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1 (Mardi 26 février 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 34.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Agron Berisha, est déjà dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
6 M. Milosevic (interprétation): Avant de poursuivre, j'aurais aimé dire
7 qu'il est parfaitement clair que le seul moyen dont je dispose ici est le
8 téléphone; et même ce téléphone ne fonctionnait pas hier après-midi. Mais
9 c'est un détail.
10 Je crois que l'on ne peut parler d'équité entre les parties et l'on ne
11 peut estimer qu'un procès est possible, même devant un tel Tribunal
12 illégal, dans un état de déséquilibre tel où une des parties a à sa
13 disposition uniquement un téléphone, alors que l'autre côté a, de son
14 côté, tout le pouvoir.
15 J'aurais aimé vous demander une fois de plus de me remettre en liberté. En
16 effet, j'ai le droit à un procès équitable et j'ai le droit de me
17 défendre. Vous savez que le pacte international sur le droit civil et
18 politique...
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je vous interromprai
20 pour la raison suivante. Nous avons ici un témoin à la barre, nous sommes
21 en train d'entendre sa déposition. C'est le contre-interrogatoire et je
22 crois qu'il est normal de terminer ce contre-interrogatoire. Puis, quand
23 le moment s'y prêtera, nous pourrons parler des questions d'intendance.
24 Le Procureur, en l'espèce, si je ne m'abuse, voudrait soulever quelques
25 questions. Est-ce bien exact, Monsieur Nice?
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1 M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président, il y a quelques
2 questions que nous voudrions évoquer. J'en ai discuté avec le Juriste de
3 la Chambre ce matin, peu de temps avant le début de l'audience.
4 Je pense qu'il serait plus utile d'en parler demain qu'aujourd'hui. Ne
5 serait-ce que parce qu'il y a une requête relevant du 92bis qui est en
6 train d'être préparée et qui devrait vous être signifiée d'ici à cet
7 après-midi, pendant la pause. C'est une question que les amici et l'accusé
8 voudront examiner peut-être. Nous pourrions en discuter aujourd'hui, mais
9 demain ce serait possible aussi. A vous de juger.
10 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on pourrait en parler après le
11 témoin suivant, plutôt que de prévoir une heure précise? Nous pourrions
12 peut-être en terminer de la déposition de notre témoin pour aborder
13 ensuite ces questions.
14 M. Nice (interprétation): Tout à fait.
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous allons étudier
16 ces questions administratives. Ce sera d'ailleurs la règle appliquée
17 pendant toute la durée du procès, nous le ferons quand le moment s'y
18 prêtera. Nous entendrons votre requête, vos demandes, après le témoin
19 suivant. S'il y a des questions urgentes, bien entendu libre à vous de les
20 évoquer comme vous l'avez déjà fait par le passé, mais je pense qu'il faut
21 essayer de terminer la déposition du témoin une fois qu'elle est commencée
22 pour ne pas l'interrompre. Nous pourrons aborder les autres questions
23 demain.
24 Terminez votre contre-interrogatoire maintenant.
25 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Berisha Agron, par l'accusé
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1 M. Milosevic, suite.)
2 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que Naim Berisha est un membre de
3 votre famille? Y a-t-il un lien de parenté avec vous? Est-il votre oncle?
4 M. Berisha (interprétation): Moi, je m'appelle Agron Berisha, et j'ai dit
5 au début de ma déposition que Naim Berisha, c'est un cousin proche. Je ne
6 sais pas si c'est de lui que l'on parle, de Naim le médecin. Pour le
7 moment, il vit et il travaille en Allemagne. Cela fait déjà sept ou huit
8 ans qu'il habite et travaille en Allemagne.
9 M. Milosevic (interprétation): Je parle de Naim Berisha, le chef du groupe
10 terroriste UCK, qui est votre cousin.
11 M. Berisha (interprétation): Je dois dire que l'accusé fait une confusion
12 entre les Naim, les différents Naim qui ont vécu à Suva Reka. Moi, j'ai
13 parlé d'un Naim Berisha, qui est le fils de mon oncle. Il vit en Allemagne
14 et il est médecin de profession.
15 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a un lien de parenté
16 entre vous et Naim Berisha dont il est affirmé qu'il a des liens avec
17 l'UCK?
18 M. Berisha (interprétation): Vous voulez dire qu'il a des liens avec l'UCK
19 maintenant ou qu'il avait des liens dans le passé?
20 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous connaissez un homme
21 répondant au nom de Naim Berisha, qui aurait eu des liens avec l'UCK à
22 quelque moment que ce soit?
23 M. Berisha (interprétation): Oui, mon cousin, le médecin, Naim Berisha,
24 qui est à l'étranger; je vous ai dit la vérité: c'est un médecin et il
25 travaille en Allemagne. Mais je connaissais un autre Naim Berisha; celui-
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1 là, il est mort pendant la guerre et c'était un cousin plus éloigné. Je
2 n'avais pas de lien avec lui, je ne le connaissais pas personnellement. Je
3 le connaissais de vue simplement et je ne sais pratiquement rien à son
4 sujet.
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
6 M. Milosevic (interprétation): Ces réponses-là, nous les avons déjà
7 entendues et un témoin précédent nous a d'ailleurs dit qu'il ne
8 connaissait même pas son propre fils. En d'autres termes, votre cousin
9 Naim Berisha, vous nous en avez parlé, mais est-ce que vous savez que le
10 policier Vranovci, dont je vous ai parlé hier, qui est également un
11 Albanais, était son oncle?
12 M. Berisha (interprétation): Non, je ne sais rien à propos des sujets
13 qu'évoque l'accusé.
14 Question: Et savez-vous que ce Naim Berisha, dont vous affirmez qu'il est
15 un cousin éloigné, a tué son oncle, donc Vranovci?
16 Réponse: J'ai déclaré que Naim Berisha est un cousin éloigné. Je crois
17 qu'il y a 150 Berisha à Suva Reka. Je n'ai pas de lien étroit, de lien de
18 famille avec la personne que vous avez mentionnée. Et je n'ai aucune
19 information quant au fait qu'il aurait tué un de ses oncles.
20 M. Milosevic (interprétation): C'est une situation habituelle pour vous de
21 ne pas avoir de rapport. Vous avez parlé de la question d'une station-
22 service où un de vos cousins a été tué. Savez-vous que cette station-
23 service, dans votre ville, était pleine d'armes et de munitions de l'UCK?
24 M. Berisha (interprétation): J'ai parlé d'un cousin qui s'appelait Jasher
25 Berisha. Lui aussi, c'était un cousin éloigné. Jasher, feu Jasher, n'a pas
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1 été tué, il a disparu. Il a été emmené le 26 mars 1999 par des gens que je
2 ne connaissais pas. Il a été emmené plusieurs heures après les événements
3 qui se sont produits à la pizzeria qui appartenait à la famille Shala.
4 Rappelez-vous, des policiers serbes avaient, dans cette pizzeria, tué des
5 femmes, des hommes, des enfants, même des enfants qui n'étaient pas encore
6 nés, de la façon la plus cruelle.
7 M. le Président (interprétation): Mais on vous a posé une question à
8 propos de la station-service. On a affirmé qu'elle était remplie de
9 munitions, d'armes appartenant à l'UCK. C'est l'affirmation qui est faite.
10 Avez-vous des informations à ce propos? Si vous n'en avez pas, contentez-
11 vous de répondre par non.
12 M. Berisha (interprétation): Non.
13 M. Milosevic (interprétation): Et comment alors savez-vous que des
14 personnes ont été tuées dans ce café puisque là non plus vous n'y étiez
15 pas?
16 M. Berisha (interprétation): J'ai expliqué très clairement cela au cours
17 de ma déposition. Je n'ai pas vu ces meurtres de mes propres yeux, ils
18 m'ont été racontés par des gens qui ont été des témoins oculaires de cette
19 horreur ce jour-là.
20 M. Milosevic (interprétation): Donc vous êtes en train de déposer sur des
21 points dont vous avez uniquement entendu parler d'autres personnes?
22 M. le Président (interprétation): Mais, Monsieur Milosevic, le témoin l'a
23 dit au cours de sa déposition, il a dit ne pas avoir vu tout cela mais
24 ceci lui avait été relaté par des survivants. Nous comprenons cela, et
25 ceci ne nécessite aucun commentaire de votre part.
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1 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'hier, vous avez bien affirmé que
2 vous avez vu quelqu'un devant la gare routière? Vous avez donc vu
3 quelqu'un tuer un homme et une femme?
4 M. Berisha (interprétation): Non, ce n'est pas exact, ce n'est pas ce que
5 j'ai dit. J'ai déclaré que plusieurs minutes après avoir vu Nexhmedin
6 Berisha grièvement blessé gisant au sol et sa femme enceinte, Lirie, qui
7 le traînait pour l'emmener derrière un magasin dans le centre commercial
8 de Malesia Reisen, quelques minutes plus tard donc, j'ai vu un policier
9 qui regardait au sol pour suivre les traces laissées par l'homme. Je
10 suppose qu'il a suivi les traces de sang laissées par Nexhmedin qui était
11 blessé.
12 Question: Ce policier que vous avez vu, vous l'avez vu devant la gare
13 routière. Est-ce que c'est exact?
14 Réponse: Il était dans la gare routière. Le policier est sorti par une
15 petite ouverture qui se trouvait dans la clôture derrière la gare
16 routière. Il suivait apparemment les traces de sang laissées par le
17 blessé, Nexhmedin.
18 Question: Vous l'avez vu?
19 Réponse: J'ai vu le policier. Je l'ai vu qui examinait le sol et qui se
20 déplaçait.
21 Question: Hier, pendant que le téléphone fonctionnait encore, on m'a
22 averti du fait qu'entre votre maison et la gare routière, il existe un
23 bâtiment du "Kosovovino" ainsi que le poste de police et que de là vous ne
24 pouviez absolument pas voir la gare routière. Est-ce que c'est exact?
25 Réponse: Ce n'est pas exact. Cet immeuble assez élevé dont on parle se
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1 trouve à peu près deux ou trois cents mètres de chez moi.
2 Question: Vous affirmez donc que depuis votre maison, vous avez vu un
3 policier se trouvant à la gare routière et vous l'avez vu en train de
4 chercher votre cousin, celui qui était blessé?
5 Réponse: J'ai déclaré que le policier regardait le sol et je me suis dit
6 qu'il avait trouvé des taches de sang laissées par Nexhmedin qui était
7 blessé et qu'il suivait ces traces. Je ne suis pas trop sûr de ce qu'il
8 recherchait ou de qui il recherchait. Je me suis contenté de dire ce que
9 j'avais vu.
10 Question: Tout ce que vous avez vu, c'est un policier qui regardait par
11 terre devant la gare routière?
12 Réponse: Pas dans la gare routière. J'ai dit qu'il était sorti par cette
13 petite porte qui se trouve dans la clôture autour de la gare routière et
14 que là où j'avais vu Nexhmedin blessé, cet homme a commencé à marcher tout
15 en regard dans le sol, et il est allé dans la direction prise par la femme
16 qui traînait Nexhmedin.
17 Question: Et à quelle distance se trouve la gare routière par rapport à
18 votre maison, la maison d'où vous regardiez cela?
19 Réponse: 70 ou 80 mètres.
20 Question: Et sur la base de ce policier que vous avez vu, vous en avez
21 conclu qu'il cherchait votre cousin?
22 Réponse: J'ai dit que je supposais qu'il suivait les traces de sang
23 laissées par Nexhmedin blessé.
24 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous êtes en train de déposer sur vos
25 suppositions. Savez-vous...
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1 M. Berisha (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, Messieurs
2 les Juges, je ne suis pas ici pour faire des suppositions pour vous faire
3 part de mon propre avis, je suis venu ici pour témoigner de ce que j'ai vu
4 de mes propres yeux. J'ai vu de quelle façon mes cousins ont été tués,
5 vraiment très cruellement, des mains de la police, j'ai vu ces événements
6 de mes propres yeux et je ne vais pas ici parler de suppositions.
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Berisha, nous comprenons ce que
8 vous nous dites, mais vous comprendrez aussi que l'accusé a le droit de
9 vous poser des questions à propos de votre déposition.
10 Si ces questions sont incorrectes ou se présentent sous forme de
11 commentaires, nous interviendrons. Nous n'allons pas vous demander de
12 répondre à ces questions. Il peut être utile -à vous d'en juger-, il peut
13 être utile que vous fournissiez des réponses concises, que vous répondiez
14 par oui ou par non; quelquefois, cela suffit. Cela nous permettra peut-
15 être d'avancer plus vite.
16 Monsieur Milosevic, c'est une occasion qui vous est donnée de poser des
17 questions, pas de faire des commentaires à propos de la déposition du
18 témoin.
19 M. Milosevic (interprétation): Oui, effectivement, j'imagine que je dois
20 poser des questions.
21 M. le Président (interprétation): Oui, mais pas faire des commentaires.
22 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous combien de policiers ont été
23 tués, avant l'agression, dans les environs de Suva Reka?
24 M. Berisha (interprétation): Avant quelle agression?
25 M. Milosevic (interprétation): Avant l'agression de l'OTAN, avant le 24
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1 mars.
2 M. Berisha (interprétation): J'appellerai cette agression de l'OTAN, une
3 attaque de l'OTAN contre l'ex-Yougoslavie. Ce n'était pas une agression...
4 M. le Président (interprétation): Ne vous inquiétez pas de cela, répondez
5 simplement à la question qui vous a été posée, qui était de savoir combien
6 de policiers avaient été tués avant le 24 mars.
7 M. Berisha (interprétation): Je ne sais pas.
8 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous quels événements ont eu lieu le
9 29 avril 1998, jour où a été tué Jovis Sasa, un policier, près de Dulje?
10 C'est juste à côté de chez vous.
11 Réponse: Le village de Dulje n'est pas loin de Suva Reka; il est éloigné
12 d'environ neuf kilomètres. Mais je ne suis pas au courant de ces
13 événements. En effet, le 29 avril 1998, je faisais mes études.
14 Question: Et le 17 juin 1998, lorsque au même endroit, un autre policier a
15 été tué, Sladjan Miric, est-ce que vous en avez entendu parler?
16 Réponse: Non.
17 Question: En avez-vous entendu parler?
18 Réponse: Non.
19 Question: Et savez-vous ce qui est arrivé le 24 juin 1998 dans le village
20 de Bihac, à trois kilomètres de Suva Reka?
21 Réponse: Non.
22 M. Milosevic (interprétation): Et je ne vous ai même pas encore dit de
23 quel événement il s'agissait.
24 M. le Président (interprétation): Le témoin n'est au courant d'aucun
25 incident qui s'est produit ce jour-là.
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1 Monsieur Berisha, quand êtes-vous rentré à Suva Reka, quand êtes-vous
2 revenu de ces études?
3 M. Berisha (interprétation): Je suis rentré le lendemain du jour où j'ai
4 eu mon diplôme à Suva Reka. J'ai été diplômé le 25, c'est donc le 26 juin
5 1998 que je suis rentré.
6 M. Milosevic (interprétation): Alors, vous n'avez absolument pas entendu
7 parler d'un incident où sept personnes ont été tuées, y compris un enfant,
8 à trois kilomètres de Suva Reka, la veille de votre arrivée à Suva Reka?
9 M. Berisha (interprétation): Je ne sais rien à propos de l'événement dont
10 vous parlez.
11 Question: Et savez-vous qu'un incident a eu lieu à Duhle où ont été tués
12 Dragan Tomasevic, Milos Stevanovic et Goran Boskovic, le 8 janvier 1999? A
13 ce moment-là, vous étiez médecin à Suva Reka.
14 Réponse: A ce moment-là, je travaillais à Suva Reka, mais je n'ai pas
15 entendu parler de l'incident dont vous parlez.
16 Question: Et avez-vous entendu parler de l'incident qui a eu lieu à
17 Semetiste, près de Suva Reka, le 28 mars 1999: Ivica Spasic a été tué. Lui
18 aussi était policier.
19 Réponse: Le 28 mars, je me trouvais à Prizren avec ma tante. C'est à ce
20 moment-là que j'avais dû fuir de chez moi et j'avais passé quatre jours
21 chez ma tante. Il était par conséquent impossible que j'apprenne ce qui se
22 passait à Suva Reka, encore moins dans le village de Semetiste.
23 M. Milosevic (interprétation): J'imagine que vous ne savez rien non plus
24 de l'assassinat de sept policiers à Suva Reka, au début du mois d'avril ou
25 plutôt en avril.
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1 M. le Président (interprétation): On en a parlé déjà hier puisque le
2 témoin se trouvait à ce moment-là en Albanie, au mois d'avril. Lorsqu'on
3 lui a posé une question à ce propos, il a dit n'être pas du tout au
4 courant.
5 Est-ce bien cela, Monsieur Berisha?
6 M. Berisha (interprétation): C'est exact.
7 M. Milosevic (interprétation): Hier, vous avez dit que vous n'avez rien vu
8 des bombardements. Est-ce que c'est exact? Et vous n'avez rien entendu non
9 plus?
10 M. Berisha (interprétation): J'ai déclaré qu'après le début de l'attaque
11 de l'OTAN, je n'étais pas resté très longtemps au Kosovo. En tout, j'ai
12 passé trois journées chez moi, dans ma maison et quatre journées chez ma
13 tante à Prizren. Et pendant ce temps, je n'ai rien vu quant à ces
14 bombardements.
15 Question: Mais c'est pour cela que je vous pose la question parce que le
16 24 mars, en d'autres termes le premier jour, un émetteur a été bombardé
17 près de Suva Reka; toute la région de Suva Reka a tremblé suite à ce
18 bombardement. Est-il possible que vous n'ayez rien entendu?
19 Réponse: Vous parlez d'un endroit, Bukova Lala, qui est très éloigné de
20 Suva Reka et c'est vraiment perdu dans les collines. C'est au-dessus du
21 village de Budakov. Je n'ai pas entendu de détonation puissante, de bruit
22 assourdissant cette nuit-là.
23 Question: Comment savez-vous que c'était la nuit?
24 Réponse: Les bombardements de l'OTAN, ils ont commencé à 8 heures du soir,
25 le 24 mars 1999.
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1 Question: Et savez-vous ce qu'il en était de l'immeuble d'habitation près
2 du marché de Suva Reka, qui se trouve à 500 mètres de votre maison et qui
3 a également été bombardé?
4 Réponse: Ma maison se trouve près du poste de police, près de la gare
5 routière. Vous parlez maintenant d'un endroit qui est dans une partie tout
6 à fait différente de la ville de Suva Reka.
7 M. Milosevic (interprétation): Mais Suva Reka est une petite ville.
8 J'imagine que, quand une bombe touche une partie d'une petite ville, toute
9 la ville est au courant, toute la ville le sait. Or vous affirmez que vous
10 n'en savez rien. Dites-nous si vous ne savez pas, comme cela nous pourrons
11 continuer.
12 M. Berisha (interprétation): Il n'est pas nécessaire que je réponde à
13 ceci. Ce n'est pas une question que vous posez, c'est un commentaire.
14 M. le Président (interprétation): Quand est-il affirmé qu'il y a eu une
15 bombe qui est tombée sur ce quartier ou sur cet immeuble près du marché?
16 Quelle était la date, Monsieur Milosevic?
17 M. Milosevic (interprétation): Au tout début des bombardements; je n'ai
18 pas la date exacte. Le téléphone ne fonctionnait pas hier après-midi,
19 alors je n'ai pas pu vérifier.
20 M. le Président (interprétation): Fort bien. Passons à autre chose, si
21 vous voulez bien.
22 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant d'attaques de l'UCK
23 avant le début de l'agression dans des villages autour de Suva Reka,
24 Recani 3 kilomètres, Musatiste 6 kilomètres, Budakovo, Vranic 7
25 kilomètres. Donc tous ces villages autour de Suva Reka où des attaques de
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1 l'UCK ont eu lieu? Savez-vous quoi que ce soit au sujet de ces attaques?
2 M. Berisha (interprétation): Non.
3 M. Milosevic (interprétation): Mais quant aux fouilles des maisons pour
4 trouver des armes après ces attaques-là, vous êtes au courant. Et vous
5 êtes au courant uniquement de cela, si j'ai bien compris?
6 M. le Président (interprétation): Là, c'est un commentaire de votre part,
7 Monsieur Milosevic. Vous pourrez le formuler en temps utile.
8 Inutile de répondre à cette question, Monsieur le Témoin.
9 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
10 Maintenant, je me concentrerai sur la période que vous avez passée
11 effectivement à Suva Reka, du 23 août 1998 jusqu'au début de l'agression,
12 le 24 mars. Savez-vous que quinze civils albanais ont été tués par l'UCK?
13 M. Berisha (interprétation): Je ne suis pas du tout au courant de
14 l'incident dont vous parlez.
15 Question: Et cela a eu lieu sur votre territoire, à Suva Reka.
16 Réponse: A cette époque, j'allais de chez moi à mon travail et je rentrais
17 chez moi pendant tout ce temps. Je ne suis jamais allé en dehors de la
18 ville ni aux abords de la ville. Je vous l'ai dit dès le début, jamais je
19 n'ai vu de soldats de l'UCK, jamais je n'ai vu d'activité menée par l'UCK
20 qui se serait produite dans les villages. Je ne suis pas au courant parce
21 que moi, je ne me suis pas rendu personnellement dans ces villages.
22 Question: Savez-vous qu'à la fin du mois de mai 1998 et jusqu'à la fin du
23 mois de juin 1998, savez-vous que les médecins albanais qui travaillaient
24 à Belgrade ont tous quitté Belgrade, en masse?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Et vous n'en avez même pas entendu parler?
2 Réponse: Non.
3 Question: Moi, on m'a dit qu'il existait même une lettre de votre
4 directeur de clinique qui dit que tous les médecins albanais ensemble ont
5 quitté la clinique et sont partis au Kosovo. C'était donc au mois de mai
6 et au mois de juin 1998.
7 Réponse: Apparemment, vous n'avez pas bien été informé.
8 Question: Vous avez dit qu'un certain nombre d'Albanais ont fait leur
9 spécialisation avec vous à la clinique. Est-ce que, au moment où vous êtes
10 parti à Suva Reka, ils sont restés pour travailler dans cette clinique?
11 Réponse: Je suis resté pendant tout le mois de juin jusqu'au moment où
12 j'ai dû me préparer et me présenter à l'examen pour obtenir mon diplôme,
13 ce que j'ai fait le 25 juin, et une semaine après mai, Flora Belegu a
14 aussi été diplômé.
15 Question: Et quant aux autres, est-ce qu'ils sont restés à la clinique
16 après vous?
17 Réponse: Au mois de juin, les cours se sont terminés, l'année
18 universitaire se terminait, ce qui veut dire que la plupart des étudiants
19 sont partis, sont rentrés chez eux en vacances.
20 Question: Très bien. Vous souvenez-vous du mois de mars, avant l'agression
21 de l'OTAN, au moment où l'UCK a proclamé la mobilisation?
22 Réponse: Non.
23 M. Milosevic (interprétation): Merci. Et savez-vous qu'un monastère à
24 Musatiste, un monastère serbe du XIII siècle existe à Musatiste?
25 M. Berisha (interprétation): J'ai entendu dire qu'il y avait un monastère
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1 serbe à Musatiste, dans ce village, mais je ne pense pas qu'il soit du
2 XIII siècle.
3 M. le Président (interprétation): Peu importe.
4 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous qu'il a été incendié?
5 M. Berisha (interprétation): Non.
6 Question: Très bien. Et savez-vous combien de personnes ont été tuées dans
7 les environs de Suva Reka? Peut-être que vous l'avez appris par la suite,
8 au moment où vous êtes rentré. Savez-vous combien de personnes ont été
9 tuées jusqu'en juin 1999?
10 Réponse: Je suis rentré d'Albanie le 28 juin 1999. J'ai trouvé Suva Reka
11 dans un état de destruction, de ruine. Dans la ville de Suva Reka, à peu
12 près 50% des maisons étaient réduites en cendres, 49 des villages
13 entourant Suva Reka avaient été incendiés, chacune des maisons était
14 réduite en cendres. Et j'ai entendu dire que, pendant la guerre, Suva Reka
15 avait perdu 500 de ses habitants.
