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1 (Vendredi 12 avril 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures.)
3 (Audience publique.)
4 (Le Témoin, M. Karol John Drewienkiewicz, est déjà dans le prétoire.)
5 (Interrogatoire principal du Témoin, M. Karol John Drewienkiewicz, par M.
6 Nice.)
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, je vous rappelle que nous
8 siégions ce matin jusqu'à 13 heures, et quelques minutes si cela s'avère
9 nécessaire, mais 13 heures est notre limite. Nous allons donc vous laisser
10 la parole pendant environ une heure et quart. A 10 heures 15, nous
11 prendrons une pause d'un quart d'heure. Nous prendrons ensuite une autre
12 pause après une heure et quart de travail. C'est le programme pour la
13 matinée.
14 M. Nice (interprétation): Dans le document relatif au Témoin, au
15 paragraphe 219, page 32, on évoque quelque chose qui apparaît dans le
16 document qui se trouve dans l'intercalaire 42 du classeur.
17 Est-ce que le classeur peut être placé en face du Témoin?
18 (Intervention de l'huissier.)
19 Il s'agit d'une transcription d'une conversation qui s'est tenue entre
20 vous-même et le général Loncar. Est-ce bien exact?
21 M. Drewienkiewicz (interprétation): C'est exact. En fait, on établit ici
22 ce qui a été dit lorsque nous sommes tous les deux sortis dans la cour,
23 après avoir vu ce qui s'y trouvait. Une demande a été faite que nous nous
24 adressions à la presse; c'est ce que nous avons fait, le général Loncar et
25 moi-même. Et cette note a été faite par l'un des officiers qui se
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1 trouvaient avec moi; cela a été rédigé immédiatement.
2 Question: Dans votre déclaration, comme nous le voyons sur la deuxième
3 page, vous exprimez la chose suivante: vous n'allez pas parler de Racak,
4 alors que Loncar, lui, exprimait ses préoccupations quant à Racak.
5 Réponse: Oui, j'étais tout à fait conscient du fait qu'en dépit du fait
6 qu'il y avait des similitudes, il y avait également des différences entre
7 les incidents. Je ne pensais pas que cela aiderait qui que ce soit qu'on
8 commence à établir des comparaisons entre cet événement et Racak; Racak
9 qui était déjà un événement qui avait pris une ampleur et une grande
10 notoriété. J'essayais de ne pas rendre la crise plus aiguë qu'elle ne
11 l'était déjà.
12 Mais je voulais absolument qu'une enquête en bonne et due forme soit menée
13 sur cet événement. En effet, les événements étaient différents, mais ce
14 n'était pas une affaire bien nette, bien claire. Seules, quatre des
15 personnes abattues semblaient porter une espèce d'uniforme -4 personnes
16 sur 25-, il n'y avait que 12 armes sur les lieux et il semblait qu'il n'y
17 ait pas eu vraiment de résistance d'un côté, puisqu'il y avait 25 morts
18 d'un côté et aucun blessé de l'autre côté. Cela me semblait donc être
19 quelque chose d'assez étonnant.
20 Question: Sur la première page du document, on peut voir que le général
21 Loncar affirme qu'il s'agissait de terroristes civils qui étaient tous
22 armés; il indique même qu'au vu de leurs vêtements, on ne peut pas établir
23 que ces personnes n'ont pas utilisé d'armes?
24 Réponse: C'est effectivement ce qui apparaît.
25 Question: Cet incident était un incident certes très grave, mais il s'est
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1 retrouvé un petit peu noyé dans l'ensemble d'événements qui s'est produit
2 à peu près au même temps?
3 Réponse: C'est exact. Nous avions espéré que l'équipe finnoise d'experts
4 médico-légaux essaie de mener l'enquête et nous espérions que les cadavres
5 à Racak seraient laissés sur place pendant un temps, ce qui permettrait
6 aux enquêtes d'être réalisées sur place.
7 Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Un jour après l'événement, les corps
8 ont été retirés, nous n'avons donc pas pu agir comme nous l'aurions
9 souhaité. Par ailleurs, le lendemain, des membres du groupe de contact
10 sont arrivés pour débattre des conséquences de Racak. J'ai essayé
11 d'expliquer ce qui s'était passé à ceux qui sont venus nous voir. Mais
12 effectivement, l'incident s'est un peu perdu dans la masse des incidents
13 qui se sont produits à ce moment-là. Il n'y a pas eu vraiment de suivi.
14 Question: Nous passons aux quelques paragraphes qui suivent. D'ailleurs,
15 nous allons jusqu'à la fin du document: je vais essayer de faire une
16 sélection parmi les passages qui m'intéressent. Essayez de me suivre.
17 Réponse: Oui.
18 Question: Au paragraphe 221, il apparaît que le 16, il y a eu une réunion
19 dans la caserne de Pristina?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Je regarde ce qui apparaît à la dernière phrase: vous vous
22 attendiez à ce que de nouvelles liaisons aient lieu avec le MUP, n'est-ce
23 pas?
24 Réponse: Oui. Nous avons été emmenés dans la caserne et nous avons été
25 présentés à un certain nombre de nouveaux officiers de liaison, un nombre
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1 assez important de nouveaux officiers de liaison. Il y avait apparemment
2 modification des pratiques qui avaient prévalu pendant les mois
3 précédents. Nous nous attendions à trouver un nombre équivalent de
4 policiers d'officiers de liaison de l'armée, mais en l'occurrence, il n'y
5 avait que des officiers de liaison de l'armée, ce qui m'a un petit peu
6 étonné.
7 Question: Donc il y avait changement de la donne, n'est-ce pas?
8 Réponse: Oui. J'ai tiré de tout cela l'impression que l'armée prenait la
9 direction de la situation, prenait les choses en main dans la campagne qui
10 était menée dans la région.
11 Question: Au paragraphe 222, on voit qu'un jour ou deux après cette
12 réunion, vous vous êtes présenté au général de division Brankovic qui
13 devait être le successeur du général Loncar après le départ de celui-ci,
14 n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui, et là encore, j'ai eu une impression très claire qui était
16 la suivante: un nouveau personnage, qui avait de nouveaux liens avec nous,
17 entrait sur la scène, tandis que Loncar allait être remplacé. Il était…
18 Enfin, moi, j'ai eu l'impression qu'il était remplacé par quelqu'un qui
19 était encore plus radical que lui.
20 Question: Nous passons maintenant au paragraphe 224. On voit qu'il y a
21 début de l'évacuation vers le 20 mars, mais on voit que tout n'est pas
22 évacué, notamment les disques durs des ordinateurs qui contiennent les
23 listes de personnel?
24 Réponse: Oui, tous les bureaux avaient un ordinateur. Et toutes les zones
25 pour lesquelles j'étais responsable ont retiré leur disque dur pour
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1 s'assurer que rien ne serait laissé derrière qui permettrait à d'autres
2 d'identifier des personnes qui avaient fait partie de nos équipes,
3 notamment des civils qui avaient fait partie de nos équipes. Mais
4 malheureusement, notre département administratif a oublié de retirer le
5 disque dur et une liste contenant le nom de nos employés civils est restée
6 sur place dans le bureau.
7 Question: Sandra Mitchell est la personne qui est peut-être la plus à même
8 d'aider la Chambre pour ce qui est de la préparation des rapports publiés
9 par l'OSCE. C'est également la personne qui serait la plus à même de nous
10 parler des conséquences possibles de cet oubli, n'est-ce pas?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Nous passons au paragraphe 226. Nous revenons un petit peu en
13 arrière et nous n'allons plus suivre un ordre vraiment chronologique. Vous
14 avez eu en février des conversations avec le colonel Kotur. Ces
15 discussions ont eu un certain nombre de conséquences, n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui. En fait, il y a eu discussion avec le colonel Kotur, entre
17 moi-même et le colonel, et il y a eu des conversations entre le colonel et
18 Ciaglinski. Je crois comprendre que Ciaglinski viendra devant cette
19 Chambre à un stade ultérieur du procès, mais nous avons -lui comme moi- eu
20 l'impression très distincte qu'il y avait beaucoup de préparatifs qui
21 étaient en train d'être faits pour qu'une offensive majeure de la VJ soit
22 menée contre l'UCK dans l'ensemble du Kosovo. Et cela devait se produire
23 après le départ de la Mission de vérification du Kosovo.
24 Je dois expliquer une chose. Nous étions décidés à procéder de la façon
25 suivante: si la violence atteignait des niveaux trop importants, nous
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1 étions décidés à retirer du Kosovo la KVM, non seulement parce que les
2 Etats partis membres de l'OSCE étaient particulièrement préoccupés de la
3 sécurité de leurs ressortissants, mais également parce que cela semble
4 être la chose à faire. Nous ne souhaitions pas qu'un certain stade de
5 violence soit franchi. Nous fonctionnions sans armes, notre mission était
6 une mission dans le cadre de laquelle nous n'étions pas armés, nous étions
7 convaincus que dès qu'il y avait des incidents au cours desquels les
8 personnes commenceraient à être blessées, il fallait absolument se
9 retirer. Il fallait toujours pouvoir se reporter à un plan d'évacuation.
10 Il y avait un plan d'évacuation et qui était toujours disponible.
11 Question: Paragraphe 227: il y a un certain nombre d'opinions qui sont
12 exprimées par certaines personnes dans le cadre de ce paragraphe. Je vais
13 vous demander de nous en dire un petit peu plus sur ce sujet; je pense que
14 l'accusé souhaiterait que vous le fassiez de toute façon.
15 Vous avez essayé de voir, a posteriori, ce qui aurait pu indiquer la
16 présence d'un plan général visant à l'expulsion de la population?
17 Réponse: C'est exact.
18 Question: Et après analyse, a posteriori, de ce que vous avez pu observer,
19 qu'avez-vous pu conclure?
20 Réponse: Mon opinion était que jusqu'au moment où nous sommes sortis du
21 Kosovo, c'est-à-dire le 20 mars, je n'avais jamais trouvé d'indices qui me
22 laissaient penser qu'il y avait un plan qui avait été établi pour expulser
23 la population civile. Je pensais qu'il y avait un plan qui visait à
24 combattre l'UCK, ce qui supposait l'entrée au Kosovo de troupes de
25 renforcement, de troupes de l'armée yougoslave qui viendraient renforcer
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1 les troupes en présence. Ces troupes ont commencé à manifester leur
2 présence avant même notre départ, mais je n'ai vu aucun indice qui me
3 permettait de croire que vers le 20, ou auparavant, il y avait un plan qui
4 avait été conçu et qui visait à expulser la population civile.
5 Question: Je vais essayer de compléter un peu ce que vous avez dit. Je
6 crois que vous avez pensé qu'il pouvait y avoir organisation, dans un
7 délai relativement rapide, de transports par bus ou par train, n'est-ce
8 pas?
9 Réponse: C'est exact. Et peu de temps après que les résidents de Pristina
10 ont quitté la ville, de force, et ont été mis à bord de trains, eh bien,
11 nous avons bien vu que cela supposait en fait quelque chose d'assez
12 simple. Il suffisait d'utiliser un train qui ferait des allers-retours
13 entre Pristina et la frontière, un train qui pouvait être aussi long qu'on
14 le souhaitait. Je sais que, par exemple en Grande-Bretagne, ceci pourrait
15 être fait assez rapidement.
16 Question: Je m'interromps un instant, Général, parce qu'il faut ménager un
17 peu nos interprètes: notre rythme est assez soutenu. Et si vous reprenez
18 toujours la parole, si vous pensez que je vous attends, nous ne couvrirons
19 pas beaucoup de terrain ce matin. Ce n'est donc pas de votre faute, c'est
20 de la mienne. Je vais finir ma question et vous pourrez ensuite compléter
21 votre réponse.
22 Mais je crois que vous aviez également à l'esprit une chose, à savoir que
23 les premiers rapports de massacres que vous aviez reçus, vous les avez
24 reçus par téléphone satellite, n'est-ce pas? Il n'y avait pas d'indices
25 qui laissaient à penser qu'il y avait eu une planification de ces
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1 massacres, planification que vous auriez pu observer de cet endroit?
2 N'est-ce pas?
3 Réponse: C'est exact. Nous sommes restés en contact avec les officiers de
4 liaison qui sont restés auprès de l'UCK pour maintenir les liens avec eux.
5 Nous les avons laissés sur place, une fois partis; c'est par eux que nous
6 avons eu les premiers contacts et les premiers rapports dans le courant du
7 24 mars, à l'époque nous étions en Macédoine.
8 Question: Paragraphe 228. La Chambre de première instance en temps utile
9 entendra d'autres témoins se prononcer sur ce qui est évoqué ici. Mais je
10 crois qu'à l'époque votre perception, quant au déplacement de réfugiés et
11 aux chiffres avancés par le HCR, était assez précise. Qu'avez-vous pensé?
12 Réponse: Eh bien, le HCR a fait un certain nombre de déclarations et
13 indiqué que quelque 10.000 personnes étaient devenues des personnes
14 déplacées, des réfugiés. C'est peut-être le chiffre que l'on a obtenu en
15 un endroit précis, en un temps précis, mais étant donné qu'en fait les
16 villageois expulsés d'un village étaient accueillis par d'autres, rendait
17 fort difficile l'établissement d'un nombre précis. Il était difficile de
18 savoir où se trouvaient ces 10.000 personnes ou de vérifier si
19 effectivement 10.000 personnes avaient été expulsées. Nous sommes partis à
20 leur recherche, nous avions beaucoup de personnel sur le terrain, mais
21 nous n'avons pas réussi à trouver ces 10.000 personnes même si nous avons
22 trouvé des groupes assez importants de population. Nous avons estimé que
23 les chiffres de personnes déplacées n'atteignaient pas ceux fixés par le
24 HCR. Je parle de ce qui s'est passé avant l'évacuation générale.
25 Question: De façon générale, vous vous en remettiez au HCR et à ses
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1 estimations, quand vous n'étiez pas sûr du nombre des personnes déplacées,
2 n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui, nous étions là pour nous aider et non pas pour essayer de
4 nous causer des difficultés.
5 Question: Nous passons au paragraphe 229. On parle d'une remarque assez
6 dénigrante faite par Kotur à propos des Albanais du Kosovo qui ne savent
7 pas honorer leurs morts ni les enterrer?
8 Réponse: C'est exact. Je me rappelle que Kotur a fait deux remarques de ce
9 type alors que nous nous déplacions autour de la frontière. Alors que nous
10 sortions d'un village albanais, nous sommes passés à proximité du
11 cimetière qui se trouvait dans une petite clairière d'arbres; il a dit:
12 "Regardez, ils ne savent même pas enterrer leurs morts dignement".
13 Quelques minutes plus tard, il m'a dit: "Vous devez comprendre qu'il
14 s'agit là d'un peuple primitif. Je lui ai dit que j'étais en total
15 désaccord avec ce qu'il affirmait.
16 Question: Je vous interromps. Est-ce que Kotur était le seul à avoir ce
17 genre d'opinion ou est-ce que c'était quelque chose que d'autres disaient?
18 Réponse: Je pense que cet avis était partagé avec nombre des personnes
19 avec lesquelles j'avais des contacts au sein des structures yougoslaves.
20 Question: Nous passons à l'intercalaire suivant, intercalaire 23, pièce de
21 l'accusation 2802. Je vous renvoie par ailleurs au paragraphe 230.
22 Il s'agit d'un document émanant de l'OSCE, il est rédigé en anglais par
23 Ciaglinski. Il s'agit d'un rapport sur les déploiements qui se font le
24 long de la frontière avec l'Albanie et de l'importance de ce déploiement,
25 n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, ce rapport a été rédigé lorsque les négociations avaient
2 cours à Rambouillet. Il y a eu demande émanant de Rambouillet qui visait à
3 savoir ce qui se passait sur le terrain en matière de sécurité. On
4 essayait de savoir quelle était la situation en matière de sécurité au
5 niveau de la frontière qui séparait le Kosovo de l'Albanie. A ce stade des
6 négociations de Rambouillet, le retrait des forces de police et de
7 sécurité yougoslaves de l'intérieur du Kosovo a été évoqué. Mais il était
8 établi qu'il n'y aurait pas de retrait dans la zone de sécurité qui
9 suivait le tracé de la frontière. Cela avait donc été prévu par les
10 négociations de Rambouillet. Et on avait établi le nombre d'hommes qui
11 pouvaient être déployés dans la zone. On avait fixé une limite au nombre
12 de troupes qui pouvaient se trouver dans ce secteur.
13 Moi, j'avais eu une discussion avec le colonel Kotur à propos de la
14 frontière. Un peu plus tôt, nous avions essayé, au sein de la KVM, de
15 faire une estimation de la situation qui prévalait dans le secteur
16 frontalier. Nous avons eu des discussions avec le colonel Kotur et le
17 général Loncar et, avec tous ces éléments, nous avons essayé de savoir
18 quoi faire pour que la frontière et sa sécurité soit assurée.
19 Nous avons essayé de savoir combien d'hommes il faudrait autoriser à se
20 trouver sur les lieux. Nous voulions aussi prendre en compte que l'armée
21 yougoslave ne disposait pas de lunettes infrarouges, de système d'alarme
22 efficace. Il y avait un équipement moderne dont l'armée yougoslave ne
23 disposait pas, il fallait en prendre compte. Des conclusions ont été
24 tirées et, vous voyez que le chiffre que nous avons fini par établir,
25 était beaucoup plus important que le chiffre qui avait été discuté à
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1 Rambouillet.
2 Question: Très bien. Nous allons maintenant essayer d'avancer. Je vous
3 demanderai de répondre à mes questions par oui ou par non, si c'est
4 possible.
5 Paragraphe 231: on parle de la zone de Glogovac. Je crois que vous parlez
6 également d'une usine à Mitrovica. Vous indiquez que le KVM n'a jamais
7 réussi à avoir accès à une zone qui se trouve à Glogovac et vous indiquez
8 que, dans cette zone, il semble qu'il y ait une base paramilitaire, n'est-
9 ce pas?
10 Réponse: Oui. Nous avons essayé d'avoir accès à ces installations, et on
11 ne nous l'a pas permis.
12 Question: Paragraphe 232 ou 233: nous vous avons déjà parlé de l'état de
13 la chaîne de commandement pour ce qui est du MUP et de la VJ? Nous avons
14 établi que les chaînes de commandement étaient séparées. Il n'y a rien que
15 vous souhaitiez ajouter sur ce point?
16 Réponse: Non.
17 Question: Au paragraphe 234, on voit que vous pensez que les chaînes de
18 commandement sont beaucoup plus étroitement liées que vous ne le pensiez
19 auparavant.
20 Est-ce que c'est l'incident de Rogovo qui vous a poussé à forger cette
21 opinion? Ou est-ce que vous avez établi cette conclusion au vu de ce qui
22 s'était passé et de ce que vous avez pu observer à Racak?
23 Réponse: A Racak, il m'est apparu que, si vous placez des officiers dans
24 un village, que ce soient des policiers à pied ou qui sont motorisés,
25 alors qu'ils sont par ailleurs couverts par la présence de l'armée
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1 yougoslave, vous êtes en train en fait de démontrer qu'il y a un lien très
2 étroit entre ceux qui dirigent les policiers et ceux qui commandent
3 l'armée.
4 Et il y avait sans doute un poste de commandement conjoint, parce que cela
5 n'aurait pas pu fonctionner autrement. Il y avait forcément un poste de
6 commandement conjoint vers lequel convergeaient toutes les communications
7 radio. S'il n'y avait pas eu cette coordination et ce point unique de
8 centralisation des contacts radio, jamais tout cela n'aurait pu être fait
9 sur le terrain; il y aurait eu un risque assez important pour les hommes
10 sur le terrain.
11 Question: Je vous remercie.
12 Vous avez également fait état du fait que, pour ce qui est de Rogovo, sans
13 doute Loncar faisait-il partie de la chaîne de commandement de la police.
14 N'est-ce pas exact?
15 Réponse: C'est exact. Les policiers à Rogovo, c'est-à-dire deux semaines
16 après les incidents de Racak, faisaient rapport de la situation à Loncar
17 et lui demandaient des instructions; il donnait ses instructions. Les
18 policiers ne manquaient pas ensuite de partir et de faire suivre ces
19 instructions d'effets.
