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1 (Le mercredi 13 décembre 2000)
2 (Audience sur requêtes -- Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 10 heures 35, en la seule présence de M. le
4 Président Robinson.)
5 M. le Président (interprétation): La Greffière d’audience peut-elle citer
6 l'affaire?
7 Mme Taylor (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-95-9-PT, le
8 Procureur du Tribunal contre Blagoje Simic, Milan Simic, Miroslav Tadic,
9 Stevan Todorovic et Simo Zaric.
10 M. le Président (interprétation): Les parties peuvent-elles se présenter?
11 Mme Paterson (interprétation): Je suis Nancy Paterson, je représente les
12 intérêts du Bureau du Procureur.
13 M. le Président (interprétation): Merci.
14 M. Brashich (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Deyan
15 Brashich, je défends les intérêts de M. Todorovic, et aujourd'hui je suis
16 en compagnie de mon conseil Nikola Kostich qui vient du barreau de
17 Wisconsin (Illinois).
18 M. le Président (interprétation): Merci.
19 Je veux m'assurer que l'accusé entend les débats dans une langue qu'il
20 comprend. Monsieur Todorovic?
21 M. Todorovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
22 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
23 La Chambre de première instance est saisie d'une requête déposée
24 conjointement par l'accusation et par la défense qui traduit un accord
25 relatif à l'accusé Stevan Todorovic.
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1 Il va plaider coupable face au chef n°1 de l'Acte d'accusation, pour
2 autant bien sûr que les charges et les chefs demeurant sont englobés par
3 la charge générale de persécution, un crime contre l'humanité. Et l'accusé
4 va retirer toutes les requêtes déposées devant la Chambre de première
5 instance suite à une audience consacrée à l'administration de preuve pour
6 ce qui est des circonstances de son arrestation et de sa demande
7 d'assistance judiciaire.
8 Il retire l’allégation formulée, qu'il avait formulée, selon laquelle
9 cette arrestation était illégale. Par conséquent, la Sfor ou l'OTAN
10 auraient participé à des activités illégales entourant son arrestation.
11 A deux fois déjà, dans l'histoire du Tribunal, des plaidoyers de
12 culpabilité ont été prononcés par des accusés. La première fois ce fut
13 fait lors d'une comparution initiale et la seconde fois ce fut peu de
14 temps après la comparution initiale.
15 Ce qu’il est important de relever c'est que chaque fois c'est la Chambre
16 complète qui a entendu les arguments présentés par les parties.
17 Ce qui fait la différence entre cette fois-ci et les autres c'est que cet
18 accord intervient près de deux ans après la comparution initiale même si
19 c'est avant le début du procès. Et qui plus est la décision est prise par
20 un Juge unique.
21 L'Article 62 bis régit la présentation de plaidoyer de culpabilité,
22 conformément aussi avec l'Article 62.6 qui parle de la comparution
23 initiale. Mais le 62 bis parle aussi d'une modification du plaidoyer après
24 la comparution initiale et c'est bien dans cette situation que nous nous
25 trouvons aujourd'hui, même si le libellé de l'Article est clair, à savoir
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1 que c'est une Chambre qui prend une décision de culpabilité après
2 plaidoyer de culpabilité, et même si l'Article est clair s'agissant des
3 conditions qui doivent êtres réunies avant que la Chambre ne puisse
4 déclarer qu'il y a culpabilité suite à un tel plaidoyer.
5 L'Article ne dit rien eu égard à une circonstance telle que celle-ci, à
6 savoir qu'un plaidoyer de culpabilité est présenté devant un Juge unique
7 ou une Chambre qui n'est pas au complet.
8 Ce qui est certain cependant, lorsque c'est un juge unique qui entend ce
9 plaidoyer ou lorsque c'est un collège de Juges qui n'est pas complètement
10 constitué, il doit renvoyer la question à la Chambre complète afin de se
11 convaincre que toutes les conditions prévues au 62 bis soient réunies
12 avant de déterminer la culpabilité.
13 Il y a d'abord le côté volontaire, le fait que le plaidoyer a été fait
14 délibérément et qu'il a été fait en connaissance de cause.
15 S'il y a une lacune dans l'Article, il n'y en a pas cependant dans le
16 droit car il serait peu sage et contraire au droit de l'accusé qu'une
17 instance judiciaire, quelle qu'elle soit, entende et consigne un plaidoyer
18 de culpabilité sans s'assurer d'abord de certaines questions qui ont trait
19 au droit de l'accusé et aussi au droit coutumier international.
