation, de torture ont eu lieu en juin

 11   1992, à partir du moment où la JNA n'y était plus. Vous le savez ?

 12   R.  Grâce aux médias, mais c'est tout.

 13   Q.  Il semblerait qu'au moment où vous avez fait ces autopsies, que la

 14   plupart de ces combattants musulmans qui sont tombés, ils ont péri dans des

 15   opérations de combat. Je n'exclus pas la possibilité. Nous avons eu des

 16   témoins ici qui ont évoqué une vingtaine de civils de tués à Zvornik. On

 17   sait qui les a tués. Ça, ce n'est pas particulièrement important pour ce

 18   qui nous intéresse ici. Mais de toute évidence, tous les cadavres qui ont

 19   été trouvés en contrebas par rapport à Kula Grad, ce sont des gens qui ont

 20   péri dans les combats.

 21   R.  La majorité a péri dans les combats mais je vous ai dit, nous avons sur

 22   deux corps, sur un, une blessure par couteau ou poignard au niveau du

 23   thorax, au niveau du cœur, puis pour ce qui est d'un cas, il y a deux

 24   coupures au niveau de la partie droite du visage et du cou. Ces deux

 25   personnes, la thèse la plus vraisemblable est qu'ils ont péri face à

 26   quelqu'un qui leur a infligé ces blessures. Je ne sais pas si c'était

 27   pendant les combats ou non.

 28   Q.  Cette déclaration que vous avez donnée en 2003, je l'ai lue. Je vois

Page 13589

  1   ici quelque chose qui me paraît étrange. L'entretien avec vous a eu lieu le

  2   8 juillet 2003, et la déclaration, on vous en a donné lecture le 1er octobre

  3   2003. Alors, d'où cette distance dans le temps entre l'entretien et la

  4   lecture de la déclaration ?

  5   R.  Je dois dire que j'ai beaucoup de fois, soit en tant que  membre du

  6   comité ou en une autre qualité, j'ai eu des entretiens avec des

  7   représentants du Tribunal de La Haye. Lorsque j'ai fait ma première

  8   déclaration, où j'ai cité un certain nombre de choses, il y a eu des

  9   objections suite à mes conclusions et on a cherché d'autres explications

 10   pour ce qui est des causes de décès de ces personnes. A plusieurs reprises,

 11   ils sont venus à l'Académie militaire médicale. Ça, c'est tout à fait sûr,

 12   mais je ne saurais pas vous donner d'explication exacte, quelle en est la

 13   raison.

 14   Q.  C'est sur 70 pages qu'il y a votre première déclaration ?

 15   R.  A peu près.

 16   Q.  Et il y est question d'autopsies menées sur des victimes serbes ?

 17   R.  Oui. De Kravica.

 18   Q.  Ce sont des civils ?

 19   R.  Oui, des civils, des victimes civiles ou parfois, des membres de

 20   l'armée de la Republika Srpska. Miladin Aseric, on l'a décapité; Trisa qui

 21   a été étranglé avec un nœud coulant en plastique --

 22   Q.  Mais ce qui m'importe, c'est que le Procureur de La Haye n'a jamais

 23   montré qu'il souhaitait se servir de votre première déclaration lors d'un

 24   procès.

 25   R.  Non, non. Il était prévu que je vienne au procès contre Naser Oric,

 26   mais sa Défense a accepté toutes mes constatations et c'est la raison pour

 27   laquelle je ne suis pas venu.

 28   Q.  Mais dites-moi --

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous avez utilisé votre heure, donc

  2   on arrête cela.

  3   Monsieur le Témoin, je vous remercie d'être venu et je vous souhaite un bon

  4   retour dans votre pays. Je vais demander à M. l'Huissier de vous

  5   raccompagner.  

  6   [Le témoin se retire]

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner maintenant la parole à M. Mundis qui

  8   a quelque chose à nous dire.

  9   M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie. En effet, je comprends bien

 10   que j'ai très peu de temps. Je vais être bref dans la mesure du possible,

 11   bien sûr. Je tiens quand même à permettre aux interprètes de suivre.

 12   Suite à l'audition du premier témoin que nous avons entendu cette semaine,

 13   l'Accusation fait une demande urgente pour retarder la séance --

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : -- à  huis clos, parce que --

 15   M. MUNDIS : [interprétation] Non. Je pense que j'aimerais faire des

 16   remarques d'introduction uniquement à cette séance publique.

