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1 (Mercredi 24 avril 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Shefqet Zogaj, est déjà dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous pouvez
6 poursuivre.
7 M. Milosevic (interprétation): Le téléphone ne fonctionne toujours pas.
8 Pendant quelques semaines, le téléphone a fonctionné normalement à
9 l'exception de ce jour au cours duquel je vous ai fait part de son non-
10 fonctionnement, mais depuis le début de cette semaine, le téléphone ne
11 fonctionne pas. Quel que soit le numéro que je compose, je n'obtiens
12 aucune communication et je n'ai fait que composer les mêmes numéros ces
13 derniers jours, ces dernières semaines. La machine me dit que je ne peux
14 pas avoir accès à une ligne téléphonique. Je ne peux même pas passer des
15 coups de téléphone ici, à La Haye.
16 M. le Président (interprétation): Nous avons essayé de comprendre ce qui
17 se passait. Nous, ce que nous avons compris, c'est que vous pouviez passer
18 des coups de fils à vos collaborateurs à Belgrade, mais nous allons
19 essayer d'en savoir un petit peu plus. Il faut effectivement que nous
20 ayons une compréhension complète de ce qui se passe à l'heure actuelle.
21 Nous allons reprendre la déposition de ce témoin.
22 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est précisément les personnes que
23 j'ai essayé de joindre, ces collaborateurs de Belgrade dont vous parlez.
24 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Romano?
25 (Interrogatoire principal du Témoin, M. Shefqet Zogaj, par Mme Romano.)
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1 Mme Romano (interprétation): Nous appelons à la barre M. Zogaj Shefqet.
2 M. Zogaj (interprétation): Je n'entends pas très bien. J'entends un petit
3 peu mieux maintenant.
4 M. le Président (interprétation): Un instant. Il convient d'abord que le
5 témoin prononce la déclaration solennelle.
6 M. Zogaj (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Merci.
8 M. le Président (interprétation): Très bien. Maintenant, vous pouvez vous
9 asseoir.
10 (Le témoin s'assoit.)
11 Mme Romano (interprétation): Monsieur Zogaj, pourriez-vous décliner votre
12 identité, s'il vous plaît?
13 M. Zogaj (interprétation): Oui. Je m'appelle Shefqet Zogaj.
14 Question: Quelle est votre date de naissance?
15 Réponse: Je suis né le 24 mai 1972.
16 Question: Pourriez-vous nous dire où vous êtes né?
17 Réponse: Dans le village de Bellanicë, à Malishevë.
18 Question: Bellanicë se trouve dans quelle municipalité?
19 Réponse: Bellanicë se trouve dans la municipalité de Malishevë.
20 Question: Quelle est votre profession?
21 Réponse: Je suis journaliste. Je travaille pour le journal "Rilindja", je
22 suis enseignant à l'école primaire et je travaille activement à la
23 réconciliation des ennemis.
24 Question: Monsieur, vous avez été interrogé, les 25 et 26 avril 1999, par
25 des enquêteurs de ce tribunal, des membres du Bureau du Procureur. Et vous
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1 avez donné une déclaration alors que vous vous trouviez à Tirana, n'est-ce
2 pas exact?
3 Réponse: C'est exact.
4 Question: Ensuite, vous avez répondu à des questions les 12 et 18 juin
5 2002 et vous avez donné à cette occasion une deuxième déclaration. Est-ce
6 exact?
7 Réponse: Non, en juin 2001, je crois. En juin 2001, c'est exact.
8 Question: Et le 3 février de cette année, vous avez pris part à une
9 réunion à laquelle assistaient des membres du Bureau du Procureur et un
10 officier instrumentaire désigné par le Tribunal. Lors de cette réunion,
11 vous vous êtes vu soumis la déclaration préalable que vous aviez faite en
12 langue albanaise. Vous avez eu la possibilité de passer en revue cette
13 déclaration et de corroborer que les faits qui étaient recueillis étaient
14 véridiques?
15 Réponse: Oui. J'ai lu cette déclaration, j'y ai apporté quelques
16 corrections, j'ai apporté quelques corrections à la traduction qui en
17 avait été faite par le Tribunal.
18 Question: Lors de cette réunion, vous avez ajouté une annexe à cette
19 déclaration, annexe qui comporte les modifications que vous avez apportées
20 à la traduction, c'est bien cela?
21 Réponse: Oui.
22 Mme Romano (interprétation): Je voudrais maintenant demander le versement
23 au dossier de cette déclaration préalable du Témoin.
24 M. le Président (interprétation): Tout à fait. La pièce va recevoir la
25 cote suivante, dans l'ordre des pièces du Bureau du Procureur.
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1 M. Zogaj (interprétation): Merci.
2 Mme Atanasio (interprétation): Il s'agira de la pièce 108 de l'accusation.
3 (Intervention de l'huissier.)
4 Mme Romano (interprétation): Le témoin est un journaliste qui travaille
5 pour un journal et, pendant le conflit en 1998, il a écrit un certain
6 nombre d'articles sur les événements qui se sont produits. Il a décrit les
7 événements à Suva Reka depuis le 20 mars 1999, date à laquelle la KDOM
8 s'est retirée du Kosovo. Les rues étaient vides d'Albanais, mais il y
9 avait une forte présence de police et d'armée. Le même jour, les Serbes
10 ont attaqué les villages; les villageois se sont enfuis dans des zones
11 plus sûres comme Bellanicë, le village dont le témoin est originaire.
12 Le témoin a décrit la situation qui prévalait à Suva Reka le 25 mars 1999.
13 Il décrit notamment les meurtres et les incendies; le feu a été mis aux
14 maisons. Le témoin a décrit quelles étaient les victimes du massacre de
15 Suva Reka.
16 Tous les villages de la région ont été attaqués à partir du mois de mars.
17 Les villageois se sont enfuis vers un champ dégagé se trouvant vers
18 Bellanicë et, vers le 21 mars, se trouvaient sur ce champ environ 80.000
19 personnes. Le témoin a déclaré de quelle façon Bellanicë avait été
20 pilonnée et le témoin a déclaré qu'il y avait environ 15.000 troupes
21 armées qui ont fini par envahir le village.
22 Les forces serbes ont expulsé les individus de leurs maisons, ont pillé
23 ces maisons, ont confisqué les camions et ont mis le feu ensuite aux
24 maisons. Tous les jeunes hommes et hommes ont été emmenés vers l'école et
25 ont été détenus. Personne n'a vu ces hommes depuis.
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1 Le témoin a déclaré qu'environ 156 Albanais ont été tués ce jour-là. Les
2 forces armées coupables de ces actes ont ensuite forcé le témoin et sa
3 famille à quitter Bellanicë dans le cadre d'un convoi. Une partie du
4 convoi se dirigeait vers la frontière de l'Albanie, le convoi s'est
5 scindé: une partie se dirigeant vers la frontière albanaise et l'autre se
6 dirigeant vers Malisevo. Le convoi a été intercepté par un certain nombre
7 de Serbes à des points de contrôle. Les Albanais du Kosovo ont été
8 frappés, ont vu leurs biens leur être retirés; ils ont été assaillis. Les
9 membres du convoi ont ensuite pris la route du Nord, passant par Malisevo.
10 Ces personnes n'ont pas été vues depuis.
11 Après 30 heures, le témoin décrit qu'il est arrivé à la frontière
12 albanaise où sa plaque d'immatriculation et ses papiers d'identité ont été
13 saisis."
14 Telle sera la teneur de la déposition du témoin.
15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
16 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
17 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Shefqet Zogaj, par l'accusé, M.
18 Milosevic.)
19 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que cela fonctionne? Je crois que
20 cela fonctionne.
21 Quand avez-vous reçu votre diplôme de l'université de Pristina?
22 M. Zogaj (interprétation): J'ai reçu mon diplôme le 1er décembre 1998.
23 J'ai reçu ce diplôme de l'université de Pristina.
24 Question: Vous avez travaillé comme journaliste dès 1996; n'est-ce pas
25 exact?
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1 Réponse: Effectivement. J'ai travaillé depuis cette date et je vais
2 continuer à travailler.
3 Question: Quand vous dites que vous avez reçu un diplôme de l'université
4 de Pristina, vous n'abordez pas une question qui m'intéresse: combien
5 d'autres Albanais ont été diplômés de l'université de Pristina? Combien
6 d'autres Albanais faisaient partie de votre promotion?
7 Réponse: Je ne peux pas avancer de chiffre, je ne peux pas vous dire
8 combien d'étudiants suivaient l'université. Je ne peux parler quand mon
9 nom propre.
10 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Combien d'étudiants ont
11 constitué votre promotion ou se trouvaient avec vous, dans vos classes?
12 M. Zogaj (interprétation): Je crois avoir répondu à cette question.
13 M. le Président (interprétation): Mais vous dites "groupe", Monsieur
14 Milosevic, "promotion callse". Qu'entendez-vous exactement par ce terme?
15 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, le groupe, le groupe habituel
16 d'étudiants suivant les cours de l'université, les groupes qui suivent
17 ensemble certains cours.
18 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous comprenez ce que veut
19 dire la question, Monsieur?
20 M. Zogaj (interprétation): Nous ne parlons pas d'un groupe, nous parlons
21 d'un ensemble de plus de 20.000 étudiants qui, à partir de 1990 et jusqu'à
22 la fin de la guerre, ont suivi des cursus dans des maisons privées à
23 Pristina.
24 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous voulez poser
25 une question précise, faites-le, mais pour le moment, nous n'avançons pas
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1 beaucoup. Cela ne nous mène à rien.
2 M. Milosevic (interprétation): C'est assez évident. Cet étudiant ne sait
3 même pas combien de camarades de classe il avait.
4 Vous avez, dans votre déclaration préalable, au paragraphe 3, déclaré
5 entre autres qu'alors que vous empruntiez la route principale qui traverse
6 Reshtan, Studencani et qui va vers Rahovec, vous avez vu un convoi de
7 l'armée serbe et de la police serbe, qui était constitué de 14 chars et
8 autres véhicules blindés. Vous avez indiqué qu'à ce moment-là, vous avez
9 compris que quelque chose de très grave allait se produire. Et vous dites
10 qu'à Reshtan, il y avait un point de contrôle de la police qui avait été
11 érigé. A la phrase suivante, vous déclarez -je cite-: "Les autres zones
12 étaient contrôlées par l'UCK". (Fin de citation.)
13 M. Zogaj (interprétation): Je n'ai pas dit que ces zones étaient
14 contrôlées par l'UCK et je crois que la citation que vous donnez de ma
15 phrase n'est pas tout à fait exacte. Je crois que vous ne comprenez pas ce
16 que veut dire cette phrase.
