LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit :
M. le Juge Patrick Robinson, Président
M. le Juge David Hunt
M. le Juge Mohamed Bennouna
Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue :
18 octobre 2000
LE PROCUREUR
c/
BLAGOJE SIMIC
MILAN SIMIC
MIROSLAV TADIC
STEVAN TODOROVIC
SIMO ZARIC
_____________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE AUX FINS DASSISTANCE JUDICIAIRE DE LA PART DE LA SFOR ET DAUTRES ENTITÉS
_____________________________________________________________
Le Bureau du Procureur :
Mme Nancy Paterson
Les Conseils de la Défense :
M. Slobodan Zecevic pour Milan Simic
MM. Igor Pantelic et Novak Lukic pour Miroslav Tadic
M. Deyan Ranko Brashich pour Stevan Todorovic
MM. Borislav Pisarevic et Aleksander Lazarevic pour Simo Zaric
I. INTRODUCTION
1. La présente Chambre de première instance du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 (le «Tribunal international») est saisie dune «Notification de la Requête aux fins dassistance judiciaire» (la «Requête»), déposée le 24 novembre 1999 par le conseil de laccusé Stevan Todorovic (la «Défense»). Il sagit dune requête en vue dobtenir une ordonnance de la Chambre de première instance enjoignant à la Force de stabilisation (la «SFOR ») ou à dautres forces militaires et forces de sécurité agissant sur le territoire de Bosnie-Herzégovine de présenter à la Défense des documents et des témoins concernant larrestation de laccusé ainsi que son transfert de sa résidence en République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) à la base aérienne de Tuzla en Bosnie -Herzégovine, événements qui se seraient tous les deux produits entre les 26 et 28 septembre 1998 et ce, en vue de les utiliser comme éléments de preuve lors de laudience relative à la légalité de cette arrestation actuellement contestée devant la Chambre de première instance.
2. Le 8 décembre 1999, le Bureau du Procureur (l«Accusation») a déposé sa réponse portant objection à la mesure sollicitée et a affirmé que la Requête et la procédure y afférente concernant la légalité de larrestation ne sont «rien dautre quune partie de pêche aux informations juridique». La Défense a déposé une réplique le 13 décembre 1999.
3. Le 7 mars 2000, en réponse à une requête supplémentaire de la Défense aux fins dobtenir de lAccusation des documents similaires, la Chambre de première instance a rendu une ordonnance enjoignant à lAccusation de communiquer copie des rapports et autres documents pertinents, y compris lidentité de diverses personnes impliquées dans le transport et larrestation de laccusé à la base aérienne de Tuzla. Parallèlement , la Chambre de première instance a exigé de la Défense quelle linforme des démarches entreprises pour obtenir les documents et les pièces de la SFOR.
4. Le 8 mai 2000, lAccusation sest acquittée de son obligation de communiquer lesdits documents, après avoir, sans succès, interjeté appel de lordonnance. LAccusation na fourni quun rapport dune page concernant larrestation de laccusé, rapport préparé par M. Ole Brøndum, enquêteur qui a procédé à larrestation le 27 septembre 1998. LAccusation affirme navoir en sa possession ou sous son contrôle aucun des documents mentionnés, à lexception de ce rapport.
5. Les 20 mars et 12 mai 2000, la Défense a précisé les démarches entreprises directement auprès de la SFOR en vue dobtenir les documents. Elle a soumis la copie dune lettre datée du 24 mars 2000, par laquelle le colonel James M. Coyne du Bureau du Conseiller juridique de la SFOR refusait de fournir les documents sollicités et affirmait : «la SFOR estime donc que le TPIY nest pas en droit de lui ordonner de communiquer quelque information que ce soit».
6. La Chambre de première instance a ensuite ordonné que la Requête soit signifiée à la SFOR. Une audience a été fixée au 23 juin 2000 et la SFOR a été informée quelle pouvait déposer une réponse écrite à la Requête et être entendue sur celle-ci. Le 5 juin 2000, la Défense a déposé un «Mémoire des points de droit avancés par la Défense pour démontrer que la compétence du TPIY sétend à la SFOR». Le 16 juin 2000, la SFOR a sollicité une prorogation du délai de dépôt de sa réponse écrite à la Requête. Le 21 juin 2000, la Chambre de première instance a annulé laudience et ordonné à la SFOR de présenter, le 28 juin 2000 au plus tard, les motifs de sa requête aux fins de report. La SFOR a déposé une lettre le 28 juin 2000 affirmant que la Requête soulevait «des points de droit qui exigent un examen minutieux et une coordination rigoureuse de la part de la SFOR et du SHAPE»1. LAccusation et la Défense ont répondu à cette lettre respectivement les 30 juin et 3 juillet 2000.
7. Le 7 juillet 2000, la Chambre de première instance a fait droit à la demande de prorogation de délai formulée par la SFOR et a reporté laudience relative à la Requête au 25 juillet 2000. Le 10 juillet 2000, la SFOR a déposé une réponse écrite à la Requête ; les parties ont ensuite déposé des écritures complémentaires , respectivement les 17 et 25 juillet 2000 et le 1er août 2000 sagissant de la Défense et le 31 juillet 2000 sagissant de lAccusation. Le 25 juillet 2000, la Défense a précisé la mesure demandée et a inclut pour la première fois une requête aux fins dassistance judiciaire adressée aux États-Unis dAmérique.
8. Une audience relative à la Requête a été tenue publiquement le 25 juillet 2000 , à laquelle la SFOR na pas comparu.
II. LES ARGUMENTS DES PARTIES
A. La Défense
9. La Défense soutient quelle est en droit de solliciter une assistance en vue de la production déléments de preuve concernant les faits et les circonstances de larrestation dont il est fait état et de la détention de laccusé. Elle souhaite notamment obtenir2 :
a) la comparution de la personne ou des personnes qui ont transporté laccusé par hélicoptère jusquà la base aérienne de Tuzla ;
b) la comparution de la personne qui a arrêté laccusé et signifié le mandat darrêt ;
c) la production des bandes audio et vidéo de larrestation et de la détention initiales de laccusé à la base aérienne de Tuzla, enregistrées le 27 septembre 1998 ;
d) les rapports dopération de la SFOR antérieurs et postérieurs à larrestation et concernant la capture et la détention de laccusé.
10. Dans son mémoire du 25 juillet 20003, la Défense précise en détail les mesures quelle sollicite :
i) une ordonnance et injonction de produire adressée au général commandant de la SFOR et concernant les pièces suivantes :
a) tous les rapports dopérations, antérieurs ou postérieurs à larrestation, concernant la capture, lenlèvement et larrestation de laccusé, y compris les ordres en matière de mouvements de personnel ;
b) les ordres, autorisations et carnets de bord relatifs aux mouvements de véhicules , notamment des hélicoptères ayant servi à ces opérations ;
c) les rapports de terrain, rapports dopérations, comptes rendus de mouvements, rapports détat-major, notes, procès verbaux et mémorandums concernant la capture , lenlèvement et larrestation de laccusé ;
d) les enregistrements vidéo ou audio de la capture, de lenlèvement et de larrestation de laccusé ;
e) les ordres de paiement en faveur de membres de la SFOR et de tiers, ainsi que les preuves de tels paiements ;
f) les noms, grades et numéros matricules des membres du personnel de la SFOR ayant participé à la capture, lenlèvement et larrestation de laccusé et
g) les noms et dernières adresses connues de personnes extérieures à la SFOR ayant participé à la capture, lenlèvement et larrestation de laccusé ;
ii) une injonction à comparaître adressée au général Shinseki, général commandant de la base aérienne de Tuzla ainsi quaux membres du personnel de la SFOR ayant participé à la capture, lenlèvement et larrestation de laccusé et
iii) une demande aux fins dassistance judiciaire adressée aux États-Unis dAmérique concernant les mêmes pièces.
11. En se fondant sur larrêt rendu par la Chambre dappel du Tribunal international dans laffaire Le Procureur c/ Blaskic4, la Défense affirme5 que les membres de la SFOR peuvent être contraints à comparaître. Laccusé ayant été transféré de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) (la «RFY») en Bosnie -Herzégovine, larrivée dun hélicoptère quelques minutes à peine après un message radio demandant quil soit transporté à la base aérienne de la SFOR à Tuzla démontrerait la participation de la SFOR à lenlèvement dont il est fait état6.
