Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi, 31 mars 2016

  2   [Audience publique]

  3   [Jugement]

  4   [L'accusé est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 10 heures 00.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs

  9   les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav

 10   Seselj.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : -- de se présenter. Monsieur Marcussen, vous avez la

 12   parole.

 13   M. MARCUSSEN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 14   Messieurs les Juges. L'Accusation est représentée aujourd'hui par moi-même,

 15   Mathias Marcussen, Mme Lisa Biersay, M. Traldi, et notre commis à l'affaire

 16   aujourd'hui est Angelique Langerberg. Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Marcussen.

 18   Avant de lire le résumé du jugement, je dois au nom de la Chambre adresser

 19   mes remerciements à tous ceux qui ont contribué à la tenue des audiences

 20   jusqu'à ce jour. Et mes remerciements vont s'adresser d'abord aux

 21   interprètes qui, pendant des années, ont œuvré dans ce procès. Je ne

 22   saurais également oublier la sténotypiste qui a enregistré fidèlement mes

 23   propos en anglais. J'associe également M. l'Huissier qui a introduit

 24   également pendant des années tous les témoins qui ont déposé. Je ne saurais

 25   également oublier le greffier d'audience qui nous a apporté toute son aide,

 26   principalement lors de l'admission des documents. Et je joins également mes

 27   remerciements tant au Greffier qu'au Greffier adjoint qui ont apporté leur

 28   concours aux Juges de la Chambre afin que ceux-ci puissent dans les


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  1   meilleures conditions possibles travailler. Et enfin, je ne saurais oublier

  2   l'équipe des juristes et des assistants des Juges qui ont assisté la

  3   Chambre de première instance en vue de pouvoir rendre ce jugement ce jour.

  4   Cette équipe de juristes était toute neuve, ayant pris ses fonctions que

  5   depuis le mois de juillet 2015 à la suite du départ des autres juristes

  6   pour d'autres tribunaux ou institutions. En moins de six mois, cette équipe

  7   a étudié tous les éléments du dossier afin de permettre aux Juges de

  8   délibérer dans les meilleures conditions possibles. En fin d'après-midi, la

  9   plupart d'entre eux vont quitter le Tribunal alors que j'avais demandé une

 10   prolongation de quelques semaines de leurs contrats, mais pour des raisons

 11   reliées au budget du Tribunal, ceci n'a pas été possible. Et je tiens donc

 12   à les remercier pour tout le travail accompli.

 13   Je vais donc commencer à lire le résumé du jugement.

 14   La Chambre de première instance est réunie aujourd'hui pour rendre son

 15   jugement dans l'affaire le Procureur contre Vojislav Seselj. Dans son

 16   ordonnance du 16 mars 2016 fixant les modalités du jugement, la Chambre a

 17   estimé que le transfert de Vojislav Seselj à La Haye n'était pas requis. La

 18   Chambre avait, toutefois, laissé ouverte la possibilité qu'il suive

 19   l'audience par vidéoconférence depuis Belgrade. Le Greffe a fait rapport

 20   que Vojislav Seselj a décliné l'offre de la Chambre. C'est donc dans ces

 21   conditions qu'il n'est pas présent aujourd'hui. Je vais néanmoins procéder

 22   à la lecture de notre verdict.

 23   Ce que je vais dire est un résumé des conclusions de la Chambre. Ce résumé

 24   ne fait pas partie du jugement. Seul le contenu du jugement officiel qui

 25   sera disponible à la fin de cette audience fait autorité.

 26   Je voudrais à titre préliminaire préciser la portée de notre jugement. Les

 27   conclusions de la Chambre que je vais présenter ci-après n'ont pas la

 28   prétention d'établir toute la réalité des faits qui se sont produits et


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  1   encore moins à écrire l'histoire complexe d'un conflit. Le rôle de la

  2   Chambre est limité à donner une réponse judiciaire à des allégations

  3   présentées au soutien d'une théorie, la théorie de l'Accusation. Ce

  4   jugement est donc tributaire de la vérité limitée, prouvée ou non, dans les

  5   faits soumis à la Chambre.

  6   Au cours de ce procès qui a commencé le 7 novembre 2007, la Chambre a admis

  7   près de 1 400 pièces. Elle a entendu 99 témoins, dont 90 appelés par le

  8   Procureur et neuf directement convoqués par la Chambre. Le jugement fait un

  9   peu plus de 100 pages, il comprend deux annexes ainsi que l'opinion

 10   concordante du Juge Antonetti, c'est-à-dire moi-même, la déclaration du

 11   Juge Niang, et l'opinion partiellement dissidente du Juge Lattanzi.

 12   Le Procureur reproche à Vojislav Seselj, homme politique, président du

 13   Parti radical serbe et parlementaire à l'Assemblée de la République de

 14   Serbie, d'avoir directement commis, incité à commettre, aidé et encouragé

 15   des crimes imputés aux protagonistes serbes du conflit pendant la période

 16   d'allant d'août 1991 à septembre 1993, ou d'y avoir été associé par le

 17   biais d'une entreprise criminelle commune.

 18   Les charges du Procureur reposent sur une trame principale : l'idéologie de

 19   la Grande-Serbie. Les crimes commis seraient, d'après le Procureur, partie

 20   intégrante des moyens déployés pour permettre à tous les Serbes dissimulés

 21   dans les territoires de l'ex-Yougoslavie de vivre dans une nouvelle Serbie

 22   territorialement unifiée. La réalisation d'un tel objectif devrait se

 23   faire, d'après le Procureur, par la violence, y compris le déplacement

 24   forcé de population non-serbe vivant dans certains territoires estimés être

 25   des terres serbes.

 26   La thèse du Procureur repose sur deux piliers.

 27   Le premier pilier postule que Vojislav Seselj a été associé aux crimes

 28   commis en faisant partie d'une entreprise criminelle commune qui comptait


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  1   parmi ses membres des autorités locales et nationales, comme le président

  2   de la République de Serbie, Slobodan Milosevic, des chefs militaires ou

  3   subalternes, ainsi que des paramilitaires et des unités de volontaires

  4   appelées Chetnik ou Seseljevci. Le rôle principal de Vojislav Seselj serait

  5   illustré, outre la propagande de guerre et l'incitation à la haine contre

  6   les non-Serbes, par son implication dans le recrutement et l'organisation

  7   des volontaires, des volontaires qui vont être envoyés sur le terrain, puis

  8   intégrés dans des unités des forces serbes, lequel aurait conduit des

  9   attaques dans plusieurs municipalités en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

 10   Ces forces serbes auraient commis des meurtres, des actes de torture et de

 11   traitements cruels à l'encontre de nombreux civils non-serbes, notamment

 12   Croates et Musulmans. Elles auraient déplacé par la force des civils non-

 13   serbes et les auraient expulsés. Elles auraient également détruit des

 14   villages et fait des dévastations non justifiées par les exigences

 15   militaires, détruit ou endommagé de façon délibérée des édifices consacrés

 16   à la religion ou à l'éducation et pillé des biens publics et privés. Ces

 17   mêmes "forces serbes" auraient également appliqué des mesures restrictives

 18   et discriminatoires dans le cadre d'un système de persécution.

