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1 (Mardi 12 février 2002.)
2 (Déclarations liminaires de l'accusation.)
3 (Audience publique.)
4 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, veuillez
6 annoncer l'affaire.
7 Mme Ameerali (interprétation): Bonjour, Messieurs les Juges.
8 Il s'agit de l'affaire IT-02-54-T, le Procureur contre Slobodan Milosevic.
9 M. le Président (interprétation): Les parties peuvent-elles se présenter?
10 M. Nice (interprétation): Au nom de l'accusation: Mme la Procureur, Mme
11 Carla Del Ponte; moi-même, Geoffrey Nice.
12 Vous constaterez, Messieurs les Juges, que je suis accompagné de Mme
13 Uertz-Retzlaff. Vous le savez, elle a une responsabilité particulière pour
14 ce qui est de l'Acte d'accusation contre la Croatie.
15 Vous avez M. Groome, tout au bout de la table, qui s'occupe de l'Acte
16 d'accusation pour la Bosnie, et à mes côtés, M. Ryneveld qui a la
17 responsabilité de l'Acte d'accusation pour le Kosovo.
18 Nous allons aborder ces Actes d'accusation en ordre chronologique en
19 commençant par celui du Kosovo.
20 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Kay?
21 M. Kay (interprétation): Au nom des amici curiae, Me Steven Kay, du
22 barreau d'Angleterre et du Pays de Galles, Me Wladimiroff, du barreau des
23 Pays-Bas, et Me Branislav Tapuskovic, du barreau yougoslave.
24 M. le Président (interprétation): Madame la Procureure, vous pouvez
25 maintenant commencer la présentation de votre cause. N'oubliez pas notre
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1 ordonnance du 4 février s'agissant de ce procès et n'oubliez pas que cette
2 partie du procès concerne le Kosovo, même s'il vous est autorisé, dans
3 votre propos liminaire, d'aborder toute autre question pertinente de façon
4 à éclairer les sujets de ce procès.
5 Mais auparavant, j'aimerais aborder une question préliminaire. Nous allons
6 faire droit à votre requête du 8 février pour que soient retirées les
7 pièces et certains témoins, ainsi que pour la substitution d'autres
8 pièces. Nous avons constaté que plus de 1.000 pièces ont été retirées et
9 nous vous incitons à adopter cette méthode tout à fait raisonnable à
10 l'avenir. Toute autre requête, toute autre question relative à cette
11 partie du procès sera abordée plus tard dans la semaine.
12 Pour ce qui est de la tenue du procès -nous parlons ici des Actes
13 d'accusation pour la Bosnie et la Croatie-, nous allons aborder ces
14 questions mardi prochain, en l'occurrence le 19 février. Nous trouverons
15 un moment opportun au moment de la présentation des moyens de preuve pour
16 avoir une telle audience.
17 Madame le Procureur, vous avez la parole.
18 (Présentation des déclarations liminaires de l'accusation par Mme Carla
19 Del Ponte.)
20 Mme Del Ponte (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 Messieurs les Juges, s'ouvre aujourd'hui devant cette Chambre le procès
22 d'un homme qui comparaît devant vous pour les méfaits qui lui sont
23 reprochés, méfaits qu'il a commis envers le peuple de son propre pays et
24 envers ses voisins.
25 Comme il est simple de faire une déclaration comme celle-ci aujourd'hui,
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1 comme il est facile de faire passer ces paroles dans le dossier de
2 l'audience! Et pourtant, n'est-il pas remarquable que je sois en mesure de
3 tenir ces propos ici devant vous, aujourd'hui? Aujourd'hui, comme jamais
4 auparavant, nous voyons la justice internationale en action.
5 Prenons, au début de ce procès, un moment de réflexion pour penser à la
6 façon dont ce Tribunal a été établi et à sa raison d'être. Attardons-nous
7 un instant pour nous remémorer ces scènes quotidiennes de douleurs, de
8 souffrances qui ont fini par définir le conflit armé en ex-Yougoslavie.
9 Les événements eux-mêmes furent notoires et un nouveau terme, celui
10 "d'épuration ethnique", a fini par devenir un terme quotidien de notre
11 langue. Certains des incidents ont révélé une sauvagerie presque
12 moyenâgeuse, une cruauté calculée qui allait de loin au-delà de la limite
13 de la conduite de la guerre légitime. La communauté internationale a été
14 ébranlée d'assister à la désintégration brutale d'un Etat moderne et le
15 Conseil de sécurité des Nations Unies n'a pas tardé à reconnaître la
16 menace grave que posaient ces crimes graves qui étaient commis.
17 Ce Tribunal est une des mesures qu'a prises le Conseil de sécurité, au nom
18 de tous les Etats membres des Nations Unies, afin que soit rétablie, que
19 soit maintenue la paix internationale et la sécurité internationale. C'est
20 là notre raison d'être. Et notre contribution, à nulle autre pareille,
21 sera effectivement de traduire en justice les personnes responsables des
22 pires crimes connus de l'humanité.
23 Le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les autres crimes
24 qui relèvent de la compétence de ce Tribunal ne sont pas des affaires
25 locales. Et le fait de poursuivre les coupables dépasse peut-être les
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1 capacités des tribunaux nationaux. Des crimes de l'ampleur de ceux que
2 vous allez connaître nous touchent, chacun d'entre nous, de par le monde.
3 Le droit appliqué par ce Tribunal, le droit international humanitaire
4 concerne chacun d'entre nous, où que nous soyons. Ces crimes nous
5 touchent, chacun d'entre nous, où que nous vivions parce qu'ils heurtent
6 nos principes les plus profondément ancrés des droits de l'homme et de la
7 dignité de la personne.
8 Le droit, ce n'est pas simplement une théorie, un concept abstrait; c'est
9 un instrument vivant, un outil qui sert à assurer la protection de nos
10 valeurs et la régulation de notre société civilisée. A cette fin, nous
11 devons être en mesure d'appliquer la loi quand elle est bafouée. Ce
12 Tribunal et ce procès en particulier sont la démonstration la plus
13 éclatante que personne n'est au-dessus de la loi ou hors de portée de la
14 justice internationale.
15 En tant que Procureure, je traduis devant vous l'accusé Milosevic afin
16 qu'il réponde des charges retenues contre lui. Je le fais au nom de la
17 communauté internationale, au nom de tous les Etats membres des Nations
18 Unies, y compris au nom des Etats de l'ex-Yougoslavie.
19 L'accusé en l'espèce, comme dans toutes les affaires que connaît ce
20 Tribunal, est inculpé à titre individuel; les poursuites engagées contre
21 lui sont engagées en raison de sa responsabilité pénale individuelle.
22 Aucun Etat, aucune organisation ne se trouve ici traduit en justice. Ce
23 n'est le procès d'aucun Etat.
24 Les Actes d'accusation n'accusent pas un peuple entier d'une
25 responsabilité collective, même pour les crimes de génocide. Il serait
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1 tentant de généraliser lorsqu'on parle de la conduite de dirigeants se
2 trouvant au niveau suprême d'un Etat, mais c'est une erreur qu'il faut
3 éviter. La culpabilité collective ne fait pas partie de la thèse de
4 l'accusation, ne concerne pas le droit appliqué par ce Tribunal.
5 Et je tiens à dire clairement que je rejette la notion même de culpabilité
6 collective. Je le fais bien sûr et j'ai l'intention d'explorer dans quelle
7 mesure le pouvoir, l'influence de l'accusé se sont étendus à d'autres.
8 Mais je rappelle qu'il est traduit devant vous pour répondre de ses
9 propres actes et de sa participation personnelle aux crimes qui lui sont
10 reprochés.
11 Si je présente devant vous ces Actes d'accusation en tant que Procureure,
12 au nom de la communauté internationale, je ne veux pas non plus ignorer
13 les victimes des crimes qui ont été commis au cours de ces conflits.
14 Depuis la Seconde Guerre mondiale, le droit a surtout évolué pour empêcher
15 que des membres de la population civile soient lésés, soient blessés
16 pendant un conflit armé.
17 Le droit lui-même existe pour protéger les citoyens qui ne participent pas
18 à des hostilités, mais, même dans ce cas, en tant que Procureure, je ne
19 représente pas directement une victime individuelle, mais j'estime qu'il
20 est de mon devoir ici de présenter ces accusations pour permettre que la
21 voix des victimes soit entendue.
22 Aucun tribunal ne peut avoir une expérience des événements comme l'ont les
23 victimes; aucun tribunal ne pourrait le faire. Beaucoup de victimes ne
24 pourront pas venir devant vous parce qu'elles n'ont pas survécu. Il n'est
25 pas possible non plus de faire comparaître devant vous tous ceux qui ont
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1 survécu à ces crimes.
2 Mais en dépit de ces limites, de ces contraintes, je suis convaincue que
3 nous pourrons vous présenter le cadre complet, l'éventail complet des
4 circonstances qui ont présidé à ces crimes et vous parler de l'effet que
5 ces crimes ont eu sur les personnes qui en ont été victimes.
6 C'est un procès qui sera complexe. Il sera très vaste dans sa portée. Il
7 va traduire la nature des chefs d'accusation retenus contre l'accusé. Mais
8 ce sera un procès précis, comme il le faut au pénal. Chaque élément sera
9 examiné à fond. Ce procès va mettre à l'épreuve le processus judiciaire de
10 la justice pénale et montrera dans quelle mesure un Tribunal pénal moderne
11 peut se pencher sur des crimes qui s'étendent sur une période aussi
12 prolongée.
13 J'endosse toute la responsabilité qui est la mienne en tant que Procureure
14 pour apporter la preuve de toutes les charges retenues dans l'Acte
15 d'accusation.
16 Pour un procès de ce type, il faut obtenir des moyens de preuve venant de
17 diverses sources, sources nombreuses: de particuliers, d'organisations, de
18 dignitaires d'Etat. La Chambre de première instance va entendre le
19 témoignage de hauts dignitaires du monde militaire, diplomatique, de
20 gouvernements, de personnes ayant occupé des fonctions élevées qui, pour
21 des raisons que la Chambre comprendra bien, ne peuvent pas être nommés
22 aujourd'hui.
23 De telles personnes, en général, ne comparaissent pas au pénal et il est
24 certain que le fait d'entendre leurs témoignages sera un défi, aussi bien
25 pour les témoins que pour la Chambre.
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1 Les témoins doivent puiser en eux-mêmes le courage individuel de déposer
2 en audience publique. Et je vais aussi essayer d'être à la hauteur de leur
3 courage en obtenant pour eux les mesures de protection nécessaires qui
4 sont permises par le Règlement de ce Tribunal. Les organisations, les
5 gouvernements doivent trouver le courage institutionnel nécessaire pour
6 mettre à votre disposition des informations souvent sensibles qu'ils ont
7 en leur possession.
8 A cet égard, le procès va mettre à l'épreuve la coopération de tous les
9 Etats -pas seulement les Etats de l'ex-Yougoslavie- qui, pour certains
10 d'entre eux, par le passé, ont entravé les travaux du Tribunal et du
11 Procureur.
12 Les peuples du monde entier vont suivre cette procédure et ils vont voir,
13 ils vont regarder dans quelle mesure leurs propres dirigeants veulent
14 vraiment réaliser les objectifs de la justice internationale en cette
15 enceinte.
16 Il s'agit ici d'un procès pénal. Il est dommage que l'accusé ait essayé de
17 tirer partie de ses comparutions devant vous pour faire des interventions
18 de nature politique. Je peux vous dire que, en l'espèce, le Procureur ne
19 se laissera pas entraîner dans de tels échanges.
20 Il s'agit ici d'une Chambre de première instance, ce n'est pas un lieu où
21 on peut se livrer à des joutes oratoires. Et je devrais aussi préciser que
22 lorsque je vais m'acquitter de mes fonctions de Procureur devant vous, je
23 ne tirerai aucunement partie du fait que l'accusé a décidé de ne pas avoir
24 d'avocat.
25 En vertu du Statut de ce Tribunal, un accusé a le droit de se défendre en
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1 personne ou par le biais d'un avocat de son choix. Il a pleinement le
2 droit d'exercer ses possibilités de choix, de se défendre lui-même et, ce
3 faisant, il ne modifie aucunement la procédure du procès. Et la charge de
4 la preuve qui revient au Procureur, charge de la preuve au-delà de tout
5 doute raisonnable reste inchangée. Et ceci reste vrai même lorsque le
6 Procureur se trouve face à une défense de rupture ou lorsqu'un accusé
7 refuse de reconnaître le Tribunal ou, d'une façon ou d'une autre, essaie
8 de saper la solennité de cette procédure et des débats.
9 Je parle ici au nom de chacun des membres du Bureau du Procureur en disant
10 que -et vous le savez, Messieurs les Juges- l'accusation s'est acquittée
11 de façon scrupuleuse des obligations qui lui incombait au moment de la
12 mise en état. C'est de façon régulière, et nous le ferons de cette façon
13 si, à l'avenir, avec vous, Messieurs les Juges, et avec les amici, que
14 nous allons voir si des mécanismes peuvent être mis en place pour réduire
15 tout effet délétère que peut avoir l'attitude adoptée par l'accusé devant
16 vous.
17 Et je m'engage aussi à ceci: pendant la conduite du procès, les avocats de
18 l'accusation, dans le plus haut respect de la tradition de leur
19 profession, feront l'impossible pour aider la Chambre de première
20 instance, en dépit de l'absence de conseil de la défense, afin que soient
21 bien circonscrites les questions importantes qui se posent ici pendant la
22 présentation des moyens de preuve.
23 Avant de passer à des éléments plus particuliers, j'aimerais encore
24 procéder à quelques considérations générales à propos du contexte dans
25 lequel les témoins vont venir déposer. Il a été dit, à maintes reprises,
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1 que ma mission en tant que Procureure, c'est de traduire en justice dans
2 ce Tribunal des personnes dont on croit qu'ils sont les plus hauts
3 responsables des crimes commis en ex-Yougoslavie. La communauté
4 internationale s'attend à ce que ce soit les plus hauts dirigeants qui
5 soient traduits ici en justice à La Haye. Cette tâche, c'est la définition
6 de mon mandat en tant que Procureure. Et c'est en quintessence à la raison
7 d'être de ce Tribunal.
8 Avec l'ouverture de ce procès-ci, nous en sommes à un tournant de notre
9 institution. La procédure qui commence aujourd'hui est manifestement le
10 procès le plus important à ce jour pour ce Tribunal. Et, de fait, il se
11 peut qu'il s'avère être le procès le plus important que connaisse jamais
12 cette institution. Il faut donc que ce procès ouvre la voie vers la
13 conclusion des travaux de ce Tribunal, même si cette perspective
14 aujourd'hui est encore assez lointaine.
15 Ce procès marque aussi un tournant, vous le découvrirez, Messieurs les
16 Juges, dans la mesure où nombreux sont ceux qui, parmi les gens qui
17 disposaient d'informations de première main, prennent la décision, parce
18 que c'est juste et parce que c'est préférable pour eux d'aider le Tribunal
19 en venant déposer, pour qu'ils marquent de leurs empreintes l'histoire de
20 l'humanité. Et je reconnais que ce procès va vraiment entrer dans les
21 annales de l'Histoire. Et c'est de façon-là qu'il faut voir notre tâche.
22 Malheureusement, notre tâche n'est pas la première enquête qui soit menée
23 s'agissant des atrocités commises dans la région des Balkans. Il suffit
24 d'entendre ce que disait le président de la Commission internationale
25 chargée d'enquêter sur les causes de la conduite des guerres des Balkans.
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1 Le Baron d'Estournelles de Constant disait, dans son introduction au
2 rapport publié en 1914, que "les véritables coupables, ce ne sont pas les
3 peuples des Balkans". Et, il poursuit en disant ceci -je le cite-: "Les
4 véritables coupables, ce sont ceux qui ont induit l'opinion publique en
5 erreur, qui ont profité de l'ignorance des gens pour semer des rumeurs
6 inquiétantes, pour faire sonner la sonnette d'alarme, et pour inciter leur
7 pays, et par conséquent aussi d'autres pays, à faire preuve d'inimitié.
8 Les véritables coupables, ce sont ceux qui, par intérêt ou par propension,
9 n'ont cesse de déclarer que la guerre est inévitable, et finissent par la
10 mener cette guerre, affirmant qu'ils sont impuissants à l'empêcher. Les
11 véritables coupables, ce sont ceux qui sacrifient l'intérêt général pour
12 poursuivre leur propre intérêt, qu'ils comprennent si peu, et qui mènent
13 une politique stérile de conflits et de représailles pour leur pays. En
14 fait, il n'y a pas de salut, il n'y a pas de voie de sortie. Que ce soit
15 pour les petits pays ou pour les grands, il n'y a qu'un seul salut, celui
16 de l'union et de la réconciliation." (Fin de citation.)
17 Je crois que rien n'aurait pu mieux qualifier le cadre dans lequel vous
18 allez connaître ce pays.
19 Mme Del Ponte: Maintenant, quelques considérations en langue française,
20 avant de donner la parole à mes collègues. A l'avocat général Nice: il en
21 aura probablement pour quatre ou cinq heures parce que ce sera le noyau de
22 ces actes d'accusation. Ensuite, ce sera l'autre avocat général, Dirk
23 Ryneveld, qui va parler sur les détails des crimes de base au Kosovo: à
24 peu près une heure.
25 Mais laissez moi dire, Monsieur le Président, encore ces dernières
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1 considérations.
2 Excellent tacticien, piètre stratège, Milosevic n'a fait que poursuivre
3 son ambition au prix d'indicibles souffrances imposées à celles et à ceux
4 qui s'opposaient à lui ou représentaient une menace pour sa stratégie
5 personnelle du pouvoir.
6 Car tout, Messieurs les Juges, tout chez l'accusé Milosevic, est
7 instrument au service de sa quête de pouvoir. Il ne faut pas chercher
8 d'idéaux derrière les actes de l'accusé.
9 Au delà du prétexte nationaliste et de l'horreur du nettoyage ethnique,
10 derrière la rhétorique grandiloquente et la langue de bois obsolète, c'est
11 bien la recherche du pouvoir qui motive Slobodan Milosevic. Ce ne sont ni
12 les convictions personnelles, ni, moins encore, le patriotisme ou
13 l'honneur, ni même le racisme ou la xénophobie qui animent l'accusé, mais
14 bien la recherche du pouvoir, et, plus encore, du pouvoir personnel.
15 Le procès qui s'ouvre aujourd'hui évoquera le sort tragique de milliers de
16 victimes croates, bosniaques et albanaises, victimes de Milosevic. La
17 lecture des souffrances endurées par ces innombrables victimes et
18 survivants est insoutenable. Mais l'accusé Milosevic a aussi fait d'autres
19 victimes. Et ici, Messieurs les Juges, je pense aux Serbes, ces Serbes
20 réfugiés de Croatie, de Bosnie, du Kosovo, abusés par Milosevic, dont les
21 peurs ont été nourries, amplifiées, manipulées pour servir les plans
22 criminels de Milosevic. Beaucoup ont perdu la vie, la plupart ont perdu
23 leur foyer et leur avenir. Ces hommes et ces femmes sont à compter de
24 plein droit parmi les victimes de Milosevic, de même que les citoyennes et
25 les citoyens de la République fédérale de Yougoslavie, qui doivent
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1 désormais reconstruire le pays exsangue que leur a laissé l'accusé.
2 L'Histoire de la désintégration de l'ex-Yougoslavie et des conflits
3 fratricides d'un autre âge qu'elle entraîna est un processus complexe qui
4 nécessite une écriture à plusieurs mains. Ce Tribunal n'en écrira pour sa
5 part qu'un chapitre, le plus sanglant, le plus navrant aussi, celui de la
6 responsabilité individuelle des auteurs de violations graves du droit
7 humanitaire international. C'est à d'autres instances qu'il conviendra de
8 poser le diagnostic moral, historique ou même psychologique de l'accusé,
9 et d'analyser les dynamiques sociales, économiques et politiques qui
10 constituèrent la trame de fond des crimes sur lesquels nous allons nous
11 pencher.
12 L'engrenage apparemment inévitable de la peur et de la haine, la
13 manipulation politique, le rôle funeste de certains médias, mais aussi
14 l'héroïsme des résistants, des opposants, dans tout l'espace ex-
15 yougoslave, la survie de la dignité, du civisme, de l'humanité enfin, sont
16 autant de mécanismes qu'il importe d'analyser, de disséquer et
17 d'expliquer. Car il est impératif, Messieurs les Juges, de répondre à
18 l'exigence de vérité des victimes, dans l'acception la plus large de ce
19 terme, et d'amoindrir les risques de répétition d'un semblable scénario,
20 ailleurs dans le monde et dans les Balkans en particulier. Mais ici, plus
21 modestement, c'est la responsabilité personnelle de Slobodan Milosevic que
22 l'accusation entend démontrer pour les crimes qui lui sont imputés, rien
23 que cela, mais tout cela. C'est la contribution de la justice, et nous
24 souhaitons l'apporter en toute sérénité, en rappelant ces mots de Ivo
25 Andric, prononcés au cimetière juif de Sarajevo, et je cite: "l'Humanité,
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1 si elle veut mériter son nom, doit organiser en commun sa défense contre
2 tous les crimes internationaux, dresser un barrage sûr et châtier vraiment
3 tous les meurtriers des hommes et des peuples". (Fin de citation.)
4 Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de votre
5 attention.
6 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous avez la parole.
7 (Déclaration liminaire de l'accusation relative à l'Acte d'accusation pour
8 la Croatie, par M. Nice.)
9 M. Nice (interprétation): En novembre 1991, Vukovar tombe en Croatie. Je
10 crois qu'un homme de 58 ans et sa femme, qui craignaient le pire, ils se
11 rendent à l'hôpital pour y chercher refuge. Que s'est-il passé? Cet homme,
12 emmené par des soldats de l'armée yougoslave, est finalement emmené à la
13 ferme d'Ovcara. Ils sont frappés. Des soldats se ruent sur eux, les
14 soumettent à toute sorte de sévices. Cet homme va témoigner devant vous
15 ainsi que six autres personnes, je pense. Cet homme a eu la chance de
16 connaître personnellement un de ces soldats. Ce qui veut dire que ces sept
17 personnes ont ainsi pu échapper, six ayant survécu. Il y avait 260 autres
18 personnes qui, elles, furent abattues. Des milliers de personnes ont
19 trouvé la mort au cours du conflit qui a sévi en Croatie. 170.000, peut-
20 être plus encore, ont été expulsées.
21 Ce n'est là qu'un exemple des tragédies, des horreurs qui vont être
22 évoquées dans le premier Acte d'accusation, dans l'ordre chronologique,
23 celui qui concerne la Croatie.
24 A peu près un an plus tard, à Visegrad, en Bosnie, il y a une jeune femme
25 enceinte qui va bientôt donner naissance. Sa ville est prise par des
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1 soldats yougoslaves, par d'autres aussi; un groupe qu'on appelle "les
2 Aigles blancs" y a participé, nous l'apprendrons.
3 Vu ce qui se passe, elle et d'autres personnes s'enfuient vers les bois,
4 la nuit; et c'est là qu'elle donne naissance à sa fille, dans les bois,
5 pendant la nuit. Les moyens de preuve dont nous disposons montrent qu'elle
6 a donné un nom à sa petite fille, mais nous ne pouvons pas vous dire quel
7 est ce nom.
8 Cette femme, son enfant et bien d'autres -dont 45 membres à peu près de sa
9 famille élargie-, toutes ces personnes sont emmenées parce qu'on leur fait
10 une promesse: on leur dit qu'ils vont pouvoir partir dans un bus de la
11 Croix-Rouge. Ils sont emmenés dans une maison qu'on a préparée pour eux.
12 Il y a de l'essence qui a été répandue sur les tapis, sur le sol. Ils ont
13 été brûlés vif. Les cris de l'enfant, on les a entendus pendant près de
14 deux heures avant que cet enfant, lui aussi, ne succombe à ses blessures.
15 Voilà un crime pour représenter les milliers de personnes qui ont été
16 tuées pendant le conflit en Bosnie. Plus de 7.000. Des centaines de
17 milliers de personnes ont été expulsées pendant ce conflit.
18 Sept ans plus tard, nous passons au troisième Acte d'accusation et nous
19 parlons d'une autre histoire où nous retrouvons une mère et sa fille.
20 Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'une petite fille qui vient de naître ou
21 d'une toute petite fille; il s'agit d'une fille qui a une vingtaine
22 d'années, qui est suffisamment âgée pour se considérer comme une adulte,
23 qui a pris son élan dans la vie, qui est assez jeune cependant pour être
24 considérée par sa mère comme la fille qu'elle est vraiment.
25 Ceci se passe à un endroit, l'endroit de Kosica et dans les environs. Sur
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1 ce lieu, comme les Juges l'apprendront ultérieurement en détail, 50 femmes
2 ont été rassemblées afin d'être mises en sûreté. Une fois encore en
3 utilisant la tromperie et sous la garde de soldats malhonnêtes: on ne les
4 a pas emmenées dans une mosquée, comme on le leur avait promis, mais dans
5 une maison où l'on pouvait, on aurait pu les garder en sécurité.
6 La mère -et vous entendrez ces éléments de preuve-, la mère et sa fille de
7 20 ans se trouvent là. La jeune fille fait partie d'un groupe de plusieurs
8 femmes. Toutes sont plutôt jeunes et sont emmenées régulièrement par des
9 soldats qui abusent d'elles; et lorsqu'elles reviennent, elles sont
10 effrayées, elles sont bouleversées. On peut en déduire ce qui leur est
11 arrivé dans l'intervalle.
