Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 8 mars 2011

  2   [Audience de la Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 32.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame, Messieurs les

  9   Juges.

 10   Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj. Merci,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mardi, 8 mars 2011, je salue toutes les personnes présentes, et

 14   particulièrement les membres du bureau du Procureur, M. Marcussen, Mme

 15   Biersay, ainsi que leur assistante. Je salue également M. Seselj ainsi que

 16   toutes les personnes qui nous assistent.

 17   Aujourd'hui, nous allons entendre M. le Procureur, qui va donc nous faire

 18   part de son point de vue concernant la procédure de l'article 98 bis après

 19   l'intervention de M. Seselj hier.

 20   Monsieur Marcussen, je vous donne la parole.

 21   [Soumissions de l'Accusation]

 22   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges.

 23   Madame et Messieurs les Juges, la Chambre de première instance devrait

 24   rejeter la requête présentée par l'accusé en vertu de l'article 98 bis du

 25   Règlement.

 26   Une audience consacrée à cet article est supposée être à propos d'éléments

 27   de preuve versés au dossier s'agissant de savoir s'il y a des éléments qui,

 28   suivant le critère le plus exigeant, permettraient d'entraîner une


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  1   condamnation, et il y a des éléments de preuve qui permettraient à la

  2   Chambre de conclure à une condamnation. Ces éléments montrent que l'accusé

  3   et d'autres dirigeants serbes, alors que la Croatie et la Bosnie-

  4   Herzégovine se mettaient en route vers l'indépendance, ont mis leurs

  5   différences de côté et ont fédéré leurs ressources pour se découper ce que

  6   l'accusé appelle une Grande-Serbie à partir de grosses portions de la

  7   Croatie, de la Bosnie-Herzégovine aussi, et ont chassé des non-Serbes de

  8   ces régions, par exemple comme à Hrtkovci. Des éléments de preuve montrent

  9   que l'accusé a apporté une contribution significative et matérielle à cette

 10   campagne massive de nettoyage ethnique, des éléments qui montrent que les

 11   forces serbes envoyées par l'accusé et d'autres membres de l'entreprise

 12   criminelle commune retenue dans l'acte d'accusation et contrôlées par eux

 13   ont commis, de façon généralisée et systématique, des atrocités en Croatie

 14   et Bosnie-Herzégovine, ainsi qu'en Serbie. D'autres éléments montrent que

 15   l'accusé lui-même a commis certains de ces crimes.

 16   Hier, l'accusé a tenu un long discours au cours duquel il a décidé de

 17   parler de toutes sortes de choses, mais pas des éléments du dossier. Par

 18   exemple, il a décidé de parler du livre de Mme Del Ponte, ce qui ne fait

 19   pas partie du dossier. Il a parlé de documents qu'il a reçus de Vaske alors

 20   que ces éléments ne sont pas dans le dossier. En effet, la Chambre de

 21   première instance a expressément décidé de ne pas les admettre, et ceci, le

 22   20 janvier 2008.

 23   L'accusé a cherché à vous donner l'impression qu'à moins que la

 24   preuve ne soit apportée du fait que ses volontaires à lui avaient commis

 25   des crimes retenus dans l'acte d'accusation, vous ne pouviez pas conclure

 26   au fait qu'il y avait des éléments dans ce dossier qui permettaient d'en

 27   porter condamnation. Il l'a fait alors qu'il savait parfaitement bien qu'il

 28   était en tort.


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  1   Lorsqu'il y a des éléments de preuve qui montrent qu'il y a un groupe

  2   de personnes qui ont participé à un plan, un dessein commun, un objectif

  3   commun visant à commettre des crimes qui sont de la compétence du Tribunal,

  4   chacun d'entre eux peut être déclaré responsable de tous les crimes commis

  5   dans la poursuite de ce plan, de ce dessein, de cet objectif commun, et ces

  6   personnes peuvent être tenues responsables en raison des conséquences

  7   prévisibles qu'avait la réalisation de ce plan, de ce dessein, de cet

  8   objectif commun. Et la Chambre d'appel Brdjanin l'a dit clairement, de

  9   telles personnes sont déclarées responsables des crimes utilisés -- sont

 10   responsables par d'autres personnes qui ont été utilisées par les membres

 11   de l'entreprise criminelle commune pour réaliser ce plan, cet objectif

 12   commun.

 13   Rappelez-vous, Madame et Messieurs les Juges, arrêt Brdjanin, affaire

 14   IT-00-39-A, en date du 17 mars 2009, paragraphes 413 et 430.

 15   Ceci étant dit, et contrairement à ce qu'affirmait hier l'accusé, il

 16   y a bien des éléments dans le dossier sur lesquels vous pouvez vous appuyer

 17   pour conclure que des volontaires du Parti radical serbe ont participé à

 18   des crimes odieux, dont des crimes retenus dans l'acte d'accusation.

 19   Quelques exemples : Milan Lancuzanin, surnommé Kameni, a participé à

 20   l'assassinat de centaines d'hommes croates à Grabovo, près de Vukovar, le

 21   20 novembre 1991; Miroslav Vukovic, alias Cele, a supervisé et participé

 22   aux assassinats et aux passages à tabac odieux de non-Serbes à la ferme

 23   Ekonomija à Zvornik; Branislav Gavrilovic, alias Brne, qui était présenté

 24   comme étant un "vojvoda" chetnik par ses hommes, a frappé violemment, a

 25   assassiné des prisonniers de guerre, et il disait que c'était Seselj qui

 26   dictait tout à Sarajevo. Il n'y avait que Seselj, Dieu et la loi. Je vous

 27   rappelle ce qu'ont dit le Témoin VS-16, le Témoin VS-1013 [comme

 28   interprété] ainsi que Koblar.


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  1   Mais l'accusé a décidé hier de vous tenir un long discours. Quoi

  2   qu'il en soit, il a abordé au cours de cette longue péroraison certains des

  3   éléments-clés. Il a affirmé qu'il avait l'intention, effectivement, de

  4   créer une Grande-Serbie qui allait englober les Serbes catholiques et les

  5   Serbes musulmans, mais que malheureusement, la guerre avait empêché ce

  6   processus de guérison qu'il souhaitait.

  7   Et je ne sais pas, est-ce que -- oui, le système marche. Très bien.

  8   Regardons cette vidéo versée au dossier qui est devenue la pièce P355. Nous

  9   allons ainsi voir de quelle façon l'accusé a contribué à ce processus de

 10   guérison, de fédération. C'est un discours qu'il tient lors des funérailles

 11   d'un volontaire du SRS tombé en août 1991.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "L'ennemi va subir la punition du peuple serbe. Nous n'allons plus

 15   pardonner comme nous l'avons fait après la Première et la Deuxième Guerre

 16   mondiale. Le temps est venu pour nous de régler nos comptes aussi. Le temps

 17   est venu de venger toutes les victimes serbes et d'unir toutes les terres

 18   serbes."

 19   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 20   M. MARCUSSEN : [interprétation] Hier, l'accusé a essayé d'excuser ses actes

 21   et agissements en excipant du fait que des crimes avaient été commis par

 22   d'autres dans le conflit; par exemple, à la page 16 647 du compte rendu

 23   d'audience. Mais cet argument, qu'on connaît aussi sous la qualification de

 24   "tu quoque", il a été rejeté notamment par l'arrêt Martic par ce Tribunal.

 25   L'affaire Martic était l'affaire IT-13/1-A, 5 mai 2009, paragraphe 111.

 26   Et dans la mesure où il invoque une légitime défense, on ne saurait

 27   utiliser ou invoquer la légitime défense pour justifier le fait de prendre

 28   pour cible une population civile. C'est dit aussi dans l'arrêt Martic au


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  1   paragraphe 268.

  2   Je vous le disais il y a quelques instants, nous allons respectueusement

  3   vous présenter certains des éléments du dossier qui pourraient vous faire

  4   aboutir à une décision de condamnation.

  5   Ici, on parle de la responsabilité de l'accusé en raison de crimes commis

  6   contre des non-Serbes en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, et en Serbie, tout

  7   simplement parce qu'ils n'étaient pas du bon côté, pas du bon groupe

  8   ethnique. Les non-Serbes ont été pris pour victimes parce qu'il se faisait

  9   qu'ils vivaient sur des terres dont l'accusé pensait qu'elles devaient

 10   appartenir à des Serbes; parce que l'accusé pensait et a encouragé d'autres

 11   à penser qu'ils auraient dû payer par le sang les torts, les erreurs

 12   commises par des générations précédentes. Ils ont été pris pour victimes

 13   parce que l'accusé a recruté des forces de combat qu'il a déployées en leur

 14   disant : Chassez les Oustachi, nettoyez la Bosnie. Mais il n'était bien sûr

 15   pas tout seul dans cette entreprise.

 16   Alors que l'ex-Yougoslavie se désintégrait, d'autres dirigeants

 17   militaires et politiques ont reconnu cette lucarne, cette opportunité

 18   historique qui se présentait d'obtenir par la force un Etat dominé par les

 19   Serbes qui soit élargi et unitaire. C'est ainsi que l'accusé, qui

 20   jusqu'alors avait été considéré par les autorités comme un extrémiste

 21   dangereux, tout d'un coup, avait un verni, comme ça, de légitimité. Il a

 22   agi par la suite avec d'autres dirigeants militaires et politiques pour

 23   parvenir à ces objectifs qu'il avait en commun avec eux par des moyens

 24   violents et criminels. Pour parvenir à ces objectifs communs, les membres

 25   de l'entreprise criminelle commune et leurs subordonnés ont commis tous les

 26   crimes retenus dans l'acte d'accusation.

 27   Permettez-moi d'esquisser la structure de notre argumentaire aujourd'hui et

 28   vous parler des éléments sur lesquels vous allez vous appuyer.


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  1   Tout d'abord, nous parlerons du critère juridique appliqué en vertu de la

  2   procédure 98 bis.

  3   Et puis, nous allons présenter des éléments qui montrent tout d'abord

  4   que la Chambre peut conclure à l'existence d'un plan, objectif commun dont

  5   faisait partie l'accusé afin de créer une Grande-Serbie homogène sur le

  6   plan ethnique, et que ceci faisait partie intégrante d'un plan commun qui

  7   était de persécutions, d'expulsions, de transferts forcés, d'assassinats,

  8   de torture, de traitements inhumains, de violence sexuelle et de viols, de

  9   pillages, de destructions de lieux de culte et d'autres bâtiments

 10   religieux, et d'autres mesures discriminatoires qui étaient toutes dirigées

 11   contre des non-Serbes, comme ceci est retenu dans le paragraphe 8 de l'acte

 12   d'accusation.

 13   Troisièmement, nous allons vous montrer comment l'accusé a apporté une

 14   contribution significative à ce plan commun : premièrement, en utilisant

 15   son pouvoir et sa popularité pour promouvoir l'idée de cette Grande-Serbie

 16   qu'il fallait obtenir par la force; deuxièmement, en levant des forces de

 17   volontaires qu'il allait déployer pour participer à cette campagne de

 18   persécution dirigée sur la population afin de parvenir à cette Grande-

 19   Serbie, ces forces armées ont commis de multiples crimes, ce faisant; et en

 20   commettant un acte de persécution par des discours d'incitation à la haine

 21   qui ont créé un climat de peur et de haine qui a entraîné les expulsions et

 22   des traitements inhumains en raison de transferts forcés. Et puis, nous

 23   allons vous montrer qu'une Chambre peut considérer que les éléments et la

 24   preuve ont été apportés de ces crimes retenus aux chefs 1, 4, 8, 9, 10, 11,

 25   12, 13, 14, de l'acte d'accusation.

 26   Nous ne sommes pas censés revenir sur chacun des incidents retenus

 27   dans l'acte d'accusation, mais nous montrerons qu'il y a des éléments de

 28   preuve concernant les faits incriminés. L'Accusation vous montrera qu'il


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  1   existe dans le dossier des éléments de preuve en portant condamnation et

  2   que la requête présentée par l'accusé en vue d'acquittement et de rejet de

  3   l'acte d'accusation devrait elle-même être rejetée.

  4   Permettez-moi d'aborder maintenant le premier volet de fond, c'est Mme

  5   Biersay qui vous présentera le second volet, qui vous parlera de la

  6   contribution de l'accusé à l'entreprise criminelle commune, ainsi que des

  7   crimes et des faits incriminés retenus dans l'acte d'accusation. En

  8   conclusion, je me permettrai de faire un résumé de notre argumentaire, et

  9   je répondrai volontiers à toutes questions que vous pourriez avoir.

 10   Au cours de cette présentation, nous allons vous montrer plusieurs pièces,

 11   des extraits de pièces. En outre, il y aura quelques éléments illustratifs

 12   partant des éléments du dossier. Si ces pièces illustratives pouvaient être

 13   versées au dossier, elles vous permettraient effectivement de mieux

 14   examiner les éléments du dossier. Je me permettrais de vous proposer de

 15   verser au dossier une version en "hard copy", mais aussi un CD. Ceci n'est

 16   bien sûr que pour mieux me guider dans la présentation.

 17   Lorsqu'on parle de numéros de page, de telle ou telle page, ces

 18   numéros de page sont les pages qui sont dans le système du prétoire

 19   électronique en anglais.

 20   L'Accusation va mettre en exergue certains des éléments du dossier que vous

 21   pouvez utiliser pour déclarer l'accusé coupable de chacun des chefs retenus

 22   dans l'acte d'accusation --

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 24   J'ai véritablement eu la meilleure des intentions du monde --

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Hier, je vous ai mis en garde. Je vous ai dit que

 26   pendant que vous avez exposé votre point de vue, le Procureur n'était pas

 27   intervenu. S'il était intervenu, je lui aurais fait la même remarque que je

 28   vous fais. Dans cette procédure, il n'y a pas d'objections. On écoute ce


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  1   que dit l'un, et ensuite on --

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président --

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, qu'est-ce que vous voulez dire ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous voulez que je quitte ce

  5   prétoire ? Parce que lorsque le premier document en langue anglaise sera

  6   montré par M. Marcussen ici, et il semble qu'il n'y ait pas d'équivalent en

  7   serbe, et si c'est ça l'intention, je peux m'en aller tout de suite. Il ne

  8   peut pas nous montrer rien qu'en anglais un document; il doit nous le

  9   montrer en serbe aussi. Moi je ne peux pas imaginer, partant de l'apparence

 10   d'un document, de quoi il s'agit.

 11   J'avais la meilleure des intentions possibles de ne pas interrompre

 12   du tout M. Marcussen, mais c'est intenable.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Marcussen, la remarque est

 14   faite que s'il y a un texte en anglais, il n'a pas la traduction. Alors,

 15   moi je sais pas ce que vous aviez l'intention de faire. Mais s'il y a un

 16   texte en anglais, l'interprète peut traduire puisque, de toute façon, il y

 17   aura une traduction.

 18   M. MARCUSSEN : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, et je

 19   pense que la plupart des choses que nous allons montrer, ce seront des

 20   extraits vidéo ou des cartes, donc je ne pense pas que ça posera problème.

 21   Mais effectivement, s'il y a un élément écrit, je vous promets, il sera

 22   traduit.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

 24   Alors, comme je vois que tout le monde est animé des meilleures

 25   intentions, on va continuer.

 26   Monsieur Marcussen, poursuivez.

 27   M. MARCUSSEN : [interprétation] L'Accusation va mettre en exergue certains

 28   des éléments qui permettraient à une Chambre de prononcer l'accusé coupable


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  1   de chacun des chefs dans l'acte d'accusation. Vu le temps qui m'est

  2   imparti, nous ne pouvons pas examiner chacun des éléments apportés à

  3   l'appui de tous les incidents retenus et à l'égard de tous les modes de

  4   responsabilité, mais l'article 98 bis ne l'exige pas, pas plus que la

  5   jurisprudence.

  6   Parce que selon l'article 98 bis, la Chambre doit seulement

  7   déterminer si l'Accusation a présenté suffisamment d'éléments de preuve à

  8   l'appui de chacun des chefs d'accusation, ou plutôt, de chacun des éléments

  9   constituant chacun des chefs. Par conséquent, à ce stade-ci, la Chambre

 10   peut introduire un jugement d'acquittement par rapport à un chef tout

 11   entier.

 12   De plus, même si l'accusé est reconnu coupable, d'après nous, en vertu de

 13   divers modes de responsabilité, il suffit que la Chambre conclue qu'il y a

 14   des éléments qui soutiennent un mode de responsabilité. Si ceci est le cas,

 15   la Chambre pourra et va devoir rejeter la requête d'acquittement. Regardez,

 16   par exemple, l'affaire Mrksic, affaire IT-95-13/1-T, décision orale de la

 17   Chambre. C'était une décision orale du 28 juin 2006, pages du compte rendu

 18   d'audience 11 311 et 11 312 dans le procès Mrksic. Il y a aussi l'affaire

 19   Prlic et consorts, affaire IT-04-74-T, audience du 20 février 2008, aux

 20   pages du compte rendu d'audience 27 206, 27 207 et 27 237.

 21   L'Accusation ne va donc pas aborder la question de la valeur probante des

 22   éléments de façon détaillée. Et, de façon générale, elle ne va pas vous

 23   présenter la question des éléments de preuve à l'appui d'autres éléments

 24   dans son argumentaire aujourd'hui.

 25   Mais abordons la question essentielle en l'espèce.

 26   Je vous le disais, la Chambre pourra conclure à l'existence d'un

 27   plan, d'un projet, d'un objectif commun de création d'une Grande-Serbie par

 28   le déplacement forcé de non-Serbes, mais aussi par des actes de meurtre, de


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  1   traitement cruel, de torture, de détention, de destruction de biens et

  2   d'autres actes de persécution. Ces crimes étaient nécessaires, c'était un

  3   moyen nécessaire de réaliser l'objectif commun qui était de déloger par la

  4   force les non-Serbes de grandes parties de la Croatie, de la Bosnie-

  5   Herzégovine, et de plus petites parties de la Serbie. Les membres de

  6   l'entreprise criminelle commune ont eu recours à une violence brutale et

  7   impitoyable et ont profité de cet environnement de coercition qu'ils

  8   avaient eux-mêmes encouragé.

  9   Hier, l'accusé, par exemple, à la page du compte rendu d'audience 16 628 et

 10   16 629, a nié qu'il y ait eu des actes d'expulsion, de transfert forcé. Il

 11   a affirmé, au contraire, que c'étaient des échanges de population

 12   volontaires et qu'il y avait eu, pour des raisons économiques, par exemple,

 13   des fluctuations démographiques. Mais c'était, en droit comme en fait,

 14   incorrect.

 15   Remarquez ce que disait la Chambre d'appel Krajisnik, affaire IT-00-

 16   39-A, 17 mars 2009, paragraphe 319. Que disait la Chambre Krajisnik. Je la

 17   cite :

 18   "L'appellation de 'forcé', lorsqu'elle est utilisée pour se rapporter

 19   aux crimes d'expulsion, ne doit pas être limitée à la force physique, elle

 20   inclut aussi la menace de la force, la coercition telle qu'elle découle de

 21   la peur de la violence, de la contrainte, de la détention, de l'oppression

 22   ou répression physique, ou d'un abus de pouvoir à l'encontre de cette

 23   personne, à l'encontre d'autrui ou en tirant partie d'un environnement

 24   caractérisé par la coercition."

 25   Ici en l'espèce, les éléments du dossier montrent que l'accusé et les

 26   autres membres de l'entreprise criminelle commune se sont servis de la

 27   force physique, mais aussi de tous les autres types de mesures forcées qui

 28   existent et qu'a décrites la Chambre d'appel pour expulser des non-Serbes.


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  1   Nous allons vous montrer de façon plus détaillée des éléments du dossier

  2   qui le prouvent.

  3   L'existence de l'entreprise criminelle commune, l'intention de

  4   commettre les crimes retenus dans l'acte d'accusation, vous en avez la

  5   preuve dans ces éléments suivants, sur lesquels nous allons revenir de

  6   façon plus détaillée : tout d'abord, le fait que c'est de façon incessante

  7   que l'accusé a voulu réaliser l'aspiration chetnik à avoir une Grande-

  8   Serbie homogène; deuxièmement, les efforts coordonnés des membres de

  9   l'entreprise criminelle commune pour opérer une séparation technique des

 10   zones revendiquées comme étant serbes par les Serbes par la création de

 11   structures gouvernementales et politiques uniquement serbes, et ceci,

 12   soutenu par des forces armées coordonnées; troisièmement, par la séparation

 13   ethnique coordonnée des non-Serbes, ce qui est démontré par la

 14   systématicité des crimes commis contre ces non-Serbes de la part des

 15   structures et des forces armées serbes à partir du milieu du mois d'août

 16   1991.

 17   Premier point.

 18   Alors que la Yougoslavie se désintégrait, l'accusé est arrivé au

 19   premier plan de la scène politique parce qu'il surfait sur cette vague de

 20   l'idéologie politique et des traditions militaires chetniks extrémistes.