20 Je ne comprenais bien sûr pas la langue utilisée, mais je pouvais observer
21 ce qui se passait. On peut très clairement comprendre une situation où
22 quelqu'un donne des instructions à quelqu'un d'autre. Loncar était
23 indubitablement l'homme qui commandait les hommes qui se trouvaient à
24 Rogovo; cela ne laissait pas de doute. Je crois que je peux dire cela tant
25 pour les policiers que pour les hommes appartenant à l'armée qui se
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1 trouvait sur place.
2 Question: Je passe au paragraphe 240: on parle des négociations qui ont eu
3 lieu à propos des otages?
4 Réponse: Oui. Lorsque je me suis entretenu avec Loncar au téléphone, j'ai
5 réussi à avoir une réponse immédiatement; il ne m'a pas dit: "Ecoutez, il
6 faut que je vous rappelle", il a simplement dit, suite à ce qui avait été
7 débattu: "Oui, je vais le faire!"
8 Question: Nous passons au paragraphe 241.
9 Vous expliquez de quelle façon, pour les premières semaines du mois de
10 février 1999, la VJ et le MUP réagissent aux incidents de la même façon
11 qu'ils l'ont fait au mois de décembre et au mois de janvier. Mais vous
12 indiquez également qu'à partir du milieu du mois de janvier, ils laissent
13 toujours sur place une présence, généralement un peloton, et vous dites
14 qu'à la date du 3 mars 1999, ils avaient l'équivalent de combien de
15 compagnies?
16 Réponse: A cette date, il y avait l'équivalent de 15 compagnies, soit
17 environ 2.000 hommes déployés à l'extérieur des baraques, ce qui allait à
18 l'encontre de l'accord qui avait été passé et qui indiquait que seuls 400
19 hommes pouvaient être déployés, soit l'équivalait de trois compagnies.
20 Vous voyez donc que nous étions loin du compte.
21 Question: Nous allons maintenant essayer d'avancer un peu et de traiter
22 rapidement de certaines pièces.
23 Paragraphe 242: c'est l'intercalaire 44 qui est l'intercalaire
24 correspondant.
25 Nous trouvons sous cet intercalaire une lettre émanant de vous, destinée
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1 au général Loncar. Dans le premier paragraphe, on attire l'attention du
2 général sur le fait qu'il y a eu beaucoup de pillages de maisons
3 individuelles; vous donnez ensuite des exemples très précis d'incidents de
4 pillage?
5 Réponse: Oui. En fait, il s'agissait là du suivi d'une discussion que
6 j'avais eue précédemment avec le général Loncar, discussion au cours de
7 laquelle j'ai attiré son attention sur le fait que nous observions nombre
8 d'incidents de pillage. Il a répondu: "Eh bien, il faut me donner des
9 exemples précis de ce que vous avancez!" J'ai dit: "Très bien, je vais
10 vous en trouver".
11 C'est dans cette lettre que je lui fais part de ces exemples. Comme vous
12 le voyez, je fais état de villages bien précis et je parle de dates bien
13 précises. Il aurait donc dû être possible de savoir précisément quelles
14 unités se trouvaient sur place. Mais jamais, nous n'avons reçu
15 d'explication, jamais, nos demandes n'ont été suivies d'effet et, que je
16 le sache, aucune sanction disciplinaire n'a jamais été prises à l'encontre
17 des perpétrateurs de ces actes.
18 Question: Paragraphe 243: je crois que fin mars, la KVM est mise au
19 courant d'une déclaration faite par les autorités de la RFY, qui
20 prolongent la période de conscription de 30 jours?
21 Réponse: Oui, au départ, il devait y avoir rotation des soldats sur le
22 terrain. Ceux qui avaient fait leur service dans son intégralité devaient
23 se voir relever, des troupes de relève devaient arriver pour les
24 remplacer. C'est ainsi qu'il devait y avoir rotation, qui devait permettre
25 que le nombre de soldats total sur le terrain devait rester à peu près le
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1 même. Mais si vous voulez garder sur le terrain les soldats qui y sont
2 déjà, tout en faisant arriver de nouveaux soldats, le nombre de total de
3 troupes en présence augmente considérablement; on atteint plusieurs
4 milliers d'hommes en plus.
5 Question: Intercalaire 45, référence du Bureau du Procureur 2697. Je pense
6 que je pourrais essayer, à terme, de répondre à la question posée hier par
7 le Juge Kwon, j'attends encore la traduction d'un document. Cela me
8 permettra de répondre de façon complète à la question posée. Nous revenons
9 au document que nous avons sous les yeux. Il s'agit d'un ordre datant du
10 15 mars, c'est un ordre spécial.
11 Réponse: Je crois que c'est le 5 mars.
12 Question: Oui, daté du 5 mars. Ce document vous ne l'avez vu pour la
13 première fois que récemment.
14 Réponse: C'est exact. Ce document -et je demanderais qu'on me montre la
15 page suivante- c'est un ordre destiné aux unités du Corps de Pristina qui
16 travaillent à la frontière, et qui assurent la sécurité. Et l'ordre est
17 signé par le commandant du Corps.
18 Avant mars 2002, on n'avait jamais vu quoi que ce soit de semblable.
19 Cependant, dans ce document… Et je vais essayer de vous dire exactement où
20 cela se trouve.
21 Question: Je pense que cela se trouve à la fin du deuxième paragraphe.
22 Réponse: Oui, ça y est, j'ai trouvé. Un peu plus bas, s'il vous plaît.
23 On voit que si la situation militaire l'exige, le Corps de Pristina
24 recevra des renforts et mènera à bien toutes les tâches qui seront les
25 siennes. Cette déclaration selon laquelle le Corps d'armée de Pristina
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1 allait obtenir des renforts, indique qu'on s'apprêtait à violer l'accord
2 Nauman/Clark, signé le 25 octobre 1998, qui stipulait que le niveau des
3 forces, c'est-à-dire le nombre d'hommes, devait rester ou redevenir celui
4 de février 1998.
5 A ce moment-là, c'est-à-dire deux semaines avant notre évacuation, le
6 commandant du corps d'armée fait savoir à ses soldats qu'ils sont prêts à
7 faire venir des renforts. Cela indique indéniablement que l'on prévoyait
8 de faire venir des renforts importants.
9 Question: Ensuite, nous passons à la fin du paragraphe suivant: on parle
10 de l'allongement de la durée du service militaire de 30 jours, je crois.
11 Réponse: Oui, on peut lire que la raison pour laquelle on a décidé
12 d'allonger la durée du service militaire depuis mars, cette décision était
13 comprise par tous. C'était peut-être le point de vue du commandant du
14 corps mais peut-être pas celui des conscrits.
15 Question: Est-ce qu'à ce moment-là la KVM a eu connaissance d'une unité
16 nouvelle arrivant au Kosovo?
17 Réponse: Oui, le 16 mars, la KVM a signalé qu'une unité équipée d'un type
18 de char différent, un char T-72 était arrivé par le train au Kosovo. Ceci
19 était facile à voir parce que toutes les unités de blindés au Kosovo à
20 cette date, avaient des chars de type T-55. Des chars qui sont très
21 différents, que l'on peut distinguer tout de suite.
22 Et puis, c'est le genre de chose que l'on apprend au début de la carrière
23 militaire, à reconnaître les chars. C'est Richard Ciaglinski qui a vu
24 arriver ce char, il pourra donc vous en parler.
25 Question: Intercalaire 46: inutile de s'y attarder parce qu'en fait cela
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1 reprend l'intercalaire 43, je crois?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Intercalaire 47: je vais demander à l'huissier de rapidement
4 placer l'original sur le rétroprojecteur, quelques instants, ensuite de
5 lui substituer la version en anglais.
6 Nous avons ici un ordre d'attaque daté de la mi-février, du 13 février au
7 moment où les négociations de Rambouillet avaient lieu. Des observations à
8 ce sujet?
9 Réponse: Oui, je n'avais pas vu ce document, on me l'a montré la première
10 fois il y a à peu près un mois. Il semble qu'il s'agit d'un ordre
11 opérationnel yougoslave qui date de la mi-février, c'est-à-dire pendant
12 les négociations de Rambouillet. On voit donc que les forces de la RFY
13 lançaient des attaques, dans la zone de Mitrovica et on peut voir les
14 forces qui étaient à Kosovska-Mitrovica PGP, qui sont censées sur certains
15 axes démanteler les forces terroristes.
16 On prévoit, également, des opérations dans les villages de Bajgora,
17 Kovacevic, Gornja Lapastica, c'est une zone très étendue, il ne s'agit pas
18 d'une zone précise. En tout cas, c'est sans doute une zone qui fait au
19 moins 20 kilomètres carrés ou plutôt 20 kilomètres sur 20. On voit qu'il
20 s'agit là d'une opération de ratissage, une opération qui consiste à
21 débusquer les terroristes et à les éliminer, plutôt qu'une opération qui
22 se dirigeait sur des cibles précises.
23 Question: Paragraphe 6: je crois qu'il est très parlant ce paragraphe, on
24 voit que les membres de l'unité se voient interdire quelque chose?
25 Réponse: Oui. En fait, non, c'est un peu plus bas. Au bas de la page, oui.
Page 2952
1 "Faire en sorte que les unités qui travaillent au contre espionnage
2 procèdent à des mesures de sécurité, mettent un terme aux vols, aux
3 pillages, etc.".
4 Apparemment, il semblait qu'il y avait des ordres en place pour empêcher
5 que les biens fassent l'objet de pillage. Moi, je n'avais pas connaissance
6 de l'existence de cet ordre. En tout cas, cela ne correspondait pas du
7 tout à la situation sur le terrain où l'on constatait que les forces de
8 sécurité continuaient à procéder au pillage des bâtiments dont elles
9 prenaient le contrôle.
10 Question: Il y a un ordre concernant les médias pour les tenir à distance,
11 pour les empêcher d'entrer dans les zones de combat. Est-ce que cela
12 correspond d'une manière ou d'une autre avec l'accord que vous aviez
13 passé?
14 Réponse: Cela se trouve sur la même page? Je suis perdu. Ah non! Ça y est,
15 j'ai trouvé!
16 Oui, ici, il y a un ordre qui a pour objectif d'empêcher toute
17 organisation humanitaire ou autre, tout organe des médias d'entrer sur la
18 zone des opérations de combats. Et pour ce faire, il convient de faire
19 entrer en action les points de contrôle du MUP.
20 Je comprends cela de la manière suivante: il s'agissait de faire dresser
21 des points de contrôle par la police afin d'empêcher aussi bien les médias
22 que nous-mêmes de pénétrer sur les zones des opérations de combats. Pour
23 la KVM, ceci consistait indéniablement une infraction à l'accord qui
24 accordait liberté de circulation totale sur tout le territoire du Kosovo
25 pour vérifier ce qui s'y passait.
Page 2953
1 A ce moment-là donc, on avait décidé délibérément de nous empêcher
2 d'entrer sur les zones de combats.
3 M. Nice (interprétation): Merci. Nous allons maintenant passer à la pièce
4 à conviction suivante.
5 M. Kwon (interprétation): Mon Général, pouvez-vous nous apporter vos
6 observations au sujet du deuxième paragraphe de cette même page?
7 M. Drewienkiewicz (interprétation): Celui où l'on peut lire: "Pendant les
8 opérations d'appui, faire partir la population civile des zones de combat
9 pour que les terroristes ne les utilisent pas comme bouclier humain
10 pendant le retrait".
11 M. Kwon (interprétation): Oui, c'est cela.
12 M. Drewienkiewicz (interprétation): En fait, je n'ai jamais vu que l'on
13 essaie de faire partir la population civile pour la protéger. Au
14 contraire. J'ai très rarement vu qu'on essayait de séparer les combattants
15 de ceux qui n'étaient pas des combattants.
16 M. Nice (interprétation): Hier, à certains moments, vous nous avez
17 expliqué que la KVM, peu à peu, a connu une certaine accoutumance à la
18 situation des incidents qui auraient été décrits comme graves au début de
19 votre mission étaient ensuite considérés comme normaux. Cela se voit
20 notamment dans le rapport de Prizren du 15 février, intercalaire 48,
21 première page. On nous dit ici qu'il s'agissait d'une journée calme?
22 M. Drewienkiewicz (interprétation): Une journée calme avec peu d'activité
23 du MUP, de la VJ ou de l'UCK.
24 Question: Quand on regarde ces documents -et il est inutile d'entrer dans
25 les détails-, est-ce qu'on peut dire qu'il s'agissait d'un jour calme?
Page 2954
1 Réponse: Non, mais en fait cela se passait à la fin novembre, début
2 décembre ou même début janvier. On aurait, au départ, pu penser que
3 c'était un jour violent mais, à cette époque, on pensait que c'était un
4 jour calme.
5 Question: Merci. Intercalaire 49, rapports du 20 et 21 février. Les
6 accords de Rambouillet sont toujours en cours. On voit à la fin que les
7 vérificateurs ont été agressés par les policiers. Et quelles ont été vos
8 conclusions?
9 Réponse: Mes conclusions, c'est que la VJ et le MUP ont changé d'attitude
10 vis-à-vis de la KVM. Et on a vu ainsi que deux vérificateurs ont été pris
11 à partie.
12 Question: Page suivante, Monsieur l'huissier, paragraphe 4.
13 Réponse: On peut lire: "qu'il y a eu un cas d'agression très grave des
14 policiers serbes contre deux employés internationaux au sud de Pristina,
15 le 23 février. Un véhicule était garé au bord de la route. Ils observaient
16 ce qui se passait. Un policier est sorti du véhicule, s'est approché des
17 vérificateurs. L'un a mis un passe-montagne afin de ne pas pouvoir être
18 identifié, mes vérificateurs ont vu des armes braquées sur eux et,
19 ensuite, ils ont été pris à partie et agressés physiquement. Je crois que
20 c'est la première fois de ce genre que quelque chose se produisait. En
21 tout cas, c'était la première fois que ce genre d'agissement était
22 constaté de la part de policiers en uniforme".
23 Question: Intercalaire n°50, 1696 pour la référence du Bureau du
24 Procureur. Il s'agit d'un rapport quotidien.
25 Des observations à ce sujet?
Page 2955
1 Réponse: Eh bien, il s'agit ici d'un incident qui a eu lieu au sud-est de
2 Mitrovica.
3 Question: Au bas de la page n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui, effectivement. A Mitrovica, il y avait eu un meurtre dans un
5 village où habitaient aussi bien des Serbes que des Albanais du Kosovo.
6 Tout avait commencé par une sorte de dispute familiale mais les choses se
7 sont ensuite compliquées et aggravées.
8 L'UCK s'en est mêlée, les forces de sécurité serbes s'en sont mêlées et,
9 au milieu de tout cela, les tirs se sont calmés et les journalistes sont
10 allés sur place pour interroger les gens. A ce moment-là, les tirs ont
11 repris. Cela signifie qu'il y avait des échanges de tirs avec les
12 journalistes qui étaient accroupis par terre, dans les flaques d'eau. Et
13 nous sommes intervenus. Il y a eu un journaliste qui a été légèrement
14 blessé.
15 Mais en fait, ce qui est important, c'est qu'il s'agissait une nouvelle
16 fois d'un incident en plein milieu des négociations de Rambouillet. On
17 voyait que, ni d'un côté ni de l'autre, on ne faisait preuve de mesure, on
18 se laissait entraîner dans ce genre d'affrontements. Ni d'un côté ni de
19 l'autre, on n'essayait de calmer les esprits à cause de l'importance des
20 négociations de Rambouillet.
21 Question: Intercalaire n°51, référence du Bureau du Procureur 1697. Enfin,
22 dans un souci d'exhaustivité: inutile de commenter ceci. L'original, s'il
23 vous plaît, sur le rétroprojecteur, quelques instants?
24 (Intervention de l'huissier.)
25 Rapport du MUP au sujet de cet incident, n'est-ce pas?
Page 2956
1 Réponse: Oui, c'est la version de l'autre partie de ces événements.
2 Question: Merci. Nous pouvons maintenant passer à l'intercalaire n°52. On
3 est maintenant à la fin des négociations de Rambouillet, le 26 février.
4 Ce document, il émane de vous-même. A la première page, on parle de
5 harcèlement; au 1B, on parle de harcèlement de 13 ressortissants
6 internationaux et de 8 ressortissants de l'endroit, par les autorités de
7 la RFY.
8 Comment avez-vous interprété cet incident?
9 Réponse: Nous avons constaté qu'il s'agissait là d'une violation très
10 grave du statut de diplomate des membres de la KVM. Chaque fois qu'un
11 véhicule traversait la frontière pour entrer en Macédoine, on constatait
12 des retards. Généralement, les personnes sur place se voyaient donner
13 l'ordre d'ouvrir les portes du véhicule; elles s'y refusaient du fait de
14 leur statut diplomatique. En l'occurrence, le premier véhicule qui est
15 arrivé sur place a reçu l'ordre d'ouvrir le coffre; l'occupant du véhicule
16 a refusé d'obtempérer. Ensuite, tous les véhicules qui sont arrivés après
17 ce premier véhicule se sont vus donner l'ordre d'arrêter. La situation
18 s'est envenimée. C'est le chef de mission qui a résolu la situation: il
19 s'est rendu sur place et a, de ses propres mains, ouvert le coffre du
20 véhicule afin d'obtenir que l'on laisse partir ces vérificateurs.
21 Question: Intercalaire n°53, référence du Bureau du Procureur 2804. Je ne
22 pense pas qu'il y est quoi que ce soit à dire de particulier au sujet de
23 ce document, sauf que cela reflète bien la situation de l'époque. Ce
24 document est présenté dans un souci d'exhaustivité?
25 Réponse: Oui.
Page 2957
1 Question: Ce document pourra servir de référence lorsqu'on examinera votre
2 déposition.
3 Intercalaire n°54, référence du Bureau du Procureur 2805: il s'agit d'un
4 compte rendu d'une réunion ayant eu lieu le 10 mars. Des observations à ce
5 sujet?
6 Réponse: Ici encore, nous avons un document qui nous montre quel était
7 notre état d'esprit à l'époque. On parle ici de la possibilité d'une
8 fracture au sein de l'UCK, ce qui était quelque chose qui nous intéressait
9 à l'époque. Nous avons ici un document qui a été établi par un des
10 officiers de liaison, qui était chargé des contacts avec l'UCK.
11 Question: Paragraphe 256 de votre résumé. Pendant cette période, à Kacanik
12 et Vucitrn, il y a eu des opérations. Vous vous êtes fait une opinion
13 assez précise de la situation?
14 Réponse: Eh bien, ces deux zones, c'étaient les zones de deux brigades
15 distinctes. J'ai donc estimé qu'il avait dû savoir d'une opération
16 planifiée à un échelon supérieur à l'échelon local, c'est-à-dire au niveau
17 du Corps d'armée de Pristina, au moins. Et à ce moment-là, on sentait
18 -c'était clair- qu'il y avait une attitude offensive au sein de la VJ et
19 du MUP. Cela se voyait dans la manière dont ils conduisaient leurs
20 opérations. Ils suivaient une procédure fixe: la zone concernée était
21 fermée par la police, était encerclée par la police, on mettait en place
22 des points de contrôle pour ce faire; ensuite, ensemble, la VJ et le MUP
23 ratissaient la zone ainsi isolée, ainsi définie. Il était très difficile
24 de pénétrer dans cette zone; nous y sommes cependant parvenus parfois et
25 nous avons donc été forcés de nous baser sur les colonnes de fumée qui
Page 2958
1 venaient des villages concernés. C'était souvent la seule source
2 d'information: il était très difficile de se rendre dans les villages.
3 Question: En ce qui concerne les effectifs des unités, pouvez-vous nous
4 dire quoi ce que ce soit à ce sujet?