12. La Défense ajoute quelle a décrit les documents et les pièces sollicités de manière suffisamment précise pour satisfaire aux critères fixés par larrêt Blaskic rendu par la Chambre dappel. Cette Requête nest pas dune exécution excessivement laborieuse et lon pourrait accorder un délai suffisant.
13. En outre, la Défense prétend que, même si la SFOR à proprement parler nest pas soumise à la compétence du Tribunal international, les différents États membres restent, en revanche, responsables et tenus de remplir les obligations attachées à leur statut de membres des Nations Unies et doivent par conséquent coopérer avec le Tribunal international. La Défense soutient que la Chambre de première instance na pas à déterminer si la compétence du TPIY sétend à la SFOR, en tant quentité car il va sans dire que la compétence du TPIY sétend aux membres constitutifs de celle-ci7. La Défense fait remarquer que dans sa résolution 1088 adoptée le 12 décembre 1996 et portant création de la SFOR8, le Conseil de sécurité «souligne que cette coopération sans réserve avec le Tribunal international suppose notamment que les États et les Entités défèrent à ce dernier toutes les personnes inculpées et lui fournissent des informations pour laider dans ses enquêtes».
B. LAccusation
14. LAccusation se fonde sur les arguments relatifs à la légalité de larrestation qui ont été soulevés dans des écritures précédentes déposées au cours de la procédure 9. Fondamentalement, lAccusation affirme que :
a) la Requête nétablit aucun début de présomption justifiant un examen judiciaire ;
b) aucune irrégularité entourant les circonstances de larrestation de laccusé, pour autant quelle existe, ne justifierait les mesures demandées.
15. LAccusation soutient que «certaines lois internationales ne lient pas des institutions internationales ?...g» car, dune part «certaines lois internationales ont pour seul objet de réglementer la conduite des États entre eux et ne sappliquent nullement aux institutions internationales» et car, dautre part, «dans lexercice légitime de ses fonctions, le Tribunal dispose de pouvoirs supérieurs aux intérêts traditionnels [...] touchant à la souveraineté des États»10. Pour prouver le bien-fondé de la légalité de larrestation, lAccusation fait remarquer que la compétence ratione loci du Tribunal international sétend à tout le territoire de lex-Yougoslavie et quil nexiste aucun fondement permettant dexciper dune violation de la souveraineté. En outre, larrestation de personnes en exécution dun mandat darrêt valable et délivré par le Tribunal international ne saurait constituer une violation de la souveraineté ; sil nen était pas ainsi, les enquêtes , la mise en accusation de tout accusé, la tenue daudiences et la détention de personnes accusées, toutes ces questions constitueraient également une violation de la souveraineté11. La Charte des Nations Unies permet expressément au Tribunal international dentreprendre des actions qui, si elles étaient conduites par un État, constitueraient une atteinte à la souveraineté dun autre État.
16. LAccusation affirme quaucun élément de preuve crédible na été présenté qui indiquerait que les membres du Bureau du Procureur ou de toute autre institution , dont la SFOR, ont violé les droits de laccusé. LAccusation qualifie la requête de «pêche aux informations» et demande à la Chambre de première instance de rejeter non seulement la requête mais aussi les contestations sous-jacentes de la légalité de larrestation12.
17. LAccusation ajoute que les opérations darrestation menées par la SFOR «impliquent manifestement de graves problèmes de sécurité et dautres risques pour les États concernés, notamment pour la vie des membres du personnel impliqués. On peut aisément comprendre le souhait des États et des forces concernées de maintenir le plus haut degré de confidentialité sagissant des détails opérationnels de ces activités»13 ?Traduction non officielleg. La Défense a contesté cette affirmation au motif que lAccusation ne représente pas les intérêts de la SFOR en la matière14.
C. La SFOR
18. Dans son mémoire du 10 juillet 2000 (le «Mémoire de la SFOR»)15, la SFOR fait valoir que : i) la divulgation de faits supplémentaires est inutile puisque laccusé ne serait pas autorisé à obtenir la mesure quil demande même dans lhypothèse où ses allégations étaient admises car a) la jurisprudence pertinente nexige pas la mise en liberté de laccusé, b) laccusé nest pas autorisé à demander son élargissement et c) laccusé ne devrait pas être renvoyé dans un État qui défie ses obligations juridiques envers le Tribunal international ; et ii) les conditions requises obligatoires à la sécurité des opérations excluent la communication par la SFOR de faits supplémentaires relatifs à la détention de laccusé16.
19. La SFOR soutient quaucun élément ne permet détablir la participation dune entité quelconque liée au Tribunal international au prétendu enlèvement et que les actes de tiers ne constituent pas un fondement suffisant pour autoriser la mise en liberté de laccusé alors même que le Tribunal international est de toute évidence doté des compétences ratione materiae et ratione personae à son égard 17. À lappui de son allégation selon laquelle on ne saurait accorder une mise en liberté en raison dun comportement qui nest pas imputable à lAccusation, la SFOR se fonde sur l«arrêt relatif à la demande du Procureur en révision ou réexamen» rendu par la Chambre dappel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (le «TPIR») dans laffaire Barayagwisa18. La SFOR fait également remarquer que laccusé ne saurait étayer sa demande sur la décision rendue par le Tribunal international dans laffaire Dokmanovic19, laquelle affirmait la légalité dune arrestation impliquant le recours à la «ruse »20. Le principe selon lequel un enlèvement en violation du droit dun État ne prive pas un autre État de sa compétence, a été affirmé dans certaines affaires portant sur la légalité des «rapts» transfrontaliers . Dautres affaires suggèrent cependant que les juridictions peuvent à leur discrétion refuser dexercer leur compétence lorsque les agents de lÉtat concerné se sont rendus complices dun enlèvement. La SFOR souligne quen lespèce, cest le Bureau du Procureur, et non pas la SFOR, qui a un rôle analogue à celui des agents dun État qui a engagé des poursuites21. La SFOR fait remarquer que laccusé ne conteste pas la légalité de lacte daccusation établi à son encontre et quil ne soutient pas non plus que les autorités de la RFY nauraient pas le droit de larrêter à nouveau après son retour. La SFOR avance donc que la Requête de laccusé ne repose pas sur un droit à rester en liberté mais sur «un prétendu droit à rester fugitif dans un État qui passe outre ses obligations de le livrer»22.
20. La SFOR affirme ensuite quune violation prétendue du droit interne de la RFY ne permet pas à laccusé de bénéficier du droit à être remis en liberté, notamment dans la mesure où il «a délibérément créé une situation dans laquelle tout transfert ou arrestation régulière dans les formes était daprès lui impossible»23. La Chambre de première instance nest donc pas tenue de lui accorder la mesure exceptionnelle que constitue la mise en liberté.
21. Sagissant à présent de la question du retour de laccusé dans un État qui ne respecte pas ses obligations internationales, la SFOR estime quune décision selon laquelle le Tribunal international ne serait pas compétent pour juger une personne appréhendée sur le territoire de la RFY, à moins que cette arrestation soit conforme au droit interne de cette dernière, pourrait avoir de graves conséquences sur la capacité fondamentale du Tribunal international à juger les accusés et aurait pour effet de reconnaître légalement la RFY comme un sanctuaire pour les personnes accusées de crimes de guerre.
22. La SFOR soppose également à toute divulgation supplémentaire dinformations relatives à la détention de laccusé, au motif que cela porterait atteinte aux intérêts primordiaux de la sécurité des opérations et compromettrait la protection et lefficacité des forces de la SFOR engagées dans des efforts darrestation, ainsi que les sources confidentielles de renseignement sur lesquelles elles reposent24. La SFOR affirme que la divulgation dinformations supplémentaires est inutile puisque laccusé ne pourrait être admis à bénéficier de la mesure quil demande, quelle que soit la version des faits25.
23. La Défense a répondu au Mémoire de la SFOR tant par écrit quoralement. Dans sa réponse écrite datée du 17 juillet 2000, la Défense conteste largument de la SFOR selon lequel cest le Bureau du Procureur qui tient un rôle analogue à celui dagents de lÉtat et affirme que cest plutôt la SFOR qui, aux termes du mandat que lui a conféré le Conseil de sécurité de lOrganisation des Nations Unies, tient un tel rôle26. La Défense affirme que le Conseil de sécurité a délégué au TPIY une partie de son pouvoir et de sa compétence envers la SFOR et que celle-ci et son personnel ressortissent à la compétence , au contrôle et à la supervision du TPIY27.