 21   Cette notoriété de chef, de dirigeant chetnik, il l'a cimentée en 1989, le

 22   jour où on fêtait le 600e anniversaire de la bataille de Kosovo Polje. A ce

 23   moment-là, il a été nommé par un criminel de guerre de la Deuxième Guerre

 24   mondiale, il a été nommé au rang suprême des Chetniks, à celui de

 25   "vojvoda". Pièce P150.

 26   Au cours de la période couverte par l'acte d'accusation, l'accusé

 27   était le dirigeant tant du Mouvement chetnik-serbe, ce qu'on appellera le

 28   SCP, que du Parti radical serbe, que nous appellerons SRS. C'étaient deux


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  1   composantes d'une même entité. Vous aviez d'un côté l'aile politique,

  2   c'était le SRS; et l'aile militaire, c'était le SCP.

  3   L'accusé, lui, a fait sienne l'idéologie chetnik, la renaissance de

  4   ses structures, de ses symboles militaires, et cette harangue incessante

  5   contre les non-Serbes, tout ceci démontre son intention de parvenir à une

  6   Grande-Serbie par la violence et par les crimes.

  7   L'accusé s'est profilé comme étant le porte-étendard des Chetniks.

  8   Lors de réunions publiques, il n'a cessé de faire référence à l'histoire

  9   chetnik. Il essayait de propager l'idéologie et les objectifs chetniks, et

 10   surtout, l'idée de la Grande-Serbie. Il organise des fidèles dans des

 11   organisations chetniks, qui a déployé des dizaines de milliers de

 12   volontaires dans les zones de conflit pendant la période couverte par

 13   l'acte d'accusation. Les actes, les déclarations, l'intention de l'accusé,

 14   il faut les voir à la lumière de l'idéologie et de la tradition chetnik

 15   qu'il a si étroitement épousées.

 16   Le 18 février 1991, juste avant la création du SRS, qui a englobé le SCP,

 17   le Comité central patriotique du SCP a émis une proclamation au peuple

 18   serbe, et elle a dit ceci :

 19   "…pour faire revivre les traditions héroïques des guérilleros, des

 20   combattants de la liberté serbe, et dans la poursuite et la pérennisation

 21   des volontés de nos prédécesseurs glorieux, le général Draze Mihajlovic,

 22   Dragisa Vasic, et Stevan Moljevic, et après avoir déroulé le drapeau

 23   chetnik sur toutes les terres serbes."

 24   Pièce P3, page 37.

 25   Mais quelles étaient donc ces traditions, quels étaient donc ces

 26   efforts et velléités ?

 27   Yves Tomic est venu vous le dire. Quand on dit "chetnik", ça fait

 28   référence à "un mode particulier d'action militaire ou armée". Les


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  1   organisations chetniks, historiquement, ont été des organisations

  2   militaires, et certaines d'entre elles ont effectivement développé des

  3   plateformes politiques. La pièce P164, page 38, vous le montre.

  4   Pour Moljevic, mentionné dans la proclamation et qui était un des grands

  5   idéologues du mouvement chetnik, l'objectif essentiel du Mouvement chetnik

  6   c'est la création d'une Grande-Serbie, et voilà comment il la voit :

  7   "C'est une Serbie homogène qui englobe toutes les régions ethniques

  8   habitées par les Serbes, même celles où les Serbes ne constituent pas une

  9   majorité ethnique."

 10   Je peux vous donner la référence plus tard, parce qu'il y a d'autres

 11   extraits.

 12   Pour parvenir à une Serbie homogène, il faut, je cite :

 13   "…un plan de nettoyage ou de déplacement de la population rurale en vue de

 14   réaliser l'homogénéité de la communauté serbe dans l'Etat."

 15   Par conséquent, c'est un euphémisme qu'utilise le Mouvement chetnik, ils

 16   demandent des échanges de population, mais en réalité, c'est équivalent à

 17   un nettoyage ethnique. Et c'est à cela que se réduisent les traditions et

 18   volontés héroïques : c'est un combat en vue du contrôle territorial pour

 19   parvenir à une Grande-Serbie, à l'expulsion et la destruction des non-

 20   Serbes dans les terres convoitées pour parvenir à une hégémonie serbe. Les

 21   citations venaient de la pièce P141, page 2, et il y a le rapport de M.

 22   Tomic, qui est la pièce P164, la page 44.

 23   Dans sa campagne de propagande, l'accusé n'a cessé de, si j'ose dire,

 24   "lioniser" les forces armées chetniks dont les dirigeants, pendant la

 25   Deuxième Guerre mondiale, étaient devenus célèbres pour leur brutalité

 26   extrême. Car, pour les Chetniks de la Deuxième Guerre mondiale, "nettoyer

 27   un territoire libéré", ça voulait dire qu'on rasait des villages entiers

 28   "afin que pas une seule maison ne reste debout", et aussi de façon à ce que


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  1   la population non-serbe soit tout à fait décimée, "quel que soit le sexe et

  2   quel que soit l'âge de la population." Le patrimoine, l'héritage des

  3   Chetniks de la brutalité des crimes systématiques et généralisés est

  4   tellement profondément ancré que les chefs chetniks, par exemple Momcilo

  5   Djujic, qui était le parrain chetnik de Seselj, ont été énumérés par les

  6   autorités yougoslaves, ont été répertoriés parmi les criminels de guerre.

  7   Pièce P164, pages 48, 49, 53 à 57.

  8   Par conséquent, en résumé, c'étaient ici les objectifs, les méthodes,

  9   les symboles fièrement repris par l'accusé et qu'il fait siens lorsqu'il se

 10   couvre de la cape du "vojvoda". C'est ce qu'il a continué à faire en

 11   février 1991, alors qu'il avait créé ce Mouvement chetnik-serbe en août

 12   1990. En février 1991, il forme le SRS et englobe le SCP comme étant le

 13   bras militaire du mouvement. C'est donc la toile de fond qu'il recherche

 14   alors qu'il lance de nombreux appels à la création d'une Grande-Serbie.

 15   Ceci explique pourquoi cette invocation, cette incantation, litanie

 16   presque, de l'accusé lorsqu'il rappelle les fautes commises contre les

 17   Serbes, et les menaces de revanche ont un tel impact sur ses fidèles et sur

 18   ceux qu'il cible comme étant ses ennemis, et c'est ce qu'il a fait lors de

 19   ce discours lors des funérailles de ce volontaire en août 1991. Ceci

 20   explique aussi pourquoi la direction qu'il a prise du SRS et l'aile

 21   militaire, et puis du SCP, s'est diffusée et a fait des petits dans toute

 22   l'ex-Yougoslavie et est devenue synonyme de la brutalité des Chetniks de la

 23   Deuxième Guerre mondiale. C'est la raison pour laquelle il s'est proclamé

 24   commandant de ce qu'il appelait des "unités opérationnelles chetniks".

 25   C'est la pièce C10, paragraphe 5, pièce de la Chambre. Ceci explique aussi

 26   pourquoi les volontaires du SRS et du SCP se sont largement déployés sur

 27   toutes les zones revendiquées pour faire une Grande-Serbie, et pourquoi les

 28   volontaires, tels que Kameni, Cele et Brne, ont commis les crimes qu'ils


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  1   ont commis. Si vous prenez ceci dans sa globalité, l'intention de l'accusé

  2   n'aurait pas été plus claire; il voulait créer une Grande-Serbie par

  3   nettoyage ethnique, notamment par la commission des crimes retenus dans

  4   l'acte d'accusation.

  5   Alors, je vais parler de la deuxième branche de l'entreprise criminelle

  6   commune.

  7   L'accusé n'était pas le seul dirigeant serbe à poursuivre cette

  8   Grande-Serbie. Indépendamment des termes employés, le caractère non dit de

  9   l'objectif, d'autres partageaient l'objectif incarné par le terme de

 10   "Grande-Serbie", la création d'un territoire homogène unifié marqué par la

 11   cohésion pour les Serbes par des crimes commis contre des non-Serbes. Le

 12   nationalisme a remplacé l'ancien slogan de fraternité et d'unité de la

 13   République fédérale socialiste de Yougoslavie alors que celle-ci se

 14   désintégrait. Et lorsque la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ont franchi

 15   cette voie vers l'indépendance, les dirigeants serbes ont opté pour la

 16   séparation ethnique des Serbes au sein de ces républiques pour éviter deux

 17   pays qui engloberaient ce qui serait un territoire serbe et pour empêcher

 18   que ceci ne réduise les minorités serbes.

 19   En 1991, pour la première fois au cours de sa carrière politique,

 20   l'accusé a incité à la haine ethnique en déclarant qu'il y avait injustice

 21   historique, et qu'il souhaitait unifier le peuple serbe en une seule et

 22   même terre à tout prix, et ceci a coïncidé avec ce que d'aucuns, plus

 23   puissants et personnes ayant plus de ressources, que souhaitaient également

 24   d'autres dirigeants politiques et militaires. Donc, les dirigeants

 25   militaires et politiques serbes ont mis de côté leurs différences de façon

 26   à mettre en commun leurs ressources pour s'emparer d'eux et nettoyer des

 27   terres qui, d'après eux, leur appartenaient et appartenaient aux Serbes.

 28   Pour réaliser leurs objectifs communs, les membres de l'entreprise


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  1   criminelle commune ont créé des structures administratives et politiques

  2   uniquement serbes soutenues par les forces serbes. Ils ont déployé des

  3   structures et des forces armées pour prendre cette Grande-Serbie.

  4   Les éléments que nous allons maintenant aborder sont divisés en

  5   quatre parties. Ces éléments montrent qu'à partir de la deuxième moitié du

  6   mois d'août 1990, les Serbes de la République de Croatie, dirigés, entre

  7   autres, par Milan Babic, un autre membre de l'entreprise criminelle

  8   commune, ont mis en place des autorités qui étaient uniquement serbes; une

  9   police uniquement serbe et une TO uniquement serbe, des unités de la

 10   Défense territoriale. Ils l'ont fait avec une aide considérable de

 11   Milosevic et d'autres membres de l'entreprise criminelle commune,

 12   essentiellement à Belgrade.

 13   2. Dans la République de Serbie, dès le début de l'année 1991,

 14   Milosevic a tendu la main à d'autres dirigeants serbes, y compris l'accusé,

 15   pour unir leurs forces et défendre les intérêts serbes. Des volontaires ont

 16   été rassemblés, une nouvelle élite, une unité d'opération spéciale du

 17   ministère de l'Intérieur serbe, du MUP serbe, a été créée. Et en juillet

 18   1991, la JNA agissait ou fonctionnait en réalité comme une armée serbe.

 19   3. Nous allons maintenant aborder la République de Bosnie-

 20   Herzégovine. Les éléments que nous allons montrer font valoir que les

 21   dirigeants serbes en Bosnie-Herzégovine, avec l'assistance considérable de

 22   Milosevic, de l'accusé et d'autres dirigeants serbes, ont créé des

 23   autorités uniquement serbes, une police uniquement serbe, une TO uniquement

 24   serbe, à la manière dont ils avaient agi en Croatie.

 25   Et pour finir, les éléments de preuve vont montrer que les autorités

 26   et les forces qui avaient été établies, coordonnées et déployées par les

 27   dirigeants serbes, et prétendument membres de l'entreprise criminelle

 28   commune, ont commis des atrocités en masse dans le cadre de leurs efforts


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  1   pour prendre des parties de la Grande-Serbie de la Croatie et de la Bosnie-

  2   Herzégovine.

  3   Je vais tout d'abord parler de la Croatie.

  4   D'après le membre de l'entreprise criminelle commune Milan Babic, le

  5   Parti démocratique serbe, SDS en Croatie, a cautionné un redécoupage des

  6   frontières municipales et régionales pour illustrer la composition

  7   ethnique, et ils affirment que ces régions avaient le droit à l'autonomie

  8   en vertu d'une composition ethnique spéciale. Les extraits de la déposition

  9   de Babic ont été versés au dossier, pièce P1137, et le programme du SDS en

 10   Croatie se trouve à la pièce à conviction P169.

 11   Les dirigeants serbes ont entrepris, comme je l'ai dit, de mettre en

 12   place des autorités administratives et politiques uniquement serbes, aux

 13   fins d'une séparation ethnique, et forcé la domination serbe sur des

 14   territoires ciblés. Les zones contrôlées par les Serbes ont finalement et

 15   progressivement été unies et consolidées. En définitive, ils ont déclaré

 16   vouloir rejoindre la République de Serbie et appliquer les lois serbes. Les

 17   Juges de la Chambre trouveront ces éléments dans les pièces à conviction

 18   P895, P896, P898, P903, et la déposition du Témoin VS-004.

 19   Comme le montre la pièce à conviction P1137, dès le mois d'août 1990,

 20   les Serbes sous la direction de Milan Babic -- pardonnez-moi, sous la

 21   direction de Milan Martic, ont commencé à s'armer avec des armes provenant

 22   de dépôts de police. Des membres de la JCE, comme Jovica Stanisic et Franko

 23   Simatovic, ainsi que d'autres membres du ministère de l'Intérieur de la

 24   République de Serbie, ont prêté main-forte pour créer une police serbe en

 25   Croatie et pour les former. Les éléments de preuve montrent également que

 26   la police serbe a été surveillée et contrôlée par Milosevic. Ceci se trouve

 27   dans la déposition de Babic, que j'ai déjà évoquée, à la pièce P1029 sous

 28   pli scellé, la pièce 1144 sous pli scellé, et les discours de l'accusé sont


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  1   à la pièce P66 et la pièce P1039.

  2   Dans les régions prétendument serbes en Croatie, les unités de la

  3   Défense territoriale uniquement serbes ont progressivement été créées, et

  4   en particulier à partir du mois de janvier 1991. Je ne vais pas évoquer

  5   ceci dans le détail. Vous trouverez ceci dans le rapport de M. Theunens, la

  6   pièce P261, qui vous explique ceci. Madame, Messieurs les Juges, vous

  7   pourriez regarder les pages 205, 211, et 212.

  8   Babic a témoigné pour dire que des actes de provocation avaient été

  9   orchestrés. Ils comprenaient des actes aux fins d'engager la police croate,

 10   d'attaquer des magasins, différents kiosques à journaux, et différentes

 11   installations appartenant à des entreprises croates et albanaises. Ces

 12   actes ont été effectués par des groupes serbes armés, que Babic associait

 13   au MUP serbe. Il a également décrit la manière dont les médias serbes, et

 14   notamment les médias de Belgrade, contrôlés par Milosevic, dépeignaient de

 15   plus en plus les Croates comme des Oustacha génocidaires, et il prônait la

 16   séparation ethnique. L'accusé n'a manqué aucune occasion pour tenter

 17   d'enflammer la situation en invoquant le spectre de génocide contre les

 18   Serbes en Croatie et a proposé d'envoyer des volontaires chetniks pour leur

 19   prêter main-forte. Pièce P1266, par exemple, qui est un message aux Serbes

 20   de la Krajina de Knin héroïque que l'accusé a signé le 27 février 1991 en

 21   qualité de président du SRS nouvellement créé, et en qualité du président

 22   de l'Administration centrale de la patrie du SCP, du Mouvement chetnik-

 23   serbe. Je vais lire ce message :

 24   "Chers frères et sœurs serbes, aujourd'hui vous allez prendre une

 25   décision historique dont dépend l'avenir de notre peuple et de notre

 26   patrie. Tous les Serbes sont avec vous. Vous avez beaucoup souffert au

 27   front pour voir restaurés l'honneur national serbe et la dignité serbe,

 28   pour la victoire de la liberté de la démocratie sur les forces du mal et


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  1   des ténèbres qui nous menacent de génocide. La Krajina serbe représente la

  2   fierté serbe, et tous les Serbes la préserveront et la défendront jusqu'au

  3   dernier jour. Nous sommes prêts à vous venir en aide à tout moment. Votre

  4   destin est également notre destin, notre destin à partir de notre Serbie

  5   aujourd'hui rétrécie. Chers frères et sœurs serbes, nous vous félicitons

  6   pour votre liberté et indépendance, et nous souhaitons beaucoup de succès

  7   au Conseil national serbe ainsi qu'à son président fort sage, le Dr Milan

  8   Babic, avec le travail qu'il fait pour l'Etat, et le dévouement dont ils

  9   font preuve."

 10   Madame, Messieurs les Juges, je souhaite vous indiquer que le rapport de M.

 11   Reynaud Theunens est la pièce P258. Je crois qu'il y a deux versions; une

 12   version qui est caviardée et une version qui est publique. Maintenant, vous

 13   avez les deux références.

 14   Il n'est pas contesté qu'il existe énormément d'éléments de preuve au

 15   dossier que l'accusé, peu de temps après le message que je viens de vous

 16   lire, a envoyé des volontaires chetniks du SRS et du SCP dans différentes

 17   régions de Croatie. A partir de cet échantillon d'éléments de preuve au

 18   dossier, les Juges de la Chambre pourraient conclure que des efforts

 19   coordonnés ont été organisés entre différents membres de l'entreprise

 20   criminelle commune aux fins de créer des structures politiques,

 21   administratives et armées serbes dans les régions de Croatie que l'accusé

 22   avait identifiées comme étant la Grande-Serbie.

 23   Je vais maintenant parler des événements qui se sont déroulés dans la

 24   République de Serbie, essentiellement, et je vais parler des dirigeants

 25   serbes en Serbie. Ceci nous montre tout d'abord qu'à la mi-mars 1991,

 26   Milosevic avait demandé à ce qu'une force combattante soit créée aux fins

 27   de protéger les intérêts serbes, et a demandé aux hommes politiques serbes

 28   de mettre leurs différences de côté pour s'unir dans la défense des


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  1   intérêts serbes. L'accusé, ainsi que d'autres hommes politiques, ont

  2   répondu à cet appel et ont mis à disposition leurs volontaires pour qu'ils

  3   intègrent ces forces combattantes. Le MUP serbe a créé une nouvelle unité

  4   d'opération spéciale qui a été déployée pendant les deux guerres, et ce, de

  5   façon importante en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, et Milosevic a

  6   progressivement pris le contrôle de la JNA.

  7   Milosevic était arrivé au pouvoir grâce à un programme serbe et

  8   nationaliste et s'était déclaré le protecteur et le patron des Serbes à

  9   l'extérieur de la République de Serbie et, bien sûr, à l'intérieur de la

 10   Serbie. A la mi-mars 1991, dans le sillage d'une tentative avortée par les

 11   membres serbes de la RSFY et de leur présidence de déclarer un état

 12   d'urgence, Milosevic a clairement indiqué qu'il allait employer les forces

 13   armées de la République de Serbie pour défendre les intérêts serbes

 14   ailleurs qu'en Yougoslavie. A la pièce P1005, il a annoncé, je cite :

 15   "J'ai donné l'ordre de la mobilisation des réservistes des forces de

 16   sécurité du MUP de la République de Serbie et la création urgente de forces

 17   de police supplémentaires dans la République de Serbie. J'ai demandé au

 18   gouvernement de la République de Serbie de faire les préparatifs

 19   nécessaires en vue de créer ces forces complémentaires qui garantiraient la

 20   protection des intérêts de la République de Serbie et du peuple serbe, et

 21   donc, de fournir les effectifs nécessaires."

 22   Milosevic a ensuite demandé aux hommes politiques membres de

 23   l'opposition, tels que l'accusé, de venir le rejoindre. Et je cite encore

 24   une fois :

 25   "J'enjoins tous les partis politiques de faire preuve d'une coopération

 26   pleine et entière dans cette situation difficile, et dans l'intérêt de la

 27   Serbie, de mettre de côté les différences et les différends qui existent

 28   entre eux."


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  1   C'est cet appel aux armes qui explique pourquoi le gouvernement de la

  2   République de Serbie avait, quatre jours avant cela, enregistré

  3   officiellement le parti SRS de l'accusé avec son antenne militaire, le SCP.

  4   Il est important de constater que le SCP n'avait pas pu être enregistré, on

  5   l'avait refusé parce qu'on avait estimé que c'était un parti trop extrême.

  6   Comme l'indique la pièce P901, les autorités serbes, à ce moment-là, ont

  7   enregistré le SRS et sa composante SCP, à la même époque où Milosevic a

  8   lancé cet appel aux armes.

  9   Ceci n'est pas une simple coïncidence, que cet appel de Milosevic

 10   pour que des forces complémentaires soient créées coïncide avec l'accusé et

 11   le fait que son parti politique ait été enregistré, le SRS et le SCP.

 12   L'accusé, comme ceci pourra être discuté plus tard lorsqu'on parlera de sa

 13   contribution à l'entreprise criminelle commune, a déployé une force

 14   combattante chetnik très importante et très motivée pour défendre les

 15   intérêts serbes.

 16   Le climat de l'époque se retrouve dans une déclaration de l'accusé le

 17   23 février 1991, à l'époque où le SRS a été créé. Il a dit que son parti et

 18   son pays se préparaient à un bain de sang si cela s'avérait nécessaire; à

 19   la pièce P1255, page 9.

