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1 Le mercredi 9 mars 2011
2 [Audience de la Règle 98 bis]
3 [Audience publique]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 33.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est ouverte.
7 Je demande à M. le Greffier d'indiquer le numéro de l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame et Messieurs les
9 Juges.
10 Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj. Merci,
11 Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
13 En ce mercredi, 9 mars 2011, je salue toutes les personnes présentes,
14 notamment les représentants du bureau du Procureur. Je salue M. Seselj, et
15 je salue également toutes les personnes qui nous assistent, et
16 principalement M. le Greffier, qui siège non-stop depuis ce matin, ainsi
17 que la Juge Lattanzi. Je leur suis reconnaissant de leur présence.
18 Nous allons donc continuer la fin de la présentation par le bureau du
19 Procureur de ses observations concernant la procédure de l'article 98 bis
20 du Règlement. Le greffier m'a indiqué qu'il vous reste exactement 35
21 minutes.
22 Monsieur Marcussen.
23 M. MARCUSSEN : [interprétation] Auparavant, avant de poursuivre les
24 arguments de l'Accusation, si vous me le permettez, Monsieur le Président,
25 j'aimerais rapidement mentionner deux choses.
26 Je me suis rendu compte hier qu'à la page 16 720 du compte rendu
27 d'audience, ligne 7, il y avait une erreur au niveau de la cote indiquée.
28 J'ai parlé de la pièce 1138. Il fallait lire 1137.
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1 Ce qui est peut-être plus important, c'est que pendant la nuit, nous
2 avons essayé de vous aider et de répondre à votre demande. Nous avons
3 préparé des classeurs contenant les documents qui contiendront la plupart
4 des documents évoqués aujourd'hui. Ils ne sont peut-être pas tous présents,
5 et nous avions beaucoup de personnel qui avait fourni des copies de ces
6 pièces auparavant, mais j'espère que ceci vous sera utile. Nous avons
7 malheureusement ceci uniquement en anglais.
8 Si nous pouvons bénéficier de l'aide de M. l'Huissier, nous pourrons
9 fournir ceci à la Chambre.
10 Je ne veux pas insister sur le fait que c'est uniquement en anglais.
11 Si l'accusé veut une copie, il peut en avoir une; sinon, tant pis.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Bien, donc moi, je suis preneur.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire quelque chose ?
14 Madame, Messieurs les Juges, juste avant le début du procès, vous aviez
15 rendu une ordonnance à l'intention du Procureur. A chaque fois, il
16 s'agissait de sa part de nous préparer un aperçu des documents qu'il avait
17 l'intention d'utiliser en prétoire, quel que soit le témoin en question.
18 Cette ordonnance est toujours en vigueur. Il n'y a pas de témoin
19 comparaissant aujourd'hui, mais nous avons des Procureurs qui témoignent
20 parce qu'ils témoignent de leurs souhaits. Et s'ils font référence à
21 certains documents, il faudrait que j'aie cela sous la main, notamment
22 parce que je suis empêché d'avoir l'un quelconque de mes collaborateurs de
23 présent ici.
24 Le Procureur dispose à chaque fois d'une grosse équipe de personnel qui
25 l'aide, et moi, ici, je n'ai que cette belle gardienne à mes côtés pour me
26 tenir compagnie. Je ne me plains pas. Je n'échangerais pas ceux qui
27 m'accompagnent pour ceux qui accompagnent le Procureur, notamment pas
28 aujourd'hui, mais comment voulez-vous que je suive les documents auxquels
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1 ils se réfèrent ?
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, bien entendu, vous avez
3 raison sur le principe. Mais comme vous le savez, le bureau du Procureur a
4 rassemblé ces documents les heures précédent la tenue de cette audience.
5 Pendant que vous parliez, je regardais les documents, et je dois vous
6 dire qu'une grande partie, vous les connaissez, parce que ce sont des
7 photos d'édifices qui ont été détruits, donc la photo, elle n'a pas besoin
8 d'être traduite; il suffit de regarder la photo. Ensuite, il y a des
9 déclarations de témoins que vous connaissez parfaitement, puisque vous-
10 même, vous aviez recueilli par vos collaborateurs leurs propres
11 témoignages, donc ça ne sera pas une surprise. Il y a des listes de
12 victimes que vous connaissez parfaitement, et il y a quelques extraits de
13 vos livres, que vous connaissez mieux que quiconque, puisque c'est vous-
14 même qui avez rédigé votre propre livre.
15 Donc à première vue, il n'y a rien qui puisse vous porter préjudice, mais
16 ceci, moi je l'ai demandé pour que les Juges puissent être aidés dans
17 l'exposé du Procureur, comme si vous-même, vous nous aviez donné des
18 documents, et vous le savez, je les ai toujours lus, même s'ils étaient
19 rédigés dans la langue serbe.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, ne me comprenez pas à
21 tort. Je ne me plains pas sur le fond. Je présente une objection de
22 principe, parce que tout au fil de ce procès, j'ai été en position de
23 supériorité par rapport au bureau du Procureur, donc la chose ne me gêne
24 pas. De toute façon, dans ces documents, il n'y a rien qui puisse être
25 véritablement à charge, mais toujours est-il que le Procureur était censé
26 préparer cela à mon intention, et c'est là que s'arrête mon objection.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci, Monsieur Seselj.
28 Bien. Madame Biersay, sur ce, vous avez la parole.
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1 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame et
2 Messieurs les Juges.
3 Permettez-moi de vous informer du fait que j'ai l'intention de terminer la
4 dernière partie consacrée aux faits incriminés, puis je pourrai parler des
5 auteurs directs, ce qui me prendra 15 minutes, et puis je passerai le
6 flambeau à M. Marcussen.
7 [Soumissions de l'Accusation]
8 Mme BIERSAY : [interprétation] Hier, nous avions parlé des faits incriminés
9 à Vukovar, Zvornik, dans le Grand-Sarajevo ainsi qu'à Mostar. Aujourd'hui,
10 il reste une dernière partie de ce puzzle, c'est Nevesinje.
11 Les éléments à la base de ce mode opératoire répétitif dans les crimes que
12 nous avons déjà vus dans ces autres endroits se répètent ici à Nevesinje.
13 Vous avez été saisis du témoignage de Stoparic, de Riedlmayer, du Témoin
14 VS-1022, du Témoin VS-1051, du Témoin VS-1067, ainsi que des pièces P524,
15 P487, P880 et P881, entre autres, bien entendu, mais disons que nous nous
16 concentrons dans le cadre de notre exposé sur ceci, en guise d'explication.
17 En mai et en juin 1992, les forces serbes, dont la VRS, l'armée de la
18 Republika Srpska, la police locale, des membres du MUP serbe, de l'unité
19 des Bérets rouges de ce MUP serbe, des volontaires du SRS/SCP, des hommes
20 d'Arkan et d'autres paramilitaires ont attaqué le sud de Nevesinje. Les
21 civils qui n'étaient pas Serbes ont pris la fuite. Ils sont partis dans les
22 bois, car ils craignaient d'être tués. Ceux qui sont restés à Nevesinje, et
23 notamment les personnes âgées, ont effectivement plus tard été tués. C'est
24 alors que les forces serbes se sont mises à pilonner les villages se
25 trouvant au nord de Nevesinje. Pourtant, les villages où habitaient des
26 Serbes n'ont pas été attaqués.
27 Après le bombardement d'un village, les forces serbes y pénétraient,
28 brûlaient les maisons, puis en chassaient les habitants qui étaient restés
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1 et volaient tout ce qu'ils pouvaient emporter. Beaucoup de femmes et
2 d'enfants non-serbes ont été obligés de prendre la fuite en Croatie. Après
3 l'attaque, les lieux de culte musulmans et catholiques ont été détruits,
4 alors que l'église orthodoxe serbe, elle, est restée intacte. Elle a été
5 épargnée. Les non-Serbes qui n'avaient pas réussi à s'échapper étaient
6 rassemblés et capturés par les forces serbes, qui incluaient des soldats de
7 la VRS sous les ordres de Zdravko Kandic, et il y avait aussi parmi ces
8 forces serbes des volontaires du SRS/SCP et des Bérets rouges.
9 Un exemple, à la fin du mois de juin 1992 à Nevesinje, 76 civils musulmans
10 furent arrêtés dans les bois du côté de Velez. Une femme, après avoir été
11 capturée, a posé une question à un des membres des forces serbes; elle lui
12 a demandé de quoi ces non-Serbes étaient accusés. Cet homme a rétorqué, et
13 excusez-moi de ce langage un peu violent. Il a dit : Ferme ta gueule,
14 balija, balinka, ta faute c'est d'être Musulmane.
15 Quelque 28 hommes furent séparés des femmes et des enfants et furent tués.
16 Les femmes et les enfants furent ensuite transportés dans une centrale
17 thermique se trouvant à Kilavci, et dans cet endroit, ces personnes furent
18 détenues dans des conditions inhumaines et soumises à des actes de
19 brutalité. Par la suite, 44 de ces détenus, dont des enfants en très bas
20 âge, ont été assassinés et jetés dans un charnier. Cinq des femmes ont été
21 transportées à Boracko Jezero. C'est là que Petar Divjakovic et d'autres
22 forces serbes, dont des membres volontaires du Parti radical serbe et du
23 Mouvement chetnik-serbe, se sont livrées à des actes brutaux et ont gardé
24 emprisonnées pendant des mois entiers plusieurs d'entre elles. Pendant
25 cette détention, certaines des femmes ont été forcées de se convertir au
26 christianisme et de prendre un nom serbe si elles voulaient survivre.
27 Une Chambre de première instance est donc en droit de conclure qu'à
28 Nevesinje, des forces serbes, contrôlées par des membres de l'entreprise
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1 criminelle commune, se sont livrées à des actes de persécution, meurtre,
2 torture, traitement cruel, expulsion, transfert forcé, destruction
3 arbitraire et pillage de biens publics et privés.
4 Ce qui nous montre que ceci était vrai pour chacun des faits incriminés --
5 quelquefois je dis "Bosnie", mais cela bien sûr c'est pour faire court,
6 c'est pour dire "Bosnie-Herzégovine". Chaque fois que je dis "Bosnie" et
7 que j'ai dit "Bosnie", je voulais parler de la totalité de la Bosnie-
8 Herzégovine.
9 Nous avons vu comment ces forces de l'entreprise criminelle commune ont
10 réalisé cette campagne de persécution et de violence sans cesse répétée.
11 Des témoins, dont Babic, membre lui-même de l'entreprise criminelle
12 commune, dans la pièce P1137, décrivent les modes opératoires utilisés pour
13 réaliser ceci. Nous avons ici, dans la pièce P880, des ordres généraux qui
14 disent qu'il faut toujours tout raser par le feu, tout détruire, faire en
15 sorte que les gens et les villages disparaissent.
16 Ce mode opératoire de criminalité se répète partout; transferts forcés de
17 populations non-serbes, ce qui se fait en instillant la peur, en instaurant
18 la contrainte et en chassant les non-Serbes une fois qu'on a pris le
19 contrôle de villes ou de villages. Ce mode opératoire inclut le meurtre
20 systématique de non-Serbes; la détention des non-Serbes qui avaient
21 survécu, la mise en détention dans des camps où ils ont été victimes
22 d'exactions, d'abus, de viols, où ils ont été tués. Il y avait aussi dans
23 ce mode opératoire la volonté d'empêcher le retour des non-Serbes tant par
24 des mesures officielles que par le pillage et la destruction de leurs
25 foyers et de leurs lieux de culte.