16 Question: Et savez-vous combien de personnes ont été tuées par l'UCK dans
17 cette région, étant donné que vous savez que de nombreuses personnes y ont
18 été tuées? Savez-vous que, d'après les documents dont on dispose, il
19 semblerait que 72 personnes aient été tuées par l'UCK, dont 19 Albanais?
20 Etes-vous au courant de cela?
21 Réponse: Non, je ne sais pas.
22 Question: Bien. Alors, je ne vais plus vous poser aucune question en
23 rapport avec les crimes de l'UCK car, manifestement, vous n'êtes au
24 courant d'aucun de ces crimes. Surtout pour ce qui est des bombardements.
25 40% des bombardements ont touché le Kosovo, le Kosovo représente 10% du
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1 territoire, donc le bombardement a été quatre fois plus intense sur le
2 Kosovo, et vous vous n'avez rien vu. Cela, nous avons pu le constater.
3 Vous êtes-vous rendu à Prizren après les bombardements?
4 M. le Président (interprétation): N'en a-t-il pas parlé hier?
5 Aidez-nous sur ce point, Monsieur Berisha: avez-vous été le témoin de
6 bombardements à Prizren?
7 M. Berisha (interprétation): Bombardements de l'OTAN, vous voulez dire,
8 Monsieur le Président?
9 M. le Président (interprétation): Oui.
10 M. Berisha (interprétation): Non.
11 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit qu'avant la guerre, la
12 population de Suva Reka avait dû subir des mauvais traitements et que les
13 gens sortaient rarement dans la rue. Après cela, vous nous avez expliqué
14 que des policiers avait confisqué la voiture de votre ami Faton, mais,
15 selon vous, il l'avait prise pour quelques jours.
16 Est-ce qu'ils lui ont rendu sa voiture? Et si oui, après combien de jours?
17 M. Berisha (interprétation): Faton n'était pas un ami, c'était un cousin
18 proche. Il a été tué le 26 par les policiers serbes. Il n'a pas eu la
19 chance de récupérer sa voiture. La voiture, elle est restée au poste de
20 police de Suva Reka. Quand je suis parti en Albanie, j'ai vu la voiture à
21 cet endroit. Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite.
22 Question: Vous avez dit que vous alliez en ville tous les jours.
23 Réponse: J'allais travailler tous les jours.
24 Question: Et est-ce que vous, vous avez subi des mauvais traitements au
25 moment où vous vous rendiez en ville tous les jours?
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1 Réponse: Je me rendais au travail tous les jours et j'avais très peur,
2 mais je n'ai pas été maltraité. Je vous ai déjà parlé des sévices que j'ai
3 subis le 26 ou le 27 juin, au moment où je suis rentré de Belgrade. Le 26,
4 je me corrige.
5 Question: Et est-ce que votre cousin Faton, Fatoni était de la famille qui
6 avait la station-service "Fatani" à Pirane?
7 Réponse: Il s'appelait Faton et il n'avait pas de station-service; il
8 n'était le propriétaire d'aucune station-service. Il était au chômage.
9 Question: Si je vous pose la question, c'est parce que cette station-
10 service a été touchée par les bombardements de l'OTAN et a provoqué un
11 incendie dans le village.
12 Vous nous avez dit que, du poste de police, on tirait en direction de
13 votre maison. Mais vous nous avez dit que personne n'a été touché et qu'en
14 réalité, c'est un policier qui montrait jusqu'où il pouvait tirer, quelle
15 était la portée de ses tirs. Est-ce que vous avez vu si c'était le cas,
16 s'il souhaitait montrer la portée de son tir ou si peut-être quelqu'un
17 tirait pour une autre raison?
18 Réponse: Je n'ai pas dit qu'il avait tiré ou que quelqu'un aurait tiré sur
19 ma maison.
20 Question: Ou en direction des maisons à proximité de la vôtre: vous avez
21 dit qu'une balle avait touché un mur, qu'une balle avait traversé une
22 fenêtre?
23 Réponse: Oui, j'ai déclaré qu'au cours de l'été 1998, quelqu'un avait
24 ouvert le feu sur Ahmet Berisha qui était chez lui. La balle avait
25 traversé la fenêtre et s'était écrasée sur le mur arrière de sa chambre.
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1 Question: Vous avez dit que c'est un policier qui a tiré?
2 Réponse: Le lendemain, je me suis rendu sur place et j'ai vu
3 personnellement la trace de l'impact par où la balle était entrée et où
4 elle était arrivée. Et j'ai donc pu voir la trajectoire qui montrait que
5 la balle provenait du poste de police de Suva Reka.
6 Question: Et à quelle distance se trouve le poste de police de Suva Reka?
7 Réponse: D'où par rapport à quel point?
8 Question: Mais par rapport à cet endroit qui a été touché par la balle
9 dont vous venez de parler.
10 Réponse: A peu près cent mètres.
11 Question: Donc sur une ligne droite qui irait de ce point situé à cent
12 mètres jusqu'à cet endroit-là, on aurait pu tirer d'un quelconque endroit
13 se trouvant sur cette ligne depuis la même direction: est-ce que c'est
14 exact? Etant donné que vous, vous en avez conclu que les tirs venaient de
15 là, de façon extrêmement professionnelle.
16 Réponse: Je ne pense pas que ce soit là une question. C'est plutôt un
17 commentaire que fait l'accusé.
18 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous vu le policier en train de tirer
19 sur la maison de vos cousins?
20 M. Berisha (interprétation): Non. Cela s'est passé dans la soirée.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je pense que nous
22 avons épuisé ce sujet. Est-ce que nous pourrions passer à autre chose?
23 M. Milosevic (interprétation): Oui, moi aussi je suis du même avis. Nous
24 pouvons passer à autre chose.
25 Est-ce que quiconque, de façon générale, a essuyé des tirs ces jours-là,
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1 les jours qui ont précédé l'agression? Est-ce que l'on a tiré sur
2 quiconque? Est-ce que quiconque a été touché par une balle à Suva Reka? Du
3 côté de la police.
4 M. Berisha (interprétation): Oui, je m'en souviens bien, je me souviens
5 bien d'un incident qui s'est produit à Suva Reka. Au cours de l'été 1998,
6 ce jour-là, une dizaine de personnes ont été tuées dans le centre de Suva
7 Reka. D'abord, il y avait un ouvrier serbe qui a été tué, il travaillait
8 dans un magasin d'Etat au centre de Suva Reka. Personne ne sait qui l'a
9 tué. Je ne sais pas comment il s'appelait, mais je sais qu'il était du
10 village de Sopi. Puis la police a tué huit ou neuf civils dans les rues et
11 dans les maisons de cette partie du quartier de Suva Reka. Je me souviens
12 de cela.
13 Question: Et vous, vous avez vu cet incident?
14 Réponse: Non. Non, je ne l'ai pas vu de mes propres yeux parce qu'à
15 l'époque, je travaillais, j'étais au travail. Je travaillais au deuxième
16 étage de l'hôpital de Suva Reka, donc je voyais mes patients et je
17 travaillais avec des infirmières qui toutes étaient très effrayées au
18 moment où ce Serbe a été amené à l'hôpital. Et il y a eu beaucoup de
19 mouvement au rez-de-chaussée. Nous avons entendu des coups de feu tirés au
20 rez-de-chaussée de l'hôpital. On avait vraiment très peur. Nous avons
21 fermé la porte de notre service et nous avons attendu que les choses se
22 calment.
23 Question: Qui a tiré sur le rez-de-chaussée de la clinique?
24 Réponse: Je ne sais pas.
25 Question: Mais ne vous êtes-vous pas informé par la suite, une fois qu'il
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1 y a eu une accalmie comme vous dites? Est-ce que vous n'avez pas essayé de
2 savoir qui avait tiré sur le rez-de-chaussée de l'hôpital?
3 Réponse: Non.
4 Question: Est-ce qu'il ne se serait peut-être agi d'une attaque de l'UCK,
5 au moment où ce Serbe a été tué, et où ils ont tiré sur des policiers,
6 puisque vous nous parlez de l'été 1998?
7 Réponse: J'ai dit qu'il avait été tué par des gens dont on n'a jamais
8 découvert l'identité, c'était un civil. Les auteurs n'ont jamais été
9 découverts, et pour moi, cela me fait mal de voir des civils tués, quelle
10 que soit leur appartenance ethnique.
11 M. Milosevic (interprétation): La seule chose que vous ne regrettez pas,
12 si j'ai bien compris, c'est que l'on ait tué votre directeur, le directeur
13 du centre médical, M. Vuksanovic. Hier, vous avez dit que cela ne vous
14 faisait pas de peine, étant donné que c'était un homme mauvais.
15 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà parlé de cela, nous
16 n'allons pas y revenir.
17 Monsieur Milosevic, avez-vous d'autres questions à poser à ce témoin?
18 M. Milosevic (interprétation): Certainement.
19 M. le Président (interprétation): Je vous demanderai de bien vouloir
20 mettre un terme à ce contre-interrogatoire dans des délais assez brefs.
21 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je m'attends de vous à ce que
22 vous ayez un comportement objectif. Je suis habilité à procéder à un
23 contre-interrogatoire.
24 M. le Président (interprétation): Vous avez le droit de conduire votre
25 contre-interrogatoire, mais nous avons également pour devoir de veiller à
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1 ce que ce procès s'achève rapidement, et nous remplirons ce devoir.
2 Maintenant, vous avez le droit de présenter votre thèse au témoin, c'est
3 d'ailleurs votre devoir, mais nous remarquons qu'il y a pas mal de
4 répétitions dans les questions que vous posez, ainsi qu'un certain nombre
5 de commentaires, donc je vous demanderai de bien vouloir avoir l'amabilité
6 de régler ces questions le plus rapidement possible.
7 Terminons donc ce contre-interrogatoire.
8 M. Milosevic (interprétation): A la question qui consistait à vous
9 demander si vous avez entendu de la contre-propagande dirigée contre les
10 Albanais du Kosovo, question qui vous a été posée hier, vous avez répondu
11 que vous avez entendu Vojislav Seselj dire: "Nous chasserons tous les
12 Albanais du Kosovo de l'autre côté de Prokletije". Où Vojislav Seselj a-t-
13 il dit cela?
14 M. Berisha (interprétation): Non, je ne sais pas. Je ne me rappelle pas si
15 je l'ai entendu à la télévision, si je l'ai lu dans un journal ou si je
16 l'ai entendu dire par bouche de quelqu'un. Je ne me rappelle pas.
17 Question: Etes-vous sûr qu'il parlait des Albanais? Ne parlait-il pas
18 peut-être des terroristes de l'UCK, si jamais il a dit ce que vous avez
19 dit qu'il avait dit?
20 Réponse: J'ai dit que je n'en étais pas sûr.
21 M. Milosevic (interprétation): Vous rappelez-vous si un quelconque
22 fonctionnaire, représentant de l'Etat, ou autre représentant d'un organe
23 officiel de la Serbie ou de la Yougoslavie aurait dit quelque chose contre
24 les Albanais?
25 M. Berisha (interprétation): Je ne me souviens pas que quelqu'un ait dit
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1 cela, mais c'était une réalité, cela s'est produit. Nous, Albanais du
2 Kosovo, sommes plusieurs millions à avoir quitté le Kosovo, donc est-il si
3 important de savoir si quelqu'un a dit cela ou ne l'a pas dit? Chacun sait
4 qu'un million d'Albanais a quitté le Kosovo.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Berisha, si vous limitiez vos
6 réponses aux questions qui vous sont posées, ce serait préférable. Il
7 n'est pas nécessaire de formuler des commentaires.
8 M. Berisha (interprétation): D'accord.
9 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que le Président de
10 Macedoine, Gligorov, avait discuté de l'itinéraire à suivre pour chasser
11 les Albanais. Je n'ai pas très bien compris quelle était cette
12 explication. Je vous demande donc si, par ces mots, vous voulez laisser
13 entendre que les dirigeants de Serbie se sont entendus sur ce point avec
14 le Président de Macédoine, M. Gligorov?
15 Réponse: Oui, c'est ce qui s'est passé. Et cette déclaration de Gligorov,
16 je ne sais pas non plus si je l'ai entendue à la télévision, si quelqu'un
17 me l'a rapportée ou si je l'ai lue dans un journal; en tout cas, il y
18 était fait état d'un corridor que les Albanais du Kosovo étaient censés
19 emprunter pour quitter la Macédoine et se diriger vers l'Albanie.
20 Question: Avez-vous entendu parler d'un ordre donné par l'UCK aux Albanais
21 du Kosovo leur disant de quitter le Kosovo?
22 Réponse: Non, c'est ridicule.
23 Question: Avez-vous appris que les seules colonnes d'Albanais du Kosovo
24 bombardées par l'OTAN étaient celles qui revenaient? Pas une seule colonne
25 composée d'Albanais du Kosovo quittant le Kosovo n'a été bombardée. Avez-
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1 vous entendu cela?
2 Réponse: Je ne parlerai pas de ce que j'ai entendu dire, je parlerai de ce
3 que j'ai vu de mes yeux. Le jour où je suis parti en direction de
4 l'Albanie, tout le monde allait dans la même direction. Personne ne
5 revenait en sens contraire.
6 Question: Vous rappelez-vous de ce mot d'ordre de l'UCK: "Partons le plus
7 vite possible de façon à revenir le plus vite possible!"?
8 Réponse: Non.
9 Question: Vous rappelez-vous de ces tracts rédigés en langue albanaise et
10 disant aux Albanais qu'il fallait quitter le Kosovo?
11 Réponse: Non.
12 Question: Vous n'avez jamais vu un seul tract de ce genre?
13 Réponse: Non. Ce que vous êtes en train de dire est ridicule.
14 Question: J'espère que M. May va bien vouloir demander au témoin de ne
15 plus faire de commentaire.
16 Monsieur Berisha, vous avez dit hier qu'après la création de la commission
17 de vérification de l'OSCE, la situation a radicalement changé au Kosovo.
18 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit.
19 Question: Cette mission a travaillé six mois.
20 Réponse: Cette mission a travaillé à peu près six mois. Je ne sais pas
21 exactement combien, mais c'était à peu près six mois.
22 Question: La précision à cet égard n'est pas indispensable. D'ailleurs,
23 considérez-vous que la situation a été totalement normalisée à ce moment-
24 là à Suva Reka?
25 Réponse: Elle est presque revenue à la normale.
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1 M. Milosevic (interprétation): Considérez-vous que la conclusion suivante
2 est justifiée? Il s'agit d'une constatation qui a été faite à l'époque.
3 Selon cette constatation -je cite-: "Dans toute la région de Prizren à
4 Pec...". Autrement dit, toute cette zone frontalière avec l'Albanie.
5 Mais je continue la lecture de cette constatation, je cite: "Dans toute la
6 région de Prizren à Pec, ont lieu des enlèvements et des assassinats
7 d'Albanais loyaux à la République fédérale yougoslave, sur ordre des
8 structures de commandement de l'UCK".
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je crois que vous
10 avez déjà présenté cet argument de façon très détaillée. Nous avons
11 entendu ce qu'a dit le témoin qui se contente de dire qu'il ne sait rien à
12 ce sujet. Il n'y a donc rien à gagner en répétant des questions qui ont
13 déjà été posées à de nombreuses reprises sous des formes différentes.
14 Alors, y a-t-il d'autres questions sur un sujet différent que vous
15 souhaiteriez poser au témoin?
16 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, vous ne me permettez même pas
17 de terminer mes questions. Car j'ai demandé au témoin si les choses ont
18 changé radicalement après l'arrivée de la mission de vérification; le
19 témoin a répondu oui. Et, à l'instant, je lui cite un passage d'une
20 constatation faite par cette mission de vérification, constatation faite
21 entre le 5 et le 12 mai, donc constatation officielle de l'OSCE selon
22 laquelle, dans cette époque où le témoin considère que tout était normal,
23 la mission de vérification parle d'enlèvements et d'assassinats d'Albanais
24 loyaux à la RFY, sur commandement des structures de direction de l'UCK. Je
25 cite ce passage au témoin, passage d'une constatation faite par l'OSCE et
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1 qui concerne une période pour laquelle le témoin vient de dire que les
2 choses étaient normales alors que la mission de vérification...
3 (L'interprète précise que le son a été coupé.)
4 M. le Président (interprétation): Très bien, Monsieur Milosevic, vous avez
5 lu ce passage du texte.
6 Monsieur le Témoin, vous avez entendu ce passage qui est en rapport direct
7 avec la période dont vous avez vous-même parlé dans vos réponses. Etes-
8 vous d'accord ou pas avec ce que dit la mission de vérification de l'OSCE
9 dans cet extrait?
10 M. Berisha (interprétation): S'agissant de la situation de Suva Reka, je
11 ne peux pas répondre, car j'ai dit que je ne m'étais pas rendu dans les
12 villages, pas plus d'ailleurs que dans les villes mentionnées par
13 l'accusé. Je ne peux parler que de la situation qui régnait à Suva Reka. A
14 cette époque, les gens sortaient plus librement pour se promener en ville,
15 certains cafés étaient ouverts, donc la situation est devenue plus
16 détendue, de façon générale.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pouvez demander
18 le versement au dossier de ce rapport des observateurs de l'OSCE, en temps
19 utile. Nous le prendrons en considération. Mais il ne me paraît pas très
20 utile de poursuivre dans cet ordre de questions avec ce témoin, suite à la
21 réponse qui vient d'être apportée à votre question.
22 A moins que vous ayez d'autres questions, nous pouvons donc en terminer.
23 M. Milosevic (interprétation): J'ai d'autres questions, mais, sur votre
24 insistance, j'en sauterai quelques-unes.
25 Monsieur Berisha, pendant cette période où, selon vous, la situation était
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1 presque normale, vous ne faites pas les mêmes constatations que celles qui
2 ont été faites par la mission de vérification de l'OSCE. En revanche, vous
3 dites que, lorsque cette mission s'est retirée, la situation s'est
4 considérablement aggravée, considérablement dégradée, n'est-ce pas?
5 M. Berisha (interprétation): Oui, c'est ce que j'ai dit. Une fois que les
6 observateurs internationaux sont partis, la situation s'est aggravée et
7 elle est revenue en fait à ce qu'elle était dans la ville que j'habitais
8 au cours de l'été 1998.
9 Question: Considérez-vous que le retrait soudain, brutal de cette mission
10 d'observation de l'OSCE a eu un effet négatif sur la situation au Kosovo-
11 Metohija?
12 Réponse: Je n'ai pas compris cette question.
13 Question: Vous avez dit que la situation était normale lorsque la mission
14 de vérification était présente et que, suite à son retrait brutal, la
15 situation s'était aggravée. Je vous demande donc si vous considérez que le
16 retrait de cette mission de vérification a été un facteur qui a joué un
17 rôle négatif sur la situation régnant à Suva Reka, ville où vous habitiez,
18 pour ne pas parler de l'ensemble du Kosovo-Metohija?
19 Réponse: Le simple fait que la situation s'est développée, comme elle l'a
20 fait, montre que le départ des observateurs internationaux a conduit à une
21 dégradation de la situation.
22 Question: Monsieur le Président, je vais sauter un certain nombre de
23 questions que je souhaitais poser, en rapport avec des événements
24 concrets, mais il y en a tout de même quelques-unes que je dois poser.
25 Monsieur le Témoin, vous savez qu'au début de l'agression, l'ordre a été
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1 donné par le Conseil exécutif provisoire du Kosovo-Metohija, l'ordre a
2 donc été donné à tous les centres de santé de créer deux équipes médicales
3 chargées d'aider les réfugiés, ainsi que les blessés dus aux
4 bombardements.
5 Qu'avez-vous fait dans votre centre de santé? Avez-vous formé ces deux
6 équipes?
7 Réponse: Je n'ai pas connaissance des équipes médicales dont vous venez de
8 parler. Moi, j'étais gynécologue et je faisais mon travail de mon côté.
9 Question: Mais en tant que gynécologue, avez-vous été affecté à une
10 quelconque équipe médicale chargée d'aider les réfugiés ainsi que les
11 personnes victimes des bombardements?
12 Réponse: Vous parlez des bombardements de l'OTAN?
13 Question: Oui, oui, je parle de toute la guerre.
14 Réponse: Deux jours avant le début des bombardements de l'OTAN, comme je
15 l'ai dit, je n'ai pas pu aller au travail, car j'étais physiquement en
16 danger.
17 Question: Combien y avait-il de médecins albanais à Suva Reka, en dehors
18 de vous?
19 Réponse: Je ne saurais vous donner le chiffre exact, mais il y avait entre
20 22 et 25 médecins travaillant au centre médical de Suva Reka.
21 Question: Eux aussi, ont-ils eu peur ou bien ont-ils été affectés à ces
22 équipes médicales dont nous parlons?
23 Réponse: Je n'ai aucune connaissance de la création de ces équipes
24 médicales. C'est la première fois que j'entends parler de cela.
25 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous connaissance, dans ce cas, du
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1 fait que des maisons serbes ont été incendiées dans la municipalité de
2 Suva Reka?
3 M. Berisha (interprétation): Je suis revenu d'Albanie le 28 juin 1999,
4 c'est-à-dire trois semaines après la fin de la guerre, une fois que
5 l'accord a été conclu. La raison pour laquelle j'ai tardé un peu à
6 revenir, c'est que j'avais un enfant en bas âge...
7 M. le Président (interprétation): Ecoutez, ce sera beaucoup plus efficace
8 si vous répondez par oui ou par non.
9 Avez-vous connaissance du fait que des maisons serbes ont été incendiées,
10 Monsieur le Témoin?
11 M. Berisha (interprétation): Oui. Quand je suis revenu, j'ai vu quelques
12 maisons serbes brûler.
13 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous vu une maison serbe qui n'aurait
14 pas brûlé à Suva Reka? Y en a-t-il aujourd'hui?
15 M. Berisha (interprétation): Oui, il y en a beaucoup, beaucoup. Des
16 Albanais vivent actuellement dans ces maisons. Des Albanais dont les
17 maisons ont été incendiées, ainsi que des Albanais qui n'ont pas eu la
18 possibilité de rénover leur propre maison.
19 Question: Et les maisons qui n'ont pas été prises par la force par les
20 Albanais ont-elles été incendiées? Je parle des maisons serbes.
21 Réponse: Oui, j'ai dit que j'ai vu quelques maisons serbes de Suva Reka
22 incendiées. Mais dans la plupart de ces maisons, ainsi que dans la plupart
23 des maisons appartenant à l'Etat, habitent des Albanais aujourd'hui.
24 Question: Qu'en est-il des Serbes de Suva Reka?
25 Réponse: Je ne sais pas, je crois qu'ils sont en Serbie.
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1 Question: Y a-t-il encore un Serbe à Suva Reka aujourd'hui?
2 Réponse: Pas un seul. Non.
3 Question: Donc leurs maisons à eux ont été soit saisies par les Albanais,
4 soit incendiées. Il n'y a que ces deux versions, c'est bien ça?
5 Réponse: Je ne crois pas que le fait de dire qu'elles ont été saisies
6 suffise. Je dis que des Albanais y vivent aujourd'hui.
7 Question: Bien sûr, je ne pensais pas que vous alliez dire que la
8 situation était bonne. Je voulais simplement démontrer ce qui vient d'être
9 démontré, à savoir que les maisons saisies par la force sont habitées et
10 que les autres ont été incendiées, brûlées. Mais qu'en tout état de cause,
11 il ne reste plus un Serbe à Suva Reka.
12 Monsieur le Témoin, avez-vous la moindre idée du nombre de Serbes qui ont
13 été tués et kidnappés après le 10 juin, donc après votre retour à Suva
14 Reka?
15 Réponse: Je suis arrivé à Suva Reka le 28 juin, soit trois semaines après
16 la signature de l'accord. Je suis rentré très tard. Ce qui s'est passé au
17 cours de ces trois semaines, je suis incapable de le dire.
