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1 Le vendredi 2 juin 2006
2 [Audience d'appel]
3 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
5 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Madame la Greffière d'audience, veuillez je vous prie appeler
7 l'affaire qui est inscrite au rôle pour la présente audience.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, affaire
9 IT-95-9-A, le Procureur contre Blagoje Simic.
10 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci.
11 J'aimerais savoir si M. Simic peut entendre et suivre de déroulement
12 des procédures dans une langue qu'il comprend. Merci, Monsieur Simic.
13 Je demanderais maintenant aux parties de bien vouloir s'identifier, en
14 commençant pas les représentants du bureau du Procureur, s'il vous plaît.
15 M. KREMER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peter Kremer, je
16 représente les intérêts du bureau du Procureur avec Steffen Wirth et
17 Barbara Goy. Kim Fischer, notre assistante, est également ici.
18 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci. Je me tourne à présent vers la
19 Défense de M. Simic.
20 M. PANTELIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président et Messieurs
21 les Juges. Igor Pantelic, je défends les intérêts de M. Simic, et je vais
22 laisser mon confrère se présenter lui-même.
23 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci.
24 M. MURPHY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
25 Juges. Peter Murphy, j'interviens dans l'intérêt de M. Simic, nous avons
26 également avec nous aujourd'hui Mme Cmeric qui est avocate à Belgrade, et
27 M. Jason Moore, qui est avocat de Houston, au Texas, Etats-Unis d'Amérique.
28 Ils ont participé au procès au stade de la première instance et ils nous
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1 ont apporté leur concours gracieusement pour cette procédure d'appel. Nous
2 estimons donc qu'il convient qu'ils soient ici.
3 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Il est considérément important qu'ils
4 soient ici, présents pendant l'audience. Merci.
5 La Chambre d'appel s'est aujourd'hui réunie pour un entendre les arguments
6 des parties relatifs en appel interjeté par M. Simic. Je vais brièvement
7 résumer les motifs d'appel pendants, devant la Chambre d'appel dans cette
8 affaire, ainsi que de la façon dont nous allons procéder lors de cette
9 journée d'audience.
10 M. Simic a interjeté l'appel du jugement de première instance rendu
11 le 17 octobre 2003 par la Chambre de première instance II, composée des
12 Juges Mumba, président de la Chambre, Williams et Lindholm. Dans ce
13 jugement, la Chambre de première instance a reconnu Blagoje Simic coupable
14 de persécutions, chef 1, un crime contre l'humanité, pour des actes
15 d'arrestation et de détention illégales de civils musulmans et croates de
16 Bosnie, pour des actes de traitements cruels et inhumains comprenant des
17 sévices corporels, de la torture, des travaux forcés et de la détention
18 dans des conditions inhumaines, pour des actes d'expulsion et de transfert
19 forcé. M. Simic a été condamné à la majorité à une peine de 17 ans
20 d'emprisonnement.
21 Quant à l'objet de la peine, M. Simic a interjeté l'appel du jugement
22 de première instance, le 17 novembre 2003. Il a ensuite été autorisé à
23 déposer un acte d'appel amendé le 29 septembre 2004.
24 M. Simic fait valoir 16 motifs d'appel que je vais maintenant
25 brièvement résumer. Dans ces premier et deuxième motifs d'appel, M. Simic
26 allègue que la Chambre de première instance a versé dans l'erreur en le
27 condamnant pour participation à une entreprise criminelle commune au motif
28 que cette forme de responsabilité n'a pas été correctement plaidée.
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1 Dans ces motifs d'appel trois à sept, M. Simic conteste les
2 conclusions factuelles et juridiques de la Chambre de première instance,
3 s'agissant de l'existence d'une entreprise criminelle commune dont le but
4 était de persécuter la population non-serbe de Bosanski Samac, de son
5 intention de participer et de sa contribution à la réalisation d'un dessein
6 criminel commun.
7 Dans ces motifs d'appel, huit à 12, M. Simic conteste les conclusions
8 factuelles de la Chambre de première instance relatives aux actes
9 constitutifs de persécutions, à savoir, les actes d'arrestation et de
10 détention illégale, de traitements cruels et inhumains sous forme de
11 sévices corporels, de tortures, de travaux forcés et d'emprisonnement dans
12 des conditions inhumaines.
13 Ces 13e et 14e motifs d'appel font état d'erreurs de droit, et de
14 fait, s'agissant des actes d'expulsions et de transfert forcé constitutifs
15 du crime contre l'humanité, persécutions.
16 Pour le 16e motif d'appel, M. Simic soutient que la Chambre de
17 première instance a versé dans l'erreur en lui refusant l'accès aux
18 dossiers médicaux du témoin Steven Todorovic, déposés confidentiellement
19 dans l'affaire Todorovic.
20 Enfin, pour le 18e et dernier motif d'appel, M. Simic conteste la
21 peine d'emprisonnement prononcée contre lui. La Chambre d'appel rappelle
22 que M. Simic a, dans son mémoire d'appel, fait état du retrait de ces 15e
23 et 17e motifs d'appel.
24 L'Accusation demande le rejet de tous les motifs d'appel de M. Simic.
25 Pour ce qui de la tenue de l'audience, lors de cette audience, le
26 conseil des parties peut décider de présenter leurs motifs et moyens
27 d'appel dans l'ordre qu'ils jugeront le plus opportun. Je souhaiterais
28 toutefois rappeler à la Défense de M. Simic qu'ils ont été invités à
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1 développer un certain nombre de points qui leur ont été communiqués dans
2 l'ordonnance portant calendrier de l'audience du 5 mai 2006, points que je
3 ne vais pas réitérer ici.
4 Je vais à présent rappeler les critères applicables aux erreurs de
5 fait et de droits allégués en appel. L'appel n'est pas un nouveau procès et
6 l'appelant ne peut se contenter de réitérer des arguments déjà entendus en
7 première instance. Conformément à l'article 25 de ce Statut, les arguments
8 de l'appelant doivent se limiter aux erreurs sur un point de droit qui
9 invalident la décision et aux erreurs de fait qui ont entraîné un délit de
10 justice. L'appelant a, de surcroît, l'obligation de fournir les références
11 précises des éléments qu'il vient étayer ses arguments en appel.
12 Cette audience va procéder conformément à l'ordonnance du 5 mai 2006.
13 La Défense commencera à présenter ses arguments ce matin, entre 9 heures 10
14 à 10 heures 40, puis après une demi-heure de pause pourra poursuivre sa
15 présentation jusqu'à 2 heures 10. L'Accusation pourra ensuite commencer à
16 présenter ses arguments en réponse pendant 45 minutes. Après la pause
17 prévue pour le déjeuner, de 12 heures 55 à 14 heures 30, l'Accusation
18 pourra poursuivre sa présentation de 14 heures 30 à 16 heures 15. Après une
19 pause de 30 minutes, la Défense disposera alors d'une heure, de 16 heures
20 45 à 17 heures 45, pour développer ses arguments en réplique. Enfin, M.
21 Simic sera invité à prendre la parole s'il le souhaite pour une courte
22 déclaration n'excédant pas 15 minutes.
23 Il sera extrêmement utile à la Chambre d'appel que les parties
24 présentent leurs arguments de façon claire, ordonnée et concise. Les Juges
25 prendront à tout moment la liberté d'interrompre les parties pour poser des
26 questions ou soulevant leurs éventuelles questions à la suite de chacune
27 des présentations. S'il n'y a pas de questions relatives à la façon dont va
28 se dérouler cette audience, j'aimerais maintenant inviter la Défense à
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1 présenter ses arguments.
2 M. MURPHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur le
3 Président, Madame et Messieurs les Juges, Mesdames et Messieurs les membres
4 du bureau du Procureur, nous avons bien écouté ce que vient de dire le
5 président de la Chambre d'appel et nous avons l'intention d'être
6 extrêmement concis aujourd'hui. En ce qui concerne l'appelant, il nous
7 paraît très peu probable que nous aurons besoin du temps qui nous a
8 généreusement été accordé par la Chambre d'appel, parce que notre argument
9 c'est que dans cette affaire tout tourne autour de deux ou trois principes
10 extrêmement importants, les principes qui sont importants non seulement
11 pour que la justice soit rendue à l'appelant ici présent, le Dr Simic, mais
12 qui sont importants, ces principes, pour la jurisprudence du Tribunal dans
13 un contexte beaucoup plus vaste.
14 Comme vous l'avez observé, Monsieur le Président, beaucoup des motifs
15 d'appel évoqués par M. Simic sont des motifs qui portent en partie sur les
16 faits. Nous avons bien conscience des critères applicables à l'examen en
17 appel. Dans les premiers paragraphes de notre mémoire, nous avons abordé la
18 question du droit qui s'applique dans ce contexte. Très franchement, nous
19 ne pensons pas qu'il soit nécessaire de faire perdre son temps à la Chambre
20 d'appel en entrant dans les détails de tous ces motifs d'appel-là. Nous les
21 avons présentés de manière circonstanciée. L'Accusation a répondu elle
22 aussi de manière détaillée. Je parle ici des conclusions sur les faits et
23 des éléments de preuve présentés au procès. Si bien qu'aujourd'hui notre
24 intention c'est de nous concentrer exclusivement sur les points qui ont été
25 portés à notre attention dans l'ordonnance portant calendrier émise par la
26 Chambre d'appel le 5 mai 2006. J'espère que la Chambre d'appel ne verrait
27 pas d'inconvénient à ce que je présente mes arguments exactement de la
28 manière dans l'ordre prévu à la page 3 de l'ordonnance du 5 mai, parce
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1 qu'il nous semble que c'est effectivement un ordre tout à fait logique et
2 que ces motifs - les motifs évoqués ici - se suivent logiquement.
3 C'est la raison pour laquelle aujourd'hui nous allons nous concentrer sur
4 deux éléments. Le premier élément, présenté de manière générale, c'est la
5 manière dont a été présenté l'acte d'accusation, le fait que l'appelant ait
6 été ou non informé de ce qu'on lui reprochait dans cinq versions
7 successives de l'acte d'accusation, et dans aucune de ces versions on ne
8 trouve la mention "entreprise criminelle commune." Nous avons également un
9 mémoire préalable au procès où le mot ou l'expression "entreprise
10 criminelle commune," brille par son absence, et nous avons même la
11 déclaration liminaire où il n'a nullement été question de l'entreprise
12 criminelle commune. Selon nous, en dépit du nombre de mises en garde de la
13 Chambre d'appel sur la nécessité de prévenir l'accusé de l'informer à
14 temps, cela n'a pas été le cas ici. Il a fallu attendre très longtemps. Il
15 a fallu attendre un moment très avancé du procès. Ce que nous affirmons ici
16 n'est pas contesté, d'ailleurs. Bien entendu, l'Accusation a une vision
17 différente des choses. Ils vous en parleront quand leur moment viendra pour
18 eux de parler, mais nous, ce que nous avançons c'est que la première fois
19 que l'on a dit à l'appelant M. Simic qu'il était mis en cause pour un fait
20 relatif à une entreprise criminelle commune au lieu des accusations de
21 complicité, parce que c'est ce qu'on l'avait emmené à croire, la première
22 fois qu'il en a entendu parler c'était dans la réplique de l'Accusation à
23 sa requête aux fins d'acquittement présentés en application de l'article 98
24 bis à la fin de la présentation des moyens à charge. Il a fallu attendre
25 leur réquisitoire pour entendre l'Accusation utiliser cette expression,
26 expression que nous savons sur le fait que le Dr Simic se trouvait au
27 sommet d'une entreprise criminelle commune. Alors que si on regarde le
28 paragraphe 994 du jugement, on voit que c'est ce fait qui a été utilisé
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1 comme fondement pour prononcer une déclaration de culpabilité contre le Dr
2 Simic pour ces faits et pour lui imposer une peine de 17 ans de prison.
3 Nous estimons très franchement que ceci est complètement contraire à
4 toute notion d'équité, et je pense que c'est l'exemple le plus déplorable
5 auquel a été confronté la Chambre d'appel, et le moment donc est venu que
6 la Chambre d'appel se prononce de manière extrêmement énergique afin que ce
7 genre de situation ne se reproduise jamais.
8 De manière continue dans toute une série d'affaires, Kvocka, Kupreskic,
9 Krnojelac, Blaskic, Krstic, la Chambre d'appel a critiqué l'Accusation pour
10 ne pas avoir respecté les règlements, pour ne pas avoir informé de manière
11 suffisante les accusés, et pourtant nous voici de nouveau aujourd'hui à
12 discuter des mêmes questions, de la même question. Je pense que ce qui se
13 passe dans notre affaire est encore pire que tout ce qui s'est passé dans
14 les affaires que j'ai énumérées dans un ordre qui n'était pas chronologique
15 d'ailleurs. Ce que nous avançons ici c'est que le moment est venu pour la
16 Chambre d'appel non seulement de réaffirmer le droit, comme elle l'a fait
17 dans bien d'autres affaires par le passé, non, le moment est également venu
18 d'en profiter pour envoyer un message au Procureur pour dire que l'on ne
19 peut pas bafouer de manière aussi légère les règles que cela a été le cas
20 de leur part jusqu'à présent.
21 Au cours de la présentation des arguments aujourd'hui, on pourra voir
22 que même la Chambre de première instance en l'espèce a dit au bureau du
23 Procureur qu'il n'avait pas fait preuve de la diligence nécessaire, une
24 diligence qu'on devait attendre de lui, et qui devait l'amener à informer
25 correctement l'accusé. Ceci figure à la page 155 du jugement. Cependant, en
26 réponse à notre mémoire d'appel, qu'a dit le Procureur ? Au paragraphe 2.3
27 de leur réponse, le Procureur nous dit que les modifications étaient
28 données et que les faits ont été exposés correctement, et cela a été la
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1 position du bureau du Procureur dès le début et jusqu'à la fin.
2 Comme on pourra le voir aujourd'hui, la manière dont ont été exposés
3 les faits, les charges n'étaient pas appropriées. Tout ceci a été présenté
4 de telle manière que l'accusé n'a pas été informé des faits qui lui aient
5 été reprochés et de la thèse à laquelle il devait répondre, mais pire
6 encore, on l'induit en erreur, on lui a fait penser qu'il devait se
7 défendre contre une thèse qui n'était pas celle qui était soulevée contre
8 lui, puisqu'on lui a fait croire qu'il devait se défendre contre des
9 accusations de complicité.
10 La première question que vous nous avez demandé d'examiner dans votre
11 ordonnance du 5 mai, c'était de demander ou d'expliquer jusqu'à quelle
12 stade du procès on peut estimer qu'on peut remédier à un acte d'accusation
13 vicié afin d'informer correctement l'accusé des charges qui lui sont
14 reprochées et des faits qui sous-tendent ces charges de manière qu'il
15 puisse préparer sa défense et qu'il ait suffisamment de temps pour le
16 faire. Je vais donc parler de cette première question. Je sais que vous
17 nous avez demandé de ne pas répéter ce que nous avons écrit dans nos
18 mémoires et je ne vais pas le faire. Mais je pense, cependant, qu'il est
19 pertinent d'indiquer à la Chambre quelle a été la séquence chronologique
20 des événements en l'espèce. Je souhaiterais, en fait, que nous n'oublions
21 pas la chronologie dont nous parlons et les événements également qui se
22 sont déroulés.
23 J'aimerais indiquer que j'ai un certain sentiment de nervosité, car
24 c'est la première fois que je vais me mettre à l'épreuve technologique afin
25 de vous présenter un exposé visuel de ce dont je veux parler.
26 Je pense que je vais devoir demander l'aide de la régie technique.
27 Est-ce que nous pourrions demander l'aide des techniciens ? Vous savez,
28 tout fonctionnait parfaitement lors des répétitions. C'est comme tout
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1 spectacle. Bien entendu, le jour de l'ouverture, cela ne fonctionne plus.
2 En fait, ce que nous allons montrer -- je pense que les techniciens
3 viennent à ma rescousse.
4 Nous allons aborder la chronologie des événements : l'acte d'accusation
5 initial dans cette affaire a été confirmé en juillet 1995, dès le 21
6 juillet 1995, puis il a fait l'objet de plusieurs modifications; la
7 première de ces modifications ayant été présentée au mois d'août 1998; la
8 deuxième modification a été présentée peu de temps après en décembre 1998.
9 Lors de cette étape, puisqu'il s'agissait du deuxième acte d'accusation
10 modifié, et puisqu'il n'y avait absolument pas de litige -- je vois
11 maintenant que le problème technique est réglé. J'aimerais savoir sur quel
12 bouton je dois appuyer. Je vous remercie.
13 Madame et Messieurs les Juges, je remercie la régie, et vous allez
14 maintenant voir ce dont je souhaite parler.
15 Vous voyez à l'écran ce que je viens d'indiquer, à savoir, la
16 confirmation de l'acte d'accusation initial, et je vous montre les
17 références et les paragraphes de référence du jugement.
18 Nous avons eu le deuxième et le troisième acte d'accusation modifié,
19 comme je l'ai déjà indiqué, en 1998, et comme vous le voyez, il n'est
20 absolument pas question -- est-ce que vous avez cela maintenant à l'écran ?
21 Madame et Messieurs, je sais que cela est un tant soit peu difficile, je
22 sais.
23 Nous avons indiqué qu'à ce moment-là, dans l'acte d'accusation, il
24 n'était absolument pas question d'entreprise criminelle commune. Cela
25 n'était absolument pas précisé dans les détails et il n'était pas non plus
26 question de but ou de dessein commun ou de personnes agissant de concert.
27 Pour poursuivre, je dirais que cela est un détail qui a son
28 importance, car en décembre 1998, à ce moment-là, l'affaire n'a pas été
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1 assignée à la Chambre de première instance qui a géré cette affaire, mais à
2 une Chambre préalable au procès qui était composée des Juges May, Bennouna
3 et Robinson. Je pense qu'à un moment donné le Juge Vaz a été remplacée. En
4 mai 1999, nous avons eu la première des deux conférences préalables au
5 procès. En fait, quelque quatre ans après la confirmation de l'acte
6 d'accusation initial, il faut savoir qu'aucune mention n'a été faite à la
7 conférence préalable au procès qui aurait pu donner à l'accusé
8 l'information portant sur la véritable nature des moyens à charge présentés
9 par l'Accusation.
10 En décembre 2000, donc quelque cinq ans après la confirmation de
11 l'acte d'accusation initial, un événement extrêmement important s'est
12 passé. L'un des co-accusés, à savoir, Steven Todorovic, a modifié son
13 plaidoyer de culpabilité et a plaidé coupable, a offert ainsi de coopérer
14 avec l'Accusation et a d'ailleurs fini par témoigner en tant que témoin à
15 charge lors du procès. Donc, je pense que nous pouvons dire et en déduire
16 avec un certain degré de sûreté qu'à un moment donné les Procureurs ont
17 passé un certain temps à s'entretenir avec M. Todorovic, l'ont interviewé
18 et ont eu accès à ce qu'il savait. Quelque cinq années après, nous avons eu
19 cet accès à cette information, et ce, auprès d'un des accusés. D'ailleurs,
20 il faut savoir que M. le Juge Lindholm, dans son opinion dissidente, a fait
21 référence à cette personne en indiquant qu'il était l'architecte principal
22 des événements qui s'étaient déroulés à Bosanski Samac.
23 Nous aurions pu nous attendre à ce que l'Accusation soit finalement
24 en mesure de dire à la Défense : "Nous comprenons bien qu'après cinq
25 années, ce dont il s'agit. Vous, Dr Simic, était au sommet de cette
26 entreprise criminelle commune, et voici maintenant un acte d'accusation qui
27 tient compte de ces faits et qui vous informe des chefs d'inculpation qui
28 vous sont reprochés et vont vous être reprochés lors de ce procès." Ce qui
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1 s'est passé est un tant soit peu différent.
2 Car, nous allons maintenant passer au transparent suivant. Il faut
3 savoir qu'en avril 2001, l'Accusation a déposé son mémoire préalable au
4 procès. Je dirais à propos de ce mémoire préalable au procès que la Chambre
5 de première instance a fini par faire une observation à la page 152 du
6 jugement. En fait, nous l'avons indiquée au paragraphe 18 de notre mémoire,
7 mais je pense que cela a son importance, et il faut que je prenne la peine
8 de le lire. Il s'agit de l'évaluation de la Chambre de première instance,
9 évaluation du mémoire préalable au procès de l'Accusation et je commence à
10 citer : "L'Accusation dans son mémoire préalable au procès n'a pas fait
11 référence précisément à une entreprise criminelle commune ou à tout autre
12 scénario possible ou n'a pas non plus fait état de la base et du fondement
13 de cela. Ce que nous avons est une mention du rôle de l'accusé, à savoir,
14 une information extrêmement générale, et essentiellement, une réitération
15 de ce qui est indiqué dans l'acte d'accusation modifié. Le mémoire
16 préalable au procès de l'Accusation semble plutôt viser une discussion
17 portant sur les éléments relatifs à la complicité."
18 Je m'excuse, je marque une petite pause, je m'interromps parce que je
19 vois que Mme le Juge Vaz a peut-être… Je vous remercie et je vais
20 poursuivre ma citation.
21 "Le mémoire préalable au procès de l'Accusation semble plutôt viser
22 une discussion portant sur les éléments de la complicité, de l'aide et de
23 l'encouragement. La question n'a pas été précisée lors de la conférence
24 préalable au procès, et l'Accusation, d'ailleurs, n'a pas non plus fait
25 référence à cela lors de sa déclaration liminaire. Il n'a absolument pas
26 été question d'entreprise criminelle commune."
27 Il s'agissait de l'appréciation de la Chambre de première instance,
28 appréciation du mémoire préalable au procès.
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1 Nous allons maintenant aborder l'élément le plus litigieux pour ce
2 qui est de l'acte d'accusation, et j'aimerais maintenant que nous voyions
3 le cliché suivant.
4 Car, le 24 avril 2001, l'Accusation a présenté une requête aux fins
5 d'autorisation de modifier l'acte d'accusation et, pourtant, une fois de
6 plus, je dirais que dans le mémoire de l'intimé, l'Accusation a indiqué que
7 c'était en fait finalement cet acte d'accusation qui avait permis
8 d'informer l'appelant de ce qu'on lui reprochait véritablement. Pourtant,
9 le libellé "entreprise criminelle commune" ne figurait pas dans ce
10 document, mais il y était question d'un libellé qui d'après l'Accusation,
11 est l'équivalent juridique de l'entreprise criminelle commune. Il s'agit
12 donc du fait d'agir de concert. Il a été fait référence au but, au dessein
13 commun une fois. En fait, je me permets de vous dire que nous ne savons
14 toujours pas quelle fût la véritable teneur de ce troisième acte
15 d'accusation modifié, parce que si vous passez à la base judiciaire des
16 données et si vous prenez dans cette base judiciaire des données le
17 troisième amendement modifié, vous voyez que l'Accusation avance que ce
18 libellé s'y trouve. Mais si vous parcourez le site web public du Tribunal,
19 vous y trouverez une version absolument du troisième acte d'accusation
20 modifié qui ne contient absolument pas ce libellé, et il n'est absolument
21 pas question donc d'entreprise criminelle commune, tout comme d'ailleurs
22 cela est le cas dans le deuxième acte d'accusation modifié. Donc, il n'y
23 est absolument pas fait pas référence.
24 C'est-à-dire que c'est un élément qui nous intrigue particulièrement,
25 et je ne sais pas si je pourrais véritablement apporter beaucoup de lumière
26 à ce problème. Je ne suis pas sûr de ce qu'avancera l'Accusation, mais je
27 peux vous dire qu'il y a quelque chose d'assez perturbant. Je voudrais
28 d'ailleurs vous donner lecture d'un extrait rapide ou court de la requête
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1 déposée par l'Accusation qui a abouti à la décision du 15 mai, aux fins
2 d'autorisation de modifier. Voilà ce qui a été dit. Il est indiqué que M.
3 Todorovic a changé son plaidoyer, et ils ont donc souhaité amender,
4 modifier ou supprimer certains des chefs d'inculpation retenus contre
5 M. Todorovic. Puis, au paragraphe 5 de ladite requête, il est dit : "Les
6 chefs d'inculpation contre Blagoje Simic," cet appelant, "et pour Miroslav
7 Tadic ainsi que Simo Zaric restent les mêmes que ceux qui étaient précisés
8 dans le deuxième acte d'accusation modifié."
9 Au paragraphe 6, il est dit : "Pour ce qui est de Blagoje Simic, il est dit
10 le chef d'inculpation de pouvoir hiérarchique consacré par l'article 7(3) a
11 été retiré." Il est conclu dans la même déclaration, et j'aimerais vous
12 demander de prêter une attention particulière à ce paragraphe-ci de la
13 requête : "Etant donné que les seules modifications à l'acte d'accusation
14 sont le retrait des chefs d'inculpation et la responsabilité consacrés par
15 l'article 7(3) de Blagoje Simic, il n'est pas besoin de représenter des
16 documents de confirmation au Juge de confirmation."
17 Dans la décision donnant droit ou faisant droit à l'autorisation de
18 modifier, j'aimerais vous rappeler que nous sommes toujours, pour ce qui
19 est de la chronologie des faits, à la phase de la Chambre préalable au
20 procès, et non pas aux quatre Juges qui ont entendu l'affaire. Vous avez
21 l'ordonnance signée par M. le Juge Robinson qui indique : "Etant donné que
22 les modifications proposées à l'acte d'accusation et les raisons qui ont
23 été avancées, étant donné ou vu que les amendements ont trait au retrait
24 des chefs d'inculpation et à la suppression du chef de responsabilité, la
25 requête est accordée et nous acceptons donc que soit déposé le troisième
26 acte d'accusation amendé tel que corrigé."
27 Nous ne savons pas dans quelles circonstances ces deux versions de cet acte
28 d'accusation ont été distribuées. La requête à laquelle il vient de faire
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1 référence a été signée par un avocat, un avocat qui ne travaille plus pour
2 le bureau du Procureur, et très franchement, Madame, Messieurs les Juges,
3 il me semble qu'il s'agit de conditions assez surprenantes. Mais nous
4 pensons également que c'est une affaire extrêmement grave et que cela peut
5 véritablement entraîner une forte préoccupation. Car quelle était la teneur
6 du troisième acte d'accusation modifié ?
7 Il me semble parfaitement clair au vu de la décision signée par la Chambre
8 préalable au procès, qu'ils ont pensé que les seuls changements étaient la
9 suppression des chefs d'inculpation qui, à la suite du plaidoyer de
10 culpabilité de M. Todorovic -- il y avait également, bien entendu, le
11 changement ou la modification qui consistait à retirer les allégations
12 relatives aux pouvoirs hiérarchiques contre cet appelant, à savoir le Dr
13 Simic. Pourtant, l'autre version de cet acte d'accusation modifié contient
14 un libellé qui étaye l'allégation de l'entreprise criminelle commune.
15 J'aimerais maintenant aborder le cliché ou le transparent suivant, et
16 vous verrez que trois mois avant le procès, nous en sommes maintenant au
17 mois de décembre 2001, il a été accordé l'autorisation de modifier à
18 nouveau l'acte d'accusation le 20 décembre 2001. Il y a un certain nombre
19 de modifications qui sont des modifications assez importantes, mais il y a
20 une modification que nous aimerions aborder maintenant et qui, à nouveau,
21 vise le libellé "agissant de concert". En fait, l'Accusation a été
22 autorisée à amender l'acte d'accusation afin d'insérer ce libellé, et ce, à
23 un certain nombre d'endroits dans l'acte d'accusation, pour indiquer de
24 façon tout à fait claire ce dont il était question.
25 J'aimerais donner lecture à la Chambre d'appel d'une note en bas de
26 page. Il s'agit de la note en bas de page 11, page 7 de la décision, et je
27 pense qu'il s'agit d'une observation assez intéressante. Il y est dit, je
28 cite : "Au début de ce procès, le 11 septembre 2001, il a été demandé aux
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1 quatre défenseurs de plaider pour ce qui est du troisième acte d'accusation
2 modifié en présente de leur conseil. La Chambre a pris note du fait que le
3 troisième acte d'accusation modifié a été déposé et approuvé, invalidé et
4 avalisé par la Chambre préalable au procès et qu'il s'agit donc, de l'acte
5 d'accusation modifié qui sera utilisé."
6 Il y a une autre question qui doit être soulevée, car il faut savoir
7 ce qu'aurait fait la Chambre de première instance à propos de cette requête
8 si elle avait su que la Chambre préalable au procès avait été d'avis
9 qu'elle approuvait un troisième acte d'accusation modifié avec comme
10 élément important la suppression des chefs d'inculpation contre l'accusé.
