Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 26 septembre 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (Le témoin, M. Dragan Lukac, est déjà dans le prétoire.)

4 (L'audience est ouverte à 9 heures 33.)

5 Mme la Présidente (interprétation): Je vais demander à la Greffière de

6 nous citer l'affaire.

7 Mme Taylor (interprétation): Bonjour Madame la Présidente, il s'agit de

8 l'affaire IT-95-9-T, le Procureur contre Blagoje Simic, Milan Simic,

9 Miroslav Tadic et Simo Zaric.

10 Mme la Présidente (interprétation): Avant que le Procureur poursuivre son

11 interrogatoire principal, j'aimerais dire à Me Pantelic que nous avons

12 fait une enquête au sujet de l'attaché case de son client.

13 Pendant la pause déjeuner, c'est la Greffière qui va vous en informer.

14 Je vais demander au Procureur de procéder à son interrogatoire.

15 (Interrogatoire principal du témoin, M. Dragan Lukac, par M. Di Fazio.)

16 M. Di Fazio (interprétation): Merci Madame la Présidente.

17 Monsieur Lukac, vous nous avez donné la description hier des conditions

18 qui régnaient dans le bâtiment de la Défense territoriale au cours de la

19 première semaine avant d'être transférés à Brcko. Vous nous avez décrit un

20 certain nombre également de passages à tabac auxquels a participé un

21 certain "Lugar", est-ce que l'on vous a interrogé également?

22 M. Lukac (interprétation): Oui.

23 Question: Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre comment on vous a

24 interrogé et quelle était la forme de cet interrogatoire, est-ce qu'il y

25 en avait plusieurs? Comment cela s'est-il passé?

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1 Réponse: Eh bien, il y avait trois interrogatoires qui me concernaient. Au

2 cours d'un interrogatoire, moi j'avais été interrogé par Stevan Todorovic

3 et je pense que j'en ai parlé quelque peu lors de ma déposition au cours

4 des dernières journées.

5 Le deuxième interrogatoire a eu lieu au cours de la première semaine quand

6 on m'avait emmené, quand la police serbe m'avait emmené dans un des

7 bureaux de la police chargée de criminalité, et c'était dans le bâtiment

8 de SUP qu'a eu cet entretien. Ensuite, on a pris des notes concernant les

9 circonstances qui régnaient avant la guerre dans la municipalité de

10 Bosanski Samac.

11 Question: Est-ce qu'il y a eu des violences également au cours de cet

12 interrogatoire ou bien éventuellement on ne vous a pas infligé de sévices

13 quelconques?

14 Réponse: Non, il n'y avait pas de force qu'on a utilisée, c'était tout à

15 fait normal, une conversation normale.

16 Question: Eh bien, de quoi avez-vous parlé? Qu'est-ce qu'ils voulaient

17 savoir? Y avait-il un sujet tout à fait concret qu'ils ont soulevé au

18 cours de cet entretien?.

19 Réponse: Si mes souvenirs sont bons, c'étaient des informations de

20 caractère général qu'ils me demandaient. On voulait tout simplement savoir

21 ce que je savais au sujet d'armement des Bosniens, des Croates dans la

22 municipalité de Bosanski Samac ou enfin des questions de ce type-là. Je

23 dois dire que je ne me souviens pas véritablement des détails de cet

24 entretien.

25 Question: Merci. C'était le deuxième entretien, si j'ai bien compris, vous

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1 avez parlé de trois interrogatoires, trois entretiens?

2 Réponse: Oui, c'était le lendemain matin après le deuxième entretien,

3 c'était la troisième fois que l'on m'avait interrogé. C'est là où les

4 représentants de la police spéciale se sont entretenus avec moi, ce sont

5 les gens qui sont venus de Serbie.

6 Question: Est-ce que vous vous souvenez des noms, des surnoms d'un certain

7 nombre de membres de cette unité spéciale ou de ces policiers?

8 Réponse: Depuis tout le début, Srecko Radovanovic était présent surnommé

9 "Debeli" dont j'ai parlé hier, et deux autres personnes dont les noms

10 m'échappent, et ensuite je sais qu'une de ces personnes elle m'a marqué

11 parce qu'elle portait le béret rouge. Je pense qu'au cours de ces premiers

12 jours c'est bien elle qui avait été à la tête de cette unité.

13 Au bout d'un certain temps, Slobodan Miljkovic surnommé "Lugar" est venu

14 dans ce bureau et ce bureau c'était un bureau que j'utilisais avant la

15 guerre.

16 Question: Eh bien, nous allons nous arrêter juste un petit moment. Vous

17 étiez encore dans le bâtiment de la Défense territoriale, je vous ai bien

18 compris?

19 (Le témoin fait un signe de tête.)

20 Question: Et vous étiez enfermé dans ce bâtiment, ensuite on vous a

21 transféré de ce bâtiment en face, donc dans le bâtiment du SUP pour

22 l'interrogatoire?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce qu'il y avait quelque chose qui vous est arrivé lorsque

25 vous êtes sorti du premier bâtiment?

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1 Réponse: Quand je suis sorti dans la cour de ce bâtiment de la défense

2 territoriale et que j'étais dans la rue, j'ai pu remarquer qu'à l'entrée

3 du poste de police "Lugar" se tenait ainsi qu'un certain nombre également

4 de policiers de cette unité spéciale.

5 En ce qui me concerne, j'étais escorté par les trois personnes, trois

6 hommes qui également appartenaient à la police spéciale. J'ai dit que l'un

7 des trois était l'homme qui portait le béret rouge. Dans de telles

8 conditions, quand nous avons traversé la rue, j'ai pu constater que

9 "Lugar" s'approchait de nous et puis nous nous sommes rencontrés à mi-

10 chemin, il m'a donné un coup de pied dans la poitrine, et il m'a dit: "Où

11 es-tu inspecteur? Que se passe-t-il avec toi?" Probablement il avait fait

12 un rapport avec mes activités à la police criminelle.

13 Ensuite l'autre, il lui a dit: "Mais pourquoi tu lui donnes des coups de

14 pied? Pourquoi tu le bats dans la rue? Qu'est-ce qui t'arrive?" Eh bien,

15 tout de suite après, il a donc cessé de se comporter de cette manière et

16 moi j'ai eu l'impression que cet homme qui portait le béret rouge avait un

17 rôle de commandement, car "Lugar" a tout de suite arrêté. Il ne me donnait

18 plus de coups de pied, il s'est tout de suite arrêté. Donc, j'ai compris

19 que l'autre c'était quelqu'un qui le commandait.

20 Question: Merci. Eh bien, nous allons passer à l'interrogatoire, est-ce

21 qu'à ce moment-là il y avait des viols, de la violence?

22 Réponse: Srecko Radovanic m'a donné un coup de poing dans la tête et puis,

23 une fois de plus, cet homme qui portait le béret rouge lui avait demandé

24 de s'arrêter, de ne pas le faire. Par conséquent, c'est l'homme qui avait

25 le béret rouge qui menait l'entretien.

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1 Question: Et de quoi vous avez parlé? Quelles sont les informations qu'il

2 voulait obtenir de vous? Est-ce qu'il y avait une ligne directrice dans le

3 cadre de cet interrogatoire?

4 Réponse: Non, c'est un entretien qui ne peut pas être considéré comme un

5 entretien qui se suivait, enfin les questions ne se suivaient pas, on

6 passait du coq à l'âne en quelque sorte.

7 Il y avait une question par exemple qui m'avait été posée: "Qui avait

8 hissé le drapeau croate sur le bâtiment de l'hôtel, de l'ancien hôtel, à

9 Bosanski Samac à l'époque?" C'est un bâtiment, un immeuble qui abritait

10 les bureaux des partis politiques.

11 Ensuite, ils m'ont posé d'autres questions, mais c'était à peu près de ce

12 type-là, des questions qu'on m'avait posées.

13 Question: Hier lors de votre déposition, Monsieur le témoin, vous avez

14 mentionné deux accidents. D'abord, un meurtre d'un homme surnommé "Dikan"

15 et le transfert à Brcko.

16 Eh bien, pourriez-vous nous dire à quel moment se sont déroulés ces deux

17 incidents? Est-ce que c'était le même jour ou bien y avait-il un

18 intervalle entre les deux incidents, plusieurs jours ou plusieurs heures?

19 Réponse: Il s'agissait de deux incidents qui ont eu lieu le même jour.

20 Le meurtre a eu lieu vers 18 heures, si je me rappelle bien, le 26 avril,

21 alors que le transfert à Brcko dans la caserne de la JNA a eu lieu vers

22 minuit le jour même, par conséquent dans la nuit qui a suivi l'événement

23 en question.

24 Question: Merci. Eh bien, nous allons d'abord parler du meurtre. Auriez-

25 vous l'amabilité de relater cet événement à la Chambre et dire comment

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1 cela s'est déroulé?

2 Réponse: Vers 18 heures, ce jour-là, tout premièrement, nous avons entendu

3 dans la pièce que quelqu'un avait tiré d'un fusil. La balle, elle avait

4 percé la porte de la pièce où nous étions et s'est arrêtée au niveau du

5 mur à la hauteur d'1 mètre et demi, peut-être, par rapport au sol. Et

6 c'est par la suite que la porte a été ouverte et "Lugar" a pénétré dans la

7 pièce.

8 Je me souviens qu'il était vêtu en survêtement blanc, et il avait sous

9 l'aisselle, il portait un pistolet, et dans une main il tenait un bâton,

10 un bâton en bois.

11 Tout de suite quand il est entré, il a commencé à frapper les prisonniers

12 qui étaient assis à droite par rapport à lui, donc du côté droit, le long

13 du mur droit, si vous voyez bien cette scène, à partir de la porte. C'est

14 là où se trouvait l'homme en question, dont on parle, qui s'appelait Anto

15 Brandic, et il lui a donné des coups sur la tête. Ils étaient trois ou

16 quatre qui le battaient, qui le frappaient.

17 Ensuite, il est retourné un petit peu en arrière vers Brandic, il s'est

18 levé entre-temps, parce qu'au début on était tous assis, il lui a donné un

19 coup de bâton sur la tête et l'homme s'est écroulé sur le béton. Nous

20 avons pu constater qu'il avait perdu connaissance, donc qu'il était dans

21 un état de coma.

22 "Lugar"a dit, et je cite: "Sortez cette ordure à l'extérieur!", les deux

23 prisonniers se sont levés, ils ont donc pris le corps parce que l'homme

24 donnait encore des signes de vie, ils l'ont sorti, et puis les pieds sont

25 restés dans la pièce alors que l'autre partie du corps était déjà à

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1 l'extérieur. C'est là que nous avons entendu les deux tirs et c'est

2 "Lugar" qui avait tiré deux balles dans la tête de cet homme. C'est

3 "Lugar" qui l'a fait.

4 Au bout d'un certain temps, on avait pris le corps de cet homme, et on l'a

5 emmené quelque part en dehors de la cour du bâtiment de la Défense

6 territoriale.

7 Question: Et ce dénommé "Dikan", il était de quelle nationalité?

8 Réponse: Il était Croate, il venait de Donji Hasici.

9 Question: Merci. Eh bien, au cours de cette semaine pendant laquelle vous

10 étiez à Brcko et pendant ce temps-là il y a eu plein de choses que vous

11 avez traversées… mais excusez-moi je reviens à ma question de Bosanski

12 Samac.

13 Pendant que vous étiez à Bosanski Samac et pendant que toutes ces choses-

14 là se sont déroulées devant vos yeux, est-ce qu'éventuellement il y avait

15 des cris, des hurlements des prisonniers que vous avez entendus?

16 Réponse: Non seulement que nous avons pu les entendre, mais on les a

17 entendus. C'étaient des cris très douloureux, des hurlements, des soupirs

18 douloureux. Enfin bien évidemment on a entendu cela dans ce quartier de la

19 ville probablement.

20 Question: Eh bien, est-ce qu'éventuellement vous pouvez nous dire à

21 combien de reprises on aurait pu entendre ces cris et ces gémissements

22 douloureux?

23 Réponse: Quotidiennement.

24 Question: Et pendant que vous étiez dans le bâtiment de la Défense

25 territoriale ensemble avec d'autres prisonniers, est-ce que vous auriez pu

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1 entendre des cris, des hurlements qui venaient de l'autre bâtiment d'en

2 face, du bâtiment du SUP?

3 Réponse: Pendant que j'étais moi dans le dépôt de la Défense territoriale,

4 je n'ai pas entendu de cris qui provenaient de l'autre bâtiment, du

5 bâtiment du SUP qui était en face.

6 Question: Vous avez donné la description également du transfert et de la

7 manière dont cela s'est produit vers Brcko, vous avez dit que c'était le

8 jour même où "Dikan" avait été tué.

9 Pourriez-vous nous dire maintenant comment vous avez appris que vous

10 alliez être transférés?

11 Réponse: Vers 11 heures et demi ou minuit, je ne peux pas vous dire

12 exactement, nous avons appris que des camions rentraient dans la cour du

13 bâtiment de la Défense territoriale. Après un certain temps, la porte

14 s'est ouverte, la porte du dépôt, il y avait un grand nombre de policiers,

15 policiers militaires, qui sont entrés dans cette pierre.

16 Quand je dis policiers militaires, je le sais parce qu'ils portaient des

17 ceinturons blancs sur les uniformes, et c'est pour cela que je savais

18 qu'il s'agissait de policiers militaires.

19 Ce n'est qu'après qu'il a été dit qu'on allait faire l'appel et que les

20 personnes, dont les noms allaient être prononcés, allaient monter dans le

21 camion. On a commencé à donner lecture de cette liste, je pense que c'est

22 Mihajlo Topolovac qui a fait l'appel, qui a donné lecture des noms.

23 Question: Merci. Combien de prisonniers avaient été transférés à Brcko?

24 Réponse: A ma connaissance, il y en avait 47 au total.

25 Question: Et est-ce qu'il y avait un certain nombre de prisonniers qui

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1 étaient ensemble avec vous, qui sont restés à Bosanski Samac?

2 Réponse: Après notre départ, il y avait quatre prisonniers qui sont restés

3 dans le dépôt.