18 M. Milosevic (interprétation): Vous n'avez pas la moindre idée du nombre
19 de Serbes qui ont été tués et enlevés?
20 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit qu'il ne savait pas.
21 M. Milosevic (interprétation): Bien.
22 M. Nice (interprétation): Puis-je prendre la parole?
23 M. le Président (interprétation): Oui.
24 M. Nice (interprétation): Je réserve mes questions supplémentaires suite
25 au contre-interrogatoire pour plus tard, mais je vois que le temps passe
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1 et vous-même, Monsieur le Président, allez sans doute mettre un terme à ce
2 contre-interrogatoire, peut-être à la pause.
3 En tout cas, l'accusé, si je ne m'abuse, est habilité à contre-interroger
4 le témoin au sujet des questions centrales de ce procès. Et je tiens
5 compte du fait que la Chambre a appelé son attention sur le fait qu'il
6 pouvait le faire en application de l'Article 90. Ce serait donc très utile
7 s'il pouvait associer différentes questions importantes pour le procès et
8 contre-interroger le témoin sur ces questions, plutôt que sur des
9 questions qui sont d'un intérêt secondaire, et guère pertinentes.
10 M. le Président (interprétation): Nous allons voir ce que nous allons
11 décider.
12 (Les Juges se concertent sur le siège.)
13 Nous traiterons de façon générale de la question de savoir quel doit être
14 le champ du contre-interrogatoire lorsque nous aborderons le problème des
15 questions administratives. Il serait très utile aux Juges d'entendre
16 l'avis des amici curiae sur ce point, ainsi que, bien sûr, celui du
17 Procureur.
18 Nous remarquons toutefois que le contre-interrogatoire a porté très
19 longuement sur des questions qui très certainement ne sont pas capitales
20 par rapport à l'administration de la preuve. Donc pour le moment, nous
21 n'allons pas dire à l'accusé quelles sortes de questions il doit poser au
22 témoin; c'est à lui qu'il appartient d'en décider.
23 Mais néanmoins, Monsieur Milosevic, votre contre-interrogatoire dure déjà
24 depuis deux heures. Et si vous avez encore des questions à poser au
25 témoin, il conviendrait en particulier que vous l'interrogiez au sujet des
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1 événements dont le témoin a dit y avoir assisté, les avoir vus de ses
2 yeux, entre le 25 et le 26 mars.
3 M. Milosevic (interprétation): La différence entre nous se situe au niveau
4 de ce que nous considérons comme fondamental ou non.
5 En effet, au cours du présent procès, ce faux Procureur s'est efforcé de
6 démontrer que les Albanais avaient été lésés, qu'ils avaient vécu très
7 difficilement, etc., depuis 1989 jusqu'à l'agression de l'OTAN qui les
8 aurait sauvés. Ici, nous avons vu dans la déposition du témoin que tout
9 cela est inexact, qu'il est allé à l'école régulièrement, qu'il allait à
10 l'école avec tous les autres Albanais, qu'il a eu un emploi comme tout le
11 monde, qu'il est allé faire des études supérieures à Prizren, puis dans
12 d'autres villes, et finalement à Belgrade, qu'il est revenu chez lui pour
13 trouver un emploi, etc. Tout cela est censé composer des questions
14 secondaires.
15 Or la question que le Procureur considère comme centrale est en fait une
16 question secondaire et il essaie de l'imposer au titre de question
17 centrale. C'est ce que j'ai dit dans mon propos liminaire.
18 L'agression insensée de 78 jours, etc., le comportement et les activités
19 de l'UCK sont imposées par le Procureur au témoin comme étant des
20 questions sans importance. Et ceci est inacceptable.
21 M. le Président (interprétation): Oui, oui. Mais je vous arrête, je vous
22 coupe. Nous avons entendu cela à de nombreuses reprises. En ce moment,
23 nous en sommes au contre-interrogatoire de ce témoin. Il vous reste dix
24 minutes. Avez-vous d'autres questions à poser au témoin durant ces dix
25 minutes?
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1 M. Milosevic (interprétation): Je poserai des questions au témoin tant que
2 j'en aurai la possibilité. Simplement, je ne comprends pas pourquoi vous
3 me limitez.
4 Il est difficile en un instant de faire la sélection, mais je vois que je
5 suis dans une situation unique dans le monde, à savoir que, tout illégal
6 qu'il soit, un Tribunal laisse de côté la question importante des
7 terroristes.
8 M. le Président (interprétation): Oui, oui, veuillez poursuivre.
9 M. Milosevic (interprétation): Voici quelle sera ma première question.
10 Monsieur le Témoin, vous avez dit que les policiers patrouillaient à
11 plusieurs ce jour-là, qu'ils allaient de maison en maison, brisaient les
12 portes pour pénétrer dans ces maisons, etc.
13 M. Berisha (interprétation): De quel jour parlez-vous?
14 Question: Je parle du jour critique dont vous avez déjà parlé, le jour où
15 ils ont enfoncé la porte de votre maison et la veille également.
16 Réponse: Oui. Et quelle était la question?
17 M. Milosevic (interprétation): La question était la suivante: vous avez
18 entendu des coups de feu dans la maison dans laquelle un certain nombre de
19 personnes ont trouvé la mort, mais vous n'avez rien vu de ce qui s'est
20 passé dans cette maison. C'est cela ou pas?
21 M. Berisha (interprétation): Il me semble que l'accusé ne s'est pas
22 concentré sur ce que j'ai dit, il ne s'est pas intéressé à entendre ce que
23 j'ai dit avoir vu...
24 M. le Président (interprétation): Monsieur Berisha, nous irons plus vite
25 si vous répondez. Vous avez entendu la question; voudriez-vous y répondre
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1 simplement, je vous prie?
2 M. Berisha (interprétation): Les événements qui se sont déroulés, se sont
3 déroulés dans la cour et pas à l'intérieur de la maison. Je les ai vus à
4 une distance de dix mètres. J'ai vu des policiers serbes tuer des civils,
5 des civils innocents et désarmés.
6 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que les coups de feu avaient
7 été tirés à l'intérieur de la maison et que c'est là que les policiers
8 avaient tiré. J'ai écouté très attentivement ce que vous avez dit en
9 dehors de ce que vous avez relaté au sujet de ce qui s'est passé dans la
10 cour.
11 Réponse: J'ai aussi entendu des coups de feu tirés à l'intérieur de la
12 maison, dans chacune des pièces et, très rapidement, la maison a été
13 enveloppée par les flammes et la fumée.
14 Question: Etes-vous sûr que personne n'a tiré sur les policiers quand ils
15 ont pénétré dans la maison?
16 Réponse: J'en suis tout à fait sûr.
17 Question: N'y avait-il aucune arme dans cette maison?
18 Réponse: Je crois qu'il n'y avait pas d'armes, mais les policiers qui sont
19 arrivés ne sont pas venus chercher des armes; ils sont venus pour tuer des
20 Albanais, des civils, hommes, femmes, enfants et même femmes enceintes. La
21 seule raison de leur venue, c'était que les habitants de cette maison
22 étaient albanais.
23 Question: Vous êtes albanais aussi?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Ils ne vous ont pas tué?
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1 Réponse: Heureusement, non.
2 Question: Par conséquent, sur quoi vous fondez-vous pour tirer la
3 conclusion qu'ils sont venus à la seule fin de tuer des Albanais alors que
4 vous, albanais, ils ne vous ont pas tué?
5 Réponse: Ils sont allés dans la maison des autres personnes et pas dans ma
6 maison. Et ma famille n'a pas péri.
7 Question: Ils sont venus dans votre maison également?
8 Réponse: Ils sont venus dans ma maison, mais ce n'étaient pas les mêmes
9 policiers. C'était un autre groupe et c'était le lendemain. Ils sont venus
10 avec une autre tâche: la tâche qui leur avait été confiée consistait à
11 mettre le feu à ma maison.
12 Question: Existe-t-il aujourd'hui au Kosovo une seule famille albanaise
13 qui ne possède aucune arme?
14 Réponse: Je ne sais pas si les familles albanaises possèdent des armes ou
15 pas. J'affirme ne pas posséder d'armes dans ma maison. Je n'en ai pas
16 possédé avant la guerre et je n'en ai jamais possédé. J'ai toujours
17 considéré les armes comme des piles de fer menant au désastre.
18 Question: Parlons un peu de vous.
19 Vous avez dit qu'ils pénétraient dans les maisons, qu'ils détruisaient
20 tout, qu'ils mettaient le feu, et ensuite, vous avez dit que vous avez
21 ouvert la porte. Donc, chez vous, ils n'ont pas enfoncé la porte; c'est
22 vous qui l'avez ouverte. Oui ou non?
23 Réponse: Oui, c'est moi-même qui ai ouvert la porte et elle n'a pas été
24 défoncée par les policiers.
25 Question: Vous avez dit que vous leur avez demandé de se comporter
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1 correctement et qu'après cette mise en garde, ils se sont effectivement
2 comportés correctement, ou de façon plus correcte, comme vous avez dit.
3 Réponse: Mais qu'entend-on par comportement correct puisqu'ils nous ont
4 demandé 1.000 DM pour sauver notre vie, pour sauver la vie de la famille
5 et qu'ensuite, ils ont incendié la maison?
6 Question: Je ne fais que constater et reprendre ce que vous avez dit. Et
7 c'est précisément ce que vous avez dit.
8 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit. Après le dialogue avec le policier,
9 ils ont eu l'air de se calmer quelque peu.
10 Question: Et c'est à ce moment-là qu'ils vous ont demandé tout l'argent.
11 J'ai d'ailleurs noté cela: ils vous ont demandé tout l'argent. Vous avez
12 dit que vous n'alliez rien leur donner de plus, parce qu'ils allaient
13 faire ce qu'ils avaient l'intention de faire. Après quoi, ils vous ont
14 laissé tranquille.
15 Réponse: Oui, c'est exact.
16 Question: Donc ils vous ont laissé tranquille même si vous ne leur avez
17 pas donné tout l'argent, et vous les avez mis en garde, vous leur avez
18 demandé de se comporter de façon correcte.
19 Et maintenant, j'aimerais passer à une autre question, une question
20 essentielle. Vous avez dit que la décision la plus grave de votre vie a
21 été la décision de partir en Albanie. Et je laisse de côté les quatre
22 jours que vous avez passés à Prizren. A ce moment-là, vous deviez choisir
23 entre deux choses, car il était manifeste que là, la question essentielle
24 est de montrer que soi-disant le Gouvernement serbe a expulsé les Albanais
25 du Kosovo. Est-ce que c'est vous qui avez pris la décision d'aller au
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1 Kosovo, ou est-ce que c'est le Gouvernement serbe qui vous a expulsé vers
2 l'Albanie? Car les deux ensemble sont impossibles.
3 Réponse: Je crois m'être bien expliqué hier et je crois avoir bien
4 expliqué pourquoi je suis allé en Albanie. Et je le redis ici: c'est la
5 décision la plus difficile que j'aie prise au cours de ma vie, mais rester
6 au Kosovo, c'était dangereux pour les Albanais à l'époque. Je croyais que
7 si j'allais en Albanie, je pourrais sauver ma vie et la vie de ma famille.
8 Et quand tout serait terminé, je rentrerai.
9 M. Milosevic (interprétation): Je ne souhaite pas entrer dans les motifs
10 qui vous ont poussés à le faire, mais j'affirme uniquement que vous avez
11 décidé de partir en Albanie et que vous n'avez pas été expulsé par le
12 Gouvernement serbe, étant donné que vous avez pris cette décision, comme
13 vous nous l'avez dit, et j'imagine que vous avez dit la vérité.
14 Une autre raison que vous avez citée est que vous partiez pour qu'ils ne
15 découvrent pas que vous aviez été témoin oculaire d'un certain nombre de
16 leurs méfaits, comme vous nous l'avez expliqué ici. Et la police qui vous
17 a laissé partir de Suva Reka, j'imagine, savait sans aucun doute que vous
18 y étiez également la veille. Par conséquent, je ne vois pas où est la
19 logique dans cette explication, car s'ils savaient que vous aviez été
20 témoin oculaire...
21 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît!
22 La question, j'imagine, était de savoir pourquoi la police vous a laissé
23 partir la veille si vous pensiez qu'ils avaient peut-être décidé de vous
24 tuer, s'ils découvraient que vous étiez un témoin oculaire, ou s'ils
25 souhaitaient vous faire du tort. Est-ce que vous pouvez répondre à cette
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1 question ou non?
2 M. Berisha (interprétation): La police m'a laissée partir après m'avoir
3 pris 1.000 DM.
4 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que c'est là votre réponse à la
5 question?
6 M. le Président (interprétation): Oui, c'est sa réponse.
7 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
8 M. le Président (interprétation): Si les interprètes nous le permettent,
9 nous allons encore travailler cinq minutes avant de faire une pause.
10 Monsieur Milosevic, il vous reste cinq minutes.
11 M. Milosevic (interprétation): Merci. Mais c'est extrêmement difficile de
12 faire une sélection.
13 Donc vous ne leur avez pas donné tout l'argent qu'ils voulaient, mais ils
14 vous ont tout de même laissé partir. Vous étiez témoin oculaire et, tout
15 de même, ils vous ont laissé partir. Alors, que peut-on en conclure? Est-
16 ce qu'ils souhaitaient vous tuer ou est-ce qu'ils souhaitaient vous
17 laisser partir?
18 M. Berisha (interprétation): Je ne sais pas, il faudrait leur poser la
19 question.
20 M. Milosevic (interprétation): Vous n'êtes pas en mesure de répondre à
21 cette question?
22 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas à lui de répondre à cette
23 question, c'est eux qui devraient y répondre.
24 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Donc vous affirmez que les
25 Albanais ne fuyaient pas les bombardements, qu'ils ne fuyaient pas en
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1 raison du conflit sur le terrain entre l'armée et l'UCK, mais ils fuyaient
2 uniquement en raison de l'expulsion de la part de la police serbe et de
3 l'armée yougoslave. C'est en gros ce que vous affirmez?
4 M. Berisha (interprétation): Je crois que les résidents de la ville de
5 Suva Reka sont partis en raison des 50 victimes qui ont trouvé la mort à
6 Suva Reka ce jour-là, et en raison des victimes qui ont trouvé la mort
7 dans le village de Trenje où des hommes et des femmes non-armés ont été
8 tués. C'était un message à l'intention de la population lui disant de
9 partir parce qu'elle était en danger.
10 Question: La population a reçu ce message-là en raison d'opération de
11 combats. Est-ce que vous pensez que les opérations de combat sur le
12 territoire de Suva Reka envoyaient également un message à la population
13 pour qu'elle se mette à l'abri de ces opérations de combat?
14 Réponse: Ils auraient pu trouver refuge dans leurs maisons et ne pas
15 quitter le Kosovo à ce moment-là.
16 Question: Et si à proximité de leur maison, des conflits faisaient rage,
17 des affrontements entre la police, l'armée et l'UCK, est-ce qu'ils
18 auraient pu également à ce moment-là trouver refuge dans leur propre
19 maison, et ne pas être touchés dans le cadre de ces combats?
20 Réponse: Je ne sais pas, je ne vivais pas dans de tels endroits. Il n'y a
21 jamais eu de combat près de ma maison à Suva Reka.
22 Question: Et maintenant, pour ce qui est des combats entre l'armée et
23 l'UCK ou entre la police et l'UCK, vous ajoutez..., si vous ajoutez
24 également le bombardement de l'OTAN, si l'on prend tout cela ensemble,
25 est-ce que c'était également un message à l'intention de la population? Et
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1 est-ce que cela l'a poussée à partir pour fuir le danger auquel elle était
2 exposée?
3 Réponse: Non, la population craignait uniquement la police et l'armée
4 serbes. C'est la raison qui les a forcés à quitter le Kosovo.
5 Question: Par conséquent, le bombardement n'a joué aucun rôle? Ils
6 n'avaient pas peur des bombardements?
7 Réponse: Ils ne craignaient pas les bombardements de l'OTAN. Comme je vous
8 l'ai dit, pour nous, les bombardements de l'OTAN étaient une bonne chose
9 et nous étions extrêmement heureux que l'OTAN fasse ces bombardements.
10 Nous étions convaincus que les bombes de l'OTAN au Kosovo nous
11 apporteraient la liberté.
12 M. Milosevic (interprétation): Et avez-vous vu le nombre de cadavres
13 albanais qui ont été sortis des décombres à Pristina, à Prizren et dans
14 d'autres villes qui ont été bombardés par l'OTAN?
15 M. le Président (interprétation): Le témoin a déjà parlé de ces questions.
16 Ce qui, Monsieur Milosevic, nous amène au terme du contre-interrogatoire.
17 Il est déjà 11 heures et quart. Les Juges en ont décidé ainsi.
18 Nous allons maintenant suspendre l'audience jusqu'à midi moins le quart.
19 M. Milosevic (interprétation): J'aurais encore une question, une seule
20 question, Monsieur May.
21 M. le Président (interprétation): Alors, encore une question.
22 M. Milosevic (interprétation): Quand, où et à qui avez-vous donné des
23 déclarations sur ce qui s'est passé? Et je songe aux organes de cette
24 institution. Quand et où et à qui avez-vous fait ces déclarations?
25 M. Berisha (interprétation): …
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1 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous vous en souvenez
2 maintenant?
3 M. Berisha (interprétation): Oui, je m'en souviens bien. J'ai donné ma
4 première déclaration pendant que j'étais réfugié en Albanie et ma deuxième
5 déclaration, il y a un an de cela environ, à Suva Reka.
6 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre l'audience.
7 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, j'aurais besoin de
8 quelques minutes uniquement pour un contre-interrogatoire de ce témoin.
9 Peut-être qu'il est possible de le faire après la suspension d'audience?
10 M. le Président (interprétation): Oui.
11 (L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 45.)
12 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Tapuskovic?
13 (Questions au témoin, M. Agron Berisha, par l'amicus curiae, M.
14 Tapuskovic.)
15 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
16 J'aurais aimé vous demander l'autorisation de demander une très brève
17 explication.
18 Vous avez pu constater que jusqu'ici, plusieurs fois, nous avons réagi en
19 posant des questions dans le cadre du contre-interrogatoire.
20 Pour ma part, c'est la façon dont j'ai procédé pour une raison. Vous
21 savez, je pense, que Slobodan Milosevic refuse d'accepter quoi que ce soit
22 de la part du Tribunal, et notamment les déclarations préalables faites
23 par les témoins qui sont interrogés. Déclarations préalables qui ont été
24 données aux enquêteurs du Bureau du Procureur.
25 C'est la raison pour laquelle jusqu'ici nous nous sommes limités à des
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1 questions essentielles, liées à des données qui ne sont absolument pas
2 connues de Slobodan Milosevic, données qui figurent dans les déclarations
3 préalables des témoins. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai
4 de pouvoir poser quelques questions en rapport avec une question qui me
5 semble essentielle, en rapport avec la déposition de ce témoin.
6 Voilà de quoi il s'agit. Monsieur Berisha, hier, dans votre déposition,
7 vous avez confirmé que d'une distance pas trop éloignée, vous avez vu
8 comment quatre personnes avaient été tuées: Faton, Nexhat, Sedat et Bujar.
9 Est-ce que c'est exact?
10 M. Berisha (interprétation): J'ai dit que, d'une faible distance, j'ai vu
11 deux personnes qui ont été tuées: Bujar et Sedat Berisha. Dans les minutes
12 qui ont suivi, j'ai vu, de la partie avant de ma maison, depuis l'avant de
13 ma maison, que dans la cour qui se trouvait derrière l'autre maison j'ai
14 vu quatre cadavres que j'ai pu reconnaître: Fatime, Hava Berisha, Nexhat
15 Berisha et Faton Berisha. Voilà ce que j'ai dit hier.
16 Question: Oui, c'est effectivement ce que j'avais cru comprendre
17 également, mais est-ce que, le 21 avril 1999, au moment où vous avez donné
18 une déclaration aux enquêteurs, à Tirana, en Albanie, est-ce qu'à ce
19 moment-là, vous avez dit la chose suivante: que d'une distance de dix
20 mètres, vous étiez en train de regarder et vous avez vu que, de ces deux
21 maisons-là, on a demandé à quatre hommes de se mettre en rang, Faton,
22 Nexhat, Sedat et Bujar, et qu'ensuite on les a abattus, qu'on les a
23 exécutés?
24 Réponse: Je ne me souviens pas d'avoir dit cela en Albanie. Si c'est ce
25 qui est écrit, je pense que c'est une erreur d'interprétation. La vérité,
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1 c'est ce que je dis maintenant, à savoir que j'ai vu deux hommes être
2 tués; après quoi, j'ai vu quatre autres cadavres de membres de ma famille
3 qu'il faut ajouter aux deux autres personnes que j'ai vu être tuées.
4 Question: Très bien. Avant de signer cette déclaration que vous avez
5 donnée au Bureau du Procureur, on vous a lu cette déclaration et, à ce
6 moment-là, vous n'avez pas eu d'objection?
7 Réponse: Oui, mais je suis sûr qu'il y a eu une erreur dans la traduction.
8 Même la fois où l'on m'a donné lecture de la déclaration.
9 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.
10 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres
11 questions à poser. J'aurais aimé insister sur le fait que toutes les
12 déclarations qui ont été recueillies de ce témoin ont été communiquées et
13 signifiées à l'accusé.
14 M. le Président (interprétation): Oui.
15 Monsieur Berisha, merci d'être venu déposer devant le Tribunal
16 international. Voilà qui met un terme à votre déposition. Vous pouvez vous
17 retirer.
18 M. Berisha (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
19 Juges.
20 (Le témoin, M. Agron Berisha, est reconduit hors du prétoire.)
21 M. Nice (interprétation): C'est M. Ryneveld qui interrogera le témoin
22 suivant.
23 M. Ryneveld (interprétation): L'accusation souhaite appeler le témoin
24 suivant: Ajmane Behrami.
25 Pendant que nous attendons ce témoin, j'aimerais répondre à la demande qui
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1 a été faite par la Chambre qui a souhaité que l'on mentionne les chefs
2 d'accusations concernés et les paragraphes concernés. J'ai à présent de
3 nouveaux exemplaires du résumé de la déclaration du témoin avec cette
4 mention.
5 Des fautes de frappe ont également été corrigées. Si vous me le permettez,
6 j'aurais aimé en distribuer des exemplaires aux Juges, aux amici curiae et
7 à l'accusé pour remplacer les exemplaires dont vous disposez actuellement.
8 Je pense qu'il serait préférable que vous consultiez la version que je
9 vais vous distribuer.
10 Avant que le témoin n'entre dans le prétoire, j'aimerais également
11 demander que la déclaration soit lue à cette personne, que quelqu'un lui
12 lise cette déclaration et qu'elle lui soit traduite plutôt que de demander
13 au témoin de lire cette déclaration solennelle, car, si j'ai bien compris,
14 ce témoin ne sait pas lire et écrire.
15 M. le Président (interprétation): Comment faire en sorte que cette
16 déclaration lui soit lue?
17 M. Ryneveld (interprétation): Je me demandais si peut-être... Enfin, nous
18 n'avons pas de personne qui parle albanais. Peut-être qu'on pourrait lui
19 en donner lecture en anglais et faire traduire cette déclaration.
20 M. le Président (interprétation): Oui, effectivement. Vous pouvez peut-
21 être en donner lecture en anglais et ensuite cette déclaration serait
22 traduite.
23 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je serais parfaitement heureux de le
24 faire. Je vais aller chercher cette déclaration.
25 M. le Président (interprétation): Faites entrer le témoin, s'il vous
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1 plaît.
2 (Le témoin, Mme Ajmane Behrami, est introduit dans le prétoire.)
3 M. le Président (interprétation): Le conseil de l'accusation va vous
4 donner lecture de la déclaration solennelle et je vous demanderai de
5 répéter cette déclaration au moment où vous entendrez la traduction dans
6 vos écouteurs.
7 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
8 Madame le Témoin, pourriez-vous répéter, s'il vous plaît, ce que je vais
9 dire? Je déclare solennellement...
