Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 25 février 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

3 (Audience publique.)

4 (L'accusé et le témoin sont déjà dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, vous avez la parole.

6 (Interrogatoire principal du témoin, M. Halil Morina, par M. Ryneveld,

7 suite.)

8 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

9 Avant de poursuivre l'interrogatoire principal de ce témoin, M. Morina, je

10 pense devoir informer vous-même, les Juges et les amis de la Chambre de

11 ceci: nous avons l'intention de modifier l'ordre dans lequel vont

12 comparaître les prochains témoins.

13 Monsieur Berisha, un médecin spécialiste qui est ici depuis le début du

14 procès, tient beaucoup à rentrer pour soigner ses patients. Nous avons

15 informé les amici que nous allions permuter l'ordre des témoins. C'est M.

16 Behramaj qui suivra le contre-interrogatoire de ce témoin, ce qui veut

17 dire qu'on a permuté les numéros 7 et 8. Avec l'autorisation de la

18 Chambre, bien entendu.

19 M. le Président (interprétation): Oui, merci.

20 M. Ryneveld (interprétation): Faut-il rappeler au témoin qu'il est

21 toujours sous l'effet de sa déclaration solennelle?

22 M. le Président (interprétation): Peut-être voudriez-vous le lui rappeler?

23 M. Ryneveld (interprétation): Oui, merci.

24 Monsieur Morina, avant de reprendre, je vous rappelle que vous avez

25 prononcé une déclaration solennelle, que vous avez déclaré que vous alliez

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1 dire la vérité dans le cadre de ce procès. Est-ce que vous me comprenez?

2 M. Morina (interprétation): Oui. Est-ce que vous pourriez répéter ce que

3 vous venez de dire?

4 Question: Jeudi dernier, vous nous aviez parlé d'événements qui ont abouti

5 à ce que vous et votre famille avez décidé de vous cacher dans un ruisseau

6 près de votre maison.

7 Vous souvenez-vous de cela?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Je pense que vous nous avez dit également que ce ruisseau était

10 tout près de chez vous et que, de là, vous avez pu voir ce qui se passait.

11 Est-ce bien cela?

12 Réponse: Oui, c'est exact.

13 Question: Pourriez-vous nous dire ce qui est arrivé aux habitants de votre

14 village, du village de Landovica?

15 Réponse: Le 26, il y a eu des meurtres, des assassinats et les maisons ont

16 été incendiées.

17 Question: Les autres habitants de votre village, qu'ont-il fait? Parce que

18 vous et les membres de votre famille, vous vous êtes cachés, mais si les

19 autres villageois n'avaient pas été tués, qu'ont-ils fait? Pour autant

20 qu'ils aient fait quelque chose.

21 Réponse: Ils ont quitté le village. Certains sont restés, mais une partie

22 des villageois est partie vers Srbica et Povjanik.

23 Question: Pourriez-vous décrire à l'attention des Juges de quelle façon

24 ils sont partis? Est-ce que cela a été un départ lent, organisé, ou est-ce

25 qu'ils sont partis à la hâte, dans la précipitation?

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1 Réponse: Au moment où les coups de feu ont commencé, la panique s'est

2 répandue dans la population.

3 Question: Et quel a été l'effet de cette panique -pour autant qu'il y ait

4 eu un effet- sur leur départ?

5 Réponse: Il n'y a eu rien de particulier; ils sont simplement partis, ils

6 ont quitté le village. Rien de particulier.

7 Question: Est-ce qu'ils ont emporté des bagages, des valises?

8 Réponse: Non, non. Ils n'avaient que les vêtements qu'ils portaient. Ils

9 n'ont rien pu emporter d'autre.

10 Question: Et pourriez-vous dire combien de temps s'est écoulé entre le

11 début du pilonnage et le départ des villageois?

12 Réponse: Le pilonnage a commencé à 11 heures et s'est poursuivi jusqu'à 15

13 heures.

14 Question: Et à quel moment les gens ont-ils commencé à partir?

15 Réponse: A partir de 9 heures jusqu'à 10 heures.

16 Question: Vous étiez là où vous vous cachiez. Pourriez-vous nous dire

17 ceci: après le début du pilonnage, que s'est-il passé?

18 Réponse: Un véhicule militaire, une Jeep est arrivée, quelques minutes

19 après le début du pilonnage. Moi, j'étais avec mon frère et sa femme; il

20 est venu avec moi. Il y avait le pilonnage qui se poursuivait, des coups

21 de feu qui étaient tirés en l'air.

22 Question: Jeudi après-midi, vous nous avez dit que plusieurs éléments

23 d'infanterie et des membres de la police sont arrivés. Est-ce bien cela?

24 Réponse: Oui, c'est exact.

25 Question: Est-ce que vous avez eu l'impression qu'il y avait quelqu'un qui

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1 était responsable, qui était le chef de ces policiers et de ces soldats?

2 Réponse: Je n'ai pas pu dire, déterminer qui était le chef. Je les ai vus

3 arriver dans le village et commencer à incendier ce village à partir du

4 quartier tzigane.

5 Question: Vous parlez albanais, mais est-ce que vous comprenez le serbe?

6 Réponse: Oui.

7 Question: De là où vous étiez, est-ce que vous avez entendu des gens

8 parler serbe?

9 Réponse: Oui, j'ai entendu lorsqu'ils sont venus incendier ma propre

10 maison et la maison voisine: j'ai entendu qu'ils parlaient serbe.

11 Question: Est-ce que vous vous souvenez avoir entendu quelqu'un donner des

12 ordres, quels qu'ils soient?

13 Réponse: Lorsqu'ils sont arrivés, lorsqu'ils sont venus une première fois

14 pour pilonner le village, je les ai entendus.

15 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce que vous avez

16 entendu?

17 Réponse: Oui, oui, je les ai entendus arriver.

18 Question: Jeudi, vous nous avez dit, je pense -et vous l'avez répété ce

19 matin- qu'ils tuaient des gens. Est-ce que vous vous souvenez d'un

20 incident particulier au cours duquel des gens de votre village ont été

21 tués?

22 Réponse: Oui. Au moment où ils ont mis le feu, là, ils ont tué un Tzigane.

23 Et quand ils sont descendus, ils ont tué Abdi Gashi, un Albanais, et une

24 femme paralysée. Ils l'ont brûlée dans sa propre maison.

25 Question: Au moment où ces meurtres se sont produits, est-ce que vous avez

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1 pu entendre quoi que ce soit?

2 Réponse: J'ai entendu des coups de feu, j'ai entendu les tirs des armes

3 automatiques.

4 Question: Et ces troupes sont restées combien de temps dans votre village?

5 Réponse: Jusqu'a 7 heures.

6 Question: Vous, votre femme, votre frère, est-ce que vous étiez restés à

7 votre cachette pendant tout ce temps?

8 Réponse: Nous y sommes restés deux ou trois heures.

9 Question: A quel moment êtes-vous partis de cet endroit, si vous avez

10 quitté cette cachette, et où est-ce que vous êtes allés, pourquoi être

11 partis?

12 Réponse: Nous avons quitté notre cachette vers 4 heures. Je ne peux pas

13 être plus précis.

14 Question: Ou êtes-vous allés?

15 Réponse: Nous sommes allés vers un autre ruisseau proche où se trouvait la

16 maison d'un voisin.

17 Question: Oui. Et ensuite?

18 Réponse: Puis, nous sommes allés voir ce qui se passait, ce qui s'était

19 passé dans les maisons voisines. Puis, nous sommes rentrés chez nous, nous

20 avons vu que la maison avait été incendiée.

21 Question: Votre propre maison avait été incendiée?

22 Réponse: Oui, deux maisons avaient été incendiées. Deux Drama, deux

23 voitures. Il n'y avait plus que le bétail. Tout avait été réduit en

24 cendres.

25 Question: Là, vous parlez de votre propre propriété?

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1 Réponse: Oui, oui.

2 Question: Vous dites qu'elle avait été rasée, votre maison. Est-ce que

3 vous avez pu rentrer dans cette maison, l'occuper?

4 Réponse: Il ne restait plus rien que j'aurais pu utiliser dans ma propre

5 maison. Il y avait encore certaines choses dans la maison de mon frère.

6 Question: Ou êtes-vous allés?

7 Réponse: Nous sommes allés chez mon frère.

8 Question: En fin d'après-midi, début de soirée, est-ce que vous avez pu

9 voir dans quel état était la mosquée?

10 Réponse: Non, c'est le lendemain que je l'ai vue, le 27.

11 Question: Je suppose que vous, votre femme, votre frère, vous avez passé

12 la nuit chez votre frère?

13 Réponse: Oui, c'est exact.

14 Question: Et le lendemain matin, très tôt, est-ce que vous êtes allés

15 jeter un coup d'œil dans le village?

16 Réponse: Oui. D'abord, je suis allé à la maison de mon voisin. J'ai vu

17 treize cadavres qui gisaient au sol. Puis nous sommes allés voir dans

18 d'autres maisons du village pour voir s'il restait des gens. Nous n'avons

19 plus trouvé personne et nous sommes rentrés chez nous.

20 Non. D'abord, nous sommes allés à la recherche de notre famille. Il y

21 avait 19 membres, mais on ne les a pas trouvés. Nous avons cherché jusqu'à

22 11 heures dans les champs, dans les ruisseaux, partout; on ne les a pas

23 trouvés. Ils étaient partis en direction de Prizren.

24 Question: Vous dites avoir trouvé treize cadavres. Est-ce que vous avez

25 trouvé d'autres cadavres pendant que vous alliez dans le village?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce que vous connaissiez ces personnes?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Pourriez-vous nous dire les noms des personnes que vous avez

5 trouvé mortes?

6 Réponse: Le jour où ils ont été tués, il y a d'abord eu Ismet Gashi, puis

7 sa mère. Vous avez tous les noms dans ma déclaration. Il y avait Sihana,

8 Fatime, Festime qui avait un an et demi.

9 Question: Oui, Monsieur le Témoin, mais vous avez fourni une déclaration

10 dans laquelle vous énumérez ces noms, mais il faut que vous donniez ces

11 noms à la Chambre, sinon les Juges ne sont pas au courant; donc là je ne

12 peux pas vraiment vous aider.

13 Vous devez fournir ces noms. Donnez-nous ces noms, s'il vous plaît. Le

14 seul fait que ceux-ci soient consignés dans votre déclaration ne signifie

15 pas que les Juges en soient informés. Il faut que vous énumériez ces noms.

16 Réponse: Mais je ne me souviens plus des noms. Trois ans se sont écoulés.

17 Il y avait Ismet Gashi, il y avait Fatime; je m'en souviens.

18 Question: Je ne vous demande pas de vous souvenir de tous les noms. En

19 tout cas, vous connaissiez certaines des personnes qui ont été tuées?

20 Réponse: Il n'y en avait que deux que je ne connaissais pas. C'étaient des

21 gens qui étaient venus en visite de Kukes. Ceux-là, je ne les connaissais

22 pas. Mais je connaissais les autres.

23 Question: Fort bien. Vous avez donc parcouru le village. Vous nous aviez

24 dit qu'il y avait 120 maisons dans votre village avant l'attaque. C'est

25 exact, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Oui, c'est exact.

2 Question: Est-ce que vous pouvez donner une estimation du nombre de

3 maisons qui avaient été détruites suite à l'attaque?

4 Réponse: 75% des maisons avaient été brûlées et détruites.

5 Question: Je vous avais posé une question à propos de la mosquée. Vous

6 nous avez dit que vous l'aviez vu le lendemain, le 27. Maintenant, nous

7 sommes le 27 dans notre récit.

8 Est-ce que c'est ce jour-là que vous avez vu la mosquée ou est-ce que

9 s'est plus tard que vous l'avez vu?

10 Réponse: Je l'ai vu le 27, à 11 heures. Nous venions d'un champ, nous

11 rentrions chez nous. C'est à ce moment-là qu'un groupe de soldats est venu

12 examiner les cadavres. Trois d'entre eux se sont dirigés vers la mosquée.

13 Ils y sont entrés, ils avaient un brassard blanc au bras. Ils ont commencé

14 à tirer sur la mosquée, à la pilonner. En dix minutes, j'ai entendu un

15 explosif, une explosion, et le minaret s'est effondré.

16 Question: Pourriez-vous dire exactement ce que vous avez vu? Vous dites

17 qu'ils ont commencé à pilonner la mosquée. Pourriez-vous nous dire ce que

18 vous, vous avez vu avant l'explosion? Décrivez-nous ce qui s'est passé.

19 Réponse: Ils y sont allés en voiture. Ils sont descendus de voiture, sont

20 entrés dans la mosquée. Ils ont placé une mine et j'ai entendu une

21 explosion. Et puis j'ai vu le minaret basculer. Rien d'autre.

22 Question: Donc vous dites "pilonner" ou "bombarder": vous ne parlez pas

23 d'un projectile tiré à partir d'un char. Vous avez parlé d'une mine ou de

24 quelque chose de ce genre qu'ils auraient placé à l'intérieur?

25 Réponse: Oui, des mines. Ils portaient quelque chose. Non, ils n'ont pas

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1 utilisé de char. Ils portaient quelque chose dans les mains quand ils sont

2 entrés.

3 Question: C'est simplement que vous avez utilisé le terme "pilonnage"; je

4 voulais comprendre. Donc ils ont transporté quelque chose à l'intérieur de

5 la mosquée, est-ce bien cela?

6 (Le témoin acquiesce de la tête)

7 Et puis est-ce qu'ils sont partis?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Et après combien de temps après leur départ avez-vous entendu

10 l'explosion?

11 Réponse: Une dizaine de minutes.

12 Question: Et suite à cette explosion, vous avez vu le minaret tomber sur

13 le toit de la mosquée. Est-ce cela?

14 Réponse: Oui, c'est exact.

15 Question: Vous avez dit "soldats". Une fois de plus, pour que tout soit

16 plus clair, je vais vous poser cette question: ces soldats, comment sont-

17 ils arrivés: dans quel genre de véhicule, quel uniforme portaient-ils qui

18 vous a permis de penser que c'étaient des soldats?

19 Réponse: Ils sont venus dans un Pinzgauer ou dans des Pinzgauers, dans ces

20 véhicules; il y avait aussi une Zastava. Avant de placer l'explosif, ils

21 sont venus examiner les cadavres, puis ils ont placé la mine, ils sont

22 revenus et ils ont emprunté une Zastava d'un particulier dans laquelle ils

23 ont chargé les corps, les cadavres.

24 Question: Fort bien. Nous y viendrons dans un instant, mais ma question

25 précédente tenait à établir ceci. Vous avez dit que les gens qui étaient

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1 arrivés étaient des soldats.

2 Que portaient ces personnes? Quels étaient leurs vêtements? Pourquoi avez-

3 vous pensé que c'étaient des soldats? Pourriez-vous décrire ces vêtements?

4 Réponse: Il y avait les uniformes de l'armée, pas d'autres uniformes.

5 Question: Bien. Et c'étaient des uniformes de l'armée régulière?

6 Réponse: Oui. Enfin, c'est l'impression que j'ai eue.

7 Question: J'ai essayé de vous poser cette question jeudi, je ne pense pas

8 avoir eu de réponse. Je vais essayer une fois encore.

9 Vous souvenez-vous de la couleur de ces uniformes?

10 Réponse: Mais l'uniforme serbe habituel, cette couleur-là.

11 Question: Je vois, d'accord. Ces soldats étaient arrivés vers 11 heures,

12 n'est-ce pas? C'est bien ce que vous nous avez dit. Est-ce qu'ils sont

13 restés ou bien est-ce qu'ils sont partis et puis revenus?

14 Réponse: Ils sont restés un moment, ils ont examiné les cadavres qui se

15 trouvaient dans la maison en surplomb, sur la colline. Ils ont pilonné la

16 mosquée puis sont partis. Puis, ils sont revenus vers midi.

17 Question: Bien. Pour que tout soit clair, quand vous dites "pilonner la

18 mosquée", c'est de cette façon-là que vous décrivez ce que vous avez dit

19 auparavant, qu'ils étaient entrés, qu'ils avaient placé quelque chose et

20 puis que la mosquée avait explosé. Il n'y a pas eu de pilonnage

21 supplémentaire après celui-là, n'est-ce pas?

22 Réponse: Oui. Oui, c'est bien cela.

23 M. Ryneveld (interprétation): Donc vers midi et demi, le 27 mars, les

24 soldats sont revenus ou d'autres soldats sont arrivés?

25 M. le Président (interprétation): Oui, avant de quitter cet incident,

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1 essayons de savoir si nous pouvons déterminer aujourd'hui ce qu'est un

2 Pinzgauer.

3 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Président.

4 Peut-on montrer la pièce 17, P17, au témoin?

5 Vous vous souvenez que jeudi on vous a montré, Monsieur le Témoin, toute

6 une série de photographies qui figuraient sur quatre pages; et y figurent

7 ce qui semble être des véhicules, énumérés de 1 à 15. Est-ce que vous

8 pourriez examiner avec beaucoup de soin ces 15 photographies et dire aux

9 Juges quel est le véhicule que vous désignez par Pinzgauer, pour autant

10 bien sûr qu'on voit un tel véhicule sur l'une de ces 15 photographies qui

11 représente la pièce P17?

12 Monsieur l'huissier, est-ce que vous pourriez tout d'abord montrer ces

13 photographies au témoin avant de les placer sur le rétroprojecteur afin

14 qu'il les examine de plus près?

15 (Intervention de l'huissier.)

16 (Le témoin examine les documents.)

17 M. Morina (interprétation): Voici le Pinzgauer.

18 Question: Très bien. Le témoin a choisi une des photographies.

19 Monsieur le Témoin, vous avez demandé à l'huissier de placer sur le

20 rétroprojecteur une photographie. Sur cette feuille figure les

21 photographies 5, 6, 7 et 8. Est-ce que vous voyez ce véhicule? Est-ce que

22 vous pourriez nous donner le numéro de cette photographie? Prenez le

23 pointeur et désignez-nous donc où se trouve ce Pinzgauer?

24 Réponse: Ici, c'est celui-ci. C'est celui-ci le Pinzgauer.

25 M. Ryneveld (interprétation): C'est le n°7, c'est la photographie n°7.

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1 C'est bien cela?

2 M. le Président (interprétation): Oui, il vient d'indiquer la photographie

3 n°7. Aux fins du dossier d'audience, est-ce qu'on peut dire que c'est un

4 transporteur de troupes? Pourrait-on le décrire de cette façon?

5 M. Ryneveld (interprétation): Oui, c'est un transporteur de troupes. Oui,

6 c'est un camion, un véhicule assez lourd. Je pense qu'effectivement la

7 meilleure description, c'est celle de transporteur de troupes. Est-ce que

8 ceci aide les Juges?

9 M. le Président (interprétation): Oui, oui, tout à fait.

10 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que je peux passer à autre chose?

11 M. le Président (interprétation): Oui.

12 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que

13 vers midi et demi, les soldats sont revenus. C'est bien cela?

14 M. Morina (interprétation): Oui.

15 Question: Est-ce que par hasard vous les avez vus faire quelque chose

16 lorsqu'ils sont revenus vers midi et demi, le 27 mars?

17 Réponse: Ils n'ont rien fait de nuisible. Ils se sont contentés d'emmener

18 les cadavres.

19 Question: Ceux qui sont revenus à midi et demi, est-ce que c'était des

20 membres de l'armée une fois de plus?

21 Réponse: Ils portaient des armes légères.

22 Question: Est-ce qu'ils portaient le même type d'uniforme que celui dont

23 vous avez parlé, il y a un instant, ou est-ce qu'ils portaient un uniforme

24 différent?

25 Réponse: Le même uniforme.

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1 Question: Est-ce que vous avez eu l'impression de voir qu'il y avait

2 quelqu'un qui était le responsable du groupe?

3 Réponse: Il y avait un commandant. Je ne le connaissais pas.

4 Question: Oui? Est-ce que vous avez été en mesure d'entendre le commandant

5 qui donnait des instructions au soldat?

6 Réponse: Ils sont allés dans cette maison ou se trouvaient les morts. Je

7 l'ai entendu dire "Venez avec moi. Allons dans cette maison où se trouvent

8 les corps". Et c'est là qu'ils sont allés.

9 Question: Est-ce que vous les avez vus emporter les cadavres?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Est-ce qu'ils l'ont fait lentement ou est-ce qu'ils ont utilisé

12 une méthode particulière pour emporter ces corps?

13 Réponse: Ils l'ont fait très vite. Ils ont rapidement emporté les corps.

14 Question: Donc nous parlons là du 27; les corps ont été emportés. Est-ce

15 que les soldats sont revenus le lendemain ou un autre jour, ou est-ce que

16 cela s'est arrêté là?

17 Réponse: Ils ne sont pas revenus.

18 Question: Est-ce que vous, votre femme et votre frère êtes restés à

19 Landovice?

20 Réponse: Nous y sommes restés jusqu'au 30, le 30 mars.

21 Question: Que s'est-il passé après cela?

22 Réponse: Nous n'avions pas de quoi manger, alors nous sommes à Srbica,

23 Skenderaj et nous y sommes restés.

24 Question: Vous nous avez dit précédemment que les villageois étaient

25 partis et que vous étiez en train de chercher un certain nombre de membres

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1 de votre famille, 39 membres de votre famille. Sont-ils revenus à ce

2 moment-là?

3 Réponse: Non. Ils sont allés à Prizren.

4 Question: Vous nous avez dit que vous n'aviez pas de quoi survivre, c'est

5 exact, à Landovice?

6 Réponse: Oui, c'est exact.

7 Question: Et vous êtes allé à Srbica?

8 Réponse: Avant d'aller à Srbica, nous avons laissé le bétail partir parce

9 qu'il n'avait pas de quoi manger, et ensuite nous sommes partis pour

10 Srbica.

11 Question: Très bien, merci. Est-ce que vous avez retrouvé votre famille

12 là-bas?

13 Réponse: Non, non.

14 Question: Où étiez-vous?

15 Réponse: A Srbica.

16 Question: Quand vous êtes arrivé à Srbica, y avait-il d'autres réfugiés

17 sur place?

18 Réponse: Oui, nous avons retrouvé environ 800 habitants de Pirane.

19 Question: Ce Pirane, c'est le village dont vous nous avez parlé jeudi,

20 n'est-ce pas, qui se trouvait à trois kilomètres de là et qui avait été

21 attaqué avant votre village. Est-ce que c'est exact?

22 Réponse: Oui, c'est exact.

23 Question: Par conséquent, ces villageois qui avaient quitté Pirane, vous

24 les avez retrouvés à Srbica au moment où vous y êtes arrivé, le 30 mars?

25 Réponse: A Srbica, oui.

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1 Question: Merci. Vous êtes resté à Srbica un certain temps j'imagine,

2 n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui, un certain temps, mais à Srbica, il y avait des Serbes et

4 des Albanais.