5 Réponse: En tout cas, moi, à au moins une reprise, j'ai vu de mes yeux
6 quelque chose qui se retrouvait d'ailleurs dans des rapports qui m'ont été
7 faits: il y avait donc au moins une, voire deux unités, ayant l'effectif
8 d'une compagnie, c'est-à-dire 100 à 150 hommes, des policiers.
9 C'étaient des policiers qui avaient une apparence bien différente que ceux
10 que nous avions vus précédemment. C'étaient des hommes qui avaient l'air
11 en excellente condition physique, qui avaient un port plus arrogant, plus
12 fier. Le moral de ces troupes semblaient bien meilleur que celui des
13 policiers que nous avions vus à ce jour, à l'exception des policiers de
14 Rogovo dont j'ai parlé précédemment. Ces gens que nous avons vus à ce
15 moment-là, disposaient d'un équipement extrêmement moderne comparé aux
16 équipements plutôt rudimentaires de leurs collègues.
17 Question: Intercalaire n°55, il s'agit ici de nous indiquer brièvement les
18 circonstances des incidents du 19 février. Vous avez reçu des informations
19 vous disant qu'on envisageait l'assassinat de Walker, la prise d'otage au
20 sein du KVM pour déstabiliser votre mission?
21 Réponse: Oui, ce sont des informations que j'ai reçues, que j'ai ensuite
22 évoquées avec les autorités serbes. Je voulais que ces autorités
23 m'assurent que ceci ne correspondait pas à la réalité. Je dois dire que
24 l'on m'a donné quelques garanties, mais pas des garanties totales.
25 Question: Et ces informations, ces renseignements vous disaient
Page 2959
1 qu'éventuellement la partie adverse porteraient des uniformes du MUP?
2 Réponse: Oui, c'est quelque chose qui nous préoccupait constamment. Il
3 était toujours possible que lors de ces incidents, on porte à dessein les
4 uniformes de la partie adverse.
5 Question: Paragraphe 258: le 25 février, vous avez appris que l'UCK avait
6 essayé d'ouvrir une nouvelle zone d'opération, dans des zones qui
7 n'avaient pas présenté un intérêt précédemment. En l'occurrence, il s'agit
8 d'une zone qui se trouve à Kacanik?
9 Réponse: Oui, il s'agit d'une zone qui se trouve complètement au sud du
10 Kosovo. Il y a un col qui mène du Kosovo à la Macédoine. C'était
11 l'itinéraire que nous aurions suivi pour assurer une éventuelle
12 évacuation. Ceci nous a donc beaucoup préoccupé.
13 L'UCK a fait son apparition dans cette zone, et très vite la VJ a lancé
14 une opération de contre-offensive qui a été couronnée de succès, qui leur
15 a permis de s'assurer le contrôle des zones élevées des deux côtés de la
16 route. Une fois que cela a été fait, les unités de la VJ se sont
17 installées sur les points névralgiques de cet itinéraire, et notamment au
18 pont.
19 Question: Intercalaire n°56: un rapport de l'OSCE en date du 12 mars et,
20 dans la partie en italique qui se trouve sur la première page, on constate
21 et on dit "qu'il n'y a pas de volonté, d'une partie ou de l'autre,
22 d'apaiser les tensions et les affrontements militaires". On en voit un
23 exemple dans les opérations entreprises par l'UCK à Kacanik, qui ont
24 entraîné le déplacement de quelque 2.000 personnes. Ceci figure à la
25 deuxième et troisième pages?
Page 2960
1 Réponse: Oui, ce document a été préparé par le Président en exercice de
2 l'OSCE, il devait communiquer ce rapport aux Nations Unies. Il a estimé
3 que la situation connaissait une telle détérioration qu'il convenait
4 officiellement de signaler ces événements aux Nations Unies.
5 Vous voyez en bas du troisième paragraphe de la deuxième page qu'on peut
6 lire que 2.000 personnes ont fui les villages de la zone de Kacanik.
7 Certains ont essayé de traverser la frontière pour se rendre dans l'ex-
8 République de Macédoine. Et cette estimation de 2.000 personnes, c'est une
9 estimation très prudente de notre part, cette estimation de personnes.
10 Question: Un peu plus bas, on fait référence à Pec, un restaurant serbe,
11 où il y a eu des personnes blessées, sept Albanais ont été tués
12 ultérieurement; plutôt sept personnes ont été blessées et une personne est
13 morte.
14 Réponse: Oui, encore une journée très lourde. Cela dépassait déjà à ce
15 moment-là le niveau de violence habituelle, à cette époque.
16 Question: Nous n'allons pas nous appesantir à ce sujet, mais à la page 5,
17 on parle du fait que les véhicules de l'OSCE, le 25 et le 26 février, ont
18 été interceptés contrairement aux Conventions de Vienne.
19 Paragraphe 262: vous nous aviez dit précédemment que les ponts avaient été
20 laissés intacts par l'UCK. En février, en fait, vous avez commencé à
21 remarquer que ces ponts faisaient l'objet d'une attention particulière de
22 la part des Serbes?
23 Réponse: Oui, les ponts, en particulier, celui de Kacanik, il y avait un
24 grand pont, deux tunnels que l'on s'apprêtait à démolir. Pour ce faire, on
25 tire un câble tout autour du pont, cela prend beaucoup de temps, pour que
Page 2961
1 tous les explosifs puissent exploser en même temps, et puissent être
2 commandés à partir d'un même endroit. Cette procédure demande beaucoup de
3 temps, mais c'est ce que l'on fait en général si l'on s'apprête à passer à
4 un niveau d'alerte supérieur.
5 Ceci nous a indiqué que le niveau de la préparation de la VJ dans la
6 région avait pris un rythme supérieur.
7 Question: Quel pouvait être l'objectif militaire visé? Pouvez-vous
8 l'expliquer à ceux qui ne connaissent rien à ce type de situation?
9 Réponse: La route qui va de Kacanik à la Macédoine était une route qui
10 allait forcément de la Macédoine à Kacanik et, étant donné que l'OTAN
11 était représenté en Macédoine de façon assez importante, il y avait une
12 présence massive. S'ils devaient se déplacer en direction du Kosovo,
13 c'était la seule route possible pour les véhicules blindés lourds,
14 notamment à cette époque de l'année. Si ce pont avait explosé, l'entrée
15 dans le Kosovo aurait été rendue beaucoup plus de difficile.
16 Question: Intercalaire 57: un rapport hebdomadaire réalisé par la cellule
17 de fusionnement des données de la KVM, pour la période allant du 26
18 février au 4 mars. On traite d'un certain nombre de sujets, nous n'allons
19 pas tous les passer en revue. Pour ce qui est du MUP, toutefois, je crois
20 qu'il convient de se reporter au début de la deuxième page. Vous parlez
21 des préparatifs de démolition, cela apparaît en bas de la page. C'est bien
22 exact?
23 Réponse: Oui, c'est exact. Il est dit -je cite-: "Un nombre de ponts, de
24 tunnels ont été préparés à la démolition. Pour ce qui est des accès de
25 l'Albanie et de la Macédoine et vers l'Albanie et la Macédoine, les forces
Page 2962
1 se trouvant autour des ponts et s'occupant de la démolition du pont sur la
2 route qui va à Djeneral Jankovic, ont été renforcées de façon importante.
3 Ce qui reflète possiblement un renforcement de l'activité de l'UCK à
4 proximité. L'utilisation du rail a été confirmée lorsque sept chars M-36
5 sont arrivés à Mitrovica de l'extérieur de la province".
6 Question: On s'aperçoit qu'il y a également des références faites à des
7 troupes de combats qui se déploient en grand nombre. On fait également
8 état du fait que le MUP patrouille à Orahovac et Suva Reka.
9 Réponse: Oui, effectivement, il est dit -je cite-: "Les forces de la VJ au
10 sein du Kosovo ont considérablement renforcé leur déploiement et ont
11 augmenté leurs sessions d'exercices dans l'ensemble de la province.
12 Certes, il y a beaucoup plus de troupes de la VJ à l'extérieur des
13 casernes que depuis le mois d'octobre, et on estime que 15 compagnies de
14 combat ont été déployées. Leurs actions sont restées relativement peu
15 importantes au vu de ce qui peut être décrit comme une provocation de
16 l'UCK. Il y a eu renforcement des forces de la VJ à la périphérie du
17 Kosovo".
18 Question: Vous dites que la Mission de vérification du Kosovo, un peu à la
19 dernière heure, a essayé de faire état des faits de façon objective?
20 Réponse: Je crois que, dans la conclusion, nous essayons d'indiquer que
21 les Serbes ont essayé de retenir leurs actions quelque peu, ce qui indique
22 qu'effectivement nous essayons de faire rapport de façon aussi neutre et
23 objective que possible.
24 Question: Très bien. Paragraphe 264: je vais essayer d'obtenir de vous une
25 réponse négative ou affirmative pour aller plus vite; vous parlez de la
Page 2963
1 présence de forces spéciales portant des combinaisons grises à Rogovo.
2 Outre l'incident au cours duquel vous avez vu des hommes en combinaison à
3 Rogovo, est-ce qu'il n'était pas difficile pour vous d'établir exactement
4 comment fonctionnaient ces groupes? Vous proposez ce fait à Loncar de
5 mettre en place un mécanisme de contrôle des rotations du MUP. Il rejette
6 cette idée.
7 Réponse: C'est exact.
8 Question: Intercalaire 58: mémorandum de l'OSCE en date du 16 mars qui
9 porte sur les visites faites dans les postes de police du MUP au Kosovo
10 oriental. Au milieu de la page, on suggère que trois autres postes de
11 police doivent être identifiés. Quelle est l'importance de cela?
12 Réponse: Il est difficile de compter le nombre d'hommes appartenant au
13 MUP, mais il est beaucoup plus facile de savoir où se trouvent les postes
14 de police. Et si l'on s'aperçoit que trois autres stations de police ou
15 postes de police ont été établis, cela nous permet de savoir quelle est
16 l'importance de la police sur le terrain. Cela indique, en tout cas, qu'il
17 y a un certain nombre de bases supplémentaires à partir desquelles la
18 police se déploie et opère. C'était une information qui devait être
19 rapportée à l'OSCE et cette information ne l'a pas été.
20 Question: Je vous remercie. Intercalaire 59: c'est un ordre fragmenté.
21 "Fragmenté", de quoi s'agit-il?
22 Réponse: Un ordre intégral est généralement un document de plusieurs page
23 et vous pouvez ne vouloir transmettre qu'une partie de cet ordre; c'est ce
24 type de document qu'on appelle des "FRAGO", "ordres fragmentés".
25 Question: De quoi parlent-ils?
Page 2964
1 Réponse: On parle du renforcement des troupes de la VJ et du MUP; on parle
2 de l'arrivée de troupes dans l'ouest du Kosovo. On indique que chacun doit
3 être sur ses gardes et en état d'alerte et on indique que tout mouvement
4 dans la zone doit être observé de très près. Donc on rappelle à chacun la
5 nécessité de faire état de tout nouveau développement dans la zone.
6 Question: Quelle est la date?
7 Réponse: Le 12 mars. Soit un mois, une semaine, pardon, avant notre
8 évacuation. Il y avait une grande activité qui se manifestait à cette
9 époque, c'est évident.
10 Question: Juste au-dessus du terme "FRAGO", en haut à droit, on voit
11 quelque chose d'assez curieux. De quoi s'agit-il?
12 Réponse: "21 juin 00", cela veut dire que cet ordre a été émis à ce
13 moment-là. Cela a été imprimé depuis le disque dur à ce moment-là.
14 Question: Très bien. Il y a un autre détail que vous évoquez dans ce
15 document. Vous aviez eu connaissance d'un changement qui était intervenu
16 dans la direction de l'UCK.
17 Je voudrais vous demander d'abord d'où vous tiriez ces informations.
18 Ensuite, je voudrais que vous nous disiez quel a été l'effet de ce
19 changement?
20 Réponse: Cette information, je l'ai obtenue des officiers de liaison que
21 nous avions désignés comme étant les personnes qui devaient travailler
22 quotidiennement et de façon permanente avec l'UCK. Il y avait à la fois
23 des rapports écrits qui nous étaient communiqués, puis des rapports oraux
24 qui étaient faits. Lorsque la situation était particulièrement délicate,
25 tout n'était pas toujours transcrit sur le papier, pour des raisons
Page 2965
1 évidentes.
2 Question: Quelle était la nature du changement qui est intervenu?
3 Réponse: Nous avons compris que les membres de les plus modérés, disons
4 les moins radicaux de l'UCK, étaient remplacés par des individus qui
5 n'étaient pas enclins aux compromis. Cela avait bien sûr des implications
6 assez sérieuses du fait que Rambouillet, les négociations de Rambouillet
7 arrivaient à leur terme.
8 Question: Intercalaire 60. Ce qui m'intéresse, c'est la deuxième page du
9 document: c'est un rapport daté du 2 mars. Nous nous penchons sur ce qui
10 est dit à propos du district de Pec.
11 Réponse: Je crois que c'est en haut de la page 2. Le chef de la police… Je
12 lis: "La situation est tendue dans la zone de la colline VJ -c'était le
13 surnom d'un emplacement- du fait d'un exercice conjoint de la VJ et du
14 MUP, exercice mené à bien par une compagnie de blindés renforcés. La COP à
15 Pec a refusé au MUP toute participation, tandis que les représentants de
16 la VJ l'ont confirmé".
17 Cela nous a permis de comprendre qu'il y avait un degré de coopération
18 renforcée entre la VJ, l'armée et la police; ce qui était à comparer avec
19 la situation qui prévalait au tout début de notre mission, situation que
20 j'ai décrite.
21 Question: La Chambre aura remarqué qu'il y a une petite erreur qui s'est
22 glissée dans le paragraphe qui reprend ce qui est dit dans ce document,
23 paragraphe 269. Il ne faut pas lire que "quelque chose a été refusé", mais
24 qu'il y a eu en fait "confirmation".
25 Réponse: Oui, je m'excuse de cette erreur.
Page 2966
1 Question: Vous avez déjà parlé de cela précédemment, mais j'aurais encore
2 une question à vous poser: s'il y a un commandement conjoint, est-ce qu'il
3 ne doit pas y avoir un centre de commandement conjoint?
4 Réponse: Pas à proprement parler. Mais les quartiers-généraux de la police
5 et de l'armée, à Pristina, étaient si proches qu'on pouvait considérer que
6 la communication pouvait se faire de façon aisée.
7 Question: Vous avez dit par ailleurs que vous n'aviez pas eu accès à ces
8 bâtiments?
9 Réponse: C'est exact. Ces deux bâtiments se faisaient face, ils étaient
10 situés de part et d'autre de la route.
11 Question: Intercalaire 61. Je vais demander encore une fois que les
12 originaux soient rapidement placés sur le rétroprojecteur. Nous allons
13 ensuite pouvoir placer le document dans sa version anglaise sur le
14 rétroprojecteur.
15 Mon Général, il s'agit d'un rapport qui fait état de la réponse par la VJ,
16 par le MUP, à une attaque de l'UCK qui s'est produite le 20 mars. Un
17 document que vous n'avez eu que récemment?
18 Réponse: C'est exact.
19 Question: Quelle est l'importance de cela?
20 Réponse: Eh bien, comme vous le dites, c'est une réponse de la VJ et du
21 MUP à une attaque de l'UCK; cela décrit le nombre de victimes au sein du
22 MUP et de la VJ. Cela indique également que cette réponse à la première
23 attaque de l'UCK était une opération conjointe de la VJ et du MUP.
24 Il est également important de noter qu'on y décrit le fait qu'un policier
25 s'est blessé lui-même en manipulant son arme. Je dirais que cela révèle le
Page 2967
1 peu de formation dont avaient bénéficié les forces de police. C'est assez
2 étonnant lorsqu'on sait que ces forces de police étaient supposées lutter
3 contre les terroristes et que ces forces de police essayaient de se
4 présenter comme étant de grands professionnels.
5 Question: Nous allons traiter des paragraphes 273 et 274 sous la forme de
6 questions.
7 Vous avez déjà établi les liens qui existaient entre Loncar, Belgrade et
8 Sainovic?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Loncar était à même de répondre rapidement à des questions qui
11 lui étaient posées sur les positions et sur les activités de la VJ?
12 Réponse: C'est exact.
13 Question: Par ailleurs, lorsque vous aviez besoin d'informations portant
14 sur le transport de dirigeants de l'UCK à l'aéroport pour qu'ils se
15 rendent à Rambouillet, Loncar a pu vous donner des informations très
16 rapidement. Cela vous a permis de comprendre qu'il avait des liens très
17 étroits avec l'exécutif de Belgrade et, en tout cas, avec certains
18 échelons des forces de sécurité?
19 Réponse: C'est exact.
20 Question: A propos des négociations de la VJ, vous nous avez dit que,
21 lorsqu'une proposition avait été faite par Keller à Sainovic, il avait
22 reçu une réponse très rapide, mais de la part de Loncar.
23 Réponse: Oui, de Loncar. Et j'avais l'impression que, même s'ils n'étaient
24 pas assis dans la même salle, ils s'entretenaient fréquemment au
25 téléphone, à intervalles très réguliers.
Page 2968
1 Question: Il semble que, conformément aux dires de votre collègue Pellnas,
2 Sainovic avait dit, quelque chose à propos de la délégation d'autorité qui
3 avait été faite au bénéfice de Loncar?
4 Réponse: C'est exact. C'est lorsque nous parlions de l'hélicoptère que
5 nous avons évoqué cela.
6 Question: Paragraphe 275: Sainovic vous est régulièrement présenté comme
7 étant la personne revêtue de la plus haute autorité. Y avait-il quelque
8 contestation que soit quant à son statut?
9 Réponse: Non, tout le monde s'accordait à dire que c'était l'interlocuteur
10 privilégié pour traiter de toutes ces questions; et jamais nous n'avons
11 entendu le nom Andjelkovic dont vous vous rappellerez qu'il était le
12 dirigeant du Conseil exécutif temporaire.
13 Question: Il y a un autre exemple que nous pourrions citer, au cours
14 duquel l'ambassadeur Walker a été accosté par un policier ivre. Walker
15 s'en plaint auprès de Sainovic, qui indique qu'il est déjà au courant de
16 l'incident et qui dit, par ailleurs, qu'il va prendre les mesures
17 nécessaires.
18 Réponse: Sainovic n'a manifesté aucun étonnement et n'a pas contesté les
19 faits qui lui étaient présentés. C'était souvent le cas.
20 M. Nice (interprétation): Paragraphe 278: vous nous avez déjà dit hier, si
21 je ne m'abuse, que Kotur avait certaines opinions portant sur différents
22 sujets ou personnes. Nous n'avons pas à revenir là-dessus dans le détail.
23 Nous passons à autre chose.
24 M. le Président (interprétation): Non, il est 10 heures 15, nous
25 suspendons l'audience pour 15 minutes.
Page 2969
1 (L'audience, suspendue à 10 heures 15, est reprise à 10 heures 35.)
2 M. Nice (interprétation): Intercalaire 62, s'il vous plaît. C'est une
3 résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous pouvons
4 brièvement parler de ce document. Cela exige le retrait complet et
5 vérifiable des forces de police et paramilitaires.
6 Est-ce que vous avez un commentaire à faire sur la période de temps qui
7 est évoquée ici?
8 M. Drewienkiewicz (interprétation): C'est daté du 10 juin, ce qui était la
9 date à laquelle nous étions autorisés à entrer au Kosovo. Et bien sûr,
10 nous sommes entrés au Kosovo avec les forces des Nations Unies et de
11 l'OTAN à partir du 12 juin. Et, ici, on donne compétence pour un
12 déploiement au Kosovo d'une mission des Nations Unies pour le Kosovo.
13 Question: Entre temps, les seules informations qui vous arrivaient étaient
14 des informations fragmentées, n'est-ce pas?
15 Réponse: Moi, je suis en resté en Macédoine jusqu'à la fin du mois d'avril
16 1999. C'est à ce moment-là que je suis rentré au Royaume-Uni et je suis
17 revenu en Macédoine, le vendredi 11 juin; et je suis entré au Kosovo avec
18 la KFOR, le tout premier jour, en tant qu'officier de liaison
19 supplémentaire.
