Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 8 mars 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures.)

3 (Le témoin, M. Sabit Kadriu, est dans le prétoire.)

4 (Audience publique.)

5 (Contre-interrogatoire du témoin, Sabit Kadriu, par l'accusé, M.

6 Milosevic.)

7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, à vous.

8 M. Milosevic (interprétation): Merci. Je voudrais dire tout d'abord que ce

9 témoignage marathonien que nous avons entendu pendant deux jours confirme

10 l'avertissement que j'avais lancé à l'opinion publique, à savoir qu'il

11 s'agissait d'un geste tactique du Procureur qui consiste à intervertir les

12 thèses et les sources.

13 M. le Président (interprétation): Mais nous allons passer aux questions,

14 Monsieur Milosevic. Quelles sont vos questions?

15 M. Milosevic (interprétation): Ne vous en souciez pas.

16 Tout d'abord, dites-nous de quel Conseil chargé des droits de l'homme

17 s'agit-il? C'est un conseil qui a été créé par qui?

18 M. Kadriu (interprétation): Le Conseil pour les droits de l'homme et les

19 libertés a été institué dans les années 90 aux fins d'enquêter sur la

20 violence et la terreur commises par la police et l'armée serbe contre la

21 population albanaise. Ce Conseil a également enquêté sur les violences

22 commises de façon générale; il s'agit donc d'une association à caractère

23 humanitaire.

24 Je pense que vous savez certainement que ce Conseil a été enregistré

25 auprès de la Fédération yougoslave avec son propre sceau, son propre

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1 emblème, son sceau émis par M. Kambloski(?). Je ne me souviens pas quelle

2 était sa fonction au juste, mais ce Conseil était tout à fait public à

3 Pristina, fonctionnait de façon tout à fait publique à Pristina.

4 M. Milosevic (interprétation): Qui l'a créé?

5 M. Kadriu (interprétation): Le Conseil pour les droits de l'homme et les

6 libertés s'est avéré être une nécessité à l'époque. Il était impératif de

7 l'instituer en raison des violences et des représailles qui ont suivi la

8 privation d'autonomie.

9 M. le Président (interprétation): Puis-je vous prier, Monsieur Kadriu, de

10 bien écouter la question et d'y répondre directement? On vous a demandé

11 qui a institué ce Conseil.

12 M. Kadriu (interprétation): Il a été institué, fondé par un groupe

13 d'intellectuels, mais il y en avait également d'autres, des membres

14 honoraires du Conseil. Mais ils n'étaient pas Albanais.

15 M. Milosevic (interprétation): Et quel était ce groupe d'intellectuels qui

16 avait mis en place ce Conseil: vous-même et combien d'autres personnes?

17 M. Kadriu (interprétation): Ce n'est pas moi-même qui ai institué ce

18 Conseil à Pristina. Le Conseil pour les droits de l'homme et les libertés

19 à Pristina, c'était une institution de notoriété publique, en toute

20 transparence, non seulement au Kosovo mais même au-delà, et même au-delà

21 de la Yougoslavie.

22 Question: Donc cela était mis en place par un groupe d'Albanais,

23 d'intellectuels qui en avaient fait une espèce d'instance à eux: c'est

24 bien ce que vous nous avez dit?

25 Réponse: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'outre des Albanais, il y avait

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1 d'autres membres du Conseil qui n'étaient pas Albanais. Bien entendu,

2 l'initiative émanait de Pristina.

3 Question: Dans votre témoignage, vous avez parlé de choses dont vous avez

4 ouï dire. Et cela aurait constitué les résultats ou l'issue du travail

5 effectué par votre Conseil. N'est-ce pas ainsi que cela s'est fait?

6 Réponse: Nous avons exécuté les obligations de ce Conseil pour les droits

7 de l'homme et les libertés. Nous avons enquêté sur des cas de violence et

8 de représailles commises par votre police contre la population albanaise

9 du Kosovo.

10 M. Milosevic (interprétation): Bien. On en a suffisamment entendu parler.

11 Vous avez parlé, au début de votre témoignage, de votre mécontentement par

12 l'encyclopédie de la Yougoslavie. Saviez-vous que cette encyclopédie-là a

13 été publiée par l'Institut de lexicographie à Zagreb?

14 M. Kadriu (interprétation): Je regrette que, puisque vous avez insisté, je

15 n'ai pas eu le droit de pouvoir parler de cette encyclopédie de 1938. Vous

16 avez dit que je n'étais pas expert en la matière, mais je tiens tout de

17 même à informer cette Chambre que j'ai lu ce mémo et que nous avons payé

18 de notre propre sang, tous au Kosovo, le mémo rédigé par Cubrilovic, qui

19 était très chauvin, très nationaliste. Et après la guerre, c'est sur la

20 base de ce mémo de notoriété publique que l'Académie d'Art et des Sciences

21 a travaillé après la guerre.

22 J'aimerais vous rappeler...

23 M. le Président (interprétation): Cela suffit. Nous devons à tout prix

24 aller de l'avant. Je vous prie donc, Monsieur Milosevic, de poser votre

25 prochaine question.

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1 M. Milosevic (interprétation): Saviez-vous que le président du Comité

2 chargé de l'encyclopédie pour la rédaction de l'encyclopédie en question

3 avait été l'un de vos écrivains, Esad Mekuli?

4 M. Kadriu (interprétation): L'encyclopédie a créé, a animé les

5 intellectuels et les étudiants albanais de mécontentement.

6 M. le Président (interprétation): La question était la suivante, dans la

7 mesure où c'était pertinent: Esad Mekuli a été décrit comme président, si

8 je ne m'abuse, du Comité pour l'encyclopédie. Savez-vous si tel était le

9 cas ou non?

10 M. Kadriu (interprétation): Je ne m'en souviens pas. Tout ce que je sais,

11 c'est que cela a suscité un mécontentement parce que la population

12 albanaise du Kosovo ne s'est pas vu accorder sa propre place, la place qui

13 lui serait revenu dans cette encyclopédie.

14 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais savez-vous qui est Esad Mekuli?

15 Réponse: Bien entendu je sais qui était Esad Mekuli, puisqu'il avait

16 publié des recueils de poèmes que j'avais lus. J'ai été éduqué dans

17 l'esprit humanitaire qu'il prônait.

18 Question: Bien. Il avait été président du Comité chargé de la rédaction de

19 l'encyclopédie du Kosovo et de la Metohija; d'ailleurs, c'est ce qui

20 figure dessus.

21 Vous avez dit que vous vous étiez plaint, que vous aviez demandé une

22 entrevue avec Bakalli. Est-ce que vous vous souvenez que c'est précisément

23 Bakalli qui avait dit, pour ces manifestations, qu'il s'agissait de

24 manifestations ennemies?

25 Réponse: Oui, nous avons demandé à nous réunir avec Mahmut Bakalli pour

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1 parler de la situation qui résultait de la publication de cette

2 encyclopédie "Les violences et les terreurs commises par la police serbe

3 contre les jeunes et les étudiants". Et il n'est pas venu. Sans doute

4 avait-il peur de vous, des dirigeants serbes à l'époque. Il n'est pas venu

5 en discuter avec les étudiants.

6 Question: Et comment Bakalli avait-il peur de moi en 1981, comment cela se

7 peut-il?

8 Réponse: Non seulement en 1981, mais les dirigeants albanais du Kosovo

9 n'ont jamais été libres de faire ce qu'ils voulaient, ils étaient obligés

10 de suivre la ligne qui leur était imposé par vous, et ce tout le temps.

11 Question: Et vous souvenez-vous du fait que toutes les structures

12 politiques à l'époque au Kosovo et Metohija avaient jugé que ces

13 manifestations se trouvaient être ennemies et constituaient un acte

14 conforme à la ligne suivie par le séparatisme et le nationalisme albanais?

15 Vous en souvenez-vous?

16 Réponse: Pas tous, seulement certains. Oui, ils les ont caractérisées

17 comme vous l'avez décrit parce qu'il s'agissait de la dictature communiste

18 sous l'égide de Belgrade. C'est le comité central à l'époque qui décidait

19 comment décrire, comment qualifier ces protestations.

20 Question: Je vous prie de répondre aux questions que je vous pose sans

21 nous fournir des explications trop amples parce que sinon nous n'en

22 finirons pas. Et je le dis parce que je ne voudrais pas que les longueurs,

23 la faute pour les longueurs soit attribuée à moi-même.

24 Vous avez dit tout à l'heure que ces manifestations avaient eu pour slogan

25 "Kosovo République". Par conséquent, le motif socio-économique des

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1 manifestations a été rejeté dès le départ même. Vous aviez parlé du retard

2 économique, de la discrimination du Kosovo et "Kosovo République"; c'est

3 bien cela, n'est-ce pas?

4 Réponse: Tout cela, ainsi que le mécontentement suscité immédiatement

5 après la Deuxième Guerre mondiale lorsque vous avez imposé le siège à

6 Drenica, tout cela nous a obligé à demander une République du Kosovo dans

7 le contexte de la Fédération yougoslave de l'époque. Parce que nous

8 pensions que nous étions la troisième population en termes de nombre en

9 Yougoslavie, mais nous n'étions pas traités sur un plan d'égalité.

10 Les ressortissants du Monténégro représentent un tiers de nos nombres,

11 mais ils avaient leur propre République alors que nous n'avions pas notre

12 propre République. Je crois que cela aurait la meilleure solution, même

13 pour la Yougoslavie à l'époque, parce qu'ainsi la démocratie aurait été

14 réalisée et il se serait agi d'un acte de philanthropie de donner à notre

15 peuple les mêmes droits juridiques que les autres.

16 Question: Vous venez de mentionner le siège de Drenica après la Deuxième

17 Guerre mondiale. Savez-vous de quel type de siège il s'était agi à

18 Drenica? Répondez par "je sais" ou "je ne sais pas".

19 Réponse: Oui, je le sais assez bien.

20 M. Milosevic (interprétation): Et si vous le savez assez bien, savez-vous

21 aussi que dans cette région de Drenica après la Deuxième Guerre mondiale,

22 après la chute du fascisme, pendant plusieurs années encore dans les

23 forêts il se cachait des bandes de Baalistes qui avaient collaboré avec

24 l'occupant allemand et qui abattaient les gens, non seulement dans la

25 région de Drenica mais en dehors de celle-ci à chaque fois qu'ils

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1 pouvaient décapiter qui que ce soit? Est-ce que vous le savez-vous? Le

2 savez-vous? Répondez-nous: "oui" ou "non".

3 M. Kadriu (interprétation): Je ne peux répondre à cette question par oui

4 ou par non. J'aimerais, s'il vous plaît… J'ai le droit d'élaborer.

5 M. le Président (interprétation): Quelle est la pertinence de cette

6 question?

7 M. Milosevic (interprétation): La pertinence c'est que le Témoin a dit que

8 l'on avait commis une injustice à l'égard du peuple albanais en raison du

9 soi-disant siège de Drenica après la Deuxième Guerre mondiale. Et je vous

10 rappelle que Drenica…, qu'il s'agit de… Drenica, c'est la région autour de

11 ce qu'ils appellent actuellement Dukagjin. Et la vérité c'est qu'il

12 s'agissait de résidus de formations Quisling qui s'étaient battues du côté

13 de Hitler, avaient trouvé un refuge dans ces montagnes et que pendant des

14 années par la suite l'armée, notre armée, avait déployé tous les efforts

15 possibles pour les liquider. Et si cela est exact…

16 M. le Président (interprétation): Je vous prie d'arrêter! Un instant!

17 Nous devons ici poursuivre des événements qui ont eu lieu dans les années

18 90, à la fin des années 90. Dans la mesure où des événements qui ont eu

19 lieu il y a 50 ans plus tôt sont pertinents, c'est à nous qu'il appartient

20 d'en décider. Maintenant, l'on a suffisamment parlé de cette question, en

21 tout cas en ce qui concerne ce témoin. Nous avons entendu sa déposition,

22 ce que vous avez dit à ce sujet. Maintenant, allons de l'avant et

23 arrivons-en à la période concernée ici.

24 M. Milosevic (interprétation): Je ne traite que de ce sujet-là. Et je n'ai

25 mentionné aucune des questions ou aucun des thèmes qui n'auraient pas été

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1 soulevés par le Témoin. Donc il n'est pas judicieux de...

2 M. le Président (interprétation): Je parle du procès dans son ensemble, de

3 ce qui est pertinent. Mais allons de l'avant.

4 M. Kadriu (interprétation): … (Pas d'interprétation.)

5 M. le Président (interprétation): Je vous prie de pas faire de remarque.

6 Je vous prie simplement de répondre aux questions qui vous sont posées.

7 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

8 M. Milosevic (interprétation): Vous nous avez dit qu'il fallait une

9 République du Kosovo, mais saviez-vous que les Albanais ont un Etat, une

10 patrie mère?

11 M. le Président (interprétation): En quoi est-ce que cela est pertinent?

12 Cela ne va pas nous aider. Non. J'aimerais que nous avancions.

13 Il a dit qu'il a été fait mention d'une République du Kosovo lors de ces

14 manifestations.

15 M. Milosevic (interprétation): Il n'avait pas dit que cela avait été

16 mentionné, mais il avait dit que l'objectif principal de toutes ces

17 activités déployées avait consisté en la sécession du Kosovo vis-à-vis de

18 la Yougoslavie et il s'agissait d'arracher un territoire appartenant à la

19 Yougoslavie, un territoire appartenant à la Serbie. C'est de cela qu'il

20 s'agit et pas d'autre chose.

21 Vous aviez dit, Monsieur le Témoin, que vous aviez raison de le faire

22 parce que vous étiez le troisième dans l'ordre des peuples de par sa

23 grandeur en Yougoslavie. Avant-hier, vous aviez dit que vous étiez le

24 second de par sa taille; maintenant, vous dites que vous êtes le

25 troisième. Mais vous ne venez qu'après les Serbes, les Croates, les

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1 Slovènes et les Macédoniens. Donc, d'après ce calcul, vous seriez

2 cinquième. Donc ces chiffres élémentaires ne sont pas exacts non plus.

3 M. le Président (interprétation): Quelle est la question que vous posez?

4 M. Milosevic (interprétation): La question c'est de savoir s'il était au

5 courant du fonds destiné au développement des sous-développés, fonds à

6 partir duquel le Kosovo et Metohija recevait pendant des décennies, des

7 décennies durant, recevait quelquefois plus de fonds et de moyens

8 financiers qu'elle n'en créait elle-même?

9 M. Kadriu (interprétation): En premier lieu, je n'ai pas dit que nous

10 voulions la sécession de la Yougoslavie; nous voulions une République dans

11 la Fédération yougoslave.

12 Pour ce qui est de ces fonds, j'aimerais vous expliquer qu'il s'agissait

13 d'un fonds international pour le développement du Kosovo puisque c'était

14 la région, le pays le plus arriéré de l'Europe. Mais ces fonds

15 internationaux accordés par les institutions internationales au Kosovo,

16 ont été détournés; vous les avez détournés. Il s'agissait des années 70,

17 je pense; j'étais tout jeune, mais je sais qu'il s'agissait d'un fonds

18 international pour le développement du Kosovo.

19 M. Milosevic (interprétation): Je ne peux pas faire de commentaire

20 s'agissant d'une telle bêtise. Il y avait un fonds pour le développement

21 des régions insuffisamment développées; il s'agissait d'un fonds

22 yougoslave.

23 M. le Président (interprétation): Nous avons entendu sa réponse et nous

24 pouvons entendre tout élément de preuve que vous souhaiteriez invoquer à

25 cet égard.

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1 Maintenant, j'aimerais vraiment que nous nous approchions de plus près des

2 événements couverts par l'Acte d'accusation.

3 M. Milosevic (interprétation): Je suis en train de parler de sujets dont

4 le témoin nous a parlé. Je vous saurais gré de pas me donner

5 d'instructions à ce sujet.

6 Vous avez soulevé la question ou plutôt le Procureur vous a demandé si

7 vous aviez traité des questions de violation des droits de l'homme des

8 Serbes et vous avez dit qu'il n'y avait pas de violation des droits de

9 l'homme à l'égard des Serbes, et qu'il n'y avait pas de violence à l'égard

10 des Serbes au Kosovo. C'est une chose que nous n'avons pas à déterminer;

11 je crois que nous en avons tous entendu parler.

12 Je voudrais maintenant que vous nous disiez si vous étiez au courant des

13 violences perpétrées à l'égard des Serbes au cours des vingt dernières

14 années. Et je vais être plus précis encore: est-ce que vous êtes au

15 courant des meurtres, des incendies, des viols, des coupes d'arbres

16 fruitiers, de destruction d'églises, de passages à tabac, de destruction

17 et profanation de cimetières et des tombes. Est-ce que vous êtes au

18 courant? Est-ce que vous êtes au courant de toutes ces violences

19 perpétrées à l'égard des Serbes pendant plus de 40 ans?

20 M. le Président (interprétation): Très bien, très bien. Mais maintenant

21 une question. Un instant! Je voudrais traiter cela: vous avez posé toute

22 une série de questions en une question.

23 La première question, Monsieur Kadriu, est la suivante: y a-t-il eu des

24 violations des droits de l'homme perpétrées contre les Serbes au cours de

25 ces 20 ans?

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1 M. Kadriu (interprétation): Si tel a été le cas, cela a été très rare, et

2 le Conseil pour les droits de l'homme et les libertés en a fait état. Mais

3 il y a eu de nombreuses fabrications. Nous n'avions pas d'Albanais au

4 pouvoir, donc c'est à lui que le pouvoir appartenait, tous les organes

5 étatiques, les tribunaux, tout était sous son autorité.

6 M. le Président (interprétation): La prochaine question: y a-t-il eu des

7 violences commises à l'égard des Serbes, différentes formes de violence

8 alléguées?

9 M. Kadriu (interprétation): Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens

10 d'aucun cas, sauf des cas manipulés par le régime Milosevic. Je me

11 souviens d'une affaire concernant une bouteille qui a été manipulée par le

12 régime serbe, utilisée comme prétexte pour intervenir au Kosovo.

13 M. le Président (interprétation): Et il est également allégué qu'il y a eu

14 des destructions d'églises, des profanations de cimetière, des

15 destructions de vergers: ces allégations sont-elles un tant soit peu

16 véridiques?

17 M. Kadriu (interprétation): Je n'ai jamais entendu parler de telles

18 choses. Tout le pouvoir était entre les mains de Milosevic: qui aurait osé

19 faire de telles choses?

20 M. Milosevic (interprétation): A moi de demander alors: avant les mains de

21 Milosevic, donc dans les années 80, est-ce que vous êtes au courant de ces

22 violences-là, celles qui ont eu lieu entre les années 80 et les années 90?

23 Vous le savez ou vous ne le savez pas? Dites-nous: je le sais ou je ne

24 sais pas.

25 M. Kadriu (interprétation): Je ne sais pas parce qu'à l'époque, le Conseil

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1 pour les droits de l'homme n'existait pas. Il n'y avait pas de violence.

2 M. Milosevic (interprétation): D'habitude, on compte depuis le Christ,

3 depuis la naissance du Christ, et non pas depuis la création du Conseil

4 chargé des droits de l'homme.

5 Je vous pose la question de savoir si vous le saviez ou pas, parce que

6 vous étiez vivant avant la création de ce Conseil chargé de la protection

7 des droits de l'homme. Je voudrais savoir combien d'habitants de Kosovo et

8 Metohija avaient…, sous pression, sous la violence perpétrée par les

9 Albanais, ont dû quitter le territoire du Kosovo et de la Metohija. Le

10 savez-vous ou ne le savez-vous pas?

11 Réponse: Ils n'ont pas émigré en raison de violences, mais parce qu'ils

12 avaient de bien meilleures conditions de vie en Serbie qu'au Kosovo. Le

13 Kosovo, c'était la région la plus pauvre d'Europe; il n'y avait pas de

14 conditions adéquates pour les Serbes. Alors, pourquoi les Serbes ne

15 seraient-ils pas partis en Serbie? Ils ont vendu leurs terres à des prix

16 très élevés aux Albanais, des terres obtenues avant la Deuxième Guerre

17 mondiale, par la colonisation, et ont acheté en Serbie des terres à moitié

18 prix.

19 M. Milosevic (interprétation): C'est très bien. Je suis bien aise de voir

20 que vous vous y connaissez en commerce immobilier, mais je vous demandais

21 tout à l'heure si vous étiez au courant du nombre des Serbes qui avaient

22 déménagé de là-bas devant les violences albanaises entre 80 et 90. Le

23 savez-vous ou ne le savez-vous pas?

24 M. Kadriu (interprétation): Je ne le sais pas, car l'appareil étatique

25 était yougoslave, n'était pas le nôtre, n'appartenait pas aux Albanais. La

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1 Serbie a toujours exercé son influence sur le Kosovo et contrôlé tout. Il

2 est tout à fait absurde de penser que nous avions notre propre appareil

3 étatique capable d'expulser des gens. Les personnes se sont déplacées

4 volontairement. Tout cela dans le cadre de la Fédération yougoslave.

5 M. Robinson (interprétation): Nous n'avons pas besoin d'une longue

6 dissertation.

7 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

8 M. Milosevic (interprétation): Vous affirmez également, et je crois que

9 nous avons tiré les choses au clair -mais nous reviendrons sur ce sujet

10 tout à l'heure.

11 Vous affirmez donc que depuis les années 80 ou depuis les années 90 les

12 Albanais avaient été évincés des écoles. J'ai pris bonne note de cela.

13 Combien de classes mixtes y avait-il? Et combien d'enfants albanais y

14 avait-il dans les écoles jusqu'en 1999? Est-ce que vous avez une idée de

15 la chose?

16 M. Kadriu (interprétation): L'éviction de ces étudiants albanais des

17 écoles, les classes n'étaient pas mélangées, il y avait des classes

18 séparées dans les mêmes bâtiments. Mais le fait d'évincer les étudiants

19 albanais de ces écoles, cela a eu lieu en 1998 lorsque vous êtes arrivé au

20 pouvoir, avec tant de bruit et en suscitant des sentiments tellement

21 forts. Cela a rappelé aux Serbes ces mythes.

22 M. Milosevic (interprétation): Bien. Ecoutez, nous n'allons jamais

23 terminer ce contre-interrogatoire si vous répondez aussi longuement. Je

24 vous prie de répondre si possible avec oui ou non ou avec une explication

25 si le cas échéant, mais une explication brève.

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1 Etes-vous au courant des données relatives au nombre des élèves en

2 fonction des langues d'enseignement; donc en langue albanaise et en langue

3 serbe jusqu'au 23 mars 1999? Je ne parle pas de l'année 1988 et de

4 quelques autres années, mais je parle de l'année 1999, le début de l'année

5 1999. Et il est une donnée qui dit qu'au Kosovo et Metohija il y avait au

6 total, pour ce qui est de l'enseignement en langue serbe dans les écoles,

7 45.279 élèves qui apprenaient donc les matières enseignées en langue

8 serbe.

9 M. le Président (interprétation): Veuillez vous arrêter. Monsieur

10 Milosevic, vous avez reproché au témoin de prendre trop de temps, mais

11 vous prenez également énormément de temps avec ces questions. Quelle est

12 la question que vous souhaitez poser au témoin?

13 En 1999, 45.279 étudiants qui recevaient l'enseignement en langue serbe,

14 voilà ce que vous avez dit.

15 Est-ce que vous en savez quelque chose, Monsieur Kadriu?

16 M. Milosevic (interprétation): Ce n'était pas ma question. Ma question

17 était de savoir s'il était au courant du fait qu'en même temps 235.881

18 élèves suivaient un enseignement en langue albanaise, et ce au début de

19 l'année 1999? 235.881.

20 M. Kadriu (interprétation): De quelle période, parlez-vous?

21 Question: Je parle de l'année 1999, juste avant la guerre.

22 Réponse: Les étudiants albanais ont été expulsés des écoles primaires, des

23 écoles secondaires, des universités. Ils ont été expulsés de ces bâtiments

24 par les forces de police, la violence policière. Les étudiants, les

25 écoliers ont tous été évincés, ils ont dû étudier en dehors des écoles et

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1 cela tout le monde, le monde entier le sait.