24. La réponse de la Défense porte principalement sur des arguments soulevés lors des procédures sous-jacentes contestant la légalité de larrestation de laccusé et non pas sur la présente Requête. Cependant, la Défense fait remarquer que, dans laffaire Stocke c/ la République fédérale dAllemagne portée devant la Cour européenne des droits de lhomme (la «CEDH»)28, les autorités allemandes ont mené une enquête pour déterminer si ses agents avaient agi de manière illégale. La Défense soutient quen refusant de divulguer les informations permettant de confirmer ou dinfirmer les faits en question, la SFOR essaie précisément dempêcher quune telle enquête soit menée29.
25. La Défense ajoute ensuite que la conduite, passée, présente et future, adoptée par la RFY nest pas pertinente devant la Chambre de première instance ; affirmer le contraire reviendrait à politiser les actions du Tribunal international. La Défense soutient que la Chambre doit fonder ses décisions sur des principes juridiques sans tenir comptes des éventuelles conséquences politiques30.
26. Sagissant de la divulgation dinformations sensibles, la Défense affirme être disposée à trouver une solution acceptable qui répondrait à la nécessité pour elle -même dobtenir des informations et à la nécessité pour la SFOR de protéger ses méthodes en matière de sécurité et dopérations31.
D. Arguments soulevés à laudience
27. Au cours de laudience, la Défense a soumis certaines propositions à la Chambre de première instance sur la façon de procéder. Elle a notamment suggéré que la Chambre se renseigne pour savoir si lAccusation souhaitait présenter des éléments de preuve supplémentaires venant contredire les témoignages entendus à ce jour. La Défense a soutenu quen labsence de tels éléments de preuve, la Chambre de première instance pourrait conclure que la Défense a fourni un commencement de preuve et ordonner alors le retour de laccusé en RFY. Cela permettrait déviter toute confrontation avec la SFOR32.
28. Si la Chambre de première instance ne suit pas cette proposition, la Défense réitère alors sa demande aux fins dune ordonnance adressée aux États-Unis dAmérique , État souverain dont les forces étaient responsables de la base aérienne de Tuzla , ainsi que dune injonction de comparution adressée au général Shinseki, alors général commandant de la SFOR, ainsi quà dautres personnes non identifiées33.
29. LAccusation a rappelé quaucun des documents sollicités napporteraient, sils étaient produits, délément permettant détablir quelle aurait été impliquée dans quelque activité illégale que ce soit. La question de lillégalité de larrestation doit être portée devant les juridictions de la RFY et non pas devant le Tribunal international34. LAccusation a indiqué quelle souhaiterait présenter des moyens de preuve relatifs à la légalité de larrestation et que ceux-ci démontreraient également quelle na participé à aucune activité illégale.
30. LAccusation a avancé quil ne sagissait pas de savoir si la Chambre de première instance était habilitée à délivrer des ordonnances à la SFOR mais si les documents sollicités permettraient dapprofondir les deux questions suivantes : la participation de lAccusation à larrestation et à la détention dune part, et à la légalité du mandat darrêt dautre part. LAccusation estimant quaucune des informations sollicitées ne seraient utiles dans le cadre de ces enquêtes, la Requête devrait être rejetée 35.
31. LAccusation, après avoir répondu aux questions des juge, a déclaré sêtre conformée à toutes les ordonnances de la Chambre de première instance et avoir produit «tous les documents quelle ait jamais eu en sa possession concernant larrestation de M. Todorovic»36. LAccusation a soutenu que la Chambre de première instance nest pas habilitée à ordonner à la SFOR de produire des documents, même sil appartient à la SFOR de soulever un tel argument , lAccusation nétant pas autorisée à parler au nom de celle-ci37. LAccusation a ensuite précisé sa position, en affirmant que même si dans certaines circonstances, il conviendrait que la Chambre de première instance délivre une telle ordonnance, ce nest pas le cas en lespèce38.
32. La Défense a admis que, si elle parvenait à contester la validité de larrestation et que laccusé était renvoyé en RFY, deux cas de figure se présenteraient : soit laccusé est immédiatement remis entre les mains du Tribunal international, soit la RFY ne respecte pas ses obligations. Cependant, cette question «dépasse les intérêts du Tribunal international et devrait être abordée dans un cadre politique»39. La Défense a reconnu que tous les précédents quelle a cités concernaient des juridictions internes. Elle navait connaissance daucun précédent relatif à «un organe international impliqué dans un enlèvement ou tenu responsable dun tel acte». La Défense a affirmé que selon elle, la participation avérée à un enlèvement et à la capture dune personne sur le territoire de la RFY serait sanctionnée par lincompétence du Tribunal international 40. La Défense ajoute quil serait inconcevable quun organe international ne soit pas responsable devant quelque autorité que ce soit pour un acte qui serait considéré comme illégal41.
33. En réponse à une question posée par les juges, la Défense a confirmé quelle cherchait toujours des informations attestant la participation de lAccusation à lenlèvement de laccusé et ce, notamment parce que celle-ci na produit quune copie dun rapport dune page en réponse à lordonnance rendue le 7 mars 2000 par la Chambre de première instance42.
E. Arguments postérieurs à laudience
34. Suite à laudience relative à la Requête, qui a eu lieu le 25 juillet 2000, lAccusation a déposé, le 31 juillet 2000, sa réponse à la notification de la Défense concernant des mesures spécifiques43. La Défense a déposé une réplique le 2 août 2000. Les parties nont ni lune ni lautre demandé à la Chambre de première instance lautorisation de déposer ces documents .
35. Ceux-ci traitent principalement de la contestation sous-jacente de la légalité de larrestation de laccusé. Cependant, lAccusation a admis dans sa réponse que la Chambre de première instance était habilitée à délivrer des ordonnances contraignantes aux membres du personnel de la SFOR. LAccusation fait valoir quen tout état de cause, la Chambre ne devrait user de ce pouvoir discrétionnaire quavec une extrême précaution et après avoir soigneusement mis en balance tous les intérêts contradictoires en présence. Il faut donc comparer le préjudice quentraînerait la divulgation dinformations confidentielles à celui qui serait causé à la bonne administration de la justice si lesdites informations nétaient pas communiquées à la Chambre de première instance .
36. LAccusation estime quen lespèce, la mise en balance des intérêts en présence plaiderait contre la délivrance des ordonnances sollicitées à un général de la SFOR et aux États-Unis dAmérique44. LAccusation soutient que, pour des raisons majeures dordre public, la SFOR doit empêcher la divulgation dinformations sensibles pour ses opérations et sa sécurité en matière darrestations et que la Requête de la Défense ne doit pas être agréée, à moins que celle-ci nétablisse lexistence de raisons décisives et impérieuses justifiant le recours à de telles mesures45. La Défense réplique en faisant valoir que la Chambre de première instance a déjà déterminé que les informations et les témoignages sollicités étaient importants pour la Défense et ordonné que lAccusation les produise46. LAccusation ayant continuellement déclaré navoir aucune connaissance des opérations de la SFOR, elle nest pas en mesure dinvoquer leffet néfaste de la divulgation des informations sur ces opérations et ses tentatives en ce sens sont de simples spéculations47.
III. DROIT APPLICABLE
37. Les dispositions pertinentes du Statut et du Règlement de procédure et de preuve (le «Règlement») sont exposées ci-après.
Article 29 du Statut
Coopération et entraide judiciaire
1. Les États collaborent avec le Tribunal à la recherche et au jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire .
2. Les États répondent sans retard à toute demande dassistance ou à toute ordonnance émanant dune Chambre de première instance et concernant, sans sy limiter :
a) lidentification et la recherche des personnes ;
b) la réunion des témoignages et la production des preuves ;
c) lexpédition des documents ;
d) larrestation ou la détention des personnes ;
e) le transfert ou la traduction de laccusé devant le Tribunal.
Article 54 bis du Règlement
Ordonnances adressées aux États aux fins de production de documents
A) Une partie sollicitant la délivrance à un État dune ordonnance aux fins de production de documents ou dinformations en application de larticle 54, dépose une requête écrite devant le Juge ou la Chambre de première instance compétents et :
i) identifie autant que possible les documents ou les informations visés par la requête,
ii) indique dans quelle mesure ils sont pertinents pour toute question soulevée devant le Juge ou la Chambre de première instance et nécessaires au règlement équitable de celle-ci, et
iii) expose les démarches qui ont été entreprises par le requérant en vue dobtenir lassistance de lÉtat.