26 Vous avez entendu bon nombre de témoins qui ont déposé devant vous et vous
27 ont dit cela, notamment Martic et Matovina à propos de Vocin; Berghofer,
28 Bosarac, Cakalic qui ont parlé de Vukovar; le Témoin VS-1000 et le Témoin
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1 VS-1028 qui ont parlé de Bosanski Samac et de Bijeljina respectivement; le
2 Témoin VS-1013 et les Témoins Alic et Banjanovic qui ont parlé de Zvornik;
3 le Témoin VS-1025 [comme interprété], le Témoin VS-11 [comme interprété] et
4 Dzafic qui ont parlé du Grand-Sarajevo; ainsi que les Témoins 1051 et 1052,
5 1067, et les Témoins Kujan et Tot à propos de Mostar et de Nevesinje.
6 Permettez-moi maintenant de parler des actes directement commis par
7 l'accusé.
8 Outre sa responsabilité pour des crimes relevant d'autres formes de
9 responsabilité, l'accusé est également responsable de crimes qu'il a lui-
10 même personnellement commis à Vukovar et à Hrtkovci.
11 La Chambre d'appel du TPIR a conclu dans l'arrêt Nahimana qu'un discours
12 d'incitation à la haine, à savoir discours qui dénigre un groupe du fait de
13 son appartenance ethnique ou de toute autre question discriminatoire, peut
14 constituer un acte sous-jacent de persécution. Un discours d'incitation à
15 la haine peut atteindre le niveau de gravité d'autres crimes contre
16 l'humanité, particulièrement lorsque ce discours a lieu conjointement avec
17 d'autres actes de persécution, et/ou a lieu dans un contexte plus général
18 de discrimination et de violence.
19 Eu égard à Hrtkovci, par exemple, l'accusé a admis hier qu'étant donné que
20 des réfugiés serbes quittaient la Croatie et affluaient en Vojvodine le
21 jour où il a prononcé son discours à Hrtkovci, il a dit, lundi dans ce même
22 prétoire, et je cite :
23 "Manifestement, dans une telle situation, l'atmosphère générale ne pouvait
24 pas être bonne."
25 Il savait à quel point cette situation était particulièrement
26 sensible et explosive lorsqu'il a prononcé ce discours.
27 Il a dit à la Chambre de première instance lundi que le Témoin
28 Oberschall avait témoigné et avait dit qu'il n'y avait pas eu de discours
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1 d'incitation à la haine prononcé par l'accusé. Ce n'est absolument pas ce
2 que le Témoin Oberschall a dit à la Chambre de première instance. Car aux
3 pages 2 114 [comme interprété] à 2 122 du compte rendu d'audience, voilà
4 les propos tenus par le Témoin Oberschall. Je cite :
5 "Les discours d'incitation à la haine sont utilisés dans les médias
6 et lors de conversations, de façon très vague et très générale. Si vous
7 souhaitez mener à bien une analyse sérieuse de la teneur de ces discours,
8 encore faut-il que vous soyez beaucoup plus précis à propos des propos qui
9 ont été tenus et de leur teneur."
10 Par la suite, il a dit :
11 "Vous avez exacerbé un sentiment de menace contre un groupe, ce qui a
12 engendré la crainte et l'angoisse ainsi que des exigences d'action.
13 L'élément essentiel de la propagande qui déclenche les actions est, en
14 fait, le discours truffé de menaces."
15 Et :
16 "J'ai illustré mon propos par des déclarations avec des extraits
17 vidéo, ainsi qu'en menant à bien une analyse du contenu de vos discours, ce
18 qui me pousse à dire que votre rhétorique nationaliste est extrêmement
19 connotée de menaces."
20 En réponse aux hypothèses de l'accusé, le Témoin Oberschall a déclaré
21 de façon très, très claire, et je cite à nouveau :
22 "Le contexte a son importance ici. Si vous préconisez la violence
23 dans une situation dangereuse où les civils, les non-combattants courent un
24 risque et se font tuer, alors certes il y a des raisons de vous poursuivre
25 conformément à la législation en vigueur."
26 Le Témoin Oberschall n'a jamais dit que l'accusé n'avait pas commis
27 ou n'avait pas prononcé de discours d'incitation à la haine, tel que défini
28 par la jurisprudence de ce Tribunal.
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1 A Vukovar, peu de temps avant que la ville ne tombe entre les mains
2 des forces serbes le 18 novembre 1991, l'accusé s'est rendu dans cette
3 région et a exhorté les forces serbes au nettoyage ethnique et aux meurtres
4 et aux assassinats.
5 Premièrement, aux environs du 8 novembre 1991, à Sid, il a déclaré
6 que, et je cite :
7 "Toute cette région sera bientôt débarrassée des Oustachi."
8 Que vous trouverez à la pièce P 1285.
9 Quelques jours plus tard, à Vukovar toujours, l'accusé a parlé à de
10 nombreux volontaires du SRS/SCP, qui, par la suite, seront identifiés comme
11 étant les auteurs les plus brutaux des crimes qui ont suivi. L'accusé a
12 exhorté les volontaires à la violence, leur a recommandé la violence en
13 leur indiquant qu'il n'y aura pas un seul Oustacha qui devra quitter
14 Vukovar en vie. Cela est confirmé par le paragraphe 69 de la pièce P1074,
15 par la pièce P868, ainsi que par les pages 11 182 [comme interprété] et 11
16 450 [comme interprété] du compte rendu d'audience. Il a ajouté qu'aucun
17 Oustacha ne devra rester sur le territoire serbe et que les combattants
18 serbes ne devront montrer aucune clémence et devront tout simplement les
19 tuer.
20 L'utilisation du terme "Oustacha", particulièrement péjoratif avec
21 ces connotations historiques dans un contexte et des conditions si
22 explosives, constitue une incitation à la haine et à la persécution, et ce
23 qu'il a dit a été compris par les témoins qui l'ont entendu comme un appel
24 aux massacres et un appel à l'exécution de tout prisonnier croate. Il y a
25 plusieurs facteurs aggravants à ce discours : le contexte dont parle le
26 Témoin Oberschall; l'atmosphère extrêmement tendue du champ de bataille
27 dans laquelle le discours a été fait; la position d'autorité réelle et
28 morale de l'accusé vis-à-vis ou aux yeux des volontaires du SRS/SCP; les
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1 discours particulièrement haineux prononcés en public par l'accusé; et
2 l'utilisation, comme cela était indiqué, du terme d'"Oustacha," pour
3 représenter tous les Croates. Comme nous l'avons vu, cela a non seulement
4 violé le droit des victimes à la dignité humaine, mais était également une
5 revendication de la violence qui a laminé le droit des victimes à la
6 sécurité.
7 Pour ce qui est de Hrtkovci, la Chambre de première instance a comme
8 référence le témoignage des témoins suivants : Ewa Tabeau, Baricevic, Ejic,
9 Paulic, les Témoins VS-61, VS-67, VS-1134, ainsi que les pièces P547, P556,
10 et P565.
11 L'accusé s'est concentré sur cette ville de Hrtkovci, qui était une
12 ville très paisible, où la population était mixte. Ce qui fait que cette
13 ville, en fait, est devenue le symbole du souhait de l'accusé pour obtenir
14 vengeance. Il a lancé une attaque directe contre les Croates en Vojvodine
15 lors du printemps de l'année 1992, notamment à Hrtkovci, avec l'intention
16 de les chasser de Serbie. Dans la pièce P893, pages 20 à 23, il est cité
17 lors d'une séance télévisée de l'assemblée nationale serbe le 1er avril
18 1992, où il explique cela très clairement. Les Croates ne pourront plus
19 dormir du sommeil du juste en Vojvodine tant qu'ils ne seront pas partis.
20 Il a également dit :
21 "Nous n'allons pas vous tuer, nous allons juste vous faire monter
22 dans des wagons et, dans des camions et des trains pour que vous essayiez
23 de vous débrouiller à Zagreb."
24 Il a justifié, en fait, cet appel au nettoyage ethnique en se fondant
25 sur ce désir de vengeance à la suite des expulsions de Tudjman, des
26 expulsions de Serbes de Croatie. Lors d'un grand rassemblement en Vojvodine
27 le 4 avril 1992, il a répété la même chose. La Chambre pourra le constater
28 à la page 2 de la pièce P 1298. Mais le paroxysme de cette attaque s'est
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1 passé le 6 mai 1992, lors d'un ralliement du SRS à Hrtkovci, alors que de
2 la musique chetnik était diffusée par des haut-parleurs. Il y avait des
3 volontaires armés, particulièrement effrayants, volontaires du SRS,
4 habillés, vêtus de l'uniforme noir des Chetniks de l'époque de la Deuxième
5 Guerre mondiale, qui déambulaient parmi la foule. L'accusé s'est adressé à
6 la foule, quelque 2 000 personnes, et il a parlé plus précisément aux
7 réfugiés serbes qui étaient venus de différentes régions de la Vojvodine
8 et, de la Slavonie orientale. Il y avait également des Croates dans cette
9 foule.
10 Lundi, il a essayé d'indiquer qu'il s'agissait d'un appel pour un
11 échange civilisé de populations, et que cela ne constituait pas un crime.
12 Mais voilà ce qu'il a dit à la foule rassemblée à Hrtkovci. Je cite :
13 "Dans ce village, dans ce lieu en Srem serbe, ce n'est pas un endroit
14 pour les Croates."
15 Il a également dit que les autres Croates devraient partir de la
16 Serbie :
17 "Nous allons les conduire jusqu'à la frontière du territoire serbe.
18 Ils pourront ensuite marcher s'ils ne veulent pas quitter de leur plein
19 gré."
20 Il a martelé sa poitrine plusieurs fois pendant le discours et a
21 proféré des phrases telles que :
22 "Laissez-les rentrer dans leur mère patrie."
23 Ce qui a suscité des applaudissements de la part de la foule et des
24 cris tels que "Dehors les Oustacha".
25 Il faut savoir qu'à l'époque sa réputation et son pouvoir politique
26 étaient tels que le fait qu'il était présent lorsque la liste de noms a été
27 lue, il s'agissait en fait de liste d'individus, ce qui a représenté un
28 sentiment de crainte pour ces personnes, les familles, et la population
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1 croate à Hrtkovci. La nouvelle de ce discours s'est propagée très
2 rapidement. Les gens ont pris cette menace très, très sérieusement, et
3 nombreux furent les témoins qui se sont présentés devant cette Chambre de
4 première instance et qui ont témoigné qu'ils ont quitté leurs foyers et
5 qu'ils ont fui la Croatie à la suite du discours prononcé par l'accusé. Et
6 la Chambre de première instance a également le rapport d'expert relatif aux
7 départs en masse de ce village en 1992.
8 L'attaque contre les civils croates à Hrtkovci entre mai et août 1992
9 a eu lieu alors qu'il y avait un conflit armé en cours en Croatie et en
10 Bosnie-Herzégovine, et s'inscrivait donc dans le cadre de la même attaque
11 systématique et généralisée contre la population civile.