 20   Comme cela est décrit dans les pièces à conviction P258 et P183,

 21   d'autres organisations paramilitaires ont également été engagées dans

 22   l'entreprise criminelle commune. Ceci comprenait les Tigres d'Arkan,

 23   commandés par le membre de l'entreprise criminelle commune Zeljko

 24   Raznatovic, qui avait des liens avec le MUP serbe, et d'autres groupes qui

 25   avaient des appartenances politiques avec les partis tels que les Aigles

 26   blancs et le Srpska Garda.

 27   Les forces de police complémentaires faisant l'objet d'un ordre de

 28   Milosevic ont vite vu le jour, comme cela peut se voir dans la pièce P131.


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  1   Je vous demande de vous reporter, Madame, Messieurs les Juges, aux pages 5

  2   à 7 [comme interprété] de cette pièce à conviction. C'est une vidéo qui se

  3   passe de commentaires. Nous n'aurons malheureusement pas le temps de voir

  4   cette vidéo aujourd'hui. Celle-ci nous montre que le 4 mai 1991, moins de

  5   deux mois après la déclaration publique de Milosevic, le MUP de Serbie,

  6   sous la direction de Jovica Stanisic et Franko Simatovic, ont créé une

  7   unité d'opération spéciale plus connue sous le nom de JSO, ou les Bérets

  8   rouges. Lors du sixième anniversaire de l'unité, Simatovic, en présence de

  9   Milosevic, Stanisic et un nombre important de dirigeants serbes, ont décrit

 10   la mission de cette unité. Comme l'admet Simatovic, c'était la protection,

 11   et je cite :

 12   "…de la sécurité nationale dans les circonstances où la sécurité du

 13   peuple serbe était mise en danger sur l'ensemble de la région ethnique."

 14   A cette fin, des milliers d'hommes et des tonnes d'équipement ont été

 15   déployés sur l'ensemble du territoire de Croatie et de Bosnie-Herzégovine.

 16   Une escouade d'hélicoptères a été créée en Bosnie-Herzégovine, et l'unité

 17   spéciale a utilisé un réseau d'aérodromes, et confère des détails donnés

 18   par Simatovic, pages 5 à 7.

 19   Vers le 20 mars 1991, environ à la même date, Milan Babic et Milan Martic

 20   se sont rendus à Belgrade pour demander de l'aide. Là, tel que cela est

 21   décrit à la pièce P1138, pages 115 à 116, ils ont rencontré Milosevic, un

 22   membre de l'entreprise criminelle commune, Bogdanovic, et Stanisic, du MUP

 23   serbe. Milosevic a assuré à Babic qu'il avait déjà acheté 20 000 pièces

 24   d'armes à son intention, et Stanisic a confirmé que 500 de ces armes

 25   avaient déjà été envoyées à Banija.

 26   L'assistance considérable fournie par le régime de Milosevic aux

 27   régions prétendument serbes en Croatie est étayée de surcroît par un

 28  rapport daté du 1er novembre 1991 fourni par le ministre serbe de la Défense


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  1   sur l'assistance aux districts en Croatie, que vous trouverez au dossier à

  2   la pièce P932. Cette demande -- ou ce rapport montre qu'à partir du

  3   deuxième semestre de 1991, la République de Serbie a intensifié son

  4   assistance au plan pratique sous la forme de mise à disposition d'armes,

  5   d'équipement de transmission et d'autres approvisionnements à destination

  6   de la Croatie. Ce rapport révèle également que la République de Serbie

  7   finançait les soldes, salaires et contributions à la retraite d'environ

  8   quelque 50 000 Serbes membres de la TO sur l'ensemble du territoire de la

  9   SAO, de la Slavonie orientale, du district serbe de Slavonie et du Srem

 10   occidental et du Baranja.

 11   Les forces républicaines n'étaient pas les seules à participer à ce

 12   dessein commun. D'après le général Kadijevic, un des plus haut gradés de la

 13   JNA, pendant le printemps et l'été de l'année 1991, la JNA est devenue une

 14   armée serbe. A la pièce P196, il a dit ceci, je cite :

 15   "La JNA avait complètement réalisé ses objectifs. Elle protégeait la nation

 16   serbe en Croatie, elle avait préparé et permis les préparatifs militaires

 17   et politiques pour ce qui allait arriver."

 18   Pages 68 et 69.

 19   A partir du mois de mai 1991, Milosevic, Borislav Jovic, alors président de

 20   la présidence fédérale, et le général Kadijevic avaient des réunions

 21   fréquentes concernant le rôle de la JNA et de sa protection des Serbes, tel

 22   que décrit à la pièce P198, page 6. A la date du 5 juillet 1991, le général

 23   Kadijevic avait accepté leurs ordres "sans aucune discussion".

 24   Ainsi, au mois de juillet 1991, les membres-clés de l'entreprise criminelle

 25   commune tels qu'allégués dans l'acte d'accusation, y compris l'accusé,

 26   Milosevic, Babic, Stanisic et Simatovic, Arkan, avaient créé des structures

 27   politiques et administratives uniquement serbes soutenues par les forces de

 28   police serbes et les unités de la Défense territoriale de Croatie. De


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  1   surcroît, l'accusé et Arkan avaient répondu aux appels à l'unité de

  2   Milosevic parmi les dirigeants serbes et avaient mis à disposition des

  3   forces combattantes qui devaient être envoyées en Croatie. Plus

  4   particulièrement, une unité particulière d'opérations spéciales du MUP

  5   serbe, et Milosevic avait pris le contrôle de l'ensemble de la JNA. Comme

  6   nous le constaterons, ces forces ont été déployées de façon coordonnée à

  7   partir du mois de juillet 1991, avec des conséquences tout à fait

  8   désastreuses.

  9   Comme nous pouvons le constater à la pièce P258, page 33, pendant l'été

 10   1991, la JNA avait dû faire face à des difficultés croissantes dues à un

 11   manque d'effectifs. Il était donc important que les volontaires viennent

 12   renforcer leurs rangs. En conséquence, les membres de l'entreprise

 13   criminelle commune étaient disposés à fournir un appui logistique-clé aux

 14   volontaires de l'accusé, y compris la mise à disposition d'armes, de

 15   matériel et d'entraînement militaire. Les Juges de la Chambre peuvent se

 16   reporter à la pièce P857, paragraphes 38 à 41, sous pli scellé; P1074,

 17   paragraphes 84 à 86, 89, 90, 96, 97; pièce à conviction P1076, pages 26 et

 18   27; pièce de la Chambre C12, paragraphe 24; pièce à conviction P1058,

 19   paragraphe 89 [comme interprété], sous pli scellé; et le propre récit de

 20   l'accusé à la pièce P30.

 21   Ces éléments de preuve montrent qu'après avoir été recrutés par le

 22   SRS et le SCP, les volontaires ont souvent été envoyés pour rejoindre la

 23   JNA ou le MUP serbe, à leurs centres d'entraînement pour y être formés et

 24   équipés. Par exemple, la caserne de la JNA à Novi Sad a accueilli les

 25   volontaires du SRS et du SCP et leur a donné des uniformes et des armes

 26   personnelles avant de leur donner une semaine de formation. D'autres

 27   volontaires du SRS et du SCP recrutés par le cabinet de guerre du SRS à

 28   Belgrade ont été envoyés en Slavonie occidentale et à la caserne de la JNA


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  1   à Belgrade pour y recevoir de l'équipement. Pour ce qui est du déploiement

  2   à Vukovar, les volontaires du SRS et du SCP ont reçu une formation au

  3   centre de Lipovaca, juste à l'extérieur de Sid en Serbie, organisée par le

  4   MUP serbe. Les volontaires du SRS et du SCP ont reçu leurs armes des TO

  5   locales là où ils étaient déployés. Arkan a fourni un appui logistique

  6   complémentaire aux volontaires du SRS et du SCP depuis sa base à Erdut, en

  7   Slovénie [comme interprété] orientale, qui fonctionnait sous les auspices

  8   des services de Sûreté de l'Etat, la DB. L'accusé s'est rendu lui-même à

  9   Erdut lorsqu'il y déposait un groupe de volontaires avec Goran Hadzic, un

 10   autre membre de l'entreprise criminelle commune. Cette visite est décrite

 11   dans la pièce à conviction P528.

 12   Comme je l'ai indiqué à l'instant, à partir du mois de juillet 1991,

 13   le 5 juillet 1991, Kadijevic a accepté ces consignes, ces ordres

 14   directement de Milosevic et de Jovic sans aucune discussion. Les

 15   instructions qu'il acceptait si volontiers consistaient à concentrer les

 16   actions de la JNA le long de lignes stratégiques en Croatie et Bosnie-

 17   Herzégovine, telles qu'indiquées dans la pièce à conviction P243. C'est une

 18   carte annotée par l'expert militaire Reynaud Theunens pendant sa

 19   déposition. Les lignes tracées sur cette carte par les lettres A, B et C

 20   sont les lignes le long desquelles Kadijevic a reçu l'ordre de concentrer

 21   la JNA. Les lignes en pointillés, Madame, Messieurs les Juges, vous les

 22   reconnaîtrez certainement, il s'agit des zones prétendument serbes en

 23   Croatie, donc la Krajina, la Slavonie orientale, la Baranja et le Srem

 24   occidental. La ligne C longe la Neretva en Bosnie, qui est une région qui

 25   revêt une très grande importance stratégique.

 26   Madame, Messieurs les Juges, je vais vous demander de vous reporter à

 27   la pièce P245 également, qui montre les régions dans lesquelles la JNA

 28   menait ses opérations peu de temps après, à savoir au mois de septembre


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  1   1991. Donc ceci montre comment les instructions ont été données par

  2   Milosevic et Jovic à Kadijevic et comment ceci a été mis en œuvre. Les

  3   zones en orange sur cette carte montrent les endroits où la JNA était

  4   active. Encore une fois, on peut constater qu'il s'agit de ce qui semble

  5   être les territoires prétendument serbes en Croatie.

  6   Kadijevic confirme que les opérations ont été menées à bien en

  7   coopération avec les forces serbes locales en Croatie. Il explique que ces

  8   opérations ont été effectuées "en coopération étroite avec les insurgés

  9   serbes" et que "la future armée de la Krajina serbe a, en fait, été mise

 10   sur pied lors des combats et équipée d'armes et de matériel par la JNA", ce

 11   qui fait l'objet de la page 77 de la pièce P196.

 12   Personne ne sera véritablement surpris d'apprendre que le 26 septembre

 13   1991, tel que cela est indiqué à la page 22 de la pièce P1257, le ministre

 14   de la Défense nationale de la République de Serbie, Tomislav Simovic,

 15   pouvait dire à l'assemblée nationale de la République de Serbie que, et je

 16   cite :

 17   "Les mesures prises à l'heure actuelle par la JNA sont, de l'avis du

 18   gouvernement, prises pour protéger la Serbie, l'intérêt de la Serbie et de

 19   la cause serbe."

 20   Le 1er octobre 1991, trois autres événements considérables ont consolidé le

 21   pouvoir serbe, et ils sont extrêmement importants. Il faut les comprendre

 22   pour comprendre l'entreprise criminelle commune. Premièrement, le bloc

 23   serbe ou ce qui restait de la présidence fédérale, a commencé à exercer le

 24   pouvoir de la présidence fédérale. Deuxièmement, tel que cela est indiqué à

 25   la page 130 de la pièce P261, le commandement Suprême des forces armées,

 26   dirigé par Kadijevic, a émis un ultimatum extrêmement sévère à l'intention

 27   des autorités politiques et militaires croates. Et troisièmement, comme

 28   nous pouvons le voir à titre d'illustration dans la pièce P210, sous pli


Page 16726

  1   scellé, l'accusé a renommé, en quelque sorte, la cellule de Crise du

  2   SRS/SCP et l'a appelée le cabinet de guerre. Et je pense, en fait, qu'il a

  3   fait une remarque à ce sujet indiquant que cette décision avait été prise

  4   au vu de la situation politique. Trois jours plus tard, la présidence

  5   Croupion a déclaré un état de menace imminente de guerre, et de ce fait,

  6   conformément à la législation en vigueur à l'époque, cette présidence

  7   Croupion est devenue de ce fait le commandement Suprême de la JNA.

  8   Le général Kadijevic a émis un bulletin qui indique de façon très,

  9   très claire qu'il ne reconnaît plus l'autorité du premier ministre fédéral,

 10   Ante Markovic, ou du président officiel de la présidence, à savoir Stjepan

 11   Mesic. En d'autres termes, Kadijevic acceptait à ce moment-là publiquement

 12   l'autorité de la présidence Croupion. La JNA était maintenant fermement --

 13   appartenait, en fait, ou était placée entre les mains de la présidence

 14   serbe, qui était essentiellement basée à Belgrade et dirigée par Milosevic.

 15   Les pièces P246 et P261, la page 130, nous permettent de comprendre

 16   l'évolution de cette situation.

 17   Les éléments de preuve présentés jusqu'à maintenant démontrent que

 18   l'accusé, ainsi que Milosevic, Babic, Stanisic, Simatovic, Arkan et

 19   d'autres membres importants de l'entreprise criminelle commune, ont établi,

 20   déployé et contrôlé des forces de combat considérables qui ont été

 21   déployées en Croatie à partir du mois de juillet 1991. Et nous reviendrons

 22   ultérieurement sur l'impact absolument catastrophique que cela a eu pour

 23   les non-Serbes qui résidaient dans ces zones. Mais avant de parler de cela,

 24   nous allons maintenant nous intéresser à la Bosnie-Herzégovine afin de

 25   parler des événements dont des éléments de preuve ont été apportés et qui

 26   se sont déroulés en même temps que les forces serbes qui étaient préparées

 27   et déployées en Croatie.

 28   Ces éléments de preuve vont montrer comment la méthode qui avait été


Page 16727

  1   utilisée en Croatie pour établir une séparation ethnique a également été

  2   reprise par les dirigeants serbes en Bosnie-Herzégovine. Dans un premier

  3   temps, des structures politiques et administratives parallèles ont été

  4   mises sur pied, puis des forces de police serbes locales et des forces de

  5   la Défense territoriale ont également été créées. Tout comme en Croatie,

  6   Milosevic et les autres dirigeants serbes à Belgrade ont apporté un soutien

  7   considérable. Et comme en Croatie, les membres de l'entreprise criminelle

  8   commune ont pris des mesures pour former des structures politiques et

  9   administratives serbes locales qui ont fini par fusionner en des unités

 10   beaucoup plus importantes, ce qui a finalement culminé avec la déclaration

 11   de la République serbe de Bosnie-Herzégovine le 9 janvier 1992 qui, par la

 12   suite, fut appelée la Republika Srpska. Les éléments de preuve étayant ce

 13   que j'avance se retrouvent dans les pièces P931, P941 et 945, ainsi que

 14   dans les faits admis par la décision de la Chambre de première instance le

 15   23 juillet 2010.

 16   Tout comme en Croatie, des unités de la police composées uniquement

 17   de Serbes ainsi que des unités de la Défense territoriale ont été établies,

 18   tel que l'a présenté lors de sa déposition le Témoin VS-1112.

 19   Dès le 8 avril 1991, le téléphone de Karadzic avait été mis sur

 20   écoute parce qu'il était soupçonné d'œuvrer en faveur d'organisations

 21   paramilitaires et d'être pour l'armement illicite des Serbes. Cela figure à

 22   la page 9 122 du compte rendu d'audience.

 23   Au mois de juillet 1991, Radovan Karadzic et Momcilo Krajisnik

 24   avaient discuté l'organisation d'une réunion avec des membres serbes du MUP

 25   en Bosnie-Herzégovine, ce qui a été indiqué par une conversation

 26   interceptée faisant l'objet de la pièce P913.

 27   En octobre 1991, l'assemblée, qui était mixte du point de vue

 28   ethnique, l'assemblée de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine


Page 16728

  1   s'est demandée s'il fallait déclarer l'indépendance. Radovan Karadzic a mis

  2   en garde les Musulmans et les Croates que s'ils souhaitaient obtenir

  3   l'indépendance, cela les conduirait "vers l'enfer" tout comme en Croatie.

  4   Il a même menacé en disant, et je cite : "Ne pensez pas que vous allez

  5   ainsi conduire la Bosnie-Herzégovine vers l'enfer et que cela ne va pas

  6   signifier l'extinction de la population musulmane, parce que la population

  7   musulmane ne sera pas à même de se défendre toute seule si l'on en vient à

  8   la guerre." Page 3 de la pièce P1004.

  9   Lorsque l'assemblée de Bosnie-Herzégovine a finalement voté pour la

 10   souveraineté, les dirigeants serbes de Bosnie, notamment Radovan Karadzic,

 11   Momcilo Krajisnik et Biljana Plavsic, ont proclamé une assemblée serbe, tel

 12   que cela est indiqué par la pièce P931.

 13   Dans la pièce P871 du 19 décembre 1991, les dirigeants du SDS ont

 14   distribué aux conseils municipaux du SDS un plan absolument radical pour la

 15   mise en œuvre de la séparation ethnique de la Bosnie-Herzégovine au cas où

 16   la république venait à déclarer son indépendance. Il s'agit, en fait, des

 17   variantes A et B et de leurs consignes, qui sont autant de mesures qui

 18   doivent être prises par les Serbes pour saisir le pouvoir, tel que cela a

 19   été expliqué par le Témoin Deronjic, paragraphe 45 de la pièce P877. Il

 20   s'agissait de consignes extrêmement détaillées qu'il fallait mettre en

 21   œuvre en deux phases, à la fois dans les municipalités où les Serbes

 22   étaient majoritaires - il s'agit de la variante A - et dans les

 23   municipalités où les Serbes étaient minoritaires - il s'agit de la variante

 24   B. Lors de la première phase, les consignes consistaient à donner l'ordre

 25   de former des cellules de Crise composées exclusivement de Serbes ainsi que

 26   des assemblées municipales. Il y avait également des consignes pour créer

 27   des forces du MUP, des forces de la police et des forces de la Défense

 28   territoriale composées seulement de Serbes, absolument monoethniques. Lors


Page 16729

  1   de la deuxième phase, les cellules de Crise devaient assumer le contrôle

  2   physique dans divers lieux stratégiques et devenir ainsi les autorités

  3   municipales publiques affirmant le contrôle serbe dans les municipalités.

  4   Et tout comme en Croatie, il faut savoir que cette évolution de la

  5   situation -- qu'à cette situation s'est absolument rallié le régime de

  6   Milosevic ainsi que d'autres membres de l'entreprise criminelle commune à

  7   Belgrade. Des communications interceptées entre Milosevic et Karadzic, dont

  8   je ne vais pas vous présenter les détails, montrent l'étendue de cette

  9   coopération. Ces conversations interceptées font l'objet des pièces

 10   suivantes : P498, P504, P506, P509, P510 et P511.

 11   Toujours comme en Croatie, l'entraînement, la formation et les

 12   activités d'armement illustrent une fois de plus à quel point il y avait

 13   une organisation importante et une coordination entre les forces serbes

 14   contrôlées par les différents membres de l'entreprise criminelle commune.

 15   Par exemple, en Bosnie-Herzégovine, le MUP serbe a formé et fourni des

 16   volontaires, à la fois des volontaires du SRS/SCP et des volontaires serbes

 17   locaux, tel que nous le voyons dans les exemples suivants : les services de

 18   la Sûreté d'Etat serbe, les Bérets rouges, ont créé des camps

 19   d'entraînement dans des lieux tels que Banja Luka, Trebinje, Brcko et

 20   Bijeljina pour l'entraînement d'unités de la police spéciale de la

 21   Republika Srpska et de la République de Krajina serbe, tel que cela est

 22   décrit à la page 6 de la pièce P131. Les hommes d'Arkan et les volontaires

 23   du SRS/SCP, leur présence a été établie à Brcko, et un témoin a vu des

 24   Bérets rouges former et entraîner des volontaires serbes locaux dans la

 25   caserne de la JNA, tel que cela peut être trouvé à la première page de la

 26   pièce P980 et lors de la déposition de VS-1033, page 15 783 du compte rendu

 27   d'audience.

 28   Pour l'attaque contre Bosanski Samac en Bosnie, des volontaires, et


Page 16730

  1   notamment des volontaires du SRS/SCP, ont été formés, transportés et armés

  2   par les Bérets rouges, ce qui fait l'objet des pièces suivantes : P131,

  3   page 6; P988; P986; et pages du compte rendu d'audience 15 667 et 15 671

  4   pour le Témoin VS-1058.