5 Question: Oui. J'imagine qu'à un moment donné, vous avez quitté Srbica.

6 Comment est-ce arrivé?

7 Réponse: Les habitants serbes, les voisins serbes ont dit aux Albanais,

8 ont dit qu'il fallait se débarrasser des Albanais. Ils risquaient d'y

9 avoir des problèmes. Ils ont donc fait venir des autobus. En l'espace

10 d'une heure, nous sommes montés dans ces autobus et nous sommes partis en

11 Albanie. Mon frère est allé à Prizren avec sa famille.

12 Question: Qui a organisé ce transport en autobus?

13 Réponse: Les Serbes.

14 Question: Est-ce que vous vouliez partir?

15 Réponse: Mais que pouvions nous faire? Il n'y avait pas d'autre solution.

16 Question: Alors qu'avez-vous fait?

17 Réponse: Nous sommes montés dans les autobus. La police escortait les bus.

18 Nous sommes allés de Landovica à Vernica. C'était un long convoi avec des

19 tracteurs, de nombreuses personnes, etc.

20 Question: Alors, essayons de nous arrêter ici un instant. Un certain

21 nombre d'autobus ont été organisés par les Serbes. Et qui est monté dans

22 ces autobus?

23 Réponse: Nous, les Albanais, les réfugiés de Pirane et de Landovice.

24 C'était nous.

25 Question: Est-ce que vous avez pu choisir la destination de ces autobus?

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1 Réponse: Il y avait deux ou trois autobus.

2 Question: Je vais reformuler ma question: est-ce que vous avez pu choisir

3 où ces autobus allaient vous emmener?

4 Réponse: Ils voulaient nous emmener en Albanie et ensuite, à partir de là,

5 nous pouvions aller où nous le souhaitions.

6 Question: Mais on vous a dit qu'on vous emmenait en Albanie. Est-ce que

7 c'est exact, Monsieur?

8 Réponse: Oui, c'est exact.

9 Question: Vous avez dit avoir vu un convoi sur votre chemin. Pouvez-vous

10 nous dire quelle longueur avait ce convoi, ce convoi que vous avez dépassé

11 avec les autobus?

12 Réponse: Environ 25 kilomètres de long.

13 Question: Et pourriez-vous nous dire quelle était l'appartenance ethnique

14 des personnes qui composaient ce convoi? Vous nous avez parlé de

15 tracteurs, de remorques. Est-ce qu'il y avait également des personnes à

16 pied?

17 Réponse: Ils étaient tous Albanais.

18 Question: Est-ce que certains d'entre eux se déplaçaient à pied?

19 Réponse: Oui, certains étaient à pied, ils avaient des petits chariots.

20 M. Ryneveld (interprétation): Dans votre déposition, Monsieur, vous nous

21 avez parlé d'activités de la police. Je ne suis pas sûr d'avoir bien

22 compris ce que vous vouliez dire. Que faisait la police?

23 M. Morina (interprétation): Non, ils ne faisaient rien.

24 M. Kwon (interprétation): Monsieur Ryneveld, Monsieur Morina, avant que

25 nous n'avancions, vous nous avez dit que les Serbes avaient organisé les

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1 autobus.

2 M. Morina (interprétation): Oui.

3 M. Kwon (interprétation): Qu'entendez-vous par serbe, est-ce que c'étaient

4 des voisins serbes ou l'armée serbe ou la police serbe?

5 M. Morina (interprétation): Ce n'étaient pas les voisins. Non, c'étaient

6 des civils.

7 M. Kwon (interprétation): Des civils? Merci.

8 M. Ryneveld (interprétation): Pour préciser ce point, savez-vous pourquoi

9 les civils ont organisé ce transport en autobus? Comment en est-on arrivé

10 là?

11 M. Morina (interprétation): L'armée a donné l'ordre de faire partir les

12 réfugiés pour que les voisins ne subissent pas des conséquences

13 préjudiciables avec tous les pilonnages et les bombardements, ils devaient

14 partir. Les voisins serbes qui vivaient là depuis longtemps ne

15 souhaitaient pas que les Albanais soient atteints. C'est la raison pour

16 laquelle ils ont apporté leur aide.

17 Question: Très bien. Et vous nous dites que c'est l'armée serbe qui a

18 donné les ordres?

19 Réponse: Je ne l'ai pas vu donner de tels ordres, mais les villageois de

20 mon village m'ont dit que nous devions partir parce que les Serbes avaient

21 reçu l'ordre de se débarrasser des réfugiés. Il fallait quitter le

22 village.

23 Question: Merci. Vous nous avez dit avoir vu des forces de police en cours

24 de route. Où avez-vous vu ces forces de police?

25 Réponse: A l'entrée de Prizren, mais ils n'ont rien fait de particulier en

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1 rapport avec les autobus. Ils se sont contentés de nous ouvrir la voie.

2 Lorsque nous sommes arrivés à Zhur, nous sommes descendus des autobus et

3 ensuite nous avons dû continuer à pied.

4 Question: A quelle distance se trouve Zhur par rapport à la frontière

5 albanaise?

6 Réponse: Je ne peux pas vous le dire avec précision. Peut-être trois,

7 quatre, au maximum cinq kilomètres, mais je ne peux vous donner une

8 réponse précise.

9 Question: Est-ce que vous souhaitiez vous rendre en Albanie?

10 Réponse: Nous ne le souhaitions pas, mais nous avons dû y aller.

11 Question: Que s'est-il passé à la frontière, si quelque chose s'est passé?

12 Réponse: Ils nous ont confisqué nos papiers d'identité, nos passeports.

13 Question: Comment? Qui vous a confisqué vos papiers d'identité et vos

14 passeports?

15 Réponse: La police.

16 Question: Pouvez-vous nous décrire ce qui est arrivé? Vous êtes arrivés à

17 la frontière. Pouvez-vous nous décrire ce qui est arrivé, ce qui vous est

18 arrivé à vous personnellement?

19 Réponse: Nous sommes arrivés à la frontière, nous nous sommes mis en

20 rangs. Ensuite, nous avons remis nos papiers d'identité. J'ai remis mes

21 papiers, ainsi que ceux de mon épouse. Et c'est tout. Rien ne s'est passé.

22 Question: Pourquoi avez-vous remis vos papiers d'identité? Est-ce qu'on

23 vous l'a demandé?

24 Réponse: Oui, ils nous ont demandé de le faire.

25 Question: Et qu'ont-ils fait avec ces papiers d'identité, le cas échéant?

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1 Réponse: Ils les ont jetés par terre, sur une pile.

2 Question: Est-ce que ces papiers vous ont jamais été rendus?

3 Réponse: Non.

4 Question: J'ai encore quelques questions avant d'en avoir terminé,

5 Monsieur.

6 Pour revenir au début, Monsieur, est-ce qu'à un moment quelconque, pendant

7 votre séjour à Landovice, vous avez été conscient d'un quelconque

8 bombardement de la part de l'OTAN sur votre village?

9 Réponse: Non, il n'y en a pas eu.

10 Question: Pourquoi avez-vous quitté votre village?

11 Réponse: Parce que les maisons avaient été incendiées. Tout avait été

12 incendié, nous n'avions plus de quoi survivre et, s'ils nous trouvaient

13 dans la rue, ils risquaient de nous tuer. C'est la raison pour laquelle

14 nous sommes partis.

15 Question: Souhaitiez-vous quitter votre village?

16 Réponse: Mais comment aurais-je pu souhaiter partir et quitter ma maison?

17 Nous n'avions pas le choix, nous n'avions pas d'autre solution.

18 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur Morina. J'en ai terminé avec

19 mes questions à ce stade.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

21 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Halil Morina, par l'accusé, M.

22 Milosevic.)

23 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit, au départ, que Landovica

24 était un village exclusivement albanais dans lequel ne vivait aucun Serbe?

25 M. Morina (interprétation): Oui.

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1 Question: Plus tard, alors que le Procureur a insisté auprès de vous, vous

2 avez modifié votre réponse en disant qu'il y avait également dans ce

3 village quelques maisons de Roms.

4 Réponse: Oui.

5 Question: Selon les données dont je dispose, Landovica était un village

6 qui était à moitié rom et à moitié albanais. C'est bien cela?

7 Réponse: Non, ce n'est pas exact.

8 Question: Quel était le pourcentage des habitants roms de Landovica?

9 Réponse: Il y avait vingt maisons au total qui appartenaient à des Roms.

10 Question: Vous vivez toujours à Landovica?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Où sont les Roms en question actuellement?

13 Réponse: Certains sont dans le village et d'autres n'y sont plus.

14 Question: Combien y en a-t-il dans le village actuellement?

15 Réponse: La moitié y est et l'autre moitié est partie.

16 Question: Vous avez dit que, le 26, vous avez vu que le village de Pirane

17 était incendié, alors que vous vous trouviez sur une colline?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous avez dit aussi que Pirane est à trois kilomètres de cette

20 colline où vous étiez?

21 Réponse: Oui.

22 M. Milosevic (interprétation): A quelle heure, ce matin-là, êtes-vous

23 partis pour la colline?

24 M. Morina (interprétation): J'aimerais demander aux Juges de m'autoriser à

25 développer.

Page 910

1 Je connais quelqu'un à Pirane qui avait cinq enfants. Nous sommes allés

2 chercher les enfants pour qu'ils ne soient pas tués. Nous avons pris la

3 route vers Srbica; ensuite, nous avons emmené tous les enfants avec nous

4 en voiture. C'est là que nous l'avons vu.

5 M. Robinson (interprétation): Monsieur Morina, telle n'était pas la

6 question qui vous était posée. La question posée consistait à vous

7 demander à quelle heure vous êtes allé sur la colline ce matin. Pouvez-

8 vous dire approximativement à quelle heure vous y êtes allé?

9 M. Morina (interprétation): Autour de 9 heures.

10 M. Robinson (interprétation): Très bien.

11 Monsieur Milosevic, vous pouvez poursuivre.

12 M. Milosevic (interprétation): Et quand vous êtes redescendus de cette

13 colline, vous êtes allés chercher ces cousins à vous, qui habitaient

14 Pirane?

15 M. Morina (interprétation): Les enfants, oui.

16 Question: Combien vous faut-il de temps pour descendre de la colline et

17 arriver jusqu'à votre maison?

18 Réponse: Cinq à six minutes.

19 Question: Depuis le haut de la colline, avez-vous vu que Pirane était en

20 feu?

21 Réponse: Ce jour-là, une partie avait été incendiée. Pas la totalité.

22 Question: Mais qu'avez-vous vu à partir de la colline?

23 Réponse: J'ai vu de la fumée et des flammes.

24 Question: Et vous en avez conclu que Pirane était en train de brûler?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Quelqu'un vous a-t-il dit cela?

2 Réponse: Non, personne.

3 Question: Sur cette colline, quand vous étiez là-haut et que vous

4 regardiez ce qui se passait, y avait-il des soldats?

5 Réponse: Avec toute la fumée et toutes les flammes, il était impossible de

6 distinguer quiconque, que ce soient des civils ou des militaires.

7 Question: Je parle de la colline où vous vous trouviez?

8 Réponse: Nous étions seuls.

9 Question: Mais y avait-il des soldats sur la colline?

10 Réponse: Non.

11 Question: Quand vous avez cherché ces cousins à vous, à Srbica, où êtes-

12 vous allés ensuite?

13 Réponse: Nous sommes rentrés à la maison.

14 Question: Est qu'avez-vous fait de ces cousins?

15 Réponse: Ce n'étaient pas des parents, c'étaient mes enfants; c'était ma

16 femme et mes enfants. Il y avait également un oncle.

17 Question: Vous parlez de paysans de Srbica ou plutôt de Pirane qui étaient

18 là et que vous êtes allés chercher? C'est d'eux que je suis en train de

19 vous parler.

20 Réponse: Nous sommes allés à Pirane pour aller chercher les enfants, mais

21 ils n'étaient pas à Pirane; ils avaient quitté Pirane et s'étaient rendus

22 à Srbica. C'est la raison pour laquelle nous sommes allés à Srbica. Je

23 suis allé chercher cinq de mes neveux, ainsi que ma belle-fille.

24 Question: Etes-vous en train de parler du village de Gornje Srbica?

25 Réponse: Non, Donje Srbica.

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1 Question: Donje Srbica?

2 Réponse: Donje Srbica.

3 Question: Quelle est la distance qui sépare Landovice de Donje Srbica?

4 Réponse: Deux à trois kilomètres, mais je ne peux vous le dire avec

5 précision.

6 Question: Vous ai-je bien compris? A partir de la colline, vous êtes

7 descendus, vous êtes allés à Donje Srbica. Vous avez donc rassemblé ces

8 personnes que vous connaissiez et ces parents à vous. C'est bien cela?

9 Réponse: De la colline, je suis rentré chez moi, j'ai pris ma voiture pour

10 aller à Pirane tout d'abord. On m'a dit: "Ne va pas à Pirane; il n'y a

11 personne. Tes enfants et tes petits-enfants sont à Srbica". C'est la

12 raison pour laquelle nous y sommes allés.

13 Question: Combien de temps êtes-vous restés à Srbica?

14 Réponse: Deux à trois minutes, juste le temps de les récupérer et de

15 partir.

16 Question: Et vous êtes rentrés chez vous?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Tous ces enfants ont-ils habité chez vous, à la maison avec

19 vous?

20 Réponse: Oui, ils étaient tous à la maison.

21 Question: Et vous, à l'extérieur, vous n'avez pas vu ce qui se passait à

22 ce moment-là?

23 Réponse: Rien. Non, rien.

24 Question: Combien de temps êtes-vous restés dans la maison avec les

25 enfants avant d'entendre des coups de feu?

Page 913

1 Réponse: Cinq minutes. Après quoi, j'ai entendu les tirs.

2 Question: Mais cinq minutes avant cela, quand vous êtes rentrés dans la

3 maison, vous n'avez vu personne?

4 Réponse: Non, je n'ai rien vu.

5 Question: Donc, à 9 heures, vous étiez sur la colline. Depuis cette

6 colline, vous avez vu que Pirane brûlait et vous affirmez qu'il n'y avait

7 pas de soldats sur cette colline?

8 Réponse: En effet.

9 Question: Je répète simplement pour vérifier si j'ai bien compris ce que

10 vous avez raconté.

11 A ce moment-là, vous êtes rentré chez vous, vous avez pris votre voiture,

12 vous êtes allé à Donje Srbica, vous avez ramassé les enfants; Donje

13 Srbica, vous dites que c'est un village qui est à trois ou quatre

14 kilomètres. Vous avez ramassé les enfants, vous êtes revenu de Donja

15 Srbica à la maison. A ce moment-là, vous n'avez rien vu et, cinq minutes

16 après, vous avez entendu des coups de feu.

17 Et tout ce que vous avez raconté s'est déroulé en l'espace d'une heure.

18 C'est bien cela?

19 M. Morina (interprétation): Un instant, permettez-moi de vous expliquer.

20 Pirane a été incendiée le 25, un jour avant notre village. Par conséquent,

21 tout s'est passé le 25. Le 26, ils ont commencé à mettre le feu à notre

22 village.

23 M. le Président (interprétation): En réalité, c'est ce qu'il a dit dans sa

24 déposition jeudi.

25 M. Milosevic (interprétation): Durant l'interrogatoire principal, je l'ai

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1 entendu dire qu'après être descendu de la colline, il était rentré chez

2 lui; que, lorsqu'il était sur la colline, il a vu Pirane en feu, qu'il est

3 alors rentré chez lui et qu'à 10 heures, il a entendu des coups de feu.

4 M. le Président (interprétation): Non, ce qu'il a dit dans sa déposition,

5 c'est que, le 25, il a vu le village en feu depuis la colline et

6 qu'ensuite, le 26, un incident est arrivé à Landovica, c'est-à-dire les

7 tirs.

8 M. Milosevic (interprétation): Et quel était le jour? C'était le 25 ou le

9 26, le jour où vous vous êtes trouvé à Donja Srbica?

10 M. Morina (interprétation): Le 25.

11 M. Milosevic (interprétation): Il y a quelques instants, vous avez dit

12 qu'accompagné des enfants de Donja Srbica, vous êtes arrivé à la maison,

13 chez vous, cinq minutes avant le début des coups de feu.

14 Réponse: C'est moi qui me suis trompé; peut-être ne vous ai-je pas donné

15 la bonne date. J'aurais dû vous donner la date.

16 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais moi, je vous ai demandé combien

17 de temps vous êtes resté dans la maison avec ces enfants que vous avez

18 ramenés de Donja Srbica avant que ne commencent les coups de feu; et vous

19 avez répondu à ce moment-là que les coups de feu ont commencé cinq minutes

20 après que vous ayez pénétré dans la maison, accompagné des enfants de

21 Donja Srbica.

22 M. le Président (interprétation): Il a dit que c'était une erreur.

23 Monsieur Morina, pour que les choses soient bien claires, quel jour ont eu

24 lieu les tirs dans le village?

25 M. Morina (interprétation): Le 26.

Page 915

1 M. le Président (interprétation): Alors, le 26 il y avait des tirs.

2 Monsieur Milosevic, je crois que cela nous permettrait de gagner du temps

3 si nous passions au 26, à moins que vous n'ayez d'autres questions que

4 vous souhaitez poser en rapport avec le 25?

5 M. Milosevic (interprétation): J'en ai, puisqu'il est clair qu'il y a ici

6 de grosses contradictions.

7 Quand avez-vous ramené vos enfants chez vous, à la maison, en provenance

8 de Donja Srbica? Le 25 ou le 26?

9 M. Morina (interprétation): Le 25.

10 M. Milosevic (interprétation): Comment est-il possible, dans ces

11 conditions, que les coups de feu aient commencé cinq minutes après?

12 M. le Président (interprétation): Il a répondu à cette question. Je vous

13 propose d'avancer.

14 M. Milosevic (interprétation): Il a répondu avoir dit une contre-vérité.

15 M. le Président (interprétation): Vous aurez la possibilité de vous

16 exprimer là-dessus en temps opportun, mais je vous propose d'avancer.

17 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous appris que, le 25, donc le jour

18 où vous dites qu'une partie de Pirane a été incendiée, avez-vous appris

19 que le 25, l'OTAN avait frappé la station-service de Fatani, à Pirane?

20 M. Morina (interprétation): Non, je ne sais pas.

21 Question: Connaissez-vous la station-service de Fatani à Pirane?

22 Réponse: Oui. Oui, je la connais.

23 Question: Le 25, l'OTAN a atteint sa cible. Elle a atteint la station

24 d'essence, la station-service de Fatani à Pirane et ce qui a provoqué un

25 incendie. Personne ne vous a parlé de cela?

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1 Réponse: Non, je n'en ai jamais entendu parler.

2 Question: Il y a quelques instants, vous avez déclaré que pendant tout le

3 temps que vous avez passé à Landovice et à Srbica, vous n'avez rien

4 entendu dire au sujet des bombardements de l'OTAN. C'est bien cela?

5 Réponse: Non, absolument rien.

6 Question: Et vous n'avez vu ni les avions, ni le bombardement d'un terrain

7 quelconque au voisinage de votre village pendant tout le temps que vous

8 avez passé là-bas?

9 Réponse: Je n'ai rien vu, non. J'étais à la maison et je n'ai rien vu.

10 Question: Et savez-vous qu'à partir du 24 mars et jusqu'à la fin du mois

11 de mars, c'est-à-dire le temps que vous avez passé à cet endroit-là,

12 savez-vous qu'à ce moment-là, l'OTAN a bombardé la zone de votre village

13 ainsi que les environs de Prizren et Prizren, plusieurs fois par jour?

14 Savez-vous cela ou non?

15 Réponse: Pour Prizren, je suis au courant, mais je n'ai pas vu les choses

16 de mes yeux. Mais je sais. Cela dit, je n'ai pas vu de mes yeux, donc je

17 ne peux pas en parler, car je ne peux parler que de ce que j'ai vu de mes

18 yeux.

19 Question: Mais vous avez entendu les bombardements, j'imagine?

20 Réponse: Pour vous dire la vérité, je ne les ai pas entendus, non.

21 Question: Vous n'avez même pas entendu les bombardements?

22 Réponse: Non.

23 M. Milosevic (interprétation): Bien. Revenons au 26.

24 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, j'aurais aimé préciser

25 un point.

Page 917

1 En réponse à une question que vous avez posée, je crois avoir entendu le

2 témoin nous dire qu'il n'avait pas vu personnellement les bombardements,

3 mais qu'il avait entendu parler des bombardements. Est-ce que c'est exact?

4 M. Morina (interprétation): Oui, c'est exact.

5 M. Robinson (interprétation): Vous l'avez entendu de qui? De qui avez-vous

6 entendu parler des bombardements?

7 M. Morina (interprétation): Je ne saurais pas dire qui était à l'origine

8 du bombardement. Est-ce que c'était l'OTAN ou est-ce que c'étaient les

9 Yougoslaves? Je ne sais pas. Il y a eu des bombardements, mais je n'ai

10 rien vu de mes yeux.

11 M. Robinson (interprétation): Mais quelqu'un vous a-t-il parlé des

12 bombardements?

13 M. Morina (interprétation): Non, non.

14 M. Robinson (interprétation): Vous pouvez poursuivre, Monsieur Milosevic.

15 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit qu'à Landovica, la situation

16 était calme ce jour-là, au moment où quatre soldats sont entrés dans le

17 village?

18 M. Morina (interprétation): Oui.

19 Question: Et tout à coup, vous avez entendu des tirs?

20 Réponse: J'ai entendu des coups de feu quand nous étions à l'intérieur de

21 la maison; nous étions en train de manger.

22 Question: Où se trouvaient ces quatre soldats au moment où vous avez

23 entendu des coups de feu?

24 Réponse: Ils étaient en plein centre du village. Ils sont descendus de la

25 montagne, ils sont allés dans le centre du village et je ne les ai plus

Page 918

1 revus, ni vivants ni morts, de mes yeux.

2 Question: Est-ce qu'un magasin se trouve au centre du village?

3 Réponse: Il y a un petit magasin.

4 Question: Est-ce que les soldats sont allés dans ce magasin?

5 Réponse: Je n'ai pas le droit de mentir: je n'ai rien vu de mes yeux.

6 Question: Mais vous y avez réfléchi, étant donné que vous êtes en train de

7 nous en parler.

8 Réponse: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Pouvez-vous répéter

9 votre question, je vous prie?

10 Question: Vous nous dites que vous ne l'avez pas vu, mais vous parlez d'un

11 événement que vous n'avez pas vu; alors, j'imagine que vous avez pensé,

12 que vous avez réfléchi à cet événement, étant donné que vous en parlez.

13 Réponse: Je vois ce qui se passe. Je vous parle de ce que j'ai vu, des

14 dommages que nous avons subis.

15 Question: Mais je vous parle de votre point de vue. A votre avis, quelle

16 était la raison? A votre avis, quelle était la raison qui a fait que les

17 membres de l'UCK ont commencé à tirer sur ces quatre soldats?