20 Question: Un certain nombre de choses sur ce que vous avez pu découvrir à
21 Pristina lors de votre arrivée: le quartier général de la police se
22 trouvait là. Nous sommes au paragraphe 282.
23 Réponse: Oui. Lors de la première journée que j'ai passée au Kosovo, j'ai
24 fait mon entrée au Kosovo, à bord d'un véhicule. Le lendemain, il devait
25 s'agir du dimanche 13 juin. A ce stade, un certain nombre de personnes
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1 s'installaient dans le quartier général de la police qui se vidait
2 rapidement, et c'est à ce moment-là que l'on a découvert des instruments
3 de torture dans la cave et dans les cellules du quartier général de la
4 police du Kosovo.
5 Question: "Les instruments de torture", c'est une appellation assez large.
6 On peut penser à l'époque médiévale, à l'époque concentrationnaire. Vous
7 pourriez être plus précis?
8 Réponse: Des bâtons, des matraques, des câbles électriques qui pouvaient
9 être enroulés sur certaines parties du corps. Il s'agissait de ce type
10 d'instruments.
11 Question: Vous parlez de fils électriques, donc de câbles électriques?
12 Réponse: Oui, il y avait beaucoup de câbles utilisés pour l'informatique,
13 pour l'équipement électrique et informatique. Ces câbles passaient par le
14 quartier général du corps de Pristina et arrivaient dans la cave du "Grand
15 Hôtel". Et c'est dans la cave du "Grand Hôtel" que j'ai tenu mes premières
16 réunions avec les officiers de la VJ pour discuter du plan de retrait des
17 forces serbes.
18 Question: Pour appeler un chat un chat, est-ce que ce réseau de câbles
19 était un réseau assez important?
20 Réponse: C'était un réseau qui permettait la circulation d'une grande
21 quantité d'informations. Est-ce que c'était de l'information qui traitait
22 particulièrement de ce qui se passait dans l'hôtel, ou est-ce que
23 c'étaient des informations qui permettaient la coordination d'opérations
24 menées par le Corps de Pristina et dirigées depuis le quartier général du
25 Corps de Pristina? Tout est possible. Apparemment, cela se produisait dans
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1 la cave du "Grand Hôtel" et cela permettait la protection de ce système de
2 toutes attaques aériennes. C'est une hypothèse.
3 Question: Avant que nous ne regardions la dernière demi-douzaine de
4 pièces, il y a deux commentaires généraux que je voudrais obtenir de vous
5 sur des sujets que nous n'avons pas encore évoqués.
6 Ce qui m'intéresse, ce sont les paramilitaires. Au cours de votre séjour
7 sur place, quelle était votre perception des activités des groupes
8 paramilitaires serbes?
9 Réponse: Ils étaient capables de surgir très rapidement où que ce soit
10 dans la région. Ils surgissaient très rapidement et moi, j'avais
11 l'impression qu'ils n'arrivaient pas toujours de l'extérieur du Kosovo
12 pour couvrir des opérations spécifiques. Et il semblait qu'il y a une zone
13 à partir de laquelle ils opéraient à l'intérieur du Kosovo; c'est ce qu'il
14 m'a semblé.
15 Question: Vous nous avez déjà parlé de cela, nous n'allons pas rentrer
16 dans plus de détails.
17 Réponse: Oui.
18 Question: Est-ce que vous avez pu établir un schéma selon lequel les
19 événements se produisaient? Schéma qui vous aurait permis de comprendre
20 comment ces groupes étaient dirigés, comment ils étaient contrôlés?
21 Réponse: Non, pas vraiment.
22 Question: En combien d'occasions avez-vous pu observer les paramilitaires?
23 Pourriez-vous être assez précis?
24 Réponse: La seule où j'ai été confronté à eux directement, c'est lorsque
25 nous avons dû traverser ces barrages routiers au début du mois de janvier.
Page 2972
1 Mais il y a eu d'autres incidents qui nous laissaient penser que ces
2 paramilitaires étaient vraiment assez actifs. Et souvent, des incidents se
3 produisaient au cours de la nuit au cours de laquelle des personnes
4 étaient tuées. Leurs corps étaient ensuite retrouvés là où on les avait
5 laissés. Il s'agissait parfois d'Albanais dont ils disaient qu'ils étaient
6 loyaux vis-à-vis de Serbes ou des Serbes dont il avait été dit qu'ils
7 avaient manifesté une certaine amitié à l'égard des Albanais. Mais il y
8 avait à peu près quatre assassinats de ce type par semaine pendant toute
9 la période que nous évoquons, et jamais toute la lumière n'a pu être faite
10 sur ce type d'incident.
11 Question: Vous n'étiez pas vous-même à même d'établir des liens entre ces
12 événements et les paramilitaires, n'est-ce pas? Vous essayiez simplement
13 de tirer des conclusions à partir des éléments dont vous disposiez?
14 Réponse: C'est une conclusion que je tire. Et cela correspond un petit peu
15 à ce schéma qui a pu être observé dans le cadre d'autres campagnes
16 d'insurrection de ce type. Il y a toujours des groupes paramilitaires qui
17 se constituent. Il y a toujours des assassinats qui ont lieu dans ce
18 cadre. Et il y a généralement une menace très réelle qui pèse sur les
19 personnes considérées comme des informateurs ou comme des personnes qui
20 entrent en contact avec l'ennemi.
21 Question: Très bien.
22 Nous en venons maintenant au paragraphe 283. Vous avez fait état de
23 l'analyse qui était la vôtre des différents types de personnes qui
24 constituaient les rangs de l'UCK. Pourriez-vous nous rappeler tout cela
25 brièvement?
Page 2973
1 Réponse: Je dirais qu'il y avait toutes sortes de personnes au sein de
2 l'UCK; certains étaient de petits criminels, d'autres étaient des
3 personnes qui avaient pris les armes pour des raisons idéologiques. Et le
4 degré de contrôle qui existait variait de façon assez importante.
5 Certains commandants, si nous allions les voir pour leur demander de faire
6 quelque chose, accédaient parfois à notre demande. Alors que d'autres
7 commandants disaient: "Ecoutez, peut-être…", et puis finalement ils nous
8 disaient: "Ecoutez, vous savez, c'est très difficile de contrôler les
9 nôtres". Donc il y avait une gamme assez large de profils de membres de
10 l'UCK. Il y avait ceux qui étaient des criminels et qui prenaient par des
11 actes criminels, et il y avait également des personnes qui pensaient
12 qu'elles vivaient sous un régime d'oppression qu'elles souhaitaient
13 renverser pour changer leur mode de vie.
14 Question: J'aimerais bien que vous me donniez maintenant des réponses
15 affirmatives ou négatives. Est-ce que vous pensez que les éléments, les
16 petits criminels qui existaient au sein de l'UCK étaient plus nombreux
17 dans la région de Pec?
18 Réponse: Tout à fait. J'ai eu des contacts avec les commandants de l'UCK
19 qui se trouvaient dans la zone et c'était les commandants dont il était le
20 plus difficile d'obtenir quelque chose, dont il était notamment difficile
21 d'obtenir qu'ils se tiennent à un accord.
22 Question: Vous avez également déclaré qu'il y avait une réelle autonomie
23 locale dont jouissaient les commandants locaux?
24 Réponse: C'est exact. Ils avaient tous le droit de faire tout ce qui leur
25 semblait nécessaire, notamment s'ils se sentaient menacés. C'est une
Page 2974
1 définition assez large de leur mission.
2 Question: Donc alors qu'au moment de la libération des prisonniers -les
3 huit soldats de la VJ-, le commandement de l'UCK avait donné des
4 assurances. En fait, ces assurances auraient été plus difficiles à
5 respecter pour ceux qui se trouvaient dans les échelons inférieurs de la
6 chaîne de commandement?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Il nous reste un certain nombre de documents à examiner, très
9 peu.
10 Intercalaire 63, référence 2808 du Bureau du Procureur: une simple
11 chronologie des évènements. C'est véritablement un document de référence
12 pour nous-mêmes et pour la Chambre, donc inutile d'en parler plus en
13 détail, il s'agit d'une chronologie que vous avez établie et relative aux
14 événements concernant l'OSCE?
15 Réponse: Oui, je l'ai rédigé le 4 mai 1999.
16 Question: Si nécessaire, on pourra s'y référer. Prenons simplement note du
17 fait que ce document existe.
18 Maintenant, nous allons passer à l'intercalaire n°64. Il s'agit en
19 l'occurrence d'un mémorandum intitulé "Principales questions traitées lors
20 d'une réunion du 29 décembre".
21 Réponse: Oui. Je crois que nous y avons fait référence précédemment. Il
22 s'agit d'une réunion qui a eu lieu en mon absence. C'est pourquoi
23 Maisonneuve était présent pour me remplacer. Ciaglinski était présent,
24 donc vous pourrez lui en parler.
25 Question: Oui, effectivement, on pourra en parler avec Ciaglinski
Page 2975
1 lorsqu'il viendra déposer la semaine prochaine, je crois.
2 Intercalaire n°65, référence du Bureau du Procureur 2810. Des pages 4 à
3 10, nous avons un tableau qui reprend les incidents de non-conformité des
4 accords.
5 Réponse: Oui, il s'agit d'un accord que nous avons établi à l'intention du
6 Président en exercice à Vienne, pour que tous les éléments soient
7 rassemblés dans un même document plutôt que sur des documents différents.
8 Question: Veuillez, s'il vous plaît, le placer sur le rétroprojecteur.
9 Surtout la première page qui est assez parlante pour l'ensemble du
10 document.
11 Réponse: Oui, en fait, c'est la page suivante. Peut-être même n'avons-nous
12 pas le bon document pour l'instant? Page 4, je crois.
13 Question: Ici, on peut voir que "le 20 janvier, le MUP a encerclé deux
14 maisons qui étaient soupçonnées d'abriter des membres de l'UCK. Mise en
15 place d'un cessez-le-feu. Tirs d'armes légères: le MUP tire sur des
16 maisons, deux hommes à l'intérieur sont tués".
17 Et la colonne de droite indique les incidents de violation des accords
18 pour les événements que nous avons évoqués hier, n'est-ce pas?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Intercalaire n°66. Il s'agit du compte rendu d'une conversation
21 téléphonique que vous avez eue avec le général Loncar. Quelle est
22 l'importance de cette conversation?
23 Réponse: Ceci précédait les tentatives que nous avons faites pour aller
24 dans les casernes vérifier les effectifs. L'essentiel de cette
25 conversation, c'est que Loncar nous a demandé de reporter tout cela, car
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1 tout serait réglé lors d'une réunion entre Walker et Sainovic; en fait, ce
2 n'est pas ce qui s'est passé. Mais voilà donc l'objet de cette
3 conversation téléphonique.
4 Question: Intercalaire n°67, référence du Bureau du Procureur 2812. "23
5 décembre 1998 -on revient donc un petit peu en arrière-: réunion avec le
6 colonel Marinkovic". Importance de cette réunion, s'il vous plaît?
7 Réponse: Ceci avait lieu après la sortie des premières unités des casernes
8 pour se rendre sur l'aérodrome se situant au sud de Podujevo. Nous sommes
9 allés à cet endroit. Nous sommes allés auprès des unités, nous avons
10 demandé à voir les officiers qui commandaient ces unités, leur demandant
11 ce qu'ils faisaient à l'extérieur des casernes, alors qu'un accord
12 stipulait que les soldats ne devaient pas sortir de leurs casernes.
13 Ceci a marqué le début d'une série d'événements qui se sont poursuivis par
14 les sorties de plus en plus fréquentes des soldats de leurs casernes. On a
15 gardé une trace écrite de ce document ou de cette réunion plutôt, à ma
16 demande. C'est le document que nous avons sous les yeux.
17 Question: Intercalaire n°68: déclaration relative à la filière de
18 conservation des documents.
19 Veuillez, s'il vous plaît, placer l'original sur le rétroprojecteur, très
20 brièvement. Ensuite, on regardera ensuite la version en anglais.
21 Référence du Bureau du Procureur 1320.
22 Réponse: Ceci nous présente la situation en matière de sécurité à la fin
23 septembre 1998. Il s'agit d'une période pendant laquelle je n'étais pas
24 présent mais, à ce moment-là, on a procédé à l'évaluation suivante: la VJ
25 et le MUP estiment qu'ils ont une position dominante par rapport à l'UCK,
Page 2977
1 et ils ont détecté la présence d'éléments de l'UCK dans la région de
2 Kacanik, au sud. Mais nous, quand nous nous sommes rendus sur place, nous
3 n'avons pas remarqué une telle présence, plus tard, cette année-là.
4 M. Nice (interprétation): Passons à la pièce suivante: intercalaire 69;
5 référence du Bureau du Procureur 2686. Ce document ne présente pas de
6 déclaration relative à sa provenance/
7 M. le Président (interprétation): Justement, il y a quelque chose que je
8 souhaite évoquer avec le Général.
9 S'agissant de l'intercalaire 68, je souhaiterais votre aide pour parvenir
10 à interpréter ce document: le principal paragraphe. Est-ce que vous voyez
11 de quoi je parle?
12 M. Drewienkiewicz (interprétation): Oui.
13 M. le Président (interprétation): Examinez le paragraphe principal.
14 Inutile de le placer sur le rétroprojecteur. Cela se trouve au milieu du
15 document.
16 On parle de la situation en matière de sécurité sur le territoire, une
17 situation qui reste complexe et qui est pire à certains endroits. On donne
18 ensuite le nom de ces villages, sur un certain axe. Ensuite, on poursuit
19 en disant -je cite-: "Au cas d'actions de la part de la VJ et du MUP sur…
20 -ensuite, on donne les noms des deux villages- et sur la ligne définie par
21 ces villages, on peut s'attendre à ce que le territoire dans son ensemble
22 se retrouve le long d'une ligne." (Fin de citation.)
23 Qu'est-ce que cela veut dire exactement cette ligne? On retrouve cela dans
24 d'autres documents?
25 M. Drewienkiewicz (interprétation): Le long d'une ligne. En fait, c'est
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1 sans doute la zone où l'on peut s'attendre à trouver les personnes
2 concernées. Lorsque l'on est dans une zone où il y a des insurgés, on a
3 une idée assez précise de l'endroit où on va rencontrer ces insurgés, on a
4 aussi une idée assez précise de l'endroit où la situation est moins tendue
5 qu'ailleurs. Ceci est important pour les forces de sécurité qui disposent
6 de cartes où il y a des points colorés ou des zones colorées, ce qui
7 signifie que quand on va dans telle ou telle zone, il ne faut jamais aller
8 dans un seul véhicule, toujours deux véhicules, avec radio, armes, etc..
9 Alors qu'en dehors des zones concernées, la situation en matière de
10 sécurité est sans doute beaucoup moins préoccupante.
11 Nous aussi, nous avons défini des zones de ce type sur la carte car il y
12 avait des zones où nous savions que l'UCK se trouverait très probablement,
13 et il y avait aussi des zones où il serait présent mais de manière moins
14 fréquente.
15 Définir une zone comme une ligne, bien entendu, manque de précision mais
16 ceci donne au commandant qui va se rendre sur zone l'idée de l'endroit à
17 partir de quel point il convient de s'armer, à partir de quel point il
18 convient de passer à un stade d'alerte plus intense, à l'endroit auquel il
19 convient de demander aux soldats mettre leur casque et d'abandonner leur
20 béret. Voici donc le genre d'information que cela donne.
21 M. le Président (interprétation): Merci.
22 M. Nice (interprétation): Pièce à conviction 2686, intercalaire n°69. Nous
23 parlerons de la source de ce document ultérieurement. Veuillez, s'il vous
24 plaît, placer rapidement l'original sur le rétroprojecteur, ensuite la
25 traduction.
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1 M. Drewienkiewicz (interprétation): Eh bien, nous avons ici un rapport du
2 MUP qui rapporte le fait que deux des policiers, qui ont été détachés au
3 Kosovo, donc ces deux policiers en ont assez, ils ont décidé de rentrer
4 chez eux. C'est un rapport qui est en date du 20 novembre. Ceci montre
5 qu'il existait des problèmes au sein des forces de police en matière de
6 moral des troupes, et ceci dès le mois de novembre.
7 Question: Intercalaire n°70, référence 1563 du Bureau du Procureur: il
8 s'agit d'un de nos rapports qui peut se révéler utile si l'on souhaite se
9 faire une idée du nombre de membres de la KVM, le 2 janvier.
10 Réponse: Oui, on constatera que la KVM comptait 92 personnes sur place.
11 M. Nice (interprétation): Intercalaire 71, ce sont des photographies. Et
12 l'intercalaire 72, c'est un document que vous n'avez pas eu l'occasion de
13 voir avant Pâques.
14 Une fois encore, il conviendra de consacrer un document à l'origine de ce
15 document, à l'intercalaire 72. Mais je crois que c'est un document que
16 vous avez pu voir rapidement, hier matin?
17 M. Drewienkiewicz (interprétation): Oui, il s'agit d'un document intitulé
18 "Etat-major général de l'armée yougoslave, document confidentiel et
19 secret, mémorandum à l'intention des membres de l'armée yougoslave engagés
20 sur le territoire touché par les sabotages terrorises". C'est document qui
21 date de juin 1998.
22 M. le Président (interprétation): Il nous manque un exemplaire.
23 M. Nice (interprétation): Seulement un exemplaire?
24 M. le Président (interprétation): Vous pourrez nous donner cet exemplaire
25 plus tard.
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1 M. Nice (interprétation): Pouvez-vous nous donner vos commentaires sur ce
2 document?
3 M. Drewienkiewicz (interprétation): Eh bien, je vais surtout parler de la
4 dernière page du document qui stipule ce qu'il faut faire avec ce
5 document. On y voit que "ce document doit être envoyé aux compagnies, aux
6 groupes, aux sections, c'est-à-dire les groupes de 30 ou 40 hommes qui se
7 trouvent dans des zones où il y a des activités de sabotage et de
8 terrorisme".
9 Question: Ne lisez pas trop vite.
10 Réponse: Excusez-moi. Je poursuis la lecture. "Communiquer l'ensemble du
11 document aux autres membres de l'armée du territoire où il y a des actions
12 terroristes et préparer les hommes et les unités à mettre en place les
13 procédures prescrites. Les officiers qui occupent des postes de
14 commandement seront responsables de la mise en place cohérente de
15 l'ensemble de ces instructions".
16 Ceci signifie qu'il y avait un certain nombre de règles à suivre pour
17 faire face aux insurgés et que ces instructions, elles, ont été transmises
18 tout le long de la chaîne de commandement.
19 Revenons au premier paragraphe du document, page 2: "Procédure à suivre
20 par les membres de la VJ dans les zones menacées par les activités de
21 sabotage et de terrorisme".
22 Si on passe au 4e alinéa: "Prendre des mesures fermes pour prévenir le
23 comportement indigne d'un militaire, des hommes, des unités et des
24 commandements".
25 Si on poursuit la lecture, là où il y a des points, un certain nombre de
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1 points relatifs aux combats contre les terroristes: "Lorsque les groupes
2 hostiles lancent des actions à partir de sites fortifiés ou de zones
3 habitées, après avoir prévenu qu'il y aurait utilisation des armes
4 d'artillerie, procédez à un tir sélectif." (Fin de citation.)
5 Le terme de "sélectif" m'inquiète parce que, de par ce document, on donne
6 la possibilité d'utiliser des armes d'artillerie contre des villages. On
7 accepte ce genre de pratique. Voilà le genre d'instructions qu'il est
8 dangereux de donner à de jeunes officiers.
9 J'ignore s'ils recevaient d'autres instructions, mais, en tout cas, je
10 n'ai jamais vu de tels documents circuler dans les forces armées où j'ai
11 servi. Je pense que cela donne trop de marge de manśuvre aux hommes qui
12 sont sur le terrain. C'est un document très dangereux.
13 Si l'on passe au paragraphe 3, on voit qu'ici il s'agit de ce qu'il
14 convient de faire avec les terroristes qui se constituent prisonniers.