17 M. le Président (interprétation): Que veut dire cette phrase?
18 M. Zogaj (interprétation): Je fais référence à la mission de l'OSCE qui
19 est partie du Kosovo le 20 mars. On indiquait à la mission qu'il fallait
20 qu'elle parte et, tout de suite après le départ de ladite mission, les
21 membres de la police et de l'armée serbe, les membres des groupes
22 paramilitaires serbes ont lancé une opération contre le village de
23 Reshtan. Après minuit, après 12 heures, le pilonnage a continué contre
24 Peqan, Studencani, Doberdelan entre autres. C'est ça la vérité.
25 M. Milosevic (interprétation): Je vous demande de bien vouloir répondre
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1 simplement à ma question.
2 La partie adverse et vous-même avez décidé que vous ne déposeriez pas, que
3 vous vous contenteriez de donner une déclaration écrite. Et la phrase dont
4 vous dites que je l'ai mal citée...
5 M. le Président (interprétation): Le témoin n'a pas voix au chapitre
6 lorsqu'il s'agit de la forme que prendra sa déposition. C'est à la Chambre
7 et au Tribunal de trancher cette question. Ce n'est donc pas juste de dire
8 ce que vous venez de lui dire.
9 Mais, Monsieur Zogaj, aidez-nous sur un point. On vous soumet la phrase
10 suivante, phrase qui se trouve dans la version en anglais de votre
11 déclaration préalable.
12 Je vais vous citer: d'abord, vous commencez par décrire ce qui se passe
13 dans la ville après le départ des observateurs, ensuite vous dites que
14 vous avez quitté Suva Reka et vous expliquez que, alors que vous vous
15 promeniez le long de la route principale, alors que vous aviez emprunté la
16 route principale, vous avez pu apercevoir ce convoi constitué de membres
17 de la police et de l'armée serbes; et vous dites –je cite-: "J'ai su alors
18 que quelque chose de très grave allait se produire." (Fin de citation.)
19 Ensuite, vous parlez d'un point de contrôle érigé par la police serbe à
20 Rreshtan. Et ensuite, il y a cette phrase qui indique -je cite-: "Les
21 autres zones étaient sous le contrôle de l'UCK". (Fin de citation.)
22 Et c'est la phrase qui vous a été soumise à l'instant par l'accusé. Peut-
23 être pourriez-vous nous dire ce que veut dire précisément cette phrase?
24 M. Zogaj (interprétation): Oui. Bien sûr, l'UCK tenait ces positions.
25 L'UCK avait été mise sur pied pour protéger le peuple du Kosovo, alors que
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1 les forces serbes… que l'accusé, j'espère que le Tribunal considérera
2 qu'il est responsable et coupable.
3 M. le Président (interprétation): Attendez. Répondez à ce qui vous a été
4 demandé.
5 M. Zogaj (interprétation): Juste après le départ de la mission de l'OSCE,
6 j'ai moi-même vu les observateurs quitter les lieux. Bien après le départ,
7 j'ai pu constater que Suva Reka était absolument vide, vide de tout
8 Albanais. Les Albanais avaient peur de s'aventurer dans les rues où
9 patrouillait la police serbe à bord de véhicules civils. Certaines
10 boutiques étaient ouvertes, mais personne n'osait s'y rendre pour faire
11 des commissions.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Zogaj, nous n'avons pas
13 beaucoup de temps devant nous. Nous avons sous les yeux votre déclaration
14 préalable; pour l'instant, nous vous posons des questions relatives aux
15 zones qui étaient sous le contrôle de l'UCK.
16 Est-ce qu'il est exact que, comme vous le dites dans votre déclaration
17 préalable, les autres zones étaient contrôlées par l'UCK? Est-ce que c'est
18 la vérité?
19 M. Zogaj (interprétation): Oui, oui, c'est ainsi que je l'ai décrit.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?
21 M. Milosevic (interprétation): Alors, qu'est-ce qui n'est pas clair dans
22 cette phrase? En fait, du départ et jusqu'à la fin, on indique que les
23 autres zones étaient contrôlées par l'UCK, point final. Vous, vous avez
24 essayé de dire que je ne comprenais pas ce qui était indiqué ici. Alors
25 qu'est-ce qui, d'après vous, n'est pas clair dans cette phrase? Qu'est-ce
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1 qui peut porter à controverse? Qu'est-ce qui est ambigu?
2 M. Zogaj (interprétation): Je ne comprends pas votre question. Que voulez
3 vous dire par là?
4 M. Milosevic (interprétation): Il y a quelques instants, j'ai cité cette
5 phrase; c'est une phrase très concise. Il y a sept mots exactement qui la
6 constituent; et cette phrase nous dit -je cite-: "Les autres zones étaient
7 contrôlées par l'UCK".
8 En réponse à la question que je vous ai posée, vous avez déclaré que je ne
9 comprenais pas la phrase et que ce n'est pas ce que je voulais vous dire.
10 Alors qu'est-ce qui est ambigu dans cette phrase, qu'est-ce qui porte à
11 controverse? Qu'est-ce qui n'est pas compris? Cette zone dit simplement
12 que "les autres zones étaient contrôlées par l'UCK".
13 M. le Président (interprétation): Le témoin a déclaré que c'était
14 effectivement ce qu'il avait dit. Il ne peut rien ajouter, vous n'allez
15 pas continuer à polémiquer avec le témoin sur ce point, c'est ce qu'il a
16 dit. Passez à une autre question.
17 M. Milosevic (interprétation): Je lui pose la question parce qu'il a
18 commencé par dire que c'est moi qui n'avais pas compris la phrase, et la
19 deuxième fois qu'il m'a répondu, il a déclaré qu'effectivement, il y avait
20 des zones qui étaient contrôlées par l'UCK.
21 Il est clair que ces autres zones dont vous parlez étaient contrôlées par
22 l'UCK et il est clair que des attaques ont été lancées, ce qui veut dire
23 qu'il y a eu affrontement entre l'armée ou l'UCK; est-ce que c'est exact
24 ou pas?
25 M. Zogaj (interprétation): Des affrontements? Les affrontements ont
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1 toujours été le fait de la police serbe et des paramilitaires serbes. Il
2 n'y a rien à ajouter à cela.
3 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je suppose que c'est là votre
4 interprétation, mais il est très clair que le conflit opposait les forces
5 serbes, comme vous les appelez, aux forces de l'UCK.
6 Nous poursuivons. A la phrase suivante de votre déclaration, vous déclarez
7 -et je vous cite, je vous cite fidèlement-: "La population a commencé à se
8 déplacer en masse vers des zones plus calmes." (Fin de citation.)
9 Ce qui veut dire que des réfugiés quittaient la zone, quittaient la zone
10 en masse, cette zone où se déroulaient les combats entre les forces de
11 l'Etat et les forces de l'organisation terroriste l'UCK. Est-ce que c'est
12 bien ce que vous avez essayé de nous dépeindre comme situation?
13 M. Zogaj (interprétation): Il ne s'agissait pas de forces de l'Etat et les
14 autres forces n'étaient pas des forces appartenant à une organisation
15 terroriste; il s'agissait de forces de défense. Je n'ai rien à ajouter.
16 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous n'avez pas cité
17 la phrase qui précédait celle que vous avez évoquée à l'instant. La phrase
18 précédente était celle-ci -je cite-: "Vers 12 heures 20 de l'après-midi,
19 les premières attaques ont commencé à être lancées sur des villages de
20 Peqan, Studencan et Dobërdelan. La population a commencé à se déplacer en
21 masse vers des zones plus calmes." (Fin de citation.)
22 Qui a lancé ces attaques? Qui en était responsable?
23 M. Zogaj (interprétation): Les forces paramilitaires, les forces de
24 l'armée et de la police serbes également sont responsables de ces
25 attaques. Les habitants ont quitté la zone parce qu'ils avaient peur
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1 d'être les victimes d'un massacre. Vous savez qu'il y a eu des massacres
2 dans d'autres endroits, et j'ai ici avec moi des photographies qui
3 montrent les forces de la police et de l'armée serbes et qui vous montrent
4 ce qu'ils ont fait au Kosovo. J'ai apporté ces photographies avec moi.
5 M. le Président (interprétation): Un instant, essayons de bien suivre ce
6 qui est dit ici. Nous parlons de ces attaques qui ont été lancées. Est-ce
7 qu'il y a eu une réaction de défense ou bien est-ce que la population est
8 simplement partie?
9 M. Zogaj (interprétation): C'est l'UCK qui assurait la défense.
10 M. le Président (interprétation): On vous indique que la population est
11 partie parce qu'il y avait un conflit; c'est ça qui vous est suggéré. Est-
12 ce que vous êtes en accord avec cette suggestion ou pas?
13 M. Zogaj (interprétation): Oui, oui.
14 M. le Président (interprétation): La population était effrayée par les
15 combats qui se déroulaient et, par conséquent, la population est partie.
16 C'est bien cela?
17 M. Zogaj (interprétation): Oui.
18 M. le Président (interprétation): Poursuivons.
19 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Nous avons éclairci ce point.
20 Nous pouvons d'ailleurs passer sur un certain nombre de questions: cela
21 nous permettra de gagner un peu de temps. Il est évident que les réfugiés
22 quittent la zone de conflit, ce serait le cas n'importe où.
23 Vers la fin de la première page, vous déclarez qu'un grand nombre de
24 personnes se sont dirigées vers Bellanicë et Banje, parce que jusqu'à
25 présent, il n'y avait ni coup de feu ni pilonnage à Bellanicë. Ensuite,
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1 vous indiquez que l'artillerie serbe a atteint les zones contrôlées par
2 l'UCK et vous dites -je cite-: "Ils ont également utilisé les avions
3 militaires, non seulement contre les positions tenues par l'UCK, mais
4 également contre la population civile." (Fin de citation.)
5 Avez-vous pu observer cela?
6 M. Zogaj (interprétation): Oui, j'ai pu être le témoin de cela. Les avions
7 serbes ont commencé par observer ce qui se passait. Le lendemain, le
8 pilonnage a commencé. Au cours de la soirée, les avions se trouvaient à
9 quelques mètres seulement au-dessus du sol.
10 J'ai ici des notes qui indiquent exactement à quelle heure ces vols
11 d'observation ont eu lieu. Malheureusement, plus de 1.000 pages de
12 documents ont brûlé. Si ces documents n'avaient pas brûlé, je pourrais
13 vous montrer des photographies, Monsieur Milosevic.
14 Monsieur le Président, s'il vous plaît?
15 M. le Président (interprétation): Oui, que voulez-vous ajouter?
16 M. Zogaj (interprétation): Je voudrais ajouter quelque chose.
17 Les pilonnages serbes sur le village de Bllacë, pilonnages qui se sont
18 déroulés le 28 mars, aux toutes premières heures de la matinée, ont été le
19 fait d'un avion serbe qui a lâché ses bombes sur le village. Heureusement,
20 il n'y a pas eu de victime.
21 Dans les documents que j'ai ici avec moi, j'ai des indications qui
22 indiquent de quelle façon on a commencé à pilonner Bllacë.