12 L'article 5 n'exige pas qu'il y ait un lien matériel prouvé entre le
13 conflit armé et les actes de l'accusé, mais nous avons, en fait, entendu
14 comment l'accusé a préconisé, justifié l'expulsion de Croates de Hrtkovci,
15 parce qu'il a indiqué qu'il fallait absolument loger les Serbes qui avaient
16 été chassés de la Croatie, et que cela était également une mesure de
17 représailles contre les Croates, et ce, pour le fait que les Serbes avaient
18 été expulsés de la Croatie. J'aimerais également renvoyer la Chambre de
19 première instance aux pièces suivantes : P75, P882 [comme interprété] et
20 P893.
21 Et nous indiquons à la Chambre de première instance que compte tenu
22 de tous ces éléments de preuve, une Chambre de première instance pourrait
23 conclure que tous les chefs de l'acte d'accusation doivent être pris en
24 compte et la requête de l'accusé doit ainsi -- qu'il ne doit pas, plutôt,
25 être fait droit à la requête de l'accusé.
26 Je vais maintenant donner la parole à M. Marcussen.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
28 Veuillez procéder, Monsieur Marcussen.
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1 M. MARCUSSEN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, comme je l'ai
2 indiqué au début de la présentation des arguments de l'Accusation, une
3 audience au titre de l'article 98 bis est une audience à propos des moyens
4 de preuve versés au dossier.
5 Hier et aujourd'hui, l'Accusation a fait référence à des éléments
6 très précis du dossier en l'espèce qui forment la base de la condamnation
7 de l'accusé. La plupart des éléments de preuve auxquels nous avons fait
8 référence sont importants et doivent être pris en considération, mais nous
9 n'avons pas, bien entendu, pu faire référence à tous les éléments de preuve
10 présentés.
11 Lorsque la Chambre de première instance devra rendre sa décision, il
12 faudra, bien entendu, et elle le fera, il faudra qu'elle prenne en
13 considération l'ensemble du dossier, à savoir il y a plus de 1 300 pièces
14 qui ont été versées au dossier, et il faudra qu'elle prenne en
15 considération les témoignages viva voce des 84 témoins qui ont comparu
16 devant la Chambre de première instance.
17 Nous avons entendu pendant deux jours des éléments de preuve qui
18 démontrent que la popularité de l'accusé se fonde ou se base sur
19 l'idéologie chetnik et sur le fait qu'il a fait renaître, en quelque sorte,
20 l'organisation militaire chetnik. Son intention était de créer une Grande-
21 Serbie, et ce, par la violence et la crainte, la terreur.
22 Lorsque la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ont aspiré à
23 l'indépendance, les autres membres de l'entreprise criminelle commune ont
24 également voulu créer un espace pour les Serbes à l'extérieur de la Serbie
25 et créer une terre serbe. Ils ne voulaient pas que les Serbes se retrouvent
26 en position minoritaire dans des pays étrangers. Et pour éviter cela, ils
27 ont mis sur pied des forces conjointes afin de concrétiser la séparation
28 ethnique dont nous avons parlé lors de nos arguments. Cela a été fait en
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1 Croatie ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine de la même façon. Des organisations
2 parallèles ont été créées, des structures politiques, des structures
3 administratives, les forces de la police, et la Défense territoriale.
4 Et l'objectif était très clair. Par exemple, lors d'une conversation
5 interceptée de Karadzic dont il a été question hier, lorsque Karadzic fait
6 référence à la solution optimale, qui est la Grande-Serbie, Milosevic et
7 d'autres dirigeants serbes, notamment l'accusé, ont accordé à ce projet un
8 appui politique et matériel considérable, tel que cela est manifeste dans
9 les éléments de preuve. Leur appui, leur soutien a été fait grâce à des
10 efforts déployés par les dirigeants en Croatie et en Serbie, car le but
11 était de façonner le territoire serbe.
12 Les éléments de preuve que nous avons présentés démontrent qu'en mars
13 1991, Milosevic lance un appel à tous les dirigeants politiques pour qu'ils
14 fassent fi de leurs différences et qu'ils se rallient pour protéger les
15 intérêts serbes. Après cet appel, l'accusé a fourni ses forces, les
16 volontaires du SRS, pour prêter main-forte.
17 Nous avons étudié et pris en considération les différents éléments de
18 preuve versés au dossier à propos de l'armement, des efforts de formation
19 et d'entraînement, ainsi que pour ce qui est de la coordination entre ces
20 différentes forces dont le but était de créer une seule force de combat qui
21 pouvait être déployée. Ces forces de combat étaient composées par des
22 volontaires du SRS/SCP, des membres de la JNA, des membres de la VRS, des
23 forces de police locales, des forces de la Défense territoriale locale
24 établies en Bosnie-Herzégovine, ainsi que des membres du MUP serbe. Et nous
25 avons vu que lors du déploiement de ces forces en Croatie, non seulement la
26 communauté internationale a vu son attention attirée du fait des crimes
27 généralisés qu'ils commettaient, mais même des officiers de la JNA ont
28 présenté des rapports à propos de ces crimes par la voie hiérarchique. Et
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1 pourtant, les crimes ont continué à être commis. Et lorsque les mêmes
2 forces ont finalement été déployées en Bosnie-Herzégovine, la campagne de
3 nettoyage ethnique s'est poursuivie, toujours à la quête de cette Grande-
4 Serbie, tout comme cela avait été fait lorsqu'ils avaient commencé en
5 Croatie. Comme l'a dit Mme Biersay, cette campagne englobait les crimes qui
6 sont reprochés dans l'acte d'accusation.
7 Des témoins ont décrit les forces qui ont commis les crimes contre
8 eux. Ils ont décrit les méthodes systématiques par lesquelles ils ont été
9 expulsés, ont fait l'objet de sévices, ont été détenus, tués, et comment
10 différentes mesures ont été prises pour empêcher leur retour chez eux. Mme
11 Biersay a également présenté par le menu des éléments de preuve versés au
12 dossier qui montrent la contribution de l'accusé à ces différents efforts.
13 Lundi, l'accusé a fait une référence au Nahimana et a dit qu'il
14 n'avait jamais traité quiconque de cancrelat. Mais en fait, il y a des
15 différences remarquables. Il faut savoir, en fait, que Nahimana était le
16 fondateur d'un journal et d'une station radio qui a joué un rôle profond ou
17 un rôle important dans le génocide du Rwanda. L'accusé avait deux journaux
18 à sa disposition qui diffusaient ses points de vue. Ceux qui lisaient ce
19 qui était écrit et ceux qui entendaient l'accusé à l'époque, ses discours
20 d'incitation à la haine, savent à quel point cette propagande était directe
21 et ressemblait et reprenait exactement les mêmes techniques de propagande
22 qui ont été utilisées au Rwanda et qui ont été mises à l'épreuve,
23 d'ailleurs, dans de nombreux endroits. Il s'agissait de créer un
24 environnement de contraintes, il s'agissait de diffuser la crainte.
25 Et comme la Chambre d'appel l'a retenu dans l'affaire Nahimana, la
26 Chambre d'appel du TPIR, il faut savoir replacer les mots ainsi que leur
27 sens dans le contexte de l'époque. Et cela se trouve au paragraphe 701.
28 Alors, voyons ce que l'accusé a dit il y a quelque 20 ans dans le
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1 contexte de l'époque, dans le contexte du conflit. Donc, il s'agit d'une
2 compilation d'un certain nombre de conversations interceptées qui ont été
3 versées au dossier et qui vous présentent quelle était l'intention de
4 l'accusé et les propos qu'il a tenus à l'époque.
5 Oui, j'ai parlé de "conversations interceptées". Ce sont en effet des
6 extraits vidéo.
7 [Diffusion de la cassette vidéo]
8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
9 "Nos ennemis occidentaux essaient de se livrer à un nouveau génocide contre
10 le peuple serbe. Frères et sœurs serbes, nous avons pour mission de les en
11 empêcher, et nous envoyons ce message à nos ennemis. Non seulement nous
12 allons nous venger des victimes actuelles, mais de celles d'autrefois,
13 lorsqu'ils ont osé mettre le couteau oustachi sous la gorge serbe.
14 Mais en dehors de cette Serbie croupion d'aujourd'hui, la vie des
15 Serbes est menacée. Le nouveau chef oustachi, Tudjman, a dégainé sa dague
16 oustachi, l'a affilée et la met sous la gorge du peuple serbe. Les hommes
17 et les femmes serbes essaient de sauver leur peau.
18 Sur le territoire du Kosovo-Metohija, ceux qui ont servi dans les
19 forces armées oustachi n'ont pas le droit de vivre, pas plus que le
20 ministère de l'Intérieur de Croatie ni la Garde nationale.
21 Nous leur disons : Nous allons nous venger de chaque vie serbe qui a
22 été prise, et nous allons leur dire qu'ils devront payer aussi pour les
23 crimes de l'histoire récente.
24 Et lorsqu'on prend sa revanche, la vengeance est aveugle, et beaucoup
25 de Croates innocents vont souffrir.
26 Le peuple serbe de Bosnie-Herzégovine jamais ne reconnaîtra
27 l'indépendance de cette nouvelle Jamahirija.
28 La Bosnie-Herzégovine ne sera jamais un Etat indépendant ni
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1 souverain. Elle va plutôt se charrier elle-même dans des fleuves de sang.
2 Les Musulmans et les Croates ne représentent pas une menace pour
3 nous. Mais, frères et sœurs serbes, il ne faut pas hésiter, il ne faut pas
4 attendre, il ne faut pas de trêve. Parce que la prochaine fois qu'ils vont
5 frapper, nous devrions les achever afin qu'ils ne frappent plus jamais."
6 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
7 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, des "fleuves de
8 sang", "il faut les achever pour qu'ils ne reviennent pas", "des Croates
9 innocents souffriront", voilà le genre de propos tenus par l'accusé, ces
10 propos qui ont eu une incidence capitale sur la mise en œuvre de
11 l'entreprise criminelle commune, comme l'a indiqué Mme Biersay. Les
12 extraits vidéo sont tirés des pièces suivantes : P1003, P2, P331, P14,
13 P350, P396, P395 et P18. Les extraits se trouvent à la fin du classeur
14 remis aux Juges de la Chambre aujourd'hui.
15 Il est intéressant de constater que l'on peut tirer d'autres parallèles
16 entre l'accusé et Nahimana. Nahimana a été l'un des fondateurs d'un parti
17 hutu extrémiste, le CDR. L'accusé a lui-même fondé un parti extrémiste. Le
18 CDR a mobilisé une milice. L'accusé avait cette organisation du SCP qui
19 faisait partie du SRS. Le CDR a agi avec d'autres groupes au Rwanda, où ils
20 ont commis des atrocités. Le SRS/SCP et ses volontaires étaient déployés
21 auprès d'autres forces serbes et ont participé aux actes de nettoyage
22 ethnique dans des zones dont nous avons déjà parlé dans nos arguments.
23 L'importance de la contribution de l'accusé est peut-être manifeste
24 lorsque l'on pense aux volontaires, lorsque l'on prend en considération
25 certaines des régions où ont été déployées les forces de l'accusé et ses
26 voïvodes.