2 M. Milosevic (interprétation): Cela personne ne le sait. Et si c'est

3 connu, c'est la propagande, c'est connu comme de la propagande. Moi, je

4 vous affirme que 235.881 étudiants ou élèves suivaient un enseignement en

5 langue albanaise et le témoin d'avant-hier qui était originaire de Zegra a

6 dit lui-même...

7 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu par la négative, il

8 a dit que ce n'était pas le cas.

9 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien.

10 Dans la municipalité de Vucitrn, début de 1999, et dans votre

11 municipalité, et si j'ai bien compris vous êtes actuellement le maire ou

12 le vice-président de l'assemblée municipale, il y avait 12.258 enfants qui

13 suivaient un enseignement en Albanais et 200 et quelque qui suivaient un

14 enseignement en serbe. Maintenant, pour ce qui est de la municipalité de

15 Serbica, il y en avait 102 et 10.

16 M. le Président (interprétation): Une chose à la fois, s'il vous plaît.

17 L'allégation tout d'abord concernant la municipalité dont le Témoin était

18 un habitant.

19 Monsieur Kadriu, savez-vous quelque chose à ce propos?

20 M. Kadriu (interprétation): Monsieur Milosevic a des informations

21 erronées. Dans le village de Prelluzh et Gojbulla et le village de Graca

22 et la commune de Vushtrri, eh bien, la majorité des habitants est serbe,

23 et nous ne savions pas combien d'écoliers il y avait. Nous n'avons pas pu

24 nous y rendre pour des enquêtes. Mais Lumnik s'occupe des écoliers, il

25 veille à ce qu'ils puissent se rendre à l'école.

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1 M. Milosevic (interprétation): Cela n'a rien à voir avec la question que

2 je vous ai posée. Je vous ai demandé si vous saviez que dans la

3 municipalité de Vucitrn avant la guerre, donc juste avant la guerre, il y

4 avait 12.258 Albanais qui suivaient un enseignement en langue albanaise.

5 M. Robinson (interprétation): Monsieur Kadriu, voudriez-vous confirmer ou

6 infirmer cela sans nous faire tout un discours?

7 M. Kadriu (interprétation): Non pas 12.000, mais 14.000 étudiants

8 étudiaient en dehors des écoles, ils étaient privés des bâtiments de

9 l'école par votre police, ce en 1991. Nous étudiions dans des maisons

10 privées. Nous avons transformé nos habitations en école et même là on n'a

11 pas voulu nous laisser en paix. Même là, ils ont arrêté des dizaines

12 d'enseignants, de professeurs. Vous avez arrêté et condamné des dizaines

13 d'étudiants.

14 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, veuillez poser la

15 prochaine question.

16 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez que le témoin

17 d'avant-hier qui est originaire de Zegra avait confirmé que les enfants

18 avaient reçu un enseignement dans des écoles et non pas dans des maisons

19 privées et qu'il y avait chez lui quelque 900 élèves?

20 M. Kadriu (interprétation): Ce n'est pas vrai que des écoliers albanais

21 ont suivi des cours dans les écoles et les bâtiments de l'école, à

22 l'exception de quelques écoles primaires qui...

23 Question: Vous affirmez que ce n'est pas vrai, donc finissons-en.

24 Réponse: Ce n'est pas vrai. Nous étions dans des maisons privées.

25 M. Milosevic (interprétation): Dans le lycée de Vucitrn, il y a 62 élèves

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1 en langue albanaise. Dans une école technique, 106 élèves en langue

2 albanaise, juste avant la guerre, donc je ne parle pas seulement des

3 écoles primaires mais je parle également des écoles secondaires.

4 M. Kadriu (interprétation): La question n'est pas claire, je ne sais pas

5 comment y répondre. Je ne décèle pas de question et je n'ai pas saisi les

6 chiffres. Je ne sais pas ce que vous voulez.

7 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons entendu toute

8 une série d'éléments de preuve sur cette question, et il appartiendra en

9 fin de compte à la Chambre d'apprécier ces éléments de preuve.

10 Vous devriez maintenant aller de l'avant et, comme le Président l'a dit,

11 en venir à une période qui est bien plus proche de la période concernée

12 par l'Acte d'accusation.

13 M. Milosevic (interprétation): Je me dois de dire que ce thème relatif à

14 la soi-disant discrimination des enfants albanais et comme le témoin

15 initial Bakalli en parlait, parlant de l'apartheid, se trouve très proche

16 des thèmes qui sont englobés par l'Acte d'accusation. Il s'agit de

17 mensonges complets parce qu'il y a des centaines de milliers d'enfants qui

18 avaient reçu un enseignement en langue albanaise, et ce sont là des

19 chiffres qui sont notoirement connus.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous vous avons

21 demandé d'aller de l'avant. Nous avons déjà entendu ces arguments, je suis

22 sûr que nous en entendrons encore parler.

23 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que dans le cadre de la

24 Conférence de Genève en 1992, donc en 1992, le Gouvernement de notre pays

25 avait envoyé une proposition pour ce qui est de surmonter les problèmes

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1 d'éducation au Kosovo? Et le problème était le suivant: les séparatistes

2 albanais avaient refusé de donner au ministère de l'Education en serbe

3 leur programme pour vérification?

4 Et savez-vous que, dans le cadre de cette Conférence de Genève en 1992, le

5 Gouvernement, notre Gouvernement avait envoyé une proposition qui

6 comportait plusieurs points? Est-ce que vous êtes au courant de cette

7 proposition qui, elle, consistait à une concertation pour la sauvegarde de

8 l'identité culturelle de la minorité albanaise?

9 Point 2: retour de tous les enseignants albanais au poste de travail.

10 M. le Président (interprétation): Attendez un instant. On est censé avoir

11 là une question. Et je vous prie de permettre au témoin déjà de répondre à

12 la question initiale.

13 Monsieur Kadriu, tout d'abord, êtes-vous au courant de cette conférence

14 qui s'est tenue à Genève ou non?

15 M. Kadriu (interprétation): Cette conférence à Genève, si elle s'est

16 fondée sur ces principes, si elle a agi ainsi, tout ce que je peux vous

17 dire c'est que tous les enseignants, tous les écoliers ont été évincés de

18 nos écoles. Je ne sais pas quand cette conférence a été tenue. Mais je

19 peux informer l'accusé.

20 De ce fait, vous avez évincé par la violence les enseignants et les

21 écoliers des écoles.

22 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas là la question que je vous

23 ai posée.

24 Question suivante: si vous que la Conférence a eu lieu, savez-vous que le

25 gouvernement a élaboré des propositions au cours de cette conférence

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1 concernant l'éducation?

2 M. Kadriu (interprétation): Ce n'est pas vrai que le Gouvernement serbe

3 s'est intéressé à l'éducation au Kosovo. Au contraire, le Gouvernement

4 voulait détruire ce système d'éducation. Ce qui a été démontré par la

5 suite.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pouvez

7 procéder.

8 M. Milosevic (interprétation): Vous avez vu que dans ce programme il y

9 avait une proposition relative au retour de tous les enseignants albanais

10 au poste de travail. Enseignants qui avaient quitté de leur propre gré

11 leur poste de travail, exception faite d'un petit nombre d'entre eux qui

12 avaient perpétré des délits pénaux. Le savez-vous ou ne le savez-vous pas?

13 Répondez, ne me faites pas de discours politique ici, je vous prie.

14 M. Kadriu (interprétation): Je ne répondrai pas par oui ou par non. Ne

15 limitez pas mon droit de parler, sinon je ne répondrai pas. Vous m'avez

16 déjà privé pendant dix ans de mon droit de parler. Permettez-moi de

17 répondre conformément à ce que je connais, à ce que je sais.

18 M. le Président (interprétation): J'aimerais que vous gardiez à l'esprit

19 qu'il ne s'agit pas là d'une enceinte politique, nous sommes là dans le

20 cadre d'un procès concernant des questions pénales. Cela, ces règles

21 s'appliquent tant à vous, Monsieur Kadriu, qu'à Milosevic. Vous n'êtes pas

22 ici privé de vos droits.

23 La seule chose qu'il faut garder à l'esprit, c'est de répondre aussi

24 brièvement que possible aux questions en vous concentrant sur la question

25 elle-même. Vous ne serez pas limité à une réponse par oui ou par non, mais

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1 si vous pouviez répondre par oui ou par non, nous pourrions tout de même

2 être plus efficaces et aller de l'avant plus rapidement.

3 Maintenant, Monsieur Milosevic, veuillez reformuler votre question.

4 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant de cette proposition

5 de retour au poste de travail de tous les enseignants albanais qui avaient

6 quitté, de leur plein gré, leur poste de travail en raison de ces

7 problèmes?

8 M. Kadriu (interprétation): A partir de 1991, chaque année au début du

9 mois de septembre nous essayions d'entrer dans ces écoles, mais vous nous

10 en avez empêchés. Il y avait des forces de police avec des gilets pare-

11 balles...

12 Question: Mais je vous ai demandé si vous le saviez ou pas?

13 Réponse: Je ne suis pas au courant qu'il y ait eu quoi que ce soit de ce

14 type. Jusqu'à 1997, avec l'intervention de l'organisation San Egidio,

15 quelque chose a été fait pour permettre aux écoliers et aux étudiants

16 albanais de retourner dans leurs écoles. Donc c'étaient des personnes qui

17 avaient été évincées par la violence.

18 Un accord a été passé avec Rugova mais qui n'a jamais été appliqué; et

19 vous l'avez trompé à deux reprises, cet accord a été signé deux fois.

20 L'organisation Sant' Egidio peut également témoigner du fait que cet

21 accord n'a jamais été appliqué.

22 Question: Oui, il témoigne toujours au contraire de la mise en oeuvre de

23 cet accord, et le problème n'a pas été l'enseignement primaire et

24 l'enseignement secondaire mais l'université qui, jusqu'à septembre, avait

25 reçu quelques dizaines de milliers de mètres carrés de locaux. Chose que

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1 nous avons tirée au clair ici.

2 Mais je ne vais pas vous poser de question à ce sujet-là. Je voudrais

3 savoir si vous êtes au courant du fait que dans ce programme, il y

4 avait...

5 M. Kadriu (interprétation): Ce que vous dites n'est pas vrai.

6 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons vraiment fait le

7 tour de ce sujet, la Chambre en a assez entendu à ce propos.

8 (Les Juges se consultent sur le siège.)

9 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous ne me permettez pas de dire

10 quoi ce soit au sujet des écoles dorénavant?

11 M. le Président (interprétation): Non. A moins que vous n'ayez une

12 question pertinente.

13 Monsieur Ryneveld, nous avons passé près d'une demi-heure sur cette

14 question des écoles, il est vrai que c'est un point qui a été soulevé tout

15 d'abord par l'accusation, des éléments de preuve émanant de témoins

16 antérieurs à ce sujet. Mais je crois que nous devons réfléchir au point de

17 savoir s'il faut encore des éléments de preuve à ce sujet?

18 M. Ryneveld (interprétation): Je ne pense pas que nous ayons l'intention

19 de demander d'autres moyens de preuve concernant ces problèmes

20 d'éducation, sauf certains témoins experts qui seront cités par la suite,

21 mais en tout cas pas ce type de témoin.

22 M. le Président (interprétation): Parce que nous risquons de passer de

23 longs moments dans le cadre du procès sur des questions qui ne sont pas

24 directement visée par l'Acte d'accusation et qui n'ont qu'une pertinence

25 très relative.

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1 M. Ryneveld (interprétation): Je comprends bien. Et nous avons introduit

2 ces éléments de preuve plutôt pour brosser la toile de fond, donc

3 l'historique du conflit. Nous ne pensions pas que ce contexte historique

4 nous occuperait aussi longtemps. Donc je garde à l'esprit ce que vous avez

5 dit et nous garderons à l'esprit à l'avenir ces considérations lorsque

6 nous interrogerons nos témoins.

7 M. le Président (interprétation): Oui. Alors, nous sommes d'avis que vous

8 devriez aller de l'avant, Monsieur Milosevic.

9 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai plus qu'une seule question pour

10 laquelle je demanderai que l'on réponde par un oui ou un non, avec votre

11 assistance, bien entendu.

12 Est-ce que le Témoin affirme que les enfants albanais ne s'étaient pas

13 servi des bâtiments des écoles élémentaires et des écoles secondaires au

14 Kosovo et Metohija?

15 M. Kadriu (interprétation): Ils ne les ont pas utilisées jusqu'en 1987;

16 pour certains, c'était encore plus tard lorsque la KFOR est arrivée.

17 Question: Vous avez répondu à la question. Vous avez parlé des violences à

18 l'égard des réfugiés à Velika Reka, et ceci, en guise de programme de

19 modification de la structure ethnique.

20 Savez-vous nous dire que cette cité de réfugiés de Velika Reka a fait

21 partie du programme Habitat et qui a été le plus important des programmes

22 réalisés, déployés par la communauté internationale? Et savez-vous qu'il y

23 a, en tout et pour tout, 84 maisons?

24 Réponse: Je ne sais pas comment cela a été évalué par la communauté

25 internationale. Ce que je sais par ailleurs, c'est que vous avez vous-même

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1 orchestré cela pour modifier la population ethnique de la population du

2 Kosovo, car si vous souhaitiez régler les problèmes sociaux, problèmes

3 très regrettables, eh bien, vous leur auriez permis de s'installer

4 ailleurs, où les conditions étaient meilleures. En Serbie par exemple, en

5 Voïvodine par exemple, ou ailleurs.

6 La population la plus dense est au Kosovo, et ce, par rapport à toutes les

7 autres régions de l'ancienne Yougoslavie, et la pauvreté et la misère

8 étaient également bien plus grandes au Kosovo. Mais vous n'aviez aucune

9 intention d'adresser(?) les problèmes sociaux; vous avez utilisé tout cela

10 à vos fins politiques pour modifier la composition et la structure de la

11 population.

12 M. Milosevic (interprétation): Je vous avais demandé si vous saviez que la

13 cité en question comportait 84 maisons?

14 M. Kadriu (interprétation): Je ne connais pas le nombre de maisons, le

15 nombre exact de maisons. Mais je sais ce que vous avez fait dans d'autres

16 parties du Kosovo avec le but de modifier la composition ethnique.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, allez-y.

18 M. Milosevic (interprétation): S'agissant de cette modification de la

19 structure ethnique, est-ce que vous savez qu'au Kosovo et Metohija, le

20 nombre de réfugiés se résumait en tout et pour tout à 5.000?

21 M. Kadriu (interprétation): Je ne connais pas le nombre, je n'ai aucune

22 information à cet égard. Nous n'avons pas pu recueillir d'information ou

23 recevoir d'information de votre part sur ce point.

24 Question: Il suffit de dire: "je ne sais pas".

25 Réponse: Eh bien, je n'en sais rien.

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1 Question: Savez-vous que ces 5.000 constituent 0,7% du total des réfugiés

2 qui sont venus en Serbie. Donc, en d'autres termes, moins de 1%, bien

3 moins de 1%. Le saviez-vous?

4 Réponse: Je ne sais pas de quel chiffre il s'agissait, mais je sais quel

5 était l'objectif de cette action, objectif politique modifié, et la

6 composition ou la structure ethnique; cela, j'en suis certain.

7 Question: Alors, l'Etat réalisait son objectif d'une façon plutôt opposée

8 ou inverse à celle qui aurait dû être appliquée: parce que, si vous

9 l'ignoriez, le Kosovo et Metohija fait 10% de notre territoire et il y est

10 allé 0,7% des réfugiés. Donc combien de fois moins? Savez-vous le

11 calculer, oui ou non?

12 Réponse: Non, je ne peux pas maintenant faire des calculs mathématiques,

13 mais je vous ai parlé du nombre de cars qui ont quitté Pristina, vers

14 l'ouest, en raison des pressions, des violences exercées contre la

15 population albanaise sous divers prétextes. Il n'y avait pas un seul pays

16 d'Europe qui n'a pas recueilli des Kosovars qui ont dû quitter le Kosovo à

17 l'époque, alors que vous, vous peupliez le Kosovo de Serbes.

18 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce que vous m'avez entendu lorsque

19 vous je vous ai dit qu'il y avait au total 5.000 réfugiés au Kosovo?

20 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà traité de cette

21 question.

22 M. Milosevic (interprétation): Mais le témoin nous dit qu'il ne fait pas

23 de mathématiques, mais il traite de l'Académie des sciences, mais il ne

24 peut pas traiter d'un peu de mathématique, d'une mathématique allant

25 jusqu'à 10?

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1 Vous nous avez dit que vous aviez été arrêté et interrogé parce que vous

2 vous étiez battu pour le "Kosovo République" et parce que vous délivriez

3 des documents où il était inscrit "Kosovo République". Vous avez également

4 dit que vous aviez été condamné à vingt jours de prison. Savez-vous qu'il

5 s'agit là d'une sanction administrative et non pas d'une sanction pénale?

6 Et vous avez été condamné par un juge de tribunal de simple police à cette

7 peine-là. Est-ce bien vrai ou pas?

8 M. Kadriu (interprétation): Non seulement moi-même mais tous les

9 enseignants albanais ont traversé, sont passés par vos prisons et ont été

10 maltraités. Et je vous dis que le Pr Riza Bilalli et puis Qazim Azemi

11 étalement…

12 M. le Président (interprétation): On vous a posé une question concernant

13 votre peine, votre condamnation. Il s'agissait d'un magistrat

14 administratif ou d'un magistrat pour des délits mineurs: est-ce que vous

15 savez qui vous a condamné?

16 M. Kadriu (interprétation): Nous avons été condamnés pour une seule

17 raison: parce que nous étions enseignants. Les chefs d'accusations qui ont

18 été invoqués, peu importe. C'était absurde.

19 M. Milosevic (interprétation): Pour ma part, il peut vous dire ce qu'il

20 veut, mais il faudrait que vous veilliez également à le faire répondre aux

21 questions que je lui pose.

22 Donc qu'est-il advenu de ma question: "S'agissait-il d'une sanction

23 administrative ou pas"?

24 M. le Président (interprétation): Mais qu'est-ce que cela change?

25 M. Milosevic (interprétation): Ce que ça change, c'est que ce témoin sans

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1 arrêt, sans cesse dit des contre-vérités. Les sanctions administratives

2 sont prononcées pour des infractions mineures.

3 M. le Président (interprétation): Très bien, très bien.

4 Monsieur Kadriu, voulez-vous, je vous prie, traiter de cela, répondre à la

5 question en disant s'il s'agit d'une sanction administrative ou d'une

6 peine plus lourde? Si vous ne savez pas, dites que vous ne savez pas.

7 M. Kadriu (interprétation): Milosevic doit savoir cela mieux que moi.

8 M. le Président (interprétation): Ne discutez pas, ne vous disputez pas

9 avec l'accusé, je vous prie. Si vous connaissez la réponse à la question,

10 répondez; sinon, ne répondez pas.

11 M. Kadriu (interprétation): Nous avons subi des mauvais traitements, nous

12 avons été frappés et envoyés en prison. Je ne sais pas comment on appelle

13 cela.

14 M. Robinson (interprétation): Mais, Monsieur Kadriu, vous avez passé vingt

15 jours en prison pour ce délit?

16 M. Kadriu (interprétation): Oui. Pour le reste, j'ai dû payer. Et je

17 n'étais pas le seul, les autres aussi.

18 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que des sanctions

19 administratives de ce genre sont prononcées pour infraction à l'ordre

20 public?

21 M. Kadriu (interprétation): Quel était donc l'ordre que nous enfreignions

22 puisque nous enseignions à des élèves sans être payés pour cela, dans des

23 conditions qui n'étaient pas opportunes pour le faire, en tentant

24 d'échapper à la police et en essayant de tromper la police afin d'éduquer

25 le peuple?

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1 Vous devriez avoir subventionné ce genre d'enseignement, c'est seulement

2 sous votre gouvernement, sous votre pouvoir que cela s'est passé. Je ne

3 crois pas qu'il y est un autre endroit au monde où une chose de ce genre

4 puisse se passer. Il s'agissait de pures discriminations, nous avons été

5 privés de notre droit à l'enseignement et à l'enseignement de nos enfants.

6 M. Milosevic (interprétation): Vous avez déjà déclaré que les Albanais

7 n'utilisaient par les installations scolaires présentes au Kosovo et

8 Metohija puisqu'il s'agit là d'une contre-vérité qu'il est tout à fait

9 facile de démontrer, et ce à des centaines et des centaines d'exemplaires.

10 Je n'ai besoin d'aucune autre explication.

11 Mais je vous demande simplement si vous saviez que ces sanctions

12 administratives étaient également prononcées à l'encontre de quelqu'un qui

13 par exemple n'avait pas payé sa place de parking, ou l'amende obtenue pour

14 non-paiement de son parking?

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons entendu

16 ce que vous aviez à dire sur ce sujet. Je crois que nous n'avons pas

17 besoin d'en entendre davantage.

18 Monsieur Kadriu, aucune nécessité de répondre à cette question.

19 Monsieur Milosevic, veuillez passer à une question suivante.

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, considériez-vous à

21 l'époque et considérez-vous encore aujourd'hui que les documents publiés

22 qui portaient en en-tête "République du Kosovo" étaient des documents

23 légaux?

24 M. Kadriu (interprétation): Ils étaient légaux à nos yeux. Nous avions

25 notre administration, nous avions notre ministre de l'Education qui

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1 émettait ce genre de documents; et sur ces documents, sur ces certificats,

2 nous inscrivions les résultats de l'élève. C'étaient des documents légaux.

3 Si tel n'avait pas été le cas, nous n'aurions pas continué à enseigner à

4 nos enfants, d'autres l'auraient fait.

5 M. Robinson (interprétation): C'est suffisant, Monsieur Kadriu.

6 Monsieur Milosevic, veuillez passer à la question suivante.

7 M. Milosevic (interprétation): Vous estimez que ces documents sont

8 légitimes, légaux aujourd'hui?

9 M. Kadriu (interprétation): Certainement. Ils sont plus que légaux, car

10 ils comportent un sceau, ils ont été certifiés par le principal de

11 l'école, ils sont donc légaux; ils ont été publiés, émis par le ministre

12 de l'Education du Kosovo.

13 Question: Vous avez dit que vous avez entendu parler de l'UCK en 1991.

14 Réponse: J'ai lu un article dans les journaux qui disait que quelque chose

15 était fait dans ce sens.

16 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous vous occupiez de ce que

17 vous avez appelé des affaires publiques depuis déjà le début des années

18 90. Etes-vous au courant de l'action de l'organisation d'Oussama Ben Laden

19 au Kosovo et Metohija?

20 M. Kadriu (interprétation): J'ai entendu parler de Ben Laden cette année,

21 mais je n'en avais jamais entendu parler avant. C'est seulement au moment

22 de la tragédie vécue par le peuple américain que j'ai entendu parler de

23 lui. Je n'en avais jamais entendu parler auparavant.

24 M. Robinson (interprétation): Cela suffit sur ce point, Monsieur

25 Milosevic.

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1 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant de l'existence des

2 Moudjahidine et de leurs actions au Kosovo?

3 M. Kadriu (interprétation): Il n'est pas exact qu'il y avait des

4 Moudjahidine au Kosovo. C'est le résultat de votre imagination, de la

5 simple imagination.

6 Question: Dites-moi simplement si c'est exact ou pas. Ne me faites pas

7 perdre mon temps.

8 Je vais vous lire une citation. Vous me direz si c'est vrai. Je cite: "Al

9 Qaida dirige d'autres organisations terroristes qui opèrent sous son

10 contrôle ou avec son soutien, y compris…", et là je vais sauter un

11 passage, "…là en Croatie, en Albanie…", etc. (Fin de citation.)

12 Considérez-vous que ceci est exact?

13 Réponse: Ce n'est pas exact, ceci est une fiction, le résultat le fruit de

14 votre imagination.

