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1 (Lundi 18 février 2002.)
2 (Déclaration liminaire de l'accusé, M. Slobodan Milosevic.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
4 (Audience publique.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, à vous.
6 M. Milosevic (interprétation): Avant que de continuer là où je m'étais
7 arrêté, je tiens à vous communiquer certaines nouvelles qui concernent
8 cette affaire.
9 Avant-hier, samedi soir, le 16 février, on a mis le feu à Kosovska-
10 Mitrovica, au temple de Saint-Sava, et ce n'est qu'hier matin que
11 l'incendie a pu être éteint. Les terroristes albanais font une concurrence
12 effrénée au Procureur ici pour ce qui est de la propagande anti-serbe. Et
13 Zafir Berisha, le Président des soi-disant vétérans, à savoir des
14 terroristes, a dit dans un de ses discours que "le Kosovo serait assuré
15 rien qu'à l'intention des Albanais et à l'intention de personne d'autre".
16 Et tout cela coïncide avec les déclarations que j'ai citées, qui émanent
17 de Mme Albright et du Procureur, à savoir des citations disant: "Nous
18 sommes attelés à la même tâche."
19 Je vais maintenant poursuivre là où je m'étais arrêté.
20 L'une des conceptions stratégiques de la réalisation du contrôle global et
21 de l'asservissement des Etats tout au large du monde, consiste à provoquer
22 des conflits entre les peuples slaves et les peuples musulmans, dans
23 l'espoir de les voir s'entretuer ou au moins s'affaiblir à tel point pour
24 qu'il puisse être établi ou mis en place un contrôle sur eux. Le Kosovo et
25 la Tchétchénie, de ce point de vue, font partie d'une même chaîne à titre
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1 de maillon en guise d'exemple.
2 S'agissant des peuples yougoslaves et des peuples musulmans, on s'efforce
3 également de les affaiblir de façon accrue en suscitant les guerres entre
4 eux ou les confrontations mutuelles.
5 Le peuple yougoslave, malheureusement, depuis le début de la décennie
6 écoulée de ce XXe siècle a été une sorte de polygone d'essai et la victime
7 de cette stratégie.
8 Dans le processus de réalisation d'une domination économique, sociale,
9 politique, culturelle, psychologique sur le territoire de l'Europe, les
10 gouvernements occidentaux, en tant que titulaires de ce processus de
11 domination, ont opté en faveur d'une méthode de conflits nationaux, et ce
12 dans l'objectif de faire en sorte que ces conflits-là dévastent
13 entièrement l'ex-Yougoslavie. Cette méthode a été utilisée dans le cas de
14 l'Union soviétique et de la Tchécoslovaquie également, et elle s'est
15 avérée être rapide et fructueuse.
16 En d'autres termes, tous ces pays ex-socialistes qui avaient une
17 composition plurinationale étaient censés être anéantis moyennant tensions
18 inter-ethniques. Cela avait donc été une façon de régler les comptes à ces
19 pays et leur système politique.
20 Maintenant, s'agissant de la Yougoslavie, cette méthode ne s'était pas
21 avérée comme étant rapide et efficace de la même façon que cela avait été
22 le cas en Union soviétique et en Tchécoslovaquie. Les tensions nationales
23 n'avaient pas été suffisantes pour que le pays soit démantelé, donc il
24 fallait occasionner ou provoquer une guerre inter-ethnique.
25 La guerre a commencé de la façon suivante: on a encouragé le nationalisme
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1 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, ensuite la haine entre les nations,
2 puis les conflits entre ces dernières pour que celles-ci viennent évoluer
3 en guerre.
4 La guerre civile en Croatie entre les Serbes et les Croates, tout comme la
5 guerre en Bosnie-Herzégovine entre les Serbes, Croates et Musulmans, avait
6 été la conséquence de cet encouragement des haines nationales inter-
7 ethniques dans l'ex-Yougoslavie. Et s'agissant de ces haines inter-
8 ethniques, l'on avait investi des moyens matériels, financiers,
9 médiatiques, psychologiques, etc.
10 Ces citoyens yougoslaves avaient pris part à cette guerre médiatique et
11 autre sans en être conscients. Lorsqu'ils sont devenus conscients de la
12 chose, la guerre battait son plein en Bosnie-Herzégovine et en Croatie et
13 certains sont devenus conscients de ces faits-là seulement lorsque la
14 guerre a pris fin.
15 Il s'entend… Il en est qui, de nos jours encore, ne comprennent pas que la
16 guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie avait été le résultat de la
17 volonté et des intérêts des autres, des grandes puissances occidentales.
18 Et il est vrai que ces gouvernements avaient envoyé des émissaires pour
19 négocier dans les Républiques de l'ex-Yougoslavie avant que d'anéantir, de
20 détruire ce pays complètement.
21 Pendant la guerre, s'agissant des gouvernements de ces Etats nouvellement
22 créés à partir des Républiques de l'ex-Yougoslavie et notamment s'agissant
23 de la Yougoslavie nouvellement créée et composée de la Serbie et du
24 Monténégro, la plupart de ces émissaires n'avaient pas visé la mise à
25 terme de ces conflits et de ces disputes entre les peuples. Ils avaient,
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1 au contraire, encouragé cette politique et les protagonistes de la
2 politique, qui s'avéraient être dans leurs intérêts respectifs: à savoir
3 la politique qui visait à démanteler le pays, à conduire au
4 sécessionnisme, à la violence, à l'asservissement et à la mise en place
5 d'un nouveau colonialisme.
6 Il y a eu, bien entendu, des gens bien intentionnés et honnêtes parmi ces
7 émissaires-là, mais ceux-là étaient minoritaires.
8 L'ex-Yougoslavie a été constituée, comme l'a dit la constitution de celle-
9 ci, par la libre volonté des peuples yougoslaves, des Serbes, des Croates,
10 des Slovènes, des Macédoniens et des Monténégrins, et partant de leur
11 droit à l'autodétermination, droit qui comporte indubitablement un droit à
12 la sécession.
13 Plus tard, les Musulmans ont été définis comme étant une nation à part, et
14 à l'effigie de l'ex-Yougoslavie, on avait ajouté un sixième flambeau aux
15 armoiries.
16 Et la République socialiste de Croatie avait, dans sa constitution, été
17 définie comme étant l'Etat du peuple croate, du peuple serbe et des autres
18 peuples qui y vivaient, qui vivaient sur son territoire. Donc à
19 l'intérieur de la Croatie, les Serbes avaient un statut de peuple qui
20 sous-entendait le droit à l'autodétermination. Alors que la Bosnie-
21 Herzégovine, elle, était une Bosnie-Herzégovine en tout petit. Il y vivait
22 trois peuples et toutes les fonctions au sein de la Bosnie-Herzégovine,
23 tant au Gouvernement qu'au Parlement qu'au niveau du parti, se trouvaient
24 être réparties de façon à englober les représentants des trois peuples. La
25 Bosnie-Herzégovine, donc la Yougoslavie en tout petit, avait fonctionné
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1 sur des principes d'égalité de ces différentes nations.
2 Les frontières entre les ex-Républiques yougoslaves avaient été des
3 frontières administratives et non pas des frontières entre peuples, ou
4 encore moins des frontières d'Etats; et aucune modification de leur statut
5 s'opérant au détriment de l'un quelconque des peuples yougoslaves en
6 présence ne devait se faire sans l'accord desdits peuples, conformément à
7 ce que disait la constitution yougoslave de l'époque.
8 Toutefois, avec l'arrivée des nationalistes au pouvoir en Croatie, du jour
9 au lendemain, ils ont changé la Constitution contre la volonté du peuple
10 serbe qui était égalitaire en droit et, du jour au lendemain, ces Serbes
11 sont devenus des citoyens de deuxième ordre.
12 La sécession de la Croatie avait été promue objectif officiel, public et
13 tout de suite. Et pour la première fois après la Deuxième Guerre mondiale,
14 on a commencé à commettre des violences contre les Serbes. Et c'est
15 précisément cette Croatie qui, pendant la Deuxième Guerre mondiale, avait
16 été celle qui avait fait des Serbes des victimes du génocide de la part de
17 ce gouvernement nationaliste indépendant au niveau de la Croatie.
18 Ces territoires où ils avaient vécu en Croatie avaient été occupés avant
19 que l'Amérique, les Etats-Unis d'Amérique, l'Amérique soit colonisée, par
20 exemple.
21 Les premières formations armées de différents partis avaient fait leur
22 apparition justement en Croatie du temps de Hitler. Les Serbes s'étaient
23 opposés à la chose; ils avaient demandé à rester en Yougoslavie et ils
24 avaient bloqué les accès à leur territoire. Ces événements avaient été
25 dénommés comme étant une "révolution de troncs d'arbre" parce qu'on avait
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1 utilisé des troncs d'arbre pour obstruer les voies d'accès conduisant à
2 leur propre territoire. Comme tout un chacun peut l'imaginer, les troncs
3 d'arbre ne sauraient être un moyen d'agression à l'égard de quiconque; un
4 tronc d'arbre ne peut constituer qu'un obstacle et rien de plus.
5 Les tensions ont évolué, ont grandi, mais les activités ont également été
6 lancées pour ce qui est de la recherche de solutions visant à éviter le
7 conflit. La Communauté européenne -à savoir ce qui est devenu par la suite
8 "Union européenne"- avait envoyé Carrington pour se porter au secours. Je
9 crois qu'il avait souhaité aider à trouver une solution politique et
10 éviter le conflit. Ces efforts-là auraient sans doute réussi si
11 l'Allemagne n'avait fait un geste radical et si elle n'avait pas reconnu
12 la Croatie d'un coup dans ses frontières existantes; et elle a mis un
13 terme à tous les efforts de recherche d'une solution. La Croatie avait
14 donc affirmé son droit à la sécession et les conflits ont pris de
15 l'ampleur.
16 En Bosnie-Herzégovine, il y a eu des tensions qui montaient, qui
17 augmentaient. On est arrivé pourtant à une solution: on avait approuvé le
18 plan que le représentant de M. Carrington, le diplomate espagnol
19 Cutilheiro, avait proposé et les trois parties en présence avaient accepté
20 cet accord; c'est ce que l'on avait appelé "l'Accord de Lisbonne".
21 Malheureusement, à la suggestion de l'ambassadeur américain Warren
22 Zimmerman, M. Izetbegovic, représentant du peuple musulman, a retiré sa
23 signature et il a été décidé de procéder à la sécession de la Bosnie sans
24 qu'il y ait participation des Serbes, ou plutôt malgré l'opposition des
25 Serbes. Donc en dépit de l'opposition de l'un des peuples constitutifs, il
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1 a été procédé à une sécession de force, anticonstitutionnelle.
2 La communauté européenne a tout de suite reconnu prématurément
3 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, en ignorant la volonté du peuple
4 serbe. Cette reconnaissance, pour que le cynisme soit plus grand, a été
5 faite en date du 6 avril, date à laquelle, pendant la Deuxième Guerre
6 mondiale, Hitler avait attaqué la Yougoslavie.
7 Mais, même à ce moment-là, les Serbes n'ont pas entamé des violences; on
8 avait toujours continué à rechercher des solutions pacifiques.
9 Malheureusement, l'autre partie ne s'est pas retenue pour ce qui est du
10 recours à la force. Et pour dire qu'il ne s'était pas agi seulement
11 d'événement, de n'importe quel événement, je voudrais vous rappeler, si
12 vous avez accompli votre travail comme il se devait, je dirais que, dans
13 la déclaration islamique, son auteur, M. Alija Izetbegovic, avait précisé
14 -je cite-: "Il ne saurait y avoir de paix et de vie conjointes entre la
15 religion islamique et les institutions non islamiques". (Fin de citation.)
16 Maintenant, s'agissant du rôle du représentant américain, cela a été
17 confirmé par le New York Times, le 29 août 1999, qui a dit que "Zimmerman
18 avait convaincu Izetbegovic d'enfreindre les Accords de Lisbonne". Et la
19 guerre civile a commencé entre les Musulmans et les Serbes; puis, par la
20 suite, entre les Musulmans avec l'appui des Croates contre les Serbes pour
21 que, par la suite, commence une guerre, un conflit entre les Musulmans
22 mêmes et les Croates aussi.
23 La Serbie s'était toujours employée en faveur d'une solution politique,
24 tant en Croatie qu'en Bosnie. En Croatie, entre le Gouvernement, enfin la
25 direction des représentants de la Krajina serbe et les autorités de Zagreb
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1 et, en Bosnie-Herzégovine, entre ces trois peuples et leurs représentants
2 respectifs.
3 Pendant tout ce temps, sans exception aucune, sans interruption aucune,
4 elle s'est employée en faveur de la mise en place d'un processus de paix.
5 Nous nous étions employés en faveur de la mise en place d'une paix
6 immédiate.
7 J'avais, tout au début du conflit, lorsque les Musulmans au centre de
8 Sarajevo s'étaient mis à tuer, à abattre des Serbes, lorsque ces tensions
9 avaient grandi parce qu'il s'était tenu une conférence islamique à
10 Istanbul, à l'époque, j'avais écrit une lettre à la Conférence islamique
11 où j'ai précisé entre autres ce qui suit -je cite-: "Les conflits doivent
12 cesser. Les Serbes et les Musulmans sont des frères. Leurs conflits ne
13 conviennent qu'aux ennemis des Serbes et des Musulmans".
14 Je dirais qu'il est bien d'autres éléments et détails qui abondent en ce
15 sens, et eux-mêmes s'étaient plaints les uns aux autres disant que les
16 Musulmans étaient précisément ceux qui allaient perdre le plus parce qu'un
17 grand nombre de Musulmans vivaient en Serbie, au Monténégro et en
18 Macédoine, et qu'il ne leur convenait pas de se dissocier de l'ex-
19 Yougoslavie, mais qu'ils n'y pouvaient rien parce que c'était là la
20 politique des grandes puissances."
21 D'un autre côté, nous, nous étions en faveur du fait qu'entre la direction
22 serbe de la Krajina et la direction de la Croatie il soit recherché une
23 solution politique.
24 Cyrus Vance, qui avait été délégué, émissaire de la Communauté européenne
25 avait suggéré au Secrétaire des Nations Unies d'envoyer là-bas des
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1 effectifs des Nations Unies. C'est alors qu'on a créé, qu'on a mis en
2 place des zones sous la protection des Nations Unies sur tous les
3 territoires en Croatie où la population serbe était majoritaire.
4 J'avais appuyé la mise en place, la mise en oeuvre de ce plan. Et à
5 l'époque encore, j'avais été critiqué. Cela peut être retrouvé dans les
6 journaux datant de l'époque. Je dirais même qu'à l'époque, le ministre des
7 Affaires étrangères de la République de Krajina serbe avait dit que
8 j'avais été soudoyé par Cyrus Vance avec 120 millions de dollars qui
9 avaient été versés à Chypre pour que je me mette d'accord, pour que la
10 Serbie soit d'accord afin que les troupes des Nations Unies viennent
11 s'installer sur ces territoires-là.
12 Et il avait été logique de voir Vance ne pas accepter de proposer aux
13 Nations Unies l'arrivée des troupes avant que ne se mettent d'accord à ce
14 sujet-là la direction de la Croatie, la direction de la Krajina serbe et
15 la direction de la Serbie, afin que la mission et le séjour de ces troupes
16 bénéficient d'un soutien général.
17 Il s'est fait une accalmie par la suite. Il n'y a pas eu de conflit
18 important. Le groupe de contact qui s'était mis en place avait oeuvré en
19 faveur d'une solution pacifique, mais l'armée croate, en dépit de la
20 présence des forces des Nations Unies, avait procédé, avait lancé des
21 attaques sur Medac Kibzep sur la Slavonie occidentale; elle avait abattu
22 beaucoup de gens et personne n'en a répondu, n'en a été tenu responsable.
23 La situation s'est re-calmée par la suite. On avait convenu aussi de
24 rouvrir l'autoroute. Il y avait d'autres plans de lancés. Le groupe de
25 contact avait exercé ses activités et ni la Yougoslavie ni la Serbie
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1 n'avaient à jouer de ce côté-là un rôle particulier parce qu'ils avaient
2 estimé qu'il s'agissait d'une question qui devait être négociée entre les
3 autorités de la Croatie et de la Krajina.
4 Ensuite, la Croatie, avec la bénédiction des Etats-Unis et de l'Europe,
5 comme Holbrooke l'a imprudemment écrit dans son livre, la Croatie a
6 agressé les Serbes dans la Krajina; elle a perpétré un massacre. Personne
7 n'a réagi, des centaines de milliers de Serbes ont été chassés des
8 territoires qu'ils avaient occupé pendant des centaines d'années. Avant
9 cette dernière guerre, ils avaient été plus de 600.000 ans en Croatie.
10 L'administration de Clinton a non seulement approuvé l'opération
11 "Tempête", mais elle avait directement pris part. C'est un secret de
12 polichinelle que de dire que l'administration de Clinton ne s'est non
13 seulement pas mêlée de cette attaque, de cette opération, mais que c'est
14 elle qui l'avait mise en place, que c'est elle qui a perpétré ce crime.
15 Je vous ai déjà dit, pendant que nous étions à en parler ici, que le
16 Washington Times a publié des textes par David Kean, disant que les Etats-
17 Unis avaient pris part à cette opération "Tempête". Et je tiens à dire
18 que, pendant toute la présence des forces des Nations Unies, les gens de
19 la Krajina n'avaient pas attaqué la Croatie. On s'était efforcé de
20 rechercher une solution politique et il n'y avait pas eu d'attaque de la
21 part des effectifs de la Krajina. Il n'y avait que des opérations de
22 défense de leurs propres villages ou de leurs propres maisons, donc des
23 villages qu'ils avaient occupés depuis des siècles.
24 La partie d'en face affirme pouvoir faire venir ici des témoins pour
25 confirmer que je n'avais pas accepté de retirer les effectifs de la JNA en
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1 attendant l'arrivée des troupes de l'ONU. Et alors? Quoique cela ne soit
2 pas vrai, parce que je ne pouvais pas donner d'ordres à la JNA, mais je ne
3 m'évade pas pour ce qui est de dire que je m'étais employé en faveur d'un
4 retrait de la JNA, seulement après l'arrivée des troupes des Nations
5 Unies; parce que, dans le cas contraire, il y aurait eu massacre des
6 Serbes, comme cela est d'ailleurs arrivé déjà pendant la Deuxième Guerre
7 mondiale en Croatie.
8 Et si je suis coupable d'avoir empêché que des centaines de milliers de
9 Serbes ne soient égorgés en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, alors c'est
10 une culpabilité que je puis accepter de porter avec la plus grande fierté,
11 car j'ai empêché un massacre et ce sont là des faits historiques. Je pense
12 que cette volonté de ma part avait été logique et équitable. Elle ne s'est
13 certainement pas faite au détriment de la partie adverse.
14 Et toute la tirade qui nous a été donnée d'entendre, s'agissant du
15 commandement et cette responsabilité dans la chaîne de commandement qui a
16 été inventée de toute pièce, est insensée parce que cela n'existe dans
17 aucun droit au monde. Cela est encore un grand mensonge car, à aucun point
18 de vue je n'avais, ni de jure ni de facto, des fonctions de commandement
19 sur l'armée populaire yougoslave, la JNA et notamment pas par cette
20 présidence tronquée parce que cette présidence n'avait pas de fonction de
21 commandement. Parce que le général Kadijevic avait déclaré, lui-même,
22 qu'il n'accepterait aucune décision de cette présidence tronquée si l'on
23 n'assurait pas une cinquième voix sur une totalité de huit membres de la
24 présidence. Chose qui, seulement, se trouvait être conforme à la
25 constitution. Et ce qui s'est avéré être vrai en fonction de la
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1 constitution, c'était la nécessité pour la Yougoslavie de se défendre.
2 Cette présidence tronquée n'était pas en mesure de donner des ordres à la
3 JNA. Et la preuve, c'est que je n'ai pas commandé cette armée parce que si
4 j'avais commandé cette armée, la Yougoslavie aurait été préservée.
5 L'armée de la République fédérale de Yougoslavie, qui a réussi à se
6 défendre contre l'OTAN, était incomparablement plus petite et elle a
7 réussi à se défendre. Nous avons réussi à nous défendre. Lorsque la
8 République fédérale de Yougoslavie a été créée, le 28 avril 1992, tous les
9 membres de l'armée qui avaient été citoyens de la République fédérale de
10 Yougoslavie, qui étaient Serbes ou Monténégrins se sont retirés vers la
11 République fédérale de Yougoslavie. Ceux qui étaient originaires des
12 autres républiques, logiquement et normalement, étaient restés dans leur
13 propre république respective.
14 Il y a certes eu des exceptions qui ont découlé de l'option de la décision
15 de tout un chacun, et il y a eu des volontaires, mais cela a été un nombre
16 mineur. Il y a eu des exceptions qui ont été dues à des relations
17 familiales; ce qui avait été, en fin de compte, une conséquence logique
18 étant donné que jusque-là nous avions constitué un seul et même Etat.
19 Et par la suite, c'est le Président de la République fédérale de
20 Yougoslavie qui avait commandé l'armée, c'était Dobrica Cosic, à l'époque,
21 et le Premier ministre avait été un homme à vous, Mr Milan Panic; ce sont
22 eux qui avaient tenu les rênes de l'armée. Et tout un chacun sait que je
23 n'avais pas pu influer sur celle-ci parce que quand ils ont commencé à
24 travailler ensemble, leur objectif principal avait été celui de me
25 révoquer. Mais je n'avais pas de relations à leur égard qui permettraient
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1 d'influer sur leurs actes.
2 Maintenant, s'agissant de l'exécution de mes ordres, de mes instructions
3 en direction de la Republika Srpska et de la Krajina, seuls ceux qui ne
4 savent rien du tout au niveau du degré de susceptibilité aux hommes
5 politiques yougoslaves et notamment serbes et de leur intolérance vis-à-
6 vis de toutes tentatives d'immixtion, pourraient donc s'imaginer qu'il y a
7 eu quelque organisation ou plan quelconque.
8 Du reste, au lieu de milliers de pamphlets construits de toutes pièces ou
9 d'inventions de toutes pièces, vous n'avez qu'à vous pencher sur les
10 journaux de l'époque pour juger des relations de la direction de la
11 Serbie, moi compris, et la direction de la Republika Srpska et vous
12 pourriez voir quelles étaient les paroles graves. Je dirai même: les
13 paroles offensantes qui avaient été prononcées de leur part à mon égard.
14 Cela avait été un paradoxe que tout un chacun pouvait voir.
15 Nous avions essayé d'aider le peuple serbe à survivre mais nos relations
16 avec la direction étaient mauvaises. Nous étions des gens de gauche. Eux,
17 ils étaient de droite. Et l'opposition de droite en Serbie les appuyait,
18 leur apportait leur soutien. Et ce soutien avait été mis à profit dans
19 leurs rhétoriques contre moi.
20 Je ne considérais pas cela comme important car le peuple savait que je
21 travaillais toujours dans son intérêt. De toutes les façons, un lien
22 établi entre les dirigeants de la Republika Srpska et d'autres serait une
23 chose tout à fait insensée. Il y a tant de preuves à l'appui d'ailleurs.
24 Vous n'avez qu'à regarder seulement les réactions à la suite de Dayton et
25 toutes ces accusations vraiment serbes à mon égard pour ce qui est de
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1 parler des Accords de Dayton.
2 Pour parler de la déclaration de Karadzic que vous avez citée, selon
3 laquelle les Serbes ne voulaient pas admettre se voir représentés devant
4 la communauté internationale par Alija Izetbegovic, n'était que
5 l'expression de désespoir mais de peur également de voir les choses
6 tourner à l'encontre des Serbes, car les représentants de la Republika
7 Srpska ne voulaient pas prétendument évidemment admettre ce qui a été dit
8 dans les pourparlers. Or; je vous ai donné lecture de cette phrase de la
9 déclaration islamique qui parle bien de l'impossibilité de coexister, de
10 voir coexister cette fois-ci les différentes ethnies.
11 Il s'avère clair ici quelles étaient les positions d'Alija Izetbegovic. A
12 vous de poser la question, ensuite de savoir si les représentants serbes,
13 si le peuple serbe voulait se faire représenter par Alija Izetbegovic,
14 notamment une fois que la signature de ces derniers a été retirée du
15 Traité de Lisbonne, suivant la suggestion de Zimmermann. Zimmermann a dit
16 lui-même qu'il a commis une erreur en suggérant cela à Izetbegovic parce
17 que ceci aurait évidemment pu éviter une guerre.
18 Donc en présence d'Owen et de Stoltenberg à Genève, dans ce climat-là,
19 dans ces conditions-là où les représentants de tous les peuples de Bosnie-
20 Herzégovine n'ont pas été représentés mais où il n'y avait qu'Alija
21 Izetbegovic qui, lui, à lui tout seul devait représenter Serbes, Croates
22 et Musulmans. Et lorsqu'une invitation a été faite à Tudjman et à moi-
23 même, et à Izetbegovic plus tard, pour parler de concert évidemment d'une
24 solution possible, j'ai eu du mal à convaincre Izetbegovic. Et il n'y a
25 pas seulement une réunion que nous avons eue pour que des pourparlers
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1 puisse être entamés en Bosnie, entre lui, entre Karadzic et entre Mate
2 Boban. Je dis bien Mate Boban parce que celui-ci était le leader des
3 Croates; Karadzic, lui, le leader des Serbes et Alija Izetbegovic, le
4 leader des Musulmans; maintenant, certainement pas de toute la Bosnie-
5 Herzégovine.
6 Je considérais que tous les problèmes de Bosnie-Herzégovine devaient être
7 réglés par les peuples constitutifs en présence. J'ai considéré, pour ma
8 part, que la solution ne peut être basée que sur une formule susceptible
9 de voir la protection, sur un pied d'égalité et de façon équitable, des
10 intérêts de tous les trois peuples en présence. D'ailleurs, les Accords de
11 Dayton ont été couronnés de succès suivant cette formule-là.
12 Voilà la raison pour laquelle l'Acte d'accusation ici dressé est mal
13 intentionné et anti-serbe, parce que c'est sur la base d'égalité que la
14 paix a été conclue, suivant la formule du respect des intérêts de tous
15 trois pays et non pas sur la base d'un génocide. Et si cela était exact,
16 cela voulait dire que la Republika Srpska était faite sur la base de
17 génocide. Or, la réponse n'est qu'une et seule dans la guerre civile de
18 Bosnie: les cruautés et les souffrances ont été partagées par les trois
19 parties en présence. Or, la culpabilité devrait tomber sur ceux qui
20 prétendument ont fait une sécession nationaliste et ont commencé à
21 perpétrer la violence et à propager la violence en dehors de la
22 Yougoslavie. D'ailleurs, Tudjman, à Genève même, devant Owen et
23 Stoltenberg, a dit que "jamais on n'a vu de telles cruautés et exactions
24 que celles perpétrées par les Musulmans au cours de tous ces accrochages".