27 Nous avons préparé une pièce illustrative, qui est une carte. Vous
28 avez en orange les faits incriminés et les municipalités de l'acte
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1 d'accusation. Les carrés rouges représentent des lieux où ont été déployées
2 les unités du SRS/SCP, et les points mauves -- ou roses, plutôt, indiquent
3 les endroits où étaient déployés les voïvodes et les unités. Comme je vous
4 l'ai dit, cela permet d'illustrer dans une certaine mesure l'ampleur du
5 déploiement des volontaires du SRS/SCP. Nous n'avons pas, en fait, placé
6 au-dessus les six objectifs stratégiques définis par l'accusé, mais il
7 n'aura pas échappé à votre attention, bien entendu, que ces endroits sont
8 des lieux stratégiques où il y a eu des combats lourds de la part des
9 forces serbes.
10 Je n'ai plus beaucoup de temps à ma disposition, donc je vais tout
11 simplement essayer de mettre un terme en vous disant --
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez 120 secondes. Ça fait beaucoup de
13 secondes.
14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vais utiliser la moitié de ces secondes,
15 Monsieur le Président, pour vous dire tout simplement que la requête de
16 l'accusé aux fins d'acquittement devrait être rejetée.
17 Nous en avons terminé avec nos arguments, Madame, Messieurs les Juges, mais
18 je souhaiterais juste présenter une dernière demande.
19 L'accusé a maintenant une heure pour répondre. Je crois comprendre
20 qu'il lui reste 46 ou 48 minutes. Et j'aimerais indiquer qu'il est tout à
21 fait clair, lorsque l'on étudie la jurisprudence de la Chambre d'appel dans
22 l'affaire Deronjic et dans l'affaire Bajaguisa [phon], que lorsqu'une
23 partie répond à une réponse à une requête, cette partie ne peut absolument
24 pas soulever de nouvelles questions. Donc j'espère que l'accusé se
25 contentera bel et bien de répondre à ce que nous avons dit et ne va pas
26 saisir cette occasion pour présenter de nouveaux arguments. Et s'il le
27 fait, j'espère que vous interviendrez, bien entendu, Monsieur le Président.
28 Je vous remercie.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Marcussen.
2 Monsieur Seselj, vous avez 48 minutes, comme je l'ai indiqué. Vous avez
3 souhaité intervenir après le Procureur, et la Chambre a accédé à votre
4 demande en estimant que vous répondrez certainement à ce que le Procureur a
5 dit. Et donc, nous allons veiller à ce que votre intervention soit bien une
6 réponse à ce qu'a dit le Procureur. Et ce n'est pas le moment d'aborder des
7 points nouveaux non abordés jusqu'à présent. Bien.
8 Alors, Monsieur Seselj, vous avez donc la parole, et nous allons vous
9 écouter avec attention.
10 [Réplique de la Défense]
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, pendant ces deux
12 jours, les représentants de l'Accusation se sont comportés comme si, au
13 cours des trois ans et demi écoulés, aucun procès ne s'était déroulé ici,
14 comme s'il n'y avait pas eu de nombreux témoins de l'Accusation entendus
15 dans ce prétoire, et comme si ces témoins n'avaient pas été démasqués de
16 façon très claire dans le cadre de leur faux témoignage.
17 Je me suis adressé au Président de ce Tribunal et j'ai déposé une
18 plainte pour faux témoignage à l'encontre de 40 témoins il y a quelques
19 jours, 40 témoins présentés par l'Accusation en l'espèce. Alors, Madame,
20 Messieurs les Juges, vous avez été les témoins de ces fausses dépositions.
21 Il n'en est resté rien. Rien n'est resté de cette construction.
22 Vous avez été témoins de la façon dont leurs déclarations ont été
23 préparées, écrites par le bureau du Procureur et de tous les écarts que ces
24 déclarations pouvaient présenter avec celles qu'ils avaient données
25 précédemment aux autorités croates, par exemple. Et ensuite, il y a eu un
26 grand nombre de témoins qui ont confirmé avoir été soumis à des pressions
27 par le bureau du Procureur, à des menaces, qu'ils s'étaient vu contraints
28 de signer des déclarations. Cette méthodologie même utilisée par le bureau
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1 du Procureur est très bien connue de l'opinion publique. Le Procureur a
2 menacé des personnes qui risquaient d'être poursuivies au pénal. Il a
3 exercé des pressions en promettant une nouvelle vie à l'étranger, un
4 travail, un salaire. Certains ont obtenu cela, d'autres ne l'ont pas
5 obtenu. Ceux qui n'ont pas obtenu le bénéfice de ces mesures se sont
6 ensuite retournés contre le Procureur. Nous avons tout ceci.
7 Ensuite, le Procureur a cité un grand nombre de déclarations en
8 application du 92 ter. Il a été fait référence également aux déclarations
9 préalables des témoins qui ont déposé viva voce pour ensuite s'exprimer de
10 façon tout à fait contraire une fois dans le prétoire, comme si ce qui
11 comptait, c'était toujours ce que le Procureur avait préparé à leur
12 intention au préalable.
13 Et tout ceci, ce sont des méthodes qui, dans toute justice moderne,
14 ne sauraient être permises. Mais au Tribunal de La Haye, lorsque c'est du
15 Procureur qu'il s'agit, tout est permis.
16 Vous avez pu constater également que quelque chose d'intéressant
17 s'est produit. Le Procureur a renoncé à une partie des allégations de
18 l'acte d'accusation, et personne n'en a été informé, ni vous-mêmes ni moi.
19 Dans l'acte d'accusation, on parle de trois lieux en liaison avec le
20 discours d'incitation à la haine qu'on retient à ma charge. Maintenant on
21 ne parle plus que de deux localités. Hier et aujourd'hui, on n'a parlé que
22 de deux localités. Il y a une omission tacite de Zvornik, parce que
23 l'Accusation ne peut plus se référer au témoin qui a fabriqué sa déposition
24 concernant ce meeting du SRS en mars 1992, parce que ce meeting avait eu
25 lieu deux années plus tôt. Alors, le Procureur a peut-être espéré que ni
26 vous-mêmes, Madame, Messieurs les Juges, ni moi-même n'allions remarquer
27 cela. Mais il a bien renoncé à ces allégations.
28 Concernant Vukovar, vous avez vu, Madame, Messieurs les Juges, que le
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1 Témoin protégé 027 a déjà été discrédité dans l'affaire Mrksic, mais il a
2 comparu à huis clos en l'espèce, et il a également une nouvelle fois été
3 discrédité. C'est sur mon insistance que, Madame, Messieurs les Juges, vous
4 avez confirmé vous-mêmes que manifestement une partie des inscriptions dans
5 son journal avaient été ajoutées ultérieurement en raison de la présence
6 manifeste de caractères plus gros écrits d'une encre différente.
7 Le Procureur a inventé que j'aurais tenu des meetings à Vukovar
8 pendant la durée de la guerre et que j'aurais tenu là-bas des discours.
9 Mais c'est à de nombreuses reprises que j'ai exprimé ma position
10 concernant les Oustachi. Et aujourd'hui, je suis fier de tout ce que j'ai
11 dit, et je suis tout à fait disposé à prononcer à nouveau tous les discours
12 que j'ai prononcés. Cependant, à Vukovar, je n'ai pas tenu le moindre
13 discours, parce que les conditions pour la tenue d'un discours n'étaient
14 même pas réunies. Les combats étaient en cours tout autour de moi, les
15 personnes essuyaient les tirs de l'ennemi. Et vous avez entendu ici
16 l'histoire d'un homme qui a été tué par un tir de mortier qui avait été
17 tiré de très près. Donc cette participation qui aurait été la mienne à un
18 discours d'incitation à la haine est tout à fait inventée.
19 Concernant Hrtkovci, il n'y a absolument eu aucune attaque. Alors, la
20 référence au paragraphe 319 dans l'affaire Krajisnik est exacte, et il y
21 est indiqué que la Chambre d'appel, en cas d'infraction pénale d'expulsion,
22 ne saurait se limiter à la contrainte physique, mais également aux menaces,
23 à la peur de subir des violences, une détention, ainsi qu'à l'abus de
24 pouvoir. Mais il n'y a eu rien de tout cela non plus.
25 Moi j'ai tenu un meeting électoral à Hrtkovci, tout comme dans un
26 grand nombre d'autres localités situées en Serbie. Même si ce que j'ai dit
27 devait être considéré comme une infraction au pénal, en fait, j'ai fait une
28 promesse, j'ai promis qu'à l'avenir je commettrais une infraction au pénal
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1 si jamais j'obtenais le pouvoir. Mais il n'y avait là aucune violence ni
2 menace de recours à la force pour procéder à l'expulsion de quoi que ce
3 soit, et personne n'a été expulsé. Personne n'a fui Hrtkovci. Ceux qui ont
4 procédé à des échanges de biens ont parfois fait plusieurs voyages en
5 Croatie pour essayer de trouver la meilleure solution, le meilleur échange
6 possible pour eux. Donc les paroles que j'ai prononcées ne font l'objet
7 d'aucun doute, parce que vous disposez des mots que j'ai prononcés. Quant à
8 ce que de faux témoins ont ajouté aux discours que moi j'ai prononcés, le
9 Procureur continue à s'appuyer là-dessus. Pourquoi alors M. Marcussen et
10 Mme Biersay n'ont-ils pas dit que je me serais engagé pour que tous les
11 enfants issus de mariages mixtes soient tués, par exemple, et que tous ces
12 mariages mixtes donnent lieu à des divorces ?
13 La référence qui est faite au TPIR est tout à fait déplacée. Les
14 crimes qui ont été commis et traduits en justice devant le présent Tribunal
15 sont survenus après les crimes que l'on m'impute, donc vous ne pouvez pas y
16 faire une référence rétroactive pour ce qui est de la période pendant
17 laquelle j'aurais soi-disant commis des crimes. Je dois ici utiliser des
18 guillemets, faute de quoi le Procureur va affirmer que je reconnais quelque
19 chose. Parce que c'est la façon dont ils comprennent tout cela.
20 A l'époque où l'on m'impute la commission de crimes, je ne pouvais
21 pas savoir que la jurisprudence du TPIR procédait ainsi et condamnait cela.
22 Il a effectué également une comparaison entre les messages radio diffusés
23 par Nahimana au Rwanda et mes publications. Mais il n'y a pas de position
24 de cette nature dans ces publications. Ils m'attribuent également des
25 positions qui n'ont rien à voir avec moi. Lorsque cet entretien a été donné
26 par Nikola Poplasen et qu'il a fait une déclaration contre moi, eh bien,
27 c'est dans ce cadre-là qu'il convenait d'éclaircir tout cela. Il aurait
28 fallu établir un lien. Parce que moi, quel rapport ai-je avec un journal
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1 publié à Banja Luka ? Fondamentalement, nous étions deux partis ayant la
2 même idéologie, mais nous étions enregistrés dans des localités
3 différentes. Quel rapport y a-t-il là entre nous ? Ce sont des bêtises. On
4 ne peut absolument pas parler de commission de crimes à titre individuel.