15 Et au paragraphe suivant, on dit que les terroristes en question doivent
16 être arrêtés -ce qui est tout à fait normal-, mais plus bas, dans le
17 document, on voit une liste de ce qu'il est interdit de faire. A la page
18 suivante, je crois.
19 "Les actions suivantes sont interdites: tuer les personnes arrêtées, leur
20 infliger des sévices physiques, profanation des cadavres, voler ou
21 dévaliser les personnes les personnes arrêtées, etc., atteintes à la
22 dignité humaine, viol, prostitution forcée." (Fin de citation.)
23 Il est donc clair que la chaîne de commandement avait donné des ordres
24 selon lesquels les personnes qui souhaitaient se constituer prisonnières
25 pouvaient le faire. Ce qui me semble ne pas correspondre au nombre très
Page 2982
1 important, au pourcentage très élevé de morts que l'on constatait, suite à
2 tous les incidents. Parce que, généralement, on constatait qu'il y avait
3 100 tués pour 9 blessés et 8 personnes capturées, ou quelque chose comme
4 cela. Ce genre de pourcentage est très élevé si l'on a décidé, dès le
5 départ, de gracier les personnes qui se sont constituées prisonnières.
6 Paragraphe 4: "Il faut éviter d'utiliser les armes d'artillerie et les
7 autres armes contre les personnes qui ne présentent aucune résistance,
8 contre les lieux de culte, etc.".
9 Voilà la situation telle qu'elle est souhaitable, en temps de guerre, mais
10 je souhaite attirer votre attention sur le terme "s'efforcer de", parce
11 qu'on devrait trouver dans ce genre de documents le libellé suivant: "Tous
12 les efforts doivent être entrepris pour…". "S'efforcer de" est un terme un
13 petit peu insuffisant, me semble-t-il.
14 M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si nous avons le droit, mais
15 peut-être pourrait-on placer l'original, qui est en cyrillique, sur le
16 rétroprojecteur. Et si cela est autorisé, peut-être pourrait-on demander
17 aux interprètes de traduite cette phrase en cyrillique tout de suite?
18 Comme cela, on aurait une traduction exacte et précise de ce qui figure
19 ici, puisque le document en anglais n'est qu'un projet de traduction. Est-
20 ce que nous avons le droit de le faire, Monsieur le Président?
21 M. le Président (interprétation): Je crois que vous avez le droit de le
22 faire, mais je ne sais pas si cela peut être fait.
23 M. Nice (interprétation): Il me semble ici qu'on insiste sur un terme bien
24 précis. Donc je souhaiterais que cela ne donne lieu à aucune contestation.
25 M. le Président (interprétation): La seule façon de procéder est de placer
Page 2983
1 le texte sur le rétroprojecteur.
2 M. Nice (interprétation): Oui.
3 M. le Président (interprétation): Est-ce que le document est posé sur le
4 rétroprojecteur?
5 M. Nice (interprétation): Oui, il s'agit de la première ligne du
6 paragraphe. Je ne sais pas si les interprètes sont en mesure de lire ce
7 qui est écrit ici?
8 M. le Président (interprétation): Je devais demander aux interprètes de
9 traduire la première ligne. Est-ce que c'est ce qui suit immédiatement le
10 chiffre 4, Monsieur Nice?
11 M. Drewienkiewicz (interprétation): Non, c'est le paragraphe qui suit tout
12 de suite.
13 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'est ce que vous souhaitez:
14 le paragraphe qui suit immédiatement le point 4?
15 Bien. Je vais demander aux interprètes de nous traduire cela.
16 Interprète: La procédure à l'égard des biens matériels et des citoyens
17 pendant les opérations de combat: "Au cours des opérations de combat, il
18 faut essayer d'éviter l'utilisation des armes vis-à-vis des citoyens qui
19 ne résistent ni vis-à-vis des lieux de culte."
20 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup.
21 M. le Président (interprétation): C'est cela: le terme est donc "essayer".
22 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup. Merci, mon Général. Nous allons
23 maintenant…
24 M. Drewienkiewicz (interprétation): Pourrait-on revenir au document, s'il
25 vous plaît?
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1 Question: Oui.
2 Réponse: Paragraphe 5: en dessous du paragraphe que nous venons de
3 traiter, on peut lire ici que "lorsque les citoyens participent à des
4 actions armées avec les terroristes et les saboteurs, quand ils les
5 hébergent, quand ils les nourrissent, quand ils leur fournissent des
6 munitions et des armes, à ce moment-là, tout le monde doit être considéré
7 comme des membres d'unité de sabotage et de terrorisme. Tout le monde
8 devrait être traité comme membre de telles unités".
9 Voici une formulation qui me paraît extrêmement risquée, qui me paraît
10 très dangereuse venant de la part d'un état-major. Et tout juriste
11 spécialisé dans la partie militaire refuserait immédiatement ou
12 contesterait ce type d'ordre, parce que cela donne l'autorisation à ceux
13 qui se trouvent sur le terrain de considérer quelqu'un, dont la maison a
14 été occupée par des terroristes, de considérer cette personne donc, comme
15 un terroriste.
16 Au paragraphe suivant, on peut citer ce qui figure ici -je cite-: "Si les
17 écoles, les hôpitaux, les lieus de culte ou les sites industriels sont
18 utilisés par les groupes de sabotage et de terrorisme, il faut également
19 les considérer comme appartenant ou s'incorporant à ces unités
20 terroristes."
21 Une fois encore, ici, nous avons une phrase tiroir, une phrase extrêmement
22 générale qui semble indiquer que si l'on repère un groupe de terroristes
23 -mettons près d'une mosquée-, ceci permet, autorise l'attaque contre
24 ladite mosquée. Or moi, j'estime que ce n'est pas la manière de procéder
25 lorsqu'on donne des instructions à des soldats.
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1 Dernière chose, paragraphe 5.2: on voit ici les procédures concernant les
2 saboteurs et terroristes blessés et malades. On voit qu'il convient de
3 leur administrer les premiers secours et c'est tout à fait normal.
4 Mon commentaire sur la totalité du document: il faut se rappeler de la
5 situation, à cette période de 1998, au milieu des Balkans. On connaît les
6 événements qui ont eu lieu de 1992 à 1999 et, de ce fait, ce document est
7 un document assez négligemment rédigé, pas assez strictement rédigé.
8 Je pense que ce document aurait dû être beaucoup plus précis dans sa
9 formulation mais, même dans sa formulation telle quelle, je pense que ses
10 instructions pourtant assez générales ont à, plusieurs reprises, été
11 violées. A ma connaissance, jamais aucun officier supérieur ne s'est vu
12 réprimandé ou sanctionné pour avoir contrevenu à ces instructions,
13 pourtant assez peu spécifiques et sévères.
14 M. Nice (interprétation): Merci. Avant que je n'en termine de
15 l'interrogation principale, je vais revenir à la question posée hier par
16 M. le Juge Kwon.
17 Ceci commence, à titre d'exemple, par l'intercalaire n°7. Et je dois dire
18 que nous allons vous fournir des déclarations qui identifient l'origine
19 des documents qui n'émanent pas de l'OSCE. Pour certains documents venant
20 de M. Milner, il y aura des déclarations jointes pour indiquer la
21 provenance du document, mais ce n'est pas le cas de l'intercalaire n°7.
22 Il est intéressant de constater -je ne l'ai pas fait hier- que si l'on
23 examine la dernière page de l'original de ce document -peut-être le Témoin
24 pourrait-il examiner ce document même s'il n'est pas capable de nous
25 apporter des précisions supplémentaires-, que la liste des personnes
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1 destinataires pour ce document comme beaucoup d'autres documents comprend
2 Milutinovic, Milosevic, Bulatovic, etc. Cela, on va le retrouver dans
3 d'autres documents. Et ces documents en question, ils ont été saisis dans
4 une maison à Pristina. Ils ont été donc saisis par un enquêteur. Je ne
5 vais pas donner le nom du propriétaire de la maison en question; nous ne
6 souhaitons pas que cela soit révélé.
7 Le document se présente de la manière suivante. L'intercalaire n°7 -le
8 document, je le tiens dans ma main droite-, il s'agit de petits cahiers.
9 Je vous les remettrai afin que vous puissiez les inspecter. Il faudra
10 décider de la manière de traiter ces documents. Le titre de ces deux
11 calepins est le suivant: "Conseil exécutif temporaire APKIM: conversation
12 avec les délégations étrangères". Et l'autre, qui figure à l'intercalaire
13 n°7, c'est: "Année 1, n°2: décembre 1998". Et le deuxième qui comporte les
14 intercalaires 16, 18, 20, 34 et 38; c'est le n°3 de janvier 1999.
15 J'ai préparé des photocopies des deux premières pages de ces documents. Le
16 n°2 va venir se placer à côté de l'intercalaire n°7, le document que nous
17 avons examiné. Cette page donc, cette première page, je souhaite que l'on
18 l'ajoute aux documents qui figuraient déjà à l'intercalaire n°7. Et
19 puisque le premier des documents qui émanent du deuxième calepin, c'est
20 l'intercalaire 10, je pense que cette autre feuille devrait être jointe
21 aux documents qui figurent à l'intercalaire n°10. Le Greffe nous a permis
22 de présenter les originaux des différentes pièces à conviction, ou du
23 moins les meilleurs originaux possibles plus tard, lorsque cela sera
24 possible.
25 En ce qui concerne ces petits livres, une fois qu'ils auront été
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1 inspectés, je me demande ce que l'on en fera. Les Juges donc vont examiner
2 ces documents.
3 Souhaitez-vous ensuite qu'on les verse au dossier immédiatement ou bien
4 ultérieurement? Pour le moment, ils sont, comme vous pouvez le constater,
5 maintenus ou reliés par une sorte d'élastique car il a été nécessaire
6 d'enlever la reliure originale pour procéder à la photocopie.
7 (Les Juges examinent les documents.)
8 M. le Président (interprétation): Nous vous remettons ces documents, on en
9 décidera plus tard.
10 M. Nice (interprétation): Merci, mon Général. On va maintenant passer au
11 contre-interrogatoire.
12 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, c'est à vous.
13 (Contre-interrogatoire du Témoin, M. Karol John Drewienkiewicz, par M.
14 Milosevic.)
15 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Drewienkiewicz, votre département
16 ou bien votre section chargée des opérations était au plus haut niveau de
17 la commission de vérification, n'est-ce pas?
18 M. Drewienkiewicz (interprétation): J'étais l'un des six chefs-adjoints.
19 Il y avait Walker, Keller était son principal adjoint, et les autres
20 adjoints bénéficiaient du même statut.
21 Question: Oui mais, moi, j'ai en vue le fait, l'explication que donnait la
22 personne dont vous venez de parler, je parle de l'ambassadeur Gabrielle
23 Keller, qui avait dit qu'elle avait toutes les responsabilités au sein du
24 service chargé des opérations. Est-ce que c'est bien exact?
25 Réponse: Moi, je relevais directement du chef de mission pour beaucoup de
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1 choses parce que le domaine dont je m'occupais évoluait très vite. Mais
2 lorsque l'ambassadeur Walker était absent, je relevais directement de
3 l'ambassadeur Keller puisqu'elle faisait office de chef de mission lorsque
4 M. Walker n'était pas là.
5 Question: Comment expliquez-vous, alors, l'affirmation de Mme Keller.
6 C'est son texte, je ne paraphrase pas: "La KVM qui soi-disant était une
7 organisation civile était de plus en plus militarisée". J'ai déjà parlé de
8 la question de la chaîne de commandement. Qu'est-ce que vous pouvez dire:
9 dans quelle mesure la mission était-elle militarisée et comment cette
10 chaîne de commandement fonctionnait-elle?
11 Réponse: Au début, il y avait beaucoup d'officiers qui ont été mis à
12 disposition de la Mission de vérification du Kosovo par leurs Etats
13 d'origine. Il s'agissait de militaires donc. Pourquoi? Pourquoi eux? Eh
14 bien parce qu'ils étaient disponibles rapidement. La nature de ces
15 organisations civiles veut que les civils, qui sont souvent des experts,
16 qui sont souvent des spécialistes, ont des emplois; et il ne leur est pas
17 possible de tout laisser en plan et de partir du jour au lendemain
18 participer à une nouvelle mission. Il faut qu'ils préviennent à l'avance
19 leurs employeurs, il faut qu'ils prennent les dispositions nécessaires.
20 Mais pour les militaires, c'est différent: on leur dit de prendre leur
21 paquetage et de monter dans l'avion. Moi, cela s'est passé en 6 heures en
22 ce qui me concerne. Si l'on demande de partir à très brève échéance, et
23 c'était le cas de ce qui s'est passé en l'occurrence, une des options qui
24 s'ouvrent, c'est de dire aux officiers de s'habiller en civil et de les
25 envoyer non armés sur place. C'est ce qui s'est passé en ce qui nous
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1 concerne.
2 C'était notre intention lorsque la mission a été mise en place et
3 lorsqu'on a organisé les élections. A ce moment-là, donc pendant cette
4 deuxième partie de l'année, on avait fermement l'intention de réduire la
5 présence militaire et de faire venir les spécialistes; mais cela demandait
6 de nombreux mois de préparation et, en attendant, il était nécessaire de
7 procéder rapidement et de mettre en place la mission très vite pour
8 qu'elle puisse être opérationnelle tout de suite.
9 Question: Si je vous comprends bien, les militaires ont été envoyés parce
10 que les civils ne pouvaient pas rompre leurs activités, alors qu'on
11 pouvait ordonner aux militaires de se rendre sur les lieux tout de suite.
12 Est-ce que c'est cela la substance même de votre réponse?
13 Réponse: Oui, c'est cela.
14 Question: A ce moment-là, j'ai une autre question. N'est-ce pas que c'est
15 exactement la même chose que pour les militaires, il est possible par
16 conséquent d'ordonner aux diplomates d'un niveau adéquat de les envoyer
17 sur les lieux? Et les pays de l'OSCE en disposent?
18 Où est la différence entre la possibilité d'affecter les militaires ou
19 d'affecter les diplomates sur les lieux voulus?
20 Réponse: La différence, c'est qu'ils sont beaucoup plus nombreux; c'est
21 que, de par leur formation, ils sont prêts à agir rapidement et ils sont
22 prêts à accepter des conditions de vie peu agréables. Nous, nous savions
23 que, sur place, nous ne rencontrerions pas tout le confort habituel,
24 surtout au début. Et au départ, le travail consisterait à mettre en place
25 des sites, à examiner la situation sur le terrain; on a pensé que, certes,
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1 les militaires n'avaient pas toutes les capacités diplomatiques possibles
2 et imaginables. En tout cas, ils étaient disponibles tout de suite et ils
3 étaient prêts à travailler dans une situation assez critiques. De ce fait,
4 la solution militaire, c'était mieux que l'autre solution qui consistait à
5 ne rien faire ou à voir les gens arriver au compte-gouttes.
6 Question: Et ne pensez-vous pas qu'en ce qui concerne cette décision
7 d'envoyer les soldats, c'était aussi la nature de leurs activités qui leur
8 étaient attribuées dans le cadre de leur mission, indépendamment de ce qui
9 a été défini entre la RSFY et l'OSCE?
10 Réponse: La décision d'envoyer des militaires est une décision qui a été
11 prise par chacun des Etats de l'OSCE, individuellement. Les décisions ont
12 varié d'Etat à Etat: certains Etats ont décidé d'envoyer des civils,
13 d'autres non. Il n'y a pas eu de décision prise à ce sujet au niveau du
14 Conseil permanent de l'OSCE; la seule décision prise à ce niveau était
15 qu'on souhaitait mettre en place la mission aussi rapidement que possible,
16 pour qu'elle compte vite les 2.000 membres prévus. Mais, comme vous l'avez
17 vu, cela a pris beaucoup de temps.
18 Je dois ajouter que l'une des choses que j'ai faites à la fin décembre et
19 au début janvier, c'était de faire un état des lieux pour voir où tout le
20 monde était, parce que nous savons que Vienne avait fait appel à un
21 certain nombre de personnes pour qu'elles viennent participer à la
22 mission, mais ces personnes ne semblaient pas faire leur apparition en
23 temps voulu.
24 Lorsque nous avons fait une vérification entre ceux qui étaient
25 véritablement sur le terrain et la liste qui nous avait été communiquée,
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1 nous avons constaté que nous avions 500 personnes, alors que nous pensions
2 en avoir 800. Mais il y avait 300 personnes qui avaient tout simplement
3 décidé de ne pas venir. Voilà un autre problème que l'on rencontre quand
4 l'on a affaire à des gens qui ne sont pas soumis à une chaîne de
5 commandement militaire. Certainement que ces gens-là, en regardant les
6 images aux nouvelles, à la télévision, ont décidé qu'ils ne viendraient
7 pas finalement.
8 Question: Nous allons faire un parallèle maintenant. Ceci, en me référant
9 à votre réponse.
10 Vous n'êtes pas sans savoir qu'avant que l'accord ait été signé sur la
11 mission de vérification, il y avait également une mission diplomatique qui
12 a été mise en place, qui était constituée des fonctionnaires des
13 ambassades, des diplomates que divers pays avaient à Belgrade et qui
14 étaient accrédités. C'était KDOM, n'est-ce pas: vous connaissez
15 probablement?
16 Réponse: Oui, et l'expérience m'a montré que ces missions d'observation
17 diplomatiques étaient souvent constituées d'un ou deux diplomates, avec un
18 grand nombre de militaires ou d'anciens militaires pour les accompagner.
19 Dans ces missions d'observation diplomatiques, on ne trouvait en vérité
20 que peu de diplomates. Je dirais que la proportion de diplomates, dans ces
21 missions, c'était maximum 25%.
22 Question: Merci beaucoup. C'était cela, justement, le point clé de ma
23 question. Même la mission diplomatique n'était pas une mission
24 diplomatique, mais elle était militaire d'après ce que vous venez de dire
25 parce que, de manière prédominante, elle se composait du personnel
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1 militaire, n'est-ce pas? C'est comme cela qu'il faut comprendre?
2 Réponse: Oui, mais sa mission était diplomatique, ce n'était pas une
3 mission militaire.
4 Question: Sur le plan nominatif, c'est vrai. Mais seriez-vous d'accord
5 avec moi quand je dis qu'il émane également de l'ambassadeur Keller?
6 Réponse: La gestion du personnel était autoritaire. Parfois, on décidait
7 de déplacer les gens de façon autoritaire, sans justification. On se
8 contentait simplement de dire que ces personnes étaient incompétentes. Et
9 là -et c'est ce qui est le plus important- sa position spéciale donnait à
10 ce service "un rôle prédominant dans tous les domaines, même en dehors de
11 sa compétence initiale". (Fin de citation.)
12 Question: Etant donné que vous-même, vous étiez chef de ce département
13 opérationnel, et comme Keller le dit, avec des responsabilités dans tous
14 les champs, y compris, donc, théorique, est-ce qu'on peut conclure que
15 vous-même, vous étiez un chef exécutif de la mission dans une certaine
16 façon?
17 Réponse: Je peux, en effet, vous confirmer que je me suis occupé de mener
18 à bien des missions ou des tâches qui n'étaient pas réalisées par
19 d'autres, même si, officiellement, cela ne faisait pas partie de mon
20 mandat. Pourquoi? Parce qu'il était important que ces tâches soient
21 accomplies et que le chef de mission à l'époque estimait que c'était
22 important.
23 Précédemment, j'ai parlé en détail des difficultés ou de la question de
24 traiter des actions de la police. A l'origine et officiellement, ce
25 n'était pas à moi de m'en occuper. Mais au départ, personne ne faisait
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1 rien à ce sujet, si bien que moi-même, j'ai pris l'initiative de m'occuper
2 de cela, j'ai étendu mon champ de compétences ou mon champ d'activités à
3 ce domaine-là parce qu'il m'apparaissait de plus en plus clairement, à moi
4 et à d'autres, que les activités de la police et les activités de l'armée
5 étaient de plus en plus convergentes. Et je crois que je suis devenu le
6 chef exécutif de la mission, en effet, parce que la mission a vu sa nature
7 évoluer.
