Affaire n° : IT-02-54-AR73.7

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
Mme le Juge Florence Mumba
M. le Juge Mehmet Güney
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
1er novembre 2004

SLOBODAN MILOSEVIC

c/

LE PROCUREUR

________________________________________

DÉCISION RELATIVE À L’APPEL INTERLOCUTOIRE FORMÉ CONTRE LA DÉCISION DE LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE RELATIVE À LA COMMISSION D’OFFICE DES CONSEILS DE LA DÉFENSE

________________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice
Mme Hildegard Uertz-Retzlaff
M. Dermot Groome

L’Accusé :

Slobodan Milosevic

Les Conseils commis d’office :

M. Steven Kay
Mme Gillian Higgins

L’Amicus Curiae :

M. Timothy L.H. McCormack

 

1. La Chambre d’appel du Tribunal pénal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal » ou « TPIY ») est saisie d’un appel interjeté le 29 septembre 2004 par les conseils commis d’office à la défense de Slobodan Milosevic contre la décision de la Chambre de première instance de les commettre d’office (Appeal Against the Trial Chamber’s Decision on Assignment of Defence Counsel (Corrigendum)).

Rappel de la procédure

2. Le présent appel est interjeté dans le cadre du procès intenté contre Slobodan Milosevic pour les crimes qui auraient été commis alors qu’il était Président de la République de Serbie, puis Président de la République fédérale de Yougoslavie. Slobodan Milosevic est accusé de multiples crimes contre l’humanité, d’infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et d’un certain nombre de violations des lois ou coutumes de la guerre. Les accusations portées à son encontre, dont la liste est longue et complexe, faisaient initialement l’objet de trois actes d’accusation distincts, correspondant à trois aires géographiques différentes, à savoir le Kosovo, la Croatie et la Bosnie. Ces accusations ont depuis été réunies en vue d’un procès unique1, qui s’est ouvert le 12 février 2002.

3. Tout au long de la procédure engagée en l’espèce – et bien avant l’ouverture du procès lui-même – Slobodan Milosevic a exigé le respect de son droit à assurer lui-même sa défense et rejeté toutes les propositions qui lui avaient été faites de désigner un conseil chargé de le représenter. Depuis la première conférence de mise en état tenue le 30 août 2001, la Chambre de première instance a toujours reconnu le droit de Slobodan Milosevic d’assurer lui-même sa défense et conclu que « l’Accusé a le droit d’avoir un conseil, mais il a aussi le droit de ne pas en avoir2  ». Toutefois, la Chambre de première instance a également souligné que « le droit de se défendre soi-même n’est pas absolu3  ». Tout en postulant qu’il « est normalement malvenu […] dans une procédure accusatoire telle que celle-ci » d’imposer un conseil à un accusé contre sa volonté, la Chambre de première instance a fait part de son intention de « suivr[e] l’évolution de la situation4 ».

4. Au cours du procès, les problèmes de santé de Slobodan Milosevic ont suscité des difficultés croissantes, tant pour lui-même que pour la Chambre de première instance. Slobodan Milosevic souffre depuis longtemps de troubles cardiovasculaires chroniques et, plus précisément, d’une hyperpiésie aiguë et d’une hypertrophie cardiaque. Des rapports médicaux établis à la demande de la Chambre de première instance en juillet 2002 ont révélé que le stress du procès avait tellement aggravé son état qu’il devrait être suivi de près par un cardiologue tout au long du procès5. Sur les conseils des médecins qui ont examiné Slobodan Milosevic, le procès s’est poursuivi étant entendu que lorsque sa tension atteindrait un niveau inacceptable, une suspension serait ordonnée dans l’attente d’un retour à la normale. Le procès a effectivement été suspendu à maintes reprises. Au cours des deux années qu’a duré la présentation des moyens à charge, les problèmes de santé de Slobodan Milosevic ont été la cause de treize suspensions, d’où une perte de 66 jours d’audience au total6. Même lorsque Slobodan Milosevic était en bonne santé, le travail de la Chambre de première instance a été considérablement gêné par l’allègement du calendrier des audiences décidé sur les conseils des médecins. Pour permettre à Slobodan Milosevic de se remettre de la fatigue due au procès, la Chambre de première instance a d’abord ordonné une période de repos de quatre jours consécutifs toutes les deux semaines de procès. L’état de santé de Slobodan Milosevic continuant à donner des signes de dégradation, les périodes de repos sont passées à quatre jours par semaine, la Chambre de première instance siégeant ainsi trois jours par semaine7.

5. Au cours de l’été 2004, force a été de constater que rien ne permettait de s’attendre à une amélioration. Bien au contraire, l’état de santé de Slobodan Milosevic a en fait « semblé se dégrader et non s’améliorer » avec le temps8. Certains problèmes se sont manifestés dans le courant de cette année. À l’issue de la présentation des moyens à charge le 25 février 2004, la Chambre de première instance a fixé le début de la présentation des moyens à décharge de Slobodan Milosevic au 8 juin 2004. Bien qu’une suspension de trois mois ait déjà été prévue en raison de « l’état de santé de l’Accusé9 », la déclaration liminaire de la Défense a été reportée à cinq reprises à cause des problèmes de santé persistants de Slobodan Milosevic10. La deuxième phase du procès s’est finalement ouverte le 31 août 2004 avec la déclaration liminaire de Slobodan Milosevic étalée sur deux jours. Plus de six mois s’étaient écoulés depuis la clôture de la présentation des moyens à charge11.