23 M. le Président (interprétation): Quels sont les villages dont vous avez
24 pu observer qu'ils ont été pilonnés?
25 M. Zogaj (interprétation): Le village de Bllacë.
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1 M. le Président (interprétation): Continuons.
2 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais vous demander quelque chose:
3 est-ce que c'est moi qui mène ce contre-interrogatoire ou c'est vous,
4 Monsieur May, qui conduisez ce contre-interrogatoire?
5 M. le Président (interprétation): C'est une question tout à fait inutile.
6 Si vous ne posez pas des questions claires, si la Chambre estime qu'elle a
7 besoin d'un certain nombre d'éléments d'information, elle posera des
8 questions. Si vous voulez poser des questions, faites-le maintenant, sinon
9 nous mettrons un terme à tout cet échange.
10 M. Milosevic (interprétation): Et quelle était la question qui, à vos
11 yeux, n'était pas claire. Pouvez-vous me le dire pour que je puisse
12 essayer d'être clair à présent?
13 M. le Président (interprétation): Vos questions sont beaucoup trop
14 longues, elles sont en fait généralement des commentaires, des
15 déclarations et ce sont ces points qu'il convient d'éclaircir. Il faut
16 poser des questions claires.
17 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
18 Vous avez parlé de la mort de quatre personnes, Ramadan Sukaj, Hafiz
19 Shala, Osman Elshani et Albert (nom de famille inconnu).
20 M. Zogaj (interprétation): Un autre nom.
21 Question: Moi, je lis ce qui est écrit ici à propos de ces quatre hommes.
22 Ensuite, vous dites que vous avez appris cela, etc. Donc vous n'avez pas
23 été le témoin oculaire de cela, vous avez entendu parler de cet incident.
24 Réponse: Je vous en prie, en tant que journaliste, j'avais le droit de
25 rencontrer des gens et de leur poser des questions, notamment les gens qui
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1 avaient été expulsés. Sejdi Bytyci, par exemple, qui a échappé à la mort
2 et qui était professeur d'histoire.
3 Question: Je ne vous interroge pas au sujet de votre droit d'expression,
4 mais sur une question tout à fait particulière, précise. Vous n'avez pas
5 vu cela, n'est-ce pas? Vous en avez entendu parler. C'est exact, oui ou
6 non?
7 Réponse: En tant que journaliste, j'ai le droit de poser des questions aux
8 gens et ce qu'ils me disent est vrai.
9 Question: C'est un sujet tout à fait différent. Bien sûr que vous avez le
10 droit de poser des questions aux gens, mais cela n'a rien à voir avec la
11 question que je vous pose. Je vous demande si vous avez appris cela de la
12 bouche de gens que vous avez interrogés ou si vous l'avez vu de vos yeux?
13 Réponse: Je n'ai pas vu cela de mes yeux, mais j'ai interrogé cette
14 personne qui a survécu à ce massacre.
15 Question: Très bien. Vous parlez de l'attaque des forces serbes de l'autre
16 côté et vous mentionnez le village de Dragobilje. Puisque vous étiez
17 journaliste, vous saviez tous ce qui se passait?
18 Réponse: Je n'ai jamais mentionné Dragobilje.
19 Question: Au milieu de la page 4, il y a un petit paragraphe, très court,
20 au milieu de la page et nous y lisons -je cite-:: "Un convoi important de
21 policiers, de militaires et de paramilitaires serbes était arrivé à
22 Malisevo, en provenance de Orllat." (Fin de citation.)
23 Je prie les interprètes de m'excuser; je vais lire un peu plus lentement
24 maintenant.
25 Suite de la citation -je cite-: "J'ai vu ces unités bombarder Banje, ainsi
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1 que de Dragobilje, Gur i Bardh -ce sont les mots qui sont écrits dans la
2 version originale-, ainsi que les zones environnantes." (Fin de citation.)
3 Ici, nous lisons donc bien Dragobilje, n'est-ce pas? Vous avez donc
4 mentionné Dragobilje; c'est le village auquel j'ai fait moi(même
5 référence?
6 Réponse: C'est vrai, c'est vrai et, d'ailleurs, ce jour-là, cinq membres
7 de la famille Begaj ont été tués ou, en tout cas, blessés, et l'une de ces
8 personnes blessées est morte.
9 Question: Puisque vous êtes journaliste et que vous affirmez être au
10 courant de tout ce qui s'est passé, je vous demande si vous êtes au
11 courant du fait qu'un quartier général de l'UCK était situé à Dragobilje?
12 Réponse: De quelle période parlez-vous?
13 M. Milosevic (interprétation): Je parle de la période pendant laquelle la
14 Mission de vérification de l'OSCE était présente, de la période pendant
15 laquelle la KDOM était présente et, de façon générale, depuis le début de
16 la guerre. Donc je vous parle de la période qui inclut le temps qui a
17 précédé la guerre et la période de la guerre.
18 M. Zogaj (interprétation): Je ne peux pas parler de la période qui a
19 précédé la guerre, mais je peux vous dire tout ce que vous voudrez au
20 sujet de la période de la guerre.
21 M. le Président (interprétation): On vous demande, Monsieur le Témoin, si
22 vous le savez, si vous saviez qu'un quartier général de l'UCK existait à
23 Dragobilje? Pouvez-vous nous aider sur ce point, oui ou non?
24 M. Zogaj (interprétation): Je peux répondre. C'était le cas, il y avait un
25 quartier général de l'UCK, mais les forces serbes sont entrées ensuite.
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1 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant du fait que,
2 s'agissant des contacts avec les représentants de l'UCK dans ce village,
3 le village de Dragobilje donc, afin d'assurer ces contacts, il y avait un
4 poste avancé de la Mission de vérification pour le Kosovo ainsi que la
5 KDOM? Cela, le saviez-vous aussi?
6 Réponse: Je ne suis pas au courant de cela.
7 Question: Bien. En page 7 de votre déclaration, au milieu de la page,
8 avant la liste de noms que l'on trouve sur cette page, donc c'est le
9 paragraphe du milieu de la page, vous dites -je cite-: "Entre 1 heure de
10 l'après-midi et 7 heures de l'après-midi, nous avons avancé lentement en
11 convoi. La police avait dirigé la population dans deux directions: l'une
12 était la direction de Malisevo et de Rahovec, et l'autre groupe auquel
13 nous nous sommes joints a été dirigé vers Blace et Suharekë." (Fin de
14 citation.)
15 Et je vais vous interroger au sujet de ce que l'on trouve dans la phrase
16 suivante de ce paragraphe -je cite-: "A ce moment, nous avons appris de
17 tierces personnes que des habitants de Bellanicë avaient été assassinés
18 par la police, et notamment..., etc." (Fin de citation.)
19 Donc vous énumérez ensuite ces personnes mais cela encore, n'est-ce pas,
20 vous l'avez entendu dire par quelqu'un, vous ne l'avez pas vu de vos yeux,
21 n'est-ce pas? C'est bien le cas, n'est-ce pas?
22 M. Zogaj (interprétation): Monsieur le Président, permettez-moi de dire
23 quelque chose à ce sujet, et notamment de vous parler de ce que j'ai vécu
24 moi-même. Permettez-moi de parler.
25 M. Kwon (interprétation): Monsieur le Témoin, je comprends que vous avez
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1 beaucoup à dire, mais je vous prierai de bien vouloir vous en tenir aux
2 questions qui vous sont posées en y répondant simplement. Cela sera très
3 utile pour tout le monde.
4 Et la question consistait à vous demander si vous avez vu ces meurtres ou
5 si vous en avez entendu parler?
6 M. Zogaj (interprétation): Le premier meurtre auquel j'ai assisté et que
7 j'ai vu est celui Agim Bytyqi du village de Nishor; c'était un homme
8 handicapé mental. La police l'a tué et c'est vous qui étiez à l'origine
9 des ordres donnés à ce policier.
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Zogaj, ne faites pas de
11 commentaire. Vous êtes ici pour témoigner et pas pour autre chose.
12 On vous a interrogé donc au sujet du village de Bellanicë et on vous a dit
13 que ce que vous avez dit à ce sujet dans votre déclaration. La liste des
14 personnes tuées à cet endroit, que vous avez fournie dans votre
15 déclaration, émanait de propos que vous avez entendus de tiers. Pouvez-
16 vous nous dire ce que vous avez entendu dire au sujet des circonstances
17 qui ont entouré ces morts?
18 M. Zogaj (interprétation): Pendant les expulsions, les policiers, les
19 soldats, les paramilitaires entraient dans les villages. Ils sont entrés
20 dans le village où ils ont tué immédiatement l'imam de 73 ans. J'ai
21 rencontré Bahtishahe, son épouse, qui m'a raconté cela. Et puis non loin
22 d'un magasin qui s'appelait "Vatra", il y avait quatre corps gisant sur le
23 sol qui n'ont pas été identifiés. Pendant le trajet jusqu'à Temeqin il y
24 avait le corps mutilé d'un homme de 40 ans, je l'ai vu de mes yeux,
25 c'était un cadavre d'homme. Alors que je me trouvais dans le village, j'ai
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1 aussi entendu parler du décès de Nazlie Kryeziu et de Drita Kryeziu, sa
2 fille de 11 ans, qui étaient des réfugiés venus de Reti dans la
3 municipalité de Rahovec. Voilà simplement quelques-uns des cas dont j'ai
4 eu connaissance, il y en a eu beaucoup d'autres.
5 M. Milosevic (interprétation): Donc fondamentalement, la réponse que vous
6 faites à ma question est la suivante -et je m'attends à recevoir de vous
7 une réponse par oui ou par non-: ce que vous venez de décrire, ce n'est
8 pas ce que vous avez vu de vos yeux, mais c'est quelque chose qui vous a
9 été rapporté, n'est-ce pas, par des tiers? C'est exact, oui ou non?
10 M. le Président (interprétation): Oui, il l'a dit. Il n'est pas nécessaire
11 de répéter.
12 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Page 9 de votre déclaration, à
13 la fin du premier paragraphe -vous en avez déjà parlé dans votre
14 déposition-, en tout cas, cela figure dans le résumé de votre déclaration
15 -je cite-, deuxième paragraphe, dernière phrase: "A Kukes, au cours des
16 jours suivants, j'ai entendu des tiers qui étaient partis de Bellanicë
17 dire que 150 personnes avaient été tuées à Bellanicë, suite à l'action de
18 la police serbe au cours des journées du 1er et du 2 avril 1999." (Fin de
19 citation.)
20 Donc c'est la totalité de la phrase qui s'arrête à un point; on lit dans
21 cette phrase: "J'ai entendu des tierces personnes me dire…". Encore une
22 fois, vous témoignez ici au sujet de quelque chose que vous n'avez pas vu
23 de vos yeux, mais que vous avez entendu dire par des tierces personnes,
24 n'est-ce pas?