18 Réponse: Il n'y avait pas de soldats de l'UCK dans notre village.

19 Question: Mais qui a tiré sur ces soldats?

20 Réponse: Des gens qui ont été tués.

21 Question: Vous nous avait dit qu'à ce moment-là, un civil a été tué, là,

22 au centre du village, et qu'il s'appelait Hajim Gashi?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Et maintenant, vous affirmez que ce civil a tiré sur ces quatre

25 soldats?

Page 919

1 Réponse: Je vous ai dit que je ne les ai plus revus, ni vivants ni morts,

2 mais j'ai entendu dire que c'est lui qui les avait tués.

3 Question: Et eux, l'ont tué, lui?

4 Réponse: Oui, c'est exact.

5 Question: Donc vous affirmez que personne d'autre, à part celui qui a

6 trouvé la mort, n'a tiré?

7 Réponse: Je vous redis encore une fois que je n'ai pas vu les choses de

8 mes yeux. Je n'aime pas mentir, ce n'est pas mon habitude. Donc, puisque

9 je n'ai rien vu ni entendu personnellement, j'ai simplement entendu dire

10 qu'il avait été tué et c'est ce que je dis ici. Rien d'autre.

11 Question: Et trois soldats sur les quatre soldats ont été tués. C'est ce

12 que vous avez entendu également?

13 Réponse: Oui, je l'ai entendu.

14 Question: Mais vous avez entendu les coups de feu?

15 Réponse: Non, je ne les ai pas entendus.

16 Question: Vous n'avez pas entendu les coups de feu?

17 Réponse: Non, je n'ai pas entendu les coups de feu.

18 Parce que je vous ai dit: nous étions à la maison, toute la famille était

19 en train de manger à l'intérieur de la maison. Nous n'avons rien entendu.

20 Question: Et à quelle distance se trouve votre maison du centre du

21 village?

22 Réponse: Un kilomètre et demi, à peu près. Mais je ne saurais être précis

23 à 100%.

24 Question: Et d'un kilomètre et demi de là, vous n'avez pas entendu les

25 coups de feu?

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1 Réponse: Non, on peut entendre éventuellement les coups de feu, mais la

2 télévision était allumée, il y avait des enfants, beaucoup de monde à la

3 maison, beaucoup de bruit donc. Même si c'était une canonnade, je ne

4 l'aurais pas entendue, mais un coup de feu tiré par un fusil, encore

5 moins.

6 Question: Et est-ce que par la suite, vous avez appris de quelle maison on

7 avait tiré sur les soldats?

8 Réponse: Vous voulez dire ceux qui ont été tués ou les autres soldats?

9 Réponse: Ceux qui ont été tués.

10 Réponse: Ils ont été abattus là, au milieu du village, comme je vous l'ai

11 dit.

12 Question: Oui, mais avez-vous appris de quelle maison les tirs sont

13 partis, au moment où ils ont été tués?

14 Réponse: La maison de Tahir Berisha, mais je ne sais pas s'il est vrai que

15 les coups de feu sont partis de là. Moi, je n'ai rien vu de mes yeux.

16 M. Milosevic (interprétation): Et à part le fait qu'on a tiré depuis la

17 maison des Berisha, est-ce que vous avez entendu qu'on a tiré d'une autre

18 maison également?

19 M. Morina (interprétation): Que puis-je vous dire? Je crois que je suis en

20 train de vous dire la vérité. Nous étions en train de manger, nous

21 déjeunions...

22 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, il n'est pas utile

23 de répéter ce que vous avez déjà dit. Si vous connaissez une autre maison

24 à partir de laquelle les coups de feu seraient partis ou si vous avez

25 entendu parler d'une autre maison d'où les coups de feu seraient partis,

Page 921

1 dites-le. Si ce n'est pas le cas, contentez-vous de dire que vous n'en

2 avez pas entendu parler.

3 C'est bien cela, vous n'avez pas entendu parler d'une autre maison d'où

4 les coups de feu auraient pu être tirés?

5 M. Morina (interprétation): Non, je n'ai entendu parler d'aucune autre

6 maison.

7 M. Milosevic (interprétation): Et connaissez-vous le nom d'autres

8 propriétaires de ces maisons qui se trouvent au centre du village?

9 M. Morina (interprétation): Il y a plusieurs maisons dans le centre du

10 village.

11 M. Milosevic (interprétation): Et on a tiré que depuis la maison des

12 Berisha? Et les coups de feu ne sont venus que de la maison des Berisha?

13 M. le Président (interprétation): C'est ce que le témoin a dit, pour

14 autant qu'il le sache.

15 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que, dans le village, il n'y

16 avait pas de membres de l'UCK?

17 M. Morina (interprétation): Non, il n'y en avait pas. S'il y en avait eu,

18 ils auraient dit aux gens de partir. Nous n'avions aucun soldat de l'UCK

19 dans notre village.

20 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, ce groupe de membres de

21 l'UCK était venu à Landovica d'un autre village? De quel village sont

22 arrivés ces membres de l'UCK à Landovica?

23 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit qu'il n'y avait pas de

24 membres de l'UCK dans le village. C'est ce que ce témoin dit dans sa

25 déposition.

Page 922

1 Si vous la remettez en cause, Monsieur Milosevic, vous pourrez appeler vos

2 propres témoins pour discuter de ce sujet, mais il ne fait aucun sens de

3 vous quereller avec le témoin.

4 M. Milosevic (interprétation): Je lui demande s'il sait d'où ils sont

5 arrivés à Landovica: c'est une question parfaitement légitime.

6 M. le Président (interprétation): Non, elle n'est pas légitime cette

7 question, lorsque le témoin vous a déjà dit qu'il n'y avait pas de membres

8 de l'UCK.

9 Si vous voulez insister sur la question des coups de feu, vous pouvez le

10 faire, bien sûr, mais le témoin a déjà répondu en disant qu'il n'y avait

11 pas de membres de l'UCK dans le village. Il ne sert à rien de continuer à

12 l'interroger sur ce point.

13 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, quatre soldats viennent dans

14 le village, ils entrent dans un magasin pour acheter du jus de fruit et

15 ils sont tués après qu'on leur a tiré dessus depuis des maisons de ce

16 village. Ils n'ont pas été tués par des fantômes, mais par des membres de

17 l'UCK.

18 Et moi, ce que je demande, c'est d'où venaient ces membres de l'UCK?

19 M. le Président (interprétation): Vous pouvez présenter cette

20 argumentation comme vous venez de le faire. Vous pouvez, en temps utile,

21 citer des témoins à la barre pour en parler également, mais il ne sert à

22 rien de demander à ce témoin d'où venaient ces soldats puisque ce témoin

23 vous a, au préalable, répondu qu'il n'y avait pas de membres de l'UCK dans

24 son village.

25 Donc à moins que vous n'ayez d'autres questions, je propose que nous

Page 923

1 allions de l'avant. Vous pourriez par exemple lui demander comment il se

2 fait... Allez-y, allez-y!

3 M. Milosevic (interprétation): Etant donné que vous n'avez rien vu,

4 d'après ce que vous nous dites, est-ce que vous avez entendu dire qu'au

5 moment où les trois soldats ont été tués, une rafale de tirs avait été

6 tirée en direction d'un autre qui montrait encore des signes de vie? Est-

7 ce que vous avez entendu parler de cet incident?

8 M. Morina (interprétation): Pour vous dire toute la vérité, je n'ai rien

9 entendu et, dans la soirée, ma famille a quitté la maison pour se diriger

10 vers la montagne. Si j'avais entendu quelque chose, je serais parti

11 également avec eux.

12 Question: Et est-ce que vous avez entendu qu'étant donné qu'ils avaient

13 tué ces soldats, ils les avaient couverts d'un drapeau albanais? Est-ce

14 que vous avez entendu parler de cela?

15 Réponse: Non. Pour vous dire la vérité, non.

16 M. Milosevic (interprétation): Combien de temps a duré le combat entre

17 l'armée et l'UCK avant que l'UCK n'entre dans le village?

18 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, avec le respect que

19 je dois à la Cour...

20 M. le Président (interprétation): C'est le même problème. Le témoin a nié

21 la présence de membres de l'UCK. Vous pouvez interroger le témoin en

22 essayant de lui démontrer qu'il a tort sur ce point, mais je ne crois pas

23 que vous puissiez aller beaucoup plus loin que cela.

24 M. Milosevic (interprétation): Le témoin a dit qu'il n'y avait pas de

25 pilonnage lourd, c'est un fait et, par ailleurs, il a affirmé que le

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1 pilonnage a duré de 11 heures jusqu'à 15 heures. En d'autres termes, de 11

2 heures jusqu'à 3 heures de l'après-midi. Est-ce que cela veut dire que

3 l'armée tirait sur des maisons depuis lesquelles on lui tirait dessus ou

4 autre chose, étant donné que cela a duré quatre heures entières?

5 M. Morina (interprétation): Oui.

6 Question: Donc l'armée tirait sur des endroits d'où on lui tirait dessus.

7 Est-ce que c'est exact?

8 Réponse: Je ne suis pas sûr de bien comprendre.

9 M. Milosevic (interprétation): ...

10 M. Kwon (interprétation): Un instant, Monsieur Milosevic, si vous

11 permettez.

12 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie.

13 M. Kwon (interprétation): Monsieur Morina, j'ai bien lu le résumé de votre

14 déclaration que le Procureur nous a fait remettre. Et je vous demande si

15 vous avez bien dit au Procureur que les soldats ont été tués par l'UCK;

16 après quoi, vous êtes revenus sur votre déclaration. C'est bien cela?

17 M. Morina (interprétation): Non, je n'ai jamais dit que l'UCK était

18 présente. Je ne saurai vous dire qui les a tués. Je n'ai rien vu.

19 M. Kwon (interprétation): Monsieur Ryneveld, pourriez-vous nous apporter

20 des éclaircissements?

21 M. Ryneveld (interprétation): Oui, Monsieur le Juge.

22 Comme je l'ai indiqué dans la déclaration écrite de ce témoin, une

23 référence a été faite à des soldats qui avaient été tués par l'UCK. Et,

24 lorsque la vérification de la déclaration faite par le témoin a eu lieu,

25 ce témoin a indiqué que la déclaration telle qu'elle était à ce moment-là

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1 comportait une erreur, car il n'avait jamais dit qu'il y avait eu des

2 membres de l'UCK à cet endroit.

3 Donc il a modifié sa déclaration au cours de cette séance de vérification

4 du texte. Il a dit très clairement qu'il y avait eu une erreur dans sa

5 déclaration préalable, une erreur dans le recueil de la déclaration, dans

6 le recueil de ses propos, car très régulièrement et dans la plus grande

7 cohérence, dans la suite de sa déclaration, il a toujours dit qu'il n'y

8 avait pas de membres de l'UCK. Enfin, je tenais à vous l'expliquer.

9 M. le Président (interprétation): Merci.

10 M. Kay (interprétation): J'aimerais évoquer un point si vous me le

11 permettez. Car cela pourrait aider le Juge Kwon sur cette question. Dans

12 la déclaration du témoin, il est dit que cet endroit n'a jamais été un

13 abri pour l'UCK et qu'il ne l'a pas été non plus par la suite, ce qui est

14 peut-être un petit peu différent, il y a une nuance ici par rapport au

15 fait de penser qu'il n'y a jamais eu de membres de l'UCK dans le village.

16 J'évoque ceci pour que tout soit très complet sur ce point. Ce n'était pas

17 un abri, une planque pour l'UCK.

18 M. Robinson (interprétation): Monsieur Ryneveld, nous acceptons les

19 explications que vous venez de nous fournir, ainsi que ce que vient de

20 dire l'amicus curiae. Vous aurez bien entendu la possibilité de poser des

21 questions supplémentaires au témoin, mais les éléments de preuve doivent

22 venir du témoin, n'est-ce pas?

23 M. Ryneveld (interprétation): Absolument. D'ailleurs, je demande si les

24 Juges pourraient trouver utile de disposer de l'intégralité de la

25 déclaration préalable du témoin.

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1 M. le Président (interprétation): Oui, en effet.

2 M. Ryneveld (interprétation): C'est une question qu'il convient aux Juges

3 de trancher, mais je pense qu'effectivement disposer de cette déclaration

4 préalable pourrait leur être d'une certaine utilité.

5 (Intervention de l'huissier.)

6 Voici ce document qui comporte le n°ERN K0209157 et je crois que les amici

7 curiae disposent déjà de ce texte car il a certainement fait partie des

8 documents communiqués dans le cadre de la communication de pièces.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira donc de la pièce à conviction de

11 l'accusation n°19.

12 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que ce document devient une pièce à

13 conviction? Je n'en suis pas tout à fait certain?

14 (Signe affirmatif de la tête de la part des Juges.)

15 Bien. Je vous remercie.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous interrogiez le

17 témoin au sujet du pilonnage du 16.

18 M. Milosevic (interprétation): Oui, et le témoin a donné une réponse. Il a

19 dit que l'armée tirait sur les maisons d'où on lui tirait dessus. Mais

20 j'aurais aimé poser une autre question au témoin. Est-ce que, avant cela,

21 il vous arrivait d'entrer dans une maison? Et je vais préciser de quelle

22 maison je parle: la maison qui se trouve de l'autre côté du ruisseau, à

23 200 mètres du magasin.

24 Où se trouvait le quartier général de l'UCK, donc de l'autre côté du

25 ruisseau, à 200 mètres du magasin?

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1 M. le Président (interprétation): Vous avez entendu la question, Monsieur?

2 Ce qui vous est suggéré, c'est que l'UCK avait un quartier général dans le

3 village à 200 mètres du magasin, et on vous demande: premièrement, si vous

4 êtes d'accord pour dire qu'il y avait un quartier général et,

5 deuxièmement, si vous y êtes allé.

6 M. Morina (interprétation): Quel quartier général? Je ne comprends pas.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je ne crois pas que

8 nous irons beaucoup plus loin de cette façon.

9 M. Milosevic (interprétation): Je lui ai demandé s'il lui est arrivé de se

10 rendre dans cette maison-là, à 200 mètres du magasin, de l'autre côté du

11 ruisseau, où se trouvait le quartier général de l'UCK et il n'a pas

12 répondu à ma question.

13 M. le Président (interprétation): Il n'a pas compris, et il conteste le

14 fait qu'il y ait eu un quartier général. Je vous propose de passer à une

15 autre question.

16 M. Milosevic (interprétation): Et avez-vous entendu peut-être, étant donné

17 que vous ne l'avez pas vu, ce que les soldats ont trouvé dans cette

18 maison, ce que l'armée a trouvé dans cette maison?

19 Cartes, munitions et autres. Est-ce que vous avez entendu parler de cela?

20 M. Morina (interprétation): Non, je n'ai rien entendu.

21 Question: Est-ce que vous vous souvenez, car cela vous avez dû l'entendre

22 de vos propres oreilles… Est-ce que vous vous souvenez du fait que, du 25

23 jusqu'à la fin du mois de mars, à six reprises, l'OTAN a bombardé le

24 territoire sur lequel se trouve votre village? Est-ce que vous avez

25 entendu ces bombardements?

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1 Réponse: Nous n'avons eu aucun bombardement de l'OTAN dans notre village.

2 Question: On ne le voyait pas et on ne l'entendait pas non plus du

3 village?

4 Réponse: Il n'y a pas eu de bombardement de l'OTAN dans mon village. Nous,

5 nous avons entendu dire à la télévision que l'école de Landovica a été

6 frappée par l'OTAN mais quand nous sommes arrivés dans le village, l'école

7 était toujours là. C'était une désinformation.

8 Question: Et la population qui a quitté votre village et les villages

9 alentours, où est-elle allée, où a-t-elle fui?

10 Réponse: Ils sont allés vers d'autres villages avant d'arriver en Albanie.

11 La moitié des habitants du village se sont dirigés vers Srbica puis

12 Petrova et Prizren. A Prizren, ils sont restés un mois.

13 Question: Est-ce qu'ils fuyaient en passant par le poste-frontière de

14 Vernica?

15 Réponse: Oui, enfin, je ne les ai pas vus. Je n'ai pas vu par où ils sont

16 passés, je ne les ai pas escortés.

17 Question: Mais vous, vous êtes passé par Vernica quand vous êtes parti.

18 Vous n'avez pas mentionné cela, mais vous avez dit qu'à partir de Zhur

19 vous étiez passé par là?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et un grand nombre de réfugiés sont partis par ce poste-

22 frontière là, n'est-ce pas?

23 Réponse: Oui. Oui, c'est exact.

24 M. Milosevic (interprétation): Et maintenant, j'aimerais ne pas parler de

25 votre village mais du fait que les réfugiés partaient en empruntant le

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1 poste-frontière de Vernica. Avez-vous entendu dire que certains membres de

2 l'UCK également passaient par ce poste-frontière?

3 M. Morina (interprétation): Je vous ai déjà dit que je ne savais rien de

4 l'UCK. Ils étaient tous des civils. Ils se sont enfuis vers la montagne,

5 ils ont suivi cette route. Pour le reste, je ne sais pas. Je ne les ai pas

6 vus moi-même, j'ai simplement entendu dire que les gens avaient suivi cet

7 itinéraire.

8 M. le Président (interprétation): Il est 11 heures. Nous allons suspendre

9 l'audience pendant une demi-heure.

10 Monsieur Morina, je vous rappelle que vous êtes tenu de ne parler à

11 personne de votre témoignage pendant cette suspension d'audience.

12 (L'audience, suspendue à 11 heures, l'audience est reprise à 11 heures

13 33.)

14 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.

15 M. Milosevic (interprétation): En réponse à une question de l'accusation,

16 qui vous demandait ce qu'il était arrivé à la population, vous avez

17 répondu: "Rien de particulier: ils sont partis, tout simplement". Est-ce

18 que c'est exact?

19 M. Morina (interprétation): Oui, c'est exact.

20 Question: L'accusation a insisté et vous a demandé de préciser quand,

21 après le début du pilonnage, les villageois ont commencé à partir et vous

22 avez dit qu'ils étaient partis avant le début du pilonnage. Est-ce que

23 c'est exact?

24 Réponse: Nous sommes partis avant, cinq ou six minutes avant le début du

25 pilonnage. C'est à ce moment-là que nous sommes sortis, ma famille et moi.

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1 Question: La question est de savoir quand les gens ont commencé à partir.

2 La question vous a été posée et vous avez répondu "entre 9 et 10 heures",

3 alors qu'apparemment, d'après votre déposition, le pilonnage a commencé à

4 11 heures.

5 Réponse: Oui.

6 Question: Alors comment se fait-il que treize personnes aient été tuées

7 pendant le pilonnage, si elles sont parties avant 10 heures et que le

8 pilonnage a commencé à 11 heures?

9 Réponse: Ils étaient chez eux, tout comme moi, j'étais chez moi avec les

10 membres de ma famille. Il y avait IsmetGashi, un avocat. Nous n'avons rien

11 vu. Tous les gens étaient chez eux.

12 Question: Vous avez passé toute votre vie à Landovica?

13 Réponse: J'étais à Landovica du 26 au 30.

14 Question: Mais vous viviez à Landovica de nombreuses années avant cela?

15 Réponse: Oui, oui. J'y ai passé toute ma vie, à l'exception des années au

16 cours desquelles, des deux années au cours desquelles j'ai fait mon

17 service militaire.

18 Question: Oui, c'est précisément la question que je vous ai posée.

19 Vous avez donc passé toute votre vie à Landovica et vous avez dit ici, ce

20 matin, que vous ne pouviez vous souvenir du nom d'aucun des treize

21 villageois qui ont été tués, selon vous.

22 Réponse: Je me souviens de certains noms. Je me souviens du nom des

23 personnes plus âgées, mais pas des jeunes.

24 Question: Mais vous n'avez pu en citer aucun à part Gashi?

25 Réponse: Je peux vous dire: il y avait Ismet Gashi et sa mère; Fatime, la

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1 femme de mon cousin, elle a été tuée elle aussi; Zanja, la fille de ma

2 cousine et un enfant qui devait avoir un an et demi, deux ans.

3 Question: Vous avez dit qu'à part eux, un Rom et un Albanais avaient été

4 tués. En d'autres termes, si l'on prend en compte également ce Rom et cet

5 Albanais, avez-vous vu qui les a tués?

6 Réponse: L'infanterie. Ce sont les soldats d'infanterie qui les ont tués

7 au moment où ils ont incendié les maisons; ils ont aussi brûlé deux corps

8 à l'intérieur d'une des maisons.

9 Question: Mais est-ce que vous avez vu qui les a tués?

10 Réponse: Non, je ne les ai pas vus parce qu'on a vu les cadavres le

11 lendemain. Abdi Gashi, nous l'avons vu mort dans sa propre maison.

12 Question: Quelle conclusion avez-vous tirée? De quoi sont-ils morts?

13 Réponse: Je crois qu'il y avait eu ces quatre soldats qui avaient été

14 tués. La police, l'armée est venue dans le village, a incendié les maisons

15 et les a tués, ces gens-là.

16 Question: Mais cela, vous ne l'avez pas vu? Vous n'avez pas vu la façon

17 dont ils ont été tués?

18 Réponse: Non.

19 Question: Vous avez dit que vous êtes parti du village autour de 4 heures.

20 Réponse: Je ne comprends pas bien. Qu'est-ce que vous voulez dire, vers 4

21 heures?

22 Question: Vers 4 heures. Enfin, quand vous regardiez votre montre, il

23 était 4 heures de l'après-midi. En tout cas, c'est ce que j'ai cru

24 comprendre. C'est à ce moment-là que vous avez quitté le village?

25 Réponse: Nous sommes partis le 30 mars, vers 4 heures, effectivement.

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1 Question: Oui, et immédiatement après cela, vous avez dit que l'armée

2 était restée dans le village jusqu'à 7 heures.

3 Réponse: Oui.

4 M. Milosevic (interprétation): Comment savez-vous qu'elle est restée

5 jusqu'à 7 heures si vous êtes partis à 4 heures. Qui vous a dit qu'elle

6 était restée jusqu'à 7 heures?

7 M. Ryneveld (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation): Oui?

9 M. Ryneveld (interprétation): Pour être juste envers le témoin, il faut

10 dire ceci: je crois que la question précédente ne correspond pas du tout

11 avec celle-ci. Je pense que le témoin parle du 30 mars, alors que l'accusé

12 pose une question qui concerne le 26 mars.

13 C'est simplement pour que ceci soit tiré au clair. Je ne voulais pas que

14 la confusion se prolonge. Pour être équitable envers le témoin, il faut

15 poser une question quant à la date.

16 M. le Président (interprétation): Oui.

17 Oui, Monsieur Milosevic?

18 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit qu'à Landovica, il n'y avait

19 pas de forces de l'UCK. Alors, j'aimerais vous poser la question suivante:

20 est-ce que l'un quelconque des citoyens de Landovica était membre de

21 l'UCK?

22 M. Morina (interprétation): Ça, je ne sais pas. Je ne sais pas s'il y

23 avait quelqu'un qui était membre de l'UCK. Cela se peut bien, mais je ne

24 sais pas. En tout cas, on ne me l'a pas dit.