10 Mme Behrami (interprétation): je déclare solennellement.
11 M. Ryneveld (interprétation): Que je dirai la vérité...
12 Mme Behrami (interprétation): Que je dirai la vérité.
13 M. Ryneveld (interprétation): Toute la vérité.
14 Mme Behrami (interprétation): Toute la vérité.
15 M. Ryneveld (interprétation): Et rien que la vérité.
16 Mme Behrami (interprétation): Et rien que la vérité.
17 M. le Président (interprétation): Merci. Je vous demanderai de vous
18 asseoir.
19 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Ajmane Behrami, par M.
20 Ryneveld.)
21 M. Ryneveld (interprétation): Madame, pourriez-vous décliner votre
22 identité à l'intention des Juges?
23 Mme Behrami (interprétation): Je m'appelle Ajmane Behrami.
24 Question: Je crois comprendre que vous êtes aujourd'hui âgé de 32 ans, que
25 vous êtes albanaise du Kosovo et que vous êtes musulmane et veuve. Est-ce
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1 exact?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Est-il exact que vous avez quatre enfants qui ont survécu?
4 Réponse: J'en avais cinq, je n'en ai plus que quatre.
5 Question: Nous reviendrons à ceci dans un instant, je vous remercie.
6 En mars 1999, est-il exact que vous habitiez dans le village d'Izbica?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Qui se trouve dans la municipalité de Srbica/Skenderaj?
9 Réponse: Oui.
10 Question: A l'époque, en mars 1999, est-ce que vous étiez mariée?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Et votre mari habitait-il chez vous?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Que lui est-il arrivé, à votre mari?
15 Réponse: Il est mort.
16 Question: Quand?
17 Réponse: En mai.
18 Question: Est-ce qu'il est arrivé quelque chose à votre village au mois de
19 mars 1999?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Est-ce que votre mari se trouvait chez vous au moment où cet
22 incident qui concernait votre village s'est produit?
23 Réponse: Non.
24 Question: Où se trouvait-il?
25 Réponse: Il était dans la montagne.
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1 Question: Et savez-vous ce qu'il y faisait?
2 Réponse: Non, je ne sais pas.
3 Question: Est-ce qu'il y avait quelqu'un d'autre dans la montagne à
4 l'époque, à votre connaissance?
5 Réponse: Oui, mais je ne sais pas parce que j'étais chez moi.
6 Question: Nous reviendrons à cela dans un instant également. Est-ce que
7 votre mari appartenait à une organisation, quelle qu'elle soit?
8 Réponse: C'était un agriculteur.
9 Question: Mais en plus de cela, en plus du fait qu'il était agriculteur,
10 est-ce que par la suite il a rejoint une organisation quelconque?
11 Réponse: Non.
12 Question: Etes-vous au courant de l'existence d'une organisation qui
13 s'appelle "UCK"?
14 Réponse: Oui.
15 Question: A votre connaissance, est-ce que votre mari avait des liens
16 quelconques avec l'UCK?
17 Réponse: Non.
18 Question: Vous nous avez déjà dit que votre mari avait trouvé la mort au
19 mois de mai.
20 Réponse: Oui. C'est exact.
21 Question: Est-ce que vous avez appris dans quelles circonstances il était
22 mort?
23 Réponse: Je n'étais pas présente. Ce sont d'autres personnes qui m'ont dit
24 qu'il avait été tué.
25 Question: Est-ce que vous avez appris dans quelles circonstances il a été
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1 tué?
2 Réponse: Il a été tué dans les montagnes, c'est là qu'il était.
3 Question: Et savez-vous ce qu'il y faisait?
4 Réponse: Non, je ne sais rien. Je n'étais pas là. Je n'ai rien vu.
5 Question: Passons à autre chose, nous reviendrons sur ce point plus tard.
6 Vous nous avez déjà dit savoir qu'il existait un groupe appelé "l'UCK".
7 C'est bien cela, n'est-ce pas?
8 Réponse: Oui, c'est exact.
9 Question: Mais comment se fait-il que vous soyez au courant de cette
10 existence, de l'existence de ce groupe?
11 Je reformule ma question: où se trouvait-il et que faisait-il pour autant
12 qu'il fasse quoi que ce soit dans la zone de votre village?
13 Réponse: A Izbica, dans le village, il n'y avait personne. Dans les
14 environs, oui, mais je ne sais pas ce qu'il faisait.
15 Question: Est-ce que vous êtes au courant qu'il y a eu des combats dans
16 les environs, opposant l'UCK et des membres de la VJ?
17 Réponse: Non, je n'ai rien vu, je ne sais pas.
18 Question: Est-ce que vous étiez au courant du fait qu'il y avait des
19 combats dans la région?
20 Réponse: Oui, j'ai entendu dire qu'il y avait des combats dans la zone
21 environnante, ça oui, je l'ai entendu dire.
22 Question: Est-ce qu'à moment donné, votre mari à été membre de l'UCK?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Et est-ce qu'il était membre de l'UCK au moment où il est mort?
25 Réponse: C'était un civil. Non, c'était un civil.
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1 Question: Je vous comprends bien. Vous dites qu'il était civil, mais vous
2 dites qu'il était membre de l'UCK qui se trouvait dans les montagnes et
3 qu'il est mort. Au moment où il a trouvé la mort, est-ce qu'il était
4 membre de l'UCK?
5 Réponse: Non, non. Non, il était simplement parti chercher refuge dans les
6 montagnes.
7 Question: Vous nous avez dit qu'à un moment donné, il était membre de
8 l'UCK. Quand a-t-il été membre de l'UCK?
9 Réponse: Avant, dans le passé.
10 Question: Est-ce que vous vous souvenez de l'époque à laquelle il était
11 membre?
12 Réponse: Non, je ne me souviens pas.
13 Question: Est-ce que c'était au cours de l'année 1999, 1998? Ou est-ce que
14 vous pourriez nous donner une idée, même approximative, si vous ne
15 connaissez pas la date exacte?
16 Réponse: Pas en 1998. En 1999.
17 Question: Est-ce que vous vous souvenez d'un incident particulier qui
18 l'aurait poussé à rejoindre l'UCK?
19 Réponse: Non, je ne sais pas.
20 Question: Je vais vous demander de faire une description brève de la façon
21 dont la vie se déroulait dans votre village avant que ne surgissent les
22 difficultés du mois de mars 1999. Pourriez-vous nous décrire les
23 conditions de vie dans votre village?
24 Réponse: Nous avons... C'était difficile. C'était difficile.
25 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples qui
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1 donnent une idée des difficultés qu'il y avait à vivre dans votre village
2 avant mars 1999?
3 Réponse: La vie était difficile parce qu'on n'était pas libre de quitter
4 nos maisons, surtout les jeunes ne pouvaient pas le faire.
5 Question: Qu'est-ce qui les empêchait de quitter leurs maisons? Qui a fait
6 quoi?
7 Réponse: Eh bien, ils ne pouvaient pas sortir dans la rue parce que les
8 policiers serbes ne les autorisaient pas. Si jamais ils les surprenaient
9 en rue, ils les tabassaient, ils leur volaient tout ce qu'ils avaient.
10 Tout.
11 Question: Je vois. Est-ce que vous vous souvenez d'un incident qui s'est
12 produit en mars 1999, au cours duquel l'OTAN a mené un exercice militaire
13 dans une communauté voisine de la vôtre?
14 Réponse: Il n'y a rien qui s'est passé dans notre région.
15 Question: Bien. Pourriez-vous nous situer Skenderaj? A quelle distance se
16 trouvait Skenderaj?
17 Réponse: Je ne sais pas, je ne peux pas vous le dire. C'est loin de chez
18 nous.
19 Question: Est-ce que vous vous souvenez d'un incident avec l'OTAN et
20 Skenderaj?
21 Réponse: J'ai entendu des gens raconter qu'il y avait eu une attaque
22 dirigée contre l'usine, la fabrique de munitions qui s'y trouvait.
23 Question: Je vois. Est-ce que nous pouvons maintenant essayer de nous
24 remémorer ce qui s'est passé deux jours après cette attaque? Deux jours
25 après que vous avez entendu parler de l'attaque menée par l'OTAN sur
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1 Skenderaj, qu'est-ce qui s'est passé dans votre village?
2 Réponse: Le 28 mars, ils ont bombardé le village pendant deux jours,
3 Broje, Vojnik, Kopiliq, Liqina; ce sont des villages avoisinants qui ont
4 été bombardés pendant deux jours. Et après deux jours, ils sont venus à
5 Izbica.
6 Question: Je vous arrête un instant. D'après le compte rendu d'audience,
7 il semblerait que vous ayez dit: "Le 28 mars, pendant deux jours, ils ont
8 bombardé le village". Vous parlez de qui? Vous parlez de l'OTAN ou de
9 quelqu'un d'autre?
10 Réponse: Non, pas de l'OTAN. Les policiers serbes, l'armée serbe. Pas
11 l'OTAN.
12 Question: Donc quand vous dites "bombardé le village", est-ce que vous
13 parlez de bombes ou plutôt de pilonnage? Ou est-ce que vous parlez de
14 quelque chose de tout à fait différent?
15 Réponse: Oui, oui. Je parle de pilonnage, je ne parle pas de bombardement.
16 Je parle de pilonnage, je parle d'obus.
17 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que vous pourriez, avec vos propres
18 termes, décrire à l'intention des Juges ce que votre village a vécu?
19 Mme Behrami (interprétation): Le 28 mars, à partir de 7 heures du matin,
20 nous avons entendu un pilonnage. Il y a eu toutes sortes de coups de feu,
21 de tirs. Vers 11 heures, nous avons vu six chars arriver dans le village.
22 Il y avait d'autres véhicules, mais moi, je ne me souviens plus
23 exactement. Ils ont encerclé le village et ils nous ont tous rassemblés:
24 les femmes, les enfants, les personnes âgées. Puis l'infanterie est
25 arrivée dans le village. Les enfants avaient peur. Ils se sont mis à
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1 pleurer.
2 C'est ainsi qu'ils nous ont trouvés. Ils sont arrivés, ils ont séparé les
3 femmes et les hommes, ils ont forcé les hommes à s'aligner et nous, nous
4 avons dû partir en direction de l'Albanie. Nous sommes parties, les hommes
5 ont été retenus.
6 Moi, j'étais là avec mes cinq enfants. Puis des soldats serbes nous ont
7 demandé de l'argent. Moi, je leur ai donné 100 marks. Nous nous sommes mis
8 en route. Nous avons parcouru environ cent mètres; nous sommes arrivés à
9 une colline et nous sommes restés là. Nous avons vu brûler le village.
10 Nous sommes restés là à peu près deux ou trois heures; je ne me souviens
11 plus exactement. Nous avons entendu des coups de feu, puis nous avons
12 entendu dire qu'ils avaient abattu 108 personnes. Je n'ai pas vu cela moi-
13 même, mais j'ai entendu d'autres le raconter.
14 M. le Président (interprétation): Arrêtez un instant, Monsieur Ryneveld.
15 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je voulais simplement laisser le témoin
16 raconter elle-même ce qu'elle avait à dire et puis, nous allions reprendre
17 quelques points en particulier.
18 Permettez-moi, Madame le Témoin, de revenir sur certains éléments de votre
19 récit en ce qui concerne le village.
20 Mme Behrami (interprétation): D'accord.
21 Question: Vous nous avez dit qu'au début de l'attaque contre votre
22 village, il y a eu un pilonnage. Quel a été l'effet de ce pilonnage sur
23 votre village?
24 Réponse: Qu'est-ce que vous voulez dire par là: "Quel est l'effet?"? Je ne
25 comprends pas votre question.
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1 Question: Est-ce qu'il y a eu des dégâts causés par les obus? Qu'est-ce
2 que les gens ont fait suite à ce pilonnage?
3 Réponse: Eh bien, nous nous sommes rassemblés. Il y avait des obus tout
4 autour de nous. Et puis sont arrivés les éléments d'infanterie.
5 Question: Vous parlez de l'infanterie. Pourriez-vous nous dire combien il
6 y avait de fantassins qui sont arrivés dans votre village? A peu près.
7 Réponse: A peu près... Il y en avait beaucoup, je ne peux pas vous dire
8 exactement combien ils étaient. Je ne pourrais pas vous dire combien ils
9 étaient.
10 Question: Je pense que vous avez dit également qu'il y avait des
11 policiers, ou est-ce que je me trompe? Est-ce que vous avez parlé de
12 l'infanterie et de la police aussi, ou seulement de l'infanterie?
13 Réponse: Oui, oui.
14 Question: Excusez-moi, ma question n'était pas très claire. Vous dites
15 "oui", vous dites qu'il y avait et des policiers et des militaires? Ma
16 question n'était pas claire.
17 Réponse: Oui.
18 Question: Vous parliez de six chars. Qu'est-ce que vous entendez par là?
19 Réponse: Oui, des chars. Des chars, ce sont des chars.
20 Question: Vous avez dit qu'il y avait aussi d'autres véhicules militaires.
21 C'est bien cela?
22 Si vous acquiescez de la tête, Madame, c'est difficile d'inscrire cela au
23 compte rendu d'audience. Il faut que vous disiez "oui" ou "non".
24 Réponse: Oui.
25 Question: Peut-on montrer au témoin les pièces 17 et 18?
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1 (Intervention de l'huissier.)
2 Commençons par la pièce P17, s'il vous plaît.
3 Madame, je vais vous demander...
4 Monsieur l'huissier, veuillez remettre ce document au témoin avant qu'il
5 soit placé sur le rétroprojecteur.
6 Madame, vous avez des photographies sur quatre pages. Je vais vous
7 demander de les examiner, ces quatre pages. Vous les prenez, vous les
8 regardez. Regardez les quatre pages avant de dire quoi que ce soit.
9 Réponse: Oui?
10 Question: Je ne sais pas si vous avez examiné les quatre pages, mais vous
11 venez d'indiquer une photographie particulière. Est-ce que parmi ces
12 photographies, vous voyez un véhicule militaire qui ressemblerait aux
13 chars dont vous venez de parler?
14 Réponse: Oui, celui-ci, le n°6.
15 Question: Monsieur l'huissier, veuillez placer la photographie indiquée
16 par le témoin, la photo n°6, sur le rétroprojecteur. De cette façon, les
17 Juges pourront voir la photographie choisie par le témoin.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 Bien. Vous venez de sélectionner parmi la série de photographies de la
20 pièce 17 la photographie n°6. Est-ce que figure sur cette photographie le
21 type de véhicule que vous désignez comme étant un char, char qui est
22 arrivé dans votre village le 28 mars?
23 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai vu arriver dans notre village.
24 Question: Merci.
25 Peut-on montrer également au témoin la pièce 18? Je demanderai à monsieur
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1 l'huissier de montrer d'abord cette pièce au témoin avant de la placer sur
2 le rétroprojecteur.
3 Madame le Témoin, veuillez examiner la pièce qui porte la cote P18; y
4 figure une série de photographies.
5 Vous avez parlé d'éléments d'infanterie et de police. Est-ce que sur une
6 de ces photographies, vous voyez un uniforme ou l'autre qui ressemblerait
7 aux uniformes portés par l'infanterie que vous avez vu arriver dans votre
8 village?
9 Réponse: Oui. Celui-ci.
10 Question: Est-ce qu'un numéro est apposé sur cette photographie?
11 Réponse: Le n°9.
12 Question: Monsieur l'huissier, veuillez placer ceci sur le
13 rétroprojecteur.
14 (Intervention de l'huissier.)
15 Réponse: Il y a aussi le n°6. Ça, c'est la police.
16 Question: Donc la police portait un uniforme similaire à celui qu'on voit
17 sur la photo n°6?
18 (Le témoin examine les photographies.)
19 Réponse: Non, non. Non, non, ce n'est pas le bon uniforme.
20 Question: Quelle est la différence?
21 Réponse: Je crois que c'est une couleur un peu plus claire, bleu clair et
22 bleu foncé.
23 Question: Fort bien.
24 Veuillez placer la pièce 17... Non, 18 sur le rétroprojecteur. De cette
25 façon, les Juges verront d'abord la photographie n°9. Je crois que c'est
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1 celle-là qui a été indiquée d'abord par le témoin. On ne la voit pas sur
2 l'écran.
3 (Intervention de l'huissier.)
4 La voici. Merci.
5 Puis les uniformes de la police, quelque chose qui ressemblait à ce qu'on
6 voit à la photo n°6, mais un peu plus clair. C'est bien ce que vous avez
7 dit, Madame le Témoin?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Voulez-vous bien placer la photographie n°6. Ce sont les gens de
10 la police?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Je pense que vous nous avez dit ceci: "Lorsque ces hommes sont
13 arrivés dans le village, les hommes du village ont été séparés des
14 femmes".
15 Réponse: Oui.
16 Question: Mais comment est-ce que ça s'est fait, cette séparation?
17 D'abord, comment est-ce que vous avez été rassemblés pour ensuite être
18 séparés?
19 Réponse: Parce que les éléments d'infanterie sont arrivés, je vous l'ai
20 dit, et puis ils ont donné l'ordre aux hommes d'être séparés de nous, les
21 femmes. Nous, les femmes, nous avons reçu l'ordre de partir pour
22 l'Albanie.
23 Question: Oui, je suppose qu'à moment donné, vous étiez tous chez vous.
24 Comment avez-vous quitté vos maisons? Et au départ, comment est-ce que
25 vous êtes partis au moment où vous avez été séparés?
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1 Réponse: Vous voulez dire au moment où on a été séparé des hommes?
2 Question: Non, je remonte un peu plus tôt dans le temps, au moment où sont
3 arrivés les soldats de l'infanterie.
4 Réponse: Je vois.
5 Question: Comment avez-vous quitté vos maisons? Où est-ce que vous êtes
6 allés avant d'être séparés?
7 Réponse: On était à peu près à 30 mètres de chez nous. C'est là qu'on a
8 été rassemblés dans un pré, et on était environ 3.000 personnes.
9 Question: Je vois. Et ces 3.000 personnes, c'étaient tous les habitants,
10 donc les civils, les habitants d'Izbica?
11 Réponse: Non, il y avait des habitants de tous les villages environnants.
12 Pas seulement du village d'Izbica.
13 Question: Mais savez-vous comment ces gens sont arrivés dans ce grand pré
14 ou dans ce champ?
15 Réponse: Ils sont venus là parce qu'ils ont pensé qu'on serait plus en
16 sécurité à cet endroit.
17 Question: Est-ce que je vous comprends, Madame? Vous voulez dire que ces
18 gens ont quitté les villages environnants, sont venus d'abord à Izbica et
19 puis ont rejoint les habitants d'Izbica dans ce champ?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Je vois. Et puis vous nous avez dit, je pense, que vous avez été
22 séparés. Comment cette séparation s'est-elle faite? Qui vous a dit ce que
23 vous deviez faire? Qui vous a donné les ordres? Que s'est-il passé?
24 Réponse: Les policiers serbes, les soldats; ils étaient tous mélangés. Je
25 me souviens qu'il y en avait un d'entre eux qui a parlé, qui nous a parlé
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1 en albanais; il nous a dit d'aller directement en Albanie. Puis ils ont
2 dit aux hommes qu'ils devaient s'asseoir sur le côté de la rue, alors que
3 nous, on a reçu l'ordre de partir pour l'Albanie.
4 Question: Est-ce que vous avez eu l'impression que quelqu'un était le
5 chef, était un responsable?
6 Réponse: Oui. Oui, il avait un insigne. Je ne sais pas, j'ai eu
7 l'impression qu'il avait un grade supérieur parce qu'il avait un insigne à
8 la manche.
9 Question: Pouvez-vous nous dire si cet homme dont vous parlez, c'était un
10 policier ou un soldat?
11 Réponse: Non. Lui, c'était un policier.
12 Question: Est-ce que vous avez vu à cet endroit quelqu'un qui se serait
13 servi d'un instrument de communication pour communiquer avec quelqu'un
14 d'autre? Est-ce que vous avez vu quelqu'un qui était muni d'une radio
15 manuelle?
16 Réponse: Oui, oui. Celui-là, il avait une radio portable ou un portable.
17 Question: Et que faisait-il avec cette radio? Est-ce que vous l'avez
18 entendu parler?
19 Réponse: Il a parlé. Je n'ai pas pu... Je ne pourrais pas vous dire ce
20 qu'il disait en serbe, mais j'ai vu qu'il disait quelque chose. On avait
21 peur de ce qu'il pouvait nous faire: est-ce qu'ils allaient nous tuer,
22 nous chasser? Je ne peux pas le dire parce qu'il parlait en serbe.
23 Question: Donc vous avez vu quelqu'un qui parlait serbe, qui avait cette
24 radio. C'est bien cela?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Pendant que tout ceci se passait, comment vous traitait-on?
2 Réponse: Eh bien, ils nous ont poussés vers la rue. On est allés dans un
3 autre village, on y est restés.
4 Question: Fort bien. Vous avez dit qu'on vous avait dit d'aller en
5 Albanie. C'est bien cela?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Et qui vous l'a dit?
8 Réponse: Les soldats et les policiers serbes qui étaient tous mélangés là.
9 Question: Est-ce que vous avez été autorisés à partir en voiture, en
10 tracteur, en remorque, à vous servir d'autres moyens de transport?
11 Réponse: Non, rien. Rien du tout. Nous avons tout laissé derrière nous
12 dans le village. On est simplement partis à pied.
13 Question: Et vous étiez combien, combien de femmes et d'enfants, qui êtes
14 partis à pied?
15 Réponse: A peu près 3.000 personnes. Je ne peux pas vous dire exactement.
16 Il n'y avait que des femmes et des enfants; je vous l'ai dit, les hommes
17 étaient restés derrière nous. Nous avons été séparés des hommes.
18 Question: Et savez-vous combien d'hommes approximativement ont été laissés
19 à cet endroit?
20 Réponse: 150, 160... Je ne sais pas exactement.
21 Question: Où était le reste des hommes?
22 Réponse: Qu'est-ce que vous voulez dire: "le reste des hommes"?
23 Question: Vous parlez de près de 3.000 femmes et enfants, vous parlez de
24 150 hommes. Est-ce qu'il n'y avait pas d'autres hommes dans le village, ou
25 est-ce qu'il y en avait d'autres mais qui étaient ailleurs?
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1 Réponse: Non, non. C'étaient des habitants de tous les autres villages,
2 des gens qui ne pouvaient pas aller dans les montagnes, ils sont venus
3 chez nous à Izbica.
4 Question: Donc ceux qui n'ont pas pu aller dans les montagnes sont allés à
5 Izbica, et ils étaient pour la plupart rassemblés dans ce champ?
6 Réponse: Oui, c'est ça.
7 Question: Et ces hommes que vous avez laissés derrière vous, pourriez-vous
8 dire dans quelle tranche d'âge ils se trouvaient, ces 150 ou 160 hommes?
9 Réponse: Il y en avait qui avait 95 ans et d'autre 30/40, dans cette
10 tranche d'âge-là.
11 Question: Qu'est-il advenu des jeunes garçons?
12 Réponse: Et bien eux, ils sont partis dans les montagnes.
13 Question: Je vois. Vous commenciez à partir en direction de l'Albanie,
14 après que ces ordres ont été donnés. Est-ce que certains ont essayé de
15 retourner au village, et si certains ont essayé, que s'est-il passé, que
16 leur est-il arrivé?
17 Réponse: Quelques femmes voulaient retourner au village pour voir ce qui
18 s'y passait, parce que nous avons vu que tout le village était en flammes.
19 Nous avions entendu des coups de feu, que des gens avaient été tués, mais
20 nous voulions voir de nos propres yeux ce qui se passait.
21 Certaines sont retournées, mais elles n'ont pas pu faire plus de dix
22 mètres. C'est à ce moment-là que la police les a repoussées en tirant des
23 coups de feu en l'air, en leur disant de partir pour l'Albanie.
24 Question: Et ces femmes vous ont-elles dit ce qu'elles avaient vu?
25 Réponse: Non, non. Elles n'ont rien vu, parce que les policiers ne les ont
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1 pas laissées passer, ne les ont pas laissées entrer dans le village.