4 Question: Est-ce que vous vous souvenez de leur nom?

5 Réponse: Oui, tout à fait, il y avait ce policier Luka Gregurevic qui

6 était de service la nuit où l'attaque a été faite sur le poste de police à

7 Bosanski Samac, ensuite il y avait Anto Ilic, et puis Izet Izetbegovic; il

8 est Bosnien, et puis il y avait Ilija Matic, Croate; donc Anto Ilic et

9 Ilija Matic, ils sont Croates, l'autre est Bosnien.

10 Question: Au moment où on vous a demandé de monter dans les camions,

11 d'être transférés à Brcko, vous avez vu un des accusés?

12 Réponse: Non.

13 Question: Eh bien maintenant nous allons voir comment s'est passée et

14 comment s'est déroulée votre arrivée à Brcko. Où est-ce que vous avez été

15 emmenés, une fois arrivés à Brcko?

16 Réponse: Quand nous sommes arrivés dans la caserne de Brcko, d'abord on

17 nous a fait descendre du camion, on nous a fait entrer dans un hall. Nous

18 avons tout de suite compris par la suite qu'il s'agissait de la prison

19 militaire de cette caserne.

20 C'est là où les policiers militaires nous ont demandés de nous mettre

21 contre le mur, les bras en l'air, c'est une position qui normalement est

22 la position pratiquée par la police quand on fouille quelqu'un: les jambes

23 écartées.

24 C'est là où on nous a fouillés, on nous a pris tout ce qu'on avait comme

25 objet dans les poches, on nous a coupé les bretelles et les lacets sur les

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1 chaussures, et ensuite on nous a ligoté les mains dans le dos par une

2 ficelle, ensuite on nous a demandés, on nous a répartis dans des cellules

3 de la prison qui se trouvaient dans ce bâtiment.

4 Question: Et vous-même vous étiez où et avec qui?

5 Réponse: Moi j'ai été installé ensemble avec MM. Sulejman Tihic et (expurgé)

6 (expurgé)dans la première pièce qui se trouvait dans ce couloir, et cette

7 pièce n'était pas véritablement une pièce qui faisait partie de la prison,

8 mais je pense que c'était plutôt un bureau dans le bâtiment.

9 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre maintenant combien de temps vous

10 êtes restés au total à Brcko?

11 Réponse: Nous sommes arrivés le 26 avril et nous sommes restés jusqu'au 2

12 mai 1992.

13 Question: Est-ce que vous êtes restés dans une pièce tout à fait

14 particulière le lendemain matin?

15 Réponse: Oui nous sommes restés dans ce bureau ce jour-là jusqu'à l'après-

16 midi. Dans la matinée, les policiers militaires nous ont délié les mains

17 parce que pendant la nuit on a été ligoté, comme je l'ai dit.

18 Au cours de la nuit, si je me souviens bien, il y avait un infirmier

19 militaire qui était venu nous voir. Moi personnellement, j'ai été blessé

20 assez grièvement au niveau de la tête et (expurgé) avait des liaisons assez

21 graves corporelles, et cet infirmier nous a assaini quelque peu ces

22 blessures et il a fait un lavage, il a traité, il nous a soignés avec des

23 sparadraps, donc des pansements.

24 Question: Est-ce que vous avez eu d'autres visites?

25 Réponse: Je pense que vers midi ce jour-là, je ne me souviens pas vraiment

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1 de manière tout à fait précise, mais nous étions les trois dans ce bureau

2 et Simo Zaric est venu, ensuite le capitaine Milan Petrovic, l'officier de

3 sécurité de la caserne de la JNA, et il y avait une autre personne qui

4 était en uniforme. Moi je pense qu'il était à la prison militaire qu'il

5 avait une fonction quelconque, qu'il était directeur je pense.

6 Question: Eh bien, dans quel état vous étiez au moment où on vous a rendu

7 visite?

8 Vous avez dit que c'était l'infirmier qui vous a soigné, qu'il a fait du

9 lavage et ensuite qu'il a pansé vos blessures.

10 Est-ce que Simo Zaric a pu voir dans quel état vous étiez?

11 Réponse: De toute façon, il aurait pu constater toutes les lésions que

12 j'avais sur la tête. J'avais une bosse qui était assez grande. Sur le plan

13 visuel, on pouvait tout de suite remarquer parce que c'était sur mon oeil

14 gauche, mais de toute façon je me souviens que l'infirmier m'a pansé ou

15 c'étaient des sparadraps, je ne me souviens plus exactement. De toute

16 façon, cela a été soigné mais c'était visible. On ne pouvait pas ne pas le

17 remarquer. Voilà.

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)?

25 (expurgé)

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1 bons, un mois, deux mois avant le début de la guerre il a été mobilisé

2 parmi les réservistes de la police, milice de l'époque.

3 Question: Qu'est-ce que Simo Zaric avait à vous dire?

4 Réponse: Quand Simo Zaric est entré avec les deux autres personnes que

5 j'ai mentionnées tout à l'heure dans la pièce où nous étions, il a dit et

6 je cite: "C'est la nouvelle Yougoslavie qui vient d'être enterrée."

7 A ce moment-là, je n'ai pas tout à fait compris ce que cela voulait dire.

8 Tout premièrement parce que depuis mon arrestation et jusqu'à ce jour-là

9 et depuis bien avant cette époque-là, on était isolés, on n'avait aucune

10 information, on ne savait pas ce qui se passait à l'extérieur, ni en

11 Bosnie-Herzégovine, ni en ex-Yougoslavie, ni même un peu plus loin que la

12 municipalité.

13 Réponse: Et après leur arrivée, moi j'ai demandé à M. Zaric quel était

14 notre statut? Je pensais bien évidemment à nous autres prisonniers.

15 Il m'a dit qu'un certain nombre d'entre nous autres, qui étions enfermés,

16 avions le statut de prisonniers politiques.

17 Question: Je vais vous demander tout simplement de vous arrêter ici, s'il

18 vous plaît.

19 Ce que j'aimerais savoir, si vous avez compris quand il vous a dit que

20 vous étiez des prisonniers politiques que ça vous concernait, que ça

21 concernait vous trois qui étiez dans cette pièce, dans ce bureau ou bien

22 éventuellement ceci concernait tous les prisonniers qui ont été transférés

23 à Brcko ou vous n'êtes pas au courant?

24 Réponse: Si je sais. Il avait cité les noms. A ce moment-là, il a dit les

25 noms des personnes qui sont arrêtées et qui ont le statut de prisonniers

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1 politiques, comme il avait dit -moi je me souviens tout à fait bien de

2 tous ces noms cités par lui.

3 Question: Pourriez-vous nous le dire?

4 Réponse: Il a dit mon propre nom, Sulejman Tihic, ensuite (expurgé),

5 ensuite Franjo Barukcic, ensuite il a prononcé le nom de M. Sead

6 Mujkanovic et enfin la sixième personne Anto Simovic.

7 Question: Pourriez-vous nous dire à quel groupe ethnique appartenaient ces

8 gens-là?

9 Réponse: C'étaient des gens qui étaient des Croates et des Bosniens.

10 (expurgé), Simovic, Barukcic et moi-même, nous sommes des Croates et les deux

11 autres ce sont des Bosniens.

12 Question: Je vous remercie, vous nous parliez de cette conversation, de la

13 façon dont elle s'est déroulée. Poursuivez s'il vous plaît, vous en êtes

14 arrivé au moment où il vous a dit que beaucoup d'entre vous étaient

15 détenus et que vous aviez pour statut celui de prisonniers politiques.

16 Poursuivez, je vous en prie.

17 Réponse: Je ne me souviens pas d'autre détail, à propos de cette

18 conversation, mais je sais qu'elle n'a pas duré très longtemps. Cependant

19 il y a autre chose qui m'a frappé et qui m'est resté à l'esprit dans ce

20 cadre, et qui est très significatif à mes yeux. Je pense plus précisément

21 à ceci, à l'apparence qu'avait M. Zaric à l'époque. Il portait un uniforme

22 de camouflage, une tenue militaire, et à l'épaule gauche il portait un

23 ruban blanc.

24 Aussitôt, cela m'a rappelé la nuit de l'attaque sur Bosanski Samac, cela

25 m'a rappelé ces soldats serbes que j'avais vus cette nuit-là, cela m'a

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1 rappelé la conversation que j'avais eue avec M. Zaric cette nuit-là.

2 Question: Est-ce qu'on vous a expliqué les crimes ou délits politiques qui

3 vous étaient reprochés?

4 Réponse: Monsieur Simo Zaric n'a fourni aucune explication. Je n'en ai

5 d'ailleurs demandé aucune. Je me souviens seulement avoir demandé au

6 capitaine Petrovic si nous allions peut-être, nous trois, être transférés

7 dans des cellules de prison ordinaire, ce qui nous aurait permis de

8 rejoindre d'autres personnes. Il m'a répondu qu'il allait voir ce qu'il

9 pouvait faire à ce propos. Deux ou trois heures plus tard, effectivement

10 nous avons été transférés dans une des cellules où nous avons rejoint

11 d'autres prisonniers.

12 Question: Pourquoi est-ce que vous vouliez être transférés dans une

13 cellule où se trouvaient déjà d'autres prisonniers? Quelles étaient vos

14 raisons?

15 Réponse: Eh bien, c'était uniquement pour des raisons de sécurité. En

16 effet, si nous restions dans cette pièce, nous étions très vulnérables,

17 très exposés. Quiconque pouvait entrer pour nous infliger des sévices,

18 c'est d'ailleurs ce que nous avions eu comme expérience auparavant. On se

19 sentait beaucoup plus en sécurité si on était parmi d'autres plutôt que

20 d'être tout à fait isolés dans un endroit où n'importe qui pouvait entrer.

21 Question: Est-ce que vous avez vu M. Zaric? Est-ce que vous avez entendu

22 parler de lui dans les jours qui ont suivi après cet entretien que vous

23 venez de décrire?

24 Réponse: Je n'ai plus jamais revu M. Zaric, je n'ai plus entendu parler de

25 lui jusqu'à mon arrivée dans ce prétoire. Cependant d'autres prisonniers

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1 nous ont dit des choses. Dès le lendemain, nous avons reçu des

2 informations selon lesquelles un certain nombre de prisonniers avaient été

3 emmenés pour interrogatoire dans des bureaux qui se trouvaient dans la

4 caserne, bureaux où se trouvait M. Zaric. Je ne sais pas dans quelle

5 mesure ceci est vrai, je vous relate uniquement les informations que j'ai

6 eues à l'époque.

7 Question: Pourriez-vous dire aux Juges quelles ont été les sources de ces

8 informations? Comment avez-vous obtenu ces renseignements pour autant que

9 vous vous en souveniez et dans quelles circonstances vous avez recueilli

10 ces informations? Pourriez-vous nous le dire?

11 Réponse: Je ne me souviens pas de quelle façon cela s'est passé mais je

12 sais que cela circulait parmi les prisonniers qui se trouvaient à cet

13 endroit. Il était manifeste pour certains d'entre eux étaient emmenés pour

14 subir ce type d'interrogatoire et je pense que les gens ont parlé de ceux

15 qui menaient ces interrogatoires. Et parmi ces personnes qui menaient les

16 interrogatoires, il y avait aussi M. Zaric. Cela ne veut pas dire

17 nécessairement qu'il était le seul à les mener.

18 Je sais aussi que cette semaine plusieurs prisonniers ont été amenés à

19 Bosanski Samac. Il y avait parmi eux M. Tihic. Ces prisonniers avaient été

20 ramenés pour participer à une émission ou un programme de télévision qui

21 était filmé à cet endroit. Ils sont revenus, M. Tihic se trouvait dans la

22 même cellule que moi, et il m'a dit que, pendant qu'on filmait ce

23 programme, M. Zaric était présent également.

24 Plus tard, quand je suis sorti de prison, j'ai vu une cassette vidéo de

25 cet entretien, et j'ai pu constater que M. Zaric était effectivement

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1 présent au moment de l'enregistrement de ce programme télévisé,

2 enregistrement qui s'était fait dans les bureaux du poste de police de

3 Samac.

4 Dans ce programme télévisé, M. Zaric portait le même type d'uniforme que

5 celui que je l'avais vu porter, il avait aussi un ruban blanc à

6 l'épaulette.

7 Question: Merci. Est-ce que vous avez subi des mauvais traitements pendant

8 votre séjour à Brcko?

9 Réponse: Pas de mauvais traitements physiques pendant la semaine que nous

10 avons passée à Brcko, mais les membres de la police militaire qui nous

11 gardaient, qui gardaient les cellules, à la fin de la semaine ont amené

12 plusieurs personnes originaires de la région de Brcko et ils les ont

13 frappées assez brutalement au moment de les amener dans la cellule. Ces

14 hommes ont été placés dans notre cellule, je crois qu'ils étaient au

15 nombre de quatre, deux Bosniens et deux Croates.

16 Question: Est-ce que vous avez fini par être transférés de Brcko?

17 Réponse: Si je me souviens bien, la guerre à Brcko a commencé le 1er mai.

18 En effet, ce matin-là, vers 3 heures du matin, toutes les installations du

19 poste de police ont été ébranlées, vraiment secouées par une violente

20 détonation. Il y a même du plâtre qui est tombé du plafond. Et j'ai

21 entendu dire que le "bridge" qui enjambait la Sava et que le village de

22 Gunja du côté croate avaient été détruits. Après, il y a eu des coups de

23 feu qu'on a pu entendre.

24 Je pense que nous avons été transférés de Brcko de la prison qui s'y

25 trouvait à la caserne de la JNA à Bijeljina parce que la guerre avait

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1 commencé à Brcka. Bijeljina se trouve à environ 30 kilomètres à l'est de

2 Brcko. Tous les détenus ont été transférés le 2 mai. Je pense que cela

3 s'est passé vers 5 ou 6 heures de l'après-midi.

4 Question: Un instant s'il vous plaît Mesdames et Monsieur les Juges.

5 Peut-on montrer au témoin la pièce P12, une petite carte qui nous montre

6 la région qui se trouve au nord-ouest pour ce qui est des municipalités et

7 qui indique les villes les plus significatives?