6. Devant la détérioration de l’état de santé de Slobodan Milosevic, la Chambre de première instance a décidé de « reconsidérer complètement la conduite ultérieure du procès, compte tenu des problèmes de santé de l’Accusé, qui sont manifestement chroniques et récurrents, d’après le dernier rapport du médecin12  ». La Chambre de première instance a ordonné à deux médecins, son médecin traitant et un cardiologue qui ne l’avait jamais soigné, d’examiner Slobodan Milosevic pour déterminer s’il était en état de continuer d’assurer sa défense13. Les deux médecins ont conclu que, compte tenu de son état de santé à l’époque, Slobodan Milosevic risquait d’être victime d’une poussée d’hypertension mortelle s’il continuait d’assurer luimême sa défense, alors que le calendrier des audiences restait en l’état. Les deux médecins ont en outre estimé que les pauses ménagées dans le calendrier pour permettre à Slobodan Milosevic de se défendre sans pour autant mettre sa vie en danger, retarderaient considérablement le procès14.

7. Vu les rapports médicaux et le déroulement du procès jusqu’alors, la Chambre de première instance a décidé, à l’audience du 2 septembre 2004, de commettre un conseil à la défense de Slobodan Milosevic, même si celui-ci s’y était vigoureusement opposé15. Motivant par écrit sa décision, la Chambre de première instance a dit :

[L]es risques qui [pèsent] sur la santé et en fait la vie de l’Accusé et la probabilité que le procès soit encore gravement perturbé [sont] si grands qu’ils [sont] susceptibles de compromettre la bonne administration de la justice. Il y [a] un réel danger que le procès se prolonge outre mesure ou, pire, qu’il ne soit pas mené à son terme si l’Accusé continu[e]de se défendre sans l’aide de conseils. Dans ces circonstances, il [serait] irresponsable de permettre à l’Accusé de continuer d’assurer lui-même sa défense. Aucun tribunal, conscient de son devoir de garantir un procès équitable et rapide et de la responsabilité qui est la sienne de préserver la bonne administration de la justice, ne pourrait l’accepter. [...]

Compte tenu de l’histoire de l’affaire et des conclusions auxquelles elle [est] parvenue, la Chambre de première instance [est] d’avis qu’il [est] nécessaire de décharger l’Accusé du fardeau de sa défense en vue de stabiliser son état de santé, et de limiter au maximum les suspensions d’audience de façon à ce que la présentation des moyens à décharge se fasse sans à-coups et que le procès prenne fin dans un délai raisonnable dans l’intérêt de l’Accusé et dans celui de la justice : autrement dit, de garantir à l’Accusé un procès rapide et équitable16.

Le 3 septembre 2004, la Chambre de première instance a rendu une ordonnance fixant les modalités de collaboration entre Slobodan Milosevic et les conseils commis d’office  :

1) Il incombe aux conseils commis d’office par la Chambre de déterminer la manière dont ils plaideront la cause de l’Accusé, et, pour ce faire, il leur faut notamment :

a) représenter l’Accusé en préparant et en interrogeant les témoins qu’ils estiment utile de citer,

b) présenter tous les arguments de fait et de droit qu’ils estiment utile de présenter,

c) solliciter auprès de la Chambre de première instance la délivrance de toutes ordonnances qu’ils estiment nécessaires pour leur permettre de plaider convenablement la cause de l’Accusé, y compris celle d’ordonnances de production ou de comparution forcées,

d) discuter avec l’Accusé de la conduite du procès, s’efforcer d’obtenir des instructions de sa part et tenir compte des opinions qu’il a exprimées, tout en conservant le droit de décider de la marche à suivre, et

e) préserver en tout temps les intérêts de l’Accusé.

2) L’Accusé peut, avec l’autorisation de la Chambre de première instance, continuer à participer activement à la conduite du procès, notamment, si nécessaire, en interrogeant des témoins après que ceux-ci auront été interrogés par les conseils commis d’office,

3) L’Accusé a le droit de présenter à tout moment une requête raisonnable devant la Chambre de première instance par laquelle il sollicite l’autorisation de désigner lui-même un conseil, et

4) Les conseils commis d’office sont autorisés à solliciter auprès de la Chambre de première instance la délivrance de toutes autres ordonnances qu’ils estiment nécessaires pour leur permettre de plaider la cause de l’Accusé17.