25 Réponse: Oui, en effet.
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1 Question: Ensuite, il y a un autre passage de votre déclaration, qui a
2 déjà été mentionné également, parce qu'il y a votre déclaration et le
3 résumé qui sont un petit peu différents l'un de l'autre.
4 Au paragraphe 3, au début de l'autre déclaration, vous dites -je cite-:
5 "Selon mon évaluation, il y avait à peu près 80.000 personnes le 1er avril
6 à Bellanicë." (Fin de citation.) Alors que, dans votre première
7 déclaration, vous avez écrit qu'à Bellanicë, vous avez vu "des milliers de
8 personnes".
9 Alors, dans l'une des déclarations, vous parlez de "milliers de
10 personnes", au pluriel, et ensuite le chiffre se modifie dans votre
11 deuxième déclaration et vous témoignez, s'agissant du même événement,
12 avoir vu 80.000 personnes.
13 Je vous demande si vous avez une explication justifiant cette grande
14 différence entre votre première et votre deuxième déclaration au sujet
15 d'un seul et même événement?
16 Réponse: Oui, je vais vous le dire.
17 A partir du mois de mai 1998, la première vague de réfugiés est arrivée de
18 Drenica et de Rahovec à Bellanicë. Et le 20 mars 1999 -et je dispose des
19 dates exactes, de l'heure exacte de leur arrivée, de l'endroit d'où
20 venaient ces personnes, de ce que ces personnes ont dit-, donc le 29, le
21 30 et le 31 mars, le nombre de ces réfugiés a atteint 80.000. J'ai des
22 documents ici pour le prouver, mais tout le reste, tous les autres
23 documents ont brûlé. Je dispose également d'une photographie qui porte la
24 date du 28 et du 29 mars, qui montre les réfugiés.
25 Question: Ce n'est pas cela que je vous demandais. Je vous demandais
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1 simplement pourquoi il y avait une telle différence entre votre première
2 et votre deuxième déclaration au sujet d'un seul et même événement,
3 puisque, dans un cas, vous parlez de plusieurs milliers et, dans l'autre
4 cas, de 80.000.
5 Pouvez-vous donc apporter une explication sur ce point, oui ou non? Mais
6 si ce que vous venez de dire est votre explication, eh bien, que les
7 choses restent en l'état. C'est assez clair.
8 A la fin de la première page de votre deuxième déclaration, vous évoquez
9 un certain nombre d'événements que je ne vais pas maintenant reprendre,
10 car ils ne sont pas l'objet de mes questions. Je vais simplement citer la
11 phrase qui est l'objet de ma question. Vous dites -je cite-: "J'ai vu cela
12 de mes yeux étant un journaliste international et non un journaliste de
13 l'UCK." (Fin de citation.)
14 La question que je vous pose est la suivante: étiez-vous journaliste de
15 l'UCK?
16 Réponse: Non. Je n'étais pas journaliste de l'UCK. J'étais journaliste
17 accrédité auprès du journal "Rilindja" et j'ai tous les papiers qui le
18 prouvent ici. Ce qui a été publié le 5 mai 1998 montre bien que la police
19 serbe a pris position dans le village de Dulje et montre également ce que
20 la police serbe a fait à la population civile. Il s'agit d'une demi-page
21 où il y a aussi des photographies.
22 M. Milosevic (interprétation): Ma question consistait à vous demander si
23 vous étiez journaliste de l'UCK, parce que vous avez écrit ceci?
24 M. le Président (interprétation): Il l'a nié, il l'a nié. Vous avez
25 entendu ce qu'il a dit.
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1 Mais faisons la clarté sur ce point, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous
2 étiez salarié? Est-ce que vous travailliez en tant que permanent, à temps
3 plein, pour le journal "Rilindja" ou étiez-vous pigiste?
4 M. Zogaj (interprétation): A partir de 1996 -et j'ai des documents qui le
5 prouvent-, je travaillais comme journaliste salarié à plein temps pour le
6 journal "Rilindja". Si vous souhaitez, je peux vous montrer ces documents.
7 M. Kwon (interprétation): Monsieur Zogaj, mais pourquoi avez-vous ressenti
8 la nécessité d'écrire "pas en qualité de journaliste de l'UCK"? Que
9 voulez-vous dire par cette question?
10 M. Zogaj (interprétation): J'ai écrit cela simplement pour montrer que je
11 ne pouvais pas me rendre dans les zones contrôlées par la police et
12 l'armée serbes, mais seulement dans les zones contrôlées par l'UCK.
13 M. Milosevic (interprétation): C'est une très bonne réponse. Vous venez de
14 parler de "Rilindja", mais dans quelle période avez-vous exactement
15 travaillé pour "Rilindja"? De quel moment à quel moment à peu près?
16 M. Zogaj (interprétation): Je m'en souviens très bien: depuis le 20 juin
17 1996 jusqu'à la date d'aujourd'hui. Et je mourrai sans doute sans avoir
18 quitté le journal "Rilindja".
19 Question: Est-ce que "Rilindja" est paru régulièrement pendant tout le
20 temps où vous avez travaillé pour ce journal?
21 Réponse: Pas le dimanche. Il y a eu des moments où vous avez d'ailleurs
22 fait arrêter sa publication. Vous avez, à plusieurs reprises, fait arrêter
23 la publication de "Rilindja", la parution.
24 Question: Ce que je vous demandais, c'est si "Rilindja" est paru
25 régulièrement pendant tout ce temps? Combien de fois "Rilindja" n'est pas
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1 paru, pour d'autres raisons que celle que vous venez de mentionner?
2 Réponse: Je ne peux pas vous dire combien de fois, car ce sont les
3 personnes qui travaillaient à l'administration qui sont le mieux à même de
4 répondre à cette question.
5 Question: Mais vous êtes un journaliste qui travaillait de façon
6 régulière. Etes-vous en train d'affirmer que la parution de "Rilindja" a
7 été interdite à plusieurs reprises, que certains numéros de "Rilindja" ont
8 été censurés?
9 Réponse: Il y a eu interdiction de parution; c'est vous qui avez ordonné
10 cette interdiction.
11 M. Milosevic (interprétation): Mais ma question est la suivante: êtes-vous
12 en train de dire que certains numéros de "Rilindja" ont été interdits?
13 M. le Président (interprétation): Il a répondu "oui" et il a dit que c'est
14 vous qui étiez la cause de cette interdiction.
15 M. Milosevic (interprétation): Je comprends, mais moi, j'affirme que
16 personne n'a jamais interdit la parution de journaux au Kosovo.
17 Je vous demande, Monsieur le Témoin, si tous les journaux qui paraissaient
18 en langue albanaise pouvaient être achetés un peu partout au Kosovo, à
19 Pristina notamment, dans tous les kiosques?
20 M. Zogaj (interprétation): Dans les coins habités par les Serbes, il n'y
21 avait aucune possibilité de les acheter. Sinon, oui, on pouvait les
22 acheter. A ce moment-là, "Rilindja", qui s'appelait "Bujku" d'ailleurs
23 quand j'ai commencé à travailler pour ce journal, parce qu'en 1990,
24 "Rilindja" ainsi que tous les médias en langue albanaise ont été fermés.
25 Question: Mais comment avez-vous pu travailler dans un "Rilindja" fermé de
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1 1996 jusqu'à la guerre? Si "Rilindja" était fermé, comment est-ce que vous
2 avez pu travailler pour ce journal?
3 Réponse: "Rilindja" a continué à paraître après l'obtention d'une
4 autorisation spéciale, parce que vous-même et votre police serbe pouviez
5 fermer un journal selon vos caprices du moment. Mais le journal était donc
6 soumis à la censure, mais c'est seulement par la suite qu'il a été
7 autorisé à reparaître pour être mis entre les mains de ses lecteurs. La
8 police serbe m'a frappé à plusieurs reprises, simplement parce que j'étais
9 journaliste.
10 Question: C'est ici pour la première fois que j'entends parler de cela.
11 Mais comment fonctionnait-elle cette censure? De quelle censure
12 s'agissait-il? Qui appliquait cette censure?
13 Réponse: Je ne comprends pas comment vous pouvez dire que c'est la
14 première fois que vous entendez parler de censure puisque tous les ordres
15 en la matière, sans aucune exception, venaient de vous. Que les
16 interdictions, que les problèmes avec l'école primaires ou l'université,
17 que cela concerne l'empoisonnement massif de 7.232 élèves, nous n'avons
18 pas eu l'autorisation d'écrire à ce sujet, mais nous avons trouvé le moyen
19 de contourner cette interdiction pour défier l'ennemi. Ça, c'est la
20 vérité.
21 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous ne témoignez pas ici au
22 sujet d'un empoisonnement au Kosovo. Mais il y a quelques instants, vous
23 avez déclaré que "Rilindja" paraissait tous les jours sauf le dimanche.
24 Est-ce que cela signifie que tous les jours la censure était appliquée à
25 vos journaux lorsqu'ils étaient sous presse, sur le point de paraître,
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1 est-ce que c'est ce que vous êtes en train d'affirmer?
2 M. Zogaj (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
3 me sens le devoir de répondre à cette question, car j'ai fait partie des
4 personnes empoisonnées le 23 mars 1990, et encore aujourd'hui j'en subis
5 les séquelles.
6 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous aider sur cette
7 question relative à la censure appliquée à la presse? Pouvez-vous nous
8 donner une idée du nombre de fois où votre journal a été interdit, à
9 quelle fréquence il était interdit? Pouvez-vous nous en donner une idée au
10 moins générale?
11 M. Zogaj (interprétation): Je ne peux pas vous donner un chiffre exact
12 parce que le journal a été interdit de parution à plusieurs reprises.
13 Finalement, après les bombardements de l'OTAN contre des cibles serbes,
14 tous les journaux ont été interdits de parution et des centaines de
15 personnes ont été passées à tabac et persécutées par l'accusé.
16 M. Milosevic (interprétation): Mais pendant toutes ces années où vous avez
17 travaillé pour "Rilindja", pouvez-vous nous donner au moins un chiffre
18 très approximatif d'interdictions de parution pendant toutes ces années?
19 Je parle de toutes les années où vous avez travaillé pour "Rilindja";
20 combien y a-t-il eu, même de façon très approximative, d'interdictions de
21 parution?
22 Réponse: Je n'ai pas compétence pour répondre à cette question.
23 Question: Mais en tant que journaliste, savez-vous, compte tenu des lois
24 de la Yougoslavie et de la République de Serbie, savez-vous que la
25 censure, dont vous prétendez qu'elle a été appliquée, était quelque chose
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1 d'illégal et d'impossible à pratiquer?
2 Réponse: Elle était tout à fait possible à appliquer par vous. Le journal
3 n'a pas paru à plusieurs reprises dans les délais prévus.
4 Question: Ceci est arrivé pour quelques numéros isolés pendant toutes ces
5 années. Moi, j'affirme que cela n'a pas eu lieu, même pour ces quelques
6 numéros isolés. Mais nous en reparlerons sans doute en nous appuyant sur
7 votre déclaration, encore une fois un peu plus tard.