 19   Le Procureur n'allègue pas que Vojislav Seselj était un chef militaire, pas

 20   plus qu'il ne fonde sa responsabilité pénale sur l'article 7(3) du Statut

 21   du Tribunal applicable au supérieur hiérarchique militaire ou civil. Le

 22   Procureur n'en impute pas moins à Vojislav Seselj une large autorité, y

 23   compris dans des zones de conflit qu'il aurait visité pour renforcer le

 24   moral de ses troupes. Le Procureur soutient que Vojislav Seselj aurait

 25   érigé au sein de son parti un état-major de guerre s'occupant notamment des

 26   besoins logistiques et du déploiement des volontaires, qu'il aurait été

 27   tenu régulièrement informé des activités de ses troupes, qu'il aurait eu un

 28   pouvoir d'intervention sur les volontaires, y compris pour leur promotion


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  1   et aurait même décoré certains en leur conférant notamment le titre de

  2   voïvode que lui-même arborait.

  3   Le second pilier de l'Accusation postule que Vojislav Seselj a directement

  4   commis un certain nombre de crimes, notamment en dénigrant publiquement et

  5   directement par des discours appelant à la haine les populations non serbes

  6   de Vukovar, située en Croatie, et de Hrtkovci, située en Vojvodine en

  7   Serbie, en particulier les Croates, et en appelant à leur expulsion de ces

  8   secteurs.

  9   L'acte d'accusation contient toutes ces charges, plusieurs fois modifié,

 10   présente dans sa version finale neuf chefs d'accusation, dont trois chefs

 11   pour crimes contre l'humanité : persécution, chef 1; expulsion, chef 10; et

 12   actes inhumains, chef 11; et six crimes de guerre, chef 4, meurtre; chef 8,

 13   torture; chef 9, traitement cruel; chef 12, destruction sans motif de

 14   villages; chef 13, destruction délibérée d'édifices consacrés à la religion

 15   ou à l'éducation; et chef 14, pillage de biens publics ou privés.

 16   Vojislav Seselj a plaidé non coupable pour tous les chefs d'accusation. Il

 17   s'est défendu seul, sans l'assistance d'un conseil. A la fin de

 18   présentation des éléments de preuve à charge par l'Accusation, Vojislav

 19   Seselj a fait le choix de ne pas appeler de témoins ni présenter à la

 20   Chambre d'autres preuves pour sa défense. Il a cependant activement

 21   participé à la première phase du procès à travers un système de défense à

 22   plusieurs [inaudible], elle varie de la contestation de la légalité du

 23   Tribunal à l'invocation de l'absence de toute preuve sur l'imputabilité des

 24   crimes allégués en passant par le caractère politique ou partial des

 25   poursuites contre lui.

 26   Si Vojislav Seselj n'a de prime abord rien voulu concéder au Procureur, son

 27   système de défense au cours du procès apparaît néanmoins beaucoup plus

 28   nuancé. Vojislav Seselj assume et revendique son idéologie nationaliste


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  1   pour la Grande-Serbie, en assignant pas cependant les mêmes fins que le

  2   Procureur à cette idéologie. Il n'a pas non plus contesté en définitive la

  3   réalité de la plupart des actes de violence, de destruction et de pillage

  4   perpétrés dans les zones de conflit. Vojislav Seselj en conteste parfois

  5   l'ampleur ou la motivation, mais s'en distancé surtout en insistant sur le

  6   fait que ni lui ni ses hommes, recrutés comme volontaires, n'ont été

  7   impliqués dans leur perpétration. Il soutient, en outre, que ses

  8   volontaires, une fois recrutés, n'étaient de toute façon pas sous son

  9   contrôle car ils étaient directement intégrés dans les forces armées

 10   yougoslaves, JNA ou VRS, selon l'époque considérée, qui avaient leur propre

 11   commandement et hiérarchie, ou dans des structures de commandement local.

 12   Il précise que l'état-major de guerre de son parti, le SRS, qui du reste

 13   était dirigé par son adjoint, sans implication directe de sa part, n'avait

 14   rien d'une structure militaire malgré sa sonorité martiale, que la

 15   distinction de voïvode qu'il a conféré à certains de ses hommes n'était pas

 16   une distinction militaire, pas plus qu'elle n'impliquait un lien avec le

 17   SRS. Selon Vojislav Seselj, certains volontaires étaient aussi les gens du

 18   cru, qui étaient déjà sur place, et qui donc n'avaient pas été envoyés dans

 19   les zones de conflit par lui ou son parti. Vojislav Seselj soutient

 20   [inaudible] qu'il y avait plusieurs groupes de volontaires dont certains

 21   étaient notoirement criminels et n'avaient rien à voir avec ses hommes. Il

 22   déplore une certaine confusion dans leur distinction. Confusion facilitée,

 23   d'après lui, par le fait que l'épithète chetnik, non loin d'être l'apanage

 24   exclusive des volontaires du SRS, était plutôt galvaudée.

 25   Plus globalement, Vojislav Seselj présente les Serbes comme étant les

 26   victimes qui ont été agressés par les Croates et les Musulmans. Il précise

 27   également que ces derniers ont initié respectivement une sécession

 28   anticonstitutionnelle qui a, par la suite, causé le déclenchement d'un


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  1   conflit dans lequel les Serbes apparaissaient comme les défenseurs de la

  2   légalité. Il inscrit les activités de recrutement et d'organisation des

  3   volontaires dans le cadre d'une opération de légitime défense des Serbes, y

  4   compris en Croatie, où la remise en cause de leur statut de peuple

  5   constitutif garanti par la constitution, conjuguée à leur harcèlement et

  6   persécution, constituaient une menace sérieuse à leur existence. Vojislav

  7   Seselj soutient que ces attaques étaient à prendre au sérieux pour éviter

  8   la répétition d'un passé tragique pour les Serbes.

  9   C'est dans cette même veine que Vojislav Seselj offre un contexte différent

 10   à ses discours qui, selon lui, galvanisait les troupes de son bord ou

 11   articulait sa propre vision politique et son projet de société, et que le

 12   Procureur qualifierait à tort d'actes de persécution et d'incitation à la

 13   haine et à l'expulsion.

 14   Vojislav Seselj invite également la Chambre à une analyse différenciée de

 15   jugements antérieurs intervenus devant ce Tribunal, et dont certains

 16   partagent la même base factuelle que son affaire, notamment les jugements

 17   dans les affaires le Procureur contre Mile Mrksic et consorts, et le

 18   Procureur contre Momcilo Krajisnik. Il soutient que les acquittements

 19   totaux ou partiels, ainsi que les conclusions qui ont rejeté, entre autres,

 20   l'existence d'une entreprise criminelle commune ou de crimes contre

 21   l'humanité dans certaines localités, comme Vukovar, doivent s'étendre à son

 22   affaire au nom de l'autorité de la chose jugée. Il invite cependant la

 23   Chambre à ne pas perdre de vue la portée limitée des déclarations de

 24   culpabilité dans les mêmes affaires car elles seraient erronées ou basées

 25   sur les motifs qui ne sont pas pertinents dans son cas personnel.

 26   Il faut enfin souligner que Vojislav Seselj a contre-interrogé les témoins

 27   présentés par le Procureur et ceux convoqués par la Chambre au titre de

 28   l'article 98 du Règlement de procédure et de preuve. Il a offert dans son


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  1   mémoire final un récapitulatif exhaustif de la valeur qu'il assigne à

  2   chacun de ces témoignages. Il s'est, par contre, abstenu d'interroger les

  3   témoins entendus sous le régime de l'article 92 ter, et pour les mêmes

  4   raisons, s'est opposé à l'admission des déclarations écrites de témoins au

  5   titre des articles 92 bis et quater.