8 On est passé d'une mission à long terme à une mission plus opérationnelle
9 qui réagissait aux événements qui avaient lieu sur le terrain. Et de ce
10 fait, le service dont je m'occupais était le mieux à même de prendre les
11 mesures nécessaires. Et c'est mon département qui, chaque soir, recevait
12 les rapports émanant des autres centres régionaux, des chefs des centres
13 régionaux. Nous rassemblions ces rapports à l'intention du chef de
14 mission. C'est donc les événements qui m'ont placé dans cette position, je
15 crois.
16 Question: Mais c'est justement comme cela que je le pensais. C'est la
17 raison pour laquelle je voulais vérifier ce que vous venez de me dire.
18 Vous étiez chef exécutif de la mission, en quelque sorte. Par conséquent,
19 vous avez toute la mission, les activités des missions sous votre
20 responsabilité.
21 Ceci dit, je voudrais vous poser une autre question. Vous venez de dire
22 que vous avez travaillé également sur les activités avec la police.
23 Pourquoi y avait-il du retard à ce niveau là? Nomination des assistants
24 pour la police?
25 Réponse: D'après ce que j'en ai vu initialement, la personne nommée à ce
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1 poste n'a pas été approuvée entièrement par l'OSCE à Vienne. On a donc
2 donné un autre nom pour occuper ce poste. Il est arrivé et il a été nommé
3 au poste en question à la fin décembre et au début janvier, et il est
4 arrivé sur place fin janvier.
5 Question: Cette personne, c'était un juriste italien, n'est-ce pas?
6 Réponse: Oui, effectivement. Celui qui est finalement venu, c'était un
7 juge italien, je crois.
8 Question: Et avant?
9 Réponse: Je n'ai jamais rencontré celui qui avait été désigné
10 précédemment. Je n'étais pas à Vienne lorsqu'il était lui-même à Vienne.
11 Question: Est-il vrai de dire, tout au moins ce qu'on a entendu et ce
12 qu'on pouvait lire également, que ce premier candidat a été rejeté parce
13 qu'il avait pris l'attitude qu'il fallait coopérer de manière courtoise
14 avec la police en Serbie? Est-ce que vous êtes au courant de cela?
15 Réponse: Oui, je l'ai entendu dire par des tiers.
16 Question: Et est-ce que vous supposez que c'est exact? Et jusqu'à quelle
17 mesure?
18 Réponse: Je pense qu'il vaudrait mieux poser la question aux personnes qui
19 se trouvaient à Vienne à ce moment-là. Oui.
20 Question: Ne pensez-vous pas étrange de rejeter un candidat car il avait
21 considéré qu'il fallait établir des rapports gentils, courtois, une
22 coopération correcte avec la police du pays, d'accueil de la mission?
23 Réponse: Je pense que tout le monde avait l'intention d'entretenir des
24 relations courtoises avec la police du pays où nous nous trouvions. Je ne
25 pense pas donc que ceci, comme vous l'indiquez, aurait été un motif de
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1 rejet de la candidature de la personne concernée. Tout le monde s'est
2 efforcé de faire preuve de courtoisie sur place. En tout cas, à cette
3 époque, au début, on observait la manière diplomatique de procéder, donc
4 je ne pense pas que l'on puisse dire que ce que vous avez indiqué puisse
5 constituer un motif de rejet d'une candidature.
6 Question: Il y a une explication qui figure ici et que je prends,
7 également, ce que Mme Keller avait dit: "L'organe responsable pour la
8 prise de décisions était le communiqué exécutif; en d'autres termes, le
9 chef de mission et ses adjoints. Au quotidien, à la mission, il y avait la
10 réunion du comité exécutive, une heure, trois fois par semaine et, au
11 cours de cette réunion, on discutait des questions importantes".
12 Etes-vous d'accord avec ce point de vue ou, éventuellement, auriez-vous
13 autre chose à nous dire?
14 Réponse: Quant à la teneur de ces réunions et, moi, je ne me souviens pas
15 qu'elles aient eu lieu simplement trois fois par semaine. Les réunions
16 avaient lieu tous les jours. La teneur de ces réunions était les problèmes
17 qui se posaient au jour le jour. Au début, on a parlé de la question de
18 mise en place rapide de la mission et, au fur et à mesure, de la
19 détérioration de la situation, on se concentrait lors de cette réunion sur
20 les questions opérationnelles. Il y avait d'autres réunions pour
21 lesquelles on se préparait à l'avance. Il s'agissait, par exemple, de
22 l'organisation des élections mais ce genre de réunions est passé un petit
23 peu au deuxième plan, au fur et à mesure que les événements se sont
24 envenimés.
25 Question: Mais il y a une contradiction que je vois dans l'explication qui
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1 suit. La principale conséquence de ce qui est mentionné ci-dessus, c'est
2 qu'il n'y avait absolument pas d'impartialité. "Dès le début, certains des
3 membres de la mission ont fait preuve d'une extrême agressivité envers les
4 autorités officielles?". Est-ce vrai ou non?
5 Réponse: Eh bien, cela dépend de la manière dont est défini le terme
6 "d'agressif". Nous avions fermement l'intention de faire en sorte que l'on
7 ne mette pas de limite à notre liberté de circulation car, autrement, nous
8 n'étions pas en mesure de faire notre travail. Si donc, au début, nous
9 avons fait preuve d'agressivité, c'est parce que nous souhaitions être,
10 aussi rapidement que possible, aussi vite que possible. Nous n'étions pas
11 toujours aussi diplomatiques que Mme Keller. Madame l'ambassadeur Keller
12 aurait souhaité que nous le soyons mais nous n'étions pas non plus des
13 diplomates.
14 Question: Ce n'est pas une question de mesure, s'il y avait un peu plus de
15 diplomates ou pas? Mais lui dit directement -et je cite-: "Les avantages
16 potentiels de la diplomatie ont été délibérément sacrifiés". Est-ce que
17 c'est vrai ou non? Etes-vous d'accord?
18 Réponse: Non, je ne suis pas d'accord. Nous avons été aussi polis que nous
19 le pouvions, étant donné que nous avions un travail à accomplir et qu'il
20 était important que ce travail soit accompli. Il est arrivé des moments où
21 les politesses et la courtoisie diplomatique devaient passer au second
22 plan vu l'urgence de la situation. Nous n'étions pas là pour que les
23 élections aient lieu dans dix ans. Nous étions là pour un an, dans le
24 cadre d'une mission d'un an. La mission se mettait en place beaucoup trop
25 lentement. La situation en matière de sécurité se détériorait au
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1 quotidien, et les représentants de votre gouvernement ne cessaient de
2 faire pression pour que nous augmentions nos activités, donc nous n'avons
3 pas toujours été diplomates. Et nous aurions peut-être été plus efficaces
4 si cela avait été autrement.
5 Question: Moi, je n'ai pas critiqué la diplomatie et sa courtoisie mais je
6 voulais simplement savoir si, éventuellement, il fallait avoir recours aux
7 moyens diplomatiques pour aboutir à une compréhension mutuelle, et puis
8 également créer la route pour aboutir à une solution diplomatique et
9 pacifique?
10 Réponse: Oui, cela se passait parallèlement. Au cours des mois de novembre
11 et décembre, en tout cas, quand l'ambassadeur Hill faisait tout ce qui
12 était en son pouvoir pour obtenir un accord distinct avec la communauté
13 des Albanais du Kosovo.
14 Question: Et à ce moment-là, je ne comprends pas comment vous comprenez
15 les explications de votre collègue qui travaille ensemble avec vous,
16 l'ambassadeur Keller, qui dit -je cite-: "Dans une atmosphère
17 constructive, il y a eu de nombreuses discussions et nous avons perdu
18 beaucoup de temps en discussions complètement inutiles au sujet de
19 l'évacuation médicale par hélicoptère. Nous n'avons jamais essayé
20 d'associer les Yougoslaves à notre travail".
21 Est-ce que c'est exact?
22 Réponse: C'est une façon de voir les choses. Il y a certaines de ces
23 questions que vous venez d'évoquer qui peut-être apparaissaient mineures,
24 mais on a estimé que c'était une manière d'établir un précédent et que
25 cela permettait de déterminer la bonne volonté des autorités.
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1 Et lorsqu'il paraissait impossible de trouver un accord sur ces questions
2 mineures, eh bien, ces questions prenaient plus d'importance du fait de
3 leur caractère symbolique. On avait l'impression que s'ils ne nous
4 autorisent même pas à faire venir un hélicoptère pour procéder à
5 l'évacuation des blessés, comment est-ce qu'on arriverait à un accord sur
6 des choses plus importantes?
7 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, vous venez de parler de cet
8 hélicoptère médical. Tout à fait par hasard, c'est une question qui m'a
9 été adressée, en personne, de la part de Walker, à l'époque.
10 C'est pourquoi je vous demande: êtes-vous au courant que moi-même, en
11 personne, à l'instant même où j'ai reçu cette question, j'ai répondu que
12 nous allions mettre à la disposition notre hélicoptère et que vous
13 pourriez l'utiliser justement pour des besoins que vous avez eus en vue.
14 Etes-vous au courant de cela?
15 M. Drewienkiewicz (interprétation): Oui, je suis au courant de cela, mais
16 ce n'est pas ce que nous cherchions à obtenir. Rappelez-vous: les Etats
17 membres de l'OSCE étaient très préoccupés par la sécurité des hommes et
18 des femmes qu'ils désignaient comme étant membres de cette mission. L'une
19 des toutes premières choses que nous avons faites, c'est de faire le bilan
20 des installations médicales qui existaient au Kosovo. Les installations
21 que nous avons vues nous ont beaucoup préoccupés. Suite à cela, nous avons
22 effectivement formulé la demande suivante: nous voulions un hélicoptère
23 médical, pleinement équipé, avec à son bord un médecin et un infirmier;
24 nous voulions que cet hélicoptère soit mis à notre disposition.
25 Et il a été passé un accord avec le Conseil permanent de l'OSCE; il a été
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1 établi qu'une somme assez importante d'argent serait consacrée à la
2 location d'un tel hélicoptère sur place. Cet hélicoptère est arrivé de
3 Skopje, il a été loué, il est resté sur le sol à Skopje.
4 Je crois que l'offre que vous aviez faite était une offre concernant l'un
5 de vos hélicoptères, qui aurait porté votre insigne et qui aurait été
6 extraordinairement vulnérable lorsqu'il se serait déplacé dans les zones
7 où l'UCK se trouvait. Vous savez qu'il y a eu des cas où des hélicoptères
8 avec votre insigne ont été effectivement atteints par des armes légères;
9 nous ne voulions pas nous trouver dans une situation où nous serions à
10 même d'être blessés. Cela aurait pu se produire si nous avions été évacués
11 dans l'un de vos hélicoptères; vous savez, il aurait pu y avoir un cas de
12 ce type si l'un de vos hélicoptères avait été touché.
13 Et puis, pour ce qui est de l'équipement médical qui se trouvait à bord de
14 vos hélicoptères, on ne peut vraiment dire qu'il s'agissait d'équipement:
15 il y avait un hélicoptère avec une civière à l'intérieur et nous ne
16 considérions pas que cet hélicoptère était doté de l'équipement dont nous
17 avions besoin. Cela ne correspondait pas à notre demande.
18 M. le Président (interprétation): Le moment est venu de faire une nouvelle
19 pause. Elle sera d'une durée de 15 minutes.
20 (L'audience, suspendue à 11 heures 50, est reprise à 12 heures 10.)
21 M. le Président (interprétation): Nous siégions pendant une heure, jusqu'à
22 13 heures 10. Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
23 M. Milosevic (interprétation): Compte tenu du fait de vos explications,
24 vous avez dit que vous aviez besoin de moyens de réanimation, d'un
25 équipement de qualité. Tout ce qui était indispensable a été offert de
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1 notre côté, sans véritablement diminuer tous vos besoins. Pourriez-vous me
2 dire si, éventuellement, cet hélicoptère aurait dû également servir à
3 d'autres fins et pas uniquement médicaux?
4 M. Drewienkiewicz (interprétation): L'hélicoptère pouvait contenir un
5 médecin, un infirmier, le pilote et le blessé. L'idée de l'utiliser pour
6 des missions d'observation ou de reconnaissance aérienne était
7 complètement inenvisageable.
8 Question: Et connaissez-vous, éventuellement, la déclaration de votre
9 vérificateur, un homme suisse, Pascal Neufer(phonétique)? "Nous avons
10 compris, depuis le tout début, que les informations rassemblées par la KVM
11 doivent compléter les informations de l'OTAN rassemblées par le satellite.
12 Nous avons eu l'impression que nous faisions de l'espionnage pour le
13 compte de l'OTAN."
14 Avant de répondre à cette question, nous allons économiser du temps, si je
15 me réfère tout de suite à cette deuxième question. Savez-vous que la
16 personne en question avait reçu les instructions de ne plus parler sur ce
17 ton-là. De toute façon, il avait également dit qu'on le menaçait?
18 Réponse: Il y a eu deux missions de vérification au Kosovo. L'une se
19 déployait sur le terrain, cette mission était placée sous la compétence de
20 l'OSCE. Et il y avait une mission de vérification aérienne qui était de la
21 compétence de l'OTAN.
22 Il était donc important, dans le cadre de notre mission, d'avoir des
23 contacts avec l'OTAN et d'échanger avec l'OTAN des informations. Nous
24 avons notamment été amenés à demander des photographies aériennes de
25 villages où il y avait eu des combats, où il y avait eu des maisons qui
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1 avaient été mises à feu. Cela nous a permis d'établir quels étaient les
2 villages qui avaient le plus besoin d'aide, notamment d'aide à la
3 reconstruction parce que, lorsque vous passiez à proximité des villages,
4 vous pouviez remarquer des bâtiments endommagés à la périphérie du village
5 mais, si vous preniez une photographie aérienne, vous vous aperceviez
6 qu'effectivement, il y avait une espèce de bande étroite, juste à
7 l'extérieur du village qui était la bande où les bâtiments étaient les
8 plus endommagés. La meilleure façon d'établir cette sorte d'information,
9 c'était de le faire avec des photographies aériennes et nous demandions à
10 l'OTAN de prendre ces photographies en notre nom. Cela correspondait tout
11 à fait à notre mission, à la mission de l'OTAN et nous ne demandions
12 jamais aux demandes de renseignements qui pouvaient nous parvenir de
13 l'OTAN.
14 Question: Je n'ai pas bien compris: oui ou non?
15 Réponse: Nous ne répondions pas aux demandes de l'OTAN qui visait à ce que
16 nous obtenions certains types de renseignements pour eux.
17 Question: Vous êtes général de l'OTAN?
18 Réponse: Je suis général au sein d'un pays membre de l'OTAN. J'étais
19 général jusqu'à ce que je prenne ma retraite. A l'époque, j'ai été désigné
20 comme membre de la KVM. J'ai été détaché par le ministère de la Défense
21 auprès du Bureau du Commonwealth britannique; de ce bureau, j'étais
22 détaché auprès de l'OSCE. Je n'occupais donc pas ce poste en tant que
23 général de l'OTAN et l'ambassadeur Keller n'était pas là non plus pour
24 représenter l'OTAN au plan diplomatique.
25 Question: Vous n'avez pas répondu à ma question que je vous ai posée.
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1 C'est peut-être de ma faute parce que ma question était trop longue et,
2 avant d'arriver à poser la question au sujet de l'hélicoptère… Mais la
3 question que je vous ai posée concerne l'affirmation de Keller: "Nous
4 n'avons jamais essayé, aux échelons supérieurs de la mission, d'associer
5 les Yougoslaves à notre travail".
6 Réponse: Excusez-moi, je ne comprends toujours pas la question.
7 Question: Est-il vrai de dire que vous n'avez jamais essayé à des échelons
8 supérieurs de la mission de mettre en coopération avec la partie
9 yougoslave et de leur parler de vos activités?
10 Réponse: C'est totalement erroné. Nous avons consacré une énergie énorme
11 dans le cadre de nos efforts visant à obtenir plus de coopération de la
12 part des représentants du gouvernement yougoslave, avec lesquels nous
13 étions en contact.
14 Un exemple précis: nous avons demandé à de nombreuses reprises aux
15 autorités, à la fin du mois de novembre et au début du mois de décembre,
16 un certain nombre de choses. On nous a dit que tout cela serait traité par
17 le vice-Premier ministre Sainovic et cela a conduit à une réunion entre
18 Sainovic et Walker. Lors de cette réunion, Sainovic a refusé tout net
19 toutes les demandes d'assistance qui avaient été formulées.
20 Cela était la manifestation de l'absence totale de coopération qui a été
21 manifestée par le côté yougoslave; je ne crois pas qu'on puisse parler de
22 manque de coopération de notre part.
23 M. Milosevic (interprétation): Je comprends parfaitement l'interprétation
24 qui est la vôtre, mais cette déclaration de Mme Keller, avec laquelle vous
25 êtes en désaccord et que vous considérez qu'elle n'est pas véridique du
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1 tout, elle concernait des niveaux élevés de la mission -et je cite-:"Dans
2 les centres régionaux, un tel travail était effectué; parfois il était
3 couronné de succès, ce qui montre bien que ce n'était pas là un défi
4 impossible à relever." (Fin de citation.)
5 Ceci veut dire que ce qui m'intéresse, c'est quelle est votre estimation
6 en ce qui concerne la coopération au niveau des centres régionaux et les
7 activités qui ont été développées à ce niveau-là? Les relations avec des
8 autorités locales?
9 M. Drewienkiewicz (interprétation): Je dirai qu'au niveau des centres
10 régionaux -et certainement au début de la mission-, les contacts
11 principaux étaient établis avec les commandants militaires locaux et les
12 commandants de police locaux. Les liens qui existaient avec les autorités
13 civiles ont pu être établis, mais sur plus de temps et c'était un peu plus
14 difficile. C'est quelque chose que nous avons essayé de mettre en place
15 alors que nous avons essayé de mettre en place le système d'inscriptions
16 électorales qui n'a pas été débuté pendant l'hiver parce que nous n'avions
17 pas d'expert à notre disposition à ce moment-là.
18 M. Nice (interprétation): Avant que l'accusé ne pose la question suivante,
19 Monsieur le Président, je voudrais demander s'il pose ses questions sur la
20 base de déclarations. Parce que, si c'est le cas, il serait bon que nous
21 sachions de quel type de déclarations nous parlons.
22 L'ambassadeur Keller a peut-être fait des déclarations. Si l'accusé veut
23 s'appuyer intégralement sur ces déclarations pour poser des questions au
24 témoin, il serait bon de savoir exactement ce dont il s'agit et que la
25 Chambre puisse en bénéficier.
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, de quoi tirez-vous
2 toutes ces déclarations de l'ambassadeur Keller?
3 M. Milosevic (interprétation): Déclarations de l'ambassadeur Gabrielle
4 Keller, données par l'assistant de l'ambassadeur Keller, le 5 mai 1999. Le
5 titre, c'est "L'OSCE et la KVM".
6 M. le Président (interprétation): Merci.
7 M. Milosevic (interprétation): Dans cette annexe que vous avez montrée, où
8 l'on parle de l'accord entre… C'est l'intercalaire n°2.2.
9 Je cite: "Responsabilités générales, rôles et missions." Tel est
10 l'intitulé du document. Ce rapport sera également fourni aux autorités de
11 la RFY.
12 Ensuite, sous le n°2, c'est marqué: "Ce rapport doit être remis à la FRY
13 et, si approprié, aux autres autorités, partis politiques et autres
14 organisations se trouvant au Kosovo. Cela doit également être donné aux
15 ONG accréditées, cela doit permettre de faire face à ses responsabilités."
16 (Intervention presque inaudible pour les interprètes.)
17 Et ensuite, à la toute dernière page, c'est marqué: "Chaque centre de
18 coordination établira une liaison avec les autorités des opstina et les
19 dirigeants locaux, etc."
20 Par conséquent, selon le règlement de la mission, vous avez été obligé
21 pratiquement de maintenir la coopération très étroite depuis le
22 gouvernement fédéral de Serbie, le gouvernement temporaire du Kosovo et
23 les autorités municipales.