11 Pourtant, et je m'excuse de revenir sur cette chronologie des faits, mais
12 je pense que vous comprendrez pourquoi je l'ai fait, parce qu'il faut
13 savoir comment et quand est-ce qu'un acte d'accusation entaché de vices
14 peut être purgé. Il faut savoir que du fait du manquement du Procureur,
15 cela fait maintenant six ans qui se sont écoulés depuis la confirmation du
16 premier acte d'accusation, ils ont eu accès aux documents Todorovic.
17 Pourtant, six ans après, trois mois, plutôt, après le procès, il y a eu
18 autres modifications de l'acte d'accusation qui avait déjà été modifié, et
19 pourtant, même dans cette phase très, très tardive, personne n'a pris la
20 peine d'insérer dans cet acte d'accusation les mots "entreprise criminelle
21 commune". Madame, Messieurs les Juges, c'est la raison pour laquelle
22 j'avance que cette règle que ces règles ou ces règlements qui sur lesquels
23 insiste tant la Chambre de première instance ne sont pas seulement
24 rhétoriques, car il faut savoir qu'il s'agit de règles extrêmement
25 pratiques, extrêmement pragmatiques, car il faut savoir également que la
26 procédure suivie par ce Tribunal est extrêmement complexe. L'une des
27 quelques choses que la Défense doit avoir est la connaissance de l'affaire
28 qu'elle doit présenter et les moyens de preuve qu'elle doit réfuter.
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1 Puis, en dernier lieu, nous voyons qu'en mai 2002, un autre accusé,
2 Milan Simic, qu'il ne faut pas confondre avec cet appelant, il n'y a
3 absolument aucun lien, a également présenté un plaidoyer de culpabilité, et
4 d'ailleurs, cela a été entièrement séparé du reste de l'affaire. Il y a
5 quelque chose qui est assez ironique, d'ailleurs.
6 Je dirais, du fait que l'Accusation n'a pas su présenter et n'a pas su
7 énoncer de façon précise ces chefs d'accusation, il y a eu une anomalie qui
8 en a été la conséquence, car durant le procès, deux accusés ont plaidé
9 coupable et ils ont donc été condamnés sur cette base. Ils n'ont pas été
10 condamnés du fait de l'entreprise criminelle commune parce qu'à cette
11 époque, personne ne savait que cela faisait partie des moyens à charge.
12 Mais si vous prenez le jugement portant condamnation de Todorovic, vous
13 voyez qu'il n'est absolument pas suggéré ou mentionné qu'il faisait partie
14 d'une entreprise criminelle commune. Pourtant, pour ce qui est de cet
15 appelant dont la seule faute a été qu'il a maintenu son plaidoyer de non
16 culpabilité pendant toute la durée du procès, et pourtant, son procès s'est
17 soldé avec cette accusation d'entreprise criminelle commune. Il a été dit
18 qu'il était au sommet de l'entreprise criminelle commune.
19 Ce n'est que juste qu'au moment où l'Accusation a répondu en
20 septembre 2002, par le biais de sa requête au titre de l'article 98 bis,
21 donc quelque sept années après la confirmation de l'acte d'accusation
22 original, que finalement l'Accusation a révélé la vérité et a dit : "Bien,
23 nos moyens à charge portent véritablement sur une entreprise criminelle
24 commune," et pendant le réquisitoire, il a finalement été dit que le Dr
25 Simic se trouvait au sommet de cette entreprise criminelle commune. La
26 Chambre de première instance a adopté le libellé, l'a inséré dans une
27 partie de son jugement, l'a utilisé comme base de déclaration de
28 culpabilité contre le Dr Simic, et l'a également condamné à 17 ans
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1 d'emprisonnement. J'aimerais vous rappeler, et nous reviendrons là-dessus
2 plus tard, mais j'aimerais rappeler à la Chambre d'appel que le Dr Simic
3 n'a pas été inculpé de perpétration de crime, de perpétration personnelle
4 de crime. Le témoin Steven Todorovic, qui a admis avoir commis
5 personnellement un certain nombre de crimes atroces lorsqu'il était chef de
6 la police de la municipalité, a lui été condamné à une peine de dix ans de
7 prison.
8 Je m'excuse, je ne me souviens plus à quel moment nous sommes censés
9 avoir la pause, Madame, Messieurs les Juges. Je pense que j'ai un peu
10 dépassé le temps qui m'était imparti puisque c'était 10 heures 40. Non, en
11 fait, non.
12 Pour revenir à la question qui a été soulevée par la Chambre d'appel, je me
13 demandais à quel moment est-ce qu'un acte d'accusation peut véritablement
14 être couvert ?
15 Nous avons une idée à avancer à ce sujet, car vous êtes des Juges
16 expérimentés, notamment au sein de ce Tribunal, et vous savez qu'au sein de
17 ce Tribunal, toutes les affaires qui sont entendues sont extrêmement
18 complexes et représentent des milliers de documents et des centaines de
19 témoins. La préparation préalable au procès suppose tout un travail en
20 coulisse. Vous savez qu'il s'agit d'un concept contradictoire de procès. La
21 Défense doit véritablement mener à bien sa propre enquête. Nous devons donc
22 utiliser des enquêteurs qui sont chargés d'interroger les témoins, nous
23 devons étudier et compiler les documents, donc cela représente un travail
24 absolument herculéen. Tout ce travail doit être fait avant le procès, car
25 après le procès, c'est trop tard. Vous savez que la Défense doit
26 quotidiennement préparer son contre-interrogatoire, et une fois que le
27 procès a commencé, l'Accusation doit communiquer des documents que nous
28 devons assimiler, donc cela se solde par une frénésie d'activités. Ce n'est
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1 pas le moment de réfléchir à la stratégie à adopter. Cela doit être
2 absolument fait avant le procès, lors de la phase préalable.
3 Lorsque nous avons abordé la question afin de savoir si nous avions
4 été lésés, il faut savoir que la Chambre de première instance, tout en
5 critiquant l'Accusation pour son manque de précision, a dit par ailleurs
6 qu'il n'y avait pas véritablement de préjudice pour la Défense. Je pense
7 qu'il s'agit de la page 155 du jugement. L'Accusation saute sur cette
8 occasion pour dire que bien entendu, il n'y avait pas de préjudice. Il
9 s'agit du paragraphe 249 et cela se poursuit dans le mémoire de l'intimé,
10 et l'Accusation avance qu'il n'y avait pas de préjudice parce qu'après
11 tout, une fois que le Dr Simic a pris connaissance de la nature de son
12 procès et des crimes qui lui étaient reprochés, il pouvait ensuite
13 convoquer d'autres témoins pour un contre-interrogatoire ou il aurait pu
14 chercher des témoins à décharge ou il aurait pu demander un peu plus de
15 temps pour préparer sa défense; ce que nous avons fait, d'ailleurs. Nous
16 avons demandé de bénéficier d'un peu plus de temps à la fin de la
17 présentation des moyens à charge, mais cela nous a été refusé.
18 Mais vous savez, Madame, Messieurs les Juges, que c'est un argument
19 qui est un peu ingénu, qui est un peu naïf, car il ne s'agit pas tout
20 simplement de dire à la va-vite : nous allons rénover ici et là ou
21 retoucher ici et là notre contre-interrogatoire parce que maintenant, il
22 s'agit non plus de complicité, mais d'entreprise criminelle commune. Nous
23 ne pouvons pas soudainement adopter une tactique différente pour le contre-
24 interrogatoire en espérant que cela sera efficace. S'il s'agit d'entreprise
25 criminelle commune encore faut-il pouvoir mener à bien l'enquête, préparer
26 notre contre-interrogatoire, faire comparaître des témoins, notamment des
27 témoins qui sont des personnes qui prétendument auraient fait partie de
28 l'entreprise criminelle commune, et la Défense -- il y a eu préjudice
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1 contre la Défense du Dr Simic, et ce à un moment donné où il était beaucoup
2 trop tard pour pouvoir faire quoi que ce soit.
3 Quelle est la règle que nous devrions adopter ? Voilà ce que je
4 présente, et je pense que ce serait une règle tout à fait pragmatique. Je
5 pense que l'Accusation doit pouvoir énoncer de façon précise quelles sont
6 les accusations portées contre l'accusé, et ce, de façon précise, au plus
7 tard lorsque le mémoire préalable au procès est présenté, et non pas après.
8 Parce qu'en d'autres termes, lorsque nous prenons connaissance de l'acte
9 d'accusation ainsi que lorsque nous prenons connaissance du mémoire
10 préalable au procès et lorsque nous analysons ces deux documents, nous
11 devons pouvoir à ce moment-là dire : nous comprenons maintenant ce qui est
12 reproché à l'accusé.
13 Mais la Chambre de première instance a dégagé la même conclusion,
14 puisque la Chambre de première instance semble dire que si une analyse
15 combinée de l'acte d'accusation et du mémoire préalable au procès pouvait
16 informer de façon suffisante, cela pourrait être acceptable. Je pense que
17 c'est sur cette base ou à partir de cette base qu'ils ont fini par indiquer
18 à l'Accusation qu'il fallait qu'elle modifie le quatrième acte d'accusation
19 pour avoir finalement un cinquième acte d'accusation. Mais cela a posé deux
20 problèmes.
21 Parce que compte tenu de l'extrait dont je vous ai donné lecture, la
22 Chambre de première instance a trouvé que le mémoire préalable au procès de
23 l'Accusation ne contenait pas d'informations relatives à une entreprise
24 criminelle commune. Ils n'ont pris aucune mesure pour rectifier cela, soit
25 lors de la déclaration liminaire, soit de la Conférence préalable au
26 procès.
27 Puis, il y a un deuxième problème, car l'acte d'accusation a été
28 modifié bien trop tard. Nous pourrions dire que la seule modification est
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1 la modification qui se trouve dans le quatrième acte d'accusation.
2 L'Accusation vous dira que le troisième acte d'accusation était suffisant
3 et que cela a été présenté avant le début du procès. Mais la réponse que
4 nous devons apporter est que nous n'en savons rien. Parce que je pense que
5 quelle que fût leur intention, ce que nous avons pu avoir s'est évaporé
6 lorsque l'Accusation a présenté cette requête.
7 Voilà notre position de base. Nous pensons que l'Accusation doit présenter,
8 énoncer les principes de façon très claire tout comme cela a été fait dans
9 de nombreuses autres affaires. Vous avez l'affaire Krnojelac sur laquelle
10 nous revenons dans notre mémoire et qui est un bon exemple, car
11 l'Accusation doit, avant tout, faire deux choses. Elle doit présenter ses
12 accusations de façon très précise, elle doit exactement indiquer à l'accusé
13 ce qui lui est reproché et elle doit le faire au plus tard au début du
14 procès. Puis, il y a également un autre principe général. Donc, c'est-à-
15 dire que si vous considérez qu'il s'agit que tout doit être fait dans le
16 mémoire préalable au procès, dans ce cas-là, cela nous donne exactement un
17 étalon et un repère dans le temps pour savoir exactement ce qui doit être
18 su. Pour ce qui est de l'Accusation, ils ont eu du temps pour faire leur
19 mémoire auprès de leur dossier, ils ont eu le temps pour réfléchir sur la
20 nature exacte de ces reproches. Ils ont eu le temps de faire leurs enquêtes
21 et, à ce moment-là, la Défense doit savoir exactement ce qui est reproché à
22 l'accusé. Quand on reçoit le mémoire préalable au procès, à notre avis
23 cette pratique, c'est une règle pratique, utilisable, qui devrait être mise
24 en œuvre.
25 Evidemment, la Chambre de première instance aurait encore discrétion,
26 c'est évident, comme elle a toujours le droit, pour dire dans une affaire
27 spécifique que si l'Accusation n'a pas satisfait à ses objectifs et si le
28 mémoire préalable n'est pas suffisamment clair, dans ce cas là, la Chambre
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1 de première instance peut peut-être demander un amendement supplémentaire à
2 l'acte d'accusation ou dire à l'Accusation : "Ecoutez, maintenant nous en
3 sommes à la conférence de mise en état, il faut que tout soit clair." Peut-
4 être qu'il pourrait y avoir des difficultés, certes. Il pourrait peut-être
5 y avoir quelques dérogations. Parfois, la Chambre de première instance,
6 regardant comment sont exposés les faits, peut se dire que : "Bon,
7 l'Accusation a bien travaillé, et si vous continuez un petit peu à
8 clarifier les choses pour ce qui est de la Conférence de mise en état, là
9 ce sera suffisant." On peut donner, bien sûr, à la Chambre de première
10 instance un peu de marge de manœuvre, mais il faudrait quand même que vous
11 adoptiez une règle générale. Vous avez demandé quelle serait cette règle,
12 et vous avez maintenant notre idée.
13 Maintenant, je vais demander une pause et je voudrais savoir si vous aviez
14 des questions à poser sur ce que je viens d'exposer ?
15 M. LE JUGE GUNEY : Vous avez la parole, Monsieur Schomburg.
16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai
17 une question sur le préjudice. Dans notre Règlement, à l'article 7(1), on
18 voit quels sont les modes de responsabilité. Il s'agit de l'article sur le
19 point 1 du statut. Vous comprenez que tous ces modes étaient compris de
20 façon cumulative déjà dans le premier acte d'accusation. Est-il vrai que
21 l'entreprise criminelle commune, finalement, ce n'est rien d'autre qu'une
22 interprétation de la commission d'un crime, donc, finalement, on a bien
23 averti votre client dès le premier acte d'accusation de ce qu'il lui était
24 reproché ? Où est le préjudice ? Comment peut faire la Défense si elle
25 avait su bien avant que finalement le crime n'était pas commis exactement
26 comme prévu par le statut, mais interprété en tant qu'entreprise criminelle
27 commune ?
28 Donc, je ne suis pas encore convaincu, quand même, que votre client ait
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1 vraiment été lésé. Je ne comprends pas très bien comment il a été lésé.
2 M. MURPHY : [interprétation] Il a été lésé parce que l'entreprise
3 criminelle commune est un mode de responsabilité tout à fait différent,
4 avec ses propres exigences qui ont été établies, comme vous le savez, lors
5 des différentes affaires, commençant par l'affaire Tadic, où certes
6 l'entreprise criminelle commune a été analysée de façon compliquée, mais
7 elle a été divisée en trois catégories d'entreprise criminelle commune. Un
8 des problèmes soulevé quand on utilise ces mots "entreprise criminelle
9 commune", vous savez qu'en fait c'est un raccourci qui reprend différents
10 scénarios factuels et légaux qui sont tous envisageables. Selon
11 l'entreprise criminelle commune que l'on envisage, la base sur laquelle on
12 expose l'affaire est tout à fait différente. Du côté de la Défense, quand
13 on reçoit un acte d'accusation, nous devons identifier la portée de
14 l'entreprise criminelle commune alléguée.
15 C'est essentiel, pas uniquement pour la responsabilité, mais aussi en
16 ce qui concerne la peine éventuelle encourue par l'accusé. Dans cette
17 affaire, par exemple, il a été dit le Dr Simic était non seulement
18 participant à cette entreprise criminelle commune, mais qu'il était au
19 sommet, finalement, de cette entreprise criminelle commune, ce qui est
20 totalement différent. Du côté Défense, il convient de savoir quelle est la
21 portée de l'entreprise criminelle commune alléguée.
22 Je vais vous donner un exemple, et d'ailleurs c'est un exemple que
23 vous trouvez à la fois dans notre premier mémoire et dans notre mémoire en
24 réplique.
25 Dans ce Tribunal, comme vous le savez, j'en suis sûr -- je suis
26 désolé, Madame et Messieurs les Juges. Peut-être faut-il que je
27 m'interrompe.
28 Ces mots, "entreprise criminelle commune", appliqués dans l'affaire
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1 de Bosanski Samac, c'est assez étranger. Puisque dans la plupart des
2 affaires où l'on en a parlé, il y a des accusés serbes, il s'agissait
3 surtout d'une entreprise criminelle commune verticale de la direction de la
4 Republika Srpska à Pale, au travers de
5 M. Karadzic, Mme Plavsic, M. Krajisnik, et cetera, qui descendait jusqu'au
6 niveau local, sur le terrain, quelque chose de vertical. Vous savez, par
7 exemple, que nous avons les documents, comme les fameuses Variantes A et B,
8 et cetera.
9 Or, à l'origine, au début du procès, quand on regarde l'affaire du
10 point de vue de la Défense, admettons que si on nous avait dit que c'était
11 bien une affaire portant sur une entreprise criminelle commune dès le
12 départ, on aurait dit dans ce cas-là : Il faut qu'on trouve des éléments de
13 preuve qui montreraient qu'on était connecté avec la direction de Pale, et
14 que le Dr Simic pourrait obtenir ces instructions de Radovan Karadzic, tout
15 comme le Dr Stakic, par exemple, et dans ce cas-là on aurait pu enquêter
16 dans ce sens, sachant que l'on était en train de défendre Dr Simic pour un
17 problème de cette portée.
18 M. LE JUGE SCHOMBERG : [interprétation] Je vous interromps ici. Mais au
19 cours du procès on l'a quand même beaucoup étudié pour savoir s'il y avait
20 un lien entre la Variante A et la Variante B, et on a aussi étudié le
21 comportement sur le terrain de M. Simic. Ceci est une question, mais il me
22 semble que la Chambre de première instance a finalement décidé de ne pas
23 dire qu'il y avait un lien entre les événements à Pale et ce qui se passe
24 ici, mais elle a dit aussi qu'il fallait séparer ce qui se passait à Pale
25 de ce qui se passait ici à Bosanski Samac en l'espèce, alors ma question.
26 M. MURPHY : [interprétation] Oui, c'est exactement ce je vous dis.
27 Finalement, les allégations étaient grandement différentes de ce que vous
28 pensiez au départ, puisqu'au départ Bosanski Samac était une municipalité
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1 qui était incorporée dans l'acte d'accusation Plavsic-Krajisnik, mais cela
2 a été enlevé, finalement, de cet acte d'accusation. La théorie de
3 l'Accusation, en fin de compte, a été qu'il s'agissait d'une conspiration
4 locale, ce qu'on a appelé, finalement, une conspiration ou une entreprise
5 criminelle commune horizontale, qui ne prenait pas en compte les dirigeants
6 qui se trouvaient en dehors de la municipalité. Il s'agissait juste d'une
7 entreprise criminelle commune qui prenait en compte toutes les personnes
8 sur le terrain; M. Todorovic, les paramilitaires, la 7e Unité tactique,
9 enfin, tout le monde qui était accusé d'avoir perpétré des crimes dans la
10 municipalité. Le Dr Simic, en fin de compte, est la personne éminente de la
11 municipalité et la personne la plus en vue de la municipalité était
12 considérée, comme l'a dit la Chambre de première instance, comme étant au
13 sommet de cette entreprise criminelle commune.
14 Cela dit, on s'en est rendu compte quand on a eu une réponse à notre
15 requête au titre du 98 bis. Si on veut être un peu charitable envers
16 l'Accusation, on peut dire quand même qu'il s'agissait à ce moment-là du
17 quatrième acte d'accusation amendé, mais cela fait quand même trois mois
18 après le début du procès.
19 D'un point de vue académique, on peut dire qu'il n'y avait pas
20 vraiment de véritables préjudices puisqu'en fait, il est vrai que la
21 Défense peut une fois travestir et changer son fusil d'épaule et modifier
22 un petit peu ses arguments, mais vous savez que cela ne marche pas comme
23 cela dans le monde réel. On doit préparer son affaire dès le départ en
24 sachant exactement ce qui est reproché. C'est surtout que l'Accusation
25 aurait très facilement pu remédier aux problèmes très rapidement. Après
26 toutes ces années d'enquête, après avoir obtenu de la part de M. Todorovic
27 et tout ce qu'il savait, il aurait pu facilement remédier à ce problème.
28 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.
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1 M. LE JUGE GUNEY : Le Juge Shahabuddeen a des questions à poser maintenant.
2 Le Juge Sahabuddeen a la parole maintenant.
3 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Murphy, juste pour être
4 clair, pour bien comprendre, êtes-vous en train de dire, oui ou non, que
5 l'entreprise criminelle commune est une espèce de mantra et que
6 l'Accusation ne peut pas compter sur cette entreprise criminelle commune,
7 ne peut pas se servir et se fonder sur cette entreprise criminelle commune
8 si ces mots ne sont pas écrits noir sur blanc dans l'acte d'accusation ?
9 M. MURPHY : [interprétation] Non, pas tout à fait, parce que ces trois
10 mots, "entreprise criminelle commune," comme je l'ai peut-être vaguement
11 déjà dit dans ma réponse au Juge Schomburg, finalement, c'est un peu une
12 phrase parapluie et c'est un portemanteau qui recouvre beaucoup de choses
13 et qui pourrait prendre énormément de modes de responsabilités, qui peuvent
14 prendre différentes formes aussi. Il serait peut-être possible d'avoir un
15 acte d'accusation extrêmement précis sans faire référence à ces trois mots,
16 mais il faudrait quand même que dans l'acte d'accusation il soit
17 extrêmement clair quels sont les éléments allégués par l'Accusation.
18 Or, en l'espèce, si j'ai bien compris, certes, cela a été corrigé de
19 façon ultérieure, mais s'il me semble que l'argumentation de l'Accusation
20 n'est pas que ces faits aient été correctement exposés mais, et d'ailleurs
21 la Chambre de première instance a bien remarqué que ces mots n'étaient pas
22 correctement exposés, mais il considère qu'en parlant d'un synonyme qui,
23 c'est-à-dire, agissant en concert ou des fins communs, on pouvait remédier
24 à ce problème.
25 Je ne veux pas dire qu'il est impossible de remédier à ce problème,
26 mais je tiens à dire qu'on doit quand même inclure ces trois mots
27 spécifiques pour que la Défense soit véritablement avertie de ce qui est
28 reproché au client. La Chambre de première instance en était bien
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1 consciente puisqu'elle a demandé par deux fois à l'Accusation d'amender
2 l'acte d'accusation au cours du procès, et d'ailleurs que dans le jugement,
3 finalement, la Chambre de première instance a dit : "Maintenant que ces
4 amendements étaient faits, et que nous pouvons lire tout cela, nous savons
5 exactement ce qui est véritablement reproché à l'accusé." Voilà la position
6 de l'Accusation.
7 M. SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'aimerais un peu poursuivre ma
8 question, à savoir, dans quelle mesure un accusé doit être impliqué dans
9 les actes criminels perpétrés par un groupe avant que l'on puisse arriver à
10 la conclusion qu'il faut, oui ou non, se fonder sur une entreprise
11 criminelle commune. Je m'explique : est-il vraiment nécessaire du point de
12 vue de l'Accusation de se fonder sur la théorie de l'entreprise criminelle
13 commune chaque fois que l'accusé doit être jugé pour un crime commis par un
14 groupe de personnes responsables de ces crimes ? Il sera peut-être utile
15 quand même de faire une différence entre deux scénarios : il y a là, où
16 l'entreprise criminelle commune est prise en compte, et où la volonté même
17 de l'accusé est impliquée dans la volonté du groupe, et un autre scénario
18 où le crime n'est accompli et perpétré que du fait de la volonté de
19 l'accusé. Il utilise le groupe comme son bras armé, si je puis dire. Dans
20 ce deuxième scénario, il agit quand même indépendamment pour exécuter son
21 intention criminelle et il utilise les membres du groupe comme un
22 instrument et comme son bras armé.
23 M. MURPHY : [interprétation] En effet, je pense que vous avez tout à fait
24 raison aux faits qu'il peut y avoir, bien sûr, des formes de co-actions qui
25 sont différentes de l'entreprise criminelle commune. C'est pour cela qu'on
26 ne remédie pas aux problèmes uniquement en utilisant des mots comme
27 "agissant de concert," et cetera, parce que tout reste très ambigu. Il y a
28 différentes formes, certes, de perpétrations et de commissions de crimes.
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1 Je suis d'accord avec vous. Il est vrai que l'Accusation peut très
2 précisément expliciter comment différents crimes sont commis par un
3 individu qui pourrait commettre ces crimes uniquement avec la coopération
4 d'autres ou en donnant des ordres aux autres.
5 La difficulté ici, et je pense que vous en êtes bien conscient,
6 puisque nous allons bientôt passer à un autre moyen d'appel, il ne faut pas
7 confondre la responsabilité individuelle et la responsabilité hiérarchique,
8 parce que quand on commence à parler et de dire qu'un accusé contrôle les
9 groupes, un certain groupe ou leur donne des ordres, il faut dans ce cas-là
10 demander quelle est la ligne de commandement, et savoir s'il ne serait pas
11 plus juste d'accuser la personne dans le cadre de cette ligne
12 hiérarchique ?
13 Je pense que vous avez utilisé, Monsieur le Juge, le terme "mantra,"
14 et c'est vrai, vous avez tout à fait raison. C'est trop facile maintenant
15 pour l'Accusation de réciter le mantra et d'essayer ainsi de couvrir les
16 imprécisions de l'Accusation quand elle a reproché certains faits à
17 l'accusé. C'est un des problèmes ici, car, enfin de compte, on a su que
18 finalement le problème de fond était un problème de l'entreprise criminelle
19 commune. La Chambre de première instance, à ce moment-là, ne savait pas
20 exactement quelle était la contribution du Dr Simic. Nous avons fait
21 valoir, d'ailleurs, qu'il y a eu une confusion, un mélange un peu entre la
22 responsabilité individuelle au titre du 7(1) et une forme un peu hybride de
23 responsabilité qui se rapprocherait plus de ce qui est exposé au 7(3).
24 M. LE JUGE SHAHABUDDEEEN : [interprétation] Merci.
25 M. MURPHY : [interprétation] Mon collègue, M. Pantelic, maintenant aimerait
26 ajouter quelques mots.
27 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE GUNEY : Avant ces quelques mots, le Juge Liu voudrait poser des
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1 questions à Me Murphy.
2 M. MURPHY : [interprétation] D'accord.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien.
4 Monsieur Murphy, j'aimerais savoir quand exactement vous êtes rendu compte
5 que votre client avait été lésé du fait de l'exposition lacunaire des faits
6 dans l'acte d'accusation ? J'ai bien compris, ce n'est pas lorsque le
7 troisième acte d'accusation modifié a été déposé, mais c'est après la
8 réponse au titre du 98 bis. C'est là que vous avez compris que votre client
9 était accusé de participation à l'entreprise criminelle commune.
10 Qu'avez-vous fait à ce moment-là pour remédier à cela ? Avez-vous soulevé
11 le problème avec la Chambre de première instance ? Avez-vous soulevé des
12 objections en ce qui concerne la précision de l'acte d'accusation ? Avez-
13 vous modifié votre stratégie ? Avez-vous décidé d'appeler des témoins
14 différents Ou avez-vous peut-être même demandé que le procès soit
15 entièrement rejugé ? Parce que vous êtes quand même un avocat très
16 expérimenté et vous savez bien qu'on ne peut pas, quand même, faire
17 d'objections avant l'appel. Vous auriez répondu cela beaucoup plus
18 rapidement.
19 M. MURPHY : [interprétation] Bien, écoutez, M. Pantelic qui était conseil à
20 l'époque, je pense qu'il peut bien sûrement vous dire ce qui s'est passé
21 lors du procès.
22 M. PANTELIC : [interprétation] Merci.
23 M. LE JUGE GUNEY : Une brève question, Maître Murphy.
24 Maître Murphy, j'ai une question qui vise à obtenir certaines
25 précisions. Vous avez indiqué qu'après la présentation des éléments à
26 charge la Défense a demandé davantage de temps pour présenter ses propres
27 arguments. Cette demande qui, vous l'indiquez, a été rejetée, se référait-
28 elle au fait qu'un nouveau mode de responsabilité est allégué à l'encontre
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1 de votre client ? Voilà la question.
2 M. MURPHY : [interprétation] A nouveau, je vais peut-être demander à Me
3 Pantelic de répondre parce que c'était lui qui travaillait à l'époque. Je
4 peux vous dire quand même qu'il y a eu cette requête, qu'elle a été
5 refusée, et d'ailleurs, vous l'avez dans notre mémoire en réplique. Mais M.
6 Pantelic peut très certainement plutôt répondre à votre question avec
7 beaucoup plus de détails que moi, ainsi qu'à la question, d'ailleurs, du
8 Juge Liu.
9 M. LE JUGE GUNEY : Monsieur Pantelic, vous avez la parole. Je m'excuse de
10 vous faire attendre. Merci.