15 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Il s'agit de la déclaration

16 faite au congrès du FBI, c'est une déclaration donc faite par un

17 représentant du congrès au FBI.

18 M. le Président (interprétation): Quelle est la date de ce document?

19 M. Milosevic (interprétation): 18 décembre de l'année dernière. Après le

20 11 septembre.

21 M. le Président (interprétation): Très bien. Vous pourrez demander le

22 versement au dossier de ce document en temps utile. Pour le moment, le

23 témoin déclare ne rien savoir à ce sujet.

24 M. Milosevic (interprétation): Je demande au témoin si ce que j'ai lu

25 représente une position fidèle à la réalité. Il me dit que c'est une

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1 contre-vérité et que c'est le fruit de mon imagination.

2 Maintenant, je pose la question suivante au témoin. Est-il exact de dire

3 -je cite-: "que Al Qaida soutient les combattants Moudjahidine en

4 Tchetchénie, au Kosovo, en Afghanistan, en Bosnie et ailleurs"? (Fin de

5 citation.)

6 Ceci est-il exact?

7 M. Kadriu (interprétation): Je n'ai aucune idée sur ce sujet. Je ne suis

8 pas ici pour être l'avocat de la Bosnie ou de l'Afghanistan. Je parle du

9 Kosovo; il n'y avait pas de Moudjahidine au Kosovo, cela c'est la vérité.

10 M. Milosevic (interprétation): Je vous demande ce que vous savez de leur

11 action, je ne vous demande pas s'il y en avait ou pas. Leur présence est

12 un fait indiscutable. Je vous demande si vous connaissiez leur action?

13 M. le Président (interprétation): Le témoin répond qu'il n'y avait pas de

14 Moudjahidine au Kosovo, c'est cela qu'il a dit.

15 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien. Il n'a pas besoin d'une aide

16 aussi importante. Je cite: "Al Qaida et ses représentants ont été

17 identifiés au Kosovo, en Afghanistan, en Bosnie et ailleurs." Ceci est-il

18 exact selon vos informations ou pas?

19 M. Kadriu (interprétation): J'ai dit que je n'avais aucune connaissance de

20 ce qui se passait dans d'autre pays. S'agissant du Kosovo, je peux dire

21 qu'il n'y avait pas de Moudjahidine au Kosovo.

22 Question: Ce que je viens de citer est un extrait d'un document publié par

23 l'organisme de recherche du congrès américain. Vous avez parlé d'une

24 attaque contre le village de Cirez, ce qui bien sûr est inexact. Tout ce

25 que vous avez dit ici est inexact. Mais s'agissant de ce fait concret,

Page 1766

1 j'ai une question à vous poser.

2 Savez-vous que le 3 mars 1998 dans le village de Cirez les terroristes de

3 l'UCK ont tué quatre policiers?

4 M. Kadriu (interprétation): Je ne suis pas au courant de cela, je sais

5 qu'il y a eu échanges de coups de feu mais je sais que ce sont vos forces

6 qui ont tué des gens à cet endroit. Comment est-ce que je pourrais savoir

7 qui exactement a été tué? La seule chose que je sais, c'est ce que des

8 civils, et y compris des femmes, ont été tués là-bas.

9 Question: Vous n'avez aucune idée du fait que quatre policiers ont été

10 tués à Cirez avant les événements dont vous venez de parler, et ce par

11 traîtrise, en tombant dans une embuscade?

12 Réponse: Que voulaient faire vos policiers dans les maisons des habitants

13 albanais de Qirez?

14 Question: Eh bien, je ne suis pas ici pour répondre à vos questions mais

15 je vous dirai qu'ils cherchaient des armes, ce qui était leur droit le

16 plus légitime. Savez-vous que les policiers étaient à la recherche d'arme

17 et qu'ils ont confisqué un grand nombre d'armes? Le savez-vous? C'est un

18 fait, oui ou non?

19 Réponse: Ils n'ont confisqué aucune arme. Ce qu'ils faisaient, c'est

20 qu'ils allaient chez les gens, entraient dans leur maison et les

21 malmenaient, les maltraitaient. Je vais vous donner un exemple: quand ils

22 ont fouillé ma maison par exemple, même ma bibliothèque leur a posé un

23 problème.

24 M. Milosevic (interprétation): A part cette phraséologie, je vous demande

25 de répondre de façon factuelle, car les questions que je vous pose

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1 concernent des faits bien réels. Vous avez dit vous-même ici, et je l'ai

2 entendu de mes oreilles, c'est d'ailleurs sans doute et pas seulement sans

3 doute mais très certainement inscrit au compte rendu d'audience; vous avez

4 dit qu'à la fin de février le propriétaire de cette maison dont vous avez

5 parlé, a tué un policier et vous avez dit qu'il l'avait fait par

6 autodéfense, en situation de légitime défense.

7 Un policier arrive, il cherche des documents, il cherche des armes, il

8 cherche quelque chose et le propriétaire de la maison l'abat. Croyez-vous

9 que, où que ce soit dans le monde, un policier qui vient chez vous pour

10 vous arrêter par exemple et pas seulement pour une perquisition ou pour

11 rechercher des documents, est-ce que vous considérez que tirer sur un

12 policier où que ce soit ailleurs dans le monde pourrait être considéré

13 comme un acte de légitime défense?

14 M. le Président (interprétation): Un instant, je vous prie.

15 Monsieur le Témoin, ne répondez pas à l'ensemble de cette question, car

16 elle comporte à une grande partie de commentaires, mais répondez en nous

17 disant, si vous le savez, si vous pouvez nous donner davantage de détails

18 au sujet de ce qui s'est passé lorsque cet homme a tué ce policier?

19 M. Kadriu (interprétation): Je ne sais pas si le policier a été tué à ce

20 moment-là car il m'était impossible d'obtenir ce renseignement. Toutefois,

21 je me rappelle que dans le village de Vojnik, dans la région de Drenica,

22 un policier accompagné, enfin qui se déplaçait dans un véhicule blindé,

23 est allé perquisitionner dans la maison d'un Albanais. Et à ce moment-là,

24 des heurts sont survenus. Comment ces heurts ont évolué, comment cette

25 confrontation s'est développée? Je ne le sais pas. Mais je sais seulement

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1 qu'il y a eu des victimes à Vojnik aussi.

2 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant, Monsieur

3 Milosevic.

4 Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous aider sur le point suivant? A votre

5 connaissance, en 1998 la police était-elle déjà en train de rechercher des

6 armes dans les villages, oui ou non?

7 M. Kadriu (interprétation): La police ne cesse de recourir à ce prétexte,

8 elle l'a toujours avancé pour perquisitionner les maisons des villageois

9 albanais. C'était au quotidien que la police malmenait les habitants

10 albanais sous les yeux des autres membres de leur famille, et ce pas

11 seulement en 1998, cela n'a cessé de se faire depuis 1991.

12 J'ai une liste chronologique établie pour le Conseil pour les droits

13 humains, si elle peut vous être d'un quelconque secours.

14 M. le Président (interprétation): Merci.

15 M. Milosevic (interprétation): Je ne m'intéresse absolument pas aux

16 documents inventés par ce soi-disant témoin. Je ne m'intéresse pas non

17 plus aux réponses qu'il a faites au Procureur en rapport avec ces

18 documents inventés. Ce qui m'intéresse, ce sont les réponses qu'il

19 pourrait faire au sujet de faits bien concrets dont il a parlé et au sujet

20 desquels j'affirme qu'il dit des contre-vérités. Et j'aimerais qu'il

21 réponde précisément aux questions sans parler tout le temps des dix

22 dernières années.

23 La famille Ahmeti a trouvé la mort suite à l'action de l'UCK.

24 M. le Président (interprétation): Avant d'en arriver là, vous dites que

25 ces documents sont des faux; c'est bien ce que vous dites, Monsieur

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1 Milosevic? Est-ce bien ce que vous prétendez?

2 M. Milosevic (interprétation): Je dois lire sur l'écran ce que vous avez

3 dit car je n'ai pas pu l'entendre, il y a eu un problème de son.

4 Ce que je dis: oui, en effet, j'affirme que ce que dit ce Témoin,

5 lorsqu'il parle de l'action de son Conseil pour les droits humains,

6 j'affirme que ce qu'il dit à cet égard se résume à de simples

7 manipulations. C'est ce que j'affirme.

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Kadriu, il est affirmé que les

9 documents que vous avez produit sont des faux, il faudra qu'à un moment ou

10 à un autre vous ayez le temps, la possibilité de répondre à cette

11 affirmation.

12 M. Kadriu (interprétation): Monsieur le Président, aucun document que j'ai

13 apporté avec moi n'est un faux. J'ai apporté des documents qui sont des

14 documents des autorités municipales signées par Slobodan Doknic et

15 j'assume la responsabilité de la présentation de chacun d'entre eux. Au

16 prix de ma vie s'il le faut.

17 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas du tout la question. Ce n'est

18 absolument pas la question, j'aimerais qu'on réponde aux questions

19 concrètes. Moi, je parle des informations qui lui ont soi-disant été

20 fournies par son soi-disant Conseil pour les droits humains relatives aux

21 souffrances des habitants albanais; et c'est à ce sujet que j'affirme

22 qu'il s'agit de simples manipulations. Quant aux documents qu'il a

23 apportés ici, nous n'aurons aucune difficulté à les démonter. Ceci n'est

24 qu'une bagatelle.

25 M. le Président (interprétation): Vous avez été interrogé au sujet de la

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1 famille Ahmeti, que dites-vous à ce sujet?

2 M. Milosevic (interprétation): Ce que j'ai dit, c'est la chose suivante:

3 le témoin a affirmé que c'étaient les forces serbes qui avaient tué cette

4 famille. Et moi, je dis que cette famille Ahmeti est morte lors d'un

5 affrontement entre un affrontement entre l'UCK et la police; c'est de cela

6 qu'il s'agit et pas d'une quelconque terreur imposée par les Serbes à une

7 famille albanaise. A aucun moment les forces serbes, comme vous les

8 appelez, c'est-à-dire l'armée et la police serbes ne se sont occupées de

9 maltraiter les familles albanaises. La police et l'armée serbes n'ont

10 jamais commis aucun crime de guerre.

11 M. le Président (interprétation): Permettons au témoin de répondre à cette

12 question au sujet de la famille Ahmeti.

13 Il est affirmé par M. Milosevic que cette famille a trouvé la mort au

14 cours d'un affrontement opposant l'UCK et la police. Que dites-vous de

15 cela?

16 M. Kadriu (interprétation): La famille Ahmeti n'a jamais combattu contre

17 la police ou l'armée. Ces gens-là étaient chez eux, à la maison. Le soir,

18 ils étaient tous en train de préparer la soirée; ils ont été contraints de

19 sortir de leurs maisons et exécutés dans des conditions barbares. Entre-

20 temps, les femmes ont subi les traumatismes les plus graves qui soient

21 dans une pièce de la maison; je n'en parlerai plus en détail. C'est

22 l'armée et la police de Milosevic qui savent ce qu'ils ont fait là.

23 Ensuite, une autre horreur, un massacre qui a eu lieu et qui a été prouvé

24 par des organisations non gouvernementales, originaires d'autres pays, qui

25 étaient présentes au Kosovo. Vous pouvez appeler des témoins à la barre à

Page 1771

1 ce sujet.

2 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, ceci est une question

3 très importante qui a un lien direct avec la présente affaire.

4 Vous affirmez que la famille Ahmeti a été tuée dans un affrontement entre

5 l'UCK et la police. Je pense qu'il est de votre devoir de présenter des

6 éléments supplémentaires au témoin à ce sujet.

7 Avez-vous des questions à poser au témoin quant aux conditions précises

8 dans lesquelles la famille est morte au cours d'un affrontement opposant

9 l'UCK à la police? Ou ce que vous dites constitue-t-il simplement des

10 allégations très générales?

11 Je pense que cela renforcerait votre thèse si vous pouviez poser des

12 questions plus précises au témoin au sujet des conditions dans lesquelles

13 les membres de cette famille ont été tués. Ont-ils été tués dans un feu

14 croisé d'armes à feu, au cours de l'affrontement avec l'UCK?

15 M. Milosevic (interprétation): Il y a des faits qui sont des faits qui

16 existent. Ces faits sont que, dans le village de Cirez, le 3 mars, les

17 terroristes de l'UCK…

18 M. Robinson (interprétation): Mais présentez vos arguments au témoin.

19 M. Milosevic (interprétation): J'ai déjà dit que, le 3 mars 1998, à Cirez,

20 les terroristes de l'UCK ont tué quatre policiers. J'ai dit que la

21 conséquence de ces meurtres a été une escalade qui a abouti à une

22 intensification de l'affrontement entre les terroristes de l'UCK et la

23 police. Et j'ai dit que la famille Ahmeti a été victime de cet

24 affrontement.

25 M. Robinson (interprétation): Cela suffit. Très bien, Monsieur Milosevic.

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1 Monsieur le Témoin, que dites-vous de cela?

2 M. Kadriu (interprétation): Je suis totalement convaincu, je suis

3 absolument persuadé qu'aucun des membres de la famille Ahmeti ne faisait

4 partie de l'UCK. Je peux le jurer sur ma tête: aucun des membres de la

5 famille Ahmeti ne faisait partie de l'UCK. Tous les hommes ont été

6 abattus, à l'exception d'un homme de la famille qui travaillait dans un

7 pays occidental. Ils ont été pris chez eux, à la maison.

8 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, quelle est votre

9 question suivante?

10 M. Milosevic (interprétation): Il n'est pas question de discuter ici du

11 point de savoir si les membres de la famille Ahmeti étaient membres de

12 l'UCK; ce dont il est question ici, c'est d'affirmer qu'ils sont morts au

13 cours d'un affrontement entre l'UCK et la police.

14 Et je commencerai par la fin, car hier, c'est à la fin de la déposition du

15 témoin que cette question a été évoquée: le massacre, comme on l'a appelé,

16 de la famille Gërgjaliu. Nous avons vu à ce sujet des photos assez

17 nombreuses et entendu toutes sortes d'explications.

18 Il existe des témoins qui affirment que la famille Gërgjaliu se trouvait

19 entre les forces de la police et de l'armée, d'une part, et des

20 terroristes albanais et des bandits de l'UCK, de l'autre. Que des

21 avertissements ont été lancés à la famille Gërgjaliu, en lui disant qu'il

22 était très dangereux de continuer à vivre à cet endroit, car l'UCK tirait

23 sur l'armée et donc a tiré sur les membres de cette famille également.

24 J'ai une citation ici. Je cite, selon la déclaration de Sali Gërgjaliu,

25 membre de cette famille, qui a été publiée dans un document de la veille

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1 pour les droits de l'homme, en l'an 2001. Je lis donc la citation

2 suivante. Le titre de cet ouvrage est "Under Orders", "Sous les ordres".

3 Il y est dit que le juge d'instruction, accompagné par la police, est

4 arrivé sur le site immédiatement pour enquêter et que, pendant l'enquête,

5 des gens ont pris les photos qui ont été montrées. Et vous avez sans doute

6 obtenu ces renseignements: vous savez sans doute que le juge d'instruction

7 était une femme, c'était une Serbe. Lorsque ceci s'est produit, des

8 combats très importants se déroulaient entre les forces de l'UCK et les

9 forces serbes.

10 L'UCK pouvait-elle être à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du

11 village?

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous allons vous

13 arrêter. Vous avez suffisamment parlé sur ce sujet, je suppose.

14 Un instant, un instant. Monsieur le Témoin, il est affirmé que les hommes,

15 les femmes et les enfants de cette famille ont été tués au cours d'un

16 affrontement. Que dites-vous de cela?

17 M. Kadriu (interprétation): Je comprends que Milosevic est un maître dans

18 l'art...

19 M. le Président (interprétation): Non, non, un instant.

20 Monsieur Milosevic, il est dit que cette famille -et nous avons vu les

21 corps, les cadavres-, des membres de cette famille ont été tués dans des

22 conditions différentes de celles que vous avez avancées. Comment pouvez-

23 vous dire qu'il s'est agi d'un affrontement avec l'UCK? Pouvez-vous nous

24 donner plus de détails?

25 M. Milosevic (interprétation): Oui, parce que vous m'avez arrêté, je n'ai

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1 pas pu terminer la lecture du texte que j'avais commencé à lire.

2 "L'armée yougoslave et l'UCK étaient en combat l'une contre l'autre; elles

3 étaient positionnées aussi bien dans le village qu'autour du village,

4 c'est-à-dire que les membres de l'UCK étaient partout, à l'intérieur et à

5 l'extérieur, et la maison a donc été soumise à un feu intense des deux

6 parties. C'est ainsi que la famille Gërgjaliu a été liquidée par

7 l'intervention de l'UCK." Ensuite, les corps ont été rassemblés, enterrés;

8 c'est une autre question, un autre problème.

9 Mais dans ce même ouvrage "Under Orders", de cette organisation des droits

10 de l'homme, il est dit qu'à 4 heures du matin, un bruit d'explosion, de

11 bombardement de l'OTAN a été entendu.

12 M. le Président (interprétation): Très bien. Cela suffit. Nous avons

13 entendu les affirmations faites par vous, Monsieur Milosevic, ainsi que

14 les réponses de M. Kadriu. Pas de commentaire, s'il vous plaît.

15 Monsieur le Témoin, pour autant que vous le sachiez, y a-t-il la moindre

16 vérité dans ce qui vient d'être dit par M. Milosevic? Pouvez-vous nous

17 aider en nous donnant davantage de détails sur le déroulement de cet

18 événement?

19 M. Kadriu (interprétation): Ceci est une façon de se rire des victimes,

20 c'est une insulte à l'égard des victimes. Monsieur Milosevic devrait avoir

21 honte.

22 M. le Président (interprétation): Ceci ne nous mènera nulle part et ne

23 nous apporte aucune aide. Pouvez-vous répondre avec des faits à cette

24 question qui porte sur des faits? Vous avez entendu ce qu'a dit M.

25 Milosevic, vous dites que ce n'est pas vrai; pouvez-vous nous aider en

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1 nous donnant des détails complémentaires?

2 M. Kadriu (interprétation): Le 31 mai aux premières heures de la matinée

3 les forces de la police et de l'armée se sont concentrées sur le quartier

4 de Rashica, à 200 mètres à peine de la maison de la famille Gërgjaliu. Et

5 ils ont fini par pénétrer à l'intérieur de la maison de Selatin Gërgjaliu

6 où ils ont commis un crime en exécutant tous les membres de la famille. Il

7 n'y avait aucune force de l'UCK à Studime e Poshtme puisque c'était un

8 endroit où les forces serbes étaient concentrées. Ce que je dis en ce

9 moment est la vérité. Vous devriez savoir tout de même où étaient

10 stationnées les forces serbes.

11 M. Robinson (interprétation): Quelle est la source des informations que

12 vous fournissez au sujet de cet incident particulier?

13 M. Kadriu (interprétation): Oui. Dans cette affaire, le Dr Shukri

14 Gërgjaliu était présent dans une maison située non loin de là, au

15 voisinage immédiat de cet endroit. Il devrait venir ici en qualité de

16 témoin accompagné par sa femme.

17 M. Robinson (interprétation): C'est de sa bouche que vous avez obtenu le

18 renseignement, c'est cela que vous dites?

19 M. Kadriu (interprétation): Oui, ainsi que de nombreux autres témoins qui

20 ont eu connaissance de cette affaire.

21 M. Milosevic (interprétation): Encore un mot. On vient à l'instant même de

22 me rallumer le micro, vous me l'avez coupé tout à l'heure et c'est

23 seulement maintenant que vous le rallumez.

24 Nous venons d'entendre quelque chose, une affirmation qui est tout à fait

25 incroyable et fantasmagorique, et j'aimerais donc l'étayer si possible en

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1 posant une autre question au témoin.

2 Autrement dit, le témoin affirme que la police a pénétré dans la maison de

3 sang-froid et qu'elle a massacré la famille Gërgjaliu, et qu'ensuite elle

4 a appelé le juge d'instruction pour que le juge d'instruction vienne sur

5 les lieux et vérifie ce qui s'est passé.

6 Ou bien, il y a une autre version peut-être: la police a pénétré, elle a

7 massacré la famille, et elle a appelé le juge d'instruction pour constater

8 le massacre de toute une famille.

9 Je vous pose la question à vous, Monsieur le Président, Messieurs les

10 Juges, en qualité de Juges où la vérité vous paraît-elle résider?

11 Notamment, au vu ou plutôt étant donné les explications que nous avons

12 entendues.

13 M. le Président (interprétation): Quelle est la question?

14 M. Milosevic (interprétation): La question, c'est qu'il affirme que la

15 police est arrivée à massacrer la famille et ensuite a appelé le juge

16 d'instruction pour confirmer que la famille a été massacrée. Est-ce que

17 c'est cela que le témoin affirme?

18 M. le Président (interprétation): Savez-vous si le juge d'instruction a

19 été appelé sur les lieux, Monsieur Kadriu?

20 M. Kadriu (interprétation): Je ne sais pas s'il a été appelé sur les lieux

21 ou pas mais il s'est agi d'une infraction commise par la police et l'armée

22 serbe que la police et l'armée serbes avaient déjà commises par le passé.

23 C'était une forme d'obstruction qu'utilisaient l'armée et la police serbes

24 face à certaines intentions.

25 M. Milosevic (interprétation): C'est parfait. Très bien, très bien.

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1 Monsieur Kadriu, vous avez affirmé à plusieurs reprises qu'aucun crime n'a

2 jamais été commis contre les Serbes, ou plutôt vous avez déclaré, de façon

3 mensongère, que les Serbes étaient des criminels. Dans ces conditions, je

4 vous pose la question de savoir si vous savez combien d'attaques

5 terroristes ont été menées à bien au Kosovo et Metohija dans la période

6 allant de 1991 jusqu'en juin 1999?

7 M. Kadriu (interprétation): Je ne connais aucune attaque de ce genre,

8 parce que l'appareil d'Etat était entre vos mains, donc je ne sais pas.

9 Les événements étaient montés de toute pièce, improvisés dans certains cas

10 mais à des fins bien précises.

11 Question: Je parle d'attaques terroristes; vous n'en avez pas

12 connaissance?

13 Réponse: Je n'en sais rien.

14 Question: Mais comment est-il possible que vous vous soyez occupé du

15 respect des droits humains et que vous n'ayez aucune connaissance

16 d'attaques terroristes, comment cela est-il possible?

17 Réponse: Il n'y a pas eu d'attaques terroristes.

18 Question: Avez-vous peut-être entendu dire que dans la seule année 1998,

19 1.885 attaques terroristes ont eu lieu, en cette seule année 1998, au

20 moment où les terroristes recevaient l'aide des services allemands et des

21 services d'autres pays? 1.885 attaques terroristes pour la seule année

22 1998, savez-vous cela?

23 Réponse: Je ne sais pas.

24 Question: Bien. Puisque ce qui se produisait à l'encontre des Serbes de la

25 police serbe, de l'armée serbe ou de quelque autre Serbe, ne vous

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1 intéressait et que vous avez affirmé que vous vous intéressiez à ce qui

2 arrivait aux Albanais, je vous demande si vous savez combien d'attaques

3 terroristes ont eu lieu contre des habitants de nationalité albanaise au

4 Kosovo/Metohija?

5 Réponse: Je sais que des attaques contre des habitants albanais ont eu

6 lieu de la part de votre armée aidée par la police secrète, qui arrivaient

7 à bord de Jeeps, de couleur vert olive foncé et qui tuaient les gens dans

8 les rues. C'est de cette façon que mon collègue Skender Blaca a été tué.

9 (Les Juges se consultent sur le siège.)

10 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

11 M. le Président (interprétation): Je pense que nous allons suspendre

12 maintenant pour la pause d'un quart d'heure.

13 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 50.)

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

15 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je vous avais demandé si vous étiez

16 au courant des crimes perpétrés par les terroristes de l'UCK, perpétrés à

17 l'encontre d'Albanais, et je n'ai pas reçu de réponse à ce sujet?