12 Plus tard, huit femmes -cinq d'entre elles sont assez jeunes et trois un
13 peu plus âgées-, on emmène donc ces femmes. L'une de ces femmes, c'est la
14 fille de 20 ans dont j'ai parlé. La maison est bloquée, les portes sont
15 bloquées avec des fils de fer, si bien que les femmes qui se trouvent à
16 l'intérieur pensent qu'on va les brûler vives. Mais ce n'est pas ce qui se
17 passe.
18 Finalement, elles parviennent à s'échapper; en fait, on les laisse partir.
19 Mais la mère ne trouve pas sa fille et, dans les semaines qui suivent,
20 elle a la possibilité de revenir sur place; elle cherche désespérément,
21 elle cherche désespérément sa fille qui, finalement, a été retrouvée par
22 les représentants de la communauté internationale au cours du travail très
23 pénible qu'ils accomplissent.
24 Cette jeune fille et les sept autres femmes, qui ont été emmenées pour la
25 dernière fois de cette maison, on les retrouve au fond de trois puits dans
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1 lesquels elles avaient été jetées. Elles étaient probablement encore
2 vivantes à ce moment-là. Et on peut à peine imaginer ce qui leur est
3 arrivé avant qu'on ne les jette dans ces puits.
4 Ce récit, c'est un exemple de ce qui s'est passé au Kosovo où, au moins,
5 4.500 personnes ont trouvé la mort. Mais les estimations varient et
6 montent parfois jusqu'à 10.000. En tout cas, plus de 750.000 personnes ont
7 été forcées de quitter le Kosovo ou bien ont été déplacées sous la
8 contrainte à l'intérieur du Kosovo.
9 Voici donc des statistiques, des exemples de l'objet de ce procès et de
10 l'objet de cet Acte d'accusation, de ces Actes d'accusation.
11 Ceci étant dit, je souhaite informer les Juges que je ne reviendrai que
12 très rarement à ces exemples aussi tragiques, aussi affligeants. Pourquoi?
13 Eh bien, en premier lieu, comme l'a dit Mme la Procureure elle-même, c'est
14 aux témoins qu'il revient de venir ici devant la Chambre, au Tribunal,
15 pour raconter; et c'est de leur bouche que nous entendrons les mots qui
16 seront consignés au dossier. Bien entendu, ils ne représenteront qu'une
17 partie infime de la population qui a souffert, et vous devez savoir,
18 Messieurs les Juges, que pour la plupart d'entre eux, ils souhaitent
19 ardemment venir déposer ici. Et il est possible que pour certains eux on
20 n'accepte leur témoignage par le biais de déposition écrite. Mais pour la
21 plupart d'entre eux, ils souhaitent témoigner en public, ils souhaitent
22 dire clairement qui ils sont lorsqu'ils déposent. Donc nous entendrons ces
23 témoins.
24 En deuxième lieu, le caractère pénible, le caractère bouleversant de ce
25 type de dépositions n'a en réalité qu'une seule signification du point de
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1 vue technique pour ce procès.
2 L'accusé, bien entendu -c'est évident-, se voit reprocher ces événements.
3 C'est pour cela qu'il est ici. Mais la question qui se pose, c'est de
4 savoir s'il savait ce qui se passait, bien entendu; parce que non
5 seulement, ceci il en a été informé mais, à l'époque, la presse, la radio,
6 la télévision faisaient entrer la guerre, faisaient entrer les guerres
7 dans tous les foyers. Et de ce fait, il est impossible qu'il n'ait pas su.
8 La question donc sera de savoir si, au bout du compte, la Chambre estime
9 qu'il était derrière tout ce qui se passait, pourquoi a-t-il continué dans
10 cette voie et pourquoi n'a-t-il pas arrêté, mis un coup d'arrêt à tout ce
11 qui était en train de se produire.
12 Troisièmement, c'est que nous souhaitons éviter à la Chambre d'être
13 exposée à tous ces éléments extrêmement pénibles pour la raison suivante
14 donc: c'est que cet accusé et d'autres qui vont être présentés, ici même
15 au Tribunal ou devant d'autres tribunaux, cet accusé et d'autres doivent
16 savoir que, quels que soient les faits, quels que soient les crimes qui
17 leur sont reprochés, les procès qui en découleront se passeront dans un
18 climat calme et serein.
19 Enfin, une dernière raison, la dernière raison pour laquelle nous devons
20 essayer de nous garder de toute émotion excessive face à ces événements.
21 C'est parce que c'est ce qu'a fait l'accusé, d'après nous: il n'a jamais
22 fait face à ses victimes, il ne les a jamais regardées en face, il a été
23 en mesure de suivre ce qui se passait du haut du poste très élevé qu'il
24 occupait. Et si l'accusation a raison, eh bien, ces crimes, il les a fait
25 commettre par d'autres.
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1 Ce procès, comme l'a dit à très juste titre Mme la Procureure, ce procès
2 ne va pas rendre des conclusions historiques, car l'Histoire, les
3 questions historiques laissent toujours la place au doute, à la discussion
4 entre les historiens. Mais l'Histoire, même l'Histoire distante, qui va
5 entrer ici dans le prétoire par les biais des témoins, l'Histoire va
6 parfois avoir une certaine pertinence, une certaine pertinence pour
7 déterminer ce que l'accusé pensait, ce que ceux qu'on a identifiés dans
8 l'Acte d'accusation comme les coauteurs de ces actes, ce qu'eux pensaient.
9 Cela va permettre de déterminer ce que pensaient les partisans dociles de
10 Milosevic. Cela va permettre de déterminer ce qui ressort de l'Histoire,
11 ce qui dans l'Histoire est venu attiser les sentiments, attiser les
12 émotions, surtout les émotions nationalistes; même s'il est fort possible
13 que cet accusé en particulier ne partageait que très peu, en réalité,
14 cette vision nationaliste.
15 Pour des raisons de procédure, nous allons commencer ce procès par la
16 présentation des éléments de preuve relatifs au Kosovo, bien que ce
17 conflit arrive en dernier dans la chronologie. Mais, finalement et
18 curieusement, c'est peut-être tout à fait adapté à la situation parce le
19 Kosovo, c'est une région qui, du premier au dernier jour, est présente
20 dans toute la série de tragédies qui se sont passées dans cette région. Le
21 Kosovo étant pour les Serbes une région très particulière, considérée
22 aussi bien par les Serbes que par les Albanais du Kosovo comme le berceau
23 de leurs civilisations respectives.
24 La Constitution de 1974 a donné au Kosovo ainsi qu'à la Voïvodine un
25 statut semi-autonome. En fait, cette Constitution leur a accordé un grand
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1 degré d'indépendance. Le Kosovo, ce pays si peu connu, qui fait à peine
2 100 kilomètres d'un bout à l'autre, personne n'en parlait véritablement en
3 dehors de la Yougoslavie et quelques touristes curieux.
4 Le Kosovo se situe au sud de la République de Serbie, qui était une des
5 Républiques constituantes de la République socialiste fédérative de
6 Yougoslavie. Le Président Tito est décédé en 1980. Il est possible que les
7 nationalistes serbes aient estimé que c'est Tito qui avait assuré la
8 cohésion de la Yougoslavie en affaiblissant la Serbie, en organisant ou en
9 mettant en place ces deux provinces semi-autonomes au sein du pays. Et la
10 phrase de "Serbie faible et Yougoslavie forte", cette phrase explique
11 peut-être ce qu'il a fait et explique peut-être pourquoi les nationalistes
12 serbes ont réagi de la façon dont ils ont réagi.
13 Libérés de ces chaînes, même si elles étaient bienveillantes, libérés de
14 ces chaînes de Tito, la population de la Yougoslavie dans son ensemble et
15 les dirigeants de la Yougoslavie se sont vus exposer à de nouvelles
16 expériences; ils ont vu s'ouvrir à eux de nouvelles possibilités, de
17 nouvelles tentations.
18 Et c'est au Kosovo que l'on a remarqué les premiers signes d'un grand
19 enthousiasme pour le changement. Dès mars ou avril 1981, on a pu assister
20 à des manifestations massives d'étudiants dans la capitale Pristina, dans
21 la ville de Prizren et ailleurs. Et le slogan de "Kosovo Republika" a
22 résonné lors de ces manifestations. Cela a été une surprise, voire un choc
23 pour beaucoup, en Yougoslavie fédérale.
24 Parallèlement, les communistes serbes et peut-être également des Serbes
25 sans engagement politique sont devenus libres de se plaindre de leur
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1 destin historique et du Kosovo. Et il est possible que, pour eux, les
2 choses se présentaient de la manière suivante: c'étaient eux qui avaient
3 été les vainqueurs courageux de la Première Guerre mondiale, les
4 principaux architectes de la Yougoslavie, les victimes courageuses de la
5 Deuxième Guerre mondiale, ceux qui avaient gagné la guerre, mais perdu la
6 paix.
7 Et pratiquement beaucoup de Serbes avaient à se plaindre du Kosovo. Il est
8 possible qu'au début, le Kosovo ait trouvé un certain confort à ce qu'il
9 se passait en Slovénie. Mais la culture dominante, ce qui est peut-être
10 difficile à comprendre pour ceux qui viennent de l'extérieur, c'est que
11 c'était là un endroit où le fait de tenir des propos nationalistes était
12 véritablement inacceptable. C'étaient des actions qui pouvaient être
13 passibles de poursuites pénales. Et peut-être que, avec la libération des
14 esprits, de la pensée, il est possible que cette pensée ait été altérée,
15 ait été déformée.
16 Et dans le cadre de la présentation des éléments de preuve, les Juges vont
17 inévitablement entendre parler d'un mémorandum de l'Académie serbe des
18 sciences et des arts, qui a été communiqué par le biais d'une fuite en
19 1986. C'est un mémorandum qui est le résultat des travaux de véritables
20 intellectuels. En 1986, ils ont signé le document suivant qui comprend les
21 extraits suivants -je cite-: "Le génocide physique, politique, juridique
22 et culturel à l'encontre de la population serbe du Kosovo-Metohija est la
23 plus grave défaite de la Serbie." (Fin de citation.)
24 Ils poursuivent en disant: "A l'exception de la période de la guerre,
25 jamais, les Serbes en Croatie n'ont été aussi menacés qu'aujourd'hui."
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1 (Fin de citation.)
2 Voici donc la réaction des intellectuels serbes en 1986 à ce qui
3 commençait à se profiler à l'horizon au Kosovo, dans le petit Kosovo. Mais
4 comme cette menace qui pesait sur les Serbes était insignifiante par
5 rapport à ce qui devait se passer plus tard, comment véritablement,
6 comment raisonnablement utiliser dans ce contexte la notion de génocide
7 culturel?
8 Mais la culture dominante, c'était une culture qui était à même de
9 produire ce type de pensée. A l'époque, on parlait beaucoup de la
10 vulnérabilité des Serbes, on disait qu'ils étaient menacés. On craignait
11 que les massacres de la Deuxième Guerre mondiale, pendant laquelle ils
12 avaient tellement souffert, se reproduiraient; on craignait que les Serbes
13 ne soient submergés par les Albanais au Kosovo; on craignait qu'ils ne
14 soient exploités, qu'ils ne soient opprimés, aussi bien du point de vue
15 politique que du point de vue économique.
16 Et c'est dans ce contexte, c'est sur cette scène que l'accusé a été
17 propulsé ou qu'il s'est propulsé lui-même. La question peut se poser quand
18 on se penche sur cette partie de l'histoire, sur les éléments de preuve y
19 afférents, la question peut se poser de savoir comment cet homme, qui est
20 un cas assez rare parmi les dirigeants communistes, a été en mesure de
21 faire la transition de dirigeant d'un parti sous l'ancien régime à
22 dirigeant de ce même parti sous le nouveau régime. Est-ce que c'était un
23 dirigeant brillant, bienveillant? Ou bien est-ce qu'il s'agit tout
24 simplement d'un homme doté d'une vision très aiguë de la manière de s'y
25 prendre pour maintenir son pouvoir et son contrôle par le biais de la
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1 manipulation?
2 Le destin de feu Ivan Stambolic peut permettre de répondre en partie à
3 cette question. Cet homme, c'était le mentor de l'accusé; l'accusé,
4 c'était son protégé. Il a envoyé son protégé au Kosovo pour réprimer les
5 troubles qui s'y produisaient. Il lui a donné, là, une possibilité et
6 -maintenant, on le sait très bien- il lui a donné une possibilité, une
7 occasion, une opportunité dont il s'est saisi.
8 Je vais maintenant vous demander, Messieurs les Juges, de regarder un
9 extrait de vidéo qui est assez connu, qui est très connu. C'est un meeting
10 qui a eu lieu le 24 avril 1987, au Kosovo.
11 Je demande l'assistance de la cabine technique pour ce faire.
12 (Diffusion de l'extrait vidéo.)
13 Et ce meurtre est cité au paragraphe 41, c'est le quatrième.
14 "Milosevic dit que vous pouvez entrer maintenant, un par un.
15 On pouvait entendre du bruit venant de l'extérieur. Mais qu'est-ce que
16 cela pouvait bien être?
17 Ils ont couru à l'extérieur où on s'était garés et ils ont commencé à
18 jeter des pierres sur la police, qui a reçu ainsi un petit cadeau des
19 masses; ils ont reçu des cadeaux sur la tête, sur le casque, partout.
20 Moi, je suis allé voir Milosevic et je lui ai dit: "Il y a la police
21 dehors qui est en train de battre, de passer les gens à tabac!".
22 Il ne pouvait pas se défiler devant cette responsabilité, donc il est
23 sorti; il savait que l'enjeu était extrêmement grand pour lui.
24 - Camarades, allez-y! Parlez!
25 - La police nous a attaqués, ils ont frappé les femmes et les enfants. Les
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1 Albanais sont venus parmi nous. On a été passés à tabac. Ils sont en train
2 de nous taper dessus!
3 - Personne, on ne va plus jamais vous frapper."
4 (Fin de la diffusion vidéo.)
5 Dans quelle mesure cet incident a été planifié, orchestré? Peu importe,
6 finalement. C'est cette phrase "On ne vous frappera plus, on ne vous
7 frappera pas" et la réaction qu'il a obtenue après avoir prononcé cette
8 phrase, qui a donné à l'accusé son goût pour le pouvoir. C'était pour lui
9 la première fois qu'il réalisait un rêve. Et cela a été pour lui le début,
10 le début dont il avait besoin.
11 L'homme qui l'avait envoyé sur place, Ivan Stampolic, son mentor, a
12 rapidement vu son pouvoir décliner. L'accusé, lui, a vu son pouvoir
13 augmenter.
14 Et le 23 septembre 1987, lors de la 8e Session du Parti communisme serbe,
15 l'accusé a pris le dessus sur Stampolic. Et, en temps utile, celui-ci
16 s'est vu démis sur la base d'un document, d'un document qui est sans doute
17 un document totalement faux, voire peut-être même falsifié. C'est ainsi
18 que l'accusé est devenu le chef du Parti communiste au pouvoir.
19 Il est peut-être intéressant de se rappeler toujours qu'il n'a pas été
20 aisé pour un communiste serbe d'obtenir une grande popularité. Car les
21 Serbes chérissaient certaines institutions: la monarchie, l'église
22 orthodoxe, le mouvement chetnik. Toutes choses qui avaient été réprimées
23 par le communisme. Les Serbes de Bosnie, en particulier, n'étaient pas
24 très attachés au communisme; ils n'y voyaient rien de très bon.
25 Donc, pour des anciens communistes comme l'accusé, obtenir le soutien
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1 populaire n'était pas facile; il a fallu qu'il fasse des unions. En
2 l'occurrence, l'Union de la gauche communiste et l'Union de la droite
3 anticommuniste. Il a dû trouver le soutien des Serbes. Aussi bien en
4 Serbie, de même qu'ailleurs en Yougoslavie, il a dû les souder; bien que
5 plus tard, beaucoup plus tard, il ait dû se détacher de certains individus
6 lorsqu'ils avaient servi ses desseins, ou même de groupes plus importants,
7 en Croatie et en Bosnie, lorsque ses efforts entrepris pour joindre tous
8 ces peuples n'ont pas été couronnés de succès.
9 En 1988 déjà et tout au long de 1989, l'accusé bénéficiait d'un soutien
10 très important de la part de ce que l'on a appelé "la révolution anti-
11 bureaucratique" qui s'est manifestée en Voïvodine par ce que l'on a appelé
12 "la révolution du yogourt", en fait des projectiles lancés lors des
13 manifestations. Cette révolution s'est également passée au Monténégro.
14 Et pour vous donner une idée de la façon dont les choses se présentaient à
15 l'époque, c'est au cours de ces manifestations, qui se déroulaient
16 partout, que l'on brandissait des photographies de l'accusé. Et en
17 conséquence, le gouvernement de la République du Monténégro et de la
18 province de la Voïvodine sont devenus le berceau du soutien de l'accusé.
19 Et au Monténégro, Bulatovic, le Président du Monténégro, s'est montré un
20 partisan particulièrement actif de l'accusé. Mais les réussites obtenues
21 ne sont pas faites sans mal. En octobre 1988, il y a eu une fois encore
22 des manifestations au Kosovo contre le nationalisme serbe et contre les
23 menaces qui pesaient sur l'autonomie du Kosovo et sur son économie. En
24 novembre 1988, au sein du parti communiste du Kosovo, les choses bougent.
25 Et ceux qui étaient moins fidèles à l'accusé sont remplacés par des
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1 personnes plus fidèles.
2 Tout ceci est suivi en 1989, en février de cette année-là, par les grèves
3 massives de mineurs albanais qui craignent de voir le Kosovo dépourvu de
4 son autonomie.
5 Je propose que nous nous fassions de nouveau une idée de ce qu'était
6 vraiment l'accusé à ce moment-là. A la fin février, début mars 1989, se
7 déroule une manifestation nationaliste. Dans quelques instants, nous
8 allons voir une vidéo et, lors de cette manifestation, l'accusé a parlé à
9 des manifestants dont le nombre pouvait être d'un million. Ceci se passait
10 à Belgrade.
11 Il cherchait à régler ses comptes avec les dirigeants du Kosovo, il
12 promettait des mesures immédiates. Mais ce qui est peut-être plus
13 important en l'occurrence, c'est qu'il a laissé cette foule attendre
14 pendant 24 heures et, ensuite, il est venu et n'a parlé que pendant quatre
15 minutes. Je propose que nous voyions cette vidéo.
16 (Début de la diffusion vidéo.)
17 "Le camarade Slobodan Milosevic va arriver, comme nous vous l'avons
18 promis. Il n'y a aucun canon, il n'existe aucune force qui peut entraver
19 la direction de la Serbie et les Serbes dans leur action. Ce que je tiens
20 à vous dire, c'est que je n'entends pas bien, je n'entends pas bien!
21 J'aimerais vous répondre, répondre à ce que vous avez dit. Je tiens à vous
22 dire que ceux qui ont trompé le peuple, ceux qui ont comploté
23 politiquement contre la Yougoslavie seront arrêtés et emprisonnés."
24 (Fin de la diffusion vidéo.)
25 Eh bien, il vaut peut-être la peine ici de réfléchir à la puissance, au
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1 pouvoir de la foule. Et Vllasi a été arrêté, grâce à ce pouvoir; le
2 lendemain, si je ne m'abuse. Mais le pouvoir des foules est limité et
3 finalement réversible, comme nous le rappelle très bien ce que nous avons
4 pu voir tous à télévision, à savoir la façon dont l'accusé que vous avez
5 devant vous aujourd'hui a fini, quelques années plus tard, par perdre le
6 pouvoir.
7 Je reviens maintenant au problème permanent qu'était le problème du
8 Kosovo.
9 En mars 1989, le Parlement du Kosovo a adopté des amendements
10 constitutionnels qui, en fait, étaient contraires à ses intérêts. En
11 effet, les Kosovars perdaient le pouvoir sur la police, sur le choix de la
12 langue kosovar et son utilisation dans la vie quotidienne, ainsi que sur
13 un certain nombre d'autres institutions. Et au moment où ces amendements
14 constitutionnels étaient adoptés, le bâtiment de l'Assemblée était
15 encerclé par les chars. Le moins que l'on puisse dire, c'était qu'une
16 grande incertitude régnait quant à l'éventualité ou non d'obtenir la
17 majorité nécessaire pour faire passer ces amendements.
18 Il n'est pas très surprenant de constater que ces actions entreprises
19 contre le Kosovo ont entraîné des réactions. Et je suppose que la seule
20 surprise que l'on puisse ressentir aujourd'hui, ainsi que si l'on se
21 rappelle les quelques années qui ont suivi, la seule surprise que l'on
22 peut ressentir vient sans doute de la nature de cette réaction de la part
23 des Kosovars, puisqu'elle a été tout à fait muette et très grandement
24 pacifique à l'époque. Pacifique sans doute, puisque le Kosovo a dû, pour
25 ce qui le concerne, se contenter d'attendre une hypothétique issue
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1 favorable. Quant à l'accusé, s'il y a simplement réfléchi, ce qu'ils
2 attendaient, c'était simplement que le tour du Kosovo arrive. Et certains,
3 à l'époque des conflits de Bosnie et de Croatie, ont pu dire, de façon
4 cynique ou en guise de plaisanterie, que finalement tout cela se
5 terminerait au Kosovo.
6 Le 28 mars 1989, l'Assemblée de Serbie a adopté les amendements
7 constitutionnels et donc supprimé en grande partie l'autonomie accordée
8 grâce à la Constitution de 1974. De nouvelles manifestations très massives
9 ont été organisées; la répression a été violente, des centaines de
10 manifestants ont été tués, plus de 1.000 manifestants traînés devant les
11 tribunaux et, parmi eux, des membres de l'élite albanaise du Kosovo.
12 Mais ceci, rien de tout ceci n'a affecté la montée au pouvoir de l'accusé.
13 Le 8 mai 1989, date à laquelle ces amendements constitutionnels étaient
14 appliqués, Milosevic a obtenu un pouvoir politique encore plus important
15 en devenant Président de Serbie.
16 Le procès qui se déroule ici ne traite pas de la montée d'un homme au
17 pouvoir, mais la Chambre de première instance va apprécier sans doute le
18 pouvoir de l'accusé qu'il a exercé finalement en dehors de toute
19 responsabilité, sans rendre compte à personne et en dehors de toute
20 moralité. De telles montées au pouvoir, de telles montées en puissance ne
21 peuvent pas être réalisées par un homme seul; l'aide d'autres voyageurs
22 est nécessaire lorsqu'on s'embarque dans un véhicule de cette nature, pour
23 un voyage de cette nature. De temps en temps, nous parlerons de certains
24 de ces hommes, certains coaccusés devant ce Tribunal dont les noms
25 figurent dans l'Acte d'accusation du Kosovo et d'autres considérés comme
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1 coauteurs des crimes en rapport avec l'Acte d'accusation de Croatie et de
2 Bosnie.
3 Borisav Jovic -vous voyez actuellement sa photographie à l'écran- est
4 devenu vice-président de la présidence collective de Yougoslavie. Cette
5 présidence comptait un certain nombre de représentants des différentes
6 républiques, ainsi que des provinces autonomes. Borisav Jovic a été l'un
7 des collaborateurs les plus proches de l'accusé au cours des premiers
8 jours de cette entreprise criminelle conjointe, qui fait l'objet des
9 poursuites engagées contre l'accusé, et ce, depuis le 15 mai 1990 jusqu'au
10 15 mai 1991, au moment où tout a commencé à tomber en morceaux.
11 Par le biais de Borisav Jovic et d'autres personnes très semblables à lui,
12 Milosevic a exercé un contrôle effectif sur la présidence yougoslave au
13 niveau fédéral et a donc joué le rôle de commandant en chef de la JNA, en
14 même temps qu'il était Président de la République de Serbie. Et lorsqu'on
15 dit qu'il n'était que Président de Serbie, il est peut-être utile que
16 j'ajoute ce qui suit: ceux qui ne vivent pas dans un Etat fédéral ont une
17 expérience un peu différente et sont peut-être tentés de penser qu'un
18 gouvernement fédéral est finalement plus puissant, plus imposant que les
19 gouvernements des éléments constitutifs de la Fédération. Or, parler de la
20 sorte serait peut-être une voie trop simple, car il est fort possible qu'à
21 certains moments, le pouvoir fédéral en ex-Yougoslavie ait été moins fort
22 que le pouvoir au niveau de certaines Républiques, mais il nous
23 appartiendra de le déterminer plus tard.
24 Mais revenons à présent à Borisav Jovic. En juin 1990, comme les éléments
25 de preuve le démontreront, l'accusé partageait les mêmes vues que Jovic,
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1 pensant que l'amputation de la Croatie, la sécession donc de la Croatie
2 devait se dérouler de façon à ce que certaines opstina, autrement dit
3 certaines régions de Croatie, restent au sein de la Yougoslavie, "restent
4 avec nous", disait-il.
5 Dans le même temps, un autre homme qui a acquis une certaine importance à
6 l'époque, le général Veljko Kadijevic, a donné son appui à l'idée que les
7 opstina serbes, au cas où la Croatie quitterait la Yougoslavie, que ces
8 opstina serbes devaient donc "rester avec nous", comme disaient les deux
9 hommes; autrement dit demeurer au sein de ce qu'il restait de la
10 Yougoslavie. Cet objectif est apparemment tout à fait innocent, mais peut
11 également servir à expliquer et justifier des attaques territoriales et
12 des crimes contre l'humanité qui se sont déroulés dans les années
13 suivantes.