25 Question: Et comment expliquez-vous le fait qu'après la guerre, à

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1 Landovica, un monument a été détruit, le monument de Boro et Ramiz. Est-ce

2 que ce monument a été détruit?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Et qu'a t-on fait à l'endroit où ce monument Boro et Ramiz était

5 érigé?

6 Réponse: Par des soldats morts de l'UCK?

7 Question: De Landovica?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Comment pouvait-on ériger un monument aux victimes soldats de

10 Landovica s'il n'y en avait pas à Landovica?

11 Réponse: Je ne sais pas... C'est sans doute l'UCK qui l'a érigé. Je ne

12 sais pas.

13 Question: Merci. Vous nous avez dit que le 27, l'armée a pilonné la

14 mosquée?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Après cela, vous vous êtes repris et vous avez dit que la

17 mosquée n'avait pas été pilonnée, mais qu'elle avait été dynamitée, minée.

18 Réponse: Oui, le minaret est tombé.

19 M. Milosevic (interprétation): Uniquement le minaret? Si une mine avait

20 été placée à l'intérieur de la mosquée, alors comment est-ce que seul le

21 minaret pouvait s'écrouler?

22 M. le Président (interprétation): Etes-vous en mesure de répondre à cette

23 question ou pas? Si vous n'êtes pas en mesure de le faire, dites-le.

24 M. Morina (interprétation): Oui, tout le minaret s'est effondré, et il est

25 tombé sur le toit qu'il a détruit. Les murs sont très épais, ils font 40

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1 centimètres.

2 M. Milosevic (interprétation): Merci.

3 Vous avez dit que le 27, lorsque l'armée est revenue au village, elle n'a

4 pas fait de mal à qui que ce soit.

5 M. Morina (interprétation): Non.

6 Question: J'ai entendu ce que vous avez dit. Vous venez de dire

7 précisément qu'au moment où l'armée était revenue, elle n'avait causé de

8 dégâts pour personne.

9 Réponse: Non, uniquement le 26 et le 27. Les autres jours, rien ne s'est

10 passé.

11 Question: Bien. Alors, au moins nous avons tiré cela au clair: et au

12 moment où l'armée est revenue, elle n'a fait de tort, elle n'a causé de

13 dégâts pour personne.

14 Vous avez dit que vous vous trouviez à Srbica et que là, vous avez

15 retrouvé 800 villageois de Pirane. Et de votre côté, combien de personnes

16 y avait-il de Landovica?

17 Réponse: Trois: moi-même, mon frère et mon épouse.

18 Question: Uniquement vous trois de Landovica?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Et 800 de Pirane?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Par la suite, vous avez dit que tous ensemble, vous étiez partis

23 pour l'Albanie, et que là se trouvaient deux ou trois autobus?

24 Réponse: Il y en avait plus que 3. Il y en avait 5 ou 6.

25 Question: Vous avez dit 2, 3.

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1 Réponse: Non, 6 ou 7. Je ne peux pas être plus précis. Et mon frère est

2 allé à Prizren pour aller retrouver sa famille, et moi je suis allé en

3 Albanie.

4 Question: Bien. 2, 3, 6, 7 autobus... Enfin, comment 800 personnes ainsi

5 que vous, êtes montés dans ces autobus, même s'il y en avait 6 ou 7?

6 Réponse: Mais tout le monde n'est pas monté dans les bus. On était

7 nombreux.

8 Question: Vous avez dit que ces autobus avaient été organisés par des

9 civils.

10 Réponse: Oui, mais sur les ordres de l'armée qui avait menacé soit de se

11 débarrasser de nous, soit de les tenir responsables. Ils nous ont dit:

12 "Vous devez partir de Srbica sinon, nous aussi on va en subir les

13 conséquences".

14 Question: Vous avez dit qu'après cela, vous avez vu un convoi de 25

15 kilomètres de long.

16 Réponse: Oui, de Podrum de Landovica jusqu'à Granica(Frontière). Il y

17 avait des camions, des voitures, des remorques, beaucoup de gens, des

18 Albanais, jusqu'à la frontière.

19 Question: Vous avez dit qu'ils ont été évacués et, là je vous cite: "qu'on

20 les a évacués pour qu'ils ne subissent pas de dommages suite aux

21 bombardements, pour qu'ils ne soient pas touchés par les bombardements".

22 Réponse: Je ne sais pas quels étaient leurs objectifs. Ce que je sais,

23 c'est que tout le monde a quitté le village.

24 M. Milosevic (interprétation): Mais l'explication que vous avez donnée, à

25 savoir "qu'ils ont été évacués pour ne pas être touchés par les

Page 936

1 bombardements", c'est bien l'explication que vous avez donnée? Comment

2 cette explication est-elle possible s'il n'y avait pas de bombardement?

3 M. le Président (interprétation): Ça, c'est un commentaire de votre part.

4 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

5 Est-ce qu'avec les réfugiés que vous avez vus, il y avait des équipes de

6 médecins qui venaient en aide aux blessés, aux personnes qui ont été

7 blessées pendant les bombardements?

8 Réponse: Il y en avait quelques-uns à Prizren, et certains sont allés en

9 Albanie.

10 M. Milosevic (interprétation): Et avez-vous vu des équipes médicales qui

11 venaient en aide aux réfugiés dans ces convois et qui étaient à côté des

12 convois?

13 M. Berisha (interprétation): Non, je n'ai rien vu.

14 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, avant que vous ne

15 poursuiviez, précédemment vous avez posé une question au témoin.

16 Vous lui avez dit que l'explication qu'il avait donnée, c'était que ces

17 personnes avaient été évacuées de façon à éviter tout dégât causé par les

18 bombardements, donc, sans doute qu'elles seraient à l'abri des bombes.

19 A quel moment ce témoin a-t-il fourni cette explication? Au moment de

20 l'interrogatoire principal?

21 M. Milosevic (interprétation): Je ne m'en souviens pas. Je crois que

22 c'était pendant l'interrogatoire principal, car jusqu'ici, nous n'avons eu

23 que l'interrogatoire principal.

24 M. Robinson (interprétation): Je vous remercie. Je voulais simplement m'en

25 assurer.

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1 M. Milosevic (interprétation): J'imagine, il l'a dit ce matin, et

2 j'imagine que vous l'avez au compte rendu d'audience. Il a donné une telle

3 explication.

4 M. Robinson (interprétation): Merci. Monsieur Ryneveld va vouloir peut-

5 être revenir sur cette question par la suite. Merci.

6 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous avez eu connaissance des

7 activités de l'ordre des derviches, dans la région de Djakovica,

8 d'Orahovac et ailleurs? Vous n'avez jamais entendu parler des derviches à

9 Prizren, Djakovica et Orahovac?

10 M. Morina (interprétation): Je pense que ce sont des paroles creuses: je

11 n'ai rien vu. Je ne peux pas dire que je l'ai vu.

12 Question: Et avez-vous entendu parler de la constitution de groupes de

13 Moudjahidine, en rapport avec les activités de cet ordre des derviches

14 dans votre région, à Prizren?

15 Réponse: Non.

16 Question: Quel jour les colonnes de réfugiés sont-elles parties vers

17 Vernica et Zhur?

18 Réponse: A Vernica, on n'avait aucun moyen de s'informer. Nous avons vu

19 des convois qui se déplaçaient les 26, 27, 28 et 30 mars.

20 Question: Donc à partir du 26?

21 Réponse: Oui, oui.

22 M. Milosevic (interprétation): En d'autres termes, à partir du troisième

23 jour des bombardements. C'est là que cela a commencé?

24 M. le Président (interprétation): Ce témoin n'accepte rien à propos du

25 bombardement. Il ne sait rien à ce propos. Il est donc dans

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1 l'impossibilité de répondre à cette question.

2 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que vous reconnaissiez

3 l'armée de la Yougoslavie parce que vous y avez fait votre service

4 militaire?

5 M. Morina (interprétation): Oui, oui, j'ai fait mon service militaire il y

6 a quarante ans. Mes quatre fils aussi ont fait leur service militaire dans

7 l'armée yougoslave.

8 Question: Savez-vous combien de nationalités sont représentées au sein de

9 l'armée de la Yougoslavie?

10 Réponse: Je ne sais pas, je ne m'en souviens pas.

11 Question: Savez-vous qu'il y a des Hongrois, des Roumains, des Bulgares,

12 des Slovaques? Savez-vous que toutes ces communautés ethniques composaient

13 l'armée?

14 Réponse: Oui, oui, parce qu'il y avait l'unité et la fraternité, on ne

15 faisait pas de différence pour des raisons d'ethnicité. Il n'y avait pas

16 d'autres différences.

17 Question: Bien. A l'heure actuelle, au sein de l'armée yougoslave, en

18 1998, en 1999, à ce moment-là, savez-vous que tous ces groupes ethniques

19 que j'ai cités, que j'ai cités comme exemples -des Hongrois, des Roumains,

20 des Bulgares, des Slovaques et des Ruthènes- faisaient partie de l'armée

21 yougoslave?

22 Réponse: Oui, effectivement. Lorsque la guerre a éclaté en Croatie, mes

23 quatre fils faisaient leur service militaire à Titograd. Je ne sais pas si

24 c'était en 1992 ou en 1993.

25 Question: Bien. Mais moi, je vous parlais de 1998 et 1999. Je vous demande

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1 si, tout simplement, vous étiez au courant du fait que différents groupes

2 ethniques composaient l'armée yougoslave?

3 Réponse: Oui, je sais. Mais moi, ça ne m'a jamais intéressé. Moi, j'étais

4 simplement un agriculteur.

5 Question: Si je vous pose la question, c'est parce que j'aurais aimé

6 savoir pourquoi vous appelez cette armée la "force serbe"?

7 Réponse: Parce qu'il n'y avait plus que des Serbes et des Monténégrins qui

8 étaient restés en Voïvodine.

9 M. Milosevic (interprétation): Mais en Serbie, on trouve 27 communautés

10 ethniques différentes.

11 M. le Président (interprétation): Je crois que vous avez fait comprendre

12 votre avis. Nous avons entendu ce que vous disiez.

13 Monsieur le Témoin, inutile de répondre à cette question.

14 M. Milosevic (interprétation): Je souhaitais lui demander qui lui a dit

15 que ces forces étaient des forces serbes, mais étant donné que vous ne

16 m'autorisez pas à le faire...

17 M. le Président (interprétation): Est-ce que quelqu'un vous a demandé de

18 parler de ces forces comme étant des forces serbes?

19 M. Morina (interprétation): Mais c'est comme ça qu'on les appelait!

20 L'armée serbe. C'est comme ça que tout le monde les appelait.

21 M. le Président (interprétation): Merci.

22 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que les vignobles de Landovica

23 appartiennent à l'entreprise Kosovo Vino, de Mala Krusa?

24 M. Morina (interprétation): Autrefois, ça appartenait à Krusa Madhe, mais

25 il ne reste plus rien de ces vignobles. On n'a plus rien.

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1 Question: Et pourquoi ne reste-t-il plus rien de ces vignobles?

2 Réponse: Parce qu'il n'y a plus personne pour s'en occuper.

3 Question: Et avez-vous vu ces vignobles-là au moment où ils ont été

4 bombardés? Ces vignobles à Landovica?

5 Réponse: Oui, oui, je les ai vus, après mon retour d'Albanie.

6 M. Milosevic (interprétation): Et pourquoi pensez-vous que ces vignobles

7 ont été bombardés?

8 M. Morina (interprétation): Parce que l'armée y a été déployée pendant

9 deux ans. Ils pensaient sans doute que les soldats y étaient et ils ont

10 fait le pilonnage.

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez encore beaucoup de

12 questions à poser à ce témoin, Monsieur Milosevic?

13 M. Milosevic (interprétation): J'espère que je n'en ai plus pour très

14 longtemps. J'ai encore un certain nombre de questions à lui poser. Je ne

15 peux pas vous dire exactement ce qu'il en est, étant donné que le témoin

16 ne répond pas directement aux questions.

17 Oui, moi aussi, je pense qu'ils ont bombardé les vignobles parce qu'ils

18 bombardaient l'armée qui se trouvait dans les vignobles. Là, nous sommes

19 d'accord.

20 Par conséquent, à Prizren, pendant la guerre, 342 attaques aériennes ont

21 été effectuées, donc cinq par jour. Or, vous affirmez que vous n'avez vu

22 aucune de ces attaques aériennes.

23 M. le Président (interprétation): Il a déjà répondu à cela. Il a dit qu'il

24 ne savait pas.

25 M. Milosevic (interprétation): Aucune?

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1 M. Morina (interprétation): Non.

2 Question: Et est-ce que vous étiez à Prizren avant le bombardement de

3 Prizren?

4 Réponse: Non. J'étais en Albanie.

5 Question: Est-ce que, dans le bombardement de Prizren, quelqu'un de votre

6 famille a été tué ou quelqu'un que vous connaissiez de Landovica? Est-ce

7 que vous en avez entendu parler?

8 Réponse: Non, personne de ma connaissance.

9 M. Milosevic (interprétation): Revenons à la journée par laquelle nous

10 avons commencé. Vous avez dit qu'après l'entrée de l'armée dans le

11 village, vous et votre épouse êtes partis à 500 mètres ou 600 mètres de

12 votre maison pour voir comment les maisons étaient incendiées. Est-ce que

13 c'est exact?

14 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà examiné cette question,

15 je ne pense pas que nous pouvons vous autoriser à revenir sur cette

16 question.

17 Avez-vous des questions nouvelles à poser à ce témoin?

18 M. Milosevic (interprétation): Mais cela aussi, c'est une question,

19 Monsieur May.

20 M. le Président (interprétation): Oui, mais on a déjà étudié à fond cette

21 question auparavant. Vous n'avez rien d'autre? Si vous n'avez rien

22 d'autre, nous allons mettre un terme au contre-interrogatoire.

23 M. Milosevic (interprétation): J'ai encore des questions à poser.

24 Est-ce que vous êtes au courant du nombre de personnes qui ont été tuées à

25 Landovica, Pirane, Srbica et Suva Reka, par l'UCK, au cours de ces

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1 actions? Est-ce que vous avez entendu parler de cela?

2 M. Morina (interprétation): Je n'ai rien entendu dire. Je ne suis pas un

3 homme politique, je ne suivais pas ces événements. Moi, je suis un

4 agriculteur.

5 Question: Bien, mais sur ces 72 personnes qui ont été tuées par l'UCK, se

6 trouvaient également 19 Albanais et un Rom. Et cela ne vous intéressait

7 pas non plus?

8 Réponse: Non, franchement non. Je ne sais pas.

9 Question: Vous ne savez pas? Est-ce que vous avez emprunté la route entre

10 Srbica et Stimlje?

11 Réponse: Et qu'est-ce que j'étais censé faire à Stimlje? Je n'avais pas

12 besoin d'y aller!

13 Question: Vous n'avez jamais emprunté la route Srbica et Stimlje?

14 Réponse: Vous parlez de quel Srbica? De Kosovo ou de Prizren?

15 Question: Précisément la Srbica où vous étiez et Klecka sur cette route?

16 Savez-vous où se trouve la localité Klecka sur cette route reliant Srbica

17 à Stimlje?

18 Réponse: Non, je ne sais pas.

19 Question: Vous n'avez jamais entendu parler de Klecka?

20 Réponse: Non, jamais. Jamais.

21 Question: Donc vous ne savez pas que là, un massacre d'un grand nombre de

22 Serbes de la part de l'UCK a été perpétré, précisément à Klecka?

23 Réponse: Non, je ne sais pas. Je ne sais même pas où se trouve ce Klecka.

24 Question: Très bien, très bien.

25 Vous souvenez-vous que, dans le village de Pirane -puisque vous citez sans

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1 cesse le village de Pirane-, savez-vous qu'en décembre 1998, un policier

2 albanais, Imer Xhafiqi, a été tué, un membre du SUP de Prizren? Savez-vous

3 qu'il a été tué par l'UCK?

4 Réponse: Oui, je le connaissais bien, mais je ne sais pas qui est le

5 responsable.

6 Question: En 1998, il était policier, il travaillait pour le SUP de

7 Prizren?

8 Réponse: Non, ce n'était pas un policier, il travaillait au SUP.

9 Question: Bien. Il travaillait au SUP. Il travaillait pour le SUP de

10 Prizren et Imer Xhafiqi, en décembre 1998 a été tué par l'UCK. Est-ce que

11 vous en avez entendu parler? Etiez-vous au courant?

12 Réponse: Je sais qu'il avait disparu, j'en ai entendu parler lorsque je

13 suis revenu d'Albanie, mais je ne sais pas où il se trouve. Ici, je ne

14 veux pas mentir.

15 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous souvenez-vous du moment où Najid

16 Asani, de Dubrava, a perpétré un attentat contre le professeur Papovic de

17 l'université...

18 M. le Président (interprétation): Nous nous écartons ici, nous nous

19 éloignons de l'interrogatoire principal en ce qui concerne ce témoin. Je

20 pense qu'il faut revenir au sujet évoqué dans ce cadre. S'il y a des

21 questions, des sujets pour lesquels vous voulez appeler des témoins à la

22 barre, vous le ferez et vous pourrez nous présenter votre version des

23 faits.

24 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, le témoin affirme qu'à aucun

25 moment il n'a entendu parler des activités et des crimes de l'UCK. Je lui

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1 pose des questions concrètes sur des crimes concrets qui ont eu lieu dans

2 des villages qu'il a cité et dont il devait connaître la situation. Sa

3 réponse est de nous dire qu'il n'en sait absolument rien. C'est une

4 réponse.

5 M. le Président (interprétation): Mais ceci n'est pas ce que le témoin a

6 dit parce que les activités en ce qui concerne l'UCK portent sur le 24

7 mars. Le témoin a dit que c'est à ce moment-là que l'UCK était venu au

8 village. Vous pourrez poser une question, mais faites-le brièvement.

9 Demandez au témoin s'il y a des preuves d'activités de l'UCK auparavant,

10 avant cette date. D'ailleurs, c'est une question que je vais

11 personnellement lui poser.

12 Monsieur Morina, est-ce qu'il y a eu des activités menées par l'UCK dans

13 votre village avant la période sur laquelle vous avez déposé, avant le 25

14 mars?

15 M. Morina (interprétation): Non, il n'y en a pas eu, parce que l'armée

16 était près du village, ce qui veut dire que l'UCK ne pouvait pas venir.

17 L'armée était déployée à moins de 100 mètres du village. Moi, j'avais six

18 fils et aucun de mes fils n'était membre de l'UCK.

19 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous, vous souvenez-vous du moment

20 où l'UCK a tué trois Albanais: Zejin Turajushi, Hasani Zefe et Seftar

21 Shumar, ainsi que Blagoje Jovanovic, un Serbe, précisément dans votre

22 voisinage, en 1998 également? Avez-vous entendu parler de cela, comme vous

23 avez entendu parler d'Imer Xhafiqi?

24 M. Morina (interprétation): Non. Non, je n'ai rien entendu dire à propos

25 de cela par la suite. Avant, je savais.

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1 Question: Je vais laisser de côté les questions qui se rapportent aux

2 actions directes dont le témoin devait être au courant, à mon avis, mais

3 je ne souhaite pas poser ces questions à ce stade car il affirme qu'il ne

4 sait absolument rien de ces actions.

5 Mais est-ce qu'au moins vous souvenez de l'attaque contre le poste de la

6 police ou plutôt quatre attaques entre le mois de juillet 1998, entre le 7

7 et le 15 juillet? Donc quatre attaques contre les postes de police des

8 villages proches du vôtre.

9 Réponse: Non, je ne me souviens pas.

10 Question: Et avez-vous vu ou vous souvenez-vous du fait qu'en juillet

11 1999, sur la route Prizren à Prezovica, l'UCK a posé des marques de

12 peinture jaune sur toutes les maisons serbes, étant donné que vous nous

13 dites que vous y étiez retourné à ce moment-là?

14 Réponse: Je ne me souviens pas.

15 Question: Et savez-vous ce qui leur est arrivé par la suite?

16 Réponse: Non, je ne sais rien.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Manifestement, vous ne savez rien,

18 vous ne pouvez répondre à aucune de mes questions.

19 Je dois vous dire que vous citez des témoins comme celui-ci uniquement

20 pour m'embêter.

21 M. le Président (interprétation): Ça, c'est un commentaire. A moins que

22 vous n'ayez un nouveau sujet, Monsieur Milosevic... Un instant, s'il vous

23 plaît! Libre à vous de faire des commentaires, mais en temps utile. Le

24 moment ne s'y prête pas maintenant. Nous allions terminer ce contre-

25 interrogatoire. Le témoin dit ne rien savoir à propos des questions que

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1 vous lui posez.

2 Monsieur Milosevic, vous aurez l'occasion de présenter vos moyens de

3 preuve devant la Chambre de première instance en temps utile, mais il ne

4 sert à rien de poser des questions à ce témoin car il dit ne rien savoir à

5 leurs propos.

6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, des éléments de preuve au

7 sujet des accusations qui sont portées contre moi doivent être produits

8 par l'accusation apparemment. Apparemment, ici je constate que c'est

9 l'accusé qui doit prouver son innocence et non pas celui qui l'accuse qui

10 doit prouver sa culpabilité. Il s'agit là de faux témoins, Monsieur le

11 Président, et ils servent à faire en sorte que des parties du puzzle de la

12 guerre en Yougoslavie soient retirées.

13 (Les Juges se concertent sur le siège.)

14 Si vous me le permettez, j'aurais encore une question, puisque vous ne me

15 permettez pas de poser d'autres questions.

16 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît, Monsieur

17 Milosevic. Soyons clairs, il n'est pas question que vous ou quelque autre

18 accusé que ce soit est à prouver leur innocence dans ce Tribunal.

19 Cependant, la Chambre de première instance a l'obligation de veiller à ce

20 que les procès se déroulent rapidement. Cela veut dire qu'on ne doit pas

21 perdre de temps. Selon nous, vous avez présenté vos questions de façon

22 très complète à ce témoin. Il a souvent répondu en disant qu'il ne savait

23 rien. Il ne sert donc à rien de poursuivre, c'est une perte de temps.

24 C'est la raison pour laquelle nous allons mettre un terme à ce contre-

25 interrogatoire, comme nous le ferons chaque fois que nous estimons qu'on

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1 perd du temps. Nous l'avons déjà dit, à maintes reprises, vous aurez

2 l'occasion de présenter vos moyens de preuve devant cette Chambre pour

3 contredire ce que disent les témoins en ce moment. Ceci met fin au contre-

4 interrogatoire.

5 Monsieur Ryneveld, avez-vous des questions supplémentaires?

6 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président?

7 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Tapuskovic?

8 M. Tapuskovic (interprétation): Si vous me le permettez, Monsieur le

9 Président, j'aurais aimé préciser un certain nombre de points. Je serai

10 extrêmement bref.