  6   Avant d'analyser plus en détail les faits spécifiques reprochés à Vojislav

  7   Seselj, la Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi étant en désaccord, a

  8   fait quelques constats, dont le premier relève une certaine imprécision

  9   dans la démarche du Procureur. En effet, ce dernier offre initialement un

 10   canevas de poursuites très claires, à partir du paragraphe 5 de l'acte

 11   d'accusation, il, il opère une distinction entre les crimes matériellement

 12   commis par l'accusé en les circonscrivant aux seuls chefs 1, 10 et 11, et

 13   les autres crimes qui auraient été commis que par le biais de l'entreprise

 14   criminelle commune.

 15   Ce canevas de départ a été vite obscurci par des allégations subséquentes.

 16   Vojislav Seselj serait membre d'une entreprise criminelle commune

 17   finalement pour tous les crimes. Le Procureur se contente de viser tous les

 18   crimes comme relevant, à titre principal, de la première catégorie et,

 19   subsidiairement, de la troisième catégorie. Le supposé but criminel de

 20   l'entreprise semble également varier en fonction des écritures. Pour

 21   caractériser les moyens de la mise en œuvre de la Grande-Serbie,

 22   l'Accusation oscille entre la purification ethnique et la recherche de la

 23   continuité territoriale entre les Serbes.

 24   Le Procureur utilise indistinctement les mots "violence" et "crimes", or

 25   ces deux notions sont d'autant moins équivalentes que ce jugement a pour

 26   toile de fond une guerre. La guerre est, par essence, violente, sans que

 27   cette violence soit nécessairement synonyme de crime.

 28   Certaines écritures du Procureur donnent l'impression que l'idéologie même


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  1   de la Grande-Serbie est criminogène, alors que d'autres fustigent davantage

  2   les moyens de sa réalisation. Le Procureur semble également postuler une

  3   illégalité de la campagne militaire serbe, rendant du coup inutile toute

  4   distinction entre une campagne militaire qui peut être légitime et cette

  5   possible dérive criminelle qui serait alors seule blâmable.

  6   A cette ambiguïté s'ajoute une accusation tous azimuts, qui consiste pour

  7   le Procureur avisé toutes les modalités possibles de conduites criminelles

  8   prévues à l'article 7(1) du Statut du Tribunal sans qu'elle ne corresponde

  9   nécessairement aux faits décrits. Ainsi, les mêmes faits sont qualifiés

 10   d'actes de commission directe, d'actes imputables au titre de l'entreprise

 11   criminelle, d'actes d'incitation, ou encore d'aide et d'assistance. Les

 12   mêmes faits, qui sont qualifiés de meurtre, de torture et de traitement

 13   cruel, crimes d'expulsion, d'actes inhumains (transfert forcé), de

 14   destruction sans motif et pillage de biens publics ou privés, sont

 15   également visés comme actes de persécution. En somme, le Procureur emprunte

 16   une démarche circulaire où presque chaque crime reçoit des qualifications

 17   multiples et chaque mode de participation aux crimes semble absorber ou se

 18   superposer à tous les autres.

 19   Si une démarche de cumul des infractions est généralement permissible, à la

 20   condition que les éléments factuels le permettent, de l'avis de la

 21   majorité, il est beaucoup plus difficile de tolérer l'usage indiscriminé de

 22   toutes les formes possibles de responsabilité avec très peu d'égard pour la

 23   spécificité des faits. Des jugements ont réprimandé le Procureur pour cette

 24   pratique du fourre-tout. La majorité déplore également cette approche

 25   maximaliste non pas pour dire qu'elle vicie la procédure et compromet une

 26   défense effective de Vojislav Seselj. Ce dernier, il faut le souligner avec

 27   insistance, a pu faire valoir tous ses arguments. La majorité souligne

 28   simplement, pour le regretter, et les ambiguïtés du Procureur ont alourdi


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  1   une démarche qui aurait pu être plus simple pour le Procureur, mais aussi

  2   pour la Défense et pour la Chambre. Ces derniers sont tous deux condamnés

  3   dans une certaine mesure à suivre le sillon creusé par le responsable des

  4   poursuites. Les mémoires du Procureur auraient pu aider à lever certaines

  5   ambiguïtés initiales. Au contraire, au lieu de présenter respectivement le

  6   plan de travail du Procureur au regard des faits à prouver et de faire à la

  7   fin du procès le point sur la façon dont le Procureur s'est acquitté de sa

  8   tâche, les mémoires apparaissent plutôt à la majorité comme de nouveaux

  9   actes d'accusation, dont chacun aurait une vocation autonome à présenter

 10   toute la théorie du Procureur.

 11   C'est donc non sans difficulté que la Chambre s'est attachée à démêler les

 12   conclusions disparates du Procureur.

 13   Je vais à présent énoncer les conclusions de la Chambre sur certaines

 14   questions importantes liées à la preuve.

 15   La Chambre a admis en preuve beaucoup d'extraits de publication de Vojislav

 16   Seselj. La source de ces documents constitue pour la Chambre un indice

 17   important quant à l'imputabilité à Vojislav Seselj des discours qui y sont

 18   reproduits. La Chambre ne perd cependant pas de vue la possible exagération

 19   de certains propos.

 20   La Chambre a également admis en preuve les déclarations écrites préalables

 21   en faveur de l'Accusation par des témoins qui se sont ensuite partiellement

 22   ou totalement contredits lors de leurs dépositions. La Chambre a suivi les

 23   lignes directrices tracées par la Chambre d'appel et examiné au cas par cas

 24   les preuves émanant de ces témoins. La Chambre a admis de nombreux éléments

 25   de preuve au titre de la ligne de conduite délibérée. La Chambre, à la

 26   majorité, la Juge Lattanzi étant en désaccord, n'a pas jugé en définitive

 27   utile de tenir compte de ces preuves qui ne présentent d'autre intérêt que

 28   de dupliquer les preuves déjà admises sur les faits pertinents.


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  1   La Chambre a reçu plusieurs documents et des dits témoignages émanant

  2   d'autres procédures. Pour des faits résultant de constats judiciaires au

  3   titre de l'article 94(B) du Règlement, la Chambre rappelle que leur valeur

  4   probante ne repose que sur une présomption simple. Celle-ci, même sans

  5   avoir été remise en cause par une preuve contraire offerte par la Défense,

  6   ne s'impose pas de façon péremptoire. La Chambre peut, à bon droit,

  7   préférer écarter ces faits constatés au profit d'éléments de preuve

  8   contraires comme, par exemple, des dépositions de témoins sous le contre-

  9   interrogatoire, directement examinés devant la Chambre et qui lui semblent

 10   offrir plus de garantis.

 11   Je vais maintenant [canal anglais sur canal français] [en français]. La

 12   Chambre a reçu une preuve abondante retraçant la chronologie des événements

 13   ayant conduit à la désintégration de l'ex-Yougoslavie. Vojislav Seselj a

 14   fondé le SPO en mars 1990 avec Vuk Kraskovic. Suite à leurs dissensions,

 15   Vojislav Seselj a fondé le 18 juin 1990 le Mouvement chetnik serbe ou SCP,

 16   qu'il présidait.

 17   Le 25 février 1991, Vojislav Seselj, Ljubisa Petkovic, et Tomislav Nikolic

 18   fondent un nouveau parti politique, le Parti radical serbe ou le SRS.