14 Ce général Kadijevic, en même temps que le général Hadzic, qui était chef
15 d'état-major de la JNA, l'armée yougoslave, a garanti à Jovic et à
16 l'accusé que l'armée ne permettrait en aucun cas que la police croate
17 occupe certaines villes de Croatie qui, à ce moment-là, étaient sous le
18 contrôle des Serbes.
19 J'aimerais dire quelques mots de ce terme "police" que j'utiliserai un
20 certain nombre de fois dans mon propos liminaire et qui sera utilisé à
21 maintes reprises au cours du procès.
22 Le ministère de l'Intérieur était connu sous les sigles de M-U-P, MUP. La
23 police, dépendant donc du ministère de l'Intérieur, était connue sous le
24 sigle de M-U-P qui se divisait en deux parties: la police classique qui
25 s'occupait d'enquêtes criminelles, etc. et une deuxième branche qui
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1 ressemblait fort, pour les non-spécialistes, à une armée, car cette
2 deuxième banche de la police était dotée de blindés et d'armes assez
3 imposantes.
4 Les rapports qu'entretenaient Jovic et Milosevic, pendant et avant la
5 guerre en Croatie -nous en parlerons en temps utile-, montreront de façon
6 très convaincante la façon dont Milosevic, bien que n'étant Président que
7 d'une seule République, la Serbie, a exercé une influence et un contrôle
8 effectif substantiels sur la présidence fédérale ainsi que sur la JNA,
9 jouant le rôle de commandant en chef de la JNA.
10 A cet égard, un autre élément commence à faire son apparition. En effet,
11 ceux qui sont coupables de faits répréhensibles oublient très souvent, au
12 moment où ils commettent les actes répréhensibles en question, ce qu'ils
13 auraient dû être amenés à faire s'ils avaient été innocents. Dans le cas
14 qui nous intéresse, je veux parler de l'omission d'une quelconque
15 expression de regret réel pour les victimes de ce que l'accusé s'apprêtait
16 à faire, l'absence de réelle compassion pour ceux qui ont souffert.
17 Quels sont donc les processus mentaux qui amènent à une telle myopie
18 mentale? Eh bien, la réponse réside en partie dans la réponse à la
19 question de savoir comment cet homme a-t-il exercé son contrôle sur le
20 déroulement des événements. Il l'a fait en étant notoirement absent ou en
21 dehors de l'organe, de l'organisme qui a fait les dégâts. En effet, il
22 contrôlait cet organisme puisqu'il avait le contrôle sur les êtres humains
23 qui en faisaient partie, qui appartenaient à cet organisme, mais c'est
24 l'organisme qui a fait le mal. Donc c'est cet organisme et pas l'accusé
25 qui assumait la responsabilité de ces méfaits. Mais en tout état de cause,
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1 il n'y a eu aucun regret, aucune honte.
2 Donc nous avançons un peu et continuons à parler quelques instants de
3 Borisav Jovic avant de passer à l'examen chronologique des événements.
4 Nous découvrirons qu'entre octobre 1991, date à laquelle certains membres
5 de la présidence étaient absents -puisque les représentants de la Croatie,
6 de la Slovénie, de la Macédoine et de la Bosnie-Herzégovine ont renoncé à
7 exercer leur pouvoir-, donc la présidence à ce moment-là est devenue ce
8 qu'il est convenu d'appeler "une présidence tronquée", dirigée par un
9 homme répondant au nom de Branko Kostic, qui a été vice-président de la
10 RSFY en son temps et qui est un coauteur des actes criminels reprochés à
11 l'accusé. Donc cette présidence tronquée est dirigée par Branko Kostic et
12 Borisav Jovic y jouait un rôle-clé. C'est cette présidence tronquée qui a
13 exercé son influence, sinon son contrôle, et celui de l'accusé sur l'armée
14 populaire yougoslave, la JNA, les unités de la Défense territoriale ainsi
15 que les unités de volontaires qui agissaient en coordination et sous la
16 supervision de la JNA, etc.
17 Il ne fait aucun doute que nous entendrons au cours de la présente affaire
18 au moins un expert en droit constitutionnel, même s'il y a des limites à
19 la pertinence du droit constitutionnel dans un procès comme celui-ci,
20 mais, pour l'accusé, le droit constitutionnel et le droit en général
21 étaient considérés comme un instrument du pouvoir plutôt que comme un
22 moyen de contrôler les dirigeants au pouvoir.
23 Donc la réalité est celle-ci: les unités que je viens d'énumérer ont
24 commis un certain nombre d'actes qui étaient tous des actes criminels
25 graves. Et c'est la présidence tronquée qui était l'organe suprême du
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1 pouvoir, Milosevic exerçant son contrôle sur cette présidence tronquée. La
2 présidence tronquée a agi pour appliquer la politique de Milosevic et
3 Jovic, lui, partageait la responsabilité de ce qui a été fait par l'armée.
4 Nous reviendrons sur tout cela en temps utile.
5 Pour revenir à la montée au pouvoir de l'accusé et au Kosovo, nous
6 parlerons du 28 juin 1989. Il y a, à ce sujet, une séquence vidéo bien
7 connue encore, que nous devons montrer ici et qui entrera donc au nombre
8 des pièces à conviction de ce procès. Ce jour-là était le 600e
9 anniversaire de la Bataille du Kosovo. Je ne vais pas ennuyer les Juges de
10 cette Chambre avec de trop nombreux détails au sujet de cette bataille,
11 mais il faut savoir que cette bataille a été, en fait, une défaite pour
12 les Serbes et que c'est une défaite que les Serbes fêtent. Cet événement,
13 cette manifestation s'est donc déroulée à Kosovo Polje, un lieu-dit du
14 Kosovo. Le nombre des participants était absolument énorme, l'accusé étant
15 le principal orateur.
16 Il importe de prêter attention aux mots utilisés, car l'allocution a été
17 vraiment une allocution très bien construite, démontrant un grand pouvoir
18 sur les mots. Il était question de la façon dont les Serbes, par le passé,
19 s'étaient sentis coupables du rôle qui avait été le leur, qu'ils ne
20 devraient plus se sentir coupables, que les Serbes étaient les
21 constructeurs de la liberté et que les Serbes avaient fait de très
22 nombreuses bonnes choses. Mais il y a un passage, un extrait qui mérite
23 une attention particulière et que j'ai l'intention maintenant de diffuser
24 ici.
25 (Diffusion de vidéo.)
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1 (Traduction de la vidéo.)
2 "Camarades, en ce lieu qui est très cher au cśur des Serbes, en ce lieu
3 même, il y a six siècles, il y a 600 ans..."
4 M. Nice (interprétation): J'espérais que l'interprétation serait faite par
5 les interprètes de cabine. Or, je n'entends rien en en anglais.
6 M. le Président (interprétation): Peut-être pourriez-vous en parler
7 pendant la pause qui sera faite très rapidement?
8 M. Nice (interprétation): Je suis à votre disposition, Monsieur le
9 Président, pour le moment où nous aurons la pause.
10 M. le Président (interprétation): Les interprètes sont prêts, me disent-
11 ils. Donc nous pouvons réessayer.
12 (Reprise de la diffusion vidéo.)
13 "Camarades, ici même, à cet endroit, à cet endroit si cher au cśur des
14 Serbes, à Kosovo Polje, il y a six siècles, donc il y a 600 ans, s'est
15 déroulée une des plus grandes batailles de l'époque. Kosovo est à nous
16 depuis six siècles et nourrit notre orgueil; il ne nous permet pas
17 d'oublier que nous avons été, à une certaine époque, une armée puissante,
18 courageuse, fière d'elle et qui a subi des pertes absolument inégalées.
19 Six siècles plus tard, aujourd'hui, nous sommes à nouveau au cśur des
20 batailles.
21 Ces batailles ne sont pas armées, mais ce n'est pas exclu. Quelle que soit
22 la nature des batailles, il est possible de gagner. En effet, ce qu'il
23 faut, c'est suivre le destin de ces belles personnes qui s'étaient
24 trouvées, il y a 600 ans, à Kosovo Polje."
25 Il parle donc de batailles armées, de combats armés qui n'étaient pas
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1 exclus à ce moment-là.
2 Quelques mots encore au sujet de ce rassemblement et de ce qui a été dit
3 au cours de ce rassemblement. Nous y reviendrons pendant le procès. C'est
4 une allocution qui a été prononcée sur le territoire même du Kosovo; c'est
5 une allocution qui comporte des références aux valeurs de la société
6 multiethnique, mais pas un seul mot n'est dit tout au long de ce discours
7 des Albanais du Kosovo.
8 Vers la fin de 1989 -il est peut-être utile de s'en souvenir-, le destin
9 subi par le Président de Roumanie Ceaucescu a sans doute instillé la peur
10 dans l'esprit de ceux qui risquaient d'être soumis à des sentiments
11 anticommunistes très forts. L'habileté, la grande capacité de l'accusé a
12 consisté à se servir de ce sentiment d'anticommunisme qui se développait,
13 pour le retourner en s'appuyant sur le nationalisme à son profit. C'est un
14 peu comme sa façon de se servir du pouvoir des foules. Il se rendait bien
15 compte que le nationalisme était également un moyen de grand pouvoir, de
16 grande force.
17 Je reviendrai à ce qu'a dit le Procureur général du Tribunal, il y a
18 quelques instants, en des termes un peu différents, mais le sens est assez
19 similaire: l'accusé était-il donc un nationaliste? Peut-être que oui,
20 peut-être que non. On peut dire à peu près la même chose au sujet du fait
21 de savoir s'il était ou non raciste. Il ne l'était sans doute pas.
22 En effet, il y a des gens qui croient en une cause, mais il y a aussi des
23 gens qui peuvent apparaître comme ayant foi dans une cause et seule, parmi
24 eux, une catégorie exprime la vérité; pour les autres, il faut attendre
25 une date bien ultérieure. Il faut étudier la façon dont un modèle se
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1 dégage des événements afin de voir si, finalement, cette cause était vraie
2 ou si c'était seulement le passeport pour autres choses. Les Juges de
3 cette Chambre auront tout pouvoir d'en décider en temps utile, mais le
4 Procureur invite chacun à beaucoup de précautions avant de déterminer que
5 l'homme que vous avez sous les yeux était sincère dans son adoption de la
6 cause serbe.
7 Parlons maintenant de la désintégration de la Ligue des communistes de
8 Yougoslavie en janvier 1989. Je ne vais pas vous imposer les images vidéo
9 de cette réunion, au cours de laquelle les Slovènes et les Croates
10 quittent la salle, bien que restant au sein de la présidence yougoslave
11 pendant encore deux ans et demi.
12 Les Juges de cette Chambre se souviendront sans doute, sur la base
13 d'autres sources, de la façon dont les Slovènes, je crois, sont arrivés à
14 la dernière séance du Congrès de la Ligue des communistes, avec leur
15 valise à la main, tout prêts au départ.
16 Février 1990, d'autres manifestations au Kosovo -Kosovo toujours et
17 encore-, des manifestations réprimées par la police: 27 morts. Ce chiffre,
18 aujourd'hui, n'est pas secondaire, dirais-je, mais il a aujourd'hui acquis
19 une valeur assez relative, car bien sûr une société en désintégration peut
20 entraîner les gens à penser d'une façon différente et déformée.
21 Nous parlerons maintenant de la montée au pouvoir des partis communistes
22 ailleurs et d'autres événements.
23 Je ne sais pas si c'est peut-être le bon moment pour la pause.
24 M. le Président (interprétation): Oui, peut-être.
25 Nous suspendons l'audience et je demanderai à Mme la Greffière de venir me
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1 voir.
2 (Le Président s'entretient avec Mme Ameerali.)
3 Nous suspendons jusqu'à 11 heures 30.
4 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
5 M. le Président (interprétation): Maître Kay?
6 M. Kay (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je dois évoquer
7 devant vous quelques questions avant que M. Nice poursuive, simplement
8 pour que ceci soit consigné au dossier pour fournir quelques explications.
9 Il se peut que certains se soient inquiétés de ce qui s'est passé pendant
10 la pause, même si nous, nous ne sommes pas inquiets. L'accusé a fait
11 plusieurs commentaires informels qu'il a transmis, s'agissant du propos
12 liminaire, à Me Tapuskovic. Ce sont des commentaires tout à fait généraux,
13 que nous avons entendus et qui ont été traduits à notre intention, pas
14 sous forme d'instructions détaillées ou quoi que ce soit de ce genre. A
15 l'évidence, les amici curiae ont écouté ce qu'il a dit.
16 Nous soulevons cette question afin qu'il y ait une précision, un
17 éclaircissement. Si l'accusé souhaite communiquer avec les amici curiae
18 pendant l'audience ou à la pause, comment voyez-vous la situation?
19 M. le Président (interprétation): Le problème qui se pose est celui-ci:
20 pendant l'audience ou lorsque l'accusé sort du prétoire ou y entre, cela
21 perturbe s'il y a une conversation qui s'engage. Je pense qu'il est
22 préférable que ces conversations se déroulent hors du prétoire et pas au
23 moment où l'accusé y entre ou en sort. Si vous voulez vous entretenir avec
24 lui, si lui souhaite s'entretenir avec vous, vous devez demander la
25 permission et nous vous l'accorderons sans nul doute.
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1 M. Kay (interprétation): Merci de ces précisions.
2 M. Nice (interprétation): Nous allons maintenant parler des élections qui
3 ont eu lieu au cours du printemps de l'année 1990.
4 En Croatie, l'Union démocratique croate, qu'on connaît mieux sous le sigle
5 de HDZ, remporte la majorité des voix et des sièges d'ailleurs au Sabor,
6 le parlement croate. C'est ce parlement qui élit, en tant que son
7 Président, feu Franjo Tudjman.
8 Nous allons maintenant examiner quelques images et plus exactement un
9 plan. Il nous faut être équitable dans la présentation de la chronologie
10 de ces événements, comme d'ailleurs pour la présentation de tous les
11 moyens de preuve dans ce procès. Examinons ce plan.
12 Vous voyez la Croatie, qui entoure la Bosnie-Herzégovine; on voit les
13 régions qui intéressent les Serbes tout particulièrement. Mais, pour mon
14 propos actuel, je vais relever quelques éléments à des fins
15 d'identification.
16 A ce stade assez précoce, je crois qu'il est utile de remarquer que les
17 forces armées croates attaquaient déjà de temps à autre les Serbes. Il y a
18 en particulier des attaques menées contre des civils serbes en Slavonie
19 orientale, zone en rouge. Et effectivement, des crimes de guerre ont été
20 commis dans la zone de Kospic -je ne sais pas si on la voit de façon
21 précise, mais c'est plus à l'ouest-, qui fait maintenant l'objet d'un
22 procès qui a d'énormes retentissements en Croatie.
23 Je pense que nous pourrons peut-être laisser ce plan sur le
24 rétroprojecteur pour le moment et poursuivre.
25 Les Croates de Croatie évoluaient pour adopter une position ou un
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1 gouvernement plus nationaliste. Pendant ce temps, les attaques dirigées
2 contre les Albanais du Kosovo se poursuivaient. Les délégués de leurs
3 assemblées au Kosovo ont adopté une résolution officieuse qui déclarait le
4 Kosovo comme étant une entité légale et indépendante au sein de la
5 République.
6 On ne voit pas le Kosovo, mais nous savons tous où il se trouve. En temps
7 utile, nous vous montrerons d'autres cartes pour apporter plus de
8 précisions.
9 M. le Président (interprétation): Apparemment, il y a des difficultés.
10 Nous entendons le son d'une cabine, peut-être qu'on pourrait régler ce
11 problème.
12 M. Nice (interprétation): Dans l'intervalle, je suis conscient du fait que
13 maintenant, nous avons une nouvelle langue qui est utilisée dans nos
14 débats. Il aurait sans doute été souhaitable que je progresse à un débit
15 raisonnable. Je le fais de toute façon pour les interprètes qui nous
16 connaissent déjà et j'espère que je ne vais pas trop vite pour ces
17 nouveaux interprètes.
18 M. le Président (interprétation): Poursuivez.
19 M. Nice (interprétation): Cette résolution étant adoptée. Cette résolution
20 non officielle étant adoptée, il n'est sans doute pas surprenant que les
21 Serbes et l'Assemblée serbe plus exactement réagissent en décidant de
22 dissoudre l'Assemblée du Kosovo, une autre atteinte à l'intégrité du
23 Kosovo.
24 Le Parti communiste de l'accusé changeait, il devenait ce nouveau parti
25 dont il allait prendre la tête, le Parti socialiste serbe, qu'on connaît
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1 sous le sigle serbe de SPS, qui voit le jour le 16 juillet 1990, l'accusé
2 en étant le président. Et ce parti est et devient un des moyens principaux
3 dont il va se servir pour assurer le pouvoir.
4 Disons quelques mots de ce parti. Il demeure le parti le plus important de
5 Serbie jusqu'au moment de l'automne de l'année 2000. Il avait pour
6 président l'accusé pendant toute cette période qui va de mai 1991, disons,
7 ou octobre 1992, au moment où Borosav Jovic, Borisav plus exactement, dont
8 nous avons déjà parlé, est devenu Président.
9 Ce parti contrôlait des institutions au niveau de la République de la
10 Serbie, mais aussi au niveau de la Yougoslavie fédérale. L'accusé exerçait
11 un pouvoir de facto par le biais de ce parti, indépendamment des fonctions
12 qu'il occupait, que ce soit en tant que Président de la Serbie, à partir
13 de 1990 jusqu'en 1997, ou en tant que Président de la République fédérale
14 de Yougoslavie, à partir de 1997 jusqu'en 2000. C'est par ce parti qu'il
15 pouvait assurer le contrôle de la présidence, présidence de la première
16 République socialiste, plus tard de la République fédérale et aussi des
17 assemblées serbes.
18 Je vous ai dit également qu'il contrôlait la présidence de cette
19 présidence tronquée, ce qui lui donnait le contrôle effectif de l'armée;
20 et les majorités parlementaires qu'avait le SPS lui donnaient le contrôle
21 des parlements, aussi bien en Serbie qu'en Yougoslavie. Il avait
22 énormément de pouvoir. Les postes-clés au gouvernement étaient occupés par
23 des membres du parti.
24 Je ne vais pas énumérer tous ces noms de personnes qui ont été désignées à
25 des fonctions par le parti, et donc par l'accusé; je vous en donne
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1 pourtant certains. Il y a Jovic, Kostic, de cette présidence tronquée
2 -nous en avons parlé-, Nikola Sainovic, qui a été Premier ministre adjoint
3 de la République fédérale, nous en parlerons plus tard, Vlajko
4 Stojiljkovic, qui était le ministre serbe de l'Intérieur; nous en
5 reparlons de lui aussi. Et puis nous avons Milan Milutinovic, qui était
6 Président de la Serbie à partir de 1997; de lui aussi, nous reparlerons,
7 ainsi que Mihakh Kertes, qui était le ministre adjoint fédéral de
8 l'Intérieur, ministre serbe sans portefeuille et directeur de l'agence des
9 douanes fédérales; ce qui est important parce qu'il va assurer un contrôle
10 des événements, ce qui était subordonné au contrôle des fonds.
11 Il n'est peut-être pas aisé de vraiment appréhender la nature réelle du
12 parti politique dans la Serbie de l'accusé. On pourrait peut-être le
13 décrire comme étant le seul employeur, en tout cas pour certains employés,
14 puisque c'était l'accusé qui désignait les hauts dignitaires et que
15 c'était le Parti qui contrôlait les salaires. De cette façon, l'accusé a
16 exercé un pouvoir énorme: contrôle sur les médias, notamment, en
17 particulier sur la RTS, Radio Television Srbja, ainsi que sur Politika,
18 une maison d'édition, puisque les directeurs de ces entreprises étaient
19 quasi exclusivement des membres du Parti. C'étaient des personnes loyales,
20 fidèles à l'accusé; c'étaient des partisans de l'accusé qui occupaient
21 tous ces postes supérieurs. Il avait également le contrôle effectif de la
22 Banque nationale de Serbie, de la Banque nationale de Yougoslavie, ainsi
23 que l'administration fédérale des douanes où il y a là cette association
24 avec Kertes. Il contrôlait ainsi tout le secteur bancaire. S'agissant de
25 toutes les sociétés nationalisées serbes, tous leurs directeurs -des
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1 hommes qui avaient un pouvoir énorme, contrôlaient les emplois, les
2 revenus, les foyers de la plupart des Serbes- étaient nommés par lui et
3 ils dépendaient pour leur vie eux-mêmes du Parti.
4 En 1995, l'épouse de l'accusé, Mira Markovic, crée un parti qui va
5 s'appeler la "Gauche Unifiée Yougoslave", JUL; petit parti, mais un parti
6 où vont se retrouver les socialistes engagés, les anciens communistes pour
7 qui les tendances nationalistes du SPS étaient inacceptables. Même si ce
8 parti, le JUL était petit, c'était un parti qui allait s'associer avec le
9 parti de l'accusé. Et on avait ainsi deux partis dans une seule et même
10 famille. Entre 1995 et l'an 2000, ces deux partis se sont associés pour
11 former des gouvernements de coalition, aussi bien au niveau de la
12 République que de la Fédération, et ont été responsables de toutes les
13 décisions importantes prises à cet égard, que ce soit au niveau de la
14 sécurité de l'Etat, de la sûreté de l'Etat, ou au niveau de la politique
15 internationale. Voilà pour ce qui en était du contrôle politique.
16 Je reviens à la chronologie des événements. En septembre 1990, plus
17 exactement le 7 septembre 1990, bon nombre de délégués albanais du Kosovo,
18 de leur Assemblée telle qu'elle avait été proclamée, ont proclamé la
19 constitution d'une République du Kosovo.
20 Le 28 septembre, la République de Serbie promulgue une nouvelle
21 Constitution qui a une portée très importante. L'article 135 annule toute
22 obligation que doit la Serbie au reste du pays et, en vertu de son article
23 72, cette Constitution usurpe deux fonctions fédérales essentielles, à
24 savoir la Défense nationale et les Affaires étrangères. On pourrait penser
25 que c'était un document à vocation sécessionniste. Dans l'intervalle, en
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1 1990, en novembre 1990, se déroulent des élections pluripartites en
2 Bosnie-Herzégovine.
3 Au niveau de la République, en Bosnie-Herzégovine, voici comment se
4 partagent les voix. Le SDA, parti des Musulmans de Bosnie, arrive en tête
5 avec 86 sièges. Quant au SDS, le parti des Serbes de Bosnie, il est en
6 seconde position; il obtient 72 sièges. Le HDZ, parti croate, 44 sièges.
7 Nous avons donc ici trois partis à tendance nationale ou nationaliste,
8 qui, pour un temps, constituent une coalition et se répartissent le
9 pouvoir, en Bosnie-Herzégovine.
10 Intéressons-nous au SDS, parti des Serbes de Bosnie. Son chef s'appelle
11 Radovan Karadzic, parmi les dirigeants il y a Momcilo Krajisnik et Biljana
12 Plavsic, coauteurs, en attente d'un procès ici dans ce Tribunal. Le
13 programme de ce parti, c'est l'unification de tous les Serbes dans un seul
14 Etat. Le SDS voit, dans la séparation de la Bosnie-Herzégovine de la RSFY
15 comme elle était encore à l'époque, une menace pour les intérêts des
16 Serbes.
17 Nous progressons dans le temps, pour un instant, et nous arrivons en 1993.
18 Biljana Plavsic accorde une interview dans laquelle elle dit ceci -je la
19 cite-: "Pour ne pas avoir de peur quant à ce qui va se passer, je
20 préférerais que nous nettoyions la Bosnie orientale des Musulmans. Ce sont
21 eux qui ont tué la notion d'épuration ethnique pour décrire un phénomène
22 parfaitement naturel qu'ils ont qualifié de "crime de guerre"."
23 Elle poursuit en disant ceci -je la cite-: "Les Musulmans viennent des
24 Serbes, mais il s'agit là de matériel génétique serbe détérioré, qui s'est
25 converti à l'Islam, et puis naturellement, de génération en génération, ce
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1 gène s'est condensé et il n'a fait que se détériorer".
2 Examinons, en dernier lieu, le SDS et ce que pense un de ses dirigeants.
3 En Serbie, le 9 décembre 1990, l'accusé est réélu Président de Serbie.
4 Mais cette fois-ci ce n'est pas par le biais d'un mécanisme intérieur mais
5 par une décision populaire qui lui donne une autorité encore plus grande
6 que celle accordée à ses collègues dont l'élection ne s'est pas faite de
7 façon directe.
8 Nous examinons toujours cette carte, et vous voyez quelques régions de
9 différentes couleurs. Le 21 décembre 1990, les Serbes de Croatie à Knin
10 annoncent la création d'un district autonome serbe, déclarent leur
11 indépendance par rapport à la Croatie.