B) Le Juge ou la Chambre de première instance peut rejeter in limine une requête déposée en application du paragraphe A) si il / elle est convaincu(e) que :
i) les documents ou les informations ne sont pas pertinents pour la question concernée soulevée devant le Juge ou la Chambre de première instance ou ne sont pas nécessaires au règlement équitable de celle-ci ou
ii) le requérant na pas entrepris de démarches raisonnables en vue dobtenir de lÉtat des documents ou informations sollicités.
C) Une décision de rejet de la requête rendue par Juge ou une Chambre de première instance en vertu du paragraphe B) est susceptible dappel en application de larticle 116 bis.
D) Sous réserve dune décision rendue en application des paragraphes B) ou E), lÉtat concerné est notifié de la requête 15 jours au moins avant la tenue dune audience sur cette dernière. LÉtat pourra être entendu durant ladite audience.
E) Si, au vu des circonstances, le Juge ou la Chambre de première instance a de bonnes raisons de le faire, il / elle peut délivrer une ordonnance en vertu du présent article sans que lÉtat soit notifié ou ait la possibilité dêtre entendu en application du paragraphe D). Une telle ordonnance est soumise aux dispositions suivantes :
i) lordonnance est signifiée à lÉtat concerné,
ii) sous réserve de lalinéa iv), lordonnance ne prend effet que quinze jours après cette signification,
iii) un État peut, dans les quinze jours de ladite signification demander au Juge ou à la Chambre de première instance lannulation de lordonnance, au motif que la divulgation porterait atteinte à ses intérêts de sécurité nationale. Le paragraphe F) sapplique à cette demande dannulation de la même manière quà un acte dopposition ,
iv) si une demande est présentée en vertu de lalinéa iii), lordonnance est suspendue jusquà ce quil soit statué sur la demande,
v) les paragraphes F) et G) sappliquent à lexamen des demandes dannulation présentées en application de lalinéa iii) de la même manière quà celui des requêtes notifiées conformément au paragraphe D),
vi) sous réserve de toute mesure spécifique obtenue au titre dune requête en application des paragraphes F) ou G), lÉtat et la partie sollicitant lordonnance peuvent être entendus au cours de laudience relative à la requête déposée conformément à lalinéa iii).
F) Si lÉtat soulève une objection en application du paragraphe D), au motif que la divulgation porterait atteinte à ses intérêts de sécurité nationale, il dépose au plus tard cinq jours avant la date prévue pour laudience, un acte dopposition , dans lequel il :
i) précise, dans la mesure du possible, les arguments sur lesquels il se fonde pour déclarer que ses intérêts de sécurité nationale seraient compromis et,
ii) peut demander au Juge ou à la Chambre de première instance dordonner des mesures de protection appropriées en vue de laudience relative à lopposition, parmi lesquelles :
a) la tenue à huis clos et / ou ex parte de ladite audience,
b) lautorisation de présenter les documents sous forme expurgée, accompagnés dune déclaration sous serment signée par un représentant officiel de lÉtat, exposant les motifs de lexpurgation,
c) la délivrance dune ordonnance enjoignant quil ne soit établi aucun compte rendu daudience et que les documents dont le Tribunal na plus besoin soient directement restitués à lÉtat sans quils fassent lobjet de la procédure de dépôt auprès du Greffe ou soient de toute autre manière conservés.
G) Sagissant de la procédure prévue au paragraphe F) ci-dessus, le Juge ou la Chambre de première instance peut ordonner que les mesures de protection suivantes soient mises en place lors de laudience relative à lopposition :
i) la nomination dun juge unique dune Chambre en vue dexaminer les documents et dentendre les exposés, et / ou
ii) lautorisation accordée à lÉtat de fournir ses propres interprètes pour laudience et ses propres traductions des documents sensibles.
H) Le rejet dune requête déposée au titre du présent article nexclut pas la possibilité dintroduire une demande ultérieure relative aux mêmes documents ou informations si des faits nouveaux interviennent.
I) Une ordonnance rendue en application du présent article peut prévoir que les documents ou informations concernés que lÉtat doit produire fassent lobjet de mesures appropriées afin de protéger ses intérêts, parmi lesquelles peuvent figurer les mesures énumérées au paragraphe F) ii) ou G).
IV. EXAMEN
A. Le pouvoir de délivrer les ordonnances sollicitées
38. Larticle 29 du Statut traite de la coopération des États avec le Tribunal international pour «la recherche et ?leg jugement des personnes accusées davoir commis des violations graves du droit international humanitaire». Larrêt rendu par la Chambre dappel dans laffaire Le Procureur c/ Blaskic48 confirme ce qui ressort clairement de la lecture de cet article, à savoir que le Tribunal international est habilité à délivrer des ordonnances contraignantes aux États. Il sagit ici de savoir si le Tribunal international peut, en vertu de larticle 29 du Statut, délivrer une ordonnance à la SFOR, sachant que cet article est limité, à première vue, aux États. Pour répondre à cette question, il convient dexaminer tant la création et la structure de la SFOR que la portée de larticle 29 du Statut.
1. La création de la SFOR
39. LIFOR (désormais la SFOR) a été créée par lOTAN en décembre 1995 en vertu de lAccord de paix de Dayton et sous lautorité du Conseil de sécurité des Nations Unies. Larticle I de lAnnexe 1-A de lAccord de paix (qui porte sur les aspects militaires du Règlement de paix) invite le Conseil de sécurité «à adopter une résolution par laquelle il autorisera des États Membres ou des organisations et arrangements régionaux à créer une Force dapplication militaire multinationale (ci-après dénommée lIFOR)»49.
40. Larticle I 1) b) prévoit que «lOTAN pourra créer ladite force, qui opérera sous lautorité du Conseil de lAtlantique Nord (le «Conseil») et sera soumise à la direction et au contrôle politique de celui-ci par lintermédiaire de la chaîne de commandement de lOTAN»50. Parmi les objectifs des obligations auxquelles les parties à lAccord de paix ont souscrit et qui sont énumérés à larticle I 2) b) figure celui de contribuer à ce que lIFOR dispose de lappui et des autorisations voulus et, «en particulier, ?dgautoriser lIFOR à prendre les mesures requises, y compris lemploi de la force nécessaire , pour veiller au respect des dispositions de la présente Annexe et pour assurer sa propre protection». Les paragraphes 2 et 3 de larticle VI décrivent la mission de lIFOR51. Larticle VI 4), dans son passage pertinent, prévoit que «les Parties considèrent comme entendu et conviennent que le Conseil de lAtlantique Nord, au moyen de nouvelles directives, pourra assigner à lIFOR des devoirs et des responsabilités supplémentaires en ce qui concerne lapplication de la présente Annexe».
41. Le paragraphe 14 de la résolution 1031 adoptée par le Conseil de sécurité le 15 décembre 1995 «?agutorise les États Membres agissant par lintermédiaire de lorganisation visée à lannexe 1-A de lAccord de paix52 [...] à créer une Force multinationale de mise en oeuvre de la paix (IFOR), placée sous un commandement et un contrôle unifiés, chargée de sacquitter du rôle décrit à lannexe 1-A et à lAnnexe 2 de lAccord de paix»53. Le paragraphe 16 de la résolution «?agutorise les états Membres agissant en vertu du paragraphe 14 ci-dessus, conformément à lAnnexe 1-A de lAccord de paix, à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect des règles et des procédures qui seront établies par le Commandant de lIFOR».
42. Le 16 décembre 1995, le Conseil de lAtlantique Nord a approuvé la stratégie opérationnelle du Commandant en chef allié en Europe (SACEUR) et autorisé le déploiement sur le théâtre des opérations des forces principales de lIFOR. En 1996, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1088 (12 décembre 1996) a autorisé les États Membres agissant par lintermédiaire de lorganisation visée à lAnnexe 1-A de lAccord de paix ou en coopération avec elle à établir, pour une durée prévue de 18 mois, la SFOR en tant que successeur légal de lIFOR. Les résolutions 1174 (15 juin 1998 ), 1247 (18 juin 1999) et 1305 (21 juin 2000) ont chacune successivement renouvelé le mandat de la SFOR pour une période de douze mois. Dix-huit États Membres de lOTAN participent actuellement à la SFOR ainsi que quinze autres États impliqués au titre daccords spéciaux.