Ainsi, la Chambre de première instance a donné à Slobodan Milosevic la possibilité de continuer à « prendre activement part aux côtés de ses conseils à la préparation et la présentation de sa défense » et même de « témoigner, procéder à l’interrogatoire et au contre-interrogatoire des témoins avec l’autorisation de la Chambre, sélectionner et produire des moyens de preuve documentaires, et présenter ses conclusions finales sur les éléments de preuve18 ». Toutefois, Slobodan Milosevic jouerait un rôle secondaire par rapport à celui de ses conseils commis d’office et ne pourrait intervenir qu’avec l’autorisation de la Chambre de première instance, qui disposait en la matière d’un pouvoir discrétionnaire.

8. La Chambre de première instance a fait droit à la demande des conseils commis d’office de certifier l’appel interlocutoire envisagé contre sa décision19. Se fondant sur l’article 73 B) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement  »), la Chambre de première instance a estimé que la commission d’office de conseils de la défense était susceptible de compromettre sensiblement l’équité et la rapidité du procès, ou son issue, et que le règlement immédiat de la question par la Chambre d’appel pouvait concrètement faire progresser la procédure20. L’appel interlocutoire a été formé immédiatement après la certification.

Critère d’examen

9. Comme l’a précédemment indiqué la Chambre d’appel, une Chambre de première instance exerce son pouvoir d’appréciation « dans beaucoup de situations différentes : par exemple, en fixant une peine, en décidant s’il convient ou non d’accorder la mise en liberté provisoire, en décidant de l’admissibilité de certains types d’éléments de preuve, en appréciant un témoignage et (plus souvent), en statuant sur des points de pratique ou de procédure21 ». La décision d’une Chambre de première instance de commettre d’office des conseils de la défense entre tout à fait dans cette dernière catégorie. Une décision de ce type se fonde sur la connaissance intime qu’a la Chambre de première instance du comportement ordinaire des parties et des nécessités pratiques de l’affaire et elle exige de mettre en balance les impondérables dans une ordonnance spécialement conçue pour gouverner en l’espèce, comme il convient, un ensemble changeant de débats. En conséquence, la Chambre d’appel examinera la décision de la Chambre de première instance à seule fin de déterminer si celle-ci a exercé comme il convient son pouvoir d’appréciation en imposant des conseils à Slobodan Milosevic.

10. La question qui se pose n’est pas de savoir si la Chambre d’appel approuve la conclusion de la Chambre de première instance mais si cette dernière « a, en prenant la décision, exercé à bon escient le pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu 22 ». Il appartient à la partie qui conteste l’usage qu’une Chambre de première instance a fait de son pouvoir discrétionnaire de démontrer que « la Chambre de première instance s’est méprise sur le principe à appliquer ou sur la règle de droit à prendre en compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire », ou « qu’elle a attaché de l’importance à des éléments étrangers à l’affaire ou non pertinents, qu’elle n’a pas ou pas suffisamment pris en compte les éléments dignes de l’être, ou qu’elle a commis une erreur concernant les faits sur la base desquels elle a exercé son pouvoir discrétionnaire » ou encore que la décision était « à ce point déraisonnable ou tout simplement injuste que la Chambre d’appel peut en déduire que la Chambre de première instance n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire à bon escient23  ». Pour dire les choses plus simplement, la Chambre d’appel annulera la décision attaquée si celle-ci 1) repose sur une interprétation erronée du droit applicable, 2) repose sur une constatation manifestement erronée ou 3) est à ce point injuste ou déraisonnable qu’il y a eu erreur d’appréciation de la part de la Chambre de première instance. En l’absence d’une erreur de droit ou de fait manifeste, l’examen en appel est assez étroitement circonscrit : même si elle n’est pas persuadée qu’il fallait imposer des conseils à Slobodan Milosevic, la Chambre d’appel ne reviendra sur la décision attaquée que si celle-ci est à ce point déraisonnable qu’elle doit en conclure que la Chambre de première instance a commis une erreur d’appréciation.

Examen

11. La Chambre de première instance et l’Accusation reconnaissent toutes deux qu’en principe, un accusé est présumé avoir le droit d’assurer sa propre défense. On comprend aisément pourquoi. L’article 21 du Statut du TPIY (le « Statut ») qui colle à l’article  14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques24 dispose que toute personne accusée a droit, « en pleine égalité », à un ensemble fondamental de garanties minimales, notamment au droit « [de] se défendre elle-même ou [d’]avoir l’assistance d’un défenseur de son choix25  ». Cette affirmation est sans équivoque : étant donné cette opposition binaire entre le droit d’être assisté d’un conseil et le droit de se défendre soi-même, la Chambre d’appel estime que l’article 21 ne peut raisonnablement s’interpréter que comme garantissant à l’accusé le droit de se défendre lui-même. Ce droit ne doit pas être pris à la légère. Les rédacteurs du Statut l’ont clairement considéré comme la pierre angulaire de la justice et placé au même niveau que le droit de l’accusé de garder le silence26 et d’interroger les témoins à charge27, de bénéficier d’un procès rapide28 et même d’obtenir un conseil commis d’office s’il n’a pas les moyens de le rémunérer29. Comme l’a dit la Cour suprême américaine dans l’arrêt Faretta dans lequel on trouve, selon la Chambre de première instance, un énoncé classique du droit de se défendre soi-même30, un « conseil imposé à un accusé ne “représente” son client qu’à travers une fiction juridique fragile et inacceptable » qui fait de lui « non un adjoint mais un maître31  ». En conséquence, les accusés déférés devant ce Tribunal sont présumés avoir le droit d’assurer eux-mêmes leur défense, même si une Chambre de première instance a jugé qu’il était de leur intérêt de se faire représenter par un conseil.