  5   Pour ce qui est des zones où les crimes ont été commis, nous avons la

  6   déposition de VS-32, VS-36, et VS-37. Ces dépositions indiquent, en ce qui

  7   concerne Zvornik, comment, par exemple, le MUP serbe et la JNA ont apporté

  8   leur soutien à la cellule de Crise serbe à Zvornik, et ce, pour mettre en

  9   œuvre l'entreprise criminelle commune. La JNA a armé des Serbes à Zvornik

 10   et l'officier de la JNA, Dragan Obrenovic, a participé à des réunions de la

 11   cellule de Crise. Les Serbes locaux ont également reçu des armes du MUP de

 12   Serbie qui étaient distribuées par le truchement de la cellule de Crise.

 13   Parmi les personnes qui ont fourni ces armes, nous trouvons, par exemple,

 14   le membre de l'entreprise criminelle commune Bogdanovic. J'aimerais

 15   maintenant faire référence à une pièce qu'il ne faudra pas diffuser pour le

 16   public parce qu'elle est versée sous pli scellé. Il s'agit de la pièce

 17   P1039.

 18   Je pense que nous avons un petit problème technique. Voilà.

 19   Donc, il s'agit en fait d'un schéma qui nous permet de comprendre comment

 20   le lien part de Zvornik jusqu'à Belgrade. J'aimerais également indiquer que

 21   la personne qui s'appelle Kostic, qui semble avoir une fonction importante

 22   au sein de l'armée, se trouve à côté de "Tepavcevic" sur la gauche du

 23   schéma, et Bogdanovic doit se trouver là où nous avons "ministre de

 24   l'Intérieur", donc au milieu en haut. Nous le voyons, par exemple, dans la

 25   déposition du Témoin VS-37.

 26   Outre à Zvornik, le rôle de la JNA, qui a armé et formé, peut être

 27   établi --

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois intervenir ici à nouveau.


Page 16731

  1   Peut-être que c'est à dessein qu'on me présente le mauvais document,

  2   parce que je ne vois nulle part le nom de "Bogdanovic" ici. Peut-être que

  3   c'est à dessein que l'on affiche dans mon écran le mauvais document.

  4   M. MARCUSSEN : [interprétation] Non. Non, non, ce que j'ai dit, c'est qu'au

  5   vu des éléments de preuve qui ont été présentés, le nom de Bogdanovic

  6   devrait se trouver en haut de l'écran.

  7   Je vois que l'accusé s'esclaffe, donc je suppose qu'il a compris ce

  8   que je voulais dire.

  9   J'étais en train de vous dire qu'il y a d'autres éléments de preuve

 10   qui ont montré qu'il y avait eu armement et formation en Bosnie-

 11   Herzégovine; je pense par exemple à Bosanski Samac, pour lequel nous avons

 12   la pièce P1026 versée sous pli scellé. Vous avez le Grand-Sarajevo. La

 13   Chambre de première instance pourra reprendre la déposition du Témoin VS-

 14   1055. A Nevesinje, le Témoin Kujan fait état d'armement dans la pièce P524,

 15   page 3. Pour Bijeljina, nous avons les éléments de preuve de Gusalic, page

 16   14 299 du compte rendu d'audience et les autres pages également, qui

 17   décrivent comment la formation a été organisée. Pour Brcko et Potocari, je

 18   vous demande de vous reporter à la déposition du Témoin VS-1033, page du

 19   compte rendu d'audience 15 783, ainsi que paragraphe 10 de la pièce P1055.

 20   A quoi servaient toutes ces préparations ? Nous avons une conversation

 21   interceptée pour M. Karadzic, février 1992, et cela illustre mon propos.

 22   Pièce P503. Car voilà ce qu'il dit, et je cite :

 23   "Nous devons viser pour cette solution qui émane qui est la Grande-Serbie,

 24   et si cela ne peut pas être, alors ce sera une Yougoslavie fédérale. Il n'y

 25   a pas d'autres concessions."

 26   Nous avons donc pu apprécier comment, au moment où il y a eu prise de

 27   pouvoir serbe en Bosnie-Herzégovine, les structures politiques,

 28   administratives, et armées, avaient été établies pour façonner la Grande-


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  1   Serbie.

  2   Il faut également mentionner une autre formation armée, à savoir

  3   l'armée de la Republika Srpska, la VRS, qui a été créée après que la guerre

  4   ait éclaté en Bosnie-Herzégovine. Elle a été officiellement déclarée le 12

  5   mai 1992. Et nous voyons, une fois de plus, comment une force armée serbe

  6   est créée avec le soutien des dirigeants serbes à Belgrade. Deux faits

  7   permettent de comprendre ces moyens de preuve, deux faits qui ont été

  8   acceptés par la Chambre de première instance par sa décision de constat

  9   judiciaire en 2007. Il s'agit des faits suivants : 186, 190, et 191. Ils

 10   nous permettent de comprendre deux choses : premièrement, lorsque la JNA

 11   s'est retirée de la Bosnie-Herzégovine, elle y a laissé des officiers, des

 12   soldats et des quantités assez considérables de matériel, qui ont formé la

 13   base de la structure pour la VRS; deuxièmement, les officiers et les sous-

 14   officiers de la VRS ont continué à recevoir leur solde de la République

 15   fédérale de Yougoslavie et de recevoir leur retraite par la suite.

 16   Le même jour, à savoir le jour où la VRS a été officiellement créée,

 17   six objectifs stratégiques ont été annoncés par les dirigeants serbes de

 18   Bosnie. Nous les trouvons dans la pièce P870. Je suis sûr que la Chambre de

 19   première instance se souviendra que Reynaud Theunens avait indiqué que ces

 20   objectifs avaient effectivement été adoptés en mai, mais l'offensive avait

 21   commencé un mois plus tôt et les objectifs étaient ainsi devenus officiels.

 22   Il s'agit de sa déposition du 21 janvier 2008.

 23   La pièce qui vous est montrée maintenant est la pièce P1006, qui vous

 24   permet de comprendre quels étaient ces six objectifs stratégiques. Je vais

 25   me contenter de mentionner le premier, à savoir :

 26   "L'établissement de frontières qui vont séparer le peuple serbe des

 27   deux autres communautés."

 28   Vous verrez qu'il y a cinq autres objectifs qui sont autant


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  1   d'objectifs géographiques qu'ils se proposent d'obtenir.

  2   Le rapport d'aptitude au combat de la VRS pour l'année 1992 a été

  3   approuvé par Ratko Mladic, et ne laissait planer absolument aucune

  4   ambiguïté à propos des objectifs stratégiques et de leur but, à savoir, et

  5   je cite :

  6   "La libération de territoires qui nous appartiennent et qui nous

  7   appartiennent du fait d'une justification historique."

  8   Page 159 de la pièce P992.

  9   Vous aurez compris, de la présentation des moyens à charge à propos

 10   des crimes commis à Zvornik, le Grand Sarajevo, Mostar et Nevesinje, que

 11   les crimes ont été exécutés en coopération étroite

 12   par les forces dont nous avons parlé un peu plus tôt, à savoir les

 13   volontaires du SRS et du SCP, les membres de la JNA, et par la suite les

 14   membres de la VRS, les hommes d'Arkan, les membres des unités du MUP et des

 15   unités de la Défense territoriale serbe, et les forces du ministère de

 16   l'Intérieur de la République de Serbie.

 17   Avant la pause, je pense que je pourrai peut-être vous présenter un extrait

 18   vidéo très rapide d'une vidéo qui a été versée au dossier. Il s'agit de la

 19   pièce P644. Elle commence au point horaire suivant 1:05:24.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "En mai 1992, Milosevic, à titre définitif, s'empare du contrôle absolu

 23   vis-à-vis de l'armée populaire yougoslave.C'est à ce moment-là que la

 24   nouvelle constitution fédérale de Yougoslavie a été adoptée. Il est devenu,

 25   en fait, l'homme qui prenait toutes les décisions. L'opération de Zvornik a

 26   été planifiée à Belgrade. Les forces serbes de Bosnie y ont participé et

 27   elles étaient les plus nombreuses. Toutefois, les unités spéciales et les

 28   unités qui voulaient combattre venaient de notre camp. Il s'agissait des


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  1   unités de la police, de ce qu'on appelait les Bérets rouges. Il s'agissait

  2   d'unités spéciales des services de la Sûreté de l'Etat serbe, il s'agissait

  3   des volontaires du Parti radical serbe, des volontaires d'Arkan, et il y

  4   avait également une petite unité de volontaires placée sous le contrôle de

  5   la police. L'armée n'a pas beaucoup participé à cette opération. Elle a

  6   surtout fourni l'appui en artillerie lorsque cela a été nécessaire. Il a

  7   fallu longtemps pour préparer et planifier l'opération, donc nous n'étions

  8   pas nerveux, et personne ne disait : Allez, il faut faire cela en toute

  9   urgence. Tout a été parfaitement organisé et exécuté jusqu'à la fin des

 10   hostilités. Par la suite, lorsque le pillage a commencé, personne ne

 11   pouvait plus rien contrôler.

 12   C'étaient les principaux représentants de la Sûreté de l'Etat qui y ont

 13   pensé, notamment Franko Simatovic, Frenki. Il faisait partie des personnes

 14   les plus importantes. Il y avait d'autres personnes, mais je ne me souviens

 15   plus de leurs noms. Nos volontaires se sont rassemblés, et Loznica était le

 16   centre à partir duquel ils sont partis vers Zvornik. 'Vojvoda' Cvetinovic

 17   était leur chef et il prenait ses ordres directement du commandant des

 18   unités spéciales."

 19   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 20   M. MARCUSSEN : [interprétation] Je pense que le moment est peut-être venu

 21   de faire la pause, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Vingt minutes de pause.

 23   --- L'audience est suspendue à 16 heures 02.

 24   --- L'audience est reprise à 16 heures 24.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience étant reprise, Monsieur Marcussen,

 26   vous avez la parole.

 27   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Madame, Messieurs les Juges, je vous ai expliqué comment plusieurs


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  1   dirigeants serbes, notamment l'accusé, ont établi un certain nombre de

  2   structures politiques et administratives, sans oublier les forces armées,

  3   et comment elles ont été déployées en Croatie. J'aimerais maintenant en

  4   venir au dernier volet de mon intervention, et je vais vous présenter des

  5   éléments de preuve à propos des effets absolument catastrophiques que le

  6   déploiement de ces forces a eus en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

  7   Alors, il faut savoir que ces forces ne se sont pas seulement lancées

  8   dans des opérations militaires contre les forces ennemies; il y a également

  9   eu de placées sous leur contrôle des zones qui ont fait l'objet de

 10   nettoyage ethnique. J'aimerais maintenant faire référence à deux éléments

 11   de preuve qui montrent que l'ampleur de ces crimes était si considérable

 12   qu'ils ont acquis une certaine notoriété à l'extérieur de la Serbie, de la

 13   Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, et la JNA elle-même a présenté des

 14   rapports à propos de ces crimes. Et j'aimerais faire référence aux pièces

 15   P183 et P259.

 16   Il faut savoir, Monsieur le Président, qu'en Croatie, l'effet sur la

 17   population non-serbe a été absolument catastrophique. Au début de l'année

 18   1992, plus de 220 000 non-Serbes avaient été chassés par la contrainte,

 19   expulsés de Croatie. La carte que vous voyez maintenant a été compilée par

 20   l'Accusation sur la base de la page 77 du document P632. Il -- 

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Marcussen.

 22   M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Il est question de "DP". Qu'est-ce

 24   que cela signifie ? "Décédé", "déporté" ?

 25   M. MARCUSSEN : [interprétation] Non. Il s'agit des "personnes déplacées".

 26   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. MARCUSSEN : [interprétation] Donc il ne s'agit pas d'une pièce qui a été

 28   versée au dossier. C'est l'une des pièces qui ont été préparées pour cette


Page 16736

  1   audience d'aujourd'hui et dont nous allons demander le versement au dossier

  2   après l'audience, si vous nous y autorisez.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça c'est absolument inadmissible. J'ai été

  4   stupéfait de voir le Procureur montrer quelque chose que je ne me souviens

  5   pas avoir vu du tout. Mais il vient de nous dire lui-même que ce n'est pas

  6   un document versé au dossier. Mais il ne peut pas, aujourd'hui, nous

  7   présenter des documents nouveaux que je n'ai jamais vus et demander que ces

  8   documents soient versés au dossier. C'est absolument inacceptable. Ils ont

  9   fini leur présentation des éléments à charge. Et lorsque j'aurai fini mes

 10   éléments à décharge, si vous me permettez de reconvoquer certains témoins

 11   et présenter d'autres éléments de preuve, il pourra le faire, mais

 12   maintenant, quand on est en train de se prononcer en application du 98 bis,

 13   apporter de nouveaux documents et demander versement au dossier de ceci,

 14   c'est de l'insolence au sommet, au comble.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Je comprends. Je vais discuter avec mes collègues si

 16   on autorise le Procureur ou pas.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Marcussen, la Chambre, à la majorité

 19   - le Juge Harhoff n'étant pas de notre avis - estime que vous n'avez pas la

 20   possibilité d'évoquer ce document car ce document n'a pas été discuté

 21   pendant la phase de la présentation de vos éléments de preuve. C'est à ce

 22   moment-là que vous auriez dû introduire ce document, pas au moment où, dans

 23   votre plaidoirie, vous venez préciser les éléments à charge. Les éléments à

 24   charge, ce sont ceux qui sont déjà admis. Ce document, moi aussi, je le

 25   découvre pour la première fois. Donc, majoritairement, nous avons décidé

 26   que vous ne pouvez pas évoquer ce document.

 27   En revanche, si M. Seselj, dans le cas de ses éléments à décharge,

 28   évoque les problèmes -- le problème de personnes déplacées, vous pourriez,


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  1   lors du contre-interrogatoire de ses témoins, introduire ce document. Mais

  2   là, dans cette phase, c'est pas possible. Voilà.

  3   Alors, continuez sans parler de ce document.

  4   M. MARCUSSEN : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président. Le

  5   document ne faisait que démontrer ce qui a déjà été versé au dossier, donc

  6   bon, qu'à cela ne tienne. Comme je l'avais expliqué, je me proposais, en

  7   fait, de ne prouver rien par ce document. C'était juste à titre

  8   illustratif.

  9   Mais toujours est-il, Monsieur le Président, que les crimes

 10   généralisés et systématiques commis par les forces serbes ont été répétés

 11   lorsqu'ils ont lancé leurs opérations de prise du pouvoir en Bosnie-

 12   Herzégovine.

 13   Il y a une pièce à conviction qui est très révélatrice et qui montre

 14   la coopération entre les principaux protagonistes de l'entreprise

 15   criminelle commune pour ce qui est de la commission de deux crimes

 16   reprochés à l'acte d'accusation. Nous avons dans un premier temps le

 17   déplacement par la contrainte de la population musulmane de Divic et de

 18   Kozluk.

 19   Lors d'une réunion qui a eu lieu avec le général Mladic en juin 1992

 20   et avec des représentants serbes venant de différentes municipalités

 21   serbes, les représentants de la municipalité de Zvornik ont indiqué qu'ils

 22   avaient mis en œuvre la décision de Radovan Karadzic suivant laquelle Divic

 23   et Kozluk devaient être habitées par des Serbes. Vous vous souviendrez que

 24   nous avions indiqué que quelques mois avant cet événement, les forces

 25   serbes avaient expulsé par la force tous les Musulmans de ces lieux.

 26   Ils ont également indiqué que les formations de volontaires placées

 27   sous la direction d'Arkan et de Seselj avaient obtenu de nombreux succès,

 28   et cela, en fait, figure dans l'un des extraits des carnets de Mladic qui


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  1   ont été retenus comme éléments de preuve par la décision prise hier. Je ne

  2   pense pas qu'une cote P ait été octroyée à ce document. Je vais vous la

  3   donner dans une petite minute. En fait, on me dit qu'il y a, effectivement,

  4   une cote P. Il s'agit du document P1347.

  5   Et je dirais une fois de plus que l'objectif criminel et l'énormité

  6   des crimes exécutés pour promouvoir l'entreprise criminelle commune sont

  7   illustrés par les modifications démographiques provoquées. Le document

  8   P669, qui est maintenant sur vos écrans, montre la composition

  9   démographique en Bosnie-Herzégovine avant la guerre.

 10   Donc il s'agissait de la composition démographique en 1991.

 11   Vous avez donc ces zones qui sont en vert et en rose qui sont des

 12   zones serbes ou des zones majoritairement serbes. Les zones en vert

 13   correspondent à des zones à majorité musulmane. Les zones bleues sont des

 14   zones où l'on trouve une majorité de Croates. Et vous avez certaines zones

 15   où nous avons une trame démographique beaucoup plus mélangée.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, Madame le Juge, il s'agit

 17   peut-être d'une erreur de traduction. Ici, on a dit que les parties en vert

 18   et en violet, c'est des territoires avec une majorité serbe. Vous voyez

 19   cela au compte rendu aussi. Ce n'est pas une erreur d'interprétation, mais

 20   c'est ce qu'il a dit. Or, ce n'est pas exact. En rouge, c'est les endroits,

 21   les territoires où il y a une majorité serbe.

 22   M. MARCUSSEN : [interprétation] C'est exact. Je ne sais pas si une erreur

 23   s'est glissée quelque part, mais quoi qu'il en soit, les zones serbes sont

 24   en rouge et en rose et les zones en vert correspondent aux zones

 25   musulmanes. Si j'ai commis une erreur, je remercie l'accusé d'avoir

 26   rectifié cela.

 27   Si nous regardons ce document P629, nous voyons la composition ethnique

 28   après la guerre ainsi que les profonds changements démographiques, qui sont


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  1   extrêmement importants, et nous voyons fondamentalement qu'à la suite du

  2   déploiement des forces, il y a trois entités monoethniques qui ont été

  3   créées du déploiement des forces de la part de plusieurs forces, mais

  4   notamment également des forces serbes.

  5   Alors, pour résumer, en un mot comme en cent, Madame, Messieurs les

  6   Juges, nous avons présenté de nombreux moyens de preuve indiquant que

  7   l'accusé a fait sienne l'idéologie chetnik et a rétabli son organisation à

  8   connotation militaire, et ce, pour promouvoir cette Grande-Serbie, ainsi

  9   que le nettoyage ethnique. Il y a également de nombreux éléments de preuve

 10   qui indiquent que d'autres dirigeants serbes de la République socialiste de

 11   Yougoslavie qui ont mis en commun leurs ressources et qui se sont ralliés à

 12   l'accusé dans cette quête de cet Etat serbe homogène. A cette fin, ils ont

 13   créé et utilisé des structures armées, administratives et politiques

 14   serbes, qui incluent les volontaires du SRS et du SCP qui ont été établis

 15   et déployés par l'accusé, les forces de la JNA qui étaient subordonnées à

 16   Slobodan Milosevic, au général Kadijevic et au général Adzic. En BiH, nous

 17   avons les forces de la VRS, qui faisaient partie d'une structure

 18   hiérarchique placée sous le contrôle des membres de l'entreprise criminelle

 19   commune, notamment Ratko Mladic et Radovan Karadzic, les membres de la

 20   Défense territoriale serbe locale et les forces du MUP de la police. Nous

 21   avons en Croatie ces forces qui étaient placées sous le contrôle de Milan

 22   Babic et de Goran Hadzic. En Bosnie-Herzégovine, elles étaient placées sous

 23   le contrôle des membres de l'entreprise criminelle commune, tels que

 24   Radovan Karadzic, Biljana Plavsic et d'autres dirigeants serbes. Et nous

 25   avons, en fait, lorsque la JNA s'est retirée, la VRS qui prend le contrôle

 26   des forces de Défense territoriale. Nous avons également des forces du MUP

 27   serbe qui ont opéré sous le contrôle de Jovica Stanisic et Franko Simatovic

 28   et qui ont fini par être contrôlées par Slobodan Milosevic et qui ont fini


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  1   par œuvrer en coordination avec Slobodan Milosevic. Et puis, nous avons

  2   également divers groupes militaires, notamment les hommes d'Arkan, qui

  3   étaient placés sous son contrôle. Et donc ces unités, comme les éléments de

  4   preuve le montrent, ont très souvent opéré en étroite coopération avec le

  5   ministère de l'Intérieur de la Serbie.

  6   Ces forces ont été, dans un premier temps, déployées et ont chacune

  7   rempli la fonction qui était la leur. Le but de ces opérations était très

  8   manifeste, il s'agissait de procéder à un nettoyage ethnique qui

  9   s'inscrivait dans le cadre de cette campagne généralisée et systématique

 10   pour ces territoires qui étaient revendiqués comme étant des territoires

 11   serbes. Et d'ailleurs, les observateurs internationaux en Bosnie-

 12   Herzégovine, pour ces personnes, à l'époque, il était absolument manifeste

 13   que l'objectif principal des opérations militaires en Bosnie-Herzégovine

 14   était l'établissement de ces régions homogènes du point de vue ethnique et

 15   que le nettoyage ethnique n'était pas la conséquence de la guerre mais son

 16   objectif, tel que nous le voyons dans la pièce P982.

 17   Madame, Messieurs les Juges, nous avons ces éléments de preuve, nous avons

 18   les éléments de preuve relatifs à la contribution de l'accusé à la

 19   préparation et à l'exécution de cette campagne, et la Chambre de première

 20   instance peut conclure qu'il y a bel et bien des moyens de preuve qui ont

 21   été présentés suivant lesquels il existait une entreprise criminelle

 22   commune, tel qu'allégué au paragraphe 8 de l'acte d'accusation.