25 Owen et Stoltenberg ont adopté cette possibilité de voir les trois partis
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1 se mettre à table, Izetbegovic et Boban y compris, et cela évidemment
2 aurait permis une participation sur un pied d'égalité de tous les
3 participants au conflit.
4 Tudjman ne m'a jamais imputé comme quoi la Serbie devait être immiscée
5 dans la guerre. En Croatie, la Serbie n'a jamais été en guerre; nous
6 étions à Genève pour aider à ce que les trois parties puissent aboutir à
7 la paix en Bosnie. De même, notre option en faveur de la paix était bien
8 existante et notre contribution à un début d'ouverture entre Krajina et
9 Zagreb, avec évidemment l'ouverture de l'autoroute, etc.
10 Tudjman connaissait fort bien l'attitude qui était la mienne à l'égard des
11 Musulmans et c'était Adil Zulfikarpasic qui était venu me passer le
12 message à Belgrade; c'était le businessman de Zurich, le mentor également
13 de Tudjman. C'est-à-dire, Serbes et Musulmans devaient donc être associés
14 contre les Croates -il n'y avait que 14% de Croates en Bosnie-Herzégovine-
15 et que ces derniers n'avaient rien à chercher en Bosnie-Herzégovine.
16 Ma réponse était simple: aucunement, on ne doit voir deux peuples
17 s'associer à l'encontre d'un troisième peuple et que pour les relations
18 dans les Balkans, les relations entre Serbes et Croates sont d'un intérêt
19 primordial. Et ces relations à l'avenir, quant à moi, je ne les voyais
20 qu'à l'amiable et en toute amitié.
21 Mate Granic, ministre des Affaires étrangères, le savait fort bien lui
22 aussi, et ce n'est pas moi qui lui ai appris la chose mais c'était plutôt
23 Tudjman. Et je suis certain que lui, devrait le dire à haute et
24 intelligible voix en public, si son nouveau président, évidemment, le
25 permet; son nouveau président est le grand démanteleur de la Yougoslavie,
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1 Stipe Mesic.
2 Ce qui a été dit au sujet de Dubrovnik est également une chose insensée.
3 Peu importe cette suite de séquences et de photographies. Lorsque tout
4 ceci devait arriver, nous étions notamment à La Haye, Tudjman et moi avec
5 Carrington. Et moi, j'ai pris la parole en public pour dire: "Dubrovnik
6 est une ville croate. Bombarder Dubrovnik n'est autre chose que de
7 commettre un crime insensé, et la Serbie n'avait rien à voir avec tout
8 cela et ne pourrait jamais le faire". Si loin, donc être si loin de la
9 Serbie, Dubrovnik ne pouvait certainement y être visée.
10 Pour ce qui est du plan Vance-Owen, c'est grâce à mes efforts à moi, grâce
11 aux efforts faits par le Premier ministre grec, Constantin Mitsotakis, eh
12 bien, ce papier notamment a été signé par Karadzic en cette conférence en
13 1993 à Athènes, conférence de deux jours. Mitsotakis et Cosic, président
14 de la République fédérale de Yougoslavie et moi-même.
15 Par conséquent, je crois qu'il est entièrement mal intentionné, partial et
16 évidemment présentant des manques de professionnel que de faire une
17 citation, de tirer une citation de seuls mes deux propos et discours. Or,
18 moi, j'avais tout fait juste dans le sens contraire. Par conséquent,
19 extirper comme ça des fragments de mes discours, "les Serbes ont bien mené
20 à bien et abouti à leur objectif, etc.". (Fin de citation.)
21 Et moi, je disais que pour parler d'objectif, suivant lequel et dans
22 lequel nous les appuyons, c'est que les Serbes devaient être libres, vivre
23 en liberté là où ceci pourrait être établi suivant le plan; le plan leur
24 permettant à la fois la liberté et l'égalité en droit sur le terrain de la
25 Bosnie-Herzégovine. Et de tels plans devaient bien sûr être signés. Il y a
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1 d'autres arguments que l'on aurait pu évidemment citer, à savoir si les
2 Serbes devaient être libres sur un pied d'égalité là où ils vivent, et que
3 ceci devait être le résultat du plan. Cela dit, nous avons dit que nous
4 n'avons jamais opté pour la mise en oeuvre d'ambitions malades de qui que
5 ce soit, et d'ambitions malsaines.
6 Une fois que nous avons refusé ce plan, voilà que nous nous sommes vus
7 exposés à des pressions, nous et le peuple, le peuple que nous avons voulu
8 d'ailleurs soutenir. Nous avons fait le blocus de la Drina. Ici, on nous
9 dit qu'il n'y a jamais eu de blocus; c'était un mensonge notoire. Nous
10 avons accepté la mission d'observation avec à sa tête le général norvégien
11 Bo Pelnas. Il n'y a aucun rapport qui aurait été envoyé par celui-ci à
12 l'ONU ou qu'il aurait porté à la connaissance du gouvernement serbe ou
13 yougoslaves, dans lequel on aurait pu trouver une preuve quelconque à
14 l'appui d'une telle assertion comme quoi il n'y avait pas de blocus du
15 tout; ce n'était que pour pure forme.
16 Que voulez-vous que nous fassions davantage, sauf d'accepter de tels
17 observateurs? Une délégation de l'opposition serbe, évidemment, s'était
18 précipitée en République serbe pour évidemment faire tourner un bœuf,
19 cette fois-ci sur une broche, de concert avec les dirigeants de la
20 Republika Srpska, évidemment sans se lasser de décocher des flèches de
21 critiques à mon égard et certainement sans adopter le plan Vance-Owen.
22 Et notamment, suivant un tel enseignement, à savoir un accord a été signé
23 à Athènes, pour être ensuite annulé à Pale. Moi, voyant une nouvelle
24 chance dans les Accords de Dayton, j'avais insisté sur une possibilité,
25 une solution qui évidemment ne devrait pas permettre d'invalider un plan
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1 nouveau en exigeant qu'une décision soit signée comme suit: la délégation
2 de la Yougoslavie doit être composée de trois représentants, la délégation
3 de la Republika Srpska de trois représentants. Avec cela, pour la
4 Yougoslavie, il devrait y avoir évidemment les deux Républiques, la Serbie
5 et le Monténégro et la Yougoslavie. Et pour parler de la Republika Srpska,
6 il devrait y avoir également trois représentants. Mais il a été dit que,
7 si jamais il y a partage de voix au sein de cette délégation, c'était moi
8 qui devais évidemment en décider, c'est-à-dire en qualité de chef de la
9 délégation que j'étais.
10 Cet accord a été proposé ainsi, signé par tous les participants, y compris
11 par sa Sainteté, le patriarche Paul, le patriarche de l'Eglise serbe.
12 Ainsi, j'ai assumé toutes les critiques, toutes les faiblesses et lacunes
13 qui pourraient ensuite être adressées aux Accords de Dayton de la part de
14 la direction des Serbes, car je me suis rendu compte qu'ils n'avaient pas
15 de culot pour signer la paix, parce qu'ils avaient fait tant de promesses,
16 toujours à l'image des ambitions qui étaient les leurs. J'ai dit que "pour
17 tout ce qui ne vous chante pas, j'accepte bien d'être coupable, mais que
18 la paix règne".
19 Encore aujourd'hui, je considère que les Accords de Dayton, c'est-à-dire
20 la paix de Dayton et de Paris, sont bons, qu'il faudrait les observer et
21 qu'il ne faut pas les enfreindre; comme le fait en ce moment-ci un autre
22 administrateur d'occupation, encore un Autrichien: il le fait au détriment
23 de tous les peuples et surtout au détriment du peuple serbe et, en partie
24 peut-être, au détriment du peuple croate.
25 Dans ce contexte-là, il est tout à fait non fondé de citer ici des idées
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1 de Biljana Plavsic, notamment dans le contexte de ce qui aurait pu être
2 fait par la Serbie et de ce qui aurait pu être mon rôle; notamment, il ne
3 faudrait surtout pas imputer tout cela à une seule partie, celle qui est
4 la mienne, parce que tout ceci a été fait de l'autre côté de la frontière.
5 Il s'agit notamment de dire que les idées à elle, qui ont été citées par
6 vous, notamment au temps de la conférence d'Athènes et du plan de Vance-
7 Owen, et ce que nous avons pu voir sur les écrans de télévision, qui a été
8 largement diffusé, notamment lorsque j'ai été interviewé par le directeur
9 d'une chaîne de télévision pour voir quels étaient mes commentaires des
10 idées, que vous avez citées ici, lesquelles idées sont évidemment
11 inadmissibles pour tout être civilisé. Le directeur de cette chaîne de
12 télévision voulait savoir quel était mon commentaire: j'ai dit que "les
13 détenteurs de telles idées n'ont d'autre place que dans une maison de
14 santé". Alors, cette dame-là en a parlé avec moi pendant plusieurs années
15 et vous voulez m'imputer maintenant des idées à elle.
16 Il s'agit évidemment de choses insensées et saugrenues que tout le monde
17 connaît bien en Serbie. Je me demande, d'une manière générale, comment on
18 peut faire preuve de sérieux si l'on fonde de tels actes d'accusation sur
19 une quelconque déclaration de tel ou tel qui aimerait à dire qu'il est en
20 de bonnes relations avec moi. Chez nous, ce ne sont que des ragots, comme
21 on dit dans notre peuple. Je crois que ceci ne mérite évidemment pas
22 d'être utilisé et exploité par des instances officielles. A bien des
23 égards, j'avais toujours martelé pour dire: "Personne n'est mandaté pour
24 faire valoir les idées qui sont les miennes. C'est à moi de le faire."
25 Il y a encore force mensonges et inventions de toutes sortes qui ont été
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1 présentés ici. En Bosnie, je ne me suis occupé de paix et pas de guerre.
2 Pendant tout ce temps, la Serbie ne s'est occupée que de cette politique
3 de paix. Nous avons tout fait pour sauver le plus possible de vies de
4 Serbes, de Musulmans, de Croates, mais de vous aussi, Mesdames et
5 Messieurs, combien d'otages j'ai pu sauver qui étaient des vôtres. A
6 combien de reprises, Chirac m'a demandé de sauver tous ces gens-là pour
7 les retrouver, pour les repêcher et pour les remettre sains et saufs.
8 Evidemment, je ne m'étends pas là-dessus pour parler d'autres efforts qui
9 ont pu être couronnés de succès, non seulement lorsqu'il s'agit de
10 parvenir à la paix, mais tout simplement de sauver des vies humaines.
11 Or, qui dit Srebrenica… C'est Karl Bilt qui m'a appris la chose; même
12 Karadzic, que j'ai pu avoir au téléphone aussitôt pour de lui demander ce
13 qui s'était passé là-bas, lui jurait devant moi, donnait sa parole de rien
14 savoir de tout cela et que, préalablement, il avait donné l'ordre de
15 protéger la partie ouest qui était menacée; et qu'il n'en savait rien du
16 tout. Evidemment, s'il en savait quelque chose ou pas, je ne veux pas
17 entrer dans le détail; je ne parle que de fait de principe. Lui, Karadzic
18 et Krajisnik voulaient évidemment m'affirmer qu'il n'y avait pas de camp
19 en Republika Srpska, qu'il n'y avait que des centres pour prisonniers de
20 guerre dans lesquels ils étaient retenus pendant un bref temps pour être
21 échangés suivant la formule "tous contre tous", une fois que les
22 prisonniers de guerre étaient rassemblés. Mais aussitôt après Srebrenica,
23 j'ai pu sauver toute une brigade de Musulmans. 840 membres de cette
24 brigade, je les ai sauvés de leur perte sûre; nous avons évidemment envoyé
25 un envoyé spécial pour demander la survie de ces gens-là.
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1 Nous avons pu retenir ces gens-là dans Tara et tous ces gens-là ont pu
2 être vus par le corps diplomatique de chez nous. Après quoi, je les ai
3 envoyés en Hongrie par la Croix-Rouge. Je n'ai pas voulu que tous ces gens
4 soient entre les mains de l'une ou de l'autre partie de la Bosnie. J'ai
5 dit: "Ces gens-là sont venus chez nous en traversant la rivière; ils ne
6 sont dans notre territoire. Je ne veux pas vous les remettre pour que vous
7 les échangiez, non plus que les remettre à Izetbegovic pour qu'il les
8 fasse enrôler dans une autre armée. Je vous en prie, c'est par le
9 truchement de la Croix-Rouge qu'ils peuvent gagner la Hongrie. Après, à
10 chacun d'eux de décider s'il veut gagner l'un des siens qui se trouve aux
11 Amériques ou ailleurs, ou revenir plus tard en Bosnie.
12 La Serbie n'a été la partie belligérante ni de la guerre de Bosnie ni de
13 Croatie. D'ailleurs, ceci nous a permis d'aider à mener à bien le
14 processus de paix et d'aider à mettre fin à cette guerre fratricide. Entre
15 frères, il est vrai, fous, saugrenus et à couteaux tirés. Tout ce que nous
16 avons entendu dire est faux et mensonger. Les semi-vérités sont pires
17 encore qu'un mensonge.
18 Ecoutez, je vais vous dire: en Slavonie orientale, il y avait des
19 représentants de notre police mais à cette époque-là, la paix était en
20 vigueur parce que qui dit Slavonie orientale, dit solution adoptée sur la
21 base évidemment d'un pourparler et d'un accord. Et les policiers serbes en
22 Slavonie orientale n'étaient pour autre chose que pour s'occuper des
23 affaires de la compétence de la police; parce qu'à cette époque-là, étant
24 donné qu'il y avait la guerre, il y avait beaucoup de criminalité, et là
25 il a fallu donner un coup de pouce pour évidemment réprimer les
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1 criminalités et bien sûr pour réprimer toutes sortes de trafics en
2 direction de la Yougoslavie. Et ensuite, pour essayer évidemment de
3 freiner tous ces criminels qui souhaitaient peut-être se sauver en
4 traversant le Danube pour aller en dehors de nos frontières. Quelle honte
5 d'entendre parler ainsi évidemment de ce que nous avons fait!
6 Nous avons pu voir en Republika Srpska en pleine gare ferroviaire, Strpce,
7 nos hommes également; les hommes que nous avons envoyés là-bas parce qu'un
8 groupe de criminels avait bloqué la route sur les chemins de fer de
9 Belgrade, car cette voie ferrée passe par un tronçon de neuf kilomètres
10 par la Bosnie-Herzégovine. Or, il s'agit évidemment de voies ferrées
11 magistrales et dans la gare ferroviaire de Strpce, le train ne s'arrête
12 même pas. C'était tout simplement le cas échéant que l'on pouvait voir
13 évidemment le train s'arrêter. Et c'est là que le train a été arrêté, 17
14 Musulmans de Prijepolje ont été massacrés. Plus tard, évidemment, nous
15 n'avons jamais pu élucider, savoir par qui ceci a été fait. J'ai ordonné
16 cette instruction en Republika Srpska, en Bosnie-Herzégovine et une fois
17 que rien n'a été fait, j'ai envoyé nos policiers à nous pour retrouver des
18 gens qui ont été considérés comme des personnes suspectes de cette
19 exaction. Ces gens-là ont été emmenés à Belgrade, plus tard relâchés parce
20 que faute de preuve.
21 Voilà la réponse qui a pu être donnée. Et, évidemment, moi qu'est-ce que
22 j'ai pu faire? J'ai dû envoyer quelqu'un qui puisse fonctionner dans ce
23 territoire qui n'était pas le nôtre, mais pour ne pas qu'un autre train
24 soit arrêté pour que d'autres gens soient massacrés. J'ai dit à
25 Stoltenberg qu'aussitôt que l'on passe la frontière, on pouvait voir un
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1 groupe de nos gens à nous parce que je ne pouvais pas avoir confiance en
2 d'autres pour assurer la garde de cette gare.
3 Et puis quoi? Je sais que c'était une façon que de faire passer cette
4 fois-ci le foyer de la guerre et de conflit vers la Serbie. Qui dit
5 Prijepolje dit une petite ville. Pour parler de la composition ethnique,
6 il s'agit de parler de 50% de Musulmans et de 50% de Serbes qui sont en
7 bonne entente et cohabitation. Il n'y a eu pas de persécution pendant dix
8 ans. Pendant la guerre, aucun Croate n'a été expulsé de Serbie et en
9 Bosnie. Pour parler de la Bosnie, je vous l'ai déjà dit, il s'agit de
10 statistiques officielles: 50.000 Musulmans ont cherché et trouvé refuge en
11 Serbie. Alors que vous dites ici évidemment que des semis-vérités et des
12 mensonges.
13 Il est évidemment en dessous de toute dignité, qui serait la mienne, de
14 faire des commentaires sur des insinuations qui sont vraiment de "la
15 petite semelle". Vous avez commencé par citer ce que j'ai dit à Kosovo
16 Polje pour profiter de la popularité que j'ai pu acquérir pour plus tard
17 devenir chef du parti. Alors, vous avez pu lire sur les inscriptions de
18 cette séquence vidéo que tout s'est passé en avril 1987. Or, c'est
19 seulement en mai 1986 que j'avais été déjà nommé chef du parti. Qui plus
20 est, c'est que dans les données que vous avez pu exploiter, pour
21 évidemment présenter ma biographie vous trouverez tout cela, mais vous ne
22 l'avez pas lue avec zèle. Vous avez plutôt eu recours à des événements de
23 Kosovo Polje, où certainement j'ai joui d'un soutien du peuple. Mais vous
24 vous en êtes servi évidemment pour dire que, plus tard: "voilà ce qui lui
25 permettra de se faire nommer chef du parti". Alors, que je l'ai déjà été
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1 pendant une année toute entière. Voilà ce que présente le cadre général
2 et, d'un bout à l'autre, l'Acte d'accusation qui est le vôtre.
3 L'Acte d'accusation est mensonger. Et le Procureur lui, cette fois-ci pour
4 se sauver, prend une brindille parce qu'il s'agit de certaines
5 constatations -je dirai de dilettantes- dans lesquelles constatations Owen
6 me présentait comme si j'étais quelqu'un qui était là pour hypnotiser les
7 gens, qui veut évidemment faire enrôler des gens pour les vouer à la
8 criminalité. Cela dépasse évidemment même les limites de la littérature et
9 de la presse saignante.
10 C'est sur de tels fondements que vous avez inventé l'Acte d'accusation
11 pour la Bosnie et la Croatie et qui ne reposent sur rien. Tout ceci a été
12 concocté de façon à être envelopper et emballer dans de nouvelles
13 inventions et de nouveaux mensonges.
14 Or, nous, en ce qui nous concerne, bien sûr que nous avons aidé notre
15 peuple en Bosnie-Herzégovine et nous aurions dû être évidemment les
16 derniers des crapauds si seulement nous ne l'avions pas fait ainsi. Nous
17 avons compris que le peuple se trouvait en difficulté et c'est en toute
18 honnêteté et avec honneur que nous l'avons secondé pour survivre, pour
19 être libre mais pas pour faire sécession, etc.
20 Pour vous, il est tout à fait normal de voir les Allemands et les Croates;
21 il est tout à fait normal qu'évidemment ils se détachent des Serbes, il
22 est tout à fait normal de voir les Mudjahidine décapiter des gens. On
23 pouvait voir, à la une des journaux, des Mudjahidine qui, dans les deux
24 bras, tenaient des têtes décapitées. Il est tout à fait normal de voir
25 ainsi aider les Croates cette fois-ci depuis l'Allemagne, aider les
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1 Bosniaques cette fois-ci à partir des Mudjahidine, et il n'y a aucune
2 logique de voir quelqu'un aider la Serbie.
3 Y a-t-il quelque chose de logique là-dedans pour chercher une explication
4 morale quelconque? En Croatie, en Bosnie, ce ne sont pas les Serbes qui
5 sont à l'origine de la guerre; ils sont plutôt victimes et objets de
6 violence. Je vais vous donner lecture de quelques citations issues sous la
7 plume d'intellectuels connus de par le monde et dont les noms sont
8 évidemment connus par toutes personnes bien éduquées et qui se respectent
9 dans le monde.
10 Edmond Paris en France, 1961: "En étudiant le bilan des exactions et des
11 crimes, on a pu voir que le Gouvernement de Pavelic et d'Artukovic a pu
12 mettre à mort environ 700.000 morts et déportés. Environ 300.000 Serbes
13 ont péri, 60.000 Juifs et 26.000 Romanichels ont été convertis par la
14 force. 240.000 Serbes de confession orthodoxe, la majeure partie d'entre
15 eux se trouvait dans le diocèse de son éminence Stepinac." Voilà ce que
16 disait Edmond Paris, de France.
17 Charles Krauthammer, Etats-Unis d'Amérique, en août 1995, dit: "En cette
18 semaine, dans cette guerre éclair qui n'a duré que quatre jours, l'armée
19 croate a épuré ethniquement la Krajina de 150.000 Serbes pour les mettre
20 ensuite…, car ils ne pouvaient faire autre chose que de chercher une
21 solution. Pourquoi il n'y a pas d'inquiétude devant la chute de la
22 Krajina, laquelle région a été peuplée par les Serbes, il y a environ 500
23 ans, bien avant que nous ayons pu faire quoi que ce soit pour peupler
24 l'Amérique du Nord?
25 Il est vrai qu'ils ont créé un Etat rebelle en Croatie. Il est vrai que
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1 lorsqu'en 1991, la Croatie s'est détachée de la Yougoslavie, une guerre
2 pour l'indépendance a été ouverte en Croatie. Mais leur raison a été bien
3 fondée; ils ne voulaient pas vivre sous le pouvoir des hommes qui, il n'y
4 a pas longtemps de là, ont massacré leurs parents.
5 L'Etat croate contre lequel ils se sont levés depuis sa création en 1991 a
6 repris ses symboles, son blason, sa monnaie; à savoir il s'agit de ceux de
7 l'Etat nazi fantoche de la Seconde Guerre mondiale et qui, d'après la Cour
8 de Nuremberg, a été un Etat génocidaire qui avait ses camps de
9 concentration et qui était à l'origine de tant de monstruosités dont les
10 victimes ont été des centaines de milliers de Serbes".
11 Je m'arrête là pour arrêter la citation de Charles Krauthammer: "Pour Noël
12 orthodoxe en cette année, à Jasenovac, dans ce camp de concentration, les
13 Oustachis nazis étaient en compétition à qui ferait plus et mieux pour
14 égorger des Serbes. Et en une journée, l'un d'entre eux, évidemment,
15 disait qu'il était capable d'égorger 1.300 Serbes".
16 Une partie de la Bosnie d'aujourd'hui a fait partie de cet Etat, ce qui
17 explique pourquoi les Serbes de Bosnie ont aussi exigé leur indépendance.
18 Les Serbes de Krajina ont toutes raisons d'avoir peur de retomber sous
19 contrôle croate. Cette semaine, leur crainte a revu le jour. Avant que
20 l'armée ne commence à attaquer, les Croates ont pilonné les villages
21 serbes, ce qui a forcé la population à fuir. Les observateurs en Croatie
22 n'ont rien pu observer aujourd'hui. Il est nécessaire de se demander qui
23 est victime de cela.
24 Que dit Karlo Falconi d'Italie? "Les Oustachis, cela ne fait aucun doute,
25 ont dépassé, y compris les Nazis, dans leur degré de racisme. Quand ils
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1 ont frappé les Serbes, ce n'était pas simplement un coup contre un ennemi,
2 mais contre quelqu'un qui a trahi la véritable foi. C'est seulement en
3 Croatie qu'un demi-million de personnes ont été assassinées, plus en
4 raison de leur religion qu'en raison de leur race. Un grand nombre de
5 personnes, des milliers en fait, ont été forcées de passer de la religion
6 orthodoxe à la religion catholique et dans l'histoire, il n'y a pas de
7 précédent pour ce degré de violence. Le pape Pie XII a une lourde
8 responsabilité dans tous ces faits."
9 Qu'écrit Rajko Dolecek en Tchécoslovaquie en 1993? Je cite: "Eh bien,
10 quand même, la fin du camp de concentration des Oustachis a été le camp de
11 Jasenovac. Pendant la guerre, on pense que 700.000 personnes ont été
12 assassinées dans cet endroit, principalement des gens à qui on a brisé la
13 tête et que l'on a étranglés, égorgés ou à qui on a coupé la gorge".
14 Nombreux sont ceux qui ont écrit le récit de ces événements absolument
15 terribles qui leur faisaient dresser les cheveux sur la tête, mais ce sont
16 bien les dirigeants de ce peuple qui ont autorisé ces actes. Les chiffres
17 varient; en général il est dit que 800.000 Serbes ont été tués au cours de
18 l'holocauste en Croatie, mais nombreux sont réduisent ces chiffres. Au
19 cours du mois d'avril 1941, entre avril 1941 et août 1942, 356.000 Serbes
20 ont été tués.