12. Si nul ne conteste le droit de se défendre soi-même, divers systèmes de droit de par le monde reconnaissent qu’il n’est pas absolu. Ainsi, même dans l’arrêt Faretta, la Cour suprême américaine a indiqué que puisque « [l]e droit de se défendre soi-même n’autorise pas une atteinte à la dignité du prétoire », un juge de première instance « peut [en] priver l’accusé s’il y a de sa part faute délibérée et volonté de faire obstruction32  ». Acceptant l’idée que ce droit n’est pas sans limites, l’Angleterre33, l’Écosse34, le Canada35, la Nouvelle–Zélande36 et l’Australie 37 en sont venus à autoriser leurs tribunaux à restreindre considérablement le droit d’une personne accusée d’un délit sexuel de se défendre elle-même, afin de protéger les témoins vulnérables contre tout traumatisme. Les tribunaux écossais vont même jusqu’à interdire à ces accusés d’assurer leur défense38. Si la Chambre d’appel ne s’est pas encore prononcée sur cette question, les tribunaux contemporains spécialisés dans les crimes de guerre sont unanimes pour conclure que le droit à se défendre soi-même « n’est pas absolu mais relatif39  ».

13. Or, il ne suffit pas, pour répondre à la question posée, de reconnaître que le droit d’un accusé à se défendre lui-même connaît des limites. Il faut encore déterminer si l’on peut restreindre ce droit au motif que son exercice fait sérieusement et durablement obstacle à la bonne marche du procès et à une issue rapide. La Chambre d’appel estime que, lorsque les circonstances l’exigent, la Chambre de première instance peut restreindre ce droit pour les motifs précités. Sur ce point, il est tout particulièrement intéressant de considérer le parallèle qui est fait dans le Statut entre le droit d’un accusé de se défendre lui-même et celui qu’a toute personne accusée devant le Tribunal « à être présente [à son] procès40  » — ce droit étant consacré par la même disposition que celui de l’accusé à assurer lui-même sa défense. Bien que le droit de l’accusé à être présent au procès soit énoncé expressément par le Statut, l’article 80 B) du Règlement autorise une Chambre de première instance à « ordonner l’exclusion de l’accusé de la salle d’audience et poursuivre les débats en son absence si l’accusé […] persiste dans ce comportement  ». Si le droit d’un accusé à être présent au procès – dont la Chambre rappelle qu’il figure dans la même série de droits et est, de ce fait, consacré par la même disposition que le droit d’un accusé à se défendre lui-même – peut être restreint au motif que l’accusé perturbe gravement le déroulement du procès, la Chambre d’appel ne voit pas pourquoi il en irait différemment du droit de l’accusé à se défendre lui-même.

14. Les conseils de la défense font valoir que « le cas où un accusé se voit imposer un conseil pour faute délibérée […] est très différent de celui où l’accusé serait autorisé à continuer [à se défendre lui-même] s’il n’avait pas été déclaré incapable de le faire pour des raisons de santé41  ». Toutefois, la faute délibérée ne saurait constituer le seul motif de perturbation du procès qu’une Chambre de première instance peut légitimement retenir. Quel sort le Tribunal devrait-il réserver à l’accusé qui est suffisamment en bonne santé pour accomplir les tâches ordinaires, faciles, de la vie quotidienne, mais qui ne l’est pas suffisamment pour affronter les rigueurs d’un procès (les longues nuits de travail, les contreinterrogatoires stressants et les confrontations dans le prétoire) à moins que le nombre des audiences ne soit ramené à une journée par semaine, voire une par mois42 ? La Chambre de première instance n’a-t-elle d’autre choix que de libérer l’accusé ou de mettre un point final aux poursuites ? Selon la Chambre d’appel, poser cette question revient à y répondre43.

15. Reste à savoir si la Chambre de première instance a exercé son pouvoir d’appréciation à bon escient en l’espèce. S’agissant de la première question qui se pose, celle de la décision relative à la commission d’office, la Chambre d’appel ne peut conclure — bien que la question s’y apparente — que la Chambre de première instance a en l’occurrence outrepassé ses pouvoirs. Le fait que Slobodan Milosevic assure lui- même sa défense a contraint la Chambre de première instance à suspendre plusieurs fois le procès tout au long de la présentation des moyens à charge et a retardé de près de trois mois le début de la présentation des moyens à décharge. Les médecins qui l’ont examiné au mois de juillet ont tous deux conclu que, vu son état de santé à l’époque, Slobodan Milosevic n’était pas en état de continuer à assurer lui-même sa défense44. En outre, la Chambre de première instance avait le pouvoir de conclure que toute crainte quant à la capacité des conseils commis d’office de défendre comme il se doit Slobodan Milosevic (compte tenu de son refus de coopérer ou de celui des témoins de comparaître) était alors de l’ordre de la spéculation45. Autrement dit, la Chambre de première instance pouvait légitimement conclure que le procès « risqu[ait] fort de se prolonger outre mesure ou, pire, de ne pouvoir être mené à son terme » si Slobodan Milosevic continuait à se défendre lui-même. Ayant tiré cette conclusion, la Chambre de première instance était fondée à commettre d’office un conseil de la défense à Slobodan Milosevic en dépit des objections de celui-ci 46.