 23   Ceci met un terme à mon intervention. Mme Biersay va maintenant

 24   reprendre le flambeau pour vous présenter la suite des arguments de

 25   l'Accusation.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 27   Madame Biersay, je vous salue à nouveau. Vous avez donc la parole.

 28   Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,


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  1   Madame, Messieurs les Juges.

  2   L'accusé a apporté une contribution substantielle à l'exécution de

  3   l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune qui était de déloger

  4   par la force la population non-serbe de zones que les Serbes croyaient

  5   leurs par l'histoire. La Chambre le sait bien, pour conclure à la

  6   participation à une entreprise criminelle commune, il ne faut pas

  7   nécessairement avoir commis un crime précis. La participation peut avoir

  8   pris la forme de l'assistance à ou de la contribution à l'exécution du plan

  9   ou de l'objectif commun.

 10   Nous vous l'avons déjà dit, l'accusé a apporté sa contribution à

 11   l'entreprise criminelle commune sous trois formes : il a promu l'idée selon

 12   laquelle il fallait, par la force, découper de ce qui avait été la

 13   Yougoslavie une Grande-Serbie; il a levé des volontaires armés et les a

 14   déployés pour combattre en vue de réaliser cet objectif; et il s'est livré

 15   à des actes de persécution, d'expulsion et de traitement inhumain par ses

 16   discours d'incitation à la haine.

 17   Et les éléments de preuves attestent de la contribution de l'accusé

 18   et apportent également la preuve de sa responsabilité en vertu des autres

 19   formes de responsabilité pénale. Parlons d'abord de sa contribution par sa

 20   campagne de discours de persécution. Comment s'y est-il pris ? Ses actes,

 21   ses mots, ses paroles et l'effet qu'ils ont eu doivent être compris et lus

 22   dans le contexte de ce climat de tensions, d'hostilités interethniques qui

 23   régnait dans une Yougoslavie qui s'émiettait.

 24   La symbolique puissante du Mouvement chetnik faisait appel au

 25   nationalisme ethnique, et lui, l'accusé, en a été un des partisans, un des

 26   adeptes les plus populaires et les plus efficaces. La renaissance chetnik

 27   qu'il a promue, le recours à une rhétorique de la violence furent une

 28   contribution précieuse à l'entreprise criminelle commune parce qu'elle


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  1   promouvait l'idée d'une terre serbe unifiée, homogène, et elle justifiait

  2   aussi le recours à la force pour y arriver.

  3   Pour preuve, par exemple, les pièces P1278 et P1196, où on retrouve

  4   la rhétorique et les activités de l'accusé qui sont reconnues comme animées

  5   par la haine, une incitation dangereuse à la haine et à la violence

  6   ethnique. La pièce 1278 montre qu'il est suspendu, qu'il est rayé de la

  7   qualité de membre de la société philosophique de Serbie en juin 1991. Le

  8   conseil exécutif de la société dit ceci, je le cite :

  9   "Le collègue Seselj, qui soutient une position de chauvinisme

 10   militant, a ouvertement prôné la violence et la haine ethnique comme moyens

 11   censés réaliser et servir les intérêts du peuple serbe."

 12   Alors qu'il avait été averti de l'effet qu'avait sa campagne de

 13   haine, l'accusé a généreusement propagé son message par les médias, par la

 14   télévision, la radio, la presse écrite, notamment ses propres publications

 15   : "Velika Srbija", ce qui veut dire littéralement "la Grande-Serbie", et

 16   par "Zapadna Srbija", qui signifie "la Serbie occidentale". Il a aussi fait

 17   appel à l'opinion publique directement en faisant des discours dans des

 18   grands rassemblements publics. Il a été le fondateur et le directeur

 19   général de "Velika Srbija". Sa popularité et son influence furent telles,

 20   si grandes, que les auditeurs de Serbie l'ont élu homme de l'année en 1991.

 21   Et il avait un auditoire considérable prêt à entendre sa campagne de

 22   persécution et de haine. Ses discours furent quelquefois à ce point

 23   incendiaires qu'ils remplissaient tous les critères qualifiant un acte

 24   direct de crime. Il a commis la persécution par le discours de la haine

 25   qu'il a prononcé à Vukovar et à Hrtkovci, et il a commis l'acte d'expulsion

 26   et d'actes inhumains par des transferts forcés à Hrtkovci.

 27   Certes, d'autres membres de l'entreprise criminelle commune n'ont pas

 28   nécessairement utilisé le même discours, les mêmes termes, ni partagé la


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  1   même idéologie chetnik que l'accusé, mais ces hommes avaient en commun une

  2   chose, c'est le même objectif criminel commun. En raison de sa popularité

  3   et du soutien politique et militaire sur lesquels il pouvaient compter, en

  4   raison de cette intention qu'il partageait avec les autres membres de

  5   l'entreprise criminelle commune, l'accusé en était un des membres, car non

  6   seulement son idéologie remplie de haine semblait justifier les crimes

  7   commis contre les non-Serbes, mais en plus de cela, elle faisait passer un

  8   message simple, facile à comprendre par les Serbes de la rue, qui étaient

  9   terrifiés par la situation qui se précisait dans leur pays et qui étaient

 10   terrifiés par les discours que faisait l'accusé, et c'est autour de ce

 11   message que se sont rassemblés les Serbes ordinaires. Il le savait, et il a

 12   exploité ce filon.

 13   L'accusé s'est servi de mots comme d'armes contre les non-Serbes dans

 14   sa campagne de persécution. Vous avez la pièce P1263 qui montre qu'il a

 15   utilisé sa publication "Velika Srbija" comme étant, je le cite, "une arme

 16   puissante". Il y a un article dans "Velika Srbija" qu'il faut comprendre

 17   comme étant une arme incessante que l'accusé utilisait sciemment.

 18   Dans la pièce P1215, c'est lui-même qui l'explique, et je le cite :

 19   "…les mots peuvent être des armes très dangereuses. Parfois, ils

 20   pilonnent comme le fait un obusier."

 21   Des témoins, comme Stoparic, sont venus décrire la façon dont le

 22   Serbe lambda entendait ce cocktail détonnant de nationalisme et de peur que

 23   cultivait l'accusé, émaillé d'appels à la vengeance. Vous avez les pièces

 24   P350 et 355 qui n'en sont que deux exemples parmi tant d'autres appels à la

 25   vengeance.

 26   Ses mots faisaient retentir, faisaient évoquer une perspective agréable,

 27   tentante, celle d'une Serbie plus grande, puissante. Et au début de cette

 28   présentation, on vous a montré comment l'accusé avait fait revivre cette


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  1   idéologie chetnik de la brutalité. Lorsque l'accusé utilise ce cri de

  2   guerre chetnik de la Grande-Serbie, il promeut, en utilisant ses mots, il

  3   justifie la subjugation, l'expulsion, le mauvais traitement infligés à des

  4   non-Serbes. Parmi les éléments de preuve importants à cet égard, il faut

  5   citer la pièce P1275, et vous avez aussi le témoignage du Témoin

  6   Oberschall, page du compte rendu d'audience 1 971, notamment.

  7   On trouve beaucoup de composantes dans cette campagne de persécution menée

  8   par l'accusé. En premier lieu, il prône la force pour conquérir et

  9   conserver ce qu'il considère être des terres serbes à l'extérieur de la

 10   Serbie. Simultanément, il attaque et qualifie de traître quiconque propose

 11   une solution pacifique au conflit. Un exemple : il prend la parole à

 12   l'assemblée serbe et il se sert de ses discours pour déclarer que pour

 13   parvenir aux objectifs territoriaux recherchés, il n'y a qu'une solution

 14   militaire, et pas de solution politique en Croatie qui nous conviendrait "à

 15   nous Serbes", dit-il. Pièce P1257.

 16   Pour accroître la tension, l'accusé martèle ceci publiquement. Il proclame

 17   que les Serbes, les Croates et les Musulmans de Bosnie ne peuvent tout

 18   simplement pas coexister. Il rejette, il condamne toute idée de

 19   négociations qui se baserait sur cette idée. Pour référence, Madame,

 20   Messieurs les Juges, permettez-moi de vous renvoyer aux pièces P1298 et

 21   P1211.

 22   Autre exemple, en octobre 1991, en réponse à des projets de propositions

 23   avant la Conférence diplomatique de La Haye qui permettraient que des

 24   parties de la Yougoslavie deviennent indépendantes tout en conservant un

 25   noyau fédéré et fédéral, l'accusé profère ces menaces. C'est la pièce P1259

 26   -- et il s'adressait à d'autres dirigeants serbes lorsqu'il a dit ceci. Je

 27   le cite :

 28   "Je peux vous le garantir, le Parti radical serbe va exhorter le peuple à


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  1   se soulever par les armes. Ne jouez pas avec vos vies et acceptez ce que je

  2   vous dis."

  3   La deuxième composante de cette campagne de persécution menée par l'accusé,

  4   elle consiste à mobiliser une force serbe armée et à justifier la

  5   commission de crimes, et pour ce faire, l'accusé propage un climat de peur,

  6   ce qui fait que les Serbes eux-mêmes peuvent croire qu'ils sont menacés.

  7   Vous avez le rapport du Témoin Anthony Oberschall. Il est aussi limpide que

  8   sa déposition. Il s'agit là de la pièce P5. Le Témoin Oberschall vous a dit

  9   que l'outil de propagande le plus efficace pour pousser une audience bien

 10   ciblée à agir de façon violente, c'est sans relâche insister, accroître

 11   l'anxiété, la peur, en répétant incessamment les messages de menaces.

 12   L'accusé et son organisation, SRS/SCP, ont, de façon incessante,

 13   évoqué la victimisation et le génocide subis par les Serbes au cours de la

 14   Seconde Guerre mondiale.

 15   Peut-on préparer la diffusion de la pièce P62. Il s'agit d'un extrait qui

 16   montre l'accusé en mai 1991, lorsqu'il a conjuré le spectre de hordes

 17   d'Oustachi qui se lançaient à l'assaut des Serbes en Croatie.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Nous, Serbes, nous sommes en danger. Les hordes fascistes croates se

 21   lancent à l'assaut des femmes serbes, des enfants serbes. Les hordes

 22   fascistes croates sont en train de planifier le génocide des Serbes."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   Mme BIERSAY : [interprétation] Vous avez cette foule à laquelle il

 25   s'adresse. Et que dit-il ?

 26   "Les racines mêmes de la cause serbe sont en péril. Des hordes d'Oustachi

 27   se lancent à l'assaut de villages serbes, de femmes serbes, d'enfants

 28   serbes. Les hordes oustachi essaient de parachever le génocide de la nation


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  1   serbe."

  2   Hier, l'accusé s'est présenté comme étant l'élément fédérateur des peuples

  3   ethniques de l'ex-Yougoslavie.

  4   Lui et le SRS/SCP n'ont cessé de lancer cette menace, cet

  5   avertissement, ils disaient que les non-Serbes constituaient une menace

  6   physique, démographique, culturelle et même économique pour les Serbes. A

  7   titre illustratif, je prends quelques échantillons parmi les éléments de

  8   preuve, notamment la pièce P1280 et la pièce P1205.

  9   Troisième composante de cette campagne de persécution menée par l'accusé.

 10   Il s'est servi du prétexte d'injustice historique pour justifier la

 11   revanche et la violence comme étant moralement légitimes et nécessaires.

 12   Par exemple, à la pièce P35, voici ce qu'il dit en guise de mise en garde

 13   en juin 1991, je cite :

 14   "Tous ceux qui n'ont pas la conscience tranquille ont bien raison d'avoir

 15   peur de nous, les Serbes. Ils ont bien raison de nous craindre. Nous, les

 16   Serbes, nous avons trop oublié, trop pardonné pendant l'histoire."

 17   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 18   Mme BIERSAY : [interprétation] "Nous avons dit aux Croates que si jamais

 19   ils avaient recours à des activités génocidaires contre --"

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, qu'est-ce que vous voulez dire ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'exige que l'on mette immédiatement à l'écart

 22   cette interprète parce qu'elle interprète exactement l'inverse de ce que

 23   dit Mme Biersay. Mme Biersay a dit :

 24   "Tous ceux qui n'ont pas la conscience nette devraient nous craindre,

 25   nous, Serbes."

 26   Et l'interprète a dit exactement l'inverse. Elle a dit :

 27   "Tous ceux qui ont une conscience nette et claire doivent avoir peur

 28   des Serbes."


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  1   Alors que Mme Biersay a dit : "Tous ceux qui n'avaient pas la

  2   conscience claire." Et ce n'est que par hasard que j'ai noté ceci.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, comme M. Seselj a une grande connaissance de

  4   la langue anglaise, il s'est rendu compte d'un problème. Alors, pour éviter

  5   cela, relisez la phrase.

  6   Mme BIERSAY : [interprétation] Ce sera un plaisir, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et je demande aux interprètes de traduire

  8   exactement. Allez-y.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] "Tous ceux qui n'ont pas la conscience

 10   tranquille devraient avoir peur de nous, les Serbes. Ils ont raison de nous

 11   craindre. Nous, Serbes, nous avons trop oublié, nous avons trop pardonné au

 12   cours de l'histoire. Nous avons dit aux Croates que si jamais ils se

 13   remettaient à se livrer à des activités génocidaires contre le peuple

 14   serbe, que non seulement nous allions nous venger pour chaque victime

 15   tombée, mais que nous allions aussi régler nos comptes et les comptes des

 16   victimes de la Première Guerre mondiale et de la Deuxième Guerre mondiale."

 17   Ce genre de déclaration publique avait pour objet d'encourager les Serbes à

 18   commettre des crimes contre les non-Serbes et de les absoudre de la

 19   responsabilité juridique, de la responsabilité morale pour avoir commis de

 20   tels crimes. Permettez-moi de vous renvoyer à la pièce P3. C'est l'addendum

 21   au rapport Oberschall, qui donne quelques exemples de ce genre de discours

 22   justificateur.

 23   Dernière composante de la campagne de persécution menée par l'accusé, son

 24   discours a aussi contribué à la création d'un environnement de coercition

 25   dans lequel les non-Serbes se sont sentis en danger, menacés. Ainsi, en mai

 26   1991, comme le montrent par exemple les pièces P1001 et P1003, l'accusé

 27   s'est servi d'un langage incendiaire à propos du génocide subi dans le

 28   passé par les Serbes et a invité à la vengeance en guise de représailles


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  1   après ces crimes du passé. Il a dénigré et avili les Croates, Musulmans et

  2   autres non-Serbes, leur a nié toute légitimité en tant que groupes

  3   nationaux, tout ceci pour saper l'idée que ces gens avaient des droits

  4   humains, et tout ceci pour approuver la destruction de ces peuples.

  5   C'est sciemment qu'il a utilisé des stéréotypes ethniques, par

  6   exemple, la pièce P1295, et ce recours intentionnel à encourager au mépris,

  7   à la haine du non-Serbe, et avait pour objectif d'inciter à la violence

  8   contre ceux qui n'étaient pas Serbes.

  9   Je remarque qu'à la page 48 du compte rendu d'aujourd'hui, ligne 21, c'est

 10   peut-être moi qui ai fait un lapsus au niveau de la cote. C'est la pièce

 11   P1295 que je voulais mentionner. Merci.

 12   C'est de façon systématique que l'accusé s'est servi du terme "Oustachi",

 13   sans que ce soit un langage chiffré. Il l'a fait pour dénigrer, pour avilir

 14   tous les Croates, pas seulement en tant que collabos nazis et fascistes de

 15   la Deuxième Guerre mondiale, mais il a qualifié tous les Croates de menace

 16   de mort pour les Serbes. C'est la raison pour laquelle il a sans arrêt, de

 17   façon répétée, utilisé ce terme tout au long du conflit.

 18   Tout comme il s'est servi de la symbolique profonde et puissante des

 19   Chetniks de la Deuxième Guerre mondiale pour mobiliser les Serbes, il a

 20   étiqueté tous les Croates d'Oustachi, tout ceci pour raviver le souvenir

 21   des atrocités fascistes commises sur les Serbes pendant la Deuxième Guerre

 22   mondiale et pour faire de tous les Croates d'aujourd'hui une menace pour

 23   les Serbes. Le Témoin VS-004 vous a expliqué la signification qu'il faut

 24   donner à ceci. Voici ce qu'il a dit exactement, je le cite :

 25   "Le mot 'Oustachi', pour tous les Serbes, c'est la pire des choses qu'on

 26   peut dire, parce que pendant toute l'histoire des Serbes, ce sont les

 27   Oustachi qui ont commis les pires crimes contre les Serbes. C'est la pire

 28   chose qu'il peut y avoir au monde. C'est le nom du bourreau."


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  1   Il s'agit ici de la page du compte rendu d'audience 3 380 et de la page 3

  2   624.

  3   Même si l'on regarde le programme politique du début 1990 - je parle ici du

  4   Mouvement chetnik-serbe, pièce P27 - là, on parle aussi d'un nouveau

  5   dirigeant oustachi qui a vu le jour en Croatie et qui est animé d'une

  6   nouvelle politique génocidaire dirigée contre les Serbes. Ceci est répété

  7   dans le manifeste politique du SRS en 1991, pièce P153, page 11. L'accusé

  8   récidive dans la pièce P179.

  9   De plus, l'accusé incite à rouvrir la boîte de Pandore, qui est celle

 10   de la responsabilité du peuple croate pour les crimes commis par les

 11   Oustachi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il le dit et il le redit. Il

 12   dit : Il faut que les Croates soient punis pour les crimes qui ont été

 13   commis. Prenez, par exemple, la pièce P32. C'est de façon répétée qu'il

 14   parle -- lorsqu'il parle des Croates de souche et de tous ceux qui

 15   représentent la Croatie d'aujourd'hui, il les qualifie d'oustachi.

 16   Les Témoins Stoparic et Karlovic vous l'ont dit, les volontaires de

 17   l'accusé se faisaient l'écho de ce langage, de cette terminologie. Par

 18   exemple, ils insultaient les détenus croates d'être des Oustachi, en plus

 19   des autres termes péjoratifs et négatifs qu'ils utilisaient.

 20   "Velika Srbija", la publication mensuelle de l'accusé, a publié des

 21   articles tels que la pièce P1289, lesquels critiquaient les échanges de

 22   prisonniers et disaient que les prisonniers de guerre oustachi devaient

 23   payer pour les crimes qu'ils avaient commis.

 24   Au cours de la période qui a précédé la guerre, le discours politique

 25   de l'accusé disait clairement à son auditoire que pour lui, tous les

 26   Croates étaient des Oustachi. Il l'a dit lui-même expressément, par exemple

 27   dans la pièce P34. Je le cite :

 28   "Comment est-on supposé négocier avec les Oustachi ? Est-ce que vous avez


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  1   vu aujourd'hui qu'il n'y a que des Oustachi dans la population croate ? Les

  2   exceptions sont des plus rares."

  3   En avril 1992, c'est la pièce P1194, l'accusé déclarait qu'il n'y avait que

  4   "16 bons Croates" qui avaient le droit de rester en Serbie. Le reste, il

  5   fallait les chasser de la Serbie.

  6   Si on lui posait des questions, si on formulait des critiques à

  7   propos de l'expulsion de non-Serbes de Serbie, l'accusé ne faisait que

  8   répéter à l'envi la mythologie chetnik que l'expulsion des non-Serbes

  9   n'était rien que "un échange civilisé de population". C'est ce que disait

 10   l'idéologie chetnik, et c'est l'idéologie que l'accusé lui-même a

 11   pérennisée.

 12   Le Témoin Stojanovic, par exemple - il s'agit ici de la pièce P528 -

 13   a décrit la façon dont l'accusé disait aux volontaires avant qu'ils ne

 14   partent au front qu'il fallait chasser les Oustachi où qu'on les trouve.

 15   Nous allons parler plus tard de l'effet dévastateur qu'a eu cette étiquette

 16   d'Oustachi que l'accusé a mis sur tous les Croates. C'est devenu

 17   particulièrement clair à Vukovar et à Hrtkovci. Vous le voyez dans les

 18   pièces P298 et P1201. Ces zones qui avaient été croates, il a dit que

 19   c'étaient des hauts lieux, des forteresses oustachi, le lieu où il y avait

 20   les pires Oustachi.

 21   Le Témoin Baricevic, aux pages du compte rendu d'audience 10 755-25

 22   [comme interprété] à 10 756-12 [comme interprété] a dit ceci :

 23   "On nous a enseigné l'histoire, et dans la façon dont on nous enseignait

 24   l'histoire, les Chetniks et les Oustachi étaient des ennemis du peuple

 25   yougoslave."

 26   Pour ceux qui étaient à Vukovar et qui ont entendu l'accusé dire ceci : Il

 27   ne faut pas qu'un seul Oustachi sorte vivant de Vukovar; pour ceux qui

 28   l'ont entendu qualifier tous les Croates d'Oustachi à Hrtkovci, le message


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  1   était des plus clairs. Tous les Croates étaient des ennemis et devaient

  2   être tués, et le seraient s'ils continuaient de rester là où ils étaient,

  3   là où ses volontaires et leurs sympathisants se trouvaient.