8 Revenons maintenant à la page 3 de votre deuxième déclaration où vous
9 revenez sur ce qui est essentiel: vous dites -je cite-: "Le 30 mars, j'ai
10 vu de mes yeux 44 véhicules blindés de la police et de l'armée serbes qui
11 venaient de Caralluka en tant que renfort pour les troupes de Malisevo."
12 (Fin de citation.)
13 M. Zogaj (interprétation): Monsieur...
14 M. Milosevic (interprétation): Laissez-moi terminer ma citation -je cite-:
15 "A partir de cet endroit et des positions qu'ils tenaient à Caralluka,
16 dans la municipalité de Malisevo, ils ont tiré dans la direction du
17 village de Terpeza et de Ladrove, de Senik, de Banja et également de
18 Dragobil. Ces forces ont pilonné ces villages pendant leur déplacement."
19 (Fin de citation.)
20 Donc vous parlez de renforts apportés à la police et à l'armée, vous
21 parlez de combats qui ont eu lieu dans la zone, avec pour centre Dragobil
22 où se trouvait le quartier général de l'UCK.
23 Est-ce que, par ce que vous êtes en train de dire ici, vous n'apportez pas
24 clairement la preuve qu'il y avait des combats entre les forces d'un Etat
25 légitime légal et l'organisation terroriste de l'UCK, de l'autre côté?
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1 Est-ce que ceci est vrai ou pas?
2 M. le Président (interprétation): Si vous posez la question de cette
3 façon, vous savez que la réponse du témoin consistera à nier qu'il ait
4 existé une organisation du type que vous venez de décrire. Il est donc
5 inutile d'essayer d'avancer vos arguments ou de marquer des points auprès
6 du témoin. C'est une perte de temps.
7 Si vous souhaitez l'interroger au sujet du conflit, faites-le, mais ne
8 faites pas de discours.
9 M. Milosevic (interprétation): Mais savez-vous que M. Gelbard, Robert
10 Gelbard, représentant américain chargé des Balkans, a défini l'UCK comme
11 une organisation terroriste en février 1998?
12 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question à poser au
13 témoin qui ne veut pas y répondre.
14 Mais, Monsieur le Témoin, veuillez nous aider sur le point suivant: y
15 avait-il un conflit? Y avait-il des combats au moment dont vous êtes en
16 train de parler, c'est-à-dire au moment où vous dites dans votre
17 déclaration que "la police et l'armée serbes, provenant d'un point
18 déterminé, sont arrivés pour apporter des renforts à Malisevo et ont tiré
19 sur un certain nombre de villages pendant leur déplacement"? C'est ce que
20 vous dites dans votre déclaration.
21 M. Zogaj (interprétation): Oui, c'est vrai, ces hommes ne tiraient pas sur
22 les combattants de l'UCK, mais sur des cibles civiles. Et il y a eu des
23 morts suite à ces tirs. C'est ça la vérité.
24 M. Milosevic (interprétation): Si c'est la vérité, si vous avez dit la
25 vérité, comment se fait-il que vous disiez, à la fin de cette page -et là
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1 je vous cite, je cite chacun de vos mots- que "l'UCK avait déployé des
2 positions dans des villages, comme Bllacë, Galusa, et couvrait trois
3 villages, ceux de Peqan, Sllapuzhan, Semetishte. En plus de cela, il y
4 avait Doberdelan, dans les montagnes, dans la municipalité de Suva Reka,
5 Milanovic, Dragobilje -une fois de plus, Dragobilje-, ainsi que Gajrak,
6 dans la municipalité de Malisevo.
7 Par conséquent, vous avez parlé ici de positions occupées par l'UCK et
8 vous dites que c'était l'armée qui tirait sur les civils; c'est vous qui
9 l'avez dit. Une fois de plus, vous faites référence à Dragobilje dans
10 cette série de villages où vous parlez de la totalité de la zone où il y
11 avait la présence de l'UCK, d'unités de l'UCK. Le paragraphe dit que l'UCK
12 avait des positions et précise où.
13 Est-ce que ceci n'est pas vraiment la négation de ce que vous avez dit
14 tout du long? Ici, je reprends vos propres dires dans votre déclaration.
15 M. Zogaj (interprétation): Slapuzan se trouve à quelques kilomètres, mais
16 ici je peux parler de Malisevo. Je l'ai déjà dit, je le répète: les
17 positions de l'UCK n'ont pas été attaquées, c'est la population civile qui
18 a été attaquée de loin. En ce qui concerne les autres parties de la
19 municipalité de Suva Reka -je n'ai pas mentionné les noms des villages
20 parce que je n'en dispose pas-, il est vrai que l'UCK s'y trouvait, y
21 était positionnée et qu'elle avait combattu pendant une dizaine de jours
22 afin de protéger la population civile. Mais la défense de Pagarushe, de
23 cette zone-là était pratiquement impossible là où se trouvait Dragobil,
24 ainsi que Caravrana. Et la police, les militaires et les paramilitaires
25 serbes ont pénétré dans ces villages et ont pillé tous ce qui pouvait
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1 appartenir à des Albanais. Finalement, toute la population s'est réfugiée
2 à Bellanicë. Voilà comment se sont déroulées les choses.
3 Question: Fort bien, cela signifie que vous affirmez désormais -je reviens
4 à vos derniers dires-, vous affirmez que l'UCK combattait afin de protéger
5 des civils; c'est ce que vous avez dit. Il y a un instant, vous avez
6 déclaré que l'armée, la police n'avaient pas attaqué l'UCK. Sur la base de
7 votre déclaration préalable, est-ce que cela veut dire que l'UCK tirait
8 sur l'armée, sur la police qui, elles, n'attaquaient pas l'UCK?
9 Réponse: Pensez-vous que tout le monde doit être tué, que tout le monde
10 doit rester les bras croisés pendant que tous les Albanais sont tués?
11 C'est la raison pour laquelle l'UCK a défendu la population civile. Voilà
12 pourquoi. Il n'y a pas d'autre armée qui tue la population civile, si ce
13 n'est l'armée serbe et la police serbe.
14 Question: Ils n'ont pas attaqué l'UCK? C'est ce que vous affirmez, oui ou
15 non?
16 Réponse: La population a été attaquée avec des chars, avec des canons et
17 puis l'UCK s'y est mise aussi.
18 Question: Fort bien. Vous avez fourni suffisamment d'explications en ce
19 qui concerne cette logique de la guerre, de la pratique de la guerre.
20 Revenons à votre profession: vous avez dit que vous avez observé les
21 événements en qualité de journaliste international. Pourriez-vous nous
22 dire pour quel journal international vous avez travaillé?
23 Réponse: Ce n'est pas un journal international. J'ai dit que j'étais
24 membre de l'Association internationale de journalistes qui a son siège à
25 Bruxelles. Voilà ma carte de presse. Ce n'est pas un journal
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1 international, c'est une carte d'identité, si vous voulez, c'est une carte
2 de journaliste international pour la presse internationale.
3 Question: Bon. Donc vous n'avez pas travaillé pour un seul journal
4 international. Indépendamment du fait que vous avez une carte de membre,
5 je vous demandais si vous aviez travaillé pour un journal international?
6 Réponse: Je n'ai pas travaillé pour un journal international, je suis
7 membre de l'Association internationale des journalistes. Je travaille pour
8 "Rilindja"; je pense que la fédération de l'Association internationale de
9 journalistes s'occupe des droits des journalistes et j'en suis simplement
10 membre.
11 M. Milosevic (interprétation): Je n'en doute pas du tout, je ne conteste
12 pas cela. Je vous demande simplement si vous travaillez pour un journal
13 international. Vous m'avez donné une réponse. Inutile de poursuivre vos
14 explications.
15 Vous avez dit que vous faisiez partie d'une commission de la cellule de
16 crise. A quel titre en faisiez-vous partie: en tant que membre de l'UCK ou
17 pas?
18 M. Zogaj (interprétation): Il parle toujours de l'UCK. Mais vous ne parlez
19 pas de vos propres forces. Comment voulez-vous que je réponde?
20 M. le Président (interprétation): Ne tenez pas compte de ce commentaire.
21 On vous a posé une question à propos de votre participation à une
22 commission. Est-ce que vous en avez fait partie? Si oui, à quel titre?
23 M. Zogaj (interprétation): Qu'est-ce que vous voulez dire "titre",
24 "commission"? En tant que journaliste, j'ai des devoirs dans mon propre
25 pays. Je dois me rendre sur les lieux où il y a des crises.
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1 M. le Président (interprétation): Dans votre déclaration préalable, vous
2 faites référence à un arrivage que l'on attendait de personnes qui
3 allaient venir à Bellanica et vous ajoutez que "vous aviez créé une
4 commission d'urgence pour ce village". Il y a peut-être d'autres
5 références à ce propos, mais en ce qui concerne cet aspect-là, est-ce que
6 vous étiez membre d'une commission particulière? A quel titre? Ou est-ce
7 que vous essayiez simplement d'apporter de l'aide?
8 M. Zogaj (interprétation): J'essayais simplement d'aider dans la mesure du
9 possible.
10 M. Milosevic (interprétation): Ici, vous avez écrit que vous aviez donné
11 des instructions aux habitants du coin. De quelle autorité pouviez-vous
12 leur donner des instructions?
13 Réponse: Je ne me souviens pas avoir dit cela, ni l'avoir écrit. Mais il y
14 avait une commission qui avait été créée dans ce village, afin que soient
15 logées ces personnes qui allaient arriver. Et moi, j'ai suivi les
16 événements au fur et à mesure qu'ils se déroulaient. Ici, j'ai aussi mes
17 articles que j'ai écrits pour mon journal, "Rilindja".
18 Question: Fort bien. Cela veut dire que c'est en tant que bénévole, si je
19 comprends bien ce que vous dites, que vous participiez à cette commission
20 qui vous a accueilli en tant que volontaire, en tant que bénévole?
21 Réponse: Mais tout le monde s'est entraidé. S'il n'y avait pas eu de
22 commission créée pour apporter de l'aide à ceux qui en avaient besoin,
23 comme nous le disons au Kosovo, c'était une commission nécessaire. Quand
24 quelqu'un est dans le besoin, il faut essayer de l'aider autant que l'on
25 peut, et si ce n'est pas possible pour ces personnes qui avaient été
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1 expulsées, elles étaient dehors sous la pluie, sous la neige, sans
2 nourriture et il fallait quand même les aider, ces personnes qui étaient
3 dehors, dans les collines.
4 Question: Je vois que vous parlez du fait que la police de la circulation
5 vous avait aidés. Ça, c'est vers la fin, à la page 7: "Quinze minutes plus
6 tard, les véhicules de la police de la circulation nous ont escortés
7 jusqu'au centre de Prizren", dites-vous notamment.
8 Il semble donc que la police de la circulation vous a aidés davantage que
9 ne vous a aidés cette commission que vous avez créée, c'est vrai ou pas?