20 Et ceci nonobstant le fait qu'il faut renvoyer le plaidoyer devant la
21 Chambre et que celle-ci doit être convaincue de ce que toutes les
22 conditions sont réunies avant de se prononcer sur la culpabilité.
23 Il faudra donc que le plaidoyer soit renvoyé devant la Chambre de première
24 instance mais, nonobstant, je dois moi me convaincre de certaines choses
25 dont notamment le fait que le plaidoyer de culpabilité a été fait
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1 délibérément et que l'accusé est en connaissance de cause lorsqu'il fait
2 ce plaidoyer.
3 Lorsqu'il y a plaidoyer de culpabilité, le Tribunal doit tenir compte des
4 intérêts de l'accusé, tel qui sera plaidé dans ses droits fondamentaux, et
5 aussi, et c'est important, la Chambre doit tenir compte de l'intérêt de
6 l'opinion publique internationale.
7 Nous allons suivre la procédure suivante.
8 S'agissant de ce plaidoyer eu égard à la requête déposée conjointement, je
9 vais d'abord demander à l'accusation de présenter cette requête et puis je
10 passerai la parole à la partie adverse.
11 Madame Paterson, vous avez la parole?
12 Mme Paterson (interprétation): Comme vous l'avez dit, Monsieur le
13 Président, le 29 novembre 2000 le Bureau du Procureur et les représentants
14 de M. Todorovic, Me Kostich et Me Brashich, ont déposé une requête
15 conjointe devant cette Chambre qui faisait part de l'accord réalisé entre
16 les deux parties s'agissant du plaidoyer de culpabilité de M. Todorovic.
17 Suite à cet accord, Me Brashich est prêt à retirer les requêtes qui sont
18 encore pendantes devant la présente Chambre et il va retirer aussi les
19 questions dont la Chambre d'appel est saisie.
20 De plus le Bureau du Procureur recommande à la Chambre de première
21 instance qu'on donne l'autorisation à l'accusé de plaider coupable
22 uniquement face au chef 1: persécution.
23 Je ne suis pas prête à vous donner davantage de détails sur cet accord si
24 ce n'est pour dire que l'accusation et la défense sont convenues de ce que
25 si l'accusé respecte tous les aspects, toutes les facettes de l'accord sur
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1 le plaidoyer, le Bureau du Procureur va demander que ne soit pas imposée
2 une peine inférieure à 5 ans et supérieure à 12 ans.
3 Ceci étant cependant l'accusé comprend aussi, de même que le Bureau du
4 Procureur, que le jour du prononcé de la peine les deux parties peuvent
5 présenter des arguments pour ce qui est d'une durée précise de la peine à
6 purger s'échelonnant entre 5 et 12 ans.
7 Pour ce qui est des éléments retenus contre M. Todorovic, si le procès
8 s'ouvre ou s'ouvrait, nous étions prêts à apporter la preuve au-delà de
9 tout doute raisonnable du chef 1: persécution, crime contre l'humanité,
10 que Todorovic a participé de son plein gré à un conflit armé dans lequel
11 il a commis des actes qui faisaient partie d'une attaque à grande échelle,
12 de grande envergure et systématique contre la population, et qu'il savait
13 que son action s'inscrivait dans le contexte plus large d’une telle
14 attaque.
15 Le Bureau du Procureur était prêt à citer à la barre des témoins, à
16 présenter des preuves documentaires, entre autres, qui apporteraient la
17 preuve au-delà de tout doute raisonnable que du 17 avril 1992 jusqu'au
18 moins au 31 décembre 1993 Stevan Todorovic et d'autres ont planifié,
19 organisé, ordonné, commis ou de tous autres moyens aidé à commettre
20 certains actes de persécution contre les Croates musulmans et les
21 Musulmans de Bosnie et d'autres civils non serbes parmi la municipalité de
22 Bosanski Samac et dans d'autres régions de Bosnie-Herzégovine, et que
23 Stevan Todorovic a participé à ces actes de persécution pour des raisons
24 politiques, raciales et religieuses.