11 M. le Président (interprétation): Allez-y!

12 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Halil

13 Morina.)

14 M. Tapuskovic (interprétation): Si je vous ai bien compris, ce jour-là, le

15 26 mars, vous ne savez pas qui a tiré sur les soldats et vous n'avez pas

16 vu le 26 mars, avant 10 heures du matin, aucun soldat dans le village.

17 Est-ce que c'est exact?

18 M. Morina (interprétation): Non, je n'ai pas vu de soldats de l'UCK. Il y

19 avait des militaires aux alentours, mais je ne sais pas.

20 Question: Non, vous m'avez mal compris. Je parlais de soldats de l'armée

21 yougoslave. Avez-vous vu des soldats de l'armée yougoslave ce jour-là,

22 avant 10 heures?

23 Réponse: Non, je n'ai rien vu.

24 Question: Et est-ce que le 24 et le 25 mars, dans votre village, vous avez

25 vu un quelconque soldat de l'armée yougoslave? L'armée yougoslave était-

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1 elle présente?

2 Réponse: Non.

3 Question: En d'autres termes, ai-je raison de penser que l'armée est

4 arrivée dans votre village uniquement après l'incident où les trois

5 soldats ont été tués?

6 Réponse: C'est exact.

7 Question: Merci. Vous avez également dit dans votre déposition que, le 27

8 mars, à midi et demi, l'armée est arrivée -et là je cite ce que vous avez

9 dit- "et les soldats se sont dépêchés d'emporter les corps des personnes

10 qui avaient été tuées".

11 Réponse: Oui.

12 Question: Vous avez également décrit les événements qui ont eu lieu le 26

13 mars et je ne vais pas revenir là-dessus; vous l'avez décrit de façon

14 détaillée, mais le 27 mars 1999, vous-même, votre frère, Ruzhdi Gashi, et

15 un autre villageois, vous êtes partis voir les corps des personnes qui

16 avaient été tuées?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Vous les avez vus?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Alors, vous avez cherché des jeunes dans le village pour vous

21 aider à les enterrer, mais comme il n'y avait personne, vous avez dû les

22 laisser où ils se trouvaient, vous les avez recouverts de couvertures et

23 de draps. Est-ce que c'est exact?

24 Réponse: C'est exact.

25 Question: Ce n'est que le lendemain que l'armée yougoslave est arrivée?

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1 Réponse: Le 27 janvier.

2 Question: Ou plutôt le jour même, mais quelques heures plus tard?

3 Réponse: Oui, plus tard.

4 M. Morina (interprétation): Le 3 avril, vous avez quitté le village avec

5 votre épouse et avec votre frère?

6 M. le Président (interprétation): Le 30 mars.

7 M. Morina (interprétation): Le 30 mars.

8 M. Tapuskovic (interprétation): Si je pose la question, Monsieur le

9 Président, c'est que, dans la déclaration préalable du témoin, que vous

10 avez sous les yeux, il est dit qu'il est parti le 3 avril.

11 M. le Président (interprétation): Oui, vous pouvez lui poser la question.

12 M. Morina (interprétation): Nous sommes allés à Srbica.

13 M. Tapuskovic (interprétation): Auparavant, vous avez dit que vous avez

14 quitté le village le 3 avril. Est-ce que c'est exact?

15 Réponse: C'était peut-être une erreur. C'est le 30 mars.

16 Question: Bien. Vous êtes allé dans le village de Srbica.

17 Réponse: Oui.

18 Question: Est-ce que vous savez à quelle distance se trouve le village de

19 Srbica par rapport à Nogovac et Celina?

20 Réponse: Vous voulez dire de Celina jusqu'à Nagafc?

21 Question: Non, Celina et Nogavac, ce sont les villages qui se trouvent à

22 côté de Srbica, là où vous vous êtes rendu.

23 Réponse: Non, ils ne sont pas proche l'un de l'autre. Il y a peut-être une

24 distance de 15, 10, 12 kilomètres entre ces villages. Il y a d'abord

25 Pirana, Krusha e Vogel, Krusha e Madhe; et puis, vient Nagafc. C'est assez

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1 éloigné.

2 Question: Est-ce que, dans la nuit du 2 avril, vous avez entendu deux

3 explosions ou non?

4 Réponse: Oui, à Srbica.

5 Question: Merci.

6 M. Morina (interprétation): Je les ai entendues.

7 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Halil Morina, par

8 M. Ryneveld.)

9 M. Ryneveld (interprétation): J'aimerais tirer au clair deux sujets, très

10 brièvement.

11 Tout d'abord, à la page 30, lignes 20 à 25, du compte rendu d'audience

12 anglais, qui défile sous vos yeux, M. Milosevic posait la question

13 suivante à ce témoin: "Donc l'armée a ciblé des installations d'où on

14 tirait sur eux, n'est-ce pas?"

15 Le témoin répond. Et puis, il y a un échange entre diverses personnes dans

16 le prétoire, les avocats, M. Milosevic, les Juges. Et puis, l'accusé a

17 déclaré quelque chose qui doit être tiré au clair et c'est là-dessus que

18 va porter ma question.

19 Donc on vous a demandé ceci: "Donc l'armée a ciblé des installations d'où

20 l'on tirait sur eux?". Et vous avez répondu: "Je ne sais pas très

21 clairement, je ne comprends pas très bien".

22 Vous rappelez-vous avoir répondu de cette façon-là à la question qui vous

23 était posée? Est-ce que vous vous souvenez de quoi on parlait?

24 Réponse: Est-ce que vous pourriez répéter votre question?

25 Question: En réponse aux questions de l'accusé, la question vous a été

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1 posée comme suit: "Donc l'armée a pris pour cible des installations d'où

2 l'on tirait sur eux? Est-ce exact?"

3 Votre réponse, d'après le compte rendu d'audience, est celle-ci: "Je ne

4 comprends pas très clairement, je ne vois pas très clairement."

5 Est-ce que vous vous souvenez avoir fourni cette réponse en réponse à la

6 question?

7 Réponse: C'est l'armée qui a créé les problèmes. C'est elle qui a tiré sur

8 les maisons.

9 Question: Mais est-ce que vous vous souvenez qu'il y a eu ensuite un

10 échange de propos entre les Juges, M. Milosevic et moi-même?

11 Après quoi l'accusé a dit ceci -je le cite-: "Oui. Et le témoin a répondu,

12 il a dit que l'armée avait tiré sur les maisons d'où on tirait sur eux".

13 (Fin de citation.)

14 Est-ce que vous vouliez dire que l'armée a tiré sur les maisons depuis

15 lesquelles on tirait sur eux? Est-ce bien ce que vous avez voulu dire,

16 dans votre réponse?

17 Réponse: Mais il y avait d'autres maisons où ils ont tué des innocents.

18 Question: D'accord. J'aimerais tirer au clair un second sujet. Suite à une

19 question posée par l'accusé, le Juge Robinson a demandé des

20 éclaircissements; il a voulu savoir comment il se faisait qu'on vous

21 disait de quitter Srbica, pourquoi les Serbes de la localité vous disaient

22 de partir. Est-ce que vous savez pourquoi on vous a placé dans ces

23 autobus, et savez-vous qui a donné un ordre?

24 Réponse: L'armée est arrivée. Moi, je n'ai pas vu l'armée. Moi, j'étais à

25 l'intérieur d'une maison, mais ils ont dit aux Serbes qu'il fallait faire

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1 sortir les réfugiés de Srbica dans les 24 heures qui suivaient, sinon,

2 ont-ils dit: "Nous allons vous liquider, vous tous".

3 Donc les Serbes qui habitaient ce village se sont organisés. Ils ont dit

4 aux réfugiés: "Quittez ce village, sinon c'est nous qui allons en pâtir".

5 Ils ont donc organisé des autobus dans lesquels nous sommes montés pour

6 partir pour l'Albanie. Certains sont partis en direction de Prizren,

7 d'autres sont restés sur place, et les autres ont poursuivi leur route.

8 Question: Merci. Est-ce qu'on vous a jamais dit quoi que ce soit à propos

9 de bombardements? Est-ce qu'on a fourni cela comme explication de

10 l'obligation pour vous de partir?

11 M. Morina (interprétation): Non, non.

12 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de questions

13 à vous poser, Monsieur le Témoin.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Morina, c'est ainsi que se

15 termine votre déposition. Merci d'être venu en tant que témoin devant le

16 Tribunal pénal international. Vous pouvez désormais disposer.

17 M. Morina (interprétation): Je vous remercie.

18 (Le témoin, M. Halil Morina, est reconduit hors du prétoire.)

19 (Questions relatives à la procédure.)

20 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Romano?

21 Mme Romano (interprétation): Nous appelons à la barre M. Agron Berisha.

22 M. Kwon (interprétation): Nous attendons l'arrivée du témoin. Dans

23 l'intervalle, j'aimerais formuler cette demande au Bureau du Procureur.

24 Ceci concerne les résumés de la déclaration préalable du témoin. Le Juge

25 May l'a déjà dit, nous vous remercions de faire cet effort pour nous

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1 fournir à l'avance ces résumés.

2 Cependant, étant donné la complexité de ce procès, je vais vous en

3 demander encore un peu plus. Vous serait-il possible, au moment où vous

4 présentez les résumés des témoins factuels, est-ce que vous pourriez

5 reprendre les faits spécifiques et par quel paragraphe ou par quel chef

6 d'accusation de l'Acte d'accusation ils sont reliés?

7 Mme Romano (interprétation): Donc vous aimeriez que ceci soit repris dans

8 le résumé? Un instant, s'il vous plaît.

9 Nous allons essayer, Monsieur le Juge. Vous préféreriez avoir la

10 déclaration dans son intégralité?

11 M. Kwon (interprétation): Non, non. Simplement, une ligne ou deux pour

12 dire que ce témoin va intervenir par rapport au paragraphe, disons, 78,

13 par rapport à tel ou tel chef de l'accusation. Je vous en remercie dès

14 maintenant.

15 M. Ryneveld (interprétation): Nous allons le faire sans aucun doute pour

16 ceux qu'il faut préparer encore. Malheureusement, ce ne sera pas le cas

17 pour le prochain témoin, mais avant de faire venir le témoin suivant, je

18 vous le préciserai oralement. J'essaierai d'y veiller pendant la

19 suspension.

20 Nous allons sans aucun doute nous conformer à cette demande, même si elle

21 n'est pas reprise dans les résumés qui sont déjà préparés.

22 (Le témoin, M. Agron Berisha, est introduit dans le prétoire.)

23 M. le Président (interprétation): Que le témoin prononce la déclaration

24 solennelle.

25 M. Berisha (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

3 (Le témoin s'assoit.)

4 (Interrogatoire principal du témoin, M. Berisha Agron, par Mme Romano.)

5 Mme Romano (interprétation): Monsieur Berisha, veuillez décliner votre

6 identité à l'intention des Juges.

7 M. Berisha (interprétation): Mon nom est Agron Berisha.

8 Question: Et vous êtes né le 10 octobre 1963 à Suva Reka?

9 Réponse: Oui, c'est exact: je suis né le 10 octobre 1963, à Suva Reka.

10 Question: Vous êtes marié, vous avez trois enfants?

11 Réponse: Oui, c'est exact.

12 Question: Quelle est votre appartenance ethnique?

13 Réponse: Albanais.

14 Question: Est-ce que vous avez une formation militaire? Une expérience

15 dans ce domaine?

16 Réponse: J'ai effectué mon service militaire en 1982/1983 à Vranje.

17 Question: Vous êtes diplômé de l'université de Pristina. Vous avez terminé

18 votre formation médicale en 1998, à Belgrade, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Depuis juin 1998, vous êtes gynécologue à Suva Reka?

21 Réponse: Oui, c'est exact.

22 Question: Où se trouve Suva Reka, Monsieur le Témoin?

23 Réponse: Suva Reka est une petite ville de 15 à 20.000 habitants environ,

24 qui se trouve dans la partie méridionale, dans la partie centrale du

25 Kosovo, non loin de la ville de Prizren. Cinquante villages entourent la

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1 ville environ, avec 60.000 habitants au total dans la région.

2 Question: Quelle était la composition ethnique de Suva Reka, avant le mois

3 de mars 1999?

4 Réponse: Avant la guerre, à Suva Reka, la composition ethnique était la

5 suivante: environ 95% de la population était albanaise et le reste était

6 composé essentiellement de Serbes, d'un certain nombre de Monténégrins et

7 de Roms.

8 Question: Et comment se présentait la situation dans votre ville de Suva

9 Reka après votre retour, en juin 1998?

10 Réponse: J'ai obtenu mon diplôme à la fin du mois de juin 1998 et je suis

11 rentré immédiatement à Suva Reka.

12 La situation à Suva Reka était très difficile, très tendue. Dans les rues

13 de Suva Reka, il y avait très peu de monde; tout le monde avait peur, la

14 plupart des magasins étaient fermés ou, s'ils étaient ouverts, ils

15 n'ouvraient que quelques heures dans la matinée. A ce moment-là, les

16 femmes et les enfants surtout sortaient de la maison et faisaient leurs

17 courses, achetaient les produits de première nécessité.

18 Question: Permettez-moi de vous interrompre. Vous dites que la situation

19 était très difficile, très tendue. Qu'est-ce qui provoquait cette tension?

20 Réponse: Je crois que la tension dans la population venait du fait que les

21 gens craignaient la police et l'armée, l'armée et la police serbe.

22 Question: Est-ce vous vous souvenez avoir vu des membres de l'armée dans

23 votre ville, à cette époque-là?

24 Réponse: De quelle armée parlez-vous?

25 Question: De n'importe quelle armée.

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1 Réponse: Oui, j'ai vu les soldats de l'armée yougoslave qui se promenaient

2 avec des armes automatiques.

3 Question: Est-ce que vous pourriez nous décrire leur uniforme?

4 Réponse: Oui, les soldats que j'ai vus portaient, pour la plupart, un

5 uniforme militaire, mais ils portaient un uniforme vert. Mais ils se

6 déplaçaient surtout dans des véhicules, ils ne marchaient pas à travers

7 les rues de la ville, ils passaient en véhicules dans différents bus,

8 camions et autres.

9 Question: Monsieur Berisha, je vais demander que l'huissier vous présente

10 quelques pièces.

11 Tout d'abord, la pièce qui porte la cote P18.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Monsieur Berisha, ayez l'obligeance d'examiner ces photographies et dites-

14 nous si vous y voyez un uniforme ressemblant ou similaire à celui que

15 portaient les hommes qui circulaient dans votre ville, à l'époque?

16 Réponse: Est-ce que vous voulez dire l'uniforme des membres de la police

17 ou de l'armée?

18 (L'interprète signale qu'elle n'a pas entendu le début de la question.)

19 Mme Romano (interprétation): Tout d'abord, les uniformes de l'armée?

20 (Apparemment, Mme Romano n'a pas entendu l'interprétation de la cabine

21 anglaise.)

22 M. Kwon (interprétation): Uniforme de l'armée, pas de la police.

23 M. Berisha (interprétation): Les uniformes militaires se trouvent sur la

24 première photographie.

25 Mme Romano (interprétation): La photographie n°1?

Page 957

1 Réponse: Oui.

2 Question: Monsieur l'huissier, veuillez placer cette photographie sur le

3 rétroprojecteur.

4 (Intervention de l'huissier.)

5 La numéro 1. C'est celle qui a été indiquée par le témoin.

6 (Intervention de l'huissier.)

7 Vous avez également déclaré avoir vu des officiers de police à ce moment-

8 là. Je vous prierai de bien vouloir regarder à nouveau cette série de

9 photographies et nous dire si vous en trouvez un dans cette série qui

10 correspond à l'uniforme que vous avez vu à ce moment-là.

11 Réponse: Je vous prierai de répéter votre question, je vous prie.

12 Question: La question était la suivante: vous avez dit avoir vu des

13 soldats et des policiers à ce moment-là dans le village, lorsque vous y

14 êtes retourné en 1998. Vous avez identifié certaines des photos comme

15 montrant les uniformes des soldats. Je vous demande sur cette même série

16 de photographies de nous dire si vous trouvez également des images

17 représentant l'uniforme porté par les officiers de police à l'époque.

18 Réponse: Non, il n'y en a pas. A moins que oui: la photographie n°6, peut-

19 être.

20 Question: Merci.

21 Monsieur l'huissier, pourriez-vous placer la photographie n°6 sur le

22 rétroprojecteur, je vous prie?

23 (Intervention de l'huissier.)

24 J'aurai de nouveau besoin de cette photo plus tard. Vous pouvez la retirer

25 pour l'instant, Monsieur l'huissier, et je demande que l'on soumette au

Page 958

1 témoin la pièce à conviction de l'accusation n°17.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Monsieur Berisha, vous avez dit également que, lorsque vous avez vu les

4 soldats, ils étaient à bord de chars et de véhicules. Je vous demanderai

5 donc de regarder à présent cette nouvelle série de photographies pour nous

6 dire si vous y reconnaissez certains des véhicules que vous avez vus à

7 l'époque. Et si oui, vous pourriez également nous donner le nom de ces

8 véhicules?

9 Réponse: Oui, j'ai vu des véhicules militaires. Un de ces véhicules

10 correspondait notamment à celui que l'on voit à la photographie n°2, un

11 autre à ce que l'on voit sur la photographie n°3.

12 Question: Connaissez-vous le nom de ces véhicules peut-être?

13 Réponse: Le n°7 également correspond peut-être. La photographie n°7.

14 Alors, à la photographie n°3, on voit un véhicule de transport de troupes

15 qui n'est pas équipé de roues mais de... -je ne sais pas comment vous

16 appelez cela- comme des chaînes.

17 Question: Si vous connaissez le nom de ces véhicules en vous fondant sur

18 votre expérience militaire passée, vous pouvez nous donner le nom du

19 véhicule. Sinon, cela n'a pas d'importance.

20 Réponse: Je ne connais pas le nom exact.

21 Question: Merci. Revenons donc à la teneur de votre déposition, si vous le

22 voulez bien.

23 Pouvez-vous nous dire, une nouvelle fois, ce qui a causé cette situation

24 de crainte, de terreur qui régnait dans votre village, au moment de votre

25 retour, en juin 1998?

Page 959

1 Réponse: Je pense que la cause de la peur qui régnait à l'époque résidait

2 dans la violence policière exercée à l'encontre de la population

3 albanaise. Je veux parler de la police serbe.

4 Question: Pourriez-vous donner aux Juges de cette Chambre quelques

5 exemples de cette violence policière?

6 Réponse: Oui, je peux vous en donner quelques exemples; des exemples très

7 frappants de cette violence qui parfois était très importante. Je suis

8 revenu moi-même un jour de Belgrade après avoir obtenu mon diplôme

9 universitaire et, le lendemain, nous avons subi des mauvais traitements

10 alors que nous marchions dans la rue. Nous étions arrivés en autobus de la

11 ville de Shtimje, qui se trouve à trente kilomètres à peu près de Suva

12 Reka, et, avant de descendre de l'autobus, nous avons été arrêtés.

13 Plusieurs policiers ont arrêté notre autobus, nous ont tous fait descendre

14 et nous ont tous passés à tabac.

15 Question: Excusez-moi, Monsieur Berisha, mais en dehors de ces coups que

16 vous avez reçus vous-même, avez-vous été le témoin d'autres passages à

17 tabac, d'autres mauvais traitements?

18 Réponse: Oui, oui, nous avons tous été frappés, tous. Deux jeunes hommes,

19 qui venaient de différentes régions de Serbie -je ne sais pas d'ailleurs

20 exactement d'où ils venaient-, mais ils avaient des choses à faire;

21 c'étaient des jeunes gens...

22 Question: Monsieur Berisha...

23 Réponse: Il n'y avait vraiment aucune raison, aucun prétexte, aucune

24 raison expliquant ce passage à tabac. Ils nous ont fouillés, ils n'ont

25 rien trouvé sur nous. Nous étions des civils, des voyageurs à bord d'un

Page 960

1 autobus et ils nous ont tous passés à tabac.

2 Question: Mais, dans votre ville, vous rappelez-vous un incident au cours

3 duquel des policiers ou des soldats auraient maltraité la population à

4 cette époque-là?

5 Réponse: Oui. C'était vraiment un problème que de sortir dans la rue à

6 cette époque-là, que l'on soit à pied ou en voiture. Le fils de mon oncle,

7 Fatoni, avait une voiture, une bonne voiture, une BMW. Et en plein centre

8 de Suva Reka, un policier l'a arrêté un jour en lui disant: "Ce genre de

9 voiture n'est pas le genre de voiture que tu devrais conduire; c'est le

10 genre de voiture que nous devrions conduire". Tout allait bien avec la

11 voiture: elle avait passé la douane, elle était en bon état de

12 fonctionnement et ce jeune homme avait sur lui tous les papiers

13 nécessaires; il avait son permis de conduire, tous les papiers de la

14 voiture. En dépit de cela, il a été emmené au poste de police, sa voiture

15 a été confisquée plusieurs jours. Il a été frappé et renvoyé chez lui.

16 Question: Monsieur Berisha, l'UCK se trouvait-elle dans votre ville à ce

17 moment-là?

18 Réponse: Je n'ai vu aucun membre de l'UCK à Suva Reka ou dans ses

19 environs.

20 Question: Vous-même ou un membre de votre famille avait-il un lien

21 quelconque avec l'UCK?

22 Réponse: Non.

23 Question: Pouvez-vous décrire le sentiment éprouvé par vos voisins?

24 Avaient-ils le sentiment qu'ils pouvaient sortir en toute sécurité à cette

25 époque-là?

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1 Réponse: Non. Je dirais pas du tout. Il était rare que les gens se rendent

2 en ville. Moi, j'y allais tous les jours; mais, le matin, j'avais des

3 problèmes et la seule chose que je pensais, c'est: "Je suis bien obligé

4 d'aller au travail". Et quand j'étais au travail, je me disais: "Mais

5 comment est-ce que je vais faire pour rentrer à la maison?". La tension

6 était importante vraiment.

7 Question: Avez-vous assisté, avez-vous été témoin de coups de feu tirés à

8 ce moment-là? Ou en avez-vous entendu parler?

9 Réponse: Oui, il y avait des coups de feu qui étaient tirés de temps en

10 temps dans la ville de Suva Reka. C'est arrivé rarement lorsque j'allais

11 en ville pour travailler, mais cela arrivait.

12 Ma maison était non loin du poste de police à l'époque. Et un jour, j'ai

13 entendu des coups de feu qui, je crois, provenaient du poste de police. On

14 tirait dans la direction de ma maison, dans la direction de la maison

15 d'Ahmet Berisha, et cela s'est passé deux fois, deux soirs différents.

16 Question: L'un quelconque de vos voisins a t-il été tué en raison de ces

17 coups de feu?

18 Réponse: Pas à ce moment-là, mais un de mes voisins m'a dit qu'une balle

19 l'avait vraiment frôlé, et puis une balle a traversé la vitre d'une

20 fenêtre et un deuxième impact de balle a été constaté dans le mur, donc il

21 était tout à fait possible de voir la trajectoire de la balle et à en

22 juger par cette trajectoire, il était tout à fait permis de voir que cette

23 balle provenait du poste de police. Je suis sûr qu'il s'agissait d'un

24 policier qui a voulu par bravade montrer jusqu'à quelle distance il

25 pouvait tirer.