 17   Nous considérons que l'on compromet complètement l'intégrité de cette

 18   procédure et c'est à la Chambre de première instance de protéger

 19   l'intégrité de la procédure et s'assurer que le procès est équitable pour

 20   les deux parties. L'accusé d'un côté, mais aussi pour l'Accusation. Nous

 21   avançons que la Chambre de première instance doit absolument arrêter ces

 22   procédures étant donné que les moyens de preuve actuels montrent bien que

 23   l'intégrité de la procédure est mise en péril. Le Statut est extrêmement

 24   clair là-dessus, la Chambre doit s'assurer que les témoins sont en sécurité

 25   et que les victimes et les témoins sont traités avec dignité et respect.

 26   Or, c'est là que je pense que nous devrions passer maintenant à huis clos

 27   partiel, s'il vous plaît.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Avant de passer à huis clos partiel. Je

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  1   tiens à vous dire ceci. Attendez, Monsieur Seselj.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je tiens à dire ceci à M. Mundis. Il ne vous

  4   reste même pas 18 heures pour terminer votre cause. Voilà maintenant que

  5   vous me parlez de suspendre le procès parce qu'il y aurait des témoins qui,

  6   par des pressions, mettraient en cause l'intégrité du Tribunal. Si des

  7   témoins, je dis "si" des témoins font l'objet de pressions, ceci sera

  8   établi. En revanche, ces témoins viennent en audience. A l'audience, ils

  9   sont dans vos mains.

 10   Quand vous êtes, vous, Procureur, et que vous posez des questions,

 11   vous pouvez aborder toutes questions sur cesdits témoins, et l'accusé, bien

 12   entendu, contre-interroge. Mais les Juges, qui font leur travail ayant les

 13   éléments d'appréciation, vérifient toutes les données des témoins. Il ne

 14   faut pas confondre deux choses, Monsieur Mundis, parce que l'intégrité du

 15   Tribunal, c'est que le procès soit rapide et qu'il y ait un jugement et

 16   qu'on ne joue pas au chat et à la souris. Quand le témoin vient, témoin de

 17   l'Accusation, témoin de la Chambre, témoin de la Défense, quand le témoin

 18   vient, il peut dire la vérité, il peut mentir, je n'en sais rien. Quoi

 19   qu'il en soit, il fait l'objet d'un filtre par les questions du Procureur,

 20   par les questions de la Défense, par les questions des Juges. Et les Juges

 21   se rendent compte si le témoin dit la vérité ou ment, et cetera. Mais

 22   indépendamment des témoins, il y a des documents, et les documents, en

 23   règle générale, ils ne mentent pas.

 24   On est à moins de 18 heures de la fin de votre clôture, et vous

 25   revenez à nouveau sur cette question, en vous basant ce qui a pu se passer

 26   hier. Je dis ce qui a pu, car ce qui s'est passé ou qui a pu se passer, ça

 27   mérite un examen, mais hier, on avait un témoin qui a répondu conformément

 28   à la déclaration qu'il vous avait donnée en 2003, je dis ça de mémoire, ou

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  1   2004, et la majorité -- tous les témoins qui ont fait toutes les

  2   déclarations au moment où il n'y avait rien, 2003, 2004, et cetera, ils

  3   sont venus, puis si jamais ils ne viennent pas, la Chambre, et je vous l'ai

  4   déjà clairement dit, admettra ces déclarations. Voilà. Le procès, pour moi,

  5   doit continuer.

  6   Vous voulez passer à huis clos, on va passer à huis clos pour que

  7   vous continuiez d'intervenir.

  8   Monsieur Seselj.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je vous en prie. J'ai le droit de répondre

 10   à la partie publique de la déclaration de M. Mundis après quoi vous pourrez

 11   passer à huis clos partiel.

 12   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, hier vous avez pu de vos

 13   propres yeux et de vos propres oreilles vous convaincre de l'aisance avec

 14   laquelle j'ai démoli complètement toute la déposition du témoin de

 15   l'Accusation. Dans ces conditions, je vous pose la question : quel pourrait

 16   bien être mon intérêt de terroriser d'une façon ou d'une autre un tel

 17   témoin. Où serait mon intérêt en agissant ainsi. Pour moi, il est très

 18   heureux que ce témoin soit venu en tant qualité de témoin de l'Accusation.

 19   Qu'est-ce que j'aurais fait si, par hasard, il avait été témoin de la

 20   Défense ?

 21   M. MUNDIS : [interprétation] Nous voulons passer à huis clos partiel.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 24   partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel] 

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 13  Pages 13594-13602 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 28   --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mardi 20 janvier

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  1   2009, à 14 heures 15.

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