8 J'ai une copie sans annotation ici.

9 Mme la Présidente (interprétation): En règle générale, si vous avez déjà

10 présenté cette pièce et si vous allez l'utiliser, c'est la Greffière

11 d'audience qui fournit cette copie. Elle doit être disponible ici dans ce

12 prétoire et c'est cette copie qu'il faut remettre au témoin.

13 (L'huissier s'exécute.)

14 M. Di Fazio (interprétation): Pourriez-vous rapidement nous montrer ces

15 villes? Vous avez parlé de Brcko et de Bijeljina?

16 M. Lukac (interprétation): Brcko se trouve ici et Bijeljina se trouve ici.

17 M. Di Fazio (interprétation): Normalement il faut combien de temps pour

18 aller en voiture de Bosanski Samac à Brcko?

19 Mme la Présidente (interprétation): A quelle vitesse?

20 M. Di Fazio (interprétation): A vitesse normale, disons 60

21 kilomètres/heures.

22 M. Lukac (interprétation): J'ai dit que je pense qu'il y a environ 30/35

23 kilomètres entre ces deux villes. Je dirai une demi-heure, 35 minutes,

24 bien sûr en fonction de votre vitesse. Nous avons été transférés en bus et

25 nous avions deux véhicules militaires qui nous escortaient sur lesquels

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1 étaient montées des mitrailleuses antiaériennes et il y avait aussi

2 plusieurs membres de la police militaire qui nous surveillaient dans le

3 bus.

4 Question: Pour donner aux Juges une idée de ces deux villes Brcko et

5 Bijeljina, est-ce que ce sont des villes de province ou des villes plus

6 importantes?

7 Réponse: Eh bien, pour nous, ce sont des villes de taille moyenne. Je ne

8 sais pas combien il y a d'habitants dans ces deux villes, à Brcko et

9 Bijeljina, peut-être qu'il y avait 40/45000 avant la guerre, mais ces

10 villes sont vraiment beaucoup plus importantes, en taille j'entends, que

11 Bosanski Samac.

12 Question: Vous avez dit avoir été transférés à Bijeljina, est-ce que la

13 totalité des prisonniers qui étaient partis de Bosanski Samac à Brcko sont

14 cette fois-là partis de Brcko à Bijeljina?

15 Réponse: Si je me souviens bien, oui tout le monde a été transféré, y

16 compris les quatre nouveaux qui arrivaient de Brcko, ces hommes qui se

17 trouvaient en détention avec nous.

18 Question: A quelle heure êtes-vous arrivés à Bijeljina?

19 Réponse: Je pense qu'il devait être 7 heures du soir à peu près.

20 Question: Et est-ce qu'il s'est passé quelque chose de particulier à votre

21 arrivée à Bijeljina?

22 Réponse: A notre arrivée dans les locaux de la caserne de la JNA, après

23 que nous sommes descendus du bus, on nous a alignés. Là où les militaires

24 faisaient leur parade, il y avait trois ou quatre chars avec leur

25 équipage. Tous les prisonniers ont été emmenés dans une des pièces de la

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1 caserne. Pendant que nous nous dirigions vers cette pièce, un militaire a

2 désigné un Bosnien et il l'a envoyé dans une direction tout à fait

3 différente de la nôtre.

4 Question: Un de ces Bosniens, est-ce que c'était un de ces hommes qui

5 était venu de Bosanski Samac avec vous ou est-ce que c'était un des quatre

6 qui s'étaient ajoutés à votre groupe de prisonniers pendant que vous vous

7 trouviez à Brcko?

8 Réponse: C'était un des quatre qui avaient été ajoutés au groupe à Brcko.

9 Question: Je vous remercie, poursuivez.

10 Réponse: Il a parcouru environ 200 mètres. Ils avaient en fait un terrain

11 d'entraînement à proximité. Cet homme a parcouru environ 200 mètres, des

12 coups de feu ont été tirés par l'un des chars et cet homme a été tué. On

13 nous a emmenés dans une pièce, on y est restés un certain moment, puis

14 emmenés dans la salle de gymnastique qui faisait partie de ces

15 installations en question.

16 Question: Est-ce que vous avez subi des mauvais traitements à Bijeljina?

17 Et vous êtes resté combien de temps?

18 Réponse: J'ai passé, je suis resté la nuit à Bijeljina. Le lendemain, j'y

19 suis resté jusqu'à 13 ou 14 heures, je ne me souviens plus exactement.

20 C'était la nuit du samedi au dimanche du 2 au 3 mai, cette nuit-là, dans

21 cette salle de gymnastique où nous nous trouvions, nous étions sur deux

22 rangs face au mur. Là nous avons subi des sévices physiques brutaux de la

23 part des soldats de la JNA. Cela a duré jusqu'à minuit, puis ça s'est

24 arrêté lorsque ces équipes de la police militaire se sont relevées.

25 Apparemment ceux qui sont venus plus tard étaient plus normaux, donc ils

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1 n'ont pas infligé tous ces mauvais traitements physiques.

2 Question: Le lendemain vers 13 ou 14 heures, qu'est-ce qui s'est passé?

3 Réponse: Donc vers 13 heures, dimanche, on nous a donc apporté à manger.

4 Ce repas a peut-être pris 10 ou 15 minutes. Puis un groupe d'officiers de

5 la JNA -ils étaient cinq ou six peut-être-, ce groupe est entré dans la

6 pièce mais il y avait aussi un nombre important de membre de la police

7 militaire. C'est alors qu'un des officiers de la JNA s'est adressé aux

8 prisonniers.

9 Il nous a dit que ceux dont il allait lire les noms devaient passer de

10 l'autre côté de la pièce. Il a lu le nom de six personnes, j'en faisais

11 partie, je me suis rendu compte que ces personnes étaient celles que M.

12 Zaric avait identifiées comme étant des prisonniers politiques.

13 Nous sommes passés de l'autre côté de la pièce, et les membres de la

14 police militaire nous ont alignés, ils nous ont dit de mettre les mains

15 sur la nuque, et ils nous ont fait sortir de la pièce.

16 Question: Et puis est-ce que vous avez finalement été transportés quelque

17 part?

18 Réponse: Ensuite, ils nous ont emmenés vers un hélicoptère militaire qui

19 avait atterri dans une partie du complexe lorsque nous sommes montés dans

20 cet hélicoptère, s'y trouvaient déjà trois autres personnes de Bosanski

21 Samac. On nous a passé les menottes, on était attachés les uns aux autres

22 par les menottes et peu de temps après l'hélicoptère est parti.

23 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que nous pourrions revenir au

24 stade ou à la salle de gymnastique ou le témoin a parlé de ces sévices

25 très brutaux? Cela ne veut pas dire grand-chose, si vous voulez, il

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1 faudrait préciser ceci parce qu'ici si on parle de traitements inhumains,

2 il faut être plus précis.

3 M. Di Fazio (interprétation): Je comprends, Madame.

4 Monsieur le témoin, vous avez parlé de la relève de la garde pendant la

5 période de temps que vous avez passée dans cette salle de gymnastique et

6 vous avez dit avoir subi de graves mauvais traitements.

7 M. Lukac (interprétation): J'ai dit que nous avions été emmenés dans cette

8 salle de gymnastique et qu'on nous avait mis sur deux rangs.

9 Le premier rang faisait face au mur mais se trouvait à peu près à 2 mètres

10 de ce mur et entre nous il y avait à peu près un mètre de distance.

11 Derrière cette première rangée, deux mètres plus loin, il y avait une

12 deuxième rangée de prisonniers qui était disposée de la même façon que la

13 première.

14 Ces soldats de la JNA se sont approchés de nous par derrière, ils avaient

15 à la main des bâtons de bois; ce type de bâton de bois qu'on utilise pour

16 certains exercices dans cette salle de gymnastique. Ils s'en sont servis

17 pour frapper les prisonniers. Et puis ils avaient aussi leurs bottines

18 militaires, leurs brodequins, ils nous ont donné des coups dans les reins

19 puisque nous étions assis, et ceci s'est poursuivi jusqu'après minuit.

20 Je ne sais pas combien de temps, combien d'heures cela a duré. Je n'avais

21 pas de montre et il m'était impossible d'avoir une idée du temps qui

22 s'écoulait, mais je pense que cela a duré pendant au moins 4 ou 5 heures.

23 M. Di Fazio (interprétation): Est-ce que vous-même, personnellement, vous

24 avez été frappé pendant cet incident?

25 M. Lukac (interprétation): Moi non, pas personnellement. Un policier

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1 militaire s'est approché de moi, m'a ordonné de me relever. En effet,

2 avant ce passage à tabac -j'avais oublié de le dire-, ils sont passés d'un

3 prisonnier à l'autre, ils ont demandé à chaque prisonnier comment ils

4 s'appelaient, d'où ils venaient, ce qu'ils faisaient avant la guerre, ce

5 genre de chose.

6 Celui qui s'est approché de moi m'a dit de me lever et m'a fait sortir de

7 cette pièce. Il m'a emmené dans la pièce des douches, il m'a donné une

8 cigarette, et il m'a dit qu'il avait entendu au moment où nous avions

9 donné nos coordonnées que j'avais travaillé avec son frère. Son frère

10 travaillait à Derventa, c'était un responsable de la police aussi et donc

11 il m'a protégé de ces passages à tabac. Je suis très reconnaissant envers

12 cet homme.

13 Mme la Présidente (interprétation): Monsieur le témoin, vous dites que

14 vous-même vous n'avez pas été frappé mais que vous avez eu les autres

15 prisonniers être frappés par ces officiers de la JNA. Comment avez-vous

16 ressenti cela?

17 M. Lukac (interprétation): Eh bien, dans de telles circonstances, on a la

18 nausée. Ce qui vous tue le plus, c'est l'incertitude, on ne sait pas à

19 quoi s'attendre. C'est une situation, un état d'esprit qu'il n'est pas

20 facile de décrire pour des gens qui n'ont pas subi ce genre d'expérience,

21 mais ceux qui ont traversé ce genre de moment savent de quoi je parle.

22 Mme la Présidente (interprétation): Merci. Vous pouvez poursuivre.

23 M. Di Fazio (interprétation): Je n'ai pas bien compris après la réponse

24 que vous avez donnée, si vous, vous avez vu de vos propres yeux ce passage

25 à tabac avant d'avoir été sorti de cette pièce par ces gardes.

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1 Est-ce que vous avez vu ces prisonniers qui étaient en train d'être roués

2 de coups? Est-ce que vous avez eu l'occasion de le voir?

3 Réponse: Oui, pendant que j'étais encore assis dans cette pièce depuis

4 l'endroit où j'étais, j'ai pu le voir mais je l'ai vu aussi depuis les

5 douches qui étaient adjacentes à cette pièce. Cela s'entendait aussi parce

6 que c'étaient des coups très violents, ce n'étaient pas des caresses.

7 Question: Merci. Vous avez dit que vous aviez été transférés de Bijeljina,

8 revenons à ce moment-là. Pourriez-vous nous décrire les personnes qui

9 avaient été sélectionnées et les personnes qui se trouvaient à bord de cet

10 hélicoptère?

11 Dites-moi, les personnes que Simo Zaric a qualifiées de prisonniers

12 politiques, est-ce que ces personnes se trouvaient à bord de

13 l'hélicoptère?

14 Réponse: Nous six, nous formions ce groupe que M. Simo Zaric avait

15 qualifié de prisonniers politiques, mais outre les six que nous étions, il

16 y avait trois personnes déjà dans l'hélicoptère qui étaient de Bosanski

17 Samac. Nous étions donc neuf.

18 Question: Est-ce que vous connaissez le nom de ces trois autres personnes

19 qui étaient de Bosanski Samac?

20 Réponse: Oui. Il y avait Izet Izetbegovic qui était resté lui à Bosanski

21 Samac quand nous nous avions été transférés à Brcko, le second était le Dr

22 Miroslav Kedacic, c'était un médecin de Bosanski Samac, et il y avait

23 aussi M. Anto Dragicevic.

24 Question: Est-ce qu'il y avait quelque chose d'autre dans cet hélicoptère?

25 Je veux dire autre que des personnes. Il n'y avait peut-être pas que des

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1 personnes, il y avait peut-être aussi des objets?

2 Réponse: Au milieu de cet hélicoptère militaire, il y avait un cercueil

3 recouvert du drapeau serbe, et à côté de ce cercueil se trouvait une croix

4 sur laquelle se trouvait un nom, un nom de famille, l'année de naissance

5 et l'année de la mort de cette personne. Cette croix, je la voyais, j'ai

6 donc pu lire l'inscription.

7 Question: Qu'est-ce que cette inscription disait?

8 Réponse: Le nom Aleksandar Vukovic.

9 Question: Merci. Je vous prie de consulter ce document que je vais vous

10 soumettre, si la Chambre me le permet. C'est la liste de nos documents,

11 c'est la pièce C77. Des copies pourront être présentées à la Chambre. J'ai

12 une traduction et l'original en BCS, j'aimerais bien qu'on lui attribue

13 une cote et que la version BCS soit placée sur le rétroprojecteur.

14 (L'huissier s'exécute.)

15 Mme Taylor (interprétation): Le C77 aura la cote P25 et la version BCS,

16 P25 ter.

17 M. Di Fazio (interprétation): Aux fins du compte rendu d'audience, on peut

18 intitulé ce document "Vuk Fundation", décision sur l'établissement de la

19 fondation Aleksandar Vukovic.

20 Mme la Présidente (interprétation): La défense a la parole?

21 M. Zecevic (interprétation): On avait dit que la version BCS serait posée

22 sur le rétroprojecteur.

23 Mme la Présidente (interprétation): Oui je vous prie de le faire.

24 M. Di Fazio (interprétation): J'avais bien précisé qu'on allait placer la

25 version BCS sur le rétroprojecteur.

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1 Je reformule ma question. Aleksandar Vukovic, est-ce que c'est le nom que

2 vous avez pu lire sur cette croix?

3 M. Lukac (interprétation): Enfin le nom et le prénom étaient les mêmes,

4 donc je pense qu'il s'agit de la même personne.

5 Question: Ce document porte la date du 27 juin 1992 et quelle a été la

6 date à laquelle vous vous trouviez dans cet hélicoptère et en face de

7 cette croix?