18 M. Kadriu (interprétation): Je vous ai déjà répondu. En 1997 et 1998, la

19 police secrète serbe se déplaçait dans des voitures sombres et tuait des

20 gens, parmi lesquels mon collègue de travail, Skender Blaca, dont j'ai la

21 photo ici. Et je peux vous parler de son curriculum vitae, si vous le

22 souhaitez. On est venu le tuer pendant la nuit.

23 M. Kwon (interprétation): La question qui vous a été posée était la

24 suivante: savez-vous si les membres de l'UCK ont commis des crimes à

25 l'encontre des Albanais? Une réponse par oui ou par non suffirait.

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1 M. Kadriu (interprétation): Ce n'est pas vrai, ces crimes ont été commis

2 par la police secrète serbe.

3 M. Kwon (interprétation): Je vous prie de vous en tenir à la question et

4 de répondre par un simple oui ou par un simple non.

5 Monsieur Milosevic, vous avez la parole et vous pouvez poursuivre.

6 M. Milosevic (interprétation): Je vais poser une question tout à fait

7 concrète à présent, et ce, dans le contexte des crimes perpétrés par les

8 terroristes contre les Albanais, étant donné qu'il y avait eu des meurtres

9 motivés par les partis, par exemple par le parti de Hashim Thaçi contre

10 les adeptes de Rugova.

11 Est-ce que vous êtes au courant du meurtre de Rexhep Bajrami? Je parle de

12 Rexhep Bajrami, du village de Cecilija, qui se trouvait être mis le temps

13 à Rugova et, dans ce village, qui a été tué sur ordre du commandant local

14 de l'UCK, répondant au nom de Krasniqi, et qui est l'oncle de Hashim

15 Thaçi. Et le meurtre de Rexhep Bajrami avait été ordonné rien que parce

16 que Bajrami ne voulait pas enlever la photo de Rugova qu'il avait sur un

17 mur, chez lui.

18 Je voudrais savoir si le témoin est au courant de cet événement dans le

19 contexte de ses activités, dans le cadre de cette organisation chargée de

20 la protection des droits de l'homme?

21 M. Kadriu (interprétation): Messieurs les Juges, ce nom Rexhep Bajrami

22 n'existe pas à Vushtrri; je ne connais personne de ce nom qui aurait été

23 tué. Sans doute que les informations dont dispose l'accusé sont erronées.

24 Je peux dire avec certitude qu'il n'y a jamais eu un tel cas dans ma

25 municipalité.

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1 Question: Je voudrais que le Témoin nous dise s'il est au courant du fait

2 qu'en 1998, il y a eu 327 attaques terroristes effectuées contre des

3 membres du groupe ethnique albanais, qui se trouvaient être loyaux à

4 l'égard de la République de Serbie. Et je répète: en 1998, 327 attaques.

5 Réponse: Je n'en sais rien. Je ne sais rien à ce propos, je ne crois pas

6 qu'il y ait eu des Albanais loyaux à la Serbie.

7 Question: Mais vous souvenez-vous du fait, par exemple, ou plutôt du

8 membre du Conseil exécutif, du gouvernement de la province en d'autres

9 termes, qui était albanais: Faik Jashari?

10 Lorsque vous chassiez des Serbes du Kosovo, il avait lui-même déclaré:

11 "Aux colonnes de Serbes du Kosovo s'étaient joints 30.000 Albanais loyaux

12 à la République de Serbie". Vous souvenez-vous de ces déclarations de Faik

13 Jashari, membre du gouvernement de la province, à l'époque où l'on

14 chassait les Serbes, suite à l'arrivée de la MINUK et de la KFOR?

15 Réponse: Je ne connais aucun Faik Jashari au sein de ma municipalité. Je

16 ne sais donc rien de telles déclarations absurdes; je ne sais pas où vous

17 avez pu trouver de telles déclarations tout à fait erronées et personne

18 n'existe de ce nom.

19 Question: Savez-vous que plusieurs Albanais se trouvaient être membres du

20 gouvernement de la province dans le courant de l'année 1998 et 1999, et

21 pendant la guerre aussi?

22 Réponse: Je n'en sais rien. Je ne me souviens de rien à ce propos. Je ne

23 me souviens pas de telles personnes membres du gouvernement de la

24 province. Peut-être quelques quislings, mais je n'en sais rien.

25 Question: Mais bon, dites-nous si vous êtes au courant de Faik Jashari:

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1 était-il Albanais? Il était quoi au juste?

2 Réponse: C'est la première fois que j'entends ce nom. C'est vraiment la

3 première fois au sein de ce Tribunal que j'entends ce nom et je dis cela

4 en toute connaissance de cause.

5 Question: Vous ne l'avez donc jamais vu à la télévision, vous n'avez

6 jamais entendu sa voix à la radio? Vous n'êtes pas du tout au courant de

7 sa présence?

8 Réponse: Je dis cela avec toute autorité, je n'ai jamais entendu parler de

9 ce nom. C'est la première fois dans cette salle d'audience que j'entends

10 ce nom.

11 Question: Et avez-vous entendu parler des Albanais qui étaient membres de

12 la délégation de la République de Serbie, qui se déplaçaient pour les

13 négociations de Rambouillet? Les avez-vous vus à la télévision? Avez-vous

14 entendu leurs voix?

15 Réponse: Je sais que la délégation serbe y était, je ne sais pas qu'elle

16 en était la composition. Je sais que certains dirigeants y étaient, mais

17 cela ne m'a jamais intéressé d'en savoir plus sur cette composition.

18 Question: Mais avez-vous entendu parler d'un autre membre du gouvernement

19 qui était également albanais? Il y en avait eu plusieurs; je ne vais pas

20 tous les citer, mais je vais dire par exemple Xhafer Gjuka, que les

21 vôtres, membres de l'UCK, ont égorgé après l'arrivée de la MINUK et de la

22 KFOR à Pec. Est-ce que vous avez entendu parler de Xhafer Gjuka?

23 Réponse: Je n'ai jamais entendu parler de Xhafer Gjuka. Je suis de la

24 municipalité de Vushtrri, et c'est la première fois également que

25 j'entends parler de cet homme. Je crains que vous n'ayez des informations

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1 tout à fait erronées, Monsieur Milosevic.

2 M. Milosevic (interprétation): J'ai connu Xhafer Gjuka personnellement.

3 Donc je n'ai pas une information erronée à ce sujet, mais je vous

4 demandais…, je voulais savoir si vous étiez au courant de cela?

5 M. le Président (interprétation): Il a dit qu'il ne connaissait pas cet

6 homme. Il n'est pas nécessaire d'en dire plus.

7 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant des centaines de

8 civils kidnappés par les terroristes albanais et des conséquences de ces

9 kidnappings? Est-ce que vous sauriez nous dire quoi que ce soit à ce

10 sujet?

11 M. Kadriu (interprétation): De quels civils albanais qui auraient été

12 enlevés parlez-vous? Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

13 Question: Mais je ne sais pas ce qu'il y a de peu clair. Pour autant que

14 je comprenne, on vous traduit en albanais ce que je suis en train de vous

15 demander.

16 Je parle de civils kidnappés par l'UCK, dont bon nombre ont fini par être

17 tués par la suite. Est-ce que vous savez nous dire quelque chose à ce

18 sujet? C'est ce que je vous avais demandé?

19 Réponse: Non, je n'ai jamais entendu parler de tels incidents. C'est bien

20 la première fois que j'en entends parler.

21 Question: Bien. Et vous souvenez-vous de l'attaque contre le poste de

22 police à Prelluzh, le 28 août 1998?

23 Réponse: Il n'y a jamais eu d'attaque en cet endroit. Ce village est

24 habité en grande majorité par des Serbes donc je ne me souviens d'aucun

25 incident. Mais je peux vous dire qu'il n'y a pas eu de tels incidents,

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1 sinon je m'en souviendrai. Comment des Albanais auraient-ils pu pénétrer

2 dans un village habité par des Serbes?

3 Question: Vous affirmez même qu'à Prelluzh il n'y avait pas d'Albanais?

4 Réponse: A proximité de Prelluzh, oui il y avait des Albanais, mais dans

5 le village même il n'y avait pas d'Albanais. De l'autre côté du fleuve, il

6 y avait quelques maisons mais qui ont été toutes incendiées par la police

7 serbe et les citoyens de Prelluzh, ce sont là les premières maisons qui

8 ont été incendiées en 1998. Et à ce jour, les Albanais n'ont pas pu

9 retourner à ces maisons aux alentours de Prelluzh.

10 M. Milosevic (interprétation): Etant donné que vous affirmez qu'il n'y

11 avait pas d'Albanais à Prelluzh, comment expliqueriez-vous qu'en 1990, je

12 dis bien en 1990, le président du conseil exécutif de la municipalité, un

13 Albanais du nom de Xhaferi, avait signé un acte au terme duquel les

14 enfants albanais de Prelluzh étaient déplacés vers le village de Donje

15 Stavnovc à quelques dizaines de mètres de là, pour qu'ils aillent avec

16 d'autres enfants dans une autre école pour rassembler le nombre

17 nécessaire. Comment pourriez-vous nous expliquer un fait de cette nature?

18 M. Kadriu (interprétation): Cela s'est produit en 1998. Si je me souviens

19 bien, j'effectuais alors mon service militaire; et je me souviens qu'à la

20 télévision j'ai vu un reportage sur une réunion des civils ou des citoyens

21 serbes qui ont demandé que tous les Albanais quittent les alentours de

22 Prelluzh où ils habitaient et que les enfants devaient quitter l'école

23 également.

24 Il s'agit là de la première fois que les Albanais ont commencé à être

25 évincés des écoles au Kosovo. Les étudiants albanais j'entends. Je me

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1 souviens également des discours, de l'allocution tout à fait

2 extraordinaire que vous avez prononcée, où vous en appeliez à…, où vous

3 appeliez de vos voeux une Grande Serbie et ainsi de suite.

4 M. le Président (interprétation): Je vous prie de ne pas poursuivre.

5 Monsieur Milosevic, poursuivez.

6 M. Milosevic (interprétation): Où avez-vous vu ce discours que j'aurais

7 tenu? Où ce discours a-t-il été tenu?

8 M. Kadriu (interprétation): Je me souviens très bien; je vous l'ai dit,

9 j'effectuais mon service militaire et nous étions obligés de voir,

10 d'écouter toutes vos allocutions. Ce sont vos officiers qui nous

11 contraignaient à le faire.

12 Question: Mais comme vous avez dû suivre mes discours, dites-moi où est-ce

13 que j'ai fait ce discours?

14 Réponse: Vous avez prononcé cette allocution à Belgrade. Nous étions

15 obligés de suivre cette allocution à la télévision, et vos officiers se

16 sont montrés très fiers de vous par la suite.

17 Question: Qu'ai-je dit dans cette allocution?

18 Réponse: Je me souviens très bien, vous avez dit que la Serbie s'étendrait

19 de Mali i Gjoshit à Gjergjeli, soit la Serbie s'étendrait donc de Mali i

20 Gjoshit à Gjergjeli ou cesserait d'exister. Ça, j'en suis certain.

21 Question: La Serbie commence à la frontière hongroise et se termine à la

22 frontière macédonienne. Je ne comprends pas ce que vous vouliez dire. Est-

23 ce que vous vouliez dire que j'avais affirmé que la Serbie s'étendrait

24 jusqu'au territoire macédonien, c'est bien ce que vous êtes en train de

25 nous dire?

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1 Réponse: C'est bien cela que vous avez dit à l'époque en 1998. C'est à

2 cela que vous prétendiez à l'époque. ?on seulement la Macédoine, mais la

3 Slovénie, la Croatie, la Bosnie également.

4 M. Milosevic (interprétation): Bien. Cela n'est bien entendu pas exact et

5 cela n'y figure pas, mais c'est tout aussi inexact que les autres choses

6 que vous avez affirmées ici. Je ne vais pas m'aventurer à discuter avec

7 vous davantage de ces choses-là. Je vais poursuivre là où je m'étais

8 arrêté tout à l'heure.

9 Vous ne savez donc rien nous dire au sujet des meurtres de Serbes,

10 d'Albanais, de civils, de policiers. Vous ne savez rien nous dire au sujet

11 des kidnappings. Vous ne savez rien de tout cela. Au contraire, vous êtes

12 en train d'affirmer.

13 M. le Président (interprétation): Ecoutez, il a déjà abordé tout cela et

14 traité de cela. Quelle est la question?

15 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous êtes au courant d'un

16 événement, le 19 septembre 1998, dans le village de Makmal, sur la route

17 de Gllogovc à Srbica; une attaque contre des policiers où trois policiers

18 ont été blessés?

19 M. Kadriu (interprétation): Je n'ai aucune information concernant cet

20 incident. Je suis de la municipalité de Vushtrri donc je ne m'en souviens

21 pas. Je ne sais pas.

22 Question: Dans le village de Oshlan, en date du 2 septembre 1998,

23 lorsqu'on a attaqué la police moyennant armes automatiques et lance-

24 roquettes et lorsqu'un policier Radic est mort, est-ce que vous souvenez

25 de cet événement-là?

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1 Réponse: Le 22 septembre 1998, au cours de ma déposition hier, j'ai

2 informé cette Chambre que tous les villages des deux côtés des montagnes

3 de Qyqavicë ont été attaqués par la police et les forces militaires. Il

4 s'agissait là d'une offensive à grande échelle à laquelle a participé la

5 police et l'armée yougoslave.

6 M. Milosevic (interprétation): Hier, vous-même avez dit en nous expliquant

7 tout à fait autre chose, avez donc dit clairement que l'UCK se trouvait

8 stationné, ce sont vos propres termes, stationné sur le territoire de

9 Cicavica là-bas. C'est vous qui nous l'avez dit vous-même, non pas dans ce

10 contexte mais nous en expliquant autre chose. Mais ce sera indiqué au

11 compte rendu d'audience.

12 Comment pouvez-vous parler d'attaques contres les villages et les

13 villageois?

14 Réponse: Je ne nie pas ce que j'ai dit, j'ai dit que l'UCK contrôlait

15 plusieurs positions dans cette région. Néanmoins, l'offensive menée par la

16 police et les forces militaires étaient dirigées contre la population

17 civile, des civils ont été tués et j'ai sur moi leur nom.

18 Question: Donc vous affirmez que sur le territoire où se trouvait

19 l'organisation terroriste de l'UCK, l'armée et la police sont allés tirer

20 sur des civils et non pas sur l'UCK?

21 Réponse: L'UCK n'était pas une armée terroriste, il s'agissait d'une armée

22 de libération du Kosovo et vous avez tué des civils là-bas -j'ai leurs

23 noms sur moi- et vous les avez non seulement tués, vous les avez mutilés.

24 M. Milosevic (interprétation): Au niveau des massacres, on sait fort bien

25 qui était spécialisé en la matière. C'est la raison pour laquelle je vous

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1 avais posé la question de savoir si vous étiez au courant des gens de l'Al

2 Qaida au Kosovo. On sait fort bien qui est-ce qui massacre et qui est-ce

3 qui décapite les gens.

4 M. le Président (interprétation): Cette question a déjà été abordée et

5 cela ne nous aide en rien, n'aide en rien la Chambre. Quelle est votre

6 question suivante?

7 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous êtes au courant du fait que

8 le même jour, le 22 septembre 1998, il y a eu plusieurs attaques contre la

9 police dans le village Oshlan entre midi et 18 heures, lorsqu'il y a eu

10 non pas deux morts, mais deux blessés Marko Galo et Milutin Ivkovic? Le 22

11 septembre 1998, le village Oshlan, sur le territoire de votre municipalité

12 à vous.

13 Réponse: Comme je l'ai déjà dit: le 22 septembre, l'offensive a été lancée

14 contre 27 villages à l'est de Qyqavicë et autres villages au-delà de

15 Qyqavicë. Cette offensive a causé plus de 200 personnes exécutées. Tous

16 des civils, sauf pour un, une seule exception, une personne qui était

17 soldat de l'UCK.

18 Question: Dans le même village, le 23, le jour d'après il y a eu une autre

19 attaque contre la police où il y a eu deux victimes: deux policiers

20 Slavoljub Ivkovic et Micko Vranic, est-ce que vous vous en souvenez?

21 Réponse: La police n'a pas été attaquée, ces villages sont habités en

22 majorité par des Albanais. Mais c'était la police serbe et l'armée serbe

23 qui a encerclé ces villages des deux côtés de Qyqavicë, leur a imposé une

24 quarantaine jusqu'au 25 septembre.

25 Question: Donc vous affirmez que dans tous ces événements-là, en date du

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1 22 septembre, en date du 23 septembre où il y a eu pour victimes tous ces

2 policiers que j'ai mentionnés, que tout cela faisait partie d'une campagne

3 lancée par la police contre des civils, n'est-ce pas?

4 Réponse: Je ne sais pas s'il y a eu des policiers ou des soldats serbes

5 qui ont été blessés ou tués, comme vous le prétendez, mais je sais que

6 l'armée et la police serbe a infligé la terreur dans 27 villages de la

7 municipalité de Vushtrri et d'autres villages dans les municipalités de

8 Skenderaj et Gllogovc; et cela menait au massacre de nombreux civils.

9 Question: Vous affirmez donc que l'UCK n'a tué personne, n'a blessé

10 personne et que c'était la police qui avait attaqué des civils, et que la

11 police se blessait et se tuait elle-même?

12 Réponse: A Vukovar également ainsi qu'à Srebrenica, des civils s'entre-

13 tuaient, tout cela selon votre logique.

14 Question: Ça, c'est votre logique à vous, c'est vous qui affirmez que tout

15 cela a été fait par la police.

16 Est-ce que vous êtes au courant du fait que le même jour, le 23 septembre,

17 au village Dubovac, il a été blessé grièvement un policier Radoje

18 Cvetkovic? Et tout cela dans le cadre de ces attaques de la police, sur la

19 police.

20 Réponse: Je sais que ce jour-là, le 24, vous avez exécuté 13 jeunes hommes

21 et personnes âgées, vous avez tué une femme; et parmi les personnes

22 exécutées, trois étaient écoliers de l'école où nous travaillons. Nous

23 avons enterré 14 personnes dans le village de Galiçe, et je peux dire avec

24 une certitude entière qu'il s'agissait de civils, tous étaient des civils

25 et leurs corps avaient été mutilés également.

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1 M. Milosevic (interprétation): Qu'est-ce qui les a tués?

2 M. Kadriu (interprétation): Votre police, votre armée dirigée par Janic

3 qui a mené l'offensive avec Vucina Janicijevic.

4 M. Kwon (interprétation): Il ne s'agit pas là d'une réponse à la question

5 qui vous a été posée.

6 Monsieur Milosevic, je comprends que vous puissiez poser des questions à

7 ce Témoin concernant vos arguments, dans une certaine mesure, mais compte

8 tenu des contraintes de temps qui pèsent sur nous je vous conseillerai de

9 vous concentrer plutôt sur des éléments de faits dont il a été fait état

10 pendant l'interrogatoire principal. Comme on vous l'a déjà indiqué hier,

11 nous allons en terminer avec ce témoin aujourd'hui même. Il ne nous reste

12 plus que deux heures. Et vous-même avez dit que vous aviez des questions

13 concernant les documents qui ont été présentés par ce témoin hier. Alors,

14 pourquoi ne pas commencer à poser des questions bien précises sur ce genre

15 de questions?

16 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je parle justement de questions

17 concrètes, parce qu'il n'est pas exact d'affirmer que la police ou l'armée

18 avait perpétré des crimes quels qu'ils soient. Chose que cet Acte

19 d'accusation falsifié et ces faux témoins affirment. Mais je vais être une

20 fois de plus très concret. Vous avez décrit comme étant un massacre de

21 civils...

22 M. Kadriu (interprétation): En d'autres termes, il s'agirait

23 d'extraterrestres.

24 M. Milosevic (interprétation): Laissez-moi finir la question.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Kadriu, veuillez donner

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1 l'occasion à l'accusé de finir la question qu'il veut vous poser.

2 M. Milosevic (interprétation): Vous avez parlé d'événements dans le

3 village de Prekaz. Lorsqu'il y a eu un groupe de bandits de Adem Jashari

4 qui a été liquidé et c'est un très bon exemple du fait de proclamer des

5 assassins et des terroristes pour civils. Et vous avez déclaré vous-même

6 ici, et c'est ce qui est marqué dans votre déposition écrite, à savoir

7 qu'Adem Jashari a été vaincu lorsqu'il a…, lorsqu'il lui avait manqué des

8 munitions. Donc ici vous-même, de façon tout à fait claire, vous avez

9 indiqué que Jashari et son groupe s'étaient battus contre la police,

10 avaient ouvert le feu sur la police; et, comme vous le savez, ils étaient

11 plusieurs dizaines. Est-ce bien exact ou pas?

12 M. Kadriu (interprétation): C'est Adem Jashari a défendu sa propre maison,

13 sa propre porte, je le sais bien. Mais je sais aussi une autre vérité qui

14 est la suivante: dans la maison d'Adem Jashari, des femmes, des jeunes

15 filles, des enfants ont été massacrés; 63 personnes ont été enterrées. En

16 grande majorité des civils.

17 Je ne sais pas, je ne nie pas qu'Adem Jashari a pris la défense de sa

18 propre maison, mais c'est vous qui l'avez attaqué, vous l'avez attaqué

19 chez lui dans sa propre maison.

20 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous combien de Serbes et d'Albanais

21 ont été tués et pillés par Adem Jashari ensemble avec sa bande avant que

22 la police ne vienne pour l'arrêter?

23 M. le Président (interprétation): Limitez-vous à la question qui a été

24 posée ou qui aurait dû être posée. Ainsi, il est suggéré qu'Adem Jashari

25 dirigeait une bande d'hommes.

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1 Première question donc: dirigeait-il une bande d'hommes?

2 M. Kadriu (interprétation): Ce jour-là, lorsque Adem Jashari a été tué

3 avec sa famille, dans sa maison, qu'il y a eu des femmes, des enfants des

4 personnes massacrés. Il s'agissait d'une très grande famille et nombre des

5 membres de cette famille ont été tués, sauf une petite fille qui a

6 survécu.

7 M. le Président (interprétation): Avait-il un groupe, une bande d'hommes

8 qui procédaient à des pillages?

9 M. Kadriu (interprétation): Je n'en sais rien. Ce n'est pas vrai qu'ils

10 pillaient; ils menaient une lutte pour la libération; il s'agissait de

11 personnes qui défendaient leur propre maison des forces chetniks qui

12 venaient de la Serbie.

13 M. Milosevic (interprétation): Lorsque la police est arrivée pour

14 l'arrêter, savez-vous que la police n'avait pas ouvert le feu, mais avait

15 demandé qu'ils sortent et qu'ils se rendent à la police?

16 Réponse: Je n'en sais rien. Mais cela me fait plaisir que vous le sachiez:

17 cela montre bien que vous étiez au courant de tout ce qui se passait là-

18 bas.

19 Question: J'ai vu un rapport à ce sujet et le témoin qui a pris la parole,

20 ici avant vous, avait critiqué la façon de faire de la police parce

21 qu'elle n'avait donné que deux heures de temps à Jashari et à sa bande

22 pour qu'ils se rendent. Est-ce que vous êtes au courant de cela?

23 Réponse: C'est la première fois que j'entends cela aujourd'hui, parce que

24 toutes les personnes encerclées ont été exécutées, et ce, de la manière la

25 plus barbare possible. Seule une petite fille a survécu. Ces personnes ont

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1 été mutilées. Personne n'a survécu pour en témoigner.

2 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas exact qu'ils avaient été

3 massacrés autant de temps et qu'il n'ait survécu qu'une petite fille car,

4 en deux heures, un grand nombre de membres de la famille avait quitté la

5 maison alors que Jashari et les membres de sa bande, que vous appelez

6 "membres de sa famille", -mais il y a d'autres cas aussi où la bande était

7 également désignée par le terme de "famille" ou "membres de la famille"-,

8 sa bande et ces membres de la famille avaient ouvert le feu vers la police

9 à partir de mitrailleuses lourdes, à partir d'armements lourds, à partir

10 de dizaine d'unités ou de pièces d'armes automatiques. Le saviez-vous

11 cela?

