Affaire n° :    IT-99-37-AR73
                    IT-01-50- AR73
                    IT-01-51- AR73

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Claude Jorda, Président
M. le Juge David Hunt
M. le Juge Mehmet Güney
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Theodor Meron

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
1er février 2002

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

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DÉCISION RELATIVE À L’APPEL INTERLOCUTOIRE
DE L’ACCUSATION CONTRE LE REJET DE LA DEMANDE DE JONCTION

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Le Bureau du Procureur :

Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice
M. Norman Farrell
Mme Peggy Kuo

L’Accusé :

M. Slobodan Milosevic

Amici Curiae:

M. Steven Kay
M. Branislav Tapuskovic
M. Michaïl Wladimiroff

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991,

VU l’appel interlocutoire déposé le 15 janvier 2002 par l’Accusation (« la demande ») contre la « Décision relative à la requête aux fins de jonction » rendue le 13 décembre 2001 par la Chambre de première instance III (« la Décision attaquée »), portant refus de joindre l’acte d’accusation dressé à l’encontre de Slobodan Milosevic (« l’Accusé ») concernant des crimes présumés avoir été commis au Kosovo (« l’Acte d’accusation Kosovo ») aux actes d’accusation concernant des crimes présumés avoir été commis en Croatie (« l’Acte d’accusation Croatie ») et en Bosnie (« l’Acte d’accusation Bosnie »), mais ordonnant la jonction des Actes d’accusation Croatie et Bosnie,

VU la « Décision relative à la requête du Procureur aux fins d’autorisation d’interjeter un appel interlocutoire », par laquelle un collège de Juges de la Chambre d’appel a accordé, le 9 janvier 2002, l’autorisation d’interjeter appel,

OUÏ, en l’audience du 30 janvier  2002, les exposés des parties au sujet des questions soulevées par le présent appel,

ATTENDU que l’interprétation de l’expression « même opération » figurant à l’article 49 du Règlement de procédure et de preuve (« le Règlement ») constitue un point de droit,

ET ATTENDU que l’appréciation de l’opportunité de la jonction en application de l’article 49 du Règlement relève du pouvoir discrétionnaire de la Chambre de première instance,

CONVAINCUE, sur la base d’arguments quant à l’interprétation correcte de l’article 49 du Règlement, qui n’avait pas été soumis par l’Accusation à la Chambre de première instance pour examen, que cette dernière a versé dans l’erreur en interprétant ledit article, et que cette erreur sur un point de droit invalide sa décision et l’exercice de son pouvoir discrétionnaire,

ATTENDU que, conformément à la pratique constante en appel, il convient donc de substituer les conclusions de la Chambre d’appel à celles relevant du pouvoir discrétionnaire de la Chambre de première instance,

CONVAINCUE que l’interprétation correcte de l’article 49 du Règlement conduit à conclure que les actes allégués dans les Actes d’accusation Croatie, Bosnie et Kosovo (« les Trois Actes d’accusation ») participent de la même opération,

CONVAINCUE ÉGALEMENT qu’en conformité avec l’article 49 du Règlement, les crimes allégués dans les Trois Actes d’accusation sont reprochés à l’Accusé,

ATTENDU que l’Accusation a affirmé devant la Chambre d’appel qu’elle sera prête le 12 février 2001 pour la procédure relative à l’Acte d’accusation Kosovo,

ATTENDU ÉGALEMENT que s’agissant de la procédure relative aux Actes d’accusation Croatie et Bosnie, l’Accusation a assuré à la Chambre d’appel qu’elle sera prête le 1er juillet 2002, qu’elle sera en mesure de présenter dès le 1er avril 2002 la liste de ses témoins, la liste de ses pièces à conviction et son mémoire préalable au procès, et qu’elle ne demandera pas d’ajournement pendant le procès pour pouvoir préparer sa cause concernant ces actes d’accusation,

ATTENDU qu’en cas de jonction et d’ouverture du procès le 12 février 2002, les éléments de preuve relatifs aux Actes d’accusation Croatie et Bosnie ne devraient pas être versés avant que les pièces y afférentes ne soient mises à la disposition de l’Accusé (et notamment celles dont la communication s’impose aux termes des articles 66 et 68 du Règlement) et tant que les droits que lui reconnaît l’article 21 du Statut au regard de ces pièces n’auront pas été respectés,

ET ATTENDU que sur cette base, la Chambre d’appel devrait exercer son pouvoir discrétionnaire d’ordonner la jonction des Trois Actes d’accusation en un seul procès,

ACCUEILLE l’appel de l’Accusation et ORDONNE comme suit :

  1. Les Trois Actes d’accusation feront l’objet d’un procès unique.
  2. Dans le cadre de ce procès unique, les Trois Actes d’accusation seront réputés n’en constituer qu’un seul.
  3. La procédure contre l’Accusé se verra attribuer un seul numéro d’affaire.
  4. À moins que la Chambre de première instance n’en décide autrement, le procès s’ouvrira le 12 février 2002 par la présentation d’éléments de preuve ne portant que sur les accusations relatives au Kosovo, jusqu’à ce que, conformément à l’opinion présentée ci-dessus par la Chambre d’appel, il devienne possible de verser également des preuves concernant les accusations relatives à la Croatie et à la Bosnie.
  5. Dès que possible, l’Accusation mettra à la disposition de l’Accusé les pièces concernant les accusations relatives à la Croatie et à la Bosnie (et notamment celles dont la communication s’impose aux termes des articles 66 et 68 du Règlement).
  6. La Chambre de première instance peut, si elle le souhaite, exiger de l’Accusation qu’elle présente lors de sa déclaration liminaire, et ce même si les pièces mentionnées au point précédent n’ont pas encore été mises à la disposition de l’Accusé, un aperçu général de sa cause au regard des Trois Actes d’accusation suffisant à permettre de trancher toute question d’admissibilité d’éléments de preuve qui pourrait se poser dans les premiers stades du procès.

Les motifs de la présente décision de la Chambre d’appel seront publiés en temps opportun.

 

Fait en anglais et en français, la version en français faisant foi.

M. le Juge Claude Jorda
Président de la Chambre d’appel

Fait le 1er février  2002
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]