16. La Chambre d’appel se sépare toutefois de la Chambre de première instance pour ce qui est de son appréciation de l’Ordonnance relative aux règles à suivre47. En fixant les règles de travail entre Slobodan Milosevic et les conseils commis d’office, l’Ordonnance restreint sérieusement la capacité qu’a Slobodan Milosevic de participer de quelque manière que ce soit à la conduite de son procès. Elle prévoit que l’Accusé ne peut intervenir que sur l’autorisation de la Chambre de première instance qui dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire et qui se détermine au cas par cas48. Il s’ensuit que Slobodan Milosevic ne serait autorisé que dans certains cas — si la Chambre le juge à propos — à interroger les témoins49. L’Ordonnance précise en outre que, même si Slobodan Milosevic a été autorisé à interroger un témoin, il ne pourra le faire qu’après que celui-ci aura été interrogé par les conseils commis d’office. En conséquence, l’Ordonnance ne réserve manifestement à Slobodan Milosevic qu’un rôle secondaire dans son propre procès.

17. Ces restrictions radicales procèdent malheureusement d’une erreur de droit fondamentale  : la Chambre de première instance n’a pas reconnu que toute restriction apportée au droit de l’Accusé à se défendre lui-même ne devait pas dépasser les limites nécessaires pour protéger l’intérêt qu’a le Tribunal de garantir un procès raisonnablement rapide. Lorsqu’elles examinent les restrictions apportées à un droit fondamental comme celui-ci, de nombreuses juridictions sont guidées par quelque variante du principe fondamental de proportionnalité : toute restriction apportée à un droit fondamental doit servir « un but suffisamment important » et ne doit pas « porter atteinte à ce droit […] plus qu’il n’est nécessaire pour parvenir à ce but50  ». De même, si le Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit que certains droits peuvent faire l’objet de restrictions à condition qu’elles soient « nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui51  », le Comité des droits de l’homme a observé que les mesures restrictives « doivent être conformes au principe de la proportionnalité ; […] elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché et elles doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger52  ». Le TPIY a luimême été guidé par un « principe général de proportionnalité » dans l’appréciation de la pertinence d’une mise en liberté provisoire d’un accusé, observant qu’une restriction au droit fondamental à la liberté n’est acceptable que si elle est 1) appropriée, 2) nécessaire, et 3) si son degré et sa portée restent dans les limites du raisonnable, vu l’objectif envisagé53.

18. La Chambre d’appel estime qu’il y avait clairement lieu d’appliquer un tel principe de proportionnalité en l’espèce. Les restrictions imposées par la Chambre de première instance sont à l’évidence trop excessives, et ce pour au moins trois raisons : 1) les rapports médicaux sur lesquels elle s’est appuyée ont clairement exclu la possibilité que Slobodan Milosevic souffre en permanence de problèmes de santé54  ; 2) rien n’indiquait qu’il avait eu des problèmes de santé depuis juillet dernier  ; et 3) deux jours durant, il a prononcé une vigoureuse déclaration liminaire sans s’interrompre ni éprouver aucune difficulté apparente. Malgré ces signes d’amélioration de l’état de santé de l’Accusé, la Chambre de première instance n’a pas apporté des restrictions soigneusement pesées au droit qu’a Slobodan Milosevic de participer à son procès. Étant donné qu’un droit aussi fondamental doit être pleinement respecté, la Chambre de première instance a commis une erreur d’appréciation55.

Dispositif

19. Par ces motifs, la Chambre d’appel confirme la décision de la Chambre de première instance d’imposer un conseil à l’Accusé et infirme l’Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils. Elle renvoie la question devant la Chambre de première instance afin que celle-ci fixe des règles de travail qui atténuent dans la pratique les effets de la commission d’office tout en préservant l’intérêt de la justice. Ces règles doivent au moins se fonder sur la présomption par défaut que, lorsqu’il sera en état de le faire, Slobodan Milosevic prendra en main sa défense, en choisissant ses propres témoins, en les interrogeant avant que les conseils commis d’office n’aient la possibilité de le faire, en présentant lui-même les arguments à l’appui de toute requête qu’il jugera utile de présenter devant la Chambre, en prononçant lui-même la plaidoirie et en prenant les décisions stratégiques essentielles concernant la présentation de sa défense. Toutefois, cette présomption ne constitue qu’une simple présomption. Dans les circonstances présentes, alors que Slobodan Milosevic était suffisamment en bonne santé pour pouvoir prononcer, deux jours durant, une vigoureuse déclaration liminaire, la décision de restreindre aussi radicalement son droit à participer au procès pour des raisons de santé constituait une erreur d’appréciation. La Chambre d’appel peut toutefois difficilement prévoir tous les problèmes de santé à venir ou saisir cette occasion pour essayer de parer à toute éventualité. Elle laisse donc à la Chambre de première instance le soin de trouver un juste équilibre qui permette à Slobodan Milosevic d’exercer son droit fondamental à se défendre lui-même tout en préservant l’intérêt fondamental qu’a le Tribunal de parvenir à un règlement raisonnablement rapide des affaires dont il est saisi.