25 De façon plus précise, le Bureau du Procureur était prêt à apporter la
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1 preuve au-delà de tout doute raisonnable que Stevan Todorovic avec
2 d'autres avaient délibérément battu Anto Brandic alias Antesa au poste de
3 police de Bosanski Samac causant la mort de ce dernier. De plus nous
4 étions prêts à apporter la preuve à ce que Stevan Todorovic avait eu
5 l'intention de causer la mort de Anto Brandic et que ce dernier n'avait
6 pas pris part de façon active aux hostilités. Le Bureau du Procureur était
7 prêt à apporter la preuve que Stevan Todorovic avait donné l'ordre à six
8 hommes dont les noms ne seront pas dévoilés de faire un acte de fellation
9 au poste de police à Bosanski Samac à trois occasions en mai et en juin
10 1992. Le Bureau du Procureur était prêt à apporter la preuve de ce que
11 Stevan Todorovic avait délibérément frappé Hasan Jasarevic, Omer Nalic, et
12 le Père Jozo Puskaric ainsi qu'un autre le 29 juillet 1992 dans l'entrée
13 du bureau de police de Bosanski Samac. Que Todorovic avait battu Silvestar
14 Antunovic dans le gymnase de l'école primaire de Bosanski Samac le 15
15 juillet 1992 et qu'il avait battu Hasan Bicic, Kemal Bobic, Hasan
16 Ceribasic, Abdulah Drljacic, Zlatko Dubric, Roko Jelavic et Hasan Subasic
17 à plusieurs reprises dans la période allant du 7 avril 1992 au 21 novembre
18 1992 à l'école primaire, à l'école secondaire et au bâtiment de la Défense
19 territoriale de Bosanski Samac et que toutes les victimes ont subi des
20 lésions physiques et psychologiques sévères du fait de ces passages à
21 tabac. Nous étions prêts à apporter la preuve de ce que Stevan Todorovic
22 avait délibérément ordonné l'emprisonnement de Croates et de Musulmans de
23 Bosnie et d'autres civils non-serbes dans des conditions inhumaines pour
24 des raisons raciales, politiques et religieuses et non pas pour assurer la
25 sécurité et la protection de ces personnes. Nous étions prêts à apporter
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1 la preuve de ce que Stevan Todorovic avait délibérément ordonné et commis
2 des traitements cruels à l'égard de Croates de Bosnie, de Musulmans de
3 Bosnie et d'autres civils non-serbes par des passages à tabac, des
4 tortures, des travaux forcés et l'emprisonnement dans des conditions
5 inhumaines et que ces traitements inhumains ont causé de graves atteintes
6 à la santé physique ou mentale des victimes. Le Bureau du Procureur était
7 prêt à apporter la preuve de ce que Stevan Todorovic avait ordonné à
8 d'autres hommes par rapport à qui il avait une supériorité hiérarchique de
9 tortures Omer Nalic en 1992 à l'école primaire le 19 juin 1992 plus
10 exactement à l'école primaire de Bosanski Samac et que ce faisant il
11 savait délibérément qu'il commettait des actes de torture. Les souffrances
12 physiques et mentales infligées à Omer Nalic furent grandes du fait de ce
13 traitement. Nous étions aussi prêts à apporter la preuve de ce que les
14 actes de torture étaient commis par ou sur l'initiative de ou avec le
15 consentement de Stevan Todorovic qui était un représentant officiel ou
16 agissant à titre officiel à plusieurs fins pour obtenir des aveux de la
17 victime ou d'un tiers, pour punir cette victime pour les actes commis par
18 cette victime ou par un tiers ou pour soupçon de ce genre, pour avoir
19 intimidé des personnes ou pour toutes autres raisons inspirées par des
20 raisons discriminatoires.
21 De plus s'agissant de l'infraction de la torture, le Bureau du Procureur
22 était prêt à apporter la preuve de ce que Stevan Todorovic encourait sa
23 responsabilité pénale en tant que supérieur hiérarchique pour des actes
24 commis par ses subordonnés en vertu de l'Article 7.3 du Statut du Tribunal
25 parce qu'il savait où avait des raisons de savoir que ces subordonnés
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1 étaient sur le point de commettre des actes de torture et qu'il avait
2 négligé de prendre toutes les mesures pour en empêcher la commission ou
3 pour en punir les auteurs. Le Bureau du Procureur était prêt à apporter la
4 preuve de ce que Stevan Todorovic avait ordonné et avait participé à
5 l'interrogatoire de Croates de Bosnie, de Musulmans de Bosnie et d'autres
6 civils non-serbes qui avaient été arrêtés, détenus et forcés.
7 M. le Président (interprétation): On vous demande de ralentir dans
8 l'intérêt des interprètes.
9 Mme Paterson (interprétation): J'essaie, j'essaie vraiment de parler très
10 lentement. Je vais encore faire plus d'efforts.