11 M. PANTELIC : [interprétation] Merci. En plus de ce qu'a dit mon éminent
12 collègue, M. Murphy, pour ce qui est des questions posées par le Juge
13 Schomburg et le Juge Shahabuddeen, je vais maintenant répondre à votre
14 question ainsi qu'à la question du Juge Liu. Je vais essayer de résumer un
15 peu tous ces arguments.
16 La position de la Défense en l'espèce était la suivante. Il s'agissait
17 d'une affaire qui a été envisagée dans son intégralité avec différents
18 éléments. Pour ce qui est des éléments qui ont été pris en compte, il y
19 avait l'acte d'accusation, le mémoire préalable au procès, les Conférences
20 de mise en état, les déclarations liminaires, la liste des témoins et le
21 déroulement du procès en tant que tel avec tous ses témoins cités et toutes
22 les pièces à conviction.
23 Ici, en l'espèce, la Défense s'était fondée, pour ce qui est de
24 l'interprétation de l'affaire, sur les mots compris dans l'acte
25 d'accusation et sur les termes spécifiques ou le libellé plus spécifique
26 que l'on trouvait dans le mémoire préalable au procès de l'Accusation, où
27 au paragraphe 33, on avait l'exposition de la théorie de l'Accusation qui
28 était qu'ils allaient prouver que l'accusé était directement impliqué ou
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1 avait aidé ou encouragé, entre autres en offrant une assistance pratique,
2 en offrant un support psychologique et moral aux auteurs des crimes.
3 Donc, la théorie de l'Accusation était la suivante. Selon Samac,
4 plusieurs individus avaient commis un crime de persécution à grande
5 envergure établi par les faits matériels suivants. Là, je vais juste vous
6 rappeler quels étaient ces faits matériels : l'Accusation a bien déclaré
7 qu'avant la guerre, il y avait 17 000 non-Serbes qui habitaient ou
8 résidaient dans la municipalité de Samac, et après les accords de Dayton,
9 300 d'entre eux seulement sont partis. Leur théorie, qui était bien
10 explicitée dans l'acte d'accusation et que l'on retrouve aussi dans le
11 mémoire préalable au procès au paragraphe 117, était que mon client et les
12 autres co-accusés avec d'autres personnes, avaient commis ou avaient
13 perpétré une persécution à grande envergure, que plus de 16 000 non-Serbes
14 ont été obligés par la force à quitter cette municipalité. Enfin, ce sont
15 les actes allégués qui leur ont été reprochés.
16 Mais en fin de compte, dans le jugement, il me semble qu'il
17 s'agit là du paragraphe 33, la Chambre de première instance a conclu que --
18 "La Chambre de première instance estime que les sources que l'on a
19 utilisées," et cetera, et cetera, "ne permettent pas de tirer la conclusion
20 quant au nettoyage ethnique, aux déplacements forcés de personnes ou aux
21 mouvements de la population survenus pour d'autres causes pendant la
22 période considérée, ainsi qu'il ressort du paragraphe 28 de l'acte
23 d'accusation modifié."
24 Au cours du procès, la Défense a essayé de prouver l'innocence de notre
25 client, alors que matériellement, les arguments de l'Accusation ont échoué,
26 puisque avec cette théorie des 16 000 non-Serbes qui auraient quitté la
27 municipalité, finalement c'est infondé, c'est quelque chose qui ne s'est
28 jamais avéré.
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1 S'agissant des différentes variantes de la responsabilité au titre de
2 l'article 7(1) du Statut, je souhaiterais mettre en exergue un certain
3 nombre de points. Après toutes ces années, nous voyons que le bureau du
4 Procureur a très souvent recours au concept de l'entreprise criminelle
5 commune. Dans la bibliothèque, dans un des livres que j'ai lu en
6 préparation à cette affaire - bon, c'est une affaire que je vais évoquer,
7 mais qui s'est déroulée dans une autre juridiction, un autre système -
8 l'auteur du livre nous dit que l'entreprise criminelle commune, c'est en
9 fait le violon d'Ingres de tout Procureur, parce que dès qu'il n'est pas
10 possible de trouver une forme de responsabilité précise, on plaide
11 l'entreprise criminelle commune.
12 De plus, ce qui est indéniable en l'espèce, c'est que la théorie de la
13 persécution de nettoyage ethnique à Bosanski Samac, à l'échelle que j'ai
14 expliquée, avait été reliée avec les Variantes A et B et l'administration
15 suprême de Bosnie-Herzégovine. Grâce au travail entrepris par la Défense,
16 l'Accusation n'a pas pu obtenir qu'on accepte cette thèse; échec, donc.
17 Alors qu'est-ce qu'ils ont fait ensuite ? Qu'est-ce qu'ils ont inventé ?
18 Ils ont inventé une sorte d'entreprise criminelle commune villageoise. Nous
19 avons Samac, qui a une population de quelques milliers d'habitants, alors
20 ils nous ont dit : "Bien non, finalement on n'a pas une entreprise
21 criminelle commune globale, mais une entreprise criminelle commune locale."
22 Avec tout le respect que je dois aux Juges de la Chambre, c'est
23 juridiquement totalement inacceptable, si on regarde la jurisprudence du
24 Tribunal, inacceptable.
25 Bien. Informations de notre client en réponse à notre requête aux
26 fins d'acquittement, en application de l'article 98 bis. Bien. Dès le
27 départ, pour la Défense, il était clair que le Dr Simic était un complice.
28 Il avait aidé à encourager un crime commis par d'autre à Samac. Voilà
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1 comment nous comprenions la thèse qu'il avait à réfuter en nous appuyant
2 sur ce qui figurait dans le mémoire préalable au procès, dans l'acte
3 d'accusation, en nous appuyant sur les déclarations du Procureur lors de la
4 Conférence préalable au procès ainsi que sur la déclaration liminaire.
5 Au moment où l'Accusation en a terminé de la présentation de ses
6 moyens, patatras, nous découvrons que l'Accusation s'appuie sur le concept
7 de l'entreprise criminelle commune après avoir présenté tous ses moyens.
8 Alors là, je me pose une question. Disposant de la déclaration
9 extrêmement détaillée d'un des co-accusés et le témoin roi de l'Accusation,
10 M. Todorovic, parce qu'il avait plaidé coupable en l'an 2000, et au moment
11 dont je parle, on se trouve en 2001 au moment où nous déposons cette
12 requête aux fins d'acquittement, pourquoi dans ces conditions, pourquoi
13 l'Accusation n'a-t-elle pas utilisé certains éléments de sa déclaration et
14 reformulé l'acte d'accusation ? Pourquoi n'a-t-elle pas présenté sa théorie
15 de manière détaillée ? Pourquoi l'Accusation n'a-t-elle pas, d'autre part,
16 cité à la barre des membres de haut niveau des unités militaires qui se
17 trouvaient dans la région de Samac ? Parce que d'après ce qu'a conclu la
18 Chambre de première instance, ces gens-là aussi font partie de cette
19 entreprise criminelle commune locale. Autre question : pourquoi
20 l'Accusation n'a-t-elle pas déniché des éléments de preuve, des
21 déclarations de témoins dans toute la mouvance des unités paramilitaires ?
22 Parce qu'on sait très bien que le bureau du Procureur mène de front toutes
23 sortes d'enquêtes, toutes sortes de poursuites, et je suis convaincu que
24 dans toute cette galaxie d'affaires, ils auraient pu trouver des éléments
25 de preuve essentiels en relation avec sa théorie en l'espèce.
26 Enfin, je souhaiterais résumer. Pour la Défense du Dr. Simic, il était
27 clair que nous étions en train de défendre notre client accusé d'avoir aidé
28 et encouragé certains groupements à Samac. Nous n'avions pas connaissance
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1 de la théorie de l'Accusation pendant la présentation de ces moyens, parce
2 que tous les témoins, tous les faits présentés lors de la présentation des
3 moyens à charge, c'était des témoins ou des faits qui portaient sur les
4 crimes, sur les faits incriminés directement. Jamais aucun des témoins n'a
5 parlé d'entreprise criminelle commune, n'a été interrogé dans ce sens.
6 Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à toute
7 question que vous auriez.
8 M. LE JUGE GUNEY : Juge Vaz.
9 Juge Vaz, vous avez la parole.
10 M. LE JUGE VAZ : Je vous remercie, Monsieur le Président.
11 Je voudrais demander à la Défense si lors de ces différentes
12 modifications de l'acte d'accusation, la liste des témoins à charge a varié
13 et si cela a pu donc poser un certain préjudice à la Défense.
14 J'aimerais également que vous nous précisiez, étant donné que vous
15 nous dites que c'est après la présentation des moyens à charge que le
16 Procureur a fait état de l'entreprise criminelle commune, de cette notion,
17 vous nous montriez en quoi, en allant donc de la complicité vers
18 l'entreprise criminelle conjointe, votre stratégie a été également
19 perturbée ?
20 M. PANTELIC : [interprétation] Je vais vous répondre avec beaucoup de
21 précision. Non, nous n'avons pas obtenu de liste supplémentaire de témoins
22 ou de pièces à conviction au cours de la présentation des moyens à charge,
23 en rapport avec la théorie potentielle de l'entreprise criminelle commune,
24 c'est-à-dire que nous n'avons reçu qu'une liste de témoins et de pièces qui
25 portaient uniquement sur les témoins des faits directs, les témoins directs
26 des faits, des faits incriminés, à savoir, des victimes. Seul l'un des co-
27 accusés, celui qui a plaidé coupable, Steven Todorovic, lui a été présenté
28 à la fin de la présentation des moyens à charge, mais sans qu'on nous
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1 indique le moins du monde que l'Accusation s'apprêtait à développer ou à se
2 fonder sur la théorie de l'entreprise criminelle commune.
3 Pour répondre à votre question sur la stratégie de la Défense, vu
4 l'évolution de la thèse de l'Accusation, ma réponse sera extrêmement
5 simple. La Défense n'a pas été perturbée par la position de l'Accusation,
6 parce que c'était trop tard, c'était trop tard, le changement de théorie.
7 Donc nous, nous avons tout simplement présenté nos moyens du mieux que nous
8 pouvions pour défendre notre client, mais en nous fondant sur notre
9 compréhension de l'affaire. Nous savions très bien que vu la jurisprudence
10 du Tribunal et certaines conclusions de la Chambre d'appel, nous savions
11 très bien que nous aurions la possibilité au stade de l'appel de faire la
12 lumière sur toutes ces questions.
13 Je souhaiterais également faire référence à une décision de la
14 Chambre d'appel dans l'affaire Kupreskic et ajouter quelque chose à ce qu'a
15 dit le professeur Murphy. Il y a des règles qu'il faut respecter, un
16 minimum de règles. Ici, il y a un certain nombre de règles qui prévalent
17 pour rendre la justice et qui sont destinées également à permettre le
18 respect de la justice. Il est totalement inacceptable de voir qu'après
19 toutes ces années, dans les deux ou trois derniers mois, on change soudain
20 de thèse du côté de l'Accusation, on présente une nouvelle théorie. Donc,
21 comme je l'ai dit au cours de la présentation de moyens à nous, nous nous
22 sommes efforcés de défendre notre client à partir de notre compréhension de
23 l'affaire, sur la base des déclarations de témoin, sur la base des pièces à
24 conviction présentées pendant la présentation des moyens à charge et sur la
25 base également du contre-interrogatoire que nous avions mené des témoins à
26 charge, mais toujours dans cette théorie, sur la base de la théorie de la
27 complicité, parce que ces mots d'"agissant de concert" nous ont servi
28 justement de critères en nous limitant donc au chef 1.
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1 Enfin, nous viendrons à la question de l'intention délictueuse et
2 d'autres éléments que nous souhaitons vous présenter. Merci.
3 M. LE JUGE GUNEY : Compte tenu de l'heure -- excusez-moi, Le Juge
4 Schomburg a une question à poser.
5 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Une question. N'est-il pas exact que ce n'est pas après consigne de
7 la Chambre de première instance, mais sur la base du cinquième acte
8 d'accusation modifié que l'entreprise criminelle commune a été plaidé,
9 surtout si on regarde le paragraphe 33 de l'acte d'accusation, dernière
10 phrase selon laquelle cette entreprise criminelle commune s'appliquait
11 uniquement au chef 1. Mais ce qui est beaucoup plus important c'est la
12 chose suivante : est-ce que pendant le procès vous êtes jamais opposé à la
13 présentation du cinquième acte d'accusation modifié vu son intervention
14 très tardive ? Est-ce que vous avez pris des mesures ? Est-ce que vous avez
15 demandé à bénéficier de temps supplémentaire pour vous préparer ? Est-ce
16 que vous avez demandé à ce que les témoins soient de nouveau entendus, des
17 témoins à charge ?
18 M. LE JUGE GUNEY : Je vois c'est l'heure pour une pause d'une demi-heure.
19 Il serait peut-être opportun que vous répondiez au début, quand on reprend
20 l'audience dans une demi-heure.
21 Nous nous retrouvons à 11 heures 10. L'audience est suspendue.
22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 43.
23 --- L'audience est reprise à 11 heures 15.
24 M. LE JUGE GUNEY : L'audience est reprise. Maître Pantelic, vous avez la
25 parole pour répondre aux questions posées par le Juge Schomburg. Auriez-
26 vous la bonté de se concentrer en la substance même de la question. Merci.
27 M. PANTELIC : [interprétation] En réponse à la question posée par M. le
28 Juge Schomburg, je dois dire que la Défense s'est opposée au quatrième acte
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1 d'accusation modifié présenté à la fin de 2001, en plein milieu de la
2 présentation des moyens à charge. On était au début du mois de décembre. La
3 décision relative à la requête de l'Accusation aux fins de modifications de
4 l'acte d'accusation, elle a été rendue le 20 décembre. Au paragraphe 30 de
5 cette décision, la Chambre de première instance a refusé la demande faite
6 par la Défense aux fins d'une pause dans la procédure, vu les nouveaux
7 éléments de la thèse de l'Accusation, demande d'un report des débats.
8 D'autre part, je voudrais insister sur le fait qu'après le quatrième
9 acte d'accusation modifié, qui date de décembre 2001, l'Accusation n'a
10 fourni aucune liste de témoins ou de pièce à conviction supplémentaire à la
11 Défense, aucune liste de témoins ou de pièces pour fonder cette soi-disant
12 théorie d'entreprise criminelle commune. Si bien que la Défense, elle, est
13 partie du principe de son interprétation de la thèse de l'Accusation
14 jusqu'à la fin de la présentation des moyens à charge, et nous avons défini
15 notre thèse en fonction de celle de l'Accusation, celle qui a été présentée
16 jusqu'à la fin de la présentation des moyens à charge.
17 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Une question, je vous prie. Je vous
18 ai posé une question au sujet de l'instrument central de cette affaire.
19 C'est ainsi que je désigne le cinquième acte d'accusation modifié, et vous
20 m'avez répondu au sujet - si je me trompe, vous m'avez répondu au sujet -
21 du quatrième acte d'accusation modifié.
22 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Le cinquième acte
23 d'accusation modifié, il a été délivré en mai 2002, le 30, au moment où
24 l'autre co-accusé, M. Milan Simic, a décidé de plaider coupable. Il a
25 simplement agi à ce moment-là de biffer son nom et de l'acte d'accusation
26 ainsi que les chefs qui le concernaient. C'est plutôt une question de
27 toilettage de l'acte d'accusation. Pour nous ce qui est plus important
28 c'est ce qui s'est passé en décembre 2001 avec la délivrance du quatrième
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1 acte d'accusation modifié.
2 Parce que dans le cinquième, vous n'avez plus que trois co-accusés;
3 Blagoje Simic, Miroslav Tadic, ainsi qu'un autre accusé.
4 M. Milan Simic ne s'y trouve plus. Il était président du conseil exécutif,
5 mais il ne figure plus dans le cinquième acte d'accusation modifié.
6 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.
7 M. PANTELIC : [interprétation] Meri.
8 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Pantelic, j'aimerais
9 avoir une précision sur un point mineur. Vous nous avez dit que la Défense
10 avait soulevé des objections au sujet du quatrième acte d'accusation
11 modifié, mais vous avez poursuivi votre argumentation en disant que la
12 Défense aurait voulu obtenir une interruption de la procédure. Je voudrais
13 savoir quelle était exactement la position de la Défense ? Est-ce que la
14 Défense a présenté une objection à l'acception de ce quatrième acte
15 d'accusation modifié ? Est-ce qu'elle s'y est opposée, ou est-ce qu'elle
16 s'est contentée de demander une pause des débats ?
17 M. PANTELIC : [interprétation] Oui. La Défense a présenté une objection
18 officielle. Elle s'y est opposée. Mais dans le même temps, en raison des
19 nouveaux éléments qui apparaissaient dans la thèse de l'Accusation, nous
20 avons demandé une interruption des débats d'au moins trois mois, mais la
21 Chambre de première instance n'a pas fait droit à notre requête. Merci.
22 M. LE JUGE GUNEY : Il n'y a pas d'autre question pour le moment.
23 Maintenant, vous avez le temps jusqu'au 12 heures 10 pour continuer votre
24 soumission.
25 Vous avez la parole, Maître Murphy.
26 M. MURPHY : Merci, Monsieur le Président.
27 [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges,
28 je retourne à l'ordonnance du 5 mai. Les secondes et troisième questions ce
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1 sont véritablement des questions qui s'adressent plutôt à l'Accusation. En
2 conséquence, je m'abstiendrais de faire des remarques sur ce point jusqu'au
3 moment où M. Kremer et ses confrères auront eu l'occasion de se prononcer
4 sur ces points-là. Si vous me le permettez, j'aimerais vous parler des
5 quatrième, cinquième et sixième points qui sont intrinsèquement liés, me
6 semble-t-il. Vous avez soulevé deux questions au sujet du mode de
7 responsabilité d'abord, et ensuite, vous posez une question au sujet de la
8 peine. Si je peux me permettre de qualifier ces questions, de les traiter
9 de manière globale, en fait, la question que vous nous posez est selon moi
10 la suivante. Si la Chambre d'appel devait envisager cette affaire non pas
11 sur la base de la théorie de l'entreprise criminelle commune, mais sur une
12 autre base, sur la base de la théorie qui a été exposée dans l'acte
13 d'accusation ainsi que dans le mémoire préalable au procès, quel serait,
14 dans ces conditions, le mode de responsabilité idoine ? Est-ce que ce mode
15 de responsabilité, il peut trouver son fondement dans les constatations de
16 la Chambre de première instance, et enfin, si c'est le cas, quel serait
17 l'impact sur la peine prononcée contre M. Simic ? Je pense que je peux
18 traiter ensemble de ces trois thèmes de manière assez concise.
19 Dans notre mémoire d'appel, nous avons abordé de manière assez
20 circonstanciée les conclusions de la Chambre de première instance au sujet
21 de la responsabilité de M. Simic. On se rapporte ici au quatrième moyen
22 d'appel, c'est-à-dire ce qui a sous-tendu la condamnation du Dr Simic. Sans
23 entrer dans les détails, parce que je pense que nous l'avons fait au
24 paragraphe 42 de notre mémoire, nous avons donné une liste de toutes les
25 constatations de la Chambre de première instance, il est inutile que je les
26 passe en revue, mais nous avons résumé notre position de la manière
27 suivante. Nous avons déclaré que ce qu'a fait la Chambre de première
28 instance, et on peut le voir si on examine chacune de ces constatations
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1 factuelles, c'est que la Chambre de première instance a rendu trois
2 conclusions essentielles s'agissant de M. Simic. A partir de ces
3 conclusions, de ces constatations, la Chambre de première instance s'est
4 demandée à quelle forme de responsabilité cela s'appliquait; paragraphe 41
5 de notre mémoire.
6 D'abord, le Dr Simic était le responsable civil de plus haut niveau
7 dans la municipalité de Samac.
8 Deuxièmement, en dépit de cette position de haut niveau, il n'a pas
9 empêché que des crimes soient commis par d'autres, à savoir, Todorivic, les
10 membres des unités paramilitaires, et cetera.
11 Mais troisièmement et parallèlement, la Chambre de première instance
12 a reconnu que le Dr Simic ne jouissait d'aucun contrôle sur la police, sur
13 les unités paramilitaires ou sur les autres auteurs d'actes répréhensibles.
14 Quand on examine les éléments qui sous-tendent la condamnation de
15 M. Simic, on a l'impression, presque, que la Chambre de première instance
16 l'a condamné parce qu'il n'avait pas utilisé le pouvoir qu'elle estimait
17 qu'il avait en tant qu'homme politique civil de haut niveau, utilisé donc
18 ce pouvoir pour empêcher que d'autres ne commettent des crimes. Jamais il
19 n'a été avancé que le Dr Simic avait lui-même commis un crime, quel qu'il
20 soit. Non, ce qu'on lui reprochait, c'était de simplement n'avoir rien fait
21 et de s'être tenu en réserve alors que d'autres commettaient, eux, des
22 crimes.
23 Dans notre mémoire, nous faisons valoir que même s'il est clair que l'on
24 peut voir sa responsabilité engagée pour omission, certes oui, mais dans
25 une situation où un accusé n'a pas de possibilité de contrôler de fait ou
26 de droit ceux qui sont en train de commettre des crimes. Dans ces
27 situations, il ne suffit pas, pour engager sa responsabilité, qu'il n'ait
28 rien fait. Nous avons cité longuement l'affaire Bagilishema à laquelle vous
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1 avez participé, Monsieur le Juge Guney, sous la forme d'une opinion
2 dissidente, et nous avons examiné également la décision Stakic. Nous
3 estimons que ce sont là des sources de jurisprudence très pertinentes qui
4 permettent de déterminer la responsabilité d'un responsable civil de haut
5 niveau, comme c'est le cas ici.
6 La différence entre l'espèce et l'affaire Stakic, c'est que dans
7 l'affaire Stakic, l'accusé, il a été mis en cause au titre de l'article
8 7(1) et l'article 7(3) du Statut, et la question de la responsabilité du
9 supérieur hiérarchique s'est posée de manière brûlante. Dans cette affaire,
10 dans notre affaire, jusqu'à un certain point, jusqu'au troisième acte
11 d'accusation modifié, le Dr Simic lui aussi a été mis en cause au titre de
12 sa responsabilité de supérieur hiérarchique, mais pour des raisons qui sont
13 connues du seul Procureur et ceci a ensuite été abandonné, comme je vous
14 l'ai signalé précédemment.
15 C'est ce qui explique la production du troisième acte d'accusation
16 modifié, si bien qu'il est important d'insister sur le fait que le Dr Simic
17 a été mis en cause uniquement sur la base de sa responsabilité individuelle
18 au terme de l'article 7(1) du Statut. Pourtant, les conclusions de la
19 Chambre de première instance étaient des conclusions qui se résumaient à
20 une chose, c'est-à-dire qu'il n'a pas empêché la perpétration de crimes par
21 des tiers, et cela correspond exactement à la définition de la
22 responsabilité de supérieur hiérarchique au terme de l'article 7(3) du
23 Statut. Mais au moins, à l'article 3 du Statut, il y a certaines limites
24 qui sont fixées, c'est-à-dire qu'il est prévu que l'acte d'accusation doit
25 prouver l'existence d'une sorte de chaîne de commandement, quelle qu'elle
26 soit. Nous pouvons reconnaître que tout comme un dirigeant militaire, un
27 dirigeant civil peut-être mis en cause au titre de l'article 7(3) du
28 Statut, mais il faut quand même à ce moment-là montrer l'existence d'une
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1 filière hiérarchique, d'une chaîne de commandement.
2 En l'espèce, l'Accusation a reconnu que le Dr Simic n'avait aucune
3 autorité, qu'il ne pouvait pas contrôler les forces militaires ou
4 paramilitaires, ni d'ailleurs le chef de la police. En fait, et il s'agit
5 d'une question de fait, le Dr Simic n'avait manifestement et clairement
6 aucun pouvoir.
7 L'Accusation, qui accuse le Dr Simic d'avoir manqué de faire exercer
8 ce qu'ils indiquent comme étant son influence considérable, n'établit
9 absolument pas le lien entre ceci et le fondement juridique pour la
10 responsabilité. Ils semblent d'ailleurs présenter un argument moral contre
11 lui, en ce sens qu'il aurait dû faire quelque chose parce qu'il était le
12 dirigeant politique civil de plus haut niveau et qu'il n'a rien fait, qu'il
13 avait une responsabilité en la matière. Mais lorsqu'il s'agit de savoir ce
14 que le Dr Simic aurait véritablement dû faire, que suggèrent-ils ? A
15 l'article 4, de leur mémoire de l'intimé, ils disent qu'il aurait dû
16 contrôler le chef de police, Steven Todorovic, un homme dont vous vous
17 souviendrez, Madame et Messieurs les Juges, que le Juge Lindholm m'a
18 indiqué qu'il s'agissait de l'architecte principal des événements qui se
19 sont déroulés à Samac. Il a été déclaré coupable de crimes très graves
20 qu'il a perpétrés lui-même. Il s'agit très franchement d'un homme aux
21 tendances diaboliques.
22 Alors est-ce que le Dr Simic était censé s'adresser à un groupe de
23 paramilitaires armés jusqu'aux dents et leur dire : "Je suis le Président
24 de la cellule de Crise, arrêtez de commettre ces crimes" ? Finalement,
25 l'Accusation nous dit qu'en cas d'échec, il aurait dû démissionner. Je vous
26 pose une question rhétorique. Quel en aurait été l'objectif et comment
27 aurait-il pu, s'il avait démissionné, protéger ou aider les citoyens de
28 Samac ? Mais ils transforment cela quasiment en une responsabilité pénale
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1 compte tenu de son échec moral, en quelque sorte.
2 Supposons, juste pour avancer ces arguments, qu'il y a eu
3 véritablement manquement moral de la part du Dr Simic. Supposons qu'il
4 aurait pu s'adresser à ces paramilitaires armés et à Todorovic, le chef
5 armé de la police qui commettait ces crimes, alors que nous savons qu'il
6 était la plupart du temps en état d'ébriété et qu'il leur aurait dit,
7 "Arrêtez ceci." Supposons que cela représente un manquement moral de la
8 part du Dr Simic; est-ce que cela signifie qu'il s'agit d'une
9 responsabilité pénale ?
10 Bien entendu, si une omission peut parfois être considérée comme la
11 base d'une responsabilité pénale, nous pouvons analyser les différentes
12 affaires entendues au sein du Tribunal, notamment l'affaire Aleksovski à
13 laquelle nous avons fait référence, d'ailleurs, dans notre mémoire. Au
14 paragraphe 44, nous voyons que l'omission peut seulement être considérée
15 comme équivalent d'une responsabilité pénale lorsqu'il s'agit d'une
16 omission criminelle et que cela est équivalent à un acte ou un acte
17 criminel, mais seulement dans le sens négatif. Il ne suffit pas de dire que
18 quelqu'un n'a pas pris de mesures pour que cet acte ou cette omission
19 puisse être considérée comme quelque chose que l'on peut reprocher
20 finalement à la personne. Le seul moment où nous l'avons fait dans la
21 jurisprudence de ce Tribunal, c'est conformément à l'article 7(3).
22 Alors nous pouvons comprendre pourquoi la Chambre de première
23 instance n'a pas très bien su quel était le fondement pour la
24 responsabilité, parce que l'Accusation également ne le savait pas très
25 bien. Nous avons jusqu'à présent parlé de l'acte d'accusation, du préjudice
26 possible pour la Défense, mais il faut savoir qu'il ne faut pas oublier que
27 l'Accusation n'a pas su présenter et énoncer clairement ses accusations.
28 Cela, d'ailleurs, a mis la Chambre de première instance dans une situation
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1 assez difficile, car il a fallu qu'elle évalue au mieux de ce moyen ce que
2 pouvait être cette théorie de la responsabilité pénale. La Chambre de
3 première instance a très clairement fait de son mieux au vu des documents
4 dont elle disposait, mais il faut savoir qu'il faut également prendre en
5 considération les sources de jurisprudence. Je pense à l'affaire
6 Aleksovski, Bagilishema, et cela ne peut pas être considéré comme
7 équivalent à d'une responsabilité pénale.
8 Nous avons démontré dans notre mémoire que pour ce qui est du Dr
9 Stakic, la situation a été très différente. Il a été prouvé que le Dr
10 Stakic avait participé activement à la perpétration et à la planification
11 d'autres infractions, et ce, de nombreuses manières. Donc, il a été décrit
12 comme étant au cœur de ces activités. Aucune allégation de ce type n'a été
13 portée à l'encontre du Dr Simic. Il n'a tout simplement pas agi. C'est de
14 cela dont il s'agit.