  4   L'accusé a également avili, dénigré et menacé les Musulmans avec ses propos

  5   incendiaires. Par exemple, dans la pièce P1180, lorsqu'il s'est adressé à

  6   la foule en juin 1991, l'accusé a annoncé qu'il disposait de bastions

  7   extrêmement puissants au nord-est de la Bosnie et a déclaré fièrement que :

  8   "Le simple fait que dans certains endroits, les Croates et les Musulmans

  9   n'ont pas dormi dans leurs maisons depuis des jours, évoque le fait que les

 10   actions menées par le Mouvement chetnik-serbe n'est pas si insignifiant que

 11   cela."

 12   En d'autres termes, le Mouvement chetnik-serbe a été couronné de succès et

 13   a réussi à inculquer la peur aux Croates et aux Musulmans, à tel point

 14   qu'ils n'osaient pas dormir chez eux. Et de cela, il est fier, et il l'a

 15   dit aux Musulmans de Bosnie. Il a dit :

 16   "Tout d'abord, la Bosnie est une terre serbe et elle restera serbe. Si cela

 17   ne vous plaît pas, il y a toujours l'Anatolie, vous pouvez vous y rendre.

 18   Pour ce qui est de la division des républiques, c'est une division

 19   dépassée, et le peuple serbe ne la reconnaîtra jamais et ne l'acceptera

 20   jamais."

 21   Avec une fréquence grandissante, l'accusé a continué de proférer ses

 22   menaces avec un bain de sang en Bosnie. Ceci est parvenu à un point

 23   culminant avant le mois d'avril 1992, lorsqu'il y a eu les prises de

 24   contrôle par les Serbes en Bosnie et la mise en place des dirigeants serbes

 25   de Bosnie dans les variantes A et B, tel que décrit aux Juges de la

 26   Chambre. Les Juges de la Chambre disposent des pièces P01192, ainsi que de

 27   la pièce P1293, la pièce P685, la pièce 1324.

 28   La rhétorique enflammée de l'accusé préparait le terrain pour une


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  1   violence discriminatoire contre les non-Serbes qui entouraient ces prises

  2   de contrôle. A la pièce P1324, par exemple, on voit qu'il se sert d'une

  3   conférence de presse à Belgrade pour menacer et intimider les Musulmans de

  4   Bosnie. Les Musulmans de Bosnie ont rejeté de façon unilatérale les

  5   ultimatums sur le territoire serbe. L'accusé a promis une "effusion de

  6   sang". Il a promis "une guerre civile sanglante", et il a promis des

  7   "rivières de sang", et que celles-ci s'ensuivraient.

  8   En qualifiant ceux qui étaient partisans de l'indépendance en Bosnie

  9   d'intégristes islamiques, il a employé le terme de "Chetnik", entre autres,

 10   pour évoquer, entre autres, les souvenirs de meurtres en masse de Musulmans

 11   par les Chetniks pendant la Deuxième Guerre mondiale.

 12   Dans une autre conférence de presse du même mois, c'était au mois de

 13   mars 1992, telle que décrit dans la pièce P1298, il a une nouvelle fois

 14   proféré des menaces. Il a dit qu'une "effusion de sang dans de plus grandes

 15   proportions" s'ensuivrait si des soi-disant intégristes musulmans

 16   souhaitaient jouer avec le feu, et il a appelé la terre, que d'autres

 17   membres de l'entreprise criminelle commune convoitaient, comme s'appelant

 18   la Grande-Serbie.

 19   Les Juges de la Chambre de première instance se souviendront des

 20   références de l'accusé au bain de sang qui se fait l'écho de l'allocution

 21   empreinte de menaces de Radovan Karadzic devant l'assemblée en octobre

 22   1991.

 23   En définitive, devant un rassemblement politique à grand renfort de

 24   publicité en Serbie en mai 1992, l'accusé était accompagné de Nikola

 25   Poplasen. Contrairement à ce que l'accusé a prétendu devant la Chambre

 26   hier, Poplasen était en réalité le président en exercice du SRS en Bosnie

 27   au mois de mai 1992. Des éléments pertinents à cet égard comprennent les

 28   pièces P218, P1205 à la page 8, et le P1208 à la page 15. Lors du


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  1   rassemblement, l'accusé a résumé les conquêtes territoriales des forces

  2   serbes et a insisté sur le fait qu'il fallait encore en faire davantage.

  3   L'accusé a continué à promouvoir le nettoyage, le nettoyage du côté

  4   bosniaque de la Drina, comme il le décrit lui-même dans la pièce P1200, et

  5   je cite :

  6   "La seule chose qui reste en Bosnie-Herzégovine est le nettoyage de

  7   la rive gauche de la Drina et la prise de contrôle du corridor entre la

  8   Krajina de Bosnie, la Semberija et la libération de la partie serbe de

  9   Sarajevo. Tout le reste est déjà entre nos mains."

 10   "Entre nos mains déjà."

 11   Pendant les mois suivants, la mise en place de ce "nettoyage des non-

 12   Serbes", les volontaires du SRS et du Mouvement chetnik-serbe ainsi que les

 13   sympathisants et d'autres forces serbes qui coopéraient avec eux ont commis

 14   activement des crimes brutaux dans le Grand Sarajevo, à Mostar et dans la

 15   région de Nevesinje.

 16   L'accusé a contribué à l'entreprise criminelle commune en mettant à

 17   disposition les volontaires de son parti SRS pour que ceux-ci soient

 18   intégrés aux forces de combat qui devaient mettre ceci en œuvre. Il était

 19   de plus en plus conscient du pouvoir de mobilisation de la propagande de

 20   persécution au sens général du terme. Il a reconnu à la pièce P1337 que :

 21   "Des spectateurs passifs sont tous des combattants potentiels. Il

 22   faut simplement les éclairer, leur apprendre, leur donner une éducation

 23   nationaliste, éveiller leur conscience patriotique et leur inspirer l'amour

 24   de la patrie. La propagande se fonde sur le fait qu'une grande majorité de

 25   personnes sont naturellement disposés à croire sans discernement tout ce

 26   qu'ils lisent, entendent ou voient à la télévision."

 27   Dans le contexte de la tension créée par la désintégration de l'ex-

 28   Yougoslavie et dans le cadre d'un conflit interethnique ouvert, cette


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  1   éducation nationaliste, d'après l'Accusation, était un euphémisme destiné à

  2   inciter à la haine contre les non-Serbes.

  3   Le fondement violent idéologique à base de persécution du SRS et du

  4   SCP, sa structure de style militaire ainsi que la position de l'accusé au

  5   sein de ce parti en tant que dirigeant incontesté lui ont permis de

  6   mobiliser et de contrôler un nombre incalculable de sympathisants. Ceux-ci

  7   comprenaient des volontaires qui ont été envoyés pour morceler certaines

  8   parties ou prendre certaines parties de la Grande-Serbie de la Croatie et

  9   de la Bosnie. D'après le chef du cabinet de guerre du SRS, Ljubisa

 10   Petkovic, tel que décrit à la pièce P1275, au mois de mai 1991, il y avait,

 11   d'après lui, 15 000 Chetniks qui appartenaient aux rangs de l'accusé.

 12   L'accusé est tout à fait conscient de l'influence qu'il exerçait, se

 13   targuant du fait qu'il exerçait une très grande influence sur l'opinion

 14   publique serbe, même à l'extérieur de la Serbie, et que des milliers de

 15   volontaires serbes l'écoutaient. La Chambre de première instance dispose de

 16   pièces pertinentes : le P1120 et le P1248.

 17   Sa capacité à proposer une force de combat qui pouvait assister à la

 18   mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune fait que sa mise à

 19   disposition d'hommes était considérable et substantielle. Ceci est

 20   particulièrement manifeste dans le fait que l'accusé estimait qu'il était

 21   habilité à promettre cette assistance pratique sur l'ensemble du territoire

 22   de l'ex-Yougoslavie. En conséquence, les autres dirigeants de l'entreprise

 23   criminelle commune et d'autres membres ont commencé à se tourner vers lui

 24   lorsqu'il y avait un besoin en hommes. Le fait qu'il puisse à la fois faire

 25   ces promesses et les tenir dément toute suggestion que l'accusé était une

 26   simple personnalité politique déconnectée de toute opération ou

 27   organisation militaire.

 28   La campagne de persécution de l'accusé permettait de recruter et de


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  1   motiver les forces combattantes afin de prendre la Grande-Serbie. Par

  2   exemple, nous souhaitons maintenant montrer la pièce P38. C'est l'édition

  3   de juillet 1991 de sa publication "Velika Srbija". Sur la première page, il

  4   y a une carte sur laquelle est inscrit "Grande-Serbie" et prétend que des

  5   gardes chetniks étaient présents, de la Macédoine jusqu'aux plages de

  6   l'Adriatique.

  7   En bas à gauche, vous remarquerez qu'il y a quelques propos suivis de

  8   points d'exclamation, et ce qu'on peut y lire, c'est ceci :

  9   "Frère serbe, n'oublie pas. Ce sont des terres des Serbes."

 10   Les frontières montrées sont celles que l'accusé ainsi que le SRS et

 11   le SCP destinaient à la Grande-Serbie. Je demande aux Juges de la Chambre

 12   de se reporter à la pièce P1074.

 13   Quelques semaines à peine avant que l'accusé n'envoie ses volontaires

 14   à Borovo Selo en Croatie, où ils ont participé au meurtre d'officiers de

 15   police croates, l'accusé s'est exprimé devant un auditoire très important à

 16   Plitvice, en Croatie.

 17   Avant que de vous montrer cela, il s'agit de la pièce P339, datée du

 18   17 avril 1991. On y voit l'accusé faisant l'éloge de Milan Babic et de la

 19   création de la SAO de Krajina. Ce qui est encore plus important, c'est que

 20   sur cette vidéo, vous constatez la popularité de l'accusé ainsi que l'effet

 21   qu'a son discours sur cette terre en Croatie, à juste titre une terre

 22   serbe.

 23   Et je souhaite que nous visionnions maintenant cette vidéo.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Journaliste : Dans une telle ambiance, le voïvode Seselj a déjà annoncé au

 27   début de la réunion, il a commencé son allocution lors de ce rassemblement

 28   politique.


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  1   'Voja' [phon], Serbie, Serbie, Serbie, Serbie, Serbie.

  2   Seselj : Ici vit le peuple serbe. Ici, c'est la terre serbe et elle

  3   restera serbe pour toujours.

  4   Frères serbes, sœurs serbes, vous vous trouvez devant les lignes de

  5   front défendant la serbe cause et les frontières serbes. Vous êtes dans une

  6   position très difficile. Vous êtes la portée même de toute la serbité.

  7   Le journaliste : Ils leur ont dit qu'ils allaient les laisser tranquilles

  8   et les Serbes en Croatie n'ont qu'un parti, le Parti démocratique serbe.

  9   Vous avez des dirigeants sages et courageux dirigés par cet homme.

 10   Ceux qui divisent la Serbie seront appelés des traîtres.

 11   Il n'y a qu'Ante Markovic, ses mercenaires et ces services du

 12   renseignements étrangers qui croient qu'il s'agit de problèmes importants

 13   aujourd'hui, que votre défense n'est pas importante. Votre défense et votre

 14   protection sont les plus importantes.

 15   Plutôt que de les calmer, Seselj a envoyé un message et a rassemblé

 16   les personnes.

 17   Seselj : Nous vous envoyons un message à tous les nouveaux Oustachi et

 18   chefs d'Etat du régime oustacha en Croatie : les dirigeants serbes ont été

 19   frappés par les Oustachi en Krajina serbe. Une tête serbe est tombée au

 20   Srem occidental et en Slavonie également. Nous allons les venger."

 21   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 22   Mme BIERSAY : [interprétation] Encore une fois, quelques jours plus tard, à

 23   Jagodnjak, en Croatie, l'accusé a évoqué le génocide des Serbes et a

 24   déclaré que les Croates ne pouvaient qu'avoir des terres à l'ouest de la

 25   ligne KOKV, la ligne de Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica."

 26   Je souhaite maintenant vous montrer la pièce P70, qui est également une

 27   vidéo, et je vais demander à ce que les Juges de la Chambre remarquent les

 28   applaudissements lorsqu'il évoque le refrain notoire de la ligne KOKV.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Les Croates peuvent, en ce qui nous concerne, quitter la Yougoslavie s'ils

  4   le souhaitent à tout moment. Nous les laissons partir librement. Ils savent

  5   qu'ils ne vont pas emporter avec eux une seule partie du territoire serbe,

  6   pas une partie du territoire lorsqu'il y a des villages serbes qui ont été

  7   détruits, des églises serbes détruites, des fosses communes serbes, des

  8   camps serbes, les Serbes à Jasenovac. Si nous autorisons cela, nous serons

  9   indignes de nos ancêtres couverts de gloire. Nous aurions honte face à nos

 10   descendants. Les Croates peuvent créer ce nouvel Etat, mais seulement à

 11   l'ouest de la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica. Tout ce qui est à

 12   l'est de cette ligne est serbe."

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Et il a dit aux personnes qui étaient là à

 15   ce rassemblement politique que s'ils cédaient une partie du territoire qui

 16   était à juste titre serbe, "nous serions indignes de nos ancêtres qui se

 17   sont couverts de gloire et honteux devant nos descendants."

 18   Son message de nettoyage ethnique aux fins de parvenir aux frontières

 19   occidentales du KOKV est tout à fait clair aux yeux de ses volontaires, que

 20   nous trouvons à la pièce P57 du 19 novembre 1991.

 21   Egalement, nous pouvons constater ceci dans cette séquence vidéo. Je

 22   demande aux Juges de la Chambre de regarder ce drapeau tristement célèbre

 23   chetnik qui comporte un crâne ou une tête de mort.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] 

 26   "Le journaliste : Les milices serbes qui posent pour une photographie. 'La

 27   liberté ou la mort' est le slogan sur le drapeau. Soyez libre ou vous êtes

 28   mort --"


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  1   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle ne peut pas entendre l'anglais.

  2   [voix sur voix]

  3   "La guerre sera terminée lorsque nous aurons nos frontières Karlobag-

  4   Karlovac-Ogulin-Virovitica. Tous les endroits où vivent des Serbes doivent

  5   être libres. Vous le savez. Vous devez nettoyer cela des Croates.

  6   Le journaliste : Un bon nombre d'entre eux font partie de la milice et sont

  7   des purs et durs, certainement pas du côté serbe --"

  8   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] Un volontaire dit :

 10   "La guerre sera terminée lorsque nous aurons nos limites Karlobag-Karlovac-

 11   Ogulin-Virovitica. Tous les endroits où vivent des Serbes doivent libres.

 12   Il faut nettoyer les Croates."

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, Madame le Juge, je dois

 14   intervenir, il s'agit d'un mensonge éhonté. L'homme qui donne cette

 15   déclaration a dit, je cite : "Nous devons régler nos comptes avec les

 16   Croates." Et Mme Biersay, ici, ment devant l'opinion publique entière en

 17   disant : Nous devons nettoyer les Croates. Et j'en appelle à vous pour que

 18   vous ne permettiez pas cela. Vous avez vu vous-mêmes, dans le texte et la

 19   traduction qui vous ont été remis, vous avez vu les propos tenus par cet

 20   homme. Moi, j'écoutais le canal serbe. Mme Biersay dit ici quelque chose

 21   qui est complètement différent. C'est une chose de régler ses comptes, et

 22   c'est une autre chose de les nettoyer --

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] Je vais interrompre. L'Accusation n'a eu

 24   aucun droit de soulever des objections pendant la présentation de M.

 25   Seselj.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- simplement, il y a un problème de

 27   traduction.

 28   Mme BIERSAY : [interprétation] C'est l'accusé qui dit qu'il y a un problème


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  1   de traduction. Il a une heure pour régler tout problème s'il y a confusion

  2   ou déformation des faits présentés par l'Accusation. Je crois qu'il

  3   faudrait déduire ce temps-ci de son temps.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans mon souvenir, celui qui intervient, il me

  5   semble que c'est un Américain qui vient de New York, et il explique les

  6   raisons de sa présence et du combat. Donc, il y a un problème, à savoir

  7   s'il dit "régler les comptes" ou "nettoyer".

  8   Alors, est-ce que vous prendriez sur votre temps pour qu'on revoie la

  9   vidéo, qui dure que deux minutes ?

 10   Mme BIERSAY : [interprétation] Non, je ne suis pas d'accord pour

 11   revisionner une séquence vidéo sur le fondement d'une intervention de

 12   l'accusé qui n'est pas appropriée. La pièce a été versée au dossier, la

 13   traduction a été lue, et ceci a été consigné au compte rendu d'audience.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président --

 15   Mme BIERSAY : [interprétation] Cette question devrait être adressée pendant

 16   son temps. Ceci n'est pas équilibré.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, puisqu'une interruption

 18   est survenue, j'ai été contraint d'intervenir. Je suis d'accord pour que

 19   l'on retire deux minutes de mon propre temps afin que l'on refasse passer

 20   cet extrait vidéo pour qu'on puisse voir que j'ai raison, pour qu'on puisse

 21   se convaincre que cet homme dit : Régler nos comptes avec les Croates, et

 22   non pas que nous nettoyions les Croates. Voilà, deux minutes de mon temps.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous avez dit que vous acceptez qu'on retire

 24   deux minutes de votre temps, quand vous aurez la parole, vous repasserez la

 25   vidéo. Bien.

 26   Madame Biersay, continuez.

 27   Mme BIERSAY : [interprétation] Ce qu'a dit ce volontaire était que

 28   l'objectif suivant -- la guerre serait terminée lorsque l'accusé -- que la


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  1   ligne KOKV serait réalisée. C'est là où je voulais en venir.

  2   Les propos de l'accusé ont eu un effet marqué sur les nationalistes

  3   serbes qui l'ont entendu. Certains ont répondu tout de suite après l'avoir

  4   entendu, tel que décrit par le Témoin Stojanovic dans la pièce P528;

  5   Stoparic, à la page du compte rendu d'audience 2 240 [comme interprété] à 2

  6   441; ainsi que le Témoin VS-2, à la page du compte rendu d'audience 6 526 à

  7   6 527.

  8   La position de l'accusé en tant que dirigeant et commandant chetnik

  9   incontesté au sein du mouvement SRS/SCP, ainsi que son vernis de légitimité

 10   en tant qu'homme politique, ont facilité son endoctrinement des

 11   volontaires, plus particulièrement pour inculquer la peur et la haine pour

 12   justifier une séparation ethnique et un déplacement par la force des non-

 13   Serbes.

 14   Tel que relaté dans la pièce P1074 par le chef adjoint du cabinet de guerre

 15   du SRS, avant que les volontaires ne partent au front, l'accusé plantait

 16   dans l'esprit des volontaires la haine pour les non-Serbes en leur disant :

 17   "Soyez des héros", "tuez des Oustachi" et "battez-vous pour la Grande-

 18   Serbie". Le discours haineux de l'accusé a fortement marqué les recrues du

 19   SRS et du SCP décrivant clairement l'objectif pour lequel ils se battaient.

 20   A la pièce P528, il est dit ce qui suit :

 21   "Un des objectifs de Seselj était de nettoyer ethniquement certaines

 22   parties de la Croatie qui, d'après lui, étaient une terre serbe."

 23   Les volontaires du Mouvement chetnik-serbe et les sympathisants qui

 24   ont commis des crimes essentiellement pour des raisons ethniques.

 25   Je vais maintenant afficher à l'écran une photographie qui a été versée au

 26   dossier sous le numéro P184. Ceci a été évoqué, me semble-t-il, dans la

 27   déposition de VS-4.

 28   En tant que commandant suprême, l'accusé a utilisé le Mouvement


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  1   chetnik-serbe et le SRS pour mettre en œuvre l'objectif de l'entreprise

  2   criminelle commune. Des hauts membres du cabinet de guerre du SRS ont

  3   relaté que leur leader à la fois du SRS et du Mouvement chetnik-serbe,

  4   l'accusé, avait pris des décisions importantes à propos de leurs politiques

  5   et des opérations qui devaient être menées. Son Mouvement chetnik-serbe et

  6   le SRS, ses cabinets de Guerre et ses cellules de Guerre, étaient destinés

  7   à étayer, en tout cas à promouvoir son mouvement pour les Serbes à

  8   l'extérieur de la Serbie. Ceci comprenait le déploiement de volontaires.

  9   L'accusé a nommé le Témoin Ljubisa Petkovic à la tête du cabinet de

 10   guerre et le Témoin Zoran Rankic en tant que chef adjoint. Ces déclarations

 11   décrivent comment l'accusé a gardé le pouvoir à la fois sur la cellule de

 12   Crise et le cabinet de guerre. Rankic, par exemple, a dit que :

 13   "Il avait tout pouvoir et qu'il prenait toutes les décisions lui-

 14   même."