8 Réponse: Le 3 mai 1992.

9 Question: Avez-vous eu l'occasion de rencontrer Aleksandar Vukovic?

10 Réponse: Oui cette possibilité existe parmi les soldats appartenant aux

11 unités spéciales de Bosanski Samac. Je ne sais pas de quoi a l'air cette

12 personne. Mais après ma sortie de prison, j'ai appris qu'il s'agissait

13 d'un ressortissant de la police spéciale et son origine devait être la

14 localité de Pljevlja, au Monténégro.

15 Ce sont des informations que j'ai apprises plus tard. D'après mes

16 connaissances, il devrait s'agir d'une personne qui a été tuée dans le

17 cadre d'une agression serbe, d'une agression armée sur un certain nombre

18 de villages dans le secteur d'Orasje, donc un secteur, une région qui est

19 très près de Bosanski Samac. Et cette attaque a débuté le 29 avril 1992.

20 Question: Deuxième page de ce document, on y voit, on y aperçoit une

21 signature, est-ce que vous pouvez reconnaître, identifier cette signature?

22 Réponse: Je ne peux que donner lecture de ce qui est écrit à la machine à

23 écrire, il s'agit de Blagoje Simic et cette signature a été apposée au nom

24 de la cellule de crise. Et l'en-tête, eh bien, cela ressort de toute

25 évidence l'en-tête indique qu'il s'agit de la cellule de crise serbe de

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1 Bosanski Samac.

2 Question: Deux tampons à côté de cette signature tapé à la machine, quel

3 genre de tampon, quel cachet, quels en sont les symboles?

4 Réponse: Les 4 symboles sont les 4 S, caractère cyrillique, et c'est un

5 symbole, un emblème qui veut dire que seuls la concorde sauvera les

6 Serbes.

7 Question: Est-ce que vous lisez les caractères cyrilliques?

8 Réponse: Je ne vous ai pas très bien entendu?

9 Question: Excusez-moi, je me reprends. Est-ce que vous pouvez lire les

10 caractères cyrilliques?

11 Réponse: Oui.

12 Question: J'en termine avec ce document.

13 (L'huissier s'exécute.)

14 Où est-ce qu'on vous a emmené une fois à bord de cet hélicoptère?

15 Réponse: Eh bien, où nous a amenés dans la prison de la caserne à

16 Batajnica. Batajnica est un site, une localité tout près de Belgrade, se

17 trouve donc en Serbie.

18 Question: Quel genre de caserne, est-ce une caserne de l'armée de la

19 police?

20 Réponse: Il s'agissait d'une caserne qui se déployait tout près de

21 l'aéroport militaire à Batajnica. Il s'agissait de caserne des forces

22 aériennes militaires.

23 Question: Est-ce qu'enfin vous nous avez décrit le traitement qu'on vous

24 infligeait à Bosanski Samac, à Brcko et à Bijeljina et quel est le

25 traitement qui vous a été réservé pendant que vous vous trouviez à

Page 1719

1 Batajnica?

2 Réponse: Le traitement a été un peu près le même que dans les cas

3 précédents.

4 Question: Essayons de faire une séquence. Y a-t-il eu des tabassages, des

5 tabassages en ce qui vous concerne et en ce qui concerne les autres

6 prisonniers?

7 Réponse: Les quelques premiers 6/7 jours il n'y a pas eu de sévices

8 physiques, de passages à tabac. Mais on appliquait d'autres formes de

9 torture psychique et physique. Et après cette première phase, eh bien, on

10 est passé aux sévices physiques de la même manière de laquelle cela avait

11 été exécuté à Bosanski Samac, à Brcko et à Bijeljina.

12 Question: Vous venez de mentionner d'autres formes de torture physique et

13 psychique postérieures, précisez, expliquez-vous?

14 Réponse: Trois formes, les trois premiers jours admettons au cours de

15 cette pièce cellule, eh bien, on était de garde à vous de 6 heures du

16 matin à 22 heures du soir. Une de ces formes de sévices. Une deuxième

17 forme c'était le fait de devoir chanter des chants Chetniks. Et troisième

18 forme sur le mur de cette pièce cellule se trouvait dessiner l'image, le

19 portrait de Draza Mihajlovic, un commandant Chetnik du temps de la

20 Deuxième Guerre mondiale.

21 Eh bien, ce portrait, ce dessin, nous devions l'embrasser et puis on était

22 en file, on faisait une queue pour pouvoir le faire. Enfin je me suis

23 expliqué suffisamment.

24 Question: Quelques détails en plus s'il vous plaît. Lorsque vous deviez

25 vous tenir dans cette position de garde-à-vous, est-ce qu'on vous l'avait

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1 ordonné, est-ce qu'on vous rassemblait, est-ce qu'il y avait une

2 quelconque forme précisant la position, votre position, votre stature

3 pendant que vous étiez au garde-à-vous?

4 Réponse: Nous étions 9 dans cette pièce cellule, on était répartis en deux

5 files, une comptant 5, l'autre 4 personnes. Enfin le garde-à-vous est une

6 position, une stature qui est très bien connue des soldats.

7 Pendant trois jours, on devait observer ce garde-à-vous, donc pendant un

8 certain temps, comme je le disais, du matin au soir, mais avec des pauses

9 mettons pour le déjeuner qu'on recevait vers 13 heures, c'était une pause

10 de 15 à 20 minutes.

11 Question: Est-ce qu'on vous permettait de vous asseoir pendant que vous

12 preniez votre déjeuner, le repas de midi?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Qui est-ce qui vous prévenait pour vous asseoir? C'est peut-être

15 une question banale, mais j'aimerais bien savoir.

16 Réponse: Nous avons été gardés par la police militaire dans cette pièce

17 cellule, il y a eu dans chaque relève trois policiers, et chaque relève

18 durait 3 heures. Ils étaient dans la pièce elle-même, ils étaient assis et

19 ils portaient des fusils automatiques et des matraques en plastique.

20 Question: Est-ce que vous réussissiez à vous tenir debout pendant toute la

21 journée?

22 Réponse: Pendant les premiers deux jours, oui, et puis le troisième jour,

23 M. Franjo Barukcic, c'était une personne assez âgée de 70 ans. Je ne me

24 souviens plus s'il avait une jambe atteinte de gangrène, la gauche ou la

25 droite, mais il avait des problèmes et il ne pouvait plus se tenir debout.

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1 Sa jambe, son pied était très enflé, et on a fini par lui donner la

2 permission de s'asseoir.

3 Question: Merci. Est-ce qu'on vous a soumis à des interrogatoires pendant

4 que vous vous trouviez à Batajnica?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Qui étaient ceux qui vous interrogeaient et dans quelles

7 circonstances?

8 Réponse: Au bout de trois ou quatre jours de ce séjour à Batajnica, un

9 groupe de policiers militaires est venu me chercher. On m'a menotté, on

10 m'a bandé les yeux avec un torchon blanc, on m'a fait sortir de cette

11 pièce et on m'a fait monter dans un véhicule, étant donné que mes yeux

12 étaient bandés, je ne pouvais le voir, l'identifier.

13 Question: Est-ce qu'on vous a fait sortir de Batajnica?

14 Réponse: Ce dont je parlais, enfin le tout, se passait à Batajnica. Le

15 fait que nous nous trouvions à Batajnica, eh bien, nous avons appris cela

16 des policiers qui nous gardaient. On ne pouvait pas, on ne pouvait pas

17 identifier le lieu où on se trouvait.

18 Après notre arrivée, j'ai demandé à l'officier de sécurité, qui parfois

19 venait dans cette pièce cellule où on était incarcérés, sur ma question:

20 "Où est-ce qu'on se trouve?" Il m'a répondu: "Dans une caserne de la JNA."

21 A moi d'enchaîner: "Oui on sait qu'on est dans une caserne de la JNA mais

22 dans laquelle?" Sa réponse a été: "Je t'en ai dit assez suffisamment.".

23 Question: Cet épisode où vos yeux ont été bandés ou vous avez été menotté,

24 est-ce qu'on vous a fait sortir de l'enceinte de Batajnica?

25 Réponse: Non, on m'a transféré dans un autre bâtiment, une autre

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1 installation dans le cadre de l'enceinte de la caserne de Batajnica.

2 Question: Merci. Précisez, expliquez-vous sur cet interrogatoire?

3 Réponse: On m'a fait rentrer dans un bureau, on m'a enlevé ce morceau qui

4 me bandait les yeux, j'ai remarqué que j'étais dans un bureau typique en

5 présence de personnes dont l'une me ferait subir cet interrogatoire. Il

6 s'agissait de quelqu'un qui était assez menu comme taille, avec un accent

7 un peu spécifique, un accent qui est surtout notoire dans la région serbe

8 de Vojvodine.

9 Et puis dans le coin de ce bureau, se trouvait un porte-manteau avec un

10 uniforme dont les insignes indiquaient le grade de capitaine. C'était un

11 uniforme assez petit de taille et j'ai pu conclure donc qu'il s'agissait

12 de son uniforme et qu'il était effectivement un militaire.

13 Lorsque l'entretien a commencé, il s'est présenté, il a dit son nom et son

14 prénom, mais il n'a mentionné son grade, son rang dans la hiérarchie

15 militaire.

16 Question: Combien de temps a duré cet interrogatoire?

17 Réponse: Cet interrogatoire a duré toute la journée.

18 Question: Est-ce qu'on vous a fait subir de mauvais traitements, des

19 sévices?

20 Réponse: Non.

21 Question: Est-ce que vous voudriez bien expliquer à la Chambre à part les

22 passages à tabac et à part ce que vous déjà avez mentionné, est-ce qu'il y

23 a eu d'autres formes de mauvais traitements, de sévices après donc les

24 passages à tabac, ainsi de suite?

25 Réponse: Oui, il y en a eu.

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1 M. Di Fazio (interprétation): Quel genre? Quel genre de passages à tabac?

2 Qui a été passé à tabac?

3 M. Lukac (interprétation): Ces passages à tabac ont débuté après le 14 ou

4 le 15 mai. C'est à l'époque où on avait amené dans cette même prison un

5 autre groupe d'hommes et par la suite les passages à tabac ont commencé,

6 donc nous antérieurs et ceux qui sont venus plus tard.

7 Ces tabassages et ces frappes étaient assénés par des policiers, policiers

8 qui étaient en permanence, qui étaient de service et par d'autres

9 personnels militaires qui s'amenaient surtout les soirs.

10 Mme Williams (interprétation): Monsieur Di Fazio, est-ce que le témoin

11 pourrait nous préciser… revenons à cet épisode de la personne de la taille

12 menue, un petit uniforme qui pendait, enfin est-ce qu'on pourrait élaborer

13 et approfondir les détails de cet interrogatoire?

14 M. Lukac (interprétation): Il s'est présenté, je sais que son prénom était

15 Dragan.

16 M. Di Fazio (interprétation): Lorsque vous dites "capitaine", est-ce que

17 vous pensez au capitaine de la JNA?

18 M. Lukac (interprétation): Oui.

19 Question: Merci.

20 Réponse: Je me souviens de ce petit détail, cet uniforme était bleu-clair

21 et donc c'était un uniforme des forces aériennes.

22 Question: Revenons à ces passages à tabac, est-ce que vous pourriez nous

23 indiquer les instruments qui ont été utilisés? Comment ces passages à

24 tabac s'étaient déroulés?

25 Réponse: Le 12 mai, notre groupe de 9, eh bien, on a mis de côté quatre

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1 personnes dont moi-même, et nous avons été transférés dans une autre

2 caserne à Zemun, tout prés de Batajnica et tout près de Belgrade.

3 Au bout de trois jours, on nous a ramenés de cette prison militaire de

4 Zemun dans la prison de Batajnica, et quatre nouveaux prisonniers étaient

5 ajoutés à notre groupe. Une fois arrivé notre groupe de Bosanski Samac,

6 neuf personnes, nous avons été transférés dans une autre pièce cellule,

7 donc par rapport à la première pièce cellule où on se trouvait.

8 Dans cette première pièce cellule, on a installé ces quatre personnes qui

9 étaient arrivées avec nous de Zemun. Le même soir, un autre groupe de

10 quatre personnes de Bosanski Samac était arrivé, et ils se trouvaient, les

11 nouveaux venus, dans la première pièce cellule.

12 Eh bien, ces gens ont été massacrés cette nuit-là par les policiers

13 militaires. On les battait, on les frappait avec des matraques, donc des

14 matraques en matière plastique mais on utilisait également des bâtons en

15 métal, des bâtons en métal dans le genre de ceux qu'on utilisait pour

16 frapper et nettoyer jadis les tapis et puis un autre instrument, on

17 utilisait de grosses louches en métal, d'un mètre de longueur, assez lourd

18 comme poids. On les frappait sur la tête, dans le dos, ainsi de suite. Ce

19 sont des instruments, des objets qu'on utilisait très fréquemment dans les

20 heures du soir et de la nuit pour frapper.

21 Question: Vous avez parlé d'un petit groupe qui était ajouté à votre

22 groupe sur le retour de Zemun à Batajnica, et puis un autre groupe par la

23 suite. Est-ce que vous pourriez préciser leur origine ethnique?

24 Réponse: Ces nouveaux venus, ces prisonniers nouveaux venus étaient de

25 nationalité croate autant que je m'en souvienne, à l'exception d'une

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1 personne. Il s'agit d'un américain si je me souviens bien, c'était le seul

2 dont la nationalité était différente.

3 M. Singh (interprétation): Je voudrais bien que vous expliquiez un point.

4 Vous avez utilisé souvent le mot, le terme "massacre", faites attention

5 lorsque vous utilisez ce terme parce que la signification normale de ce

6 terme est bien différente. Cela veut dire exécution sans discrimination.

7 Il s'agit vraiment de meurtres, de tueries de gens lorsque vous parlez de

8 massacre.

9 M. Lukac (interprétation): J'ai bien compris votre question et j'utilise

10 ce terme pour indiquer qu'on nous assommait de coups, qu'on nous frappait.

11 Mais c'est un terme qui ne reflète pas exactement la situation, la

12 condition dans laquelle ces prisonniers se trouvaient enfin parce qu'une

13 fois frappés, assommés de coups par des instruments différents, cela ne

14 peut pas traduire leur apparence, c'étaient des gens qui étaient à moitié

15 morts.