2 Question: Auparavant, Madame, dans votre déposition, vous avez dit que la
3 totalité du village était en flammes. Est-ce que vous l'avez vu vous-même?
4 Réponse: Oui, oui. Je l'ai vu de mes propres yeux. Le village était pris
5 par les flammes, on avait mis feu à tout: aux tracteurs, à tout ce qu'on
6 avait.
7 Question: Puisqu'on parle des tracteurs qui étaient incendiés, est-ce que
8 vous vous souvenez d'un incident où il y avait deux vieilles dames
9 handicapées?
10 Réponse: Oui. Ces femmes ont été brûlées dans le tracteur. L'une était
11 l'épouse de Feiz Hoxha, l'autre de Hazer. Ces femmes ne pouvaient pas
12 marcher, on les a laissées sur place dans le tracteur. Et puis elles ont
13 été brûlées.
14 Question: Et elles étaient vivantes sur la remorque du tracteur au moment
15 où vous les avez laissées là?
16 Réponse: Oui. Oui, elles étaient en vie à ce moment-là.
17 Question: Au moment où vous avez quitté votre village en direction de
18 l'Albanie, est-ce qu'il y a eu des policiers, des soldats ou d'autres
19 éléments qui vous ont escortées?
20 Réponse: Sur toute la route, nous avons été accompagnés par des policiers,
21 des soldats. On était escortés, mais je ne me souviens plus exactement par
22 qui.
23 Lorsque nous sommes allés à Kopiliq, un village sur la route, nous étions
24 en file ou en colonne. Ma sśur tenait mon fils qui avait six semaines.
25 C'est alors qu'ils ont pilonné la colonne. Ils ont tué deux filles de mon
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1 oncle. Voilà ce qui s'est passé.
2 Question: Donc vous étiez en route en direction de l'Albanie, vous étiez
3 escortés par des policiers ou par des fantassins. C'est bien ce que vous
4 nous dites, Madame?
5 Réponse: Oui.
6 Question: A quelle distance êtes-vous arrivés lorsque cet incident lié au
7 pilonnage s'est produit? Aviez-vous déjà marché longtemps? Etiez-vous
8 allés très loin?
9 Réponse: Quand ils ont commencé à pilonner, trois de mes fils ont été
10 séparés et sont allés dans un autre village. Nous avons été forcées de
11 marcher depuis Skenderaj dans la direction de l'Albanie.
12 Question: Je comprends que peut-être, vous n'avez pas une idée exacte des
13 distances, mais je vous demande combien de temps vous avez marché avant le
14 début du pilonnage.
15 Réponse: Depuis cet endroit, nous avons marché à peu près une demi-heure.
16 Question: Pourriez-vous nous dire si vous connaissiez le chemin menant à
17 l'Albanie? Saviez-vous où vous alliez? Aviez-vous une destination précise
18 dans votre esprit?
19 Réponse: Non, non. Je ne savais pas. Je n'avais jamais su cela.
20 Question: Ce pilonnage qui a eu lieu ...
21 Réponse: Le pilonnage?
22 Question: Pourriez-vous nous décrire les choses? Vous étiez dans une
23 colonne, n'est-ce pas. Y avait-il des gens devant vous?
24 Réponse: Oui. Nous étions au milieu de la colonne.
25 Question: Vous étiez au milieu de la colonne. Est-ce que vous portiez
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1 quelqu'un d'autre dans vos bras, à ce moment-là?
2 Réponse: Je portais mon fils dans mes bras. Nous marchions et nous avons
3 été pilonnés. Avant que tout cela ne commence, ma sśur portait mon fils
4 dans ses bras. Nous marchions et, quand le pilonnage a commencé, la
5 colonne a été coupée en deux et la moitié d'entre nous, nous nous sommes
6 arrêtés à cet endroit.
7 Question: Quel était l'âge de votre fils, celui que vous portiez dans vos
8 bras et que votre soeur avait porté dans ses bras avant vous?
9 Réponse: Il avait six semaines, mon fils.
10 Question: L'allaitiez-vous à ce moment-là?
11 Réponse: Oui, jusqu'à ce moment-là, je l'allaitais, mais pas à ce moment-
12 là.
13 Question: Je comprends bien. Donc votre sśur a commencé à porter votre
14 fils dans ses bras peu de temps avant le début du pilonnage. C'est bien
15 cela?
16 Réponse: Juste avant le début du pilonnage.
17 Question: Et vous nous avez dit que, lorsque le pilonnage a commencé, la
18 colonne de réfugiés s'est divisée en deux et s'est dirigée dans deux
19 directions différentes, n'est-ce pas?
20 Réponse: Oui, oui.
21 Question: Ou êtes-vous allée vous-même?
22 Réponse: Nous nous sommes arrêtés là, et les deux jeunes filles sont
23 restées là, vivantes. Les forces de police nous ont fait retourner vers
24 Broje -c'est le nom du village- et nous sommes restés là dans un pré.
25 Question: Votre sśur était-elle là, dans le groupe avec vous, avec votre
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1 bébé?
2 Réponse: Ma sśur est allée vers le village de Teshilla. Je n'ai plus
3 jamais revu les enfants depuis ce moment-là, car ma sśur a pris la
4 direction du village de Teshilla.
5 Question: Donc, pour résumer, vous-même, votre sśur et vos trois enfants
6 n'êtes pas allés au même endroit? Vous avez été séparés, n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui, oui.
8 Question: Je regrette d'être contraint de vous poser cette question, mais
9 suite à cet incident, avez-vous jamais revu votre bébé?
10 Réponse: Mon bébé? Non, non. Il est mort. Il n'avait pas de quoi survivre.
11 Il n'y avait rien pour le nourrir.
12 Question: Vous avez obtenu ce renseignement de votre sśur plus tard,
13 n'est-ce pas?
14 Réponse: Oui. Après la guerre, ma sśur m'a dit que le bébé était mort
15 parce que je n'étais pas là pour l'allaiter, personne ne pouvait
16 l'allaiter à ma place, donc le bébé est mort.
17 M. Ryneveld (interprétation): Suite à cet incident, à ce pilonnage,
18 qu'est-il arrivé? Je sais que la colonne s'est scindée en deux, mais
19 qu'est-il advenu du groupe dont vous faisiez partie?
20 M. Kwon (interprétation): Excusez-moi, Monsieur Ryneveld.
21 M. Ryneveld (interprétation): Je vous en prie.
22 M. Kwon (interprétation): Avant de passer à cette question, pourriez-vous
23 poser au témoin la question de savoir qui était responsable du pilonnage?
24 M. Ryneveld (interprétation): Oui, tout à fait, Monsieur le Juge.
25 Madame le Témoin, savez-vous d'où venait le pilonnage? Vous marchiez, tout
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1 d'un coup des obus sont tombés. D'où provenait le pilonnage?
2 Mme Behrami (interprétation): Le pilonnage venait d'en haut. Il y avait
3 des lumières, des lumières rouges et quand tout cela est tombé sur nous,
4 nous nous sommes dispersés.
5 M. Ryneveld (interprétation): Savez-vous qui était à l'origine du
6 pilonnage?
7 Mme Behrami (interprétation): Eh bien, les Serbes, l'armée, la police.
8 Question: Avez-vous vu des chars ou du matériel militaire qui permettrait
9 de comprendre d'où venaient les obus?
10 Réponse: Oui, oui. Un peu plus loin, mais je ne saurai vous dire à quelle
11 distance, à une demi-heure de marche plus loin, à une demi-heure de marche
12 des collines, ils nous ont pilonnés. Parce que nous nous dirigeons vers
13 Teshilla qui était dans la zone libre, et nous n'avons rien mangé.
14 Question: La colonne se dirigeait-elle dans la direction qui lui avait été
15 imposée au début du pilonnage, ou allait-elle dans une autre direction?
16 Réponse: Nous voulions nous rendre à Teshilla où il y avait moins de
17 monde. Nous voulions rejoindre certaines personnes et on nous avait dit
18 que là-bas, tout était sûr.
19 Question: Parlez-vous de la situation avant le pilonnage?
20 Réponse: C'était avant le pilonnage. Nous voulions rejoindre d'autres
21 personnes dont le village de Teshilla, et le pilonnage a scindé la colonne
22 en deux. C'est à ce moment-là que ma sśur est partie avec mes deux filles.
23 Question: J'ai compris cela, Madame le Témoin. Donc ce village de Teshilla
24 que vous vouliez atteindre, était-il dans une autre direction que...
25 Réponse: Dans la direction de Skenderaj.
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1 Question: Est-ce la direction que les Serbes qui vous escortaient
2 souhaitaient vous voir emprunter ou était-ce dans une autre direction?
3 Réponse: C'était dans la direction où nous voulions aller parce que les
4 Serbes souhaitaient que nous nous dirigeons vers l'Albanie, mais ils ne
5 nous permettaient pas d'aller dans la direction où nous voulions aller, et
6 alors ils ont commencé à pilonner.
7 Question: Donc ce pilonnage a eu pour effet que, finalement, vous avez
8 pris le chemin de l'Albanie au lieu du chemin que vous souhaitiez
9 emprunter précédemment. C'est bien cela?
10 Réponse: Nous voulions aller dans la direction que nous avions choisie. Et
11 ils ont commencé à pilonner.
12 Question: Suite au pilonnage, êtes-vous allés dans la direction où vous
13 souhaitiez aller?
14 Réponse: Non, non. Ils nous ont fait rebrousser chemin et ils nous ont
15 fait partir dans la direction qu'ils voulaient que nous empruntions,
16 c'est-à-dire celle de l'Albanie.
17 Question: Je vois. Combien de temps a duré le pilonnage?
18 Réponse: Le pilonnage a duré à peu près 15 minutes. Nous sommes restés
19 allongés sur le sol face contre terre pendant une quinzaine de minutes,
20 jusqu'à la fin du pilonnage, et lorsque le pilonnage a cessé, on nous a
21 forcés d'aller dans l'autre direction qui n'était pas celle que nous
22 souhaitions suivre. A ce moment-là, nous nous sommes arrêtés dans un pré
23 pour nous reposer.
24 Question: A la fin du pilonnage, avez-vous vu d'autres personnes arriver,
25 qui portaient un uniforme?
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1 Réponse: Des policiers serbes, des soldats serbes.
2 Question: Vous rappelez-vous la couleur ou l'aspect de l'uniforme que
3 portaient ces hommes?
4 Réponse: Non, non. Je ne me souviens pas parce que j'étais très
5 désorientée. Tout le long de la route, il y avait des policiers et des
6 soldats serbes.
7 Question: Quelqu'un est-il mort en raison de ce pilonnage, quelqu'un que
8 vous connaîtriez personnellement?
9 Réponse: Je les connaissais. Il y avait une femme accompagnée de deux
10 enfants qui est morte à cet endroit, mais je ne les connaissais pas.
11 Question: Lorsque ces personnes, que vous avez appelées -je crois- des
12 policiers, lorsque ces policiers supplémentaires sont arrivés, vous
13 rappelez-vous ce qu'ils ont fait? Des hommes ont-ils rejoint votre colonne
14 de réfugiés?
15 Réponse: Oui. Quand on nous a imposés d'aller dans l'autre direction,
16 Rexhep Tahci et Haxhi Thaci, deux hommes se sont joints à nous.
17 Question: Qu'est-il advenu de ces hommes?
18 Réponse: Je me suis approché d'eux, je leur ai demandé dans quelle
19 direction nous nous dirigions parce que je tenais à retrouver mes enfants.
20 Question: Quelque chose est arrivé à ces deux personnes?
21 Réponse: Nous voulions aller à Izbica, et là, on nous a volé tout ce qu'on
22 possédait. Ils ont commencé à appeler des noms en disant: "Où est Haxhi
23 Thaci?", et ils nous frappaient. Les enfants ont commencé à pleurer et les
24 hommes étaient allongés sur le sol.
25 Question: Quels hommes?
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1 Réponse: Haxhi et Rexhep.
2 Question: Avez-vous vu si quelque chose de particulier est arrivé à ces
3 deux hommes?
4 Réponse: Oui. J'étais à ce moment-là dans le convoi, je donnais la main à
5 mes deux enfants et des coups de feu ont été tirés. Ils les ont abattus.
6 Question: Vous dites: "Ils les ont abattus". Qu'entendez-vous par "ils"?
7 Réponse: Les policiers.
8 Question: Quel effet a eu cette exécution sur vous-même et les enfants qui
9 vous accompagnaient, s'il a eu un quelconque effet?
10 Réponse: Les choses sont devenues plus difficiles pour nous, nous ne
11 savions pas où aller. Lorsque nous avons vu qu'ils se sont fait tuer, nous
12 ne savions plus où aller. Nous étions accompagnés d'enfants. Je ne sais
13 pas comment décrire la situation. C'était terrible!
14 Question: Vous avez déclaré qu'on vous avait volé tout ce que vous aviez
15 sur vous et qu'on vous a insulté. Que vous a-t-on volé à vous?
16 Réponse: Ils ont pris de l'argent à des femmes. Je ne parle pas de moi-
17 même. Mais ils nous ont volés, ils nous ont insulté, et ils nous ont
18 ensuite dirigé de la direction de Klina.
19 Question: Ont-ils reçu de l'argent?
20 Réponse: Quand ils nous ont dirigés vers Klina, il y avait de la boue et
21 un peu d'eau dans le ruisseau. Dans le village de Jashenica, il n'y avait
22 que trois femmes à cet endroit, et deux chars dont l'un était devant,
23 l'autre derrière. Il y en avait un autre au milieu. Et ils ont voulu nous
24 écraser avec leurs chars.
25 Question: L'ont-ils fait?
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1 Réponse: Oui. Sur la route, nous étions en bas, au niveau du ruisseau.
2 Question: Quand vous dites qu'on vous a volé, que voulez-vous dire par là?
3 Que vous a-t-on pris à vous?
4 Réponse: J'étais là, ils étaient allongés sur le sol, sur la route, et ils
5 m'ont dit en albanais, parce que je ne comprends pas le serbe, ils ne
6 parlaient donc pas serbe, il y en avait un qui parlait albanais et qui m'a
7 dit: "Tu dois me donner 1.000 marks si tu veux sauver ta famille".
8 Ensuite, ils ont dit qu'il fallait leur donner 5.000 marks pour sortir du
9 convoi; mais nous ne pouvions rien faire, nous n'étions que des femmes et
10 des enfants.
11 Question: Je vois. Vous nous avez dit qu'on vous avait ordonné d'aller
12 dans la direction de Klina. Etes-vous arrivés à Klina dans ce convoi?
13 Avez-vous marché à pied jusqu'à Klina?
14 Réponse: Non, non. Nous avons marché dans la direction de Klina et nous
15 sommes arrivés à Brojë puis à Jashenica. Et à Jashenica, ils ont essayé de
16 nous écraser avec leurs chars.
17 Question: Oui, mais pendant tout le chemin, après avoir marché autant,
18 êtes-vous finalement allés dans la direction de l'Albanie?
19 Réponse: Non.
20 Question: Où êtes-vous allés?
21 Réponse: Ils ont pris 150 marks, ils nous ont pillés, ils ont pris
22 d'autres choses à d'autres femmes, et ensuite ils nous ont obligés à aller
23 vers Klina.
24 Question: Mais depuis l'endroit où vous étiez, Klina était-il dans la
25 direction de l'Albanie ou pas?
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1 Réponse: Oui, oui, oui, c'était dans la direction de l'Albanie. Cela
2 s'appelle Klina, Klina e Begut.
3 Question: Une fois que vous êtes arrivés à Klina...
4 Réponse: Quand nous sommes arrivés à Klina, on nous a forcés à rebrousser
5 chemin parce qu'ils brûlaient un moulin à Klina, donc ils ont eu peur. Ils
6 nous ont obligés à retourner en arrière avec nos enfants. Nous avons
7 couvert une centaine de mètres et ils nous ont arrêtés en nous disant: "Où
8 allez-vous?". Nous avons dit que nous voulions mettre les enfants à
9 l'abri. Ils ne voulaient pas nous le permettre. Nous avons donc dû nous
10 rendre jusqu'au poste de police de Klina, et à ce moment-là la colonne a
11 été arrêtée. Ils ne nous ont pas permis de retourner chercher nos enfants.
12 Moi, je suis retournée, je suis retournée vers Klina qui était en flammes.
13 Il y avait ce poste de police...
14 Question: Je comprends que ce moment à Klina a été un moment de grande
15 confusion. Avez-vous fini par vous diriger vers un autre village ou une
16 autre ville?
17 Réponse: Oui. A ce moment-là, à partir de Klina, nous sommes allés à
18 Djakovica. Nous avons passé une nuit sur la route à cet endroit. Ils nous
19 ont dits simplement de rester où nous étions, et tôt le lendemain matin,
20 des hommes de Klina nous ont rejoints. Le convoi est devenu donc encore
21 plus long parce que les gens de Klina nous ont rejoints. Et nous avons
22 marché toute la journée. Et vers le début de la soirée, un habitant de
23 Kraljane nous a donné un peu de nourriture parce que nous ne pouvions pas
24 aller jusqu'à l'Albanie sans rien manger et sans rien boire.
25 Question: Vous dites: "Ils nous ont dit d'aller à Gjakova". Qui représente
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1 ce "ils"? S'agit-il toujours de ces mêmes hommes serbes qui vous
2 escortaient?
3 Réponse: C'étaient les mêmes Serbes, toujours les mêmes, des soldats
4 serbes qui nous ont escortés pendant tout le trajet sur la route.
5 Question: En chemin, avez-vous reçu le message de quelqu'un au nom de
6 l'UCK?
7 Réponse: Je ne comprends pas ça.
8 Question: Je vais revenir un peu en arrière dans ce cas. En fin de compte,
9 suis-je en droit de comprendre que vous avez été escortés jusqu'à la
10 municipalité de Djakovica.
11 Vous hochez la tête?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Et pendant que vous marchiez vers le village de Glodjane… C'est
14 bien le nom du village: vous le connaissez peut-être et je ne le prononce
15 pas bien: Glodjane?
16 Réponse: Ils nous ont dirigés vers Djakova; ensuite, nous nous sommes deux
17 nuits à Kraljane. Après quoi, nous sommes allés dans un autre village où
18 nous avons vécu un peu plus en sécurité; c'était le village de Glodjane.
19 Question: Alors que vous alliez vers Glodjane, avez-vous reçu un message
20 de quelqu'un qui vous disait d'aller dans cette direction?
21 Réponse: Oui, un habitant de Kraljane est arrivé et nous a dit d'aller à
22 Kraljane.
23 Question: Vous a-t-il dit pourquoi vous devriez agir de la sorte? Vous a-
24 t-il dit de qui provenait le message qu'il était en train de vous
25 transmettre?
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1 Réponse: Il nous a dit d'aller à Kraljane et qu'on allait nous donner du
2 pain, qu'on allait pouvoir nous reposer. Parce qu'il nous fallait une
3 semaine pour atteindre l'Albanie et nous n'avions rien à boire et rien à
4 manger.
5 Question: Saviez-vous que l'UCK opérait dans cette région?
6 Réponse: Non, non. Je ne savais rien de cela.
7 Question: Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés à Kraljane?
8 Réponse: Lorsque nous sommes arrivés à Kraljane, nous avons mangé, nous
9 avons bu. Après quoi, ils nous ont forcés à aller jusqu'à Glodjane où nous
10 avons passé quatre jours. Ils ont pilonné ce village continuellement, jour
11 et nuit.
12 Question: Je vais essayer de vérifier que j'ai bien tout compris. Vous
13 avez reçu un message d'un habitant d'un village qui vous disait, au nom de
14 quelqu'un d'autre, qu'il fallait que vous alliez à Kraljane. C'est bien
15 cela?
16 Réponse: Oui.
17 Question: L'habitant de ce village n'était pas une personne portant un
18 uniforme serbe?
19 Réponse: Non, non, c'était un Albanais. Ce n'était pas un Serbe, c'était
20 un Albanais.
21 Question: Très bien. Donc vous vouliez aller à Kraljane: je vous ai bien
22 comprise?
23 Réponse: Oui, oui.
24 Question: Mais vous nous avez dit également que des soldats et des
25 policiers serbes vous escortaient. Eux aussi ont voulu aller à Kraljane?
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1 Réponse: Non. Ils nous ont simplement mis sur la route et, une fois qu'ils
2 ont vu que nous allions à Kraljane, ils n'ont pas réagi.
3 Question: Ils vous ont donc autorisés à aller dans la direction que vous
4 souhaitiez. C'est bien cela?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et vous y êtes arrivés, à Kraljane, au moment où Kraljane a été
7 pilonnée?
8 Réponse: Kraljane a été pilonnée et donc nous sommes descendus un peu plus
9 bas vers un village qui s'appelait Glodjane.
10 Question: Avez-vous été alimentés à Kraljane?
11 Réponse: Oui, oui. Il y avait des Albanais à Kraljane, qui n'avaient pas
12 encore quitté leur village, donc il y avait des Albanais qui nous ont
13 donné à manger.
14 Question: Alors, que vous étiez dans ce village, d'autres soldats ou
15 d'autres paramilitaires ont-ils fait leur apparition à bord de véhicules
16 militaires?
17 Réponse: Non, non. Nous ne sommes pas restés longtemps à Kraljane. Deux
18 jours seulement. A Glodjane, nous sommes restés trois jours et il n'y
19 avait pas de soldats. Et après, ils ont pilonné Glodjane le matin, tôt le
20 matin, et ils sont arrivés avec des chars, plein de chars, ainsi que
21 d'autres véhicules. Et nous nous sommes regroupés auprès de l'église de
22 Glodjane, à ce moment-là.
23 Question: Donc nous sommes déjà à Glodjane?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Donc vous étiez à Kraljane et vous êtes allés à Glodjane?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Et c'est à Glodjane que de nouveaux soldats et des véhicules
3 militaires -je crois vous avoir entendu parler de beaucoup de chars- sont
4 arrivés?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Ces hommes en uniforme vous ont-ils expliqué pourquoi ils
7 étaient là?
8 Réponse: Non, non. Ils sont arrivés et nous ont forcés une nouvelle fois à
9 nous diriger vers l'Albanie. Ils ont dit aux gens de Glodjane: "Vous êtes
10 différents, vous êtes de Drenica", parce que la moitié du convoi venait de
11 Drenica. Et ils nous ont dit de ne pas nous mélanger.
12 Question: Donc ils ne voulaient pas que les gens de votre village se
13 mélangent aux habitants de Drenica. C'est bien ce que je dois comprendre?
14 Réponse: Non, parce que les gens de Glodjane sont Albanais aussi, mais ce
15 sont des catholiques. Donc on leur a dit de rester chez eux, dans leurs
16 maisons.
17 Question: Qu'est-il arrivé aux catholiques? Ont-il poursuivi leur chemin
18 avec vous ou sont-ils allés ailleurs?
19 Réponse: Non, non. Ils sont restés là où ils étaient et nous, on nous a
20 dit de retourner sur la route et de retourner à Kraljane. Et quand nous
21 sommes arrivés à Kraljane, le village était brûlé. A ce moment-là, ils
22 nous ont dit d'aller à Klina e Begut.
23 Question: Pour que tout soit clair, à qui pensez-vous lorsque vous dites
24 "ils" et à qui pensez-vous lorsque vous dites "nous"? Je crois vous avoir
25 ont entendu dire "ils nous ont dit". S'agissait-il uniquement du groupe
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1 que vous constituiez, vous, les habitants d'Izbica?
2 Réponse: Non, ils ne savaient pas que nous étions tous d'Izbica. Il y en
3 avait de Drenica et de nombreux villages autour d'Izbica. Ils ne pouvaient
4 pas dire qui venait de quel village.
5 Question: Mais, aux catholiques, on avait dit de rester chez eux. C'est
6 bien ce que vous nous avez dit?
7 Réponse: Oui.
8 M. Ryneveld (interprétation): Je vois.
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, lorsque vous trouvez
10 que le moment convient...
11 M. Ryneveld (interprétation): J'en suis au bas du paragraphe 16. J'aurais
12 encore deux questions à poser. Après quoi, je reprendrai après le
13 déjeuner.