11 Le Bureau du Procureur était aussi prêt à apporter la preuve de ce que
12 Stevan Todorovic avait délibérément ordonné et participé à la déportation,
13 transfert forcé et à l'expulsion de Croates de Bosnie, de Musulmans de
14 Bosnie et d'autres civils non-serbes dont des femmes, des enfants et des
15 personnes âgées de leur domicile et de leur village par la force,
16 l'intimidation et la coercition. Et nous étions prêts à apporter la preuve
17 de ce que Stevan Todorovic avait délivré des ordres et des directives qui
18 étaient en violation des droits des Croates de Bosnie, des Musulmans de
19 Bosnie et d'autres civils non-serbes qui avaient droit à être traités sur
20 un même pied d'égalité au titre de la loi et qu'il y a eu violation des
21 droits fondamentaux de ces personnes. Le Bureau du Procureur est convenu
22 de permette à l'accusé de ne se prononcer que sur le premier chef de
23 l'accusation parce que le chef de la persécution de par sa nature englobe
24 aussi toutes les autres allégations contenues au chef 2 à 27 de l'Acte
25 d'accusation.
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1 Plus précisément en plaidant coupable devant le chef d'accusation de
2 persécution, nous sommes convaincus que Stevan Todorovic a en quintessence
3 reconnu qu'il avait avec d'autres hommes battu Anto Brandic alias Antesa
4 causant la mort de ce dernier qu'il avait ordonné à six hommes d'exécuter
5 des actes sexuels l'un envers l'autre au poste de police de Bosanski
6 Samac, qu'il avait frappé Ivalic Hasan, Novalovic et Omer Nalic, le Père
7 Jozo Puskaric, Silvestar Antunovic, Hasan Bicic, Kemal Bobic, Hasan
8 Ceribasic, Abdulah Drljacic, Zlatko Dubri, Roko Jelavic, Hasan Subasic à
9 l'école primaire, à l'école secondaire, au bâtiment de la Défense
10 territoriale de Bosanski Samac. Et qu'il avait ordonné et exécuté la
11 détention illégale de Croates de Bosnie et de Musulmans de Bosnie et
12 d'autres civils non-serbes dans des conditions inhumaines. Qu'il avait
13 ordonné et commis des actes de traitement inhumain et cruels à l'égard de
14 Croates de Bosnie, Musulmans de Bosnie et d'autres civils non-serbes.
15 Qu'il avait ordonné à d'autres hommes de torturer Omer Nalic à l'école
16 primaire de Bosanski Samac, qu'il avait ordonné et participé à
17 l'interrogatoire de Croates de Bosnie, de Musulmans de Bosnie et d'autres
18 civils non-serbes et qu'il les avait forcés à signer des déclarations
19 fausses. Qu'il avait ordonné et participé à la déportation, aux transferts
20 forcés, à l'expulsion de Croates de Bosnie, de Musulmans de Bosnie et
21 d'autres civils non-serbes de leur foyer et village et qu'il avait délivré
22 des ordres et des directives qui étaient en violation des droits
23 qu'avaient les Croates de Bosnie, les Musulmans de Bosnie et d'autres
24 civils de Bosnie à une égalité de traitement en vertu du droit violent
25 ainsi leurs droits fondamentaux.
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1 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame Paterson.
2 Il y a deux questions que j'aimerais évoquer avec vous. Elles tiennent à
3 la correspondance entre les chefs 2 et 26 et le chef 1 pour lesquelles il
4 y a plaidoyer de culpabilité. Ce qui m'intéresse aussi c'est le rapport,
5 la correspondance au niveau des faits tels que convenu dans cet accord sur
6 la culpabilité, cette correspondance entre cela et le chef 1.
7 Alors quand le paragraphe b) du chef 1 accuse l'accusé de meurtre, les
8 chefs 4, 5 et 6 de l'Acte d'accusation ont trait à une victime bien
9 précise. Et vous avez confirmé la chose dans l'accord concernant les faits
10 et dans l'intervention que vous venez de faire, vous avez fait état de
11 cela. Si le procès devait souffrir, est-ce que l'accusation présenterait
12 des éléments de preuve sur plus qu'un seul meurtre, comme c'est le cas au
13 paragraphe 1 b). de l'Acte d'accusation?
14 Mme Paterson (interprétation): Je pense que s'il y avait eu procès les
15 éléments apportés dans le cadre de celui-ci aurait montré que M. Todorovic
16 savait qu'il y avait eu meurtre de plus qu'une seule personne au poste de
17 police ainsi que dans les camps qu'avaient été établis à Bosanski Samac,
18 mais nous n'étions prêts à apporter la preuve que d'un seul chef, pour un
19 seul meurtre s'agissant de M. Todorovic, la victime ayant été comme je
20 l'ai dit M. Brandic. Il serait inexact de dire que nous étions prêts à
21 prouver, à apporter la preuve de plus qu'un seul meurtre.