12 M. le Président (interprétation): Deux questions vous sont posées. La

13 première est la suivante: savez-vous si des membres de la famille ont

14 réussi à fuir la maison?

15 M. Kadriu (interprétation): Je ne suis pas au courant de personnes qui ont

16 pu s'échapper. Tout le monde a été tué, sauf pour cette petite fille qui a

17 survécu et qui est toujours parmi nous.

18 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, on pourra se pencher sur les

19 rapports relatifs à l'événement en question. Mais il est exact que non

20 seulement ils avaient réussi à quitter, mais la police avait convié toutes

21 les personnes à quitter la maison et à se rendre à la police.

22 Est-ce que vous êtes au courant du fait que lui, s'agissant du fils de son

23 oncle qui voulait quitter la maison et se rendre à la police, eh bien, il

24 l'a abattu en lui tirant dans le dos parce qu'il avait estimé que celui-ci

25 l'avait trahi par le fait de vouloir se rendre à la police?

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1 Réponse: C'est faux. Vous avez en effet exécuté toute la famille Jashari,

2 sauf pour cette petite fille qui a survécu tout à fait par hasard. C'est

3 une fiction, c'est le produit de votre imagination et vous avez vous-même

4 participé à cet incident.

5 M. Milosevic (interprétation): Il n'est pas contesté que Jashari soit mort

6 dans les combats avec la police; cela n'a jamais été contesté. Mais ce que

7 vous êtes en train de nous dire fait qu'il n'est point contestable non

8 plus qu'il n'avait pas voulu être arrêté, mais qu'il avait ouvert le feu,

9 avec tous les autres membres de cette bande de brigands, en direction de

10 la police.

11 Est-ce que vous pensez que la police aurait dû envoyer des policiers

12 suicidaires pour que Jashari les abatte d'abord?

13 M. le Président (interprétation): Cela suffit. Il n'est pas litigieux que

14 des coups de fusil aient été tirés. La question est de savoir comment,

15 dans quelles circonstances.

16 Monsieur Milosevic, pour aider le témoin à répondre à la question, qu'est-

17 ce que vous suggérez: que ces 60 membres de la famille ont été tués dans

18 un échange de coups de feu? Est-ce cela que vous suggérez?

19 M. Milosevic (interprétation): Bien entendu, c'est une chose tout à fait

20 notoire. Vous ne savez pas de quoi avait l'air cette maison, mais j'ai un

21 rapport.

22 M. le Président (interprétation): Donnez au témoin la possibilité de se

23 prononcer sur ce que vous impliquez, sur ce que vous suggérez: que les 60

24 membres de la famille ont trouvé la mort dans un échange ou quelque chose

25 de similaire. Qu'en dites-vous, Monsieur le Témoin?

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1 M. Kadriu (interprétation): Je ne nie pas que Adem Jashari était membre de

2 l'UCK. Néanmoins, la famille d'Adem Jashari a été massacrée, exécutée par

3 les Serbes, y compris des enfants, des jeunes filles. J'ai vu des enfants

4 mutilés, de mes propres yeux. Comment est-ce que l'on peut excuser cela,

5 le fait de tuer des femmes, deux hommes âgés de la famille, qui avaient

6 près de 80 ans? Selon M. Milosevic, ils seraient montés sur quelque

7 barricade.

8 M. Milosevic (interprétation): Ils n'étaient pas dans une espèce de

9 barricade, mais ils étaient dans une maison fortifiée, à partir de

10 laquelle, comme vous l'avez dit vous-même, ils avaient ouvert le feu sur

11 la police.

12 M. Kadriu (interprétation): Ils se trouvaient dans leur propre maison. Ils

13 dormaient lorsqu'ils ont été encerclés par l'armée et la police serbes.

14 Ils dormaient lorsque vous les avez encerclés.

15 M. Robinson (interprétation): Monsieur le Témoin, quelles sont vos sources

16 d'information au sujet de cet incident?

17 M. Kadriu (interprétation): Monsieur le Juge, c'était à l'aube, lorsque la

18 famille d'Adem Jashari a été encerclée, non seulement la famille mais tout

19 le voisinage de Prekaz i Posthem.

20 M. Kwon (interprétation): Mais vous n'y étiez pas vous-même!

21 M. Kadriu (interprétation): Puis, ils ont été exécutés. Non, je n'y étais

22 pas, mais nous avons vu cela de loin, nous étions à quelques kilomètres de

23 là.

24 Mais je sais qu'il y avait en fait trois cercles lorsqu'on les a encerclés

25 et nous ne pouvions pas nous y rendre.

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1 M. le Président (interprétation): Vous aviez dit que vous aviez vu les

2 corps, les cadavres: est-ce exact?

3 M. Kadriu (interprétation): Oui, c'est exact.

4 M. le Président (interprétation): Et quel était l'âge à peu près des

5 personnes dont vous avez vu les cadavres?

6 M. Kadriu (interprétation): Des âges très variés. J'ai vu ces cadavres

7 lorsque la police les a emmenés vers un entrepôt d'une entreprise de

8 construction, alors que la maison de la famille Jashari à Prekaz était

9 encore encerclée.

10 M. Robinson (interprétation): Avez-vous été témoin vous-même de la manière

11 dont ils ont été tués?

12 M. Kadriu (interprétation): Non. La manière dont ils ont été tués, non,

13 mais j'ai vu les cadavres: ces cadavres avaient été brûlés, mutilés; ils

14 avaient été exécutés par coups de feu.

15 M. Kwon (interprétation): Vous y êtes-vous rendu avec M. Barani?

16 M. Kadriu (interprétation): Non, je m'y suis rendu avec plusieurs

17 représentants des droits de l'homme de Vushtrri -c'est là où j'ai

18 rencontré M. Barani qui filmait tout cela- et les représentants du Conseil

19 des droits de l'homme de Skenderaj.

20 M. Milosevic (interprétation): Vous nous avez dit tout à l'heure que vous

21 voyiez d'une distance de deux ou trois kilomètres, s'agissant de

22 l'événement. Pendant combien de temps avez-vous observé l'événement?

23 M. Kadriu (interprétation): Je m'y suis rendu à plusieurs reprises, parce

24 que cela s'est poursuivi et je devais rentrer à Vushtrri pour y faire un

25 rapport sur ce que j'avais vu de mes propres yeux. J'ai vu de la fumée, il

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1 y a eu des tirs, des tirs d'artillerie antiaérienne. Pendant trois jours,

2 ils ont subi sans cesse des tirs d'artillerie serbe. Donc je parle de la

3 famille Jashari.

4 Question: Vous avez dit trois jours?

5 Réponse: Il me semble qu'il s'agissait de trois jours. D'ailleurs, vous

6 avez encerclé la maison même pendant plus longtemps, le siège a continué

7 plus longtemps. Les victimes ont été retirées des ruines, les ruines de

8 ces maisons incendiées et, à ce jour, ils n'ont toujours pas été

9 identifiés.

10 Question: D'après que ce que vous venez de nous dire maintenant, la police

11 avait encerclé la maison et s'est battue pendant trois jours avec des

12 forces qui avaient tenu, qui avait fortifié une maison. Je voudrais savoir

13 de quelle taille devaient être ces forces qui avaient ouvert le feu contre

14 la police, pour que la police ait eu besoin de trois jours pour en venir à

15 bout?

16 Réponse: Non. Ils ont été exécutés dès le premier jour, mais vous avez

17 maintenu le siège de la maison, parce que vous avez dû préparer les

18 circonstances de ce qui était arrivé, que vous avez pu ainsi pu présenter

19 aux médias. Vous avez continué à encercler la maison: vous aviez plusieurs

20 objectifs pour que vous puissiez présenter devant l'opinion internationale

21 une version fausse de ce qui était arrivé.

22 Question: A votre avis, pendant combien de temps ce combat entre le groupe

23 Jashari et la police a vraiment duré?

24 Réponse: Je n'en sais rien, je ne peux pas vous le dire avec exactitude,

25 mais je sais que l'offensive a eu lieu à l'aube. Ces personnes ont été

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1 tuées aux petites heures du matin, mais la maison est restée assiégée.

2 D'ailleurs, tout le voisinage… Vous avez empêché toute personne de

3 s'approcher de la maison jusqu'à ce que vous ayez pu emmener les cadavres

4 jusqu'à l'entrepôt près de Skenderaj.

5 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je crois que c'est tout à fait clair

6 que d'entendre la position que vous aviez et que le fait que vous ne

7 pouviez nier l'existence de combat entre la police et ce groupe de

8 bandits.

9 Vous avez dit qu'après les événements en question...

10 M. Kadriu (interprétation): Il n'y avait aucun groupe de bandits. Je suis

11 désolé, Messieurs les Juges.

12 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà les éléments de preuve

13 sur cette question.

14 Monsieur Milosevic, je vous prie de poser votre question suivante.

15 M. Milosevic (interprétation): Si vous me remettez mon micro en marche.

16 D'habitude, dans le monde, on traite de "bandits" les groupes qui se

17 battent contre la police. Il est probable que, seulement dans cet endroit-

18 là, précis, cela n'a pas été le cas.

19 Vous avez dit que, fuyant la terreur, les habitants étaient en train de

20 fuir. Est-ce que vous croyez qu'ils étaient en train de fuir la terreur de

21 la police ou est-ce qu'ils étaient en train de fuir la région où l'on

22 tirait, où il y avait des coups de feu, des échanges de tirs, comme on a

23 déjà entendu parler de cela? Et vous nous avez fatigués pendant longtemps

24 avant que d'arriver au fait.

25 M. Kadriu (interprétation): Comment est-ce que les gens auraient pu

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1 résister à s'enfuir alors que votre armée et votre police ont commencé à

2 pilonner leurs maisons? Et qu'avant ces pilonnages, ils expulsaient les

3 habitants de leurs maisons avant d'ensuite y mettre le feu?

4 Ils les ont forcés à quitter Vushtrri pour aller vers la Macédoine et vers

5 l'Albanie. C'était la philosophie qui sous-tendait l'action de votre armée

6 et de votre police.

7 M. Milosevic (interprétation): Bon. Mais je préférerais, pour ma part,

8 m'en tenir aux faits.

9 M. Kadriu (interprétation): Je ne suis pas non plus un philosophe, je n'ai

10 jamais étudié la philosophie.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous n'avons pas

12 besoin de commentaire de ce genre de votre part. Passez à la question

13 suivante, je vous prie.

14 M. Milosevic (interprétation): Je vais vous lire une citation. Puisque

15 vous parlez d'expulsions en 1998, je vais vous lire ce qui suit -je cite-:

16 "Même au Kosovo...

17 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous citez quelque

18 chose, il faut que vous nous disiez d'où est tirée cette citation, que

19 vous nous informiez au sujet du contexte.

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Juge Robinson, je le dirai. Je

21 n'ai aucune intention de le cacher, mais seulement après avoir posé la

22 question au témoin; je ne souhaite pas qu'il soit informé au départ de la

23 source de cette citation. Je suppose que tel est mon droit. Mais, bien

24 sûr, je donnerai la source par la suite.

25 M. Robinson (interprétation): Très bien.

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1 M. Milosevic (interprétation): Le témoin affirme qu'il n'est pas exact que

2 j'ai dit à l'avance; si je lui avais dit à l'avance tout à l'heure que la

3 citation que j'ai faite sortait d'une déclaration faite au Congrès par le

4 FBI, le témoin m'aurait sans doute répliqué que c'était un fruit de mon

5 imagination.

6 M. Robinson (interprétation): Bon, mais donnez-nous la source.

7 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr, je le ferai.

8 Je cite: "Même au Kosovo, les allégations de persécution, les allégations

9 politiques explicites de persécutions liées à l'appartenance ethnique ne

10 sont pas fiables. L'est du Kosovo n'est toujours pas impliqué dans les

11 conflits armés. La vie publique dans les villes comme Pristina et Urosevac

12 et d'autres, se déroule alors que le conflit se poursuit et cette vie est

13 relativement normale. Les actions des forces de sécurité ne sont pas

14 dirigées contre les Albanais du Kosovo en tant que groupe défini sur le

15 plan ethnique, mais elles sont dirigées contre l'opposition militaire et

16 les partisans réels ou présumés de ces opposants militaires". (Fin de

17 citation.)

18 Selon vous, ceci est-il exact ou faux?

19 M. Kadriu (interprétation): Je ne sais pas qui a écrit cela, mais je sais

20 que votre armée et votre police ont tuées à peu près 15.000 civils,

21 Monsieur Milosevic. Je ne sais pas, je ne sais pas qui est l'auteur de ce

22 rapport.

23 Question: Je ne vous demande pas quelles sont vos interprétations

24 subjectives et imaginées. Je vous demande si ce qui est dit dans de ce

25 passage est exact ou pas oui ou non?

Page 1800

1 Réponse: Ce n'est pas vrai. Votre police et votre armée ont expulsé les

2 gens de chez eux et les ont forcés à quitter la région sous la contrainte.

3 Ils les ont tués également. Ils les ont rassemblés dans des villes à

4 partir du 1er avril, et ils les ont forcés à quitter ces villes également

5 sous la contrainte; certains pour aller ailleurs dans le pays, d'autres

6 pour se rendre en Macédoine ou en Albanie. Ça, c'est la vérité. Un million

7 de personnes ont été expulsées vers la Macédoine, l'Albanie et d'autres

8 pays européens.

9 Vous avez réalisé le nettoyage ethnique du Kosovo, voilà ce que vous avez

10 fait.

11 M. Milosevic (interprétation): Bien, mais je demande vraiment que l'on

12 fasse en sorte que ce contre-interrogatoire se compose de questions posées

13 par moi et de réponses obtenues du témoin, car la longueur des réponses du

14 témoin ne m'importe pas trop, mais il ne répond pas à mes questions. Ce

15 qui m'importe donc et ce qui me préoccupe, c'est qu'il parle comme un

16 perroquet en répétant sans arrêt les mêmes choses qui n'ont rien à voir

17 avec les questions que je lui pose. Donc le passage que j'ai lu...

18 M. le Président (interprétation): Il n'est pas nécessaire de poursuivre

19 sur ce point. Le témoin a nié ce fait.

20 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Il s'agissait d'un rapport de

21 renseignements du ministère des Affaires Etrangères en date du 12 janvier

22 1999 et destiné au tribunal administratif de Trijer(?).

23 Je vais maintenant vous en lire un autre passage -je cite-: "Comme cela a

24 déjà été signalé dans le rapport précédent, l'UCK a repris ses positions

25 après le retrait partiel des forces de sécurité en octobre 1998. Donc

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1 l'UCK contrôle désormais à nouveau des zones importantes dans la région où

2 les conflits font rage. Avant le début du printemps 1999, il y avait

3 encore des affrontements entre l'UCK et les forces de sécurité, mais ces

4 affrontements n'avaient pas encore atteint l'intensité que l'on a

5 constatée dans les combats qui se sont déroulés au printemps et à l'été

6 1998". (Fin de citation.)

7 Est-ce exact?

8 M. Kadriu (interprétation): S'agissant de l'expansion de l'UCK, il serait

9 préférable que vous interrogiez le commandant de l'UCK. Moi, je suis ici

10 pour témoigner au sujet des atrocités commises par votre armée et votre

11 police.

12 (Les interprètes signalent qu'ils ne disposent pas des citations de M.

13 Milosevic.)

14 Question: Très bien. Un autre rapport donc daté du 15 mars 1999 et adressé

15 au tribunal administratif de Meintz.

16 Je cite un passage puisque vous avez signalé ne pas être le commandant de

17 l'UCK et vous poserai la question suivante: vous avez parlé de la mission

18 de vérification au Kosovo, de l'OSCE, êtes-vous au courant du fait qu'une

19 commission du gouvernement fédéral existait, qui devait coopérer avec

20 cette mission de vérification de l'OSCE et que chaque fois qu'un incident

21 se produisait, s'est produit pendant cette période de plusieurs mois

22 durant laquelle la mission de vérification, les représentants de la

23 mission de vérification ont été sur les lieux? Donc chaque fois qu'un

24 incident se produisait, des procès-verbaux étaient enregistrés entre le

25 gouvernement fédéral yougoslave à la commission de vérification; c'est-à-

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1 dire que l'organe gouvernemental chargé de coopérer avec la mission de

2 vérification faisait son travail et que des procès-verbaux, noir sur

3 blanc, existent à ce sujet. Le savez-vous? Savez-vous que ce genre de

4 procès-verbal établi par la commission existe ainsi que par l'organe

5 gouvernemental chargé de coopérer avec elle?

6 Réponse: Je ne sais rien à ce sujet, mais je n'ai pas reçu, bien sûr,

7 d'informations directes de l'OSCE. Je sais cependant que sa mission

8 consistait à rédiger des rapports au sujet de la situation qui prévalait à

9 l'époque au Kosovo de façon générale ou au niveau des autorités

10 municipales.

11 M. Milosevic (interprétation): Oui. Mais, vous avez fait un certain nombre

12 d'affirmations dans votre témoignage. Et savez-vous que dans les procès-

13 verbaux que je viens de citer, procès-verbaux rédigés en coopération par

14 la mission de vérification de l'OSCE et la mission chargée de coopérer

15 avec l'OSCE du côté du gouvernement fédéral yougoslave, savez-vous que

16 rien de tout cela ne figure dans ces procès-verbaux?

17 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit ne rien savoir au sujet

18 des ces procès-verbaux, donc tout ce qui est dit à ce sujet se résume à

19 des commentaires. Le témoin ne peut pas répondre à cette question, il a

20 dit ce qu'il avait à dire au cours de sa déposition, il peut aller plus

21 loin sur ce point.

22 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je vais devoir donc supprimer un

23 certain nombre de questions que j'avais l'intention de poser au témoin,

24 puisqu'il affirme ne rien savoir sur un certain nombre de sujet. Mais je

25 tiens à attirer l'attention sur un certain nombre de contradictions très

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1 importantes. A certain moment dans sa déposition, le témoin a parlé du

2 fait que les forces de l'UCK étaient stationnées sur les flancs des monts

3 Ciçavica, il a parlé des actions de l'UCK, et par ailleurs il parle

4 aujourd'hui de l'action de la police et de l'armée serbes dans la zone de

5 Ciçavica, alors qu'il y avait sans aucun doute un conflit qui faisait rage

6 entre l'UCK et l'armée serbe.

7 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, le moment n'est pas venu

8 pour vous de formuler ce genre de commentaires. Vous aurez la possibilité

9 de le faire à la fin de la présentation de ces éléments de preuve. Lorsque

10 vous mettrez en lumière les contradictions, vous pourrez poser les

11 questions au témoin.

12 M. Milosevic (interprétation): Je suppose qu'en posant mes questions j'ai

13 également la possibilité d'être cohérent, c'est-à-dire de mettre le témoin

14 face à ses contradictions, car il est question ici de mensonges, en bonne

15 et due forme, qui ont une incidence directe avec l'Acte d'accusation.

16 La question qui se pose ici est la suivante: qui est responsable des

17 meurtres au Kosovo aujourd'hui, alors que les Serbes ne sont plus au

18 Kosovo?

19 M. le Président (interprétation): Posez simplement une question, plus de

20 discours.

21 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dans ces conditions, puisque vous

22 ne me laissez pas apporter mes explications, je poserai une question.

23 Qui aujourd'hui tue au Kosovo, alors que l'armée et la police serbes n'y

24 sont plus. Qui est responsable des meurtres au Kosovo aujourd'hui?

25 M. le Président (interprétation): Cette question n'est pas pertinente aux

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1 yeux du Tribunal.

2 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Revenons sur Vucitrn.

3 Monsieur le Témoin, puisque vous agissiez dans le domaine des droits de

4 l'homme, savez-vous qu'après l'arrivée de la KFOR et de la MINUK, 27

5 Serbes ont été tués dans votre municipalité?

6 M. Kadriu (interprétation): Ceci n'est pas vrai. Il n'y a pas de Serbes

7 dans la municipalité de Vucitrn. Il y a trois villages qui sont

8 majoritairement habités par des Serbes. Quant aux assassinats, aux

9 meurtres dont parle Milosevic, je n'en sais rien, car c'est la

10 responsabilité de la MINUK de savoir ce qui se passe et de remédier à la

11 situation. Je suis professeur actuellement au lycée de Vucitrn, je ne

12 préside plus le Conseil pour les droits de l'homme et les libertés. C'est

13 quelqu'un qui préside ce Conseil aujourd'hui.

14 Question: Je ne parlais pas de quelque chose qui s'est passé aujourd'hui,

15 mais au moment de l'arrivée des représentants de la MINUK. A ce moment-là,

16 vous vous occupiez des droits de l'homme et de cette commission.

17 Savez-vous que, le 18 mai 1999, dans le village de Miljavic, l'UCK a tué

18 six villageois d'un village proche de la forêt de Prelluzhe, qui étaient

19 allés couper des arbres: Slobodan Brajkovic, père de trois enfants,

20 Slavojka Miletic, père de trois enfants, Radovan Zdravkovic, père de trois

21 enfants, Slavisa Zdravkovic, un jeune homme, Milovan Zdravkovic, père de

22 quatre enfants, et Svetozar Zivkovic, ainsi que d'autres hommes, tous

23 pères de plusieurs enfants? Savez-vous qu'ils ont été tués alors qu'ils

24 étaient à bord de leurs tracteurs et qu'ils allaient couper du bois dans

25 la forêt?

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1 Réponse: Monsieur le Président, le 18 mai, j'étais en prison. J'étais dans

2 votre prison, enfermé par votre armée et votre police. Comment est-ce que

3 je pourrais avoir connaissance de tout cela?

4 M. Milosevic (interprétation): Mais comment pourriez-vous avoir

5 connaissance de toutes sortes d'événements au sujet desquels vous avez

6 témoigné. Vous avez dit que vous étiez responsable de la coordination,

7 d'un travail particulier donc dans les mêmes conditions.

8 M. Kadriu (interprétation): Je vous ai déjà dit qu'à ce moment-là, j'étais

9 en prison et que nous ne pouvions obtenir aucun renseignement en prison:

10 nous étions coupés du reste du monde, encerclés par vos forces et

11 interdits d'accès à quelque information que ce soit ou à quelque journal

12 que ce soit. Comment aurais-je pu apprendre cela alors que j'étais en

13 prison? Je ne savais même pas ce qui se passait dans ma famille. Je ne

14 l'ai appris qu'après la guerre.

15 M. Robinson (interprétation): Vous n'avez pas entendu parler de cela,

16 Monsieur Kadriu, à votre sortie de prison?

17 M. Kadriu (interprétation): Le 18 mai, jour mentionné par l'accusé, je

18 n'ai entendu parler de rien lié à ce jour-là, et je suis sûr que rien ne

19 s'est passé ce jour-là.

20 Je sais que, lorsque l'OSCE était à Milic, lorsque la mission de l'OSCE

21 était encore présente dans la ville, un habitant de ce village -qui

22 faisait partie de l'armée yougoslave- a commis un acte de sabotage et

23 s'est enfui.

24 M. Robinson (interprétation): Merci.

25 Monsieur Milosevic, pourriez-vous passer à votre question suivante?

Page 1806

1 M. Milosevic (interprétation): Je vais me permettre une digression, car je

2 vois que vous ne cessez de limiter le temps qui m'est imparti et je dois

3 parler des documents.

4 Monsieur Kadriu, vous avez apporté ici un certain nombre de documents et,

5 avant d'en parler, j'aimerais vous poser une question. Pour autant que je

6 l'ai remarqué, au cours de votre déposition, vous avez déclaré -au moins à

7 six reprises- que vos documents avaient brûlé. Donc les documents que vous

8 avez apportés, qui apparemment n'ont pas brûlé, sont sans valeur, et c'est

9 ce que nous allons prouver.