21 Jacques Merlinot, de France, comme l'a dit Edmond Paris précédemment, il
22 se fonde sur ces chiffres pour affirmer qu'en 1942 seulement, il y avait
23 24.000 enfants à Jasenovac, dont 12.000 ont été tués. Une masse d'enfants
24 juifs ont fini brûlés dans les fours transformés en fours crématoires.
25 200.000 personnes ont été tuées à Jasenovac, selon lui, entre 1941 et
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1 1942. Chacun sait ce que l'église catholique a fait pour soutenir, en tant
2 que complice, ce crime. Le clergé supérieur de l'église croate, dirigé par
3 l'archevêque Stepinac, a largement été compromis dans ces événements qui
4 ont marqué la mémoire collective des Serbes. Voilà ce que dit Jacques
5 Merlinot de France.
6 Philippe Jenkis, que dit-il? "En 1995" -je cite- "pendant trois ans, les
7 Croates ont massacré les Serbes et les Juifs d'une façon si terrible que
8 ceci a même dépassé les actes des officiers allemands en horreur et en
9 terreur. Les dirigeants serbes ont décidé que plus jamais il ne serait
10 possible à leur ennemi de se mettre en position de les persécuter. C'est
11 la raison pour laquelle on peut se demander pourquoi, pendant les quatre
12 dernières années, les Serbes ont pu observer le comportement du
13 gouvernement croate qui, à partir des années 40, a minimisé le massacre.
14 Il n'est pas étonnant que les Serbes se prononcent en faveur de la
15 résistance dès lors qu'ils ont encore quelques armes, au lieu de se mettre
16 en rang pour attendre d'entrer dans des camps de concentration".
17 Mais qu'en est-il de la Bosnie dans tout cela? Là encore, il y a un
18 héritage historique. L'un des événements les plus étonnants de la Deuxième
19 Guerre mondiale, c'est le fait qu'une foule de Musulmans de Bosnie ont été
20 recrutés pour opérer dans les unités nazies, unités spéciales nazies. Mais
21 les événements actuels ont une très grande importance pour les Serbes".
22 (Fin de citation.)
23 Je ne vous imposerai pas la citation des propos de M. Singh qui est très
24 important, mais j'ai le temps à l'esprit.
25 Une seule citation encore de Franjo Tudjman: "Un conflit fait rage à
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1 nouveau, un conflit si cruel, si violent que chacun se demande ce que sera
2 le sort des victimes. Et lorsque l'on pense à Jasenovac, on se demande
3 vraiment si les camps de concentration sont terminés".
4 Que dit Louis Delmas, un français, en 1994? Je cite: "En fait, ni en
5 Croatie ni en Bosnie il n'y a eu agression de la part des Serbes. Ni en un
6 endroit ni dans l'autre, il n'y a eu une agression extérieure. Ce qui
7 s'est passé correspond tout à fait au sentiment interne d'une population,
8 à la révolte de cette population qui, par le jeu de la diplomatie
9 internationale, s'est retrouvée dans des nouveaux Etats qu'ils ne
10 pouvaient pas…, qui étaient inimaginables auparavant. Il n'y a pas
11 d'agression extérieure, il n'y a que l'action interne des Serbes, des
12 Bosniaques et des Croates, qui a amené à la chute." (Fin de citation.)
13 Est-il difficile de comprendre que lorsqu'on se souvient du génocide, on
14 peut transférer ce souvenir d'une génération à l'autre? En Europe, il y en
15 a qui peuvent dire qu'ils n'ont pas eu un seul membre de leur famille
16 morte en déportation mais, en Europe occidentale, il y a très peu de
17 Serbes qui peuvent dire que pas un membre de leur famille n'a été
18 assassiné par les Oustachis.
19 Si l'on commence à examiner les massacres, à commencer par ceux des
20 Croates au cours de la Deuxième Guerre mondiale, on se rend compte qu'il
21 faut ajouter à cela les 400 ans d'occupation ottomane. Lorsqu'on voit un
22 Etat prendre pour emblème l'échiquier d'Ante Pavelic et un Etat choisir
23 pour monnaie la même monnaie qu'à l'époque, on peut comprendre que les
24 Serbes, dans ces pays, ont peur.
25 Le Président Tudjman ne fait d'ailleurs pas mystère de son sentiment anti-
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1 serbe; d'ailleurs, pour être tout à fait sincère, il ne cache pas non plus
2 son sentiment antisémite qu'il exprime dans ces livres.
3 Peter Handke, 1996, que dit-il dans ses livres? Je cite: "Comment
4 pourrais-je oublier la phrase de haine qui pouvait être lue dans le
5 "Frankfurter Algemeine Zeitung", au sujet des événements de Slavonie
6 occidentale aujourd'hui, selon lesquels les Serbes de la Croatie actuelle,
7 qui avaient les mêmes droits que leurs concitoyens serbes ailleurs, sont
8 devenus aujourd'hui, sans que la décision ait été prise avec une
9 quelconque consultation de ce qu'ils pensaient, deviennent donc des
10 citoyens de deuxième zone dans un Etat, l'Etat croate. D'ailleurs, pas
11 seulement en Croatie. Ces 600.000 Serbes, selon l'article du journaliste
12 allemand -et il donne le nom de ce journaliste- doivent devenir les plus
13 obéissants et les plus petits des minoritaires. A partir d'aujourd'hui,
14 nous sommes d'accord pour dire que nous sommes une minorité dans ce pays
15 étranger et donc nous sommes d'accord pour que votre Constitution croate
16 nous traite de la sorte désormais."
17 Ce serait donc cela l'issue? Qui a été le premier agresseur? Qu'est-ce que
18 cela voulait dire créer un Etat qui donnait la priorité à un peuple sur un
19 autre, et ce, dans un endroit où, de tout temps, des gens ont vécu? Cet
20 Etat ne pouvait, compte tenu des événements passés, représenter que la
21 terreur et la peur puisqu'il rappelait sans cesse le régime des Oustachis
22 croates.
23 Alexandre Soljenitsyne, qu'a-t-il écrit? Je cite: "Je préfère ne pas
24 penser à la variante yougoslave, mais cette variante a des bases. Les
25 Serbes du Kosovo ont été expulsés pour que des Albanais puissent y être
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1 installés. Dès que la Yougoslavie a commencé à se démanteler, les
2 dirigeants des puissances occidentales ont, en 24 heures et sans tenir de
3 compte de quoi que ce soit, reconnu des Etats sans tenir le moindre compte
4 du fait qu'il existait des frontières à défendre."
5 Enfin, Patrick Barrillot et Eva Crépin, en 1995, ont dit en France -je
6 cite-: "En tant que citoyen français, je voudrais rappeler l'Histoire de
7 France. Je voudrais rappeler le moment où les cloches des églises
8 annonçaient la bataille du Roi Lazare, pour la défense des principes
9 serbes."
10 Il est donc question là de la défense des principes de la chrétienté. Une
11 référence à Gazimestan.
12 Je voudrais rappeler: le 29 août 1876, lorsqu'un "petit peuple héroïque
13 s'est levé". C'est Victor Hugo qui parle: est-ce que Victor Hugo pourrait
14 prévoir qu'en 1995, ces tortures n'auraient pas cessé, ce martyre n'aurait
15 pas cessé? Et -suite de la citation-: "Est-ce que nous allons permettre
16 qu'un peuple soit anéanti alors que, depuis plus de 500 ans, il se bat
17 pour la liberté du peuple et pour l'expression de la chrétienté?" (Patrick
18 Barrillot, 1995, en France.)
19 Le 23 décembre 1991, l'Allemagne a donc reconnu officiellement la
20 souveraineté et l'indépendance de la Croatie et il a été décidé que c'est
21 le 15 janvier 1992 que cette décision allait entrer en vigueur. Voilà
22 comment a commencé la guerre en Croatie.
23 Des déclarations de Tudjman et de Mesic prouvent, sans l'ombre d'un doute,
24 que cette décision a bien été prise par les autorités croates -je parle de
25 Tudjman, Président de la Croatie, et de Mesic, Président de la
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1 Yougoslavie. Au moment où il s'est séparé, il a été élu porte-parole du
2 Parlement croate.
3 Tudjman parlait en public, sur la place Bane Jelacic, le 24 mai 1992,
4 lorsque, dans son message à la nation que je vais citer partiellement, il
5 a dit: "qu'il n'y avait pas de guerre en Croatie, que celle-ci ne l'avait
6 pas voulu, mais que finalement c'était seulement par une guerre que la
7 Croatie pouvait acquérir son indépendance". C'est la raison pour laquelle
8 nous avons poursuivi une politique de négociation mais, derrière les
9 pourparlers, nous avons renforcé nos unités militaires. Bien sûr, Tudjman
10 aurait pu, avec le gouvernement croate, obtenir l'indépendance de la
11 Croatie en dehors d'une guerre mais, en dehors d'une guerre, il aurait été
12 impossible de tuer les Serbes et d'expulser 600.000 d'entre eux hors de
13 Croatie.
14 Ce qui montre quelle était la nature exacte de cette guerre, guerre à
15 l'égard de laquelle des tentatives sont encore faites pour parler
16 d'efforts patriotiques ou d'efforts de libération du pays.
17 Quant à Mesic, remerciant chacun de la confiance qui lui a été donnée,
18 déclare: "Je crois que j'ai rempli ma mission. Il n'y a plus de
19 Yougoslavie." Il s'exprime ainsi devant l'Assemblée croate, c'est-à-dire
20 le parlement croate, en 1991, le 5 décembre. Il était le responsable de la
21 Yougoslavie, chargé de maintenir l'intégrité et la dignité de la
22 Yougoslavie. Et c'est ainsi qu'il va en Croatie annoncer qu'il a rempli sa
23 mission puisqu'il n'y a plus de Yougoslavie.
24 S'agissant de la crise yougoslave, un grand nombre de représentants
25 politiques, chefs d'état, scientifiques, chefs de diverses institutions
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1 ont fait des déclarations.
2 Le 13 janvier 1995, Baker, devant le Congrès américain, déclare ce qui
3 suit -je cite-: "C'est un fait que la Slovénie et la Croatie ont déclaré
4 leur indépendance de façon unilatérale. En dépit de nos avertissements,
5 ils ont utilisé la force et cela a entraîné la guerre civile." (Fin de
6 citation.)
7 Il insiste donc sur le fait que l'intégrité territoriale de la Yougoslavie
8 devait être défendue et que 32 membres de la CSCE -aujourd'hui OSCE- ont
9 approuvé cette idée. Et je continue à citer Baker: "Tout le monde a été en
10 faveur de cette idée; c'était la politique juste et il est regrettable que
11 nous ne l'ayons pas soutenue plus longtemps que nous ne l'avons fait."
12 (Fin de citation.)
13 Donc dès 1989, il avertissait qu'il y aurait sécession unilatérale et que
14 cela entraînerait le recours à la force. Malheureusement, à l'époque où
15 Baker prononçait les mots que je viens de citer, en 1995, il n'était plus
16 secrétaire d'Etat aux Etats-Unis. Les démocrates avaient pris le pouvoir
17 et avaient commencé leur travail de lobby; et l'argent va toujours avec le
18 lobby.
19 Des affirmations contraires ont été faites -nous les avons entendues-,
20 affirmations selon lesquelles c'est la Serbie qui aurait été à l'origine
21 de la guerre civile. Les faits, quant à eux, sont sans aucune ambiguïté et
22 disent exactement le contraire. La guerre en Bosnie-Herzégovine a été
23 menée à son terme grâce à la signature des Accords de Dayton. L'ex-
24 Yougoslavie était représentée par la présence des représentants de
25 Croatie, de la Yougoslavie -République fédérale de Yougoslavie-, de
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1 Bosnie-Herzégovine; et la communauté internationale était représentée par
2 des dirigeants de plusieurs pays, mais également par des représentants du
3 groupe de contact.
4 Donc dans la responsabilité la plus pleine et la plus entière, j'ai dit
5 que, s'agissant de la création des deux entités, le rôle le plus important
6 revenait et devait revenir au Président de la République fédérale de
7 Yougoslavie; c'est ce pourquoi je m'étais battu. D'autres participants aux
8 négociations de Dayton avaient également la même position et l'ont fait
9 connaître publiquement.
10 C'était également la position d'un autre pays. Mais ce que je voulais
11 défendre, c'est que tous les efforts soient faits en faveur de la paix,
12 aussi bien en faveur de la République fédérale yougoslave qu'ailleurs, de
13 la paix en RFY qu'ailleurs.
14 On cherche à déterminer les responsabilités de la guerre et à imputer
15 cette guerre à la partie qui n'a cessé de s'investir pour obtenir la paix.
16 Donc il y a ici inversion et ce, à la face du monde. On condamne les
17 défenseurs de la paix comme étant à l'origine de la guerre, et grâce à la
18 position importante que l'on occupe sur le plan international, le
19 Procureur et les Juges peuvent jouer ce même rôle.
20 Dès lors qu'il est question de moi, je suis condamné, accusé d'abord et
21 condamné à l'avance pour cette politique belliciste menée par les
22 instances que je viens de citer et à laquelle je me suis opposé le plus
23 possible par mon engagement en faveur de la paix.
24 Cette vérité tout à fait simple, les seuls qui ne la voient pas
25 aujourd'hui sont ceux pour qui il y a intérêt à ne pas la voir et ceux
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1 aussi, bien sûr, qui sont bombardés de mensonges, soumis aux manipulations
2 des médias. Manipulations telles que ces personnes en arrivent à prendre
3 la vérité pour le mensonge et le mensonge pour la vérité.
4 Bien sûr, ce n'est pas la première fois dans l'Histoire que la vérité et
5 la justice sont perdants, mais c'est la première fois que l'on utilise des
6 armes aussi puissantes que les moyens de communication de masse pour
7 intervertir, pour faire de la vérité et de la justice des perdants. En
8 effet, ces médias sont très puissants et lorsque ce sont les forces les
9 plus puissantes du monde ou les blocs de force les plus puissants du monde
10 qui sont en possession de ces médias, alors la victime, la cible des
11 médias est condamnée à l'avance. Et bien sûr ces armes, lorsqu'elles sont
12 entre les mains de gens qui ne sont pas engagés en faveur de la vérité et
13 de la justice, aboutissent au règne de la souffrance, du mal, de la
14 douleur, de l'injustice et très souvent de la mort.
15 Sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, indépendamment du fait que les
16 conflits qui se sont produits sont, de toutes façons, injustifiés, le
17 Tribunal qui juge ici n'est pas compétent pour le faire; il est créé pour
18 juger des crimes soi-disant commis sur le territoire de ce qui était, à
19 une certaine époque, la Yougoslavie, comme si cette guerre était la seule
20 et unique guerre menée dans la période actuelle.
21 Dans la même période -c'est-à-dire la deuxième partie du XXe siècle-, sur
22 une centaine de territoires différents, des petites guerres moins
23 importantes ont eu lieu pour lesquelles il n'y a pas eu constitution de
24 tribunaux internationaux.
25 Pourquoi est-ce que cela a été le cas? Pourquoi est-ce que le premier
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1 Tribunal de ce genre a été créé pour juger de ce qui s'est passé sur ce
2 qui a, par le passé, été le territoire de la Yougoslavie? Parce que c'est
3 là que la résistance à ceux qui ont provoqué la guerre a été la plus
4 importante et la plus visible. Serait-ce peut-être aussi parce que le fait
5 de s'immiscer dans cette guerre yougoslave a été une action très visible,
6 elle aussi, ou bien parce que, selon le point de vue de ceux qui se sont
7 immiscés dans ces événements, le résultat obtenu n'a pas été suffisant?
8 Moi, je crois que les causes…, que cela s'est passé pour toutes les
9 raisons que je viens de citer. Aussi bien parce qu'il y a eu très visible
10 et très importante résistance aux actes des pourfendeurs de guerre, aussi
11 bien parce que l'immixtion a été importante elle aussi, mais également
12 parce que cette immixtion n'a pas produit les résultats escomptés. Donc en
13 tant que participant à la guerre en ex-Yougoslavie, on tente de parler de
14 participants qui auraient participé à la seule et unique guerre existant
15 dans le monde à ce moment-là.
16 Je ne remets pas en cause la décision de traduire en justice ceux qui ont
17 tué, assassiné, violé des jeunes filles, assassiné des personnes âgées et
18 autres. Cependant, les auteurs de ces actes ont été recherchés parmi ceux
19 qui ont oeuvré en faveur de la paix et c'est ce qui se passe dans la
20 présente affaire. Je prétends que c'est parce que ceux qui ont causé la
21 guerre n'ont pas été satisfaits du résultat qu'ils ont obtenu, qu'ils ont
22 agi de la sorte. Sinon, tout aurait été fait en vain.
23 La formation, la création, la survie de la République fédérale yougoslave
24 fait partie de la résistance qui a été opposée à ceux qui ont provoqué la
25 guerre. C'est la raison pour laquelle, peu de temps après la fin des
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1 événements en Bosnie-Herzégovine, la tension a commencé à grandir en
2 République fédérale yougoslave; tension reposant sur les mêmes principes
3 que ceux qui, à une certaine époque, avaient existé sur la totalité du
4 territoire. Bien sûr, ce dont je veux parler lorsque je parle de tension,
5 c'est la diffusion de la haine et de l'intolérance vis-à-vis de l'autre
6 sur le plan ethnique.
7 Je crois avoir largement expliqué la façon dont je concevais le processus
8 mais lorsque l'on parle d'instances gouvernementales, on se rend compte
9 que ces dernières ont eu un comportement très semblable à celui d'autres
10 pays européens et autres. Pas seulement au cours de notre époque mais dans
11 toute la civilisation. La réaction des instances gouvernementales a été
12 conforme à la constitution yougoslave et conforme également, sinon
13 identique, à l'expérience qu'ont pu vivre en leurs temps d'autres Etats.
14 Or, les gouvernements occidentaux ont traité cette réaction comme une
15 agression contre une minorité innocente d'Albanais au Kosovo, et donc
16 comme la possibilité pour une intervention de la part de la communauté
17 internationale en vue de défendre cette population albanaise du Kosovo
18 innocente. Et c'est ce qui s'est passé. L'intervention contre un Etat
19 coupable d'avoir persécuté une minorité albanaise sur le territoire du
20 Kosovo, a débouché sur l'attaque de l'OTAN; ce qui a permis d'utiliser les
21 expériences les plus nouvelles, les plus récentes, les plus hautement
22 technologiques de notre civilisation, sur un territoire à la surface
23 limitée. Le nombre de victimes a été très important.
24 J'ai vu que CNN annonce ne pas vouloir diffuser les photographies montrées
25 par Milosevic car "elles sont trop cruelles pour que l'opinion publique
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1 puisse les voir", voilà ce que dit CNN. CNN empêche l'opinion publique
2 américaine de voir le résultat des crimes commis par l'agression de
3 l'OTAN. Ce faisant, elle prouve simplement à quel point la violence de ces
4 crimes doit être connue.
5 En effet, ce que craint CNN, c'est que la diffusion de ces images ne lance
6 la recherche des responsables, et CNN ne sait pas comment dire que, soi-
7 disant, les Albanais ont été protégés par des bombardements de familles et
8 de civils à Belgrade. Comment expliquer que c'est par le bombardement de
9 convois de réfugiés albanais sur tout le territoire du Kosovo, dans les
10 villages, sur les routes du Kosovo? Comment expliquer que cela permet de
11 défendre les Kosovars?
12 Ce qui gêne particulièrement les médias qui traitent de ces questions,
13 c'est la relation de plus en plus claire, de plus en évidente, qui
14 apparaît avec le terroriste Ben Laden et avec la mafia qui trafique les
15 stupéfiants.
16 Le 16 janvier, il y a donc quelques jours, le "Daily Telegraph" écrivait
17 -je cite-: "Les extrémistes albanais qui souhaitent, au sud des Balkans,
18 créer de nouveaux conflits, dépensent des millions de livres sterling,
19 gagnés par le trafic d'héroïne afghane". Donc l'Afghanistan est mentionné
20 ici également.
21 Sur le marché européen, les armes sont achetées; le "Daily Telegraph" fait
22 part de rapports venant du quartier général de l'organisation de Vienne
23 pour le contrôle des drogues, qui écrit qu'en Autriche, en Allemagne et en
24 Suisse, il y a de plus en plus de représentants des Talibans et d'Al-Qaïda
25 et que c'est là que l'UCK obtient le produit de la drogue. Le trafic
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1 albanais ou, en tout cas, la tentative de prendre le contrôle du trafic de
2 drogue européen par les Albanais peut rapporter à ces derniers des
3 milliards et des milliards de livres sterling. C'est ce que dit le "Daily
4 Telegraph".
5 L'UCK a, en Macédoine, fait partie d'un réseau contrôlé par les
6 organisations du crime organisé de trois pays, qui existe déjà; c'est
7 établi ailleurs. Les rapports de services secrets occidentaux parlent du
8 Kosovo, mentionnent son intervention dans ce réseau en Macédoine et en
9 Suisse. Il est dit que "des bandes albanaises ont utilisé l'argent
10 provenant de la vente d'héroïne afghane pour se procurer des armes à
11 destination des Albanais du Kosovo et avec l'aide de l'OTAN, et tout cela
12 est logique".
13 Trois Albanais terroristes ont été condamnés.
14 (Monsieur Milosevic donne le nom des terroristes en question, que
15 l'interprète n'a pas entendus.)
16 Ils faisaient partie de cette division "Skenderbey" qui, aujourd'hui, a
17 été rebaptisée "le camp de Kosovo".
18 Pourquoi est-ce que CNN ferait savoir cela aux citoyens américains pour
19 les embarrasser ou leur faire craindre de souffrir encore une fois ce
20 qu'ils ont subi le 11 septembre, comme par exemple leur donner le chiffre
21 de soldats italiens blessés ou morts en raison des irradiations d'uranium
22 provenant des bombes lancées sur les Serbes au Kosovo? Tout ceci a été
23 confirmé par un observateur romain, cela a été confirmé trois ans après
24 parce que l'armée voulait cacher cela aux citoyens et aux soldats. En
25 effet, l'intérêt et les profits de ceux qui s'enrichissent grâce à ces
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1 ventes d'armes sont en cause.
2 En effet, il faut, pour l'armée, expliquer aux soldats que ce sont des
3 raisons patriotiques qui vont les pousser à aller si loin de chez eux pour
4 tuer les enfants d'autrui et tuer des gens. Des civils qui ne leur ont
5 rien fait de mal et qui, d'ailleurs, étaient leurs alliés pendant les deux
6 Guerres mondiales. Il faut beaucoup d'efforts pour leur expliquer que ceci
7 est un acte de patriotisme qui leur est demandé.
8 Donc la presse ne veut pas faire savoir que l'Albanais emprisonné parce
9 que, le 15 février 1992, sur la route Podujevo/Pristina, il a fait sauter
10 un autobus plein de Serbes accompagné par la KFOR. Vingt personnes ont été
11 tuées et, un grand nombre, blessées, ce jour-là.
12 J'espère qu'ici, tous ces morceaux de mosaïque seront rassemblés et que
13 même ce Tribunal le fera. S'agissant de la Yougoslavie, l'attaque se
14 poursuit contre elle par tous les médias.
15 M. le Président (interprétation): Il est 11 heures. Serait-ce peut-être le
16 moment de la pause?
17 Nous allons suspendre pendant une demi-heure, jusqu'à 11 heures 30.
18 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
19 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.
20 M. Milosevic (interprétation): Comme, de nos jours, personne ne cite les
21 rapports du Secrétaire général des Nations Unies de sécurité, en 1992, et
22 qui ne font que confirmer ce que je dis, je me propose de faire une petite
23 citation pour économiser le peu de temps qu'il me reste.
24 L'original dit que "en date du 28 au 29 mai, il y a eu de graves
25 pilonnages, contrairement aux directives de la direction de la JNA, à
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1 Belgrade. Compte tenu des doutes formulés par la possibilité des autorités
2 de Belgrade d'assurer au général Mladic, qui a quitté la JNA, le soutien
3 nécessaire, il a été fait des efforts par la Forpronu pour faire appel à
4 la direction politique de la République serbe de Bosnie-Herzégovine.
5 En tant que résultat de ces efforts, le général Mladic a convenu, le 30
6 mai, de faire cesser les bombardements de Sarajevo. A partir du moment où
7 je puis dire que j'espère que ces pilonnages de la ville vont être
8 interrompus, je crois pouvoir dire que le général Mladic se trouve hors de
9 contrôle de la JNA, ce qui complique l'application du paragraphe 4 de la
10 Résolution du Conseil de sécurité 752. Le président Izetbegovic a
11 récemment dit à l'un des officiers supérieurs de la Forpronu que la
12 direction politique de la République serbe de Bosnie-Herzégovine n'avait
13 pas de mainmise sur le général Mladic". (Fin de citation.)
14 A titre de présentation caricaturale, je crois pouvoir indiquer que
15 l'image est tout à fait claire et il s'agit d'une résistance fournie par
16 la Yougoslavie, qui est prouvée non seulement par l'historique de la
17 résistance au Kosovo, mais qui est prouvée par le fait que les victimes de
18 cette agression brutale ne sont pas seulement des citoyens de nationalité
19 serbe et monténégrine mais aussi des citoyens de nationalité albanaise,
20 qui est venue punir, sanctionner une politique soi-disant mettant en péril
21 cette même population albanaise. Les victimes sont très souvent des
22 femmes, des enfants, des personnes âgées, donc la partie de la population
23 qui a le moins de choses à voir avec les raisons de la guerre et qui sont
24 les premiers à souffrir de cette même guerre. Cela a été le cas tant en
25 Croatie qu'en Bosnie, qu'en Irak, qu'à New York, qu'à Washington
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1 également, à Belgrade aussi et partout ailleurs.