20. La Chambre d’appel tient à souligner que, concrètement, si tout se passe bien, le procès continuera comme lorsque l’Accusé était en bonne santé. Pour le profane, qui verra Slobodan Milosevic tenir le rôle principal à l’audience, la différence ne sera peut-être pas perceptible. Si, toutefois, l’état de Slobodan Milosevic vient à s’aggraver, la présence des conseils commis d’office permettra au procès de se poursuivre même si l’Accusé est provisoirement incapable d’y participer. Il appartiendra à la Chambre de première instance de déterminer à quel moment cette redistribution des rôles doit intervenir.

21. La Chambre d’appel confirme la décision de la Chambre de première instance sur certains points et l’infirme sur d’autres et renvoie la question devant la Chambre de première instance afin qu’elle prenne les mesures qui s’imposent dans le respect de la présente décision. Cette dernière pourra rendre des ordonnances pour améliorer autant que de besoin le déroulement des débats.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 1er novembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
______________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1 - Décision relative à l’appel interlocutoire de l’Accusation contre le rejet de la demande de jonction, affaires nos IT-99-37-AR73, IT-01-50-AR73 et IT-01-51-AR73, 1er février 2002.
2 - Conférence de mise en état, affaire n° IT-99-37-PT, 30 août 2001, compte rendu d’audience en anglais (« CR »), p. 15 à 18.
3 - Motifs de la décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de désignation d’un conseil, 4 avril 2003, par. 40.
4 - Ordonnance rendue oralement par la Chambre de première instance le 18 décembre 2002, CR, p. 14 574.
5 - Motifs de la décision relative à la commission d’office des conseils de la Défense (les « Motifs de la commission d’office des conseils »), par. 53.
6 - Dans les Motifs de la commission d’office des conseils, la Chambre de première instance a constaté que « [h]uit de ces interruptions étaient dues exclusivement aux problèmes de tension de l’Accusé », par. 56, note de bas de page 120. Ne sont mentionnées ni dans cette décision ni dans les mémoires des parties les causes des cinq autres interruptions. Slobodan Milosevic a déclaré que la grippe était en partie à l’origine des retards occasionnés mais aucun élément de preuve n’a été produit à l’appui de ses affirmations.
7 - Motifs de la commission d’office des conseils, par. 53.
8 - Ibidem, par. 55.
9 - Ordonnance portant réaménagement du calendrier de présentation des moyens à décharge, 25 février 2004, p. 2 et 4.
10 - Motifs de la commission d’office des conseils, par. 59.
11 - Ibidem, par. 26.
12 - Audience du 5 juillet 2004, CR, p. 32153 et 32154.
13 - Motifs de la commission d’office des conseils, par. 13.
14 - Ibidem, par. 60.
15 - Audience du 2 septembre 2004, CR, p. 32357 à 32359. Sitôt que la Chambre de première instance a annoncé qu’elle commettait d’office des conseils à sa défense, Slobodan Milosevic s’est opposé à cette décision en disant : « Je veux que la Chambre d’appel se prononce sur cette décision, une décision illégale qui viole le droit international et toutes les conventions possibles et imaginables relatives aux droits de l’homme ». Ibidem, CR, p. 32360.
16 - Motifs de la commission d’office des conseils, par. 65.
17 - Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils commis d’office par la Chambre, 3 septembre 2004 (« Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils »), p. 2 et 3.
18 - Motifs de la commission d’office des conseils, par. 68.
19 - Ordonnance relative à la demande de certification de l’appel envisagé contre la décision de la Chambre de première instance relative à la commission d’office de conseils, 10 septembre 2004, p. 4.
20 - Ibidem, p. 3 et 4.
21 - Le Procureur c/ Milosevic, Motifs de la décision relative à l’appel interlocutoire de l’Accusation contre le rejet de la demande de jonction, affaires nos IT-99-37-AR73, IT-01-50-AR73 et IT-01-51-AR73, 18 avril 2002 (« Motifs de la décision sur le rejet de la demande de jonction »), par. 3.
22 - Motifs de la décision sur le rejet de la demande de jonction, par. 4.
23 - Ibidem, par. 5 et 6.
24 - Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité, 3 mai 1993, S/25704, par. 106.
25 - Article 21 4) du Statut.
26 - Article 21 4) g) du Statut.
27 - Article 21 4) e) du Statut.
28 - Article 21 4) c) du Statut.
29 - Article 21 4) d) du Statut.
30 - Motifs de la commission d’office des conseils, par. 45.
31 - Faretta v. California, 422 U.S. 806 (1975), p. 820 et 821 (Cour suprême des États-Unis).
32 - Faretta v. California, 422 U.S. 806 (1975), p. 834, note de bas de page 46 (Cour suprême des États-Unis).