 19   Vojislav Seselj en a été élu président.

 20   Les objectifs du SRS reprenaient essentiellement ceux du SCP. Ils visaient

 21   à l'édification d'un Etat serbe unifié ou Grande-Serbie, épousant les

 22   frontières destinées par la ligne Karlobag-Virovitica-Ogulin-Karlovac. Le

 23   SRS avait une structure à deux niveaux : un comité central, organe du

 24   parti, et des comités municipaux et des sous-comités au niveau des petites

 25   localités et des villages. Le SRS disposait également de branches en

 26   Vojvodine, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro.

 27   S'agissant des volontaires du SCP/SRS, la Chambre a conclu que la notion de

 28   volontaire au sein de l'armée serbe se référait initialement à des


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  1   individus qui rejoignaient les forces armées en temps de guerre. A partir

  2   d'août 1991, selon la Loi sur la défense nationale de la République de

  3   Serbie, les volontaires serbes devaient rejoindre la Défense territoriale

  4   afin de renforcer les effectifs des forces armées fédérales, et ce, quelle

  5   que soit leur affiliation.

  6   La Chambre s'est penchée sur la question controversée de l'identification

  7   des volontaires du SCP/SRS. Ces hommes étaient appelés des hommes de Seselj

  8   ou Seseljevci, expression qui était parfois confondue avec celle de

  9   Chetniks, laquelle était, selon le cas, utilisée pour désigner les soldats

 10   serbes qui se reconnaissaient dans l'idéologie nationaliste de Vojislav

 11   Seselj. L'analyse de la preuve révèle que les hommes de Seselj pouvaient

 12   être identifiables par leur apparence physique et accessoires

 13   vestimentaires, sans toutefois que ce critère d'identification soit

 14   toujours décisif. La Chambre a donc pris soin d'identifier les individus

 15   associés au SCP/SRS à l'aide de diverses sources, plutôt que d'allier toute

 16   appellation "Chetnik" à Vojislav Seselj.

 17   La Chambre a constaté que le recrutement des volontaires du SRS avait lieu

 18   surtout au quartier général du SRS à Belgrade. Le recrutement se déroulait

 19   également au niveau municipal. Il n'est pas contesté que le SRS a également

 20   recruté et envoyé des volontaires en réponse à des demandes d'autres forces

 21   armées, notamment les Défenses territoriales, ou TO locales de Bosnie et de

 22   Croatie, puis les forces armées stationnées en Bosnie-Herzégovine et en

 23   Croatie, incluant la JNA, VJ et VRS.

 24   La Chambre a conclu que l'appartenance au SRS n'était pas un critère de

 25   recrutement des volontaires. Il y avait aussi parmi eux des individus sans

 26   affiliation politique ou dont l'affiliation au SRS était postérieure à leur

 27   déploiement sur le terrain.

 28   L'une des conclusions majeures de la Chambre a été de noter que si Vojislav


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  1   Seselj pouvait avoir une certaine autorité morale sur les volontaires de

  2   son parti, ces derniers n'étaient pas ses subordonnés quand ils étaient

  3   engagés dans des opérations militaires. La Chambre a reçu à ce propos une

  4   abondante preuve, y compris le témoignage de l'expert militaire de

  5   l'Accusation, M. Reynaud Theunens. Ce dernier a bien expliqué que, d'une

  6   part, la constitution yougoslave et d'autres textes de loi pertinents

  7   prévoyaient la possibilité de déclarer l'état de guerre imminent. Une fois

  8   cette déclaration faite, l'armée pouvait recourir au service des

  9   volontaires pour renforcer les troupes régulières. Les forces armées

 10   yougoslaves étaient organisées autour du principe de l'unicité de

 11   commandement. En vertu de ce principe, les militaires réguliers, comme les

 12   volontaires, étaient soumis sur le terrain à la même hiérarchie militaire.

 13   En application de ce principe, Vojislav Seselj ne pouvait avoir aucun lien

 14   hiérarchique avec les volontaires une fois que ces derniers étaient

 15   intégrés dans les structures des forces armées régulières de la JNA, VJ et

 16   VRS.

 17   S'agissant des allégations de l'Accusation relatives à la participation des

 18   forces paramilitaires aux crimes visés dans l'acte d'accusation, la Chambre

 19   a reçu des preuves démontrant que les groupes paramilitaires suivants

 20   avaient, en effet, été présents pendant la période pertinente de l'acte

 21   d'accusation sur certains lieux de crimes visés, à savoir : les Tigres

 22   d'Arkan, les Aigles blancs, le Détachement de Dusan Silni; les Bérets

 23   rouges, ou unité opérationnelle spéciale des services de sécurité de la DB

 24   de Serbie créée le 4 mai 1991; les Guêpes jaunes; le Détachement Leva

 25   Supoderica; l'unité de Vasilje Vidovic, alias Vaske; l'unité de Gogic,

 26   aussi appelé groupe de Loznica; l'unité Karadjordje; la garde serbe du SPO;

 27   les unités de Branislav Gavrilovic, alias Brne, et de Slavko Aleksic.

 28   La Chambre a, par ailleurs, examiné la relation alléguée de ces groupes


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  1   paramilitaires avec Vojislav Seselj. Pour la Chambre, la Juge Lattanzi

  2   étant en désaccord, il n'y a pas suffisamment de preuve pour conclure à

  3   l'existence d'une affiliation à Vojislav Seselj de certains groupes

  4   paramilitaires, comme les Tigres d'Arkan, les Aigles blancs, et l'unité

  5   Karadjordje. La Chambre conclut également à l'unanimité à l'absence de

  6   preuve d'un lien hiérarchique entre Vojislav Seselj et le groupe de Loznica

  7   ainsi que l'unité de la Garde serbe.

  8   La Chambre conclut, en outre, que Vojin Vuckovic, alias Zuco ou Zuca, était

  9   le commandant d'unités de volontaires serbes mais a opéré de façon

 10   indépendante en prenant la dénomination de Guêpes jaunes. Le frère de Zuco,

 11   Dusan Vuckovic, surnommé Repic, ainsi que surnommé Topola, était également

 12   membre de cette unité. Vojislav Seselj s'est distancié des Guêpes jaunes

 13   après les meurtres perpétrés à Zvornik.

 14   S'agissant des Bérets rouges, la Chambre a constaté que certains

 15   volontaires du SRS ont intégré des unités de Bérets rouges, et en étaient

 16   même les commandants.

 17   Le Détachement Leva Supoderica était composé de volontaires du SRS envoyés

 18   à Vukovar par l'état-major du SRS ou recrutés localement.

 19   S'agissant de l'unité de Vaske, la Chambre a conclu que Vaske était membre

 20   du SCP dès ses débuts, puis membre fondateur du SRS. La Chambre conclut que

 21   de septembre 1991 à fin février 1992, Vaske avait été un volontaire du SRS

 22   à Benkovac, en Dalmatie.

 23   S'agissant des unités de Brne et de Slavko Aleksic, la Chambre a conclu

 24   qu'il s'agissait d'unités composées de volontaires du SRS en Bosnie-

 25   Herzégovine pendant la période concernée par l'acte d'accusation, mais que

 26   Brne et Slavko Aleksic n'ont pas été envoyés par le SRS dans la région

 27   Sarajevo. Toutefois, Vojislav Seselj les a reconnus comme commandants des

 28   volontaires du SRS sur place. Leurs unités étaient, en outre, placées sous


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  1   le commandement de la VRS.