2 La partie informée du monde savait pertinemment bien que le bombardement
3 de la Yougoslavie avait été une vengeance du Pacte de l'OTAN pour la
4 politique indépendante que la Yougoslavie conduisait. Et la partie non
5 informée sait qu'il s'agissait d'une juste punition qui allait donc
6 sanctionner le comportement des dirigeants politiques serbes et
7 yougoslaves pour le fait de ne pas avoir fourni des droits de l'homme, des
8 droits nationaux et des droits civils à l'intention des Albanais, chose
9 qui a été d'ailleurs faite.
10 Maintenant, sur le fait que ces gens-là voulaient faire ce sécessionisme
11 par rapport à la Serbie et que, dans cet objectif, ils avaient créé une
12 UCK qui avait tué et égorgé tout ce qui était serbe, tout ce qui n'était
13 pas loyal à ce séparatisme albanais, ça, ce sont des choses que l'on a
14 dissimulées à l'égard du reste du monde.
15 La vérité est tout à fait autre. Par exemple, l'hebdomadaire français
16 "Marianne" a écrit de quelle façon l'Occident a permis la mise en place
17 des réseaux de Ben Laden. Et on sait comment, dans les Balkans, 6.000
18 fanatiques islamiques étaient venus d'Algérie dans les Balkans. Et ils ont
19 parlé de la volonté d'Izetbegovic de procéder à une islamisation; l'UCK,
20 c'était la deuxième étape de la création d'une transversale verte allant
21 de la Bosnie en en passant par le Sandzak et aboutissant au Kosovo-
22 Metohija.
23 Le représentant américain chargé des Balkans, à l'occasion d'une
24 conférence de presse à l'hôtel Hayat, en date du 28 février 1998, a dit
25 -je cite-: "Nous sommes profondément préoccupés et nous condamnons
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1 énergiquement les actions terroristes, des groupes terroristes au Kosovo,
2 notamment l'UCK. Il s'agit sans aucun doute de groupes terroristes." (Fin
3 de citation.)
4 Il a ajouté qu'il avait traité de la question et qu'il sait fort bien
5 évaluer les choses telles qu'elles étaient. Mais il apparaît évident qu'il
6 n'était pas au courant des plannings secrets de ses propres chefs et du
7 conseil chargé des actions dans les Balkans, qui s'étaient employés en
8 faveur d'une guerre généralisée dans les Balkans. Par la suite, il a été
9 envoyé ambassadeur des Etats-Unis en Indonésie, à l'autre bout du monde.
10 On a pu voir par la suite qu'il y a eu un point de confrontation au niveau
11 de l'URSS et de l'Ukraine parce qu'on avait des visées pour ce qui est de
12 la filiation de l'Ukraine à l'OTAN. En 1989, Michael Mandelbaum a dit que
13 "la chose la plus importante qui avait été faite, c'était justement le
14 Kosovo".
15 Un autre professeur, Michel Kosodowski, a dit que "le crime organisé avait
16 financé les bandes au Kosovo". Il l'a écrit en date du 10 avril 2000: il
17 avait également parlé de la corrélation entre les bandes de trafiquants de
18 stupéfiants entre l'Afghanistan et l'Albanie, les Afganais et les
19 Albanais. Il avait dit que des combattants du Koweït et de l'Arabie
20 Saoudite, de l'Allemagne et de l'Afghanistan, de Turquie entraînaient les
21 membres de l'UCK.
22 Le 23 janvier de cette année 2000, Diana Johnson a dit, dans un article,
23 que c'est Albright et Johnson qui avaient développé la doctrine
24 humanitaire cherchant à fournir un prétexte, une couverture pour ce qui
25 est des crimes perpétrés par cette guerre soi-disant humanitaire. Et cela
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1 avait inclus l'apparition de Taci à Rambouillet.
2 En janvier 1986, ce même Abramovic avait vendu des armes aux rebelles
3 islamiques en Chine.
4 Je tiens également à attirer votre attention: Abdiju Ekrem et Kopriva
5 Spem, qui sont Albanais, ont fait l'objet de procès parce qu'à la demande
6 des Saoudiens, Abdullah Abdu Rayah, à la demande du conseiller de Ben
7 Laden, avait organisé une brigade de Moudjahidine, une brigade constituée
8 de 35 Saoudiens et Ethiopiens, où il y avait également des Albanais, que
9 nous avons démantelée et ayant été capturée et condamnée en l'an 2000 et
10 en l'an 2001 par les autorités nouvelles et élues en Yougoslavie, et on
11 sait très bien sur ordre de qui, ils ont fini par faire l'objet d'une
12 amnistie.
13 Par la suite, il y a eu le 11 septembre. Le 11 septembre, en corrélation
14 de quel événement il y a cet Abdullah Abdu Rayah qui avait été condamné à
15 une année de prison parce qu'il avait de puissants protecteurs qui avaient
16 combattu au Kosovo et en Afghanistan.
17 Et cet Ekrem Abdiju, en 1991, en Bosnie-Herzégovine, avait créé une
18 brigade de Moudjahidine à Tesajn, Abu Bekir Sadik. J'ai sauté les
19 photographies dont j'ai parlé et les photographies où l'on montre ces
20 Moudjahidine tenant des têtes décapitées…, les têtes coupées de certaines
21 personnes.
22 Donc s'agissant du bombardement de la Yougoslavie, pour ce qui ne sont pas
23 bien informés, il s'agissait d'une sanction pour la terreur que faisaient
24 régner les autorités yougoslaves sur la population albanaise.
25 Pour ce qui est de la vérité, il s'agissait d'une sanction à l'égard de
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1 ces gouvernements occidentaux, à l'égard de la Yougoslavie qui n'obéit pas
2 à ces puissances occidentales. Et cette agression a soi-disant été juste
3 et nécessaire à l'égard de la violence, des auteurs de la violence serbe à
4 l'égard de l'innocente minorité nationale albanaise. Et donc, c'est ainsi
5 que le monde a fini par croire que le bombardement de la Yougoslavie
6 signifiait la mise en place d'une justice et que les autorités
7 yougoslaves, moi à leur tête, étaient des criminels qu'il fallait
8 sanctionner sans faute.
9 Mais s'agissant de moi-même, il faudrait peut-être ajouter une haine
10 personnelle, une haine personnelle de la part des hommes politiques pour
11 lesquels j'avais constitué un obstacle, pour ce qui est de
12 l'asservissement de la Yougoslavie et pour ce qui est de la mise en place,
13 la réalisation de ce plan qui avait été le plan relatif à l'Europe
14 orientale -y compris l'Albanie, la Bulgarie et autres- et qui avait été
15 mis en place il y a une dizaine d'années. Cela fait donc partie de leurs
16 frustrations, pour ce qui est des tâches inaccomplies et des ambitions non
17 réalisées par ceux qui avaient…, qui s'étaient vu confier ces tâches et
18 qui n'ont pas réussi à les réaliser. Parce que tout ce qui s'était passé,
19 devait se passer au niveau de la Serbie également; il est bon nombre de
20 preuves à ce sujet, j'ai parlé de certaines d'entre elles.
21 Donc au cours de dizaine d'années, on s'était efforcé de faire tomber mon
22 pouvoir, c'est-à-dire de me faire descendre du pouvoir et ce, par des
23 moyens inappropriés, à savoir par des chantages, des menaces et ainsi de
24 suite, pour asservir la Serbie.
25 Donc ce facteur de haine personnelle doit également être inclus, parce que
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1 qu'est-ce qui pourrait confirmer davantage ce fait, ces raisons d'Etat,
2 ces raisons historiques, ces raisons stratégiques et cette haine
3 personnelle s'agissant de moi-même, si ce n'est le fait d'avoir vu
4 s'attaquer sauvagement à toute ma famille dans son ensemble?
5 Il y a quelques jours, j'ai parlé des raisons politiques, stratégiques et
6 historiques. Je vais parler quelques minutes maintenant au niveau…, pour
7 ce qui est de cette haine personnelle qui se manifeste par ces attaques
8 lâches et sauvages à l'intention de ma famille, à l'égard de mes enfants.
9 Mon épouse est professeur d'université -elle avait été professeur
10 d'université à l'époque où je n'avais pas fait de politique du tout- et
11 ses livres ont été traduits en Russie, en Chine, en Inde, en Amérique, en
12 Angleterre, en France, en Allemagne, en Grèce, en Italie, en Espagne, donc
13 en plus de 30 langues partout dans le monde, et qui viennent témoigner des
14 efforts surhumains, des efforts publics déployés par un intellectuel
15 contre la guerre, contre les conflits nationaux, contre la violence, le
16 primitivisme et qui sont à l'honneur parce qu'elle parle… ils ont été
17 rédigés pendant cette période-là et non pas ultérieurement, a posteriori.
18 Donc c'est pour cela qu'elle fait l'objet d'une campagne cruelle des
19 médias comportant les pires des mensonges et les pires des inventions, les
20 pires des falsifications et des calomnies.
21 Ma fille, qui n'a jamais fait de politique, a dû cesser de travailler et
22 s'est mise à vivre de façon tout à fait isolée parce qu'elle n'en peut
23 plus de supporter cette violence à son égard et à mon égard.
24 Et pour ce qui est de mon fils, tous les médias ont lancé une campagne
25 terrible, quoi qu'il n'ait jamais fait l'objet de quelque poursuite
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1 légale. Et on sait que c'est un bon camarade, un jeune homme qui a
2 manifesté beaucoup de solidarité, qui a aidé beaucoup de gens. Alors,
3 s'agissant de lui, tout un raz-de-marée a déferlé sur lui, de haine
4 publique, et il a dû quitter le pays. Avec lui, sa femme et son enfant.
5 Donc un tel comportement, déshonorant et cannibale, un tel cannibalisme ne
6 s'est pas manifesté à l'égard de qui que ce soit depuis longtemps. Et CNN
7 a publié tant de mensonges pour ce qui est de ses terrains de golf, de ses
8 pizzerias, de son groupe de trafic de drogue, etc. C'est incroyable! Et il
9 s'agit d'une terrible honte que de voir une telle haine orientée à l'égard
10 d'une femme…, enfin, de la femme et des enfants d'un homme.
11 On a essayé de me tuer, on a bombardé ma résidence avec plusieurs missiles
12 de croisière en l'espace de quelques secondes. Et vous n'ignorez pas qu'en
13 fonction du droit international et en fonction du droit américain en
14 vigueur à l'intérieur du pays, l'assassinat d'un chef d'Etat est un crime
15 d'ordre pénal. Et ce jour-là, le jour où ils ont bombardé ma résidence,
16 j'avais reçu dans cette maison le président du Parlement et le ministre
17 des Affaires étrangères d'un autre Etat. Et ceux qui l'ont fait, ont pu
18 suivre les entrées et sorties de la résidence.
19 J'ai pu voir à CNN le général en retraite, M. Clark, qui a expliqué que ma
20 maison avait été un objectif militaire légitime parce que soi-disant, sous
21 la résidence, il y avait un centre de commandement souterrain, ce qui est
22 un mensonge notoire. Dans cette maison ancienne, dans cette construction
23 ancienne qui avait été utilisée comme résidence depuis la Seconde Guerre
24 mondiale par le président Tito, il n'y avait aucun centre de commandement
25 militaire et il n'y a jamais eu, à l'intérieur, de salle souterraine. Cela
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1 se trouve au milieu d'un jardin; il y a un gazon autour et en dessous il
2 n'y a rien du tout. Il n'y avait pas un seul centimètre carré de vitres
3 blindées. Je n'avais pas de vitres blindées, ni dans ma maison ni au
4 bureau, ni à l'époque où j'étais Président de Serbie ni à l'époque où
5 j'étais Président de Yougoslavie. Je vois que les autorités nouvelles et
6 mon successeur en Serbie ont déjà rapidement placé des vitres blindées
7 pour ne pas se faire abattre.
8 Cette maison n'avait aucune pièce souterraine et c'est une chose que tant
9 Clark et ses collaborateurs à l'OTAN devaient le savoir, parce qu'ils
10 disposaient de toutes les informations émanant des ex-généraux de la JNA
11 originaires de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de
12 la Macédoine qui avaient travaillé avec lui, qui avaient été de permanence
13 dans cette maison et qui avaient été plus proches de lui que ne l'ont été
14 des généraux serbes.
15 Donc faut-il davantage de preuves, davantage que ces deux preuves dont je
16 viens de parler et illustrant les attaques personnelles à mon encontre et
17 à l'encontre de ma famille? Y compris les tentatives de meurtre qui, outre
18 ces raisons politiques, stratégiques et autres, sont venues s'enchaîner à
19 cette haine indigne et lâche à l'égard d'une personne et d'une famille.
20 Je vais passer outre ces deux ou trois minutes dont il a été question et
21 je vais parler des mois dans lesquels on parle de crimes que j'aurais
22 perpétrés, qui ont été perpétrés par ceux qui ont inventé de toutes pièces
23 ce Tribunal et l'Unité de détention dans laquelle je me trouve, pour ne
24 pas répondre de la guerre qui est survenue entre les peuples en
25 Yougoslavie et qui m'ont accusé moyennant un Tribunal créé par leurs
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1 soins, qui m'ont accusé parce que je m'étais opposé à leurs objectifs et
2 que je m'étais battu pour la préservation, la sauvegarde de mon pays. Ils
3 utilisent leur puissance dans le monde non seulement pour être les maîtres
4 du monde, mais pour se venger cruellement à l'égard de toutes personnes
5 qui s'opposent à cette maîtrise qu'ils exercent sur le monde entier.
6 C'est là la substance du procès auquel nous assistons. Je suis ici devant
7 un Tribunal mensonger et faux pour qu'eux ne se présentent pas devant un
8 Tribunal. Donc, pour ce qui est de mon rôle, je ne puis qu'en être fier et
9 accuser pour ma part ceux qui m'ont accusé et leurs chefs. Ils sont en
10 liberté, mais ils ne sont pas libres. Moi, en prison, aux arrêts, je suis
11 libre. "Libre", jeu de mot: Slobodan veut dire "libre" avec un petit S et
12 un grand S, aussi bien.
13 Je voudrais maintenant que la cabine technique nous fasse passer cet
14 enregistrement vidéo.
15 (Intervention de l'huissier.)
16 M. le Président (interprétation): Combien pensez-vous que cela va durer?
17 M. Milosevic (interprétation): Je vais terminer dans le délai qui m'a été
18 imparti, à savoir d'ici une heure. Et je tiens à préciser, une fois de
19 plus, que je n'ai pas les moyens en prison de faire mieux. Mais, dans le
20 cadre des délais qui me sont impartis, je terminerai et j'ai compris la
21 teneur de la décision que vous avez prononcée.
22 J'ai une autre cassette, un autre enregistrement vidéo après ce premier
23 enregistrement, mais je crois que celui-ci sera présenté dans le cadre du
24 temps qui m'est imparti.
25 M. le Président (interprétation): Il y a, semble-t-il, quelques
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1 difficultés pour ce qui est du visionnage de cet enregistrement. Il
2 semblerait que nous ayons besoin d'une dizaine de minutes pour ce faire.
3 Vous avez peut-être un autre enregistrement? Vous aviez dit tout à l'heure
4 que vous en aviez un autre.
5 M. Milosevic (interprétation): Cet enregistrement était en corrélation
6 directe avec ce que j'ai exposé dans la matinée d'aujourd'hui et
7 l'enregistrement a été rembobiné. Je ne vois pas de raisons pour
8 lesquelles cet enregistrement ne pourrait pas être présenté immédiatement.
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous ne voudrions
10 pas perdre de temps. Pourriez-vous continuer avec votre intervention et,
11 dans dix minutes, nous serons en mesure de faire passer l'enregistrement
12 vidéo? Ce sera comme vous voudrez d'ailleurs.
13 M. Milosevic (interprétation): Je vais patienter que l'on ait fait passer
14 cette vidéo. En tout état de cause, nous allons respecter les délais que
15 vous m'avez impartis.
16 M. le Président (interprétation): (Pas d'interprétation.)
17 (L'audience, suspendue à 11 heures 55, est reprise à 12 heures 10.)
18 M. le Président (interprétation): Oui, veuillez diffuser la cassette
19 vidéo.
20 (Début de la diffusion de la vidéo.)
21 (Interprétation de la vidéo.)
22 "Deux ans plus tard, la plus grande partie de la majorité était en
23 flammes. Une petite guerre dans la République de Slovénie a débouché sur
24 un conflit plus important et plus sanglant en Croatie et en Bosnie-
25 Herzégovine. De plus, les Nations européennes, les Etats-Unis et les pays
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1 du Proche-Orient ont participé à des factions différentes en soutenant
2 cette guerre civile.
3 Des diplomates occidentaux ont blâmé les différents dirigeants de l'ex-
4 Yougoslavie pour l'effusion de sang, y compris Kucan, Franjo Tudjman,
5 Milosevic. Il n'y a certainement pas d'innocents parmi les parties
6 belligérantes mais Lord Carrington et un médiateur des Nations Unies,
7 Cyrus Vance, étaient furieux des déclarations de Genscher. Plus tard,
8 Vance allait baptiser le conflit "la guerre de Genscher", parce que
9 Genscher a refusé de reconnaître les séparatistes slovènes et croates.
10 Vance a compris que le poids qu'il aurait sur le point diplomatique pour
11 tenter de mettre un terme au conflit en Croatie et pour tenter d'empêcher
12 la Bosnie de sauter était diminué par Genscher. Par la suite, les
13 Allemands ont insisté pour dire qu'ils ne soutenaient pas le démantèlement
14 de la Yougoslavie.
15 Nous avons été fermement en faveur de l'unité yougoslave comme je l'ai
16 déjà dit, mais nous avons constaté que la volonté de maintenir la
17 Yougoslavie dans son intégrité a diminué de plus en plus sous la pression
18 des événements militaires. Depuis les années 60, les renseignements des
19 services secrets allemands, le BND, a participé grandement dans les
20 mouvements séparatistes dirigés par les Oustachis qui avaient fui vers
21 l'Allemagne après la Deuxième Guerre mondiale et avaient participé à un
22 certain nombre d'attentats contre le dirigeant communiste Josip Broz Tito,
23 et d'autres.
24 Au début des années 60, le BND a décidé de coopérer complètement avec les
25 Oustachis; ceci est devenu très clair après ce qu'on a appelé "le
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1 printemps croate" au début des années 70. Après la mort de Tito, le BND a
2 augmenté ses efforts avec les Oustachis en vue de désintégrer la
3 Yougoslavie et de la transformer en plusieurs petits Etats.
4 Le rôle crucial de l'Allemagne dans le soutien qu'elle a apporté aux
5 séparatistes croates est illustré par Anton Duhacek, ancien chef des
6 services secrets yougoslaves, qui était croate lui-même. Les Allemands
7 voulaient une subordination absolue et complète des services secrets
8 croates, de façon à ce que tous les désirs des Allemands soient accomplis.
9 Les Allemands ont promis que cela se ferait dans l'intérêt de la future
10 Croatie indépendante et libre.
11 Superficiellement, la Yougoslavie avait l'air en meilleur état que ses
12 autres voisins d'Europe de l'Est dans les années 80 et 90. Les Etats-Unis
13 considéraient son dirigeant indépendant, Tito, comme un atout contre la
14 Russie. Même après la mort de Tito en 1981, ceci s'est poursuivi.
15 Les Jeux Olympiques de Sarajevo ont proposé au monde l'image d'un peuple
16 pacifique, d'un pays pacifique et multiethnique s où plusieurs groupes
17 vivaient en coexistence.
18 Je crois que le premier signe de violence que j'ai pu constater, je l'ai
19 fait lorsque j'ai fait un tour de toutes les Républiques en 1983. J'ai
20 entendu à ce moment-là de nombreuses déclarations séparatistes dans
21 plusieurs des Républiques où je me suis rendu, notamment en Slovénie, en
22 Croatie mais pas seulement.
23 (Interprétation de David Binder): J'ai entendu des remarques menaçantes
24 dans les conversations que j'ai eues avec un certain nombre de personnes
25 quant à ce que nous allions leur faire, etc..
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1 A elles seules, la Slovénie ou la Croatie n'avaient pas le pouvoir
2 diplomatique ou militaire de se séparer et de contrecarrer l'armée
3 fédérale yougoslave qui était l'une des plus importantes d'Europe. Mais
4 L'Allemagne a fourni un soutien diplomatique et également des armes, même
5 après la déclaration de l'embargo sur les armes au niveau international.
6 -David Hackworth: J'ai entendu ce que l'on m'a dit être "la blague du
7 blocus", "la blague de l'embargo", donc je me suis rendu sur place; j'ai
8 essayé de vérifier ce qui se passait, notamment le long de la côte
9 dalmate, et je me suis efforcé de vérifier ceux qui passaient la
10 frontière, et on m'a dit qu'il n'y avait aucune limite.
11 En Krajina, des matériels arrivaient qui, d'après la JNA, faisaient partie
12 des stocks, des stocks yougoslaves; en fait, cela faisait partie des
13 stocks de l'armée allemande, cela ne faisait que très peu de doute, stocks
14 de l'ancienne armée de l'Allemagne de l'Est déguisés légèrement. Mais ces
15 armes venaient d'Allemagne de l'Ouest avec l'accord, manifestement, du
16 Gouvernement d'Allemagne de l'Ouest, sinon cela n'aurait pas été possible.
17 L'Allemagne était en même temps en train d'avertir le gouvernement d'Ante
18 Markovic, le Gouvernement yougoslave, en le mettant en garde contre le
19 recours à la force.
20 Ante Markovic, lui-même Croate, présidait un gouvernement divisé,
21 incapable de résister aux pressions allemandes ou de faire face aux défis
22 à venir. Il n'a jamais été membre d'un groupe de coalition, il a toujours
23 fonctionné tout seul. Donc il aurait pu être le bienvenu à la Maison
24 blanche –d'ailleurs, il l'a été-, mais il n'avait aucun soutien chez lui.
25 Donc, de ce point de vue, il représentait un échec majeur. Et la
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1 catastrophe, c'est qu'il a réussi néanmoins à maintenir l'idée fictive que
2 la Yougoslavie était toujours une.
3 Des cibles ont été prises par ceux qui voulaient se séparer. A Split, lors
4 d'un meeting public de sécession, un homme a été tué et son corps traîné
5 dans la rue.
6 Des événements du même genre ont semblé donner raison aux prévisions des
7 services secrets américains. La CIA, en octobre 1981, avait dit que la
8 Yougoslavie risquait de se décomposer, probablement sous l'effet de la
9 violence et personne n'a prêté attention à ce rapport dans les milieux
10 gouvernementaux.
11 Cependant, en janvier 1981, Baker, secrétaire américain, a essayé de faire
12 quelque chose pour éviter la catastrophe; il est allé à Belgrade pour
13 rencontrer les dirigeants des six Républiques.
14 Il a dit: "qu'aucun de vous ne prenne des mesures qui n'auraient pas eu
15 l'accord des autres". Cependant, Milan Kucan et Franjo Tudjman, dirigeants
16 des Républiques de Slovénie et de Croatie, ont pensé pouvoir passer à
17 côté, ignorer les propos du dirigeant américain. Le 25 juin, sûrs du
18 soutien de Genscher, ministre allemand, et de Alojz Mock, ancien ministre
19 allemand, ils ont déclaré l'indépendance de leur pays. Et lorsque le
20 président slovène, Milan Kucan, a donné l'ordre à ses troupes de saisir
21 ceux qui passaient par les frontières avec l'Italie et l'Autriche, les
22 combats ont commencé. Le drapeau yougoslave a été descendu et remplacé par
23 le drapeau slovène.
24 (Interprétation de Nora Beloff): Ils pensaient qu'ils avaient le droit de
25 descendre ce drapeau; je ne pense pas qu'ils pensaient aux conséquences.
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1 -Andreja Raseta avait téléphoné à Milan Kucan chez lui pour lui faire
2 savoir que des soldats yougoslaves nombreux répondant à ce défi des
3 autorités ne participeraient pas à cela.
4 (Interprétation de Nora Beloff): En fait, les Slovènes se sont lancés dans
5 la bataille. Ils ont obtenu le soutien de l'Autriche et d'autres milieux
6 et ils pensaient qu'ils pourraient transformer ce qu'ils appelaient une
7 guerre pour l'indépendance en une affaire internationale importante.
8 Genscher et d'autres se sont rendus à la frontière autrichienne yougoslave
9 pour rencontrer Kucan et ont averti Kucan du risque qu'il y avait à agir
10 de la sorte à la frontière. Confronté à l'opposition dirigée par
11 l'Allemagne, Markovic, le président a ordonné à l'armée yougoslave de se
12 retirer de la Slovénie. Les dirigeants slovènes ont mené des efforts de
13 relations publiques très importants et les journalistes étaient occupés
14 dans un centre de presse souterrain; ils recevaient des informations leur
15 disant que les Slovènes avaient réduit à la défaite l'une des plus grandes
16 armées d'Europe. Des réunions d'informations parlaient de différentes
17 batailles sur le terrain, y compris certaines qui n'existaient pas.
18 (Interprétation de Nick Gowing): Ce qui s'est passé en Slovénie avec
19 l'érection de barrages routiers sur les routes a été retransmis à la
20 télévision où l'on a vu des images de l'armée yougoslave agissant de façon
21 agressive contre les Slovènes, alors que les Slovènes voulaient déclarer
22 leur indépendance.
23 La manipulation des centres de presse a ouvert la voie à de nouvelles
24 guerres de sécession en Croatie et en Bosnie. La JNA a été déclarée être
25 une force d'occupation dominée par les Serbes, alors que la réalité était
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1 très différente. Le chef d'état Major, Veljko Kadijevic, était moitié
2 croate moitié serbe; le chef de l'armée aérienne Zvonko Jurjevic n'était
3 pas serbe lui non plus, et le chef de la marine était slovène.