16 C'est pour cela que j'ai recours à ce terme de massacre. Après ces

17 tabassages, ces gens étaient des demi-morts. Tout autre terme serait

18 vraiment hors propos pour la situation dans laquelle ces gens se

19 trouvaient.

20 Mme la Présidente (interprétation): Je pense qu'il serait temps de faire

21 une pause et de reprendre nos travaux à 11 heures 30.

22 (L'audience, suspendue à 11 heures 03, est reprise à 11 heures 33.)

23 Mme la Présidente (interprétation): Nous allons poursuivre

24 l'interrogatoire principal mais le Juge Singh voudrait poser une question.

25 M. Singh (interprétation): Est-ce que nous pourrions revenir à l'endroit

Page 1726

1 où nous nous étions arrêtés?

2 Nous constatons et nous prenons note de ce que vous dites, Monsieur le

3 témoin, mais on entend le terme massacre. C'est quand même très différent.

4 Je vous comprends bien lorsque vous dites que le terme de passage à tabac

5 ne suffit pas à décrire ce que vous avez vu et ce que vous avez subi

6 personnellement.

7 Pendant la pause, j'ai examiné le dictionnaire militaire anglais/serbo-

8 croate imprimé en 1973 à Belgrade Vojni Rjecnik. On y trouve une phrase,

9 une expression qui pourrait qualifier ou décrire adéquatement un tel

10 traitement. En anglais, on dit "subir un passage à tabac brutal", je ne

11 veux pas ici essayer de traduire en serbo-croate ou de prononcer ce terme

12 moi-même. Je vais vous donner le texte et vous allez peut-être pouvoir

13 nous dire si c'est bien l'expression qu'il faudrait utiliser. Si ce n'est

14 pas le cas, dites-le nous!

15 Veuillez remettre une copie de cette page du dictionnaire aux avocats de

16 la défense également. Vous voyez à la rubrique "Beating" en anglais.

17 Maître Pantelic, est-ce que vous pourriez prononcer cette expression pour

18 moi?

19 Mme la Présidente (interprétation): Il n'a pas son casque.

20 M. Pantelic (interprétation): Oui Madame la Présidente, "Beating", c'est

21 "Udaranje" ou "cusanje". Pour subir un fort passage à tabac, c'est "podvor

22 gnutise snajim udarima".

23 Mme la Présidente (interprétation): Quel serait le commentaire du témoin?

24 Est-ce qu'il accepte cette description telle qu'on la trouve dans le

25 dictionnaire? Est-ce qu'il la trouve acceptable?

Page 1727

1 M. Lukac (interprétation): Je pense que ce que j'ai sous les yeux ne

2 reflète pas adéquatement la réalité, que ce soit la réalité du passage à

3 tabac, des coups reçus ou la réalité de ses conséquences. Par conséquent,

4 ceci ne traduit pas adéquatement l'aspect qu'avait une victime de ces

5 coups après ce passage à tabac.

6 M. Singh (interprétation): Je vous remercie.

7 Mme la Présidente (interprétation): Monsieur le Procureur, poursuivez.

8 M. Di Fazio (interprétation): Merci. Restons sur ce sujet un instant

9 lorsque vous décriviez ce que vous avez vu. Je comprends ce que vous

10 dites, vous n'utilisez la notion de massacre en son sens littéral, parce

11 que cela voudrait dire que ces gens ont perdu la vie, et cela, lorsqu'on

12 parle de massacre, c'est la notion de destruction massive et instantanée.

13 Mais si je vous comprends bien, vous estimez que lorsqu'on parle de coups

14 ou de passages à tabac, ceci ne décrit pas bien ce que vous avez vu, ce

15 que vous avez observé.

16 Selon vous, ce que vous avez vu, est-ce que ça pourrait être décrit sous

17 le terme de passage à tabac dans toute ses connotations, acceptions

18 classiques? Mais est-ce qu'on pourrait préciser davantage cette notion en

19 parlant du caractère extrême de cette action, de l'usage de la force

20 extrême que vous avez pu constater?

21 M. Lukac (interprétation): A certains égards, oui.

22 Question: Un instant, s'il vous plaît.

23 Auparavant, nous avons parlé de passages à tabac que vous avez vus après

24 être arrivé à Zemun, mais vous n'avez pas encore relaté à la Chambre ce

25 qui s'était passé à Zemun.

Page 1728

1 J'aimerais que vous expliquiez aux Juges pourquoi vous y avez été emmenés,

2 ce qui s'y est passé et quelle a été la durée de votre détention à Zemun?

3 Réponse: Pendant toute cette période, jamais on ne nous a expliqué

4 pourquoi on nous avait emmenés de Batajnica à Zemun.

5 Pour ce qui est de ma détention en prison pendant cette période, eh bien,

6 j'ai tiré mes propres conclusions. Ce ne sont peut-être pas les véritables

7 conclusions, mais moi je ne vois pas d'autres raisons à notre détention.

8 A savoir, le 12 mai, à Batajnica, dans la prison où nous étions, un groupe

9 d'officiers est arrivé, ils étaient accompagnés de membres de la police

10 militaire et ils ont apporté quatre uniformes de camouflage, du type de

11 ceux qu'avait la JNA.

12 Ils m'ont dit, Miroslav Kedacic, Sahib Mujkanovic ainsi que (expurgé)

13 m'ont dit de mettre ces uniformes de camouflage, ils avaient aussi apporté

14 de bottines militaires parce que jusqu'alors nous étions tous en civil,

15 dans les vêtements que nous portons au moment de notre arrestation.

16 Nous nous sommes exécutés, et je pense que si nous avons été sélectionnés,

17 nous quatre, c'est parce que nous étions plus jeunes que les autres. Je

18 pense qu'un uniforme militaire n'était pas approprié pour Franjo Barukcic

19 qui à l'époque avait 70 ans.

20 Nous avons donc mis ces uniformes de camouflage qui ne portaient aucun

21 emblème. Là-dessus les policiers militaires nous ont passé les menottes.

22 Ils nous ont bandé les yeux et c'est alors que nous avons été placés dans

23 un camion militaire et emmenés à Zemun. Lorsque je suis arrivé à Zemun, à

24 notre arrivée, nous avons appris, après avoir été emmenés dans cette

25 caserne de la police militaire, un officier de la JNA, un capitaine est

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1 entré, s'est présenté, a donné son nom et son prénom. Il nous a dit que

2 nous nous trouvions dans la caserne de la police militaire de la JNA à

3 Zemun.

4 Dans cette pièce où nous avions été emmenés qui servait en fait de salle

5 de classe dans cette caserne de la JNA, il y avait quatre autres

6 personnes. Nous avons cru comprendre qu'il s'agissait aussi de détenus.

7 Ils étaient assis sur des espèces de lits, enfin sur trois blocs. Il y

8 avait peut-être un mètre entre chacun de ces hommes. Trois étaient en

9 uniforme, le quatrième en vêtements civils.

10 On nous a forcés à nous asseoir comme eux étaient assis, la porte étant

11 ouverte nous avons vu beaucoup de membres de la police militaire qui

12 passaient devant cette porte, faisaient des allées et venues. Certains

13 sont entrés, nous ont observés, nous avons passé la nuit dans cette pièce.

14 Question: Un instant s'il vous plaît. Pendant tout ce temps, vous étiez

15 toujours en uniforme de camouflage?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Est-ce qu'il y a eu des mauvais traitements physiques jusqu'à la

18 tombée de la nuit?

19 Réponse: Non pas l'après-midi, je me souviens qu'un officier qui était

20 lieutenant-colonel est entré dans la pièce, il nous a demandé sur quel

21 front on nous avait fait prisonniers, nous lui avons répondu qu'on ne

22 s'était pas trouvés sur le front. Il nous a demandé comment cela se

23 faisait puisque nous étions en tenue de camouflage. Nous lui avons dit

24 qu'on nous avait forcés à mettre ces uniformes à Batajnica avant d'aller à

25 Zemun. Il a dit qu'il allait vérifier et que, si ce que nous avions dit

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1 n'était pas correct, il viendrait en personne nous exécuter.

2 Les sévices, ils se sont produits dans la nuit dans cette pièce. Ils ont

3 été le fait par des membres de la police militaire qui étaient de faction

4 cette-nuit là. Ils n'ont pas utilisé d'instruments au cours de ces

5 passages à tabac. Ils se sont servis de leurs poings, de leurs bottines,

6 ils nous ont donné des coups de pied. Il y en avait surtout un qui

7 utilisait des mouvements bien précis, cela m'a amené à penser qu'il avait

8 reçu une formation en arts martiaux.

9 Des quatre personnes qui se trouvaient déjà dans la pièce à notre arrivée,

10 il y en avait un qui était ciblé en particulier pour les passages à tabac,

11 c'était celui en vêtements civils. Par la suite, j'ai appris qu'il

12 s'appelait Alija Selimagic, c'était un Musulman de Bosnie qui venait de la

13 région de Bosanski Brod.

14 Il était en assez mauvais état, aussi bien physique que mental, et j'en ai

15 conclu qu'il avait dû subir des coups même avant notre arrivée. Il avait

16 l'air perdu, et les propos qu'il tenait, de la façon dont il répondait aux

17 questions posées par les membres de la police militaire, il était clair

18 qu'il n'avait plus tout à fait ses esprits, il était incohérent dans ses

19 réponses.

20 Le lendemain, nous sommes le 13 mai, nous avons tous été emmenés dans la

21 prison qui fait partie de ces installations, c'était une pièce assez

22 exiguë. Nous étions gardés par la police militaire qui se tenait à

23 l'extérieur pendant la nuit, à l'extérieur de cette pièce. Plusieurs

24 membres de la police spéciale ou d'une unité d'élite de Nis, je crois que

25 c'était une unité de parachutistes qui faisait partie de la JNA, Nis c'est

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1 une ville qui se trouve dans le sud de la Serbie. Et ils nous ont frappés,

2 la plupart d'entre nous, mais sans se servir d'instrument, et de nouveau

3 ils ont particulièrement ciblé ce Selimagic.

4 Question: Vous dites qu'ils ne se sont servis d'aucun d'instrument, alors

5 de quoi se sont-ils servis?

6 Réponse: Je ne me souviens pas qu'ils aient utilisé quoi que ce soit, ils

7 se sont contentés de coups de poing et de coups de pied. Le lendemain, je

8 pense qu'on était alors le 15 mai, la porte de cette pièce a été ouverte

9 et la police militaire a fait sortir cet américain qui s'y trouvait. Il

10 est sorti. Deux hommes en civil ont fait leur apparition à cette porte,

11 ils ont parlé en anglais à cet américain pendant 10 à 15 minutes. Puis il

12 est rentré dans la cellule.

13 L'autre homme qui portait un uniforme de l'armée croate s'appelait Zdravko

14 Filipovic, il a parlé à cet américain. En effet, il y en avait un qui

15 parlait un petit peu l'anglais, l'autre un peu croate, donc cela leur

16 permettait de communiquer. Filipovic a demandé à cet américain, qui

17 s'appelait Peri Colton, ce que ces deux hommes avaient dit, de quoi ils

18 avaient parlé. Peri Colton a répondu que cet homme lui avait dit que

19 l'ambassade américaine de Belgrade avait été informée de sa détention et

20 qu'il allait être libéré dans les 7 jours qui suivaient.

21 Ces deux hommes lui avaient également dit que les hommes de la police

22 militaire allaient venir le chercher dans quelques instants, afin qu'il

23 puisse accorder un entretien à la télévision de Belgrade.

24 A ce moment-là, Filipovic lui a dit que cet entretien qu'il était sur le

25 point de donner aux journalistes de la télévision devrait lui permettre de

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1 dire que nous étions détenus et battus dans cette prison. L'américain a

2 promis de le faire. Et effectivement quelques minutes plus tard, ils sont

3 venus le chercher, il est revenu une heure, une heure et demi plus tard,

4 il nous a dit qu'il avait accordé cet entretien et qu'il avait dit aux

5 journalistes que nous avions ou que nous subissions des mauvais

6 traitements physiques dans la prison. Je ne sais pas s'il l'a dit ou pas.

7 Question: Est-ce que nous pouvons revenir à Batajnica? Est-ce que vous

8 êtes rentré à Batajnica?

9 Réponse: Peu de temps après, une heure, une heure et demie plus tard, un

10 groupe assez important de membres de la police militaire et d'officiers de

11 la JNA sont venus, ils nous ont mis les menottes, bandé les yeux et ils

12 nous ont ramenés aussitôt à Batajnica.

13 Question: Est-ce qu'on vous a expliqué pourquoi vous deviez porter ces

14 tenues militaires, ces tenues camouflées pendant votre transport à Zemun?

15 Réponse: Non on ne nous a jamais expliqué quoi que ce soit, mais moi au vu

16 de tout ce qui s'était passé, je me suis dit que, nous aussi, on avait été

17 amenés à cet endroit pour ce type d'entretien, apparemment pour convaincre

18 l'opinion publique que c'étaient des prisonniers qui ont été capturés sur

19 la ligne de front, et je me suis dit que c'était la raison pour laquelle

20 ils nous avaient fait mettre ces uniformes.

21 Il est probable que cet américain ait mentionné les passages à tabac que

22 nous subissions au cours de cet entretien, et c'est peut-être pour cela

23 qu'ils avaient abandonné leur plan. Mais enfin c'est une supposition de ma

24 part.

25 Question: Avez-vous une idée de la date à laquelle vous êtes retourné de

Page 1733

1 Zemun à Batajnica? Si ce n'est pas possible, donnez-nous une date

2 approximative?

3 Réponse: Oui moi je pense que c'est le 15 mai que cela s'est passé au

4 cours de l'après-midi.

5 Question: Combien de temps êtes-vous resté à Batajnica?

6 Réponse: 2, 3 jours. 3 jours. 12, 13, 14, 15, non 4 jours.

7 Question: Et alors ensuite?

8 Réponse: Eh bien, nous avons été ramenés à Batajnica dans cette même

9 prison d'où nous avions été emmenés ou ramenés.

10 Question: Ah je vois, attendez. Oui. Vous étiez à Zemun entre le 12 et le

11 15?