10 En effet, vous dites que vous aviez donné des instructions, selon
11 lesquelles ils devaient entrer dans des véhicules, qu'ils devaient en
12 sortir, ce genre de choses?
13 Réponse: Où est-ce qu'elle était cette police de la circulation?
14 Question: C'est dans votre déclaration préalable -je lis-: "Ils vous ont
15 escortés jusqu'à Prizren. Ils vous ont aidés à vous rendre à Prizren".
16 C'est ce que vous avez écrit dans votre propre déclaration.
17 Réponse: Je l'ai écrit et je le dirai clairement. Après avoir été chassés
18 de Bellanicë par la force, par la police qui rouait les gens de coups, qui
19 les tuait sur la route, au village de Ljubiste, dans la soirée, nous avons
20 été arrêtés par la police de la circulation. Les membres de la police de
21 la circulation nous ont demandé d'où nous venions; nous étions les
22 premiers véhicules du convoi. Nous avons répondu que nous venions de
23 Bellanicë. La police, les paramilitaires et les autres, dans la cour du
24 poste de police de Ljubiste, ces gens chantaient des chants chetniks. La
25 police de la circulation nous a dit: "Si vous venez de Bellanicë, et vous
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1 êtes nombreux, il faudra que vous attendiez ici. D'ici, nous allons vous
2 escorter jusqu'à la route menant à Zhur pour aller en Albanie".
3 J'ai déjà dit à ce Tribunal que je remercie, que je sais gré à ces
4 policiers, parce que les autres, eux, ne nous ont pas aidés du tout. Mais
5 on ne peut pas dire que cette police de la circulation nous aurait aidés
6 davantage que la commission du village. Vous n'avez pas le droit de dire
7 cela parce que ce n'est pas vrai.
8 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Vous êtes ici pour dire ce qui
9 est vrai et ce qui ne l'est pas. Vous êtes journaliste et, puisque vous
10 avez suivi les événements de très près, est-ce que vous connaissez ceci:
11 le 29 mars 1999, sur la route départementale de Suva Reka à Orahovac, dans
12 le village de Rastani, un village de votre municipalité, la municipalité
13 de Suva Reka, des terroristes albanais ont tiré sur des membres de la
14 police qui se trouvaient dans un véhicule officiel GAZ. Cela s'est passé
15 en 1999, le 29 mars.
16 Est-ce que vous connaissez cet événement? Cela s'est passé avant le début
17 de la guerre.
18 M. Zogaj (interprétation): Mais la guerre, elle était déjà en cours. Vous
19 dites certaines choses. Il se peut que des gens aient été tués par des
20 forces serbes; or vous l'avez nié. Jamais vous n'avez dit aux médias que
21 des gens avaient été tués, notamment à Rastani.
22 M. le Président (interprétation): Je pense que l'on s'écarte du sujet.
23 Monsieur Milosevic, vous avez disposé de plus d'une heure. Si vous avez
24 d'autres questions, vous pouvez les poser, sinon ce sera la fin de votre
25 contre-interrogatoire.
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1 M. Milosevic (interprétation): Oui. J'ai encore beaucoup de questions.
2 Mais je pense que maintenant, vous m'avez limité à une heure; or vous êtes
3 intervenu vous aussi et le témoin aussi est intervenu pendant cette heure
4 avec des explications inutiles. Je pense que vous pourriez proroger ce
5 temps qui m'est réservé pour le contre-interrogatoire puisque vous avez
6 vraiment fait des économies de temps.
7 M. le Président (interprétation): Vous avez disposé de plus d'une heure.
8 Est-ce que vous avez peut-être encore une question à poser au témoin ou
9 pas?
10 M. Milosevic (interprétation): Mais oui, je vais en poser. Comment est-ce
11 que je refuserais?
12 Vous n'êtes au courant de rien, en dépit du fait que vous êtes
13 journaliste. Est-ce que vous êtes au courant de quoi que ce soit qui se
14 soit passé sur le territoire de votre municipalité de Suva Reka, du
15 moindre crime qui aurait été commis par l'UCK?
16 M. Zogaj (interprétation): Mais qu'est-ce qui se serait passé?
17 M. Milosevic (interprétation): Des crimes commis contre les Serbes, les
18 Albanais, le reste de la population?
19 M. Zogaj (interprétation): Pourquoi ne parlez-vous pas des meurtres que
20 vous-même vous avez commis?
21 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une réponse, Monsieur le
22 Témoin.
23 On vous a posé la question suivante: êtes-vous au courant des crimes
24 commis par l'UCK dans la municipalité de Suva Reka? Que répondez-vous?
25 M. Zogaj (interprétation): Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant.
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1 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic?
2 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Shefqet
3 Zogaj.)
4 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Permettez-
5 moi d'essayer d'expliquer quelques faits qui sont encore restés peu
6 expliqués et donc peu clairs. Je me base uniquement, bien entendu, sur la
7 déclaration préalable.
8 Monsieur le Témoin, lorsque vous avez fourni cette déclaration préalable,
9 d'après le procès-verbal ici, vous avez commencé le 20 mars 1999, est-ce
10 exact?
11 M. Zogaj (interprétation): Oui, c'est vrai.
12 Question: Il y a un instant, lorsque vous avez parlé de tout cela, vous
13 avez dit que vous aviez parlé à 11 heures 30. Et puis, vous avez répondu
14 aux questions et vous avez dit que les premières interviews avaient
15 commencé à midi 20 contre le village; c'est alors que vous citez ce
16 village. Donc c'est le 20 mars, pas le 25 mars, que se sont produites ces
17 attaques dirigées contre ce village. C'est ce que vous dites de façon
18 précise d'ailleurs, à midi 20?
19 M. Zogaj (interprétation): Non, ce n'est pas exact, vous n'avez pas
20 compris. Le 20 mars, à midi et demi, alors que le 25, c'est ce jour-là
21 qu'il y a eu ce massacre à Suva Reka, c'est ce jour-là que des centaines
22 de personnes ont été tuées. Et 522 personnes ont été tuées depuis
23 1998/1999.
24 Question: Monsieur Zogaj, ce n'est pas la question que je vous ai posée.
25 J'ai sous les yeux votre déclaration et vous dites "le 20 mars", et
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1 maintenant vous dites précisément "le 20 mars, ce qui s'est passé à 11
2 heures 30 et puis ce qui s'est passé à midi 20, et que la première attaque
3 avait commencé". C'est ce que vous avez déjà expliqué en réponse aux
4 questions posées.
5 Est-ce que c'est comme ça que c'est écrit dans le texte ou pas?
6 Réponse: Oui, c'est ce jour-là.
7 Question: Donc c'est le 20 mars, pas le 25 mars. Merci.
8 Réponse: Le 20 mars. Je l'ai dit au début et je le répète: ça s'est passé
9 le 20 mars. Ne semez pas la confusion dans mon esprit.
10 Question: Je ne veux pas semer la confusion du tout.
11 Au premier paragraphe de votre déclaration, vous mentionnez un bon nombre
12 de villages et vous dites que ce jour-là, les forces serbes avaient
13 attaqué plusieurs dizaines de villages, dont vous en citez plusieurs. Est-
14 ce que tous ces villages sont des villages qui ont été contrôlés ou
15 protégés par l'UCK?
16 Réponse: Ces villages ont été attaqués, et bien sûr l'UCK était présente;
17 mais à la fin, tous ces villages ont été brûlés, incendiés par des
18 barbares, par des criminels. Ça, c'est la vérité. J'ai des photographies
19 qui vous montrent les maisons incendiées, les mosquées détruites,
20 détruites par l'armée et la police serbes. Ce n'est pas quelque chose que
21 l'on peut éviter ça. Ça, c'est la vérité. L'OSCE, la mission de l'OSCE l'a
22 vu. Et aussitôt après la guerre, d'autres l'ont vu aussi, le 12 juin.
23 Question: Je vous demande d'avoir l'obligeance de répondre à des choses
24 qui sont consignées dans votre déclaration. Je voudrais terminer ce sujet
25 de la façon suivante.
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1 Vous avez parlé d'autre chose à propos du 20 mars: vous avez dit qu'il y
2 avait eu des attaques d'artillerie, que l'UCK avait été tenue par les
3 forces serbes et puis qu'on avait utilisé les avions. Et tout cela ça
4 s'est passé le 20 mars, d'après votre déclaration?
5 Réponse: Regardez bien, ce n'est pas le 20 mars que j'ai dit. J'ai dit: au
6 moment où se trouvait là la mission de l'OSCE. Tout y est écrit, tout y
7 est dit. J'ai aussi indiqué quel était le nombre de missiles, de
8 projectiles, et qui était de 1,5 mètre, ainsi que l'année de fabrication.
9 Question: Donc tout ça, c'était avant le 25 mars?
10 Réponse: Non, cela s'est passé le 28.
11 Question: Mais c'est précisément de cette façon que j'aimerais terminer.
12 Pour la première fois, vous parlez du 28 mars. Et c'est la première fois
13 aujourd'hui que vous parlez d'avion.
14 Réponse: Non, non, ce n'est pas la première fois que j'en parle. J'en ai
15 déjà parlé auparavant.
16 Question: Messieurs les Juges, j'insiste sur ce point: vous disposez de la
17 déclaration préalable du témoin et ceci mettrait fin à la première partie,
18 au premier volet sur lequel je voulais intervenir.
19 Il y a une première déclaration et une deuxième déclaration fournies les
20 12 et 18 juin 2001.
21 Prenez le cinquième paragraphe dans la version en anglais, si vous voulez
22 bien. Il y est dit qu'en 1998 -c'est bien ce qui est dit dans votre
23 déclaration- il y avait des réfugiés dans votre village, ils venaient de
24 la zone de Drenica. Est-ce exact?
25 Réponse: Oui. Du village de Llapushnik, de Vukovc, de Orllat et d'autres
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1 villages. Je peux vous les citer tous.
2 Question: Pourriez-vous nous dire combien il y avait de réfugiés en 1998?
3 Réponse: 1, 2, 10, 100, jusque 1.000. C'étaient tous des réfugiés,
4 c'étaient tous des réfugiés.
5 Question: Mais combien de personnes y a-t-il eu qui ont quitté Drenica en
6 1998? Elles étaient contrôlées par qui en 1998? Est-ce que toute la zone
7 de Drenica était contrôlée par l'UCK?
8 Réponse: Non, parce que Drenica ne fait pas qu'une superficie de 100 ou
9 200 mètres; c'est une zone assez grande qui ne pouvait, en aucune façon,
10 être contrôlée par l'UCK, vu la présence, pendant des années d'affilée, de
11 forces serbes. Il y avait des forces serbes, pas seulement ce jour-là mais
12 ça s'était passé pendant des années.