5 C'est pendant deux heures que vous avez eu à écouter le Procureur à
6 ce sujet, et j'ai trouvé ça assez difficile à écouter en proposant des
7 citations de mes discours de 1990, 1991, 1992. Presque tout ce qui a été
8 proposé en point d'orgue à l'intervention du Procureur, presque tout cela
9 remonte à l'année 1991. J'ai reconnu mon discours le jour de Djurdjevdan
10 [phon], la Saint-Georges, à Romanija le 6 mai, un an avant que le conflit
11 n'éclate en Bosnie-Herzégovine, en 1991. Et je ne cesse d'y répéter que la
12 Bosnie-Herzégovine ne doit pas faire sécession, qu'il y aura un bain de
13 sang.
14 La Croatie non plus ne saurait faire sécession, qu'elle ne pourra pas
15 le faire sans bain de sang, en tout cas pas de la façon dont Tudjman
16 souhaitait le faire. Et tout un chacun vivant en Yougoslavie savait qu'il
17 était impossible que la Croatie et la Bosnie-Herzégovine fassent sécession
18 de la Yougoslavie.
19 Premièrement, les frontières qui existaient entre les unités
20 fédérales étaient des frontières arbitraires. Même les lois communistes ne
21 permettaient pas de les entériner. La Croatie n'était pas non plus un Etat
22 qui aurait intégré la Yougoslavie pour pouvoir ensuite quitter cette
23 dernière.
24 Au moment de la fondation de l'Etat yougoslave, cette création s'est
25 faite par la réunion du Royaume de Serbie avec la Vojvodine et le
26 Monténégro, qui en étaient déjà partie intégrante, et par unification avec
27 l'Etat improvisé des Slovènes, Croates et Serbes. Donc, des deux côtés, il
28 y avait un seul Etat serbe; un Etat complètement serbe d'une part, et
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1 d'autre part, un compromis entre les Slovènes, les Croates et les Serbes.
2 Et quelqu'un souhaite ici empiéter sur les droits collectifs des Serbes au
3 prétexte qu'ils seraient plus nombreux que les Serbes à un endroit.
4 Mais moi je me suis contenté d'avertir de façon prophétique à temps,
5 maintenant on ne m'a pas écouté, mais ça a été une erreur considérable.
6 Toute personne qui ne m'a pas pris au sérieux a toujours commis,
7 d'ailleurs, une erreur fatale, pas seulement dans le cas qui nous intéresse
8 ici.
9 Hier, M. Marcussen a insisté également sur un principe, le principe du tu
10 quoque, mais je n'ai jamais affirmé que les crimes commis par des Serbes
11 pourraient être justifiés par des crimes précédemment commis par les
12 Croates ou les Musulmans. En revanche, j'ai insisté sur le fait que les
13 choses se sont passées ainsi. Je ne l'ai pas fait pour justifier des crimes
14 serbes, mais pour attirer l'attention sur la situation dans laquelle ces
15 crimes sont survenus afin de vous montrer que ces crimes ne faisaient pas
16 partie d'un plan conçu au préalable par les dirigeants serbes, mais qu'il
17 s'agissait d'une réaction inappropriée aux crimes commis par d'autres. A
18 l'exception des crimes commis par Arkan à Zvornik, les autres crimes n'ont
19 pas eu lieu jusqu'au moment où, à Tuzla, une colonne de recrues de la JNA a
20 été prise pour cible alors qu'elle procédait à un retrait préalablement
21 convenu. Plus de 150 jeunes soldats ont été tués à cette occasion. C'est là
22 le problème.
23 A Zvornik, il n'y a pas eu de persécutions de Musulmans tant que les
24 réfugiés serbes de Tuzla et des environs n'ont pas commencé à arriver
25 massivement. Un afflux de Serbes réfugiés est arrivé en Serbie, et c'est
26 alors que je me suis rappelé ce principe de rétorsion comme étant une
27 solution partielle à une situation de cette nature.
28 Je n'essaie pas de justifier le moindre comportement qui aurait été
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1 le mien. Je me pose simplement la question suivante : Pourquoi le Procureur
2 n'a-t-il pas traité de façon équitable et égale les crimes commis par
3 toutes les parties ? Pourquoi parmi les Musulmans de Tuzla personne n'a-t-
4 il été mis en accusation ? Pourquoi personne à Sarajevo n'a-t-il été mis en
5 accusation ? Pourquoi personne des Croates de Zagreb n'a-t-il été mis en
6 accusation ?
7 Alors que pour les Croates, ils ont expulsé 300 000 Serbes, mais
8 personne ne leur en a cherché l'os, parce qu'ils ont un droit historique
9 d'expulser les Serbes, droit historique étayé et confirmé par l'Union
10 européenne et par l'OTAN. Alors que moi, si j'en appelle à une rétorsion
11 par la partie adverse, je commets des crimes. Le principe de rétorsion
12 existe, il est fondé en droit international public.
13 Ce ne sont que des interprétations récentes qui affirment que l'on ne
14 saurait y recourir à l'encontre de civils. Cependant, la doctrine plus
15 ancienne retient le principe de rétorsion à l'égard de tous, et la pratique
16 le confirme. Rappelez-vous le principe de rétorsion en République tchèque à
17 l'égard des Allemands sudètes, en Yougoslavie également à l'égard des
18 Allemands, sans citer même toute une série d'exemples similaires. Ce
19 principe de rétorsion c'est effectivement quelque chose de fort
20 désagréable, mais pourquoi n'avez-vous pas convaincu l'opinion publique
21 serbe et l'opinion publique mondiale du fait que vous étiez objectif et que
22 vous poursuiviez tout le monde avec la même force ?
23 Combien de Serbes a-t-on poursuivi ici et combien a-t-on poursuivi
24 tous les autres ensemble alors ? C'est la raison pour laquelle ce Tribunal
25 est antiserbe et le Procureur est antiserbe, parce que vous n'avez pas pris
26 des mesures et des unités d'étalons pareils. Pourquoi n'avez-vous pas
27 poursuivi des hommes politiques croates ? Parce que vous aviez eu un député
28 croate à l'assemblée qui avait salué avec un salut hitlérien en public.
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1 Pourquoi n'a-t-on pas poursuivi des hommes politiques musulmans ?
2 Pour qu'on voie qui avait plus de véhémence, qui avait eu plus
3 d'extrémismes. Vous pouvez, enfin vous avez estimé que vous pouviez
4 dissocier d'un contexte historique rien que mes discours à moi --
5 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre vous dit que ça ce -- on n'est pas dans
6 le 98 bis. Ça, c'est une plaidoirie que vous faites.
7 Nous, ce que nous aimerions savoir, c'est en quoi les éléments de
8 preuve du Procureur ne permettraient pas à un Juge raisonnable au-delà de
9 tout doute raisonnable de conclure, à la seule vue des documents du
10 Procureur, que vous seriez coupable. C'est ça qui nous intéresse. Le reste,
11 vous l'avez déjà dit 100 fois. Alors, ne perdez pas votre temps.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est là que gît la substantifique moelle,
13 Monsieur le Président. Vous avez tous été témoins ici. Vous avez même été
14 participants, vous, Juges, pour ce qui était de démonter les faux
15 témoignages des témoins qui sont comparus ici. Vous avez même, vous-mêmes,
16 dévoilé des faux témoignages. Il n'y avait pas que moi à le faire. Je peux
17 même vous donner des exemples.
18 Deuxièmement, vous voyez ce qui s'est produit ici.
19 Hier, M. Marcussen a montré une vidéo, des images d'une interview où
20 j'ai dit que les volontaires du Parti radical serbe à Zvornik étaient
21 commandés par le Voïvode Dragan Cvetinovic, Stene [phon]. Je l'ai dit en
22 1993 dans une interview quelconque, c'est exact. Alors, M. Marcussen dit à
23 ce sujet que les volontaires du SRS étaient commandés par Branislav Vukovic
24 -- Miroslav Vukovic, excusez-moi, et Mme Biersay, peu de temps après, dit
25 que ces volontaires du Parti radical serbe étaient commandés par Zoran
26 Rankic. Alors, qui est-ce qui est fou dans cette histoire ? Est-ce que
27 c'est moi qui le suis ?
28 Dragan Cvetinovic, surnommé Stene, je l'ai nommé voïvode chetnik. Il
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1 avait commandé les volontaires du Parti radical serbe à Zvornik, et nulle
2 part on ne le retrouve sur les listes d'auteurs de quelque crime que ce
3 soit. Il n'existe même pas sur les fiches de paie de la cellule de Crise de
4 Zvornik, parce que les volontaires sont retournés le 26 avril, lorsqu'il y
5 a eu chute de Kula Grad.
6 Miroslav Vukovic a été interviewé en tant que suspect par les soins du
7 Procureur. Le Procureur ne m'a pas donné cet enregistrement, ni la
8 transcription. C'est Miroslav Vukovic qui me l'a remis, et je l'ai publié
9 dans mon livre, "Instrumentalisation des faux témoins par le Tribunal de La
10 Haye." Il a expliqué comment il était arrivé à Zvornik. Il a expliqué ce
11 qu'il avait fait là-bas. Il n'était pas venu comme volontaire. Ils étaient
12 un groupe à avoir été engagés pour sécuriser l'usine de Glinica, et en leur
13 qualité de gardiens, ils avaient sécurisé aussi ce barrage de déchets
14 d'aluminium.
15 Ensuite, il y a à peu près un mois, vous avez versé au dossier un
16 document au sujet de Zvornik -- Topola, qui aurait fait une déclaration à
17 la police de la Republika Srpska où il a dit que le 26 mai, il est arrivé à
18 Zvornik en compagnie de Zoran Rankic, et il l'avait qualifié de commandant
19 des forces du Parti radical serbe. Il parle de Rankic, mais on voit qu'il
20 n'avait rien à voir avec le SRS; pas Rankic, Topola. Or, vous avez vu des
21 documents que s'est procurés le Procureur disant que Rankic avait déjà
22 démissionné en décembre 1991.
23 Donc, c'est de façon intentionnelle que l'on a créé un galimatias,
24 pour voir qui est-ce qui surnagerait, mais le Procureur s'est déjà noyé. Il
25 ne s'en est pas rendu compte; on ne le lui a pas dit. Mais il a tant et si
26 bien magouillé que c'est le cas.
27 On a vu que Rankic a commandé les forces serbes à Zvornik, mais c'est
28 une invention pure et simple. Arkan n'a jamais commandé des unités de la
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1 JNA. Arkan était payé par la cellule de Crise. La cellule de Crise ne
2 faisait pas confiance aux unités de la JNA. Ils étaient restés passifs à
3 Bijeljina, et ils avaient redouté de les voir rester passifs à Zvornik.
4 Donc ils ont donné une grosse somme d'argent à Arkan pour que celui-ci les
5 aide. Arkan a lancé une attaque avec la Défense territoriale locale. Il
6 s'est fait tabasser, il y a eu plusieurs morts, et il a rebroussé chemin.
7 Et ce n'est que l'après-midi que la JNA y est allée avec ses effectifs, où
8 il y avait des volontaires du Parti radical serbe.
9 Il y a le général Stankovic qui a témoigné ici. Il a dit lui-même
10 qu'il avait diligenté des enquêtes à Zvornik pour ce qui est de crimes
11 commis par Arkan, pour ce qui est des exhumations, des autopsies, et
12 cetera. Si la JNA ne s'était pas retirée de Zvornik, l'affaire aurait été
13 close.