2. La coopération entre la SFOR et le Tribunal international
43. En décembre 1995, le Conseil a autorisé la transmission à lIFOR de copies des actes daccusation et des mandats darrêt établis par le Tribunal international et a convenu que toute personne accusée détenue par lIFOR serait mise en détention , immédiatement informée des charges retenues à son encontre et transférée dès que possible au Tribunal international (la «décision du Conseil»). Lordonnance rendue le 24 décembre 1995 par le Juge Jorda fait référence à la décision du Conseil et observe notamment :
1. que le Conseil de lAtlantique Nord a convenu, le 16 décembre 1995, queu égard aux résolutions 827 (1993) et 1031 (1995) du Conseil de sécurité de lONU et à lAnnexe 1-A de laccord-cadre général pour la Paix en Bosnie-Herzégovine, la force multinationale de mise en oeuvre de lOTAN (IFOR) devra placer en détention toutes personnes mises en accusation par le Tribunal pénal international qui entreraient en contact avec lIFOR dans le cadre de lexécution par cette dernière de tâches lui incombant, aux fins dassurer leur transfert audit Tribunal ;
2. que le Conseil de lAtlantique Nord a approuvé, le 16 décembre 1995 une règle dengagement supplémentaire sur la détention et le transfert de telles personnes mises en accusation, applicable exclusivement à la Bosnie-Herzégovine, destinée à être mise en oeuvre dès que les modalités pratiques auront été convenues avec le Tribunal pénal international pour le transfert à ce dernier des personnes mises en accusation54.
44. En mai 1996, le SHAPE et le Tribunal international ont conclu un accord confidentiel relatif aux modalités pratiques de la détention et du transfert au Tribunal de personnes accusées de crimes de guerre par ledit Tribunal (l«Accord du SHAPE»)55. Parmi les dispositions pertinentes de cet Accord figurent :
1.2 Les points de contact sont le Bureau du Procureur, pour le Tribunal de La Haye , et le Bureau du Conseiller juridique (OLA), pour le SHAPE, lesquels traiteront toutes les questions de politique générale.
Larticle 2 expose les modalités précises concernant larrestation de personnes accusées de crimes de guerre.
3.2 À larrivée du représentant compétent du Tribunal, ledit représentant est également chargé de confirmer que la personne détenue par lIFOR est bien celle nommée dans le mandat darrêt en cause, et dinformer ladite personne des charges retenues contre elle dans le mandat darrêt dont elle fait lobjet. Par ailleurs, le Tribunal défendra le SHAPE et lIFOR pour toutes omissions ou erreurs éventuelles découlant de lapplication des articles 1, 2 et 3 du mémorandum par le personnel de lIFOR agissant de bonne foi dans le cadre de ces détentions.
[...]
3.5 Lors du transfert de linculpé détenu devant le représentant compétent du Tribunal , le Chef de la Prévôté de lIFOR doit fournir à ce représentant un compte rendu succinct des circonstances de la mise en détention de linculpé, y compris tout procès-verbal ou autre relation déventuelles déclarations faites par linculpé eu égard à son acte daccusation et à son mandat darrêt [Non souligné dans loriginal] .
45. Dans une lettre datée du 9 mai 1996, le conseiller juridique du SHAPE a officiellement clarifié lobjectif et le sens de larticle 3 2) ci-dessus comme suit :
Il est entendu que les Nations Unies nassume aucune responsabilité juridique pour les actes ou omissions des membres du personnel de lIFOR au titre du présent mémorandum daccord. Larticle 3 2) dudit mémorandum ne doit pas être interprété comme valant renonciation de quelque privilège ou immunité que ce soit de la part des Nations Unies ou du Tribunal. Larticle 3 2) vise uniquement à garantir laccord des participants , selon lequel en cas de conflit, le Procureur du Tribunal présentera, lors des procédures menées devant le Tribunal, ses arguments juridiques à lappui des actes ou omissions faits de bonne foi par des membres du personnel de lIFOR dans le cadre de lapplication des articles premier, 2 et 3 dudit mémorandum daccord. Il est entendu que les nations et les états-majors militaires internationaux concernés demeurent juridiquement responsables des actes ou omissions des membres du personnel de lIFOR, et non les Nations Unies56 [Traduction non officielle].
3. La portée de larticle 29 du Statut
46. Le libellé de larticle 29 du Statut prévoit quil sapplique à tous les États , quils agissent individuellement ou collectivement. En principe, rien ne soppose à ce quil sapplique aux actions collectives entreprises par les États dans le cadre dorganisations internationales, et notamment leurs organes compétents, à linstar de la SFOR dans le cas présent. Une interprétation téléologique de larticle 29 du Statut plaide en faveur de son applicabilité à ces actions collectives de la même manière quaux États. Lobjectif de larticle 29 du Statut est de veiller à la coopération avec le Tribunal international pour la recherche et le jugement de personnes accusées davoir commis des violations graves du droit international humanitaire en ex-Yougoslavie. La nécessité dune telle coopération est flagrante , le Tribunal international ne disposant pas de force dexécution propre, cest- à-dire quil ne dispose pas de force de police. Bien que cette obligation de coopération sadresse logiquement aux États, elle est également possible grâce à laide des organisations internationales, par lintermédiaire de leurs organes compétents qui , du fait de leurs fonctions, peuvent disposer dinformations concernant les personnes accusées par le Tribunal international de violations graves du droit international humanitaire ou entrer en contact avec ces dernières. La relation existant entre la SFOR et le Tribunal international illustre cette coopération mise en pratique .
47. Le Tribunal international, pour interpréter le Statut, a eu recours à plusieurs reprises à la règle générale dinterprétation des traités, énoncée à larticle 31 1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités (la «Convention de Vienne »)57. Larticle 31 1) de la Convention de Vienne prévoit quun «traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but». La jurisprudence du Tribunal international a constamment insisté sur limportance quil y a à accorder le poids qui lui revient à lobjet et au but du Statut en vue de linterpréter. Le simple fait que larticle 29 soit limité aux États et ne mentionne pas dautres actions collectives menées par des dÉtats ne signifie pas que lintention était que le Tribunal international ne bénéficie pas de lassistance des États agissant par le biais de telles actions pour la recherche et le jugement de personnes accusées davoir commis des violations graves du droit international humanitaire.
48. Selon une interprétation téléologique du Statut, une telle ordonnance devrait pouvoir être adressée tant aux actions collectives entreprises par les États quaux États pris individuellement ; larticle 29 devrait donc être interprété comme conférant au Tribunal international le pouvoir dexiger dune organisation internationale, ou de ses organes compétents tels la SFOR, quelle lassiste dans la réalisation de son objectif fondamental, à savoir la poursuite de personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire, en fournissant les différents types dassistance décrits ici.
49. La Chambre de première instance est convaincue que la SFOR est un organe suffisamment organisé et structuré pour recevoir et mettre en oeuvre les ordonnances du Tribunal international rendues en application de larticle 29 du Statut.
4. La jurisprudence du Tribunal international relative à des questions similaires
50. Il convient à présent dexaminer la jurisprudence du Tribunal international qui, par le passé, aurait penché pour une conclusion différente en la matière, tout du moins en ce qui concerne les organisations internationales.