10 Mais il apparaît également que les seuls documents qui ont brûlé sont les

11 documents qui ont un rapport direct avec des crimes. Quant aux documents,

12 qui parlent de quantités de pommes de terre, etc., n'ont pas brûlé, alors

13 que les documents relatifs aux crimes, eux, ont brûlé. Comment se fait-il

14 qu'une telle distinction existe entre ces deux catégories de documents?

15 Vous avez dit au moins six fois que les documents que vous aviez en votre

16 possession avaient brûlé et les seuls documents que vous avez montrés sont

17 des documents qui traitent de quantités de pommes de terre et de diverses

18 machines et véhicules.

19 M. le Président (interprétation): Quelle est la question?

20 M. Milosevic (interprétation): La question est la suivante: comment se

21 fait-il que les documents qui sont sans valeur ont été sauvés de

22 l'incendie, alors que les documents qui pourraient avoir une valeur ont

23 brûlé?

24 M. le Président (interprétation): Très bien.

25 Monsieur le Témoin, il est suggéré que les autres documents que vous aviez

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1 en votre possession ont été brûlés, alors que vous avez réussi à en sauver

2 quelques-uns, que vous avez apportés ici. Que dites-vous de cela?

3 M. Kadriu (interprétation): Monsieur le Président, le secrétariat

4 technique du Conseil pour les droits de l'homme et des libertés a réussi à

5 conserver sous scellés un certain nombre de documents, dans une maison

6 privée, et cette maison a ensuite été incendiée. Je peux d'ailleurs vous

7 donner le nom du secrétaire ou de la secrétaire du Conseil pour les droits

8 de l'homme.

9 Alors que les documents sur lesquels Milosevic tente de jeter un voile,

10 ils ont été saisis après la guerre, dans les bureaux de la municipalité où

11 travaillaient les responsables serbes. Très peu de documents ont survécu.

12 Certains collègues en avaient des copies, mais, en tout état de cause, ces

13 documents sont très peu nombreux et moi, j'aimerais pouvoir disposer de

14 tous les documents qui existaient avant la guerre, car ils m'aideraient

15 considérablement. C'est regrettable pour moi aujourd'hui de ne pas pouvoir

16 disposer de ces documents. Mais le Conseil pour les droits de l'homme et

17 les libertés dispose de la chronologie de tous les actes de violence et

18 j'ai apporté ce document ici.

19 M. Milosevic (interprétation): J'aimerais vous interroger au sujet de ces

20 documents, puisque le Procureur a présenté pompeusement des documents

21 auxquels il est incapable d'affecter la moindre valeur.

22 La liste des membres de la cellule de crise de la municipalité de Vucitrn,

23 qu'est-ce qu'elle prouve puisqu'il y a crise et qu'il faut donc qu'il y

24 ait cellule de crise? Au passage, je vois que, dans l'en-tête de ce

25 document,...

Page 1808

1 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question à laquelle le

2 témoin peut répondre. Il a simplement produit ce document.

3 M. Milosevic (interprétation): Mais il l'a produit dans un but précis; je

4 lui demande ce que prouve ce document: une cellule de crise existe dans

5 toutes les municipalités.

6 M. le Président (interprétation): Très bien. Ce n'est pas une question à

7 laquelle le témoin doit répondre. Quelle est la question suivante?

8 M. Milosevic (interprétation): Le témoin sait-il que cette cellule de

9 crise a été créée pour assurer la défense et l'évacuation de la population

10 civile, pour apporter l'eau, l'électricité, les vivres nécessaires,

11 satisfaire aux besoins de la population et du bétail? Est-ce que le témoin

12 sait tout cela?

13 M. Kadriu (interprétation): Non. Les cellules de crises qui ont été créées

14 en 1998, étaient baptisées "Etat-major chargé des questions liées à la

15 police, à l'armée et aux questions civiles". J'ai d'autres documents, si

16 le Tribunal en a besoin, qui prouvent que c'est bien le nom qui était

17 donné à cet organisme; il a été créé pour remplacer tous les autres

18 organismes existants précédemment et créer un état d'urgence. Cette

19 cellule de crise était responsable de tout, même des pommes de terre

20 mentionnées par M. Milosevic. Mais nous savons ce que cette cellule de

21 crise a fait aux civils. C'était un organe suprême qui était responsable

22 de tout et qui avait des contacts directs avec le sommet de la pyramide où

23 se trouvait l'accusé.

24 Au sein de la cellule de crise, on trouvait également le chef de la

25 police, Vucina Janicijevic, qui est membre de la cellule de crise et qui

Page 1809

1 auparavant avait été président de la municipalité; Slobodan Doknic en

2 faisait partie également, ainsi que d'autres qui étaient responsables de

3 tout, jusqu'au plus petit détail. Et donc, bien évidemment, aussi des

4 questions importantes.

5 Si vous souhaitez voir d'autres documents, je les ai ici, dans ma

6 serviette. Je peux vous les fournir. Vous verrez que, sur ces documents,

7 figure la notion "Etat-major chargé des questions militaires, policières

8 et civiles".

9 M. Robinson (interprétation): Monsieur Kadriu, parmi les nombreuses choses

10 que vous avez dites, il y en a une qui m'intéresse plus particulièrement,

11 à savoir que la cellule de crise avait des contacts avec le sommet de la

12 pyramide où se trouvait l'accusé. Pourriez-vous nous apporter des

13 éclaircissements sur le sens de cette phrase?

14 M. Kadriu (interprétation): Oui, Monsieur le Juge. Jusqu'en 1998, il

15 existait une assemblée municipale composée principalement de Serbes. A

16 partir de juin 1998, cette assemblée municipale s'est transformée en état-

17 major de crise, chargé des questions militaires, policières et civiles,

18 ainsi que des questions humanitaires. Toutes les responsabilités qui

19 incombaient à l'assemblée municipale ont été reprises par ce nouvel

20 organe. Ces compétences ont donc été transférées sur ce nouvel organe

21 chargé des affaires militaires, policières et civiles.

22 M. Robinson (interprétation): Merci. Monsieur Milosevic, vous pouvez

23 poursuivre.

24 M. Milosevic (interprétation): Comprenons bien que l'assemblée municipale

25 n'avait pas bien fonctionné, mais elle n'avait pas bien fonctionné parce

Page 1810

1 qu'il y avait, dit-on, des disputes entre les Serbes et que c'est la

2 raison pour laquelle on avait nommé un conseil municipal provisoire; et ce

3 conseil municipal provisoire avait mis en place une cellule de crise pour

4 la protection civile et pour les questions dont j'avais parlé. Donc ces

5 documents, pour cette raison-là, n'ont aucune valeur pour ce qui est de ce

6 que l'on cherche à prouver avec.

7 Et je poserai une question la suivante: qu'est-ce que cette liste

8 d'attestation délivrée pour ce qui est de ces départements de la défense

9 de Vucitrn? On dit: nom, prénom; temps d'engagement: 25 mars jusqu'au 24

10 avril, donc un mois. Donc tous ceux qui ont été mobilisés pour accomplir

11 des tâches avec leur véhicule à eux pour transporter des vivres, du

12 matériel et tout ce qu'il fallait, ont été mobilisés pendant ces temps de

13 crise par la cellule de crise. Mais qu'est-ce que cela vient prouver?

14 Qu'est-ce que cela signifie?

15 M. le Président (interprétation): Ce qui est établi, c'est ce que dit le

16 document. La valeur probante de ce document, son importance, eh bien, il

17 appartiendra à la Chambre de statuer en temps utile. Le témoin ne peut pas

18 répondre à ce genre de questions, il peut simplement nous dire qu'il a

19 trouvé ce document.

20 M. Robinson (interprétation): Et vous aurez tout le loisir, dans vos

21 arguments de conclusion, de dire que ce document n'a pas la moindre

22 valeur, mais ce n'est pas le moment maintenant.

23 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, c'est le moment dans la mesure où

24 le Bureau du Procureur ou l'accusation accorde à ce document, une

25 importance clé, si je puis m'exprimer ainsi, en les montrant sur le

Page 1811

1 rétroprojecteur ici. Et en montrant une liste de personnes qui avaient été

2 mobilisées pour transporter quelque chose pour les besoins de la

3 protection civile avec leur propre véhicule.

4 On montre ici par exemple, et je vais vous poser la question, une

5 décision, une décision de la cellule de crise. Qui détermine, qui a donné

6 ou qui donne des ordres pour la cellule de crise; et l'on donne le numéro

7 de compte, etc. Mais qu'est-ce que ce donneur d'ordre? Ce donneur d'ordre,

8 c'est celui qui approuve les dépenses d'argent à partir d'un compte. Et

9 c'est ce que l'on fait dans le moindre des magasins ou dans la moindre des

10 entreprises en Yougoslavie. Et ce donneur d'ordre est en fait celui qui

11 est autorisé à signer les chèques qui a la possibilité ou les attributions

12 d'accorder ou d'approuver des dépenses. Et ce président de l'assemblée

13 municipale ou de cette cellule est le donneur d'ordre pour les dépenses.

14 M. le Président (interprétation): Venez-en à la question que vous posez au

15 témoin...

16 M. Milosevic (interprétation): Mais qu'est-ce l'on prouve? Cela a été

17 présenté par l'accusation de façon pompeuse comme si cela était...

18 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas là une question à laquelle

19 le témoin doit répondre. Nous entendrons d'autres arguments à ce sujet en

20 temps utile. Ce que vous semblez dire, c'est que tout d'abord le document

21 est un faux, et par ailleurs vous dites même s'il ne s'agit pas là d'un

22 faux, c'est un document sans la moindre importance. Il semblerait que

23 c'est là ce que vous dites.

24 Avez-vous d'autres questions pour le témoin, sinon nous allons lever la

25 séance?

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1 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi m'empêchez-vous de poser des

2 questions au témoin concernant les documents qu'il a apportés lui-même?

3 M. le Président (interprétation): Ce que j'essaie de vous faire

4 comprendre, c'est qu'il n'appartient pas au témoin d'évaluer l'importance

5 de ces documents, cela incombe à l'accusation. Il a simplement produit,

6 amené ici quelques documents. Vous pouvez lui poser des questions

7 concernant ces documents, concernant la teneur de ses documents, mais vous

8 ne pouvez pas lui faire un discours sur l'importance de ces documents ou

9 le fait qu'ils n'ont aucune importance. Nous allons entendre des arguments

10 à ce sujet en temps utile. Nous allons maintenant suspendre l'audience

11 pour 10 minutes.

12 (L'audience, suspendue à 10 heures 05, est reprise à 12 heures 18.)

13 M. Milosevic (interprétation): J'aimerais savoir que vous me disiez, s'il

14 vous plaît, si vous avez limité mon temps de contre-interrogatoire à 13

15 heures aujourd'hui?

16 M. le Président (interprétation): 13 heures 15.

17 M. Milosevic (interprétation): 13 heures 15 ne me convient pas. On a parlé

18 de 13 heures, j'ai une visite aujourd'hui.

19 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur May, je ne sais pas comment vous

20 allez poursuivre la conduite de ce procès, je n'ai pas à m'en mêler: c'est

21 à vous qu'appartient la décision bien sûr, mais j'avais également un

22 certain nombre d'éléments à présenter qui ont une importance factuelle et

23 qui sont très directement liés à des points tout à fait essentiels qui ont

24 été évoqués par le Témoin. J'aurais très certainement besoin de 20 à 25

25 minutes pour présenter ma partie du contre-interrogatoire que je considère

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1 comme tout à fait essentielle et fondamentale.

2 M. le Président (interprétation): Nous pouvons siéger jusqu'à 13 heures

3 15.

4 Monsieur Ryneveld, aurez-vous à votre avis des questions supplémentaires?

5 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, j'avais prévu deux

6 questions supplémentaires, mais compte tenu des circonstances, je pense

7 que je pourrai peut-être les remettre au réquisitoire.

8 M. le Président (interprétation): Merci.

9 (Les Juges se consultent sur le siège.)

10 Ce que nous allons faire, c'est de tirer le meilleur profit du temps

11 limité qui nous reste.

12 Monsieur Milosevic, nous pouvons siéger jusqu'à 13 heures 15. Nous

13 donnerons la possibilité à l'amicus curiae de procéder à son contre-

14 interrogatoire jusqu'à une demi-heure maximum, pas plus, bien sûr.

15 C'est à vous de déterminer combien de temps vous utiliserez; si vous

16 parlez jusqu'à 12 heures 55, il ne restera que vingt minutes à l'amicus

17 curiae. C'est une question d'équilibre entre vous. Si vous voulez en

18 terminer plus tôt, Monsieur Milosevic, l'amicus aura plus de temps.

19 M. Milosevic (interprétation): C'est une forme de chantage, je dois vous

20 le dire, car hier, vous avez annoncé que nous allions travailler

21 aujourd'hui jusqu'à 13 heures.

22 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas le cas. La décision

23 vous appartient. Je vous propose, si vous avez des questions à poser, de

24 les poser sans perdre de temps inutilement.

25 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous n'avez pas le droit de

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1 limiter un contre-interrogatoire, et ce, d'après votre propre Règlement.

2 Le Procureur a disposé pour l'interrogatoire principal de beaucoup plus de

3 temps. Il est question ici d'un témoin qui dit des contre-vérités du début

4 à la fin; donc il est impossible de terminer le contre-interrogatoire en

5 quinze minutes, même si j'acceptais de remettre à plus tard la visite que

6 vous m'avez consentie, et ce, après l'avoir refusée la première fois.

7 Donc je pense que nous devrions travailler jusqu'à 13 heures aujourd'hui

8 et continuer lundi aux heures de travail normales.

9 M. le Président (interprétation): Nous avons rendu notre décision. La

10 pratique de ce Tribunal permet aux Chambres de première instance, lorsque

11 beaucoup de temps a été consacré à un interrogatoire, de limiter le temps

12 de ses interrogatoires principaux et contre-interrogatoires.

13 Quelle est votre question suivante?

14 M. Milosevic (interprétation): Dans le cas qui nous intéresse, vous n'avez

15 pas diminué le temps de l'interrogatoire principal, mais celui du contre-

16 interrogatoire, qui est au moins d'une heure inférieure à celui de

17 l'interrogatoire principal.

18 Et j'aimerais demander au Témoin de répondre par oui ou par non.

19 M. Kwon (interprétation): Pourriez-vous répéter votre question?

20 M. Milosevic (interprétation): J'ai cru comprendre que vous étiez en

21 consultation et que nous n'en étions pas encore arrivés au stade des

22 questions.

23 (Les Juges se consultent sur le siège.)

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

25 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant du moment où Ljubomir

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1 Knezevic, qui était représentant de "Politika", à Vucitrn, ainsi que d'un

2 autre journal, a été kidnappé et emmené jusqu'à un village du mont

3 Shishevicë où il a subi toutes sortes de tortures? On lui a coupé les

4 oreilles notamment et les doigts. Et il a fini par décéder, mourir de ces

5 tortures, des suites de ces tortures, le 6 mai 1999. Etes-vous au courant

6 de cela?

7 M. Kadriu (interprétation): Il n'existe pas de village portant le nom de

8 Nikolic. Je crains que vous ayez une information erronée.

9 Question: Je parle de Ljubomir Knezevic; c'est le nom du journaliste et

10 pas de Ljubomir Nikolic.

11 Réponse: Le village de Nikolic n'existe pas.

12 M. Milosevic (interprétation): Je ne parle pas de Ljubomir Nikolic; je ne

13 parle non plus d'un village qui s'appelle Nikolic. Je parle d'un homme qui

14 s'appelle Ljubomir Knezevic. Je crois avoir été clair! Je ne sais pas ce

15 que les interprètes vous disent!

16 Il s'agit d'un prénom et d'un nom de famille: Ljubomir Knezevic qui est de

17 Vucitrn, qui a été représentant à "Radio Pristina" et pour le journal

18 "Politika", qui a été enlevé à Vucitrn et qui a subi des tortures

19 affreuses sur les pentes du mont Shishevicë, dans un village de cette

20 montagne. J'ai décrit ces tortures atroces, et il est mort finalement dans

21 des douleurs terribles le 6 mai 1999.

22 M. Kadriu (interprétation): De quelle date parlez-vous? Parce que le 2

23 mai, j'étais en prison, donc je ne sais pas ce qui s'est passé après cette

24 date-là.

25 M. le Président (interprétation): Nous savions que vous étiez en prison.

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1 Avez-vous appris le meurtre de cet homme?

2 M. Kadriu (interprétation): Non, Monsieur le Président. J'étais en prison

3 à ce moment-là, je suis revenu au mois de juin, après la fin de la guerre

4 qui s'est terminée le 19 juin. Excusez-moi, le 29 juin. A la fin du mois

5 de juin, je suis revenu d'Albanie.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais savez-vous qu'à Leskovac, qu'à Likovc,

7 une prison était très connue dans laquelle étaient enfermés dans des

8 cellules d'isolement un grand nombre de Serbes, pas seulement originaires

9 de Vucitrn, mais d'un grand nombre d'endroits également? Savez-vous cela?

10 M. Kadriu (interprétation): Je n'ai entendu parler d'aucune prison à cet

11 endroit. Je sais que la police et l'armée en avaient connaissance, je

12 connais la prison dans laquelle j'étais moi-même, je connais l'existence

13 d'une autre prison à Mitrovica.

14 Question: Savez-vous que, dans les caves du grand magasin de Vucitrn, donc

15 dans votre ville, une prison de l'UCK a été créée, dans laquelle on a

16 enfermé des Serbes qui devaient être liquidés. C'est une prison donc qui a

17 été créée dans les sous-sols du grand magasin de Vucitrn, avant l'arrivée

18 de la KFOR et de la MINUK. Cette prison était tenue par des gens de l'UCK.

19 Vous devez en avoir eu connaissance?

20 Réponse: Ceci n'est pas vrai. Le grand magasin a été utilisé par les

21 Serbes pour s'y abriter pendant les bombardements de l'OTAN. Je sais que

22 ce grand magasin a été utilisé à cette fin, ainsi que pour protéger la

23 population serbe pendant les raids aériens.

24 Question: Donc vous n'avez pas la moindre connaissance de l'existence

25 d'une prison de l'UCK à Vucitrn, dans les sous-sols du grand magasin?

Page 1817

1 C'est ce que vous êtes en train de dire dans votre déposition?

2 Réponse: Ceci n'est pas vrai: ce n'était pas l'objectif de l'UCK à cet

3 endroit. Je le dis en toute responsabilité: ce n'était pas une prison,

4 parce que la cave du grand magasin -et j'ai parlé de cela d'ailleurs dans

5 ma déposition- était utilisée pour les besoins de la police et de l'armée

6 serbes, qui cherchaient à y abriter des civils serbes. Ils les y ont mis à

7 l'abri le 28 mars.

8 Question: Avez-vous connaissance de ce qui s'est passé le jour du Bajram,

9 avant l'agression de l'OTAN, quand des représentants masqués de l'UCK à

10 Vucitrn, devant les familles, ont enlevé Fehmi Muljani -c'est son nom-,

11 fonctionnaire des services de comptabilité publique de Vucitrn, simplement

12 parce qu'il avait refusé de quitter son travail?

13 Sa fille a réussi à arracher le masque d'un des représentants de l'UCK et

14 elle a reconnu un certain Delje, Delju ou Delja. Quant à lui, on ne l'a

15 jamais retrouvé; on n'a retrouvé que sa tête coupée de son corps. Savez-

16 vous donc ce qu'il est advenu de cet Albanais de Vucitrn?

17 Réponse: Fehmi Muljani? Il n'existe pas de Muljani à Vushtrri, je n'ai

18 jamais entendu ce nom. Je sais parfaitement bien que personne ne portait

19 ce nom à Vushtrri. Monsieur Milosevic, vous avez des informations

20 erronées.

21 Question: Fehmi Muljanu ou Munjaku, cela n'a pas grande importance si la

22 différence se limite à une lettre; il est possible qu'il y ait une lettre

23 de différence entre les deux noms. Nous pouvons le vérifier. Ce n'est pas

24 cela l'important.

25 Réponse: Il n'existe pas de Fehmi Muljani. Essayez d'obtenir de meilleurs

Page 1818

1 renseignements, car vos renseignements sont faux.

2 Question: Je n'ai pas dit Muljani.

3 Réponse: Muljanu.

4 Question: Je ne sais pas ce que les interprètes vous ont dit: je ne vous

5 ai pas dit Muljani, j'ai dit Munjaku. Existe-t-il un Fehmi Munjaku, qui

6 travaillait au service de comptabilité publique et qui a été tué dans les

7 circonstances que je viens de décrire? Dites qu'il n'en existe pas, ce

8 n'est pas un problème!

9 Réponse: Je n'ai jamais entendu prononcer ce nom de famille Munjaku.

10 M. Milosevic (interprétation): Je vous parle d'un fonctionnaire des

11 services de comptabilité publique de la ville de Vucitrn.

12 M. le Président (interprétation): Nous n'allons nulle part de cette façon,

13 nous n'allons nulle part. Monsieur Milosevic, en temps utile, vous pourrez

14 présenter vos éléments de preuve à ce sujet.

15 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Le témoin affirme ne rien savoir

16 de cela.

17 Monsieur le Témoin, savez-vous qu'à la mi-1998, Milan Zivic, un bûcheron a

18 été tué dans sa maison dans un village qui se trouvait sur le mont

19 Cicavica?

20 M. Kadriu (interprétation): Oui, je me rappelle cette affaire; j'étais

21 président du Conseil pour les droits humains à l'époque et j'ai envoyé un

22 rapport au siège du Conseil pour examen.

23 Milan Zivic a été tué pour la seule raison qu'il avait de bonnes relations

24 avec ses voisins albanais. Il a été tué par des Serbes qui lui en

25 voulaient à cause des bonnes relations qu'il entretenait avec des

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1 Albanais.

2 Question: Ce sont des terroristes albanais qui ont tué Milan Zivic; vous

3 le savez très bien. Personne n'a souffert de quoi que ce soit pour avoir

4 eu de bonnes relations avec des Albanais.

5 Réponse: Ce n'est pas vrai. Milan Zivic, je le connaissais

6 personnellement: c'était un homme pauvre qui recevait tout le temps de

7 l'aide des Albanais, qui circulait librement partout où il voulait aller.

8 Les Albanais l'aimaient assez et c'est la raison pour laquelle il a été

9 tué. C'est vous sans doute qui savez mieux qui l'a tué.

10 Question: Les terroristes tuaient également les Albanais qui avaient de

11 bons rapports avec les Serbes et pas seulement les Serbes. Vous le savez

12 très bien vous-même.

13 Etes-vous au courant qu'un policier de réserve, Momcilo Zevic, a été tué

14 dans le jardin de sa maison?

15 Réponse: C'est la première fois que je l'entends aujourd'hui. Peut-être a-

16 t-il été tué ailleurs et puis que cela a peut-être été utilisé comme

17 alibi, mais c'est la première fois que j'entends parler de quelqu'un qui

18 aurait été tué à Samadragje.

19 Question: Peut-être ce policier de réserve a-t-il été tué lui aussi par

20 des Serbes, n'est-ce pas?

21 Réponse: Je ne veux rien dire sur celui qui l'a tué: je ne sais pas qui

22 l'a tué. C'est la première fois que j'entends parler de cette personne.

23 Question: Savez-vous qu'après l'arrivée de la KFOR, M. Stojkovic, policier

24 actif, avait été kidnappé sur un pont au-dessus de la rivière Ibar et a

25 été emmené dans la partie sud de Mitrovica, puis a disparu depuis. Est-ce

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1 que vous savez quelque chose à ce sujet?

2 Réponse: Je ne sais pas. Parce qu'immédiatement après l'arrivée de l'OTAN,

3 je n'étais plus à Kosovo; j'étais à Vushtrri et non pas à Mitrovica.

4 Question: Est-ce que vous êtes au courant… Mais à quelle distance se

5 trouve Mitrovica de Vucitrn? Pour que l'on ne perde pas de temps: dans le

6 village de Pantinë, en juin 1998, on a kidnappé une famille de huit

7 membres, Dejilkovic(?), dans le village de Pantinë, en juin 1998, donc

8 huit membres de la famille en question, les parents et six enfants. Vous

9 le savez ou vous ne le savez pas?