14 On pu voir plus loin que le Procureur a dit que Kameni, Kinez et
15 Topola ont commis des crimes à la fosse Grabovo, non loin d'Ovcara, et que
16 tous les trois étaient des volontaires du SRS. Mais ça, on l'a déjà tiré au
17 clair une centaine de fois, ici. Il y a un jugement de la Cour suprême et
18 du tribunal de district qui dit que Kameni n'était pas du tout à Grabovo.
19 Tous les témoins ont confirmé que Kinez avait porté une étoile rouge
20 à cinq branches sur son couvre-chef, chose qu'aucun volontaire du Parti
21 radical serbe n'aurait jamais faite.
22 On a montré une vidéo. Le Procureur nous a montré une vidéo de Topola
23 qui a été reconnu par le Témoin 051. On voit que Topola porte une étoile à
24 cinq branches rouges et des baudriers blancs de la Police militaire, mais
25 le Procureur n'en fait rien du tout, comme si on n'avait pas démontré le
26 contraire. Il continue à chanter son tralala, tralala, comme si ne rien
27 n'était, mais sans aucun fondement sur les témoignages des témoins qui sont
28 comparus ici.
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1 On ne peut pas, à partir des documents ou des témoignages, prendre
2 rien que ce qui nous arrange. Quand vous prenez ce qui vous arrange, vous
3 voyez bien que le tout ne signifie rien et que ça ne vous permet d'aboutir
4 à rien.
5 S'agissant de Sarajevo, combien de fois l'avons-nous tiré au clair ?
6 D'abord, on a pu voir que tous les faux témoins qui sont venus témoigner
7 pour ce qui est des sites autour de Sarajevo ont été complètement démentis
8 ici, dans le prétoire. On a pu voir que ni Vasko Vidovic ni Branislav
9 Gabrilovic, Brne, ni Slavko Aleksic n'ont pu faire l'objet d'une
10 démonstration de preuve de crimes. Si crimes il y a eu, les auteurs en
11 étaient quelqu'un d'autre ou d'autres, et je ne veux pas m'aventurer à
12 savoir qui. Mais ces trois-là n'étaient pas des volontaires à l'époque que
13 le SRS aurait envoyés depuis la Serbie vers là-bas. Ils étaient là pour
14 défendre leur ville natale de Sarajevo. Ils n'avaient pas attaqué Sarajevo.
15 Ils avaient défendu Sarajevo.
16 Et vous avez un préjugé qui dit que les Croates se défendent, et que c'est
17 à eux, et que les Musulmans ne font que se défendre parce que c'est à eux.
18 Ce n'est pas vrai. Les Serbes s'étaient défendus au niveau de l'unité
19 fédérale croate et au niveau de l'unité fédérale de Bosnie-Herzégovine.
20 Le Procureur a reconnu hier que dans l'Herzégovine, nous avions eu
21 deux unités. Mme Biersay a, de façon délibérée, pris l'appel de Bozidar
22 Vucurevic, président de l'époque de la municipalité de Trebinje, nous
23 demandant d'envoyer des volontaires, et elle a présenté les choses comme
24 s'il avait demandé à ce que les volontaires aillent à Nevesinje. Ils sont
25 arrivés à Trebinje, ils se sont installés à un site militaire de Grabovo,
26 et ils ont patrouillé sur un grand secteur entre la municipalité de
27 Trebinje et la municipalité de Dubrovnik. Cette région-là était en majorité
28 serbe, mais c'était assez peu peuplé, parce que pour des raisons
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1 économiques, même avant la guerre, les Serbes avaient quitté la région,
2 parce que du point de vue économique, c'était une région très, très pauvre.
3 Nous avons déterminé ici, partant de déclarations faites par
4 plusieurs témoins, que Denis Baret était commandant des unités à Mostar. On
5 a déterminé le fait qu'il était parti le 19 mai en compagnie des unités de
6 la JNA. Le 25 mai, il était en ma compagnie à moi à Podgorica, lorsqu'on
7 m'a jeté une grenade dessus, et il a été l'un de ceux qui avaient été le
8 plus grièvement blessés par cette grenade.
9 Miroslav Vukovic est arrivé mi-avril à Zvornik et il a été en ma
10 compagnie le 25 mai, lui aussi, à Podgorica, et lui aussi a été blessé là-
11 bas. Et quand vous voyez ce document que vous vous êtes procuré et qui a
12 été publié dans mon livre, lorsque je l'ai déclaré Voïvode, ce Miroslav
13 Vukovic, j'ai expliqué que c'était pour ses mérites de guerre en Slavonie.
14 Il n'est pas question de Zvornik. Il a eu la présence d'esprit pendant
15 l'attentat de Podgorica pour donner un coup de pied sur cette grenade pour
16 la balancer sous une voiture, ce qui fait qu'il n'y a pas eu de mort, et
17 les éclats n'ont touché que les extrémités inférieures des jambes des gens.
18 Il y a eu 60 blessés. Le Procureur l'a montré. Le Procureur a même
19 photocopié ce livre entier une fois, à ma demande. Je crois que vous allez
20 forcément vous en souvenir.
21 Pour ce qui est maintenant de crimes éventuellement commis à Sutina
22 et Uborak, à Lipovaca, où étaient donc ces volontaires du SRS, là-bas ?
23 Quand ces crimes sont-ils survenus ? Lorsque la JNA s'est retirée et
24 lorsque les Musulmans avaient organisé une insurrection dans le dos des
25 forces serbes. Jusque-là, ils étaient paisibles, loyaux. Ils ne se mêlaient
26 pas à des conflits et ils vivaient très bien. Puis ensuite, suite à
27 instruction de la part de quelqu'un, ils se sont insurgés, et la ligne du
28 front serbe a pété. Il y a eu un chaos et il y a eu des crimes de commis à
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1 Sutina et à Lipovaca, probablement, mais il n'y a pas eu là-bas de
2 volontaires du Parti radical serbe.
3 Parce qu'on sait fort bien, vous avez vu votre témoin à vous,
4 Stoparic, qui a dit que Vakic, en compagnie de 19 hommes, était venu pour
5 proposer de l'aide à Novica Gusic, le commandant de la Brigade de
6 Nevesinje, en se disant que s'il avait de l'aide, on ferait venir la moitié
7 des effectifs de Bubanj. Mais Gusic a été paniqué, et il a dit : Allez tout
8 de suite vous battre si vous voulez aller vous battre. Sur les 19, il y en
9 a quatre de blessés et trois de blessés. Ce sont de grosses pertes pour un
10 si petit groupe d'hommes. Et maintenant, on dit qu'ils sont allés violer et
11 qu'ils sont allés tuer ?
12 Bien sûr, le Procureur répète que les forces serbes se sont attaquées
13 à Nevesinje. Comment voulez-vous qu'ils s'attaquent à Nevesinje alors
14 qu'ils constituaient 90 % de la population là-bas ?
15 Vous avez eu Alex Sulejic, membre du Mouvement du Renouveau serbe,
16 qui a été au lac de Boracko, et il a dit qu'il était impossible d'avoir eu
17 là-bas des volontaires du SRS.
18 Et vous avez eu un faux témoin, le dénommé Dabic, qui dans sa
19 déclaration, a indiqué que des volontaires de Serbie étaient venus avec mes
20 photos à moi et des photos à Draskovic. Tout a été relativisé. Ça lui a été
21 raconté par des femmes chez un coiffeur. Il y a tant de bêtises sur
22 lesquelles on a fondé les chefs qui se trouvent à l'acte d'accusation.
23 Maintenant, Mme Biersay vient de redire qu'Arkan aussi a participé à
24 ces activités de combat à Nevesinje, mais il n'a jamais fait son apparition
25 là-bas. Les hommes à Arkan ne sont jamais venus là-bas. On parle de Bérets
26 rouges aussi. Ce n'est pas exact. On a tiré les choses au clair ici.
27 L'unité de la 2e Brigade montée avait, dans le cadre de son uniforme, des
28 bérets rouges, mais rien d'autre. Comme à Zvornik, l'unité qui est arrivée
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1 de Pancevo sous le commandement de ce commandant Stupar, qui est par la
2 suite devenu colonel, portait elle aussi des bérets rouges. Cette unité
3 s'est retirée dès que Kula Grad, en tant que place fortifiée, est tombée.
4 Il y a eu confusion de bon nombre de dates, et d'années aussi. On
5 mentionne le fait que je m'étais exprimé en disant que j'étais le
6 commandant suprême de l'armée de la guérilla du Parti radical serbe et
7 toute une série de choses de ce genre.
8 Nous avions constaté ici, et votre expert a contribué à la chose,
9 Theunens, l'employé du bureau du Procureur, y a contribué pour dire que le
10 1er octobre nous n'avions envoyé des volontaires que vers la Slavonie de
11 l'est pour défendre des villages serbes, illégalement en traversant le
12 Danube. On vous a fait savoir comment on s'était procuré des armes avec
13 l'aide de ce général Dusan Pekic à la retraite. Je m'étais adressé aux
14 médias de cette façon, à l'époque.
15 A compter du 1er octobre et au-delà, vous n'avez plus aucune
16 déclaration au sujet de l'armée du SRS ou de fonctions que j'aurais
17 exercées à cet effet. A partir du 1er octobre, les volontaires sont allés
18 uniquement dans le cadre des effectifs de la JNA.
19 Et vous avez bon nombre d'interventions de ma part qui vont à
20 l'encontre de la création de quelque formation paramilitaire que ce soit,
21 parce que je savais pertinemment bien que les formations paramilitaires,
22 c'était chose à encourager ou à laisser exister. Tant que la JNA n'avait
23 pas participé au conflit, nous avons dû défendre les villages serbes.
24 Vous nous avez menti hier en disant que les volontaires du SRS ont
25 tué 12 policiers croates à Borovo Selo. C'est un mensonge odieux de votre
26 part. Les policiers croates, une fois qu'il y a eu un cessez-le-feu de
27 déclaré, se sont attaqués à Borovo Selo par surprise, Borovo Selo étant un
28 village à 100 % serbe ou presque. Ils ont tué un volontaire, le seul qui
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1 venait du Mouvement de Renouveau populaire serbe, Borislav Milic. Il
2 n'avait même pas d'arme entre les mains. Lorsque les autres ont vu ça, ils
3 ont repris les armes, ils ont riposté, et bien sûr, c'est le courage qui
4 l'a emporté, et ce, en dépit du fait que les policiers croates étaient bien
5 plus nombreux. Ils se sont faits sauver par la JNA. Ils avaient déclaré
6 qu'ils ont eu 12 victimes. D'après nos renseignements, ils en ont eu
7 beaucoup plus. Ils avaient des mercenaires kurdes qu'ils n'ont jamais
8 déclarés comme étant des victimes aussi.
9 A Ovcara, on a exécuté exactement 200 prisonniers; 193 ont été
10 identifiés; sept n'ont pas pu être identifiés. Pourquoi ? Parce que ça
11 aussi, c'étaient des Kurdes ou des mercenaires étrangers aussi, et c'est la
12 raison pour laquelle il avait été impossible de les identifier, ceux-là.