14 Vous nous avez cité les localités que vous avez traversées sur votre
15 chemin. Est-ce que vous avez traversé de plus petits villages sur votre
16 chemin, dont vous ne connaissiez peut-être pas le nom?
17 Réponse: Oui, nous avons traversé de nombreux villages, mais je ne connais
18 pas le nom de ces villages.
19 Question: Et pourriez-vous nous dire dans quel état étaient ces villages
20 au moment où vous les avez traversés?
21 Réponse: Eh bien, c'était dangereux. En effet, des gens sortaient de
22 Kraljane. 300 personnes. Ensuite, on nous a dit de revenir sur Klina, je
23 ne les ai jamais revus, mais j'ai vu un homme qui avait été séparé de sa
24 femme, et il a été abattu.
25 Question: Pendant que vous effectuiez cette marche forcée, avez-vous à un
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1 quelconque moment essayé de vous arrêter pour vous reposer?
2 Réponse: Pendant la journée, non. Ils ne nous laissaient jamais nous
3 reposer pendant la journée, ils nous disaient de continuer à avancer. De
4 nombreux véhicules, de nombreux chars nous accompagnaient, mais pendant la
5 nuit, oui.
6 Question: Donc, pendant la journée, on ne vous permettait pas de vous
7 arrêter?
8 Réponse: Non.
9 M. Ryneveld (interprétation): Merci.
10 Je crois, Monsieur le Président, que le moment serait peut-être approprié
11 pour faire une suspension d'audience.
12 M. le Président (interprétation): Avant de suspendre l'audience, j'aurais
13 aimé évoquer deux questions administratives.
14 Premièrement, l'enregistrement vidéo, les pièces 11, et 13 à 16, les
15 enregistrements vidéos qui ont été évoqués la semaine dernière. Avec
16 l'accord des amici curiae, il a été proposé de visionner ces
17 enregistrements vidéo qui font 3 heures 20 minutes, mais sans commentaire.
18 Et il a été proposé que nous le fassions en dehors du prétoire.
19 L'accusé a eu accès à ces vidéos, à ces enregistrements vidéo, mais il
20 fait objection à ce que ces vidéos ne soient pas montrées en public. Il
21 estime en effet qu'ils font partie des éléments de preuve et qu'ils
22 devraient être diffusés publiquement.
23 Nous nous sommes penchés sur cette objection et nous ne pensons pas que
24 cette objection soit valable. Nous ne voyons pas pourquoi ces pièces
25 devraient être diffusées en public. Bien entendu, elles font partie du
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1 dossier, du compte rendu. La question est uniquement de savoir quand nous
2 allons les visionner. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il serait
3 judicieux que nous les visionnions en privé, ce que nous allons faire, et
4 nous n'allons pas perdre de temps précieux dans le prétoire.
5 Cependant, si après avoir visionné ces enregistrements, nous estimons
6 qu'il faudrait les diffuser en public, nous prendrons des mesures en
7 conséquence. Première question donc.
8 Deuxième question: l'accusé a demandé, en raison d'une visite de sa
9 famille, le jeudi 7 mars, l'accusé a demandé que nous nous réunissions
10 uniquement le matin de ce jour-là.
11 En raison de difficultés, liées au visa dans ce cas précis, à titre
12 exceptionnel nous ferons en sorte que l'audience n'ait pas lieu selon le
13 même horaire, et nous nous réunirons de 9 heures à 13 heures 45, ce jour-
14 là. Et d'ailleurs, ce sera le cas une bonne partie de la semaine en
15 question, mais cela ne doit en aucun cas constituer un précédent.
16 Nous allons suspendre l'audience et nous nous retrouverons à 14 heures 35.
17 (L'audience, suspendue à 13 heures 5, est reprise à 14 heures 35.)
18 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?
19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, vous ne m'avez pas laissé le
20 temps de faire une observation au sujet de votre décision s'agissant des
21 cassettes vidéos.
22 Que tout soit clair: je ne sais pas quel est le contenu de ces cassettes
23 vidéos, mais j'ai estimé, pour des raisons de principe, qu'il fallait les
24 diffuser et ce, pour une seule raison, à savoir que le procès est public.
25 Donc si ce principe ne tient pas, n'est pas respecté, dans ce cas, ma
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1 remarque n'a pas de valeur non plus.
2 S'agissant de la possibilité qui m'aurait été donnée de voir ces
3 cassettes, je n'ai pas eu cette possibilité car lorsque j'ai demandé un
4 lecteur de cassettes pour voir ces vidéos, je ne l'ai pas reçu.
5 Donc la seule raison sur laquelle je me suis fondé pour demander la
6 diffusion de ces cassettes, c'était le principe selon lequel lorsqu'un
7 procès est public, il convient que le public puisse voir les éléments de
8 preuve.
9 Deuxième point, j'ai tenté hier de contacter par téléphone un certain
10 nombre de mes collaborateurs et aucun d'entre eux n'a pu me répondre, la
11 ligne ne fonctionnait pas. J'ai donc de grandes difficultés de
12 communication. Je suis dans l'incapacité d'obtenir quelque élément que ce
13 soit par d'autre voie que le téléphone. Donc je tiens à vous informer que
14 si, par la suite, lorsque des témoins sont interrogés et que je ne peux
15 pas entrer en contact avec ceux qui m'aideraient à préparer les contre-
16 interrogatoires, je vous demanderai un temps supplémentaire pour la
17 préparation de ces contre-interrogatoires. C'est tout. Merci.
18 M. le Président (interprétation): S'agissant du premier point que vous
19 avez évoqué, à savoir la diffusion des cassettes vidéo, comme je l'ai déjà
20 dit, nous avons tenu compte de votre demande qui demandait que ces
21 cassettes vidéo soient rendues publiques. Nous avons rendu notre décision.
22 Elles seront examinées par les Juges mais pas par le public.
23 Quant à votre deuxième point, s'agissant des communications téléphoniques,
24 nous examinerons cette question et vous pourrez en traiter lors de la
25 prochaine audience où nous parlerons des questions administratives.
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1 Monsieur Ryneveld, vous avez la parole.
2 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
3 Je suis arrivé au paragraphe 17 du résumé de la déposition de ce témoin.
4 Madame le Témoin, avant la pause déjeuner, vous avez parlé de l'itinéraire
5 plus sûr que vous avez suivi pour atteindre la frontière. D'après vous,
6 entre le moment où vous avez quitté le village d'Izbica, combien de temps
7 s'est écoulé jusqu'à votre arrivée à la frontière albanaise?
8 Mme Behrami (interprétation): Six jours à peu près.
9 Question: A part cette occasion dont vous nous avez parlé, où un
10 villageois de Glodjane ou de Klina -je ne me souviens plus très bien- vous
11 a donné de la nourriture, avez-vous reçu des vivres à quelque moment que
12 ce soit, ou avez-vous pu en tout cas vous alimenter?
13 Réponse: Lorsque nous sommes arrivés à Klina, comme je l'ai déjà dit, j'ai
14 dit que je ne pouvais plus marcher. Je leur ai dit: "Où est-ce que vous
15 nous emmenez?". Ils se sont moqués de nous et nous ont donné un peu de
16 pain, comme pour se moquer davantage de nous. Après quoi j'ai dit: "Je ne
17 peux plus marcher, nous ne pouvons plus marcher", et c'est à ce moment-là
18 qu'ils nous ont dirigé vers Gjakova où nous avons passé une nuit et avons
19 reçu de quoi manger.
20 Question: Qui vous a donné cette nourriture?
21 Réponse: La police serbe. Ils ne cessaient de se moquer de nous.
22 Question: En chemin, vous avez traversé un certain nombre de villages
23 avant d'arriver au poste-frontière de Djakovica. Pouvez-vous nous dire
24 quels étaient ces villages que vous avez traversé, des villages serbes,
25 des villages mixtes, des villages albanais? Le savez-vous?
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1 Réponse: Non, je ne sais pas, car je n'étais jamais allée dans ces
2 villages auparavant, mais je sais que nous passions toute la journée à
3 marcher et lorsque la nuit arrivait, nous nous reposions un peu. Pendant
4 la journée, ils ne nous autorisaient pas à nous asseoir ou à nous arrêter,
5 donc je ne sais pas parce que je n'ai jamais... Je ne suis jamais allée
6 dans ces villages avant.
7 Question: La plupart de ces villages que vous avez traversés étaient-ils
8 intacts ou endommagés?
9 Réponse: Ils n'étaient pas intacts. Certains étaient brûlés, il y en avait
10 où certaines parties du village étaient brûlées, d'autres pas, vous voyez.
11 Question: Aviez-vous sur vous des documents d'identité lorsque vous avez
12 quitté votre village d'Izbica?
13 Réponse: Je n'avais rien sur moi, j'ai tout laissé à la maison et tout a
14 été brûlé.
15 Question: Et qu'en était-il des autres réfugiés qui étaient dans le même
16 convoi que vous? Avaient-ils sur eux des documents d'identité?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Pourriez-vous dire ce qui s'est passé à un certain moment
19 s'agissant de ces documents d'identité?
20 Réponse: Quand nous sommes arrivés à Gjakova, en tout cas lorsque nous
21 étions en chemin vers Gjakova, j'ai vu un endroit et ils nous ont
22 rassemblés à un endroit déterminé, je crois que c'était un poste de
23 contrôle, où ils ont examiné tous nos papiers d'identité; et ils nous ont
24 dit que lorsque nous arriverions à la frontière albanaise, nous verrions
25 ce qui se passerait. Donc tous les réfugiés à ce moment-là ont jeté au sol
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1 leurs papiers d'identité, leurs passeports, notamment.
2 Question: A quelle distance se trouve Gjakova de la frontière albanaise?
3 Réponse: Nous avons marché toute la journée.
4 Question: Pendant que vous marchiez vers la frontière, avez-vous vu
5 d'autres forces serbes?
6 Réponse: Beaucoup, tout le long du chemin. Sans arrêt, j'ai vu des forces
7 serbes.
8 Question: Et que faisaient ces hommes? Comment étaient-il disposés?
9 Réponse: Eh bien, ils nous ont dit de poursuivre notre chemin, ils nous
10 ont montré le chemin. On n'a pas osé dire quoi que ce soit. On était
11 fatigués, on avait marché toute la journée sans manger, sans boire, sans
12 rien. On a continué de marcher.
13 Question: Ces forces étaient-elles à pied ou à bord de véhicules?
14 Pourriez-vous nous le dire?
15 Réponse: Certains étaient à pied, d'autres étaient dans des camions. Mais
16 ceux qui étaient à pied, c'est eux qui nous ont dit ceci: "Si vous
17 n'arrivez pas en Albanie d'ici à 6 heures du soir, vous allez devoir
18 retourner là d'où vous venez ".
19 Question: Et est-ce que vous avez réussi à parvenir à la frontière à
20 temps?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Est-ce que, par hasard, vous vous souvenez de la ville
23 frontière, de l'endroit où vous avez franchi la frontière?
24 Réponse: C'était à Krumje.
25 Question: Est-ce que vous vous souvenez de la date à laquelle vous avez
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1 franchi la frontière?
2 Réponse: Non, franchement non. Je ne m'en souviens pas.
3 Question: Madame, si l'on vous demandait, comme je vous le demande
4 maintenant, pourquoi avez-vous quitté votre village, qu'est-ce que vous
5 répondriez?
6 Réponse: Parce qu'on a été chassés par la force par des paramilitaires
7 serbes. C'est eux qui nous ont chassés de chez nous.
8 Question: Auparavant, dans le cadre de votre déposition, vous avez dit que
9 vous étiez consciente qu'il y avait des bombardements de l'OTAN avant
10 l'arrivée des forces serbes.
11 Est-ce que les bombardements de l'OTAN ont eu une incidence quelconque sur
12 la décision que vous avez prise de quitter votre village?
13 Réponse: Non.
14 M. Ryneveld (interprétation): Messieurs les Juges, par souci d'équité, je
15 pense, si vous me le permettez, devoir revenir aux paragraphes 1 et 3 du
16 résumé, afin d'apporter des éclaircissements. C'est pour être équitable.
17 Je ne sais pas si l'accusé lit ces résumés, mais je pense que je dois
18 tirer quelques éclaircissements.
19 M. le Président (interprétation): Tout à fait.
20 M. Ryneveld (interprétation): Madame Behrami, auparavant, vous nous avez
21 dit, en réponse à cette question-ci: j'ai demandé si, à un moment donné,
22 votre mari avait été membre de l'UCK; vous avez répondu par l'affirmative.
23 Vous rappelez-vous que je vous ai posé cette question et vous souvenez-
24 vous de votre réponse?
25 Mme Behrami (interprétation): Oui.
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1 Question: Vous avez ajouté qu'il était parti dans les montagnes. Vous vous
2 en souvenez?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Plus tard, dans le cadre de votre déposition, vous avez expliqué
5 l'absence des hommes plus jeunes à Izbica par le fait que ces jeunes
6 hommes étaient partis dans les montagnes. C'est bien cela, n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Vous avez également déclaré que l'UCK se trouvait dans la zone
9 de votre village, mais pas dans le village même, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui. Oui.
11 Question: Vous étiez mariée, n'est-ce pas, à l'époque: est-ce que votre
12 mari vous a expliqué pourquoi il partait pour les montagnes?
13 Réponse: Non, il ne m'a jamais rien dit. Il m'a simplement dit: "Je pars
14 pour la montagne".
15 Question: Est-ce que vous étiez au courant du fait que l'UCK se trouvait
16 aussi dans les montagnes?
17 Réponse: Je ne sais pas. Peut-être que oui. Mais moi, j'étais chez moi;
18 jamais, je n'ai rien vu.
19 Question: Je suppose que vous donc vous êtes partie en Albanie. Est-ce que
20 vous êtes finalement retournée dans votre village, un peu plus tard?
21 Réponse: Oui, après la guerre, nous sommes rentrés.
22 Question: Et à quel moment? Vous souvenez-vous du mois au cours duquel
23 vous êtes rentrés?
24 Réponse: Non, je ne me souviens plus.
25 Question: Est-ce que vous avez passé beaucoup de temps en Albanie?
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1 Réponse: Environ deux mois.
2 Question: Donc quelque deux mois plus tard, à votre retour, est-ce à ce
3 moment-là que vous avez appris ce qui était arrivé à votre mari?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Il y avait d'autres hommes qui avaient été laissés derrière
6 vous. Est-ce que vous savez si certains de ces hommes sont morts des
7 suites de ce qui est arrivé par la suite, après votre départ?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Est-ce que certains de ces hommes étaient membres de l'UCK?
10 Réponse: Non.
11 Question: Est-ce que vous avez entendu dire qu'il y avait eu des combats
12 entre les forces serbes et l'UCK dans la région d'Izbica, à votre retour?
13 Réponse: Non. Je n'ai rien entendu dire. D'ailleurs, ça ne m'intéressait
14 pas. Moi, j'étais vraiment très triste: mon mari avait été tué, mon fils
15 aussi. Donc ces choses-là ne m'intéressaient vraiment pas.
16 Question: A votre retour, est-ce que vous avez appris ce qui était arrivé
17 des 150 ou 160 hommes qui étaient restés dans le champ, après votre départ
18 à vous?
19 Réponse: Quand je suis rentrée, j'ai vu mon oncle. Il m'a montré ce qui
20 s'était passé. Ils avaient enterré ces hommes. Le 10 mai, mon mari a été
21 tué et il avait été enterré à cet endroit. Et puis, trois jours plus tard,
22 il l'avait déterré et il l'avait emmené ailleurs.
23 Question: Et savez-vous combien d'hommes avaient été tués?
24 Réponse: Aux alentours d'Izbica: 202 hommes. Si je me souviens bien, 165
25 hommes étaient enterrés là.
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1 Question: Il y avait ces hommes qui étaient restés dans le champ après
2 avoir été séparés des femmes. Savez-vous combien de ces hommes ont trouvé
3 la mort?
4 Réponse: Je les connais par leur prénom et par leur nom de famille.
5 Question: Est-ce que vous avez arrêté de compter, ou est-ce que vous savez
6 approximativement combien il y en a, ou est-ce que vous avez énuméré tous
7 ces noms?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Pourriez-vous nous le dire Madame?
10 Réponse: Ramush Behrami, Demush Behrami, Borabed (phonétique) Behrami,
11 Muhamet Tahi, Ethem Tahi, Qazim Behrami, Feiz Hoxha, Mustafë Sedin.
12 Question: Une dernière question, Madame. Vous avez parlé de deux vieilles
13 dames qui étaient restées dans une remorque, et puis qui étaient restées
14 aussi dans cette remorque lorsqu'on y avait mis le feu. A votre retour,
15 avez-vous appris ce qui s'était passé avec ces deux femmes?
16 Réponse: Oui, elles ont été brûlées à l'intérieur de la remorque avec tous
17 leurs effets personnels. Il leur était impossible de bouger, ce qui veut
18 dire qu'elles ont été brûlées dans le tracteur.
19 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie.
20 Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin, Monsieur le Président.
21 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, pouvez-vous venir?
22 (Les Juges s'entretiennent avec Mme Ameerali avant de se concerter sur le
23 siège.)
24 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
25 avant que ne commence le contre-interrogatoire, je me demande si vous
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1 voulez une copie de la déclaration préalable de ce témoin, pour une raison
2 ou pour une autre.
3 M. le Président (interprétation): Oui, nous aimerions une copie.
4 M. Ryneveld (interprétation): Nous vous la fournirons.
5 M. le Président (interprétation): Merci.
6 Monsieur Ryneveld (interprétation): Si vous les voulez maintenant, nous
7 les avons.
8 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur l'huissier va nous les
9 donner.
10 Monsieur Milosevic, vous pouvez maintenant procéder au contre-
11 interrogatoire du témoin. Nous nous sommes enquis à propos du téléphone.
12 Apparemment, il devrait fonctionner ce soir. Nous allons poursuivre cette
13 discussion demain, mais vous avez maintenant l'occasion de contre
14 interroger ce témoin.
15 (Contre-interrogatoire de Mme Ajmane Behrami, par l'accusé M. Milosevic.)
16 M. Milosevic (interprétation): Je suis désolé que le témoin ait perdu son
17 bébé, mais je me vois dans l'obligation de lui poser un certain nombre de
18 questions.
19 La première question que j'ai commentée avec certains de mes
20 collaborateurs durant la pause vient d'être évoquée précisément à
21 l'instant par le représentant de la partie adverse, la question posée par
22 le Procureur était: "Pour quelle raison votre mari est-il devenu membre de
23 l'UCK en 1999?". C'est ce que le témoin avait dit, je l'avais entendu
24 dire. La réponse faite à cette question a été: "Je ne sais pas.".
25 Donc je reformule cette même question: qui a mis votre mari à l'écart dans
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1 la montagne et si oui, pourquoi?
2 M. Ryneveld (interprétation): Je ne souhaite pas interrompre, mais j'ai
3 une copie des questions et des réponses faites par moi, et 1996 ne
4 figurait pas dans la réponse de ce témoin. Donc avant de contre-interroger
5 une nouvelle fois le témoin sur la base d'une date erronée, je crois de
6 mon devoir d'attirer l'attention de chacun sur ce point.
7 La question était: "-Vous avez dit que votre mari à un certain moment
8 avait été membre de l'UCK. Vous rappelez-vous quand?
9 -Réponse: Avant dans le passé.
10 -Question: Vous rappelez-vous quand exactement?
11 -Réponse: Je ne me souviens pas.
12 -Question: Etait-ce en 1999 ou 1998 où à un autre moment, pouvez-vous nous
13 donner une fourchette de temps plus longue, si vous ne connaissez pas la
14 date exacte?
15 -Réponse: Pas en 1998, mais en 1999."
16 Je pense que je peux aider M. Milosevic en lui rappelant ce fait.
17 M. le Président (interprétation): Je demanderai au témoin de bien vouloir
18 répondre à la question.
19 La question posée par M. Milosevic était la suivante: "Qui a mis votre
20 mari à l'écart dans la montagne?". Et si oui, savez-vous pourquoi? Pouvez-
21 vous répondre?
22 Mme Behrami (interprétation): Parce que ce n'était pas sûr de rester à la
23 maison et il est donc parti, mais personne n'a forcé mon mari à partir.
24 M. Milosevic (interprétation): Je peux poursuivre?
25 M. le Président (interprétation): Oui.
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1 M. Milosevic (interprétation): Une annonce a été faite en public à la
2 télévision au sujet de prétendues fosses communes qui auraient été
3 trouvées dans la région d'Izbica, et des photographies ont été montrées
4 indiquant que ceci n'était pas la vérité. Il y avait des champs à cet
5 endroit, des témoins albanais ont été interrogés et qui ont dit que
6 personne n'avait été tué à cet endroit et encore moins enterré à cet
7 endroit.
8 Avez-vous vu cette émission de télévision ou en avez-vous entendu parlé?
9 Mme Behrami (interprétation): Non, je n'ai rien vu de ce genre, rien
10 entendu de ce genre.
11 Question: Le village d'Izbica compte au total douze maisons?
12 Réponse: Pas douze, mais soixante maisons.
13 M. Milosevic (interprétation): Selon les informations que j'ai obtenues,
14 le village compte 12 maisons et 70 habitants.
15 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit "60".
16 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit n'avoir jamais entendu parler
17 d'une quelconque activité de l'UCK dans le secteur où vous habitiez, à
18 savoir Drenica.
19 Mme Behrami (interprétation): En effet.
20 Question: Avez-vous entendu parler d'un homme prénommé "Selim", dont le
21 surnom était "Sultan" et qui venait de votre secteur, qui était l'un des
22 commandants de l'UCK, devenu ensuite général dans le corps de défense du
23 Kosovo? Selim, dit "Sultan".
24 Réponse: J'ai entendu le nom de "Sultan", mais je ne m'intéressais pas à
25 ce genre de choses et je ne le connaissais pas.
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1 Question: Avez-vous entendu parler d'un certain Ushtaka de Prekaza qui est
2 très près de Srbica, qui est également aujourd'hui général dans le corps
3 de défense du Kosovo?
4 Réponse: J'ai entendu le nom, mais je ne m'intéresse pas à ce genre de
5 chose. Je suis la mère de quatre enfants, je n'ai plus de mari, et ce qui
6 m'intéresse, c'est de m'occuper de mes enfants. Rien d'autre ne
7 m'intéresse.
8 Question: Mais je vous interroge au sujet d'un événement survenu avant.
9 Avez-vous entendu parler de ces hommes avant le début de la guerre?
10 Réponse: Je ne sais rien de tout cela.
11 Question: Avez-vous jamais entendu dire qu'il y avait cinq brigades de
12 l'UCK à Drenica? Avez-vous jamais entendu parler de cette information?
13 Réponse: Je ne sais pas combien il y en avait.
14 M. Milosevic (interprétation): Y en avait-il beaucoup ou peu, selon vous?
15 Mme Behrami (interprétation): J'ai dit que je ne savais pas quel en était
16 le nombre.
17 M. Robinson (interprétation): Y avait-il une quelconque brigade de l'UCK
18 dans la région ou pas du tout?
19 Mme Behrami (interprétation): Je ne sais pas s'il y en avait. Je ne suis
20 pas instruite, je ne connais pas ce genre de chose.
21 M. Milosevic (interprétation): Je vais donc sauter un certain nombre de
22 questions. J'ai d'autres questions très concrètes à vous poser.
23 Vous avez dit à plusieurs reprises au cours de l'interrogatoire principal
24 aujourd'hui que, lorsque vous avez quitté Izbica, vous avez marché au
25 total six jours et que, pendant tout ce temps, vous étiez escortée par la
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1 police et l'armée.
2 Mme Behrami (interprétation): Oui.
3 Question: Et puis vous avez dit que, à un certain moment, la colonne dans
4 laquelle vous vous trouviez, qui était escortée par la police et l'armée,
5 a été pilonnée.