13 Kumarani a toujours été sous contrôle de la police et de l'armée serbes.
14 Les gens ont toujours subi des coups. Il y a eu beaucoup de pillages. Je
15 faisais partie de ces gens. J'ai été interpellé par la police en 1994 et
16 on m'a confisqué des biens.
17 Question: Ce qui m'intéresse, c'est le fait que des réfugiés sont venus
18 dans votre village en 1998, à l'époque. Etant donné qu'il y avait un
19 conflit entre l'UCK et l'armée ou la police yougoslave, est-ce qu'il y
20 avait des gens qui se déplaçaient pour s'installer dans des zones plus
21 calmes? Répondez par oui ou par non, et ce sera ma dernière question.
22 Réponse: A Kumerane, il n'y avait personne, il n'y avait que des chars
23 serbes, l'armée, des paramilitaires, la police; c'est la raison pour
24 laquelle les personnes essayaient de trouver refuge dans des zones,
25 devaient partir dans des zones plus sûres. Et je veux vous dire ce qui
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1 s'était passé auparavant, et pas seulement ce jour-là, parce que si cela
2 ne vous intéresse pas, moi, cela ne m'intéresse pas non plus, Messieurs
3 les Juges.
4 M. Tapuskovic (interprétation): Cela m'intéresse sans l'ombre d'un doute.
5 Mais ici on parle uniquement de votre déclaration préalable. On ne peut
6 pas parler de choses qui ne sont pas contenues dans votre déclaration
7 préalable. J'en ai terminé.
8 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des questions supplémentaires?
9 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Shefqet Zogaj, par
10 Mme Romano.)
11 Mme Romano (interprétation): Oui, Monsieur le Président, une seule
12 question.
13 Monsieur Zogaj, dans votre déclaration…
14 M. Zogaj (interprétation): Oui.
15 Question: Vous avez dit que comme les villages que vous mentionnez avaient
16 été bombardés ou pilonnés à partir du 20 mars, les gens avaient fui vers
17 Treditca(phon.). J'aimerais apporter un éclaircissement sur une chose: Les
18 villages dont les villageois sont partis, se sont enfuis à cause de
19 l'attaque.
20 Est-ce que c'était à cause de l'attaque, à cause du pilonnage, de ce que
21 faisaient les forces serbes, comme vous l'avez décrit? Ou est-ce que les
22 villageois sont partis parce qu'il y avait eu ensuite des combats entre
23 les forces Serbes et l'UCK?
24 Réponse: Vous parlez du 20 mars, Madame. La population civile, elle, n'est
25 pas partie le 20. Mais à partir du 20 mars, les gens sont arrivés à
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1 Bellanicë, parce qu'il y faisait plus tranquille, plus calme plus
2 exactement. Toute la zone était en proie aux flammes, au feu. Il y avait
3 des meurtres, Hoxhaj était en flammes. La police, l'armée serbe ont
4 pénétré avec du matériel lourd, avec des véhicules lourds dans ces
5 villages.
6 Question: Je vous ai fourni deux scénarios possibles de fuites. Fuites
7 motivées par l'attaque des forces serbes pour leurs agissements, ou fuites
8 parce qu'il y avait un combat entre les forces serbes et l'UCK qui
9 défendait ces villages, quelle est la raison qui les a poussés à fuir?
10 Réponse: A Bellanicë, le 1er avril, il n'y avait pas d'UCK. Il n'y avait
11 pas de position de l'UCK. Il n'y en avait jamais eu. Ça, je peux vous le
12 dire en toute âme et conscience.
13 Question: Dans votre déclaration, vous dites que plusieurs villages
14 avaient été attaqués à partir du 20 mars, et que les villageois avaient
15 commencé à prendre la fuite en direction du village de Bellanicë. Je
16 voudrais savoir quelles sont les raisons pour laquelle ces villageois ont
17 commencé à partir pour Bellanicë.
18 Est-ce qu'ils partaient parce qu'il y avait ces attaques ou parce qu'il y
19 avait des combats entre les forces serbes et l'UCK?
20 Réponse: Au début, en mars. Plusieurs civils habitant Suva Reka sont
21 partis le 25 mars, aussitôt après les bombardements de l'OTAN contre les
22 cibles serbes. Au Kosovo et en Yougoslavie, la population civile de Suva
23 Reka se trouvait dans un état déplorable dès les premières heures du matin
24 et cette condition a prévalu pendant plusieurs jours d'affilée. D'autres
25 témoins sont venus en parler, je pense. A partir de ce jour-là, ils sont
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1 venus à Bellanicë.
2 Question: Est-ce que vous comprenez la question que je vous pose? Pourquoi
3 les villageois sont-ils partis, ont-ils commencé à partir? De quoi
4 avaient-ils peur? Est-ce qu'ils avaient peur des attaques ou plutôt des
5 combats qui se déroulaient entre l'UCK et les forces serbes?
6 Réponse: S'ils sont partis, c'est parce qu'ils étaient devenus la cible de
7 massacres perpétuels. C'est pour cela qu'ils sont venus dans notre
8 village. Alors que l'UCK qui essayait de nous protéger, n'a pas pu
9 protéger et maintenir ses positions, ça lui était impossible. Donc elle a
10 fait un repli tactique sur d'autres villages. C'est de cette façon-là que
11 des villageois, notamment la population d'autres villages, est venue vers
12 Bellanicë, qui s'est retrouvée au centre des attaques de la police et de
13 l'armée serbes.
14 Question: Donc, vous dites qu'ils sont partis parce qu'ils étaient la
15 cible d'attaques et de tueries continuelles. Qui en étaient responsables?
16 Réponse: Eh bien, la police et l'armée prenaient toujours pour cible la
17 population civile. Dès 11 heures du matin le 1er avril, la situation était
18 tout à fait désespérée.
19 Mme Romano (interprétation): Je n'ai plus de questions. Je vous remercie.
20 M. Zogaj (interprétation): C'est moi qui vous remercie.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Zogaj, ceci met terme à votre
22 déposition.
23 Merci d'être venu en tant que Témoin au Tribunal pénal international.
24 Votre déposition est terminée. Vous pouvez vous retirer et nous allons
25 faire une pause d'une demi-heure.
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1 M. Zogaj (interprétation): Merci.
2 (L'audience, suspendue à 11 heures 02, est reprise à 11 heures 32.)
3 (Le témoin, M. Osman Kuci, est déjà dans le prétoire.)
4 M. le Président (interprétation): Le témoin doit prononcer la déclaration
5 solennelle.
6 M. Kuci (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
8 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez vous
9 asseoir.
10 (Le témoin s'assoit.)
11 Madame Romano, vous avez la parole.
12 (Interrogatoire principal du témoin, M. Osman Kuci, par Mme Romano.)
13 Mme Romano (interprétation): Monsieur, pouvez-vous décliner votre
14 identité, s'il vous plaît? Est-ce que vous voulez mettre vos écouteurs?
15 M. Kuci (interprétation): Je comprends l'anglais. Je m'appelle Osman Kuci.
16 Question: Quelle est votre date de naissance?
17 Réponse: Je suis né en 1966 à Suva Reka.
18 Question: Suva Reka se trouve dans quelle municipalité?
19 Réponse: C'est une municipalité en soi qui appartient à la région de
20 Prizren.
21 Question: Vous êtes Albanais?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Quelle est votre profession?
24 Réponse: Je suis interprète d'anglais en albanais.
25 Question: Vous avez participé à un entretien avec des membres du Bureau du
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1 Procureur le 27 mai et, lors de cet entretien, vous avez donné une
2 déclaration, n'est-ce pas exact?
3 Réponse: C'est exact.
4 Question: Vous avez également assisté à un entretien le 14 juin 2001. Au
5 cours de cet entretien, vous avez donné une deuxième déclaration, n'est-ce
6 pas?
7 Réponse: C'est exact.
8 Question: Le 3 février dernier, vous avez pris part à un ultime entretien
9 avec des membres du Procureur. A cet entretien, assistait un officier
10 instrumentaire désigné par le Procureur. Lors de cet entretien, on vous a
11 soumis des exemplaires de vos deux déclarations précédentes traduites en
12 anglais, n'est-ce pas exact?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Egalement en albanais?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Vous avez pu les relire et vérifier que la teneur de ces
17 déclarations était exacte?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Monsieur Kuci, pour que tout soit clair, est-ce que vous
20 pourriez expliquer aux Juges de cette Chambre à quelle date vous aviez
21 quitté le Kosovo? Est-ce que c'est le 27 mars ou le 27 avril 1999? Il y a
22 une différence entre ce que vous dites dans vos deux déclarations?
23 Réponse: J'ai quitté le Kosovo le 28 mars, un dimanche.
24 Question: En 1999?
25 Réponse: Oui, en 1999.
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1 Mme Romano (interprétation): Je vous remercie. Je voudrais maintenant
2 demander le versement au dossier de la déclaration préalable du Témoin.
3 (Intervention de l'huissier.)
4 Mme Atanasio (interprétation): Pièce de l'accusation 109.
5 Mme Romano (interprétation): Merci. Je me propose maintenant de vous
6 exposer la synthèse des déclarations préalables du Témoin.
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Wladimiroff souhaite prendre la
8 parole?
9 M. Wladimiroff (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Merci. Très
10 brièvement. Il y a des annexes à cette déclaration. Est-ce que ces annexes
11 sont également versées au dossier?
12 M. le Président (interprétation): D'habitude, ces annexes sont versées en
13 même temps que la déclaration.
14 M. Wladimiroff (interprétation): Je n'en étais pas certain. Je vous
15 remercie.
16 M. le Président (interprétation): Madame Romano?
17 Mme Romano (interprétation): Voici la synthèse qui peut être faite des
18 déclarations préalables du Témoin.
19 Le Témoin a travaillé pour la KDOM des Etats-Unis et pour la Mission
20 d'observation de l'OSCE à Suva Reka en tant qu'interprète, de novembre
21 1998 à mars 1999. Pendant cette période de temps, il a pu observer ce qui
22 se passait dans un certain nombre de villages aux alentours de Suva Reka,
23 villages qui ont été détruits.
24 Peu après le départ de l'OSCE de Suva Reka, le 18 ou 19 mars 1999, le
25 témoin a pu observer la présence d'équipements militaires dans la zone. Le
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1 témoin vivait près de l'hôtel "Balkan", qui était utilisé par les forces
2 serbes en tant que quartier général. Il a pu observer les hommes de la VJ
3 en uniforme de camouflage. Il a observé les hommes du MUP en uniforme
4 bleu.