13 Les Croates n'ont pas mentionné ces victimes parmi les Kurdes. Ils les ont
14 ensevelies secrètement, et ils étaient fort heureux de ne pas avoir à leur
15 payer leurs salaires, qu'ils ont payé dans le sang.
16 Alors, qui est-ce qui a engendré la guerre ? C'est ça la question
17 cruciale. Vous accusez constamment les responsables politiques, militaires
18 et policiers de la Serbie pour dire qu'il y a eu une entreprise criminelle
19 commune avec des objectifs criminels, des intentions criminelles, des
20 finalités criminelles. Pourquoi ? Parce qu'ils ont défendu un Etat qui
21 existait déjà du point de vue du système juridique, de la RSFY, de l'ex-
22 Yougoslavie. Les criminels c'étaient ceux qui avaient essayé de faire faire
23 sécession à la Croatie et à la Bosnie-Herzégovine. C'est eux qui ont
24 procédé à une entreprise criminelle commune. Le devoir de tout citoyen de
25 la Yougoslavie, le devoir constitutionnel de tout citoyen de la Yougoslavie
26 consistait à s'y opposer.
27 En application de la Loi sur la Défense populaire généralisée, toutes
28 les organisations avaient un rôle à jouer, et c'est la raison pour laquelle
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1 les partis politiques patriotiques - non, il n'y avait pas que le SRS en
2 Serbie, il y a les autres aussi - ont organisé des volontaires pour les
3 envoyer dans les rangs de la JNA. Il n'y a que les partis pro-occidentaux
4 traîtres qui n'ont pas pris part à ces activités. C'est eux qu'il aurait
5 fallu juger pour ne pas l'avoir fait.
6 Lorsqu'il y a eu déclaration de situation de danger de guerre imminent,
7 tout un chacun était censé se battre contre les séparatistes croates. Les
8 séparatistes croates, de par la tradition, sont des Oustachi. C'est une
9 expression fort vilaine. Mais dans la constitution croate, dans l'avant-
10 propos, on dit que cet Etat satellite d'Hitler était l'expression des
11 aspirations historiques du peuple croate. C'est eux qui se vantaient de ces
12 symboles oustachi.
13 Vous avez évoqué aussi le fait que je me suis employé en faveur de la
14 Bosnie serbe. Elle sera serbe à quelque date que ce soit. Parce que telle
15 qu'elle est, elle ne pourra pas exister comme ceci. Vous croyez que la
16 Croatie va pouvoir être maintenue dans les frontières actuelles ou
17 historiques ? Aucune chance. Dès qu'on se débarrassera de l'Union
18 européenne, de l'OTAN et de l'Amérique, tout sera différent. Ceux qui vous
19 protègent en sont conscients. C'est la raison pour laquelle je les dérange,
20 parce que je ne veux pas plier l'échine devant le nouvel ordre économique
21 international, devant cette globalisation et cette mondialisation; non,
22 jamais.
23 Une bonne partie de son discours, le Procureur l'a consacrée à la volonté
24 de souiller ces traditions du Mouvement chetnik-serbe. Ils ont dit que ce
25 Mouvement chetnik-serbe de la Deuxième Guerre mondiale était criminel. Le
26 Mouvement chetnik fait la fierté du peuple serbe. Il n'y a que les
27 communistes qui avaient déclaré les Chetniks comme étant des criminels, et
28 les ennemis des Serbes en ont fait de même.
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1 Le commandant chetnik, le général chetnik Drazen Mihajlovic, a été
2 décoré par l'ordre du mérite le plus éminent, l'ordre du mérite délivré par
3 le congrès. Ça, c'est Drazen Mihajlovic.
4 Alors, on m'accuse ici pour ce qui est de ces symboles chetniks. Mais
5 pratiquement la totalité des symboles chetniks sont devenus des symboles
6 officiellement utilisés par la Serbie. Presque tous, exception faite de ce
7 crâne, la tête de mort. Et vous avez pu voir que nous, radicaux serbes,
8 n'avons pas trop mis l'accent non plus sur cette tête de mort. Nous avons
9 fabriqué bon nombre de symboles issus de la tradition historique serbe,
10 mais nous avons négligé celui-ci. Nous savions que cette tête de mort avait
11 eu un rôle symbolique pendant la lutte contre les Turcs. Nous savions que
12 c'était plutôt démodé comme symbole et que partout au monde c'étaient
13 plutôt des symboles de pirates, et nous n'avons pas, donc, insisté dessus.
14 Lorsqu'on montre un drapeau avec une tête de mort, c'est d'habitude quelque
15 chose de fabriqué à la main. Vous ne pouvez pas en trouver deux de pareils.
16 C'est donc une fabrication artisanale, parce que nous n'avons jamais
17 fabriqué ce type de symbole en série, comme on l'a fait, par exemple, pour
18 ce qui est du drapeau du Parti radical serbe, et cetera.
19 Ici, on a montré des photos où on peut voir un groupe de combattants
20 serbes, et l'un d'entre eux a une bouteille d'eau de vie ou de cognac, que
21 sais-je encore. Et voilà, tout à coup, c'est une masse d'ivrognes. Alors,
22 qu'est-il advenu ? Celui qui a pris la photo ou qui a tourné le clip leur a
23 donné la bouteille, et cette bouteille ça ne risquait pas de soûler la
24 compagnie toute entière. Mais on voulait prendre la photo.
25 Et cette parade de soldats avec un soldat qui porte un couvre-chef
26 chetnik et un drapeau chetnik au milieu ? Parce qu'ils avaient posé pour
27 des photographes occidentaux. Combien de photographes y a-t-il eu à
28 travailler pour les services de renseignements étrangers, combien y en a-t-
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1 il à avoir œuvré contre les intérêts du peuple serbe ? Ils ont été très
2 nombreux.
3 On dit que Momcilo Djujic, le voïvode chetnik, était également un
4 criminel de guerre. Mais pourquoi l'Amérique ne l'a-t-elle jamais restitué
5 ? Qui est-ce qui l'a proclamé criminel de guerre ? Les communistes, les
6 communistes croates notamment, parce qu'il avait sauvé la population serbe
7 contre le coutelas des Oustachi. Mais on ne peut lui reprocher aucun crime
8 concret.
9 On a dit aussi -- et on s'est servi des expressions les plus graves
10 pour dire que les criminels pendant la Deuxième Guerre mondiale ont commis
11 une multitude de crimes. Il y a eu des crimes, mais en chiffres
12 négligeables si l'on compare ceci avec leur rôle historique. Il n'y en a
13 qu'un crime sérieux de commis à Foca en réponse aux crimes commis par les
14 Musulmans, parce que les Musulmans de là-bas avaient participé aux unités
15 des Oustachi. Ils ont d'abord tué les gens des villages serbes, et les
16 Chetniks ont ensuite rendu la monnaie de la pièce. Il y a eu un crime de
17 commis dans un village croate, le village de Dugopolje. C'est un voïvode
18 chetnik, Mane Rokic [phon]. Et il n'y a pas d'autres crimes chetniks. Mais
19 il y en a eu en Serbie, parce qu'il y a des villages qui s'étaient fait la
20 guerre entre eux, parce qu'ils s'exterminaient entre eux, partisans et
21 Chetniks, les uns et les autres. Il y avait le voïvode Kosta Pecanac qui
22 avait coopéré aussi avec les Allemands, et il avait organisé des groupes de
23 villageois qui ont commis des crimes. Et Draze Mihajlovic a donné
24 personnellement l'ordre de faire liquider ce Pecanac.
25 Dans le Mouvement chetnik, il y avait également eu des Musulmans, et
26 il y avait eu des Croates ou des Serbes catholiques qui ont été obligés de
27 se prononcer comme étant Croates sous la menace.
28 Le vice-président du Mouvement de Ravna Gora était Mustafa Mulalic,
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1 qui a été jugé aux côtés de Draze Mihajlovic à Belgrade. Djuro Vilovic, qui
2 a été l'un des meilleurs écrivains croates de Makarska, était également mis
3 en accusation aux côtés de Draze Mihajlovic.
4 Ivo Bartulovic a été fusillé par les partisans en 1941 à proximité de
5 Split. Alors ici, on vise à mettre en exergue les documents qui vous ont
6 été confiés par Natasa Kandic ou Vojin Dimitrijevic, ou la documentation
7 qui vous a été communiquée par des sources croates, comme si c'était par
8 hasard que vous aviez engagé dans ce Tribunal toute une masse de Serbes.
9 Les employés sont des Croates. Les interprètes sont des Croates, mais vous
10 n'avez pratiquement que des Croates. Vous avez dès le départ pris parti.
11 Pourquoi n'avez-vous pas mis en accusation des gens de Croatie ? Est-ce
12 qu'il y a entreprise criminelle commune plus grande que celle de la
13 sécession de la Croatie, création d'organisations secrètes,
14 approvisionnement en armes depuis la Hongrie, depuis l'Allemagne de l'est,
15 et depuis bien d'autres endroits tout au large du monde, y compris
16 Singapour ? Pourquoi n'avez-vous pas poursuivi ces gens-là ? Parce que vous
17 êtes un Tribunal antiserbe, c'est tout.
18 Alors ici vous pouvez me reprocher tout ce que vous voulez comme
19 culpabilité. Je suis fier de me trouver ici, moi. Je suis fier d'avoir été
20 reconnu par vous comme étant l'ennemi de l'Amérique, de l'Union européenne
21 et de l'OTAN, en ma qualité d'ennemi de cette mondialisation.
22 Est-ce que vous vous imaginez que ce que vous avez donné comme
23 lecture et citations de mes discours que ça va me déranger, que ça va me
24 gêner en quoi que ce soit ? Mais vous m'avez rendu service. Vous avez
25 rappelé au peuple serbe ce que j'avais fait pendant ces années-là et par
26 quoi j'ai bénéficié de l'estime dont je bénéficie au sein du peuple serbe.
27 Je me suis battu pour les Serbes. Malheureusement, je n'ai pas réussi parce
28 que je n'ai pas occupé de fonction de commandement, je n'ai pas eu de
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1 fonction d'autorité ou d'exercice d'autorité. Parce que si j'avais eu
2 l'exercice d'une autorité quelconque, les choses auraient tourné autrement
3 et se seraient terminées autrement. Croyez-moi bien.
4 Vous parlez ici de ces expressions que j'aurais utilisées dans mes
5 interventions publiques, et vous avez interprété le tout à tort et à
6 travers. Les discours de mise en garde de 1990 et de 1991, et même de 1989,
7 vous confondez cela avec les discours que j'ai tenus lorsque la guerre
8 avait déjà bel et bien commencé. Mes discours avant la guerre étaient bien
9 plus virulents que lorsque la guerre a éclaté. Pourquoi ? Ces discours
10 étaient plus virulents parce que je voulais que l'on évite la guerre.
11 Or, la guerre pouvait être évitée rien que d'une façon : seulement si
12 on avait vu les dirigeants croates et musulmans renoncer à la sécession de
13 la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous reste trois minutes. Essayez en trois
15 minutes de terminer.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais finir dans un délai de trois minutes.