12 Réponse: Oui, cela doit être cela.

13 Question: Et après être revenu de Zemun à Batajnica, combien de temps

14 êtes-vous resté à Batajnica?

15 Réponse: En fait, nous, ou plus exactement, je suis resté à Batajnica

16 jusqu'au 26 ou 27 mai. Je ne sais plus exactement si c'était le 26 ou le

17 27.

18 Question: Repensez à cette période en jours à peu près qui s'est écoulée

19 entre votre retour de Zemun, pendant cette période à Batajnica, est-ce que

20 vous avez subi de mauvais traitements physiques ou est-ce que vous avez

21 assisté à des passages à tabac qui ont été infligés à d'autres?

22 Réponse: Pour ce qui est de cette période dont vous parlez, entre le 15 et

23 le 26 mai, c'est la période pendant laquelle nous avons subi le plus de

24 sévices physiques sur toute la période que j'ai passée à Batajnica.

25 Question: Est-ce qu'il avait une certaine structure dans ce type de

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1 mauvais traitements dont vous parlez, un schéma?

2 Réponse: Oui, je l'ai déjà dit. En fait, ça se passait uniquement la nuit.

3 Cela commençait vers 7 heures jusque minuit ou une heure du matin, c'est

4 alors que cela se passait. Par exemple, nous étions neufs, nous avions dû

5 nous placer contre le mur, les mains contre le mur, un policier venait

6 avec sa matraque et nous donnait des coups de la tête au pied.

7 Donc vous aviez les bras en l'air, cela veut dire que toute votre cage

8 thoracique est exposée et cela exacerbe les douleurs que vous ressentez

9 pendant ces passages à tabac. Ce qu'ils faisaient aussi, nous sortir de la

10 pièce où on était, un à un, pour aller dans l'autre pièce, celle d'en

11 face, donc on était battus individuellement.

12 Au cours d'un de ces passages à tabac, une de mes côtes a été fracturée

13 par un policier militaire qui était originaire du Monténégro. La raison

14 qu'il m'a donnée, c'est qu'il n'aimait pas ma gueule.

15 Troisième type, on faisait sortir deux prisonniers et ils étaient forcés

16 de se battre l'un l'autre. On disait par exemple Mujkanovic, (expurgé)et

17 moi-même nous étions ciblés tout particulièrement pour ce type de

18 tabassages parce que nous avions une certaine expérience en tant que

19 membres de la police donc avait un attrait particulier pour ces gens-là.

20 Voilà quelques-unes des façons typiques qu'ils avaient de nous maltraiter.

21 Question: Quelques détails, vous dites qu'une des formes de passage à

22 tabac c'était de vous faire mettre les mains contre le mur et que c'est

23 dans cette position qu'on vous rouait de coups. Est-ce qu'ils se sont

24 servis de quelque chose en particulier lorsque vous vous êtes trouvés dans

25 cette de position?

Page 1735

1 Réponse: En ce qui me concerne, ils se sont servis de matraque en

2 caoutchouc de la police.

3 Question: Autres formes de passage à tabac ou d'humiliation faute de

4 meilleure description, donc vous étiez forcés de vous battre l'un contre

5 l'autre. Quelle était la force, la violence requise de votre part dans ce

6 cas-là?

7 Réponse: Dans ce cas-là, la meilleure chose à faire si cette autre

8 personne, ce partenaire pour ainsi dire vous frappe si fort que vous vous

9 écroulez par terre -parce que si le coup n'est pas assez dur, c'est le

10 policier militaire qui commence à frapper celui qui n'a pas frappé assez

11 fort- et dans de telles situations ce qui est le plus douloureux

12 probablement c'est quand on vous passe à tabac et qu'au bout de deux

13 heures on vous demande de faire de la gymnastique parce que ceci vous fait

14 beaucoup de mal bien évidemment.

15 Vous avez mal aux genoux, partout, et pendant qu'on vous donne des coups

16 vous ne sentez rien, et par la suite bien évidemment oui. Si on vous

17 demande de vous agenouiller, de faire de la gymnastique bien évidemment

18 cela vous fait beaucoup plus mal parce que c'étaient les passages à tabac

19 du Moyen-Age, moyenâgeux de tels types de passage à tabac, je parle.

20 Question: Et maintenant j'aimerais vous demander, combien de fois à peu

21 près vous avez subi de tels mauvais traitements après votre retour de

22 Zemun et puis jusqu'au moment où vous avez quitté Batajnica?

23 Réponse: Au cours de cette période, de tels sévices ont été infligés

24 pratiquement chaque nuit, sauf bien évidemment si à cette époque-là dans

25 le cadre de l'équipe qui était d'une durée de trois heures il n'y avait

Page 1736

1 pas un policier quelconque qui était un peu plus raisonnable, il y en

2 avait bien évidemment. Eh bien, si une telle équipe dans la soirée était

3 de garde, de service, à ce moment-là on pouvait compter à ne pas avoir de

4 tels traitements.

5 Question: Maintenant ce que j'aimerais savoir c'est quelque chose au sujet

6 de votre transfert de Batajnica. Pourriez-vous dire à la Chambre à quelle

7 date, quel jour et dans quelles conditions on vous a transférés de

8 Batajnica?

9 Réponse: Je vous ai déjà dit, je ne me souviens pas exactement de la date,

10 mais je crois que c'était le 26 ou 27 mai. C'était le jour où le directeur

11 de la prison est rentré dans la pièce, il était caporal. Je me souviens

12 qu'on nous a appris qu'il était à l'origine de mauvais traitements qui ont

13 été infligés par des prisonniers emprisonnés.

14 Ensuite, il y avait trois autres personnes vêtues en uniforme qui

15 provenaient de la municipalité de Bosanski Samac et à la tête de cette

16 mission se trouvait Fadil Topcagic. J'en ai parlé lors de ma déposition.

17 Eh bien, le directeur de la prison s'est adressé à moi pour me demander

18 ainsi qu'aux trois autres prisonniers d'aller nous raser car pendant tout

19 ce temps-là on n'était pas rasés. On a eu l'occasion de passer à la douche

20 deux fois, ce que nous avons fait bien évidemment. On nous l'a proposé, ce

21 que nous avons fait.

22 Par la suite, Fadil Topcagic nous a dit qu'il était venu nous chercher

23 pour nous ramener à Bosanski Samac. Il nous a passé les menottes, ensuite

24 on nous a bandé les yeux, on nous a fait monter dans une camionnette, nous

25 étions couchés par terre, enfin sur le sol de la camionnette. On était

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1 ligotés, les yeux bandés, et c'est comme cela qu'on nous a transférés de

2 Batajnica à Bosanski Samac. Les autres prisonniers sont restés à

3 Batajnica.

4 Question: Merci. Et comment il était vêtu Fadil Topcagic?

5 Réponse: Il avait une tenue de camouflage, il n'avait pas de couvre-chef,

6 il n'avait rien sur la tête. Cela, je m'en souviens.

7 Question: Et qui étaient les prisonniers qui étaient avec vous au moment

8 où vous avez été transféré à Bosanski Samac?

9 Réponse: Ensemble avec moi, il y avait (expurgé), Franjo Barukcic et Mato

10 Perkovic. Ce dernier vient de la municipalité de Modrica, Modrica c'est la

11 municipalité avoisinante de Bosanski Samac.

12 Question: Merci. Eh bien, est-ce qu'une fois rentrés à Bosanski Samac, on

13 vous a mis en prison?

14 Réponse: Nous quatre, nous avons été enfermés dans un garage d'automobiles

15 de police qui se trouve dans la cour du poste de police de Bosanski Samac.

16 Question: Et il s'agit donc d'un garage qui se trouvait dans le bâtiment

17 en face de la Défense territoriale?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Excusez-moi, mais j'ai besoin de quelques photographies

20 maintenant. Je vais demander à l'huissier de m'aider pour placer sur le

21 rétroprojecteur ou surtout remettre au témoin les photographies. Je pense

22 que ces photographies sont déjà consignées dans le classeur.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 Madame la Présidente, juste un petit moment, excusez-moi.

25 Mme la Présidente (interprétation): Oui, je vous en prie. Maître Zecevic?

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1 M. Zecevic (interprétation): Nous avons déjà soulevé l'objection en ce qui

2 concerne les photographies qui sont placées sur le rétroprojecteur, où

3 sont indiqués un certain nombre d'éléments, enfin il y a une légende.

4 Si j'ai bien compris le Procureur a pris sur lui de ne plus montrer ces

5 photographies sans légende, comme je l'ai dit pour que le témoin les voie.

6 Mme la Présidente (interprétation): Oui juste un petit moment, on va

7 entendre le Procureur. Si je ne me trompe pas, c'est la Greffière qui

8 avait donné la photographie.

9 Je vais demander par conséquent à l'huissier de bien vouloir remontrer la

10 photographie à la Greffière et ensuite elle pourra s'en occuper.

11 (L'huissier s'exécute.)

12 (La Greffière donne la photographie aux Juges.)

13 (Les Juges se concertent sur le siège.)

14 Oui, effectivement, les copies que la Chambre a reçues ne portent pas de

15 légende.

16 La Chambre considère que, pour ce qui concerne les photographies, elles

17 ont été cotées et ensuite on a photocopié ces photographies. C'est la

18 raison pour laquelle j'insiste une fois de plus sur le fait que les Juges

19 disposent des photographies sans légende et je me demande si l'accusation

20 en dispose, parce que si vous disposez de telles copies il faut montrer au

21 témoin une copie, comme c'est le cas des Juges ou de la Greffière.

22 Il faut véritablement faire attention à placer et remettre au témoin des

23 photographies qui ne portent pas de légende.

24 M. Di Fazio (interprétation): (Hors micro.) Oui merci.

25 Pour ce qui concerne la photographie en question, je voudrais m'y référer,

Page 1739

1 Madame la Présidente. Voilà, je les ai par conséquent organisées de la

2 manière à pouvoir m'y référer très facilement.

3 Tout en haut à gauche, il y a des dates, il y a des numéros de référence

4 et il y a également un terme "Bosanski Samac". C'est tout.

5 A part cela, il y a quelque chose tout en haut, de toute façon, qui est

6 effacé, je pense que c'est la légende justement qui n'y figure pas. C'est

7 la raison pour laquelle le témoin ne pourra pas voir ce qui est marqué là-

8 dessus. C'est la version en anglais et cela ne pourra pas par conséquent

9 être interprété d'une façon ou d'une autre.

10 Mme la Présidente (interprétation): Quel numéro de référence? A quoi

11 pensez-vous?

12 M. Di Fazio (interprétation): Je pense au n°42 jusqu'à 56. Oui j'ai des

13 photocopies.

14 Mme la Présidente (interprétation): Un petit moment, excusez-moi. Je

15 voudrais vraiment mettre au clair tout cela.

16 Regardez un petit peu. Les Juges disposent des copies où il n'y a que des

17 numéros de référence, par conséquent c'est le type de photographies qu'il

18 faudrait montrer au témoin où il n'y a strictement rien, que des numéros

19 de référence et des dates de photographie.

20 M. Di Fazio (interprétation): Mais je ne peux pas le faire en ce moment-

21 là.

22 Mme la Présidente (interprétation): D'accord, alors l'huissier peut

23 prendre nos photographies.

24 (L'huissier s'exécute.)

25 Mme la Présidente (interprétation): Entendu. En ce qui concerne l'ordre

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1 par lequel vous allez les utiliser, cela dépend de vous ou c'est

2 l'huissier qui va les placer sur le rétroprojecteur, ensuite le témoin

3 pourrait les voir également sur le rétroprojecteur.

4 M. Di Fazio (interprétation): Je vais vous demander tout d'abord, s'il

5 vous plaît, de mettre la photographie F42 sur le rétroprojecteur. Je

6 m'adresse à l'huissier.

7 (L'huissier s'exécute.)

8 Mme la Présidente (interprétation): Excusez-moi, mais pourrions-nous avoir

9 le nom complet pour les pièces à conviction? Il s'agit de P14 et de F42.

10 M. Di Fazio (interprétation): Est-ce que vous reconnaissez le bâtiment en

11 question?

12 M. Lukac (interprétation): Oui.

13 Question: Quel est ce bâtiment blanc, s'il vous plaît, qui a un toit gris?

14 Réponse: En ce qui concerne le bâtiment que je montre avec le pointeur, il

15 s'agit d'un immeuble, d'une des installations qui abritait la Défense

16 territoriale, dans le cadre du complexe de la Défense territoriale. Dans

17 ce bâtiment très précis, se trouvait…

18 Question: Excusez-moi, je vous arrête, cela me suffit pour le moment.

19 Je voudrais tout simplement vous demander de bien vouloir regarder

20 derrière le bâtiment, vous voyez un autre bâtiment, le toit rouge et puis

21 il y a des cheminées également tout de suite à côté du doigt de

22 l'huissier.

23 Réponse: Je vous montre avec le pointeur le bâtiment de poste de police.

24 Question: Merci. Est-ce qu'entre les deux bâtiments vous voyez également

25 une rue? Est-ce qu'une rue traverse entre les deux?

Page 1741

1 Réponse: Oui, c'est la rue principale qui s'appelait la rue maréchal Tito

2 avant la guerre.

3 Question: Merci. Maintenant nous allons passer à la photographie F43.

4 Auriez-vous l'amabilité de nous dire de quoi il s'agit là?

5 Réponse: Il s'agit du bâtiment du poste de police de Bosanski Samac.

6 Question: Est-ce qu'on voit le bureau, votre propre bureau pendant que

7 vous étiez chef du poste de police, et nous montrer la fenêtre?

8 Réponse: Oui, effectivement c'est à l'étage et il y a le balcon qui est

9 devant. Je vous montre avec le pointeur l'endroit exact.

10 Question: Par conséquent de manière traditionnelle on pourrait dire que

11 c'était le bureau du chef du poste de police?

12 Réponse: C'était le directeur du service chargé de criminalistique. C'est

13 lui qui normalement avait son bureau à cet endroit-là.