22 M. le Président (interprétation): Vous voulez apporter la preuve
23 concernant un seul meurtre, celui de Anto Brandic?
24 Mme Paterson (interprétation): C'est exact.
25 M. le Président (interprétation): Autre chose. Cette question de
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1 correspondance en vertu du paragraphe 28, des allégations générales
2 reprises dans l'Acte d'accusation. La responsabilité du supérieur
3 hiérarchique tel qu'énoncé à l'Article 7.3 du Statut s'appliquerait à tous
4 les chefs d'accusation. Cependant le paragraphe 2 e) et 3 f) de l'accord
5 sur le plaidoyer semble limiter cette responsabilité à la charge unique de
6 torture. Vous venez d'en apporter la confirmation, Madame Paterson. La
7 question est similaire à la première. Si le procès devait s'ouvrir, est-ce
8 que vous administreriez la preuve de ce qu'il y avait supériorité
9 hiérarchique de l'accusé face aux autres chefs d'accusation que celui de
10 torture?
11 Mme Paterson (interprétation): Pour répondre à votre question, Monsieur le
12 Président, non. S'il y avait procès nous dirions simplement que M.
13 Todorovic peut être tenu responsable en vertu du 7.3 pour un seul chef,
14 celui concernant M. Omer Nalic. Pour les autres chefs, c'est l'Article 7.1
15 responsabilité individuelle qui serait invoqué.
16 M. le Président (interprétation): Merci de cette précision. Maître
17 Brashich?
18 M. Brashich (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je me joins
19 à Mme Paterson s'agissant de cette requête et demandant à ce que soit
20 accepté cet accord sur le plaidoyer. Je suis conscient du fait que seule
21 une Chambre au complet peut recevoir ce plaidoyer prononcé par mon client.
22 J'ai entendu les arguments apportés par Mme Paterson au cas où l'affaire
23 évoluerait et passerait au stade du procès et j'ai entendu ce qu'elle a
24 dit à propos de ce que le Bureau du Procureur aura apporté comme preuve.
25 Je sais aussi qu'il y a une ordonnance rendue par cette Chambre, le 18
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1 octobre 2000, ordonnance assortie d'une décision. Si la procédure se
2 poursuivait, la défense se serait appuyée sur la présomption d'innocence.
3 Si la procédure était arrivée au stade du procès, la défense aurait
4 demandé qu'un constat judiciaire soit dressé par la Chambre de la décision
5 de culpabilité rendue hier par la Cour locale ou de district de Uzica,
6 décision par laquelle plusieurs personnes ont été déclarées coupables du
7 rapt et de l'enlèvement de mon client. Si la procédure s'était poursuivie,
8 la défense se serait appuyée sur des éléments de preuve présentée par le
9 truchement de témoins et de preuves documentaires, mais aussi d'autres
10 types de preuve, lesquels auraient montré que l'enlèvement de mon client
11 et la capture de mon client se sont faits en violation de plusieurs de ces
12 droits. Je relève aux fins du compte rendu le fait que cette Chambre dans
13 sa décision a sauvegardé les droits de mon client. Et que des individus
14 autres que ceux qui ont été jugés coupables et condamnés à la réclusion
15 par le Tribunal du district de Uzice, excusez-moi je viens de perdre le
16 fil de ma pensée, Monsieur le Président. Il y a eu d'autres individus qui
17 ont participé à ce rapt à cet enlèvement, ont sans doute payé pour que
18 celui-ci soit effectué. Cependant, Monsieur le Président, nous sommes ici
19 dans le cadre d'un accord sur un plaidoyer auquel sont parvenues la
20 défense et l'accusation. Et aux fins de cet accord sur le plaidoyer, il
21 est exact de dire qu'un des points repris dans l'accord comme l'a relevé
22 Mme Paterson est nonobstant ces arguments que je viens de vous présenter
23 s'agissant de l'enlèvement de mon client et des personnes qui ont
24 participé audit enlèvement que nonobstant cela du fait de l'accord sur le
25 plaidoyer, la défense, au paragraphe 8 de l'accord sur le plaidoyer et aux
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1 fins de cet accord uniquement, est prête à retirer sa demande d'assistance
2 judiciaire, est prête aussi à retirer la requête ainsi concernée. Et aux
3 fins de cet accord sur le plaidoyer, la défense est prête à faire-valoir
4 qu'elle ne va pas demander qu'il y ait communication de rapport de la Sfor
5 et de l'OTAN et que la requête formulée par la défense, à savoir que le
6 général Ginsek(?) soit appelé à témoigner dans le cadre d'une audience
7 consacrée à l'entente de témoignage et ce ceci soit retiré. Et aux fins de
8 l'accord sur le plaidoyer, la défense retire ses allégations selon
9 lesquelles l'arrestation s'est faite de façon illégale et que la Sfor ou
10 l'OTAN auraient participé à des activités illégales dans le cadre de
11 l'arrestation de l'accusé.