  2   Je vais à présent résumer les conclusions juridiques et factuelles de la

  3   Chambre sur les crimes visés dans l'acte d'accusation.

  4   S'agissant des conditions d'application de l'article 5 du Statut relatif

  5   aux crimes contre l'humanité, la Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi

  6   dissidente, a conclu que l'Accusation n'a pas prouvé au-delà de tout doute

  7   raisonnable qu'une attaque généralisée ou systématique a été lancée contre

  8   la population civile non-serbe dans de vastes portions de la Croatie et de

  9   la Bosnie-Herzégovine, notamment dans les municipalités de Vukovar,

 10   Zvornik, la région de Sarajevo, et les municipalités de Mostar et de

 11   Nevesinje pendant la période visée dans l'acte d'accusation.

 12   La preuve soumise et examinée fait plutôt état d'un conflit armé entre des

 13   forces militaires adverses avec des composantes civiles. Le Procureur de

 14   l'avis de la majorité n'a pas présenté aux Juges un tableau qui montrait

 15   clairement que des civils étaient visés massivement alors qu'ils ne

 16   prenaient pas part aux combats. Il se contente d'affirmations générales qui

 17   ne rendent pas compte de la preuve spécifique reçue par les Juges. La

 18   majorité ne peut dans ces circonstances écarter l'argument de la Défense,

 19   qui a trouvé un large écho dans certains témoignages recueillis, qui

 20   expliquent que des civils ont fui les zones de combat pour se réfugier dans

 21   les localités où se trouvaient les membres du même groupe ethnique ou

 22   religieux, que les bus qui ont été affrétés dans ce cadre étaient non pas

 23   des opérations de transferts forcés de population mais plutôt des actes

 24   d'assistance humanitaire à des non-combattants qui fuyaient des zones de

 25   combat où ils ne se sentaient plus en sécurité.

 26   Pour la Vojvodine, la Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente,

 27   estime qu'il ne s'agit pas d'une zone de conflit armé. La majorité ne

 28   relève également aucun effort du Procureur pour soumettre - et encore moins


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  1   pour la convaincre - de l'existence d'un lien de connexité certain avec le

  2   conflit en Croatie et Bosnie-Herzégovine. Le Procureur n'a offert aucune

  3   preuve quant aux conditions d'arrivée des réfugiés serbes venant de Croatie

  4   pour établir cette connexité.

  5   La majorité relève également d'autres insuffisances dans la démarche de

  6   l'Accusation. Elle note la particulière faiblesse de la preuve du Procureur

  7   pour faire le lien entre les actes d'exaction et le départ de civils de

  8   certaines zones. Le rapport de l'expert Ewa Tabeau se contente notamment de

  9   proposer un recensement global des départs qui ont eu lieu sur toute

 10   l'année 1992 sans spécifier la cause impulsive de ces départs.

 11   De même, le Témoin VS-061, sur lequel l'Accusation s'appuie beaucoup, n'a

 12   pas été persuasif. Il a été pris plusieurs fois à défaut et a dû

 13   reconnaître de graves omissions et affabulations dans sa narration. Ces

 14   affabulations touchent à des questions aussi essentielles que le meurtre

 15   d'un Croate, Mijat Stefanac, que le témoin avait initialement présenté

 16   comme étant l'acte qui aurait déclenché la fuite des Croates. En contre-

 17   interrogatoire, il reconnaîtra que ce meurtre résultait d'un conflit privé

 18   dans un café, qui aurait mal tourné et que les responsables de ce meurtre

 19   ont été arrêtés et jugés.

 20   La majorité a relevé, de façon plus globale, que les exactions de civils

 21   décrites à Hrtkovci ne s'apparentent pas au regard de leur ampleur, comme

 22   de leur modus operandi, à une attaque généralisée ou systématique dirigée

 23   contre une population civile. La preuve entendue, loin de suggérer une

 24   attaque massive contre la population civile croate, fait plutôt d'actes

 25   basées sur des motivations essentiellement domestiques, voire privées, et

 26   dont l'impulsion première serait l'acquisition de logements par des Serbes

 27   qui en étaient dépourvus à cause de leur statut de réfugiés.

 28   La majorité a relevé, enfin, sans détourner le regard du contenu


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  1   particulièrement troublant du discours du 6 mai de Vojislav Seselj, lequel

  2   clairement appelait à l'expulsion des Croates, notamment ceux qu'il jugeait

  3   déloyaux, qu'il n'est pas allégué que Vojislav Seselj a pris directement

  4   part aux échanges des maisons. Or, ces contrats d'échange sont visés comme

  5   le principal médium par lequel les expulsions de Croates de Hrtkovci ont

  6   été opérées. Ainsi, l'Accusation ne saurait au mieux rechercher qu'une

  7   responsabilité indirecte de Vojislav Seselj et non une responsabilité

  8   directe pour des faits de persécution. En tout état de cause, la majorité a

  9   relevé l'absence des ingrédients juridiques essentiels pour asseoir une

 10   quelconque responsabilité pénale pour crimes contre l'humanité.

 11   Par conséquent, pour la Chambre, à la majorité, la Juge Lattanzi

 12   dissidente, conclut que les conditions d'application de l'article 5 du

 13   Statut ne sont pas remplies.

 14   S'agissant des conditions d'application de l'article 3 du Statut

 15   relatif aux crimes de guerre, la Chambre retient : (i) l'existence d'un

 16   conflit armée en Croatie et en BiH durant la période couverte par l'acte

 17   d'accusation; (ii) que les crimes visés dans l'acte d'accusation en tant

 18   que violations des lois ou coutumes de la guerre ont pu être commis par des

 19   membres des forces serbes dans le but de servir le conflit armée ou du fait

 20   de celui-ci. S'agissant à présent des crimes de guerre, la Chambre note

 21   qu'elle a reçu un certain nombre de preuves sur des crimes qui ne sont pas

 22   allégués dans l'acte d'accusation. Au regard du droit de Vojislav Seselj

 23   d'être informé des charges portées contre lui, la Chambre n'a pas pris en

 24   considération ces preuves.

 25   Ensuite, la Chambre a considéré que le Procureur n'avait pas rapporté

 26   suffisamment de preuve pour établir la réalité des crimes suivants : les

 27   meurtres dans le secteur de Crna Rijeka; le traitement cruel sous la forme

 28   de travaux forcés par les détenus de la ferme d'Ovcara; le traitement cruel


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  1   infligé aux détenus à l'entrepôt de Velepromet; la torture et les

  2   traitements cruels des détenus à la maison de Sonja à la caserne de

  3   Semizovac, ainsi qu'à l'atelier de pneus du carrefour de Vogosca dans la

  4   région de Sarajevo; ainsi que le pillage des biens privés par les forces

  5   serbes dans les villages de la municipalité de Nevesinje.

  6   La Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente, a considéré

  7   que le Procureur n'avait pas rapporté suffisamment de preuve pour établir

  8   la réalité des crimes suivants : le meurtre de détenus non-serbes sur la

  9   colline de Zuc près de Sarajevo; la torture et les traitements cruels à

 10   l'abattoir de Gero près de Zvornik; ainsi que le pillage des biens publics

 11   ou privés de la ville, des habitations de Vukovar.

 12   La Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente, n'a pas non

 13   plus retenu les destructions sans motif ou dévastation non justifié par les

 14   exigences militaires de villes, villages, et habitations, ainsi que la

 15   destruction délibérée d'édifices consacrés à la religion ou à l'éducation.