33 - Youth Justice and Criminal Evidence Act (England) 1999, secs. 34-35.
34 - Criminal Procedure (Scotland) Act 1995, sec. 288C 1), tel que modifié par Sexual Offences (Procedure and Evidence) (Scotland) Act 2002.
35 - Code criminel, L. R. 1985, sec. 486 (2.3).
36 - Evidence Act 1908 (NZ), sec. 23F.
37 - Crimes Act 1914 (Cth), secs. 15YF, 15YG, 15YH ; Evidence Act 1906 (Cth), sec. 106G ; Criminal Procedure Act 1986 (NSW), sec. 294A ; Sexual Offences (Evidence and Procedure) Act 1983 (NT), sec. 5  ; Evidence Act 1977 (Qld), sec. 21(L)-(S).
38 - Criminal Procedure (Scotland) Act 1995, sec. 288C 1), tel que modifié par Sexual Offences (Procedure and Evidence) (Scotland) Act 2002. Bien entendu, les systèmes de tradition civiliste vont encore plus loin : comme l’a fait observer la Chambre de première instance, la constitution d’avocat est souvent obligatoire dans ces systèmes pour les affaires pénales graves. Voir, par exemple, article 274 du Code de procédure pénale français ; section 140 du Code de procédure pénale allemand ; article 294 du Code d’instruction criminelle belge ; article 71 1) du Code de procédure pénale de la Yougoslavie ; articles 282 et 283 du Code de procédure pénale de la République de Corée.
39 - Le Procureur c/ Norman, affaire n° SCSL-2004-14-T, Decision on the Application of Samuel Hinga Norman for Self Representation under Article 17 4) d) of the Statute of the Special Court, 8 juin 2004, par. 9 et 15 (le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a rejeté la requête de l’accusé aux fins d’assurer lui-même sa défense en raison, principalement, des « longues suspensions d’audience » qui s’imposeraient s’il était fait droit à cette requête) ; voir aussi Le Procureur c/ Seselj, affaire n° IT-03-67-PT, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’une ordonnance portant désignation d’un conseil pour Vojislav Seselj, 9 mai 2003, par. 20 (dans laquelle la Chambre de première instance a admis que le droit de se défendre soi-même « n’est pas absolu » et peut être restreint eu égard à l’« intérêt légitime [du Tribunal] à ce que le procès se déroule dans le respect des délais, sans interruption, ajournement ou perturbation »).
40 - Article 21 4) d) du Statut.
41 - Appeal Against the Trial Chamber’s Decision on Assignment of Defence Counsel, 29 décembre 2004, par. 54.
42 - La Chambre d’appel rejette l’argument des conseils commis d’office selon lequel l’incapacité de Slobodan Milosevic à se défendre lui-même le rend du même coup inapte à être jugé. Un procès est extraordinairement éprouvant. On ne saurait admettre que seuls les accusés capables d’y faire face doivent être déclarés aptes à être jugés.
43 - Voir en général Savage v. Estelle, 924 F.2d 1459 (9th Cir. 1990) (Cour d’appel des États-Unis, 9e circuit) (la Cour a refusé à un appelant souffrant d’un bégaiement inhibitoire le droit de se défendre lui-même) ; Johnson v. State, 17 P.3d 1008 (Nev. 2001) (Cour suprême du Nevada, États-Unis) (la Cour a jugé qu’il y a lieu de refuser à un accusé le droit se défendre lui-même lorsque l’avis d’expert indique que l’état psychologique fragile de l’accusé « pourrait souffrir d’un stress supplémentaire dû au fait qu’il assure lui-même sa défense et s’aggraver au point où il deviendrait nécessaire de suspendre continuellement le procès afin de surveiller les capacités mentales et la compétence “présentes” de l’accusé »). Cf. State v. Christian, 657 N. W. 2d 186, 200 (Minn. 2003) (Cour suprême du Minnesota, ÉtatsUnis d’Amérique) (la Cour a reconnu que la perturbation même « involontaire[…] » du procès par l’accusé peut justifier de lui refuser le droit de se défendre lui-même).
44 - Motifs de la commission d’office des conseils, par. 60.
45 - Voir Amici Curiae Submissions in Response to the Trial Chamber’s “Further Order on Future Conduct of the Trial Concerning Assignment of Defence Counsel” Dated 7 August 2004, 13 août 2004, par. 16.
46 - La Chambre d’appel rejette l’argument des conseils commis d’office selon lequel la Chambre de première instance ne pouvait pas refuser d’accorder à Slobodan Milosevic l’autorisation d’obtenir son propre rapport médical avant la désignation de ses conseils. La Chambre d’appel considère qu’elle n’a pas à examiner ce moyen au fond puisque Slobodan Milosevic a renoncé à s’en prévaloir au moment du procès. Il a attendu le 1er septembre 2004 pour faire sa demande alors qu’il était clair depuis le début du mois de juillet 2004 que la Chambre de première instance se posait des questions sur son état de santé notamment parce qu’elle avait des doutes sur sa capacité à se défendre lui-même. La Chambre d’appel considère qu’il est improbable, contrairement à ce que suggèrent les conseils commis d’office, que « Slobodan Milosevic ne se soit pas rendu compte qu’on [pourrait] lui imposer un conseil » avant le 1er septembre. Appeal Against the Trial Chamber’s Decision on Assignment of Defence Counsel, par. 84.