12 M. le Président (interprétation): Je souhaite que l'on clarifie quelque
13 chose. Il existe trois demandes, trois requêtes qui doivent être retirées.
14 La demande de la requête de retourner les moyens de preuve à la RFY fait
15 le 21 octobre. Ensuite la requête de la défense concernant l'habeas corpus
16 faite le 15 et le 22 novembre 1999. Donc la première fois c'était en 1999.
17 Et puis finalement la requête aux fins de l'assistance judiciaire faite le
18 2 août 2000. Il s'agit donc de trois requêtes qui doivent être retirées,
19 n'est-ce pas?
20 M. Brashich (interprétation): Cette question ne trouvera pas entièrement
21 sa réponse dans le cadre de l'accord de plaidoyer de culpabilité. Mais en
22 ce qui concerne l'esprit de cet accord et l'intention dans lequel il a été
23 conclu, nous pouvons conclure qu'effectivement ces trois requêtes, à
24 savoir la requête concernant le retour des documents en RFY, l'habeas
25 corpus et l'assistance judiciaire devraient être retirés.
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1 M. le Président (interprétation): J'avais l'impression qu'il ne s'agissait
2 pas uniquement de l'esprit de l'accord qu'au terme de l'accord les trois
3 requêtes allaient être retirées. Apparemment ce que vous êtes en train de
4 nous dire c'est que la requête qui doit être retirée selon l'accord et la
5 requête relative à l'assistance judiciaire et que conformément à l'esprit
6 de l'accord les deux autres requêtes doivent être retirées également
7 c'est-à-dire la requête contestant la légalité de l'arrestation.
8 M. Brashich (interprétation): Effectivement, j'accepte votre correction.
9 Ce que je souhaitais dire c'était que dans le paragraphe 8, ceci n'était
10 pas énoncé de manière explicite.
11 M. le Président (interprétation): Oui, je pense que ceci est clair si on
12 lit le paragraphe 8 il est dit: "à la lumière de l'accord de l'accusé
13 visant à plaider coupable conformément à l'accord de culpabilité l'accusé
14 va retirer toutes les requêtes pendantes devant la Chambre de première
15 instance, etc." Donc nous avons l'impression qu'il saillit des trois
16 requêtes.
17 M. Brashich (interprétation): J'accepte votre correction, Monsieur le
18 Président.
19 M. le Président (interprétation): Poursuivez.
20 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, comme les Juges de la
21 Chambre de première instance le savent, certains points font partie de la
22 requête dont est saisie la Chambre d'appel. Si la Chambre de première
23 instance n'accepte pas l'accord de plaidoyer de culpabilité, la défense
24 réserve le droit en vertu de la requête qu'elle a retirée conformément à
25 l'accord de plaidoyer de culpabilité.
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1 M. le Président (interprétation): Maintenant je souhaiterais m'adresser à
2 l'accusé. Veuillez vous lever, Monsieur Todorovic. Je souhaite vous poser
3 quelques questions afin de m'assurer moi-même en ce qui concerne les
4 circonstances dans lesquelles le plaidoyer de culpabilité a été fait.
5 Monsieur Todorovic, vous avez conclu un accord de plaidoyer de culpabilité
6 avec le Bureau du Procureur et conformément à cet accord vous plaidez
7 coupable pour le premier chef d'accusation, la persécution, un crime
8 contre l'humanité. Egalement conformément à cet accord puisque votre
9 plaidoyer de culpabilité au chef 1de l'Acte d'accusation recouvre toutes
10 les allégations contenues dans les chefs 2 à 27, le Procureur acceptera
11 votre plaidoyer en ce qui concerne le chef 1.
12 Et puis, selon le même accord, vous allez retirer toutes les requêtes dont
13 le Tribunal a été saisi qui conteste la légalité de votre arrestation et
14 demande l'assistance judiciaire. Est-ce que vous comprenez les termes de
15 l'accord de la même manière?
16 M. Todorovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Todorovic, conformément à cet
18 accord le Procureur et la défense ont recommandé à la Chambre de première
19 instance de prononcer la sentence dans une gamme allant de 5 à 12 ans.