51. Dans laffaire Blaskic58, la Chambre dappel a décidé que :
a) Sagissant des états, le Tribunal international est habilité en vertu de larticle 29 du Statut, à délivrer des ordonnances contraignantes mais il ne peut pas délivrer de subpoena (injonction sous peine de sanction) (paragraphes 25 et 28).
b) Sagissant des agents de lÉtat, le Tribunal international nest pas habilité à délivrer de subpoena, en vertu du principe de limmunité fonctionnelle, selon laquelle un individu ne peut être sanctionné pour les actes entrepris ès qualité (paragraphe 38)
c) Sagissant des agents de lÉtat, le Tribunal na pas le pouvoir de délivrer une ordonnance contraignante car chaque État «est en droit dexiger que les actes ou opérations accomplis par lun de ses organes agissant ès qualité soient imputés à lÉtat, si bien que lorgane en question ne peut être tenu de répondre de ces actes et opérations» (paragraphe 41).Cette règle connaît deux exceptions. Il sagit premièrement du cas où les informations demandées à un agent de lÉtat portent sur des actes ou des renseignements obtenus en dehors de ses fonctions officielles ; il faut alors considérer que la personne a agi à titre privé et peut faire lobjet dune ordonnance contraignante concernant les informations pertinentes. Il sagit deuxièmement du cas où un agent de lÉtat refuse dexécuter une demande soumise par ses autorités aux fins de remettre certains éléments de preuves ou certaines informations. La Chambre dappel a décidé que dans ces circonstances et «?pgour les objectifs limités de la procédure pénale, il est sage de ramener, pour ainsi dire, le responsable officiel dun État au rang dindividu agissant à titre privé et de prendre contre lui toutes les mesures et toutes les sanctions auxquelles il est fait référence ci-après» (paragraphes 49 à 51).
d) Sagissant des agents de lÉtat agissant en qualité de membre dune force internationale de maintien de la paix, telle que la FORPRONU, lIFOR ou la SFOR, le Tribunal international est habilité à délivrer des ordonnances contraignantes dans la mesure où ils agissent en tant que membres dune «force armée internationale chargée du maintien ou de limposition de la paix et non en tant que membre?sg de la structure militaire de ?leurg propre pays» (paragraphe 50). Cependant, la Chambre dappel na pas examiné la question de savoir si, en vertu de larticle 29 du Statut, le Tribunal international est en droit de délivrer des ordonnances contraignantes directement aux organes tels que la FORPRONU, lIFOR et la SFOR.
52. Dans laffaire Kovacevic, la Chambre de première instance a rendu une ordonnance succincte en réponse à une requête de la Défense aux fins dadresser une injonction de produire à la mission de lOrganisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) en Bosnie ; la Chambre a conclu que le Tribunal international nétait pas habilité à délivrer à lOSCE une ordonnance contraignante en application de larticle 29 du Statut, cette disposition sappliquant aux Etats et non pas aux organisations internationales (la «Décision relative à lOSCE»)59.
53. Dans laffaire Simic (la «Décision relative au CICR»)60, la présente Chambre de première instance traité la question de savoir si le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) avait un privilège de confidentialité concernant les informations recueillies par un ancien employé dans lexercice de ses fonctions officielles. La Chambre de première instance a conclu que «larrêt relatif aux ordonnances contraignantes de la Chambre dappel nest pas applicable en lespèce dans la mesure où il sagit ici de la relation entre deux institutions internationales» et a ajouté que «larrêt précité traite de la relation entre le Tribunal international et les États en application de larticle 29 du Statut, disposition qui ne sapplique pas aux organisations internationales»61.
54. Dans laffaire Kordic, la Chambre de première instance a demandé dans un premier temps à la Mission de contrôle de la Communauté européenne (MCCE) de produire des documents et sest adressée dans un second temps à ses autorités compétentes , à savoir la présidence du Conseil européen et la Commission de lUnion européenne . Aucun document nayant été produit en réponse à ces demandes, la Chambre de première instance a rendu une ordonnance enjoignant aux différents États membres de la Communauté européenne lors de la création de la MCCE de produire les documents pertinents ( la «Décision relative à la MCCE»)62. En réponse, la présidence du Conseil européen a produit des documents.
55. La Décision relative au CICR, rendue par la présente Chambre de première instance , est manifestement différente dans la mesure où la question ne portait pas sur lapplicabilité de larticle 29 du Statut à une organisation internationale mais plutôt sur le point de savoir si une organisation donnée avait en droit un privilège de confidentialité eu égard à des informations recueillies par un ancien employé dans lexercice de ses fonctions officielles. Le principe formulé par la Chambre de première instance au paragraphe 53 de ladite Décision doit être interprété dans son contexte. La Chambre de première instance expliquait que larrêt Blaskic nétait pas applicable en lespèce puisquil sagissait, dans le premier cas , de la relation entre le Tribunal international et les États au titre de larticle 29 du Statut, alors que la Décision relative au CICR concernait les liens entre le CICR et le Tribunal international. Dans ce contexte, la Chambre de première instance a déclaré que larticle 29 du Statut ne sappliquait pas aux organisations internationales . Il apparaît donc clairement que ce principe formulé par la Chambre dans cette décision ne constituait pas un élément de la ratio decidendi et na donc que valeur dobiter.
56. La Décision relative à lOSCE63, rendue par une autre Chambre de première instance (et non motivée) ne lie pas la présente Chambre et celle-ci nest pas convaincue quil convient de la suivre64.
57. La Chambre de première instance estime que la Décision relative à la MCCE est particulièrement pertinente ; la Chambre de première instance III a tout dabord demandé directement à la MCCE de produire certains documents aux conseils de la Défense dans le procès en question, puis a ordonné aux États alors membres de la Communauté européenne lors de lentrée en vigueur du «Mémorandum daccord relatif aux activités de surveillance en Bosnie-Herzégovine» de faire de même65.
B. Les ordonnances spécifiques requises
1. Lordonnance adressée à la SFOR
58. Sur la base de lanalyse développée aux paragraphes 46 à 49, la Chambre de première instance conclut quelle est habilitée à délivrer, en application de larticle 29 du Statut, une ordonnance contraignante aux 33 États participant à la SFOR, ainsi quà cette dernière, par lintermédiaire du Conseil de lAtlantique Nord, sous le commandement duquel elle est placée. Cette ordonnance est adressée aux divers États concernés en application de larticle 54 bis E) du Règlement et une procédure similaire sera adoptée, par analogie, sagissant de lordonnance délivrée à la SFOR et au Conseil de lAtlantique Nord. Une procédure similaire a en effet déjà été suivie en lespèce, lorsque la Requête a été notifiée à la SFOR et que cette dernière a été invitée à comparaître à laudience tenue en juillet 2000. Dautres dispositions du Règlement autorisent un État visé à demander lannulation dune telle ordonnance , au motif que la divulgation porterait atteinte à ses intérêts de sécurité nationale ou lexamen de ladite ordonnance par la Chambre dappel.
59. La Requête de la Défense a pour but dobtenir certaines informations et certains documents qui, selon laccusé, se trouveraient en la possession et sous le contrôle de la SFOR et laideraient à fonder ses requêtes portant contestation de la légalité de son arrestation66. La SFOR et lAccusation sopposent à cette Requête, principalement au motif que Todorovic ne saurait bénéficier de la mesure sollicitée, même dans lhypothèse où ses allégations étaient admises 67. Cet argument part du principe que les éléments de preuve présentés à ce jour sont complets. Or ce nest pas le cas et Todorovic sefforce en fait dobtenir de la SFOR des éléments supplémentaires qui viendront appuyer sa demande. Ce nest que lorsque Todorovic aura eu la possibilité de présenter tous les éléments de preuve disponibles que la Chambre de première instance pourra se prononcer sur la mesure requise. LAccusation a cherché une nouvelle fois à faire valoir que les éléments de preuve soumis à ce jour ne sauraient justifier que Todorovic obtienne lesdits documents68. La Chambre de première instance ayant déjà conclu le contraire dans son ordonnance du 7 mars 2000 et la requête introduite par lAccusation aux fins dinterjeter appel de cette ordonnance ayant été rejetée, cette dernière na plus désormais la faculté de relancer le débat.
60. Sagissant de lautre argument de la SFOR, selon lequel des «conditions requises obligatoires à la sécurité des opérations»69 interdisent une divulgation «supplémentaire» dinformations, la Chambre de première instance rejette une objection de nature aussi générale. La SFOR était libre de soulever à laudience des objections précises à la divulgation de certains documents ou dautres pièces, en conformité avec une procédure similaire à celle prévue par larticle 54 bis F) du Règlement, mais elle nen a rien fait.
61. La Chambre de première instance est convaincue que lexistence de documents en possession ou sous le contrôle de la SFOR et susceptibles daider Todorovic à obtenir la mesure quil sollicite a été suffisamment établie et que la production desdits documents sert un but légitime juridiquement pertinent. La Chambre de première instance est également convaincue que lAccusation nayant pas été en mesure de produire des copies des documents, il convient désormais dexiger de la SFOR quelle les communique.
2. Linjonction aux fins de comparution de membres du personnel de la SFOR
62. Sur la base de larrêt rendu par la Chambre dappel dans laffaire Blaskic , mentionné au paragraphe 51 de la présente décision, la Chambre de première instance peut adresser une injonction aux fins de comparution aux membres du personnel de la SFOR. Cette injonction sadresse notamment au général Shinseki puisquaux termes de larrêt, il na pas agi en qualité de représentant de son gouvernement et doit être considéré à titre privé eu égard à tout événement auquel il a personnellement assisté, même si cela sest produit dans lexercice de ses fonctions officielles . Il peut donc faire lobjet dune injonction, non pas en tant que commandant général de la SFOR mais en qualité dindividu ayant personnellement connaissance des événements sur lesquels porte la Requête. Des observations similaires vaudront pour tout autre membre du personnel de la SFOR dont on peut établir quils ont une connaissance directe de ces événements.
