Affaire n° : IT-02-54-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
17 janvier 2003

LE PROCUREUR
C/
SLOBODAN MILOSEVIC

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ORDONNANCE RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS DE L’ADMISSION DU COMPTE RENDU DU TÉMOIGNAGE DE VESNA BOSANAC, EN APPLICATION DE L’ARTICLE 92 BIS D) DU RÈGLEMENT

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Le Bureau du Procureur :

Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice
M. Dermot Groome

L’accusé :

Slobodan Milosevic

Les amici curiae :

M. Steven Kay
M. Branislav Tapuskovic
M. Timothy L.H. McCormack

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU la Requête de l’Accusation aux fins de l’admission du compte rendu d’un témoignage, en application de l’article 92 bis D) du Règlement, durant la partie du procès consacrée à la Croatie, et aux fins de la réduction du délai imparti (Prosecution Motion for Admission of Transcript of Testimony Pursuant to Rule 92 bis (D) During the Croatia Phase of the Trial, and Request to Shorten Time) (la « Requête »), déposée le 15 janvier 2003, par laquelle l’Accusation demande l’admission du compte rendu du témoignage de Vesna Bosanac, un médecin de l’hôpital de Vukovar qui a déposé dans l’affaire Dokmanovic le 2 février 1998, ainsi que l’admission d’une pièce à conviction versée au dossier lors de cette déposition,

VU les arguments de l’Accusation, selon lesquels ; 

a) les éléments de preuve dont elle demande l’admission sont liés à des crimes sous-jacents,

b) même si ces éléments de preuve se rapportent aux actes et au comportement d’autres personnes sur lesquelles on reproche à l’accusé d’avoir exercé une supériorité hiérarchique, ils ne portent pas sur des faits et des questions établissant sa responsabilité individuelle aux termes des articles 7 1) et 7 3) du Statut, ou sa participation, en tant que coauteur, à une entreprise criminelle commune,

c) le témoin pourra faire l’objet d’un contre-interrogatoire sur le contenu de sa déposition dans l’affaire Dokmanovic,

d) en conformité avec une décision rendue dans l’affaire Martinovic, les pièces jointes à la déclaration devraient être admises en même temps que le compte rendu, et

e) le gain de temps que pourrait procurer cette admission, sans porter atteinte aux droits de l’accusé, constitue un « motif valable », aux termes de l’article 127 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), et, dès lors, la requête aux fins de réduire le délai requis pour notifier une telle demande, en application de l’article 92 bis E) du Règlement, est appropriée,

VU la Réponse des amici Curiae à la Requête de l’Accusation aux fins de l’admission du compte rendu d’un témoignage, en application de l’article 92 bis D) du Règlement, durant la partie du procès consacrée à la Croatie, et aux fins de la réduction du délai imparti (Amici Curiae Response to Prosecution Motion for Admission of Transcript of Testimony Pursuant to Rule 92 bis (D) During the Croatia Phase of the Trial, and Request to Shorten Time) (la « Réponse »), déposée le 16 janvier 2003, par laquelle les amici curiae soutiennent que l’Accusation n’a présenté aucun motif convaincant pour justifier la réduction du délai aux termes de l’article 127 du Règlement, et que le fait de faire droit à la Requête enfreindrait le droit de l’accusé à disposer d’un délai suffisant pour préparer sa défense, droit consacré par le Statut,

ATTENDU que le témoignage figurant dans le compte rendu d’audience porte sur des questions définies à proprement parler comme des questions liées à des « crimes sous-jacents », et non sur les actes ou le comportement de l’accusé, et qu’il traite des points suivants :

• Bombardement de l’hôpital de Vukovar par la JNA en violation des lois de la guerre

• Négociations aux fins de parvenir à un cessez-le-feu

• Accord passé entre la JNA, la Croatie et l’ECMM pour évacuer l’hôpital (l’accord constitue la pièce à conviction n° 9 et est joint à la présente Requête). Les plans d’évacuation et les manœuvres dolosives de la JNA se sont poursuivis pendant un certain temps.

• Mrksic a déclaré ętre responsable de l’opération de Vukovar

• Sljivancanin aurait ensuite repris le commandement

• Les civils ont été emmenés hors de l’hôpital par Sljivancanin

• La JNA a pris le contrôle de l’hôpital le 20 novembre 1991

• Le témoin, emmené par la JNA et emprisonné à Mitrovica le 21 novembre, a été interrogé et échangé le 13 décembre 1991

• Le beau-père du témoin et le neveu de son mari ont été emmenés hors de l’hôpital, puis identifiés dans le charnier d’Ovcara

• Des membres des « Aigles Blancs » et des « Tchetniks » étaient présents, et le témoin pense qu’ils étaient sous le contrôle et la protection de la JNA,

ATTENDU, par conséquent, que le témoignage peut être admis en application de l’article 92 bis D) du Règlement, et que l’accusé aura l’opportunité de procéder au contre-interrogatoire du témoin sur le contenu du compte rendu d’audience,

VU, s’agissant de la requête aux fins de la réduction du délai imparti, les dispositions pertinentes de l’article 92 bis du Règlement, aux termes duquel :

E) Sous réserve de l’article 127 ou de toute ordonnance contraire, une partie qui entend soumettre une déclaration écrite ou le compte rendu d’un témoignage le notifie quatorze jours à l’avance à la partie adverse, qui peut s’y opposer dans un délai de sept jours. La Chambre de première instance décide, après audition des parties, s’il convient de verser la déclaration ou le compte rendu au dossier, en tout ou en partie, ou s’il convient d’ordonner que le témoin comparaisse pour être soumis à un contre-interrogatoire.

VU les dispositions pertinentes de l’article 127 du Règlement, aux termes duquel :

A) Sous réserve des dispositions du paragraphe C), une Chambre de première instance peut, lorsqu’une requête présente des motifs convaincants,

i) proroger ou raccourcir tout délai prévu par le présent Règlement ou fixé en vertu de celui-ci ; 

ATTENDU

a) que le droit de l’accusé à procéder au contre-interrogatoire du témoin n’est nullement enfreint,

b) que la maladie de l’accusé a limité davantage le temps disponible et a perturbé l’ordre de comparution des témoins,

c) que des contraintes de temps ont été imposées à l’Accusation quant à la conclusion rapide de l’espèce,

d) qu’au moment où le témoin doit être cité à comparaître, l’accusé aura été notifié de la Requête depuis cinq jours, et

e) que le compte rendu a été communiqué à l’accusé le 31 mai 2002 et qu’il a donc été informé de l’éventualité que la déclaration de ce témoin puisse être versée au dossier en application de l’article 92 bis D) du Règlement,

et que, par ces motifs, l’Accusation a présenté des motifs convaincants, en vertu de l’article 127 du Règlement,

EN APPLICATION des articles 92 bis et 127 du Règlement,

FAIT DROIT À LA REQUÊTE aux fins de l’admission du compte rendu du témoignage et de la pièce à conviction y afférente, et ORDONNE qu’il soit donné à l’accusé l’opportunité de procéder au contre-interrogatoire du témoin sur la teneur de sa déclaration figurant dans le compte rendu lorsque ce dernier déposera devant la Chambre.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Richard May
Président de la Chambre de première instance

Fait le 17 janvier 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]