4 (Interprétation de Nora Beloff): Il n'y a eu aucune protestation au sujet
5 des droits de l'homme. Tito était censé avoir respecté l'équilibre et au
6 niveau local, l'armée était représentée par des gens venant de la localité
7 en question. L'Occident aurait dû admettre ceci tant que cet arrangement
8 n'a pas été conclu pour entraîner la dissolution d'un Etat qui avait été
9 viable et qui avait vécu. Mais jusqu'à ce moment-là, il était reconnu au
10 niveau international que cet équilibre existait.
11 Si les dirigeants allemands croyaient toujours que la Slovène et la
12 Croatie pouvaient être séparées de la Yougoslavie sans donner lieu à une
13 guerre importante, les Américains étaient convaincus du contraire.
14 Je cite James Baker: "Nous avons dit que si la Yougoslavie ne se
15 démantelait pas pacifiquement, une guerre terrible allait en résulter et
16 inévitablement la guerre a éclaté, pas par la paix, pas pacifiquement,
17 mais à cause de la déclaration unilatérale d'indépendance faite par la
18 Slovénie et la Croatie et à cause de la saisie des postes frontières qui a
19 été un acte de violence et un acte qui violait les principes d'Helsinki".
20 Mais les puissances occidentales et les Etats-Unis ont fini par
21 reconnaître la Slovénie puis la Croatie, puis la Bosnie en tant que pays
22 indépendants et les ont acceptés aux Nations Unies.
23 Le problème réel résidait dans le fait que la déclaration d'indépendance
24 avait été unilatérale et qu'il y avait eu recours à la violence pour
25 obtenir cette indépendance et pas de négociation pacifique de
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1 l'indépendance qui aurait dû être le cas.
2 La majorité de l'Europe -la France, l'Angleterre et la Russie inclus- se
3 sont opposés au démantèlement de la Yougoslavie, mais seuls les Américains
4 étaient assez puissants pour s'opposer à l'Allemagne. Cela dit, les
5 Américains ont décidé de se retirer du problème. La mort de la Yougoslavie
6 a été déclarée par le gouvernement américain.
7 (Interprétation de George Kenny): Le but, c'était d'éviter de prendre la
8 moindre responsabilité dans la solution du conflit. Les alliés voyaient
9 que le problème ne pouvait que s'aggraver; ils voyaient que les Européens
10 étaient incapables de traiter le problème.
11 Dans l'Histoire, les Etats-Unis avaient soutenu la Yougoslavie
12 multiethnique. Pendant de nombreuses années, la Yougoslavie était
13 considérée comme une barrière à l'expansion allemande par le passé. La
14 Yougoslavie, union des peuples slaves du Sud, n'aurait jamais vu le jour
15 en 1918 si Thomas Woodrow Wilson, Président américain de l'époque, n'avait
16 pas apporté son soutien à cette idée. La région avait été colonisée par
17 l'Autriche-Hongrie et par les Habsbourg pendant des siècles, et ce, dans
18 le but final de faire en sorte que les Serbes, les Croates et les
19 Musulmans continuent à se jeter les uns contre les autres plutôt que
20 d'unir et de relier leurs intérêts.
21 (Interprétation de Nora Beloff): Les Habsbourg dirigeaient l'Empire et,
22 depuis la Première Guerre mondiale, il n'y avait pas d'autre possibilité
23 pour la création d'un gouvernement yougoslave que l'échec, la chute de
24 l'Empire austro-hongrois.
25 Avec le soutien des Américains, la Yougoslavie a été divisée pendant la
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1 Deuxième Guerre mondiale lorsque le dirigeant communiste Josip Broz Tito
2 s'est écarté, s'est séparé de l'Union soviétique et du bloc de l'Est en
3 1948. Les Américains ont pris sa place avec aide militaire et d'autres
4 formes d'aides pour créer un Etat tampon entre l'Ouest et les pays du
5 Pacte de Varsovie véritablement communistes.
6 A la fin de la guerre froide cependant, Washington a déclaré à un nouvel
7 ordre mondial qui mettait l'accent sur la concurrence économique plutôt
8 que sur la lutte contre le communisme.
9 Susan Woodward -je cite-: "Donc une fois que cet isolement de l'Union
10 soviétique, a commencé à décliner, après la fin des années 80 et les
11 réformes de l'époque, les gouvernements du Pacte de Varsovie et de l'OTAN
12 ont discuté ensemble pour réduire les armements et la course aux
13 armements. Tout ceci a conduit à ce que la Yougoslavie finalement n'ait
14 plus la même importance dans son rôle de défense.
15 Et, au début de 1989, les Américains ont été très clairs à ce sujet. Le
16 nouvel ambassadeur américain en Yougoslavie a informé le gouvernement
17 yougoslave que la position occupée par la Yougoslavie n'était plus
18 nécessaire, que la Yougoslavie n'avait plus la même importance; Susan
19 Woodward, n'occupait plus la même position. Les prêts internationaux
20 avaient été consentis, ce qui avait entraîné une inflation à trois
21 chiffres. Le gouvernement fédéral était contraint de prendre des mesures
22 d'austérité dans différentes Républiques. Ceci a conduit la Slovénie et
23 d'autres Républiques à se révolter contre la réforme économique prévue par
24 la Constitution.
25 Tous les efforts américains pour préserver la Yougoslavie dépendaient
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1 également de l'alliance existant entre Washington et l'Allemagne. Les
2 dirigeants allemands commençaient à reprendre le pouvoir depuis la
3 Deuxième Guerre mondiale, le Président américain Georges Bush a déclaré
4 qu'il avait des relations particulières avec l'Allemagne, du même genre
5 que celles que les Américains avaient avec l'Angleterre. Les Etats-Unis
6 ont pensé que l'Allemagne aurait la plus grande responsabilité dans le
7 rétablissement d'une unité Europe de l'Est/Europe centrale, avec l'Europe
8 de l'Ouest parce que l'Allemagne était particulièrement intéressée.
9 C'était un pays voisin et, financièrement, la plus grande puissance de
10 l'Union européenne. Elle avait donc les moyens de réaliser cela.
11 Dans la période postérieure à la guerre froide, l'Allemagne a de nouveau
12 souhaité que les Balkans dépendent de la politique allemande et elle a
13 voulu exercer son pouvoir et son influence dans une stabilisation de
14 l'Europe de l'Est, en même temps reliée d'une certaine façon à l'Europe
15 occidentale par la création d'une nouvelle Union européenne et, plus tard,
16 d'une union qui pourrait incorporer l'Union soviétique éventuellement.
17 Le problème, c'était que l'un des pays importants qui créait obstacle à
18 cela était la Yougoslavie. Alors que les habitants de Croatie étaient
19 divisés sur ce qui restait de la Yougoslavie, les séparatistes ont été
20 dirigés par les éléments les plus extrêmes, en fait des successeurs, des
21 héritiers des Oustachis pro-nazis. Comme un journaliste du "New York
22 Times" l'a dit: "aucun allié plus passionné des fascistes de Croatie ne
23 pouvait être trouvé".
24 On voit le retour de ce qui se passait il y a 50 ans, alors qu'il y a 50
25 ans, la tombe finale, définitive des nazis allemands aurait dû être
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1 creusée. Adolf Hitler considérait la Yougoslavie comme une création
2 artificielle du Traité de Versailles qui avait mis fin à la Première
3 Guerre mondiale.
4 Il avait été créé un Etat fantoche pour empêcher cela, les nazis ont créé
5 un Etat fantoche en Croatie, qui couvrait également la Bosnie-Herzégovine.
6 A sa tête, un fanatique croate oustachi, Pantelic, qui avait participé à
7 l'assassinat du roi Alexandre et à d'autres attentats de 1934. Ce sont les
8 nazis allemands qui ont choisi ce terrible dirigeant oustachi, qui disait
9 très clairement qu'il était favorable aux solutions proposées par Hitler
10 et qui n'en faisait pas secret.
11 Ceux qui avaient fui le régime oustachi ont été poursuivis pendant des
12 décennies où qu'ils se trouvent. Je dois admettre que l'obsession du
13 caractère criminel de cet Etat indépendant de Croatie faisait même peur
14 aux Allemands, car les crimes commis étaient plus graves que ceux commis
15 par les nazis.
16 Combien d'hommes, de femmes et d'enfants sont morts? L'envoyé spécial de
17 Hitler dans les Balkans a écrit que les dirigeants oustachis avaient
18 assassiné un million de Serbes orthodoxes sur instruction des nazis
19 allemands. Ce nombre, pour certains, est estimé à trois quarts de
20 millions.
21 La plupart des civils serbes qui ont péri dans le fameux camp croate de
22 Jasenovac étaient des gens qui venaient de la région entre la Bosnie et la
23 Croatie. L'extermination des Serbes, des Juifs, des Tziganes de Sarajevo a
24 été l'œuvre de dirigeants musulmans qui, à quelques exceptions près,
25 collaboraient avec les nazis et les Croates.
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1 Il y avait une Bosnie occupée sous contrôle allemand et une aile musulmane
2 importante qui était très anti-occidentale. Elle représentait les
3 instructions venant des muftis de Jérusalem.
4 Vous avez entendu les points de vue anti-occidentaux exprimés par de
5 nombreuses personnes dans la foule enthousiaste que vous avez vue.
6 Après la fin de la guerre, la Croatie et la Bosnie n'ont jamais été
7 dénazifiées. Il n'y a pas d'excuses présentées aux Serbes, aux Juifs ou
8 aux Tziganes, mais une espèce de gel de tout cela par la politique de Tito
9 développant la fraternité entre les peuples. La chute et la mort de la
10 Yougoslavie, après le décès de Tito, en 1980, a entraîné l'émergence
11 d'organisations d'émigrés de droite qui ont repris de l'énergie.
12 En première page du "New York Times", on les voyait déclarer que "la
13 Yougoslavie n'allait pas survivre et que la Bosnie et la Croatie n'en
14 ferait plus partie. C'était une carte qui était presque identique à celle
15 que les Nazis avaient créée dans l'Etat indépendant de Croatie.
16 D'ici à 1990, alors que le communisme était défait en Europe de l'Est, les
17 séparatistes croates formulaient leurs espoirs, en les fondant sur un
18 ancien général communiste, Franjo Tudjman, qui avait manifesté un très
19 grand nationalisme dans les années 70. Vous savez, je l'ai rencontré très
20 peu de temps avant la mort de Tito. Il utilisait des formules raciales et
21 nationalistes, alors qu'il venait d'être libéré de prison pour ses
22 positions dissidentes, et représentait la terreur pour les Serbes; il
23 disait que les Serbes étaient responsables et coupables d'un grand nombre
24 de choses.
25 Tudjman avait reçu une grande aide de l'extérieur de la Croatie dans sa
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1 montée au pouvoir. Les services secrets allemands ont été très actifs en
2 Croatie dans toute la Yougoslavie. Depuis la fin des années 80, ils ont
3 essayé d'établir des passerelles avec ce qu'ils appelaient les communistes
4 nationaux -Stipe Mesic et Franjo Tudjman en Yougoslavie- ainsi que des
5 organisations oustachis représentant la diaspora de Croatie et situées à
6 l'extérieur du pays, des gens qui avaient du pouvoir, de la puissance et
7 qui avaient participé à la création de l'Etat fantoche en 1945.
8 Tudjman a jugé utile d'utiliser ce genre de termes parce qu'il présentait
9 son programme et voulait le présenter sans la moindre difficulté. Il
10 n'était pas difficile, à l'époque, de s'exprimer de cette façon et de
11 vendre tout cela à l'Occident. Il a réussi partiellement parce qu'il était
12 un bon publicitaire, mais aussi parce que le lobby serbe n'a pu pas pu
13 s'opposer à lui et à ses intentions. Tudjman a souvent gêné ses partisans
14 les plus acharnés, tel le chancelier allemand Helmut Kohl. Par exemple, il
15 avait publié un livre qui minimisait les crimes des Oustachis en
16 prétendant que l'holocauste avait été largement exagéré. "Grâce à mon
17 épouse, grâce au fait que mon épouse n'est ni serbe ni juive", disait-il à
18 l'interviewer, "je peux m'exprimer de cette façon".
19 Quant au drapeau national, Tudjman a choisi pour la Croatie une réplique
20 de l'échiquier qui avait été le symbole des camps de la mort de la
21 Deuxième Guerre mondiale, là où les Juifs et les Serbes, ainsi que les
22 Tziganes, avaient été exterminés.
23 C'était acceptable pour l'Occident. Avec l'aide d'un certain nombre de
24 représentants de l'Occident, Tudjman a pu défendre ses idées et les mettre
25 à la une d'un certain nombre de journaux. Dans l'article dont il était
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1 l'auteur, il promettait qu'il n'y aurait pas de purge contre les Serbes en
2 Croatie si celle-ci se séparait de la Yougoslavie.
3 Tudjman a déclaré que la Croatie était pour les Croates beaucoup plus
4 qu'un slogan, que c'était un pays qui devait appartenir aux Croates, que
5 les Serbes de Croatie pourraient vivre côte à côte avec les Croates.
6 Avant le début des combats, les Serbes ont été éliminés de tous les postes
7 importants au gouvernement, de toutes les entreprises importantes ainsi
8 que de la police. Leurs maisons ont été prises pour cibles dans des villes
9 comme Zagreb et Dubrovnik et ailleurs.
10 Pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, les Serbes de
11 Croatie orientale ont commencé à traverser le Danube pour s'enfuir. Les
12 Serbes qui travaillaient dans les villes croates devaient signer des actes
13 d'allégeance; ceux qui ne les signaient pas étaient évincés de leur
14 travail. Ceux qui signaient n'étaient évincés qu'un peu plus tard,
15 licenciés un peu plus tard. Les maisons serbes, les appartements et les
16 entreprises serbes ont été attaqués.
17 Il ne fait aucun doute que c'est Tudjman lui-même qui a ordonné d'expulser
18 les Serbes de Croatie, comme l'a annoncé un dirigeant important, Tomislav
19 Mercep, dirigeant important du HDZ. Mercep, plus tard, allait être
20 identifié dans les rapports de police croates comme l'un des dirigeants
21 croates qui avaient dirigé "les escadrons de la mort", responsables de la
22 mort de centaines de civils serbes, à l'Est de la Slovénie et autour de
23 Vukovar ainsi que d'Osijek, à l'automne 1991. Il n'était mentionné que
24 rarement par la presse occidentale, mais Mercep est celui qui est l'un des
25 grands responsables de la guerre en Slavonie, région contestée de Croatie
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1 où les combats ont commencé. Contrairement à des membres plus discrets du
2 HDZ, Mercep ne faisait aucun mystère de son désir de voir revenir les
3 défenseurs des idées défendues par la Croatie pendant la Deuxième Guerre
4 mondiale.
5 Pendant que certains Français accueillaient la Croatie comme nouveau pays
6 européen, d'autres forces étaient à l'œuvre. Osijek est devenue un
7 véritable aimant pour les groupes néo-fascistes qui combattaient avec
8 Glavas, notamment pour Jean-Marie Le Pen.
9 (Suite de la diffusion vidéo.)
10 (Interprétation de la vidéo.)
11 "-Intervenant: Oui. Demain, nous partons pour Zagreb pour prendre des
12 ordres à l'état-major, mais pas de l'armée croate régulière. Nous allons
13 avec la force de défense croate qui dépend du Parti du droit croate. Donc
14 nous partirons quelque part sur le front, en Slavonie, je suppose.
15 Les Etats-Unis, qui ont finalement adopté la position allemande par
16 rapport aux Balkans, ont proposé une explication très similaire pour
17 expliquer les combats qui ont commencé dans la région majoritairement
18 peuplée par les Serbes en Croatie, région connue sous le nom de "Krajina".
19 Le secrétaire d'Etat adjoint, Richard Holbrooke, qui avait passé le début
20 de la guerre en Croatie en tant qu'ambassadeur en Yougoslavie, exprime
21 bien la position américaine: les Serbes ont commencé la guerre, les Serbes
22 sont les premiers responsables de la guerre. Mais ceux qui avaient
23 combattu pour lutter contre la guerre voyaient les choses autrement.
24 A l'intérieur de la Croatie et en dehors de la Croatie, les Serbes se
25 rappelaient très bien ce qui s'était passé en 1941 et 1942, moment où
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1 l'Etat fantoche avait été créé en Croatie. Ils se souvenaient des horreurs
2 qu'ils avaient subies à ce moment-là, ils se souvenaient des assassinats
3 de Serbes, car un nombre très important, véritablement très important de
4 Serbes avaient été assassinés à l'époque; plusieurs dizaines de milliers.
5 Et je crois qu'il est tout à fait compréhensible que, lorsque la Croatie a
6 déclaré son indépendance et lorsqu'elle a promulgué une nouvelle
7 Constitution supprimant toute sauvegarde pour les 600.000 Serbes qui
8 vivaient encore en Croatie, il est tout à fait compréhensible que les
9 Serbes étaient très inquiets.
10 Dès le début, on a blâmé les Serbes -et souvent par ignorance- parce que
11 personne ne s'est préoccupé de voir le contexte historique pour remettre
12 les événements dans ce cadre, pour voir pourquoi il y avait des Serbes qui
13 vivaient en Krajina et d'autres dans la zone que l'on appelait "Bosnie-
14 Herzégovine". Pourquoi? Parce qu'il y a eu des expériences historiques qui
15 étaient vraiment à ce point hostiles, lorsqu'ils se trouvaient sous le
16 régime de Zagreb ou de Sarajevo.
17 En 1989, vous avez des relations très tumultueuses entre Milosevic, le
18 nouveau dirigeant serbe, et Warren Zimmerman, le nouvel ambassadeur des
19 Etats-Unis. Je pense que Warren est venu de son dernier poste, Vienne,
20 pour s'occuper des droits de l'homme. Il était appelé au Kosovo et il
21 devait y aller pour, en fait, embrasser la cause du Kosovo. Et ceci a
22 beaucoup vexé les dirigeants serbes sous la tutelle de Slobodan Milosevic.
23 Fin des années 80: les troubles au Kosovo marquent déjà le début de la
24 sécession avec la Yougoslavie. Pour les Serbes qui avaient commencé à
25 vivre dans la région au 7e siècle, le Kosovo était le berceau de leur
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1 civilisation, leur Jérusalem et il était le foyer, le lieu où se
2 trouvaient leurs monastères les plus respectés.
3 Malheureusement, l'Histoire a été ici malheureusement forcée, c'est-à-dire
4 que les Albanais ont commencé à repousser les Serbes au 19e siècle; les
5 Serbes ont commencé à chasser les Albanais vers 1904 et puis les Albanais
6 sont revenus pendant la Deuxième Guerre mondiale, sous protection des
7 Italiens, et ont rejeté les Serbes. Mais Tito a décidé de garder les
8 réfugiés serbes pour qu'ils ne retournent pas chez eux au Kosovo. De ce
9 fait, les Serbes ont perdu surtout leur majorité. Et je pense que Tito est
10 responsable de cette situation: du drame du Kosovo.
11 Pour garder cette population au sein de la Fédération yougoslave, la
12 Constitution de 1974 donnait l'autonomie en tant que province par rapport
13 à la Serbie mais cette autonomie, elle a été vraiment mal utilisée par
14 Tito et ses camarades qui ont promulgué une campagne de violence pour
15 essayer de chasser les Serbes qui restaient dans la population. La vie de
16 la minorité serbe a été particulièrement difficile, et c'est ici que les
17 Kosovars ont commencé à vouloir une population uniquement albanaise, donc
18 un Kosovo uniquement, purement kosovar. Là où il avait des Serbes, on les
19 rejetait. C'était en fait du nettoyage ethnique, de la purification
20 ethnique.
21 Les Albanais se sont appropriés les foyers des Serbes. Les cimetières ont
22 été profanés. Vers la fin des années 80, la population serbe du Kosovo
23 avait diminué. Au départ de la Deuxième Guerre mondiale, elle était de
24 30%; elle était devenue 10%.
25 Les leaders séparatistes, en fait, recevaient la sympathie de Zimmermann.
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1 Eagleburger aussi; il a ignoré les protestations des séparatistes qui
2 étaient soutenus par l'Allemagne et il s'est uniquement concentré sur les
3 Allemands.
4 Dès le départ, les Serbes étaient considérés comme responsables de tous.
5 Ils étaient la cible de toutes les actions menées par les Etats-Unis, dès
6 le départ. Pareil pour les agences des médias américaines qui se sont
7 basées sur les rapports de l'ambassade américaine pour faire leurs
8 reportages. Et Slobodan Milosevic s'en est servi pour, en fait, distraire
9 ou essayer de rendre la guerre inévitable.
10 Les premiers tirs étaient déjà tirés par des séparatistes qui étaient
11 fortement soutenus par l'Allemagne. La communauté européenne, pour essayer
12 d'éviter le désastre, a organisé une Conférence en 1991 avec, à sa tête,
13 Peter Carrington, un diplomate britannique estimé, afin de trouver un
14 compromis entre ceux qui voulaient se séparer de la Yougoslavie et ceux
15 qui voulaient la maintenir en temps que telle.
16 Le problème, c'est que les frontières administratives étaient des
17 frontières internes mises au point par Tito en 1943 et qui laissait un
18 tiers de la population serbe à l'extérieur de la Serbie, surtout en
19 Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Ces frontières ont été établies de façon
20 secrète, sous le plus grand secret, et de façon irresponsable par le
21 cabinet de Tito, alors que la guerre était toujours en cours. Elles n'ont
22 jamais fait l'objet de discussions publiques, jamais elles n'ont été
23 approuvées.
24 Guerre civile, en 1991: deux référendums se tiennent le même jour en
25 Croatie. Les Croates votent de façon écrasante pour la séparation d'avec
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1 la Yougoslavie, alors que les Serbes de la région, surtout ceux de la
2 Krajina votent avec la même proportion pour rester au sein de la
3 Yougoslavie. Un compromis, encouragé par les négociateurs de la Communauté
4 européenne, aurait permis à la Croatie de quitter la Fédération, tout en
5 permettant à la région qui avait la majorité simple de rester en
6 Yougoslavie ou pour qu'elle maintienne beaucoup d'autonomie. Les Serbes se
7 verraient accorder la pleine citoyenneté et la protection de leurs droits,
8 en tant que droits de l'homme.
9 Dans la ville de Zagreb, Tudjman semblait, à contrecœur, prêt à accepter
10 ce compromis qui aurait permis d'éviter un gros conflit armé, mais
11 l'Allemagne a annoncé qu'elle allait reconnaître la Slovénie et la
12 Croatie, qu'il n'y aurait pas deux compromis, ceci des 1991.
13 Les Serbes étaient amers de voir que le premier acte posé par une
14 Allemagne unifiée était de diviser la Yougoslavie en trois pays séparés.
15 Une opportunité cruciale qui aurait pu mener à une division pacifique de
16 la Yougoslavie a été entravée par une action des Allemands.
17 Il faut voir s'il y avait d'autres Républiques qui était prêtes. Il aurait
18 fallu poser la question à la Bosnie et il était très clair qu'il y allait
19 y avoir une guerre civile en Bosnie, si ce n'était pas le cas.
20 Peres de Cuelhia, Secrétaire général des Nations Unies envoie une lettre
21 très vigoureuse à l'Allemagne pour dire que "reconnaître le pays serait un
22 désastre". L'ambassadeur de l'Allemagne à Belgrade met en garde contre
23 cette situation. Les Allemands étaient isolés, mais la pression exercée
24 par le parti de Kohl et par l'énorme lobby dans la partie sud de
25 l'Allemagne, surtout en Bavière, était telle qu'il était difficile de
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1 continuer à vouloir reporter cette décision. Au moment où débute la
2 guerre, le public allemand était déjà prêt à cette situation, vu les
3 attaques répétées menées contre les Serbes dans un journal important, le
4 "Frankfurter Algemeine Zeitung". Johann Georg Reismüller était favorable à
5 la Croatie, plutôt qu'aux Serbes mais, malgré tout, ceux-ci rappellent à
6 Peter Handke comment Goebbels, auparavant, a qualifié la race juive. On
7 voit que c'est la presse allemande qui a influencé l'opinion publique
8 allemande.
9 Je me souviens avoir parlé des Allemands au ministère des Affaires
10 étrangères. Ils ne parlaient pas du "Frankfurter Algemeine Zeitung", mais
11 du "Zagreb Algemeine Zeitung". Cela représentait un groupe de pression
12 énorme. Le soutien de l'Allemagne pour ce mouvemente séparatiste a été
13 très bien accueilli, de façon inhabituelle d'ailleurs, à la télévision
14 croate, télévision d'Etat.
15 La télévision serbe a diffusé ses remerciements musicaux à la croate avec,
16 entre ses images, des images de la Seconde Guerre mondiale. La Croatie
17 s'est bien servie des médias pour manipuler un public très large, surtout
18 l'Allemagne et les Etats-Unis, pour obtenir leur soutien à ce programme
19 séparatiste.
20 Voici ce programme où l'on montrait des images de Dubrovnik, qui était un
21 lieu privilégié de vacances pour les touristes allemands. En utilisant sa
22 ferme de Washington de relations publiques, la Croatie a convaincu le
23 monde entier que le gros de la ville était détruit par les Serbes. Cela a
24 été une campagne qui a trouvé son point culminant en 1991. Le public a cru
25 -Peter Maher est en train de parler ici-, le public a été convaincu que
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1 l'armée fédérale menait une attaque en août 1991.