15 Pour répondre donc à votre quatrième question, à savoir si les
16 accusations ont été énoncées de façon précise dans le cinquième acte
17 d'accusation, et le cas échéant, quelle était la base de ces accusations,
18 j'aimerais répondre très franchement dans un premier temps en disant que
19 nous nous en tenons à notre quatrième moyen d'appel et nous disons que cela
20 ne correspond pas à une responsabilité pénale conformément au Statut de ce
21 Tribunal. J'insiste sur cela, j'insiste sur le Statut du Tribunal. Il se
22 peut que dans d'autres systèmes judiciaires nous puissions envisager une
23 forme de responsabilité qui pourrait être prise en considération, et il se
24 peut que l'Accusation puisse maintenir l'argumentation qu'elle présente au
25 titre de l'article 7(3) contre le Dr Simic. Il se peut que cela ait été une
26 base ou un fondement approprié, mais bien entendu, c'est une argumentation
27 tout à fait rhétorique.
28 J'aimerais vous dire que si vous êtes d'avis que ces moyens de preuve
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1 font partie des moyens de preuve invoqués contre le Dr Simic ou font partie
2 de cette responsabilité, il faut prendre en considération les moyens de
3 preuve qui ont été avancés, l'information qui a été fournie à la Défense et
4 nous pouvons dire que nous avons été informés de l'argumentation et de la
5 théorie visant la complicité. Si nous devions choisir entre différentes
6 solutions, nous dirons que ce serait une façon que de rendre justice dans
7 cette affaire. Mais bien entendu, ce n'est pas quelque chose que je
8 concède. Il s'agit tout simplement de répondre aux questions que vous avez
9 posées. Mais, il semble là, en toute équité et en toute justice, que le Dr
10 Simic a été parfaitement informé de ce type de responsabilité, et si vous
11 pensez que le concept de criminalité, de responsabilité pénale doit être
12 pris en considération.
13 Pour répondre à la question numéro 5, à savoir, est-ce que les
14 éléments de ces modes de responsabilité ont été respectés, compte tenu des
15 conclusions du jugement, nous répondons à la négative, mais nous avons
16 d'ailleurs abordé cela de façon très détaillée dans notre mémoire et je ne
17 vais pas répéter cela à votre intention.
18 J'aimerais répondre à la question numéro 6, quelle pourrait être
19 l'incidence d'une reprécision du mode de responsabilité de l'appelant sur
20 sa condamnation. Je dirais que le Dr Simic a été déclaré coupable d'avoir
21 été au sommet de cette entreprise criminelle commune, et si cela n'était
22 pas vrai, la situation aurait été manifestement très différente.
23 Mais j'aimerais dire -- répondre de façon précise à cette question,
24 parce que cela est assez peu usuel. Nous aimerions reprendre quelque chose
25 qui a été considéré comme un étalon pour répondre à cette question, parce
26 que nous avons une Chambre de première instance qui est divisée. Le Juge
27 Lindholm, comme vous le savez, a eu un point de vue tout à fait différent à
28 propos de cette responsabilité pénale dans cette affaire. Bien qu'il ait
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1 voté pour déclarer coupable le Dr Simic, je ne pense pas lui causer une
2 injustice en disant qu'il était un tant soit peu sceptique, pour dire le
3 moins, à propos de sa participation à l'entreprise criminelle commune en
4 l'espèce, lorsqu'on lit le paragraphe 8 et le paragraphe 9 de son opinion
5 dissidente. Je pense que le Juge Lindholm a énoncé cela très clairement.
6 Lorsqu'il parvient ou il dégage certaines conclusions dans ces
7 paragraphes, au vu de ce qui s'est passé, il dit qu'il y a eu certains
8 événements politiques et militaires qui se sont déroulés dans la
9 municipalité et que sans qu'il n'y ait conspiration ou entreprise
10 criminelle commune préalable, certains individus ont utilisé à leur
11 avantage la situation particulièrement instable pour perpétrer un certain
12 nombre de crimes. Il est d'avis que le Dr Simic a joué un rôle en la
13 matière et il pense également que la sentence est idoine. Je suis sûr que
14 M. le Juge Lindholm a pris en considération la responsabilité relative de
15 Steven Todorovic et d'autres, et il est d'avis que la peine appropriée est
16 de sept ans. Alors manifestement, il s'agit d'une différence assez
17 importante par rapport à l'opinion de la majorité de la Chambre de première
18 instance. Je dirais en toute franchise que si la Chambre d'appel souhaite
19 repréciser le mode de responsabilité pénale dans la conduite du Dr Simic,
20 nous vous invitons très certainement à le faire. Nous aimerions dire que M.
21 le Juge Lindholm a probablement raison pour ce qui est de la peine
22 infligée.
23 J'aimerais également aborder une autre question, parce qu'en fait, il
24 y a peut-être certaines autres questions que vous souhaiteriez aborder, et
25 je ne sais pas si vous avez vous-même des questions à poser à propos de ce
26 que je viens d'avancer et à propos des questions 4 a 6. Il se peut que ce
27 soit le moment pour le faire.
28 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous remercie.
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1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : Maître Murphy, je vous remercie des arguments que
2 vous venez de présenter. J'aimerais vous demander votre avis à un sujet,
3 car vous parlez de façon très éloquente, d'ailleurs, si je peux me
4 permettre de le dire, de la question des omissions, et vous avez notamment
5 parlé précisément des circonstances qui peuvent prévaloir pour qu'une
6 omission puisse être considérée comme une responsabilité pénale. Vous dites
7 que la seule fois où cela a été fait dans la jurisprudence de ce Tribunal
8 est par le truchement du paragraphe 3 de l'article 7. Etes-vous absolument
9 sûr de ceci, Maître Murphy ?
10 M. MURPHY : [interprétation] Alors je vais essayer de vous expliquer ce que
11 j'entendais par cela. Alors, compte tenu de conclusions qui ont été
12 dégagées dans cette affaire, en d'autres termes, il n'y a pas d'autre
13 fondement juridique pour la responsabilité. Nous imposons ce genre de
14 responsabilité lorsqu'il y a une chaîne du commandement et lorsque nous
15 devons impliquer qu'il y a ou supposer qu'il y a eu manquement d'agir. Je
16 ne vous dis pas que les omissions ne peuvent jamais être considérées comme
17 un fondement pour la responsabilité au titre de l'article 7(1). Je fais
18 référence à l'affaire Aleksovski, où il a été dit de façon très, très
19 claire que cela pouvait être le cas, mais bien entendu, il faut savoir que
20 l'intention requise et les autres concepts n'étaient pas les mêmes. Ils ne
21 sont pas les mêmes lorsqu'il s'agit d'un acte positif. Nous avançons que
22 l'Accusation n'a pas su démontrer que le Dr Simic s'était engagé dans ses
23 activités avec l'intention requise nécessaire pour qu'il y ait
24 responsabilité pénale consacrée par l'article 7(1). Donc, voilà ce que je
25 souhaitais dire.
26 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie, Maître Murphy.
27 Je vous remercie de vos explications et précision.
28 M. LE JUGE GUNEY : Maître Murphy, puis-je considérer que vous en avez
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1 terminé avec votre soumission ?
2 M. MURPHY : [interprétation] J'aimerais aborder un autre sujet, brièvement.
3 Il ne s'agit pas d'un élément que l'on trouve dans l'ordonnance du 5 mai,
4 mais je pense qu'il est utile d'y faire allusion. Il s'agit du moyen
5 d'appel numéro 3. Dans le cadre de ce moyen d'appel, nous parlons de ce
6 qu'on appelle ici, dans ce Tribunal, la Règle Celebici à propos des
7 circonstances indirectes. Nous en avons fait état dans notre mémoire à la
8 page 28, et je peux résumer cela très brièvement en disant que dans
9 l'affaire Celebici, Delalic et dans d'autres affaires, le paragraphe 458 de
10 l'arrêt permet d'adopter une règle. La Chambre d'appel a adopté une règle
11 lorsqu'une affaire est tributaire de circonstances indirectes. S'il y a une
12 explication qui est conforme avec l'innocence que l'on peut trouver dans
13 l'intégralité des moyens de preuve qui ont été présentés. Une Chambre de
14 première instance doit adopter cette explication en faveur de l'accusé
15 plutôt que d'adopter l'explication qui tend vers la culpabilité.
16 Je crois comprendre que l'Accusation ne réfute absolument pas que
17 cela représente le droit dans leur mémoire. Si je ne m'abuse, ils admettent
18 au paragraphe 1.4 cela, et ils poursuivent en disant que la Chambre d'appel
19 ne doit pas maintenant prendre en considération cette règle. Ils citent,
20 dans les mêmes paragraphes de leur mémoire de clôture, deux décisions;
21 l'une des Etats-Unis et l'autre de la Chambre de Lords en Angleterre. Il
22 s'agit d'affaires qui, d'après ce qu'ils disent, ont modifié la règle
23 relative aux circonstances indirectes.
24 J'aimerais attirer votre attention sur notre réponse que l'on trouve
25 dans notre mémoire d'appel aux paragraphes 2 à 9. Parce que nous avons
26 étudié de façon détaillée ces affaires, nous avons d'ailleurs fourni à la
27 Chambre d'appel l'affaire présentée devant la Chambre de Lords; cela n'a
28 pas été donné, d'ailleurs, à l'Accusation. Mais si vous prenez en
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1 considération cette décision, vous voyez quelle est l'orientation qui est
2 indiquée à un jury dans un système de "common law" ou lorsqu'il y a
3 présence d'un jury lors d'un procès. Il ne s'agit pas de l'approbation de
4 la règle. Il est tout simplement dit que lorsqu'il y a présence d'un jury,
5 il faut indiquer au jury ou donner au jury une orientation, lorsque
6 l'affaire se fonde sur des circonstances indirectes.
7 Très manifestement, au sein de ce Tribunal, ce n'est pas une
8 considération qui est valable, et si vous prenez les différentes affaires
9 en question, vous verrez que cette règle se porte très bien et est
10 utilisée. D'un point de vue logique, il s'agit tout simplement d'une autre
11 manière d'exprimer la charge de la preuve fondamentale, le critère
12 d'examen, le critère de la preuve qui ne doit pas bien entendu représenter
13 un litige. En d'autres termes, l'Accusation doit approuver au-delà de tout
14 doute raisonnable la culpabilité de l'accusé. C'est une nouvelle façon de
15 le dire, tout simplement.
16 Ce qui est important dans notre affaire et dans l'affaire contre le
17 Dr Simic, c'est qu'il ne faut pas oublier le critère de la mens rea de
18 l'intention requise, parce que la Chambre de première instance aurait dû se
19 poser cette question et aurait dû poser également la question. La Chambre
20 de première instance admet au paragraphe 987 du jugement qu'il s'agit d'une
21 affaire avec des preuves indirectes, et ils s'expriment par rapport à la
22 règle de Celibici, ils en sont conscients. Dans le jugement, ils disent :
23 "Effectivement, oui, nous reconnaissons cette règle et nous la suivrons."
24 Nous aimerions avancer que bien que la Chambre de première instance a
25 tout à fait le droit d'accepter de reconnaître cette règle, elle ne la suit
26 pas véritablement, parce que les moyens de preuve ont montré de façon très,
27 très, claire qu'il y a une explication tout à fait raisonnable pour
28 expliquer les événements, et ce, conformément à l'innocence de l'accusé. Je
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1 pense que cela suit certainement - lorsque l'on pense par exemple à tout
2 élément de l'entreprise criminelle commune, cela suit le jugement du Juge
3 Lindholm qui a fourni des explications en disant quelle était la situation
4 politique qui prévalait à Bosanski Samac. Les gens ont réagi très mal vis-
5 à-vis de cette situation, mais il n'y avait pas de plan conçu
6 préalablement. Le Juge Lindholm nous donne un fondement plus que
7 raisonnable, donne à la Chambre de première instance un fondement plus que
8 raisonnable qui leur permettrait d'appliquer et de mettre en vigueur la
9 règle Celebici. Si cette règle était suivie, et je dis que peut-être
10 conformément à cette règle, le Dr Simic n'aurait pas été déclaré coupable
11 suivant certains modes de responsabilité, il aurait peut-être été déclaré
12 coupable suivant certains modes de responsabilité, mais non pas au titre de
13 l'entreprise criminelle commune.
14 Je pense que je vous ai présenté mes explications à propos de ce mode
15 de responsabilité. Je suis entièrement à votre disposition si vous avez
16 d'autres questions, et si vous n'en avez pas, la parole peut être donnée à
17 l'Accusation.
18 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] M. le Juge Shahabuddeen a une question
19 à poser.
20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Juste afin d'échanger nos idées,
21 Maître Murphy, pour bien m'assurer de vous avoir compris, voilà comment je
22 résume dans mon esprit votre opinion ou votre avis à propos de la règle de
23 Celebici. Il est proposé que les moyens de preuve puissent être considérés
24 comme étant conformes avec une explication relative à l'innocence. Cette
25 proposition n'est pas véritablement une règle indépendante ou une règle
26 supplémentaire. Il ne s'agit que d'une explication dans certaines
27 circonstances de ce que l'Accusation doit prouver au-delà de tout doute
28 raisonnable.
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1 M. MURPHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. La Chambre Lord dans
2 l'affaire McGreevy a expliqué de cette façon parce que s'il y a des moyens
3 qui sont présentés et qui sont tout à fait conformes à l'innocence, on ne
4 peut pas dire que l'Accusation a prouvé ses preuves au-delà de tout doute
5 raisonnable.
6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Dans l'affaire McGreevy.
7 M. MURPHY : [interprétation] Oui, dans l'affaire McGreevy. Parce que nous
8 avons d'ailleurs mis en annexe de notre mémoire le texte de cette affaire,
9 et les deux sont liées l'un à l'autre.
10 Je vous remercie.
11 M. LE JUGE GUNEY : Merci, surtout pour la brièveté qui nous permet
12 d'accorder la parole à l'Accusation avant le temps qui a été prévu.
13 Maître Kremer, vous avez la parole. Vous pouvez procéder jusqu'à midi 55,
14 donc vous avez 45 minutes pour procéder. Merci.
15 M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
16 Maintenant que j'ai le pupitre, je peux informer la Chambre d'appel que M.
17 Wirth répondra et présentera des arguments à propos des questions 1 à 3,
18 conformément à l'ordonnance portée au calendrier. Mme Goy et moi-même
19 allons répondre aux questions 4 à 6. Mme Goy va traiter des questions
20 relatives au manquement moral d'agir ou à l'argument relatif à l'omission
21 que Me Murphy a présenté après la pause, et je vais essentiellement
22 m'attacher aux moyens d'appel relatifs à la complicité et à la peine à la
23 fin de nos interventions. Je ne pense pas que nous allons utiliser tout le
24 temps qui nous a été imparti et nous allons essayer d'être aussi concis et
25 précis que possible.
26 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci, Maître Kremer.
27 Maître Wirth, vous avez la parole.
28 M. WIRTH : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les Juges.
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1 Bonjour. Je souhaiterais parler des arguments qui ont été avancés pour la
2 doctrine du dessein commun ou de l'entreprise criminelle commune. Tel que
3 l'a indiqué M. Kremer, je vais dans un premier temps aborder les trois
4 premières questions qui nous ont été posées ainsi qu'à la Défense.
5 Mais avant d'aborder les détails, je souhaiterais résumer nos
6 réponses à ces questions. Pour répondre à la première question, je dirais
7 qu'un acte d'accusation attaché peut-être couvert à tout point pendant le
8 procès, tant que l'attitude ou la capacité de l'accusé à se défendre n'est
9 pas lésée. S'il y a information tardive, si l'accusé informe la Chambre de
10 première instance du préjudice imminent et que la Chambre de première
11 instance prévoit un report, cette information reçue tardivement peut encore
12 être examinée à temps, en ce sens que cela ne cause pas un préjudice à la
13 Défense.
14 La deuxième question consiste à savoir comment ces deux points de vue
15 peuvent être réconciliés. Le point de vue de l'Accusation suivant lequel le
16 troisième acte d'accusation amendé a énoncé tous les éléments essentiels et
17 la constatation de la Chambre de première instance suivant lesquels les
18 amendements postérieurs au troisième acte d'accusation amendé ont tout
19 simplement permis d'harmoniser le libellé de l'acte d'accusation. Pour
20 répondre brièvement, je dirais que ces deux arguments peuvent être
21 réconciliés parce que le troisième acte d'accusation modifié a été admis en
22 mai 2001 et le quatrième acte d'accusation modifié, qui se contentait
23 simplement d'harmoniser le libellé du troisième acte d'accusation modifié,
24 a été dressé et présenté par la suite en décembre 2001.
25 La réponse à la troisième question est que le terme agissant de
26 concert en combinaison avec les termes dessein commun représente un libellé
27 classique pour parler de l'entreprise criminelle commune.
28 Je vais maintenant parler de ces questions de façon détaillée. Je
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1 commencerai par la deuxième question puisque je pense qu'il y a un
2 potentiel de malentendus, et j'aborderai également la troisième question,
3 la question de l'information. Ce sera l'essentiel de mon argumentation. Je
4 répondrai ensuite à la première question portant sur la façon de purger ou
5 couvrir les actes d'accusation.
6 Je dirais que je vais utiliser une présentation Powerpoint; il s'agit
7 de la chronologie des événements, et la Défense a reçu cela il y a quelques
8 semaines.
9 M. LE JUGE GUNEY : [hors micro]
10 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.
11 M. WIRTH : [interprétation] Je souhaiterais juste dire que je n'ai pas
12 entendu l'interprétation française. J'ai compris ce que vous avez dit, mais
13 je n'ai pas entendu l'interprétation.
14 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci.
15 M. WIRTH : [interprétation] Je vais commencer donc par répondre à la
16 deuxième question de la Chambre de première instance et je vais essayer de
17 préciser la relation, les liens entre les deux documents qui sont
18 importants pour cette affaire, à savoir, la décision de la Chambre de
19 première instance à propos du troisième acte d'accusation modifié et le
20 quatrième acte d'accusation modifié.
21 Vous pouvez voir maintenant les différents dépôts et la chronologie
22 des dépôts de ces différents documents sur vos écrans. Il semblerait que
23 l'image soit très floue. Je ne sais pas si nous pouvons trouver une
24 solution à ce problème. Merci.
25 Vous voyez donc affichés à vos écrans les deux dépôts de ces
26 documents. Alors votre question portait sur la façon de réconcilier ces
27 deux points de vue, donc vous avez le troisième acte d'accusation modifié
28 qui énonce tous les éléments essentiels requis pour inculpation
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1 d'entreprise criminelle commune ainsi que la conclusion de la Chambre de
2 première instance, en vertu de laquelle les modifications apportées au
3 troisième acte d'accusation amendé qui a donné le quatrième acte
4 d'accusation amendé ne se limitaient tout simplement à une harmonisation du
5 libellé de l'acte d'accusation. La chronologie que vous voyez apparaître à
6 vos écrans vous montre que l'autorisation aux fins de déposer le troisième
7 acte d'accusation amendé a été accordée le 15 mai 2001, quelque quatre mois
8 après le début du procès. L'autorisation afin de déposer le quatrième acte
9 d'accusation modifié a été octroyée en décembre 2001, donc après le début
10 du procès.
11 Il est important en l'espèce, comme le dit d'ailleurs la Chambre de
12 première instance à juste titre dans son paragraphe 154 "Les mots 'agissant
13 de concert' ont été ajoutés au troisième acte d'accusation modifié." Cela
14 se passait donc en mai 2001.
15 L'aspect le plus fondamental de la décision du mois de décembre 2001
16 a été d'autoriser le Procureur à insérer les termes "agissant de concert"
17 qui se trouvaient dans le paragraphe 13 du troisième acte d'accusation
18 modifié, dans d'autres paragraphes de l'acte d'accusation qui avaient déjà
19 assimilé la phrase par référence au paragraphe 13. Etant donné que
20 l'amendement pertinent se bornait seulement à inclure de façon explicite
21 les mots "agissant de concert" dans des endroits où la phrase était déjà
22 incluse par référence, la Chambre de première instance a indiqué à juste
23 titre que les amendements ou modifications qui avaient été accordées au
24 quatrième acte d'accusation modifié se limitaient simplement à une
25 harmonisation du libellé du troisième acte d'accusation modifié.
26 De ce fait, le point de vue suivant lequel le troisième acte
27 d'accusation énonce de façon précise tous les éléments essentiels et que
28 l'amendement n'est qu'une simple harmonisation du libellé du troisième acte
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1 d'accusation, ces deux positions sont réconciliées.
2 J'aimerais maintenant, en fait -- ou finalement, avant de faire ceci,
3 je dirais qu'étant donné que le quatrième acte d'accusation modifié n'a
4 fait qu'harmoniser le libellé du troisième acte d'accusation modifié,
5 l'Accusation ne dépend pas ou n'est pas tributaire de ce quatrième acte
6 d'accusation modifié pour les informations.
7 Maintenant, je vais vous parler de la troisième question qui porte donc sur
8 les mots "agissant de concert" désignant suffisamment averti M. Simic qu'il
9 était donc accusé du but commun et au terme de l'entreprise criminelle
10 commune. Je vais donc traiter cette question de façon plus large pour ce
11 qui concerne l'information.
12 Donc, M. Simic a soulevé un seul point. Il déclare que l'Accusation aurait
13 dû utiliser les mots JCE, donc entreprise criminelle commune, et il
14 considère aujourd'hui que ce qui a été présenté, cette position a été
15 légèrement requalifiée, la position de l'Accusation qui est dans le
16 paragraphe 2.7 à 2.9 de la réponse de l'Accusation, et que donc le concept
17 du but commun, du dessein commun ou de l'entreprise criminelle commune
18 peuvent être exprimés comme d'autres mots agissant de concert. Les deux
19 termes sont contenus dans le troisième acte d'accusation amendé de mai
20 2001. Chaque terme était suffisant pour avertir M. Simic des charges qui
21 pesaient contre lui. Les deux termes ensembles ne laissent aucun cas de
22 doute.
23 Avec l'aide maintenant d'une chronologie, je vais vous expliquer tout
24 d'abord que Simic a été averti à temps qu'il était accusé d'une
25 responsabilité d'une entreprise criminelle commune et du but commun qu'il a
26 eu quatre mois pour se préparer avant le début du procès, et que dès le
27 départ quand on a vu son comportement, on a vu qu'il savait très bien qu'il
28 était accusé de cette vérité au titre d'une entreprise criminelle commune
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1 ou du but commun.
2 Nous passons maintenant au troisième acte d'accusation modifié. Tout
3 d'abord, je vais traiter des mots "but dessein commun," et "agissant de
4 concert." Ensuite, je traiterai deux arguments supplémentaires de Simic en
5 ce concerne l'acte d'accusation.
6 Tout d'abord, le troisième acte d'accusation modifié, au paragraphe 40,
7 accusait Simic d'avoir commis, et cetera, d'une campagne de persécutions
8 dans le dessein commun d'éliminer Bosanski Samac et Odzak de tous les non-
9 Serbes. Ces termes de dessein commun peuvent être appelés des termes
10 classiques pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune. Ils ont été
11 utilisés dans plusieurs décisions avant et pendant le procès Simic. Tout
12 d'abord, dans l'arrêt Tadic, la Chambre d'appel a utilisé ces mots-là aux
13 paragraphes 193, 195, 222, et 229.
14 Ensuite, dans la décision de la Chambre de première instance dans
15 Brdjanin, le 26 juin 2001, au paragraphe 24, il est expressément déclaré
16 que le terme but dessein commun est synonyme avec entreprise criminelle
17 commune. Lors de la décision de la Chambre d'appel dans Ojdanic du 21 mai
18 2003, aux paragraphes 35, 36, cette Chambre a déclaré que le terme
19 entreprise criminelle commune est préféré, mais se réfère à la même mode de
20 responsabilité que ce qui est connu comme étant la doctrine de dessein
21 commun ou la responsabilité des desseins communs.
22 Dans le jurisprudence et dans toutes les jurisprudences auxquelles il est
23 fait allusion dans la note de pied de page 26 de notre réponse, il est
24 évident que le terme dessein commun, qui est dans le troisième acte
25 d'accusation amendé suffit à clarifier les accusations portées contre M.
26 Simic.
27 Néanmoins, le troisième amendement n'utilise pas uniquement le terme
28 "but commun," "dessein commun," mais ceci est la phrase "agissant de
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1 concert."
2 Tout comme on voit -- tout comme le terme "dessein commun," le terme
3 "agissant de concert," a été utilisé comme synonyme avec l'entreprise
4 criminelle commune, comme s'est établi dans le paragraphe 2.8 de la mémoire
5 en réponse de l'Accusation, l'arrêt Krnojelac, au paragraphe 84 déclare, et
6 je cite : "La Chambre de première instance interprète le mot en concert
7 comme signifiant agir sur la base d'une entreprise criminelle commune." Au
8 paragraphe 17 de sa réplique, Simic essaie de faire une différence avec
9 Krnojelac. Il considère qu'agissant de concert ne peut utiliser que de 20
10 chefs de Krnojelac, ce qui avait été compris comme étant entreprise
11 criminelle commune, parce que le terme d'entreprise criminelle commune
12 avait été utilisé avec un autre chef du même acte d'accusation.
13 Cet essai de faire une différence avec Krnojelac ne peut être
14 couronné de succès parce que la même logique pourrait s'appliquer dans
15 l'espèce. Le terme "agissant de concert" doit être compris comme comprenant
16 dessein commun responsabilité -- on dit un dessein commun parce que le
17 terme dessein commun est utilisé dans le même acte d'accusation et au même
18 chef, d'ailleurs.
19 Le troisième acte d'accusation modifié utilisant les termes dessein commun
20 et agissant de concert sont des termes qui sont acceptés par la
21 jurisprudence du Tribunal comme étant synonyme avec la responsabilité au
22 titre de l'entreprise criminelle commune.
23 Maintenant, je vais parler des deux autres points soulevés par Simic pour
24 ce qui est du troisième acte d'accusation modifié.
25 Simic considère que dans sa réponse 98 bis du 27 septembre 2002,
26 c'est la première fois qu'il a entendu les mots entreprise criminelle
27 commune. Jusqu'à présent, il pensait n'être accusé que de complicité. Ce
28 n'est pas convaincant.
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1 Parce que les termes agissant de concert et dessein commun ne peuvent
2 être compris comme limitant l'acte d'accusation à la complicité. Agissant
3 de concert et dessein commun ne sont pas des libellés utilisés dans notre
4 jurisprudence pour la complicité. C'est un langage qui est utilisé
5 uniquement pour le dessein commun ou pour les accusations de l'entreprise
6 criminelle commune.
7 Deuxièmement, le fait que Simic déclare qu'il -- à ce qu'il pensait être
8 accusé, en fait, c'est un peu une cible mouvante. Puisqu'il dit maintenant
9 qu'il considère qu'il était accusé de complicité. Or, dans sa réponse de 98
10 bis en 2002, il a déclaré autres choses en disant que les charges étaient
11 trop larges, trop vagues, et l'Accusation, d'ailleurs, a répondu à cette
12 position dans sa réponse, dans son mémoire en réponse, au paragraphe 2.53.
13 Deuxième point, Simic considère la forme de l'acte d'accusation modifié au
14 paragraphe 15 de sa réponse. La base de sa demande, comme cela a été
15 soulevé par mes collègues, c'est que l'Accusation, quand elle a soumis ce
16 troisième acte d'accusation modifié à la Chambre, n'a pas informé la
17 Chambre de première instance que les mots agissant de concert et dessein
18 commun avaient été ajoutés à l'acte d'accusation. L'Accusation a déclaré de
19 façon incorrecte que les seules modifications à l'acte d'accusation étaient
20 que l'on avait ôté certains chefs et que l'on avait ôté la responsabilité
21 de Blagoje Simic, au titre de l'article 7(3). Comme la Chambre de première
22 instance l'a noté au paragraphe 151 du jugement, elle a autorisé le dépôt
23 du troisième acte d'accusation modifié sur la base que les amendements ne
24 portent uniquement que sur l'élimination de certains chefs et l'élimination
25 de certains actes d'accusation. Sur cette base, Simic déclare que la forme
26 du troisième acte d'accusation modifié doit être regardée avec scepticisme.
27 Or, l'Accusation s'oppose à cette thèse, et ce, pour trois raisons.
28 Tout d'abord, à savoir, si la forme du troisième acte d'accusation modifié
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1 est sujette à un doute, il n'est pas important puisqu'il l'avertit quand
2 même des contenus et Simic est d'accord avec cela.
3 Deuxièmement, Simic avait amplement d'occasions de contester la forme de
4 cet acte d'accusation au cours du procès, mais il a décidé de ne pas le
5 faire. Il ne peut pas maintenant en appel soulever ce point pour la
6 première fois dans son mémoire en réplique.