20 Cependant, vous devez comprendre que finalement ce sont les Juges de la
21 Chambre de première instance qui prennent la décision finale et que
22 d'après le Statut et le Règlement de ce Tribunal il pourrait également
23 s'agir d'une sentence servant à l'incarcération à vie. Est-ce que vous
24 comprenez cela?
25 M. Todorovic (interprétation): Oui.
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1 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez parlé en détail de
2 tous les termes de l'accord de plaidoyer de culpabilité que vous avez
3 conclu avec le Bureau du Procureur?
4 M. Todorovic (interprétation): Oui.
5 M. le Président (interprétation): Avez-vous reçu des menaces , est-ce que
6 l'on a exercé une quelconque pression ou coercition sur vous?
7 M. Todorovic (interprétation): Non, je n'ai pas été menacé et je n'ai pas
8 fait l'objet de coercition.
9 M. le Président (interprétation): Et vous avez accepté ce plaidoyer de
10 culpabilité délibérément?
11 M. Todorovic (interprétation): Oui.
12 M. le Président (interprétation): Et vous avez discuté en détail avec
13 votre conseil de cette problématique, et est-ce qu'il vous a informé
14 entièrement de la nature des allégations retenues contre vous et des
15 conséquences possibles du plaidoyer de culpabilité face au crime contre
16 l'humanité?
17 M. Todorovic (interprétation): Oui, mes avocats m'ont entièrement informé
18 de cela.
19 M. le Président (interprétation): Maintenant nous allons procéder à
20 l'acceptation du plaidoyer de culpabilité. Mais nous souhaitons être tout
21 à fait sûrs en ce qui concerne ce à quoi ce plaidoyer se réfère. La
22 Greffière d'audience va donc lire les parties de l'accusation auxquelles
23 il est fait référence dans le cadre de l'accord de plaidoyer. Le
24 paragraphe 29, le paragraphe 30, le paragraphe 34, et les deux derniers
25 sus paragraphes du paragraphe 35. Madame Paterson?
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1 Mme Paterson (interprétation): C'est exact, Monsieur le Président.
2 M. le Président (interprétation): Maître Brashich?
3 M. Brashich (interprétation): Je suis d'accord.
4 M. le Président (interprétation): La Greffière d'audience peut-elle lire
5 le plaidoyer de culpabilité?
6 Mme Taylor (interprétation): Affaire IT-95-9, le Procureur contre Blagoje
7 Simic, Milan Simic, Stevan Todorovic, Miroslav Tadic et Simo Zaric.
8 Chef 1.
9 Persécution:
10 A partir de septembre 1991 environ et jusqu'au 31 décembre 1993 au moins,
11 Blagoje Simic, Milan Simic, Miroslav Tadic, Stevan Todorovic et Simo Zaric
12 ont avec d'autres responsables civils et militaires serbes planifiés et
13 incités à commettre ordonné et commis ou de toute autre manière aidé à
14 encourager à planifier, préparer ou à exécuter un crime contre l'humanité.
15 La persécution des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d'autres
16 civils non-serbes pour des raisons politiques, raciales ou religieuses
17 dans les municipalités de Bosanski Samac et Odzak et ailleurs sur le
18 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Lesdites persécutions ont été
19 perpétrées, exécutées et réalisées par ou grâce aux moyens suivants:
20 La prise par les forces serbes de villes et de villages habités par les
21 Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d'autres civils non-serbes.
22 L'arrestation, la détention et l'emprisonnement illégaux de Croates et
23 Musulmans de Bosnie ainsi que d'autres civils non-serbes pour des raisons
24 politiques, raciales et religieuses et non pour leur protection et leur
25 sécurité.
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1 Les traitements cruels et inhumains infligés aux Croates et Musulmans de
2 Bosnie ainsi qu'à d'autres civils non-serbes y compris des sévices
3 corporels. La torture, l'assignation à des travaux forcés et
4 l'emprisonnement dans des conditions inhumaines.
5 La déportation, le transfert forcé et l'expulsion de leur maison et
6 village par la force, l'intimidation et la coercition des Croates et
7 Musulmans de Bosnie ainsi que d'autres civils non-serbes et eux la
8 destruction et la pillage sans motif et à grande échelle des biens des
9 Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d'autre civils non serbes y
10 compris les habitations, les commerces, les biens privés et le bétail.