2 Il y a eu la baie de Kotor, attaque menée qui a été repoussée avec de
3 lourdes pertes. Des forces yougoslaves ont eu des confrontations à
4 Dubrovnik. En fait, à Dubrovnik, il y avait surtout des hôtels qui avaient
5 été occupés pour devenir des baraques, des casernes, ce que j'interprète
6 par l'armée croate.
7 Il était manifeste que les Croates se servaient de la vieille ville comme
8 mur de défense. Ils luttaient depuis derrière des hôpitaux. Ils avaient
9 des positions montées derrière notre hôtel. Tout près de chez moi, il y a
10 eu, de là où j'étais, d'énormes bombardements. C'étaient vraiment les
11 pires bombardements qu'on ait jamais entendus. Moi, j'étais furieux et
12 tout le monde était paniqué. J'ai dit au directeur, qui était dans le
13 sous-sol avec nous: "On devrait dire à l'homme qui est dans le nid de
14 mitrailleuse qu'il devrait arrêter de tirer sur les Serbes, sinon ils vont
15 continuer à tirer sur nous".
16 Il y a eu des dégâts dans la vieille ville. On a dit quelque 15.000 obus
17 sont tombés sur la ville de Dubrovnik. Mais si cela avait été le cas, ils
18 auraient pu détruire toute la ville en deux heures; or la ville n'a pas
19 été détruite.
20 Le "Washington Post", par son journaliste Pier Thomas, s'est rendu dans la
21 ville plusieurs mois après la fin des combats et il a découvert que la
22 ville était pratiquement intacte.
23 Vous avez des gens qui montrent ces signes de chaos, mais nous ne les
24 trouvons pas, ces gens. En fait, ils prennent leurs nouvelles des
25 autorités locales. Il y a donc de la part des autorités croates une
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1 campagne orchestrée, reprise par la Slovénie et l'Allemagne, pour
2 présenter des Serbes comme étant des barbares; mais les faits sur le
3 terrain importent peu une fois qu'une première impression a été véhiculée.
4 Plutôt que d'admettre qu'ils avaient fait des erreurs, des journalistes
5 influents ont continué à dire que Dubrovnik avait été détruite. L'opinion
6 publique était dirigée contre les Serbes afin que la Croatie soit reconnue
7 en tant qu'Etat indépendant.
8 Ces impressions ont permis de renforcer la détermination de l'Allemagne à
9 obtenir le démantèlement de la Yougoslavie. Helmut Kohl, Premier ministre
10 de l'Allemagne, pour gagner à sa cause l'Angleterre, la Grande-Bretagne,
11 rencontre John Major et montre qu'il y a les dispositions sociales du
12 Traité de 1991 qui n'étaient pas respectées. Mais le prix était lourd à
13 payer.
14 Les Français, qui avaient besoin de l'Allemagne pour stabiliser leur
15 devise, ont organisé aussi des réunions avec les Républiques séparatistes.
16 Les Etats-Unis, la seule puissance en mesure de tenir tête à l'Allemagne,
17 a commencé à hésiter. Eagleburger, secrétaire d'Etat qui, autrefois, avait
18 été ambassadeur en Yougoslavie, qui parlait le serbo-croate, était bien
19 conscient des dangers que représentait une guerre élargie avant de
20 parvenir à un accord entre les différents groupes ethniques.
21 Je pense que la leçon la plus importante ici c'est que, lorsqu'on se
22 trouve dans une situation alors que pèsent mille ans d'Histoire derrière
23 tout cela. Il faut comprendre comment se fait le processus de la
24 désintégration et c'est vrai que les attitudes sont dures, de part et
25 d'autres. Ici, on sacrifie la paix à la politique intérieure puisque
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1 bientôt il va y avoir des élections aux Etats-Unis.
2 C'était devenu une question importante en politique intérieure. Il fallait
3 donc agir. Nous avions une communauté croate importante aux Etats-Unis et
4 il y avait eu perte des élections précédentes parce qu'il y avait eu un
5 retard manifeste afin de reconnaître la Croatie.
6 L'action des Allemands encourageait la sécession armée de la Slovénie et
7 de la Croatie, mais c'est la diplomatie américaine par le biais de
8 Zimmermann et de Akelberg, qui ont donné l'étincelle à cette guerre en
9 Bosnie-Herzégovine en soutenant à Alija Izetbegovic et sa politique de
10 sécession.
11 Nous avons insisté auprès des Européens pour que ceux-ci reconnaissent la
12 Bosnie et puis nous pourrions reconnaître les trois Etats. C'était le
13 marchandage, c'est précisément cela qui a débouché sur la guerre, guerre
14 qui selon les dirigeants européens, aurait pu être évitée puisque les
15 Serbes de Bosnie représentaient une majorité. Et puis évidemment, les
16 Musulmans qui avaient un taux de natalité bien plus grand auraient pu le
17 reprendre. C'était difficile pour les Serbes d'avaler une telle chose et
18 ils l'ont dit très clairement, dès le départ, qu'ils n'étaient pas prêts à
19 accepter une situation où il y aurait une Bosnie indépendante en vertu de
20 la constitution en vigueur à l'époque. En vertu de cette constitution, il
21 était illégal qu'Izetbegovic déclare son indépendance parce que toute
22 modification constitutionnelle de cette ampleur devait être obtenue avec
23 l'aval des trois partis. Mais auparavant, les Européens s'étaient
24 inquiétés des liens étroits d'Izetbegovic avec l'Iran, de la possibilité
25 d'avoir un Etat fondamentaliste en Europe.
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1 Effectivement, Izetbegovic avait des liens avec les Iraniens bien avant
2 qu'il n'arrive au pouvoir en Bosnie. Cela avait commencé peu de temps
3 après le début de la révolution en Iran. Il y avait des négociations, ils
4 étaient prêts à signer un accord qui garantissait spécifiquement que la
5 Bosnie resterait un Etat unitaire, qui resterait un Etat au sein d'une
6 Yougoslavie modifiée. Izetbegovic semblait manifester son accord, mais il
7 a fait capoter les négociations qui devaient empêcher la guerre.
8 (Interprétation de Nora Beloff): En fait, c'était un coup de poignard dans
9 le dos d'Izetbegovic puisqu'il est apparu à la télévision sans le dire aux
10 autres, et il a accusé les Serbes qui faisaient partie de la négociation
11 d'être des traîtres. Et ceci, c'était dangereux comme manœuvre, et ceci
12 aurait dû mettre en garde tout le monde face au type de politique qu'il
13 menait en disant que c'était serbe; c'est toujours ce qu'il disait par
14 rapport aux Serbes à l'encontre des journalistes occidentaux.
15 Dans son livre "La politique de la diplomatie", Baker dit à Zimmermann
16 qu'il faudrait reconnaître la Bosnie, mais la reconnaissance de la Bosnie
17 était violée, les normes diplomatiques parce que, pour qu'il y ait
18 reconnaissance il faut qu'il y ait une autorité des frontières stables,
19 une population stable. Or, aucune de ces trois conditions essentielles
20 n'était remplie en Bosnie en 1992, au moment où Zimmermann fait ses
21 recommandations. L'analyse des renseignements américains prévoyait que
22 ceux-ci avait entraîné la guerre.
23 Même les Allemands pensaient que ce serait une sérieuse erreur que
24 l'Allemagne reconnaisse.
25 (Interprétation de M. Genscher): Oui, nous avions des avis différents au
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1 début des années 1991. Les Américains étaient favorables à la
2 reconnaissance de la Bosnie, alors que nous et les Européens nous croyons
3 qu'il faudrait d'abord établir un cadre pour la totalité de la région.
4 Finalement, les décideurs politiques ont ignoré ce que disaient les
5 analystes.
6 Fin janvier, début février, la politique américaine avait changé. Nous
7 allions reconnaître la Bosnie, nous voulions aussi que la Communauté
8 européenne reconnaisse la Bosnie. A ce moment-là, à partir de la fin
9 janvier, nous nous demandions comment nous allions changer et peut-être
10 reconnaître la Slovénie et la Croatie en même temps.
11 Avec l'appui américain, la reconnaissance d'un Etat bosniaque séparé était
12 inévitable. Lord Carrington a essayé d'éviter le désastre en nommant le
13 représentant portugais, Cutilheiro, chargé de trouver des points communs
14 entre les Musulmans, les Serbes et les Croates, avant la reconnaissance
15 officielle de la Bosnie.
16 Citation: "Je lui ai demandé d'aller à Sarajevo et à Lisbonne pour parler
17 avec les trois parties en présence en Bosnie pour voir si un accord
18 pouvait être atteint dans le cadre d'un Etat intégré, un Etat où les trois
19 entités serbe, bosniaque et croate, vivraient d'une certaine façon sous le
20 même toit."
21 Le Pacte connu sous le nom d'Accord de Lisbonne est donc conclu le 18 mars
22 1992. Selon cet Accord, un gouvernement central de Bosnie-Herzégovine est
23 mis en place avec trois cantons ethniques, un peu sur le modèle de la
24 Suisse.
25 Citation: "C'était, je pense, la dernière possibilité, la dernière chance
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1 de maintenir l'intégrité de la Bosnie avant la scission."
2 "Si ce plan avait été adopté", comme l'a dit un journaliste plus tard, "la
3 guerre en Bosnie n'aurait sans doute jamais eu lieu".
4 Mais deux jours après la signature de cet Accord, suite à une rencontre
5 avec l'ambassadeur américain, Izetbegovic change d'avis et retire sa
6 signature. Izetbegovic a battu en retraite et a laissé tomber comme il
7 l'avait déjà fait sur d'autres questions.
8 Dans le New York Times, il est écrit qu'Izetbegovic avait signé avec
9 réticence cet accord pour obtenir la reconnaissance occidentale.
10 Zimmermann admet également, plus d'un an après le début de l'effusion de
11 sang en Bosnie, que le Plan de Lisbonne n'était pas mauvais du tout. Mais
12 pourquoi donc est-ce que Izetbegovic n'a pas essayé de voir ce qu'il
13 allait donner avant de retirer sa signature?
14 -Le journaliste: C'était un plan qui était destiné à aider...
15 (Suspension de la diffusion de la vidéo.)
16 M. le Président (interprétation): Arrêtons la diffusion.
17 Monsieur Milosevic, vous avez perdu dix minutes pendant la suspension.
18 Vous pouvez en disposer maintenant et vous pouvez utiliser ces dix
19 dernières minutes à nous parler ou à demander la poursuite de la diffusion
20 de la cassette, comme vous voulez.
21 M. Milosevic (interprétation): Je crois qu'il est préférable de continuer
22 la diffusion de la cassette qui est d'ailleurs presque arrivée à sa fin.
23 Mais ce n'était pas dix minutes, Monsieur le Président, c'était vingt
24 minutes.
25 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas discuter de cela. Vous
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1 disposez de dix minutes supplémentaires. Voulez-vous que l'on poursuive la
2 diffusion ou voulez-vous parler?
3 M. Milosevic (interprétation): Je demande que l'on achève la diffusion de
4 la cassette. Après quoi, je m'exprimerai encore pendant quelques secondes.
5 M. le Président (interprétation): Ne vous leurrez pas! Vous avez dix
6 minutes à votre disposition. Donc, c'est soit la cassette, soit vos
7 propos. Si vous diffusez la cassette, vous n'aurez peut-être pas le temps
8 de parler.
9 M. Milosevic (interprétation): Dans quelques minutes, la cassette sera
10 terminée.
11 M. le Président (interprétation): Continuons la diffusion de la cassette.
12 (Reprise de la diffusion de la vidéo.)
13 (Interprétation de la vidéo.)
14 "-Le journaliste: Donc ça a été un tournant dans notre effort
15 diplomatique.
16 (Inaudible.) Carrington, Cutilheiro et mes propositions n'ont pas été
17 acceptées". (Fin de citation.)
18 Toutes les parties à partir de ce moment-là se sont mobilisées pour la
19 guerre. Et la Communauté européenne a voté sur l'assistance américaine
20 pour reconnaître la Bosnie, le 6 avril, ce qui a constitué un acte de
21 négligence criminelle sur le plan diplomatique. Bien entendu, l'étincelle
22 était allumée et le feu a pris.
23 (Fin de la diffusion de la vidéo.)
24 M. Milosevic (interprétation): Si l'on examine tout ce qui s'est passé,
25 tout ce que je vous ai rappelé au cours du bref temps qui m'a été imparti,
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1 à savoir trois jours, lorsqu'on voit les images de ces cassettes qui
2 correspondent tout à fait à ce que je vous ai dit au sujet de la crise
3 yougoslave -et ce ne sont pas les seules images qui existent, il y en a
4 bien d'autres-, je ne sais pas quel poids on peu accorder au mot
5 "pathétique" utilisé par le Procureur dans cette salle d'audience.
6 La Procureure a dit, en effet: "Il ne fait aucun doute que ce qui s'est
7 passé en Yougoslavie n'était pas la volonté divine mais la volonté de cet
8 homme". Et elle pointait le doigt sur moi. Ceci a dû avoir bien sûr une
9 incidence sur le public.
10 Or, vous constaterez que tous les faits sont différents de ce qui a été
11 dit par la Procureure. La réalité est tout autre. Si le crime commis
12 contre la Yougoslavie correspond aux images que vous avez vues, aux images
13 vues par l'opinion, en Yougoslavie et dans le monde entier; dans ce cas,
14 ceux qui sont responsables de ce crime doivent en répondre.
15 Vous-mêmes, Messieurs les Juges, ne souhaitez pas leur demander de
16 répondre de leurs responsabilités puisque vous les représentez. Mais ce
17 qui a été publié à l'intention de l'opinion, grâce à ce malheureux procès,
18 a remis toutes les personnes responsables à leur place, c'est-à-dire
19 devant l'opinion publique, cette masse importante. Et ces personnes ne
20 pourront plus continuer à échapper à leurs responsabilités.
21 J'en suis convaincu personnellement, car je crois que la majorité de la
22 population mondiale, des gens honnêtes, sont convaincus de cela. Dans le
23 cas contraire, rien n'aurait de sens, et l'existence même n'aurait aucun
24 sens.
25 Ce que j'ai pu faire, compte tenu des limites qui étaient les miennes au
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1 cours des trois derniers jours, a permis à l'opinion mondiale de voir ce
2 qu'elle a pu voir; et je suis certain que chacun saura désormais que ce
3 Tribunal est un des moyens utilisés pour la commission d'un crime contre
4 mon pays. Je suis certain que les choses ne pourront pas continuer ainsi.
5 J'ai dit à mon fils: "C'est la peine pour moi de rester dans cette prison,
6 quelle que soit la durée de ma détention. Si un seul résultat est obtenu,
7 à savoir que je pourrai une fois dire la vérité, car, dès lors que cette
8 vérité est dite, dès lors qu'elle est entendue par l'opinion, plus
9 personne ne peut la mettre sous le boisseau, plus personne ne peut
10 l'éteindre."
11 Et ce que vous avez vu ces trois derniers jours, c'est que la vérité est
12 de mon côté. C'est cela qui me donne la supériorité que je ressens ici.
13 C'est pour cette raison qu'indépendamment des paragraphes de vos Actes
14 d'accusation et indépendamment de vos intentions qui sont devenues claires
15 pour tous, je me sens supérieur.
16 Vous, les Anglais, au moins vous pouvez prendre le dernier "Spectator" et
17 constater de quelle façon les gens responsables de chez vous considèrent
18 ce procès, ces actes d'accusation, leur jonction et tout ce qui se passe
19 ici. D'ailleurs, l'opinion va avoir la possibilité de s'exprimer: c'est
20 elle qui a le pouvoir compte tenu du fait que ce Tribunal, visiblement,
21 n'en a pas. L'opinion sera le jury dans cette affaire.
22 Puisque vous m'avez donné la parole et que j'en arrive à la fin de mon
23 propos, je terminerai en disant que, lorsque la Procureure en aura fini de
24 son travail, du travail qu'elle a prévu de mener à bien, conformément aux
25 dispositions de votre Règlement de procédure et de preuve, mon tour
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1 viendra de présenter ce que j'ai à présenter encore.
2 Je regrette de ne pas pouvoir montrer la vidéo que j'ai ici entre les
3 mains, je n'en ai pas eu le temps, mais elle est très importante parce
4 qu'elle montre de la façon la plus claire de quelle façon on a monté de
5 toutes pièces des informations destinées à l'opinion et de quelle façon on
6 a menti à l'opinion.
7 Un soi-disant camp de réfugiés a été créé à la frontière macédonienne avec
8 la Yougoslavie, Stankovci, comme on l'a appelé, où l'on a rassemblé
9 plusieurs milliers de Macédoniens qui devaient parler aux journalistes et
10 aux postes de télévision un jour; puis, plus tard, des diplomates sont
11 arrivés, ils ont raté leur chance ce jour-là, il sont venus un peu plus
12 tard et ils sont venus vérifier ce qui se passait, horrifiés par ce qu'ils
13 avaient lu dans la presse, pour constater qu'il n'y avait rien.
14 Voilà ce qui s'est passé à Stankovci, voilà ce qui s'est passé également à
15 Markale. Voilà quels ont été tous les mensonges, toutes les contre-vérités
16 diffusés pour présenter les choses contrairement à la vérité. Ce sont des
17 images que nous aurions dû voir sur la cassette précédente, qui n'a pas pu
18 être diffusée correctement, malgré le haut niveau de la technique dans ce
19 Tribunal. Et je n'ai pas pu montrer la cassette suivante.
20 Mais tout cela, ce sont des mensonges qui sont à la base du crime commis
21 contre mon pays. Ce crime sera découvert un jour, j'en suis convaincu.
22 J'en ai terminé, Monsieur le Président.
23 M. le Président (interprétation): Nous suspendons à présent pendant une
24 heure trente. Reprise des débats à 14 heures 40.
25 (L'audience, suspendue à 13 heures 10, est reprise à 14 heures 40.)
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1 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice. Vous avez la parole.
2 M. Nice (interprétation): Tout d'abord, en ce qui concerne ce témoin,
3 Mahmut Bakalli, je pense qu'il est à l'extérieur. Il pourra faire sa
4 déclaration solennelle en albanais.
5 M. le Président (interprétation): Avant de commencer, j'aimerais vous
6 remercier de nous avoir remis le résumé que nous avons reçu à temps.
7 Mais aux paragraphes 17 à 20 -je crois qu'aussi bien l'accusé que les
8 amici curiae disposent de ce résumé-, à ces paragraphes 17 à 20, présentés
9 comme étant la déclaration finale, ceci semble représenter la vie du
10 témoin en ce qui concerne la situation actuelle et donc sans intérêt. Mais
11 ceci étant, nous allons entendre sa déposition.
12 M. Nice (interprétation): Je demande que l'on fasse entrer le témoin dans
13 le prétoire.
14 (Le témoin, M. Mahmut Bakalli, est introduit dans le prétoire.)
15 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, veuillez donner
16 lecture de la déclaration solennelle.
17 M. Bakalli (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 M. le Président (interprétation): Cette déclaration solennelle n'est pas
20 habituelle, n'est-ce pas?
21 M. Nice (interprétation): D'habitude, elle n'est plus longue. Je n'ai pas
22 la version en anglais sous les yeux pour le moment.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, veuillez lire ce qui
24 se trouve sur ce document.
25 M. Bakalli (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
2 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez vous asseoir.
3 (Le témoin s'assoit.)
4 (Interrogatoire principal du témoin, M. Mahmut Bakalli, par M. Nice.)
5 M. Nice (interprétation): Veuillez décliner votre identité à l'attention
6 des Juges de la Chambre.
7 M. Bakalli (interprétation): Je m'appelle Mahmut Bakalli.
8 Question: Monsieur, est-ce que vous êtes actuellement membre du Parlement
9 du Kosovo?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Il y a quelques années -répondez par oui ou par non-, est-ce que
12 vous avez eu des rencontres, des réunions avec l'accusé?
13 Réponse: Effectivement, au cours du printemps de 1998, j'ai rencontré
14 l'accusé à deux reprises.
15 Question: Nous reviendrons à ceci en temps utile, mais revenons au début
16 pour dresser le cadre de votre déposition.
17 Quelle a été votre formation et quelle est votre profession?
18 Réponse: Je suis un intellectuel, libre-penseur au Kosovo. Indépendant. Je
19 suis membre du parlement du Kosovo.
20 Question: Mais remontons au début, à votre formation initiale: quelles
21 étaient vos activités? Qu'avez-vous étudié? Quel était votre premier
22 métier avant d'entrer dans la vie politique?
23 Réponse: J'ai étudié les sciences politiques à Belgrade où j'ai fini ma
24 maîtrise et puis j'ai travaillé comme professeur à l'université de
25 Pristina, en sociologie. Ensuite, en 1971, j'ai été nommé Président du
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1 comité provincial, représentant le Kosovo. J'ai été membre de la
2 présidence de la Ligue des communistes de Yougoslavie sous le régime de
3 Tito. J'ai occupé plusieurs postes, exercé diverses fonctions jusqu'en
4 1981.
5 Question: Quel est le poste le plus élevé que vous avez occupé au sein du
6 Parti communiste?
7 Réponse: J'ai été chef du comité provincial du Parti communiste de
8 Yougoslavie pendant dix ans et, pendant onze ans, j'ai fait partie du
9 comité.
10 Question: Vous dites que ceci, c'était jusqu'en 1981? Que s'est-il passé
11 cette année-là, en 1981, qui a fait que les choses ont changé?
12 Réponse: Vous voulez dire jusqu'en 1981?
13 Question: Oui. En fait, en 1981, que s'est-il passé?
14 Réponse: Par la suite, j'ai subi une persécution politique de la part de
15 mon parti, du gouvernement serbe en Yougoslavie, parce que nous étions en
16 conflit entre nous en ce qui concerne l'estimation que nous avons faite de
17 plusieurs manifestations d'étudiants en 1981, à Pristina, au Kosovo.
18 Question: Est-ce que vous avez pu continuer à travailler dans le Parti
19 communiste, pour le Parti communiste, ou est-ce que vos activités au sein
20 du Parti communiste se sont terminées?
21 Réponse: A partir de 1981, je n'étais plus membre de l'ancien Parti
22 communiste. Je n'avais plus d'activité pour tout ce qui touchait au Parti
23 communiste, à la Ligue des communistes.
24 Question: Est-ce que vous étiez libre ou est-ce que vous avez été victime
25 de diverses contraintes?
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1 Réponse: Après 1981 -c'est à ce moment-là que je me trouvais en conflit
2 avec mon propre parti–, j'étais persécuté. J'ai été en butte à toutes
3 sortes de pressions. Pendant deux ans, j'ai dû rester chez moi, j'étais
4 assigné à résidence. Et puis, plus tard, j'ai été autorisé à travailler
5 dans une institution, dans un institut de recherche scientifique, et j'ai
6 travaillé à plusieurs projets.
7 C'est ce que j'ai fait jusqu'au moment où Milosevic et sa politique ont
8 commencé. C'est à ce moment-là que des Albanais ont été…, ont perdu leur
9 emploi.
10 Question: En quelle année est-ce que ces événements ont commencé à se
11 produire?
12 Réponse: Est-ce que vous pourriez répéter votre question?
13 Question: Vous venez de parler de ces derniers événements où vous avez
14 Milosevic et sa politique, et le fait que des Albanais perdent leur
15 emploi, sont démis de leurs fonctions. Au cours de quelle année est-ce que
16 tout ceci s'est passé?
17 Réponse: Ça, ça s'est passé après 1991, après les changements, après la
18 modification apportée à la Constitution du Kosovo.
19 Question: Je vous arrête un instant.
20 Est-ce qu'à ce moment-là, vous aviez déjà commencé à participer de nouveau
21 à la vie politique?
22 Réponse: Non. De 1981 à 1989, je n'ai pas eu d'activité politique. Je suis
23 resté sans aucune activité parce que je ne voulais pas m'immiscer dans la
24 direction du Kosovo afin que celle-ci puisse défendre la position
25 constitutionnelle du Kosovo. Et j'avais travaillé à la Constitution de
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1 1974, mais après le discours de Milosevic à Gazimestan, à l'occasion de la
2 commémoration de la bataille de Kosovo Polje en 1989.
3 Question: En 1989, est-ce que cela a été uniquement le discours de
4 l'accusé à Gazimestan qui a revêtu une grande importance, ou est-ce qu'il
5 y a eu d'autres événements qui se sont produits en 1989 qui ont aussi joué
6 leur rôle?
7 Réponse: Mes activités politiques étaient en rapport avec la position
8 adoptée par l'accusé dans son discours de Gazimestan. J'ai vu que là se
9 préparait un projet dangereux qui pourrait déboucher sur la guerre dans
10 toute la Yougoslavie, et surtout au Kosovo.
11 Question: Essayons de procéder par chronologie pour être utiles à la
12 Chambre.
13 Répondez par oui ou par non à cette question-ci: est-ce que vous vous
14 souvenez d'un incident qui est survenu à l'Assemblée, cette année-là,
15 concernant des chars? Répondez simplement par un oui ou par un non.
16 Réponse: Non (sic).
17 Question: Est-ce que vous étiez présent au moment de cet incident ou pas?
18 Réponse: Non, je n'étais pas présent, mais j'étais au courant.
19 Question: Très bien. Est-ce que vous vous souvenez du mois au cours duquel
20 s'est produit cet incident? Et si vous n'en êtes pas capable, est-ce que
21 vous vous souvenez de la saison au cours de laquelle ceci s'est passé?
22 Réponse: Cela s'est passé au cours du printemps de l'année 1991, me
23 semble-t-il; c'est alors que Milosevic a lancé une initiative destinée à
24 modifier le statut constitutionnel du Kosovo et voulait…
25 Question: Excusez-moi. Si vous ne vous souvenez pas de la date de cet
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1 incident, remontons dans le temps: remontons au discours de Gazimestan.
2 Est-ce que vous étiez présent au moment de ce discours ou est-ce que vous
3 en avez entendu parler? Est-ce que vous avez lu des articles le
4 concernant?