7 Troisièmement, Simic ne peut pas et ne saurait en aucune façon déclarer que
8 la Chambre de première instance, si elle avait été bien informée, n'aurait
9 pas autorisé à déposer ce troisième amendement modifié. Au paragraphe 151
10 du jugement, on voit bien que la Chambre de première instance ait été mise
11 au courant des circonstances entourant l'acceptation de ce troisième acte
12 d'accusation, mais n'a jamais décidé et considéré qu'il fallait prendre la
13 moindre action à ce propos.
14 Ensuite, mes collègues de la Défense se sont demandés quel était l'acte
15 d'accusation qui était celui qui était enregistré. Ils ont montré
16 d'ailleurs que la version qui est sur le site du Tribunal n'est pas la même
17 que la troisième version amendée, mais qui est la version que l'Accusation
18 a utilisée. Or, cet acte d'accusation, qui comprend les termes agissant de
19 concert et dessein commun, est la seule version qui figure au dossier.
20 Le troisième acte d'accusation modifié tel qu'il est au dossier au greffe
21 suit immédiatement la demande déposée par l'Accusation du 24 avril. La
22 dernière page se trouve à la page 6851. La première page de ce troisième
23 acte d'accusation modifié se trouve à la page 6050. En fait, l'Accusation
24 utilise uniquement celui qui est au dossier. L'acte d'accusation qui se
25 trouve sur le site du Tribunal n'est pas au dossier et ne peut pas être
26 utilisé comme référence.
27 Autre chose, maintenant. M. Simic déclare qu'il a été surpris quand il a su
28 par de la bouche de l'Accusation qu'il était au sommet de l'entreprise
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1 criminelle commune. Or, nous considérons que cette surprise était tout à
2 fait anormale, étant donné que dans l'acte d'accusation il était accusé
3 d'avoir été à la tête de la cellule de Crise et d'être le responsable civil
4 le plus important de la municipalité. Ceci se trouve dans le paragraphe 1
5 et le paragraphe 15 de l'acte d'accusation amendé, modifié. Ceci est
6 compatible avec les conclusions et l'accusation comme quoi il était à la
7 tête de l'entreprise criminelle commune.
8 Ensuite, pour ce qui est du commentaire de notre confrère de la
9 Défense à propos de la portée de l'entreprise criminelle commune. La
10 position de l'Accusation tout au cours du procès a bien été qu'il y avait
11 une entreprise criminelle commune bien plus vaste qui était basée sur les
12 Variantes A et B. Nous avons affirmé cette position lors de notre
13 réquisitoire. Nous n'avons jamais abandonné et nous avons assuré notre
14 position au cours de tout le procès.
15 Maintenant, le conseil de la Défense a aussi mentionné que l'acte
16 d'accusation doit bien mentionner de façon claire quels éléments ont été
17 exposés. Dans notre mémoire en réponse, paragraphe 210, l'Accusation a bien
18 exposé ces éléments matériels de l'entreprise criminelle commune tels
19 qu'ils ont été exposés dans l'acte d'accusation et la Défense en réplique
20 n'a pas soulevé ce point. Ils n'ont pas dialogué là-dessus.
21 Pour ce qui est maintenant du troisième acte d'accusation modifié,
22 notre conclusion est que le fait que Simic dit qu'il était accusé de
23 complicité, le fait qu'il n'accepte pas la forme du troisième acte
24 d'accusation modifié ne peut pas empêcher le fait que ce troisième acte
25 d'accusation modifié l'a bien averti qu'il était accusé d'un dessein commun
26 ou d'une responsabilité de complicité d'entreprise criminelle commune.
27 Maintenant, je vais parler des points suivants, pour ce qui est
28 surtout du nombre de réactions à M. Simic.
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1 Tout d'abord, pour ce qui est la réponse de l'Accusation à la requête
2 de la Défense qui commence par l'exclusion de tout moyen de preuve portant
3 sur les agissements de Steven Todorovic.
4 Dans son écriture, l'Accusation déclare que l'acte d'accusation
5 accusait Simic d'avoir agit en concert avec d'autres, y compris Todorovic,
6 et donc les agissements d'une personne telle que Todorovic étaient
7 pertinents. Simic n'a pas réagi, ce qui implique que Simic était
8 responsable des agissements de Todorovic sur le fondement d'avoir agi avec
9 lui.
10 Ensuite, décision du 20 décembre 2001, autorisant la déposition du
11 quatrième acte d'accusation modifié. On vient d'en parler d'ailleurs. Dans
12 cette décision, la Chambre de première instance a permis à l'Accusation
13 d'insérer le terme "agissant de concert" pour un certain nombre de
14 paragraphes de l'acte d'accusation après examen, quant à savoir si ces
15 ajouts allaient porter préjudice à l'accusé. Il a été décidé que le terme
16 "agissant en concert" ne pourrait insérer que les paragraphes de l'acte
17 d'accusation où il avait déjà été inclus par référence, et pour ce qui est
18 de tous les autres chefs, l'insertion a été rejetée.
19 La Chambre de première instance a déclaré : "Pour le chef 1,
20 persécutions, la Chambre de première instance note qu'au paragraphe 13 du
21 troisième acte d'accusation modifié, il est écrit les mots "agissant de
22 concert." Il est aussi remarqué qu'au paragraphe 5 à 18, les mots :
23 "commission de crimes de persécution tel que décrite aux paragraphes 13 et
24 14 ci-dessus," sont mentionnés.
25 "Donc, ajouter ces nouveaux mots au paragraphe 15 et 18, ainsi que
26 paragraphe 19," puisque le paragraphe 19 n'est qu'un paragraphe qui résume
27 les autres, "ne peut pas correspondre à un ajout d'une autre forme de
28 responsabilité, mais c'est uniquement un toilettage des autres paragraphes
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1 qui sont compris au titre du chef 1, premier chef."
2 Cette décision clarifiait au moins deux choses. D'abord, le terme
3 "agissant de concert" représente une forme de responsabilité et ce terme
4 est en effet important. Est-ce que c'est clair quand on voit l'attention
5 que la Chambre de première instance a donné pour éviter tout préjudice
6 porté à la Défense en ce qui concerne ce terme. Une fois de plus, je tiens
7 à dire que Simic, là, n'a pas réagi.
8 Pour ce qui est de ce dépôt, une question quant à savoir si la
9 Défense a soulevé une objection en ce qui concerne ce quatrième acte
10 d'accusation modifié, il y a un certain litige, mais cela n'a rien à voir
11 avec les termes "agissant de concert". Le litige portait en revanche sur un
12 chef de destruction et qui avait été inséré dans le quatrième acte
13 d'accusation modifié.
14 Maintenant, je vais parler de la réponse de l'Accusation au titre de
15 l'article 98 bis. Cette réponse a été déposée le
16 27 septembre 2002, et Simic accepte, donc, à partir du moment où cette
17 réponse a été déposée, il a été averti. Selon lui, les mots "entreprise
18 criminelle commune" l'ont bel et bien averti qu'il était accusé d'une
19 entreprise criminelle commune.
20 C'est aussi la date à laquelle il a dû apprendre qu'il avait écouté
21 toute la présentation des moyens à charge sans savoir que ce sont toutes
22 les charges qui pesaient contre lui. Il avait quand même dû savoir à ce
23 moment-là, comme il le dit en appel, d'ailleurs, qu'il avait en fait
24 utilisé des stratégies complètement différentes de la stratégie qu'il
25 aurait appliquée s'il avait su qu'on lui reprochait une responsabilité au
26 titre de l'entreprise criminelle commune. Et le conseil de la Défense a
27 bien déclaré qu'ils étaient au courant de tout cela lors de cette audience.
28 Mais comment ont-ils réagi ? Ils n'ont absolument rien fait. Ils
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1 n'ont pas informé la Chambre de première instance qu'ils avaient passé
2 toute la présentation des moyens à charge à se défendre contre une
3 allégation erronée, n'ont pas demandé que l'on rappelle les témoins à
4 charge. Ils n'ont pas demandé que remède soit porté ou ils n'ont pas
5 demandé non plus de prorogation.
6 Malgré ce qu'il déclare au paragraphe 20, il n'a rien fait; il a
7 continué à se défendre comme si absolument rien ne s'était passé depuis
8 presque neuf mois. A notre avis, ce scénario n'est pas plausible. Le
9 silence de Simic est incompatible avec ce qu'il vient de dire. Sa conduite
10 est comparable à celle d'un accusé qui n'était pas du tout concerné par la
11 réponse 98 bis de l'Accusation, parce qu'il savait déjà qu'il était accusé
12 d'un dessein commun ou d'un responsabilité au titre d'une entreprise
13 criminelle commune.
14 Maintenant, regardons son dernier mémoire, son mémoire en clôture.
15 Qu'a-t-il à dire à propos du préjudice, qu'a-t-il à dire sur son
16 ignorance ? Il dit que : "Le fait de n'avoir pas su qu'il était accusé
17 d'une entreprise criminelle commune l'a empêché de bénéficier d'un procès
18 équitable."
19 Mais, il n'y a aucun détail quant aux préjudices subis. Il n'y a
20 aucune allégation, d'ailleurs. On ne sait pas du tout qu'elle serait la
21 stratégie qu'il aurait employée. Même aujourd'hui, même dans cet appel,
22 mis à part les allégations générales, Simic ne peut pas vraiment dire
23 qu'elles seraient les questions qu'il aurait posées lors du contre-
24 interrogatoire ou comment il aurait modifié sa stratégie, donc vous avez
25 d'ailleurs, Messieurs et Madame les Juges, posé des questions à cet effet
26 ce matin.
27 Donc, Simic ne peut pas détailler les préjudices parce qu'il n'a pas
28 subi de préjudice. Il savait exactement ce que lui était reproché.
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1 Maintenant, je vais passer à la deuxième question qui est de savoir
2 jusqu'à quand on peut porter remède à un acte d'accusation.
3 Il s'agit de votre première question. J'en suis désolé, je me suis
4 trompé. Donc, quant à savoir jusqu'à quel moment on peut remédier à un acte
5 d'accusation vicié.
6 Aux paragraphes 26 et 27 des arrêts Naletilic et Martinovic et dans
7 l'arrêt Blaskic, le paragraphe 242 déclare ce qui suit : "Tout d'abord, en
8 règle générale, un acte d'accusation vicié peut-être corrigé jusqu'au début
9 du procès, et la jurisprudence y a déjà fait référence lors de la
10 déclaration liminaire." Il semble qu'ici, là, il n'y a aucun désaccord
11 fondamental entre la Défense et l'Accusation, suite à ce qui a été dit ce
12 matin par mes confrères de la Défense.
13 Ensuite, le principe général permettant de porter remède à un acte
14 d'accusation est que la Chambre doit avoir été avertie à temps et de façon
15 claire et dans notre position de bien comprendre quelles sont les charges
16 qui sont portées contre lui. En conséquence, l'opportunité de l'information
17 ne peut pas être déterminée de façon abstraite. Cela dépend de l'habilité,
18 de la capacité de la Défense à préparer sa défense.
19 Si l'information est donnée trop tard, la Chambre de première
20 instance peut ajourner les débats afin d'être sûre que l'accusé peut bel et
21 bien se défendre. Etant donné que l'accusé peut demander une interruption,
22 le silence de l'accusé en l'espèce, pour ce qui est de l'interruption des
23 débats doit être interprété comme étant une indication très forte qu'il ne
24 se sentait pas lésé.
25 Maintenant, pour ce qui est de la renonciation, l'Accusation considère dans
26 sa mémoire en réponse que la Défense a renoncé à son droit de soulever le
27 problème de l'acte d'accusation vicié en appel. La Défense a répliqué au
28 paragraphe 20 de son mémoire en réplique que ceci a été soulevé lors du
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1 mémoire déposé en clôture et donc qu'elle n'a pas renoncé à ce droit. Au
2 paragraphe 62 de l'arrêt Kunarac, donc dans un cas comparable, il a été
3 énoncé ce qui suit : "En l'espèce, les appelants ont soulevé la question de
4 l'existence d'un conflit armé dans les municipalités de Gacko et de
5 Kalinovik pour la première fois lors de leur mémoire déposé en clôture,
6 sans étayer leurs arguments, empêchant l'Accusation de poursuivre et de
7 résoudre ce problème. La Chambre d'appel considère que ceci est
8 inacceptable. Comme l'appelant semble le suggérer, le problème était si
9 important en l'espèce que les appelants auraient dû le soulever bien avant
10 afin d'en avertir le Procureur et pour que cette personne ait le temps de
11 résoudre le problème de façon correcte."
12 Pour ce qui est maintenant du jugement Kayishema et Ruzindana, au
13 paragraphe 64, il est écrit : "Là où des problèmes de d'insatisfaction ont
14 été soulevés, la Chambre de première instance aurait dû être saisie de ces
15 problèmes d'une manière opportune et à un moment opportun."
16 Donc en l'espèce, le problème ici est que tout ce qui porte sur le
17 manque de temps pour l'information est de savoir si --
18 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Le Juge Shahabuddeen a une question.
19 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien
20 compris ? Est-ce que selon vous, quand vous écoutez la Défense, vous avez
21 l'impression que la Défense nous dit deux choses, à savoir qu'elle s'est
22 opposée au fait que l'acte d'accusation ou que l'Accusation se fonde sur la
23 théorie de l'entreprise criminelle commune, et deuxièmement, la Défense a
24 demandé un ajournement de la procédure. Est-ce que d'autre part, la
25 position de l'Accusation est telle que vous rejetez ces deux choses, que
26 vous affirmez que cela n'est pas vrai, que la Défense n'a pas présenté
27 d'objection et qu'elle n'a pas demandé un ajournement ?
28 M. WIRTH : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Juge. Effectivement,
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1 c'est notre position. La Défense a effectivement mentionné une demande
2 d'ajournement. Nous avons précisé la chose et nous nous sommes renseignés,
3 et cet ajournement auquel il a été fait référence a fait l'objet d'une
4 demande qui a été déposée en décembre 2001, c'est-à-dire bien avant la
5 présentation de nos arguments en vertu de l'article 98 bis.
6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.
7 M. LE JUGE GUNEY : Maître Wirth, vous avez terminé votre soumission ?
8 M. WIRTH : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE GUNEY : L'Accusation a encore jusqu'à midi 55, donc 25 minutes
10 de plus à utiliser.
11 Maître Goy, vous avez la parole.
12 Mme GOY : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président, Madame,
13 Messieurs les Juges. Me Murphy a évoqué ces quatrième et cinquième moyens
14 d'appel qui ont trait aux modes de responsabilité et à la manière qu'ils
15 ont été appliqués par la Chambre de première instance. En conséquence, je
16 vais répondre à ces quatrième et cinquième moyens d'appel, et M. Kremer,
17 lui, traitera des moyens d'appel 4 à 6, ou plutôt des questions 4 à 6.
18 L'essence même du quatrième moyen d'appel de l'appelant, c'est qu'il
19 affirme qu'il a été déclaré coupable à cause de ces omissions, bien que les
20 faits qui ont été constatés par la Chambre de première instance n'aillent
21 pas de le sens d'une responsabilité pour omission au titre de l'article
22 7(1) du Statut. C'est donc la situation suivante qui s'offre à vous.
23 L'appelant a mal compris le jugement de première instance puisqu'il a été
24 convaincu pour une contribution active à l'entreprise criminelle commune.
25 C'est seulement dans l'alternative qu'on peut considérer que la Chambre de
26 première instance a fondé sa contribution à l'entreprise criminelle commune
27 sur des actes et sur des omissions. C'est la seule alternative possible.
28 Même dans ce cas-là, la Chambre de première instance n'a pas commis
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1 d'erreur de droit.
2 L'essence du cinquième moyen d'appel de l'appelant se fonde sur une
3 erreur de fait selon laquelle aucun Juge des faits raisonnables n'aurait pu
4 en arriver à la conclusion que Simic avait contribué à une entreprise
5 criminelle commune. Nous répondons à ceci, que les constations de la
6 Chambre de première instance, les conclusions sont plus que raisonnables,
7 vu les éléments de preuve qui lui étaient présentés.
8 Je vais traiter des quatrième et cinquième moyens d'appel ensemble, afin de
9 vous montrer que la Chambre de première instance a fait reposer la
10 déclaration de culpabilité prononcée contre Simic sur un comportement actif
11 et que cette conclusion est des plus raisonnables sur la base des éléments
12 de preuve présentés. Ensuite, je traiterai de notre argument subsidiaire,
13 si on part du principe que la Chambre de première instance a fondé la
14 contribution Simic à une entreprise criminelle commune, aussi bien sur un
15 comportement actif que sur des omissions.
16 Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire en réponse, paragraphes
17 4.15 à 4.54, la Chambre de première instance a fait reposer ses conclusions
18 quant à la contribution de Simic sur un comportement actif. Nous avons dans
19 ce sens une conclusion qui se trouve au paragraphe 991 du jugement.
20 Paragraphe 991, je vais me permettre de vous demander de vous y référer.
21 Dans la deuxième phrase, la Chambre de première instance : "Le
22 dessein commun qui est à l'origine de ces persécutions n'auraient pu être
23 mené à bien sans l'action concertée de la police, des paramilitaires du 17e
24 Groupe tactique de la JNA de la cellule de Crise."
25 La Chambre de première instance a conclu à la contribution active de
26 Simic dans la préparation des actes de persécution pour recréer le cadre de
27 l'entreprise criminelle commune, ainsi que pour ce qui est de tous les
28 actes constitutifs de persécution, arrestations illégales, détention
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1 illégale, traitements cruels, inhumains, travaux forcés, expulsion et
2 transfert forcés.
3 Aux paragraphes 991 et 992, on trouve les conclusions générales de la
4 Chambre au sujet du rôle de la cellule de Crise et en particulier au sujet
5 du rôle de Simic en tant que président dans ce plan conjoint qui avait pour
6 objectif de persécuter les non-Serbes dans la municipalité de Bosanski
7 Samac. Ensuite, au paragraphe 994 et aux paragraphes qui suivent, la
8 Chambre de première instance se penche sur sa contribution aux actes de
9 persécution, aux actes constitutifs de persécution précis.
10 C'est dire que dans les paragraphes généraux, dans les paragraphes
11 991 et 992, la Chambre de première instance a conclu, s'agissant de la
12 cellule de Crise, que la cellule de Crise était responsable de la
13 coordination de l'administration de la municipalité avec la police civile.
14 Paragraphe 991 : La cellule de Crise a mis en œuvre des ordres et des
15 décisions pendant toute cette période et dans les décisions qui allaient
16 dans le sens du système de persécutions des non-Serbes qui appuyaient le
17 fonctionnement de ce système. Paragraphe 991 : Les décisions et les ordres
18 de la cellule de Crise ont permis la mise en place d'un système politique
19 et social dans lequel les autres participants à l'entreprise criminelle
20 commune ont travaillé, dont ils ont profité. Paragraphe 992 : Enfin, la
21 cellule de Crise a soutenu les autres membres de l'entreprise criminelle
22 commune. Au paragraphe 992, il est indiqué qu'en tant que président de la
23 cellule de Crise, M. Simic était au sommet de l'entreprise criminelle
24 commune au niveau municipal, paragraphe 992, et que son rôle et son
25 autorité se sont révélés pour la mise en œuvre du plan commun de
26 persécutions, paragraphe 992.
27 Dans notre mémoire, nous nous sommes attachés à énumérer les actes
28 individuels de Simic et également en tant que chef de la cellule de Crise.
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1 C'est la raison pour laquelle je vais me pencher sur la question qui est de
2 savoir pourquoi son rôle et l'autorité qu'il avait en tant que chef de la
3 cellule de Crise et de la présidence de Guerre se sont révélés essentiels
4 pour la mise en œuvre de ce plan commun.
5 Au cours de mon intervention, je vais vous renvoyer un certain nombre de
6 conclusions et de constatations qui fondent tout ce qui a été conclu sur
7 son rôle et sur son autorité dans la mise en œuvre de ce plan commun.
8 M. LE JUGE GUNEY : Auriez-vous la bonté de vous ralentir un peu, parce que
9 la cabine française a des difficultés à vous suivre dans votre vitesse et
10 pour nous permettre également l'opportunité de faire l'association des
11 idées ? Donc, avec une vitesse un peu plus ralentie, s'il vous plaît.
12 Merci.
13 Mme GOY : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. Je vais essayer
14 d'aller plus lentement.
15 Bien, je ne vais pas vous indiquer les paragraphes correspondants dans le
16 jugement ni les numéros des pièces à conviction, parce que nous les avons
17 mentionnés dans notre mémoire en réponse, mais la cellule de Crise, la
18 présidence de Guerre, c'étaient les autorités civiles, les suprêmes, et ils
19 participaient à tous les aspects de la vie à Bosanski Samac, si bien qu'il
20 n'aurait pu y avoir de campagnes de persécutions sans participation de la
21 cellule de Crise et sans Blagoje Simic en tant que président de cette
22 cellule. Son rôle a été essentiel, surtout si on le replace dans le
23 contexte suivant, à savoir qu'il a participé à tout cela avant, pendant et
24 après la prise de contrôle par la force de la ville, qui a été un événement
25 essentiel dans ce plan commun qui avait pour objectif de persécuter les
26 non-Serbes.
27 Simic a parlé de l'arrivée des unités paramilitaires en préparation à
28 la prise de contrôle de la ville le 12 avril. Donc, il en a discuté. Simic
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1 a annoncé dès le 13 avril, lors d'une réunion, que si les autres
2 communautés ethniques n'acceptaient pas une division de la municipalité le
3 long de lignes ethniques, les Serbes auraient recours à la force.
4 Simic a participé à la réunion du 15, réunion au cours de laquelle la
5 cellule de Crise a été mise en place dans la perspective de la prise de
6 contrôle. Simic était présent au matin du 17, à Crkvina, au moment où les
7 forces paramilitaires s'étaient réunies avant le contrôle de la ville.
8 Simic a téléphoné au lieutenant-colonel Nikolic aux petites heures du 17
9 avril afin de l'informer que la cellule de Crise de la municipalité avait
10 été mise en place et qu'avec l'assistance des unités paramilitaires et de
11 la police, la cellule de Crise s'était emparée des installations les plus
12 importantes en ville afin de s'emparer du pouvoir à Bosanski Samac.
13 Simic a participé à la prise de contrôle et à la consolidation du
14 pouvoir de la cellule de Crise. Le jour de la prise de pouvoir, Simic a été
15 nommé officiellement chef de la cellule de Crise.
16 La cellule de Crise et Simic ont pris pleinement le contrôle de la
17 municipalité, et ceci, afin de persécuter les non-Serbes. Le 17 encore, la
18 cellule de Crise a ordonné, pièce P77, paragraphe 418 du compte rendu
19 d'audience, elle a donc ordonné que les armes soient rendues, et il était
20 stipulé que tous les membres des formations paramilitaires oustachi et
21 musulmanes devaient rendre leurs armes, et ceux qui se refuseraient à obéir
22 à cet ordre seraient désarmés par la force et seraient placés en détention
23 au poste de sécurité publique.
24 La Chambre de première instance a conclu, au paragraphe 451 et paragraphe
25 454 du jugement, que des membres de la JNA, les unités paramilitaires et la
26 police ont ensemble récupéré des armes à Bosanski Samac, des armes qu'ils
27 ont prises pour l'essentiel à des Musulmans et à des Croates, tous civils.
28 Le contrôle exercé sur la municipalité, il se manifeste par exemple dans un
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1 ordre du poste de sécurité publique du 17 avril 1992 encore, qui interdit
2 toute entrée et sortie sans avoir obtenu auparavant le consentement de la
3 police. Ceci se trouve à la pièce P36 à laquelle il est fait référence au
4 paragraphe 474 du jugement. Il fallait donc, pour ce faire, obtenir
5 l'autorisation préalable de la cellule de Crise municipale.
6 Le 19 avril 1992, la cellule de Crise et Simic ont continué à concentrer
7 entre leurs mains le pouvoir dans la municipalité. La cellule de Crise a
8 délivré une décision relative à la mise en place de l'état d'urgence.
9 Conformément à cet ordre, toutes les institutions de Bosanski Samac
10 devaient cesser de fonctionner, et c'était la cellule de Crise qui devait
11 les remplacer.
12 En conséquence, la Chambre de première instance a conclu à juste titre, au
13 paragraphe 390 du jugement, qu'en occupant la position de l'assemblée
14 municipale, la cellule de Crise disposait de toute l'autorité pour
15 gouverner la municipalité de Bosanski Samac et était donc l'autorité civile
16 suprême dans la municipalité.
17 Une fois que la cellule de Crise s'est emparée du pouvoir et a obtenu
18 toute l'autorité dans la ville, elle a continué à consolider ce pouvoir. On
19 le voit par exemple dans une décision du 21 mai 1992 au sujet de la
20 dissolution des cellules de Crise des communes locales, pièce P106. On le
21 voit également dans la nomination de représentants de la cellule de Crise
22 municipale au sein des communes locales, pièce P107.
23 On peut également se rendre compte de la portée du contrôle exercé
24 dans la décision de la cellule de Crise du 21 mai et qui porte sur
25 l'interdiction générale de quitter le territoire. Si l'on en croit la pièce
26 P90, ceci a été envoyé à tous les postes de sécurité publique ainsi qu'au
27 commandement militaire. Ceci souligne l'existence d'une coopération.
28 La participation de la cellule de Crise et de Simic en tant que
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1 président était nécessaire pour la campagne de persécution, puisque la
2 cellule de Crise contrôlait tout ce qui se passe à Bonsoski Samac, tous les
3 aspects de la vie dans cette ville. Parce que d'après les instructions
4 relatives au travail de la cellule de Crise municipale, pièce P128, la
5 cellule de Crise était responsable de tous les aspects de la vie et du
6 travail dans la municipalité. Cela recouvrait par exemple les
7 installations, l'approvisionnement en vivres, en fournitures médicales, et
8 cetera.
9 Tous les membres civils importants de la ville Bosanski Samac
10 faisaient partie de la cellule de Crise, et d'après les instructions
11 relatives au fonctionnement des cellules de Crise municipales que je viens
12 de mentionner, les membres de la cellule de Crise comportait le président
13 Simic, l'adjoint du président, le commandant de la TO, le président du
14 comité exécutif, le chef de la police, Todorovic, la police ayant participé
15 aux arrestations, au fonctionnement des centres de Détention dans lesquels
16 ont eu lieu des traitements cruels et inhumains, et les autres membres
17 étaient responsables de tout ce qui avait trait à l'économie, aux droits
18 humanitaires, à l'information, et cetera.
19 Il y avait également le chef du département municipal de secrétariat
20 de la Défense nationale qui était responsable de l'administration du
21 programme de travaux forcés. Lui aussi, donc, était membre de la cellule de
22 Crise.
23 Les chefs des instances d'autorité de la ville devaient rendre compte
24 à la cellule de Crise, comme par exemple le conseil exécutif que l'on
25 trouve mentionné au paragraphe 393 du jugement, pièce P112. Il y avait
26 également le chef du département municipal au secrétariat à la Défense
27 nationale qui fournissait des rapports à la cellule de Crise, ainsi
28 d'ailleurs que le chef de la commission civile chargée des échanges.
Page 106
1 Si bien que la cellule de Crise et Simic à sa tête se trouvaient au
2 sommet de la coordination des instances de l'autorité civile, comme on peut
3 le voir dans les instructions de la cellule de Crise municipale. Non
4 seulement il y avait rôle de coordination des autorités civiles, mais il y
5 avait coopération de cette cellule avec les unités paramilitaires et avec
6 la JNA. Le lien avec l'armée qui a également participé aux arrestations,
7 aux détentions et aux traitements cruels et inhumains est manifeste. Il
8 apparaît dans les instructions que j'ai déjà mentionnées au sujet des
9 cellules de Crise municipales, instructions selon lesquelles la cellule de
10 Crise était contrainte de fournir, d'assurer des conditions de vie et de
11 travail nécessaires à la JNA, et donc soutenait les activités de la JNA. La
12 cellule de Crise avait ordonné tout ce qui avait trait à
13 l'approvisionnement aux vivres des soldats et des unités paramilitaires,
14 l'achat des uniformes, et cetera. D'autre part, il y avait contact,
15 coopération avec l'armée, puisque Simic a été en contact avec le colonel
16 Nikolic avant la prise de contrôle de la ville et ils l'ont informé
17 immédiatement après la prise de contrôle. On le trouvera au paragraphe 384
18 989, 446 et 990 du jugement de première instance.