14 Question: Merci. Eh bien, maintenant nous allons passer à la photographie

15 F44, la pièce à conviction P14, cela fait partie de la pièce à conviction

16 P14. Que représente cette photographie s'il vous plaît?

17 Réponse: Cette photographie représente la cour du poste de police à

18 Bosanski Samac.

19 Question: Merci. Si vous voulez bien juste jeter un coup d'śil et nous

20 dire ce que l'on voit derrière les voitures qui sont garées, il y a des

21 portes je pense qu'il y a quelques numéros qui sont portés sur les portes.

22 Réponse: Oui, effectivement, il s'agit des garages pour les véhicules de

23 police, c'est dans la cour. Ce sont les garages que je viens de montrer.

24 Question: Est-ce qu'à un moment donné ou à un autre on avait gardé les

25 prisonniers dans ce garage?

Page 1742

1 Réponse: Oui, moi également, j'ai été dans un de ces garages et il s'agit

2 du garage du milieu.

3 Question: Merci. Et en avant, on peut voir tout à fait devant, on peut

4 voir la voiture blanche. Il y a également un tonneau, je ne sais pas si

5 vous voyez, elle n'est pas très loin. A qui appartient cette voiture?

6 Réponse: C'était ma voiture particulière et la police serbe au début de la

7 guerre a confisqué cette voiture et l'a confisqué dans pas ma propre cour

8 et l'a ramenée ici et l'a utilisée. Voilà c'est la voiture que je montre

9 avec le pointeur.

10 Question: Eh bien, maintenant si nous regardons à gauche de la

11 photographie, est-ce que vous pouvez s'il vous plaît regarder

12 attentivement? On voit un mur blanc, est-ce que cela fait partie du

13 bâtiment du SUP?

14 Réponse: Oui, c'est la partie arrière du poste de police. Voilà je viens

15 de vous montrer.

16 Question: Et maintenant si vous voulez bien jeter un coup d'śil vers le

17 bout du mur, il y a un autre mur qui ressort quelque peu, on le voit à

18 peine.

19 Réponse: Oui, tout à fait, c'est un mur du bâtiment de l'administration

20 municipale de Bosanski Samac, et le bâtiment administratif, c'est le

21 gouvernement qui avait ses bureaux et le président.

22 Voilà, c'est ce que je montre, ce sont les deux bâtiments adjacents, l'un

23 à côté de l'autre.

24 Question: Est-ce que pendant que vous étiez emprisonné, est-ce que ce

25 bâtiment, je parle du bâtiment administratif, pendant que vous étiez au

Page 1743

1 SUP, y avait-il des prisonniers dans ce bâtiment?

2 Réponse: Il n'y avait pas de prisonniers dans le bâtiment administratif.

3 Question: Maintenant, nous allons passer à la photographie F46 dans le

4 cadre de la pièce à conviction P14, une fois de plus. Le grand bâtiment

5 tout à fait au début, c'était quoi s'il vous plaît?

6 Réponse: C'est l'administration municipale, enfin le bâtiment

7 administratif. Je vous ai dit que c'est un bâtiment qui abritait le

8 gouvernement, les autorités, les organes municipaux ou au tout au moins un

9 grand nombre d'organes.

10 Question: Est-ce que ces institutions avaient leurs activités jusqu'en

11 avril 1992? Est-ce qu'elles sont restées sur place?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et après le mois d'avril 1992, est-ce que vous savez ce qui

14 s'est passé? Est-ce que ce bâtiment a été utilisé par quelqu'un d'autre?

15 Réponse: Je ne sais pas, je n'étais pas sur place mais d'après les

16 informations dont je dispose, ces organes gouvernementaux ont travaillé au

17 début de la guerre, même après, mais je ne sais pas si pendant toute la

18 guerre ils s'y trouvaient. Je ne peux pas vous le dire, je ne le sais pas.

19 Question: Et ce petit bâtiment blanc, tout à fait à droite de la

20 photographie, c'était quoi s'il vous plaît?

21 Réponse: C'est le poste de police, c'est le bâtiment du poste de police.

22 Question: Merci.

23 Réponse: Avant la guerre, il y avait le Premier ministre municipal qui

24 avait son bureau et le maire, enfin le président de l'assemblée avait

25 également son bureau dans ce bâtiment, et vous voyez des fenêtres

Page 1744

1 également que je viens de vous montrer avec le pointeur.

2 Question: Auriez-vous l'amabilité de nous montrer la fenêtre du maire,

3 enfin du président de l'assemblée municipale?

4 Réponse: Cela devrait être là, je ne suis pas sûr que la troisième fenêtre

5 également est la fenêtre du bureau du maire, mais les deux fenêtres, oui

6 parce qu'il y avait la secrétaire du président de l'assemblée et ensuite

7 tout à fait au bout c'étaient les fenêtres du bureau du Premier ministre,

8 enfin du président du gouvernement.

9 Question: Merci. Maintenant nous allons passer à la photographie F47. Il

10 s'agit donc de la photographie F47, pièce à conviction P14. On peut voir

11 les n°2 et 4, et ceci sur les portes du garage.

12 Pourriez-vous nous dire où vous étiez?

13 Réponse: C'est le garage au milieu. Moi, je suppose que c'était le n°3. Il

14 y avait 5 garages et moi j'étais au milieu. Cela correspond au n°3.

15 Question: Merci. Merci à l'huissier également pour son assistance. Je n'ai

16 plus besoin de ces photographies.

17 (L'huissier s'exécute.)

18 Maintenant nous allons nous concentrer sur la période qui s'est écoulée

19 depuis votre retour à Bosanski Samac. Vous avez été installé dans le

20 garage n°3. Qui était avec vous?

21 Réponse: Dans le garage n°3, il y avait encore les trois autres personnes

22 qui sont arrivées avec moi de Batajnica, par conséquent il y avait (expurgé),

23 Barukcic et Perkovic.

24 Question: Est-ce que vous avez une idée quelconque sur le nombre de

25 prisonniers? Combien il y en avait au SUP, une fois que vous étiez de

Page 1745

1 retour à Bosanski Samac? Je parle donc du bâtiment du SUP et pas du

2 bâtiment de la Défense territoriale?

3 Réponse: Au moment où nous sommes arrivés, on avait l'information -et puis

4 on avait pu s'en rendre compte en personne- que dans un certain nombre de

5 pièces, au rez-de-chaussée de ce bâtiment de police, il y avait des gens

6 qui étaient tenus parce qu'il y avait une centaine un peu près de

7 personnes qui avaient été transférées de ces pièces du SUP dans le

8 bâtiment de la TO. Je ne sais pas si l'information est bonne mais il y

9 avait un très grand nombre de prisonniers, il n'y a aucun doute à ce

10 sujet-là.

11 Question: Et combien de temps vous êtes resté, vous avez passé dans ce

12 garage n°3?

13 Réponse: Je suis resté dans ce garage depuis le 26 ou 27 mai parce que je

14 ne me souviens pas exactement de la date, jusqu'au 23 juin 1992.

15 Question: Vous y êtes resté pratiquement un mois. Est-ce qu'au cours de

16 cette période, on vous a passé à tabac?

17 Réponse: Non pas moi personnellement, mais il y en avait qui avaient été

18 passés à tabac et tout premièrement (expurgé).

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 1746

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 Question: Eh bien, au cours de cette période, pendant que vous étiez dans

6 ce garage n°3, vous y êtes resté pendant un mois, est-ce que vous avez

7 entendu des cris, des hurlements? Est-ce que vous avez vu tout cela?

8 Réponse: Oui, on a pu entendre des cris qui provenaient du bâtiment de la

9 police, et en gros c'était très tard dans la nuit. Vers 23 heures, vers

10 minuit, une heure dans la nuit.

11 Question: C'est donc pendant que vous étiez dans le garage, dans la cour,

12 que vous avez pu entendre ces différents cris, ces hurlements?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Est-ce que vous pourriez nous situer la fréquence de ces échos

15 de cris?

16 Réponse: Je vous l'ai bien dit chaque soir. Enfin je ne pourrai pas être

17 plus précis mais c'était presque tous les soirs.

18 Question: Vous avez parlé de M. Barukcic, est-ce qu'on l'avait passé à

19 tabac?

20 Réponse: Eh bien, dans ce garage, il a été battu par Stevan Todorovic et

21 en compagnie d'un des ressortissants des forces spéciales venues de

22 Serbie. Et c'est alors que Todorovic lui a dit qu'il le considérait comme

23 un idéologue oustachi.

24 Question: Pendant que vous étiez dans le garage 3, avez-vous eu des

25 rencontres supplémentaires avec "Lugar"?

Page 1747

1 Réponse: "Lugar", je l'ai vu dans le garage 3 à deux reprises.

2 La première fois, quelques jours après notre arrivée de Batajnica, à ce

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé) et c'est à ce moment-là

7 qu'il a branché son revolver sur la tempe de Perkovic, il n'a pas tiré

8 -enfin c'était peut-être un truc de sa part- mais je me souviens de cet

9 événement très précisément.

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 Question: Est-ce que vous vous souvenez de la date ou de l'heure de la

14 journée quand cela s'était passé?

15 Réponse: Si je me souviens bien, c'était dans les heures de l'après-midi.

16 Question: Et vous-même, est-ce qu'on vous a passé à tabac?

17 Réponse: Non pas à cette occasion-ci, mais la personne qui l'a accompagné

18 m'a fait sortir du garage, une fois que "Lugar" s'y trouvait. Ce garage

19 pouvait être fermé à l'aide d'une chaîne et d'un cadenas.

20 Une fois entré, il a dit à la personne qui l'accompagnait: "Tape là et moi

21 je taperai l'autre!" Enfin ce compagnon de "Lugar" m'a fait sortir du

22 garage et à une dizaine de mètres de l'entrée, il m'a demandé mon nom, m'a

23 demandé ce que je faisais avant la guerre, m'a demandé si j'étais marié,

24 si j'avais des enfants, eh bien, j'ai répondu à toutes ces questions.

25 Tout près de là, se trouvait un policier qui était en faction devant ce

Page 1748

1 garage et qui me connaissait, qui m'a dit: "Réintègre le garage."

2 Question: Est-ce que "Lugar" a fait quelque chose à votre égard, à votre

3 endroit lors de cet événement?

4 Réponse: Je ne me souviens plus des détails de son comportement. Ce

5 revolver braqué sur la tempe de Perkovic et braqué sur moi était quelque

6 chose d'assez horrible. Enfin cela ne me permet pas de me souvenir de tous

7 les détails de cet événement.

8 Question: Revolver braqué sur votre tempe, sur la tempe de Perkovic, eh

9 bien, vous ne vous souvenez pas de ce qui s'était passé avec vous?

10 Réponse: Non, je ne peux pas me souvenir de ces détails, c'est quelque

11 chose qu'il aimait faire avec son arme, l'arme qu'il portait.

12 Question: A part les passages à tabac, en ce qui vous concerne, dans le

13 garage n°3 et pendant que vous étiez à Bosanski Samac…

14 Non je vais reformuler cette question.

15 Veuillez commenter les circonstances, les conditions qui existaient, les

16 conditions de vie -je ne me réfère pas aux passages à tabac mais je me

17 réfère aux questions telles que l'hébergement, la nourriture- enfin

18 quelles étaient les conditions dans lesquelles vous viviez dans ce garage

19 n°3?

20 Est-ce que vous avez eu un traitement médical, des couvertures? Est-ce que

21 vous pourriez sortir, enfin ces choses-là?

22 Réponse: Au moment de notre arrivée de Batajnica, dans ce garage qui a été

23 bétonné, eh bien, au moment d'arriver, il n'y avait que deux pneus, puis

24 on nous a fourni des morceaux de carton, que nous avons donc mis par terre

25 et sur lesquels on dormait, puis on avait une couverture pour deux

Page 1749

1 personnes.

2 En ce qui concerne la nourriture, les repas, les quelques premiers jours,

3 on avait droit à deux repas, et puis cela a été réduit à un seul repas

4 vers 13 heures, mais c'était un repas préparé, un repas cuisiné à l'instar

5 de ceux qu'on assure aux effectifs de l'armée.

6 Question: Quel genre de repas? Est-ce que la quantité vous suffisait?

7 Réponse: On recevait ces repas cuisinés dans des portions militaires,

8 gamelles, et on devait les partager entre nous deux.

9 Question: Et ces couvertures, est-ce qu'une couverture pour deux personnes

10 suffisait?

11 Réponse: Non, c'était déjà le mois de juin et c'était une saison très

12 pluvieuse, et on se réchauffait en se plaçant l'un contre l'autre.

13 Question: Est-ce que finalement on vous a transférés quelque part depuis

14 ce garage n°3?

15 Réponse: Je pense que le 23 juin, nous quatre on a été transférés dans les

16 locaux, dans les cellules du poste de police, et c'était après le départ

17 de tous les prisonniers qui se trouvaient au rez-de-chaussée, au rez-de-

18 chaussée magasin de la TO, de la Défense territoriale. Nous avons donc été

19 transférés dans ces pièces cellules, deux par chaque cellule.

20 Question: Avec qui avez-vous partagé la cellule?

21 Réponse: Mato Perkovic et dans l'autre Barukcic, et (expurgé).

22 Question: Quelle était la distance entre ces deux cellules?

23 Réponse: Ces deux cellules ont été partagées par une paroi métallique.

24 Question: Je vous demande quelques instants, Madame la Présidente.

25 Dans quelle partie de ce complexe de prison se trouvaient ces deux

Page 1750

1 cellules dans le cadre du bâtiment du SUP?

2 Réponse: Ces deux cellules se trouvaient dans le volet occidental, si l'on

3 regarde le bâtiment de face, donc une fois entré dans le bâtiment c'était

4 du côté occident.

5 Question: Quel est le temps que vous aviez passé dans ces cellules?

6 Réponse: Personnellement j'y suis resté jusqu'au moment de l'échange, le 4

7 septembre 1992.

8 Question: Ce qui fait approximatif deux, deux mois et demi?

9 Réponse: Deux mois et demi.

10 Question: Pendant que vous étiez dans cette cellule, est-ce que l'on vous

11 a passé à tabac?

12 Réponse: Personnellement non. Il y a eu des sévices de moindre ampleur,

13 notamment en ce qui concerne Perkovic, Barukcic mais c'était vraiment

14 négligeable par rapport à ce qui passait avant. Parce que si on vous

15 assène une paire de claques, ce n'est pas quelque chose de sérieux comme

16 sévices.