 15   L'accusé était "toujours trois étapes au-dessus des autres", et ce n'était

 16   que l'accusé qui avait le pouvoir de promouvoir qui que ce soit au sein du

 17   SRS/Mouvement chetnik-serbe.

 18   L'accusé se gaussait de ces rôles pendant le conflit. Il a parlé de ses

 19   titres militaires, qui comprenaient le terme de commandant, de commandant

 20   suprême, voire même de "commandant des détachements opérationnels du

 21   Mouvement chetnik-serbe de la patrie". Ceci se trouve étayé par les pièces

 22   P59, P154 et P1058.

 23   Il aimait insister sur le fait qu'il exerçait toujours le contrôle sur la

 24   situation sur le terrain. Les volontaires du SRS et du Mouvement chetnik-

 25   serbe reconnaissaient également que l'accusé était leur commandant suprême.

 26   Pour d'aucuns, c'était un dieu. Le Témoin Kopic, aux pages du compte rendu

 27   d'audience 5 892, 5 893 et 5 913, a parlé dans sa déposition de ce

 28   phénomène.


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  1   L'accusé n'a pas hésité à utiliser son autorité, en déclarant :

  2   "C'est moi qui organise les interventions par notre organisation de

  3   guérilla et je définis les objectifs de l'attaque et les endroits que nous

  4   devons conquérir."

  5   Des éléments de preuve pertinents comprennent les pièces P154 et P59, ainsi

  6   que les dépositions de témoins, notamment le Témoin VS-33.

  7   De surcroît, l'ordre du jour de l'accusé était extrême et nationaliste; sa

  8   position, militante. Il souhaitait ne jamais céder une partie du

  9   territoire. Les terres serbes lui conféraient une autorité morale sur les

 10   membres de la TO et sur ses volontaires qui l'admiraient et qui

 11   partageaient sa doctrine de la Grande-Serbie. Comme l'atteste le Témoin VS-

 12   002 :

 13   "C'était un voïvode," dit-il. "Nous n'aurions jamais refusé d'obéir à son

 14   ordre."

 15   Madame, Messieurs les Juges, je vais maintenant aborder un autre chapitre,

 16   et c'est peut-être l'heure de la pause, alors je me retourne vers vous. Je

 17   ne sais pas ce que je dois faire. Souhaitez-vous que je poursuive ou est-ce

 18   un bon moment pour faire la pause ?

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause.

 20   Juste une précision.

 21   Vous avez cité une phrase :

 22   "J'organise les interventions de notre organisation de guérilla," et

 23   cetera.

 24   Quel est le document ?

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] Il s'agit de deux pièces que j'ai citées.

 26   C'est la pièce P59, plus précisément page 3 de la version anglaise.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci.

 28   Nous allons faire, donc, 20 minutes de pause.


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  1   Vous avez dû utiliser deux heures et 40 minutes, quelque chose comme ça.

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] Ensemble.

  3   --- L'audience est suspendue à 17 heures 43.

  4   --- L'audience est reprise à 18 heures 04.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  6   Madame Biersay, vous avez la parole.

  7   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   La première chose que l'on m'a demandé de faire est de me corriger. J'ai

  9   donné aux Juges de la Chambre une référence inexacte lorsque j'ai dit que

 10   la citation provenait de la pièce P59. Je l'avais sous les yeux, mais ceci

 11   n'est pas exact. C'est la pièce P39, et non pas 59.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je vous ai posé la question, c'est bien que

 13   j'avais un doute.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, je sais. Vous avez toujours raison,

 15   comme vous le dites, Monsieur le Président.

 16   Le Mouvement chetnik-serbe et le SRS ont non seulement coopéré avec des

 17   membres de l'entreprise criminelle commune aux fins de former et d'armer

 18   des volontaires, mais l'ont fait eux-mêmes. Comme nous l'avons évoqué par

 19   le passé, la contribution significative des accusés à la mise à disposition

 20   de volontaires a été rendue possible par le biais de l'assistance d'autres

 21   membres de l'entreprise criminelle commune. Ljubisa Petkovic, qui

 22   travaillait pour l'accusé en tant que chef du cabinet de guerre, a maintenu

 23   des contacts avec l'état-major général de la JNA et le ministre serbe de

 24   l'Intérieur afin de faciliter cette assistance. A la pièce P1234, l'accusé

 25   décrit le rôle de Petkovic, qui était d'organiser les volontaires, de les

 26   envoyer sur les champs de bataille, d'obtenir des armes et des uniformes et

 27   de mettre à disposition le transport, et cetera.

 28   A la pièce P1001, le journal de l'accusé, "Velika Srbija", a reconnu que


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  1   les radicaux avaient organisé plusieurs camps dans la région de Sombor aux

  2   fins d'entraîner les volontaires, y compris un camp à Prigrevica, qui était

  3   dirigé par un Chetnik du nom de Duc Jovo Ostojic. Le Témoin Gusalic a

  4   témoigné sur la prise de contrôle par les Serbes de Bijeljina, où les

  5   hommes de Seselj et les hommes d'Arkan ont participé à la fois à

  6   l'entraînement et à l'armement de la population serbe locale. A Sarajevo,

  7   le voïvode, l'accusé Branislav Gavrilovic a créé des centres d'entraînement

  8   par lesquels sont passés environ 1 500 volontaires du SRS et du SCP pendant

  9   la guerre. Ceci est étayé par la pièce à conviction P1000.

 10   L'accusé a exercé son autorité sur les endroits où ses volontaires étaient

 11   déployés. Des membres-clés de l'entreprise criminelle commune, de l'armée

 12   et de l'équipe dirigeante politique serbe, croate et de Bosnie-Herzégovine,

 13   y compris Milosevic, ont courtisé, encouragé et demandé à l'accusé de

 14   contribuer sa force de combat pour mettre en œuvre l'entreprise criminelle

 15   commune. Tel que noté à la pièce P1074, par exemple, Goran Hadzic et Milan

 16   Martic se sont rendus au cabinet de guerre et au bureau du SRS pour aller

 17   demander des volontaires. Je demande aux Juges de la Chambre de bien

 18   vouloir se reporter au paragraphe 86.

 19   Une pléthore d'éléments de preuve révèle que les volontaires étaient, sur

 20   l'insistance de l'accusé et des dirigeants du SRS et du SCP, déployés le

 21   plus souvent en tant qu'unités et n'étaient pas simplement incorporés à des

 22   formations existantes individuellement. Ils agissaient avec d'autres unités

 23   et, quelquefois, étaient subordonnés en tant qu'unités distinctes placées

 24   sous le commandement de la JNA et de la VRS, des TO locales, du MUP et des

 25   autorités municipales. Les Juges de la Chambre disposent, par exemple, de

 26   la pièce P1002 et P50 [comme interprété].

 27   Comme élément de preuve, l'accusé exerçait son autorité pour déterminer où

 28   ses volontaires étaient déployés, par exemple, je cite le cas de la


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  1   Slavonie orientale et de Vukovar, pièce P30, pièce P55, P1277 et la

  2   déclaration admise de Zoran Rankic, ainsi que celle de Ljubisa Petkovic.

  3   Une aide lui avait été demandée, il a promis cette aide, et il a fourni

  4   cette aide.

  5   L'accusé, lui-même, décrit comment :

  6   "En 1991, nous avons commencé à organiser des volontaires, et ce, de façon

  7   considérable et à les envoyer vers des lignes de front qui avaient déjà été

  8   établies, notamment en Slavonie orientale."

  9   Et j'aimerais demander à la Chambre de première instance qu'elle se reporte

 10   à la pièce P30.

 11   Il a également déployé des volontaires en Krajina. Dans la pièce P31, il a

 12   admis avoir réagi à la demande de Milan Babic, et ce, en lui envoyant des

 13   volontaires en Krajina, volontaires qui ont participé de façon active au

 14   conflit. En Slavonie occidentale, la Chambre de première instance a entendu

 15   des témoins tels que le Témoin VS-04 ainsi que le Témoin VS-033, et ils ont

 16   indiqué à la Chambre de première instance comment, à partir au moins du

 17   mois d'octobre 1991, des volontaires avaient été recrutés par le SRS et le

 18   SCP et avaient été déployés en Slavonie occidentale à la demande des

 19   Défenses territoriales serbes locales. Ljubisa Petkovic a avoué comment il

 20   avait lui-même personnellement affecté environ 500 volontaires à Okucani et

 21   en Slavonie occidentale. Zoran Rankic a déclaré avoir accompagné quelque 1

 22   000 hommes, quelque 1 000 volontaires du SRS/SCP dans la même région.

 23   Donc, en Bosnie-Herzégovine, nous retrouvons les mêmes structures de

 24   déploiement, où les dirigeants serbes avaient courtisé et encouragé les

 25   contributions de l'accusé. Par exemple, Biljana Plavsic, un membre de la

 26   présidence de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, a admis à

 27   l'assemblée des Serbes de Bosnie qu'elle avait envoyé une demande d'aide à

 28   l'accusé ainsi qu'à d'autres membres de l'entreprise criminelle commune.


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  1   Voilà ce qu'elle a dit :

  2   "Je cherchais des personnes qui étaient disposées à lutter et à se battre

  3   pour la cause serbe, à se battre pour le territoire de la Republika Srpska.

  4   Ces lettres ont été envoyées à l'Union soviétique, à Seselj, à Arkan et à

  5   Jovic."

  6   Et cela figure à la pièce P987.

  7   J'aimerais également demander à la Chambre de première instance de se

  8   reporter à la pièce P1206, pièce dans laquelle l'accusé se vante du fait

  9   que le Mouvement chetnik-serbe a contribué à envoyer un nombre illimité de

 10   volontaires au conflit en Bosnie. J'aimerais également demander à la

 11   Chambre de se reporter aux dépositions et aux éléments de preuve présentés

 12   par écrit et par oral par le truchement des Témoins Rankic, Jovic et le

 13   Témoin VS-037. J'aimerais également demander à la Chambre de première

 14   instance de se reporter à la pièce P1233, pièce dans laquelle l'accusé

 15   indique qu'il exerçait un contrôle important sur le SRS ainsi que les

 16   volontaires chetniks serbes qui avaient participé à l'attaque contre

 17   Zvornik.

 18   Alors, pour ce qui est de l'Herzégovine orientale, cette zone où se

 19   trouvent Trebinje, Mostar et Nevesinje, le président du SDS et du cabinet

 20   de guerre, dont le nom était Vucurevic, et qui était d'ailleurs l'un des

 21   collaborateurs les plus proches de Radovan Karadzic, et le voïvode de

 22   l'accusé, Branislav Vakic, décrivent, dans la pièce P55, comment le

 23   président du SDS et le commandant du cabinet de guerre a lancé un "appel

 24   absolument spectaculaire et dramatique" en demandant qu'un groupe important

 25   de volontaires du SRS et du SCP soit envoyé vers le front. L'accusé a réagi

 26   et a répondu en envoyant immédiatement des volontaires du SRS vers Mostar

 27   et Nevesinje ainsi que dans d'autres zones de la région. La Chambre de

 28   première instance a entendu que ses volontaires avaient opéré avec une


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  1   unité des Bérets rouges à Jezero. Il s'agit d'un document sous pli scellé.

  2   Si la Chambre le souhaite, je pourrais fournir la référence précise à la

  3   fin de l'audience ou à huis clos partiel.

  4   L'accusé a exercé un contrôle des volontaires sur le terrain. Tout comme

  5   n'importe lequel commandant ou général, l'accusé rendait fréquemment visite

  6   à ses hommes sur le terrain, notamment lorsqu'il se trouvait dans les

  7   municipalités recensées dans l'acte d'accusation. Par conséquent, il a

  8   renforcé son autorité morale ainsi que son autorité doctrinale même après

  9   que ses unités de volontaires ont été déployées sous le commandement de la

 10   JNA, de la VRS ou des Défenses territoriales. Par exemple, l'accusé a

 11   décrit comment il inspectait ses unités et comment il était quasiment

 12   constamment présent sur le front, surtout au début du conflit. Et

 13   j'aimerais demander à la Chambre de première instance de se reporter aux

 14   pièces P31 et P1181.

 15   Pour démontrer son importante contribution à l'entreprise criminelle

 16   commune, Bijelina Plavsic, en décembre 1992, a résumé l'impact que l'accusé

 17   avait car il motivait les combattants serbes et effrayait les non-Serbes.

 18   Dans la pièce P1310, voilà les propos qu'elle tient :

 19   "Il venait nous voir, se rendait sur le front. Sa présence était

 20   extrêmement importante pour les hommes. Les soldats parlaient de ses

 21   visites bien après son départ. En revanche, par ailleurs, le fait de savoir

 22   qu'il avait été sur le front démoralisait particulièrement nos ennemis."

 23   D'autres membres haut placés du SRS et SCP ont décrit également comment il

 24   se rendait très fréquemment sur le front pour rendre visite aux volontaires

 25   du SRS. J'aimerais à cet égard demander à la Chambre de première instance

 26   de bien vouloir tenir compte des pièces P1074 et C10.

 27   Dans la pièce 1191, l'accusé indique, lors d'un entretien de l'année

 28   1992, que ses volontaires étaient en contact constant avec la direction du


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  1   SRS/SCP et transmettaient des informations à partir du front. L'accusé se

  2   vantait très souvent de la portée du contrôle qu'il exerçait

  3   personnellement sur ses volontaires sur le terrain. Et cela s'est poursuivi

  4   en Bosnie. Par exemple, l'accusé s'est rendu à Sarajevo, et lorsqu'il le

  5   faisait, il inspectait les unités du SRS/SCP commandées par ses trois

  6   voïvodes, Branislav Gavrilovic, Vasilije Vidovic, ainsi que Slavko Aleksic.

  7   Ces visites font l'objet des pièces P1207, P1204 ainsi que P1221.

  8   L'accusé avait également le pouvoir ainsi que l'influence nécessaires

  9   pour intervenir personnellement, et ce, pour prêter main-forte aux voïvodes

 10   sur le terrain. Tel que cela est indiqué par les conversations interceptées

 11   P513 et P514, l'accusé souhaitait avoir un groupe de ses volontaires, qui

 12   était commandé par Gavrilovic, et voulait, en fait, qu'il soit sauvé d'une

 13   embuscade à Sarajevo en avril 1992. Alors, qu'a-t-il fait ? Il a tout

 14   simplement menacé les dirigeants politiques serbes de Bosnie, notamment

 15   Momcilo Mandic et même, d'ailleurs, Radovan Karadzic, qu'il retirerait tous

 16   ses hommes des lignes de front et qu'il ne les déploierait plus jamais. Que

 17   s'est-il passé ? Ses hommes ont été retirés, ce qui montre le pouvoir qu'il

 18   avait de retirer ses volontaires de la ligne du front et de coordonner ses

 19   actions avec d'autres membres de l'entreprise criminelle commune s'ils ne

 20   se pliaient pas à sa volonté.

 21   Puis, en dernier lieu, je dirais que l'accusé a publiquement loué les

 22   voïvodes qui avaient participé aux crimes commis. Lorsque je dis

 23   "finalement", j'entends par cela que j'arrive à la fin de ce volet de mon

 24   intervention. Alors que la guerre faisait encore rage, l'accusé a

 25   publiquement loué 18 commandants et chefs du SRS/SCP en indiquant qu'il

 26   s'agissait de héros, en vantant et en louant le rôle qu'ils avaient joué

 27   dans la lutte pour la Grande-Serbie et dans la lutte pour le changement de

 28   la carte ethnique de l'ex-Yougoslavie. Cela fait l'objet des pièces P217,


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  1   P255 et P218. Et comme l'a indiqué précédemment M. Marcussen, plusieurs

  2   personnes qui faisaient partie de ce groupe, notamment Gavrilovic, Vidovic

  3   et Aleksic, avaient participé directement à des crimes commis contre des

  4   non-Serbes.

  5   L'accusé avait envoyé des effectifs, et parce qu'il avait fait cela,

  6   il utilisait ce fait comme moyen de pression auprès d'autres membres de

  7   l'entreprise criminelle commune pour influencer les décisions en matière de

  8   déploiement eu égard à ses volontaires. Ce qui fait l'objet de la pièce

  9   C18, dans laquelle Petkovic rappelle comment, entre les mois d'août et

 10   d'octobre 1991, l'accusé avait menacé les dirigeants de la JNA qu'il

 11   cesserait d'envoyer des volontaires vers la Croatie à moins que des

 12   dispositions ne soient prises pour que des armes et des uniformes ne soient

 13   fournis aux volontaires du SRS et du SCP. Et que s'est-il passé ? Du fait

 14   de son influence, les dirigeants de la JNA lui ont accordé absolument ce

 15   qu'il voulait. Ils ont fourni armes et uniformes à ses volontaires.

 16   J'aimerais maintenant attirer l'attention de la Chambre de première

 17   instance sur une interview radio de l'année 1993, qui fait l'objet de la

 18   pièce P1233. L'accusé parle de la façon dont il a contribué à l'attaque

 19   contre Zvornik, et voilà ce qu'il dit :

 20   "Vous devez savoir que nos volontaires ont combattu avec l'unité spéciale

 21   du ministère serbe de l'Intérieur et que c'est grâce à cette action de

 22   coordination que Zvornik fut libérée à temps."

 23   Il s'agit, en fait, d'une partie de ce qui vous a été diffusé précédemment.

 24   Dans la pièce P342 [comme interprété], il a admis avoir envoyé au

 25   moins 30 000 volontaires armés au conflit en Croatie et en Bosnie. Excusez-

 26   moi, il s'agit de la pièce P342. J'espère vous avoir donné la bonne cote

 27   cette fois-ci.

 28   Dans la pièce P1249, voilà comment il résume sa contribution à l'entreprise


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  1   criminelle commune, et il le fait de façon très profonde et de façon très

  2   positive. Je cite :

  3   "Sans notre soutien et sans le soutien du Parti socialiste de Serbie, je ne

  4   pense pas que les Serbes de la Republika Srpska et de la République de la

  5   Krajina serbe auraient vu leurs succès couronnés de succès dans leur lutte

  6   pour obtenir leurs propres pays, leurs propres territoires."

  7   Il a envoyé ses forces de combat pour une seule raison : obtenir ce

  8   qu'il a toujours appelé de ses vœux, à savoir obtenir par la force sa

  9   Grande-Serbie et ainsi obtenir ou concrétiser l'objectif commun de

 10   l'entreprise criminelle commune. Dans la pièce P1207, l'accusé admet de

 11   façon très fière que grâce à son assistance aux autres membres de

 12   l'entreprise criminelle commune à la fin de l'année 1992, les Serbes

 13   avaient saisi environ 80 % du territoire de l'ex-République de Croatie et

 14   environ 70 % du territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovine.

 15   Voilà tous les éléments de preuve que je voulais souligner, éléments

 16   de preuve qui étayent la conclusion selon laquelle la Chambre de première

 17   instance pourrait conclure que l'accusé a contribué de façon importante aux

 18   crimes allégués dans l'acte d'accusation.

 19   Permettez-moi maintenant d'aborder le dernier des trois volets de

 20   notre présentation pour mettre en exergue certains des éléments à l'appui

 21   de tous les chefs de l'acte d'accusation. La commission des crimes retenus

 22   dans cet acte d'accusation est pertinente pour ce qui est de chacun des

 23   modes de responsabilité retenus.

 24   L'accusé, lui-même, a même commis certains de ces crimes, à Vukovar

 25   comme à Hrtkovci, et tous les crimes commis ont été le fait de forces

 26   d'entreprise criminelle commune. Il y a des traits similaires : leur

 27   ampleur, la portée géographique, leur durée prolongée montrent une chose,

 28   c'est que ce ne furent pas des crimes spontanés, ils avaient été


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  1   prémédités; deuxième preuve, c'est qu'ils s'inscrivaient dans l'objectif

  2   commun partagé par tous les membres de l'entreprise criminelle commune.

  3   Pour chacun des faits incriminés, vous verrez qu'il y a un modèle de

  4   comportement répété que vous a décrit les témoins. Voyons d'abord la

  5   Croatie. C'est là qu'on voit le premier conflit d'envergure qui éclate.

  6   C'était une zone qui relevait de cette ligne KOKV prônée par l'accusé,

  7   cette ligne qui reliait plusieurs villes, et pour lui, c'était là que se

  8   trouvait la frontière de la Grande-Serbie.

  9   A la pièce P298, il dit de Vukovar, en Slavonie orientale, que c'est

 10   le bastion le plus fort des Oustachi, et il dit que c'est la ligne-clé,

 11   c'est la ligne Maginot [phon] qu'il faut conquérir. Et lorsqu'on a parlé de

 12   la contribution de l'accusé, vous savez qu'il a fait des promesses et il

 13   les a tenues, ces promesses. Il avait promis d'envoyer des volontaires SRS

 14   et SCP de façon massive pour qu'ils participent au combat en Slavonie

 15   orientale, et il l'a fait. Parlant de Vukovar, la Chambre a été saisie

 16   d'éléments de preuve pertinents concernant les événements et les auteurs

 17   des faits à Vukovar. Vous avez entendu le témoignage de Theunens, Radic,

 18   Bosanac, Berghofer, parmi tant d'autres. Vous avez aussi les faits jugés

 19   admis par la Chambre dans sa décision du 8 février 2010.