19 Contact et coopération avec les unités paramilitaires qui ont
20 participé aux arrestations et détentions illégales, aux actes de
21 traitements cruels et inhumains. Ceci transparaît dans le fait que Simic a
22 eu son mot à dire dans la mise à pied du colonel Djordjevic et son
23 remplacement par Crni. C'est Simic qui a demandé le retour des unités
24 paramilitaires à Bosnoski Samac en octobre.
25 La coopération avec l'armée, les unités paramilitaires et la police,
26 on la trouve également confirmée dans des documents qui datent de l'époque,
27 tels que par exemple, les 13 documents qui portent sa signature, pièce
28 P127, pièce P115 [comme interprété] et pièce P117 [comme interprété].
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1 Lorsque la cellule de Crise s'est transformée en présidence de
2 Guerre, les choses sont restées en état puisqu'il a simplement s'agit de
3 rebaptiser la cellule de Crise. On le trouve à la pièce P73 qui est
4 mentionnée au paragraphe 391 du jugement.
5 Conformément à l'article 3, je cite : "La Présidence de Guerre
6 fonctionne en temps de guerre en tant qu'organe suprême de l'autorité de la
7 municipalité serbe de Bosanski Samac," et c'est Simic qui en était le
8 président.
9 La cellule de Crise et la présidence de Guerre, dont le président
10 était Simic, auraient également mis en place des institutions destinées à
11 permettre la mise en œuvre du plan commun. La présidence de Guerre a mis en
12 place une commission chargée de l'échange des prisonniers. Simic a été
13 impliqué dans la nomination du chef du département municipal du secrétariat
14 à la Défense nationale. Il s'agissait de l'institution qui avait pour
15 mission de gérer le programme de travaux forcés. La cellule de Crise a mis
16 en place un comité exécutif pour exécuter ces décisions. Le comité exécutif
17 a participé au programme de travaux forcés. La cellule de Crise pouvait
18 également mettre à pied des personnes qui occupaient des postes importants,
19 comme par exemple un chef d'usine, un directeur d'usine. On trouvera ceci
20 prouvé par la pièce P172. Elle a également utilisé son influence pour faire
21 remplacer le colonel Djordjevic par Crni. Toutes ces constatations, toutes
22 ces preuves vont dans le sens de la conclusion de la Chambre de première
23 instance selon laquelle le rôle, l'autorité de Simic ont été absolument
24 essentiels pour la mise en œuvre du plan commun à Bosanski Samac.
25 La mise en place de ce cadre et du soutien aux autres membres de
26 l'entreprise criminelle commune, tout cela aurait été suffisant pour
27 convaincre Simic d'avoir participé à l'entreprise criminelle commune en
28 tant que membre de cette entreprise criminelle commune. Cependant, la
Page 108
1 Chambre de première instance s'est plus spécifiquement intéressée à sa
2 contribution, aux actes de persécution sous-jacents à cette entreprise
3 criminelle commune.
4 S'agissant des arrestations et des détentions illégales, la Chambre
5 de première instance, au paragraphe 994 du jugement, fait référence au rôle
6 qu'a joué Simic pour mettre en place ce cadre que je viens d'évoquer. La
7 Chambre a en effet conclu que Simic était le plus haut responsable civil de
8 la municipalité. Cela se trouve au début du paragraphe 194 du jugement de
9 première instance. Il a notamment consolidé les institutions serbes,
10 coordonné ces institutions. Il a dit qu'il présidait les réunions de la
11 cellule de Crise portant sur les activités des autorités municipales, et
12 lors de ces réunions, le chef de la police Todorovic rendait compte des
13 arrestations et des incarcérations à Bosanski Samac.
14 Simic avait une influence et un pouvoir considérables s'agissant des
15 arrestations et des détentions, et d'autre part, la Chambre de première
16 instance au paragraphe 996 a conclu à très juste titre que la police,
17 l'armée, les unités paramilitaires, la cellule de Crise et la JNA
18 travaillaient ensemble au maintien de ce système d'arrestation et de
19 détention.
20 De même --
21 M. LE JUGE GUNEY : Il nous reste cinq minutes avant la pause prévue à midi
22 55. Veuillez essayer de conclure.
23 Mme GOY : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE GUNEY : Merci.
25 Mme GOY : [interprétation] De même, s'agissant des traitements cruels et
26 inhumains, la Chambre a conclu au paragraphe 1004 que la police, les unités
27 paramilitaires, la JNA ont travaillé de concert.
28 L'impact de ce cadre sur l'infrastructure de la municipalité et le
Page 109
1 maintien de ce système d'arrestation et de détention, on le voit se
2 manifester très clairement dans la déclaration du témoin Vladimir
3 Sarkanovic qui est mentionné au paragraphe 604 du jugement. Il a déclaré
4 que les unités de détention qui se trouvaient à Bosanski Samac auraient
5 seulement pu être mises en place et gérées par les autorités serbes -- avec
6 les autorités serbes, donc, qui contrôlaient Bosanski Samac en
7 collaboration avec Steven Todorovic. La cellule de Crise a fourni ces lieux
8 de détention, et c'est Simic qui était responsable de la libération de
9 prisonniers importants parce qu'il a été, par exemple, contacté au sujet de
10 Sulejman Tihic qui était à la tête du SDA. La Chambre a pu conclure à très
11 juste titre qu'il avait une grande influence, s'agissant des arrestations
12 et des détentions, paragraphe 995 du jugement.
13 Si vous le permettez, je souhaiterais m'interrompre maintenant pour parler
14 de la contribution spécifique ayant trait aux travaux forcés et à
15 l'expulsion, mais je souhaiterais le faire après la pause.
16 M. LE JUGE GUNEY : Les débats reprendront à 14 heures 30 pour la suite de
17 la réponse de l'Accusation pour 1 heure et 25 minutes, et non à 1 heure 45,
18 car vous avez commencé plus tôt que prévu. On doit tenir en ligne de compte
19 de ce fait.
20 Merci. L'audience est suspendue.
21 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 54.
22 --- L'audience est reprise à 14 heures 32.
23 M. LE JUGE GUNEY : L'audience est reprise. [interprétation] L'Accusation va
24 donc poursuivre. Vous avez une heure et demie.
25 Mme GOY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 Avant la pause, j'avais fait référence à des conclusions dans les moyens de
27 preuve à propos du rôle et du pouvoir du Dr Simic pour ce qui est de
28 l'exécution du plan commun, et j'ai également fait référence à la façon
Page 110
1 dont cette contribution a été prise en considération dans le contexte des
2 éléments constitutifs des arrestations et détentions ainsi que traitements
3 cruels et inhumains.
4 Je vais maintenant parler des deux éléments constitutifs, à savoir, les
5 travaux forcés et l'expulsion, ainsi que les transferts forcés.
6 A l'instar des autres éléments constitutifs, la Chambre de première
7 instance a vu comment le fait que cet acte a été fourni a eu un impact sur
8 cet acte ou cet élément constitutif et a pris en considération les
9 agissements individuels de M. Simic. A propos des travaux forcés, Simic a
10 été impliqué du fait de sa participation à la nomination du chef du
11 département municipal responsable de la Défense nationale, l'organe gérant
12 le programme de travaux forcés. Il présentait des rapports à la cellule de
13 Crise. La cellule de Crise a été mentionnée sur les documents relatifs aux
14 obligations de travaux forcés, tel que cela a été présenté par l'entremise
15 du témoignage du Témoin M dont il est question au paragraphe 813. De
16 surcroît, des demandes pour des travailleurs passés par le conseil
17 exécutif, tel que cela a été présenté dans la pièce à conviction D125/1 et
18 par le truchement du témoignage de Bozo Ninkovic dont il est fait référence
19 au paragraphe 812. Le conseil exécutif a été établi par la cellule de Crise
20 tel que je l'ai indiqué un peu plus tôt.
21 La cellule de Crise donnait son autorisation générale lorsque des
22 travailleurs étaient demandés, et à certaines occasions, la cellule de
23 Crise a répondu directement à ces demandes de travailleurs; je pense par
24 exemple à Savo Papovic, membre de la cellule de Crise, qui a demandé que
25 des travaux de réparation soient faits à Odzak. Il s'agit de la déposition
26 de Steven Todorovic, du paragraphe 825 du jugement de la Chambre de
27 première instance.
28 Il en va de même pour l'expulsion et les transferts forcés. La
Page 111
1 cellule de Crise, ou plutôt, la présidence de Guerre, à ce moment-là, a
2 créé la commission d'échange, et Simic ainsi que la cellule de Crise ont
3 également été impliqués dans des expulsions et des transferts forcés tels
4 que celui des détenus serbes à Odzak. Comme la Chambre de première instance
5 l'a établi au paragraphe 1 036, Simic a été informé des négociations par
6 Simo Zaric, la cellule de Crise dirigée par Simic a proposé de participer à
7 cet échange et cette participation est prouvée également par la pièce à
8 conviction P99 à laquelle il y est fait référence au paragraphe 919. Il
9 s'agit d'une lettre traitant de la situation des Serbes à Odzak, ainsi que
10 la pièce à conviction P82. La cellule de Crise dirigée par Simic a, de
11 surcroît, donné l'ordre à Miroslav Tadic, Simo Zaric et Bozo Nikonvic, de
12 compiler des listes de détenus.
13 Je dirais en guise de conclusion que la Chambre de première instance
14 a estimé que Simic a contribué activement et de différentes manières aux
15 éléments constitutifs de la persécution, pour ce qui était de la
16 persécution des non-Serbes à Bosanski Samac. Je pense que sur la base de
17 tous ces moyens de preuve, la conclusion de la Chambre de première instance
18 est plus que raisonnable.
19 Pour ce qui est de la passivité de Simic. Nous indiquons dans un premier
20 temps qu'en ne faisant rien pour entraver l'exécution du plan commun, il a
21 maintenu et préservé un système qui soutenait les autres membres de
22 l'entreprise criminelle commune, ce qui fait qu'il a démontré ou apporté
23 une contribution positive au système. La Chambre de première instance a
24 fait référence à l'omission non pas considérée comme une contribution à
25 l'entreprise criminelle commune, mais comme une preuve du fait que Simic
26 partageait l'intention des autres membres de l'entreprise criminelle
27 commune.
28 Il est évident, d'après ce que nous avançons, et nous le voyons
Page 112
1 d'après la structure du jugement, car j'indique que dans les paragraphes
2 991 et 992, nous trouvons les conclusions générales relatives à cette
3 contribution active. Je pense par exemple au premier élément constitutif de
4 la persécution, à savoir, les arrestations illégales ainsi que les
5 détentions. Dans ce paragraphe 994, la Chambre de première instance fait
6 dans un premier temps référence à ce cadre en mentionnant que Simic a
7 supervisé la réalisation des objectifs de la cellule de Crise, notamment la
8 consolidation des institutions serbes et la coordination des fonctions des
9 autorités, donc il s'agit des actions dont je vous ai parlé. Puis, la
10 Chambre poursuit en disant qu'il avait une autorité et une influence et
11 fait référence aux obligations qu'il avait de faire certaines choses, ce
12 qu'il n'a pas fait.
13 La même structure peut être retrouvée au paragraphe 996. La Chambre
14 de première instance - et cela se trouve au milieu du paragraphe, que la
15 police, les paramilitaires et la JNA ainsi que la cellule de Crise ont
16 œuvré ensemble au maintien de ce système d'arrestation et de détention -
17 puis la Chambre de première instance estime que Simic n'a rien fait pour
18 venir en aide ou libérer les prisonniers.
19 M. LE JUGE GUNEY : M. le Juge Schomburg a une question à poser.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. LE JUGE GUNEY : Excusez-moi, vous pouvez continuer, s'il vous plaît.
22 Mme GOY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 En un mot commençant, nous avançons que lorsque nous avons la
24 structure dans un premier temps, pour ce qui est d'abord des actions et
25 ensuite pour ce qui est du manque d'action, et lorsque nous voyons la
26 conclusion du paragraphe 997, il est indiqué que la seule déduction que
27 l'on peut retirer de ces faits est que Simic partageait l'intention - c'est
28 que nous avançons - et l'omission a été utilisée afin de prouver qu'il y
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1 avait intention partagée. La même structure peut être trouvée pour les
2 éléments constitutifs de la persécution.
3 Par conséquent, nous conclurons que la Chambre de première instance
4 n'a pas commis une erreur de droit ou de fait en se fondant sur la
5 contribution de Simic à l'entreprise criminelle commune pour ce qui est de
6 son comportement actif.
7 J'en ai terminé avec ce point de vue essentiel, et ce n'est qu'à
8 titre subsidiaire que nous avançons que la Chambre de première instance
9 peut être interprétée comme ayant fondé les contributions sur des actes
10 ainsi que sur des omissions, mais seulement en sus de ce qu'a déjà indiqué
11 la Chambre de première instance, en sus de ce comportement que j'ai déjà
12 énoncé, et ce n'est que dans ce cas d'espèce que la Chambre de première
13 instance a pris en considération l'omission. Comme je l'ai déjà indiqué,
14 les actes de contribution en eux-mêmes seraient suffisants pour considérer
15 Simic responsable sur la base d'une entreprise criminelle commune. Par
16 conséquent, lorsqu'il y a une erreur pour ce qui est de l'omission, cela
17 n'a pas d'impact sur la déclaration de culpabilité pour ce qui est de la
18 participation à l'entreprise criminelle commune.
19 Par conséquent, je souhaiterais savoir si vous souhaitez entendre des
20 arguments à propos de l'omission considérée comme contribution à
21 l'entreprise criminelle commune.
22 Je vais peut-être réitérer ce que j'ai dit. Nous avançons que même lorsque
23 nous présentons notre autre argument, l'omission n'a été utilisée qu'en
24 plus du comportement actif. Toute erreur, pour ce qui est de l'omission,
25 n'aurait pas d'impact pour ce qui est de la déclaration de culpabilité pour
26 la contribution à l'entreprise criminelle commune, ce qui fait que nous
27 sommes préparés, tout à fait disposés à présenter des arguments à propos de
28 l'omission, mais il vous appartient en fait de décider de la façon de
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1 procéder.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Nous souhaiterions vous entendre à ce
4 sujet, à condition bien entendu que vous ne dépassiez pas le temps de
5 parole qui vous a été imparti.
6 Mme GOY : [interprétation] Je vais essayer d'être brève, Monsieur le
7 Président.
8 Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, et cela a été confirmé
9 récemment par la Chambre d'appel dans l'appel Kvocka, au paragraphe 187,
10 une contribution à un entreprise criminelle commune peut se fonder sur une
11 conduite active ou sur une omission. Les critères qui sont nécessaires
12 existent dans cette affaire.
13 Simic avait le devoir d'assurer la protection de la population
14 civile. La Chambre de première instance a estimé que la cellule de Crise
15 devait assurer le bien-être, la santé et la sécurité de la population.
16 Entre autres, cela se fondait sur les instructions et le travail de la
17 cellule de Crise municipale.
18 La Défense semble contester le fait qu'un devoir peut se trouver dans le droit
19 interne afin d'établir une responsabilité pénale internationale. Le droit
20 interne,d'après ce que nous avançons, détermine au moins quelle est la personne
21 qui a l'obligation de respecter ce devoir. Cela se trouve par exemple dans le
22 protocole ou le commentaire du CICR, plutôt, article 86 paragraphe 3537,
23 où il est indiqué que le droit national d'un Etat établit les pouvoirs
24 et les devoirs des civils et établit, s'il est en général suffisant de se
25 fonder seulement sur le droit interne afin de trouver le droit d'agir, la
26 raison en étant -- Pour ce qui est de l'espèce, Simic avait un devoir,
27 conformément au droit international, d'assurer la protection de la
28 population civile.
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1 L'article 87 du droit international coutumier et -- ou plutôt,
2 l'article 87 de l'étude du droit international coutumier du CICR qui
3 établit que les civils et les personnes humaines doivent être traités
4 humainement en cas de conflits armés, quelle que soit la nature du conflit.
5 En fait, nous avons donc une idée sous-jacente à ce devoir, qui est
6 le devoir relatif à la protection des personnes privées de leur liberté, ce
7 qui est la majorité des victimes en l'espèce. Bien qu'en fait, le devoir
8 soit techniquement du ressort de l'Etat, il a été accepté par exemple dans
9 l'arrêt Blaskic, au paragraphe 663, qu'alors que ces obligations sont, du
10 point de vue technique, du ressort de l'Etat, il s'ensuit une
11 reconnaissance du principe général de la responsabilité pénale pour
12 omission.
13 Il faut savoir que ce devoir international qui consiste à garantir le
14 respect des droits fondamentaux de la part de responsables publics a été
15 confirmé dans le contexte de crimes contre l'humanité dans le jugement du
16 Tribunal international pour le Rwanda dans l'affaire Rutaganira, et je vais
17 citer deux paragraphes de ce jugement.
18 Je vais citer en français parce qu'il n'y a pas de traduction
19 anglaise pour le moment.
20 Je vais citer le paragraphe 78 : [en français]"-- international à la
21 charge d'un individu revêtu d'une autorité publique, l'obligation d'agir en
22 vue de protéger la personne humaine."
23 [interprétation] Dans son paragraphe 79, il a conclu comme suit, je vais à
24 nouveau citer en français : [en français] "-- que toute autorité publique a
25 l'obligation non seulement de respecter comme tout autre individu les
26 droits fondamentaux de la personne humaine, mais aussi les faire
27 respecter."
28 [interprétation] Nous faisons valoir que Simic est la personne qui doit
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1 s'acquitter de ce devoir parce qu'il était le chef de la cellule de Crise,
2 de la présidence de Guerre et de l'assemblée municipale au sein de la
3 municipalité. Il a représenté le gouvernement.
4 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Le Juge Schomburg a une question à vous
5 poser.
6 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre,
7 mais je souhaiterais que nous restions dans ce contexte. Est-ce que vous
8 avancez également qu'une personne à laquelle il est fait référence dans le
9 paragraphe 13(A) du cinquième acte d'accusation amendement, comme étant une
10 personne pour laquelle il a été allégué qu'il a assuré la prise de la
11 municipalité de Bosanski Samac - donc, il s'agit d'une prise de position,
12 de pouvoir illicite - est-ce que vous avancez que cette personne a la même
13 obligation au titre du droit international ? Donc, d'un côté, l'Accusation
14 avance qu'il était illégal d'investir et de prendre Bosanski Samac, et par
15 ailleurs, lorsque vous avez agi de façon illégale, est-ce que vous devez
16 prendre ces mesures prévues par le droit international tel que vous l'avez
17 avancé, puisqu'il s'agit de mesures qui sont valables pour des supérieurs
18 hiérarchiques non illégaux ?
19 Mme GOY : [interprétation] Selon nous, cette obligation, elle peut découler
20 des faits et les faits, ce sont qu'ils ont pris contrôle de la
21 municipalité. Nous savons que le caractère illégal de la prise de contrôle
22 de la ville ne remet pas en cause les obligations qui s'attachent à ce
23 contrôle.
24 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.
25 M. LE JUGE GUNEY : Vous pouvez continuer.
26 Mme GOY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Messieurs
27 les Juges.
28 Pour conclure, nous faisons valoir que la Chambre de première instance a
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1 conclu à juste titre qu'il était du devoir de Simic d'assurer la protection
2 de la population civile et, qu'en conséquence, il remplissait les critères
3 pour établir l'omission en tant que contribution à une entreprise
4 criminelle commune; il avait l'obligation d'agir. De surcroît, comme nous
5 l'avons explicité dans notre mémoire, il avait la capacité d'agir.
6 Nous avons indiqué dans notre mémoire que, bien que la responsabilité
7 pour avoir commis ou omis, bien que ceci nécessite l'existence de la
8 capacité d'empêcher que les crimes ne soient commis, dans le cas,
9 cependant, de la contribution à une entreprise criminelle commune par
10 omission, il en va de même que pour ce qui vaut pour la contribution
11 active. Mais, lorsqu'il s'agit de la contribution active, il faut
12 simplement que ce soit une contribution. Il n'est pas nécessaire que cette
13 contribution soit substantielle. Cela a été bien précisé par la Chambre
14 d'appel, d'ailleurs. La contribution ne doit pas être une contribution
15 fondamentale. Mais, tout comme pour l'omission, il n'est pas nécessaire que
16 l'individu ait la capacité d'empêcher ce qui s'est passé pour prendre des
17 mesures. Il faut simplement qu'il ait la capacité d'entraver ce qui est en
18 train de se passer. La capacité de rendre la vie plus difficile à ceux qui
19 sont en train de commettre ces actions répréhensibles et les conclusions de
20 la Chambre de première instance vont dans ce sens, montre que Simic,
21 effectivement, avait la possibilité de rendre la vie difficile à ceux qui
22 étaient en train de commettre ces crimes. Comme l'a dit la Chambre de
23 première instance au paragraphe 994, il exerçait une influence et un
24 contrôle considérable. Il aurait pu se tourner vers le premier ministre de
25 la Republika Srpska. Il aurait pu utiliser cette influence au sujet des
26 auteurs de ces actes répréhensibles. Il aurait pu l'utiliser pour obtenir
27 la libération des prisonniers. Il aurait pu l'utiliser pour améliorer la
28 situation dans les camps de détention et pour assurer un soin médical
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1 approprié. Il avait la capacité d'entraver la mise en œuvre de l'entreprise
2 criminelle commune. Il ne l'a pas fait.
3 Nous avançons qu'il n'a pas rempli ses obligations. Si bien que même
4 si la Chambre de première instance fonde sa conclusion sur sa contribution
5 sur les actes et les omissions, on doit considérer que le quatrième et le
6 cinquième moyen d'appel doivent être rejetés.
7 J'en ai terminé de la présentation de mes arguments et je peux
8 répondre à toutes les questions que vous auriez à me poser.
9 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Le Juge Liu à une question.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je voudrais, s'il vous plaît, que vous
11 m'apportiez un certain nombre de précisions au sujet de la différence entre
12 l'omission dans une entreprise criminelle commune et la responsabilité du
13 supérieur hiérarchique que l'Accusation a évoqué dans son acte
14 d'accusation.
15 Mme GOY : [interprétation] Il y a deux différences essentiellement. La
16 première différence, c'est que pour qu'il ait omission dans une entreprise
17 criminelle commune, il faut que les participants partagent des desseins
18 communs, partagent l'intention délictueuse qui anime tous les membres de
19 l'entreprise criminelle commune. Pour ce qui est du supérieur hiérarchique,
20 il n'est pas nécessaire pour établir sa responsabilité qu'il partage
21 l'intention délictueuse. De plus, s'agissant de l'obligation d'agir dans le
22 cadre d'une responsabilité au titre de l'article 7(3) du Statut, cette
23 obligation, elle découle du contrôle exercé sur les subordonnés du
24 supérieur hiérarchique. Dans le cadre de la contribution à une entreprise
25 criminelle commune par omission, il peut s'agir d'une obligation comme
26 c'est le cas ici, obligation d'assurer la protection des victimes qui n'est
27 pas forcément liée au contrôle, au contrôle sur les auteurs directs des
28 crimes.
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.
2 M. LE JUGE GUNEY : Nous allons maintenant passer à la suite de votre
3 intervention, Monsieur Kremer.
4 M. KREMER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pourrait-on
5 traiter maintenant des questions 4, 5 et 6, qui se trouvaient dans
6 l'ordonnance portant calendrier. Au titre de la section lors de
7 responsabilité de cette ordonnance portant calendrier, la Chambre a demandé
8 aux parties de faire des commentaires sur les autres modes de
9 responsabilités exposés dans le cinquième acte d'accusation modifié qui
10 caractérisait la responsabilité de Simic, lesquelles et sur quels
11 fondements. Mon éminent confrère, M. Murphy, a fait remarquer que la
12 complicité est un mode de responsabilité alternative, tout à fait,
13 appropriée. Il a déclaré dans ces remarques qu'elle était exposée de façon
14 correcte et cette conclusion, d'ailleurs, est reprise par la Chambre de
15 première instance. Il s'agit du paragraphe 136 du jugement où il est dit
16 que : "Il n'y a que deux formes de responsabilités qui sont applicables,
17 c'est-à-dire, l'entreprise criminelle commune et la complicité."
18 Etant donné que la Chambre de première instance a basé la
19 responsabilité de Simic sur l'entreprise criminelle commune, elle n'a pas
20 appliqué ces conclusions à la complicité. Si l'entreprise criminelle
21 commune n'a pas été proprement exposée dans l'acte d'accusation, la
22 responsabilité criminelle de Simic peut alors être justifiée au titre de la
23 complicité. Pour Simic, il est fait référence à une complicité de
24 persécutions de façon très spécifique aux paragraphes 11, 13, 16 et 33.
25 Le jugement, comme ma collègue, Mme Goy, vient de vous l'exposer,
26 comprend des conclusions importantes portant sur la contribution de Simic à
27 l'entreprise criminelle commune. Pour ce qui est des éléments de
28 complicité, s'ils demandent, il faudrait quelques contributions. Selon
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1 nous, la contribution qui a été trouvée par la Chambre est suffisante pour
2 étayer cette conclusion de contribution de complicité, complicité des
3 auteurs d'une entreprise criminelle commune dont le but est de persécuter
4 la population non-Serbe de Bosanski Samac.
5 Les éléments constitutifs de la complicité peuvent être trouvés dans
6 la décision de Kvocka au paragraphe 89, en citant l'arrêt Vasiljevic. Pour
7 ce qui est de l'actus reus, le complice doit effectuer des agissements qui
8 visent directement à aider, à encourager ou à soutenir moralement
9 l'exécution d'un crime, alors entre parenthèses, nous avons meurtre,
10 extermination, viol, torture, destruction sans motif de propriétés civiles,
11 et cetera, et nous ajouterions ici les crimes de persécutions, et ce
12 soutien doit avoir un effet substantiel sur la perpétration du crime.
13 Pour ce qui est maintenant de l'élément moral, dans le cadre de la
14 complicité et la structure du même paragraphe, l'élément mental demandé est
15 connaissance que du fait que l'acte effectué par le complice a aidé à la
16 commission d'un crime spécifique commis par l'auteur principal.
17 En passant, je tiens à dire que dans la décision de la Chambre
18 d'appel Blaskic, la question de savoir ce qui est la connaissance à ce
19 titre a été discutée et le problème qui a été aussi soulevé dans l'appel
20 Blagojevic et Jokic est pour savoir comment interprété la décision de la
21 Chambre d'appel dans le cas Blaskic. Je n'ai pas besoin de votre avis
22 d'aller jusque-là, parce qu'à notre avis, les conclusions en ce qui
23 concerne les connaissances trouvées par la Chambre de première instance
24 sont suffisantes, et vous n'avez pas besoin de vous éloigner du standard.
25 Ensuite, dans Kvocka, pour faire une distinction entre la complicité
26 et le membre d'une entreprise criminelle commune, au paragraphe 90, quant à
27 savoir si un complice peut être tenu de responsable d'avoir aidé dans un
28 crime individuel commis par un seul auteur ou d'avoir aidé dans la
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1 commission de plusieurs crimes commis par plusieurs personnes dépend sur
2 l'effet de l'assistance apportée et sur la connaissance qu'en avait
3 l'accusé. L'exigence selon laquelle un complice doive faire une
4 contribution substantielle au crime afin d'être tenu responsable,
5 s'applique que l'accusé soit en train de donner son assistance à un crime
6 commis par un individu ou à plusieurs crimes commis par plusieurs
7 individus. De plus, l'élément mental requis s'applique de façon équitable
8 et égale à la complicité de crimes, d'un crime commis soit par un individu
9 soit par plusieurs personnes. Quand un complice ne sait que ce que son aide
10 va aider une seule personne à commettre un seul crime, il est seulement
11 responsable de complicité de crime, et ceci, même si l'auteur principal
12 fait partie d'une entreprise criminelle commune comprenant la commission de
13 crimes supplémentaires.
14 La Chambre d'appel continue ensuite au paragraphe 91 pour souligner
15 que l'entreprise criminelle commune n'est en fait qu'un moyen de commettre
16 un crime, et que ce n'est pas un crime en tant que tel. Il serait injuste
17 de référer à la complicité dans le cadre d'une entreprise criminelle
18 commune le complice aide l'auteur principal ou les auteurs à commettre leur
19 crime.
20 Mme Goy a maintenant parlé des conclusions de la contribution de la Chambre
21 de première instance portant sur l'entreprise criminelle commune, qui fait
22 référence dans le jugement et dans les moyens de preuve, à la fois en ce
23 qui concerne le respect des actes individus et des contributions.