47 - La Chambre d’appel n’est pas convaincue par l’Accusation lorsqu’elle fait valoir que l’appel qui a été certifié ne portait pas sur la question de savoir si la Chambre de première instance avait commis une erreur d’appraition dans l’Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils. Voir Prosecution Motion to Strike Ground of Appeal (3) from Assigned Counsel “Appeal Against the Trial Chamber’s Decision on Assignment of Defence Counsel”, 5 octobre 2004. Il n’est pas possible de comprendre la décision qu’a prise la Chambre de première instance de commettre d’office un conseil de la défense sans se référer aux explications qu’elle a données sur ce que cette commission recouvre en pratique. De fait, tous les passages pertinents de l’Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils sont reproduits dans les Motifs de la commission d’office des conseils.
48 - Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils, points 2 et 3.
49 - Ibidem.
50 - Elloy de Freitas v. Permanent Secretary of Ministry of Agriculture, Fisheries, Lands and Housing, 1 A.C. 69 (1998) (Conseil privé du souverain britannique) (le conseil a annulé les restrictions apportées au droit des fonctionnaires à manifester) (citant la jurisprudence du Zimbabwe, d’Afrique du Sud et du Canada) ; voir aussi, par exemple, McConnell v. Federal Election Comm’n, 540 U.S. 93 (2003) (Cour suprême des États-Unis) (la Cour a jugé qu’une loi sur le financement des campagnes électorales ne devait pas restreindre le droit à la liberté d’expression au-delà des limites nécessaires pour satisfaire l’intérêt de l’État qui est de lutter contre la corruption électorale) ; Chassagnou et autres c. France, 29 avril 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-III (Cour Européenne des Droits de l’Homme) (la Cour a conclu que seuls des « impératifs indiscutables » justifient d’apporter des restrictions à un droit consacré par la Convention et seulement si ces restrictions sont « nécessaires » et « proportionnées » au but poursuivi par l’État) (ce qui va à l’encontre d’une loi française imposant à certains propriétaires fonciers ruraux de donner aux chasseurs libre accès à leurs terres) ; Edmonton Journal c. Alberta, 1989 CarswellAlta 198 (Cour suprême du Canada) (la Cour a conclu qu’une loi restreignant le droit de publication des informations relatives aux procédures de divorce ne devait pas porter atteinte au droit à la liberté d’expression au-delà de ce qui était strictement nécessaire pour protéger la vie privée).
51 - Article 12 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
52 - Récapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, HRI/GEN/1/Rev. 6, 12 mai 2003, p. 186 et 187 (« Les restrictions doivent, dans chaque cas, être appliquées compte tenu de motifs juridiques précis et répondre aux principes de la nécessité et de la proportionnalité. »).
53 - Le Procureur c/ Limaj et consorts, affaire nº IT-03-66-AR65, 31 octobre 2003, par. 13 (décision rendue par un collège de trois juges de la Chambre d’appel).
54 - Les médecins ont conclu expressément que Slobodan Milosevic n’était pas « inapte en raison d’une maladie permanente » mais qu’ « il s’était révélé incapable de suivre son procès, occasionnellement au début, puis de plus en plus fréquemment », audience du 30 septembre 2004, CR, p. 27029.
55 - L’Accusation a demandé à la Chambre d’appel de confirmer pour d’autres raisons l’ordonnance de la Chambre de première instance dans sa intégralité ; elle reproche en particulier à Slobodan Milosevic de faire obstruction de manière délibérée et préméditée en perturbant le déroulement des audiences et en refusant de suivre le traitement médical qui lui a été prescrit afin d’aggraver délibérément son état de santé. Même si une telle volonté de faire obstruction peut en principe justifier la décision d’imposer un conseil de la défense à un accusé contre sa volonté, la Chambre de première instance a expressément indiqué qu’elle n’en avait tiré aucune conclusion. Motifs de la commission d’office des conseils, par. 67. Il est généralement malvenu pour une Chambre d’appel de porter dans le cadre d’un appel interlocutoire une première appréciation sur des éléments de preuve concernant une question de fait complexe (en particulier, lorsque ces éléments supposent en partie une appréciation in personam d’impondérables touchant au comportement dans le prétoire) et la Chambre d’appel refuse de le faire en l’espèce.