11 A partir du 17 avril 1992 environ et jusqu'au 31 décembre 1993 au moins
12 alors qu'il occupait le poste de chef de la police de Bosanski Samac et
13 qu'il était membre de la cellule de crise serbe. Stevan Todorovic a commis
14 et a aidé à encourager la perpétration des persécutions décrites aux
15 paragraphes 29 et 30 ci-dessus, du fait notamment de sa participation aux
16 actes et aux missions suivantes:
17 La prise de la municipalité de Bosanski Samac par les forces serbes.
18 Les meurtres, violences sexuelles et sévices corporels répétés, infligés à
19 de nombreux Croates et Musulmans de Bosnie ainsi qu'à d'autres civils non-
20 serbes détenus dans divers camps de détention dans la municipalité de
21 Bosanski Samac et ces environs.
22 L'arrestation et l'emprisonnement illégaux de Croates et Musulmans de
23 Bosnie ainsi que d'autres civils non-serbes dans des conditions inhumaines
24 pour raisons politiques, raciales ou religieuses et non pour leur
25 protection et leur sécurité.
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1 Les traitements cruels et inhumains infligés aux Croates et Musulmans de
2 Bosnie ainsi qu'à d'autres civils non-serbes y compris les sévices
3 corporels, la torture, l'assignation à des travaux forcés et
4 l'emprisonnement dans des conditions inhumaines.
5 L'interrogatoire de Croates et de Musulmans de Bosnie et d'autres civils
6 non-serbes qui avaient été arrêtés et détenus et le fait de les
7 contraindre à signer de fausses déclarations.
8 La déportation, le transfert forcé et l'expulsion de leur maison et
9 village par la force, l'intimidation et la coercition de Croates et de
10 Musulmans de Bosnie et ainsi que d'autres civils non-serbes y compris des
11 femmes, enfants et personnes âgées.
12 Les missions d'ordres et de directives qui enfreignaient le droit des
13 Croates et Musulmans de Bosnie et d'autres civils non serbes à l'égalité
14 devant la loi et les empêchant de jouir de leurs droits fondamentaux.
15 Par ces actes Blagoje Simic, Milan Simic, Miroslav Tadic, Stevan Todorovic
16 et Simo Zaric ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de
17 toutes autres manières aidé et encouragé à planifier, préparer ou
18 exécuter.
19 Chef 1: Des persécutions pour des raisons politiques, raciales et
20 religieuses, crime contre l'humanité sanctionné par l'Article 5 (h) du
21 Statut du Tribunal.
22 M. le Président (interprétation): La Greffière d'audience peut-elle
23 demander à l'accusé quel est son plaidoyer?
24 Mme Taylor (interprétation): Vous plaidez coupable ou non coupable Stevan
25 Todorovic?
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1 M. Todorovic (interprétation): Je plaide coupable du premier chef
2 d'accusation.
3 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Monsieur
4 Todorovic.
5 M. Todorovic (interprétation): Merci, Monsieur le Juge.
6 M. le Président (interprétation): Madame Paterson, je souhaite soulever un
7 autre point avec vous. Quelle est l'intention du Procureur en ce qui
8 concerne les chefs d'accusation 2 à 27? Est-ce que le Procureur retirera
9 de manière formelle ces chefs d'accusation?
10 Mme Paterson (interprétation): Oui, Monsieur le Président, c'est bien
11 l'intention que nous avons.
12 M. le Président (interprétation): Merci. Comme je l'ai déjà dit la
13 deuxième partie de cette audience portera sur la question de savoir si la
14 Chambre de première instance est satisfaite en ce qui concerne les termes
15 de l'Article 62 bis et en ce qui concerne le prononcé de culpabilité. La
16 date de cette audience est le vendredi 12 janvier de l'année 2001. Avant
17 cette audience, les parties soumettront un mémoire où ils énonceront
18 l'ensemble du contexte portant sur les faits contenus dans l'accord de
19 plaidoyer, y compris la participation de l'accusé aux crimes et
20 accompagnés des déclarations de témoins. Ce mémoire doit être déposé avant
21 le 5 janvier 2001. Si aucune des parties ne souhaite soulever aucun autre
22 point, l'audience est levée. Maître Brashich?
23 M. Brashich (interprétation): Je souhaiterais brièvement consulter Madame
24 Paterson, s'il vous plaît?
25 M. le Président (interprétation): Allez-y.
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1 (Maître Brashich consulte Mme Paterson dans le prétoire.)
2 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, après avoir discuté
3 avec Mme Paterson je ne pense pas qu'il y ait d'autres sujets qu'aimerait
4 soulever la défense à ce stade de la procédure.
5 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Brashich. L'audience est
6 levée.
7 (L'audience est levée à 11 heures 15.)
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