5 Réponse: J'en ai entendu parler. Je l'ai vu à la télévision serbe et j'ai
6 vu la retransmission en direct de ce discours que j'ai analysé. J'en ai lu
7 aussi des analyses, commentaires dans les journaux, j'ai lu l'intégralité
8 de son discours dans les journaux.
9 Mais je n'étais pas présent en personne à Gazimestan. Il n'y avait pas
10 d'Albanais présents.
11 Question: Vous qui êtes Albanais du Kosovo, qui avez un passé politique,
12 vous avez été perturbé par quel élément de ce discours?
13 Réponse: Si ma mémoire ne me fait pas défaut, je dirais que la partie du
14 discours dans laquelle M. Milosevic a déclaré que demain, en Yougoslavie,
15 ce serait la guerre, la guerre politique pour l'avenir de la Yougoslavie
16 et que la possibilité d'un conflit armé ne pouvait pas être exclue, cette
17 partie-là. En fait, tout le texte, si vous l'analysez.
18 Du moins c'est l'impression que j'en ai eu à l'époque. Cela représentait
19 un projet de guerre plutôt qu'un projet voué à trouver une solution
20 pacifique à la Yougoslavie d'alors.
21 Question: Répondez tout d'abord par oui ou par non.
22 Est-ce que vous avez réagi d'une quelconque façon après ce discours? Est-
23 ce que vous avez fait quelque chose? Répondez par un simple oui ou par un
24 non.
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-ce que vous avez été le seul à réagir à ce discours ou est-
2 ce qu'il y a d'autres personnes qui ont également réagi? Et puis nous en
3 viendrons à ce que vous avez fait vous-même.
4 Réponse: Je n'étais pas le seul; nombreux furent ceux qui ont aussi réagi
5 au Kosovo, des intellectuels, des personnalités politiques.
6 Question: Parlons de vos propres réactions. Après avoir entendu ce
7 discours et après vous être fait cette opinion, qu'avez-vous fait
8 précisément?
9 Réponse: Eh bien, la première chose que j'ai faite, ce fut ceci: j'ai
10 écrit une lettre, lettre publique et longue à un ancien ami à moi, Larry
11 Eagleburger, qui avait été l'ambassadeur des Etats-Unis à Belgrade. A
12 l'époque, il était secrétaire d'Etat adjoint des Etats-Unis d'Amérique et
13 je lui ai écrit pour dire que ce qui se passait en Yougoslavie était très
14 dangereux. J'ai assorti cela d'un commentaire qui portait sur le discours
15 prononcé par Milosevic à Gazimestan. J'ai ajouté que j'étais inquiet de
16 voir la possibilité qu'éclate une guerre. Cette lettre, je l'ai publié en
17 Albanais dans le journal "Skendija" de Pristina, parallèlement. Cela a été
18 publié dans le journal de Zagreb.
19 Question: Est-ce que vous avez été le seul à publier ce genre d'article ou
20 est-ce que d'autres ont fait de même?
21 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, il y en a d'autres au Kosovo
22 qui ont eu des réactions publiques suite au discours de Milosevic à
23 Gazimestan et qui ont réagi aux autres mesures qu'il a prises après ce
24 discours.
25 Question: Vous parlez d'autres mesures qu'il a prises après ce discours: à
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1 quoi pensez-vous?
2 Réponse: La première mesure importante a été l'initiative qu'il a prise en
3 vue de modifier le statut constitutionnel du Kosovo comme étant une partie
4 constitutive de la Fédération, de sorte que le Kosovo serait sous la
5 tutelle unique de la Serbie. Il a pris cette initiative contre la volonté
6 des Albanais du Kosovo, contre la volonté du parlement du Kosovo et il a
7 changé la Constitution de façon illégitime et illégale.
8 Il a ainsi tout à fait modifié la situation du Kosovo qu'il a placé sous
9 le régime serbe. Après cela, après avoir modifié la Constitution du
10 Kosovo, cela a été pour les Albanais une situation d'apartheid qui a
11 prévalu. Je veux dire l'apartheid régnait partout, dans tous les milieux.
12 Les gens perdaient leur emploi, ils étaient démis de leur fonction s'ils
13 travaillaient dans le gouvernement, dans la culture, dans l'enseignement
14 et ils étaient exclus de la vie sociale en général. C'était, semblait-il,
15 un apartheid imposé; et cela, c'est un crime contre l'humanité, à mon
16 avis.
17 Question: Pourriez-vous nous aider sur un détail: vous avez dit que des
18 modifications avaient été apportées à la Constitution du Kosovo. Nous
19 savons que le Kosovo avait un statut de province semi-autonome.
20 Pourriez-vous expliquer aux Juges quelle était l'importance ou le degré
21 d'autonomie, de semi-autonomie de cette province du Kosovo? Quels étaient
22 les pouvoirs les plus importants dont disposait le Kosovo dans la
23 Fédération de Yougoslavie précédemment?
24 Question: En quelques mots, je dirai ceci: en vertu de la Constitution de
25 1974, le Kosovo était autonome en tant que partie constituante de la
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1 Fédération et avait les mêmes droits que les Républiques qui, elles aussi,
2 faisaient partie de la Fédération; il avait notamment le droit de veto.
3 La vie sociale, la vie économique, la police… Tout ceci se fondait sur la
4 Constitution et sur le statut autonome. Et aussi, pour ce qui est des
5 fonctions qu'avaient les autres Républiques, eh bien, le Kosovo les avait
6 aussi.
7 Rien ne se trouvait sous compétence de la Serbie. Le préambule de la
8 Constitution dit que le Kosovo est une partie constituante de la
9 Fédération et que cela fait partie de la Serbie.
10 Question: Ce droit de veto, à quel niveau du gouvernement s'exerçait-il ou
11 pouvait-il s'exercer, s'agissant des représentants du Kosovo?
12 M. Bakalli (interprétation): Si le Kosovo n'était pas d'accord avec une
13 solution proposée au niveau fédéral ou fédératif, comme toutes les autres
14 Républiques, le Kosovo pouvait apposer son veto, avait droit de veto. Ce
15 que nous avons utilisé à deux reprises au Kosovo, mais à juste titre, à
16 bon escient parce que, si nous n'avions pas exercé ce droit de veto, cela
17 aurait été à nos dépens.
18 M. Nice (interprétation): Fort bien.
19 M. Robinson (interprétation): Avant que vous ne passiez à autre chose,
20 j'aimerais poser une question au témoin.
21 Vous avez dit que les modifications constitutionnelles avaient eu pour
22 effet d'imposer ce que vous avez appelé "l'apartheid" aux gens du Kosovo.
23 Mais je ne comprends pas tout à fait ce que vous entendez par la notion
24 d'apartheid. Est-ce que c'est un apartheid par rapport au reste de la
25 Fédération de Yougoslavie, ou au sein du Kosovo même? Est-ce que vous
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1 pourriez préciser davantage dans quelle mesure l'apartheid a régné?
2 M. Bakalli (interprétation): Tout d'abord, nous leur avons demandé de ne
3 pas apporter d'amendement à la Constitution parce que ceci pourrait être
4 négatif comme effet. Mais en fait, la Constitution a été abrogée; on nous
5 a imposé des modifications tout à fait radicales.
6 J'ai dit que nous nous trouvions en situation d'apartheid à l'encontre ou
7 pour la population serbe, la minorité serbe du Kosovo, pour
8 l'administration serbe qui s'est servie de la minorité serbe du Kosovo
9 pour placer des gens à eux dans des fonctions, à des postes particuliers,
10 en fait pour exercer un pouvoir sur les Albanais du Kosovo. Donc c'était,
11 si vous voulez, un apartheid au sein de la Serbie.
12 M. Nice (interprétation): J'allais vous poser une question plus précise en
13 rapport avec cela.
14 Suite à ces modifications constitutionnelles imposées au Kosovo, les
15 Albanais du Kosovo, qu'avaient-ils comme opportunité en matière
16 d'enseignement?
17 M. Bakalli (interprétation): La seule possibilité qu'il y avait de créer
18 un système éducatif, c'était par l'organisation d'un système parallèle de
19 la part des Albanais, ce qui n'était pas légal. Le système n'était pas bon
20 puisqu'on enseignait dans les maisons, chez les particuliers; la plupart
21 des enseignants n'étaient pas payés pour le travail qu'ils faisaient. Mais
22 nous avons pris part de façon active à cette initiative afin que le
23 système éducatif ne soit pas tout à fait démantelé, ne se désintègre pas
24 totalement. C'était un système parallèle d'enseignement au Kosovo que nous
25 avons mis sur pied.
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1 Question: Est-ce qu'il y avait à disposition un système de formation,
2 d'éducation, assuré par l'Etat au Kosovo pour les enfants albanais? Et si
3 oui, pourquoi les Albanais du Kosovo ont-ils choisi d'établir un système
4 parallèle pour ce qui est d'assurer une éducation à l'intention des
5 enfants à domicile?
6 Réponse: Après ces changements constitutionnels, la Serbie a imposé un
7 système qui avait été le système éducatif de la Serbie. Nous, au Kosovo,
8 nous avions notre programme éducatif qui était le nôtre et qui avait
9 auparavant été approuvé par l'Assemblée du Kosovo, à savoir par le
10 ministère de l'Education du Kosovo. La Serbie, elle, a refusé d'accepter
11 la chose. Et suivre une formation en fonction du programme que nous avions
12 établi signifiait qu'il nous était devenu impossible d'accéder aux
13 établissements ou aux bâtiments des établissements officiels, raison pour
14 laquelle il a fallu continuer à assurer une formation dans les caves des
15 maisons privées.
16 Question: Mais est-ce qu'il avait été possible au Kosovo, pour les enfants
17 albanais, d'obtenir une éducation dans leur propre langue sous le système
18 qui avait été mis en place par l'Etat?
19 Réponse: Dans le système éducatif assuré par l'Etat serbe, cela avait été
20 théoriquement possible, à savoir que les enfants albanais pouvaient être
21 formés de la sorte. Mais les Albanais avaient refusé la chose; ils avaient
22 leurs propres professeurs et leur propre système éducatif; ils n'avaient
23 pas voulu accepter un système éducatif qui leur avait été imposé par les
24 autorités du pouvoir à Belgrade.
25 Question: Penchons-nous sur encore un aspect du système que vous venez de
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1 nous décrire, pour entendre quelques détails ou quelques phrases encore à
2 ce sujet.
3 Vous avez dit que les Albanais du Kosovo avait perdu leur emploi aux
4 postes du gouvernement, dans leurs bureaux. Je voudrais savoir pour quelle
5 raison ils avaient perdu leur emploi pendant ce temps-là?
6 Réponse: Suite à ces changements constitutionnels, bon nombre d'Albanais
7 avaient perdu leur emploi parce qu'ils avaient dû signer une déclaration
8 d'allégeance à l'égard du système constitutionnel nouveau et de
9 l'administration du gouvernement serbe, chose que les Albanais ont refusé
10 de faire.
11 Deuxièmement, il y a eu des modifications radicales pour ce qui est de la
12 conduite des entreprises et des compagnies d'Etat. Les Albanais ont été
13 éjectés de ces entreprises et ils ont été remplacés par des Serbes.
14 Question: Ont-ils perdu leur emploi pour de bonnes raisons, d'après ce que
15 vous pourriez nous dire à ce sujet?
16 Réponse: Eh bien, la vraie raison avait consisté à contraindre les gens du
17 Kosovo à se mettre à genoux. Il s'agissait de signer une déclaration
18 d'allégeance à l'égard de la Serbie, chose qui avait été une forme de
19 pression morale, de pression politique à l'égard des Albanais et les
20 Albanais du Kosovo ont refusé de le faire parce qu'ils ne voulaient
21 justement pas être jetés sur leurs genoux.
22 Question: Vous avez parlé de votre lettre à l'intention de Lawrence
23 Eagleburger qui avait été publiée par les journaux. Avez-vous continué à
24 publier vos points de vue dans la presse?
25 Réponse: Oui, régulièrement, dans les journaux, dans les revues et non
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1 seulement dans les revues et journaux albanais, au Kosovo, mais ailleurs
2 en Europe également, tout comme dans certains journaux américains, dans la
3 presse belgradoise en langue serbe, dans les journaux qui étaient quelque
4 peu plus libéraux; je préférerais peut-être dire qui étaient des journaux
5 d'opposition comme "Nasa Borba", "Vreme", "Nin" et autres revues en langue
6 serbe.
7 Question: En bref, quels étaient les arguments que vous avanciez dans vos
8 articles et quelles étaient les appréhensions dont vous faisiez part?
9 Réponse: Dans tous mes articles, mon point de vue principal avait été
10 étroitement lié à la Déclaration des droits de l'homme au Kosovo, pour ce
11 qui est de la population albanaise qui s'était prononcée défavorable à la
12 juridiction serbe. Et pour ce qui est du parlement du Kosovo, étant donné
13 que cette partie-là du parlement s'était dissociée, ces membres du
14 parlement s'étaient dissociés, une fois que le parlement a été révoqué,
15 les membres s'étaient réunis secrètement à Kacanik et avaient voté une
16 Constitution de la République du Kosovo.
17 Par la suite, le peuple albanais du Kosovo a adopté une déclaration qui
18 était la sienne par voie de référendum. En bref, le peuple albanais avait
19 opté en faveur de l'indépendance du Kosovo à l'égard de la Serbie. Cette
20 population-là avait souhaité voir se créer une République du Kosovo qui,
21 par la suite, entamerait des négociations relatives au destin à venir du
22 Kosovo, dans le cadre de la confédération ou de la fédération yougoslave.
23 Cela avait été la position que j'avais présentée dans mes articles.
24 J'avais été actif dans mes interventions publiques et dans ce sens-là.
25 Question: Continuons avec l'époque où vous aviez eu des rencontres avec
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1 l'accusé.
2 Dites-moi d'abord, je vous prie, pendant combien de temps avez-vous rédigé
3 ces articles, ce dont vous avez parlé tout à tout à l'heure?
4 Réponse: Eh bien, pendant tout ce temps, depuis 1981 jusqu'à nos jours.
5 Question: Et comment en êtes-vous venu à rencontrer l'accusé? Comment cela
6 est-il arrivé d'abord?
7 Réponse: Je pense qu'il y avait eu certains préparatifs avant cette
8 première rencontre. Tout d'abord chez moi, le 8 octobre 1987, trois
9 officiers haut placés de la sécurité d'Etat serbe étaient venus me voir et
10 je me suis entretenu avec eux à mon domicile.
11 Question: Et pourriez-vous nous donner leurs noms?
12 Réponse: L'un des trois s'appelait Gajic. Il avait été chef de cet
13 appareil de sécurité pour le Kosovo, donc les services de sécurité d'Etat
14 serbe pour le Kosovo.
15 Puis, il y avait un adjoint du chef des services de sécurité d'Etat qui
16 s'appelait Stanisic et il me semble qu'il y avait un haut responsable de
17 cet appareil ou de ces instances de sécurité qui, je pense, devait
18 s'appeler Hadzic. Il devait y avoir encore un commandant dont je ne me
19 souviens plus du nom. Il était venu aux fins de préparer une rencontre
20 entre moi et leur chef à eux, M. Stanisic, et ce, à la demande de M.
21 Stanisic.
22 Toutefois, j'ai saisi cette opportunité pour leur dire ce que je pensais
23 de la répression et des crimes qui étaient perpétrés par les forces de la
24 police et de l'armée au Kosovo. Ils m'ont répondu qu'ils n'étaient pas
25 venus faire des commentaires sur la situation au Kosovo, mais qu'ils
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1 voulaient arranger un contact entre moi et Stanisic. Je suis tombé
2 d'accord et je leur ai d'ailleurs répondu que j'étais disposé à rencontrer
3 Stanisic. Par la suite, deux semaines plus tard...
4 Question: Mais quoiqu'il n'ait pas voulu s'entretenir avec vous sur la
5 situation, dites-moi si l'on vous a dit quoi que ce soit lors de cette
6 première rencontre et qui vous avait préoccupé?
7 Réponse: Est-ce que vous parlez de la deuxième rencontre avec Stanisic
8 lui-même?
9 Question: Non, je parle de la première rencontre avec les trois hommes de
10 la sécurité d'Etat et l'homme qui répondait au nom de Gajic.
11 Réponse: Pouvez-vous reprendre votre question, je vous prie?
12 Question: Est-ce que l'un quelconque de ces trois hommes avait dit quelque
13 chose lors de cette première rencontre, chose qui vous avait préoccupé ou
14 qui vous avait lancé dans l'anxiété?
15 M. Bakalli (interprétation): Oui, en effet. Ils ont tout le temps essayé,
16 d'abord, de ne pas parler de la situation du tout, de ne pas faire de
17 commentaire sur la République du Kosovo, de la solution pacifique au
18 travers de négociations et du retrait des troupes et de la police. Mais
19 quand j'ai moi-même parlé des crimes perpétrés par les forces de la police
20 au Kosovo et lorsque j'ai parlé de quelques incidents concrets, le dénommé
21 Gajic m'a dit que cela n'était rien du tout; il a dit qu'ils avaient un
22 plan. Il a dit -je reprends ses mots-: "Nous avions un plan répondant au
23 code approprié de "terre brûlée"". Et en langue serbe, il avait parlé de
24 "politika sprzena zemlja", à savoir "politique de terre brûlée".
25 Et ils avaient, semble-t-il, suggéré que le plan ne soit pas mis en oeuvre
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1 au Kosovo. Gajic avait dit que la finalité de cette politique consisterait
2 à détruire 700 agglomérations habitées par des Albanais, pour l'essentiel,
3 et de détruire les biens tout comme les personnes. Et pour dire vrai, j'ai
4 essayé de garder mon sang-froid et de répondre tout simplement que ce
5 serait de la démence, une démence à grande échelle si cela se faisait
6 parce que, si telle chose arrivait, tous les Albanais se soulèveraient
7 pour partir en guerre.
8 M. Robinson (interprétation): Monsieur Bakalli, juste un moment, je vous
9 prie.
10 Quand vous dites que l'on vous avait dit qu'il y avait un "plan de terre
11 brûlée", qui avait fait ce plan, d'après ce que vous aviez compris?
12 M. Bakalli (interprétation): J'ai compris qu'il s'agissait là d'un plan de
13 la Serbie, à savoir un plan établi par Milosevic. Cependant, Gajic, en sa
14 qualité de chef de cette sécurité d'Etat au Kosovo, avait émis certaines
15 réserves concernant la mise en oeuvre de ce plan. Du moins, c'était
16 l'impression que j'avais eue à l'époque. Il semblerait qu'un plan
17 draconien de la sorte avait tout de même existé.
18 M. Robinson (interprétation): Merci.
19 Continuez, Monsieur Nice.
20 M. Nice (interprétation): Je crois que vous nous avez dit que cette
21 réunion suivante avait eu lieu quelques semaines plus tard. Parlez-nous de
22 cela.
23 Est-ce que vous avez fini par avoir une rencontre quelques semaines plus
24 tard?
25 M. Bakalli (interprétation): Oui. Deux semaines plus tard, j'ai été
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1 contacté par un intermédiaire qui m'a dit qu'à Brezovica, à environ 70
2 kilomètres de Pristina, on m'attendrait ce soir-là, là-bas, et que je
3 serais reçu sur place par ce Stanisic; Stanisic avait été le chef de la
4 sécurité d'Etat de Milosevic.
5 J'ai accepté de m'y rendre. Je suis allé là-bas avec un ami et nous sommes
6 allés là-bas en voiture à nous. Nous étions accompagnés par des
7 représentants de la sécurité d'Etat. L'hiver était très froid, c'était un
8 hiver glacial.
9 Question: Lors de cette rencontre avec Stanisic, était-il seul ou y avait-
10 il quelqu'un d'autre encore?
11 Réponse: Dans le bâtiment même, le bâtiment qui avait appartenu à la
12 sécurité d'Etat serbe, il y avait d'autres personnes encore. Il y avait le
13 dénommé Gajic et certains autres de ses collègues.
14 Toutefois, j'ai été emmené à l'étage vers M. Stanisic, vers une pièce où
15 il était seul. Il y avait quelque chose à boire et à manger, et nous nous
16 sommes entretenus là-bas pendant à peu près deux heures.
17 Question: Est-ce que Stanisic était une personne que vous connaissiez déjà
18 ou était-ce quelqu'un que vous avez rencontré pour la première fois?
19 Réponse: C'était la première fois que j'avais rencontré, à ce moment-là,
20 M. Stanisic.
21 Question: Vous a-t-il expliqué les raisons pour lesquelles il se trouvait
22 là? Et sur initiative ou instruction de qui il se trouvait là-bas, au
23 juste?
24 Réponse: Dès le début, il a dit qu'il avait été envoyé là par le président
25 Milosevic pour que nous nous entretenions d'une réunion entre moi-même et
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1 M. Milosevic. Et comme je vous l'ai déjà dit, il était censé informer
2 Milosevic le lendemain matin, à Belgrade, de la teneur de notre
3 conversation, du moins c'est ce qu'il m'a dit.
4 Question: Et comment se sont terminées ces deux heures de discussion avec
5 Stanisic?
6 Réponse: Eh bien, cela s'est terminé plus ou moins comme cela s'était
7 terminé deux semaines auparavant, lors de nos entretiens précédents: le
8 problème du Kosovo, où il s'agissait de trouver une issue par négociations
9 politiques pour trouver une issue permettant de surmonter les collisions
10 politiques, surmonter ce problème politique. Et j'avais fait appel à
11 Stanisic pour faire en sorte que les violences et les crimes cessent afin
12 qu'il y ait retrait de la police et des forces armées en insistant de ma
13 part sur le début des négociations politiques.
14 Quant à lui, il avait dit qu'il allait en informer Milosevic. Mais il a
15 aussi ajouté si j'étais disposé à rencontrer Milosevic moi-même. J'ai
16 répondu par l'affirmative. L'entretien avait été modéré, très paisible.
17 Il serait peut-être intéressant de dire qu'une fois redescendus dans le
18 hall où j'étais attendu par cet ami à moi et où il y avait également les
19 collègues de Stanisic entre autre le dénommé Gajic, il avait demandé: "Eh
20 bien, comment cela s'est passé?" Je leur ai dit: "Eh bien, nous avons eu
21 un entretien, un bon entretien dans la tolérance." Et il a dit: "Bien,
22 nous avons eu un bon entretien, mais M. Bakalli est, quant à lui, un
23 nationaliste structurel."
24 Je ne sais pas du tout ce qu'il avait voulu dire par-là; je ne sais pas ce
25 que c'est. Je sais ce que c'est un nationaliste, mais je ne sais pas ce
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1 que pourrait être un nationaliste structurel.
2 Devant tout ce groupe de personnes, on s'était servi de cette expression,
3 chose qui m'avait semblée fort étrange. Il ne m'avait pas demandé:
4 "Monsieur Bakalli, seriez-vous..." Il m'avait demandé: "Monsieur Bakalli,
5 est-ce que vous seriez disposé à assumer des fonctions quelconques dans la
6 Fédération?" J'ai ri et je lui ai répondu que j'avais occupé beaucoup de
7 postes ma vie durant au sein de la Fédération. Et c'était peut-être la
8 chose la plus caractéristique de cette conversation que j'ai eue avec
9 Stanisic.
10 Je ne pense pas qu'il ait voulu me soudoyer en usant de cette formule du
11 style: "Voulez-vous un poste quelconque?" Mais ce que je ne sais pas,
12 c'est pour quelle raison il avait parlé de cela devant d'autres personnes?
13 Question: Nous parlons là de l'année 1997 et 1998. Quand avez-vous eu un
14 contact suivant, un contact de ce genre par la suite?
15 Réponse: Le contact suivant s'était fait avec Milosevic.
16 Question: A quel moment a-t-il eu lieu?
17 Réponse: En avril 1988.
18 Question: Dans quel contexte?
19 Réponse: Milosevic m'a envoyé une invitation ainsi qu'à deux autres
20 personnes et m'a invité à venir à Belgrade un jour. Il se trouvait que
21 j'étais à Belgrade à ce moment-là, dans une délégation de Kosovars qui
22 négociaient avec le ministère des Affaires étrangères suédois. Cette nuit-
23 là, j'ai donc passé la nuit à Belgrade et deux personnes sont venues me
24 chercher à l'hôtel où je me trouvais pour m'emmener jusqu'à la résidence
25 du Président, résidence appelée Beli Dvor.
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1 Question: Aviez-vous informé quelqu'un au sein de la communauté
2 internationale de cette rencontre?
3 Réponse: Quand nous nous rendions à Belgrade pour cette rencontre avec le
4 ministre des Affaires étrangères de Suède, un ami m'a appelé au téléphone
5 portable pour me dire que deux hommes de Milosevic m'avaient appelé en me
6 demandant de rencontrer Milosevic.
7 J'ai donc parlé aux représentants du Kosovo qui étaient avec moi dont M.
8 Fehmi Agani qui, plus tard, devait être assassiné littéralement par les
9 forces serbes pendant son expulsion hors du pays, en train. Ils l'ont
10 exécuté à ce moment-là.
11 J'ai donc parlé à M. Agani et aux autres représentants du Kosovo qui
12 m'accompagnaient et qui m'ont dit: "Pourquoi ne pas le rencontrer
13 finalement? Ce serait une bonne chose pour le Kosovo." Si vous me demandez
14 si j'ai pris contact avec qui que ce soit en dehors de ceux qui
15 m'accompagnaient, je répondrai non; je suis pratiquement sûr de ne pas
16 l'avoir fait. Je voulais informer l'ambassadeur des Etats-Unis, M. Miles,
17 mais il n'était pas dans sa résidence à ce moment-là et j'ai informé le
18 secrétaire de l'ambassadeur américain, M. Nick Hills, qui m'a simplement
19 demandé d'être tenu au courant de ce dont nous aurions discuté ensemble,
20 une fois la rencontre terminée. Mais je n'ai reçu d'instruction de
21 personne.