 16   La majorité estime que le contexte des destructions n'est pas suffisamment

 17   rapporté pour permettre une appréciation qui tiendrait compte de tous les

 18   paramètres sur le terrain.

 19   La Chambre a constaté l'existence de certains crimes, crimes dont

 20   elle va donner la liste avant de se prononcer sur leur imputabilité à

 21   Vojislav Seselj.

 22   Pour la municipalité de Vukovar : meurtre, torture et traitement

 23   cruel, y compris des violences sexuelles infligées aux détenus à l'entrepôt

 24   de Velepromet et à la ferme d'Ovcara.

 25   Pour la municipalité de Zvornik : meurtre de civils musulmans au

 26   cours de l'attaque sur Zvornik en avril 1992; meurtre, torture, et

 27   traitement cruel infligés aux détenus musulmans à la ferme Ekonomija, aux

 28   détenus à l'usine Ciglana, aux détenus à la maison de la culture de


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  1   Drinjaca, aux détenus de l'école technique de Karakaj, ainsi qu'aux détenus

  2   à la maison de culture de Celopek; meurtre d'un très grand nombre de

  3   détenus non-serbes à l'abattoir de Gero; torture et traitement cruel

  4   infligés aux détenus de l'usine de chaussures Standard; ainsi que le

  5   pillage de biens privés provenant des maisons appartenant aux habitants de

  6   Zvornik.

  7   Pour la région de Sarajevo : meurtre de 17 civils musulmans dans le

  8   village de Ljesevo au cours d'une attaque; torture et traitement cruel

  9   infligés aux détenus de l'entrepôt Iskra à Podlugovi, et aux détenus à la

 10   maison de Planja; et pillage des habitations de Musulmans après l'attaque

 11   du village de Svrake.

 12   Pour la municipalité de Mostar : meurtre de civils non-serbes à la

 13   décharge d'Uborak, ainsi que dans les bâtiments de la morgue principale de

 14   Sutina; torture et traitement cruel infligés aux détenus dans les

 15   vestiaires du stade de football de Vrapcici, et aux détenus de Sutina; le

 16   pillage des biens privés provenant de maisons appartenant aux Musulmans du

 17   hameau de Topola.

 18   Pour la municipalité de Nevesinje : meurtre de villageois à Presjeka;

 19   meurtre de Musulmans à Breza et à la centrale thermique de Kilavci; meurtre

 20   de villageois détenus à l'école de Zijamlje; torture et traitement cruel

 21   infligés aux détenus de la centrale thermique de Kilavci, et aux détenus à

 22   l'école de Zijemlje, et aux détenus dans le bâtiment du SUP de Nevesinje.

 23   Je vais à présent résumer les conclusions de la Chambre relatives à

 24   la responsabilité de Vojislav Seselj visé par l'acte d'accusation.

 25   L'Accusation circonscrit la responsabilité de Vojislav Seselj à la

 26   commission matérielle limitée aux crimes de persécutions, d'expulsions, et

 27   d'actes inhumains (transfert forcé) par le discours, la commission en tant

 28   que coauteur participant à une entreprise criminelle commune, ou ECC,


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  1   l'incitation et l'aide et l'encouragement.

  2   La responsabilité recherchée sur le fondement de l'entreprise

  3   criminelle suppose au premier chef l'identification d'un but criminel

  4   commun. Si le but poursuivi n'est pas criminel en soi, il faut au moins que

  5   les crimes perpétrés, pour sa réalisation, lui soient consubstantiels.

  6   La Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi étant en désaccord, a

  7   relevé dans la démarche de l'Accusation toute une série d'insuffisances et

  8   de confusion.

  9   Selon l'Accusation, le projet de Grande-Serbie défendu par Vojislav

 10   Seselj comporterait un élément de criminalité implicite découlant de ce

 11   qu'il visait à unifier tous les territoires serbes dans un Etat serbe

 12   homogène englobant la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, et de vastes

 13   portions de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, impliquant l'expulsion

 14   ou le déplacement forcé de la population non-serbe. La majorité a analysé

 15   la preuve admise à cet effet afin de déterminer si cette définition

 16   correspondait à un projet criminel commun. Le Procureur retient le

 17   transfert sous contrôle serbe des territoires ciblés. Ce transfert aurait

 18   été planifié suivant des caractéristiques communes comprenant un certain

 19   nombre d'éléments dont : a) la proclamation comme Régions autonomes serbes

 20   de grandes portions de Croatie et de Bosnie-Herzégovine et la prise de

 21   contrôle des institutions publiques et des structures administratives

 22   locales; b) l'enrôlement des volontaires et la coordination des actions de

 23   la JNA/VJ, MUP, TO, et autres formations; c) l'armement en sous main des

 24   civils serbes; et d) la commission des crimes sur le terrain.

 25   La majorité est d'avis que le Procureur propose une lecture très

 26   parcellaire relativement aux événements qui, d'après lui, attestent du

 27   projet criminel de la Grande-Serbie ou toute autre appellation équivalente.

 28   En présentant l'érection des Régions serbes autonomes en Croatie et Bosnie-


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  1   Herzégovine comme des actes qu'il participerait d'un projet criminel de

  2   Grande-Serbie, sans élucider le contexte plus large de la double sécession

  3   de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine dans laquelle ces mouvements se

  4   sont inscrits, le Procureur offre une lecture qui, au mieux, occulte la

  5   chronologie des faits ou, au pire, les dénature au regard de la preuve

  6   soumise à la Chambre, et seulement par le Procureur lui-même.

  7   Pour la majorité, le projet de la Grande-Serbie tel que défendu par

  8   Vojislav Seselj est un but à priori politique, et non criminel. Pour

  9   Vojislav Seselj, seul le SRS visait cet objectif de la Grande-Serbie qui

 10   devait inclure tous les Serbes, qu'ils soient de foi orthodoxe, catholique,

 11   ou musulmane. Les déclarations de Vojislav Seselj à propos de sa vision de

 12   la Grande-Serbie ne semblent pas être contestées par l'Accusation. Du

 13   reste, elles résultent abondamment d'une documentation qui préexiste aux

 14   poursuites dans cette affaire. Même en prenant en compte certaines

 15   attitudes jugées discriminatoires des Serbes, notamment dans la mise en

 16   place de leurs institutions locales en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, la

 17   preuve dans sa globalité ne supporte pas, de l'avis de la majorité, la

 18   conclusion que les proclamations d'autonomie du peuple serbe de Croatie et

 19   de Bosnie-Herzégovine procédaient d'un dessein criminel.

 20   Par ailleurs, il n'est pas disputé que Vojislav Seselj était animé de

 21   la ferveur politique de créer la Grande-Serbie. Rien ne pointe, cependant,

 22   vers un but criminel par l'envoi des volontaires. Il existe une possibilité

 23   raisonnable que l'envoi de ces volontaires visait la protection des Serbes.

 24   Il ressort de plusieurs éléments de preuve que le recrutement et

 25   déploiement des volontaires par Vojislav Seselj et son parti et la

 26   coopération à ce titre avec les autres forces serbes, incluant la JNA, VJ,

 27   MUP, TO, et d'autres formations paramilitaires, ne constituaient pas une

 28   activité illégale. Au contraire, le contexte de guerre pouvait lui donner


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  1   une solide justification. Les dispositions légales en ex-Yougoslavie

  2   permettaient le recours aux volontaires. Ces derniers étaient intégrés dans

  3   les forces armées de la RSFY, incluant la JNA et la TO. La Chambre a, en

  4   outre, constaté que Vojislav Seselj n'était pas le chef hiérarchique des

  5   volontaires déployés sur le terrain.