10 Réponse: Je sais qu'il y a eu un incident, mais ce n'est pas vrai qu'une

11 famille a été tuée.

12 Un membre d'une famille serbe à Pantinë, en effet, a tiré depuis sa cave

13 et a blessé deux Albanais durant la nuit. L'un de ces blessés est toujours

14 en vie, mais ce qui est arrivé par la suite, je n'en sais rien, car votre

15 police ne nous a pas autorisés à obtenir des renseignements.

16 M. Milosevic (interprétation): Comme je puis le voir, vous êtes

17 parfaitement au courant de l'événement à Pantinë et il est vrai que ces

18 huit membres de la même famille avaient été kidnappés, mais on a tué que

19 le père et la mère et les enfants ont fini par être relâchés. Et êtes-vous

20 au courant du cas...

21 M. Kadriu (interprétation): D'abord, vous dites qu'ils ont tous été tués,

22 après qu'ils ont tous été libérés.

23 M. le Président (interprétation): Ecoutez, nous avancerons plus vite si

24 vous ne vous disputez pas, Monsieur Kadriu.

25 Monsieur Milosevic, la question suivante.

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1 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant de Milorad Milic,

2 originaire de Prelluzhe, en fin 1998 lorsqu'il a été touché par fusil à

3 lunettes en provenance de Ciçavica, depuis l'endroit où l'on a retrouvé un

4 bunker de l'UCK? Est-ce que vous êtes au courant de la chose? Dites-nous

5 oui ou non?

6 M. Kadriu (interprétation): A partir de 1997, aucun Albanais n'a pu se

7 rendre au village de Prelluzhe, la route était complètement bloquée et il

8 est toujours interdit aux Albanais de se rendre dans ce village.

9 Néanmoins, vous avez emmené les personnes tuées dans la bataille...

10 Question: Bien, vous ne savez pas cela. Cela vous est interdit, et je

11 crois que l'on vous interdit encore de commettre toutes ces bestialités à

12 l'égard quelques Serbes restant là-bas. J'imagine que vous avez certaines

13 données pour ce qui du village de Mijalic au pied de Ciçavica. Les deux

14 frères, Ljubisa et Radivoj Mitrovic qui ont été tués le même jour et le

15 fils de l'un de ces deux frères, Miljan Mitrovic, qui était un soldat qui

16 s'en revenait en permission. Au bout de deux mois de torture, il a réussi

17 à s'enfuir de sa prison de l'UCK à Ciçavica. Le fils a réussi à s'enfuir,

18 mais le père et l'oncle sont morts, ont été tués. Est-ce que vous êtes au

19 courant de la chose?

20 Réponse: En vérité, un matin, l'OSCE a découvert qu'un soldat de l'armée

21 yougoslave avait déserté et voulait se rendre dans la zone sous le

22 contrôle de l'UCK où sa famille se trouvait. Cette famille vivait dans la

23 région contrôlée par l'UCK et n'a jamais eu de difficulté.

24 Cependant, comment le meurtre a eu lieu ce jour-là, lorsque ce soldat a

25 déserté et a voulu rejoindre sa famille, eh bien, vous en savez

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1 certainement plus que moi. Parce que jusqu'à ce jour, cette famille

2 n'avait jamais eu de problème. Et l'OSCE le savait bien, savait que cette

3 famille vivait dans un territoire contrôlé par l'UCK.

4 Question: C'est là que vous avez tué Ljubisa et Radivoje, les deux frères,

5 dans cette région qui était sous le contrôle de l'UCK dans le village de

6 Mijalic.

7 Est-ce que vous êtes au courant de Velika Vucetic, âgée de 65 ans, de

8 Toradza, non loin de votre village à vous, qui a été kidnappée violée et

9 morte incendiée; avec elle, sa fille Milica a également été incendiée.

10 Est-ce que vous êtes au courant de cet événement?

11 Réponse: C'est la première fois que j'en entends parler. Et où donc est-ce

12 que cela s'est produit? Est-ce que vous voudriez bien préciser?

13 Question: Le village de Toradza, non loin de votre village à vous?

14 Réponse: Je n'ai jamais entendu parler de cet incident, jamais.

15 Question: Vous n'avez pas entendu parler de ce cas-là, Et avez-vous...

16 Réponse: Non.

17 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous entendu parler du cas d'un

18 Albanais Zejnel Bunjaku, originaire de Vucitrn? L'UCK Vucitrn, dès

19 l'arrivée de la KFOR, l'a lynché devant une masse d'Albanais rassemblés

20 devant le restaurant de "Kod Sejde", ils l'ont tué, parce que son épouse

21 était serbe. Est-ce que vous êtes au courant de cet événement-là?

22 M. Kadriu (interprétation): C'est tout à fait ridicule, Messieurs les

23 Juges. Je connaissais M. Bunjaku, et il est toujours en vie aujourd'hui,

24 il travaille à Pristina pour la MINUK. Il est toujours en vie, il vit et

25 il travaille à Pristina, il voyage tous les jours. Vos informations,

Page 1823

1 Monsieur Milosevic, sont tout à fait erronées.

2 M. le Président (interprétation): Ecoutez, je ne vous ai pas reproché cela

3 jusqu'à présent, mais je vous demanderai de pas vous adresser à l'accusé

4 ainsi.

5 M. Kadriu (interprétation): Monsieur le Président, je peux vous amener

6 Zejnel Bunjaku ici au Tribunal, il est bien en vie.

7 M. le Président (interprétation): Très bien. Question suivante.

8 M. Milosevic (interprétation): Vous pouvez probablement amener un certain

9 Zejnel Bunjaku mais celui que vous avez tué. Est-ce que vous vous souvenez

10 de la mort de deux frères, Zoran et Dejan Milic, en avril de l'année 1999,

11 près du village Gojbulja.

12 M. Kadriu (interprétation): Le village de Gojbulja est en majorité serbe,

13 je ne sais pas qui y est décédé. Les gens décèdent bien sûr, et même

14 aujourd'hui c'est un village serbe et les gens meurent tous les jours. Je

15 ne sais pas qui y est décédé. C'est un village.

16 Question: Ils sont morts des bombes de l'UCK, ils ne sont pas décédés de

17 mort naturelle?

18 Réponse: Comment est-ce que l'UCK aurait pu bombarder le village de

19 Gojbulja quand tous les habitants sont serbes et la police et l'armée

20 tiennent toute la région, tout cela est mensonger.

21 M. Milosevic (interprétation): Bien. Puisque tout est inventé depuis

22 l'époque au sujet de laquelle vous nous avez parlé, je voudrais que vous

23 nous disiez si vous savez, mais ne me dites pas que vous étiez trop jeune.

24 Je voudrais savoir si vous êtes au courant des manifestations en 1968 à

25 Pristina et dans les autres villes du Kosovo et de la Metohija en la

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1 journée du drapeau albanais, et c'est une brigade de blindés depuis Skopje

2 qui est arrivée pour vous calmer.

3 Est-ce que vous saviez que ces manifestants étaient censés tuer, chacun

4 dans sa localité, un Serbe? Et est-ce que vous savez que Boro Dzordzevic,

5 suite à ces manifestations, a été tué?

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous nous avons déjà

7 parcouru toute cette histoire. Nous n'allons pas remonter maintenant à

8 1968.

9 Pour ce qui est des éléments de preuve, ce qui est pertinent c'est ce que

10 le témoin nous a déjà dit, la déposition que nous avons déjà devant nous.

11 Donc je vous suggère de vous concentrer sur cela.

12 M. Milosevic (interprétation): Bien. Est-ce que vous êtes au courant du

13 fait que, suite à l'arrivée de la KFOR, vos représentants se sont attaqués

14 à l'église de Vucitrn et la KFOR avait dû la protéger? Ils n'ont pas

15 réussi à la détruire entièrement, mais les églises des villages de

16 Mijavic, Velika Reka, Vernica, Banjska et Samodraza ont été détruites.

17 Est-ce que vous êtes au courant de ces événements? Et tout ceci s'est

18 passé après l'arrivée de la KFOR.

19 Donc l'église de Vucitrn a été protégée par les KFOR. Mais Mijalic, Velika

20 Reka, Vernica, Banjska et Samodraza. Et l'église de Samodraza -est une

21 église historique, c'est là qu'on a béni l'armée serbe avant la bataille

22 du Kosovo- a été détruite. Est-ce que vous êtes au courant de ces

23 événements-là?

24 M. Kadriu (interprétation): L'église à Samadregzë, en effet, c'est une

25 église historique et elle a un rôle tout à fait important dans l'histoire

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1 albanaise. Nous n'avons pas toujours été de confession musulmane et cette

2 église existe toujours aujourd'hui à Samadregzë. Si vous le souhaitez,

3 envoyez-y quelqu'un pour constater que l'église existe toujours; elle est

4 peut-être quelque peu endommagée, mais elle est toujours là, ses murs, son

5 toit. Je vous dis, vous avez là des informations erronées.

6 Pour ce qui est de Dobrenica(?), il n'y a jamais eu d'église là-bas, car

7 je viens d'un village tout proche. Le Tribunal peut donc simplement

8 consulter une carte pour voir s'il y a des églises ou non. Mais je suis

9 sûr qu'il n'y a pas d'église là-bas. Mais il y a une église à Vushtrri et

10 à Samadregzë. Et la KFOR s'est installée dans la cour de l'église à

11 Vushtrri.

12 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, c'est dans cette église de ce

13 hameau de Samodraza, qui a été détruite et dont il ne reste que les murs,

14 se trouve actuellement un dépôt de détritus.

15 M. le Président (interprétation): Le témoin vous a donné une réponse. Vous

16 avez entendu: il a dit que l'église existe toujours. Il n'y a pas d'église

17 dans l'autre village. Donc allons de l'avant.

18 M. Milosevic (interprétation): Mais je crois que vous devez vous souvenir

19 que, dans le village de Samodraza, un jeune père de deux ans enfant a été

20 tué par un Albanais?

21 M. Kadriu (interprétation): Cela c'est passé en 1981 et, si la Chambre le

22 demande...

23 M. le Président (interprétation): Non.

24 M. Milosevic (interprétation): Sur 45 villages dans la municipalité de

25 Vucitrn, qui sont ethniquement serbes ou mixtes, où y vivaient des Serbes

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1 jusqu'à l'arrivée de la KFOR, il n'est resté des Serbes que dans six

2 villages encore. Les 39 autres villages ne comportent plus de Serbes et

3 leurs maisons sont soit incendiées, soit détruites, soit occupées par

4 autrui. Est-ce bien exact ou pas?

5 M. Kadriu (interprétation): Non, c'est faux. Il n'est pas vrai qu'il y

6 avait des Serbes dans tous ces villages. Il y a toujours à Prelluzhe,

7 Gojbulla et Gracë des Serbes, mais s'il est parfois arrivé qu'une maison

8 serbe ait été incendiée, on sait bien qu'il s'agissait-là de personnes qui

9 avaient commis des crimes contre la population albanaise, qui avaient tué

10 quelqu'un, qui avaient été responsable d'un massacre. Donc cela a peut-

11 être été fait à titre de représailles. Si quelqu'un avait tué des membres

12 de votre famille, vous ne resteriez pas les bras croisés.

13 M. le Président (interprétation): Je dois encore vous demander, Monsieur

14 Kadriu, de pas vous adresser ainsi à l'accusé.

15 M. Milosevic (interprétation): J'avais dit qu'il n'était resté des Serbes

16 que dans six villages. Bien sûr, à Prelluzh, à Gracë, à Gojbulja et à

17 Slatina. Mais moi j'avais parlé aussi de 39 villages où il n'y en a plus.

18 Mais à Vucitrn, où vous êtes vice-président de l'assemblée municipale, il

19 n'y a plus de Serbes du tout. Est-ce bien exact ou pas? Y a-t-il quelques

20 Serbes à Vucitrn?

21 M. Kadriu (interprétation): En ce moment, il n'y en a pas. Dans la ville,

22 il n'y en a pas.

23 M. Milosevic (interprétation): Donc vous avez nettoyé toute la ville des

24 Serbes: il n'y a plus un seul Serbe à Vucitrn?

25 M. Kadriu (interprétation): Nous ne l'avons pas nettoyée, nous ne l'avons

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1 pas nettoyée: ils sont partis de leur propre gré, après avoir perpétré des

2 crimes contre leurs concitoyens, après avoir creusé toutes ces fosses

3 communes. Et après avoir été responsables de tous ces incendies criminels,

4 ils sont partis avant que la KFOR n'arrive. Nous ne les avons pas

5 expulsés.

6 M. Robinson (interprétation): Où se sont-ils rendus?

7 M. Kadriu (interprétation): Je dis cela avec un sens important de

8 responsabilité.

9 M. Robinson (interprétation): Où se sont-ils rendus, ces Serbes qui ont

10 quitté Vucitrn?

11 M. Kadriu (interprétation): Monsieur le Juge, avant l'entrée des troupes

12 de la KFOR, toute la population serbe qui était en âge de porter des armes

13 portait des armes. Ainsi, ils ont quitté Prelluzhe, Gojbulla et Gracë,

14 sont partis pour la Serbie avant que la KFOR n'arrive.

15 M. Milosevic (interprétation): Ne dépensez pas davantage de temps, ne

16 consacrez plus de temps à cette question. Vous avez bien dit qu'il n'y a

17 plus de Serbes à Vucitrn. C'est une réalité, c'est incontestable.

18 Vous avez beaucoup parlé ici de réfugiés, mais savez-vous, s'agissant de

19 ce grand rassemblement de réfugiés dont on a parlé ici, dans le village de

20 Resnik, Sula, Susavica, où il y avait soi-disant 50.000 réfugiés, et où au

21 mois de février 1999, ils avaient été visités par Sadako Ogata, ils

22 étaient des dizaines de milliers. Et lorsqu'elle est repartie, ils sont

23 tous rentrés chez eux? Et le lendemain, lorsque les gens de la

24 municipalité de Vucitrn sont allés là-bas, il n'y avait plus personne,

25 sauf trois jeunes hommes qui se trouvaient sur ce site; et ils ont raconté

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1 que l'UCK les avait rassemblés là pour faire figure de réfugiés, mais le

2 lendemain, il n'y avait plus personne. Même les médias l'avaient publié

3 après la visite de Sadako Ogata; on l'a prise pour une imbécile. Vous le

4 savez ou pas?

5 M. Kadriu (interprétation): Tout cela est faux. Cela ne s'est pas passé en

6 1999, mais bien en 1998, lorsque les Albanais ont été évincés de chez eux,

7 ont dû fuir les tirs d'artillerie, et la police et l'armée serbes; ils se

8 sont donc réfugiés à Resnik. Puis ils ont été sauvés par l'intervention de

9 Sadako Ogata; si elle n'était pas venue sur place, on aurait assisté à un

10 autre massacre de la Saint-Barthélemy.

11 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Vos idées concernant ce qu'il

12 arriverait si telle chose se passait, je pense que point n'est nécessaire

13 de gaspiller notre temps à ce sujet.

14 Je voudrais savoir si maintenant nous levons la séance à une heure ou pas?

15 M. le Président (interprétation): Oui.

16 Monsieur Tapuskovic, vous souhaitez interroger le témoin. Est-ce que vous

17 voulez l'interroger sur des divergences par rapport à sa déclaration

18 antérieure et la déposition qu'il vient de nous faire?

19 M. Tapuskovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Mais il s'agit

20 de choses très importantes qui ont été dites par le témoin et qu'il n'a

21 pas reprises. Donc il s'agit de questions substantielles qui sont

22 afférentes à l'Acte d'accusation et rien d'autre, et afférentes aussi à ce

23 que le témoin a prononcé ici. Il y a quelques éléments d'importance

24 capitale et je pense que la Chambre ne serait pas en mesure de prendre en

25 considération les problèmes soulevés par ce témoignage si elle n'entendait

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1 pas cela. Je m'efforcerai pour ma part d'aller assez vite.

2 M. le Président (interprétation): Oui. Eh bien, nous allons certainement

3 écouter vos questions à ce sujet et il ne fait aucun doute que nous allons

4 pouvoir disposer de copies de ses déclarations.

5 M. Ryneveld (interprétation): J'allais justement dire que si mon éminent

6 confrère voulait se concentrer sur cela, si nous avions des copies de ce

7 document, la Chambre pourrait constater ces divergences elle-même, sans

8 perdre plus de temps.

9 M. le Président (interprétation): Si nous avons des copies de ces

10 déclarations, nous allons vous permettre de mener un contre-interrogatoire

11 jusqu'à 13 heures 20. Mais nous allons maintenant accorder à M. Milosevic

12 encore cinq minutes, s'il le souhaite.

13 (L'huissier s'exécute.).

14 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais je voudrais que vous vous en

15 teniez au temps qui a été imparti et précisé hier. Vous avez dit hier que

16 nous allions finir à 1 heure.

17 M. le Président (interprétation): Nous n'avons jamais dit cela. C'était un

18 programme antérieur.

19 Est-ce que vous voulez poser d'autres questions au témoin ou non?

20 M. Milosevic (interprétation): Non, je ne vais pas prolonger ces assises

21 parce que vous avez écourté mon temps de contre-interrogatoire.

22 M. le Président (interprétation): Très bien.

23 Maître Tapuskovic, ce qu'il y aurait de plus rapide, ce serait de nous

24 dire à quelle page figure la question dont vous voulez parler, pour que

25 nous puissions brièvement en discuter avec le témoin et pouvoir suivre

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1 avec vous ce que vous dites. Nous aimerions bien régler cela aussi

2 rapidement que possible.

3 M. Tapuskovic (interprétation): Je m'efforcerai, Monsieur le Président,

4 mais sous les yeux, j'ai une version en serbe qui coïncide avec la version

5 anglaise. Je vais commencer en sautant la page 1 et je vais tout de suite

6 à la page 2. Est-ce que je puis commencer maintenant avec les questions?

7 M. le Président (interprétation): Oui.

8 (Questions au Témoin, M. Sabit Kadriu, par l'amicus curiae, M.

9 Tapuskovic.)

10 M. Tapuskovic (interprétation): Je vais demander au Témoin de répondre

11 avec "oui" et "non" pour faire le nécessaire en ces vingt minutes qui sont

12 imparties.

13 Au cours de votre témoignage, Monsieur, vous avez dit que la police

14 secrète vous avait mis en détention à plusieurs reprises et vous avait

15 exposé à des désagréments?

16 M. Kadriu (interprétation): Oui, c'est bien cela. C'est exact, la police,

17 la MUP nous a détenus. Permettez-moi, s'il vous plaît, d'en finir avec mon

18 explication. Je voudrais vous expliquer.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Kadriu, les contraintes de

20 temps pèsent sur nous, donc je vous prie d'avoir des réponses concises.

21 M. Tapuskovic (interprétation): … (Pas de traduction.)

22 M. Kadriu (interprétation): Non, il n'y avait pas de groupe secret

23 d'étudiants; nous étions étudiants, nous avons été accusés, poursuivis par

24 la police secrète parce que nous souhaitions que le Kosovo devienne une

25 République. Certains d'entre nous ont été prisonniers en un quart d'heure.

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1 Question: Je vous demande de répondre par oui ou par non.

2 Réponse: Il s'agit là de choses absurdes.

3 Question: Est-ce que vous vous étiez joint au Mouvement de libération de

4 la région du Kosovo, de la région albanaise? Oui ou non?

5 Réponse: En tant qu'étudiant j'étais membre du mouvement illégal qui

6 voulait que le Kosovo devienne une République, mais notre activité se

7 limitait à des manifestations par lesquelles nous exprimions notre

8 mécontentement.

9 Question: Mais ce mouvement était-il intervenu au Kosovo, en Macédoine, et

10 partout ailleurs où il y avait des Albanais?

11 Réponse: Je sais que ce mouvement était actif au Kosovo. C'est tout ce que

12 je sais. Il s'agit d'un mouvement d'étudiants.

13 Question: Mais l'objectif essentiel, principal n'avait-il pas consisté en

14 la mise en place ou en l'établissement d'une Albanie qui regrouperait

15 toute la population albanaise de la région?

16 Réponse: Notre objectif à l'époque était de promouvoir le statut d'un

17 Kosovo, que cela se passe d'une région à une République et cela dans le

18 contexte de la Yougoslavie.

19 Question: Moi, je tiens à attirer votre attention sur une chose. Vous avez

20 dit aux enquêteurs que ce mouvement était intervenu tant au Kosovo qu'en

21 Macédoine que partout ailleurs où il y avait des Albanais et qu'en sus, en

22 plus de la création d'une République au Kosovo, l'objectif avait consisté

23 à créer un Etat qui réunirait toute la population albanaise. Et c'est ce

24 que vous avez dit le 2 décembre de l'an 2000. Est-ce que vous l'avez dit

25 ou pas?

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1 Réponse: Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas d'autres organisations

2 qui avaient de tels objectifs, qui aspiraient à de telles choses. Mais je

3 parle ici de l'organisation des étudiants dont j'étais membre. Je ne peux

4 pas exclure la possibilité qu'il y ait eu d'autres organisations telles

5 que vous les décrivez.

6 Question: Vous avez dit que cela aurait été votre rêve à vous?

7 Réponse: Non, vous faites erreur. Notre rêve était d'unifier le Kosovo à

8 l'Albanie.

9 Question: Merci. Cela me suffit.

10 Pourriez-vous me dire, s'agissant de Drenica, en sa qualité de notion

11 géographique, est-ce que cela englobe le quart du Kosovo ou alors combien,

12 si vous êtes en mesure de faire une appréciation, une évaluation?

13 Réponse: Je ne peux pas vous dire cela en kilomètres. Il s'agit d'une

14 région au centre de Kosovo, je n'ai pas la moindre idée des kilomètres que

15 cela représente. Je n'en sais rien. Cela ne m'a jamais intéressé.

16 Question: Si ce n'est pas un quart du Kosovo, combien cela pourrait-il

17 constituer, est-ce que vous pouvez nous le dire?

18 Réponse: Je vous ai déjà dit, je ne sais pas quelle est l'étendue de cette

19 région. Je peux vous donner les noms de villes qui se trouvent dans cette

20 région, mais je ne peux pas vous dire des chiffres, l'étendue, la grandeur

21 de la région. Je ne peux pas vous parler en termes de kilomètres.

22 Question: Vous savez ce qui s'est passé le 28 février au matin. Le 28

23 février 1998, vous savez ce qui s'est passé ce jour-là?

24 Réponse: Le 28 février 1998 -et je réitère pour la Xe fois-, la police

25 serbe et l'armée serbe ont attaqué les villages de Qirez et Likoshan et

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1 ont tué de nombreux civils, tous étaient des civils.

2 Question: Vous savez que l'on avait, l'on pouvait entendre depuis chez

3 vous des tirs d'artillerie: est-ce bien exact?

4 Réponse: Oui, c'est tout à fait exact.

5 Question: Et vous avez rencontré certaines personnes, par la suite, qui

6 vous ont dit que des forces serbes avaient encerclé les villages de

7 Likoshan et Cirez et Backa. D'après ce que l'on vous avait dit le jour

8 d'avant, il y avait des échanges de feux entre l'UCK et les Serbes. Et à

9 ce moment-là, à Cirez, il y avait eu deux policiers serbes de morts. Est-

10 ce que c'est bien ce qui s'est passé?

11 Réponse: J'ai entendu ces tirs et je me suis rendu au village de Dubovc,

12 dans la municipalité de Vushtrri. Les personnes qui fuyaient la police,

13 qui les avait encerclés, eh bien, ces personnes m'ont dit que les forces

14 serbes avaient tué certaines personnes; ils ne savaient pas quelle était

15 l'identité de ces personnes.

16 Question: Non. Non. Mais les forces serbes étaient venues, ne sont venues

17 dans ce village que le lendemain, donc après que ces deux policiers ont

18 été tués, n'est-ce pas?