22 Question: Parlons de cette rencontre à Beli Dvor. Est-ce l'accusé qui vous
23 a reçu?
24 Réponse: Oui, nous avons été accueillis par lui dans l'entrée. La
25 conversation que nous avons eue a été empreinte de tolérance, dirais-je.
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1 J'ai eu la possibilité d'exprimer mon point de vue.
2 Question: Que lui avez-vous dit? Qu'entendez-vous par ce mot "mon point de
3 vue"?
4 Réponse: Je ne voudrais pas me répéter sans cesse, mais, en quelques mots,
5 je dirais que j'ai proposé avec insistance que les crimes commis par la
6 police et l'armée au Kosovo cessent. J'ai dit qu'il fallait que ces
7 concentrations de force -je parle de la police et de l'armée qui étaient
8 présentes au Kosovo- devaient s'en retirer et qu'il convenait de prendre
9 en compte la volonté du peuple albanais du Kosovo qui souhaitait
10 l'indépendance de la République du Kosovo, c'est-à-dire que le Kosovo ne
11 dépende plus de la Serbie.
12 Je lui ai demandé également l'ouverture de négociations sur ces points et,
13 si vous me le permettez, j'aimerais encore ajouter quelques mots
14 supplémentaires, quelques secondes simplement.
15 Je lui ai dit que le rapport des forces était à ce moment-là favorable à
16 la Serbie, mais qu'il n'en serait pas toujours de même. Je lui ai dit
17 qu'une fois que les Albanais s'organisaient, une fois qu'ils décidaient de
18 s'engager dans une guerre, la communauté internationale ne resterait pas
19 indifférente face aux crimes commis au Kosovo.
20 J'ai tiré profit de l'occasion qui m'était donnée pour citer la phrase, un
21 dicton serbe qui signale que "au dessus du pope, il y a un prêtre de rang
22 plus élevé".
23 Je lui ai dit que nous vivions dans un monde qui était interconnecté et
24 qu'il ne pouvait être question d'imposer des frontières ou des limites à
25 qui que ce soit. Ce qui peut vous intéresser, c'est que nous avons parlé
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1 d'un certain nombre d'autres choses, mais il y en a une qui me paraît
2 particulièrement intéressante, à savoir ce que nous avons dit au sujet du
3 sort de la famille Jashari à Prekaz. En effet, les forces de police
4 avaient commis un crime très grave peu de temps auparavant: je parle des
5 forces de police serbes qui avaient tué tous les membres de la famille
6 Jashari à Prekaz, dans la région de Drenica.
7 Et j'ai donc dit: "Vous êtes en train de tuer les civils; vous tuez des
8 femmes et des enfants, comme vous l'avez fait à Prekaz". Milosevic a
9 répondu en disant: "Nous combattons les terroristes". Je lui ai dit:
10 "Ecoutez, il y a des femmes et des enfants qui se font tuer". Et ce qui
11 m'a surpris, c'est qu'il a utilisé un terme plus souvent utilisé par les
12 policiers que par des représentants politiques. Il a dit: "Nous leur avons
13 donné deux heures pour partir, pour quitter les bâtiments".
14 Question: Avait-il l'air d'être au courant de cet événement ou pas?
15 Réponse: Oui, oui, absolument. Il m'a demandé: "Est-ce une famille
16 nombreuse?". Il m'a demandé si je connaissais cette famille. En fait, il
17 s'avère que je ne connaissais pas personnellement cette famille, mais je
18 connaissais toute l'affaire et je savais qu'il s'était agi d'un crime qui
19 avait frappé toute une famille.
20 Si les gens se lancent dans une guerre, bon, vous avez le droit de tuer
21 ceux qui combattent, mais vous n'avez pas le droit de tuer tous les
22 membres d'une famille et de brûler la maison dans laquelle cette famille
23 habite.
24 Question: Monsieur Bakalli, vous avez parlé de forces de police comme
25 étant responsables de ces délits. De quelle force de police parliez-vous?
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1 Réponse: En fait, je ne connais pas très bien la structure interne de la
2 police serbe qui régnait à l'époque sur le Kosovo, mais j'imagine que ces
3 forces étaient des forces spéciales de la police.
4 Si vous me permettez de poursuivre en quelques mots...
5 Question: J'aimerais plutôt vous poser une autre question: quelle a été la
6 réaction de l'accusé lorsque vous vous êtes plaint du comportement de la
7 police, de ce massacre, etc.? Comment a-t-il réagi?
8 Réponse: Malheureusement, sa réaction a consisté à ne manifester aucune
9 émotion, en tout cas, aucun sentiment de culpabilité. Je vous ai déjà dit
10 les termes qu'il a utilisés; il a dit: "Nous leur avons donné deux heures
11 pour partir".
12 Question: De façon générale, quelle a été la position adoptée par lui en
13 réponse aux plaintes que vous formuliez?
14 Réponse: J'ai dit il y a quelques instants que la conversation entre nous
15 a été correcte, marquée du sceau de la tolérance. Il m'a permis de
16 m'exprimer mais, de temps en temps, il a réagi d'une façon assez
17 arrogante.
18 J'ai dit que j'avais parlé des crimes commis par la police, par exemple.
19 Quant à lui, il a utilisé le terme de "terroristes". J'ai dit que
20 c'étaient les organes d'Etat de la Serbie qui étaient responsables de ces
21 meurtres, qu'il s'agissait de terrorisme d'Etat; ce qui ne lui a pas plu
22 du tout, l'utilisation par moi de cette expression.
23 Je ne sais pas s'il est courant pour lui de répondre de cette façon mais,
24 en tout cas, il m'a dit, en serbe: "Freinez un peu, ralentissez, Monsieur
25 Bakalli. Attention, ne montez pas sur vos grands chevaux en décrivant ces
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1 crimes".
2 A ce moment-là, j'ai parlé de l'affaire d'Uksin Hoti.
3 Pour ma part, j'ai parlé très ouvertement. J'ai dit que de nombreux
4 prisonniers étaient détenus illégalement dans les prisons serbes et que,
5 parmi eux, se trouvaient deux de mes amis. J'ai plus particulièrement
6 évoqué le cas d'un intellectuel, un universitaire, un ami à moi qui était
7 détenu dans les prisons de Serbie depuis des années. Son nom était Uksin
8 Hoti.
9 J'ai prononcé son nom, j'ai dit "Uksin Hoti est en prison pour raisons
10 politiques, en raison de ses positions politiques et moi, j'ai exactement
11 les mêmes positions politiques". Mais il a éludé cela. Et Uksin Hoti a été
12 exécuté au moment où il a été relâché de la prison de Dubrava, un
13 dimanche, ce qui est inhabituel, car en général rien ne se passe le
14 dimanche. Eh bien, c'est un dimanche qu'on lui a dit qu'il pouvait rentrer
15 chez lui.
16 M. Nice (interprétation): L'avez-vous revu depuis?
17 M. Bakalli (interprétation): Non, non, je ne l'ai plus jamais revu, mais
18 je sais que certains l'ont vu franchir le portail de la prison et que plus
19 personne ensuite ne l'a vu vivant. Aujourd'hui, personne ne sait rien du
20 sort qui a été le sien. Personne n'a même vu son cadavre.
21 M. Robinson (interprétation): Quand cela s'est-il passé? Pouvez-vous poser
22 la question au témoin?
23 M. Nice (interprétation): Combien de temps après votre conversation avec
24 l'accusé cela s'est-il passé?
25 M. Bakalli (interprétation): Je dirai que cela s'est passé quelques mois
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1 plus tard.
2 Question: Au cours de la conversation que vous avez eue avec l'accusé, la
3 question de ce que vous avez appelé "l'apartheid" a-t-elle été soulevée?
4 Plus précisément, a-t-il été question entre vous d'éducation?
5 Réponse: Au cours de cette rencontre, j'ai dit que ce qui se passait dans
6 le domaine de l'éducation n'était pas acceptable. Or, Milosevic et Rugova
7 avaient signé à ce sujet un accord avec l'organisation Sant'Egidio qui est
8 une organisation du Vatican. Mais nous n'en avons pas parlé longuement.
9 Question: Cet accord signé entre Milosevic et Rugova, avec intervention ou
10 participation en tout cas du Vatican, était-il destiné à restaurer la
11 liberté d'enseignement pour les Albanais du Kosovo? Vous pouvez répondre
12 par oui ou par non.
13 Réponse: Cet accord qui a été conclu grâce à la médiation de Sant'Egidio
14 avait pour but de permettre aux étudiants et aux élèves albanais du Kosovo
15 de retourner dans les institutions scolaires, écoles ou universités, donc
16 devait leur permettre de travailler côte à côte avec les autres élèves.
17 Question: Je vous demande de répondre par oui ou par non. Cet accord est-
18 il entré en vigueur?
19 Réponse: Non, il n'est pas entré en vigueur. Il a été signé par les deux
20 parties, mais n'a jamais été appliqué.
21 Question: Nous n'avons pas besoin d'en savoir plus sur ce sujet pour le
22 moment. Cette première rencontre avec l'accusé s'est achevée sur quoi?
23 S'est-elle terminée dans le même climat de civilité entre vous? Avez-vous
24 décidé de vous réunir à nouveau par la suite?
25 Réponse: Je ne dirai pas que cette rencontre s'est achevée dans un climat
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1 particulièrement conflictuel. Nous avons, jusqu'au bout, parlé ensemble
2 normalement.
3 Question: A-t-il été décidé que vous alliez vous rencontrer à nouveau par
4 la suite?
5 Réponse: Oui, en effet. Monsieur Milosevic a proposé qu'une rencontre soit
6 organisée avec M. Rugova et que je m'efforce d'organiser cette réunion
7 avec mise sur pied d'une délégation de notre part. J'ai dit que j'allais
8 le faire, car ma philosophie consistait à favoriser les négociations, les
9 pourparlers politiques. Donc j'en ai discuté ensuite avec M. Rugova.
10 M. Nice (interprétation): Pouvez-vous donner les noms des personnes qui
11 ont constitué la délégation des Albanais du Kosovo?
12 M. Bakalli (interprétation): Le 15 avril 1988, cette rencontre a eu lieu
13 avec, d'une part, M. Milosevic, de l'autre côté, une délégation d'Albanais
14 du Kosovo constituée de moi-même, de Rugova, de Fehmi Agani et de Nushi.
15 Cette rencontre a eu lieu à Beli Dvor.
16 M. le Président (interprétation): Un instant, je vous prie. Essayons de
17 préciser la date.
18 Monsieur, vous nous avez dit précédemment que la première rencontre que
19 vous avez eue avec l'accusé s'est déroulée...
20 M. Bakalli (interprétation): Le 15 mai.
21 M. le Président (interprétation): Et la deuxième rencontre entre vous a eu
22 lieu le 15 mai; c'est bien cela?
23 M. Bakalli (interprétation): Excusez-moi, la première rencontre entre nous
24 s'est déroulée en avril et, le 15 mai, nous avons eu cette rencontre
25 collective avec Milosevic.
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1 M. Nice (interprétation): L'accusé était-il seul lors de cette rencontre
2 ou était-il accompagné d'autres personnes?
3 Réponse: Son chef de cabinet était présent, il a pris des notes. Au début,
4 il y avait également des membres de la télévision serbe qui ont filmé les
5 premiers moments de cette rencontre, rencontre qui s'est déroulée dans un
6 climat tout à fait agréable, marquée par la plus grande tolérance, dirais-
7 je.
8 Question: Tous les membres de la délégation ont-ils pu prendre la parole?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Pouvez-vous nous dire rapidement, en une phrase si possible, ce
11 qu'a dit M. Rugova lors de cette rencontre?
12 Réponse: Il a remercié, il a exprimé ses remerciements pour l'organisation
13 de cette rencontre et a présenté notre projet et les engagements qui
14 étaient les nôtres en faveur d'une solution politique au Kosovo, qui
15 devait être favorable à la volonté du peuple albanais.
16 Question: Qu'en a-t-il été de M. Nushi?
17 Réponse: Monsieur Nushi, président du Tribunal du Kosovo, a davantage
18 parlé de questions relatives aux droits fondamentaux des Albanais du
19 Kosovo.
20 Question: M. Surroi?
21 Réponse: M. Surroi, rédacteur en chef d'un journal, a parlé des
22 difficultés que rencontraient les médias sous contrôle serbe au Kosovo.
23 Monsieur Milosevic lui a dit: "Mais votre quotidien sort tous les jours,
24 n'est-ce pas?
25 Et M. Surroi a répondu: "Oui, en effet, mais je suis constamment soumis à
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1 des pressions policières. Mes journalistes sont emprisonnés ainsi que mes
2 rédacteurs. Et qui donc exige la mise en détention de ces hommes?".
3 Le journal a, un jour, été fouillé par la police secrète.
4 Question: Et après Surroi, qui a pris la parole?
5 Réponse: Fehmi Agani.
6 Question: De quoi a-t-il parlé?
7 Réponse: Monsieur Agani a tenté de présenter des arguments. Il a très
8 ouvertement parlé à Milosevic de l'accord conclu entre lui-même et Rugova,
9 au sujet du système d'éducation au Kosovo, et a dit que cet accord, en
10 fait, n'était absolument pas appliqué parce que la partie serbe n'honorait
11 pas ses engagements.
12 Question: Pourriez-vous à présent nous donner une image rapide de la vie
13 quotidienne au Kosovo à ce moment-là?
14 L'accord relatif au système d'éducation n'était pas respecté, le rédacteur
15 en chef du journal a évoqué des pressions dont vous venez de parler, mais
16 quels étaient les droits de la personne humaine qui était violés? Je veux
17 parler des droits évoqués par M. Nushi, notamment.
18 Réponse: Il n'a pas parlé très longtemps, mais il avait beaucoup de choses
19 à dire, car des crimes étaient en train de se commettre contre les êtres
20 humains. Des gens étaient emmenés et emprisonnés pendant des mois et M.
21 Nushi avait recueilli des renseignements au sujet de tous ces problèmes
22 dont il a parlé très ouvertement à M. Milosevic, estimant que ce dernier
23 était le premier responsable de toutes ces violations des droits humains
24 fondamentaux des Albanais du Kosovo.
25 Question: Lorsque des gens sont arrêtés et jetés en prison, cela peut se
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1 passer de façon assez discrète ou parfois publiquement. Qu'en était-il de
2 la situation dans les rues de Pristina? Peut-on dire que la paix régnait
3 ou bien y avait-il des désordres, à ce moment-là, dans la rue, en mai
4 1998?
5 Réponse: La situation était plutôt calme, dirais-je. Mais il vous faut
6 savoir que, pour répondre aux décisions du régime de Belgrade, des
7 manifestations nombreuses ont été organisées, par les étudiants de
8 l'université de Pristina notamment.
9 Question: Mais bien sûr -nous y reviendrons plus tard-, l'UCK existait
10 déjà à ce moment-là, n'est-ce pas?
11 Réponse: Oui. Il s'agissait, à ce moment-là, de divers groupes armés. Mais
12 les manifestations estudiantines ont été réprimées par des policiers très
13 nombreux qui ont jeté en prison un certain nombre d'étudiants.
14 Question: Parlant d'une période antérieure, vous avez dit que des Albanais
15 du Kosovo avaient perdu leur emploi et qu'ils avaient été remplacés à
16 leurs postes par des Serbes. Cette situation s'est-elle poursuivie par la
17 suite? Je veux parler des licenciements d'Albanais du Kosovo.
18 Réponse: Oui, en effet. Pendant toute la période dont nous parlons ici,
19 rien n'a changé. Je considère toute cette période comme une période dans
20 laquelle régnait l'apartheid. Rien n'a changé; en tout cas, aucune
21 amélioration de la situation des Kosovars s'agissant de l'emploi, de
22 l'éducation, de la santé, de la vie culturelle ou d'autres aspects de la
23 vie.
24 Question: Nous avons parlé de quatre membres de votre délégation jusqu'à
25 présent, mais qu'en est-il de vous? Qu'avez-vous dit vous-même à l'accusé
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1 lors de cette deuxième rencontre?
2 Réponse: Eh bien, c'est sans doute moi qui ai parlé le plus longtemps,
3 mais ce que je lui ai dit ce jour-là ne faisait que reprendre en grande
4 partie les propos que j'avais tenus devant lui un mois plus tôt. J'ai
5 répété ce que je lui avais déjà dit.
6 Je lui ai dit qu'il en allait de sa responsabilité personnelle, en tant
7 que chef d'Etat, si la situation était ce qu'elle était et qu'il en allait
8 de sa responsabilité de veiller à ce que les crimes commis contre les
9 Albanais du Kosovo cessent.
10 Je lui ai dit qu'il fallait que nous entamions des négociations pour
11 trouver une solution à la situation vécue par les Albanais du Kosovo et
12 que tout ceci devait se faire conformément à la volonté exprimée par les
13 Kosovars.
14 Question: Quelque chose a-t-il été dit au sujet de la possibilité, de
15 l'éventualité de créer une République du Kosovo?
16 Réponse: Pratiquement tous les membres de notre délégation –je parle de la
17 délégation albanaise du Kosovo- ont parlé du fait que notre objectif
18 constant consistait à voir se créer une République du Kosovo, mais que
19 nous souhaitions que ceci se fasse par voie de négociation.
20 Quant à Milosevic, il n'a rien dit, ni pour ni contre l'idée d'une
21 République du Kosovo. Ce qu'il a dit en revanche, c'est qu'il était
22 d'accord pour que des négociations s'engagent entre les Albanais du Kosovo
23 et les Serbes.
24 Question: Comment s'est terminée cette deuxième rencontre, je vous prie?
25 Réponse: A mon avis, elle s'est déroulée de bout en bout dans un climat de
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1 tolérance.
2 Monsieur Milosevic, dirais-je, a été un hôte tout à fait agréable. Il a
3 écouté avec attention, sans manifester la moindre nervosité pendant toute
4 la rencontre, pas plus d'ailleurs au moment où nous lui avons fait part de
5 nos réclamations. Et je dirais même qu'à la fin de cette rencontre, il m'a
6 un peu surpris en déclarant: "Messieurs, vous devez comprendre que je suis
7 entouré de nationalistes".
8 Question: (Inaudible.)
9 Réponse: Comme je viens de le dire, cela m'a un peu surpris parce que je
10 pense que le nationaliste numéro 1, responsable des crimes commis au
11 Kosovo, était précisément Milosevic. Mais ce qu'il a dit paraissait assez
12 convaincant dans les mots. Seulement, par la suite, les actes qui ont été
13 commis ont contredit ses paroles. Il me semble donc que c'était le signe
14 d'une grande hypocrisie de la part de ce dictateur parce que...
15 Question: Y a-t-il eu une autre rencontre, suite à celle-ci, entre une
16 délégation des Albanais du Kosovo et Milosevic?
17 Réponse: Oui. En effet, Milosevic a organisé une rencontre destinée à
18 débuter les négociations. Quant à Ibrahim Rugova, il a aussi réuni un
19 groupe de personnalités modérées.
20 Question: Qui étaient les personnalités qui devaient composer la
21 délégation?
22 Réponse: Non, non, au cours de cette rencontre, nous nous sommes
23 simplement mis d'accord sur le fait que Milosevic allait nommer les
24 membres de sa délégation et que nous allions en faire autant pour la
25 nôtre, mais nous n'avons pas discuté concrètement des noms de ces
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1 personnalités. J'ai été très surpris de voir qui composait la délégation
2 serbe lors de la rencontre à Pristina.
3 Excusez-moi, M. Milosevic a insisté pour que les membres de sa délégation
4 yougoslave, serbe soient nommés, mais nous n'avons pas discuté de noms en
5 particulier. Et en fait, il a nommé pour faire partie de cette délégation
6 des gens qui n'avaient aucune volonté, aucune intention de commencer des
7 négociations politiques et qui n'étaient pas du tout des modérés.
8 M. Nice (interprétation): Pouvez-vous nous dire de qui il s'agissait, s'il
9 vous plaît?
10 M. Bakalli (interprétation): Oui. Sainovic, qui est mis en accusation par
11 ce Tribunal et qui est un véritable expert s'agissant des événements
12 survenus au Kosovo; il était président adjoint du gouvernement yougoslave.
13 M. le Président (interprétation): Donnez-nous les noms simplement.
14 M. Nice (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président.
15 Qui avait-il d'autre dans la délégation?
16 M. Bakalli (interprétation): Le professeur Markovic, chef-adjoint du
17 gouvernement serbe, Nikolic, dirigeant adjoint du Parti radical de Seselj.
18 Ecoutez, c'est vraiment un non-sens que de voir des gens de ce genre faire
19 partie d'une délégation censée participer à des négociations.
20 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous simplement nous dire ce qui
21 s'est passé au cours de ces négociations?
22 M. Bakalli (interprétation): Il n'y a eu qu'une réunion entre les deux
23 délégations, qui s'est soldée par un échec complet. En effet, tous les
24 membres de la délégation serbe ont uniquement parlé contre le terrorisme,
25 voulaient que nous faisions une déclaration conjointe contre le
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1 terrorisme, sans vouloir parler du statut politique du Kosovo. Or, ceci
2 était censé être le sujet de notre réunion.
3 Par conséquent, ce fut un échec total, dirais-je. C'est la raison pour
4 laquelle nous avons fait deux communiqués de presse séparés, l'un pour le
5 côté albanais et l'autre pour le côté serbe. Mais n'oubliez pas que les
6 gens qui étaient véritablement des modérés faisaient partie de la
7 délégation albanaise.
8 Si vous me permettez...
9 Question: Pour que tout soit consigné dans le dossier de l'audience, il ne
10 faut pas présenter les choses comme si elles étaient acquises.
11 Vous avez parlé de M. Rugova: quel était le programme politique de M.
12 Rugova du début à la fin, en ce qui concerne le Kosovo?
13 Réponse: Dès le départ et jusqu'à la fin, le programme politique de M.
14 Rugova, me semble-t-il, était un programme en faveur de la République du
15 Kosovo, en dehors de la compétence de la Serbie.
16 Question: Et quelle était sa position? Est-ce qu'il voulait parvenir à
17 cette fin par la négociation ou par le recours à la force?
18 Réponse: Dès le départ jusqu'à aujourd'hui, d'ailleurs, M. Rugova est un
19 homme qui est en faveur de la négociation, de la solution politique à ces
20 questions.
21 M. Nice (interprétation): Et est-ce que ceci s'appliquait aussi aux autres
22 membres de votre équipe ou pas? Est-ce que vous cherchiez à obtenir une
23 solution politique?
24 M. Bakalli (interprétation): Oui, en effet. Nous tous, nous avions un
25 groupe des G15 dont faisaient partie des hommes politiques, des
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1 universitaires, des intellectuels qui avaient préparé un programme
2 permettant des négociations à venir et ces personnes s'étaient mises
3 d'accord.
4 Est-ce que je peux citer les membres de cette délégation, de notre
5 délégation?
6 M. le Président (interprétation): Je suppose que nous devons finir cette
7 partie-ci avant la pause.
8 M. Robinson (interprétation): Cette réunion, quand a-t-elle eu lieu
9 puisqu'il y a eu une seconde réunion?
10 M. Nice (interprétation): Cette troisième réunion, quand a-t-elle eu lieu?
11 M. Bakalli (interprétation): La première réunion s'est passée fin mai,
12 début juin -je ne me rappelle plus exactement ceci-, en 1988. Sans doute
13 trois mois ou plutôt trois semaines après les dernières négociations avec
14 M. Milosevic.
15 Question: Et est-ce que la délégation serbe a manifesté une volonté
16 quelconque de négocier avec les Albanais du Kosovo?
17 Réponse: Non, je ne pense pas que les Serbes avaient un programme
18 quelconque, avaient la moindre volonté d'entamer ces pourparlers, mais ils
19 avaient plutôt un programme de guerre et de crimes.
20 Question: Question tout à fait séparée, distincte pour terminer ce que je
21 voulais vous poser comme questions.
22 Je ne sais pas si vous allez nous donner la date de la création de l'UCK.
23 Si ce n'est pas le cas, nous la trouverons ailleurs.
24 Mais avez-vous participé d'une quelconque façon à la création de l'UCK ?
25 Réponse: Je n'ai pas eu le moindre contact pendant la guerre, pas le
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1 moindre lien direct avec les éléments de l'UCK, ni avec ces commandants.
2 Monsieur Adem Demaci était le représentant politique de l'UCK à Pristina.
3 J'étais son conseiller et il m'a demandé de lui faire part de mon avis
4 politique puisqu'en fait, il avait des contacts journaliers avec les
5 diplomates étrangers. Mais moi, je n'ai pas eu de contact, rien du tout
6 avec les éléments, les troupes de l'UCK.
7 M. Nice (interprétation): Je vous remercie. Il faudra peut-être revenir
8 sur ces points, mais nous le ferons pour la suite.
9 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'était là votre
10 interrogatoire principal?
11 M. Nice (interprétation): Oui, je crois en avoir terminé. Il se peut que
12 j'aie des questions supplémentaires qui me viendront au cours de la
13 soirée. Je les poserai à ce moment-là.
14 M. le Président (interprétation): Fort bien. Le contre-interrogatoire aura
15 lieu demain matin.
16 Monsieur le Témoin, veuillez être présent à l'audience demain matin à 9
17 heures, en vue du contre-interrogatoire. Pendant cette interruption, vous
18 n'avez le droit de parler avec personne de votre déposition est ceci
19 s'applique également aux membres de l'équipe du Procureur.
20 Nous reprendrons les débats demain matin à 9 heures.
21 L'audience est suspendue.
22 (L'audience est levée à 16 heures 10.)
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