Page 962

1 Question: Avez-vous vu un policier ou une autre personne en train de

2 tirer? Je vous demande si vous l'avez vraiment vu de vos yeux?

3 Réponse: Non, je ne l'ai pas vu, cela s'est passé tard dans l'après-midi.

4 Question: Avez-vous le souvenir d'avoir entendu parler de personnes qui

5 auraient été tuées par balles alors qu'elles se trouvaient chez elles à la

6 maison?

7 Réponse: Oui, mais ce n'étaient pas les habitants qui se tiraient les uns

8 sur les autres, ces coups de feu ne visaient pas des personnes, simplement

9 une balle est entrée et a blessé un de mes voisins.

10 Question: A cette époque-là, Monsieur Berisha, pouvez-vous vous rappeler

11 si vous avez entendu des propos équivalents à de la propagande, ou si vous

12 avez vu des images que l'on pourrait qualifier de propagande contre les

13 Albanais du Kosovo? Je vous parle toujours du mois de mars 1999.

14 Réponse: Oui, je me rappelle, je ne me souviens plus très bien si je l'ai

15 lu quelque part ou si je l'ai entendu à la télévision, mais j'ai entendu

16 dire que Vojislav Seselj, le Président du parti radical, avait déclaré:

17 "Nous allons chasser tous les Albanais derrière les montagnes des

18 Accursed". Ces montagnes des Accursed (Montagnes des Damnés), je le dis à

19 l'intention des Juges sont la limite avec l'Albanie.

20 Puis j'ai entendu quelques mots dans un couloir, selon lesquels les

21 Albanais devaient tous partir, qu'ils seraient chassés, y compris par le

22 Président de la Macédoine, M. Gligorov.

23 Question: C'était à la télévision? Vous rappelez-vous si vous l'avez vu ou

24 entendu ailleurs?

25 Réponse: Je ne me souviens pas exactement si c'était à la télévision ou

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1 ailleurs.

2 Question: Monsieur Berisha, après la signature des Accords Holbrooke,

3 l'UCK est-elle arrivée à Suva Reka?

4 Réponse: Oui, après la signature de l'accord conclu entre Holbrooke et les

5 négociateurs yougoslaves, une mission de l'UCK est arrivée à Suva Reka

6 également, et elle s'est installée dans la maison d'un de mes voisins.

7 C'étaient les membres du personnel qui étaient logés à cet endroit-là, les

8 responsables de la région de Suva Reka.

9 Cet homme s'appelait Nexhat.

10 Question: Nous y viendrons un peu plus tard plus en détail, Monsieur

11 Berisha. Mais pour le moment, je vous demande si vous pourriez dire aux

12 Juges, si la situation s'est améliorée, oui ou non, après l'installation

13 de la KVM dans votre ville qui remplace l'UCK dans les deux phrases

14 précédentes.

15 Réponse: Je peux dire qu'après l'arrivée de la KVM, la situation a changé

16 radicalement. Les choses se sont calmées, les gens ont commencé à sortir

17 de chez eux en se sentant plus libres de circuler en ville, ils ont repris

18 leur travail pour certains et la plupart des magasins ont rouvert

19 également. La vie de façon générale a recommencé de façon plus tranquille.

20 Question: Qu'est-il arrivé après le retrait de la KVM?

21 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, la KVM est restée là six ou

22 sept mois, et elle s'est retirée après cela de façon assez brutale. Une

23 semaine après le début des frappes de l'OTAN, frappes dirigées contre

24 l'ex-Yougoslavie, après le retrait de la KVM, la situation s'est aggravée

25 à nouveau. En fait, elle est devenue pire encore que ce qu'elle était

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1 avant l'arrivée de la KVM, c'est-à-dire avant l'été 1998.

2 Question: Le déploiement des forces policières et militaires s'est-il

3 intensifié à ce moment-là?

4 Réponse: Nous voyions des forces policières et militaires patrouillant

5 dans les rues, mais je ne savais pas exactement ce que ces hommes

6 faisaient là ni où ils allaient.

7 Question: Ces hommes portaient les mêmes uniformes que ceux que vous avez

8 décrit dans la période antérieure ou portaient-ils des uniformes

9 différents?

10 Réponse: Les mêmes uniformes, les mêmes.

11 Question: Etiez-vous à Suva Reka le 24 mars 1999, au début des frappes de

12 l'OTAN?

13 Réponse: Oui, j'y étais. Je me souviens que les frappes aériennes de

14 l'OTAN contre la République yougoslave du Kosovo ont commencé le 24 mars

15 1999, en raison de la situation grave qui régnait à cet endroit. Deux

16 jours avant cette date-là, je ne m'étais pas rendu au travail. Les frappes

17 ont commencé aux alentours de 20 heures ce jour-là. Nous -et quand je dis

18 "nous", je parle de la population de façon générale-, nous étions très

19 nerveux; nous nous attendions à quelque chose d'important.

20 Question: Pourquoi dites-vous que vous étiez nerveux?

21 Réponse: Parce que, comme je l'ai déjà dit, nous avions entendu Seselj

22 dire ce qu'il avait dit et nous savions donc qu'un plan était délibérément

23 préparé à notre encontre. Nous avions donc peur parce que nous avions déjà

24 vu des civils se faire tuer chez eux, à la maison.

25 Question: Monsieur Berisha, vous dites que vous n'êtes pas allé travailler

Page 965

1 deux jours avant. Est-ce parce que vous aviez peur que vous êtes resté

2 chez vous au lieu d'aller travailler?

3 Réponse: Oui, oui. Je ne pouvais pas aller au travail. Trois jours avant

4 la date dont nous parlons, durant mon voyage de retour à la maison, la

5 police m'a arrêté quatre fois et s'est adressé à moi en des mots très

6 rudes. J'ai été fouillé et c'était une bonne chose que je parle serbe,

7 sinon cela aurait été un problème de communiquer avec eux.

8 Question: Monsieur Berisha, revenons à la date du bombardement de l'OTAN.

9 Vous dites que vous étiez chez vous à la maison. Vous rappelez-vous si

10 Suva Reka a été affectée, d'une façon ou d'une autre, par ce bombardement?

11 Suva Reka a-t-elle été bombardée?

12 Réponse: Je suis resté à Suva Reka jusqu'au 27 mars 1999, à six heures de

13 l'après-midi. Jusqu'à ce moment-là, je n'ai entendu aucune bombe frapper

14 Suva Reka, en provenance d'un avion de l'OTAN.

15 Mme Romano (interprétation): Revenons à ce mot que vous avez utilisé, il y

16 a quelques instants, Monsieur Berisha. Vous avez dit que vous étiez

17 nerveux. Qu'est-ce que cela veut dire? Vous étiez effrayé, heureux?

18 Pouvez-vous nous dire exactement ce que recouvre ce terme "excited" en

19 anglais, "nerveux" en français?

20 M. Berisha (interprétation): C'était un sentiment très mitigé, un

21 sentiment de joie et de crainte. Nous étions heureux, car nous espérions

22 que les bombes de l'OTAN allaient nous apporter la liberté, qu'elles

23 allaient permettre à notre peuple de respirer librement. Nous avions

24 l'impression que la liberté était toute proche pour la population

25 albanaise du Kosovo, à ce moment-là.

Page 966

1 Mais en même temps, nous avions peur. Nous avions peur que la police serbe

2 et l'armée serbe se vengent et se retournent contre des civils innocents

3 qui étaient enfermés à la maison. Malheureusement, le lendemain, nous

4 avons constaté que c'est la deuxième partie de ma proposition qui a été

5 réalisée.

6 M. le Président (interprétation): Nous allons devoir nous interrompre ici.

7 Nous allons suspendre l'audience.

8 Monsieur Berisha, je vous signale que, pendant la pause, d'ailleurs

9 pendant toutes les autres pauses qui surviendront éventuellement au cours

10 de votre déposition, vous n'avez le droit de parler à personne de la

11 teneur de votre déposition, tant que celle-ci n'est pas terminée. Cette

12 remarque vaut également pour les membres du Bureau du Procureur.

13 Retour dans le prétoire à 14 heures 30.

14 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 33.)

15 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Romano, veuillez poursuivre.

16 Mme Romano (interprétation): Merci.

17 Monsieur Berisha, avant la pause, vous aviez dit que, malheureusement, le

18 lendemain, vous avez vu ces craintes, ces peurs se sont concrétisées.

19 Je vous pose une question à propos de ce qui s'est passé le 25 mars et le

20 jour qui a suivi les frappes de l'OTAN. Vous étiez chez vous, n'est-ce

21 pas?

22 M. Berisha (interprétation): Oui.

23 Mme Romano (interprétation): Un instant. Je vais demander à l'huissier de

24 vous montrer la photographie qui porte la référence du Bureau du Procureur

25 K399: c'est la photographie n°2. Je dispose d'ailleurs de copies de cette

Page 967

1 photographie.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Monsieur l'huissier, est-ce que vous pourriez placer la photographie sur

4 le rétroprojecteur? Je vais demander à M. Berisha d'examiner cette

5 photographie et de dire aux Juges s'il reconnaît sa maison.

6 Mme Ameerali (interprétation): Ceci sera la pièce de l'accusation P20.

7 Mme Romano (interprétation): Je vous remercie.

8 M. Berisha (interprétation): C'est une partie du quartier où j'habite, où

9 j'ai vécu jusqu'au 24 mars 1999. Voici ma maison. Je vous la montre.

10 Question: Je ne sais pas si vous avez à portée de main un feutre rouge. Si

11 c'est le cas, veuillez l'utiliser pour indiquer où se trouve votre maison.

12 Réponse: Oui, je vais le faire.

13 (Le témoin indique l'emplacement sur le document.)

14 Question: Peu importe quel est le feutre utilisé. Peut-être que c'est plus

15 visible avec le feutre noir, on ne voit pas grand-chose avec le feutre

16 rouge.

17 Réponse: Oui.

18 Question: Monsieur Berisha, ce jour-là, au cours de la matinée, vous étiez

19 chez vous. Qu'est-ce que vous avez vu, qu'est-ce que vous avez entendu ce

20 jour-là?

21 M. Berisha (interprétation): Ce jour-là, au cours de la matinée, ou le

22 matin plus exactement, j'ai été réveillé très tôt, à 5 heures 30. Ma mère

23 avait très peur parce qu'elle avait vu un groupe important de policiers

24 sortir du commissariat ou du poste de police pour aller vers Ristak, un

25 village de notre municipalité.

Page 968

1 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'est vous qui avez vu les

2 policiers? Vous, vous avez vu les policiers ou est-ce que c'est votre mère

3 qui les a vus?

4 M. Berisha (interprétation): C'est ma mère qui a vu les policiers

5 auparavant parce que moi, je dormais. Puis elle est venue, effrayée; elle

6 m'a réveillé. C'est à ce moment-là que moi, j'ai vu la situation depuis ma

7 fenêtre. A ce moment-là, de mes propres yeux, j'ai vu un nombre important

8 de policiers. Ils étaient environ 70 qui se déplaçaient sur cette route,

9 dans cette direction-ci.

10 Mme Romano (interprétation): Si, à ce moment-là, vous avez pu voir ce qui

11 se passait, vous avez pu voir les policiers, pourriez-vous nous dire

12 comment ils étaient habillés?

13 M. Berisha (interprétation): Oui, je me souviens que ce jour-là, ce

14 n'étaient pas des soldats. Je ne sais pas si j'ai dit "soldats": je m'en

15 excuse parce que là, c'était un lapsus de ma part. En fait, c'étaient des

16 policiers habillés en tenue de police, en tenue camouflée. A la manche

17 gauche, chacun de ces policiers avait une espèce de bandeau blanc.

18 Question: Peut-on montrer à ce témoin, Monsieur l'huissier, la pièce de

19 l'accusation 18?

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Vous avez déjà vu ces photos auparavant. Veuillez les examiner une fois de

22 plus pour nous dire si vous y voyez l'uniforme que vous avez vu ce jour-

23 là.

24 Réponse: Les policiers portaient l'uniforme qui figure à la photo n°6.

25 Question: Aux fins du dossier de l'audience, précisons que le témoin a

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1 indiqué la photo n°6.

2 Réponse: Quelques-uns de ces policiers avaient un casque, mais la plupart

3 avaient un autre couvre-chef.

4 Question: Et est-ce que ce casque est le même que celui que l'on voit à la

5 photo n°6?

6 Réponse: Non. C'étaient des casques pas métalliques, mais recouverts de

7 tissu, des "slema"(phonétique). C'est en fait des casquettes de police.

8 Mme Romano (interprétation): Vous souvenez-vous s'ils étaient armés?

9 M. Berisha (interprétation): Chacun d'entre eux avait un fusil

10 automatique.

11 Mme Romano (interprétation): J'aimerais que soit montré au témoin le

12 document qui porte le numéro de référence du Bureau du Procureur K2767. On

13 y voit plusieurs armes, plusieurs photographies d'armes.

14 M. le Président (interprétation): Vous apporterez la preuve de ceci en

15 temps utile?

16 Mme Romano (interprétation): Oui, tout à fait. Comme nous allons le faire

17 pour les véhicules et pour les uniformes.

18 M. le Président (interprétation): La Juriste de la Chambre peut-elle

19 venir?

20 (Le Président s'entretient avec Mme Featherstone.)

21 Mme Ameerali (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation P21.

22 Mme Romano (interprétation): Merci. Monsieur Berisha, vous avez parlé des

23 armes il y a un instant. Vous avez dit qu'il s'agissait d'armes

24 automatiques, de fusils automatiques. Est-ce que sur l'une quelconque de

25 ces photographies, vous avez la photographie d'une arme similaire à ces

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1 armes dont vous parliez?

2 M. Berisha (interprétation): Oui, je vois cette arme à la photographie

3 n°1.

4 M. Kwon (interprétation): Nous avons deux numéros 1.

5 Mme Romano (interprétation): Il doit y avoir une erreur. Est-ce que nous

6 pourrions re-numéroter?

7 M. Berisha (interprétation): C'est le n°1, disais-je, sur le document qui

8 apparaît à l'écran.

9 Mme Romano (interprétation): Pour être précis, nous pourrions donner le

10 n°1 à cette feuille-ci, donc ce serait le n°1 de la feuille n°1. Et nous

11 donnerions le n°2 à la feuille suivante. Ou est-ce que ceci n'est pas

12 assez clair.

13 M. le Président (interprétation): Disons A et B.

14 Mme Romano (interprétation): D'accord. Donc il s'agira ici de l'arme A1.

15 M. Berisha (interprétation): Oui, c'est exact.

16 Mme Romano (interprétation): Merci. Revenons à votre déposition. Vous

17 dites avoir vu ces policiers. Pourriez-vous nous dire où se trouvait la

18 route sur laquelle ils se trouvaient?

19 M. le Président (interprétation): C'est indiqué.

20 Mme Romano (interprétation): Je voulais simplement savoir s'il y a un nom

21 qu'on donne généralement à cette route, pour être le plus précis possible

22 dans notre description. Y a-t-il un problème?

23 M. Berisha (interprétation): Je pense que la photographie n'est pas encore

24 sur le rétroprojecteur.

25 (Intervention de l'huissier.)

Page 971

1 Les policiers ce matin-là se déplaçaient de cet endroit-ci…

2 (L'interprète que cela se situe à gauche.)

3 … Vers la droite que je vous montre avec le pointeur. D'ici à là, dans ce

4 sens-ci.

5 Question: Et qu'est-ce qu'ils ont fait?

6 Réponse: Ils marchaient, ils étaient prêts à passer à l'action. Il y a un

7 petit groupe de quatre ou cinq policiers qui a rebroussé chemin et est

8 allé vers la maison de mon cousin, la maison de Faton Berisha et de Nexhat

9 Berisha.

10 Question: Pourriez-vous nous indiquer sur cette photographie où se

11 trouvent les maisons de Faton et de Nexhat Berisha?

12 Réponse: Leur maison se trouve ici. C'est une grande maison de trois

13 étages avec deux entrées. Il y a une entrée qui est un peu en diagonale

14 par rapport à ma maison. C'est là qu'habitait Faton, et puis il y a une

15 entrée pour la famille de Nexhat.

16 Question: Est-ce que vous pourriez indiquer cette maison à l'aide du

17 feutre noir?

18 (Le témoin s'exécute.)

19 Réponse: Voici leur maison.

20 Question: A quelle distance vous trouviez-vous par rapport à cette maison?

21 Quelle est la distance qui sépare votre fenêtre où vous étiez, de cette

22 maison?

23 Réponse: Au maximum dix mètres.

24 Question: Et depuis votre fenêtre, qu'avez-vous vu?

25 Réponse: J'ai vu un groupe de policiers qui se dirigeait vers l'entrée

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1 principale de la maison de Nexhat. Certains policiers, eux, se sont

2 dirigés vers l'entrée de la partie de la maison habitée par Faton et sa

3 famille. J'ai vu quatre policiers qui allaient dans ces directions, dans

4 chacune de ces directions.

5 Question: Est-ce que vous avez reconnu certains des policiers?

6 Réponse: Non, aucun de ces policiers.

7 Question: Ils se sont approchés de la maison. Et ensuite, qu'ont-ils fait?

8 Réponse: Ils ont frappé à la porte, ils sont entrés à l'intérieur de la

9 maison, dans le couloir.

10 Question: Et cette maison, à qui appartenait-elle?

11 Réponse: Je vous l'ai dit, c'était une maison qui avait deux entrées, où

12 vivaient deux familles. Dans une partie vivait Faton et sa famille, et

13 dans l'autre Nexhat Berisha et sa famille.

14 Question: Et dans quelle partie ces policiers sont-ils entrés?

15 Réponse: D'après ce que j'ai pu voir, ils sont entrés dans la maison de

16 Faton. J'ai vu qu'un autre groupe de policiers se diriger vers l'entrée de

17 Nexhat, mais de chez moi je ne la voyais pas cette entrée-là. Je n'ai pas

18 vu le moment où ces policiers ont frappé à la porte et sont entrés. Je

19 n'aurais pas pu voir cela depuis l'endroit où j'étais, près de ma fenêtre.

20 Question: Et que s'est-il passé, d'après ce que vous avez pu voir,

21 ensuite?

22 Réponse: J'ai vu que les policiers ne sont pas restés longtemps à

23 l'intérieur, peut-être une dizaine de minutes, puis ils sont partis. Ils

24 ont quitté la maison.

25 Question: Et savez-vous ce qu'ils ont fait à l'intérieur de la maison?

Page 973

1 Réponse: Je ne peux pas vous dire ce qu'ils ont fait à l'intérieur, parce

2 que je n'ai pas pu le voir mais, d'après ce que j'ai entendu dire plus

3 tard, par une conversation téléphonique avec Shyrete, la femme de Nexhat,

4 les policiers avaient frappé Nexhat et ils avaient emporté environ 3.000

5 DM que Shyrete leur avait donnés pour sauver la vie de son mari, pour

6 éviter que son mari ne soit tué.

7 Question: Est-ce qu'ils ont emporté d'autres objets de la maison, ces

8 policiers?

9 Réponse: J'ai vu que les policiers portaient un petit téléviseur.

10 Question: Ça, vous avez pu le voir depuis votre fenêtre?

11 Réponse: Oui. C'est tout ce que j'ai vu à ce moment-là.

12 Question: Savez-vous s'ils ont emporté autre chose de la maison?

13 Réponse: Environ vingt minutes plus tard, devant leur maison, une Niva

14 blanche s'est arrêtée. J'ai vu que plusieurs objets étaient sortis de la

15 maison de Nexhat. Il y avait des piles de papiers, de documents que les

16 observateurs internationaux avaient laissés au moment où ils avaient

17 quitté le Kosovo.

18 Question: Est-ce qu'à ce moment-là, vous avez pu déterminer ce qui se

19 passait dans d'autres parties de la ville ou à proximité de chez vous?

20 Réponse: Pendant une dizaine de minutes, j'ai entendu des tirs d'armes

21 automatiques qui provenaient des abords de Suva Reka, de la banlieue. J'ai

22 vu des flammes, de la fumée qui sortaient des maisons.

23 Question: Et savez-vous qui était responsable de ces pillages et de ces

24 coups de feu?

25 Réponse: Je suis certain que c'était la police serbe qui se livrait à ces

Page 974

1 actes. Ce jour-là, au cours de l'après-midi, leur action a duré jusqu'à 16

2 heures. Ce jour-là, 40 personnes ont été tuées dans cette partie du

3 village. Beaucoup de maisons ont été incendiées.

4 Question: Permettez-moi de vous interrompre un instant.

5 Donc ceci s'est passé le 25 mars. Le 26, où étiez-vous? Pourriez-vous le

6 dire aux Juges? Est-ce que vous étiez toujours chez vous?

7 Réponse: J'étais à mon domicile avec les membres de ma famille parce qu'il

8 était impossible de sortir de la maison.

9 Question: Et ce jour-là, est-ce que vous avez entendu quelque chose, vu

10 quelque chose?

11 Réponse: Jusqu'à midi à peu près, je n'ai rien vu ni rien entendu

12 d'important, qui vaille la peine d'être mentionné ici. Vers midi, tout à

13 coup, de façon tout à fait soudaine, des groupes de 30 à 40 policiers ont

14 encerclé la maison de Faton et Nexhat, cette maison que je viens

15 d'indiquer sur la photographie.

16 Question: Monsieur Berisha, je vais vous demander de décrire ces policiers

17 que vous avez vus à ce moment-là. Est-ce qu'ils portaient un uniforme

18 similaire, le même, ou un uniforme différent?

19 Réponse: Non, ils portaient le même uniforme: uniforme de camouflage bleu

20 avec ce brassard blanc au bras gauche.

21 Question: Poursuivez: que s'est-il passé à ce moment-là?

22 Réponse: Ils ont encerclé cette maison, maison importante, je vous l'ai

23 dit. Il y avait dans l'autre maison, la maison d'à côté, Sefer

24 Everisa(phonétique) qui habitait avec sa famille, avec ses fils.

25 Question: Combien de personnes y avait-il dans ces maisons à peu près?

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1 Réponse: Environ 25 personnes, qui toutes se trouvaient dans la deuxième

2 maison. Pas la grande maison dont j'ai déjà parlé. Ces personnes se

3 trouvaient dans la maison voisine, contiguë. A cause de ce qu'ils avaient

4 vu la veille, les gens avaient peur de rester chez eux, surtout si leur

5 maison se trouvait près de la route. Ils s'étaient réfugiés dans la maison

6 de Edveser(phonétique), leur oncle. Ils ont passé la nuit là. Ils y sont

7 restés jusqu'au 26, tous ensemble, en groupe.

8 Question: Que s'est-il passé après l'encerclement de la maison par la

9 police?