 20   Les attaques d'artillerie de la JNA sur Vukovar avaient commencé en

 21   juillet 1991. A compter du mois d'octobre, Vukovar était battue par des

 22   tirs intensifs d'artillerie. C'était une offensive majeure déclenchée

 23  contre une cité à majorité non-serbe, et la JNA déployait sa 1ère Brigade de

 24   la Garde d'élite dans la région. Elle avait le commandement de toutes les

 25   unités armées opérant dans le secteur. Il y avait parmi elles la TO serbe

 26   locale, les unités de volontaires SRS/SCP, les hommes d'Arkan et des unités

 27   de police. Lorsque la ville tombe le 18 novembre 1991, près de 15 000

 28   personnes s'étaient déjà enfuies de Vukovar. C'étaient des scènes de


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  1   destruction absolue, totale. Et après le 18 novembre, il y eut de nouveaux

  2   milliers de non-Serbes qui ont été chassés. Le dossier vous le montre,

  3   toutes ces personnes qui ont été chassées, eh bien, de ces personnes, il y

  4   en avait 98 % qui n'étaient pas des Serbes de souche.

  5   Et vous avez la pièce P1291. C'est le mensuel publié par l'accusé, et

  6   il décrit Vukovar telle qu'elle était en début décembre 1991. Voici ce

  7   qu'il dit : c'était "une ville qui n'existe plus".

  8   Au cours des jours qui ont suivi la prise de la ville, les prisonniers de

  9   guerre, les personnes hors de combat, les civils, dont des femmes, des

 10   enfants et des personnes âgées, ont été rassemblés puis séparés et détenus

 11   à Velepromet, qui servait de QG de la TO serbe locale. Les hommes ont été

 12   battus brutalement, maltraités. Il y avait à Velepromet une pièce dont tout

 13   le monde avait peur, on l'appelait "la pièce de la mort". Aucune des

 14   victimes qu'on y a mises n'en est sortie vivante, et de cela, les

 15   dirigeants serbes étaient au courant à l'époque. Ils étaient au courant de

 16   ces exactions. Nous avons eu un des exemples les plus frappants à huis

 17   clos, c'est pour cela que je me permets de vous demander de vous rapporter

 18   à la page du compte rendu d'audience 7 531, lignes 7 à 9.

 19   Le 20 novembre 1991, il y a des bus entiers d'hommes non-serbes, qui

 20   viennent surtout de l'hôpital de Vukovar, qui sont d'abord emmenés à la

 21   caserne de la JNA et puis à la ferme d'Ovcara. Les prisonniers y sont

 22   brutalisés systématiquement et frappés. Berghofer dit que :

 23   "Il y avait des gens qui hurlaient, il y avait des coups, des

 24   hurlements, on piétinait les gens, on les frappait avec des barres de fer,

 25   avec des crosses de fusils, on leur donnait des coups de pied, on prenait

 26   n'importe quoi, tout ce qu'on avait sous la main, pour les frapper, et on

 27   recommençait. Au milieu du hangar, il y avait de la paille et du sang."

 28   Ruzica Markobasic a été tuée parce qu'on lui a tiré une balle dans le


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  1   vagin. D'autres prisonniers, comme Damjan Samardzic, ont été battus à mort.

  2   Plus tard, on a forcé les prisonniers à s'approcher d'une fosse à Grabovo,

  3   à peu près à 1 kilomètre de la ferme d'Ovcara. On les a tués au couteau et

  4   ils ont été exécutés par un peloton d'exécution. A Ovcara, on tuait

  5   d'autres prisonniers. Des experts ont, plus tard, exhumé 200 corps de la

  6   fosse d'Ovcara, et vous trouvez les détails à la pièce P819. Les auteurs

  7   physiques de ces crimes horribles étaient le président de la municipalité,

  8   Slavko Dokmanovic, les soldats de la JNA, les hommes d'Arkan et des

  9   volontaires SRS/SCP.

 10   L'accusé a affirmé que ses volontaires étaient partis de Vukovar

 11   avant les massacres, mais les éléments du dossier établissent que les

 12   volontaires du SRS/SCP étaient des participants actifs à ces crimes. Et il

 13   y avait, parmi les volontaires de l'accusé, le commandant chetnik Milan

 14   Lancuzanin, alias Kameni; Predrag Milosevic, Kinez; Predrag Dragovic, alias

 15   Ceca; Marko Ljuboj, alias Mare; ainsi qu'un volontaire surnommé Topola. Il

 16   y a eu certaines références qui sont à huis clos, et si vous le voulez,

 17   Madame, Messieurs les Juges, je vous les présenterai séparément.

 18   En résumé, la Chambre de première instance est en droit de conclure

 19   qu'à Vukovar, les forces serbes, contrôlées par des membres de l'entreprise

 20   criminelle commune, se sont livrées à des actes de persécution, meurtre,

 21   torture, traitement cruel, expulsion, transfert forcé, destruction

 22   arbitraire et pillage de biens publics et privés; en d'autres termes,

 23   responsables de tous les chefs de l'acte d'accusation.

 24   Vous vous souvenez sans nul doute de la discussion qu'il y a eue à

 25   propos des six objectifs stratégiques destinés au peuple serbe, objectifs

 26   qui déterminaient certains lieux géographiques, dont Zvornik, Sarajevo,

 27   Mostar et Nevesinje. La prise de contrôle par la force était essentielle si

 28   l'on voulait réaliser ce plan de la séparation et du nettoyage ethnique.


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  1   Manifestement, pour l'accusé, la Bosnie-Herzégovine fait partie de la

  2   Serbie. Il le dit dès janvier 1991, je le cite :

  3   "Nous n'allons donner à personne l'occasion de séparer la Bosnie des autres

  4   terres serbes."

  5   C'est ce que montre la pièce P1339.

  6   Nous en avons déjà parlé, l'accusé a participé à la réalisation des

  7   objectifs communs à l'entreprise criminelle commune et a déployé ses

  8   volontaires dans chacune des zones ciblées, convoitées. Par exemple, à

  9   Zvornik, les forces serbes ont commencé, en avril 1992, à expulser par la

 10   force pratiquement tous ceux qui n'étaient pas Serbes par des actes

 11   brutaux. Vous avez des éléments directement pertinents pour les événements

 12   et les auteurs à Zvornik, dont le témoignage de Boskovic, Kopic, Rankic,

 13   VS-36, 37, 38, 1012, 1013, notamment. Il y a parmi les éléments de preuve

 14   la pièce P959, ainsi que la pièce P1044, mais aussi la pièce P1045.

 15   Le 9 avril 1992, une force d'infanterie conjointe soutenue par

 16   l'artillerie de la JNA a attaqué la ville de Zvornik. Cette opération, elle

 17   avait été planifiée et elle avait été commandée par Arkan. En plus des

 18   hommes d'Arkan, il y a des policiers serbes locaux, des membres de la

 19   Défense territoriale et des volontaires du SRS/SCP qui y participent. Ces

 20   volontaires du SRS/SCP avaient été emmenés à Zvornik par Zoran Rankic avant

 21   l'attaque sur demande de la cellule de Crise de Zvornik. Examinez, s'il

 22   vous plaît, la pièce P1074 à cet égard, mais aussi le témoignage du Témoin

 23   VS-1062 et du Témoin 1013.

 24   Bon nombre de citoyens musulmans ont pris la fuite face aux forces

 25   serbes qui avançaient. Certains sont partis après avoir entendu dire que

 26   les paramilitaires venaient les tuer et après avoir été témoins des

 27   premiers meurtres. Au cours de l'attaque, les volontaires du SRS/SCP sont

 28   entrés dans un abri et ont placé en détention les femmes et les enfants,


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  1   alors qu'on a fait sortir 12 hommes qu'on a placés contre un mur et que les

  2   hommes d'Arkan ont abattus. Les femmes et les enfants ont été emmenés dans

  3   un centre de rassemblement proche de là, on les a forcés à monter dans des

  4   bus et ils ont été expulsés de la Bosnie. A partir de la fin mai jusqu'en

  5   juin 1992, les forces serbes ont poursuivi ces modes d'attaques

  6   systématiques, persécutions, expulsions, destruction, mauvais traitements,

  7   assassinats, dans toutes les localités autour de la ville de Zvornik. Je

  8  vous donne un exemple : le 1er juin 1992, des forces serbes, dont la JNA, la

  9   TO, la police, les paramilitaires, ont fait une rafle; ils ont rassemblé

 10   les civils musulmans non armés, les ont rassemblés à Klisa et Djulici, ont

 11   séparé les femmes des hommes, ont placé en détention les hommes à l'école

 12   technique de Karakaj, qui était surveillée par la police locale ainsi que

 13   par les forces de la Défense territoriale. Entre le 1er et le 5 juin 1992,

 14   il y a au moins 150 non-Serbes qui ont été assassinés à l'école technique

 15   de Karakaj. Le 5 juin 1992, 500 Musulmans qui avaient survécu ont été

 16   transportés à la maison de la culture de Pilica. Trois jours plus tard, la

 17   police les emmenait à l'abattoir de Gero à Karakaj. Lorsqu'ils arrivent à

 18   l'abattoir de Gero, les prisonniers sont forcés de descendre, on les emmène

 19   à l'intérieur, on les aligne, on les exécute. Il y a au moins 180 hommes

 20   qui ont perdu la vie de cette façon. Ces meurtres avaient été ordonnés par

 21   des membres de la cellule de Crise de Zvornik et commis par des volontaires

 22   du SRS/SCP et les hommes de Niski. On retrouve le même mode opératoire

 23   contre les non-Serbes dans toute la municipalité de Zvornik. Les civils

 24   sont expulsés de chez eux, sont placés en détention dans d'autres lieux de

 25   détention, par exemple à la fabrique de chaussures Standard, à la ferme

 26   Ekonomija, à la briqueterie Ciglana, à la maison de la culture de Celopek.

 27   Ce ne sont pas des meurtres spontanés dont nous parlons.

 28   Il restait un dernier groupe de Musulmans dans la zone de Zvornik,


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  1   c'était à Kozluk. Le 26 juin 1992, des forces serbes se composant de

  2   membres de la VRS, de la police, de la TO, des hommes d'Arkan, et une fois

  3   de plus, de volontaires du SRS/SCP, ont forcé les Musulmans de Kozluk à

  4   monter dans des cars et dans des camions. Les habitants de Kozluk ont été

  5   contraints de signer de fausses déclarations par lesquelles ils disaient

  6   qu'ils partaient de leur plein gré. Ils ont été envoyés en Serbie, et de

  7   là, en Autriche et ailleurs. Il y avait 12 ou 13 non-Serbes qui ont refusé

  8   de partir. Qu'est-il advenu de ces personnes ? Elles ont été tuées.

  9   Après la prise de la municipalité de Zvornik par les forces serbes,

 10   celles-ci se sont livrées à des actes de destruction à grande échelle, de

 11   mosquées et d'autres lieux de culte. Et, par exemple, des maisons

 12   abandonnées qui n'avaient pas été détruites pendant l'attaque ou après

 13   l'attaque ont subi des pillages intensifs de la part des forces serbes et

 14   ont été saisies par les autorités municipales serbes de Zvornik. Des

 15   détenus non-serbes de la briqueterie ont été obligés de piller et

 16   d'embarquer les marchandises dans des camions qui partaient pour la Serbie.

 17   On peut conclure qu'il y a de la part des forces serbes, contrôlées par les

 18   membres de l'entreprise criminelle commune, des actes de persécution,

 19   d'assassinat, de torture, de traitement cruel, d'expulsion, de transfert

 20   forcé, de destruction arbitraire et de pillage de biens publics et privés.

 21   A Sarajevo, on trouve la même campagne de persécution qui se

 22   poursuit, et c'est décrit par les Témoins VS-1055; VS-1111, Safet Sejdic;

 23   Perica Koblar, le Témoin VS-1060; et Mujo Dzafic. Vous avez aussi les

 24   pièces P1110, P993, P1045, P218, et P644. Les forces serbes ont attaqué les

 25   Musulmans, les ont tués et les ont chassés pendant la prise de contrôle du

 26   Grand Sarajevo.

 27   La création d'institutions uniquement serbes, d'institutions

 28   parallèles, les mesures discriminatoires prises contre les non-Serbes et la


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  1   présence de véhicules militaires sur les collines environnantes ont créé un

  2   climat de peur, de coercition pour les non-Serbes.

  3   Le Témoin VS-1055 vous a dit qu'il avait vu des reportages à la

  4   télévision qui montraient des cadavres dans les rues de Zvornik, qu'il

  5   avait entendu à la radio une description de la façon dont les hommes

  6   d'Arkan, mais aussi les hommes de Seselj, étaient entrés dans Bijeljina

  7   pour purger la ville de ses Musulmans. En raison de ces reportages, en

  8   raison de ce qu'il a entendu à la radio, cet homme a décidé de faire partir

  9   sa famille de la municipalité d'Ilijas. Arrive la fin mai, le début du mois

 10   de juin 1992, près de la moitié de la population musulmane du village de

 11   Ljesevo avait pris la fuite.

 12   Dans la soirée du 4 juin 1992, des forces serbes, dont des membres de

 13   la Défense territoriale d'Ilijas et un groupe de volontaires du SRS/SCP,

 14   menées par le "vojvoda" chetnik Vidovic, alias Vaske, ont attaqué et pris

 15   Ljesevo. Le village a subi des bombardements intenses, les maisons ont été

 16   pilonnées, les granges, les maisons, incendiées, et les biens appartenant à

 17   des non-Serbes ont été confisqués. Vaske est entré, a pris et a volé un

 18   téléviseur et a lancé une roquette dans la maison d'un particulier; c'est

 19   ce que vous disait à la page 7 833 le Témoin VS-1055. Pendant l'attaque,

 20   les civils non-serbes qui restaient ont été capturés et brutalisés. On a

 21   maltraité un groupe qui se trouvait là, qu'on avait aligné le long d'une

 22   clôture, de "balija", et on a tiré. Dix-sept personnes ont ainsi été

 23   assassinées. Les villageois qui n'avaient pas été tués pendant l'attaque

 24   ont été rassemblés à la gare ferroviaire. Là, on les a contraints à monter

 25   dans des bus et on les a ainsi éloignés de Ljesevo.

 26   Ce même genre d'attaques s'est répété dans d'autres villes et dans

 27   d'autres villages dans tout le Grand Sarajevo, comme vous le disait le

 28   Témoin Sejdic. Les hommes commandés par Vaske ont emmené certains des


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  1   villageois qui avaient survécu à Ljesevo dans l'entrepôt d'Iskra qui

  2   servait de lieu de détention dans la municipalité d'Ilijas. Là, de 130 à

  3   140 personnes non-serbes, dont des femmes et des enfants, étaient en

  4   détention dans des conditions innommables, inhumaines. Deux hommes qui

  5   avaient ordonné ceci aux détenus disent : 

  6   "Lève-toi quand vient un officier de la Garde de Seselj."

  7   Un détenu a été emmené, et on a plus tard exhumé son cadavre. C'est ce que

  8   vous a dit le Témoin VS-1055 aux pages 7 836 et 7 837 du compte rendu

  9   d'audience.

 10   Vers le milieu du mois d'août, les détenus ont été transférés dans la

 11   maison de Planja dans la municipalité de Vogosca, maison qui était

 12   surveillée par la VRS. On envoyait régulièrement les détenus pour des

 13   travaux forcés au front et là, ils étaient vraiment exposés aux pires

 14   dangers et utilisés comme boucliers humains. Vaske a aussi participé à la

 15   destruction de biens religieux à Ilijas, à Vogosca. Vous avez ceci aux

 16   pages 321 à 384 de la pièce P1045.

 17   Après les attaques menées dans le Grand Sarajevo, des mesures

 18   officielles empêchant le retour des populations non-serbes qui avaient été

 19   déplacées par la force ont été prises. Pièce P993, par exemple, voici ce

 20   qu'elle montre :

 21   Au vu de tous les éléments de preuve dont a été saisie la Chambre, une

 22   Chambre de première instance est en droit de conclure qu'aussi dans le

 23   Grand Sarajevo, des forces serbes contrôlées par des membres de

 24   l'entreprise criminelle commune se sont livrées à des actes de persécution,

 25   d'assassinat, de torture, de traitement cruel, de transfert forcé, de

 26   destruction arbitraire et de pillage de biens publics et privés.

 27   A Mostar, ceux qui n'étaient pas Serbes ont été systématiquement terrorisés

 28   par les forces serbes qui ont eu recours à la menace, à la violence


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  1   brutale, à l'assassinat, ainsi qu'au pilonnage et à l'incendie volontaire

  2   des villages et des lieux de culte. Beaucoup de victimes non-serbes qui

  3   avaient été placées en détention l'ont été dans des conditions terribles et

  4   ont été soumises à des travaux forcés dans des conditions dangereuses.

  5   C'est ce que vous ont dit les Témoins VS-1068 et VS-1067.

  6   Des témoins vous ont parlé de crimes précis commis à Mostar,

  7   notamment Fahrudin Bilic, Redzep Karisik, le Témoin VS-1067, le Témoin VS-

  8   1068, ainsi que Riedlmayer. Vous avez également d'autres éléments de preuve

  9   qui vous ont été fournis à huis clos. Parmi les documents pertinents, vous

 10   avez la pièce P217 et la pièce P888.

 11   Les forces serbes qui agissaient à Mostar et autour de Mostar

 12   comptaient dans leurs rangs la JNA, plus tard la VRS, des Bérets rouges et

 13   des volontaires du SRS/SCP menés par les "vojvoda" Oliver Baret et

 14   Branislav Vakic. A cet égard, veuillez examiner la pièce P217 ainsi que les

 15   autres pièces que j'ai déjà mentionnées.

 16   Après une explosion à proximité de la caserne de la JNA à Mostar le 3

 17   avril 1992, la JNA a commencé à tirer à l'aveuglette sur la ville et elle

 18   n'a pas cessé jusqu'au 20 mai 1992. Après cela, elle a chassé les non-

 19   Serbes d'un village proche, celui de Topola, pillé les maisons et incendié

 20   ces maisons. Pendant l'offensive, les mosquées de Mostar et d'autour de

 21   Mostar ont été particulièrement prises pour cible et détruites. Srdjan

 22   Djuric, un volontaire du SRS/SCP, s'est servi d'un lance-roquettes pour

 23   tirer plus précisément sur les mosquées. Le commandant du SRS/SCP, Oliver

 24   Baret, a reçu les félicitations de l'accusé pour le rôle qu'il avait joué

 25   dans l'attaque menée par les Serbes à Mostar.

 26   On retrouve ce mode de comportement devenu familier qui se répète ici

 27   et qui est le fait des forces de l'entreprise criminelle commune. Après

 28   l'attaque, Zdravko Kandic, commandant de la VRS, ordonne aux troupes de


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  1   rassembler tous les non-Serbes qui restent, de les chasser de chez eux, de

  2   les détenir. Il y a notamment le petit vestiaire du stade de Vrapcici, et

  3   c'est là que des civils non-serbes vont être maltraités et mourir de faim.

  4   Il y avait parmi ces forces serbes des volontaires du SRS et du SCP qui ont

  5   emmené au moins 88 des détenus s'y trouvant à la décharge d'Uborak, et là,

  6   chacune de ces victimes a été tuée systématiquement et laissée dans le

  7   ruisseau. A Sutina; pareil, au moins 18 hommes furent assassinés. Une

  8   Chambre de première instance est en droit de conclure que les forces serbes

  9   contrôlées par les membres de l'entreprise criminelle commune se sont

 10   rendues coupables de ces actes repris dans l'acte d'accusation.

 11   Madame et Messieurs les Juges, j'allais maintenant passer à

 12   Nevesinje, mais vu l'heure, je me demande ce que vous voulez faire.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vu l'heure, et puis vu le temps qu'il vous

 14   reste - il vous reste approximativement 30 minutes - alors, le mieux, c'est

 15   qu'on continue demain. Vous terminerez les 30 minutes et ensuite, M. Seselj

 16   aura ses 48 minutes, si je me souviens bien, et nous aurons ainsi terminé

 17   la procédure 98 bis.

 18   J'ai un petit regret, Madame Biersay. J'aurais bien aimé avoir un classeur

 19   avec tous les documents que vous avez cités --

 20   Mme BIERSAY : [interprétation] C'est faisable. Vous pouvez l'obtenir.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que ça m'aurait permis de suivre en temps

 22   réel tout ce que vous avez dit --

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà. Peut-être que demain, on aura quelque chose

 25   comme ça. Vous avez toute la nuit.

 26   Sur ce, je vous remercie et je souhaite à tout le monde une bonne soirée.

 27   --- L'audience est levée à 18 heures 57 et reprendra le mercredi 9 mars

 28   2011, à 14 heures 30.