12 Revenons au Kosovo. Il y a partout des démarches entreprises en vue de
13 l'indépendance qui ne cessent de s'accélérer. Au Kosovo, la répression se
14 poursuit. Pendant toute la fin de 1990, en 1991, des médecins, des
15 enseignants, des professeurs, des ouvriers, des agents de la fonction
16 publique, de la police sont démis de leurs fonctions parce qu'ils sont
17 tout simplement des Albanais du Kosovo. Les tribunaux locaux sont abolis,
18 beaucoup de juges, eux aussi, démis de leurs fonctions, et il y a
19 recrudescence de la violence policière dirigée contre les Albanais du
20 Kosovo.
21 Arrêtons un instant. Posons-nous cette question, question qui va gagner
22 curieusement en importance, nous le verrons plus tard: qui habite au
23 Kosovo, combien de gens habitent au Kosovo? Nous n'avons que des
24 estimations démographiques s'agissant de la population du Kosovo en 1991
25 puisque les Albanais du Kosovo avaient boycotté le recensement effectué
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1 cette année-là.
2 On estime généralement que pour ce qui est de la période couverte par
3 l'Acte d'accusation, il y avait entre 1.800.000 et 2.100.000 habitants.
4 Dont quelque 85 ou 90% étaient des Albanais du Kosovo, alors que 5 ou 10%
5 étaient des Serbes. Il y avait aussi des représentants en bien moindre
6 nombre d'autres groupes.
7 Quelle est l'importance de ces chiffres? En tant que tel, à la lumière de
8 ce qu'il allait advenir de ces personnes, c'est tout à fait important. Et
9 encore plus, lorsqu'on voit plus tard, bien plus tard, comment cet accusé
10 allait tenter de déformer la réalité et ne pas montrer qu'il y avait en
11 fait une très grosse majorité qui se dégageait en faveur des Albanais du
12 Kosovo.
13 Le 22 janvier 1991, l'accusé ainsi que le Président Momir Bulatovic du
14 Monténégro voisin, font un communiqué de presse conjoint dans lequel ils
15 affirment au monde que les frontières existantes yougoslaves -je les
16 cite-: "n'ont jamais été les frontières au sein desquelles ont vécu les
17 nations yougoslaves individuelles." Ils font une distinction bien précise.
18 Et le 5 février 1991, la Serbie créée 20 ministères de son Gouvernement
19 comme l'a proposé l'accusé, dont un ministère qui a une mission
20 particulière qui est d'établir des liens avec les Serbes ne vivant pas en
21 Serbie. Ce ministère va aider le SDS, le parti des Serbes en Bosnie, à
22 établir cette République serbe dont nous allons parler plus tard.
23 Le 23 février 1991 -je ne sais pas si c'est précisément ce jour-là que
24 cela s'est passé- en tout cas, au cours du mois de février en 1991
25 l'accusé a rendu visite au bureau principal de ce parti. Il est accueilli
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1 par Karadzic, Krajisnik et Plavsic. En présence de ces trois personnes,
2 Karadzic dit ceci aux journalistes présents: "Nous ne pensons pas qu'il
3 faille en discuter, les Serbes vivant uniquement dans un Etat conjoint,
4 c'est aussi naturel que la pluie qui tombe. C'est tout aussi naturel pour
5 des Serbes de vivre dans un seul et même Etat". C'est là, l'expression du
6 but de ce parti est tout à fait dénuée d'ambiguïté.
7 Mais tout ne s'est pas passé sans anicroche pour l'accusé. En effet, au
8 mois de mars 1991, se déroulent des manifestations contre lui et surtout
9 pour la façon dont il contrôle les médias. Ceci va constituer bientôt le
10 défi le plus important à son régime. Manifestations qui ont fait l'objet
11 de répressions violentes et brutales, aussi bien de la part de l'armée que
12 de la police. Je ne vais pas vous montrer d'images de ces manifestations,
13 mais plus tard nous verrons dans quelle mesure cet accusé était prêt à
14 recourir à la force contre les siens, contre ceux qui s'opposaient à lui.
15 Mais du fait de ces manifestations, Milosevic, l'accusé, se trouvait en
16 mauvaise posture. C'est intéressant de voir que Karadzic, le dirigeant des
17 Serbes de Bosnie, vient à sa rescousse et en menaçant de recourir à la
18 violence en disant ceci: "Si les manifestations sont une arme, il faut
19 dire que nous avons tellement de pression de la part des Serbes en Bosnie-
20 Herzégovine, qu'un million d'entre eux sont prêts à aller manifester à
21 Belgrade".
22 L'accusé, menacé chez lui, pouvait demander l'aide des Serbes à
23 l'étranger. C'est là une relation symbiotique, les Serbes à l'étranger
24 devaient eux aussi chercher l'assistance, l'aide et l'obtenir de la part
25 de l'accusé. En tout cas, tant qu'il pouvait la fournir.
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1 Ce qui veut dire que la Yougoslavie est arrivée au plus profond de la
2 crise dans ces événements, ce qui a abouti à ses fameuses paroles de
3 l'accusé lorsqu'il a déclaré que la Yougoslavie était finie.
4 Cette impasse au niveau de la présidence débouche sur ceci: les
5 représentants même de la présidence, à savoir ceux de la Serbie, de la
6 Voïvodine, du Kosovo, du Monténégro qui se trouvaient peut-être sous le
7 contrôle de l'accusé, démissionnent pour reprendre leurs fonctions plus
8 tard. Pourquoi démissionnent-ils? Je pense que les moyens que nous allons
9 présenter vous convaincront du fait que tout ceci, leur démission en
10 particulier, faisait partie d'une tentative assez compliquée de coup
11 d'Etat qui devait permettre au général Kadijevic de prendre le contrôle de
12 l'armée; et l'accusé devait jouer son rôle dans ce cadre ce qu'il a fait,
13 en disant ce qu'il a dit et notamment lors d'une réunion secrète où il a
14 dit à des fonctionnaires locaux qu'en fait, de fait la Serbie était en
15 guerre, en disant: "Nous ne savons pas trop bien comment faire marcher
16 l'économie, mais nous savons sans nul doute comment bien combattre"; en
17 disant que "c'est toujours les puissants et jamais les faibles qui dictent
18 les frontières"; en annonçant notamment à la télévision "qu'il organisait
19 les réservistes de police afin de prévenir toute "rébellion" au Kosovo et
20 ailleurs."
21 Il a déclaré ceci: "La Serbie ne sera plus tenue ou liée par les décisions
22 de la présidence fédérale.", même s'il allait bientôt être le Président de
23 la présidence tronquée. Ces positions adoptées par l'accusé ont été
24 souvent citées en disant notamment que ces frontières des Etats
25 yougoslaves étaient sans importance, n'étaient qu'administratives et
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1 devraient être modifiées avant qu'une quelconque république n'obtienne son
2 indépendance.
3 Pour l'accusé, les frontières n'étaient des frontières que si elles
4 étaient pour des gens, et seuls les gens pouvaient devenir indépendants,
5 mais ne pouvaient pas emporter dans cette indépendance leur territoire,
6 leurs terres. Poursuivre cette logique, cela veut dire que des personnes
7 allaient être expulsées pour permettre à d'autres d'avoir les frontières
8 qu'ils voulaient.
9 Mais revenons au coup d'Etat, pour autant que c'en fût un.
10 Si l'armée était censée prendre le pouvoir et si elle a peut-être perdu
11 son sang-froid et a échoué, Jovic et les autres sont revenus à la
12 présidence. L'accusé, quant à lui, bien sûr, a poursuivi le contrôle qu'il
13 avait des membres de la présidence. Certains ont été changés pour mieux
14 répondre à son propre dessein. Je ne vais pas vous importuner par le nom
15 des personnes qui ont assuré ces remplacements, mais ce remplacement n'a
16 pas été organisé par l'Assemblée du Kosovo, si l'on parle du Kosovo, mais
17 bien par l'Assemblée de Serbie.
18 Kostic a représenté le Monténégro yougoslave, Kostic a représenté la
19 Voïvodine. Et c'est Borisav Jovic qui est resté représentant de la
20 République de la Serbie. Ce qui veut dire que l'accusé contrôlait ou avait
21 le contrôle de quatre des huit votes de la présidence, et ainsi pouvait,
22 comme il le voulait, paralyser le gouvernement yougoslave.
23 Nous disons que, sur ces quatre hommes, c'était Jovic et Kostic qui
24 étaient ses agents principaux, par le truchement desquels il a pu assurer
25 et diriger les actions du bloc serbe. Nous avons des mémoires de l'un
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1 d'entre eux que nous présenterons dans le cadre des moyens de preuve.
2 Le 29 mars 1991 -c'est bien connu-, l'accusé a rencontré Franjo Tudjman.
3 Ceci se passe à Karadjordjevo. Ils vont discuter de la façon dont la
4 Serbie et la Croatie vont se répartir la Bosnie-Herzégovine. L'accusé
5 promet à la Croatie le territoire de ce qu'on a appelé la Banovina de 1939
6 –j'en reparlerai brièvement lorsque nous présenterons l'Acte d'accusation
7 concernant la Croatie. Il ne restait, en vertu de cet accord, pratiquement
8 rien pour les Musulmans. Finalement, ces deux pays se taillaient…, c'était
9 un dépeçage de ce territoire.
10 En mars 1991, le conflit gagne en intensité. Les forces de police serbe
11 essaient de mieux asseoir leur pouvoir sur les zones où il y a une
12 population serbe importante. La police serbe, avec à sa tête Milan Martic,
13 coauteur mis en inculpation en Acte d'accusation, prend le contrôle d'un
14 poste de police à Pakrac, en Slavonie occidentale.
15 Examinons rapidement la carte pour voir où ceci se trouve. Merci.
16 Vous voyez ici, sur la carte, la Slavonie occidentale et vous voyez
17 Plitvice en Krajina, plus vers l'Ouest, bien connue pour ses lacs. Là, des
18 Serbes attaquent un bus dans lequel se trouvent des policiers croates.
19 Nouveaux combats qui éclatent. La JNA déploie des troupes dans la région
20 et délivre un ultimatum à la police croate pour qu'elle se retire de
21 Plitvice. Et ceci va se reproduire ailleurs. La conséquence tout du moins,
22 c'est que les assaillants serbes restent dans la région avec le butin
23 qu'ils ont acquis grâce à l'intervention de l'armée.
24 En mars 1991, un autre organe a déjà été créé; il s'agit de l'état-major
25 suprême de commandement. Et peu à peu, cet organe a pris le commandement
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1 de l'armée. Ici, nous voyons une photographie qui nous montre Hadzic, chef
2 d'état-major de la JNA. Il est à gauche, et Kadijevic se trouve à droite.
3 Cette photographie s'intitule, avec la date qui est un petit peu difficile
4 à distinguer du 12 mars 1991, c'est "Réunion du commandement suprême".
5 Or, le commandement suprême, c'est quelque chose qui n'aurait dû exister
6 qu'en temps de guerre, mais ça été mis en place à ce moment-là. Et plus
7 tard, Kadijevic a dit à Stipe Mesic, dont on connaît bien le rôle actuel,
8 il lui a dit que l'accusé avait voulu qu'il crée cet état-major de
9 commandement suprême et que Kadijevic avait coopéré parce que le reste des
10 dirigeants serbes. Comme il l'a dit, reprenant donc une utilisation assez
11 négative du terme chetnik, il a donc dit -je cite- que "les autres
12 dirigeants serbes étaient encore des plus grands chetniks que lui".
13 Cette idée selon laquelle les autres étaient encore pires, est-ce que cela
14 signifie que d'autres, peut-être que d'autres diplomates internationaux
15 l'ont partagée? Et s'ils ont effectivement pensé cela, est-ce qu'ils ont
16 eu tort au bout du compte?
17 Le 15 mai, des délégués serbes font obstacle à l'élection de Stipe Mesic à
18 la présidence, si bien que la Yougoslavie se trouve sans chef d'Etat.
19 A la même période, un petit peu plus tard, le 29 mai, l'accusé fait venir
20 Karadzic, dont le parti peut être considéré comme une ramification du SDS
21 croate. Donc il le fait participer au plan.
22 Nous allons maintenant pouvoir visionner ou plutôt écouter une
23 conversation interceptée entre l'accusé et Karadzic. Il s'agit d'une
24 conversation relative à l'approvisionnement en armes pour une partie de la
25 Bosnie. Avant d'écouter cette conversation, je vais vous dire de quoi il
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1 va s'agir.
2 L'accusé dit à Karadzic qu'il faut qu'il appelle Uzelac, le commandant du
3 Corps de Banja Luka, chargé des unités se trouvant en Slavonie
4 occidentale; il faut qu'il organise avec lui une rencontre au plus haut
5 niveau.
6 Au sujet de l'armement de la population locale serbe, l'accusé dit la
7 chose suivante: "Tous les hommes doivent bloquer les centres du HDZ. On
8 leur donnera les armes dont ils auront besoin, on les transportera, on
9 transportera tout cela par hélicoptère." Lorsque Karadzic demande s'il
10 peut obtenir des armes pour la Défense territoriale, l'accusé répond: "Ça,
11 c'est pas un problème."
12 Je vais demander à ce que l'on nous passe l'enregistrement.
13 (Diffusion de la cassette.)
14 "- Nous sommes prêts. Il y a des gens qui sont à Markonic et à Sipovo qui
15 sont prêts.
16 - Est-ce que Uzelac est au courant?
17 -Eh bien, on ne peut pas discuter de tous ces détails. Donc ces 150 hommes
18 vont aller à Kupres et on a déjà plusieurs hommes à cet endroit.
19 - Donc il est important pour nous que le Bataillon soit à Kupres et que
20 tout se passe bien."
21 (Fin de la diffusion vidéo.)
22 Je ne suis pas sûr, Monsieur le Président, que l'on ait bien entendu ce
23 que je vous avais dit que nous entendrions. Mais il s'agit d'un exemple de
24 conversation interceptée, qui reflète ce que je voulais dire et qui montre
25 que l'accusé a fourni des armes à Karadzic.
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1 Passons maintenant à autre chose.
2 Pendant que tout ceci se produit, le monde n'est pas complètement assoupi
3 -si je puis dire- même si on peut le critiquer pour une prise de
4 conscience un petit peu molle.
5 Le 20 mai 1991, le Congrès américain annonce la mise en place de
6 l'amendement Nickles, qui interdit toute assistance économique à la
7 Yougoslavie, en raison des actes de répression qui ont lieu au Kosovo.
8 L'accusé apprend donc à ce moment-là que jouer la corde nationaliste, cela
9 a son prix. Mais ce n'est que le début du coût qui va s'additionner peu à
10 peu, le coût de cette politique qui se mesure non seulement en argent,
11 mais aussi en vies humaines, en vies perdues, en vies détruites.
12 Le 1er août 1991 nous amène au début de la période couverte par l'Acte
13 d'accusation relatif à la Croatie, le premier qui ait été établi. Faisons
14 le point.
15 Beaucoup de choses ont été écrites au sujet de cet homme, mais ce procès
16 commence avec une page blanche et nous n'allons inscrire sur cette page
17 blanche que ce qui pourra être soutenu par des éléments de preuve.
18 L'accusation doit peut-être vous dire, d'ores et déjà, ce que vont nous
19 montrer ces éléments de preuve. Et ceci va dans le sens de ce qui a été
20 dit par Mme la Procureure, ce matin. Nous avons ici un homme qui est
21 intelligent, ambitieux -on nous le montrera-; ce n'est pas un raciste,
22 quelqu'un qui soit souhaite vivre uniquement avec les Serbes; il ne s'agit
23 pas d'un idéaliste.
24 C'est plutôt quelqu'un qui s'intéresse beaucoup plus, pratiquement
25 uniquement, à garder le pouvoir entre ses mains. C'est un homme qui fait
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1 contraste avec celui que nous avons vu ici, dans ce prétoire, au début de
2 cette procédure et qui parle du fait qu'il veut défendre son peuple devant
3 le Tribunal et qui se plaint d'être une victime. Comparons-le avec
4 quelqu'un qui fait attendre un million de personnes pour leur parler
5 pendant quelques minutes seulement. Un homme donc très complexe et qui ne
6 laisserait derrière lui aucune trace, s'il pouvait le faire, aucune trace
7 du contrôle qu'il a exercé. Un homme qui, pour ce faire, essayait d'éviter
8 toutes les réunions avec beaucoup de participants, où certaines personnes
9 un peu hésitantes auraient pu trouver auprès d'autres le courage de
10 s'opposer à lui. Un homme qui préfère exercer son contrôle de manière
11 personnelle, lors de réunions plus restreintes, où ceux qui se trouvaient
12 en face de lui ne pouvaient pas être sûrs de la loyauté ou de la non-
13 loyauté d'autres intervenants. Un homme qui était prêt à utiliser
14 différents objectifs pour faire bouger la population: soit le slogan de
15 "Tous les Serbes pour un seul Etat"; il jouait sur l'anticapitalisme, la
16 préservation de l'intégrité de l'ex-Yougoslavie, etc., suivant les cas. Un
17 homme dont on peut penser qu'il comptait sur la mémoire quelque peu courte
18 des observateurs et qui, plus tard, a joué au faiseur de paix. Un homme
19 peut-être qui considère tout simplement comme des imbéciles ceux qui ne
20 comprennent pas à quel point il est facile de dire une chose et d'en faire
21 une autre.
22 S'agissant de l'affaire dans son ensemble, la cause défendue par
23 l'accusation, c'est que l'opération, dans son ensemble, fait le lien entre
24 les trois Actes d'accusation et nous montre que, dès le début et jusqu'à
25 la fin, l'accusé a souhaité voir l'expulsion forcée des non-Serbes de
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1 certaines zones de l'ex-Yougoslavie afin d'obtenir la mise en place d'un
2 Etat centralisé qu'il pouvait contrôler. Ceci en prenant du territoire à
3 la Croatie ou à la Bosnie, ou en gardant au Kosovo les territoires qui
4 correspondaient à son objectif et à son plan.
5 Dans un vocabulaire qui a été créé par les faits qui se sont déroulés et
6 qui sont à la base de cette affaire, il a procédé au "nettoyage ethnique".
7 Et je vais me permettre ici un aparté, qui sera le seul dans mon propos
8 liminaire. Est-ce que le nettoyage ethnique devrait être abandonné et
9 remplacé par des mots qui permettent de mieux décrire l'horreur de ce que
10 représentent ces deux mots? Mais avec le risque que l'euphémisme créé par
11 ce terme de "nettoyage" permette à un criminel de penser qu'il est libre
12 de se livrer à ces actes, s'ils ne sont pas décrits comme ils méritent de
13 l'être. Je pense donc, en ce qui me concerne, qu'il convient de continuer
14 à utiliser cette expression qui a été créée par les faits que nous
15 évoquons aujourd'hui.
16 Maintenant, si on examine l'accusé, on peut voir que, dès le début, il a
17 essayé d'obtenir tout ce qu'il pouvait, tout ce qu'on pouvait le laisser
18 obtenir, autant qu'il pouvait conserver, à condition que le prix ne soit
19 pas trop élevé aussi bien en termes de territoires que de pouvoir
20 personnel. En homme flexible, qui ne perdait pas de temps à rêver, c'est
21 peut-être ce qui l'a distingué des autres. Lui, il poursuivait un objectif
22 personnel; les autres peut-être un objectif fait d'idéaux.
23 Au début, il a pensé qu'il pourrait tout avoir, qu'il pourrait avoir une
24 nouvelle Yougoslavie et qu'il serait lui-même un deuxième Tito mais,
25 lorsque cela n'a pas été possible, il a voulu un Etat central serbe qui
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1 devait résulter du dépeçage de la Croatie et de la Bosnie tout en gardant
2 le Kosovo d'une poigne de fer. Ceci, avec l'expulsion forcée des non-
3 Serbes lorsqu'ils présentaient un danger, ou simplement pour satisfaire la
4 haine de ceux qui réalisaient son bon vouloir.
5 Quand on examine les trois Actes d'accusation qui sont à la base du procès
6 en l'espèce, on pourrait examiner… la Chambre pourra se convaincre du fait
7 que, en Croatie et en Bosnie, il a été impliqué dans une guerre qu'il
8 pouvait se permettre de gagner, mais qu'il n'a pas gagné. Alors que le
9 Kosovo, c'était quelque chose qu'il ne pouvait se permettre de perdre,
10 mais qu'il a perdu.
11 L'accusé a poursuivi son objectif de contrôle de domination de certains
12 territoires par les Serbes avec divers coauteurs qui faisaient tous partie
13 d'un même plan commun. Un plan qui a été mis au point par diverses… qui a
14 été réalisé par diverses méthodes dont, notamment, la perpétration de
15 crimes qui relèvent du Statut du présent Tribunal. Cette affaire nous
16 donne un exemple très clair de la manière dont la machine étatique peut
17 être utilisée à des fins criminelles. Les éléments de preuve vont nous
18 montrer que l'accusé a joué un rôle central dans diverses entreprises
19 criminelles communes qui impliquaient toute la perpétration de crimes
20 relevant du Statut du Tribunal.
21 S'agissant des activités de l'accusé à différents endroits, l'accusé s'est
22 employé à la structure de la République fédérale et de la Serbie afin de
23 réaliser le dessein dont il avait convenu avec d'autres. L'intention
24 criminelle commune, y compris la perpétration des crimes les plus graves
25 contre la population serbe, afin d'obtenir le contrôle d'un territoire par
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1 les Serbes en est un exemple. La manière systématique et organisée dont
2 les attaques contre la population non serbe ont été réalisées, nous montre
3 qu'il s'agissait là d'un dessein bien préparé à l'avance et d'un plan
4 global. Il a usé de son contrôle, de son influence sur certains membres de
5 l'armée: d'abord la JNA, ensuite la VJ, le MUP dont j'ai déjà parlé. Il a
6 usé de son pouvoir sur des hommes politiques, sur la direction politique
7 et militaire de la Republika Srpska et il a utilisé tous les moyens à sa
8 disposition pour assurer l'exécution de son plan global. Il a joué un rôle
9 fondamental dans la planification, l'organisation, le financement, l'appui
10 à accorder et la mise en place du plan. Il a donc eu un rôle essentiel
11 dans l'exercice de ces entreprises communes. Donc sans lui, cette
12 entreprise criminelle était inconcevable ou presque.
13 L'Acte d'accusation pour la Croatie, je dois vous le résumer dans la
14 mesure où il a trait à l'Acte d'accusation du Kosovo. Mais bien entendu,
15 je dois fournir suffisamment de détails pour que l'accusé comprenne
16 quelles charges lui sont reprochées puisqu'il n'a pas forcément lu l'Acte
17 d'accusation.
18 La Croatie, en quelques mots: la Croatie, ayant été un Etat médiéval sur
19 la ligne de front face à l'Empire ottoman, est devenue une partie de la
20 Yougoslavie en 1918, a négocié son autonomie en 1993 avec un territoire
21 que l'on a appelé "la Banovina" au nord-ouest de la Bosnie. Pendant la
22 Deuxième Guerre mondiale, la Croatie a été divisée entre les partisans de
23 Tito et les Oustachi fascistes. Après la guerre, c'est devenu une
24 République de la nouvelle Yougoslavie socialiste. L'Acte d'accusation
25 étant public, il ne convient pas que je parle en détail de toutes les
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1 allégations qui y figurent. Simplement pour dire que, dans l'Acte
2 d'accusation, on trouve des crimes contre l'humanité tels que la
3 persécution, l'assassinat, l'expulsion. Des actes qui doivent avoir été
4 commis dans le cadre d'une attaque systématique et généralisée contre une
5 population civile, tout ceci relevant de l'Article 5 du Statut du
6 Tribunal.
7 L'Acte d'accusation comprend des infractions graves aux Conventions de
8 Genève de 1949, actes d'assassinat, de torture, etc. Et, pour tomber sous
9 le coup de cet Article, les actes incriminés doivent avoir été commis à
10 l'encontre de victimes protégées par les Conventions, lesdites
11 Conventions, il faut qu'il y ait eu un conflit armé international. Dans
12 cet Acte d'accusation, on retrouve des allégations qui tombent sous le
13 coup de l'Article 3 du Statut: violation des lois aux coutumes de la
14 guerre, meurtres, destruction sans motif, etc.
15 Cette accusation ne traitant pas de questions historiques, on n'y parle
16 pas des mérites de la révolte des Serbes de Croatie, de la sécession de la
17 Croatie par rapport à la Yougoslavie. Il s'agit uniquement d'examiner les
18 crimes commis par l'accusé et à sa responsabilité individuelle qui en
19 découle.
20 Une responsabilité qui est la sienne, du fait d'un certain nombre d'actes
21 et du fait du soutien qu'il a apporté à un certain nombre de personnes.
22 Au printemps 1990, la Croatie a quitté le pays communiste dont elle
23 faisait partie, s'est dotée d'un nouveau Gouvernement sous Franjo Tudjman.
24 Je vous remonte une fois encore la carte. Dans certaines zones rurales,
25 des Serbes ont lancé une rébellion en août 1990; il s'agit d'une région
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1 que l'on appelle "la Krajina" qui est indiquée ici en vert. Je voudrais
2 signaler à ceux qui ne le sauraient pas qu'il y a une autre Krajina dans
3 la région Est en Bosnie.
4 Nous, ce qui nous intéresse ici, c'est la Krajina de Croatie. Dans cette
5 Krajina, on trouvait la moitié des Serbes vivants en Croatie, les autres
6 vivants pacifiquement -d'ailleurs pendant toute la guerre- dans d'autres
7 régions de Croatie.