6 Réponse: Oui.
7 Question: Vous avez dit que les obus tombaient d'en haut.
8 Réponse: Oui.
9 Question: Donc les obus avaient sans doute été envoyés par des mortiers
10 puisqu'ils tombaient d'en haut. Supposez-vous que la colonne escortée par
11 la police et l'armée, ne pouvait être pilonnée que par l'UCK et pas par
12 l'armée et la police dont des membres escortaient la colonne?
13 Réponse: Pas par l'UCK mais par les Serbes, parce qu'il y avait des chars
14 sur les collines et les chars sont arrivés, nous les avons vus. Ils
15 étaient sur les collines. Et c'est de là que venaient les obus. Nous avons
16 vu les éclairs rouges de tous les côtés.
17 Question: Les chars voulaient neutraliser l'UCK, ceux qui pilonnaient la
18 colonne, ils ne tiraient pas sur vous. Ces obus provenant des chars ne
19 tombaient pas d'en haut, mais l'idée vous est-elle venue que, en fait,
20 vous étiez pilonnés par l'UCK?
21 Réponse: Je ne pensais pas à l'UCK. J'ai dit que ce que j'ai vu est le
22 reflet de la vérité. J'ai dit la vérité au sujet de ce que j'ai vu, alors
23 que j'étais sur cette route.
24 Question: Mais vous paraît-il compréhensible que l'armée et la police
25 pilonnent une colonne qu'accompagnent également des représentants de cette
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1 même police et de cette même armée?
2 Réponse: Ils nous ont dit d'aller à Klinë, mais nous voulions aller à
3 Teshille et c'est à ce moment-là qu'ils ont commencer à pilonner. C'est la
4 raison pour laquelle ils nous ont pilonnés.
5 Question: Etaient-ils tout le temps avec vous, vous l'avez dit à plusieurs
6 reprises, même pour la période suivante?
7 Réponse: Oui, tout le temps de notre marche vers l'Albanie ils étaient
8 avec nous.
9 Question: Vous avez dit ce qui suit -je cite-: "La colonne a été coupée en
10 deux à cause du pilonnage" et la police, après le pilonnage, vous a fait
11 "rebrousser chemin", c'est le mot que vous avez utilisé. Donc la police
12 vous a fait rebrousser chemin, vous a forcés à retourner vers un autre
13 village. C'est ce que vous avez dit.
14 Supposez-vous que la police et l'armée vous ont fait rebrousser chemin
15 afin d'éviter des victimes au sein de la colonne, parce qu'il y avait un
16 pilonnage?
17 Les obus tombent et l'armée, à ce moment-là, vous demande de rebrousser
18 chemin pour vous éviter de mourir. Avez-vous fait cette supposition?
19 Réponse: S'ils pensaient à notre sécurité, ils ne nous auraient pas tiré
20 dessus. Mais en fait, leur volonté, c'était de nous faire partir pour
21 l'Albanie et de nous faire partir du Kosovo. Le pilonnage a divisé la
22 colonne en deux: cinq personnes sont mortes et la seule chose qu'ils
23 voulaient, c'était que nous allions vers l'Albanie.
24 Nous ne voulions pas y aller, le chemin était trop long; nous n'avions
25 rien à manger ou à boire, mais ils voulaient nous faire tous sortir du
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1 Kosovo.
2 Question: Mais il y a un instant, vous avez dit qu'ils vous ont prévenus
3 que si vous n'alliez pas dans la direction qu'ils vous indiquaient, ils
4 vous renverraient chez vous. Autrement dit, ils voulaient simplement
5 assurer votre sécurité. Ils vous ont dit: "Soit vous allez là-bas, soit
6 nous vous forcerons à retourner dans vos villages, chez vous".
7 Réponse: Non, non. C'est quand nous sommes arrivés à la frontière, que
8 nous voulions franchir la frontière à pied; or ça, c'était une demi-heure
9 avant l'arrivée à la frontière. C'est là qu'ils nous ont dit: "Si vous
10 n'arrivez pas à la frontière avant 6 heures, vous devrez tous retourner
11 d'où vous venez, refaire ce long chemin".
12 Question: Vous avez dit que les policiers et les soldats serbes étaient
13 avec vous pendant toute la durée de cette marche?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Pourquoi pensez-vous qu'ils se moquaient de vous lorsqu'ils vous
16 ont donné à manger?
17 Réponse: Je ne sais pas à quoi ils pensaient quand ils se moquaient de
18 nous.
19 Question: De quelle façon se moquaient-ils de vous?
20 Réponse: Ils faisaient des plaisanteries sur notre compte, ils se riaient
21 de nous en disant que nous n'étions que des femmes et des enfants,
22 pourquoi n'avions-nous pas d'hommes avec nous? Ils faisaient des
23 plaisanteries à ce sujet.
24 Question: Tout cela, pendant qu'ils vous donnaient à manger?
25 Réponse: Ils ne nous ont pas donné à manger. Ils nous ont donné une miche
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1 de pain qu'ils ont jetée dans notre direction, simplement pour se moquer
2 de nous. Une miche de pain seulement. Ils ne nous ont rien donné, ils ne
3 nous ont pas permis de nous reposer, ils ne nous ont pas laissés un
4 instant pour respirer.
5 Question: Vous avez dit que vous marchiez pendant la journée et que vous
6 vous reposiez la nuit?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Vous avez dit que, lorsque vous êtes arrivés au voisinage de
9 Kline, il y avait là-bas des coups de feu, des incendies et qu'on vous a
10 fait rebrousser chemin pour vous éviter de pénétrer dans le village. Vous
11 rappelez-vous quelle était la date ce jour-là?
12 Réponse: Non, je ne me rappelle pas la date. Ils nous ont dit d'aller à
13 Kline, mais comme j'avais laissé trois enfants derrière moi, je voulais
14 retourner.
15 Question: A une question qui vous a été posée, s'agissant de savoir qui
16 vous avait dit d'aller à Djakovica, vous avez répondu: "Les mêmes Serbes
17 que ceux qui nous ont escortés tout le temps".
18 Réponse: Ils ont simplement dit: "Allez à Djakova".
19 Je n'ai pas discuté davantage avec eux. Ensuite, ils nous ont insultés en
20 serbe; moi, je ne comprenais pas ces mots serbes.
21 Question: Puisque les policiers et les soldats vous ont escortés et, à mon
22 avis, protégés pendant que vous traversiez des zones de combat, avez-vous
23 une idée quelconque de l'identité de ceux qui se trouvaient d'un côté et
24 de l'autre dans ces combats? Les combats opposaient-ils l'armée et l'UCK,
25 ou la police et l'UCK? Selon vous?
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1 Réponse: Je ne réfléchissais pas à cela. La seule chose à laquelle je
2 pensais, c'étaient mes enfants, comment sauver leur vie. Je pensais à la
3 route. Je pensais à la façon de les rejoindre. J'avais trois fils qui
4 étaient là-bas et c'est la seule chose à laquelle je pensais.
5 Question: Vous avez dit qu'à Glloxhan, les Albanais qui habitaient à
6 Glloxhan vous ont dit d'y rester. Et vous avez dit que là-bas, il n'y
7 avait pas de combat. Vous avez ajouté que les Albanais qui habitaient à
8 Glloxhan étaient des Albanais catholiques.
9 Je vous pose donc la question suivante puisque vous avez introduit ces
10 éléments: considérez-vous qu'on leur avait dit de rester là-bas parce
11 qu'il n'y avait pas de combat ou parce qu'ils étaient catholiques?
12 Réponse: Je ne sais pas. Je ne sais rien.
13 M. Milosevic (interprétation): A part le fait qu'on leur avait dit de
14 rester là. Ça, en tout cas, vous l'avez dit?
15 M. le Président (interprétation): Oui, c'est ce qu'a dit le témoin.
16 M. Milosevic (interprétation): Vous rappelez-vous un événement survenu en
17 1998, un jour où l'UCK a tué trois Albanais: Sefqet Sumerer (phonétique),
18 Zeina Turajtsha (phonétique) et un autre homme. Trois Albanais tués par
19 l'UCK à Srbica. Vous rappelez-vous cela?
20 Mme Behrami (interprétation): Je ne me rappelle pas et je n'ai pas entendu
21 parler de cela.
22 Question: Personne ne vous a jamais parlé de cela? Pas un mot?
23 Réponse: Personne.
24 Question: Vous rappelez-vous le 5 mars 1998, à Prekaz, c'est-à-dire assez
25 près de l'endroit où vous habitiez, vous rappelez-vous l'attaque du poste
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1 de police au cours de laquelle deux policiers ont été tués et huit
2 gravement blessés? Vous rappelez-vous cela?
3 Réponse: Je ne sais rien de cela, car cela ne m'intéressait pas.
4 Question: Vous rappelez-vous le meurtre de l'Albanais Gashi Mark, le 17
5 juillet 1998, sur la route non loin de Srbica?
6 Réponse: Rien.
7 Question: Vous rappelez-vous l'assassinat en février, le 20 février 1998,
8 entre Srbica et Klina, de Murat Hakaj qui a été tué lui aussi, un Albanais
9 également. Avez-vous entendu parler de son assassinat?
10 Réponse: Je n'en ai pas entendu parler et je ne sais rien à ce sujet.
11 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous entendu parler de l'assassinat de
12 la femme de Habije Rameraj, dans un village tout près de Srbica également?
13 Mme Behrami (interprétation): Je n'en ai jamais entendu parler. Je ne suis
14 pas instruite et je ne m'intéressais pas à ce genre de choses. Je ne
15 m'intéressais pas, donc je n'en ai pas entendu parler, je n'ai rien
16 demandé à ce sujet.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il se peut qu'il
18 soit assez peu utile d'interroger le témoin sur ces sujets. Le témoin a
19 déjà dit qu'elle ne savait pas et, comme nous vous l'avons déjà dit, vous
20 pourrez en temps utile présenter des éléments de preuve à ce sujet. Il ne
21 sert pas à grand-chose d'interroger le témoin à ce sujet, puisqu'elle dit
22 ne rien savoir.
23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, j'ai essayé d'établir au
24 moins un certain nombre de faits, mais ce que je tiens à vous dire, c'est
25 que ce que je viens de dire sort du livre intitulé "Le fond pour le droit
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1 humanitaire", pages 34 à 36 de cet ouvrage. Et les éléments concernant
2 Izbica sont tirés des pages 345 à 352 de cet ouvrage. Donc tout ce que
3 j'ai dit dans mon contre-interrogatoire vient de cet ouvrage. Je tiens à
4 dire que le Procureur manipule les victimes et les témoins, des victimes
5 que le Procureur ne connaît pas et qu'il m'impute à moi, alors qu'il n'a
6 aucun élément pour établir un lien entre moi et ces victimes.
7 Mais de l'autre côté, il a des éléments de preuve très fermes qui montrent
8 que l'armée yougoslave a arrêté les coupables de ces meurtres. A ce sujet,
9 il y avait, provenant de la hiérarchie supérieure, des éléments supérieurs
10 de la hiérarchie, des ordres très clairs et très fermes. Donc je ne
11 souhaite plus poser des questions si elles ne doivent pas recevoir de
12 réponses.
13 M. le Président (interprétation): Non, non! Vous venez de mentionner un
14 document. Vous pouvez soumettre aux Juges ce document, qui l'examineront
15 en temps utile. S'il y a une quelconque question de manipulation de la
16 part du Procureur, nous en traiterons bien entendu, mais cela n'a pas été
17 le cas jusqu'à présent.
18 Ce témoin a donné certains renseignements dans le cadre de sa déposition.
19 Si vous avez des questions à poser au sujet des éléments évoqués par ce
20 témoin, vous pouvez le faire maintenant, sinon nous mettrons un terme à ce
21 contre-interrogatoire.
22 M. Milosevic (interprétation): Je poserai encore une question seulement,
23 la même d'ailleurs que celle qui a déjà été posée par le Procureur.
24 Le Procureur -je n'ai pas pris note, mot pour mot, de ce qu'a dit le
25 Procureur-, mais il a demandé si la fuite de cette colonne avait un
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1 rapport quelconque avec les bombardements de l'OTAN. Je dirais que c'était
2 là la moitié de la question.
3 Pour ma part, je poserai la question de la façon suivante: est-ce que la
4 fuite des membres de cette colonne avait un rapport quelconque avec le
5 fait que des coups de feu aient été tirés sur le territoire où ces
6 personnes habitaient, dans le cadre de combats qui ont opposé l'armée et
7 l'UCK, l'UCK bénéficiant de l'aide de l'OTAN?
8 Mme Behrami (interprétation): Je ne sais pas. Je n'ai vu que des Serbes
9 tirer sur nous parce que l'OTAN ne tirait pas sur nous. Nous n'avions pas
10 la liberté d'aller où que ce soit.
11 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, avez-vous des
12 questions à poser?
13 (Questions au témoin, Mme Ajmane Behrami, par l'amicus curiae, M.
14 Tapuskovic.)
15 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les
16 Juges, vous avez reçu la déclaration préalable du témoin recueillie avant
17 le procès par les représentants du Bureau du Procureur. Dans cette
18 déclaration, le témoin parle des problèmes que les habitants du village
19 dans lequel elle résidait avaient avec la police et l'armée. Si vous me le
20 permettez, j'aimerais poser quelques questions au témoin à ce sujet.
21 En tant qu'être humain, bien sûr, je suis désolé de ce que le témoin a
22 vécu, mais permettez-moi, je vous prie, de poser quelques questions.
23 M. le Président (interprétation): Oui, oui.
24 M. Tapuskovic (interprétation): Madame Behrami, les problèmes que vous
25 avez eus avec la police et l'armée étaient-ils liés au fait que leurs
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1 représentants venaient souvent fouiller votre maison?
2 Mme Behrami (interprétation): Ils ont fouillé souvent notre maison, ils
3 cherchaient des armes et cherchaient à nous prendre de l'argent, ce genre
4 de choses.
5 M. Tapuskovic (interprétation): Un peu plus tôt...
6 M. Robinson (interprétation): Maître Tapuskovic, à quelle page de la
7 déclaration du témoin vous référez-vous?
8 M. Tapuskovic (interprétation): Je parle de la déclaration recueillie le
9 14 mai 1999 par le Bureau du Procureur. La première page de cette
10 déclaration, recueillie le 14 mai 1999 de la bouche de ce témoin.
11 Lorsque vous avez fait cette déclaration, le 14 mai 1999, vous avez dit
12 simplement qu'ils fouillaient votre maison à la recherche d'armes. Vous
13 n'avez pas mentionné d'argent, à ce moment-là?
14 Mme Behrami (interprétation): Ils cherchaient les armes, mais ont
15 également pris de l'argent. Mon mari avait un vieux fusil qui venait de
16 mon arrière arrière-grand-père. Ils l'ont emporté et je ne sais pas où.
17 Question: Très bien, j'ai compris.
18 Est-il exact que, s'ils trouvaient des armes dans les maisons qu'ils
19 fouillaient, c'est seulement à ce moment-là que les hommes de la maison
20 étaient emmenés pour interrogatoire? Et c'est ce qui s'est passé lorsque
21 la police a cherché des armes dans votre maison?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Est-il exact que cela a duré plusieurs années jusqu'à l'arrivée
24 de l'UCK dans votre village, qui a contraint la police serbe à vous
25 laisser tranquille?
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1 Réponse: Pour autant que je le sache, nous n'avions pas de base de l'UCK à
2 Izbica. Pas dans notre village, pas à Izbica.
3 Question: Interrogé le 14 mai 1999, vous avez dit ce que je viens de
4 citer. J'ai trouvé ces propos dans votre déclaration et c'est ce que vous
5 avez expliqué à l'époque.
6 Réponse: Je ne comprends pas.
7 Question: Vous avez dit à ce moment-là que les problèmes que vous aviez
8 avec la police ont duré jusqu'à l'arrivée de l'UCK dans votre secteur, qui
9 a forcé la police serbe à vous laisser tranquille. Oui ou non?
10 Réponse: Je n'ai pas dit cela.
11 Question: Est-il exact que votre mari était membre de l'UCK depuis le tout
12 début et qu'il a participé sans cesse aux opérations? Et qu'il faisait
13 partie des formations de l'UCK? C'est ce que vous avez dit aux enquêteurs.
14 Et il était toujours dans des camps avec les autres membres de l'UCK?
15 Réponse: Je ne sais pas. Je ne sais pas. Pendant que nous étions là-bas,
16 il n'était pas membre de l'UCK. Il partait, mais je ne sais pas ce qui
17 s'est passé par la suite.
18 Question: A ce moment-là, le bombardement de l'OTAN a commencé, comme vous
19 l'avez dit. Et tout à l'heure, en réponse à l'interrogatoire principal,
20 vous avez dit qu'une fabrique de munitions à Srbica avait été touchée.
21 Réponse: Oui.
22 Question: Mais avant cela, vous avez dit qu'une antenne également avait
23 été touchée. Pourriez-vous nous expliquer de quelle antenne il s'agit?
24 Quelle antenne a été touchée à ce moment-là dans votre région?
25 Réponse: Je ne sais pas ce que j'ai dit. Pour ce qui est de la fabrique de
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1 munitions, oui, mais pour ce qui est de l'antenne, je ne m'en souviens
2 pas.
3 Question: Mais vous l'avez dit dans cette déclaration préalable. Mais
4 passons.
5 A quelle distance se trouve la fabrique de munitions par rapport à
6 l'endroit où vous habitiez? Est-ce que vous avez ressenti quelque chose
7 suite à ce qui s'est passé à la fabrique de munitions?
8 Réponse: Non. Non, parce que nous sommes à deux heures et demie de là. Je
9 ne savais rien. C'est loin de Skenderaj.
10 Question: Oui, mais deux nuits plus tard, après le début du bombardement
11 de l'OTAN, votre mari est rentré à la maison et il vous a mise en garde.
12 Il vous a dit de vous préparer très rapidement et de partir. Est-ce que
13 c'est exact?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Vous a-t-il dit d'emporter de la nourriture avec vous, des
16 vêtements et de vous dépêcher pour partir le plus vite possible?
17 Réponse: Il nous a dit que nous devons simplement sortir de la maison,
18 nous ne pouvions pas aller où que ce soit. Nous avions peur que notre
19 maison ne soit incendiée; nous avions peur de cela.
20 Question: Vous avez parlé des obus qui tombaient, mais auparavant, vous
21 avez dit que la plupart des obus touchaient les montagnes. Apparemment,
22 ils tiraient en direction des montagnes pour contrer les forces de l'UCK.
23 Réponse: Oui.
24 Question: Voilà. J'en ai terminé avec cette question-là.
25 Vous avez dit, dans cette déclaration et en réponse à l'interrogatoire
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1 principal, que vous avez vu Haxhi Thaci et Rexhep Thaci être touchés par
2 une rafale de tir. Vous avez dit qu'une rafale de tir les avait touchés.
3 Vous avez dit que vous avez vu cela?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Le fait que des soldats ont tiré? Ou plutôt donc que des soldats
6 ont tiré?
7 Réponse: Il y avait à la fois des soldats et des policiers. Et je n'étais
8 pas en mesure de distinguer. C'était une rafale tirée par une arme
9 automatique. Ils sont tombés par terre. Nous étions des femmes et nous
10 sommes parties, nous avions peur. Je ne sais pas si c'était la police ou
11 des soldats qui avaient ouvert le feu.
12 Question: Mais le 14 mai 1999, dans cette déclaration préalable, vous avez
13 dit à l'enquêteur qu'un membre des forces paramilitaires avait tiré, avait
14 sorti un pistolet et avait tiré une balle à la poitrine de chacun d'entre
15 eux. Est-ce que c'est exact?
16 Réponse: J'ai dit "arme automatique" et les deux ont été touchés en même
17 temps. Je l'ai vu de mes propres yeux.
18 Question: Est-ce qu'on vous a donné lecture de cette déclaration qui a été
19 recueillie par l'enquêteur, le 14 mai? Est-ce qu'on vous a donné lecture
20 de la déclaration que vous avez donnée?
21 Réponse: Oui.
22 Question: A ce moment-là, avez-vous estimé que l'événement avait eu lieu
23 de la façon dont vous l'avez décrit?
24 Il s'agit là de la déclaration donnée le 14 mai, c'est-à-dire quelques
25 mois seulement après l'événement en question.
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1 Réponse: Le 14 mai, qu'entendez-vous par là? Je ne comprends pas.
2 Question: Le 14 mai, vous avez donné une déclaration et vous avez parlé de
3 ce qui vous était arrivé. Je parle du 14 mai 1999, moment où vous étiez en
4 Albanie. Vous avez donc donné une déclaration où vous avez décrit les
5 événements de la façon que je viens de citer. Au moment où on vous en a
6 donné lecture, vous n'avez pas émis d'objection, vous n'avez pas fait de
7 remarque?
8 Réponse: Eh bien, je n'ai pas compris.
9 Question: Très bien. Au moment où vous étiez à Kraljane, quand vous êtes
10 arrivée à Kraljane, dans cette déclaration préalable, vous affirmez qu'à
11 cet endroit-là, ne se trouvaient ni soldats ni policiers serbes.
12 Réponse: Oui.
13 Question: Et vous avez également dit dans votre déclaration, n'est-ce pas,
14 que lorsque vous avez quitté Kraljane, il vous a fallu une heure de
15 Kraljane à Glloxhan et que là, des membres de l'UCK vous ont emmenée par
16 des routes secondaires, en tracteur, et qu'à ce moment-là, vous n'avez pas
17 été touchée par des tirs d'obus. Vous n'avez eu aucun problème au moment
18 où l'UCK vous a escortée?
19 Réponse: Oui, oui.
20 Question: J'aurais encore deux questions.
21 Réponse: Il s'agissait de civils.
22 Question: Vous avez dit que vous n'aviez pas emmené vos documents de votre
23 maison et que vos papiers d'identité étaient restés chez vous et qu'ils
24 avaient brûlé. Est-il exact que vous les aviez...
25 Réponse: (Pas de traduction.)
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1 Question: Vous avez dit dans cette déclaration préalable que, même si vous
2 les aviez avec vous, vous ne les auriez pas remis à la personne qui vous
3 les demandait parce que cette personne-là était un civil, était un
4 Albanais, avant la frontière. Et il vous a avertie du fait que si vous
5 aviez des papiers d'identité avec vous, ils vous seraient confisqués.
6 Réponse: C'étaient des civils, je ne dis pas qu'ils étaient albanais, mais
7 c'étaient des civils, mais on avait l'impression qu'ils étaient des
8 Albanais.
9 Question: Encore une question. Au moment où vous êtes arrivée à la
10 frontière, vous n'avez pas dû attendre, vous avez immédiatement franchi la
11 frontière et on ne vous a absolument pas demandé vos papiers d'identité.
12 Réponse: Oui.
13 M. Tapuskovic (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions.
14 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Ajmane Behrami,
15 par M. Ryneveld.)
16 M. Ryneveld (interprétation): J'aurais une question supplémentaire qui
17 découle de ces questions et une question d'intendance, si vous me le
18 permettez par la suite.
19 Madame le Témoin, Me Tapuskovic vient de vous poser une question au sujet
20 du fait qu'on ne vous a pas demandé vos papiers d'identité à la frontière.
21 Est-ce que, avant cela, on vous a demandé vos papiers sur la route que
22 vous avez empruntée pour aller à la frontière?
23 Mme Behrami (interprétation): Oui, à Gjakova.
24 Question: Mais au moment où vous êtes arrivée à la frontière, cela avait
25 déjà été fait. Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de nous dire?
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1 Réponse: Oui.
2 M. Ryneveld (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions.
3 La question d'intendance, si vous me le permettez?
4 M. Robinson (interprétation): Monsieur Ryneveld, si vous me le permettez,
5 j'aimerais féliciter Me Tapuskovic sur la série de questions qu'il a
6 posée. Je crois que, traditionnellement, l'amicus curiae doit se charger
7 de cela. L'accusé, en l'occurrence, n'a pas lu les déclarations
8 préalables.
9 Ce que Me Tapuskovic a essayé de faire, c'est de montrer les discordances
10 qui risquent d'être pertinentes en l'espèce et je crois que c'est le rôle
11 traditionnel de l'amicus.