24 Nous considérons que les contributions de la Chambre de première
25 instance dans son jugement sont substantielles et établissent sans aucun
26 doute que Simic a bel et bien aidé les participants qui sont énumérés dans
27 l'acte d'accusation et les a aidés à persécuter la population non-serbe de
28 Bosanski Samac. Les participants sont énumérés au paragraphe 984 et
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1 comprennent les autres membres de la cellule de Crise, la police serbe, y
2 compris Todorovic, les paramilitaires serbes, et le 17e Groupe tactique de
3 la JNA, qui sont tous mentionnés dans l'acte d'accusation.
4 Le crime, maintenant, auquel M. Simic a apporté son assistance,
5 c'était la persécution de la population non-serbe de Bosanski Samac, et ce,
6 par le biais de différents actes. La contribution maintenant. La
7 contribution de Simic pour aider les participants à commettre ce crime a
8 été bien au-delà de l'assistance, bien au-delà de l'encouragement et bien
9 au-delà d'un soutien moral donné. Sa contribution a été beaucoup plus
10 tangible, et Simic avait connaissance de ce plan de persécution. Simic
11 avait connaissance de ces auteurs, et Simic soutenait activement ces
12 personnes et travaillait avec eux en tant que président de la cellule de
13 Crise de la présidence de Guerre et de l'assemblée municipale. Son soutient
14 et le soutien des organes qu'il présidait étaient essentiels pour la
15 réussite de l'exécution du plan qui visait à persécuter la population non-
16 serbe de Bosanski Samac. Les contributions sont très clairement trouvées
17 dans le jugement de la Chambre de première instance que Mme Goy a cité en
18 partie et que l'on peut aussi trouver dans nos écritures.
19 La détermination maintenant, selon laquelle l'acte d'accusation
20 n'était pas suffisamment précis en ce qui concerne l'entreprise criminelle
21 commune, ne peut pas remettre en question la conclusion qu'une entreprise
22 criminelle commune existait bel et bien, et que Simic y a contribué
23 activement. Bien que s'il y avait une conclusion comme quoi cet acte
24 d'accusation n'était pas suffisamment précis, cela pourrait empêcher de
25 trouver que Simic avait une responsabilité pénale basée sur sa contribution
26 à cette entreprise criminelle commune, mais en tout équité, il ne pourrait
27 pas empêcher que l'on trouve sa responsabilité pénale basée sur sa
28 participation comme complice avec les membres de l'entreprise criminelle
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1 commune lors de la commission de ces persécutions.
2 Ici, dans ce cas, la contribution de Simic a été substantielle à la
3 fois avant et pendant la mise en œuvre du plan de persécution.
4 Mme Goy, d'ailleurs, a parlé de sa contribution avant et au cours non
5 seulement de la prise de la municipalité, mais aussi lorsqu'il a mis en
6 place la cellule de Crise dont il a été président et lors de son
7 implication dans l'établissement et la coordination des différents organes
8 municipaux et fonctions qui ont soutenu la persécution par les membres de
9 l'entreprise criminelle commune.
10 Nous considérons qu'il a contribué de façon substantielle. On voit
11 bien qu'il a aidé et encouragé les auteurs de la persécution de la
12 population non-serbe de la municipalité de Bosanski Samac.
13 Question suivante maintenant : M. Simic savait-il que sa contribution
14 allait aider ou faciliter la persécution des non-Serbes par les membres de
15 l'entreprise criminelle commune ? La Chambre de première instance a conclu
16 qu'il savait, mais elle a aussi conclu qu'il partageait leur intention, et
17 cela se trouve au paragraphe 997. Pour ce qui est de la connaissance, la
18 Chambre de première instance, et si je cite différents paragraphes là où on
19 parle de la connaissance, pour ce qui est de la connaissance générale, au
20 paragraphe 992, la Chambre de première instance a conclu la deuxième phrase
21 que : "Simic savait que son rôle et son autorité étaient essentiels pour la
22 réalisation du but commun qui était de la persécution."
23 Vers la fin de ce même paragraphe 992 : "La Chambre de première
24 instance est convaincue que Blagoje Simic et les autres participants à
25 l'entreprise criminelle commune partageaient l'intention de poursuivre le
26 but commun, le but, bien sûr, étant la persécution des non-Serbes à
27 Bosanski Samac."
28 Maintenant connaissances spécifiques pour ce qui est des agissements
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1 sous-adjacents. Il est aussi fait référence par la Chambre de première
2 instance. Connaissance des arrestations au paragraphe 995 : "On sait que
3 Blagoje Simic était au courant des persécutions des non-Serbes à Bosanski
4 Samac. Il était informé que les arrestations et les placements en détention
5 de non-Serbes se poursuivaient pendant le conflit et il était en mesure
6 lors de différentes réunions avec les principaux auteurs de l'entreprise
7 criminelle commune de donner son opinion."
8 Ensuite, au paragraphe 996 : "Il devait savoir que les civils détenus
9 dans les bâtiments comme le SUP, la TO, et les écoles secondaires et
10 primaires de Bosanski Samac. Il devait aussi savoir qu'il y avait des
11 détenus qui étaient dans les cours de Zasavica et Crkvina, qui étaient
12 transférés à un bâtiment de la TO à Brcko et en prison dans d'autres
13 centres à Bijeljina présidés par la JNA. L'arrestation et la détention de
14 civils et de la municipalité de Bosanski Samac étaient connues de tous. La
15 police et les paramilitaires, la cellule de Crise, et la JNA ont œuvré
16 ensemble au maintien de ce système de l'arrestation de détention et le
17 transfert des détenus d'un poste de détention à l'autre."
18 Maintenant, pour ce qui est d'avoir eu connaissance des traitements cruels
19 et inhumains : "Blagoje Simic savait qu'il y avait des traitements cruels
20 et inhumains, y compris des sévices, tortures, et des actions inhumaines
21 auxquelles était soumis les prisonniers non-Serbes détenus par les centres
22 de Bosanski Samac."
23 Dernière phrase, ensuite : "La Chambre rejette les déclarations de
24 Blagoje Simic dans lesquelles il ignorait tout des mauvais traitements
25 infligés aux détenus."
26 Au paragraphe 1010, ensuite : "La Chambre de première instance est
27 convaincue que la seule conclusion possible est qu'il partageait
28 l'intention discriminatoire des autres participants à l'entreprise
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1 criminelle commune visant à faire participer les non-serbes de la
2 municipalité Bosanski Samac en les soumettant à des traitements cruels et
3 inhumains, et notamment à des sévices corporels, à des tortures et à des
4 conditions de détention inhumaines."
5 Maintenant, pour ce qui est de la connaissance des travaux forcés,
6 paragraphe 1021 : "Blagoje Simic savait que des Musulmans de Bosnie et des
7 Croates de Bosnie avaient été contraints à accomplir des travaux d'aspect
8 humiliant. Blagoje Simic connaissait l'existence du programme de travaux
9 forcés."
10 Enfin, pour ce qui est de l'expulsion et du transfert forcé, au
11 paragraphe 1 036 : "Pour ce qui est du transfert forcé d'Osman Jasarevic le
12 25 ou 26 mai 1992 vers Dubica, la Chambre de première instance conclut que
13 Blagoje Simic ainsi que les autres membres de la cellule de Crise s'étaient
14 tenus informés par Simo Zaric, les négociations avec Odzak qui ont précédé
15 cet échange. Simo Zaric a informé la Commission des échanges d'Odzak qu'il
16 pouvait soumettre à la cellule de Crise de Bansoski Samac des propositions
17 concernant cet échange et qu'il avait avisé Blagoje Simic de ce projet
18 d'échange sans que ce dernier ne s'oppose à un échange général. Blagoje
19 Simic a aussi déclaré que la cellule de Crise avait proposé à la Commission
20 des échanges de la République de prendre part aux processus d'échanges."
21 Enfin, au 1037 toujours : "Miroslav Tadic a tenu la cellule de Crise
22 régulièrement informée des échanges, et le 2 octobre 1992, Blagoje Simic,
23 en sa qualité de président de la présidence de Guerre, a signé une décision
24 portant sur la création d'une commission civile des échanges qui devait
25 transmettre tous les mois à la présidence de Guerre un rapport sur ses
26 activités." C'est la pièce à conviction P83.
27 On ne peut donc que conclure, suite aux conclusions de la Chambre de
28 première instance en ce qui concerne les actes et les contributions et pour
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1 ce qui est aussi de la connaissance, que la complicité qui était exposée
2 dans l'acte d'accusation a été prouvée lors du procès. La contribution de
3 Simic en ce qui concerne la persécution peut être maintenue avec un mode de
4 responsabilité de complicité, en se basant sur les conclusions que la
5 Chambre de première instance a utilisées pour le condamner en tant que
6 membre d'une entreprise criminelle commune.
7 Si maintenant vous condamnez M. Simic au titre de complice et non au
8 titre de membre d'une entreprise criminelle commune, quel va être l'impact
9 de ceci sur sa peine ?
10 Notre position est la suivante. Il n'y a pas de règle absolue ici,
11 dans ce Tribunal, qui puisse s'appliquer selon laquelle un complice soit
12 soumis à une peine moindre qu'un participant à une entreprise criminelle
13 commune. Nous faisons valoir que dans la peine, ici, c'est la gravité du
14 crime, y compris la considération de la nature et du degré de la
15 participation de l'accusé au dit crime.
16 Si l'on doit reconsidérer la responsabilité de Simic uniquement en
17 tenant compte des vices de forme de l'acte d'accusation, le principal
18 facteur à prendre en compte pour déterminer sa peine, cela reste toujours
19 la gravité des crimes commis ainsi que son rôle dans ces crimes.
20 En l'espèce, la Chambre de première instance a conclu que Simic était
21 animé de l'intention spécifique de persécuter et que ces actions avaient
22 aidé à la perpétration des crimes des coauteurs d'une entreprise criminelle
23 commune. Nous avançons quant à nous que la gravité des crimes commis ainsi
24 que sa participation sont identiques et entraînent une même responsabilité
25 que lorsqu'il était considéré responsable au titre de l'entreprise
26 criminelle commune et en tant que coauteur de cette entreprise. En effet,
27 même s'il y a requalification, Simic reste malgré tout un complice animé
28 d'une intention spécifique qui va au-delà d'une simple connaissance, et
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1 ceci n'entraînerait ou ne justifierait qu'une réduction extrêmement faible
2 ou aucune réduction de la peine.
3 Si l'on regarde le Statut ou le Règlement du TPIY, il n'y est
4 nullement indiqué que la complicité justifie une peine inférieure aux
5 autres modes de responsabilité prévus par l'article 7(1) du Statut. La
6 jurisprudence du Tribunal nous confirme qu'il n'existe pas de règles
7 absolues en l'espèce.
8 Dans l'affaire Vasiljevic, dans son arrêt, la Chambre d'appel a
9 déclaré que de manière générale, les complices peuvent bénéficier d'une
10 peine plus légère que les participants à une entreprise criminelle commune.
11 C'est le terme de "généralement" qui est intéressant, ici. On nous
12 dit que généralement, ils ont une peine plus légère. C'est également ce qui
13 est utilisé dans l'affaire Krstic et dans l'arrêt Krstic. Ceci nous montre
14 bien que la Chambre d'appel estime qu'il n'y a pas de règles absolues en la
15 matière et que la réduction de peine due à une requalification de la
16 responsabilité, du mode de responsabilité, que cette réduction de peine
17 n'est pas automatique suite à la requalification. Lorsqu'il s'agit de
18 décider si une réduction de la peine s'impose suite à une requalification
19 de la responsabilité, nous estimons quant à nous que le principe
20 fondamental qui s'applique lors de la détermination de la peine, ces
21 principes fondamentaux, ils doivent avoir plus de poids que la simple
22 requalification de la responsabilité de l'intéressé. En l'espèce,
23 s'agissant de la peine, il faut prêter particulièrement attention à
24 l'intention qui anime l'accusé; est-il animé de cette intention
25 délictueuse, et en particulier, l'intention persécutoire qui devrait plutôt
26 avoir une influence -- qui a une influence sur la peine, mais pas tellement
27 pour la réduire, on l'a vu dans d'autres affaires.
28 Je vous ai indiqué l'arrêt Krstic où il a été explicitement dit que
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1 Krstic n'était pas animé d'une intention génocidaire, et ceci a grandement
2 diminué sa responsabilité. C'est ce qui est indiqué dans l'arrêt Krstic,
3 justifiant par là même une réduction considérable de sa peine.
4 Dans l'affaire Vasiljevic, la peine de l'intéressé a été réduite
5 puisque finalement, il a été conclu qu'il était complice plutôt que membre
6 d'une entreprise criminelle commune, et même si cela n'est pas déclaré
7 expressément, il semble que l'exigence de la présence d'une intention
8 partagée n'a pas été établie et que c'est cela qui a entraîné la réduction
9 de sa peine. Je vous ai déjà dit que je n'allais pas répéter tous nos
10 arguments.
11 Je souhaite simplement dire que selon nous, Simic c'est un complice
12 animé d'une intention délictueuse.
13 S'agissant de la réduction de la peine, s'il devait y en avoir une, je
14 souhaiterais vous renvoyer à Vasiljevic et Krstic.
15 On a vu que dans ces deux affaires - ce sont les seules deux affaires
16 que je peux vous indiquer - on a vu une réduction de la peine de 25 %. J'ai
17 déjà dit que pour Krstic et pour Vasiljevic, il a été conclu expressément
18 que pour Krstic, il n'était pas animé de l'intention spécifique, et cela a
19 été également, semble-t-il, la même chose dans l'affaire Vasiljevic, si
20 bien que selon nous, si la Chambre d'appel devait envisager une réduction
21 suite à une requalification au titre de la complicité, il faudrait qu'elle
22 soit inférieure aux 25 % de réduction qui ont été édictés par la Chambre
23 d'appel dans Vasiljevic et Krstic suite à la modification de leur
24 déclaration de culpabilité.
25 La Chambre de première instance a condamné M. Simic à une peine de 17
26 ans d'emprisonnement. La gravité des crimes ainsi que le rôle de M. Simic
27 dans ces crimes ont eu un rôle considérable pour déterminer sa peine. On a
28 bien compris pourquoi cette peine de 17 ans avait été imposée. On comprend
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1 bien à la lecture du jugement. Les Juges se sont penchés sur tous les
2 facteurs pertinents que se doivent de prendre en compte les Chambres de
3 première instance. M. Simic était le plus haut responsable civil ayant
4 participé par ailleurs à une campagne de persécution. Il y a également le
5 fait que Simic a choisi de participer au plus haut niveau aux autorités
6 civiles qui ont eu un rôle actif dans ces persécutions. Il a été également
7 conclu que Simic était animé de l'intention spécifique de persécuter. Si
8 tous ces facteurs sont pris en compte, j'avance quant à moi, au nom du
9 bureau du Procureur, que si on estime qu'il faut qu'il y ait réduction de
10 la peine, il faut que cette réduction ne dépasse pas 10 % de la peine.
11 J'en ai terminé. Je suis prêt à répondre à toute question que vous auriez,
12 mais je n'ai plus d'argument à présenter pour l'instant.
13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Kremer, j'essaie de
14 réfléchir à ce que vous nous avez dit au sujet du complice animé de
15 l'intention délictueuse qui présente cet élément moral. Il me semble que je
16 comprends pourquoi vous nous dites cela.
17 N'hésitez pas à me corriger si je me trompe, mais si j'ai bien
18 compris, vous estimez qu'un complice est coupable du crime de base, du
19 crime essentiel, si bien que forcément, il est animé de l'intention de
20 commettre ce crime. N'est-il pas exact qu'au terme des principes généraux
21 du droit, un complice, celui qui aide et encourage, un complice pour être
22 déclaré complice, doit seulement avoir la connaissance du crime commis et
23 que pour qu'il soit convaincu de complicité, il n'est pas nécessaire de
24 prouver qu'il partageait l'intention spécifique de commettre le crime ?
25 M. KREMER : [interprétation] Oui, c'est ainsi que nous comprenons la chose.
26 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Alors vous avez évolué depuis.
27 M. KREMER : [interprétation] Non, non. C'est peut-être que je n'ai pas été
28 suffisamment clair dans mon argumentation quand j'ai parlé de cette
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1 intention spécifique. Je parlais toujours dans ces conditions du Dr Simic.
2 J'ai dit qu'il était animé de cette intention spécifique. J'ai commencé mon
3 intervention en vous renvoyant à l'arrêt Kvocka dans lequel on a limité
4 l'intention à la connaissance, donc on a limité l'élément moral à la
5 connaissance. Je n'ai jamais estimé qu'il était nécessaire de prouver
6 l'existence d'une intention spécifique pour établir la complicité. Je me
7 suis basé sur les conclusions de la Chambre de première instance en
8 l'espèce. Elle a conclu que Simic était animé de l'intention spécifique et
9 que cette intention spécifique n'a pas été modifiée ou n'a pas été
10 supprimée du simple fait qu'il a pu être déclaré coupable au titre du mode
11 de responsabilité subsidiaire qui est celui de la complicité.
12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que je vous entends bien
13 si je dis la chose suivante : selon moi, vous avez dit qu'il a été établi
14 que l'accusé était animé de l'intention spécifique d'aider et d'encourager,
15 donc en tant que complice, mais non pas l'intention spécifique de commettre
16 le crime principal, crime fondamental ?
17 M. KREMER : [interprétation] Oui, vous devez savoir que ces actions sont
18 des actions de complice.
19 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. J'ai une question qui
20 s'adresserait plutôt à votre collègue M. Wirth. Est-il là ? Je ne le vois
21 pas.
22 Monsieur Wirth, ma question, elle porte sur les modifications de l'acte
23 d'accusation qui avaient trait à l'entreprise criminelle commune. Quand
24 j'entends la Défense, il me semble qu'ils nous disent qu'ils se sont
25 opposés à de telles modifications de l'acte d'accusation et que
26 l'Accusation a répondu non. Non, la Défense ne s'est pas opposée à ces
27 modifications de l'acte d'accusation.
28 Or, j'ai sous les yeux la décision de la Chambre de première instance
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1 du 20 décembre 2001. La décision de la Chambre de première instance ne
2 comporte pas le mot de "objection". On ne parle pas d'objection.
3 Cependant, dans sa décision, la Chambre de première instance a
4 examiné avec beaucoup de soin les modifications de l'acte d'accusation. En
5 rapport avec l'entreprise criminelle commune, la Chambre a autorisé
6 certaines modifications, mais en a refusé d'autres demandées par
7 l'Accusation. Est-ce que le fait que la Chambre de première instance ait
8 examiné ces modifications demandées avant de décider de les accorder ou
9 pas, est-ce que ce fait nous montre qu'il a dû forcément y avoir objection,
10 opposition à ces modifications ? Le compte rendu d'audience des débats que
11 je n'ai pas consultés nous permettrait peut-être de voir ce qu'il en est
12 véritablement. La question qui se pose à moi sur ce point reste dans
13 l'intervalle la suivante : si la Chambre de première instance était en
14 train de se demander s'il y avait lieu ou pas d'accorder ces modifications
15 de l'acte d'accusation, est-ce que cela ne signifie pas que la Chambre de
16 première instance -- ou plutôt, est-ce que cela ne signifie pas que la
17 Défense avait forcément présenté des objections face à cette demande de
18 modifier l'acte d'accusation ?
19 M. WIRTH : [interprétation] Je vais répondre en deux phases.
20 Premièrement, nous ne nous fondons pas sur le quatrième acte
21 d'accusation modifié. C'est un acte d'accusation qui découlait de la
22 décision du 20 décembre. Non, nous nous fondons sur le troisième acte
23 d'accusation modifié dont le dépôt a été autorisé en mai 2001, c'est-à-dire
24 quatre mois avant le début du procès. Cela est la première chose. Première
25 réponse.
26 Deuxième chose : s'agissant des débats et des échanges entre les
27 parties aux sujets précédents la décision du 20 décembre, je peux vérifier
28 la chose, mais si je me souviens bien de cette décision, ce qui est dit,
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1 c'est que la Défense n'avait pas soulevé de question particulière
2 s'agissant de l'insertion du libellé "agissant de concert" dans le nouvel
3 acte d'accusation. La Chambre de première instance rapporte les arguments
4 de la Défense au sujet des modifications demandées, mais ces arguments, ils
5 ont trait uniquement au chef portant sur la destruction de biens.
6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous entends bien. Je vous
7 écoute bien, Monsieur Wirth. Je ne suis pas sûr qu'une première lecture de
8 cette décision m'ait amené à la comprendre de la même manière que vous.
9 Mais peut-être que vos confrères de l'autre côté de ce prétoire pourront
10 venir à ma rescousse.
11 M. LE JUGE GUNEY : -- qui pourrait peut-être répondre à la place de Me
12 Kremer ou Me Goy. Au cours de présentation faite par Me Goy dans le cadre
13 de l'obligation d'agir et la capacité d'agir, on a parlé de différents
14 types de capacité d'agir, capacité d'empêcher, capacité d'entraver et
15 certaines autres.
16 Est-ce que la capacité d'agir implique nécessairement la capacité
17 d'empêcher ou la capacité d'observer ? Je voudrais avoir le point de vue de
18 l'Accusation sur ce point. Merci.
19 M. KREMER : [interprétation] Je pense que Mme Goy pourra mieux répondre à
20 cette question que moi.
21 Mme GOY : [interprétation] Nous disons que s'agissant de cette omission
22 dont on parle ici, cette omission en tant que contribution à l'entreprise
23 criminelle commune, donc, il suffit qu'il y ait capacité d'entraver le bon
24 fonctionnement de l'entreprise criminelle commune. Il suffit qu'il y ait la
25 possibilité de rendre la progression de cette entreprise criminelle commune
26 plus difficile plutôt que la capacité de pouvoir complètement empêcher
27 l'avancement de ce plan commun.
28 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Mais est-ce que la capacité d'agir
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1 implique-t-il nécessairement les sortes de capacité que vous venez
2 d'indiquer, c'est-à-dire, capacité d'empêcher ou capacité d'entraver ?
3 Mme GOY : [interprétation] Nous avançons qu'en l'espèce, Simic avait les
4 moyens d'entraver la poursuite de l'entreprise criminelle commune. C'était
5 inhérent à son rôle, à l'autorité qu'il avait et au fait qu'il pouvait
6 influencer les autres membres de l'entreprise criminelle commune.
7 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci beaucoup.
8 Maître Kremer, si j'ai bien saisi, vous venez de finir votre réponse.
9 M. KREMER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Si c'est le cas, peut-être que
11 nous pourrions permettre à la Défense de commencer la présentation de ces
12 arguments jusqu'à 16 heures, à moins d'une pause de 20 minutes. S'il n'y a
13 pas d'objections, j'envisage de procéder de cette manière.
14 M. MURPHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
15 Permettez-moi de répondre et non pas forcément d'ailleurs, dans l'ordre qui
16 fût aborder par le Procureur lors de la présentation de ces arguments, mais
17 je souhaiterais, en fait, à la fin de mon intervention, revenir sur ces
18 deux questions qui ont été abordées par M. Wirth, deux questions à propos
19 desquelles je n'ai pas encore parlé et que nous avons dans l'ordonnance de
20 la Chambre d'appel du 5 mai.
21 Donc, dans un premier temps, je souhaiterais revenir sur la présentation de
22 Mme Goy, dans une certaine mesure de M. Kremer également, qui ont traité de
23 la question de la responsabilité du Dr Simic.
24 Premièrement, Mme Goy a cité à la Chambre d'appel des sources juridiques
25 dans l'intention était d'indiquer qu'il y a un devoir conformément au droit
26 international qui pourrait être appliqué à un commandant civil devant
27 protéger la population civile dans certaines conditions, et ce, quelle que
28 soit son attitude à le faire. Je pense que cela doit être la conclusion de
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1 cette intervention parce que la Chambre de première instance a estimé de
2 façon explicite et je leur ai indiqué, ce matin, que le Dr Simic n'avait,
3 en fait, absolument pas de pouvoirs sur la police, sur les paramilitaires
4 ou sur les forces militaires de la 17e Unité tactique.
5 Si je ne me trompe, Madame, Messieurs les Juges, je pense qu'une
6 référence a été faite à ce sujet dans le mémoire car l'obligation à
7 laquelle faisait référence Mme Goy, obligation qui consiste à protéger la
8 population civile est une obligation qui incombe aux commandants militaires
9 dans une zone donnée et en temps de conflit. Il s'agit d'une obligation
10 extrêmement précise qui émane en partie ou au départ de la convention de
11 Genève et nous avons d'ailleurs étudié ou pris en considération cela, dans
12 les pages 66 à 69 de notre mémoire d'appel et je pense que dans une
13 certaine mesure, cela se trouve également dans notre mémoire, au paragraphe
14 35.
15 Mme Goy a fait une référence pour étayer ce qu'elle avance à la
16 décision dans l'affaire Blaskic et cela se trouve à la page 663. M. Moore a
17 eu l'amabilité d'écrire à mon intention ce paragraphe. Voilà ce qui y est
18 indiqué : "Bien que la responsabilité exige en général qu'un acte positif
19 soit commis, ce n'est pas une négligence absolue comme cela a été démontré
20 par la responsabilité d'un commandement, d'un commandant qui ne punit pas
21 un subordonné. Il y a eu une exception à la règle générale. La perpétration
22 d'un crime par omission au terme de l'article 7(1), en vertu duquel un
23 devoir juridique est imposé entre autres, au commandant qui doit faire en
24 sorte de veiller aux personnes qui sont placées sous le contrôle des ces
25 subordonnés. Lorsqu'il y a manquement intentionnel de s'acquitter de ce
26 devoir, c'est là que s'est soldé par une responsabilité pénale au terme de
27 l'article 7(1) en l'absence d'agissement positif. Ce qui n'est pas
28 d'ailleurs la position du Dr Simic."
Page 136
1 Il faut savoir que dans le contexte ce qu'il en est car
2 Mme Goy et M. Kremer vous ont cité de nombreuses conclusions, que l'on
3 trouve dans le jugement de la Chambre de première instance et loin de moi,
4 l'idée d'émuler cela, j'aimerais, en fait, par souci d'équité à
5 l'intention, au regard du Dr Simic, j'aimerais en fait vous montrer notre
6 revers de la médaille.
7 Car M. Kremer a utilisé une phrase qui est très éloquente et qui,
8 d'ailleurs, révèle certains des idées fausses qu'à l'Accusation à ce sujet.
9 Parce qu'il a dit que le Dr Simic s'était en quelque sorte installé en tant
10 que président de la cellule de Crise et cela semble laisser entendre que la
11 cellule de Crise était en quelque sorte une organisation illicite.
12 Comme vous le savez tous pertinemment, puisque vous avez suivi de
13 nombreuses affaires dans ce Tribunal et il est absolument évident que nous
14 comprenons tous cela, nous savons, donc, tous, qu'une cellule de Crise
15 était une unité qui, au départ, avait été établie dans la Yougoslavie de
16 Tito. Cela faisait partie intégrante de la défense générale de l'ancienne
17 Yougoslavie. Voilà comment cela a fonctionné du point de vue juridique. Dès
18 qu'il y avait une déclaration de guerre ou une menace imminente de guerre
19 ou de crise, le fonctionnement normal du gouvernement par l'entreprise de
20 l'assemblée municipale, cela a été qu'une cellule de Crise était établie.
21 Le président de l'assemblée municipale devenait président de la cellule de
22 Crise pendant la durée de la crise. C'est ainsi que les choses
23 fonctionnaient. Alors, le fait que le Dr Simic ait été un homme politique
24 même dans l'ancienne Yougoslavie n'est pas un acte criminel et le fait
25 qu'il était président de la cellule de Crise n'est pas non plus un acte
26 criminel.
27 Alors, ils ont posé des questions et cet après-midi, lors de la
28 présentation de leurs arguments, ils ont indiqué que le Dr Simic aurait pu
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1 demander de l'aide au premier ministre de la Républika Srpska. C'est un
2 argument qu'ils ont également évoqué dans leur mémoire en oubliant
3 apparemment que le premier ministre de la Republika Srpska, d'après la
4 théorie présentée par le Procureur, était même membre d'une organisation
5 criminelle dont le but était d'établir une Grande-Serbie.
6 Est-ce que l'intention de l'Accusation était véritablement que le Dr
7 Simic s'adresse à cette personne pour demander de l'aide ? Nous avons
8 également indiqué dans notre mémoire au paragraphe 60. Je ne vais pas vous
9 donner les lectures de ceci car je pense que le Procureur a pris
10 suffisamment de temps pour faire cela, mais j'aimerais quand même faire
11 référence au fait suivant. Nous avons présenté à la Chambre, dans notre
12 mémoire, un ensemble de conclusions de la Chambre de première instance. Il
13 s'agit du paragraphe 61, il s'agit en fait, du travail de la cellule de
14 Crise et il s'agit du travail de la cellule de Crise mené à bien ou non de
15 toute la population de Samac, quelle que soit leur appartenance ethnique.