10 Réponse: J'ai vu qu'à l'entrée de Faton et Nexhat, il y avait trois

11 policiers qui sont entrés à l'intérieur.

12 Question: Avez-vous été en mesure de reconnaître un de ces policiers?

13 Réponse: J'ai reconnu l'un d'entre eux. Le policier qui est entré dans la

14 maison de Faton a cassé ou fracturé la porte principale, et est entré à

15 l'intérieur.

16 Question: Et vous l'avez reconnu, cet homme? Vous le connaissiez?

17 Réponse: Je le connaissais parce que c'était un Serbe de Suva Reka. Il

18 travaillait dans une organisation. Ce n'était pas un policier d'active,

19 mais il était revenu en service d'active ce jour-là. Je le sais parce

20 qu'il a à peu près mon âge et nous nous connaissons depuis que nous sommes

21 tout petits.

22 Question: Est-ce qu'il était courant à l'époque que des gens qui n'étaient

23 pas policiers le deviennent?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Ça se passait? Et pourriez-vous nous dire comment ça se passait?

Page 976

1 Si vous le savez, bien sûr.

2 Réponse: Les gens travaillaient dans toutes sortes d'organisations. Et à

3 ce moment-là, dans cette situation-là, on leur donnait un uniforme de la

4 police.

5 Question: Et les policiers, qu'ont-il fait après s'être approchés de la

6 maison?

7 Réponse: Deux groupes de trois policiers chacun sont entrés par les deux

8 entrées de la grande maison et ont commencé à tirer à l'intérieur. Il

9 était possible d'entendre les détonations sporadiques provoquées par leurs

10 tirs. En l'espace de quelques secondes, dirais-je, des flammes, de la

11 fumée ont commencé à sortir des fenêtres de la maison.

12 L'autre groupe de policiers s'était approché de la maison du vieil homme

13 de Vesel; là, c'était un groupe plus important de policiers. Il y a eu

14 plus de policiers qui sont allés à la maison de Vesel et j'ai remarqué que

15 Sedat, le fils aîné de Vesel, s'est approché de la maison et a commencé à

16 parler à ces policiers.

17 Question: Permettez-moi de vous interrompre un instant.

18 A quel moment avez-vous pu assister à cela depuis votre fenêtre? Pourriez-

19 vous nous donner une idée du temps, de l'heure?

20 Réponse: Ça s'est passé vers midi. Il faisait beau et j'ai vu clairement

21 ce qui se passait depuis ma fenêtre. J'ai pu voir ce qui se passait dans

22 ma cour.

23 Question: Vous avez dit que vous avez vu des flammes, de la fumée sortir

24 de la maison. Savez-vous comment cela s'est produit, comment les maisons

25 ont été incendiées?

Page 977

1 Réponse: Ça, je ne sais pas. Je ne sais pas. Mais après l'entrée des

2 policiers, trente secondes ou une minute plus tard, la maison a été

3 enveloppée de fumée et de flammes. On aurait dit que les policiers avaient

4 une arme spéciale qui permettait d'incendier les maisons, d'enflammer

5 quelque chose. Mais je n'ai pas vu cette arme, je ne sais rien à son

6 propos.

7 Question: Et une fois les maisons en flammes, qu'est-il arrivé aux gens

8 qui se trouvaient à l'intérieur?

9 Réponse: Il n'y avait personne dans la première maison. Comme je l'ai dit,

10 ils se trouvaient tous dans la maison de l'oncle Vesel. Sedat, qui a

11 répondu à la porte et qui a parlé aux policiers, eh bien, la police a

12 commencé à crier sur Sedat.

13 Question: Est-ce que vous pourriez entendre ce qu'ils disaient?

14 Réponse: Non. Non.

15 Question: Que s'est-il passé après cela?

16 Réponse: Après cela, j'ai entendu que les membres de la famille qui se

17 trouvaient à l'intérieur, les membres de plusieurs familles d'ailleurs, de

18 Faton, de Nexhat, ainsi que des fils de Vesel Berisha, je les ai vus

19 sortir. Très rapidement. Ils n'ont même pas eu le temps de mettre leurs

20 chaussures. Certains portaient des chaussures, d'autres étaient pieds nus.

21 Ils couraient depuis cette maison-ci, le long de la route, et ils

22 sortaient sur la route principale. Certains d'entre eux sont sortis entre

23 ma maison et la maison de Faton et Nexhat.

24 Mme Romano (interprétation): Monsieur Berisha, est-ce que la police a

25 blessé ces personnes?

Page 978

1 M. le Président (interprétation): Contentez-vous de lui demander ce qui

2 s'est passé sans l'orienter.

3 Ces gens se sont donc enfui en courant. Et ensuite, que s'est-il passé?

4 M. Berisha (interprétation): Bujar, le troisième fils de Vesel, était le

5 dernier à sortir en courant. Le policier a attrapé le fils aîné, Sedat; il

6 lui a dit: "Viens ici". Et j'ai pu entendre cela depuis l'intérieur. En

7 effet, ils se sont approchés de ma maison. A ce moment-là, après que Bujar

8 et Sedat se sont réunis, un groupe d'environ dix policiers a commencé à

9 tirer sur Bujar et Sedat. Les policiers ont vidé la totalité de leurs

10 chargeurs sur les corps de Bujar et Sedat.

11 Mme Romano (interprétation): Est-ce que vous avez vu cela depuis votre

12 fenêtre? Est-ce que vous avez vu les policiers tirer sur Bujar et Sedat?

13 Réponse: J'ai vu cette scène très clairement, de mes propres yeux. J'ai vu

14 Bujar et Sedat tomber environ à deux ou trois mètres de l'arrière de la

15 maison de Nexhat et Faton. Les coups de feu se sont poursuivis et un

16 groupe de six policiers était également entré dans la maison de Vesel et

17 ils l'ont également incendiée. On tirait de tous les côtés. On tirait

18 également dans la cour et à l'intérieur des maisons.

19 Après quelques instants, après un certain temps, j'ai vu que la police

20 sortait par l'entrée de la grande maison que j'ai décrite et j'ai vu

21 qu'ils étaient en train de traîner les corps de quatre personnes. J'ai pu

22 identifier ces corps comme étant ceux de Nexhat, Ava Berisha, Faton et la

23 mère de Faton, Fatime. Ces corps ont été amenés non loin des corps de

24 Bujar et Sedat.

25 A ce moment-là, la grande maison était en flammes, le toit de la maison

Page 979

1 brûlé, les poutres également, et les poutres se sont effondrées sur les

2 cadavres qui ont été pris par les flammes, les cadavres ont donc été

3 brûlés.

4 Il semblerait que pour les criminels, c'était là un exercice quotidien.

5 Ils étaient bien entraînés et ils savaient comment faire en sorte que les

6 corps soient brûlés.

7 Question: Monsieur Berisha, vous avez dit qu'environ vingt personnes ou

8 davantage se trouvaient à cet endroit-là. Qu'est-il arrivé aux autres?

9 Réponse: Les autres, comme je l'ai dit, se sont enfuis en courant, des

10 hommes et des femmes, et ils sont partis en direction du centre

11 commercial, là où se trouvaient les commerces, et ces deux magasins que

12 j'indique au moyen de mon pointeur n'étaient pas là avant la guerre, ils

13 ont été construits après la guerre, et cette photographie a été prise

14 après la guerre. Je le sais parce que j'habite à Suva Reka.

15 Lorsque je suis allé à la fenêtre de cette partie-là de ma maison, j'ai vu

16 cette partie-là, j'ai vu Nexhmedin, le fils cadet de Vesel, qui avait plus

17 ou moins mon âge, j'ai vu qu'il était grièvement blessé. Il était en train

18 de ramper et il essayait de se déplacer avec l'aide d'une seule main. Sa

19 femme, Lirie, qui était enceinte, l'aidait.

20 Question: Monsieur Berisha...

21 Réponse: Lirie a réussi à traîner Nexhmedin blessé et à le mettre à l'abri

22 derrière le premier magasin de ce centre regroupant des commerces, et à

23 partir de ce moment-là, les membres de la famille que j'ai cités n'ont

24 plus été en mesure... Je n'ai plus été en mesure de voir qui que ce soit

25 car on ne pouvait plus rien voir depuis ma maison.

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1 Question: Monsieur Berisha, je sais que vous ne pouviez pas le voir depuis

2 votre maison, mais savez-vous ce qui est arrivé à ces personnes-là, les

3 personnes qui se sont rendues à ce centre commercial?

4 Réponse: Avant de répondre à cette question, j'aurais aimé vous donner

5 d'autres détails qui se rapportent à un incident que j'ai vu quelques

6 instants après, la dernière fois où j'ai vu Nexhmedin blessé qui était

7 traîné par sa femme enceinte, Lirie.

8 Un policier se trouvait à l'arrêt de bus de Suva Reka et cet arrêt de bus

9 se trouve là. Là, c'est la clôture qui entoure cette gare routière, et il

10 est passé par la petite porte qui se trouve là-bas, il a regardé par

11 terre. J'imagine qu'il était en train de suivre les taches de sang de

12 Nexhmedin blessé.

13 Question: J'aimerais, Monsieur Berisha, revenir à ma question précédente.

14 Je sais que vous ne l'avez pas vu, enfin ce que vous venez de nous dire

15 dans votre déposition à présent vous l'avez vu?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Et sans entrer dans ce qui s'est passé au centre commercial,

18 savez-vous ce qui est arrivé au reste de la famille?

19 Réponse: La police a demandé à ce groupe de civils non-armés, composé

20 d'hommes, de femmes, d'enfants, y compris Lirie qui était enceinte, comme

21 je l'ai dit, la police a donc demandé à ces civils de se rendre dans les

22 locaux d'une pizzeria ou d'une cafétéria qui appartenait à la famille

23 Shalaj (de) Suhareke et ils les ont enfermés dans cette pizzeria. Là, en

24 plus des membres de ma propre famille, se trouvaient également des

25 personnes de la famille de Ajind Berisha, Avdi Berisha de Suva Reka. Au

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1 total, il y avait environ 40 à 50 personnes.

2 Plus tard...

3 Réponse: Allez-y.

4 Question: Oui, effectivement, je vais poser ma question. Est-ce qu'à un

5 moment donné, la police est arrivée chez vous, dans votre maison?

6 Réponse: Non. Heureusement pas!

7 Question: Et où étiez-vous le 27 mars?

8 Réponse: Permettez-moi de vous en dire plus sur le sort des personnes

9 emmenées à la pizzeria, en une phrase.

10 Question: Oui, Monsieur Berisha, mais cela, vous ne l'avez pas vu!

11 Réponse: Je vous dirai ce que j'ai entendu.

12 Question: Très bien, mais très brièvement. En une seule phrase, s'il vous

13 plaît.

14 Réponse: Cela tiendra en une phrase. D'après ce qu'on m'a dit, d'après ce

15 que m'ont dit des personnes qui l'ont vu et qui ont assisté à cet acte de

16 terreur, un groupe de plusieurs policiers a tiré à l'arme automatique, de

17 façon impitoyable, et a lancé des grenades sur ces personnes. Toutes ces

18 personnes ont été tuées dans cette pizzeria. Par la suite, des camions

19 sont arrivés et 40 à 50 corps ont été chargés dans ces camions. Ils ont

20 été emmenés à Prizren.

21 Question: Qui vous a dit cela, Monsieur Berisha?

22 Réponse: Des témoins qui se trouvaient à l'intérieur de la pizzeria et

23 qui, heureusement, ont survécu. C'est eux qui m'ont dit ce qui était

24 arrivé. Ces témoins ont sauté des camions qui transportaient les corps;

25 ils ont sauté en route sur la route de Prizren.

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1 Question: Merci, Monsieur.

2 Revenons au 27 mars. Où étiez-vous le 27 mars 1999?

3 Réponse: Le 27 mars 1999, j'étais chez moi, à la maison, avec les autres

4 membres de ma famille. Aux alentours de 6 heures de l'après-midi, trois

5 policiers sont venus chez moi, ils ont frappé à la porte.

6 Question: Pouvez-vous nous dire quels vêtements ils portaient?

7 Réponse: Les policiers portaient des uniformes bleus, des uniformes de

8 camouflage, mais ils n'avaient pas de brassard blanc sur leur manche.

9 Question: Etaient-ils armés?

10 Réponse: Oui, ils se déplaçaient par groupes de trois et ils entraient

11 dans toutes les maisons du voisinage. Ils étaient en train d'incendier, de

12 mettre le feu aux maisons et dès qu'ils entraient quelque part, ils

13 tiraient et les maisons brûlaient. On voyait la fumée et les flammes.

14 Ils sont venus chez moi, j'imagine, pour mettre le feu à ma maison

15 également. C'était un groupe de trois policiers. Ils ont frappé à la

16 porte. Depuis la fenêtre, j'ai vu qu'ils allaient le faire. J'ai dit aux

17 membres de ma famille de ne rien dire et de me permettre de parler avec

18 ces policiers pour essayer de me mettre d'accord avec eux et pour les

19 adoucir.

20 J'ai dit à ces policiers, en serbe: "Je vous en prie, nous sommes des

21 civils non armés à l'intérieur de la maison". J'ai ouvert la porte.

22 Question: Monsieur Berisha, avez-vous pu voir leurs visages?

23 Réponse: Oui. Je leur ai parlé.

24 Question: Oui, mais est-ce qu'ils portaient des masques ou autres? Est-ce

25 que leurs visages étaient couverts?

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1 Réponse: Non, ils ne portaient pas de masque. Aucun d'entre eux. Je les ai

2 vus. Et j'en ai vu d'autres qui se rendaient dans d'autres maisons, qui

3 portaient des masques, mais ceux qui sont venus dans ma maison pour y

4 mettre le feu n'en portaient pas.

5 Question: Avez-vous reconnu l'un quelconque de ces policiers?

6 Réponse: Non, pas moi. Mais mon frère a reconnu l'un d'entre eux. C'était

7 une personne d'appartenance ethnique musulmane, de Dragas. Ce sont ceux

8 qu'on appelle les Gorani. Cette personne s'appelle Ramiz.

9 Question: Que s'est-il passé?

10 Réponse: La police est entrée dans la maison et le policier a dit, au

11 moment où il est entré, que le propriétaire de la maison devait se mettre

12 à genoux. Mais j'ai demandé aux policiers d'entrer et de parler en êtres

13 humains. Ils se sont quelque peu radoucis, ils sont entrés et nous avons

14 commencé à parler normalement. Bien sûr, ils étaient en train de crier,

15 mais ils ont parlé à mon frère.

16 Et les deux policiers qui étaient derrière ont parlé à mon frère. Ils lui

17 ont demandé de l'argent. Nous avions peur parce que nous pensions que nous

18 allions connaître le même sort que nos cousins. Mon frère a sorti 1.000

19 deutschemark et les a donnés aux policiers. Cependant, la police n'était

20 pas satisfaite et ils nous ont dit d'aller dans une autre pièce et de leur

21 donner tout notre argent. Un autre membre de ma famille m'a dit: "Que

22 t'ont demandé les policiers?". J'ai décidé de ne pas leur donner plus

23 d'argent parce que nous n'en avions pas et j'ai dit qu'ils allaient faire

24 leur travail, que nous leur donnions de l'argent ou pas.

25 Je suis sorti, je leur ai dit cela. La police a eu l'air d'être d'accord

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1 et ils ont dit: "Ecoutez, toute votre famille, les femmes, les enfants,

2 vous pouvez tous partir pour cette fois. Cependant, nous vous conseillons

3 de ne pas rester chez vous parce que vous n'êtes pas en sûreté: d'autres

4 groupes de policiers viendront et vous tueront. Nous vous conseillons de

5 prendre votre voiture; en effet, votre voiture est là, dehors, de prendre

6 votre voiture et de partir en direction de Prizren et de l'Albanie

7 immédiatement".

8 Nous avons fait ce que la police nous a dit. Très rapidement, nous sommes

9 montés dans la voiture, nous sommes sortis sur la route principale.

10 Question: Combien de personnes sont parties à ce moment-là avec vous?

11 Réponse: J'ai réussi à faire tenir tous les membres de ma famille dans la

12 voiture. Nous étions onze.

13 Question: Et vous avez quitté votre maison: où êtes-vous allés?

14 Réponse: Nous sommes partis en direction de Prizren. J'ai conduit

15 rapidement parce qu'il y avait énormément de policiers dans la ville de

16 Suva Reka et pratiquement toutes les maisons étaient en feu, en flammes.

17 J'ai conduit rapidement, j'ai traversé le centre de Suva Reka pour aller

18 en direction de Prizren. Nous sommes arrivés à Prizren sans trop de

19 difficulté, en quinze minutes environ. A ce moment-là, je suis allé

20 directement à la maison de ma tante, à Prizren.

21 Question: Combien de temps êtes-vous restés à la maison de votre tante à

22 Prizren?

23 Réponse: Nous sommes restés quatre jours chez ma tante, chez elle.

24 Question: Et vous êtes repartis?

25 Réponse: Quatre jours plus tard, j'ai pris la décision la plus grave de ma

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1 vie et j'ai décidé de quitter le Kosovo. Un matin, le matin du 1er avril,

2 nous sommes partis pour l'Albanie.

3 Question: Pourquoi avez-vous décidé de partir, Monsieur Berisha?

4 Réponse: J'ai décidé de partir pour l'Albanie pour plusieurs raisons.

5 C'était très dangereux de rester au Kosovo à l'époque. J'aurais pu

6 connaître le même sort que mes cousins. Par ailleurs, on disait que les

7 policiers allaient de maison en maison à Prizren et que toute personne

8 qu'ils trouvaient qui n'était pas de Prizren était expulsée par la police

9 vers la frontière albanaise, avec les autres membres de sa famille. Or, je

10 ne souhaitais pas que ma tante ait des problèmes. Je suis donc parti pour

11 l'Albanie.

12 Une troisième raison m'a poussé à partir pour l'Albanie. C'était le fait

13 qu'ils risquaient de découvrir que j'étais un témoin oculaire de ce qui

14 s'était passé à Suva Reka.

15 Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Ce qui m'a

16 poussé à aller en Albanie, c'est que la station-service de Suva Reka se

17 trouve ici, près de la gare routière.

18 Question: J'aurais aimé préciser quelque chose: maintenant, nous parlons à

19 nouveau de l'époque où vous étiez à Suva Reka. Que souhaitez-vous nous

20 dire exactement?

21 Réponse: Oui, effectivement. Je suis revenu en arrière. Et j'aimerais

22 revenir à Suva Reka et vous expliquer pourquoi j'ai pris la décision de

23 quitter le Kosovo.

24 Le 26 mars, à la station-service, Jasher Berisha, mon cousin, travaillait

25 à la station-service. Des inconnus l'ont emmené et il a simplement

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1 disparu. Nous ne savons toujours pas ce qui lui est arrivé. Apparemment,

2 ces événements sont liés et apparemment, Jasher était un témoin oculaire

3 de ce qui s'était passé à la pizzeria qui appartenait à la famille Salaj.

4 Pour effacer toute trace et toute preuve, des inconnus l'ont emmené.

5 J'avais peur de subir le même sort. C'est la raison pour laquelle j'ai

6 décidé de partir pour l'Albanie. Nous sommes partis pour l'Albanie.

7 Question: Oui. Après votre départ de Prizren, comment êtes-vous arrivés

8 jusqu'à la frontière?

9 Réponse: C'était le 1er avril 1999, le matin, aux alentours de 9 heures.

10 C'est à ce moment-là que nous nous sommes mis en route. Nous, onze membres

11 de ma famille. Nous sommes allés jusqu'à la frontière. Nous nous sommes

12 rendus très facilement jusqu'au village de Zhur, où une longue colonne de

13 personnes qui attendaient de traverser la frontière se trouvait. La

14 colonne faisait environ 6 à 7 kilomètres de long.

15 Ce jour-là, des personnes étaient transportées en bus de Prizren jusqu'à

16 la fin de cette colonne. Ces personnes descendaient des autobus à

17 proximité de Zhur. La colonne traversait le village de Opaje d'où les

18 Albanais étaient également expulsés. En fait, c'était comme le Golgotha,

19 toutes ces personnes qui quittaient le Kosovo.

20 Question: Savez-vous comment ces bus ont été organisés, comment il se fait

21 que ces personnes ont été transportées en autobus?

22 Réponse: Je ne sais pas. Je ne sais pas. Quelqu'un a dû l'organiser.

23 Question: Y avait-il beaucoup d'autobus?

24 Réponse: Beaucoup. Il y avait des autobus de Kosavatrans, ou d'entreprises

25 privées qui transportaient ces personnes depuis Prizren et d'autres villes

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1 et qui les faisaient descendre à Zhur.

2 Question: Savez-vous qui conduisait ces autobus?

3 Réponse: Non.

4 Question: Quand êtes-vous arrivés à la frontière?

5 Réponse: J'ai pu arriver à la frontière à environ 4 heures du matin, le 2

6 avril. Un policier serbe se trouvait à la frontière et il m'a donné

7 l'ordre de rassembler les papiers d'identité de ma famille et de moi-même,

8 c'est-à-dire mon passeport, ma carte d'identité, mon permis de conduire,

9 le permis de circulation du véhicule et les plaques d'immatriculation de

10 ma voiture. Ce que j'ai fait. J'ai rassemblé toutes ces pièces et je les

11 lui ai remises. Il les a jetées dans un grand panier qui était plein

12 d'autres papiers que j'ai cités, qui avaient été confisqués à des

13 personnes qui avaient traversé la frontière avant moi.

14 Question: Ces papiers, on les prenait à toute personne qui traversait la

15 frontière?

16 Réponse: Oui, à tout le monde.

17 Question: Et est-ce que ces papiers étaient jamais rendus à leur

18 propriétaire?

19 Réponse: Non.

20 Question: Lorsque vous nous avez parlé de policiers serbes, pouvez-vous me

21 dire si ce policier portait un uniforme et si oui, quel était cet

22 uniforme?

23 Réponse: De quel policier serbe parlez-vous?

24 Question: Le policier serbe qui vous a demandé vos papiers.

25 Réponse: Ce n'était qu'un policier serbe qui portait un uniforme bleu de

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1 la police, un uniforme ordinaire.

2 Question: Ce n'était donc pas un uniforme de camouflage?

3 Réponse: Non, non, pas un uniforme de camouflage.

4 Question: J'aimerais que l'on remontre une nouvelle fois au témoin la

5 pièce de l'accusation 18, s'il vous plaît.

6 (Intervention de l'huissier.)

7 Là encore, Monsieur Berisha, je vous demanderai de regarder ces

8 photographies et de bien vouloir dire aux Juges de cette Chambre si vous y

9 retrouvez un uniforme qui ressemblerait à celui des policiers qui se

10 trouvaient à la frontière?

11 Réponse: Puis-je regarder ce document d'un peu plus près?

12 (Le témoin examine le document.)

13 L'uniforme de ces hommes ressemblait à celui que l'on voit sur la

14 photographie n°4, en tout cas il s'en rapprochait le plus.