12 M. Ryneveld (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je suis
13 d'accord. J'ai attiré l'attention de mon éminent confrère là-dessus et
14 j'ai essayé de faire en sorte que les déclarations préalables soient
15 transmises à toutes les parties et c'est la question d'intendance que je
16 souhaitais soulever.
17 M. Robinson (interprétation): Les déclarations préalables devraient
18 devenir des pièces à conviction, Monsieur Ryneveld.
19 M. Ryneveld (interprétation): Oui, précisément. Je ne pense pas qu'elles
20 aient été numérotées. Or, je crois que nous devrions les admettre et les
21 verser au dossier en leur donnant un numéro de pièce à conviction.
22 Mme Ameerali (interprétation): La déclaration de mai 1999 deviendra la
23 pièce 22. Quant à l'autre déclaration d'octobre 2001, il s'agira de la
24 pièce 23 de l'accusation.
25 M. le Président (interprétation): Pour ce qui est du témoin, je crois que
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1 cela nous amène au terme de sa déposition. Nous aimerions vous remercier,
2 Madame, d'être venue déposer devant le Tribunal international. Vous pouvez
3 vous retirer.
4 Mme Behrami (interprétation): Merci.
5 (Le témoin, Mme Ajmane Behrami, est reconduit hors du prétoire.)
6 (Questions relatives à la procédure.)
7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?
8 M. Nice (interprétation): Vous avez dit que nous n'aurons pas d'autres
9 témoins tant qu'on n'avait pas réglé les questions administratives, ce qui
10 veut dire que nous n'avons pas de témoin prêt à commencer sa déposition
11 maintenant. Est-ce que vous voulez commencer à parler de ces questions
12 administratives maintenant?
13 M. le Président (interprétation): Oui.
14 M. Nice (interprétation): Nous pourrions tout au moins répertorier les
15 questions à examiner.
16 M. le Président (interprétation): Oui.
17 M. Nice (interprétation): En ce qui concerne les déclarations relevant de
18 l'Article 92bis, une requête a été déposée, je pense, pendant la pause du
19 déjeuner. Je ne sais pas… Je doute que vous ayez eu l'occasion de
20 l'examiner. Nous avons quelques copies, bien sûr, pour faire preuve de
21 courtoisie, mais nous n'attendons pas de vous que vous les lisiez
22 maintenant. Peut-être que nous pourrons reporter cet examen à demain. Nous
23 pouvons peut-être examiner d'autres questions.
24 M. le Président (interprétation): Mais cela va peut-être au-delà de cela
25 car je pense que c'est la première fois que nous devons rendre une
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1 décision. Il serait utile d'avoir à examiner un nombre plus important de
2 déclarations plutôt que de prendre une décision sans avoir vraiment
3 d'éléments sur lesquels la fonder.
4 M. Nice (interprétation): Nous avons présenté une annexe qui énumère les
5 déclarations qui peuvent éventuellement relever du 92bis. Bien sûr, cette
6 question est très vaste et effectivement la démarche adoptée maintenant
7 dans cette partie du procès pourra avoir des retombées sur les autres
8 parties du procès.
9 M. le Président (interprétation): C'est la raison pour laquelle il faut
10 réfléchir à tout ceci à tête reposée. Ce qui serait utile, ce serait des
11 déclarations en tant que telles, mais nous ne les avons pas!
12 M. Nice (interprétation): J'ai oublié cet aspect. Si vous ne les avez pas,
13 bien sûr, c'est une autre question administrative qu'il faudra aborder.
14 C'est qu'il y a les classeurs par lieux ou villages qui sont en train
15 d'être préparés en application d'une indication intérieure donnée par la
16 Chambre qui avait souhaité cela car c'était, de l'avis de la Chambre, une
17 pratique utile.
18 Ces classeurs ont été préparés pour les sites d'exécutions et aussi pour
19 les expulsions. Je crois que ceci a été signifié de façon intégrale. Il y
20 a même des photocopies en couleur quand c'est important.
21 L'accusé ne les aura pas lus. Il y a les amici, bien sûr. Mais nous avons
22 aussi les déclarations relevant du 92bis, ceux qui sont classées par lieu
23 d'exécution ou d'expulsion.
24 Mais vous n'avez pas voulu que nous menions à terme cet exercice; ce qui
25 veut dire que nous nous sommes arrêtés en ce qui concerne la Chambre bien
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1 sûr, donc c'est dans ces circonstances-là que nous n'avons pas pu vous
2 fournir les déclarations du 92bis.
3 Je ne sais pas si nous pourrons, mais je veillerai à ce qu'elles vous
4 soient fournies d'ici demain.
5 Mais ceci nous ramène à un point qu'il serait peut-être utile d'évoquer
6 demain, celui des classeurs. Nous tenons à fournir des documents sous
7 forme utile pour la Chambre, et ceci ne peut se faire que si nous avons
8 des consignes de la part de cette Chambre.
9 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît, puisque
10 nous parlons des classeurs.
11 (Les Juges se concertent sur le siège.)
12 Pour que nous ne parlions pas dans le vide, je pense qu'il serait
13 préférable que vous nous fournissiez un exemple, un classeur type.
14 M. Nice (interprétation): Oui.
15 M. le Président (interprétation): Nous pourrons l'examiner et nous
16 pourrions y revenir la semaine prochaine, mais je crois qu'il serait utile
17 de voir ce qui est prévu.
18 M. Nice (interprétation): Je sais que les classeurs, tels qu'ils ont été
19 signifiés aux amici et à l'accusé, comprennent des documents que votre
20 Juriste de la Chambre nous a dit n'être pas souhaitables dans ce classeur,
21 à titre officieux. Donc il faudra peut-être revenir à cette question
22 puisqu'il y a là le résumé des événements faits par un enquêteur.
23 Mais je propose cette fois-ci qu'on vous fournisse une copie identique des
24 documents fournis aux amis de la Chambre et à l'accusé. De cette façon,
25 même si vous n'examiniez pas de documents qui pourraient être contraire à
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1 des règles de recevabilité et qui pourraient être peut-être trop
2 contraignants pour vous, vous saurez ce qui est à la disposition des amici
3 et de l'accusé. Je ne sais pas si c'est utile pour vous d'examiner
4 certains de ces documents. Parce que cela montre la facilité ou la
5 difficulté qu'a l'accusé de se préparer à ces différents sujets qui sont
6 abordés au fur et à mesure qu'ils se présentent.
7 Est-ce que nous pourrons le faire cet après-midi? Oui, je pense que nous
8 serons en mesure de le faire.
9 Même si ce processus a été interrompu, je pense que nous pourrons préparer
10 un tel classeur à votre intention, Messieurs les Juges.
11 En ce qui concerne l'Article 92bis en tant que tel, la requête vous sera
12 soumise dès après la fin de cette audience, cet après-midi. Il n'y a pas
13 beaucoup de jurisprudence qui est cité. La signification pratique de la
14 jurisprudence pour l'espèce est peut être très importante, et je suis tout
15 à fait prêt à étoffer mon propos demain matin ou, si vous le décidez, nous
16 pourrons reporter ce sujet jusqu'à ce que la réflexion soit un peu plus
17 avancée.
18 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il faut examiner la
19 question. Il faut voir d'abord les déclarations en tant que telles…
20 M. Nice (interprétation): Tout à fait.
21 M. le Président (interprétation): … Avant d'avoir un échange d'arguments
22 et voir aussi quelle est la jurisprudence, la nature de votre requête. A
23 mon avis, la semaine prochaine s'y prêterait bien.
24 M. Nice (interprétation): Permettez-moi d'évoquer d'autres questions
25 pendant que je les ai à l'esprit.
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1 La question du contre-interrogatoire par l'accusé, j'avais promis d'y
2 revenir. Est-ce qu'il vous serait utile que je vous présente notre
3 position?
4 C'est délibérément que nous avons adopté un profil bas. Nous avons décidé
5 de ne pas trop intervenir au moment du contre-interrogatoire pour des
6 raisons assez manifestes. Puisque ceux qui comprennent ces procès savent
7 que ceci ne représente pas un procès comme on en voit à la télévision.
8 Lorsque vous avez des jurés, c'est tout à fait différent. Ici, nous avons
9 des juges professionnels, donc l'intervention n'est pas utile. D'autant
10 que nous avons ici des interprètes. Il y a donc toujours un retard. Si
11 vous voulez intervenir, le moment est passé ou dépassé. Ce n'est pas
12 toujours utile, d'autant que cela peut semer la confusion.
13 Et puis en ce qui concerne ces interventions, nous voulons aussi protéger
14 les témoins de questions qui ne sont pas correctes. Mais, en général, les
15 juges professionnels s'en chargent eux-mêmes.
16 Jusqu'à présent, nous savons aussi que l'accusé, qui n'a pas de défenseur,
17 doit s'y retrouver, doit trouver ses marques pour ce qui est de cette
18 tâche dont il veut s'acquitter lui-même. Et aussi les questions peuvent
19 révéler pas mal de choses s'agissant de ceux qui posent les questions et
20 de ceux qui y répondent.
21 Nous savons, bien sûr, qu'il faut penser à l'effet que ceci aura sur les
22 prochains témoins. D'autant que ce procès fait l'objet de beaucoup de
23 publicité médiatique.
24 Et dans les questions qui sont posées en contre-interrogatoire, il y a
25 beaucoup d'arguments, de commentaires, à notre avis. Et ceci risque
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1 d'induire en erreur, de donner une image déformée. Surtout… Bien sûr, vous
2 êtes là, Messieurs les Juges, mais c'est vu aussi par d'autres personnes.
3 Nous nous permettons de suggérer que l'accusé, qui doit maintenant bien
4 comprendre le Règlement, que l'accusé doit être limité à des questions et
5 non pas à des commentaires pour gagner du temps.
6 Je suis conscient des dispositions de l'Article 90 qui concerne le contre-
7 interrogatoire mené par un avocat, par un conseil, et je sais que ces
8 dispositions ont été non pas modifiées mais en tout cas interprétées dans
9 les consignes données à l'accusé. De cette façon-ci, d'une façon qui
10 demande de l'accusé moins de choses qui exigent…, qui posent des exigences
11 moindres envers l'accusé qu'envers un conseil.
12 Vous avez le 90H)ii): "lorsqu'il y a un témoin qui est en mesure de
13 déposer sur un point ayant trait à sa cause…"
14 "Lorsqu'une partie contre-interroge un témoin qui est en mesure de déposer
15 sur un point ayant trait à sa cause, elle doit le confronter aux éléments
16 dont elle dispose qui contredisent ces déclarations". (Fin de citation.)
17 Donc le conseil se trouve sous le coup d'une obligation.
18 Dans l'ordonnance que vous avez rendue, Messieurs les Juges, et qui
19 s'applique à cet accusé-ci, en vertu de l'annexe B, Article 90 "contre-
20 interrogatoire", les choses ont été exprimées différemment. Puisqu'on a
21 dit qu'il avait l'occasion de poser des questions ayant trait à sa cause
22 suivant la thèse qu'il veut défendre.
23 Nous serions grandement aidés manifestement puisque ce n'est pas
24 obligatoire dans ce libellé. La Chambre et nous aussi, nous serions
25 grandement aidés si l'accusé présentait sa cause au témoin; il est à tous
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1 égards tout à fait en mesure de le faire.
2 C'est seulement lorsqu'il y a jonction d'instances que l'accusation et la
3 Chambre sont en mesure de savoir comment traiter les moyens de preuve à
4 suivre, à présenter, ce qui relève du 92bis et ceux qui n'en relèveront
5 pas.
6 S'il y a des contre-interrogatoires très longs sur des éléments qui sont,
7 pourrait-on dire, périphériques, moins centraux, on a constaté que
8 l'accusé ne s'est pas concentré sur les questions-clés, notamment celles
9 de l'expulsion et des actes y afférents.
10 M. Robinson (interprétation): A mon avis, il a bien défendu; il a présenté
11 sa cause peut-être pas de la façon dont vous le dites. Mais en tout cas,
12 moi, je commence à comprendre très clairement quelle est sa ligne de
13 défense, vu les questions qu'il pose.
14 La Chambre a été assez détendue dans l'examen de questions qu'on pourrait
15 considérer comme étant périphériques, mais si nous avons adopté cette
16 attitude, c'est parce que l'accusé se défend lui-même. Mais vous pouvez
17 présenter votre cause à vous de diverses façons parce que, dans le système
18 dont nous venons, c'est présenté d'une façon spécifique, mais ce n'est pas
19 nécessairement nonobstant l'utilisation de termes précis, qui montrent
20 dans quels sens va la stratégie. A mon avis, la défense de l'accusé est
21 tout à fait apparente et la Chambre va peut-être envisager de lui donner
22 d'autres consignes à cet égard.
23 M. Nice (interprétation): Merci de ces indications très utiles. Je me
24 contenterai de dire, outre ce que j'ai déjà dit, qu'il est très important
25 que nous connaissions ceci parce qu'il se peut que certains témoins
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1 déposent et qu'il y ait tel ou tel élément qu'ils ont laissé de côté pour
2 une raison particulière, de savoir si cette raison est contestée ou bien
3 si l'on cherche à trouver un autre moyen d'expression.
4 Voilà, c'est tout ce que je voulais dire en ce qui concerne le contre-
5 interrogatoire.
6 J'ai attiré votre attention sur le libellé de l'ordonnance et la
7 différence qu'il y a peut-être avec le 90H)ii).
8 M. le Président (interprétation): Nous savions manifestement quelle était
9 la teneur de l'article et de l'ordonnance lorsque nous l'avons rendue.
10 Ici, nous avons affaire à un accusé qui se défend lui-même, qui se trouve
11 dans une situation différente de celle dans laquelle se trouve un conseil
12 qui représente les intérêts d'un accusé. L'ordonnance a été confectionnée
13 de façon à répondre à cette circonstance.
14 Nous tenons bien sûr compte de vos remarques, nous les garderons à
15 l'esprit.
16 Comme vient de le dire le Juge Robinson, il se pourrait que nous revenions
17 sur cette question et nous aimerions avoir l'aide des amici à cet égard.
18 Mais en ce qui concerne ce sujet, nous aimerions savoir de leur part
19 quelle devrait être la portée d'un contre-interrogatoire sur des questions
20 autres que celles données directement par le témoin lorsqu'il dépose, et
21 surtout quelle devrait être la portée d'un contre-interrogatoire qui doit
22 être autorisé pour des questions qui concernent, par exemple, l'UCK ou le
23 bombardement de l'OTAN.
24 Nous gardons à l'esprit que l'accusé aura l'occasion, bien sûr, en temps
25 utile, de présenter ses moyens à décharge.
Page 1115
1 Il faut s'interroger sur la portée autorisée, sur l'ampleur du contre-
2 interrogatoire.
3 M. Kay (interprétation): Messieurs les Juges, est-ce que vous voudriez des
4 écritures de notre part sur ce point? Est-ce que ceci pourrait vous aider?
5 C'est tellement important comme sujet qu'il faudrait avoir le temps de
6 s'accorder un certain temps de réflexion plutôt que d'en discuter comme
7 cela, sur le vif.
8 M. le Président (interprétation): Oui. Et si vous décidez de coucher des
9 arguments par écrit, élargissez votre propos à quelque chose qui va plus
10 loin encore. Il faut discuter de la mesure dans laquelle, en procédure
11 pénale internationale, lorsque vous avez le "tu quoque", lorsque vous avez
12 cette défense du "tu quoque", lorsque la partie adverse est donc à blâmer,
13 dans quelle mesure il faut examiner, il faut avancer cette thèse.
14 Certains bureaux ont un avis très strict, très étroit sur la matière et
15 nous aimerions avoir votre avis quant à la bonne démarche à adopter.
16 M. Kay (interprétation): Oui.
17 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas encore exclu de moyen
18 de preuve de question relevant de ce sujet, mais certains pourraient dire
19 que c'est tout à fait sans pertinence, sans intérêt.
20 M. Kay (interprétation): Nous allons faire une étude sur la question et
21 incorporer ces réflexions dans ces écritures pour avoir un examen global
22 de la question.
23 M. le Président (interprétation): Merci.
24 M. Nice (interprétation): Nous avons décidé de ne pas être
25 interventionnistes dans ce type de défense, mais le moment sera venu pour
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1 nous aussi de nous adresser à vous par écrit également.
2 Ce serait peut-être utile, sous réserve de tout ce que j'ai dit cet après-
3 midi. J'ai l'intention de poursuivre ce rôle essentiellement non
4 interventionniste et je pense que c'est bien le rôle qu'attend de nous la
5 Chambre.
6 M. le Président (interprétation): Oui, soyez rassurés que nous sommes tout
7 à fait favorables à cette démarche.
8 M. Nice (interprétation): Merci.
9 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas un procès par jury où il
10 est utile d'avoir des conseils qui n'arrêtent de se lever, de se rasseoir
11 pour faire des interventions. Pour nous, c'est sans intérêt. Nous sommes
12 ici dans un Tribunal où il y a des juges professionnels et ceux-ci sont
13 tout à fait à même de déterminer à quel moment une question n'est pas
14 correcte ou est irrecevable.
15 M. Nice (interprétation): Je suis conscient du temps qui s'écoule.
16 Monsieur Boas n'est pas présent et c'est lui qui s'occupe de la partie
17 Croatie/Bosnie de ce procès. Je sais qu'il reste des questions en suspens
18 pour ces parties-là du procès. Il y a surtout la question des délais à
19 respecter pour le dépôt des écritures et la signification des documents.
20 J'aimerais évoquer rapidement un point maintenant et le reprendre de façon
21 plus approfondie demain matin. Ceci revient à ce que Mme la Procureure
22 vous disait en personne à propos de ses engagements: elle prenait des
23 engagements envers vous pour ce qui est des délais à respecter du dépôt
24 des mémoires préalables au procès; et que ceci était subordonné à quelques
25 exigences. On a fait référence à un des articles du Règlement.
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1 Je pense que Mme la Procureure pensait au 65ter-E)i), qui parle du moment
2 où il faudra déposer la version définitive du mémoire préalable au procès,
3 ce qui implicitement veut dire qu'il est possible de déposer des mémoires
4 provisoires.
5 Quoi qu'il en soit, le Procureur avait bien entendu compris qu'il était
6 possible, comme cela s'est fait dans d'autres procès mais aussi dans
7 d'autres circonstances, de présenter des documents à titre provisoire.
8 Je garde vos consignes à l'esprit, Messieurs les Juges, par rapport à ce
9 que vous avez dit au Procureur et aux amici il y a une semaine de cela.
10 Est-ce que je peux demander à la Chambre d'examiner avec le plus grand
11 sérieux ceci, ces deux réalités?
12 Vu ce qu'on demande, ce que l'accusé demande s'agissant des déclarations
13 relevant du 92bis, et à la suite de la décision que vous allez peut-être
14 rendre, il y aura peut-être des retards accusés dans cette partie-ci du
15 procès. Ceci ne nous plaît peut-être pas, mais c'est inévitable. Ça, c'est
16 une réalité; il y en a une autre.
17 Le mémoire préalable au procès dans l'affaire Plavsic/Krajisnik, qui a des
18 liens très étroits à bien des égards avec ce procès, est prévu pour la fin
19 du mois d'avril. Il est bien sûr souhaitable, même important, que
20 l'accusation ait une démarche coordonnée dans ces procès plutôt qu'une
21 démarche désordonnée. Le mémoire concernant Plavsic/Krajisnik ne peut pas
22 être avancé avant cette date et je pense que ce serait très utile pour
23 l'accusation -et ceci pourrait faire l'économie d'appels futurs qui ont
24 surgi dans des procès du même type, là où il y a une grande
25 désorganisation-, je pense qu'il serait utile que nous disposions d'un
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1 mois supplémentaire pour être sûrs de ce que nous présentons, une vue
2 coordonnée du parquet, bien coordonnée sur tous les procès.
3 Il y a aussi des contraintes de temps qui pèsent sur nous. Madame la
4 Procureure l'a dit clairement lorsqu'elle a parlé de listes de témoins
5 provisoires, de mémoires préalables au procès provisoires. Ce sont des
6 documents à ce point importants qu'il faut effectivement beaucoup
7 d'efforts pour essayer de respecter les délais prévus initialement, vu le
8 nombre de documents.
9 J'aimerais avoir la possibilité d'en parler davantage demain matin. Je
10 n'étais pas là hier. Il y a 1.000 autres questions qui m'ont occupé
11 aujourd'hui, qui m'ont empêché d'être dans le prétoire et d'examiner plus
12 avant ces questions, mais j'aimerais pouvoir vous soumettre d'autres
13 arguments demain.
14 Et puis, il y a un sujet tout à fait différent, sujet sur lequel je
15 voudrais intervenir depuis un certain temps. J'en ai parlé à votre Juriste
16 de la Chambre, mais je ne sais pas si j'en ai parlé aux amici.
17 Pourquoi ne pas leur en parler ici, en cette occasion? Ceci concerne les
18 documents qui vont être soumis à la Chambre à la fin de cette procédure, à
19 la fin du procès.
20 La Chambre le sait peut-être, vu les arguments que j'aurai soumis dans ce
21 procès ou dans un autre procès, on a souvent l'impression que les parties
22 à un procès, l'accusation ou, s'il y a une défense, la défense -ici, peut-
23 être en l'occurrence les amici ou ceux qui officient dans la Chambre-,
24 vont fournir des documents qui, s'ils sont similaires, ne sont pas
25 identiques. Ceci soulève deux problèmes intéressants.
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1 D'abord, celui des ressources humaines parce qu'il y a peut-être double
2 emploi.
3 Deuxième problème: des documents qui peuvent avoir un fort effet de
4 persuasion ne seront pas considérés comme persuasifs par l'accusée. Ici,
5 c'est quelquefois l'inverse qui va se présenter: il y a des documents qui
6 risquent de l'aider, des outils d'analyse par exemple. Depuis un certain
7 temps, je me demande, puisque ce procès sera long de toute façon, je me
8 demande s'il est possible que des documents soient préparés qui seraient
9 utiles pour tous et qui pourraient être, disons, des documents communs. Je
10 pense à des chronologies, à des documents qui fournissent des éléments
11 d'analyse, des moyens de preuve au fur et à mesure qu'ils seront
12 présentés. Par exemple, des tableaux du genre de ceux que l'accusé peut
13 utiliser à la fin du procès pour faire ses commentaires, pour présenter
14 des arguments écrits à la Chambre.
15 J'aimerais que vous m'accordiez un certain temps pour vous soumettre ces
16 arguments, mais j'ai besoin pour les étoffer, pour les étayer de certains
17 documents. Je pensais que j'allais vous soumettre tout ceci demain au plus
18 tôt. Demain ou, au plus tard, au cours de la semaine ou la semaine
19 prochaine, peut-être pourrions-nous discuter de cette question? Ce n'est
20 peut-être pas là quelque chose d'impossible, ou peut-être que c'est la
21 seule accusation qui pourrait présenter de tels documents, de temps à
22 autre, à la partie adverse qui pourrait ainsi s'en servir, mais nous
23 sommes ici dans un environnement où il faut faire preuve d'imagination,
24 pour faire preuve aussi d'économie et pour respecter les intérêts de
25 l'accusé.
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1 Ce type de documents, qui nous seraient communs à tous, pourraient être
2 des plus utiles.
3 Est-ce que je pourrais revenir à cette question un peu plus tard?
4 M. le Président (interprétation): Et demain, vous voulez parler d'autre
5 chose?
6 M. Nice (interprétation): Oui, demain, de cela ainsi que de la question de
7 la date des mémoires préalables au procès pour les deux autres parties du
8 procès, Bosnie et Croatie. Puis, j'aimerais aussi avoir un sujet, mais
9 pour celui-là, j'aimerais avoir quelques modèles à vous soumettre.
10 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous vous entendrons sur cela
11 demain matin.
12 Madame la Greffière, s'il vous plaît?
13 (Le Président s'entretient avec la Greffière d'audience.)
14 Nous reprendrons les débats demain matin à 9 heures 30.
15 (L'audience est levée à 16 heures 07.)
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