8 La rébellion de ces Serbes aurait dû entraîner la sécession d'environ un
9 tiers du territoire croate et ça a été le cas d'ailleurs pendant une année
10 entière, en dépit du fait que la Yougoslavie fédérale continuait à
11 exister, mais les autorités n'ont absolument rien fait pour améliorer la
12 situation. Bien au contraire. D'ailleurs, bien qu'il n'y ait pas eu de
13 charge officiellement portée, il y a eu des cas de nettoyages ethniques
14 contre les Croates qui quittaient cette région. Mais le 25 juin 1991, la
15 Croatie a déclaré son indépendance et les Serbes de la Krajina ont déclaré
16 officiellement qu'ils se séparaient de la Croatie et qu'ils étaient
17 annexés à la Serbie.
18 Ils ont également déclaré qu'ils s'unissaient à la Krajina de Bosnie que
19 j'ai évoquée précédemment. Les Serbes de la Krajina étaient dirigés par
20 deux ex-communistes qui étaient devenus des nationalistes dirigeant du
21 Parti démocratique serbe, le SDS. On avait d'abord leur président, Milan
22 Babic, et en deuxième lieu, le chef de la police, Milan Martic. Ce sont
23 tous deux des co-auteurs dans le cadre de l'Acte d'accusation, sous la
24 direction et avec la participation directe du MUP serbe, en particulier
25 avec l'intervention de Jovica Stanisic que l'on voit ici, et de Frenki
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1 Simatovic, une unité de la Défense territoriale locale et la police de
2 Martic ont été mis en place.
3 A l'époque, Janosic était chef d'Etat ou chef de la sécurité d'Etat de la
4 Republika Srpska, depuis mars 1911.
5 Pendant la même période, en Slavonie orientale, qui est indiquée ici en
6 bleu, les Serbes ont également déclaré qu'ils se séparaient de la Croatie
7 et ils ont dit qu'ils faisaient maintenant partie de la fédération de
8 Yougoslavie.
9 Leur dirigeant Goran Hadzic a, sous la direction du MUP serbe, avec à sa
10 tête Radovan Stojicic et Zeljko Raznjatovic, ils ont donc établi une
11 Défense territoriale et des unités de police. Zeljko Raznjatovic, c'est le
12 vrai nom de quelqu'un qui est beaucoup plus connu sous un autre nom celui
13 de "Arkan" aujourd'hui décédé. Mais n'oublions pas la Slavonie
14 occidentale.
15 Excusez-moi, tout à l'heure je vous ai dit qu'il fallait regarder ce qui
16 était coloré en bleu. En fait, c'était rouge.
17 Maintenant, ce qui est indiqué en bleu donc la Slavonie occidentale où
18 l'armée yougoslave et les unités paramilitaires dirigées par un certain
19 Vojislav Seselj, président d'un parti radical, qui affirmait ouvertement
20 ses vues, donc tous ces gens étaient actifs dans cette région.
21 La vision défendue par Vojislav Seselj s'inscrivait dans le cadre de ce
22 qu'il appelait "la Grande Serbie". La Grande Serbie, c'est une phrase
23 qu'inévitablement nous allons entendre prononcer dans ce prétoire. Nous
24 n'allons pas, quant à nous, encourager une utilisation excessive de cette
25 formule car ceci pourrait limiter la réflexion.
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1 Nous ne l'associons pas directement ou particulièrement avec les activités
2 de l'accusé dont nous avons déjà décrit les objectifs et la méthode. Il
3 est possible qu'il se soit appuyé sur des gens qui, eux, avaient des
4 visions extrêmement nationalistes en utilisant des formules de ce genre.
5 Cela ne saurait nous surprendre, j'ai déjà expliqué pourquoi précédemment.
6 Ensuite, la guerre a suivi, la guerre a suivi avec les crimes.
7 L'accusé, afin de jouer son rôle dans ce qui allait se dérouler en
8 Croatie, entre les Serbes de Croatie, dans les zones que j'ai indiquées et
9 d'autres, donc l'accusé avait à sa disposition l'armée, les unités de la
10 Défense territoriale de la Krajina et de la Slavonie, la police de Martic.
11 Il disposait également de la Défense territoriale de Serbie qu'il
12 commandait et du Monténégro. Il avait à sa disposition le ministère de
13 l'Intérieur serbe qu'il contrôlait de droit, ainsi que -nous allons le
14 voir- toute une série d'unités paramilitaires rattachées diversement aux
15 unités dont je vous ai donné le nom précédemment. Toutes ces unités se
16 sont livrées à une campagne généralisée et criminelle menant à
17 extermination et au meurtre de centaines de Croates et d'autres non-Serbes
18 dans divers lieux indiqués dans l'Acte d'accusation, y compris à Vukovar
19 et Dubrovnik.
20 Ensuite, a commencé une longue période d'emprisonnement de Croates et de
21 non-Serbes dans un certain nombre de lieux de détention en Croatie et
22 ailleurs: en Serbie, en Bosnie-Herzégovine, au Monténégro; des tortures,
23 des assassinats, des passages à tabac de Croates dans ces lieux de
24 détention, des travaux forcés pour les Croates et les non-Serbes, tous
25 civils qui étaient emprisonnés et mène parfois pour certains qui n'étaient
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1 pas emprisonnés; des agressions sexuelles contre des Croates et d'autres
2 non-Serbes.
3 Le fait aussi que des attaques illégales ont été lancées sur Dubrovnik et
4 d'autres villages croates sans défense dans toute la région mentionnée
5 dans l'Acte d'accusation. Il y a eu aussi passages à tabac et viols de
6 Croates et autres non-Serbes, tous civils; tortures et passages à tabac de
7 Croates et autres non-Serbes pendant et après leur arrestation.
8 Par ailleurs, il a eu aussi expulsion ou transfert forcé d'au moins
9 170.000 Croates et autres non-Serbes, tous civils, chassés des territoires
10 qui intéressaient les Serbes. Il y a eu y compris expulsion en direction
11 de la Serbie d'au moins 500.000 habitants d'Ilok par exemple, de 20.000
12 habitants de Vukovar, et puis transfert forcé vers des lieux situés en
13 Croatie d'au moins 2.500 habitants d'Erdut. Je crois que vous pourriez
14 trouver ces endroits sur la carte, si elle est encore à l'écran.
15 Enfin, il y a eu destruction délibérée de lieux d'habitation, d'autres
16 bâtiments publics et privés, d'institutions culturelles, de monuments
17 historiques, de sites sacrés pour les Croates et autres non-Serbes à
18 Dubrovnik et dans ses environs notamment.
19 Donc un schéma se dégage autour de ces attaques qui sera démontré dans les
20 moyens de preuve, par exemple l'encerclement par les forces serbes, la JNA
21 en tout cas, puis la pénétration dans le village de ces soldats serbes, et
22 l'utilisation à ces fins également de la Défense territoriale, de la
23 police ou des paramilitaires. Ensuite, les habitants sont tués,
24 quelquefois en petit nombre, quelquefois en grand nombre, quelquefois en
25 totalité. Puis il y a expulsion des survivants, si survivants il y a, puis
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1 pillage des maisons et destruction des villages par le feu et l'explosif.
2 Comme je l'ai dit, nous sommes tenus d'utiliser l'expression "nettoyage
3 ethnique". Cela s'est produit à de très nombreuses reprises, a été le fait
4 d'unités différentes, a eu lieu dans des lieux différents. C'est donc
5 devenu la règle plutôt que l'exception. C'est quelque chose qui, en temps
6 utile, va se produire également dans la Bosnie-Herzégovine voisine et,
7 plus tard encore, au Kosovo. Les éléments de preuve démontreront que les
8 forces que j'ai mentionnées ont agi ensemble dans le but d'atteindre un
9 objectif unique et ce, sous le contrôle de l'accusé.
10 L'objectif était également celui du dirigeant serbe de Bosnie, Radovan
11 Karadzic, car en effet la guerre, dans une partie intégrante de
12 l'ensemble, devrait faire partie de cet ensemble, le conflit étant un
13 conflit serbe avec un seul objectif et sous le contrôle d'un seul maître.
14 Comment est-ce que cet objectif a été atteint? Il faut parler ici de la
15 Krajina. On la voit sur la carte. Nous avons un rapport d'une réunion qui
16 s'est tenue dans une période assez précoce, c'est-à-dire au début du mois
17 de mai 1991. J'ai une traduction en anglais -assez difficile à lire ce
18 texte-. On se rend compte qu'il s'agit donc d'une réunion du SDS régional,
19 ce sont les mots qui figurent en haut du document. La réunion est ouverte
20 et au deuxième paragraphe, nous trouvons ce qui suit dans le compte rendu
21 de cette réunion. L'orateur dit ce qui suit -je cite-: "Quant aux
22 pourparlers avec Milosevic, il semble qu'il est suffisamment au courant de
23 la situation de la République socialiste de Croatie, mais il a déclaré
24 qu'il était en colère en rapport avec la Krajina qui a pris des décisions
25 sans le consulter. Il a proposé que, si nous décidions de participer au
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1 référendum du 12 mai, le résultat du vote doive être favorable à ce qui
2 reste de la Yougoslavie et pas à la Serbie. C'est ce qu'il convient de
3 dire." (Fin de citation).
4 Nouvelle citation: "La raison, c'est ce qu'il ne faut pas qu'il y ait un…
5 La raison, c'est qu'il n'y a pas de soutien juridique ou international, et
6 nous ne devons pas participer au référendum du 19 mai 1991 parce que cela
7 signifierait une reconnaissance internationale de la Croatie. L'Amérique
8 serait y compris d'accord pour une intervention militaire, mais pas pour
9 une guerre civile, pourvu qu'Ante Markovic demeure à son poste." (Fin de
10 citation.)
11 Nouveau paragraphe -je cite-: "Par ailleurs, selon Milosevic, Mesic ne
12 prendra pas le poste de Président le 15 mai, parce que cela signifie que
13 les Croates auraient quatre postes clé au sein de la République socialiste
14 fédérative de Yougoslavie, RSFY.
15 Jakula a donné des informations au sujet des conversations avec Slobo. La
16 revendication principale de Slobo, c'est que nous ne nous engagions pas
17 dans des escarmouches avec le MUP, ministère de l'Intérieur, que nous ne
18 le fassions plus, mais que nous les laissions en découdre avec l'armée qui
19 peut traiter la NDH sans problème.
20 Il y a trois options internationales pour la Yougoslavie qui seront
21 annoncées le 10 mai 1991. Dans le même temps, il a accepté une coopération
22 plus rapide et de meilleure qualité. Knin reste la base de toutes nos
23 activités future." (Fin de citation.)
24 Donc, il était en colère parce que la Krajina avait agi sans le consulter.
25 "Il fallait que les habitants boycottent le référendum pour organiser leur
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1 propre référendum, il fallait utiliser la JNA", a t-il déclaré parce
2 qu'elle pouvait traiter comme il convenait avec la Croatie. En effet, le
3 sigle NDH est une reprise d'un sigle utilisé dans d'autres circonstances
4 et représente la Croatie.
5 Il fallait donc maintenir la Serbie, au moins en principe, en dehors de
6 tout cela et agir dans le cadre théorique, en tout cas de la Yougoslavie,
7 puisque la présidence de la Yougoslavie ne tomberait pas entre les mains
8 de Mesic.
9 Il fallait continuer à parler avec lui, le consulter pour l'avenir. Tout
10 cela sera démontré lorsque les moyens de preuve seront présentés à la
11 Chambre. La Chambre peut être convaincue, pourra se convaincre en temps
12 utile sur la base de ces moyens de preuve ainsi que des mémoires de Jovic,
13 que l'accusé qui répond dans ce document au surnom ou au diminutif de
14 "Slobo" avait deux idées.
15 En effet, dans une des citations, dans un des extraits, des mémoires de
16 Jovic, on voit que ce dernier dit ce qui suit -je cite-: "Slobo avait deux
17 idées en tête.
18 Premièrement, que l'amputation de la Croatie soit réalisée, de façon à ce
19 que Lika Banja et Kordun, deux municipalités qui avaient créé leurs
20 propres instances, demeurent avec nous, et que la population puisse
21 ensuite organiser un référendum pour déclarer si elle souhaite rester ou
22 pas avec nous.
23 Deuxième idée, que les membres de la présidence de la RSFY de Slovénie et
24 de Croatie soient exclus du vote sur cette décision puisqu'ils ne
25 représentent pas la partie de la Yougoslavie qui va adopter cette
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1 décision." (Fin de citation.)
2 A peu près au même moment, l'accusé a introduit le dirigeant des Serbes de
3 Bosnie, Karadzic, dans ce plan. J'en ai déjà parlé tout à l'heure, je ne
4 vais pas ennuyer les Juges de cette Chambre, en reprenant ce que j'ai déjà
5 dit. En effet, tout à l'heure, je m'étais trompé de cassette. Enfin, je
6 n'avais pas dit le texte qui correspondait à la cassette que nous
7 écoutions. En tout cas, une réunion est organisée pour le 5 juillet 1991,
8 selon Jovic dans son journal intime, réunion avec le Général Kadijevic. Et
9 ce que demande le général à ce moment-là, est la chose suivante: le gros
10 des forces de la JNA doit se concentrer sur le long d'une ligne allant de
11 Karlovac à Plitvice à l'ouest, de Baranja, Osjek et Vinkovci jusqu'à la
12 Sava à l'Est, et le long de la Neretva dans le sud. De cette façon, nous
13 couvrirons l'ensemble du territoire habité par les Serbes jusqu'à ce que
14 la situation s'éclaircisse, c'est-à-dire jusqu'à l'expression définitive
15 du peuple par le biais d'un référendum. Zeljko a accepté sans discuter."
16 (Fin de citation.)
17 Tous les endroits que je viens de citer ne sont pas représentés sur la
18 carte, mais on se rend bien compte qu'il s'agissait en fait de mettre la
19 main sur une grande partie du territoire habité par les Serbes. Et ce,
20 nous sommes en droit de le penser, sans beaucoup d'égard pour la
21 population locale, pour les non-Serbes qui habitaient dans la région.
22 Milosevic a oeuvré en relation très étroite avec des co-participants à
23 cette entreprise criminelle commune, co-participants issus de la direction
24 des Serbes de Bosnie, qui l'informaient de leur stratégie et du contrôle
25 qu'ils obtenaient de certains territoires. Par ailleurs, grâce à des
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1 visites en tête-à-tête régulières aux dirigeants serbes de Bosnie,
2 l'accusé et ses collaborateurs ont maintenu des contacts téléphoniques
3 également réguliers et fréquents avec eux. Son autorité au sein de la
4 direction des Serbes de Bosnie est évidente. Compte tenu du ton de
5 déférence utilisée par les Serbes de Bosnie lorsqu'ils parlent avec lui au
6 quotidien, notamment par Karadzic, et y compris, lorsque l'on voit que le
7 terme "chef", "boss", est utilisé de temps en temps. Je pense que nous
8 avons une cassette que nous pourrons entendre entre Radovan Karadzic et
9 Slobodan Milosevic.
10 (Diffusion de la cassette.)
11 "- Slobodan: Radovan?
12 - Radovan: Oui, Slobodan. J'ai parlé avec certains.
13 Slobodan, s'ils veulent se battre, nous sommes ici, ils peuvent le faire.
14 Les autres, qu'ils aillent au diable. Nous pouvons nous battre très
15 longtemps et nous serons les plus forts. Et s'ils veulent vivre en paix,
16 nous sommes là également. Personne ne peut être meilleur ou nous chasser
17 de là où nous sommes.
18 - Milosevic: Tous ceux qui veulent suivre Alija et se battre contre nous
19 peuvent le faire. Ils peuvent perdre, ce sera un plaisir pour nous. Mais
20 s'ils veulent être honnêtes et réguliers à notre égard, nous nous
21 comporterons de la même façon à leur égard comme s'il s'agissait de nous."
22 (Fin de citation.)
23 Il serait difficile d'imaginer une expression plus claire de ce genre de
24 point de vue.
25 Donc l'accusé contrôlait l'armée à partir du moment où il est devenu
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1 Président…, l'armée qui allait se mettre au service…, dont les services
2 seraient utilisables également en Croatie après l'indépendance de celle-
3 ci.
4 Enfin, non, je ne voulais pas dire "disponibles en Croatie", mais "aux
5 Serbes de Croatie", plus précisément.
6 Mais il est clair sur la base de ce que nous avons entendu, que tous ces
7 éléments participent d'un plan unique, d'une opération complète qui est
8 contrôlée de très près et supervisée entièrement par l'accusé.
9 Au mois d'août 1991, le siège de Vukovar commence; j'y ai déjà brièvement
10 fait référence, il y a quelques instants. La JNA entreprend des opérations
11 dans les villes de la Slavonie orientale. Elle occupe ces villes et le
12 fait avec d'autres forces serbes également. Les Croates et populations non
13 serbes…, autres populations non serbes de ces régions sont expulsées par
14 la force à la fin du mois d'août. La JNA met le siège autour de la ville
15 de Vukovar et, à la mi-octobre, toutes les autres villes majoritairement
16 croates de Slavonie orientale sont prises par les forces serbes. A
17 l'exception de Vukovar qui était une ville habitée par des Serbes et par
18 des Croates.
19 Les non-Serbes sont soumis à un régime d'occupation très violent, au cours
20 duquel ont lieu des persécutions, des meurtres, des tortures et d'autres
21 actes de violence. Pratiquement toute la population non serbe est tuée ou
22 contrainte de quitter la ville. Bien entendu, il y a eu aussi quelques
23 actes de provocation de la part des forces croates, des actes criminels,
24 mais rien qui puisse être comparé au précédent du point de vue de
25 l'ampleur.
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1 Ces actes dus aux Croates font d'ailleurs l'objet d'un examen de la part
2 du Bureau du Procureur de ce Tribunal, mais il s'agit de représailles. Et
3 lorsqu'il y a représaille, quelle que soit son ampleur, elle ne peut pas
4 justifier à couvrir les crimes commis par les forces serbes.
5 Le siège de Vukovar se poursuit jusqu'au 18 novembre 1991, date à laquelle
6 la ville tombe entre les mains des forces serbes. Pendant ce siège de
7 trois mois, la ville a été presque totalement détruite par les pilonnages
8 de la JNA et des centaines de personnes ont été tuées. Lorsque la JNA et
9 les autres forces serbes occupent la ville, des centaines de Croates
10 supplémentaires sont tués par les troupes serbes et les habitants non
11 serbes de la ville sont expulsés au cours des quelques jours qui suivent.
12 Je pense que je dispose d'une vidéo qui montre la chute de la ville et
13 l'expulsion des populations non serbes. On y voit un vieil homme qui a été
14 abattu par arme à feu quelques minutes après le tournage de cette vidéo.
15 Et nous verrons également une séquence qui se déroule dans un entrepôt de
16 Vukovar où des civils ont été rassemblés au cours de l'après-midi du 20
17 novembre, entourés par des militaires. Je pense que nous verrons, dans les
18 premières images, que ces civils doivent monter à bord d'autobus et de
19 camions militaires. Nous voyons aussi, je crois, "Arkan" et Goran Hadzic
20 ainsi que d'autres responsables de la JNA.
21 On peut commencer la diffusion.
22 (Début de la diffusion vidéo.)
23 Ici, le vieil homme dont je vous ai parlé, qui sera abattu par la suite.
24 Peut-être pas très vieux, mais tout de même d'âge mûr. Mais on ne voit pas
25 les images de son exécution. Bien entendu, si les images sont montrées au
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1 ralenti par ceux qui ont fait ce film pour des raisons évidentes, ce n'est
2 pas nous qui avons demandé ce ralenti.
3 Mais ces images montrent bien, de façon tout à fait tragique, la nature
4 des événements horribles qui étaient en train de se dérouler.
5 Et là, Arkan. Le voilà. Transport de religieuses. Merci.
6 (Fin de la diffusion vidéo.)
7 Comme je l'ai déjà expliqué au début de mon propos liminaire, les
8 victimes, qui étaient au départ dans une caserne de la JNA, ont été
9 emmenées dans la ferme d'Ovcara -avant elles avaient été rassemblées dans
10 un hôpital- donc emmenées dans cette ferme d'Ovcara qui se trouve à 5 km
11 au sud de Vukovar. Là, ces personnes ont été frappées, torturées, tuées et
12 enterrées dans une fosse commune.
13 Entre le 18 et le 20 novembre 1991, après la fin des opérations militaires
14 dans Vukovar et ses environs, la JNA a expulsé des milliers de Croates et
15 autres non-Serbes vers le territoire de la République de Serbie. Suite à
16 une demande de Goran Hadzic, qui voulait retenir les non-Serbes suspects
17 de participation à des opérations militaires, la JNA a expulsé un grand
18 nombre d'habitants de Vukovar vers des lieux de détention situés à Dalj,
19 le 20 novembre 1991.
20 A cet endroit, les membres de la Défense territoriale serbe, qui avaient
21 été choisis spécialement parce que soupçonnés d'avoir participé à la
22 défense de Vukovar, ont été interrogés, frappés, torturés et, pour
23 certains –au moins 34 en tout cas-, exécutés sommairement.
24 Si l'on pense à la carte géographique qui montre les grandes distances
25 qu'il peut y avoir entre une extrémité de la Croatie et l'autre, ce qui
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1 est intéressant, c'est que vous allez entendre un témoin qui a entendu
2 parler de ces événements à la radio. Je devrais ajouter que le témoin se
3 trouvait physiquement à l'autre bout de la Croatie, près de la côte. Il a
4 donc entendu parler de tout cela à la radio; ce qui montre encore une fois
5 que tout cela faisait partie d'un plan commun qui était connu de tous. Et
6 en n'oubliant pas les gens qui ont été regroupés à l'hôpital: si l'on
7 parle de Vukovar, il faut que l'on parle également d'un des civils serbes
8 qui a été arrêté et qui était le directeur de l'hôpital.
9 L'accusé n'a jamais donné la moindre explication au sujet de ces crimes,
10 mais il est sans doute permis d'apprécier son attitude réelle en examinant
11 ce qu'il a fait. L'un des responsables était un certain Veselin
12 Sljivancanin qui est toujours dans l'armée yougoslave, l'armée qui était
13 dans la JNA et qui est aujourd'hui dans la nouvelle armée yougoslave, la
14 VJ, sous le commandement suprême de Milosevic. Il est encore officier de
15 la VJ aujourd'hui.
16 Un autre commandant qui a agi à Vukovar s'appelle Mile Mrksic. Il est
17 devenu commandant militaire de la Krajina en mai 1995, soit plus de trois
18 ans après la commission des crimes de Vukovar.
19 Un troisième commandant de haut rang de la JNA, qui exerçait un
20 commandement à Vukovar, le général Andrija Brcevic a été décoré le
21 lendemain de la chute de Vukovar.
22 Quant au grand chef serbe local, Goran Hadzic, dont les subordonnés se
23 sont chargés des prisonniers d'Ovcara, faits prisonniers par la JNA, parmi
24 lesquels il y a eu un si grand nombre de tués, eh bien, Goran Hadzic a été
25 choisi par Milosevic pour remplacer l'ancien président de la Krajina peu
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1 après, c'est-à-dire le 26 février 1992.
2 Et les moyens de preuve démontreront que le gouvernement de l'accusé
3 agissait en relation très étroite avec les hommes dont je viens de parler,
4 qui ont donc été impliqués dans les événements de Vukovar. Grâce à ces
5 moyens de preuve, on pourra constater que l'accusé en fait avait ordonné
6 l'appui à ces opérations.
7 Des éléments de preuve seront soumis à la Chambre, qui correspondent bien
8 à ce que l'on peut lire dans le journal intime du secrétaire ou du
9 ministre de la Défense de la Serbie, un certain Simovic. Je vous en lis un
10 passage. On peut le voir sur le rétroprojecteur.
11 Il y est dit qu'à cette époque, Simovic, ministre de la Défense de Serbie,
12 rencontre l'accusé. Ils sont en tête-à-tête, ils sont en rapport constant
13 et quotidien avec d'autres en général, mais, pour ce sujet-là, pour cette
14 question-là, ils doivent en traiter en tête-à-tête.
15 En rentrant dans son bureau, Simovic dira rapidement: "Ceux qui sont
16 patients seront sauvés." Et ensuite, il fait l'énumération des choses
17 qu'il convient de faire en urgence: "Toutes les photographies et cassettes
18 vidéo que nous avions" dit-il "et qui montrent le génocide des Serbes dans
19 les Krajina devraient être remises au ministère de l'Information qui doit
20 préparer des livres et des documents pour La Haye".
21 Et un peu plus loin, il dit: "Le ministère de la Défense a créé des
22 groupes de réflexion dirigés par des généraux et destinés à recevoir les
23 gens qui viennent tous les jours chercher des instructions ou de l'aide
24 pour les Serbes de Krajina.
25 Nous devons trouver les gens et préparer un discours pour le Premier
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1 ministre, Goran Hadzic, car son allocution et son appel au peuple de
2 Serbie doit aider les Serbes en Krajina serbe." (Fin de citation.)
3 Il est impossible de penser à une coparticipation plus étroite que celle-
4 ci. En effet, on voit qu'un ministre serbe écrit des lettres en demandant
5 que toute l'aide nécessaire soit accordée par la Serbie à Hadzic.
6 Le 22 janvier 1993, suite à une attaque de l'armée croate contre le pont
7 de Maslenica, Hadzic proclame la mobilisation générale pour la RSK
8 -Krajina serbe- et déclare l'état de guerre en menaçant de pilonner
9 Zagreb.
10 Vous voyez ici une photographie de Hadzic, à droite, alors que l'homme que
11 vous voyez à gauche est déjà bien connu de vous.