24 Est-ce que vous considérez que, de votre côté, vous avez entrepris toutes
25 les démarches nécessaires pour établir ce type de coopération?
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1 M. Drewienkiewicz (interprétation): Oui.
2 Question: Et à ce moment-là, comment pouvez-vous interpréter cette
3 explication qui figure dans cette déclaration officielle -je cite-: "Un
4 très grand nombre de membres de la mission, qui ne donnaient pas leur
5 accord à ce comportement, se sentaient de plus en plus mal à l'aise au
6 sein de cette mission qui ne reflétait pas l'opinion des pays dont ils
7 étaient ressortissants." (Fin de citation.)
8 Réponse: Eh bien, je voudrais dire d'abord que je pense que cette
9 déclaration de l'ambassadeur Keller, faite auprès de groupes
10 d'observation, n'a pas été faite sous serment. Je pense que l'opinion
11 qu'elle profère est la sienne en mai 1999. Or, tous, à cette époque, nous
12 avions des opinions et des sentiments très variés et nuancés.
13 Ayant dit cela, je voudrais ajouter que l'OSCE est une organisation
14 reposant sur le consensus. Pour arriver à une décision à Vienne, tous les
15 pays membres doivent manifester leur accord à l'égard de cette décision.
16 Et si l'une quelconque des personnes participant à la mission avait
17 l'impression que quelque chose était fait qui allait à l'encontre de leur
18 opinion propre, elle avait tout à fait la possibilité de se tourner vers
19 sa délégation permanente à Vienne. Certaines personnes ont fait cela à de
20 nombreuses reprises; il arrivait que les lignes téléphoniques soient
21 constamment occupées par des coups de fil destinés à Vienne et qui
22 n'atterrissaient pas au secrétariat, mais qui atterrissaient sur le bureau
23 des délégations nationales.
24 Une partie non négligeable de notre travail consistait à nous pencher sur
25 les questions qui nous étaient posées par des membres individuels de
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1 délégation. Il y avait donc des mécanismes en place qui permettaient la
2 transmission de ce type d'information. Je le répète, cela était fait
3 fréquemment.
4 Question: Entendu. Mais tout à l'heure, nous avons fait un commentaire et
5 nous avons dit quelles étaient les raisons pour lesquelles le juge
6 italien, qui aurait donc dû être à la tête des activités de police,
7 considérait qu'il ne fallait pas être trop ferme en ce qui concerne
8 l'approche entre la mission d'un côté et la police de la Serbie; et que ce
9 candidat a été rejeté comme quelqu'un qui n'a pas été tout à fait bon pour
10 le travail en question?
11 Réponse: Je ne crois pas qu'il revenait à la KVM d'être particulièrement
12 souple dans son approche vis-à-vis de quelque personne que ce soit. Notre
13 mission était d'agir de façon neutre et impartiale. Notre mission était
14 d'évaluer la situation à laquelle nous étions confrontés. Et c'est que
15 nous avons fait.
16 Nous étions résolus à faire de la mission un succès. Nous n'étions pas sur
17 le terrain pour essayer de répondre aux demandes des uns et des autres,
18 nous étions sur le terrain pour vérifier un certain nombre de choses. Et
19 c'est ce que nous avons fait.
20 Question: Est-ce que vous considérez que cette affirmation se justifie?
21 Keller dit -je cite-: "Les communications n'étaient pas bonnes, que ce
22 soit au niveau interne ou externe. Au sein de la mission, peu de réunions
23 permettaient à tous les membres de se retrouver, peu de réunions
24 permettaient d'expliquer les objectifs et les fins visées par notre
25 mission. Vu de l'extérieur, c'était encore pire. L'équité manifestée par
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1 les membres de la mission était remise en question, et ce, depuis le tout
2 début. Jamais nous n'avons vraiment eu cette impression. Est-ce que nous
3 avons jamais essayé d'obtenir ce type de comportement, je ne le sais pas".
4 Moi également, je vous pose la question si vous l'avez essayé?
5 Réponse: Moi, je dirais que nous avons tout fait pour nous montrer
6 équitables et neutres. Il y a des documents qui établissent que, jusqu'en
7 mars 1999, nous essayions de nous prononcer en toute équité et neutralité
8 sur les actes des différentes parties au conflit. Nous avons fait
9 l'impossible pour nous en tenir à cette ligne de conduite.
10 Au début de notre mission, il y a eu des réunions. Les membres appartenant
11 à la mission faisaient leur apparition au fil des jours. Ils arrivaient au
12 centre de formation et on leur donnait tout de suite une réunion
13 d'information sur les objectifs de la mission? J'ai été moi-même présent à
14 certains de ces cours de formation, j'ai moi-même expliqué les fins visées
15 par la mission et les moyens mis à la disposition des membres de ladite
16 mission. Un certain nombre de chefs de mission, de chefs adjoints de
17 mission se sont également rendus au centre de formation pour s'entretenir
18 avec toutes les personnes qui s'y trouvaient.
19 Une fois que les membres de la mission se déployaient au sein des centres
20 régionaux, évidemment, il n'était plus très facile de les réunir tous pour
21 leur donner de nouvelles informations. Nous arrivions à réunir ceux des
22 membres se trouvant à Pristina, nous arrivions à les réunir de temps à
23 autre. Il était de la responsabilité des chefs de centres régionaux d'agir
24 de la même façon dans leur zone d'opération. Je sais qu'ils ont tout mis
25 en oeuvre pour essayer d'agir ainsi.
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1 Pour ce qui est du rapport d'information et de la transmission des
2 informations aux échelons supérieurs, eh bien, Vienne ne cessait d'avoir
3 des demandes changeantes quant au type de rapport qu'elle souhaitait
4 recevoir. Et nous essayions de nous conformer aux souhaits de Vienne.
5 Pour ce qui est de la mise à disposition des rapports aux autres
6 organisations, c'était également fait et nous accueillions toujours les
7 ONG lors de nos réunions matinales, qui se tenaient à 9 heures, et nous
8 leur donnions toujours un exemplaire de notre rapport de mise à jour. Donc
9 nous faisions tout notre possible pour diffuser l'information. Nous
10 l'avons fait dès le départ et dans la mesure de nos moyens. Nous l'avons
11 fait jusqu'aux tout derniers jours de notre présence, jours où le rythme
12 n'a cessé de s'accélérer, il ne nous a plus été possible d'agir comme nous
13 l'avions toujours fait.
14 Une fois que nous sommes arrivés en Madédoine, j'ai à nouveau fait le tour
15 de tous les postes où il y avait des vérificateurs et je me suis entretenu
16 avec tous ces vérificateurs. Nous avons dit à chacun ce que nous pensions
17 de la situation. Nous avons dit à chacun ce que nous pensions qui allait
18 se produire. Nous avons, je le répète, consacré beaucoup d'énergie à tout
19 cela.
20 Question: Vous, vous dites que vous avez déployé des efforts. Mais
21 déployer des efforts, mais d'un côté, le résultat, ce n'est absolument pas
22 la même chose; et je pense que vous ne me contredirez pas sur ce plan-là.
23 Est-il vrai d'affirmer que "au fur et à mesure, on se faisait une autre
24 image de nous-mêmes et de ce que nous sommes", l'image de la KVM, c'était
25 une image qui devait être anti-serbe, pro-albanaise et favorable à l'OTAN?
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1 Est-ce que cette constatation est exacte en ce qui concerne l'image que
2 l'on s'est faite sur vous, que rien n'a été fait pour remédier à cette
3 image?
4 Réponse: Je ne pense pas que c'était le cas car nous avons vraiment fait
5 tout notre possible, et même plus, pour établir des rapports sur les
6 événements dès qu'ils avaient lieu et de la façon aussi dépassionnée que
7 possible. Il y a eu des discussions au sein de la mission sur la manière
8 de décrire les actions de l'Armée de Libération du Kosovo. On a beaucoup
9 discuté de savoir s'il convenait de les qualifier d'insurgés, de
10 terroristes ou autres. C'est une discussion qui était très animée et qui
11 s'est poursuivie pendant assez longtemps. Vous vous souviendrez que, dans
12 le communiqué de presse qui a été publié après l'assassinat de trois
13 membres du MUP, au début janvier, cette action a été décrite comme un acte
14 terroriste. La discussion qui a eu lieu avant cela a été une discussion
15 très importante mais, en tout cas, c'est la décision que nous avons prise.
16 Je ne pense pas que nous étions anti-Serbes. Je crois que nous avons fait
17 tout notre possible pour comprendre les sentiments, la sensibilité de la
18 population serbe en dépit de ce que nous avons vu sur le terrain et,
19 notamment, du traitement que les policiers infligeaient à la population
20 albanaise.
21 Nous étions aussi chargés de la vérification d'un accord semblable avec
22 l'OTAN, si bien que nous devions rencontrer les membres de l'OTAN et
23 coopérer avec eux. Indéniablement, nous n'étions pas opposés à l'OTAN.
24 L'OSCE n'a pas à être opposée à l'OTAN. L'OTAN était un partenaire dans ce
25 processus.
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1 Question: Au moment où vous avez quitté le territoire du Kosovo, il y
2 avait une impression dont parle Mme Keller: "Quand nous avons quitté le
3 Kosovo, j'ai été très impressionnée de voir le nombre de vérificateurs qui
4 étaient très tristes de quitter un emploi ou une mission qu'ils avaient
5 accomplie de tout coeur pendant quatre mois. Ils pensaient qu'il aurait
6 fallu en faire plus pour améliorer la situation. Ils donnaient des
7 exemples des réussites, des petites réussites obtenues, en particulier au
8 niveau des centres régionaux. Je pense particulièrement à l'exemple de
9 Malisevo où de longues négociations ont eu lieu avec la VJ, les membres de
10 la mission et le MUP, ainsi que l'UCK, ce qui a conduit au retour d'une
11 partie importante de la population dans la ville. D'autres négociations
12 longues et difficiles, au sujet de la fréquence des patrouilles de
13 sécurité dans les villes, ont également amélioré la sécurité dans les
14 environs. A d'autres endroits, de patients efforts de la part de
15 vérificateurs ont amélioré les relations entre les communautés. Il
16 s'agissait d'un travail de très longue haleine, d'un travail très
17 difficile mais il aurait fallu beaucoup plus de temps pour que ces
18 changements mènent à une solution globale".
19 Seriez-vous d'accord avec les impressions qui ont été avancées par les
20 vérificateurs?
21 Réponse: Oui et je suis d'accord avec tout ce qui est dit dans cette
22 déclaration. Nous n'avons pas épargné nos efforts pendant tous ces mois,
23 parfois jusqu'à six mois passés sur place. Et beaucoup de choses ont été
24 faites aux échelons les plus bas, qui ont permis des réussites comme, par
25 exemple, à Malisevo où à la population est revenue chez elle. Nous y avons
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1 tous participé. Oui. Cependant, au niveau le plus élevé, nous ne cessions
2 de rencontrer une certaine résistance de la part des représentants
3 officiels qui nous compliquaient beaucoup la vie. Eux, ils n'ont pas
4 travaillé chaque minute, chaque seconde, pour améliorer la situation et
5 pour faciliter le travail des vérificateurs. Au contraire, nous avons
6 constaté que leur travail était entravé par les représentants officiels
7 qui leur compliquaient la vie. Si bien que les résultats obtenus l'ont
8 été, parfois en dépit de la réticence des représentants officiels.
9 Question: Etant donné que je sais très bien que le gouvernement n'avait
10 aucune intention d'entraver vos efforts, ma question serait la suivante.
11 Quel type de requête… Outre la demande concernant l'hélicoptère, il y
12 avait encore une autre requête concernant les armes, où on n'a pas répondu
13 comme vous l'avez souhaité de la part du gouvernement?
14 Réponse: A ces deux exemples, j'ajouterai la question des visas. Nous
15 avons demandé de bénéficier de visas qui permettent des entrées multiples.
16 Et je me souviens que lorsque mes vérificateurs ont été blessés, il y a un
17 blessé qui a été transporté jusqu'à la frontière de la Macédoine dans une
18 de nos ambulances. Nous avions l'intention de le remettre à une ambulance
19 de l'OTAN qui attendait de l'autre côté de la frontière.
20 Les infirmiers l'ont placé sur un brancard et on s'apprêtait, dans ce
21 brancard, à lui faire passer la frontière. A ce moment-là, vos
22 représentants officiels, le garde-frontière a voulu voir les papiers de
23 tous ceux qui portaient les brancards. Ils avaient des visas à entrée
24 unique et il leur a dit: "Eh bien, si vous traversez la frontière, vous ne
25 pourrez pas rentrer. Il faudra rester à Skopje en attendant d'obtenir un
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1 autre visa". Si bien que l'homme blessé a dû se mettre tant bien que mal
2 debout et traverser avec beaucoup de difficultés la frontière où
3 l'attendaient des infirmiers qui l'ont emmené à l'hôpital. Cela, ce
4 n'était pas un exemple de coopération sur le terrain, c'était une
5 véritable honte, ce qui s'est passé à ce moment-là!
6 Question: Moi, je n'ai pas l'impression qu'il s'agissait des problèmes
7 essentiels. Ce sont les choses qui arrivent. La question des visas a été
8 résolue, l'hélicoptère a été mis à votre disposition.
9 En ce qui concerne les armes, est-ce que vous savez que, dans cet accord,
10 il a été stipulé de manière explicite -et je vous ai donné la citation
11 tout à l'heure, vous l'avez citée dans l'intercalaire- que la mission n'a
12 pas été armée et c'est pourquoi on vous a refusé de l'armement? Etes-vous
13 au courant?
14 Réponse: Je suis au courant. Et la question des armes des personnes
15 accompagnant Walker pour assurer sa protection, cette question est devenue
16 particulièrement brûlante; ceci, en particulier, lorsque Walker a été
17 accosté dans la rue par un Serbe ivre qui tenait une grenade à la main, en
18 plein jour, à cinquantaine de mètres du poste de police. La police qui
19 était censée veiller au maintien de l'ordre semblait incapable de réagir à
20 cette situation et d'empêcher ce type d'événement de se produire. C'est ce
21 qui a suscité une certaine crainte de la part de Walker quant à sa
22 sécurité, si bien que nous avons continué à demander que son escorte soit
23 autorisée à porter des armes. Je pense que, vu les circonstances, c'était
24 une demande raisonnable étant donné l'incapacité des policiers sur le
25 terrain.
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1 Question: Nous avons des points de vue différents en ce qui concerne ce
2 sujet-là mais il est un fait, et moi, de toute façon, la question que je
3 vais vous poser serait la suivante: est-ce que qui ce soit des membres de
4 la mission avait été victime tout le long de votre séjour? Est-ce que les
5 forces du ministère de l'Intérieur vous ont rendu la sécurité et la
6 protection, y compris l'évacuation et toute autre obligation dont nous
7 nous sommes chargés en tant qu'Etat?
8 Réponse: Je peux attirer votre attention sur le moment où deux de mes
9 vérificateurs se sont vu tirer de leur véhicule. Ils ont été agressés par
10 vos policiers, là, et indéniablement, c'était un comportement inacceptable
11 de la part des policiers. Il s'agit là d'un exemple isolé mais c'est un
12 incident qui a effectivement lieu et je ne suis au courant d'aucune
13 enquête, d'aucune action disciplinaire qui ait suivi. Si bien qu'à la fin
14 de la mission, nous n'avions pas le sentiment d'être protégés par les
15 forces concernées et compétentes. Nous avions l'impression que ces forces
16 nous empêchaient d'accéder à certains lieux, les forces du ministère de
17 l'Intérieur et de l'armée.
18 Pendant l'évacuation, je souhaiterais dire que les choses ont eu lieu
19 correctement et que l'on nous a donné tous les moyens nécessaires au
20 moment de l'évacuation. On nous a notamment affecté des personnes, des
21 officiers de liaison du ministère de l'Intérieur avec des moyens de
22 communication; donc cela, oui, cela a bien été fourni.
23 Question: Je pense que c'était le cas dans d'autres affaires. Vous n'avez
24 pas cité d'autres exemples; vous avez cité juste le cas de ce policier,
25 vous ne savez même pas s'il avait été sanctionné ou non.
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1 Par conséquent, revenons à notre premier sujet. Keller dit: "Le niveau
2 d'agressions de la part de l'UCK reste élevé". Et ensuite, au début, elle
3 dit: "l'UCK n'a jamais, dans son intégralité, essayé de participer à
4 l'amélioration de la situation sur le terrain. Tout retrait de l'armée
5 yougoslave ou de la police serbe, était suivi par un mouvement en avant
6 des forces de l'UCK, si bien que la partie adverse considérait qu'il
7 s'agissait là d'une violation du cessez-le-feu. L'OSCE et sa présence ont
8 obligé les forces d'Etat à faire preuve d'une certaine retenue, du moins
9 au début de la mission. L'UCK a profité de ceci pour consolider sa
10 position".
11 Etes-vous d'accord au moins sur ce point-là?
12 Réponse: Oui, ça, effectivement, c'était le cas en novembre et en
13 décembre. A Podujevo, là, où nous étions en train de mettre en place la
14 mission, il était difficile d'être partout au même instant. Nous avons mis
15 beaucoup de temps pour établir de bonnes relations de travail avec l'UCK
16 parce qu'il est difficile de mettre en place des communications de travail
17 avec un mouvement insurgé et clandestin. Ces gens-là n'ont pas de bureau
18 en ville, ils ne sont pas dans l'annuaire, il faut aller les trouver. Il
19 faut passer le barrage de jeunes hommes à l'air inquiétant, qui ont le
20 doigt sur la gâchette. Il faut trouver les dirigeants. Cela prend beaucoup
21 de temps, beaucoup d'efforts. C'est beaucoup plus difficile que de
22 s'adresser aux autorités officielles.
23 Question: Est-ce que j'ai raison de dire que vous avez essayé, en gros, de
24 déterminer que les forces yougoslaves portaient atteinte aux accords,
25 alors que des terroristes albanais ne le faisaient pas?
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1 Réponse: Je crois que chaque fois que nous avons été en mesure
2 d'appréhender une situation dans sa totalité, comme par exemple
3 l'embuscade à la frontière au début décembre, où la situation était assez
4 claire, nous avons déclaré quelle était la situation. Nous avons estimé
5 qu'il s'agissait d'une embuscade légitime par les forces armées d'un Etat.
6 Nous avons estimé qu'il s'agissait là d'une violation grave du cessez-le-
7 feu, perpétrée par l'UCK.
8 En ce qui concerne l'avancée de l'UCK sur des positions abandonnées par
9 l'armée yougoslave, eh bien, ce type de mouvements a eu lieu. Nous avons
10 protesté auprès de l'UCK à ce sujet, mais, à ce moment-là, nous n'avions
11 pas une liaison très efficace avec l'UCK.
12 Ils ont préféré ignorer nos protestations, car l'autre difficulté en ce
13 qui les concernait, c'est qu'ils n'avaient pas une chaîne de commandement,
14 une discipline, un code de déontologie comparable à celui d'une armée
15 régulière, si bien qu'on ne peut pas s'attendre de forces armées
16 irrégulières que les gens fassent ce qu'on leur dit au moment où on leur
17 dit, comme c'est le cas dans une armée régulière.
18 Question: Cela dit, votre gouvernement à Londres avait des données tout à
19 fait précises et je suppose qu'il aurait pu obtenir ces données uniquement
20 de votre part.
21 Est-ce que vous êtes au courant, par exemple, que le 18 janvier 1999,
22 votre ministre ou secrétaire d'Etat chargé des Affaires intérieures et du
23 Commonwealth, Robin Cook, lors d'une réunion officielle dont je dispose de
24 la note, dit -je cite-: "De son côté, l'Armée de Libération du Kosovo
25 s'est rendue coupable de plus de violations du cessez-le-feu et, jusqu'à
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1 ce week-end, a été responsable de plus de morts qu'avant. L'Armée de
2 Libération du Kosovo ne peut pas vaincre l'armée yougoslave et, au lieu de
3 libérer le peuple du Kosovo, elle ne peut que prolonger ses souffrances.