  6   La preuve dans son ensemble accrédite le fait que l'envoi des

  7   volontaires était motivé non par la commission de crimes mais par le

  8   soutien à l'effort de guerre. Ces constatations n'ont aucune prétention à

  9   sous-estimer et encore moins à occulter les crimes commis dans différents

 10   endroits en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, crimes auxquels des

 11   volontaires déployés par Vojislav Seselj ou son parti ont pu prendre part

 12   ou être indirectement associés. La majorité indique simplement qu'elle n'a

 13   pas été convaincue que le recrutement et déploiement subséquents des

 14   volontaires présupposaient de la part de Vojislav Seselj la connaissance,

 15   l'instruction de ces crimes sur le terrain ou qu'il y a souscrit. Ces

 16   crimes, de l'avis de la majorité, ne peuvent pas être considérés comme

 17   consubstantiels au projet politique de la Grande-Serbie ou aux activités

 18   visant à protéger les Serbes.

 19   La Chambre a reçu une preuve abondante qui établit l'armement des

 20   Serbes locaux de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. Toutefois, la preuve

 21   fait état de preuve de civils croates ou musulmans qui s'armaient

 22   également. Ce tableau global accrédite également pour la majorité la

 23   possibilité raisonnable d'un scénario de factions belligérantes se

 24   préparant toutes à des hostilités imminentes pour préserver des territoires

 25   qu'elles estimaient être les leurs, plutôt qu'une démarche singulière et

 26   unilatérale de conquérants serbes mus exclusivement par un but criminel

 27   d'expulsions de civils des autres groupes ethniques.

 28   L'absence de preuve quant à l'existence d'un projet criminel suffit


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  1   légalement pour rejeter l'allégation d'entreprise criminelle. La majorité à

  2   titre superfétatoire a également exploré la question de l'identité de vues

  3   entre les supposés membres du projet criminel, qui est aussi un ingrédient

  4   nécessaire pour conclure à l'existence d'une ECC.

  5   L'Accusation concentre la majeure partie de ses allégations sur

  6   l'identité de vues entre Vojislav Seselj et Milosevic, représentant le

  7   JNA/VJ ainsi que le MUP serbe, celle entre Vojislav Seselj et les autres

  8   membres liés à la RS et à la VRS, et celle entre Vojislav Seselj et les

  9   autres groupes paramilitaires, tels que les Tigres d'Arkan.

 10   La Chambre a reproduit dans son jugement des échanges qui ont eu lieu

 11   entre les différents protagonistes du procès dans l'affaire Milosevic au

 12   moment du témoignage de Vojislav Seselj dans cette affaire. Il apparaît de

 13   ces échanges que les Juges de cette affaire étaient aussi confus que ceux

 14   de la majorité dans l'affaire Seselj quant à l'objet du supposé but

 15   criminel. Le Procureur dira d'abord que Milosevic ne partageait pas

 16   l'idéologie de la Grande-Serbie. Il sera par la suite confronté à ses

 17   propres écritures antérieures, desquelles il résultait que la notion de

 18   Grande-Serbie était bien au cœur de cette théorie. Le Procureur va

 19   tergiverser en changeant plusieurs fois de versions, tout en refusant le

 20   délai que les Juges lui offraient volontiers pour qu'il prenne le temps de

 21   clarifier sa démarche jugée confuse.

 22   De l'avis de la majorité, non seulement cette confusion demeure, mais

 23   de nombreux éléments de preuve révèlent que la concertation avait pour but

 24   la défense des Serbes et des territoires traditionnellement serbes ou la

 25   conservation de la Yougoslavie, et non la commission de crimes allégués.

 26   La Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente, a donc conclu

 27   que le Procureur n'a pas prouvé l'existence d'une entreprise criminelle

 28   commune.


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  1   La Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente, a par ailleurs

  2   également conclu au rejet de la responsabilité de Vojislav Seselj au titre

  3   de la commission matérielle des crimes de persécution, tirant toutes les

  4   conséquences de sa conclusion selon laquelle les conditions requises pour

  5   appliquer l'article 5 du Statut ne sont pas réunies. La Chambre à

  6   l'unanimité rejette la responsabilité de Vojislav Seselj au titre de la

  7   commission matérielle des expulsions et actes inhumains, transfert forcé,

  8   en tant que crimes contre l'humanité visés dans l'acte d'accusation.

  9   Je vais à présent résumer les conclusions de la Chambre concernant

 10   l'allégation de l'Accusation relative à l'incitation de crimes imputés à

 11   Vojislav Seselj.

 12   La Chambre a tout d'abord reconnu que la propagande d'une idéologie

 13   nationaliste n'est en soi criminelle. Elle a cependant estimé qu'il lui

 14   appartenait d'analyser et de qualifier les propos tenus par Vojislav Seselj

 15   et leur impact potentiel sur les auteurs des crimes visés dans l'acte

 16   d'accusation à la lumière du contexte.

 17   La Chambre a examiné le contenu et le contexte de plusieurs discours

 18   reprochés à Vojislav Seselj, en particulier : premièrement, un discours

 19   prononcé sur la route de Vukovar le 7 novembre 1991 et au cours duquel

 20   Vojislav Seselj aurait déclaré que "bientôt, il ne restera plus un seul

 21   Oustachi dans cette région."

 22   Deuxièmement, un discours prononcé par Vojislav Seselj à Vukovar

 23   entre le 12 et le 13 novembre 1991 et au cours duquel il aurait indiqué

 24   "aucun Oustacha ne devrait quitter Vukovar vivant" et "Oustachi, rendez-

 25   vous! Il n'est plus nécessaire de perdre vos vies."

 26   Troisièmement, un discours prononcé à Mali Zvornik en mars 1992 au

 27   cours duquel il aurait appelé ses frères chetniks à la vengeance contre les

 28   "balija'" et à les repousser vers l'est, bien au-delà de la rivière Drina.


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  1   Et quatrièmement, un discours prononcé le 6 mai 1992 à Hrtkovci en

  2   Vojvodine, et au cours duquel Vojislav Seselj aurait déclaré, entre autres,

  3   qu'il n'y avait pas de place pour les Croates à Hrtkovci.

  4   La Chambre a conclu que les discours sur la route de Vukovar et le discours

  5   de Vukovar ont bien été prononcés par Vojislav Seselj. Cependant, la

  6   Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente, n'a pu écarter la

  7   possibilité raisonnable que ces discours aient été prononcés dans un

  8   contexte de conflit et qu'ils étaient destinés à renforcer le moral des

  9   troupes de son camp plutôt qu'à les appeler à ne pas faire de [inaudible].

 10   La Chambre à la majorité, le Juge Antonetti, c'est-à-dire moi-même, étant

 11   dissident, a conclu par ailleurs que Vojislav Seselj avait bien prononcé le

 12   discours précité en mars 1992 à Mali Zvornik, même si elle a considéré que

 13   les circonstances précises entourant ce discours n'étaient pas établies.