19 Réponse: Je ne sais pas. Je vous répète, je ne sais pas qui a été tué.

20 J'ai simplement entendu cela de la bouche de personnes qui fuyaient, qui

21 avaient dû quitter leur propre maison et qui se rendaient en direction de

22 Vushtrri.

23 M. Tapuskovic (interprétation): Ce que je viens de vous dire, c'est ce que

24 vous aviez raconté aux enquêteurs, vous-même, le 2 décembre de l'an 2000.

25 Ce que je viens de vous lire, c'est ce que vous avez déclaré, tel que vous

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1 l'avez entendu maintenant, aux enquêteurs.

2 M. Kadriu (interprétation): Je ne vois vraiment pas où vous voulez en

3 venir. Je ne conteste pas que je ne savais pas qui a été tué. J'ai trouvé,

4 j'ai appris que dix membres de la famille Ahmeti avaient été tués,

5 d'autres de la famille Sejdiu, mais je n'en sais rien.

6 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, peut-être pourrions-

7 nous progresser plus rapidement si vous vous contentiez de lire les

8 parties pertinentes de la déclaration au témoin, les parties que vous

9 visez?

10 M. Tapuskovic (interprétation): C'est ce que je voudrais lire justement au

11 témoin. Il a déclaré, tout à l'heure, il a dit dans ses déclarations:

12 "J'ai entendu parler en 1991 de l'UCK, mais en 1997, ils ont été en mesure

13 de s'organiser dans une mesure suffisante et entamer des attaques de

14 guérilla contre la police serbe. Ce n'est qu'en 1998 que l'UCK est devenue

15 une force véritable parce qu'elle avait réussi à conquérir une région, à

16 savoir toute la région de Drenica".

17 Est-ce bien exact que d'affirmer que toute la région de Drenica avait été

18 prise par l'UCK?

19 M. Kadriu (interprétation): Je ne fais que répéter ce que j'ai dit. Le 28

20 novembre 1997, l'UCK est devenu public.

21 M. le Président (interprétation): Peut-être conviendrait-il de se référer

22 au passage concerné.

23 M. Tapuskovic (interprétation): Je demande la chose parce qu'en page 7, au

24 paragraphe 4, vous avez dit aux enquêteurs: "la guerre entre les Serbes et

25 l'UCK a éclaté en Drenica en 1998, je pense, vers le mois de juin.

Page 1835

1 J'ai dû recenser tous les réfugiés qui venaient de Drenica vers Vucitrn.

2 Dans les municipalités de Vucitrn et Mitrovica, donc en 1998 il est arrivé

3 tout un afflux de réfugiés. Je crois que depuis ces régions-là il était

4 arrivé vers 40.000 réfugiés".

5 Donc ce n'est pas en 1999, quand les gens sont partis vers l'Albanie et la

6 Macédoine, mais en 1998 dans la région où il y avait les conflits entre

7 l'armée et l'UCK, et il s'était réfugié 40.000 réfugiés. Et vous aviez

8 déclaré, n'est-ce pas, qu'il y avait 40.000 des réfugiés qui étaient venus

9 dans cette municipalité?

10 M. Kadriu (interprétation): Oui c'est exact, qu'au mois de juin et de

11 juillet 1998, la population albanaise de ces régions de ces zones

12 essuyaient des tirs d'artillerie provenant des forces serbes, de l'armée

13 serbe, et ont donc été contraints en raison de ces tirs, parce que

14 maintenant il y a eu un conflit des batailles entre l'UCK et les forces

15 serbes; et en raison de ces combats la population a été contrainte de

16 quitter, donc face à cette violence dont les forces serbes étaient

17 responsables, les forces serbes étaient entrées d'une maison à l'autre.

18 Donc ils se sont réfugiés à Pristina, à Vushtrri et à Prizen.

19 Question: Entre l'UCK, les combats entre l'UCK, l'armée et la police, il y

20 a eu des combats; et suite à ces combats la population a fui, comme vous

21 l'avez dit dans cette déclaration, n'est-ce pas?

22 Réponse: Je ne sais pas comment vous avez interprété ma déclaration. La

23 vérité est la suivante: la population a été contrainte à fuir leur maison

24 et à s'installer dans ces trois municipalités parce que de nombreuses

25 forces avec des chars, des blindés, avaient encerclé ces villages, et ils

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1 ont donc dû fuir et s'installer dans les communes pré-citées, Pristina,

2 Vushtrri, Mitrovica.

3 Question: Vous avez dit auparavant que la période entre février 1998 et

4 1999 avait été une période relativement paisible, mais qu'il y avait eu

5 quand même des combats entre l'UCK et des escarmouches entre la police et

6 l'UCK. C'est bien exact?

7 Réponse: Exact, il y a eu des combats.

8 Question: C'est alors qu'a commencé le bombardement. Et on en arrive au

9 1er avril, date à laquelle avec votre famille vous avez dû partir; et vous

10 nous avez donné le récit de ce que vous avez fait avec votre famille. Vous

11 les avez montés sur un autocar et avec vos amis vous êtes allés à Gornja

12 Stubljina, n'est-ce pas?

13 Réponse: Non, ce n'est pas vrai, je ne suis pas monté dans un car. Ma

14 famille est montée dans un car, puis elle est redescendue parce que le car

15 était déjà trop bondé.

16 Question: C'est bien ce que je disais votre famille?

17 Réponse: Je ne devais pas me rendre en car à Studime.

18 Question: Vous êtes allé à Gornja Stumljia?

19 Réponse: Ce jour-là, j'ai traversé Studime et entre des villages je me

20 suis installé chez un ami qui était professeur.

21 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais que le

22 témoin me réponde par oui ou non.

23 Vous êtes allé à Gornja Stubljina pour passer la nuit chez Musa Terbunja

24 qui se trouvait être le commandant de l'UCK pour la région. Cette région

25 se trouvait sous le contrôle de l'UCK. Ensuite, nous sommes allés à

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1 Cecilja où l'UCK avait une sorte de quartier général. Est-ce que ce que

2 vous avez déclaré auparavant est exact ou pas?

3 M. le Président (interprétation): Où voyez-vous cela?

4 Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin.

5 M. Tapuskovic (interprétation): Page 12, Monsieur le Juge, puis toute la

6 page 13 dont je vais traiter tout à l'heure. Donc, en fin de page 12.

7 C'est bien vrai ou pas?

8 M. Kay (interprétation): Au milieu de la page 13 dans la version anglaise.

9 M. Kadriu (interprétation): Dans le village de Studime où je me suis

10 rendu, alors il s'agissait du 2 avril lorsque je m'y suis rendu, je n'ai

11 fait que traverser ce village, je m'y suis reposé un instant. Il n'y avait

12 pas de quartier, de base de l'UCK à Studime au mois d'avril. Puis, je me

13 suis rendu à Vebekovc dans un…, donc entre les deux villages, comme je

14 l'ai dit, chez un enseignant.

15 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je m'excuse. J'ai

16 trop peu de temps.

17 M. le Président (interprétation): Un instant, je vous prie.

18 Dans votre déclaration, Monsieur Kadriu, vous avez dit que vous avez logé

19 chez Musa Terbunja qui était commandant de l'UCK dans cette zone, est-ce

20 que vous avez bien séjourné chez ce commandant de l'UCK?

21 M. Kadriu (interprétation): Je n'ai pas passé cette nuit-là chez lui.

22 Comment est-ce qu'un commandant de l'UCK aurait pu se rendre dans cette

23 maison? Donc j'ai dit "non". J'y suis resté quelques temps et puis j'ai

24 continué mon voyage.

25 M. le Président (interprétation): Veuillez simplement nous aider. Pourquoi

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1 voit-on dans votre déclaration, on voit apparemment que vous dites que

2 vous avez logé chez un commandant de l'UCK?

3 M. Kadriu (interprétation): Commandant de l'UCK, ce n'était pas à ce

4 moment-là; il n'était pas à Studime e Eperme à ce moment-là. Je l'ai

5 rencontré, comme j'ai rencontré de nombreuses autres personnes sur mon

6 chemin. J'ai continué, je devais aller ailleurs pour y passer la nuit. Ce

7 commandant n'est qu'une des personnes que j'ai rencontrées.

8 M. le Président (interprétation): Alors, peut-être pouvons-nous passer à

9 un autre passage.

10 M. Tapuskovic (interprétation): Je passe au paragraphe suivant: "Je suis

11 resté là-bas le mois d'après, je suis resté là-bas le mois d'après, les

12 maisons de Cecilja étaient pleines de réfugiés originaires de différentes

13 localités parce que l'on estimait que cette région était sécurisée, vu que

14 sous contrôle de l'UCK…".

15 Et dernière phrase: "Je ne sais pas quel est le chiffre exact, mais je

16 pense que dans les différents petits villages de la région sous le

17 contrôle de l'UCK, il devait y avoir plus de 30.000 réfugiés".

18 Est-ce bien ce que vous avez fait comme explication et en a-t-il été

19 véritablement ainsi?

20 M. Kadriu (interprétation): Oui, c'est exact. Plus de 30.000 réfugiés s'y

21 trouvaient et j'en faisais partie.

22 Question: Merci. Le paragraphe suivant je le saute, on y reviendra.

23 Puis on dit: "l'UCK", comme vous l'avez dit: "jusqu'à la fin du mois

24 d'avril, là où elle protégeait 30.000 réfugiés, avait fourni une

25 résistance acharnée aux Serbes". D'abord, je voudrais vous demander si

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1 c'est bien exact?

2 Réponse: Pendant plusieurs mois d'affilée, l'UCK a tenté d'empêcher les

3 Serbes de pénétrer là où logeaient les civils, cela c'est tout à fait

4 exact. Mais, ils n'ont pas réussi à le faire parce qu'ils étaient à court

5 de munitions, donc ils n'ont pas réussi dans leur mission. Ils ont dit:

6 "Nous ne sommes pas capables de protéger la population civile, donc vous

7 devez trouver une solution".

8 Question: C'est ce que vous nous avez expliqué la dernière fois également.

9 Avant de poursuivre, je vais revenir au paragraphe de la même page. Vous

10 avez dit hier, ici, que vous aviez vu deux Mig au-dessus de Popova; est-ce

11 que vous pourriez nous expliquer? C'est bien ce que vous aviez vu, deux

12 Mig?

13 Réponse: Non, vous avez tort, ou bien c'est la traduction qui est

14 inexacte.

15 Je n'ai pas dit que j'avais vu les Mig, je n'en ai entendu que les

16 détonations. A Popova, Sahid Surduli(?) avait vu ces Mig. Il est

17 économiste. Il y est resté en tant que réfugié. Il s'agit donc de Sahid

18 Surduli, il est resté à Popova, il a vu de ses propres yeux les Mig

19 bombarder ce village, comme ils l'ont fait aussi dans le village de Bajko.

20 Je ne les ai pas vus de mes propres yeux, je me trouvais à Samodrexhe et,

21 entre les deux villages, j'ai entendu les détonations.

22 Question: Merci.

23 Réponse: C'est cela que j'ai dû dire dans ma déclaration.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Et le 22 mai, lorsque vous vous trouviez

25 ailleurs, à Svakovica, avec votre ami Fadil Begiri, vous avez dit: "Nous

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1 sommes allés là-bas parce qu'on devait enterrer le neveu à Fadil, Faruk

2 Begiri, soldat de l'UCK qui est tombé sur des lignes de combat par balles

3 serbes.

4 M. Robinson (interprétation): Si vous ne nous dites pas à quelle page,

5 nous serons perdus et vous n'arriverez pas à établir ce que vous

6 souhaitez.

7 M. Kay (interprétation): Il s'agit de la page 14 au milieu dans la version

8 anglaise.

9 M. Tapuskovic (interprétation): Moi, j'ai entre les mains la version

10 serbe.

11 Le témoin a dit hier qu'il avait assisté à l'enterrement d'une femme, mais

12 ici il précise qu'il est allé assister à l'enterrement du neveu.

13 M. le Président (interprétation): Nous pouvons nous-mêmes lire cela.

14 Pourquoi ne pas poursuivre?

15 M. Tapuskovic (interprétation): Moi, je voudrais savoir la chose suivante:

16 ces lignes de combats se trouvaient à quelle distance de l'endroit où

17 avait eu lieu l'enterrement, c'est-à-dire entre vous, là où vous étiez, et

18 là où étaient les autres réfugiés?

19 M. Kadriu (interprétation): L'armée serbe avait pris quelques positions

20 dans les montagnes de Bajgora et s'était rapproché des villages où nous

21 nous trouvions. Mais vers midi la cérémonie d'inhumation a eu lieu et le

22 neveu de Fadil y a été enterré en même temps.

23 Simultanément, les réfugiés qui se trouvaient dans les villages où les

24 forces serbes se déployaient, ont commencé à évacuer ces villages alors

25 que l'inhumation avait lieu.

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1 Question: Vous nous avez dit que vous étiez arrivé à Cecilija. Une fois

2 arrivés à Cecilija, il y avait des soldats de l'UCK là bas aussi, n'est-ce

3 pas?

4 Paragraphe d'après: il y avait encore des soldats de l'UCK là-bas aussi?

5 Réponse: Oui. Certains soldats quittaient à ce moment-là, je les ai vus

6 partir. Et de l'autre côté, du côté opposé, la population s'est réfugiée

7 dans les montagnes de l'autre côté de la colonne.

8 Question: Vous avez dit que vous aviez la possibilité de partir avec les

9 membres de l'UCK, mais que vous vous étiez dirigés en direction des

10 collines, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui, c'est exact. J'aurais pu partir dans la direction opposée,

12 mais je ne l'ai pas fait parce que j'étais avec d'autres gens avec qui

13 j'avais partagé toutes mes difficultés, tous mes problèmes au cours des

14 derniers mois, et cela aurait été très difficile pour moi ou cela n'aurait

15 pas été très opportun, en tant que président du conseil pour les droits de

16 l'homme, de les abandonner à leur sort.

17 Question: Merci.

18 Donc vous êtes montés au sommet de la colline à côté de Cecilija, n'est-ce

19 pas? Donc vous êtes montés au sommet de la colline?

20 Réponse: La colonne toute entière s'est dirigée dans cette direction, vers

21 le haut de la colline, et lorsque nous y sommes arrivés, des forces serbes

22 ont commencé à tirer sur nous avec des fusils mitrailleurs depuis le

23 village de Skocna. Donc on tirait sur le convoi. Il y avait deux soldats

24 de l'UCK.

25 M. Tapuskovic (interprétation): Et vous avez dit que vous aviez rencontré

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1 là-bas aussi des soldats, trois soldats de l'UCK, qui vous avaient dit

2 d'aller vers Gornja Sudimlja par une autre route. C'est eux qui vous ont

3 dit de suivre cet itinéraire, c'est ce que vous nous avez dit?

4 M. Kadriu (interprétation): Ils n'ont fait qu'orienter la colonne, la

5 diriger dans une direction vers un lieu où ils ne pourraient pas être vus

6 par les forces serbes qui tiraient sur la colonne, donc ils leur ont dit

7 de changer de direction pour ne pas pouvoir être vus par les forces

8 serbes.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic nous avons déjà

10 dépassé l'heure, je vous prie de tout résumer et d'en finir dans les cinq

11 minutes qui viennent.

12 M. Tapuskovic (interprétation): Je reste à l'essentiel!

13 Ce convoi a continué. Et pendant qu'il marchait, vous n'avez jamais dit

14 que l'on vous avait tiré dessus, mais qu'il y avait des gens qui étaient

15 venus vous dire qu'au niveau du poste transformateur, au niveau de Gornja

16 Sudimlja, certaines personnes étaient tombées et étaient mortes par le feu

17 ouvert par les Serbes, y compris une jeune fille de 17 ans.

18 M. Kadriu (interprétation): Les forces serbes ont tiré de façon incessante

19 sur le convoi qui venait de Skocna. Donc ces deux soldats de l'UCK étaient

20 positionnés pour orienter les gens dans une direction opposée, dans la

21 direction où on ne pourrait plus les voir. Lorsque nous sommes arrivés à

22 Studime e Eperme, à Gornja Sudimlja une jeune fille a été frappée par les

23 balles qui provenaient de ces collines.

24 Nous avons continuellement essuyé les tirs des forces serbes. Le convoi

25 était si long que nous ne savions pas ce qui se passait à l'avant et à

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1 l'arrière, mais nous avions essuyé des tirs sans cesse. C'était une grande

2 foule, il y avait 30.000 personnes qui se déplaçaient.

3 Question: Allons un peu plus vite. En tout état de cause, étant donné que

4 vous vous étiez rapprochés des forces serbes, vous aviez hissé un drapeau

5 blanc, n'est-ce pas?

6 Réponse: Ce n'est pas moi qui l'ai fait. Vous avez besoin d'une meilleure

7 traduction!

8 C'est quelqu'un d'autre qui portait ce drapeau blanc à l'avant de la

9 colonne et j'ai donné les noms hier.

10 Question: Je n'ai pas dit que c'est vous qui l'aviez porté! Vous êtes allé

11 jusqu'au début de la colonne et vous aviez appris qu'il fallait hisser un

12 drapeau de ce genre parce que vous risquiez de tomber sur des effectifs

13 serbes?

14 Réponse: Oui, c'est bien cela. Ce drapeau blanc a été mis dans un

15 container rempli de graviers et les Serbes se trouvaient à 300 mètres de

16 là, donc pouvaient très bien voir ce drapeau blanc.

17 Question: Ce n'est que là que les Serbes sont arrivés?

18 Réponse: Non, non. Les gens avaient commencé à s'installer, à creuser dans

19 cette zone. En même temps, Cecilija avait commencé à brûler. Mais j'ai

20 expliqué tout cela. Et les forces serbes sont arrivés à 9 heures.

21 Question: Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que les Serbes étaient à

22 vos côtés; jusque-là il n'y avait pas de Serbes à côté de vous, et c'est

23 là qu'ils vous ont emmenés dans cette salle de sport?

24 Réponse: Mais nous étions encerclés par les forces serbes de tous les

25 côtés. Il y avait aussi des civils serbes de Prelluzhe, pas seulement des

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1 forces militaires ou des forces policières. Le convoi tout entier était

2 encerclé.

3 Question: Jusque-là il n'y avait pas de Serbes, il n'y avait que l'UCK à

4 vos côtés, n'est-ce pas?

5 Réponse: Entre Studime e Eperme et Samadregzë, il y avait deux soldats qui

6 se trouvaient au bout du convoi. Comme on l'a vu sur la vidéo, personne

7 d'autre n'est rentré dans le convoi.

8 Question: C'est exactement ce que je voulais vous dire, il n'y avait pas

9 de soldats de l'UCK. Dans le film, on voit que les gens de l'UCK

10 s'approchent de vous à ce moment-là?

11 Réponse: Non. Les deux membres de l'UCK, que l'on voit sur les images de

12 la vidéo, se trouvaient entre Studime e Eperme et Cecilija. Après cela,

13 ils sont partis, ils ne nous ont pas accompagnés; ils ont simplement dit à

14 la colonne de changer de direction car ils ne voulaient pas que la colonne

15 soit frappée par des tirs isolés qui ne cessaient de s'abattre sur nous.

16 La colonne a continué à avancer; nous étions sans doute parmi les

17 derniers.

18 M. Tapuskovic (interprétation): Encore quelques questions, Monsieur le

19 Président.

20 M. le Président (interprétation): Oui, si c'est rapide.

21 M. Tapuskovic (interprétation): D'abord, quand vous êtes allé en prison,

22 on vous a interrogé, on vous a demandé si vous étiez membre de l'UCK.

23 C'était un soupçon. Quand il est devenu clair que vous n'étiez pas membre

24 de l'UCK, vous avez été libéré et vous êtes parti là où vous êtes parti,

25 c'est bien cela n'est-ce pas?

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1 M. le Président (interprétation): Veuillez répondre brièvement.

2 M. Kadriu (interprétation): On nous accusait de terrorisme. Nous avons

3 tous été relâchés, hormis un homme dont je ne sais pas ce qu'il est

4 devenu. Nous tous, jeunes ou vieux, étions accusés d'être des terroristes.

5 M. Tapuskovic (interprétation): Encore une petite citation de ce que vous

6 avez dit quand vous étiez à la frontière. Troisième paragraphe de la page

7 19: "Nous courions sur la route principale. Des deux côtés se trouvaient

8 des bunkers serbes. Nous avons eu la chance que les avions de l'OTAN aient

9 bombardé ce territoire, de sorte que les Serbes ne nous ont pas touchés".

10 (Fin de citation.)

11 C'est bien ce que vous avez dit, vous avez dit qu'en raison des

12 bombardements de l'OTAN, qui se déroulaient à ce moment-là, les Serbes ne

13 vous ont rien fait?

14 M. Kay (interprétation): Page 20 en anglais.

15 M. Kadriu (interprétation): Je voulais l'expliquer, mais en raison des

16 contraintes de temps je n'ai pas pu le faire.

17 Lorsque nous sommes allés de Stime, à la frontière, nous étions escortés

18 par des paramilitaires serbes qui se sont servis de nous comme de chair à

19 canon.

20 M. Tapuskovic (interprétation): Ce n'est pas ça que je vous demande.

21 Je vous dis: lorsque vous vous êtes trouvé à la frontière même, en raison

22 des bombardements de l'OTAN, que vous mentionnez dans votre déposition

23 écrite, les Serbes ne vous ont rien fait?

24 M. Kadriu (interprétation): Alors que nous marchions du village de Zhur

25 jusqu'au poste-frontière, certains Serbes, qui étaient des soldats en

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1 uniforme, ont essayé de se servir de nous. Ils ont essayé de nous faire

2 changer d'itinéraire, mais les avions de l'OTAN étaient toujours là, ils

3 volaient sans arrêt au-dessus de nos têtes, je pense que c'est la raison

4 pour laquelle nous avons été sauvés, sinon nous aurions été volés sans

5 aucun doute.

6 M. le Président (interprétation): Très bien.

7 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, mais j'aurais pu aider beaucoup

8 mieux la Chambre de première instance si les circonstances avaient été

9 différentes. Cela étant, nous nous arrêtons là.

10 M. le Président (interprétation): Ce document va donc être versé au

11 dossier, je suppose.

12 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation n°50.

13 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, s'il y a d'autres

14 passages de ce document sur lesquels vous souhaitez appeler notre

15 attention, je vous demanderai de bien vouloir surligner dans le document

16 les passages qui vous intéressent le plus.

17 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld?

19 M. Ryneveld (interprétation): Je voulais m'assurer que le document avait

20 bien été versé au dossier.

21 Il y a un deuxième point, j'annonce que je ne poserai pas de questions

22 supplémentaires. J'avais pas mal de questions à évoquer, mais en raison

23 des contraintes de temps je ne le ferai pas.

24 Cela dit, pour être équitable à l'égard de l'accusé et du Tribunal, je dis

25 que nous n'avons pas indiqué hier que nous aurions une autre rencontre au

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1 sujet des témoins.

2 Après la suspension, nous allons soumettre la nouvelle liste d'audition

3 des témoins.

4 J'annonce que nous prévoyons, à partir de lundi matin, de commencer par

5 entendre M. Sakir Tac.

6 Monsieur Saxon, qui nous a rejoints aujourd'hui avec l'autorisation des

7 Juges, interrogera ce témoin lundi.

8 Ensuite, c'est M. Loku qui sera entendu. Il est remonté dans la liste des

9 témoins.

10 Ce sont les seuls changements qui sont intervenus dans la période récente

11 par rapport à la liste précédente. Je crois que c'étaient les seules

12 questions que je voulais évoquer. Je vous remercie.

13 M. le Président (interprétation): Merci. Suspension. 9 heures 30, lundi.

14 Monsieur Kadriu, vous êtes arrivé au terme de votre déposition. Je vous

15 remercie d'être venu devant ce Tribunal pour témoigner. Vous pouvez-vous

16 maintenant vous retirer.

17 M. Kadriu (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

18 Juges.

19 (L'audience est levée à 13 heures 35.)

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