12 Est-ce que cela résumait le plan serbe pour la Krajina? Attaquer, sans
13 aucune discrimination, des cibles civiles? Parce qu'en tout cas cette
14 menace, si c'était une menace, a très certainement été mise à exécution en
15 1995.
16 S'agissant du financement de l'armée de la Krajina, l'accusé et l'état-
17 major dirigé par l'accusé y ont participé de très près. Selon le procès-
18 verbal d'entretien tenu entre des représentants de la RSK, dont Hadzic et
19 Martic et Milosevic et d'autres, le 12 novembre 1992, le mode de
20 financement de la RSK et de la police a été organisé et décidé. Il a été
21 décidé que l'armée et la police devaient être financées comme par le
22 passé, par le biais du ministère de la Défense. Il a été convenu que la
23 maintenance et les hommes seraient octroyés par l'armée yougoslave, il a
24 été convenu que le ministère de la Défense de la Krajina demanderait au
25 ministère de la Défense serbe de transférer 200 milliards de dinars avant
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1 la fin de novembre 1992 et 150 milliards de dinars avant le 5 décembre
2 1992.
3 Un plan a également été exigé pour organiser le financement de toute
4 l'année 1993.
5 L'armée de la Krajina était totalement dépendante de l'aide financière
6 provenant de la République de Serbie. L'accusé était responsable de cette
7 aide financière et en a organisé les modalités. Hadzic lui-même a déclaré,
8 répondant à une interview en juillet 1993, que Milosevic était consulté
9 pour toute question relative à la Krajina. Il a parlé de ses bons rapports
10 avec Milosevic et l'a félicité, l'a loué en disant que c'était un grand
11 homme politique serbe.
12 Je vais maintenant passer à un autre sujet, Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation): Eh bien, c'est peut-être le moment de la
14 pause. Nous suspendons jusqu'à 14 heures 30.
15 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 33.)
16 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, veuillez poursuivre.
17 M. Nice (interprétation): Je tiens à confirmer simplement
18 qu'effectivement, l'accusé et les amici curiae disposent des documents que
19 j'ai présentés sur le rétroprojecteur.
20 M. le Président (interprétation): Merci.
21 M. Nice (interprétation): Je voulais vous rappeler que vous, Messieurs les
22 Juges, l'accusé et les amici, disposez des documents. J'espère que vous
23 disposez de tous les documents qui ont été soumis en audience publique. Il
24 est quelquefois difficile de bien lire les documents sur le
25 rétroprojecteur; il est donc utile de disposer de copies.
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1 M. le Président (interprétation): Oui, nous les avons.
2 M. Nice (interprétation): Je vous remercie.
3 Revenons, si vous le voulez bien, à quatre ou cinq moyens de preuve ayant
4 trait à "Arkan" qui, lui -cela ne fait aucun doute-, avait été bien avec
5 la Serbie.
6 Tout d'abord, le 2 juillet 1997, suite à l'arrestation de Slavko
7 Dokmanovic, qui avait été mis en accusation par ce Tribunal pour le
8 massacre d'Ovcara, Hadzic a pris la fuite en direction de la République
9 fédérale de Yougoslavie. Est-ce que l'accusé a fait le moindre effort pour
10 essayer de traduire en justice cet homme? Non.
11 Revenons une fois de plus à "Arkan". Car son cas est tout à fait
12 illustratif de la façon dont cette opération unifiée a fonctionné. Dans
13 l'Acte d'accusation, on précise que c'est un membre de l'entreprise
14 criminelle commune, qu'il est lui-même criminel de carrière, pour ainsi
15 dire, qu'il a un dossier, des antécédents bien connus. En fait, il est
16 recherché par plusieurs pays d'Europe pour des accusations très graves,
17 dont celle de meurtre. Ce qui pourrait constituer en fait un moyen de
18 pression pour l'Etat dont il vient, puisqu'on pourrait l'extrader à tout
19 moment. Or, l'a-t-on fait? Non. On l'a utilisé et, en 1991, cet homme a
20 constitué sa garde de volontaires, qu'on appelait les "Tigres", des
21 personnes qui avaient un passé très douteux. Des centres de formation ont
22 été établis à Tenja et à Erdut, en Croatie.
23 Erdut devient un des principaux lieux de crimes pour ce qui est de l'Acte
24 d'accusation concernant la Croatie. Il est nommé commandant du centre de
25 formation spéciale des volontaires en Slavonie orientale, qui a pour
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1 garnison Erdut. Il est nommé par le Gouvernement de Krajina de la SAO, qui
2 est présidé par Hadzic. Il est en contact constant avec Hadzic, sur les
3 lieux de crimes, tel que Vukovar et ailleurs.
4 Ici, nous avons une photographie qui apparaît à l'écran de "Arkan" et
5 aussi de quelqu'un d'autre.
6 "Arkan" a affirmé en public avoir été nommé conseiller spécial de Hadzic.
7 Et pendant toute la période des faits couverts par l'Acte d'accusation,
8 ces deux hommes avaient des liens politiques et d'affaires étroits. Ces
9 "Tigres" étaient mieux équipés que d'autres unités. En fait, ils avaient
10 le même type d'arsenal que les forces spéciales du MUP. A l'inverse
11 d'autres groupes paramilitaires, les "Tigres" avaient une structure de
12 commandement très stricte, une discipline très rigoureuse.
13 Les témoins viendront vous dire comment "Arkan" et ses hommes, ses
14 "Tigres", étaient en rapport, reliés au service de sûreté de l'Etat du
15 ministère de l'Intérieur de Serbie et qu'en fait, c'est de l'arsenal de ce
16 service qu'ils recevaient leurs armes. "Arkan" lui-même était un visiteur
17 assidu du poste de commandement de la Défense territoriale à Erdut. Vous
18 en voyez une photographie ici, sur le rétroprojecteur.
19 Le commandant de la Défense territoriale et le chef de ce poste s'appelait
20 Radovan Stojicic Badza. Lui aussi, haut dignitaire du ministère de
21 l'Intérieur serbe et associé personnel de l'accusé.
22 Les témoins vous diront comment "Arkan" et tous les autres dirigeants
23 paramilitaires et les dirigeants serbes de Krajina se trouvant au poste de
24 commandement de Erdut étaient sous l'autorité directe de Badza. Peu de
25 temps après la chute de Vukovar, cet homme, Badza, a été promu par
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1 l'accusé au poste de ministre-adjoint de l'Intérieur; il était responsable
2 des services de sécurité publique.
3 Rappelez-vous ce que je vous ai dit, Messieurs les Juges, au début, à
4 propos du soutien, de l'espèce de mécénat qui était effectué. Et ici,
5 effectivement, c'était un mécénat ou un soutien sous forme de récompense
6 ou de reconnaissance. "Arkan" a lui-même dit en public que lui et ses
7 éléments étaient sous les commandements directs des forces armées
8 yougoslaves. Ceci, il l'a déclaré lors d'une conférence de presse tenue à
9 Erdut, le 27 novembre 1991. Un des généraux qui commandait à Erdut
10 s'appelait Andrija Biorcevic.
11 Mais tout d'abord, je dois vous montrer un extrait vidéo qui va révéler ce
12 qu'on entend véritablement par la notion de reddition. Et je pense que
13 vous allez voir quelques images de ce qu'"Arkan" a décrit. Ici, c'est
14 présenté de façon beaucoup plus succincte.
15 (Début de la diffusion vidéo.)
16 "Nous ne ferons plus de prisonniers. Nous allons tuer chacun des soldats
17 fascistes que nous attrapons. Aucun prisonnier."
18 (Fin de la diffusion vidéo.)
19 Je crois qu'il y a une omission pour un des extraits, mais peu importe.
20 Qui avons-nous vu? Nous avons vu "Arkan" qui dit manifestement quelle est
21 sa position. Brcevic l'a dit à sa façon, à la même époque. Il parlait des
22 allégations formulées quant à la l'utilisation de formations
23 paramilitaires.
24 Voici ce qu'il disait: "Certains disent que je conspire avec des
25 formations paramilitaires. Mais ici, ce ne sont pas des formations
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1 paramilitaires, ce sont des gens qui se sont portés volontaires pour
2 lutter au nom du peuple serbe. Nous encerclons un village, ils pénètrent
3 dans ce village, tuent ceux qui refusent de se rendre et nous, nous
4 entrons."
5 Eh bien, Brcevic a obtenu une décoration pour ses exploits à Vukovar.
6 Voilà ce qu'il dit -et ceci est inexcusable en droit comme en fait-: "Il y
7 a une participation pleine et entière, de part et d'autre, à cette
8 entreprise commune".
9 Au moment de la bataille de Vukovar, "Arkan" a été piégé derrière les
10 lignes croates. Que s'est-il passé? Nous avons une citation qui nous vient
11 du secrétaire de Simovic; je crois qu'elle est tout à fait instructive.
12 La voici qui apparaît à l'écran pour ceux qui veulent en prendre
13 connaissance. J'espère que vous allez bientôt la voir.
14 "Une nuit, ils ont réussi à pénétrer à l'intérieur du périmètre de
15 défense. Et puis, on a donné l'ordre à l'armée de se replier. Et "Arkan"
16 et ses hommes courageux sont restés à l'intérieur de ce périmètre de
17 défense. Nous, nous avions -et puis, il parle de quelqu'un qui est sans
18 importance à cette fin- cet homme au bout du fil et il nous a fait part de
19 la nouvelle; il a demandé à Simovic de donner l'ordre aux forces aériennes
20 d'agir. Mais personne ne connaissait l'endroit où se trouvait exactement
21 "Arkan". "Que les avions survolent Vukovar pour les effrayer, pour
22 détourner leur attention afin de laisser sortir les volontaires", a
23 demandé cet homme. Et Simovic, manifestement affolé, a demandé que les
24 avions survolent Vukovar, mais n'entrent pas en action afin qu'ils ne
25 tirent pas sur les leurs.
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1 Cette même nuit, nous sommes restés en contact avec Om et avec le Quartier
2 général des unités de la JNA. Le jour était presque levé lorsque nous
3 avons entendu dire que les volontaires avaient réussi sortir, mais qu'il
4 était impossible de trouver "Arkan"; il était resté à l'intérieur du
5 périmètre, une fois de plus capturé. Tout semblait perdu. C'est à ce
6 moment-là qu'on nous a appris qu'"Arkan" avait refait surface et venait
7 voir Simovic. Il est apparu sans la moindre trace de fatigue, comme si
8 rien ne lui était arrivé, pleinement armé; il avait un fusil à lunette en
9 bandoulière et un chapeau d'oustachi ensanglanté sur ce fusil. Il est
10 entré et il s'est vanté du fait qu'il avait lui-même tué 24 oustachis
11 cette nuit-là et qu'il avait capturé ce fusil qu'il apportait en guise de
12 cadeau à Simovic." (Fin de citation.)
13 En d'autres termes, "Arkan", si l'on pense ici au contrôle de l'ennemi au
14 sein de la Croatie, fait que le ministère de la Défense de la Serbie
15 intervient pour venir à son aide. Simovic était subordonné à l'accusé et
16 il agissait sur les ordres de celui-ci. Est-ce qu'il n'y a pas eu de
17 participation de la Serbie? Voyons, c'est impossible! Et si la Serbie
18 était impliquée, participait à ce niveau, qui participait également? Mais,
19 manifestement, cet accusé.
20 Et nous voyons, par le biais de cet incident, qu'il y a toute une panoplie
21 de forces agissant de concert.
22 Messieurs les Juges, il y a des documents qu'on appelait, souvent de façon
23 un peu austère, "organigrammes" mais peut-être qu'on peut les appeler
24 "diagrammes". Ce sont sans doute des documents utiles à divers titres,
25 pour autant qu'on ne les considère pas comme étant des descriptions
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1 excessivement précises de ce qu'ils sont censés représenter.
2 Qu'avons-nous ici? Nous avons ici ce type de croquis ou d'organigrammes.
3 Relevons certains points importants, mais je pense que ceux-ci peuvent
4 bien faire la synthèse de la thèse défendue par l'accusation, mais sous
5 certaines réserves.
6 J'espère que vous pourrez lire l'intitulé en haut de la page; c'est une
7 illustration simplifiée de la participation de l'accusé dans l'entreprise
8 criminelle commune pour les accusations concernant la Croatie. En bas, à
9 gauche, vous voyez que ceci ne représente pas nécessairement les liens
10 hiérarchiques entre les deux parties. Ce n'est pas nécessaire pour qu'il y
11 ait entreprise criminelle commune.
12 Ici, nous voyons l'accusé au sommet de ce diagramme, au milieu; et puis, à
13 gauche, la présidence tronquée ou "croupion", avec Jovic et Kostic. Les
14 principaux hommes qui ont le commandement de la JNA sont mentionnés par
15 plusieurs personnalités.
16 Et puis, vous avez une ligne directe qui va de nouveau entre l'accusé et
17 la JNA. Cela ne veut pas dire nécessairement qu'il y a des lignes directes
18 de contrôle d'influence et de participation.
19 Mais si vous voyez le côté droit, là, vous avez les dirigeants serbes de
20 Croatie: Babic, Martic, Hadzic. Là où il y a une case entre, qui n'est pas
21 nécessairement importante, mais vous avez le contrôle de la police de
22 Martic, à droite, et sur la Défense territoriale serbe locale, à gauche.
23 L'influence de l'accusé et les connexions de celui-ci avec les dirigeants
24 serbes de Croatie entraînent le contrôle ou la connexion avec la Défense
25 territoriale serbe et avec la police de Martic.
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1 Voyons maintenant la partie centrale: le trait qui vient de l'accusé. On
2 voit le ministère serbe de la Défense, avec Tomislav Simovic.
3 Nous avons effleuré en passant la question des "Hommes de Seselj"; on y
4 reviendra au cours du procès davantage, mais ceci sous le titre du
5 ministère de la Défense.
6 Ensuite, vous avez le ministère de l'Intérieur, le MUP. Là aussi,
7 plusieurs personnes sont mentionnées en-dessous de l'accusé, sous ses
8 ordres, mais pas nécessairement directement ou dans une interprétation
9 purement juridique, de jure, de la structure. En tout cas, sous son
10 influence. Sont mentionnés plusieurs noms. On voit une partie SDB ou SJB.
11 Et là, vous avez les "Bérets rouges" et les "Arkanovci". Tous ces groupes,
12 depuis la gauche -la JNA, les hommes de Seselj, les "Bérets rouges", les
13 "Arkanovci", la Défense territoriale serbe et la police de Martic-
14 figurent parmi les auteurs de ces crimes.
15 Et de façon schématique -bien sûr, sous réserve de ces prudences que j'ai
16 émises et en fonction de ce que vous montreront les moyens de preuve-,
17 vous avez peut-être ainsi là, de façon schématique, la thèse de
18 l'accusation s'agissant de la responsabilité du présent accusé.
19 Evidemment, cette partie centrale, c'est la partie qu'il devrait
20 dissimuler le plus, celle qui concerne le MUP. La complexité -et il se
21 peut que ce diagramme se complique encore davantage au fur et à mesure du
22 procès et il faudra peut-être le remplacer par un document similaire-, la
23 complexité même de ce document révèle et confirme la nécessité que
24 ressentait cet accusé de dissimuler, de masquer ce qu'il faisait, car il
25 aurait été difficile pour lui d'accepter que la Serbie soit considérée
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1 comme étant en guerre. On agissait de façon différente, en utilisant
2 d'autres agences.
3 Revenons rapidement à "Arkan" avant de passer à un autre sujet. "Arkan" a
4 amassé une fortune colossale en Serbie. Un témoin le place aux côtés de
5 Seselj à Vukovar. Et ce même témoin a confirmé que les "Tigres d'Arkan",
6 cette garde de volontaires serbes est établie comme ce diagramme vous le
7 montre par la DB serbe, à partir du MUP. En 1991, "Arkan" et ses éléments
8 sont venus de la Serbie en Slavonie orientale où ils ont établi leur QG et
9 ont contrôlé une vase zone en coopération avec la JNA sous les ordres de
10 Biorcevic, cet homme qui a été décoré le 19 novembre 1991. Gardez à
11 l'esprit ces connexions.
12 Nous allons maintenant parler rapidement de Dubrovnik qui figure à l'Acte
13 d'accusation.
14 Dès le début du mois d'octobre 1991...
15 Est-ce que nous pouvons remettre ce plan sur le rétroprojecteur?
16 C'était peut-être un plan ambitieux vu les distances géographiques qui
17 séparent ces différents centres, mais début octobre 1991, la JNA et
18 d'autres unités associées de Serbie et du Monténégro s'emparent de la
19 municipalité de Dubrovnik et assiègent la ville même. Les zones assiégées
20 autour de Dubrovnik sont nettoyées, pillées, en grande partie détruites.
21 Les forces de la JNA bombardent la ville, un acte parfaitement injustifié
22 qui se termine par la mort de 43 Croates civils.
23 La vieille ville de Dubrovnik, qui est un site du patrimoine culturel
24 mondial de l'UNESCO a subi de lourds pilonnages et beaucoup d'anciens
25 bâtiments ont été endommagés, alors qu'ils avaient été protégés par des
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1 symboles des Conventions de La Haye, par des observateurs internationaux.
2 Ces dégâts n'étaient pas le fruit du hasard, car il y a eu pilonnage de la
3 JNA de la ville à partir de hauteurs, d'où ils pouvaient avoir une vue
4 sans entrave de la ville.
5 Vous allez d'abord voir la ville de Dubrovnik à partir des hauteurs de
6 Jakevica. Puis, nous allons voir des soldats, des artilleurs de la JNA qui
7 prennent position pour prendre pour cible la ville de Dubrovnik. Sous peu,
8 vous allez voir la ligne de visé de Dubrovnik; vous verrez à quel point
9 cette ville était vulnérable et exposée.
10 Sinon, reprenons l'autre bout de la lorgnette. Nous voyons Jakevica. Vous
11 voyez le type de missile guidé utilisé; ici, un qui est prêt à partir. Et
12 vous voyez certaines des conséquences sur cette ville ancienne, les dégâts
13 subis par ces vieux édifices.
14 Nous allons voir certains des bâtiments, des canonniers utilisés par les
15 forces navales de la JNA; d'abord, on tire sur les remparts. Oui, voilà
16 quelques obus qui éclatent, causant des dégâts énormes. Le voilà, ce
17 canonnier.
18 Dans quelques instants, nous allons voir que des bateaux qui sont en rade
19 sont touchés pour certains; les obus tombent de très près. Et voilà, ici,
20 une idée des dégâts subis.
21 Vous allez voir, pour les dernières images, Dubrovnik en flammes: des
22 volutes de fumée s'élèvent au-dessus de la ville.
23 Les dirigeants du Monténégro avaient promis de "libérer" Dubrovnik
24 d'autres parties de la Croatie avec la JNA. Ils étaient prêts à fournir la
25 logistique nécessaire et des volontaires pour la JNA. Et cette idée
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1 ambitieuse était de créer une République de Dubrovnik qui devait être
2 détachée et rattachée à la Serbie. C'était inutile, ce n'était pas
3 nécessaire de libérer cette ville qui était, pour l'essentiel, peuplée de
4 Croates et où les habitants serbes n'avaient pas été la cible de
5 discrimination et n'avaient pas demandé à être libérés.
6 Si l'on voit cette ambition, il est utile de savoir que vous allez voir
7 comparaître devant vous un témoin qui va vous dire qu'à ce moment-là, vous
8 aviez des hauts dirigeants monténégrins, dans le droit fil de la politique
9 de l'accusé, qui disaient -je cite-: "Nous devons libérer au moins le
10 territoire jusqu'à la Neretva et dire aux Croates que, plus jamais, nous
11 ne vivrons ensemble". (Fin de citation.)
12 Ce même témoin vous dira -je cite- que "tout le monde à Podgorica,
13 capitale du Monténégro, et à Belgrade était sûr que ce serait une victoire
14 rapide pour la Serbie et que les vainqueurs n'auraient pas à s'inquiéter
15 de ce qu'ils avaient fait. Ils étaient à ce point pris par cette idée
16 d'arriver à la ligne Karlobag/Karlovac/Virovitica, vraiment le plus au
17 nord possible, ils étaient tellement convaincus de leur propre
18 invincibilité que peu leur importait ce qu'ils faisaient. De toutes
19 façons, ils ont menti sans aucune honte aux rares représentants
20 internationaux se trouvant dans la région à l'époque. Peu leur importait
21 de savoir que leurs mensonges étaient à ce point ridicules.
22 Et l'armée ne s'est pas beaucoup mieux comportée. La JNA était tout à fait
23 conforme avec le programme de l'accusé; et ses officiers qui avaient été
24 nourris de l'idéologie de la fraternité et de l'unité étaient tout à fait
25 prêts à l'abandonner en faveur du concept de "la Grande Serbie". Ils
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1 partageaient cette arrogance des dirigeants civils et ne voyaient pas
2 pourquoi ils auraient dû respecter d'autres critères que ceux qu'ils
3 voulaient appliquer.
4 Un autre témoin viendra vous dire que, le 6 décembre 1991, le général
5 Strugar de la JNA lui avait dit qu'il s'était résigné à utiliser le feu
6 sur la ville de Dubrovnik en guise de représailles pour les attaques
7 menées contre ses troupes; tout comme, plus tard, les Serbes de la Krajina
8 allaient se résigner à tirer sur la ville en représailles pour ce qui
9 avait été fait.
10 La campagne de Dubrovnik s'est entendue à la Bosnie vers le milieu du mois
11 d'octobre 1991. Les forces serbes et monténégrines, par exemple, attaquent
12 le village de Hrasno dans la municipalité de Trebinje, tuent certains de
13 ses habitants, expulsent le reste; le village est détruit. Le plan est
14 toujours le même, les ambitions sont grandes à ce moment.
15 Cependant, la communauté internationale ne laisse pas passer les choses
16 sans faire quoi que ce soit. En 1991, nous avons le plan de Lord
17 Carrington qui vise à parvenir à une dissolution paisible, pacifique plus
18 exactement, de la Yougoslavie.
19 Bulatovic qui était alors président du Monténégro -nous en avons déjà
20 entendu parler-, il décide d'accepter le plan. En sa qualité de président
21 d'un Etat, il avait tout à fait le droit de le faire. Il a voulu permettre
22 aux républiques de décider du degré d'indépendance qu'elles désiraient
23 obtenir. C'était un acte de défiance par rapport à l'accusé, puisque la
24 Serbie devenait la seule république à rejeter le plan Carrington.
25 Mais cette indépendance d'esprit de Bulatovic n'a pas duré bien longtemps.
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1 Il est obligé de changer d'avis par l'accusé, sous la menace d'être
2 arrêté. Et Bulatovic s'est exécuté.
3 A partir du 7 octobre environ, des forces serbes de l'armée et de la
4 Défense territoriale, de la milice et de la police de la Krajina, la
5 police de Martic aussi, se trouvaient, avaient le contrôle de la zone de
6 Kostajnica, qui est près de Bacin -un nom que vous allez apprendre à
7 connaître si vous ne le connaissez pas déjà. La plupart des civils croates
8 avaient abandonné leur foyer pendant l'attaque de septembre 1991. Quelque
9 120 civils croates, surtout des femmes, des personnes âgées, des
10 handicapés, des infirmes étaient restés dans les villages de Dubica,
11 Cerovljani et Bacin. On pourrait se demander pourquoi se préoccuper du
12 sort de telles personnes, pourquoi la JNA ou la Krajina s'en occupent-
13 elles?
14 Fin octobre 1991, les forces serbes rassemblent les 120 civils qui
15 restent; 10 personnes sont libérées, celles qui restent sont toutes tuées.
16 L'accusé dit que lui et son armée n'ont eu qu'une volonté: celle de
17 préserver la Yougoslavie. Si c'est vrai, pourquoi de tels crimes étaient-
18 ils nécessaires? Pourquoi étaient-ils intentionnels? Car ce n'était pas
19 par accident qu'ils avaient été commis. Pourquoi est-ce que les personnes
20 âgées, les personnes affaiblies et faibles ont-elles dû mourir comme elles
21 l'ont fait?
22 Je vais maintenant parler d'autres éléments de preuve fournis par des gens
23 qui étaient au coeur des événements. Et ceci nous sera fourni notamment
24 par des volontaires serbes et des membres des forces de police de la
25 Krajina, qui étaient fournis et formés par des représentants officiels de
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1 la République de Serbie et du ministère des Affaires intérieures. Et l'un
2 de ces agents, c'était le capitaine Dragan qui travaillait en coopération
3 étroite avec Milan Martic et avec Frenki Simatovic, un nom auquel nous
4 allons bien vite nous habituer.
5 Quelques mots au sujet de Martic. Même après la mise en place du plan
6 Vance, Martic a continué à appliquer le plan de divisions ethniques. Le
7 1er octobre 1992, il a déclaré en public à Borba que le retour des
8 réfugiés croates à Baranja et en Republika Srpska était hors de question.
9 Et, en dépit du plan Vance, il continuait à se prononcer en faveur de
10 l'unification de la Krajina et de la Republika Srpska. J'y reviendrai plus
11 tard. Il s'agissait là d'un plan qui était déjà mis en place et poursuivi
12 par Babic en 1991.