17 M. Di Fazio (interprétation): Madame la Présidente, j'ai posé hier la

18 question d'une vidéo cassette que je souhaite présenter au témoin et à la

19 Chambre. Il s'agit d'une vidéo cassette qui présente les régions

20 géographiques de Bosanski Samac et qui présente certaines

21 caractéristiques, éléments caractéristiques de la ville, le SUP et autres

22 bâtiments. Et la Chambre nous a proposé que nous versions au dossier

23 l'ensemble de la cassette depuis laquelle nous aurions l'intention de

24 présenter une quinzaine de minutes, donc un extrait de cette vidéo

25 cassette. Nous l'avons avec nous cette vidéo cassette, intégrale, nous

Page 1751

1 avons produit un extrait qui est déjà au service technique et évidemment

2 si la défense le souhaite, je suis prêt à verser au dossier l'ensemble de

3 la durée de la vidéo cassette intégrale et cet extrait. Et puis il y a une

4 autre demande que cette cassette soit présentée sans accompagnement son.

5 Je n'ai pas de remarque, d'objection en ce qui concerne ce point et je

6 pense que le témoin peut commenter ce qu'il verra sur cet extrait.

7 Mme la Présidente (interprétation): La défense?

8 M. Zecevic (interprétation): Nous n'avons pas d'objection.

9 M. Pantelic (interprétation): A condition… Nous avons des objections en ce

10 qui concerne la vidéo cassette dans sa durée intégrale qui devrait être

11 versée au dossier. Si je ne me trompe pas quelle est…Je voudrais bien

12 consulter mes collègues pour demander quelle est la cote de la vidéo

13 cassette dans sa durée intégrale? Donc nous nous sommes mis d'accord qu'on

14 pouvait avoir cette version spéciale, vue donc projetée ici, mais je

15 rappeler au banc du Procureur que V4 ne sera pas versé au dossier. Et le

16 Procureur essaye de contourner ce problème et de faufiler cette cassette

17 dans sa durée intégrale. Donc nous nous sommes mis d'accord sur une

18 version spéciale préalablement. Et nous ne l'avons pas sur notre liste de

19 pièces présentées par l'accusation.

20 Mme la Présidente (interprétation): Donc votre objection porte sur la

21 présentation de la vidéo cassette dans sa durée intégrale?

22 M. Pantelic (interprétation): Nous nous sommes mis d'accord, une décision

23 a été arrêtée à ce sujet.

24 Mme la Présidente (interprétation): Il s'agit d'une vidéo cassette que

25 vous n'avez pas vue Maître Pantelic?

Page 1752

1 M. Pantelic (interprétation): Cette vidéo cassette dans sa durée intégrale

2 nous a été présentée antérieurement.

3 Mme la Présidente (interprétation): Donc vous l'avez vue? Et votre

4 objection c'est que cette vidéo cassette dans sa durée intégrale ne

5 devrait pas être versée au dossier?

6 M. Pantelic (interprétation): Parfaitement correct.

7 Mme la Présidente (interprétation): Vous n'avez aucune objection en ce qui

8 concerne cet extrait?

9 M. Pantelic (interprétation): Oui c'est correct, Madame la Présidente.

10 Et comme vous l'avez dit, Me Zecevic, mais sans son.

11 Mme la Présidente (interprétation): Donc il s'agit de l'extrait qui ne

12 sera pas couvert par un son et le témoin en sera le narrateur en quelque

13 sorte?

14 M. Pantelic (interprétation): Oui, exactement et je vous renvoie à ce qui

15 a été convenu antérieurement, nous devons établir une certaine pratique

16 quant aux règles qui régissent nos procès.

17 Mme la Présidente (interprétation): Y a-t-il d'autres commentaires de la

18 défense?

19 M. Lukic (interprétation): De la part de la défense de M. Tadic, nous

20 appuyons ce que Me Zecevic et Me Pantelic viennent de dire.

21 En effet, il faut se mettre d'accord sur certaines pièces qui ne figurent

22 pas dans la liste qui a été présentée par le Procureur, donc voir comment

23 les choses pourraient évoluer ultérieurement. Mais je suis d'accord avec

24 Me Zecevic, un extrait sans son c'est quelque chose qui ne peut faire

25 objet d'aucune objection.

Page 1753

1 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que vous avez une objection

2 quant à la présentation de cet extrait de la vidéo?

3 M. Lukic (interprétation): Je suis tout à fait d'accord qu'on présente cet

4 extrait comme preuve nouvelle, mais d'après, enfin c'est comparable à ce

5 qui s'est passé avec les mémoires de Sulejman Tihic, il y a eu des

6 éléments de preuve qui ont été présentés puis retirés par le Procureur.

7 Mme la Présidente (interprétation): La défense?

8 M. Lazarevic (interprétation): Au nom de M. Zaric et de la défense de M.

9 Zaric, j'appuie absolument ce que vient de dire Me Lukic et je pense qu'il

10 n'y a aucune différence entre ce que Me Zecevic et Me Pantelic ont dit.

11 Enfin nous nous sommes tous mis d'accord qu'il n'y aura pas d'objection en

12 ce qui concerne l'extrait et c'est exactement ce que Me Zecevic a dit.

13 D'autre part, nous avons déjà pris une position quant aux éléments de

14 preuve qui figuraient sur la liste à un moment donné et puis qui ont été

15 retirés par le Procureur qui essaye de les réinsérer. Par conséquent, nous

16 appuyons Me Pantelic.

17 M. Singh (interprétation): Un commentaire si vous me le permettez.

18 Je pense qu'une solution nette et claire c'est d'aboutir à un accord, à

19 savoir que cet extrait soit présenté et en ce qui concerne la vidéo

20 cassette originale, eh bien, cette version soulève des objections auprès

21 de la défense.

22 Je pense que le Procureur pour le moment n'a pas l'intention de la

23 présenter dans ses versions intégrales. Par conséquent, je pense qu'on

24 peut aboutir à un accord, à savoir qu'on pourrait présenter cet extrait.

25 M. Di Fazio (interprétation): Vous avez mon accord très certainement.

Page 1754

1 Peut-être que les avocats de la défense pourront nous donner d'autres

2 indications.

3 Je ne pense que nous aurons le temps de présenter cet extrait maintenant

4 mais si les Juges veulent savoir quelle est la position qu'adoptent les

5 avocats de la défense, je suis sûr qu'ils la diront maintenant. Mais

6 permettez-moi de faire quelques commentaires à propos des objections

7 formulées. Je serai bref.

8 M. Singh interprétation): Mais s'il y a consentement, inutile de faire des

9 commentaires.

10 Mme la Présidente (interprétation): Oui, parce qu'il y a consentement pour

11 ce qui des extraits dont nous allons examiner l'extrait.

12 M. Singh (interprétation): Je suppose que tous les avocats de la défense

13 sont d'accord.

14 (Tous les avocats opinent du chef.)

15 Fort bien. Nous sommes d'accord là-dessus. Poursuivons.

16 M. Di Fazio (interprétation): Ceci va peut-être nous emmener jusqu'à 13

17 heures 05. Nous allons peut-être préférer la diffusion demain de

18 l'extrait.

19 Mme la Présidente (interprétation): D'accord.

20 M. Di Fazio (interprétation): Je pense pouvoir préciser que nous sommes

21 près de la fin de l'interrogatoire principal.

22 Mme la Présidente (interprétation): On donnera une cote à cet extrait

23 demain.

24 M. Di Fazio (interprétation): Oui. Il y aura diffusion de cet extrait,

25 mais je vous proposerai une autre vidéo qui figure sur la liste des

Page 1755

1 témoins et qui décrit des échanges. J'en informe donc aujourd'hui la

2 défense.

3 Je précise que cette vidéo ce n'est pas celle dont nous parlons

4 maintenant, qu'elle figure déjà sur la liste et donc ceci ne devrait pas

5 poser de problème. J'espère que les avocats de la défense seront prêts à

6 examiner cette question.

7 Mme la Présidente (interprétation): Précisez une chose, vous voulez

8 produire cette autre vidéo demain?

9 M. Di Fazio (interprétation): Oui.

10 Mme la Présidente (interprétation): Quelle sera la cote?

11 M. Di Fazio (interprétation): C'est une vidéo consacrée aux échanges, je

12 ne connais pas la cote. C'est une des pièces commençant par V, V3.

13 Mme la Présidente (interprétation): Oui, donc dans votre liste précédente

14 elle portait la cote V3.

15 M. Di Fazio (interprétation): Je n'ai pas dit, je n'ai pas dit que ça

16 n'allait pas être produit.

17 Mme la Présidente (interprétation): Cela a toujours figuré sur la liste.

18 M. Di Fazio (interprétation): Oui. Je n'ai jamais demandé de la retirer.

19 M. Zecevic (interprétation): Je précise au nom de tous les avocats que

20 nous n'avons pas d'objection.

21 Mme la Présidente (interprétation): Fort bien. Donc là le consentement

22 prévaut également et ce sera montré demain.

23 M. Di Fazio (interprétation): Oui. Pas dans sa totalité puisque nous

24 allons sélectionner quelques extraits. Nous allons passer en diffusion

25 rapide sur certains passages pour ne pas montrer la totalité.

Page 1756

1 Est-ce que vous voulez que nous poursuivions, Madame la Présidente?

2 Mme la Présidente (interprétation): Nous avons encore 6 minutes,

3 poursuivez.

4 M. Di Fazio (interprétation): Nous parlions du moment où vous vous

5 trouviez dans ces deux cellules, dans le bâtiment du SUP, peu après votre

6 transfert depuis le garage n°3.

7 Est-ce que vous avez pu établir s'agissant de la période que vous avez

8 passée là avant votre échange, si d'autres prisonniers avaient été amenés?

9 De quelle façon ils l'auraient été dans le bâtiment du SUP ou dans celui

10 de la Défense territoriale? Je ne sais pas si vous avez des informations à

11 ce propos?

12 M. Lukac (interprétation): Oui, il y a de nouveaux prisonniers qui ont été

13 amenés. Ils étaient casés dans des bureaux dans la partie du bâtiment dans

14 lequel nous nous trouvions, dans la partie cellule de ce bâtiment, et puis

15 à cet effet, à ces fins on utilisait quatre bureaux dans cette partie du

16 bâtiment.

17 En me rendant aux toilettes, le matin, le soir, j'avais l'occasion de voir

18 d'apercevoir un certain nombre de ces détenus prisonniers et puis j'avais

19 reçu des informations par l'intermédiaire des gens qui nous apportaient

20 les repas chauds. A un moment donné, il y avait 30 personnes qui étaient

21 détenues dans les autres bureaux, dans les autres locaux et puis il y a eu

22 aussi diverses personnes, de 10 à 15, qui s'y trouvaient.

23 Question: Pendant toute votre déposition, vous avez décrit tous ces

24 prisonniers que vous avez pu voir et c'étaient toujours des hommes, est-ce

25 qu'il y a eu des femmes détenues également au SUP?

Page 1757

1 Réponse: Dans une période donnée, dans le premier bureau à gauche, dans

2 cette partie du bâtiment, il y a eu un certain nombre de Bosniennes et je

3 n'ai pas eu l'occasion de les voir en personne parce que les policiers qui

4 étaient de faction les faisaient sortir pour qu'on puisse balayer,

5 nettoyer ces lieux où ces prisonnières étaient détenues au rez-de-

6 chaussée.

7 Question: Et dans quel état ces femmes étaient-elles?

8 Réponse: Ces femmes, et dans les circonstances qui prévalaient, avaient

9 peur, inquiétées. Je n'avais pas l'impression qu'on les avait battues ou

10 tabassées mais dans les circonstances où j'ai été amené personnellement à

11 nettoyer leurs locaux elles avaient une réaction tout à fait féminine,

12 elles étaient mal à l'aise parce qu'elles savaient qui j'étais. Oui, elles

13 avaient en quelque sorte honte, humiliées par le fait que moi-même je

14 devais faire ce que j'ai fait.

15 M. Di Fazio (interprétation): Les raisons ne sont peut-être pas tellement

16 évidentes, du moins au premier abord. Pourquoi ces femmes étaient-elles

17 embarrassées, mal à l'aise?

18 M. Lukac (interprétation): Je suppose qu'elles savaient que j'étais le n°1

19 dans ce poste de police, et que maintenant à ce moment-là j'étais amené ou

20 forcé de balayer ou de nettoyer la pièce où elles se trouvaient. Aucune

21 d'elles ne m'a rien dit à ce propos, mais elles ont tout simplement dit au

22 garde qu'elles allaient le faire elles-mêmes, qu'elles seraient prêtes à

23 le faire.

24 Mme la Présidente (interprétation): Et vous-même personnellement, est-ce

25 que vous vous sentiez humilier de ce fait?

Page 1758

1 M. Lukac (interprétation): Oui, humilié et à bien des égards. D'abord

2 parce qu'à plusieurs reprises on m'a fait sortir pour faire certaines

3 besognes, et le policier qui l'ordonnait avait justement en vue de

4 m'humilier de cette façon-là.

5 A vrai à dire, c'était un policier de la milice serbe qui avant la guerre

6 ne faisait pas partie des effectifs de la police, et je suis certain

7 qu'aucun policier qui travaillait dans ce service ne l'aurait fait.

8 M. Di Fazio (interprétation): Combien de fois avez-vous été obligé de

9 balayer?

10 M. Lukac (interprétation): On m'a fait sortir trois ou quatre fois le

11 matin, et la quatrième fois lorsque je nettoyais, je balayais la pièce du

12 policier de service, Krunic Simo un policier d'avant la guerre est entré

13 dans la même pièce et m'a demandé: "qui est-ce qui m'avait ordonné de

14 faire cela?". Je lui ai répondu que c'était le policier de service et il a

15 ordonné à cette personne de ne jamais refaire une chose pareille.

16 Mme la Présidente (interprétation): Je crois que l'heure de la pause est

17 venue, nous allons reprendre l'audience demain à 9 heures 30.

18 (Le témoin, Dragan Lukac, est reconduit hors du prétoire.)

19 (L'audience est levée à 13 heures 05.)

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