63. La Chambre de première instance est convaincue quil serait approprié dadresser , le moment venu, une injonction au général Shinseki, lui enjoignant de témoigner au cours de laudience en cours relative aux éléments de preuve en la matière.
3. Lordonnance adressée aux États-Unis dAmérique
64. La Chambre de première instance estime quil nest pas nécessaire de rendre lordonnance requise à légard des États-Unis puisquelle a lintention de suivre la position adoptée dans la décision relative à la MCCE, à savoir dexiger des États participant à la SFOR, parmi lesquels figurent les États-Unis, de fournir les informations et les documents sollicités. Ce faisant, la Chambre de première instance remarque que tous les États sont tenus par la résolution 827 du Conseil de sécurité70 de coopérer pleinement avec le Tribunal international et quen application de larticle 103 de la Charte des Nations Unies, en cas de conflit entre les obligations dun État à légard de lOTAN et de la SFOR dune part, et ses obligations au titre de la Charte dautre part, ces dernières prévalent.
V. DISPOSITIF
Sur la base de ce qui précède, la Chambre de première instance FAIT DROIT à la requête et ORDONNE comme suit :
1. Le vendredi 17 novembre 2000 au plus tard, la SFOR et lautorité dont elle relève , le Conseil de lAtlantique Nord, communiqueront à la Défense de Stevan Todorovic :
a) copie de toute la correspondance et de tous les rapports de la SFOR concernant larrestation de laccusé Stevan Todorovic ;
b) loriginal ou une copie de toutes les bandes audio et vidéo de larrestation et de la détention initiales de laccusé Stevan Todorovic à la base aérienne de Tuzla, enregistrées par la SFOR le 27 septembre 1998 ;
c) copie de tous les rapports dopérations de la SFOR, antérieurs ou postérieurs à larrestation, concernant la capture et la détention de laccusé Stevan Todorovic ;
d) le nom, sil est connu, de la personne ou des personnes ayant transporté laccusé Stevan Todorovic en hélicoptère à la base aérienne de Tuzla, en Bosnie-Herzégovine , vers les 26 ou 27 septembre 1998 et
e) le nom, sil est connu, de la personne ou des personnes qui ont procédé à larrestation de laccusé Stevan Todorovic et ont exécuté le mandat darrêt délivré par le Tribunal international à lencontre de celui-ci, aux alentours du 28 septembre 1998.
Le vendredi 17 novembre 2000 au plus tard, la SFOR et le Conseil de lAtlantique Nord informeront la Chambre de première instance de la divulgation desdites pièces ou lui feront savoir, ainsi quà la Défense de Stevan Todorovic, que ces pièces ne sont pas en leur possession ou sous leur contrôle ou quelles nont pas connaissance de lidentité des personnes mentionnées aux alinéas d) et e) ci-dessus.
Cette ordonnance est rendue en application de la procédure prévue à larticle 54 bis et notamment à son paragraphe E) iii), qui dispose que la SFOR peut « dans les quinze jours de ladite signification demander au Juge ou à la Chambre de première instance lannulation de lordonnance, au motif que la divulgation porterait atteinte à ses intérêts de sécurité nationale».
2. Le vendredi 17 novembre 2000 au plus tard, les États participant à la SFOR, à savoir lAlbanie, lAllemagne, lArgentine, lAutriche, la Belgique, la Bulgarie , le Canada, le Danemark, lEspagne, lEstonie, les États-Unis dAmérique, la Finlande , la France, la Grèce, la Hongrie, lIrlande, lIslande, lItalie, la Lettonie, la Lituanie, le Maroc, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Russie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède et la Turquie, produiront à la Défense de Stevan Todorovic :
a) copie de toute la correspondance et de tous les rapports de la SFOR concernant larrestation de laccusé Stevan Todorovic ;
b) loriginal ou une copie de toutes les bandes audio et vidéo de larrestation et de la détention initiales de laccusé Stevan Todorovic à la base aérienne de Tuzla, enregistrées par la SFOR le 27 septembre 1998 ;
c) copie de tous les rapports dopérations de la SFOR, antérieurs ou postérieurs à larrestation, concernant la capture et la détention de laccusé Stevan Todorovic ;
d) le nom, sil est connu, de la personne ou des personnes ayant transporté laccusé Stevan Todorovic en hélicoptère à la base aérienne de Tuzla, en Bosnie-Herzégovine , vers les 26 ou 27 septembre 1998 et
e) le nom, sil est connu, de la personne ou des personnes qui ont procédé à larrestation de laccusé Stevan Todorovic et ont exécuté le mandat darrêt délivré par le Tribunal international à lencontre de celui-ci, aux alentours du 28 septembre 1998.
Le vendredi 17 novembre 2000 au plus tard, les États susmentionnés informeront la Chambre de première instance de la divulgation desdites pièces ou lui feront savoir , ainsi quà la Défense de Stevan Todorovic, quils nont pas ces pièces en leur possession ou sous leur contrôle ou quils nont pas connaissance de lidentité des personnes mentionnées aux alinéas d) et e) ci-dessus.
Cette ordonnance est rendue en application de la procédure prévue à larticle 54 bis et notamment à son paragraphe E), qui dispose quun État participant à la SFOR peut «dans les quinze jours de ladite signification demander au Juge ou à la Chambre de première instance lannulation de lordonnance, au motif que la divulgation porterait atteinte à ses intérêts de sécurité nationale».
3. Le général Shinseki recevra en temps opportun une injonction aux fins de témoigner dans le cadre de laudience en cours relative aux éléments de preuve en la matière , à une date et heure qui seront fixées ultérieurement.
Une fois que les pièces requises auront été divulguées, en application de la présente décision, la Défense est libre de demander à la Chambre de première instance dadresser des injonctions supplémentaires aux individus ainsi nommés.
4. La Chambre de première instance DEMANDE au Greffier du Tribunal international de prendre toutes les mesures nécessaires aux fins de signifier la présente ordonnance à la SFOR, au Conseil de lAtlantique Nord et aux États figurant au paragraphe 2 ci-dessus, en conformité avec larticle 54 bis E) du Règlement, et dinformer la Chambre de première instance des dates de signification.
5. En application de larticle 54 bis E) ii) du Règlement, et nonobstant la date fixée pour la production des pièces, la présente ordonnance ne prendra effet que quinze jours après cette signification.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre de première instance
/signé/
Patrick Robinson
Le Juge Patrick Robinson joint une Opinion individuelle à la présente décision.
Fait le 18 octobre 2000,
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]
1- Grand Quartier général des
forces alliées en Europe.
2- Déclaration révisée à lappui de la Requête, 1er décembre 1999,
par. 5.
3- Notification de la Défense à la Chambre de première instance
concernant des mesures spécifiques sollicitées en rapport avec la requête aux
fins dassistance judiciaire, 25 juillet 2000 (la «Notification
concernant les mesures»).
4- Le Procureur c/ Blaskic, Arrêt relatif à la requête de la
République de Croatie aux fins dexamen de la décision de la Chambre de
première instance II rendue le 18 juillet 1997, affaire n° IT-95-14-AR108,
Chambre dappel, 29 octobre 1997, par. 50 et note de bas
de page n° 68.
5- Réplique de la Défense de laccusé Stevan Todorovic
à la réponse du Procureur à la requête aux fins dassistance judiciaire
et de production forcée, 13 décembre 1999 (la «Réplique de la Défense»),
par. 9.
6- Réplique de la Défense, supra note 5, par. 8 et 12.
7- Mémoire des points de droit avancés par la Défense pour démontrer
que la compétence du TPIY sétend à la SFOR, 5 juin 2000, par. 4, 8 et 9.
8- Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies S/RES/1088,
12 décembre 1996.
9- Notamment, la Réponse du Procureur à la «Notification de
requêtes demandant une audience consacrée aux éléments de preuve relatifs à
larrestation, à la détention et au transfert de laccusé Stevan Todorovic»,
22 février 1999 (la «Réponse de lAccusation relative à larrestation»).