13 A la fin 1993, au début 1994, Martic s'est porté candidat au poste de
14 président de la RSK, Babic étant le seul opposant dangereux pour lui. Et
15 il a déclaré, à ce moment-là: "Je réalise le programme qui a été établi
16 par notre président, adepte ou avocat de la Grande Serbie, Slobodan
17 Milosevic". Ensuite, il est devenu président de la RSK.
18 En février 1994, il a déclaré publiquement qu'il avait été soutenu par
19 l'accusé pendant sa campagne. Il a confirmé que son objectif était
20 l'unification de tous les Serbes et que, une fois que toutes les terres
21 serbes auraient été unifiées, il les remettrait avec joie entre les mains
22 de Milosevic.
23 Pendant une offensive croate, ce que l'on a appelé "l'opération Flash", et
24 qui a commencé en mai 1995, Martic a ordonné le bombardement de plusieurs
25 villes, dont notamment Zagreb. Il a été mis en accusation pour ces faits
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1 par le Tribunal Pénal International.
2 Il a été arrêté en septembre à Otoka, qui se trouve à côté de Bosanska
3 Krupa, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Et on a craint que les
4 forces de police de la République ne procèdent à son extradition vers la
5 Croatie qui avait délivré un mandat d'arrêt à son encontre.
6 Vu les relations qui existaient, on peut voir qu'il y a eu concertation
7 entre les dirigeants des Serbes de Bosnie et le gouvernement serbe pour
8 qu'il soit libéré. Souvent, il était reçu par l'accusé. Il l'a accompagné
9 par exemple lors de négociations avec le représentant russe.
10 Et en août 1995, lorsque les forces croates ont repris la Krajina, Maric a
11 fui à Banja Luka et ensuite en Serbie.
12 A Genève -et maintenant je passe à la fin de la période couvert par l'acte
13 d'accusation relative à la Croatie-, à Genève donc, le 23 novembre 1991,
14 l'accusé, Kadijevic et Tudjman ont conclu un accord signé sous l'égide de
15 l'envoyé spécial des Nations Unies, Cyrus Vance. Cet accord appelait à la
16 levée du blocus par les forces croates sur les casernes de la JNA. Et, des
17 deux côtés, on s'engageait à un cessez-le-feu immédiat. D'autre part, on
18 s'engageait à ce que toute unité paramilitaire ou irrégulière respecte
19 également le cessez-le-feu.
20 Quelles étaient ces unités? Quelles étaient ces unités pour lesquelles
21 s'étaient engagés Kadijevic et l'accusé? Quelles étaient ces unités, si ce
22 n'était pas la JNA, le ministère de l'Intérieur serbe et les forces serbes
23 en Croatie, en Krajina, en Slavonie, à Baranja, etc.? Peu après, il faut
24 se souvenir que l'accusé a fait remplacer le dirigeant des Serbes de
25 Krajina, Babic. Pourquoi? Parce que celui-ci était opposé au plan Vance.
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1 Ce qui est peut-être plus intéressant à remarquer, qui nous montre les
2 erreurs que l'on peut commettre lorsque l'on ne fait pas preuve d'assez de
3 clairvoyance, c'est que ce ne sont pas les dirigeants locaux serbes qui
4 ont signé cet accord. Peut-être auraient-ils dû le faire, mais on ne leur
5 a même pas demandé de le faire. C'est l'accusé qui l'a fait, il l'a fait
6 pour eux, montrant ainsi son pouvoir. Peut-être l'occasion était-elle trop
7 tentante, et il ne voulait laisser cela à personne. C'était l'occasion,
8 pour lui, de faire étalage de son pouvoir devant la communauté
9 internationale, et qui montrait bien la réalité de sa participation à ce
10 qui s'était passé auparavant. Cela montre qu'il aurait été en mesure
11 d'arrêter ce qui était en train de se passer, car il avait le devoir
12 d'arrêter ce qui se passait. Mais il n'a rien fait de tel. Ce qui fait
13 qu'il est coupable, comme cela est indiqué dans l'Acte d'accusation.
14 Le 27 février 1992, l'accusé a prononcé un discours devant l'assemblée
15 serbe. Ce discours est placé sur le rétroprojecteur actuellement. Un
16 certain nombre de passages ont été surlignés. Il reconnaît qu'il a apporté
17 son aide au peuple serbe en leur apportant des fonds, des vivres, etc.
18 Egalement en envoyant un grand nombre de volontaires sur le front. Donc il
19 a aidé les Serbes en Croatie.
20 Il s'est installé une sorte de paix avec l'application du plan Vance en
21 janvier 1992, ce qui a permis aux Serbes de la Krajina de contrôler le
22 territoire dont ils s'étaient emparé, bien que Babic ne s'y soit pas plié,
23 encourant ainsi la colère de l'accusé. C'est pour ça qu'il s'est trouvé
24 remplacé par quelqu'un de plus docile, Goran Hadzic, en février 1992.
25 Un autre accord de cessez-le-feu, le 3 janvier 1992, a été signé par
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1 Tudjman et l'accusé. On a établi ainsi des zones de protection. Mais la
2 JNA, si elle s'est officiellement retirée de la Croatie, a laissé sur
3 place une bonne part de ses hommes et de ses armes dans les zones qui
4 étaient dominées par les Serbes. Et tout ceci a été remis à la police de
5 la République de la Krajina serbe. Et en dépit du plan, en dépit de ce qui
6 était prévu, les personnes déplacées n'ont pas été en mesure de rentrer
7 chez elles. Et donc, les quelques Croates et les quelques non-Serbes qui
8 restaient sur place ont été expulsés dans les mois qui ont suivi. Le
9 territoire de la SRK est resté sous occupation serbe jusqu'à ce que des
10 régions assez vastes de ce territoire soient reprises par les forces
11 croates, lors de deux opérations en 1995.
12 Alors, quel était donc ce plan? Les éléments de preuve vont montrer qu'il
13 s'agissait d'obtenir des gains territoriaux par le truchement du nettoyage
14 ethnique. Le même Simovic, ministre de la Défense, a écrit à un certain
15 Vuk Draskovic, un nationaliste serbe, un dirigeant d'un petit parti.
16 Et on peut lire la chose suivante dans ce document: "Parce que la Serbie
17 est maintenant défendue au-delà des frontières administratives de la
18 Croatie, si nous n'adoptons pas nos objectifs, les objectifs que nous
19 avons presque atteints aujourd'hui, il est possible que nous nous
20 trouvions dans la position où nous devions défendre la Serbie sur des
21 points de contrôle qui apparaîtront ultérieurement ou aux portes de
22 Belgrade". On parle donc ici d'intégration complète.
23 Qui était responsable? Revenons à ce Simovic qui a dit la chose suivante
24 -je cite: "Nous, notre façon de penser, c'est de penser ce que nous dit
25 notre patron. Celui qui est le chef pense pour tout le monde, ça a
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1 toujours été comme ça dans notre histoire. Chaque fois que je suis allé au
2 Parlement pour parler aux représentants, il fallait d'abord que je
3 rencontre le chef civil pour lui demander quelle était mon opinion. Et,
4 généralement, il s'arrangeait pour que ces réunions aient lieu le jour où
5 je devais m'adresser aux membres du Parlement. Ensuite, on a même organisé
6 ou reporté les séances du Parlement pour que je puisse aller voir M.
7 Milosevic. Ensuite, je devais dire ce qu'il m'avait dit, je ne devais pas
8 tenir compte des notes que j'avais préparées moi-même.
9 Une fois, je voulais parler aux représentants de l'héroïsme des
10 volontaires de M. Seselj. Mais M. Milosevic m'a dit que je ne pouvais pas
11 tenir ce genre de propos car –pour reprendre ce qu'il m'a dit, lui-
12 "pourquoi glorifier cet homme?".
13 Une dernière photographie, et ensuite quelques éléments que je
14 souhaiterais ajouter au sujet de la Croatie. Puis, je passerai à la
15 Bosnie.
16 Alors, une carte tout d'abord. La première carte que nous avons vue, nous
17 a montré quelles étaient les ambitions des Serbes de Croatie en Croatie.
18 Il existe beaucoup de cartes, mais cette carte, ici, nous montre où ont eu
19 lieu les événements. Il y a des zones hachurées, ce sont les zones qui
20 étaient tenues, qui ont été gagnées, et qui, finalement, ont dû être
21 rendues.
22 Une dernière photographie et, ensuite, j'aurai quelques mots à ajouter.
23 Nous avons une photographie qui nous montre trois hommes; ceci a été pris
24 lors d'un défilé militaire dans la Krajina, en juin 1995, avant
25 l'effondrement de la Krajina.
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1 Mile Martic est à droite; j'en ai déjà parlé. On voit clairement quels
2 étaient ses liens avec l'accusé. Quelque deux mois avant que cette
3 photographie soit prise, il avait ordonné une attaque à la roquette "sans
4 objectif défini" contre Zagreb. Il est d'ailleurs inculpé à ce titre
5 devant le Tribunal. L'accusé a, plus ou moins, condamné verbalement cet
6 homme et il n'a rien entrepris pour le traduire en justice.
7 L'homme que l'on vient au milieu, Mile Mrskic, est un de ceux qui sont
8 responsables du massacre de Vukovar. Il a été mis en accusation par le
9 Tribunal. Depuis lors, il est occupe un poste de très haut niveau dans
10 l'armée yougoslave; et l'accusé n'a jamais rien entrepris pour le traduire
11 en justice.
12 Le troisième homme que l'on voit sur la gauche, Milorad Ulemek. Il
13 commandait une unité des forces spéciales serbes. Cette unité a été
14 impliquée dans les crimes de guerre en Bosnie, en Croatie et au Kosovo
15 pendant la guerre qui a eu lieu en cet endroit.
16 Au fur et à mesure de la présentation des éléments de preuve, on parlera
17 d'événements qui, apparemment, n'ont aucun lien entre eux; mais la réalité
18 que doit trouver la Chambre dans sa recherche de la vérité, c'est qu'il
19 s'agissait effectivement d'une entreprise coordonnée, d'une entreprise
20 criminelle commune et que ces trois hommes, ces trois hommes que nous
21 avons vus ici, agissaient de concert et qu'il existait un lien entre eux
22 et l'accusé.
23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il n'est pas nécessaire que je
24 reprenne, chef d'accusation par chef d'accusation, tout ce qui figure dans
25 l'Acte. L'accusé dispose de cet Acte d'accusation, ceci lui a été
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1 communiqué et, en temps utile, nous présenterons des éléments de preuve
2 relatifs à la Croatie.
3 Tout ce que j'ai dit ici est un résumé de la situation pour signifier cela
4 à l'accusé.
5 Mais que se passait-il? Réfléchissons un instant dans un esprit de bon
6 sens pour voir ce qui se passait à ce moment-là.
7 Nous avons donc trois zones qui recherchent l'indépendance serbe. Par
8 exemple, Dubrovnik. Est-ce que c'étaient des zones qui pouvaient être
9 indépendantes ou non? A quelle structure ces zones voulaient-elles
10 appartenir? C'était la Serbie.
11 Au moment où cela se passait, est-ce qu'il était possible de se rattacher
12 à quelque chose qui existait en Bosnie? Non, pas encore. Est-ce qu'ils
13 allaient essayer de se rattacher à une structure quelconque sans le
14 consentement de la Serbie et de son dirigeant? Non. Est-ce qu'ils allaient
15 faire quoi que soit sans sa participation? Non.
16 Mais bien entendu, en temps utile, nous vous présenterons les éléments de
17 preuve à l'appui de ce que je viens de vous dire.
18 (Déclaration liminaire relative à l'Acte d'Accusation pour la Bosnie, par
19 M. Nice.)*
20 Maintenant, je vais passer à l'Acte d'accusation pour la Bosnie. Et, aux
21 termes de cet Acte d'accusation, nous avons présenté des crimes et des
22 infractions qui entrent dans les mêmes catégories que pour la Croatie.
23 Mais on retrouve dans cet Acte d'accusation le génocide, contrairement à
24 l'Article 4 du Statut.
25 A la fin de la présentation des moyens de l'accusation, nous vous
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1 affirmerons que l'accusé avait l'intention de détruire les Musulmans de
2 Bosnie et les Croates de Bosnie, en tout ou partie. Et afin de réaliser
3 cette entreprise criminelle, la persécution n'était pas suffisante.
4 L'objectif était également de faire partir les non-Serbes du territoire.
5 On peut aussi considérer que l'accusé était complice et qu'il savait que
6 les principaux responsables se rendaient coupables de génocide et qu'il
7 les a aidés. De plus, en tant que supérieur, aux termes de l'Article 3 du
8 Statut, il savait ou avait des raisons de savoir que le génocide allait
9 être commis ou avait été commis; il n'a rien fait pour empêcher les
10 auteurs de ce crime de ce faire.
11 Quelques mots avant de passer au reste de cet Acte d'accusation.
12 Bien entendu, c'est le crime de tous les crimes; c'est un crime qui est
13 utilisé hors du contexte juridique par ceux qui ont souffert de ce genre
14 d'exaction et, bien entendu, parfois il est difficile de comprendre ou de
15 leur faire comprendre que, malgré leurs souffrances, le terme ne
16 s'applique pas en fait du point de vue juridique. Parce qu'il y a une
17 différence entre l'utilisation de ce terme dans un contexte genre
18 juridique et son utilisation dans un prétoire.
19 Même si le mot "génocide" décrit le crime le plus horrible qui puisse se
20 concevoir, cela ne signifie pas nécessairement que les crimes qui sont
21 qualifiés de "génocides" sont les crimes les plus atroces. Parce qu'en
22 fait, il faut bien comprendre l'acception de ce terme de "génocide". Et
23 c'est exactement ce qui va se passer ici, dans ce prétoire. Nous sommes
24 tout à fait conscients de notre obligation, l'obligation d'obtenir une
25 condamnation pour "génocide" si les éléments juridiques sont là. Bien.
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1 Maintenant, je passe à la Bosnie. La Bosnie, c'était l'une des six
2 Républiques constituantes de la République socialiste fédérative de
3 Yougoslavie. Par le passé, cela avait été un Etat médiéval conquis par
4 l'empire ottoman au XVe siècle. La Bosnie a été ensuite inclue dans le
5 royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, après avoir été
6 brièvement autonome. Ensuite, c'est devenu partie de la Yougoslavie.
7 Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la Bosnie-Herzégovine a été
8 incorporée dans l'Etat indépendant de Croatie qui était soutenu et
9 encouragé par l'Allemagne et l'Italie. Il y a eu le régime Oustacha,
10 coupable de violences systématiques et généralisées dans le but d'éliminer
11 les Serbes et d'autres groupes jugés indésirables. Ce sont les Musulmans
12 qui ont souffert le plus en Yougoslavie, proportionnellement, après les
13 Juifs.
14 La Bosnie-Herzégovine est réapparue en tant qu'unité administrative
15 indépendante après la Deuxième Guerre mondiale avec l'établissement la
16 RSFY. On y trouvait trois religions: les Serbes étaient en majorité
17 orthodoxes, les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans.
18 Les Musulmans ont peu à peu constitué une nation distincte. Ceci a été
19 reconnu par le Gouvernement yougoslave en 1970.
20 Suite à la Deuxième Guerre mondiale, les relations entre les Serbes de
21 Bosnie et les Croates et les Musulmans se sont améliorées sous le régime
22 de Tito. Bien entendu, les perceptions varient, mais on peut dire que,
23 déjà dans les années 80, les membres des trois groupes cohabitaient
24 pacifiquement, surtout dans les villes.
25 Nous passons ensuite aux élections de novembre 1990. J'en ai déjà parlé,
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1 je crois. Le butin obtenu par le Gouvernement était divisé entre ses
2 complices, le SDS de Bosnie-Herzégovine, qui était une antenne du SDS de
3 Croatie; nous avons vu quelles étaient les responsabilité de ce parti.
4 Avec la poursuite de la guerre en Croatie, il est devenu de moins en moins
5 probable que la Bosnie-Herzégovine ne se déclare pas, elle aussi,
6 indépendante de la République socialiste fédérative de Yougoslavie.
7 Le SDS, comprenant peut-être qu'il ne serait pas en mesure de prévenir la
8 sécession de la Bosnie-Herzégovine par rapport à la Yougoslavie, a
9 entrepris la création d'une entité serbe séparée au sein de la Bosnie-
10 Herzégovine et de plusieurs régions autonomes serbes, qui ont été formées,
11 tout comme en Croatie.
12 Nous voyons ici une carte qui est intitulée "Districts ou régions
13 autonomes serbes, définis par la proclamation du 21 novembre 1991, publiés
14 dans le Journal officiel", des zones qui sont bien connues ici au
15 Tribunal: Romanija, Birac, etc.
16 Peu de temps après, l'accusé et Karadzic, et d'autres ont établi un plan
17 pour expulser de manière permanente les Musulmans et les Croates de
18 Bosnie, ceci par le biais d'une campagne de persécution. Au printemps
19 1992, ce plan a été mis en oeuvre. Et là où la persécution ne s'avérait
20 pas suffisante, le plan et son exécution se sont transformés en génocide.
21 Nous affirmons, quant à nous, que l'accusé a tout fait pour dissimuler sa
22 participation à cette entreprise criminelle. Cependant, les dirigeants
23 serbes de Bosnie et les militaires serbes de Bosnie n'auraient pas pu
24 faire ce qu'ils ont fait sans l'aide constante, conséquente et informée de
25 l'accusé.
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1 Il y a différentes manières d'examiner les liens qui existaient entre eux.
2 Pendant toute l'année 1991, les dirigeants serbes de Croatie, les
3 dirigeants serbes de Bosnie, les éléments de la JNA et certains éléments
4 de la direction de la Yougoslavie opéraient dans le cadre d'un plan
5 unique. Il s'agissait d'éliminer les frontières avec la Croatie et la
6 Bosnie. Ceci a été répété plusieurs fois par l'accusé; il a dit par
7 exemple, le 15 janvier 1991 -je cite-: "Le peuple serbe, lui, il veut
8 vivre dans un seul Etat. Donc, en ce qui concerne le peuple serbe, il veut
9 vivre dans un Etat. De fait, la division entre plusieurs Etats qui
10 sépareraient le peuple serbe et forcerait le peuple serbe à vivre dans
11 différents Etats souverains est, de notre point de vue, totalement
12 inacceptable." (Fin de citation.)
13 Ce que cela signifiait pratiquement, on l'a vu pendant la guerre en
14 Croatie, c'est-à-dire qu'on a fait partir de manière permanente les
15 groupes de la population qui étaient indésirables. L'accusé a joué
16 également un rôle très important dans le vote de la loi serbe sur la
17 défense qui, en cas de guerre, plaçait la police et la Défense
18 territoriale sous le contrôle du Président lui-même. L'article 39 de cette
19 loi établissait la légitimité apparente du ministère de la Défense serbe
20 en ce qui concernait le recrutement et l'équipement d'unités
21 paramilitaires serbes qui ont été envoyées en Bosnie et qui ont participé
22 à des opérations de nettoyage ethnique dans certaines municipalités
23 ciblées. Donc préparation avec cette loi et exécution avec la mise en
24 place de cette loi des actions des Serbes en Bosnie. Karadzic, qui est
25 bien entendu le dirigeant de ce parti, partageait la vision de Milosevic.
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1 Le 23 février 1991, en présence de Milosevic, il a dit la chose suivante
2 -je cite-: "Nous ne voyons pas pourquoi ceci devrait faire l'objet d'une
3 discussion, parce que les Serbes vivant dans un Etat rassemblé, c'est
4 aussi naturel que la pluie qui tombe. C'est naturel que les Serbes vivent
5 dans un seul et même Etat." Et le 26 février 1991, Karadzic a reconnu
6 Milosevic en tant que représentant des Serbes de Bosnie en cas de
7 désintégration de la Yougoslavie. Et ceci, dès le début février 1991.
8 Le 25 mars 1991, Milosevic et Tudjman se rencontrent dans le cadre de
9 Karadjordjevo -j'en ai déjà parlé- et le parti, le SDS de Bosnie, a
10 déclaré que seul Milosevic était autorisé à représenter les Serbes de
11 Bosnie dans les négociations sur l'avenir de la Yougoslavie. Ils ont dit
12 qu'ils lui avaient fait part de la position de leur parti. Si cela n'avait
13 pas été lui, ç'aurait été Izetbegovic.
14 Donc tout ceci nous montre les liens qui existaient entre toutes ces
15 instances.
16 Karadzic, encouragé de manière répétée par l'accusé, a placé le SDS à la
17 disposition de l'armée yougoslave; ceci afin de fournir de l'aide, de
18 fournir des hommes à cette armée dans le cadre de ces opérations en
19 Croatie, pendant l'été et l'automne de 1991.
20 Donc lien entre trois des intervenants des partis importants, et pas
21 simplement deux d'entre eux. D'autre part, il y a eu des communications
22 téléphoniques constantes avec l'accusé, avec d'autres représentants
23 officiels à Belgrade, pour parler de questions qui les intéressaient de
24 manière commune. Et nous pourrons présenter des extraits, des
25 transcriptions de ces conversations téléphoniques. Dans le cadre de ces
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1 contacts, il se présente pratiquement tout le temps comme un partisan très
2 actif, très zélé, de toutes les idées qui sont développées à Belgrade.
3 Suite à une discussion au sujet de la préparation de la conférence de La
4 Haye qui eu lieu ici, le 29 octobre 1991, il est rassuré par l'accusé qui
5 lui dit que leur conversation, en fait, participe d'une espèce d'organe de
6 coordination qui protège les intérêts du peuple serbe.
7 La chronologie des événements pour ce qui est de la Republika Srpska.
8 Commençons par la proclamation, en septembre 1991, de la région autonome
9 d'Herzégovine; vous la voyez sur la carte. Le 16 septembre, est proclamée
10 la Krajina. 15 octobre: il y a une réunion du conseil du…
11 Excusez-moi, j'ai omis quelque chose que j'aurais dû mentionner avant,
12 effectivement, de passer à ceci. Là, nous parlions de deux proclamations
13 d'indépendance… Mais revenons sur ce qui était écrit par un groupe de
14 réservistes de la JNA en octobre 1991. Je vais prendre ma copie de ce
15 texte. Ceci émane d'un groupe de réservistes de la JNA et est adressé à
16 plusieurs personnes, dont l'accusé: à Kadijevic, à Karadzic, à Plavsic et
17 à d'autres. Ceci a été écrit en octobre 1991, semble-t-il.
18 Deuxième paragraphe, je le lis: "Nous aimerions tout d'abord expliquer que
19 nous avons choisi d'agir de la sorte du fait du traitement inhumain que
20 nous avons subi de la part de certains officiers qui nous ont donné les
21 tâches les plus horribles: liquidation de Musulmans, de Croates. Ils nous
22 ont menacés de cour martiale si nous n'obéissions pas à ces ordres. Les
23 conditions pratiquement brutales dans lesquelles nous vivions expliquent
24 aussi pourquoi nous avons décidé de prendre ces mesures. Et puis, on parle
25 d'autres raisons qui nous ont poussées à prendre ces mesures, nous ne
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1 communiquerons que les officielles".
2 Deux choses apparaissent. Une chose que je disais dès le départ ce matin:
3 est-ce que l'accusé savait ce qui était en train de se faire? Bien sûr que
4 oui.
5 15 octobre: le SDS, le parti démocratique serbe, crée l'assemblée du
6 peuple serbe de Bosnie-Herzégovine.
7 Le 22 octobre, l'accusé appelle à la création d'un Etat serbe uni et la
8 présidence tronquée appelle à une mobilisation des réservistes, ceux qui
9 veulent rester en Yougoslavie.
10 Le 26 octobre, Karadzic déclare la mobilisation de la Défense territoriale
11 et des unités de terrain en Bosnie-Herzégovine et dans la République serbe
12 de Bosnie-Herzégovine. Karadzic devient beaucoup plus clair au sujet de
13 l'aspect de cet Etat serbe.
14 Un plébiscite devait être organisé en novembre 1991 mais avant cela, il
15 dit: "Je vous dis que, quelle que soit la forme de la Bosnie que nous
16 aurons un jour, aucune fondation musulmane n'existera dans les villages
17 serbes, dans les zones serbes. Et que l'on importe ou pas des Turcs, ce
18 sera le cas parce que nous donnons instruction aux Serbes de ne pas vendre
19 du terrain aux Musulmans." (Fin de citation.)
20 Et il continue, dans ce discours public, après des applaudissements
21 nourris -je cite-: "Les premières fondations qui seront créées par les
22 Musulmans seront plastiquées, dynamitées. Nous ne donnerons pas, nous ne
23 vendrons pas non plus notre terre aux Musulmans. Il ne faut pas le faire.
24 C'est un combat qu'il faut mener à son terme, une bataille pour l'espace
25 vital". (Fin de citation.)
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1 Et on trouve dans la même allocution d'autres passages tout à fait
2 intéressants. Je cite: "Karadzic demande donc le départ des hommes qu'il
3 ne souhaite pas continuer à voir au sein de la radio et de la télévision
4 locales", et il donne des indications quant à la forme que doivent prendre
5 les communautés locales, les régions, les municipalité et ce, de la façon
6 la plus énergique et la plus stricte. Il dit: "les Serbes n'ont pas besoin
7 d'une armée, puisque leur armée est ici. Ses objectifs sont les mêmes que
8 les nôtres à cent pour cent. Ne laissez pas d'équipement militaire ou
9 quelque possession de l'armée sans surveillance, ne le faites pas. Ce
10 serait très regrettable. Nous perdrions l'Etat si nous perdons cette
11 armée". (Fin de citation.)