16 La Chambre de première instance a tiré des conclusions très détaillées à ce
17 sujet la Chambre de première instance a estimé que bon nombre des décisions
18 de la cellule de Crise n'étaient pas discriminatoire. Il y avait par
19 exemple une interdiction de consommation d'alcool qui était valable pour la
20 période de crise, et ce, pour tous les citoyens ou les administrés quelle
21 que soit leur appartenance ethnique et l'interdiction de partis politiques
22 était légitime, conformément au droit international et il a également été
23 utilisé. La cellule de Crise s'est efforcée de distribuer des vivres de
24 base ainsi que des médicaments à la population, et ce, quelle que soit leur
25 appartenance ethnique.
26 Donc, le Procureur décrit le Dr Simic ainsi que la cellule de Crise
27 comme étant une seule entreprise criminelle importante. Non seulement cela
28 n'est pas judicieux, n'est pas raisonnable, mais cela va à l'encontre des
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1 conclusions de la Chambre de première instance et cela va à l'encontre de
2 la situation bien connue et du droit de l'ancienne Yougoslavie en matière
3 de cellule de Crise et du fonctionnement de la cellule de Crise. En quelque
4 sorte, l'Accusation souhaiterait nous faire croire que le fait d'adhérer à
5 un organe politique tel que la cellule de Crise est un acte criminel, ce
6 qui n'est pas le cas, la Chambre de première instance d'ailleurs n'en a pas
7 conclu de la même façon et je dirais, en fait, que la tâche des Tribunaux
8 est de faire la part des choses entre ce qui est légitime et licite et ce
9 qui ne l'est pas, alors que le Procureur souhaite tout rassembler ensemble
10 et indique que le Dr Simic doit tout simplement être considéré comme
11 responsable du point de vue pénal de ce fait.
12 Mais qu'elle est la réalité, en fait ? La réalité est que la cellule
13 de Crise était un organe politique qui n'avait absolument pas le pouvoir de
14 maîtriser et de contrôler la situation. La Chambre de première instance l'a
15 dit d'ailleurs, à maintes reprises, et en dépit de ce fait, lorsque des
16 demandes d'Accusation, elle a dit que le
17 Dr Simic, étant une personne d'influence au sein de la municipalité, aurait
18 dû, en fait, d'une personne ou d'une autre, contrôler ces personnes qui
19 commettaient ces actes violents qui, comme l'a indiqué le Juge Lindholm,
20 ont tiré avantage de la situation politique. Nous indiquons tout simplement
21 que le dossier montre que le Dr Simic n'avait aucune habilité, soit en
22 droit, soit en fait, et n'était pas, en fait, tenu de respecter ce devoir
23 aux vues du droit international. La responsabilité, en fait, pour le
24 maintien de l'ordre public en temps de crise, conformément aux mêmes choses
25 juridiques qui ont été citées par Mme Goy, incombées au commandant
26 militaire de la zone.
27 Je vais maintenant aborder un autre sujet. M. Kremer a dit, en fait
28 que j'avais admis ou concéder que le fait d'aider ou d'encourager était une
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1 forme de responsabilité appropriée, j'espère que la Chambre d'appel se
2 rappellera, en fait, que j'ai admis ceci après avoir dit dans un premier
3 temps que les moyens de preuve n'étayaient pas cette conclusion de
4 responsabilité. J'aimerais maintenant, en fait, revenir à cette question de
5 l'acte d'accusation qui, je pense, se trouve au centre le cœur de notre
6 discussion aujourd'hui, car je dois vous avouer ma surprise ainsi que ma
7 perplexité vis-à-vis de la réaction du Procureur ou du manque de réaction
8 du Procureur à propos des circonstances de troisième acte d'accusation
9 modifié.
10 M. Wirth vous a dit - et j'accepte d'ailleurs entièrement ce qu'il a
11 indiqué - qu'hier, l'Accusation a consulté le Greffe et s'est vu dire que
12 la version de l'acte d'accusation qui faisait partie du dossier était la
13 version où nous avions en fait délibéré "agissant de concert" et "dessein
14 commun", ce que j'accepte tout à fait. Mais cela vaut autant de questions
15 que de réponses.
16 Parce qu'il faut savoir que nous avons déposé notre mémoire en 2004
17 et, à ce moment-là, nous avions soulevé le problème. L'Accusation sait
18 pertinemment ce que nous avançons parce que peu de temps après avoir déposé
19 notre mémoire, nous avons déposé une requête aux fins de supprimer cette
20 partie, ce que la Chambre d'appel a refusé. Mais il faut se poser une
21 question. Pourquoi est-ce qu'hier l'Accusation a décidé d'aller consulter
22 le Greffe pour obtenir une réponse, alors qu'ils savaient, en fait, depuis
23 le mois d'août 2004 ? J'aimerais être très clair. Alors, j'accepte tout à
24 fait que ce qui se trouve dans le dossier et la version de l'acte
25 d'accusation auquel il a été fait référence et qui contient donc les
26 libellés sur lesquels se fonde l'Accusation, mais comment se fait-il qu'une
27 deuxième version de cet acte d'accusation a été distribuée et se trouve
28 d'ailleurs, par exemple, sur le site public du Tribunal ? Comment se fait-
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1 il également que la Chambre préalable au procès a accepté un acte
2 d'accusation qui contenait un libellé supplémentaire, alors que ce qui leur
3 avait été indiqué par l'Accusation que le seul but de ces modifications
4 était de supprimer certains chefs et de supprimer la responsabilité pour le
5 Dr Simic au titre de l'article 7(3) ? J'avais espéré, lorsque j'ai soulevé
6 cela ce matin, pouvoir obtenir une explication en ce sens car cela nous
7 aurait permis d'élucider cette question fort troublante car, a priori, et
8 j'essaie de m'exprimer avec modération, si aucune explication nous est
9 fournie. Il semblerait que d'aucun ont trompé la Chambre qui a siégé avant
10 le procès pour qu'elle donne son aval à une accusation qu'il n'aurait pas
11 dû signer, d'après eux. L'Accusation, maintenant, nous dit : "Bien, nous
12 avons abandonné le quatrième acte d'accusation modifié parce qu'en fait,
13 nous avons le libellé du troisième acte d'accusation modifié," et ils
14 disent en fait : "Nous allons tout simplement faire fi de ce qui s'est
15 passé et en dépit de ce fait. Nous supposons que la Défense a eu ladite
16 information et que tout avait été fait en bonne et due forme," et je pense
17 que cela est assez scandaleux.
18 Lorsque l'on considère toute la chronologie et toute la chronologie
19 de cette affaire, lorsque l'on considère tous les antécédents de cette
20 affaire et d'autres affaires, d'ailleurs, et je dirais d'ailleurs que la
21 Chambre d'appel a dit, à maintes reprises, qu'il fallait absolument que
22 l'énoncé des chefs d'Accusation soit fait de façon précise. La Chambre
23 d'appel dans l'affaire Kvocka a dit que l'acte d'accusation doit être
24 présenté et énoncé de façon détaillée et, en cas de vices de forme, la
25 Chambre d'appel peut annuler la déclaration de culpabilité dans la même
26 affaire. La Chambre d'appel a ajouté que la responsabilité en matière
27 d'entreprise criminelle commune ne doit également être énoncée de façon
28 précise.
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1 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Dix minutes à continuer avant la
2 pause. Bien sûr, vous serez en mesure de continuer après la pause.
3 M. MURPHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
4 Dans l'affaire Krnojelac, nous voyons à nouveau que la Chambre d'appel
5 indique de façon précise que l'énoncé de l'acte d'accusation doit être très
6 précis et nous avons également le même thème évoqué dans l'affaire Blaskic.
7 Juste avant la pause, Monsieur le Président - et je reviendrai ensuite pour
8 répondre à des questions précises si vous souhaitez m'en poser - mais je
9 souhaiterais dire, à titre général, que dans cette affaire, non seulement,
10 il y a eu imprécision dans l'énoncé des accusations, non seulement a été
11 une source d'injustice pour le Dr Simic, mais encore, nous avançons que
12 l'heure a sonné pour que la Chambre d'appel dise que cela suffit
13 maintenant. Il ne faut pas que des règlements soient faits pour être
14 abandonnés. Il s'agit de règles pragmatiques, importantes, pratiques et la
15 réaction du Procureur, face à notre appel en la matière, a été une réaction
16 assez laconique et une réaction assez indifférente. Dans leur mémoire, ils
17 indiquent que les énoncés sont, tout à fait, précis même si la Chambre de
18 première instance a indiqué qu'ils étaient loin d'avoir été présentés en
19 bonne et due forme, et maintenant confrontés aux faits, ils essaient en
20 fait de se fonder et de cacher derrière aux fins de modification. Mais,
21 toutefois, ils se sont quand même basés là-dessus.
22 Il y a une autre question qui a été soulevée. Il a été dit que "agissant de
23 concert" et "dessein commun" étaient un libellé qui suffisait. M. Wirth a
24 décrit cela comme un libellé classique pour l'entreprise criminelle
25 commune.
26 Comme je l'ai indiqué avant la pause déjeuner en réponse à des
27 questions posées par les Juges, nous ne sommes pas en train de suggérer que
28 les termes, "entreprise criminelle commune" doivent figurer nécessairement
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1 dans chaque acte d'accusation mais ce qui doit figurer dans chaque acte
2 d'accusation, c'est en fait la teneur et l'énoncé précis portant sur les
3 faits et les allégations sur lesquelles va se fonder l'Accusation et cela
4 doit correspondre à la forme élémentaire de l'entreprise criminelle
5 commune, quel que soit le libellé utilisé ou la formule retenue. Nous
6 pensons que cela n'a pas été fait dans le troisième acte d'accusation
7 modifié et nous avançons que même avec un libellé ajouté, lorsque l'on
8 prend en considération le mémoire préalable au procès, lorsque l'on indique
9 très clairement qu'il y a eu aide et encouragement, nous indiquons en fait
10 que le docteur Simic n'a pas été suffisamment informé de ce chef
11 d'inculpation portant sur l'entreprise criminelle commune.
12 En fait, je ne vais pas véritablement répondre à ces deux dernières
13 questions. Est-ce que nous pourrions peut-être avoir une pause maintenant,
14 et je pourrais ensuite terminer très rapidement après la pause ?
15 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] L'audience est levée.
16 --- L'audience est suspendue à 15 heures 56.
17 --- L'audience est reprise à 16 heures 22.
18 M. LE JUGE GUNEY : Maître Murphy.
19 M. MURPHY : Merci, Monsieur le Président.
20 [interprétation] Bien. Vous, Messieurs et Madame les Juges, vous avez
21 soulevé deux questions, la deuxième et la troisième dans l'ordonnance du 5
22 mai, et à mon avis, elle porte principalement sur la question de savoir si
23 la procédure en l'espèce a été équitable pour ce qui est du Dr Simic. A la
24 lumière de ce que j'ai dit précédemment, en répondant à la première
25 question de cette ordonnance, bien sûr, je vous ai soumis l'hypothèse qu'en
26 général, même si un acte d'accusation n'est pas correctement libellé, il
27 convient que l'Accusation y porte remède dans son mémoire préalable au
28 procès. Cela dit, je pense que les principes de la Chambre d'appel, qui ont
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1 été établis dans l'affaire Krnojelac, font quand même que la position doit
2 être claire au moins au début du procès. Il faut bien donc ici envisager
3 qu'elle était la situation au début du procès, quant à savoir si
4 l'Accusation avait fait ce qu'il fallait à l'époque pour que le Dr Simic
5 fasse exactement ce que lui était reproché.
6 Or, ici, qu'avons-nous ? Au mieux, donc, en prenant le point de vue
7 de l'Accusation, nous avons un mémoire préalable au procès qui ne traite
8 pas de la question de l'entreprise criminelle commune associée au mieux
9 avec un acte d'accusation modifié qui parle "d'agir de concert" à un même
10 endroit et qui a un autre endroit utilise les deux mots "dessein commun",
11 mais ailleurs, expose plutôt des faits qui sont cohérents avec la position
12 qui a été prise dans le mémoire préalable au procès - voilà où nous en
13 sommes - au début du procès finalement.
14 Près de trois mois de déroulement du procès, et là, je tiens à dire,
15 entre parenthèses, que la Chambre de première instance a bien noté que rien
16 n'avait été corrigé lors des Conférences de mise en état ou lors de la
17 déclaration liminaire de l'Accusation.
18 Donc au bout de trois mois de déroulement de procès, comme l'observe
19 la Chambre d'appel dans sa question, on en arrive au problème du toilettage
20 de l'acte d'accusation existant, donc, de l'harmonisation du libellé et des
21 libellés. Finalement, il s'agissait uniquement d'utiliser un même libellé
22 et au lieu de l'énoncer une seule fois d'ajouter ces libellés dans d'autres
23 paragraphes de l'acte d'accusation modifié. C'était l'exposé que nous avons
24 eu. Comme l'a dit mon collègue, M. Pantelic, l'amendement précédent,
25 auparavant, était juste un amendement technique pour enlever l'accusé
26 Simic. A mon avis, finalement, l'Accusation s'est dévoilée en fin de compte
27 au dernier moment pour dire finalement qu'il y avait bel et bien une
28 entreprise criminelle commune dont le Dr Simic faisait partie, mais il
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1 s'est dévoilé qu'en fin de compte.
2 En réponse aux questions 2 et 3, nous avançons que même en prenant la
3 partie de l'Accusation que l'angle utilisé était correct dans le troisième
4 acte d'accusation modifié, mais ils ont, finalement, déclaré et dévoilé ce
5 qu'ils voulaient en fin de compte. Donc, si la Chambre d'appel considère
6 que l'acte d'accusation n'était pas suffisamment clair, cela va décider
7 aussi en faveur du Dr Simic, en matière d'équité. Donc, la Chambre d'appel
8 doit décider si on regarde en tout l'historique de cet acte d'accusation,
9 si le Dr Simic a eu droit à un procès équitable et s'il a été averti à
10 temps de ce qui lui était reproché.
11 A la fin de ma présentation, dans un peu de temps d'ailleurs, ne vous
12 inquiétez pas, je vais en revenir à quelques points qui découlent à mon
13 avis des réponses données à ces questions.
14 Tout d'abord, j'aimerais parler un petit peu de la peine.
15 M. Kremer a répondu à la question des Juges sur la conséquence de la peine
16 d'une éventuelle requalification d'une note de responsabilité de l'appelant
17 en faveur si possible du Dr Simic. Nous avons eu quelques discussions sur
18 les chiffres. Je ne les ai pas suivis de très, très près. Cela aurait pu
19 faire que d'autre chose, avec 25 % de réduction, 10 % de réduction, et
20 cetera. Je ne pense pas qu'il faut envisager les choses ainsi. Il faut
21 regarder la situation dans sa globalité. C'est la première fois au Tribunal
22 que nous avons une opinion décidant sur la peine et il y a une différence
23 importe quand même entre sept et 17 ans. Le Juge Lindholm, qui est un juge
24 extrêmement expérimenté, lui n'était pas d'accord avec ses collègues au
25 niveau de la peine. Ici, nous avons quand même une opinion judiciaire sur
26 ce point qui, à notre avis, porte énormément de poids, la décision du Juge
27 Lindholm. Le problème de la peine doit être envisagé de cette façon et doit
28 être traité suite aux conclusions que seront faites par la Chambre sur les
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1 modes de responsabilité adéquate.
2 Nous avançons que l'opinion du Juge Lindholm doit être envisagée avec
3 énormément de poids et peut-être même utilisée comme référence de départ.
4 Il y a un autre aspect très unique dans notre affaire suite à l'échec de
5 l'Accusation de trouver exactement la véritable nature de l'affaire,
6 puisque nous avons deux co-accusés qui étaient - maintenant, on sait grâce
7 à l'Accusation qui étaient impliqués dans l'entreprise criminelle commune,
8 on le savait pas à l'époque - mais au cours du procès, ils ont modifié leur
9 plaidoyer. Ils ont plaidé coupable et ont reçu une peine qui reflétait ce
10 que la Chambre penserait être appropriée au vu de l'état en l'espèce au
11 moment. Mais étant donné, il me semble étrange quand même que le Dr Simic a
12 maintenu son plaidoyer de non culpabilité étant donné - alors on a un peu
13 changer les buts -- au cours de la proposition des buts, au cours du procès
14 et, finalement, ils se retrouvent au sommet de l'entreprise criminelle
15 commune et étant donné le nombre de peine 17 ans. Nous considérons que la
16 peine du Dr Simic soit plus proche au moins de celle des autres
17 participants en l'espèce. Ce serait une anomalie qui concerne cette perte
18 très lourde alors qu'il y a eu tant de confusion venant de la part de
19 l'Accusation pour ce qui est de l'identification de la nature véritable de
20 l'affaire.
21 J'ai maintenant un dernier point à avancer et, ensuite, bien sûr, je serai
22 prêt à répondre à vos questions. Il s'agit d'un argument assez général qui
23 ne vient d'aucune question posée par les Juges. Cela vient quand même de
24 certaines questions posées par les Juges aujourd'hui.
25 Nous voudrions que la Chambre d'appel dise, en espèce, il ne s'agit pas
26 uniquement que l'appel du Dr Simic soit juste, mais il faudrait aussi
27 utiliser cet appel pour établir les principes, des principes qui vont un
28 peu dans le sens de ce que vous nous avez indiqué dans vos questions, en
Page 146
1 gardant à l'esprit ce qui, à notre avis, a été l'attitude assez désinvolte
2 de l'Accusation, non seulement en ce qui concerne l'exposé des faits dans
3 l'exposition des faits reprochés, mais aussi envers l'acte d'accusation
4 modifié.
5 Certaines questions ont été soulevées quant à savoir si la Défense à
6 l'époque du procès a soulevé des objections appropriées pour ce qui est de
7 l'acte d'accusation, des modifications de cet acte d'accusation, du fait
8 qu'ils ont été assez surpris et toujours pris au dernier moment. Ces
9 questions peut-être n'ont pas été résolues de façon satisfaisante
10 aujourd'hui. Néanmoins, je crois que l'Accusation aime bien considérer que
11 leur énonciation est une règle absolue, mais ce ne l'est pas. Ce ne l'est
12 pas. Parfois, il y a des points bien plus importants qui sont soulevés dans
13 une affaire, et ici, juste pour dire, admettons que nous soyons d'accord
14 avec tout ce que dit l'Accusation, que la Défense n'a soulevé aucune
15 objection, et étant donné les implications, les conséquences de l'affaire,
16 nous considérons quand même que la conduite de l'Accusation était si
17 désinvolte, que le fait que certes aucune objection n'ait été soulevée,
18 doit être mise de côté parce qu'il faut absolument assurer l'équité dans ce
19 procès.
20 Si, en fin de compte, la Chambre considère que le manque de clarté de
21 l'Accusation a résulté en un procès inéquitable pour le
22 Dr Simic, il y a quand même certaines choses que la Chambre d'appel peut
23 faire pour remédier à cela. Il y en a trois; tout d'abord, le premier
24 remède, il y en a un qui est logique, un qui est moins favorable au Dr
25 Simic, un qui est plus favorable au Dr Simic. Alors, le remède le plus
26 évident, le plus logique, c'est de permettre au
27 Dr Simic de bénéficier d'un nouveau procès où il serait bien informé. Bien
28 évidemment, ensuite, la stratégie d'achèvement du Tribunal, étant donné la
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1 difficulté de faire revenir les témoins, d'arranger les dispositions
2 logistiques, je pense que, malheureusement, ceci ne pourrait être envisagé
3 en espèce, ne sera pas pratique.
4 Maintenant, il nous reste simplement deux possibilités; une qui est
5 peut-être moins favorable au Dr Simic, celle à laquelle vous avez allusion,
6 d'ailleurs, qui est de rectifier la sentence en requalifiant le mode de
7 responsabilité. Si vous choisissez ceci, nous vous en serons reconnaissant,
8 mais je serais assez audacieux. Je ferais une proposition encore plus
9 audacieuse. Il y a un autre remède qui serait beaucoup plus favorable au Dr
10 Simic, et j'aimerais vraiment que la Chambre de premier appel le considère.
11 Il saurait reconnaître, qu'à moins que l'Accusation ait enfin à répondre de
12 sa conséquence, de sa désinvolture, sinon, jamais ils ne modifieront leur
13 attitude, et tant qu'on leur permet finalement d'être désinvolte, malgré
14 toutes les critiques de la Chambre de première instance, ils -- et de dire
15 : Mais non, finalement, nos exposés de faits sont parfaits. C'est la
16 position qu'ils ont prise aujourd'hui, jusqu'à ce qu'on ne les sanctionne,
17 vraiment tangiblement rien ne va changer. Je considère que ce qu'il
18 faudrait, c'est de substituer un verdict d'acquittement pour le Dr Simic,
19 et ainsi on pourrait mettre un terme à cette affaire.
20 Maintenant, si vous avez des questions à poser, je suis prêt.
21 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Le Juge Shahabuddeen a une question.
22 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Cette audience a été rendue plus
23 complexe par la référence à un certain nombre de modifications de plusieurs
24 actes d'accusation.
25 M. MURPHY : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maintenant, je pense en
27 particulier au troisième acte d'accusation modifié, et je crois que nous
28 avons l'impression que cet acte d'accusation avait connu deux moutures.
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1 M. MURPHY : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Il y a une mouture qui se
3 trouve sur le site Web du Tribunal et l'autre dans le dossier.
4 M. MURPHY : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Pourriez-vous me dire laquelle
6 de ces deux versions de l'acte d'accusation a été remise à la Défense ?
7 M. MURPHY : [interprétation] Peut-être Me Pantelic pourrait-il répondre. Il
8 était là en premier instance. Je pense qu'il vaudrait mieux que ce soit lui
9 qui réponde directement plutôt qu'il ne me souffle mes réponses.
10 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Je peux vous
11 confirmer que nous avons reçu le troisième acte d'accusation modifié le 24
12 avril 2001, avec la requête de l'Accusation aux fins de modifications de
13 l'acte d'accusation, qui a été citée par mon éminent confrère, le Pr
14 Murphy. Il s'agissait du fait que le mode de responsabilité au titre de
15 l'article 7(3) n'était plus invoqué dans l'acte d'accusation, donc il
16 s'agissait d'une simple correction pratique de l'acte d'accusation.
17 Si vous me permettez, au sujet de l'autre question que vous avez
18 posée précédemment, je souhaiterais vous indiquer que la Chambre de
19 première instance a rendu sa décision le 20 décembre 2001, pour ce qui
20 était de la modification du troisième acte d'accusation. On est en train de
21 parler du quatrième acte d'accusation modifié. Vous aviez la décision et
22 vous avez posé des questions au bureau du Procureur.
23 Vu le climat général qui régnait pendant tout le procès, la meilleure
24 explication, on la trouve au paragraphe 29 de ladite décision. La Chambre
25 de première instance a déclaré, je cite : "En conclusion, dans le cadre de
26 la délivrance de cette décision relative à la requête de l'Accusation aux
27 fins de modifier le troisième acte d'accusation modifié, la Chambre de
28 première instance constate que bon nombre des questions qui ont été
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1 évoquées résultent du manque de diligence manifestée par l'Accusation."
2 La Chambre de première instance la répète ensuite plus tard,
3 puisqu'on peut la lire à nouveau au paragraphe 25 de la même décision.
4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Paragraphe 25 ?
5 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, en effet. En bas de la page 7,
6 paragraphe 25, on lui la chose suivante, je cite : "La Chambre de première
7 instance permettra uniquement l'inclusion de ce paragraphe au sujet de la
8 persécution." Puisqu'on avait parlé de libeller ici "agissant de concert".
9 Puisque, comme d'habitude, l'Accusation essayait d'incorporer ces
10 formulations pour tous les chefs d'accusation de manière sournoise. C'est
11 quelque chose qu'on a constaté tout au long du procès, et la réaction de la
12 Chambre de première instance était de dire : "Non. Non. Suffit. Nous allons
13 vous permettre d'inclure ce libellé uniquement pour le paragraphe 40,
14 uniquement dans ce paragraphe."
15 De plus, au paragraphe 20, la Chambre de première instance a déclaré qu'il
16 s'agissait d'une sorte de toilettage pour éliminer un certain nombre
17 d'incohérences dans le libellé, et cetera, et cetera.
18 Notre position est la suivante : Nous avons suivi une stratégie de
19 défense qui s'appuyait sur la thèse présentée par l'Accusation, à savoir,
20 responsabilité au titre de l'article 7(1), sous diverses formes avec
21 l'accent mis sur la complicité, aider et encourager. C'était notre
22 stratégie. Nous ne sommes pas opposés formellement à l'utilisation du
23 libellé en question. Pourquoi ? Parce que pour nous -- à cause de ce que
24 nous savions de l'affaire. Manifestement, l'Accusation a modifié dans son
25 interprétation de l'affaire, puisque l'Accusation, entre 1995 et 2001, a
26 considérablement évolué dans sa thèse.
27 Nous vous avons expliqué les tenants et les aboutissants de cette
28 évolution et la question qui se pose ici, j'insiste, c'est de savoir si le
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1 Dr Simic a été un participant actif dans une entreprise criminelle commune
2 ou s'il a été complice.
3 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Pantelic, je vous
4 interrogeais uniquement sur l'acte d'accusation et savoir quel acte
5 d'accusation vous avez reçu exactement ? Vous avez dit que l'acte
6 d'accusation auquel il est fait mention au paragraphe 20 de la décision,
7 c'est celui-là, n'est-ce pas ?
8 M. PANTELIC : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bien.
10 M. PANTELIC : [interprétation] C'est bien.
11 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.
12 M. PANTELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 M. MURPHY : [interprétation] Est-ce qu'il y a d'autres questions, Monsieur
14 le Président, Madame, Messieurs les Juges.
15 M. LE JUGE GUNEY : Etant donné qu'il n'y a pas d'autres questions de
16 la part de vos collègues, cela conclut les débats des parties dans cette
17 affaire. Vous pouvez vous asseoir, Maître Murphy.
18 Je me tourne maintenant vers M. Simic, pour lui demander s'il
19 souhaite prendre la parole pour une brève déclaration à la Chambre d'appel
20 selon qui était prévu dans notre ordonnance portant calendrier.
21 Vous avez la parole, Monsieur Simic.
22 L'APPELANT : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Il n'y a pas de traduction. Attendez un
24 moment, s'il vous plaît. Vous nous entendez ? Non.
25 Est-ce que les techniciens pourraient venir à notre aide ?
26 Cela ne marche pas. Qu'est-ce qu'on doit faire ?
27 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
28 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Est-ce que les difficultés techniques
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1 ont été résolues ? Vous m'entendez ? O.K.
2 Vous avez la parole, Monsieur Simic.
3 L'APPELANT : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
4 Juges, je vais répéter ce que j'ai déjà dit. Je n'ai rien à ajouter
5 s'agissant de ma défense, parce que tout ce que je voulais dire a déjà été
6 dit par mes conseils. Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée
7 par vous remercier de m'avoir donné la possibilité de me rendre sur la
8 tombe de mes parents décédés à deux reprises. Merci beaucoup.
9 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.
10 Nous sommes ainsi parvenus à la fin de l'audience d'appel dans cette
11 affaire. Avant de procéder à la levée de l'audience, j'aimerais toutefois
12 adresser un dernier point. En vertu de l'article 65 bis du Règlement, une
13 Conférence de mise en état doit être tenue environ vers la mi-juin 2006
14 pour permettre à M. Simic de soulever des questions relatives à ses
15 conditions de détention ou à son état de santé mentale et physique.
16 En ma qualité de Juge de la mise en état, je veux savoir, Monsieur
17 Simic, si vous avez des questions de cet ordre à soulever ?
18 Je prends bonne note de votre réponse. Je comprends, donc, qu'il ne sera
19 pas nécessaire de tenir une Conférence de mise en état dans les 120 jours à
20 venir.
21 L'Accusation a-t-elle une objection à soulever en cette matière ?
22 M. KREMER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE GUNEY : En ordre de la Chambre d'appel, je tiens, à présent, à
24 remercier les conseils de la Défense et de l'Accusation pour leur
25 collaboration, les juristes et les représentants du Greffe qui ont prêté
26 leur coopération pour la tenue de l'audience, les rédacteurs des comptes
27 rendus d'audience pour leur aide précieuse et les interprètes qui ont
28 permis avec dévouement et toujours derrière de la scène lors des débats de
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1 cette audience.
2 Je me propose maintenant de lever l'audience.
3 --- L'audience d'appel est levée à 16 heures 51.
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