15 Question: Ce policier portait-il sur son uniforme le même insigne que

16 celui que l'on voit sur cette photographie n°4?

17 Réponse: Ce n'était pas un brassard, mais je ne me rappelle pas non plus

18 quel était l'insigne exact.

19 Question: Monsieur Berisha, vous étiez accompagné des membres de votre

20 famille. Quel était l'âge de vos enfants à ce moment-là?

21 Réponse: Mon fils aîné a 10 ans aujourd'hui, cela s'est passé il y a trois

22 ans, il avait donc 7 ans, Adit, 4 ans, et le plus jeune de mes enfants

23 avait 6 mois. Quant aux trois enfants de mon frère, ils avaient à peu près

24 le même âge.

25 Question: Combien de temps vous a-t-il fallu pour franchir la frontière?

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1 Combien de temps êtes-vous resté à faire la queue à ce poste-frontière?

2 Réponse: A peu près 18 heures depuis le 1e avril au matin jusqu'au 2 avril

3 au matin, moment où j'ai franchi la frontière pour pénétrer en Albanie.

4 Question: Monsieur Berisha, j'ai encore une question à vous poser. Avez-

5 vous quitté la ville où vous habitiez parce que vous aviez peur des

6 bombardements de l'OTAN?

7 Réponse: Non, pas du tout. Nous avons vu dans les bombardements de l'OTAN

8 une promesse de liberté, un espoir pour le Kosovo.

9 Mme Romano (interprétation): Je n'ai plus de questions pour ce témoin,

10 Monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

12 (Contre-interrrogatoire du témoin, M. Agron Berisha, par M. Milosevic.)

13 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que vous aviez étudié à

14 Belgrade.

15 M. Berisha (interprétation): Oui

16 Question: Avez-vous fait toutes vos études à Belgrade?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Avant cela, où êtes-vous allé à l'école?

19 Réponse: J'ai fait mes études de médecine à Pristina, je me suis ensuite

20 spécialisé en gynécologie à Belgrade.

21 Question: Quand avez-vous obtenu votre diplôme de médecin à Pristina?

22 Réponse: J'ai obtenu mon diplôme de médecin à Pristina le 20 février 1990.

23 Question: Quand avez-vous commencé votre spécialisation à Belgrade?

24 Réponse: J'ai passé à Belgrade les neuf derniers mois de ma spécialisation

25 qui, au total, a duré quatre ans. La première partie de ma spécialisation,

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1 je l'ai faite à Prizren où je suis donc resté de 1997 à 1998.

2 Question: Ce qui signifie qu'en 1997 et en 1998 à Prizren, vous

3 travailliez en tant que médecin faisant sa spécialisation.

4 Réponse: J'ai travaillé à Prizren de 1995 à 1997. En fait de 1994, 1995 à

5 1997.

6 Question: Quant avez-vous commencé votre spécialisation?

7 Réponse: En 1994/1995. Je crois que c'était en 1994 ou peut-être en 1995.

8 Question: Entre-temps, vous étiez médecin stagiaire depuis l'obtention de

9 votre diplôme et jusqu'au début de votre spécialisation, et en cette

10 qualité de médecin stagiaire, où avez-vous travaillé?

11 Réponse: Je n'ai pas compris la phrase que vous venez de prononcer.

12 Question: Vous avez dit qu'en 1990 ou 1991, vous avez obtenu votre diplôme

13 de médecin à la faculté de médecine de Pristina.

14 Réponse: J'ai obtenu mon diplôme de médecin à la faculté de médecine de

15 Pristina le 20 février 1990.

16 Question: Où avez-vous travaillé après l'obtention de votre diplôme et

17 jusqu'au début de vos études de spécialisation à Prizren, en 1994? Donc

18 jusqu'en 1994, où avez-vous travaillé?

19 Réponse: Une fois que j'ai obtenu mon diplôme, j'ai travaillé comme

20 interne pendant un an à l'hôpital de Prizren. Ensuite, j'ai travaillé au

21 centre de santé de Malisheve, où j'ai travaillé trois ans à peu près.

22 Question: Lorsque vous étudiiez à Pristina, y avait-il de nombreux autres

23 étudiants albanais avec vous à la faculté?

24 Réponse: Je n'ai pas compris cette phrase.

25 Question: Vous avez étudié à Pristina. Vous étiez en médecine. Combien

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1 d'autres étudiants étudiaient la médecine en même temps que vous, à ce

2 moment-là?

3 Réponse: Je n'en connais pas le nombre exact, ils étaient assez nombreux.

4 Question: Ils étaient en majorité albanais?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Vous-même ou l'un des autres étudiants de la faculté de médecine

7 a-t-il eu un quelconque problème durant ses études en raison du fait qu'il

8 était albanais?

9 Réponse: Je ne sais pas de quel problème vous parlez.

10 Question: De quelque problème que ce soit, dont vous auriez pu dire qu'il

11 constituait un signe de traitement inégal par rapport aux autres étudiants

12 de l'université de Pristina?

13 Réponse: Nous avions des problèmes matériels parce qu'en tant qu'albanais,

14 nous étions pauvres puisque originaires de l'une des régions les plus

15 pauvres de l'ex-Yougoslavie.

16 Question: Je vous interrogeais au sujet d'autres problèmes parce que tous

17 les étudiants ont des problèmes matériels.

18 Réponse: De façon générale, notre vie était agréable là-bas.

19 Question: D'après ce que vous avez dit, vous avez pratiquement tout de

20 suite trouvé un emploi à Prizren et, ensuite, à Malisheve.

21 Réponse: Non, je n'ai pas trouvé du travail tout de suite. A Prizren, j'ai

22 travaillé en tant que médecin intérimaire et bénévole. A ce moment-là, il

23 était courant pour un médecin intérimaire de percevoir 70% du salaire d'un

24 médecin, d'un généraliste; or, c'était le salaire auquel j'avais droit à

25 cette époque-là. Mais moi-même et deux autres amis à moi, de Suva Reka,

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1 avons été les premiers à ne même pas percevoir ce pourcentage de notre

2 salaire.

3 Question: Savez-vous, puisqu'il s'agit d'amis à vous, qu'un très grand

4 nombre d'étudiants, une fois qu'ils obtiennent leur diplôme de médecine

5 sur le territoire de la Yougoslavie, travaillent de cette façon, c'est-à-

6 dire bénévolement?

7 Réponse: Je sais cela, mais les étudiants serbes avec lesquels nous

8 travaillions à ce moment-là ont perçu un salaire. Moi, je n'en ai pas

9 perçu.

10 Question: Quand avez-vous commencé à être payé?

11 Réponse: A la fin de mon internat, qui a duré un an à peu près, j'ai

12 trouvé un emploi au centre de santé de Malisheve et c'est là que j'ai

13 commencé à être payé.

14 Question: En fait, ce stage d'internat dure en général un an. A Malisheve,

15 étiez-vous le seul médecin présent ou y en avait-il d'autres?

16 Réponse: Il y avait plusieurs médecins à Malisheve.

17 Question: Ils étaient tous albanais?

18 Réponse: Oui, en effet.

19 Question: Et vous receviez tous régulièrement le salaire prévu pour votre

20 travail?

21 Réponse: Oui, c'est exact.

22 Question: Quand vous avez décidé de faire une spécialisation, vous avez

23 dit avoir décidé de vous spécialiser en gynécologie.

24 Réponse: Oui.

25 Question: Avez-vous été facilement accepté en tant qu'étudiant suivant ses

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1 cours de spécialisation à l'hôpital de Prizren?

2 Réponse: Relativement facilement, dirais-je, mais pour être admis à cet

3 hôpital, j'ai dû continuer à me spécialiser bénévolement aussi.

4 Question: Combien de temps vous êtes-vous spécialisé sans être payé?

5 Réponse: A peu près trois ans.

6 Question: A ce moment-là, vous êtes allé à Belgrade?

7 Réponse: Oui, à ce moment-là, je suis parti pour Belgrade.

8 Question: Bon, vous avez dit que vous aviez commencé votre spécialisation

9 en 1994, à peu près?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Donc vous êtes parti à Belgrade en 1997, ou un peu plus tard?

12 Réponse: Je suis parti pour Belgrade en 1997. C'était en octobre.

13 Question: Et depuis le mois d'octobre 1997?

14 Réponse: Jusqu'en juin 1998.

15 Question: Où avez-vous suivi votre spécialisation à Belgrade?

16 Réponse: A la clinique de gynécologie de l'hôpital du front populaire.

17 Question: Comment vous a-t-on traité dans cet hôpital du Front populaire à

18 Belgrade?

19 Réponse: Relativement bien.

20 Question: Vous savez que l'hôpital du Front populaire ou la clinique du

21 Front populaire est une clinique d'enseignement, une clinique

22 universitaire?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Y avait-il à vos côtés d'autres étudiants qui faisaient une

25 spécialisation et qui étaient originaires du Kosovo-Metohija?

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1 Réponse: Quelques-uns.

2 Question: Ont-ils tous terminé avec succès leur spécialisation?

3 Réponse: Non, pas tous.

4 Question: Pourquoi certains n'ont-ils pas terminé?

5 Réponse: Je ne sais pas.

6 Question: Pendant vos études de spécialisation, aviez-vous à Belgrade de

7 nombreux co-étudiants qui étaient serbes ou qui appartenaient à d'autres

8 groupes ethniques?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Quel était leur comportement à votre égard?

11 Réponse: Relativement bon.

12 Question: La direction de la clinique, vos chefs se comportaient-ils bien

13 à votre égard?

14 Réponse: Ils se comportaient très bien.

15 Question: Où étiez-vous logé pendant votre spécialisation?

16 Réponse: J'habitais dans un appartement que je louais et partageais avec

17 un autre étudiant.

18 Question: Etait-ce dans un immeuble où il y avait d'autres appartements?

19 Réponse: Oui, oui, oui.

20 Question: Aviez-vous de bons rapports avec vos voisins dans cet immeuble,

21 avec les gens que vous rencontriez?

22 Réponse: Les gens dont vous parlez, je ne les connaissais pas et je crois

23 qu'ils ne me connaissaient pas non plus parce que nous n'avions aucune

24 relation avec les gens qui habitaient là. Nous ne nous sommes pas

25 présentés à eux.

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1 Question: Donc vous passiez le plus gros de votre temps à suivre vos

2 études de spécialisation parmi les étudiants à l'université, à l'hôpital?

3 Réponse: Je n'ai pas bien compris ce que vous vouliez dire. Que voulez-

4 vous dire?

5 Question: Eh bien, je veux dire que vous habitiez là-bas, donc vous aviez

6 des contacts avec certains. Aviez-vous des contacts avec d'autres

7 étudiants en spécialisation qui étaient serbes, ou en tout cas avec

8 d'autres étudiants qui n'étaient pas albanais?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Et les rapports que vous entreteniez avec eux étaient-ils bons?

11 Réponse: Oui, nous avions des rapports relativement bons.

12 Question: Pendant tout le temps que vous avez passé à Belgrade, auriez-

13 vous entendu dire qu'un Albanais aurait eu des problèmes à Belgrade pour

14 le simple fait qu'il était albanais?

15 Réponse: Pour vous dire la vérité, pendant toute la durée de mon séjour à

16 Belgrade, à part le temps que je devais passer à la clinique, le reste du

17 temps, je le passais dans mon appartement où j'étudiais le sujet qui

18 m'avait amené à Belgrade.

19 Question: Donc puisque vous êtes resté à Belgrade jusqu'à la mi-98, avez-

20 vous eu de fréquents contacts avec des amis de votre lieu de naissance?

21 Avez-vous reçu des visites de gens qui venaient de votre village natal?

22 Avez-vous échangé des lettres avec des gens de ce village, leur avez-vous

23 parlé de votre vie au quotidien?

24 Réponse: J'avais des communications avec ma famille, avec mes proches par

25 téléphone.

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1 Question: Dans cette période qui va du début de 1998 ou de la fin 1997

2 jusqu'à la mi-98, moment où vous avez terminé votre spécialisation, donc

3 dans cette période, avez-vous entendu parler de l'UCK au Kosovo?

4 Réponse: Non.

5 Question: Vos amis, les membres de votre famille ne vous ont rien dit à ce

6 sujet?

7 Réponse: Non.

8 Question: A la radio, à la télévision, vous n'en avez pas entendu parler,

9 vous n'avez rien lu à ce sujet dans les journaux?

10 Réponse: Non, je ne me souviens de rien.

11 Question: Donc jusqu'à la mi-98, vous n'avez rien entendu dire au sujet

12 d'attaques, d'assassinats, d'enlèvements et, en général, d'activités de

13 l'UCK au Kosovo?

14 Réponse: Non.

15 Question: Vous n'avez entendu parler ni d'attaques contre des civils ni

16 d'attaques contre des soldats ou des policiers?

17 Réponse: Non.

18 Question: Quelle est la date exacte de votre retour à Suva Reka?

19 Réponse: Je suis retourné à Suva Reka le lendemain de l'obtention de mon

20 diplôme, c'est-à-dire le 26 juin 1998.

21 Question: Eh bien, à ce moment-là en tout cas, quand vous êtes arrivé à

22 Suva Reka, avez-vous entendu dire que le 22 juin 1998, à 5 kilomètres de

23 Suva Reka, dans le village de Trnic, un policier, un policier albanais,

24 Iljias Vranovci, avait été tué?

25 Réponse: S'agissant du fait qu'Iljias Vranovci avait été enlevé de chez

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1 lui, oui, ça j'en ai entendu parler, mais après… je suis... Mais j'en ai

2 entendu parler après mon retour de Belgrade.

3 Question: Oui, il a été enlevé et tué.

4 Réponse: Je sais qu'il a été enlevé, c'est la seule chose que je sais.

5 Question: Et plus tard, vous n'avez pas entendu dire qu'il avait été tué?

6 Réponse: Non.

7 M. Milosevic (interprétation): Quels étaient d'après vous les motifs de

8 l'UCK pour enlever Iljias Vranovci?

9 M. le Président (interprétation): Il ne peut pas répondre à cette

10 question.

11 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

12 Monsieur le Témoin, après deux mois passés à Suva Reka, le 17 août 1998,

13 un autre policier a été tué, mais cette fois c'était un Serbe, Dragan

14 Stojanovic. Vous souvenez-vous de cela?

15 M. Berisha (interprétation): Non.

16 M. Milosevic (interprétation): Vous ne vous rappelez pas?

17 M. Berisha (interprétation): Non.

18 Question: Et vous étiez à Suva Reka à ce moment-là, en août 1998?

19 Réponse: Je ne me rappelle pas avoir entendu quoi que ce soit au sujet de

20 cet incident.

21 Question: Quelle est la population de Suva Reka?

22 Réponse: Suva Reka compte à peu près 20.000 habitants, je parle du village

23 lui-même.

24 Question: Oui, je vous interrogeais au sujet du village lui-même et pas de

25 ses environs.

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1 Réponse: C'est à peu près cela.

2 Question: Donc c'est une ville relativement petite, et c'est la raison

3 pour laquelle je me demande comment il est possible que la mort d'un

4 policier dans une ville aussi petite vous ait échappé, ait échappé à votre

5 attention.

6 Réponse: Je ne sais pas comment il se fait que je n'en ai pas entendu

7 parler, mais c'est un fait, je n'ai pas entendu un mot au sujet de la mort

8 du policier dont vous venez de parler.

9 Question: Très bien. Je vais maintenant vous interroger sur un autre

10 événement. En avez-vous entendu parler? Un jour où sur la route Suva

11 Reka/Musutiste, Boban Vuksanovic, Président de la municipalité et

12 directeur du centre médical a été tué en même temps que trois autres

13 personnes qui étaient avec lui dans la même voiture.

14 Réponse: J'ai entendu parler de cela, des gens m'en ont parlé qui étaient

15 des réfugiés en Albanie. Quand cet événement s'est produit, j'étais moi-

16 même en Albanie. J'ai été déporté vers l'Albanie par la force.

17 Question: Connaissiez-vous Boban Vuksanovic?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Est-ce lui qui vous a accueilli quand vous avez commencé à

20 travailler à Suva Reka?

21 Réponse: Oui, oui.

22 Question: Quel était le rapport qu'il entretenait avec vous?

23 Réponse: Il était relativement correct.

24 Question: Avez-vous eu de la peine lorsque vous avez entendu qu'il s'était

25 fait tuer?

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1 Réponse: Pas du tout.

2 Question: Quel genre d'homme était-il, d'après vous: un homme bien ou pas

3 du tout?

4 Réponse: Un très mauvais homme.

5 Question: Mais à votre égard, vous dites qu'il se comportait correctement?

6 Réponse: J'ai dit "relativement correctement".

7 Question: Connaissiez-vous l'une ou l'autre des trois autres personnes qui

8 ont été tuées en même temps que lui, dans la même voiture?

9 Réponse: Non. Je ne sais pas combien de personnes ont été tuées. Je n'ai

10 entendu parler que de la mort de Boban, quelque part près de Sopija, mais

11 je ne sais pas dans quelle condition, dans quelles circonstances, il s'est

12 fait tuer, car, comme je l'ai déjà dit, je me trouvais en Albanie, j'étais

13 là-bas au titre de réfugié. J'ai entendu dire qu'il s'était fait tuer par

14 d'autres réfugiés qui allaient du Kosovo vers l'Albanie et qui venaient de

15 la même municipalité que moi. D'ailleurs, ce sont ces gens-là qui m'ont

16 parlé de l'événement, mais je ne sais pas dans quelles circonstances

17 exactes tout cela s'est déroulé.

18 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous entendu dire qu'immédiatement

19 après sa mort, une enquête a été réalisée et que le juge d'instruction

20 s'est rendu sur les lieux dans le cadre de l'enquête? Savez-vous qu'à ce

21 moment-là, le juge d'instruction a été tué lui aussi? Il s'appelait

22 Janicijevic, tué pendant qu'il travaillait.

23 M. Berisha (interprétation): Monsieur le Président, l'accusé me pose des

24 questions au sujet d'un certain nombre de choses qui se sont déroulés,

25 alors que j'étais en Albanie et, bien entendu, je n'ai pas la moindre

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1 possibilité d'expliquer ces choses-là.

2 M. le Président (interprétation): Oui, le témoin ne peut pas vous aider

3 sur ce point.

4 M. Milosevic (interprétation): Je crois que ce sont des questions

5 pertinentes car, par ailleurs, le témoin a parlé d'un certain nombre de

6 choses qu'il n'avait pas vues de ses yeux, mais dont il avait entendu

7 parler. Donc il est logique que je lui demande s'il a entendu parler de

8 choses aussi importantes que la mort d'un directeur de centre de santé ou

9 d'un président de la municipalité. Je considère qu'il pourrait être au

10 courant.

11 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà traité de tout cela. Je

12 vous demande de passer à autre chose.

13 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien.

14 Monsieur Berisha, avez-vous entendu parler, êtes-vous au courant du grand

15 nombre de victimes qu'a fait le bombardement d'un convoi de réfugiés

16 albanais au voisinage de Prizren, le 14 avril?

17 M. Berisha (interprétation): J'ai entendu parler de cet événement, mais au

18 moment où cela s'est produit, j'étais réfugié en Albanie. Je ne peux vous

19 parler que de ce que j'ai pu suivre à la télévision et je ne pense pas que

20 quoi que ce soit que j'ai à dire sur cette question puisse aider la

21 Chambre.

22 M. Milosevic (interprétation): Si je vous pose la question, c'est parce

23 qu'entre autres, vous avez dit que vous pensiez que les bombardements de

24 l'OTAN étaient les bienvenus.

25 M. le Président (interprétation): Il s'agit là d'un commentaire de votre

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1 part.

2 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

3 Je vous demanderai de montrer ces photographies, s'il vous plaît.

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, que représentent ces

5 photographies?

6 M. Milosevic (interprétation): Ces photographies montrent les victimes de

7 cet incident pour lequel le témoin dit qu'il en a uniquement entendu

8 parler.

9 M. le Président (interprétation): Oui, il ne pourra pas nous aider. Vous

10 pouvez nous montrer ces photographies en temps voulu et invoquer des

11 éléments de preuve en rapport avec elles, mais ce témoin ne pourra pas

12 nous aider car il était en Albanie à l'époque, il ne pourra rien nous

13 dire, Monsieur Milosevic.

14 M. Milosevic (interprétation): Le témoin pourra déposer quant aux faits,

15 mais il peut également donner son point de vue ici. J'aimerais réagir au

16 point de vue qui a été exprimé par le témoin, à savoir que les

17 bombardements de l'OTAN était une bonne chose et j'aimerais lui montrer

18 ces photographies pour lui demander s'il estime que c'est une bonne chose

19 ou pas.

20 (Les Juges se concertent sur le siège.)

21 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, nous n'allons

22 pas vous autoriser à soumettre ces photographies au témoin. Ce dernier se

23 trouvait à l'époque en Albanie. Il ne pourra rien nous dire d'utile à ce

24 propos. Si vous voulez présenter ces photographies et les verser au

25 dossier, il vous faut présenter des témoins. C'est par eux que vous

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1 pourrez les présenter. Mais pour le moment, nous ne vous autorisons pas à

2 les présenter au témoin.

3 Il est passé 16 heures. Nous poursuivrons les débats demain. Nous allons

4 suspendre l'audience.

5 Rappelez-vous ce que je vous ai dit, Monsieur le Témoin. Vous n'avez le

6 droit de parler à personne de votre déposition tant que celle-ci se

7 poursuit. Vous serez de retour ici demain à 9 heures 30 pour terminer le

8 contre-interrogatoire.

9 M. Milosevic (interprétation): J'aurais aimé avoir une explication

10 technique qui n'a pas de rapport avec le témoin.

11 Est-ce que j'aurais pu avoir une explication technique qui n'a rien à voir

12 avec la déposition du témoin?

13 M. le Président (interprétation): Oui mais brièvement, s'il vous plaît.

14 M. Milosevic (interprétation): Je serais extrêmement bref.

15 Cela concerne la visite de ma famille. Monsieur Christian Rohde m'a

16 expliqué qu'on ne m'a pas donné la possibilité de le faire quand cela

17 était prévu et que cela pouvait être compensé par le fait que j'aurais une

18 autorisation pour recevoir une visite le 7 mars dans l'après-midi, et il

19 m'a dit que la Chambre siégerait jusqu'à 13 heures le 7 mars, en d'autres

20 termes, j'aurais le jeudi après-midi, donc le 7 mars, et j'aurais

21 également le vendredi, le samedi et le dimanche, même si comme vous le

22 savez, le dimanche sera écourté.

23 Est-ce que vous pensez que je peux compter sur cette visite ou non?

24 M. le Président (interprétation): Nous allons voir ce que nous pouvons

25 faire, pour voir s'il est possible de réaménager le calendrier et nous

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1 vous le ferons savoir, Monsieur Milosevic. Je vous propose que les Juges

2 s'en informent d'ici à demain.

3 La séance est suspendue.

4 (L'audience est levée à 16 heures 05.)

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