12 Les 9 et 10 novembre, un plébiscite est organisé par les Serbes de Bosnie.
13 Le résultat est peut-être d'une importance discutable compte tenu des
14 questions qui sont posées, mais le résultat concerne la suite de
15 l'existence de la Yougoslavie.
16 Au sujet du droit à l'autodétermination, on lit: "Pour la défense complète
17 et permanente des droits et des intérêts du peuple serbe, le peuple serbe
18 de Bosnie-Herzégovine décide que le peuple serbe de Bosnie-Herzégovine
19 continuera à faire partie d'un Etat yougoslave uni comprenant la Serbie,
20 le Monténégro, la Région autonome serbe de Krajina, la Région automne
21 serbe de Slavonie", etc. Enfin, je ne vais pas jusqu'au bout. Je poursuis.
22 Pour la Romanija et la Semberija, la position de ces régions, au sujet de
23 ces régions, est déclarée le 21 novembre. Le même jour, l'Assemblée
24 proclame que tout endroit peuplé à plus de 50% par des Serbes qui votent
25 demeurera au sein de la Yougoslavie. Et le 11 décembre, l'Assemblée
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1 demande que l'armée yougoslave protège, en tant que parties de la
2 Yougoslavie, les régions de Bosnie-Herzégovine où le plébiscite a eu lieu.
3 Le 19 décembre, le parti de Karadzic donne des instructions pour la prise
4 des municipalités, et le 9 janvier 1992, l'Assemblée adopte une
5 proclamation créant la République serbe de Bosnie-Herzégovine qui se
6 déclare partie intégrante de la Yougoslavie fédérale. Le territoire de
7 cette République est déclaré faire partie des territoires de la région
8 autonome serbe et être peuplé par des Serbes de Bosnie-Herzégovine, donc
9 constituer une entité serbe en Bosnie-Herzégovine, et recouvre les régions
10 dans lesquelles la population serbe est encore minoritaire en raison du
11 génocide mené contre lui au cours de la deuxième guerre mondiale, déclare-
12 t-il.
13 Il est déclaré que ces régions font partie de l'Etat yougoslave en
14 changeant de nom. Et le 12 août, le nouveau nom est adopté, un nom que
15 l'on connaît sans doute tous très bien aujourd'hui: la Republika Srpska.
16 En janvier de cette même année, les organisations des Droits de l'homme et
17 autres diplomates internationaux ont été informés des crimes commis par
18 les "Tigres d'Arkan", les hommes de Seselj, les hommes du capitaine
19 Dragan, qui étaient tous basés en Serbie. L'accusé en est informé, il
20 promet d'enquêter et de punir les responsables, ce qu'il ne fait jamais.
21 Au lieu de cela, il continue -selon l'accusation- à encourager d'autres
22 entreprises criminelles destinées à faire en sorte que ces hommes aient le
23 soutien nécessaire dont ils ont besoin pour continuer à commettre les
24 crimes déjà commencés.
25 Regardons maintenant la carte qui fait partie des nombreuses cartes
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1 montrées au cours de ce procès, mais c'est celle qui indique quelles sont
2 les ambitions suprêmes du parti à l'époque.
3 Le long de la ligne rouge qui a été apposée sur cette carte, vous voyez
4 l'étendue du territoire concerné. On le voit maintenant en bleu. Il devait
5 faire partie donc de la Republika Srpska. Et bien sûr, il y a aussi les
6 zones serbes en Croatie.
7 Plan ambitieux véritablement -et les documents montrent quel était l'état
8 d'esprit des gens qui l'ont élaboré-, un plan qui, bien entendu, ne tenait
9 aucun compte des intérêts de beaucoup.
10 Le 29 février, ou plutôt entre le 2 mars et le référendum… Ou plutôt le 2
11 mars ou aux environs de cette date, un référendum est donc organisé, qui
12 est boycotté par les Serbes; il s'agit de voter pour l'indépendance.
13 Le 18 mars à la 11e Session de l'Assemblée serbe de Bosnie, la décision
14 est prise de préparer des propositions destinées à prendre le pouvoir dans
15 la République du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine. C'est ce qui se passe
16 avec appui militaire. Indépendamment de cela, les Etats-Unis et la
17 Communauté européenne reconnaissent l'indépendance de la Bosnie-
18 Herzégovine, le 6 avril.
19 Ensuite, arrive la date du 12 mai, date de la 16e Assemblée, au cours de
20 laquelle un document très bien connu, je crois, est discuté. Karadzic fait
21 un discours à cette occasion, destiné au peuple serbe de Bosnie-
22 Herzégovine, et dépeint en douze points les éléments principaux de son
23 programme:
24 "La partie serbe de Bosnie-Herzégovine, la présidence, le gouvernement, le
25 Conseil de la sécurité nationale que nous avons créés ont formulé les
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1 priorités stratégiques du peuple serbe. Mais le premier objectif de ce
2 genre est la séparation des deux autres communautés nationales, séparation
3 des Etats, séparation de ceux qui sont nos ennemis et qui ont tiré profit
4 de tout, notamment au cours du siècle actuel, pour nous attaquer et qui
5 continueront à faire ce qu'ils ont toujours fait si nous ne sommes pas
6 tous ensemble dans le même Etat.
7 Deuxième objectif stratégique: il me semble qu'il s'agit du corridor à
8 créer entre la Semberija et la Krajina. De cette façon, un objectif
9 stratégique important sera atteint parce qu'il n'y aura plus de Krajina,
10 plus de Krajina bosniaque, plus de Krajina serbe. Il y aura une union des
11 Etats serbes qui ne sera pas possible si nous n'assurons pas le contrôle
12 de ce corridor, qui nous permettra de circuler librement d'une partie à
13 l'autre de notre Etat.
14 Troisième objectif stratégique: créer un corridor dans la vallée de la
15 Drina. Il s'agit donc d'éliminer la Drina en tant que frontière entre deux
16 mondes différents. Nous sommes des deux côtés de la Drina. Notre intérêt
17 stratégique et notre espace vital font partie de nos objectifs
18 stratégiques fondamentaux: il faut créer une frontière sur la rivière Una
19 et la Neretva.
20 Cinquième objectif stratégique: diviser la ville, une certaine ville entre
21 deux parties, une partie musulmane et une partie serbe, et mettre en
22 vigueur, faire fonctionner un Etat et un Gouvernement effectifs dans
23 chacun de ces deux éléments constitutifs, dans chacune de ces deux entités
24 constitutives.
25 Sixième objectif stratégique: accès à la République serbe de Bosnie-
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1 Herzégovine, accès pour cette République à la mer. Ce n'est pas anodin,
2 c'est très important. Certaines choses sont plus importantes que d'autres
3 ou plus réalisables que d'autres." (Fin de la citation.)
4 Lors de la même réunion, Mladic, le général Mladic -qui est bien entendu
5 mis en accusation par ce Tribunal- a annoncé qu'il serait possible de
6 séparer les Serbes de ceux qui poursuivaient le génocide.
7 L'Acte d'accusation de la Bosnie, bien entendu, démarre en mars 1992.
8 L'historique donc en résumé est le suivant: avec la création de la
9 Republika Srpska, appuyée par l'accusé, et avec la séparation, le
10 démantèlement de la Bosnie-Herzégovine, les municipalités devaient être
11 prises et des meurtres ont suivi, tous commis avec le soutien de l'accusé,
12 selon l'accusation de ce Tribunal.
13 Les crimes ont été commis et, en janvier et jusqu'à mai 1993, ils se sont
14 poursuivis. A cette date, une date a été décrétée par l'intermédiaire de
15 Karadzic et de l'accusé: il s'agissait donc de faire appliquer le plan
16 connu sous le nom de "plan Vance-Owen". L'accusé a défendu l'adoption de
17 ce plan, les Serbes de Bosnie l'ont rejeté. Selon l'accusation, et bien
18 sûr les éléments de preuve devront permettre de le déterminer, le soutien
19 financier et le soutien public ont continué à se manifester.
20 Dans une déclaration datée du 11 mai -en fait, deux déclarations ont été
21 faites le même jour, mais je vais les résumer ensemble-, l'accusé a
22 déclaré la chose suivante: "D'abord, la décision au sujet du plan de paix
23 concerne les intérêts de la Yougoslavie, de la Serbie, de la Krajina, du
24 Monténégro, de la Krajina de Croatie et de la République serbe de Bosnie-
25 Herzégovine. C'est-à-dire tous les citoyens de la nation serbe et pas
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1 seulement les citoyens de la République de Serbie."
2 Il a poursuivi en disant -je cite-: "Je considère, par conséquent, que la
3 décision sur ce point ne peut pas être prise uniquement par les habitants
4 de la République de Serbie, mais par tous les représentants élus aux
5 différents parlements de Yougoslavie, Serbie, Monténégro, Krajina et en
6 Republika Srpska également, dans le plein respect des intérêts des
7 citoyens, pour la paix, la liberté, l'égalité et contre la guerre et la
8 violence". (Fin de citation.)
9 L'extrait que vous voyez actuellement sur le rétroprojecteur –en tout cas,
10 je le pense- vous montre la déclaration suivante –je cite-: "Ces deux
11 dernières années, la République de Serbie, en aidant les Serbes qui vivent
12 hors de Serbie, a tiré beaucoup sur son économie, compte tenu des efforts
13 massifs qui ont été investis. Et les citoyens ont dû consentir
14 d'importants sacrifices. Ces efforts et ces sacrifices atteignent
15 aujourd'hui les limites du tolérable. Une grande partie de l'aide envoyée
16 aux habitants et aux combattants de Bosnie-Herzégovine leur était
17 destinée, mais une grande partie de cette aide a aussi été distribuée aux
18 500.000 réfugiés présents en Serbie. La Serbie a perdu une grande partie
19 de l'aide…"
20 Je prie les interprètes de m'excuser; je me rendais compte que j'étais en
21 train d'accélérer. Il faudrait que je reprenne à un rythme plus
22 raisonnable.
23 Donc les limites de l'aide ont été atteintes.
24 Nous sommes maintenant à la mi-1993. Et puisque, selon ce qu'affirme
25 l'accusation aux Juges de cette Chambre de première instance, tout ce qui
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1 concerne l'accusé devra être examiné de façon intégrée, il peut être utile
2 de réfléchir quelques instants à ce qui se passait chez l'accusé.
3 J'ai déjà dit, il y a quelques instants, que nous allons pouvoir constater
4 de quelle façon cet homme voulait recourir à la force, utiliser la force.
5 Même seule, le cas échéant.
6 Sur cette séquence vidéo, nous verrons comment les choses se sont passées
7 et quelle influence cela a eu, y compris en Serbie, et ce, dès le moment
8 où le plan conclu avec Karadzic est en train d'être mis en oeuvre.
9 (Diffusion de la vidéo.)
10 Une manifestation: voici comment le MUP -la police ou, en tout cas, une
11 partie de cette police-, voici comment le MUP traite ceux qui n'acceptent
12 pas. Voilà donc l'Etat, la patrie, créé par cet homme, par l'accusé qui
13 affirme qu'il n'a agi que dans l'intérêt légitime de chacun.
14 J'en reviens à présent à la division entre l'accusé et Karadzic. Il y a eu
15 une frontière entre la Republika Srpska et la Serbie, mais pas jusqu'en
16 1994. Et même à cette époque, cette frontière n'existait que pour la
17 circulation militaire. Il y a eu réduction de l'appui financier et de
18 l'appui militaire accordés à la Republika Srpska, comme Mladic devait le
19 faire savoir par la suite.
20 En dépit des désaccords survenus entre l'accusé et Karadzic, la véritable
21 division, s'agissant de la coopération qui unissait la République de
22 Serbie et la Republika Srpska, n'a pas eu lieu. Les frontières ont été
23 fermées pendant la période qui va d'août à novembre 1994, mais il a été
24 impossible d'empêcher la coopération entre ces deux entités, car les
25 affaires traitées étaient trop importantes et il était impossible pour
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1 l'accusé d'ignorer la protestation des entreprises serbes qui souffraient
2 sur le plan financier en raison de l'embargo.
3 En juillet 1994, donc juste avant la rupture, cette division s'était déjà
4 manifestée par la fermeture des frontières, mais un groupe de travail
5 ministériel s'est donc réuni à cette date pour traiter des problèmes qui
6 existaient. Ce qui signifiait que la République de Serbie aidait toujours
7 financièrement ces projets et que le ministère serbe, pour la coopération
8 avec les Serbes vivant hors de Serbie, était toujours responsable et
9 agissait toujours.
10 Selon l'accusation dans ce procès, il est clair que la coopération s'est
11 poursuivie selon des modalités très diverses.
12 Maintenant, nous devons traiter de deux événements particuliers. D'abord,
13 Sarajevo. Bien sûr, Sarajevo est mentionné dans l'Acte d'accusation; c'est
14 une ville qui a subi des attaques pratiquement permanentes, qui ont
15 terrorisé les civils entre 1992 et 1995. L'objectif, comme nous l'avons
16 déjà vu, consistait à diviser la ville et à enfermer les soldats
17 musulmans. En mai 1995, le général Mladic déclare dans un discours que
18 c'est l'armée yougoslave qui approvisionnait l'armée de la Republika
19 Srpska en armes et équipements divers puisqu'elle satisfaisait à plus de
20 50% de ses besoins.
21 Quelques mots à présent de Srebrenica. Les Musulmans de Srebrenica
22 vivaient dans une enclave, qui était une zone de sécurité des Nations
23 Unies, et les Musulmans ont été, malgré tout, attaqués de façon massive;
24 vous connaissez tous -et je n'ai pas besoin d'insister sur ce point- le
25 massacre qui a fait plusieurs milliers de victimes.
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1 Au début de la guerre, la direction serbe de Bosnie est devenue tout à
2 fait claire au sujet de ses intentions. Et l'accusation, au cours de ce
3 procès, affirme que l'accusé devait savoir ce qui se passait.
4 Nous avons déjà vu les six objectifs qui avaient été établis, le document
5 dont je parlais tout à l'heure avec les six objectifs stratégiques. Le 12
6 mai 1992, le ministre serbe de Bosnie chargé de la Santé affirme que
7 l'armée des Serbes de Bosnie ou l'armée -peut-être était-ce la JNA à
8 l'époque- aurait dû détruire l'hôpital civil du Gouvernement de Bosnie à
9 Sarajevo. Et quand la guerre a commencé en Bosnie, des unités liées à
10 l'accusé ont été parmi les premières à commettre un certain nombre de
11 crimes. "Arkan" en particulier, à Bijeljina, dès le 1er avril 1992, a
12 commis un certain nombre de crimes; la JNA en a commis d'autres ailleurs.
13 Tout cela peut être vérifié.
14 Et tout cela s'est fait sous le contrôle de l'accusé. La JNA était encore
15 présente en Bosnie. L'accusé ne s'inquiétait plus de masquer le contrôle
16 qu'il exerçait sur elle. Un haut responsable international a été témoin de
17 ce qui suit -il en témoignera-: il a été témoin de discussions qui ont eu
18 lieu en novembre 1991 et qui concernaient le rôle de l'armée yougoslave
19 dans cette région. L'accusé a déclaré qu'il accepterait le retrait de
20 l'armée dès lors qu'une opération de maintien de la paix était mise en
21 place par les Nations Unies. Donc telle était sa position s'agissant de
22 l'armée fédérale et s'agissant de ce qu'il convenait de faire sur le
23 territoire de la Bosnie qui subissait déjà des attaques.
24 Qu'en est-il du rapport entre le la JNA et l'armée de la VRS, c'est-à-dire
25 de l'armée des Serbes de Bosnie? Bien que, théoriquement, la JNA se soit
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1 retirée de Bosnie-Herzégovine…
2 Et là, je me dois de présenter encore un organigramme. Les Juges sont en
3 possession de ce document. Donc nous voyons sur ce document, en haut, une
4 illustration simplifiée de la participation de l'accusé à cette entreprise
5 criminelle commune. En haut, à gauche, un rappel indiquant que les lignes
6 de cet organigramme ne représentent pas nécessairement la hiérarchie de
7 commandement et de contrôle entre les différents éléments stipulés à
8 l'organigramme.
9 Nous sommes ici en présence de la même chose que tout à l'heure: le rôle
10 de l'accusé est bien établi. On a la présidence tronquée à gauche, le
11 commandement de la JNA, avec un certain nombre de personnes dont les noms
12 sont cités; puis, on trouve ce que l'on appelle le Conseil de défense
13 suprême, qui vient de voir le jour et qui se compose de représentants de
14 la présidence tronquée, ainsi que de l'accusé en personne.
15 Immédiatement en dessous, le ministère serbe de l'Intérieur, qui est placé
16 sous le contrôle effectif de l'accusé. Cet organe, dont les dirigeants
17 sont identifiés, dirige les forces spéciales serbes et, notamment, les
18 "bérets rouges" et les "hommes d'Arkan".
19 A droite, on voit la direction des Serbes de Bosnie. Il appartiendra aux
20 Juges de cette Chambre de déterminer si l'influence et le contrôle exercés
21 par cette direction correspondent bien à ce que dit l'accusation et peut
22 faire l'objet d'une déclaration de culpabilité. La direction serbe de
23 Bosnie avec, sous son contrôle, les cellules de crise; nous n'en avons pas
24 encore parlé, mais les Juges deviendront très familiers avec ce terme très
25 général. Et puis le MUP des Serbes de Bosnie et la VRS, Armée des Serbes
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1 de Bosnie, ainsi que la Défense territoriale dirigée par Ratko Mladic.
2 Maintenant, ce qui est intéressant, c'est un deuxième organigramme qui
3 cherche à établir quelles sont les éventuelles connexions; les rapports
4 qui existaient entre la JNA, à gauche, et la VRS de Ratko Mladic, à
5 droite.
6 Donc je vous présente encore un autre document, ce deuxième organigramme
7 qui comporte un certain nombre d'observations présentées de façon
8 simplifiée. La lecture de cet organigramme permet de penser que le lien
9 existant entre la VJ, armée de Yougoslavie, et la VRS -et j'utiliserai ces
10 sigles par convenance personnelle-, donc que le lien entre les deux était
11 très multiple, mais très important, comme nous le voyons ici: paiement des
12 salaires des hommes et des officiers, fourniture de l'équipement militaire
13 et des munitions, organisation des entraînements, de la formation, partage
14 des systèmes de communication et de renseignement, lien également au
15 niveau des systèmes de reconnaissance, ainsi que des dispositifs
16 techniques et radio.
17 Nous voyons donc, grâce à ces deux organigrammes, nous avons une image
18 assez précise de la relation qui existait entre le JNA et la VRS à
19 l'époque. Donc même quand ce qui s'appelait "la JNA" s'est retirée de la
20 Bosnie-Herzégovine en mai 1992, l'appui qu'elle apportait s'est poursuivi.
21 Et de ce fait, l'accusé dans ce procès assume la responsabilité des actes
22 commis sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine par la VRS.
23 Avant le retrait officiel de la JNA de Bosnie-Herzégovine, l'accusé est
24 intervenu pour des mutations de personnel nécessaires pour créer une armée
25 des Serbes de Bosnie qui soit principalement serbe, sans mélange ethnique.
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1 Cette restructuration a correspondu à son intention et à son appréciation
2 qui consistait à ce qu'une JNA principalement serbe intercède du côté des
3 Serbes de Bosnie-Herzégovine et permette de créer une armée des Serbes de
4 Bosnie distincte, quand cette nécessité existerait.
5 Depuis l'automne, date à laquelle la JNA s'est retirée en théorie de
6 Croatie, les forces sous le contrôle de la JNA ont commencé à se
7 redéployer en Bosnie-Herzégovine, certains hommes reprenant des places qui
8 venaient d'être laissées vacantes.
9 Il n'y avait pas d'autres installations militaires que la JNA.
10 M. le Président (interprétation): Lorsque vous le souhaiterez, nous
11 pouvons interrompre.
12 M. Nice (interprétation): Absolument.
13 L'accusé a donc exercé son contrôle sur la présidence yougoslave, mais, le
14 27 avril 1992, le conseil de défense suprême -dont on voit le nom
15 apparaître sur l'organigramme présenté- a vu le jour.
16 J'ai indiqué en quelques mots quelle était sa composition.
17 Cet organisme a permis à l'accusé d'exercer une influence et un contrôle
18 importants sur les autres membres du Conseil et le Conseil de défense
19 suprême, ainsi que le Président de la République avaient un pouvoir de
20 jure sur l'armée, donc sur la VRS et sur la VJ, de sorte que l'accusé a
21 sans doute exercé un contrôle très multiforme sur l'armée, aussi bien sur
22 les hommes que sur les moyens de communication et les moyens d'exercer le
23 pouvoir. Il a utilisé le poste qu'il occupait au Conseil de défense
24 suprême pour faire en sorte que l'ancienne JNA, désormais dénommée "VJ",
25 continue à appuyer et à coopérer avec la VRS de Bosnie. La VJ a contribué
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1 aux crimes commis grâce aux rapports qui existaient avec la JNA et que je
2 viens de décrire.
3 J'ai donc résumé le contenu des organigrammes. Je me suis appuyé sur les
4 annotations écrites et, pour ne pas perdre de temps, j'aimerais que nous
5 examinions un ou deux éléments de preuve, une ou deux pièces à conviction
6 qui vont illustrer mon propos.
7 Nous allons par exemple voir la pièce qui crée le 30e Centre du personnel;
8 c'est l'organe qui est responsable du paiement des officiers de la VRS. Je
9 crois qu'il y avait 12.000 officiers de la VRS. Nous avons un document qui
10 porte la date du 6 mars 1993. Dans les prochaines listes, qui doivent être
11 délivrées au plus tard le cinquième jour du mois afin que ceci soit envoyé
12 en temps utile pour assurer le paiement de l'état-major général de l'armée
13 yougoslave, ceci doit être envoyé au centre de computation militaire.
14 C'est donc ainsi que les officiers de la VRS étaient payés.
15 Je n'ai pas besoin de m'attarder sur les autres catégories.
16 Donc il y avait des formations intensives, des activités militaires
17 directes en Bosnie; ceci va faire l'objet de témoignages, surtout quand il
18 s'agit du combat pour la conquête de Bratunac, un nom tristement célèbre
19 ici.
20 Il y a aussi une déclaration publique d'un des généraux de l'armée
21 yougoslave qui admettait la présence de ces unités, admission corroborée
22 par des ordres qu'il a signés. Il a parlé du problème qu'il y avait à
23 essayer de recueillir et de loger autant d'effectifs de ces deux armées.
24 Pour ce qui est des activités militaires de ces éléments sur le terrain,
25 vous verrez cette pièce. Il y en a d'autres dans le cadre d'hélicoptères;
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1 on parle ici d'un hélicoptère. Document en date du 3 novembre: une brigade
2 des forces du MUP, 500 personnes, forces spéciales de l'armée yougoslave
3 jusqu'à 120 effectifs et des hélicoptères.
4 "Préparez les forces par une défense décisive des secteurs importants qui
5 empêchera la percée des forces ennemies à Gorazde en direction de
6 Sarajevo." C'est un ordre qui révèle qu'il y a participation des forces de
7 l'accusé puisque c'est sans doute de cette façon-là qu'il les considérait
8 à l'époque.
9 Il ne me reste que deux pièces à examiner pour terminer ce chapitre. Est-
10 ce que vous me permettez de les examiner?
11 M. le Président (interprétation): Examinez-les.
12 M. Nice (interprétation): Merci. Nous avons beaucoup d'éléments de preuve
13 en ce qui concerne la logistique, fournitures, approvisionnement. D'abord,
14 la normalisation des procédures; c'est le document suivant, document en
15 date du 15 février 1995. "Commandement: les commandants de corps et leurs
16 subordonnés peuvent adresser leurs ordres aux institutions de la SRJ et du
17 RSK", ce qui montre qu'il y a une intégration totale.
18 Document suivant: ordre qui ordonne qu'il y ait régularisation des
19 approvisionnements et systématisation des approvisionnements d'une armée
20 vers l'autre. Vous avez: "Seuls, le commandant, l'adjoint et l'assistant
21 chargé de la logistique de l'armée de la Republika Srpska ont le droit
22 d'approuver les approvisionnements directs". Il y a le partage des
23 renseignements. Nous aurons beaucoup d'éléments de preuve à ce propos.
24 Je pense pouvoir terminer mon propos d'aujourd'hui sur ces mots. Je
25 reprends la décision en appel Tadic -je ne sais pas si ceci peut nous
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1 aider, mais pour montrer qu'il y a cohésion-: "les forces armées de la
2 Republika Srpska doivent être considérées comme agissant sous le contrôle
3 général de la République fédérale de Yougoslavie et en son nom".
4 Paragraphe 162 de l'arrêt Tadic.
5 Je pense que le moment se prête bien à la suspension de l'audience. Il est
6 certain que j'aurai d'autres choses à vous dire à propos de la Bosnie
7 avant d'en arriver au Kosovo et je vais voir si je peux réduire mon temps
8 d'intervention.
9 M. le Président (interprétation): Quel sera votre temps d'intervention
10 demain?
11 M. Nice (interprétation): Je pense que je prendrai toute la matinée.
12 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous reprendrons nos travaux
13 demain matin, à 9 heures 30.
14 L'audience est suspendue.
15 (L'audience est levée à 16 heures 07.)
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