4 Les pays avoisinants, en particulier l'Albanie, doivent faire preuve de
5 plus de détermination pour mettre un terme à l'acheminement des armes qui
6 enveniment encore le conflit. L'Armée de Libération du Kosovo a sans cesse
7 violé l'accord de cessez-le-feu et, le mois dernier, a pris un certain
8 nombre d'otages serbes."
9 Par conséquent, ce que Cook disait, cela doit émaner des notes que vous
10 avez envoyées ou des rapports que vous avez envoyés et que le ministre,
11 donc un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, avait transmis
12 éventuellement et qui était dans le cadre de votre mission.
13 Je suis sûr que vous avez envoyé des messages de manière véridique à votre
14 gouvernement. Ce que votre ministre dit, c'est un préjudice pour les
15 terroristes, c'est un fait, et au détriment des terroristes. Mais est-ce
16 qu'il est clair qu'il y a une différence entre ce qui est vrai et ce que
17 l'on a essayé de prouver sur le terrain? Et là, je pense aux violations
18 soi-disant serbes des accords. Ou bien M. Cook, lui, également, a-t-il été
19 informé de manière peu correcte ou incorrecte?
20 M. Drewienkiewicz (interprétation): Je ne me souviens pas de cette
21 déclaration, mais je suis sûr qu'il l'a faite sur la base des informations
22 dont il disposait et qui, nécessairement, auraient compris les rapports
23 que nous, nous envoyions à Vienne et ensuite aux Etats membres de l'OSCE.
24 Il m'est arrivé parfois de m'entretenir avec le ministre des Affaires
25 étrangères parce qu'on m'appelait au téléphone et qu'on me posait des
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1 questions bien précises.
2 La question qui se posait sur le terrain, c'était qu'une violation du
3 cessez-le-feu par l'UCK était beaucoup plus difficile à repérer parce que,
4 souvent, il s'agissait d'échanges d'armes légères ou de tirs d'armes
5 légères.
6 Quand il y avait violation du cessez-le-feu par la partie yougoslave, cela
7 donnait lieu à l'emploi d'armes plus importantes: chars, artillerie, etc.
8 Si bien que ce type d'action, ce type de violation du cessez-le-feu était
9 plus facilement repérable. Si bien que lorsque les forces de la RFY
10 ripostaient, nous souhaitions que cette riposte soit proportionnée.
11 Souvent, ce n'était pas le cas et nous mentionnions à ce moment-là le fait
12 que la riposte n'était pas proportionnée.
13 Je me souviens avoir établi des rapports qui indiquaient que l'utilisation
14 de ce terme de "proportionnalité" a été très fréquente dès le début de la
15 mission et c'était quelque chose qui revenait très souvent dans les
16 conversations que j'avais régulièrement avec le général Loncar.
17 On ne pouvait pas justifier le bombardement d'un village en disant que:
18 une demi-heure avant on y avait vu un terroriste. Ce type de réaction
19 disproportionnée avait uniquement pour conséquence de mettre vos forces en
20 difficulté.
21 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous-même et les Américains,
22 étant donné que vous-même et les Américains vous avez agi de la même
23 manière, est-ce que vous avez également opéré de la manière
24 proportionnelle en Afghanistan?
25 M. le Président (interprétation): Ceci n'a aucun rapport avec ce qui nous
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1 intéresse.
2 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous avez également agi
3 proportionnellement en Irak où personne ne vous a attaqués?
4 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, passons à autre
5 chose.
6 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Nous allons revenir au sujet de
7 tout à l'heure.
8 Vous avez dit que vous ne connaissiez pas cette déclaration datée du 18
9 janvier 1999? Le ministère des Affaires étrangères, M. Robin Cook, etc.?
10 Mais il ne s'agissait pas uniquement d'une déclaration, mais d'une réunion
11 également où avec d'autres participants, tels M. John Randolf, Uxbridge
12 (député et probablement membre du parlement), qui dit -je cite-: "Nous
13 sommes tous conscients des sanctions, des menaces qui ont été proférées à
14 l'encontre de Belgrade. Quelles sanctions et menaces pourrait-on utiliser
15 contre l'UCK?".
16 Et ensuite, il reçoit la réponse que vous avez condamné de manière très
17 ferme, au sein de toutes les instances internationales, de tels
18 comportements. Mais, comme vous le savez, ceci n'a pas donné de résultat.
19 Et c'est la raison pour laquelle la situation a été connue à Londres,
20 aussi bien sur le plan des conséquences que sur le plan des circonstances
21 générales.
22 Mais savez-vous ce que Cook disait -je cite-: "La position prise par la
23 communauté internationale dans tous ses aspects, y compris par le biais du
24 Conseil de sécurité, le groupe de contact de l'Union européenne, c'est que
25 nous ne sommes pas favorables à l'indépendance du Kosovo. Ceci en partie
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1 parce que les pays voisins résisteraient à toute tentative de mettre en
2 place un Kosovo indépendant du fait de l'effet déstabilisant"?
3 M. le Président (interprétation): On vous demande de donner lecture plus
4 lentement de ce passage en anglais.
5 M. Milosevic (interprétation): Entendu, je vais suivre ce que disent les
6 interprètes.
7 "Nous devons toujours nous souvenir que l'objectif de l'UCK, ce n'est pas
8 d'obtenir l'indépendance du Kosovo, mais de constituer une grande Albanie.
9 Ceci aurait des répercussions en Bosnie et tous les membres de cette
10 audience devraient en être préoccupés. Il serait difficile de résister à
11 l'exigence d'indépendance de la Republika Srpska si le Kosovo parvenait à
12 ses fins."
13 Et maintenant, il y a une déclaration qui est extrêmement importante:
14 j'aimerais bien avoir votre point de vue à ce sujet. Je cite: "L'essentiel
15 n'est pas que l'UCK, dans son objectif de construction d'une grande
16 Albanie, prenne des décisions qui rendent la situation très difficile."
17 Par conséquent, qu'il devient de plus en plus difficile de faire venir les
18 forces de l'OTAN.
19 "Et pour finir tout cela, l'OTAN ne peut pas prendre d'action militaire au
20 Kosovo".
21 M. Drewienkiewicz (interprétation): Je comprends ce que vous voulez dire:
22 l'UCK sera le seul responsable de la non-mise en place d'une telle action.
23 Question: La question que j'aimerais vous poser est de savoir si celui qui
24 parle, sait qu'elles seront les activités de l'OTAN? Est-ce que ceci
25 prouve que la guerre contre la Yougoslavie, que la décision sur la guerre
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1 a déjà été prise? Car il s'agit de la réunion qui a eu lieu le 18 janvier
2 1999.
3 Réponse: A ma connaissance -et moi, à ce moment-là, je n'appartenais pas à
4 l'OTAN-, aucune décision de ce type n'a été prise à ce moment-là. Il est
5 fort possible qu'il y ait eu des plans d'urgence en existence, parce que
6 c'est ce que fait l'OTAN: il y a des plans qui sont préparés pour toutes
7 les zones couvertes par les pays de l'OTAN. C'est le travail d'une
8 organisation militaire; il s'agit d'être en mesure de faire face à une
9 situation si elle se manifeste. On ne peut pas rester impuissant face aux
10 événements en se disant: "Mon Dieu! il y a un problème: que faut-il
11 faire?"
12 C'est le problème que nous avons rencontré à Vienne, car il a fallu se
13 mettre en place, se mettre à travailler alors que la mission commençait
14 déjà à exister et que rien n'avait été prévu à l'avance.
15 Je pense donc que là, il s'agit de la planification habituelle de toute
16 organisation qui a les moyens d'y procéder.
17 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous avez vu que, compte tenu de
18 la violation du cessez-le-feu de la part des Albanais, il y avait le
19 danger, comme disait David Camberlay de Washington, que ceci pouvait
20 éventuellement mettre en question l'action de l'OTAN, à savoir que l'OTAN
21 réalise son plan.
22 Il dit, de manière très claire: "L'OTAN ne peut pas entreprendre aucune
23 action militaire au Kosovo à ce moment-là", que ce sont eux qui sont
24 coupables parce que l'OTAN n'avait pas pu entreprendre les actions
25 prévues, parce qu'il se comporte de cette façon-là.
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1 C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question: si c'était une
2 preuve que l'intention de la guerre existait déjà?
3 M. le Président (interprétation): Je pense que le Témoin a répondu du
4 mieux qu'il le pouvait.
5 M. Milosevic (interprétation): Entendu.
6 Et Cook a répondu -je cite-: "Comme je l'ai dit à plusieurs reprises cet
7 après-midi, il y a des torts des deux côtés, et l'UCK doit accepter sa
8 responsabilité de la situation actuelle".
9 M. le Président (interprétation): Vous lisez trop vite. Pouvez-vous
10 redonner lecture de ce passage, s'il vous plaît?
11 M. Milosevic (interprétation): "Comme je l'ai dit à plusieurs reprises cet
12 après-midi, il y a des torts des deux côtés et l'UCK doit accepter sa
13 responsabilité dans le cadre de la situation actuelle du fait de ces
14 violations répétées du cessez-le-feu."
15 Et alors? C'était le 18 janvier. Même après tous ces événements
16 dramatiques dont vous avez donné la description, il dit -je cite-: "Je
17 félicite la mission de l'OSCE pour avoir obtenu la libération de huit
18 membres de l'armée yougoslave faits prisonniers par l'armée de libération
19 du Kosovo, le 8 janvier."
20 Et ensuite, il dit: "Nous attendons de l'UCK qu'il ne recommence pas ce
21 type d'action irresponsable. Nous nous félicitons de la retenue manifestée
22 à cette occasion par les forces de sécurité de la RFY qui a permis à la
23 KVM d'obtenir, par la négociation, la libération des hommes capturés.
24 Cette retenue doit continuer à se manifester sur la totalité du Kosovo".
25 Est-ce que ceci prouve qu'à ce moment-là -il s'agit du 18 janvier-, Cook,
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1 lui non plus, n'était pas conscient du fait que Racak allait être utilisé
2 comme prétexte, comme une gâchette pour commencer la guerre?
3 Qu'est-ce que vous en pensez?
4 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que le Témoin puisse
5 vous répondre. Il faudrait poser la question à M. Cook.
6 M. Drewienkiewicz (interprétation): Est-ce que je peux dire quelque chose?
7 M. le Président (interprétation): Très rapidement.
8 M. Drewienkiewicz (interprétation): On parle de la retenue manifestée par
9 les forces de sécurité au moment où nous obtenions la libération des huit
10 soldats de l'endroit où ils étaient détenus sur la colline.
11 Je dois rappeler un moment où j'ai dû retirer mes hommes qui étaient entre
12 les deux parties belligérantes parce qu'un ordre avait été donné afin que
13 les forces de sécurité lancent une attaque. Si bien qu'il y a eu une
14 certaine retenue dans la mesure où nous, nous sommes parvenus à résoudre
15 cette situation de manière satisfaisante, mais cela a été extrêmement
16 difficile et cela a été rendu encore plus difficile par l'attitude
17 extrêmement difficile des forces de sécurité serbes qui n'ont cessé de
18 faire pression sur nous pendant cette période.
19 Si bien que j'ai été forcé, à un moment donné, de retirer mes hommes de
20 cet endroit et, comme je l'ai déjà mentionné, à un moment donné, on a vu
21 une colonne s'approcher du Kosovo qui avait tous les attributs de forces
22 spéciales en route vers le Kosovo. Tous ces éléments ont rendu cette
23 période extrêmement difficile, épuisante.
24 Donc c'est un petit bémol que j'apporte à cette qualification "d'attitude
25 retenue".
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1 M. Milosevic (interprétation): Mais la substance même de la question que
2 je vous ai posée en effet, se rapporte à une décision qui a déjà été prise
3 pour trouver un prétexte pour déclencher la guerre.
4 Mais hier, lors de votre déposition, vous avez dit quelque chose qui me
5 paraît assez important -et c'est un témoignage qui est très important
6 d'ailleurs- parce que ceci concorde avec ce que votre député disait au
7 cours de l'entretien avec Cook, à savoir que l'UCK allait empêcher l'OTAN
8 d'aboutir à son objectif. Vous avez dit que vous êtes rentré dans le
9 bureau chez Cook quand Holbrooke est entré là-dedans, vous a appelé et
10 vous avez cité ses paroles -je cite-: "Vous pouvez dire au revoir à votre
11 Prix Nobel. Nous avons trouvé une couverture pour la guerre."
12 Est-ce que c'était véritablement une des tâches de Walker que de créer des
13 conditions de guerre?
14 Réponse: Non, pas du tout. D'ailleurs ce n'est pas du tout mon
15 interprétation des propos que j'ai entendus.
16 Il était sous pression; il parlait à quelqu'un qu'il connaissait
17 manifestement très bien et il était sous l'empire d'une très grande
18 frustration. C'est à lui qu'il faudrait demander ce qu'il voulait dire par
19 là. Mais moi, je n'ai pas interprété ceci comme signifiant que ce serait
20 un prétexte pour déclencher une guerre. Et tous ceux que vous
21 interrogeriez, qui faisaient partie de la mission du Kosovo, diraient la
22 même chose. Nous étions déterminés à poursuivre cette mission aussi
23 longtemps qu'humainement possible. Nous étions engagés à fond pour le
24 faire et nous souhaitions faire tout ce qui était en mesure pour le faire
25 jusqu'à la fin.
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1 Question: Je crois effectivement que c'était l'opinion des membres de la
2 mission, mais c'était un entretien entre les deux hommes qui savaient de
3 quoi ils parlaient. Il n'y a absolument rien à s'attendre de la paix et,
4 maintenant, c'est la guerre qu'il faut déclencher.
5 Est-ce que ceci explique également cette évaluation de Keller selon
6 laquelle l'UCK avait, au fond, profité de cette réticence du côté des
7 forces yougoslaves et des forces de sécurité serbes pour se consolider
8 elle-même?
9 Réponse: Je pense que l'UCK s'est renforcée d'une certaine manière pendant
10 cet hiver. On l'a vu avec cette colonne qui a fait l'objet d'une embuscade
11 en début décembre. Et il y avait 140 personnes, chacune avec un paquetage
12 plein de munitions. Donc effectivement, il y avait renforcement de l'UCK.
13 Mais, à notre avis, cela ne justifiait pas une réaction disproportionnée
14 de la part des forces de sécurité et on ne peut pas, sous prétexte des
15 actions d'une organisation d'insurgés, excuser le même type de
16 comportement de la part des forces de sécurité régulières.
17 Question: Ne pensez-vous pas qu'un peu plus de lumière sur ce fait
18 pourrait être apporté?
19 Une citation de l'interview que le chef bandit Hamusaraj (phonétique) -on
20 l'appelle "commandant"- avait donné au journal "Zeri" en 1999. Il dit –je
21 cite-: "L'accord qui a été signé par Holbrooke a sauvé l'UCK. L'arrivée
22 des vérificateurs de l'OSCE au Kosovo a fait que l'UCK revive".
23 Il faut avoir en vue qu'à cause de cette situation très difficile dans
24 laquelle nous nous trouvions auparavant, nous étions intéressés, même où
25 nous étions sur le point de nous nous rendre. Mais cet accord a été un
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1 salut, salutaire pour nous; et notamment pour la zone Dukagjin". C'est
2 comme ça, c'est le terme qu'il utilise pour Metohija. C'est un accord qui
3 a été un accord-clé et d'une importance-clé parce que cela nous a permis
4 de rafraîchir nos rangs au sein de l'armée." (Fin de citation.)
5 Quelle est votre impression? Jusqu'à quel point vous les avez vraiment
6 aidés pour faire revivre leur armée?
7 Réponse: Je ne pense que c'était notre interprétation de notre mission. En
8 tout cas, avec le recul, je suis sûr qu'il y a eu des renforts de leur
9 côté pendant cette période. Mais l'objectif de la mission, c'était de
10 gagner du temps afin de trouver une solution diplomatique avec
11 l'organisation d'élections. C'est pour cela que nous étions sur place et
12 non pas pour être favorables à l'Armée de Libération du Kosovo, pour
13 faciliter ses activités. Ce n'était pas notre perception de notre présence
14 sur ces lieux.
15 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais regardez ce qu'il dit ensuite. Il
16 vous parle de vous, pas de vous personnellement; il parle de réunions avec
17 des vérificateurs. Et il dit en référence à ces réunions -je cite-: "Nous
18 sommes allés un peu plus loin par rapport aux questions d'actualité. Nous
19 avons également avancé un certain nombre d'idées, la manière également
20 dont nous pensons pouvoir atteindre notre objectif. On a parlé aussi du
21 besoin d'établir une coopération entre l'UCK et d'autres facteurs. Nous
22 avons également mené un certain nombre d'entretiens avec des observateurs
23 militaires; notamment avec des observateurs anglais, américains, français,
24 canadiens et autres. Ils ont donc examiné l'objectif, les points de vue.
25 Mais il y avait aussi cette campagne aérienne de l'OTAN qui se préparait".
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1 M. le Président (interprétation): Quelle est votre question?
2 M. Milosevic (interprétation): Je viens de poser la question, tout à
3 l'heure, mais je la complète. Je veux tout simplement dire jusqu'à quelle
4 manière la KVM avait aidé le renforcement ou plutôt, comme il l'avait dit,
5 qu'elle les a aidés à faire revivre l'armée. Nous voyons quel était
6 l'objectif et quelles étaient les activités qui se préparaient.
7 Tout à l'heure, vous nous avez répondu, Monsieur le Témoin, que vous
8 n'aviez pas d'activités dans ce sens-là. Et il vous a démenti par un
9 certain nombre d'explications, par les entretiens également qu'il a eus
10 avec les observateurs, et notamment les observateurs militaires, les
11 observateurs des militaires qui provenaient des armées différentes de
12 l'armée anglaise, l'armée américaine et les autres. Je ne veux pas re-
13 citer ce que j'ai dit.
14 Est-ce que c'est exact ou non? C'est ça la question que je vous pose.
15 M. Drewienkiewicz (interprétation): Les officiers ou plutôt les gens que
16 je désignais comme chargés de la liaison avec l'UCK, leur travail donc
17 c'était de faire connaissance avec l'UCK et de déterminer quels étaient
18 les effectifs, quelles étaient les intentions de l'UCK. Si bien qu'ils
19 étaient contraints d'avoir des conversations avec l'UCK. Bien entendu, ils
20 devaient se gagner la confiance de l'Armée de Libération du Kosovo, de la
21 même manière que ceux que j'avais chargés de traiter avec le MUP et la VJ,
22 devaient gagner la confiance de la VJ et du MUP.
23 Ceci signifiait par exemple que nous ne révélions pas les endroits où ils
24 se rendaient. Nous ne le faisions pas pour ceux qui traitaient avec la VJ
25 et le MUP, et nous ne le faisions pas pour ceux qui traitaient avec l'UCK.
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1 Si bien que ces officiers de liaison traitaient avec l'une des parties en
2 présence, ce qui permettait d'établir des relations de confiance et de
3 faire des évaluations dignes de ce nom sur les intentions de chacun.
4 Ce qu'ils ont fait pendant la période où nous étions sur place, bien
5 entendu, cela dépendait d'eux. La période où nous étions présents a aussi
6 permis à la Yougoslavie de mettre en place les conditions qui étaient
7 évoquées dans un document d'origine, qui consistait à établir une police
8 multiethnique où chacun des peuples ou des groupes ethniques serait
9 représenté.
10 Vous auriez pu le faire pendant que l'UCK se livrait à ses activités; cela
11 aurait sans doute diminué le soutien apporté à l'UCK. Mais vous avez
12 choisi de ne pas le faire.
13 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons suspendre l'audience
14 et nous reprendrons à 9 heures lundi matin.
15 Je vais vous demander, Général, de revenir avec nous lundi.
16 M. Nice (interprétation): Le rapport supplémentaire du dernier témoin,
17 Riedlmayer, 88A, est maintenant disponible et peut-être distribué.
18 M. le Président (interprétation): Oui. Veuillez, s'il vous plaît, le
19 distribuer.
20 (L'audience est levée à 13 heures 13.)
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