10- Réponse du Procureur à la «Notification de la requête aux
fins dassistance judiciaire», 8 décembre 1999, par. 13 à 16.
11- Ibid., par. 18 à 20.
12- Ibid., par. 25.
13- Réponse de lAccusation relative à larrestation,
supra note 9, par. 53.
14- Réponse de la Défense à la requête de la SFOR aux fins
de prorogation du délai de dépôt dune réponse et réplique à la réponse
de lAccusation, 3 juillet 2000, par. 8 et 9.
15- Mémoire de la SFOR, 10 juillet 2000 (le «Mémoire
de la SFOR»).
16- LAccusation a repris à son compte et a développé
nombre de ces arguments dans sa Réponse du Procureur à la notification de la
Défense à la Chambre de première instance concernant des mesures spécifiques
sollicitées en rapport avec la Requête aux fins dassistance judiciaire,
infra, note 43.
17- Mémoire de la SFOR, supra, note 15, p. 2.
18- Jean-Bosco Barayagwiza c/ Le Procureur, Arrêt, affaire
n° ICTR-97-19-AR72, Chambre dappel du TPIR, 31 mars 2000.
19- Le Procureur c/ Dokmanovic, Décision relative à la requête
aux fins de mise en liberté de laccusé Slavko Dokmanovic, affaire n° IT-95-13a,
Chambre de première instance II, 22 octobre 1997.
20- Mémoire de la SFOR, supra, note 15, p. 3 (version
en français).
21- Ibid., p. 4, (version en français).
22- Ibid., p. 5, (version en français).
23- Ibid., p. 6, (version en français).
24- Mémoire de la SFOR, supra, note 15, p. 9, (version
en français).
25- Ibid., p. 9, (version en français).
26- Réponse de la Défense à lexposé de la SFOR, 17 juillet 2000
(«Réponse de la Défense à la SFOR»), p. 2 (version en français).
27- Ibid., p. 2 (version en français).
28- Stocke c/ République fédérale dAllemagne, CEDH, Série A,
n° 199, 19 mars 1991.
29- Réponse de la Défense à la SFOR, supra, note 26, p. 9
(version en français).
30- Ibid., p. 10 (version en français).
31- Ibid., p. 11 (version en français).
32- Compte rendu daudience, 25 juillet 2000 (le
«CRA»), p. 747.
33- CRA, p. 748.
34- Ibid., p. 750.
35- Ibid., p. 751.
36- Ibid., p. 759.
37- Ibid.
38- Ibid., p. 768 et 769.
39- Ibid., p. 763.
40- Ibid., p. 765.
41- Ibid.
42- Ibid., p. 766.
43- Réponse du Procureur à la Notification de la Défense à
la Chambre de première instance concernant des mesures spécifiques sollicitées
en rapport à la Requête aux fins dassistance judiciaire, 31 juillet 2000.
44- Ibid., par. 10.
45- Ibid., par. 12 à 17.
46- Réplique à la réponse de lAccusation du 31 juillet
2000 relative à la requête aux fins dassistance judiciaire, 2 août 2000.
47- Ibid., p. 6 et 7, (version en français).
48- Supra, note 5.
49- Larticle VI 1) de lAnnexe 1-A prévoit
que lIFOR agit «en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations
Unies».
50- Le Conseil a été crée en application de larticle 9
du Traité de lAtlantique Nord signé le 4 avril 1949 à
Washington D.C., qui habilite également le Conseil à «constituer [...]
les organismes subsidiaires qui pourraient être nécessaires». Le Conseil est
chargé dexaminer les questions relatives à la mise en oeuvre du Traité
de lAtlantique Nord et tous les États Membres de lOTAN y sont représentés.
51- LIFOR est notamment chargée de veiller au respect
des aspects militaires de lAccord de paix, détablir une liaison
avec les autorités locales et les autres organisations internationales, daider
les organisations internationales dans leurs missions humanitaires, de prévenir
les entraves au mouvement des populations civiles et de surveiller les opérations
de déminage.
52- Cela fait référence à lOTAN.
53- LAnnexe 2 de lAccord de Paix concerne
la ligne de démarcation inter-entités et les questions connexes.
54- Le Procureur c/ Blagoje Simic et consorts, affaire n° IT-95-9,
Ordonnance du Juge Jorda déposée le 5 février 1996.
55- Le 26 juillet 2000, lAccord du SHAPE a été transmis
à la Chambre à la condition quil ne soit communiqué à personne en dehors
de la Chambre. Or, vu que lAccord contient des dispositions en rapport
avec la Requête, ainsi quavec la requête relative à la légalité de larrestation,
vu que le Bureau du Procureur la toujours eu en sa possession, et puisquen
tout état de cause, la divulgation des dispositions citées ne risque aucunement
dentraîner un préjudice, la Chambre estime que rien ne justifie quelles
ne soient pas mentionnées, dautant plus que cet Accord sinscrit
dans la chaîne des événements concernant la SFOR.
56- Laccord selon lequel le Procureur présentera ses
arguments à lappui des actions entreprises par rapport à la détention
contredit sa thèse selon laquelle il nétait pas autorisé à parler au nom
de la SFOR : cf. par. 31, supra.
57- Cf. aussi Joseph Kanyabashi c/ Le Procureur, affaire n° ICTR-96-15-A,
TPIR Chambre dappel, Joint and Separate Opinion of Judge McDonald and
Judge Vohrah, 3 juin 1999, par. 15 ; Le Procureur c/ Tadic,
affaire n° IT-94-1-PT, Décision relative à lexception préjudicielle
soulevée par le Procureur aux fins dobtenir des mesures de protection
pour les victimes et les témoins, Chambre de première instance II, 10
août 1995, p. 10 ; Le Procureur c/ Erdemovic, affaire n° IT-96-22-A,
Opinion individuelle présentée conjointement par Madame le Juge McDonald et
Monsieur le Juge Vohrah, Chambre dappel, 7 octobre 1997, par. 3 ;
Le Procureur c/ Theoneste Bagasora et 28 autres accusés, affaire n° ICTR-98-37-A, TPIR,
Chambre dappel, Arrêt rendu sur la recevabilité de lappel formé
par le Procureur contre la décision dun juge confirmateur rejetant un
acte daccusation contre Théoneste Bagosora et 28 autres accusés, 8 juin 1998
et Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-AR72, Arrêt relatif
à lappel de la Défense concernant lexception préjudicielle dincompétence,
Chambre dappel, 2 octobre 1995.
58- Supra, note 5.
59- Le Procureur c/ Milan Kovacevic, affaire n° IT-97-24-PT,
Décision portant refus dune requête de la Défense relative à une injonction
de produire, Chambre de première instance II, 23 juin 1998 (la
«Décision relative à lOSCE»).
60- Le Procureur c/ Simic et consorts, affaire n° IT-95-9-PT,
Décision relative à la requête de lAccusation en application de larticle 73
du Règlement concernant la déposition dun témoin, Chambre de première
instance III, 27 juillet 1999.
61- Ibid., par. 78.
62- Le Procureur c/ Dario Kordic et consorts, affaire n° IT-95-14/2-T,
Ordonnance aux fins de production de documents par la Mission de contrôle de
la Communauté européenne et par ses États membres, Chambre de première instance III, 4
août 2000.
63- Supra, note 59.
64- Cf. les principes énoncés au paragraphe 114 de larrêt
rendu dans Le Procureur c/ Aleksovski, affaire n° IT-95-14/1-A, Chambre
dappel, 24 mars 2000 : « La Chambre dappel estime
que les Chambres de première instance, qui sont des organes exerçant une compétence
de même degré, ne sont pas liées par les décisions les unes des autres. Cependant,
une Chambre de première instance est libre de suivre toute décision dune
de ses homologues, dès lors quelle lestime fondée».
65- Supra, note 62.
66- Le Procureur c/ Blagoje Simic et consorts, affaire n° IT-95-9-PT,
Demande de laccusé Todorovic aux fins dune ordonnance dhabeas
corpus, 12 novembre 1999 ; Notice of Motion for an Order directing the
Prosecutor to Forthwith Return the Accused Stevan Todorovic to the Country of
Refuge, 21 octobre 1999.
67- Mémoire de la SFOR, supra, note 15, p. 4, CRA,
p. 749.
68- CRA, p. 754, 756 et 758.
69- Mémoire de la SFOR, supra, note 15, p. 4 et 5.
70- S/RES/827 (1993), par. 4.