Affaire no : IT-95-9-T

DEVANT LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II B

Composée de :
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba, Président
M. le Juge Armajeet Singh
Mme le Juge Sharon Williams

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
11 septembre 2001

LE PROCUREUR

C/

BLAGOJE SIMIC
MILAN SIMIC
MIROSLAV TADIC
SIMO ZARIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DU PROCUREUR AUX FINS D’AJOUTER D’AUTRES PIÈCES À LISTE DES PIÈCES À CONVICTION À CHARGE DÉPOSÉE À TITRE CONFIDENTIEL LE 9 AVRIL 2001

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Le Bureau du Procureur :

M. Gramsci Di Fazio
M. Phillip Weiner
Mme Aisleen Reidy

Les Conseils de la Défense :

MM. Igor Pantelic et Srdjan Vukovic pour Blagoje Simic
M. Slobodan Zecevic et Mme Catherine Baen pour Milan Simic

MM. Novak Lukic et Dragan Krgovic pour Miroslav Tadic
MM. Borislav Pisarevic et Aleksandar Lazarevic pour Simo Zaric


LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le «Tribunal international»),

VU la «Requête du Procureur aux fins d’ajouter d’autres pièces à la liste des pièces à conviction à charge déposée à titre confidentiel le 9 avril 2001» (la «Requête»), déposée par le Bureau du Procureur (l’«Accusation») le 6 septembre 2001, dans laquelle l’Accusation demande à la Chambre l’autorisation d’ajouter les comptes rendus de trois interrogatoires téléphoniques de l’accusé Miroslav Tadic et d’une conversation téléphonique avec l’accusé Simo Zaric survenue lors du troisième interrogatoire téléphonique de Miroslav Tadic (les «comptes rendus»), tous réalisés en avril ou en mai 1996, à sa liste de pièces à conviction, et le versement au dossier des comptes rendus des interrogatoires,

OUÏ les arguments oraux en réponse à la Requête du conseil de Miroslav Tadic1 le 10 septembre 2001, selon lesquels les comptes rendus ne devraient pas être versés au dossier étant donné que les accusés n’avaient pas encore pris connaissance de l’acte d’accusation avant le premier interrogatoire téléphonique, que seule une partie de l’acte d’accusation leur avait été lue, que leur accord à se soumettre à l’interrogatoire n’était pas donné en connaissance de cause, et que, dès lors, il était porté atteinte aux droits des accusés énoncés à l’article 21 4) a) du Statut du Tribunal international (le «Statut»),

OUÏ EN OUTRE la réponse orale de l’Accusation le 10 septembre 2001, selon laquelle toutes les conversations téléphoniques avec les deux accusés étaient volontaires, qu’ils avaient été avertis qu’ils n’étaient pas obligés de répondre aux questions et que tout information provenant des conversations téléphoniques enregistrées pourraient être utilisées à leur encontre,

ATTENDU que l’acte d’accusation initial a été confirmé le 21 juillet 1995, que le premier interrogatoire téléphonique de l’accusé Miroslav Tadic a eu lieu le 26 avril 1996, date ŕ laquelle l’acte d’accusation ne lui avait pas été signifié, et que des parties de l’acte d’accusation ont été lues à l’accusé au cours de cet interrogatoire téléphonique, ébauchant les chefs d’accusation retenus contre lui,

ATTENDU qu’à la date du deuxième interrogatoire téléphonique de Miroslav Tadic, le 29 avril 2001, seules les six premières pages de l’actes d’accusation lui avaient été transmises par télécopie, que l’Accusation était consciente du fait que l’accusé ne possédait qu’une copie incomplète de l’acte d’accusation, et qu’elle a procédé à son interrogatoire sur des faits exposés dans l’acte d’accusation,

ATTENDU qu’il n’est pas confirmé que les accusés Miroslav Tadic ou Simo Zaric avaient reçu une copie complète de l’acte d’accusation au moment du troisième interrogatoire téléphonique le 22 mai 1996,

ATTENDU que l’Accusation a communiqué les comptes rendus des interrogatoires téléphoniques aux accusés le 12 mars 1998,

ATTENDU que l’article 21 du Statut prévoit que l’accusé a droit à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui, à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix,

ATTENDU que l’article 53 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le «Règlement») prévoit que l’acte d’accusation est signifié à personne à l’accusé, et que cette signification prend la forme d’une remise à l’accusé d’une copie certifiée de l’acte d’accusation,

ATTENDU qu’en application de l’article 89 D) du Règlement, la Chambre de première instance peut exclure tout élément de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à l’exigence d’un procès équitable, et que l’article 95 prévoit qu’aucun élément de preuve n’est recevable si son admission, allant à l’encontre d’une bonne administration de la justice, lui porterait gravement atteinte,

ATTENDU en outre que la Chambre de première instance n’est pas convaincue que l’acte d’accusation a effectivement été signifié avant les interrogatoires téléphoniques, et qu’elle estime qu’à ce moment, les accusés n’étaient pas pleinement conscients de l’importance de l’acte d’accusation et qu’ils ne pouvaient pas parfaitement comprendre la nature de l’acte d’accusation et de l’action,

EN APPLICATION de l’article 21 du Statut et des articles 53 bis et 89 D) du Règlement,

REJETTE la Requête.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
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Florence Ndepele Mwachande Mumba

Fait le 11 septembre 2001
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]

1 - Le conseil de Miroslav Tadic s’est opposé à la Requête du Procureur. Le conseil de l’accusé Milan Simic s’y est opposé lui aussi, tandis que le conseil de l’accusé Blagoje Simic a déclaré qu’il ne s’opposait pas à la requête.