17 Je pense, et c'est évident, que le Procureur dans ce procès n'a rien prouvé
18 du tout. Il n'a étayé en rien les thèses les chefs d'accusation avancés à
19 l'acte d'accusation, et la seule décision que vous pouvez rendre, Madame,
20 Messieurs les Juges, en vous référant à votre conscience, à votre sens de
21 l'honneur, en vous référant à l'honneur de la profession que vous exercez,
22 c'est déjà un jugement préalable d'acquittement et de rejet de tous les
23 chefs d'accusation.
24 J'ai parlé, pour ma part, d'une demande d'indemnisation. Je crois que
25 cela a suscité bon nombre de commentaires et beaucoup d'attention dans
26 l'opinion publique serbe et dans l'opinion publique mondiale, et certains
27 avocats, parce qu'ils ont compris que l'acte d'accusation ne tenait pas
28 debout et que l'on ne pouvait parler que d'un jugement d'acquittement, sont
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1 en train de se pencher sur le montant de ces indemnités. Dans le journal
2 "Kurir", Toma Fila, l'avocat bien réputé qui a défendu bien des accusés
3 devant ce Tribunal, et il y a eu 40 avocats à avoir été engagés dans son
4 cabinet d'avocats, a estimé que je pouvais réclamer un dédommagement de 100
5 millions d'euros. Mais moi je suis un homme très modeste sur le plan
6 matériel. Je ne vais pas demander autant. Je vais demander 10 millions
7 d'euros, à condition que ce soit payé tout de suite et que nous n'ayons
8 plus rien à voir les uns avec les autres. Mais si on fait traîner les
9 choses et si problèmes il y a, alors ma demande va être au final 100
10 millions.
11 J'ai déjà un avocat, Jonathan Libby, à New York, qui va même déposer
12 plainte contre les Nations Unies à cet effet. Et d'après ce que j'ai
13 appris, j'ai le droit de poursuivre en justice tout Juge et tout Procureur
14 dans le cadre du Tribunal tout entier en procédures civiques suivant le
15 principe de responsabilité solidaire parce qu'ils ont participé à une
16 entreprise criminelle commune qui s'est soldée par des résultats aussi
17 néfastes.
18 Donc ma demande à présent est celle de 10 millions d'euros avec un
19 jugement en acquittement. Et si problèmes il y a, les surenchères vont
20 démarrer.
21 Ceci est ma dernière des expressions de bonne volonté. Et je dois
22 reconnaître que j'ai été aussi mis de bonne humeur par cette jolie garde
23 qui est à mes côtés, ce qui a rendu l'ambiance dans ce prétoire bien plus
24 agréable que lorsqu'il y a des gardiens hommes renfrognés qui sont assis à
25 mes côtés.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Seselj, la procédure de
27 l'article 98 bis est terminée.
28 Monsieur Marcussen, qu'est-ce que vous pouvez dire qui serait utile ? Rien.
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1 Bien. C'est bien ce que je pensais.
2 Alors, Monsieur Seselj, conformément au Règlement, la Chambre va rendre une
3 décision orale. Il est impossible de vous dire quand, car, comme vous le
4 savez, la Chambre a 1 300 documents à examiner, des milliers de pages de
5 transcripts, et donc ça va nous prendre du temps. Par ailleurs, les
6 effectifs des collaborateurs des Juges ont été réduits à leur plus simple
7 expression, ce qui fait que je ne suis pas en état de vous dire que la
8 décision sera rendue demain. Donc il faudra attendre plusieurs semaines,
9 voire quelques mois.
10 Et je tenais à vous le dire parce que la décision devra être motivée,
11 elle sera longue, et ça va prendre du temps. Suite à cela, nous verrons le
12 futur en fonction de la décision rendue. Mais là, je ne peux pas préjuger
13 puisque nous ne nous sommes pas encore penchés sur l'argumentation du
14 Procureur, sur les documents -- les pages de transcripts qu'il a citées,
15 sur ce que vous nous avez dit vous-même, et également sur tous les éléments
16 du dossier qui seront examinés à la loupe. Donc ça va prendre du temps. Et
17 il est nécessaire qu'on prenne du temps, d'autant plus que vous êtes détenu
18 depuis plus de huit ans, et rien que ça, ça motive les Juges à faire un
19 examen très attentif.
20 Vous avez dit tout à l'heure quelque chose que je ne peux pas laisser dans
21 le vide. Vous avez dit que vous avez un avocat américain - très bien, ils
22 sont excellents - qui envisage des actions contre les Nations Unies. Et
23 vous avez dit également, le cas échéant, contre les Juges. Rien ne
24 m'échappe. Vous imaginez bien que j'avais déjà envisagé cela. Je n'ai pas
25 attendu la dernière minute pour penser au problème. Alors, vous avez le
26 droit de tout faire, c'est bien évident. Mais vous l'avez dit, et je dois
27 vous dire que moi-même, j'y avais pensé. Voilà.
28 Sur ce, est-ce que M. Marcussen a quelque chose de plus à nous dire avant
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1 que je clôture ?
2 M. MARCUSSEN : [aucune interprétation]
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi j'aurais quelque chose à ajouter, Monsieur
4 le Président.
5 M. MARCUSSEN : [interprétation] Le Président m'a donné la parole, Monsieur
6 Seselj.
7 Je tenais simplement à acter au dossier que notre position à cet égard est
8 que l'article 98 bis est l'article qui s'applique, et il est appliqué comme
9 il l'a été dans toutes les autres affaires, quelle qu'ait été la durée de
10 la détention préventive.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
12 Monsieur Seselj.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ma détention dure
14 déjà plus de huit ans, et c'est là quelque chose qui n'a pas de précédent
15 dans le monde civilisé, lorsqu'une seule personne a été mise en accusation.
16 On m'a dit que cela a été le cas lorsqu'il y a eu des groupes d'accusés
17 plus nombreux, qu'il y a eu des précédents, mais pas pour un seul accusé.
18 En soi, cela constitue un problème considérable.
19 Moi, en 2004, une fois, j'ai demandé à la Chambre dont vous, Monsieur
20 le Président, vous étiez vous-même membre, et vous vous en souviendrez
21 probablement, j'ai demandé à cette Chambre à être mis en liberté provisoire
22 jusqu'au début du procès. On a rejeté ma demande au prétexte que je
23 n'aurais pas fourni les garanties nécessaires permettant de considérer que
24 je me présenterais. Je n'ai même pas voulu aller en appel suite à cette
25 décision ni soumettre des requêtes supplémentaires. Cependant, puisque vous
26 avez mentionné la durée de ma détention et la durée qui sera nécessaire
27 pour vous avant de prendre une décision, je souhaiterais vous rappeler que
28 le Règlement de preuve et de procédure et le statut de Rome de la Cour
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1 pénale internationale ont codifié la procédure applicable au droit pénal
2 international et qu'en application de ces règlements, la Chambre a
3 obligation de remettre en question au moins une fois tous les six mois la
4 décision portant détention provisoire. Je souhaite simplement vous rappeler
5 que vous êtes tenus par le statut de Rome et le Règlement de preuve et de
6 procédure de la Cour pénal internationale parce que c'est la seule source
7 pertinente en matière de codification du droit pénal international. Alors,
8 vous procéderez comme bon vous semble. Je ne suis pas en train de vous
9 demander quoi que ce soit, mais vous aurez nécessairement à vous référer à
10 cette source. C'est la raison pour laquelle j'attire votre attention sur ce
11 point.
12 Dans mon cas, une seule décision a été prise, une décision portant mandat
13 d'arrestation. Il n'y a même pas eu décision ultérieure portant détention.
14 La durée de la détention n'a pas été déterminée non plus. Dans un monde
15 civilisé, on détermine par avance détention pouvant durer jusqu'à trois
16 mois, jusqu'à six mois, jusqu'à 12 mois. Et il n'y a eu aucune remise en
17 question de cela.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, ce que vous venez de dire, ça a
19 déjà été abordé. Je l'avais abordé, d'ailleurs, moi-même à l'époque. Je
20 vous avais dit que conformément au Règlement, vous avez la possibilité de
21 faire une demande de mise en liberté. C'est l'article 65 du Règlement.
22 Je vous rappelle, et je l'avais déjà dit, que la mise en liberté
23 provisoire ne peut être ordonnée par la Chambre de première instance
24 qu'après avoir donné au pays hôte et au pays où l'accusé demande à être
25 libéré la possibilité d'être entendu, et pour autant qu'elle ait la
26 certitude que l'accusé comparaîtra et, s'il est libéré, ne mettra pas en
27 danger une victime, un témoin ou toute autre personne. Et je vous avais dit
28 que lorsqu'il y a une demande de mise en liberté, jusqu'à présent, depuis
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1 plus de 15 ans ici, à chaque fois il faut que celui qui demande la mise en
2 liberté provisoire y joigne à sa demande une garantie d'un Etat. Sans
3 garantie, il ne peut pas y avoir de demande de mise en liberté. Voilà.
4 C'est ça tout le problème.
5 Alors, vous faites référence à une demande de 2004, dont, je dois avouer,
6 je n'ai pas souvenir très précis de la question, mais je vais vérifier.
7 Mais voilà, pour que la Chambre statue, faut-il d'abord, un, avoir
8 une requête, deux, des garanties. Voilà. Or, pour le moment, il n'y a ni
9 requête ni garantie.
10 Alors, à vous de jouer. A vous de nous saisir par une requête
11 écrite. Le Procureur prendra sa position, et puis la Chambre rendra une
12 décision. Voilà.
13 C'est ce que je voulais vous dire en droit, mais vous le savez aussi
14 bien que moi.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne serai certainement
16 jamais en mesure de vous adresser une telle requête. J'attire simplement
17 votre attention sur la violation du Statut de Rome et du Règlement de
18 procédure et de preuve de la CPI. Je me contente d'attirer votre attention
19 sur ces points, rien de plus. Mais vous êtes en train de me suggérer de
20 demander des garanties à ce régime traître de Belgrade. Cela ne m'a même
21 pas traversé l'esprit.
22 Si Moammar Kadhafi, le chef de la révolution libyenne, ou le
23 président de la Corée du nord, Kim Jong-Il, ou le président Ahmadinejad, le
24 président iranien, ou alors Hugo Chavez, le président vénézuélien, étaient
25 en mesure de me délivrer une telle garantie, je leur demanderais
26 certainement. Mais je ne demanderais jamais rien à ce régime traître de
27 Belgrade. Et je n'ai pas l'intention de vous demander à vous non plus quoi
28 que ce soit. Je me contente d'attirer votre attention sur la violation
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1 flagrante de la codification du droit pénal international, telle qu'elle
2 existe dans le cadre de la CPI et de la création de cette dernière. C'est
3 votre problème, et non le mien.
4 Parce que moi, je peux tenir encore 100 ans, mais je ne renoncerai à
5 aucun de mes principes.
6 C'est vous qui avez un problème, Madame et Messieurs les Juges. Mon
7 procès dure plus de huit ans et ma détention n'a cessé d'augmenter. La
8 balle est dans votre camp, pas dans le mien.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Tous les sujets ayant donc été évoqués, je lève
10 l'audience et nous nous retrouverons à la lecture certainement de notre
11 décision 98 bis.
12 Je vous remercie.
13 --- L'Audience de la Règle 98 est levée à 16 heures 13.
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