 14   La Chambre à la majorité, le Juge Lattanzi dissidente, n'a cependant pas

 15   été en mesure de conclure au-delà de tout doute raisonnable qu'en appelant

 16   les Serbes à "nettoyer la Bosnie des 'pogani' ou des 'balija'", Vojislav

 17   Seselj avait appelé au nettoyage ethnique des non-Serbes de Bosnie. La

 18   majorité considère, en effet, que la preuve fournie par l'Accusation n'est

 19   pas suffisamment étayée pour exclure la possibilité, au regard du contexte,

 20   que par cet appel, Vojislav Seselj participait plutôt à l'effort de guerre

 21   en galvanisant les forces serbes.

 22   La Chambre conclut à la majorité, le Juge Antonetti étant dissident, c'est-

 23   à-dire moi-même, que les propos tenus par Vojislav Seselj dans son discours

 24   à Hrtkovci ont constitué un appel clair à l'expulsion ou au transfert forcé

 25   des Croates de la localité. Cependant, la Chambre à la majorité, la Juge

 26   Lattanzi dissidente, a estimé que l'Accusation n'avait pas rapporté la

 27   preuve que ce discours aurait été à l'origine des départs des Croates ou de

 28   la campagne de persécution alléguée par l'Accusation.


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  1   La Chambre à la majorité, le Juge Antonetti étant dissident, a conclu que

  2   deux autres discours prononcés devant le parlement serbe les 1er et 7 avril

  3   1992 constituaient des appels clairs à l'expulsion et au transfert forcé

  4   des Croates.

  5   Dans le premier discours prononcé le 1er avril 1992, lors de l'examen d'un

  6   projet de loi sur les réfugiés, Vojislav Seselj déclarait notamment, je

  7   cite :

  8   "Nous allons chasser les Croates en exerçant le même droit que celui que

  9   Tudjman a exercé pour chasser les Serbes. Nous n'allons pas nous livrer à

 10   un génocide parce que nous, les Serbes, nous n'avons pas ça dans le sang.

 11   Nous n'allons pas commencer à vous tuer, bien entendu. Nous allons

 12   simplement vous faire monter dans des camions et des trains et vous laisser

 13   vous débrouiller à Zagreb."

 14   Le second discours du 7 avril 1992 réitérait la substance du même propos.

 15   S'il est vrai que de l'avis de la Chambre à la majorité, le Juge Antonetti

 16   étant dissident, ces discours sont des appels à l'expulsion, la Chambre,

 17   dans une autre majorité, la Juge Lattanzi dissidente, estime que ces

 18   propos, s'inscrivant dans une opposition à la politique officielle serbe,

 19   sont une déclamation d'un programme politique alternatif qui n'aura jamais

 20   été mis en œuvre. L'Accusation n'a rien offert pour en évaluer l'impact.

 21   L'absence de tout impact mesurable combinée à la certitude que les appels

 22   aux autorités serbes de pratiquer la rétorsion contre les Croates n'ont

 23   reçu aucun écho favorable n'autorise la majorité à conclure à l'incitation

 24   aux crimes de guerre, même en prenant en compte les discours les plus

 25   virulents, notamment ceux de Hrtkovci, et ceux prononcés devant le

 26   parlement serbe.

 27   La Chambre à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente, a donc conclu que

 28   l'Accusation n'avait pas rapporté la preuve qu'il existait un lien de


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  1   causalité entre les discours du 1er et 7 avril 1992 de Vojislav Seselj, et

  2   les crimes commis en avril 1992 dans les villes de Mostar, Zvornik, et dans

  3   la région de Sarajevo, ou que l'on pouvait imputer à Vojislav Seselj, même

  4   indirectement, les crimes commis entre mai 1992 et septembre 1993. Dans ces

  5   conditions, la majorité n'est pas en mesure de qualifier les discours de

  6   Vojislav Seselj du 1er et 7 avril 1992 d'actes matériels d'incitation.

  7   La majorité a par ailleurs rejeté l'allégation de l'Accusation d'incitation

  8   en raison du fait que Vojislav Seselj n'aurait pas pris de mesures contre

  9   les Seseljevci qui auraient participé aux crimes contre les non-Serbes. La

 10   majorité rappelle qu'aucun lien hiérarchique formel ou de facto n'avait été

 11   retenu entre Vojislav Seselj et les volontaires qui ont participé aux

 12   crimes visés dans l'acte d'accusation. Or, l'omission de punir ne peut être

 13   retenue en l'absence de tout lien hiérarchique qui rendrait Vojislav Seselj

 14   comptable des agissements des volontaires. Pour la majorité, il est acquis

 15   que s'agissant des activités sur le terrain, les volontaires étaient soumis

 16   à une autorité militaire.

 17   S'agissant maintenant de la responsabilité, alléguée de Vojislav Seselj au

 18   titre de l'aide et de l'encouragement, la Chambre à la majorité, la Juge

 19   Lattanzi dissidente, la rejette en relevant notamment que les arguments de

 20   l'Accusation sur lesquels cette accusation se fonde ont la même base

 21   factuelle que ses allégations sur la responsabilité au titre de l'ECC et de

 22   l'incitation.

 23   Je vais à présent donner lecture du dispositif.

 24   En raison des motifs que je viens de résumer, la Chambre :

 25   Pour le chef 1, persécutions, en tant que crimes contre l'humanité, déclare

 26   l'accusé non coupable, à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente.

 27   Pour le chef 4, meurtre, en tant que violation des lois ou coutumes de la

 28   guerre, déclare l'accusé non coupable, à la majorité, la Juge Lattanzi


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  1   dissidente.

  2   Pour le chef 8, torture, en tant que violation des lois ou coutumes de la

  3   guerre, déclare l'accusé non coupable, à la majorité, la Juge Lattanzi

  4   dissidente.

  5   Pour le chef 9, traitement cruel, en tant que violation des lois ou

  6   coutumes de la guerre, déclare l'accusé non coupable, à la majorité, la

  7   Juge Lattanzi dissidente.

  8   Pour le chef 10, expulsion, en tant que crimes contre l'humanité, déclare

  9   l'accusé non coupable, à la majorité, la Juge Lattanzi dissidente.

 10   Pour le chef 11, actes inhumains, transfert forcé, en tant que crimes

 11   contre l'humanité, déclare l'accusé non coupable, à la majorité, la Juge

 12   Lattanzi dissidente.

 13   Pour le chef 12, destruction sans motif de villages ou dévastation non

 14   justifiée par les exigences militaires, en tant que violation des lois ou

 15   coutumes de la guerre, déclare l'accusé non coupable, à la majorité, la

 16   Juge Lattanzi dissidente.

 17   Pour le chef 13, destruction ou endommagement délibéré d'édifices consacrés

 18   à la religion ou à l'éducation, en tant que violation des lois ou coutumes

 19   de la guerre, déclare l'accusé non coupable, à la majorité, la Juge

 20   Lattanzi dissidente.

 21   Pour le chef 14, pillage de biens publics ou privés, en tant que violation

 22   des lois ou coutumes de la guerre, déclare l'accusé non coupable, à

 23   l'unanimité.

 24   Avec cet acquittement sur tous les neuf chefs d'accusation, le mandant

 25   d'arrêt décerné par la Chambre d'appel le 17 juin 2015 n'a plus d'objet.

 26   Vojislav Seselj est donc un homme libre à la suite de ce verdict.

 27   Le Juge Antonetti joint une opinion concordante; le Juge Niang joint une

 28   déclaration; la Juge Lattanzi joint une opinion partiellement dissidente.


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  1   Venant de lire le résumé du jugement, je lève maintenant l'audience,

  2   et je vous remercie.

  3   --- L'audience est levée à 11 heures 25.

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