5 Les 27 et 28 mars 1999, le témoin ainsi que d'autres ont été obligés de
6 quitter leurs domiciles. Le MUP leur a dit "qu'ils avaient cinq minutes
7 pour partir, s'ils ne partaient pas ils seraient abattus". Un convoi de
8 tracteurs, de camions a été constitué à Suva Reka. Ce convoi s'est dirigé
9 vers l'Albanie en passant par Prizren. En chemin, le témoin a pu voir des
10 maisons en feu, il a également pu observer la présence de plusieurs points
11 de contrôle serbes. Les policiers serbes se déplaçaient tous le long du
12 convoi. Les policiers en uniforme ont menacé de tuer le témoin si le
13 témoin ne leur donnait pas de l'argent. Le témoin a également vu des
14 membres de la police voler des véhicules, forçant ainsi leurs passagers à
15 poursuivre leur chemin à pied. Il a été obligé par les forces de police à
16 se rendre vers l'Albanie; "C'est ton pays", leur ont dit ces policiers. A
17 la frontière, le témoin aurait dû remettre ses papiers d'identité et sa
18 plaque d'immatriculation.
19 Voilà ce que nous pouvons dire.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
21 (Contre-interrogatoire du témoin, Osman Kuci, par l'accusé, M.
22 Milosevic.)
23 M. Milosevic (interprétation): Quand avez-vous reçu votre diplôme de
24 l'université?
25 M. Kuci (interprétation): Je n'ai pas été à l'université, j'étais à
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1 l'école supérieure de pédagogie de Prizren.
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, on vous demande de
3 bien vouloir parler dans votre micro. N'oubliez pas de brancher votre
4 micro. Est-il branché?
5 M. Milosevic (interprétation): Oui, il est branché, la lumière est
6 allumée.
7 Je n'ai pas entendu votre réponse. Vous avez déclaré que vous étiez
8 diplômé de l'école supérieure de pédagogie de Prizren, c'est bien cela?
9 M. Kuci (interprétation): Oui.
10 Question: En quelle année avez-vous reçu votre diplôme?
11 Réponse: En 1988. En fait, en 1987.
12 Question: Vous avez ensuite passé toute votre vie à Suva Reka. Vous n'avez
13 passé qu'une courte période de temps en Slovénie, n'est-ce pas?
14 Réponse: Oui, j'étais en Slovénie dans le cadre de l'accomplissement de
15 mon service militaire.
16 Question: Vous avez déclaré que vous-mêmes et vos frères entre 1990 et
17 1998, aviez ouvert une boutique à Suva Reka. Et vous avez précisé que par
18 la suite vous aviez ouvert un café, c'est bien cela?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Parlons de vos activités au sein de cet établissement, au sein
21 de ce café. Est-ce que tout fonctionnait de façon satisfaisante,
22 normalement?
23 Réponse: Non. Tout ne fonctionnait pas normalement. La situation était
24 assez difficile.
25 Question: Pourquoi la situation était-elle plutôt difficile? Vous aviez un
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1 établissement. Vous aviez d'abord une boutique, puis un café; en quoi la
2 situation était-elle difficile?
3 Réponse: Les difficultés étaient des difficultés de type administratives.
4 Il y avait des impôts à payer, la police financière était très active, et
5 tout cela rendait la vie des petits commerçants, difficile. Moi-même et
6 mes frères étions des petits commerçants. Nous étions confrontés à de
7 graves difficultés, du fait de l'intervention constante de
8 l'administration qui ne cessait de nous créer des problèmes.
9 Question: Mais d'après ce que j'ai compris, vous avez tout de même
10 travaillé pendant toute cette période de temps?
11 Réponse: Nous avons travaillé, mais c'était plutôt de la survie.
12 Question: Mais il en allait de même pour tous les autres propriétaires de
13 petite entreprise ou de petits commerces? Est-ce que vous n'aviez pas un
14 problème bien particulier, un problème auquel personne d'autre dans le
15 pays était confronté? Nous avons parlé d'impôts, nous avons parlé de
16 contrôles financiers. Est-ce que vous ne vous êtes pas retrouvés dans une
17 situation bien particulière?
18 Réponse: Oui. En fait, cela avait un lien avec les impôts et les contrôles
19 de la police financière, qui souvent outrepassaient ses compétences. Ils
20 souhaitaient des pots-de-vin; nous leur donnions.
21 La police se trouvait dans un hôtel à proximité de notre magasin, et très
22 souvent, les policiers venaient dans notre boutique et se saisissaient de
23 biens qu'ils ne payaient pas.
24 Question: Y avait-il des cafés, des boutiques de ce type qui appartenaient
25 à des Serbes ou bien est-ce que ce type de commerce était exclusivement
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1 entre les mains des Albanais?
2 Réponse: Dans la région, il n'y avait pas de magasin serbe. Il n'y avait
3 que mon magasin, en fait. Voilà ce que je peux répondre.
4 Question: Donc, vous ne pouvez pas nous dire ce qu'il en était des autres
5 magasins?
6 Réponse: Les autres magasins ne m'intéressaient pas.
7 Question: Très bien. Nous n'allons pas passer trop de temps là-dessus dans
8 ce cas. Quand avez-vous commencé à travailler pour la mission diplomatique
9 en place au Kosovo?
10 Réponse: Comme je l'ai dit dans ma déclaration, j'ai commencé à travailler
11 en 1998 à ce poste. En octobre ou novembre 98.
12 Question: Bien. Mais par la suite, vous avez commencé à travailler pour la
13 Mission de l'OSCE. Alors, en fait, je vous demande pendant combien de
14 temps vous avez travaillé pour la mission diplomatique, et combien de
15 temps y avez-vous passé avant de commencer à travailler pour la mission de
16 l'OSCE?
17 Réponse: Après deux mois, la mission diplomatique est devenue la mission
18 de l'OSCE pour le Kosovo.
19 Question: Donc, pendant ces deux mois vous avez travaillé pour la mission
20 d'observateurs américains, n'est-ce pas exact?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Et plus tard, lorsque cette mission a été intégrée à la mission
23 de l'OSCE, est-ce que vous avez continué à travailler pour les
24 observateurs américains qui appartenaient à cette mission?
25 Réponse: Lorsque cela est devenu la mission de l'OSCE et il n'y avait plus
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1 de volet américain de la mission. C'était exclusivement une mission de
2 l'OSCE.
3 Question: Au sein de la mission d'observation américaine, est-ce que vous
4 étiez le seul interprète, ou bien est-ce qu'il y avait d'autres Albanais
5 qui occupaient également un poste d'interprète?
6 Réponse: Il y avait environ 25 interprètes à Suva Reka.
7 M. Milosevic (interprétation): J'attire l'attention de l'équipe technique
8 sur le fait qu'il y a des interférences entre les deux canaux
9 d'interprétation: le canal albanais et le canal serbe. Il y a un problème
10 technique. Or, jusqu'à présent, il n'y a eu aucun problème de ce côté-là.
11 M. le Président (interprétation): Nous allons voir si le problème peut
12 être réglé.
13 M. Milosevic (interprétation): Je vais voir ce qui arrive dans le canal 6
14 qui est le canal pour l'interprétation en serbe. Mais poursuivons. Je ne
15 pense pas que la cabine technique puisse remédier au problème tout de
16 suite.
17 Est-ce que vous assuriez l'interprétation, lorsque des membres de la
18 mission d'observation américaine rencontraient des représentants de l'UCK?
19 M. Kuci (interprétation): Non, non, jamais je n'ai pris part à des
20 réunions auxquelles prenaient part l'UCK, en tant qu'interprète.
21 Question: Et plus tard, alors que vous travailliez au sein de la Mission
22 de vérification de l'OSCE, est-ce que vous avez assuré l'interprétation
23 lors de réunions auxquelles prenaient part et des représentants de l'OSCE
24 et des représentants de l'UCK?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Avez-vous jamais eu la possibilité, en tant que membre du
2 personnel de la KDOM ou en tant que membre du personnel de la Mission de
3 vérification du Kosovo, est-ce que vous avez donc jamais eu l'occasion de
4 rencontrer des représentants de l'UCK?
5 Réponse: Oui, nous avons eu l'occasion d'observer des membres de l'UCK
6 lors de nos patrouilles.
7 Question: Les représentants de ces missions adressaient-ils la parole à
8 ces membres de l'UCK, lors de ces rencontres ou pas?
9 Réponse: Oui, parfois, ils parlaient avec eux.
10 M. Milosevic (interprétation): Cela veut dire que vous interprétiez pour
11 eux?
12 M. le Président (interprétation): Monsieur, vous avez entendu ce qu'ont
13 dit les interprètes: on vous demande de bien vouloir vous rapprocher du
14 micro.
15 M. Kuci (interprétation): Oui, nous interprétions toujours dès lors que le
16 besoin s'en faisait sentir. Nous interprétions soit les propos des membres
17 de l'UCK, soit les propos des membres de l'armée yougoslave ou de la
18 police yougoslave.
19 M. Milosevic (interprétation): A quelle fréquence avez-vous interprété les
20 propos des membres de l'UCK pendant la période de temps que vous avez
21 passée au sein de la KDOM américaine?
22 M. Kuci (interprétation): Autant que je m'en souvienne, cela s'est produit
23 à deux reprises, mais il s'agissait de rencontres brèves qui se tenaient
24 dans la rue. Ce n'était en aucun cas des réunions officielles.
25 Question: Quels ont été les sujets évoqués lors de ces brèves rencontres?
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1 Rencontres dont vous dites qu'elles n'étaient pas officielles? Qu'est-ce
2 qui a été abordé?
3 Réponse: Je ne suis pas compétent en la matière, je ne peux pas débattre
4 de la teneur de ces discussions. Je ne suis pas un représentant officiel,
5 à même de vous expliquer de quoi les participants à ces conversations ont
6 parlé.
7 Question: Mais moi, je vous demande quels ont été les sujets abordés. Vous
8 avez bien dû entendre ce que disaient les deux parties pour pouvoir
9 interpréter.
10 Réponse: Effectivement, nous interprétions pour les deux parties en
11 présence, mais nous ne sommes pas autorisés à transmettre la teneur des
12 conversations qui ont été interprétées par nous.
13 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, est-ce que je peux obtenir
14 une explication? Le témoin est dans l'obligation de nous dire ce qu'il
15 sait ici. N'est-ce pas le cas? Ou est-ce qu'il a le droit de refuser de
16 transmettre certains éléments d'information? Le témoin a prononcé une
17 déclaration solennelle, il a déclaré qu'il dirait la vérité. Alors, je
18 voudrais bien savoir ce qu'il en est exactement.
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Kuci, lorsque vous dites que
20 vous n'êtes pas autorisé à révéler la teneur de ces discussions, que
21 voulez-vous dire exactement? Est-ce que vous avez signé quelque chose lors
22 de votre prise d'emploi au sein de l'OSCE? Pourquoi dites-vous que vous
23 n'êtes pas autorisé à dire quoi que ce soit?
24 M. Kuci (interprétation): Je crois que la teneur de ces conversations -et
25 je n'ai pas pris de notes lors de ces conversations- est quelque chose qui
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1 peut être abordée par les représentants de l'OSCE. Non, je n'ai rien signé
2 indiquant que je devais maintenir secret la teneur des conversations que
3 je pouvais être amené à interpréter, mais je ne pense pas qu'il me
4 revienne de débattre de la teneur de ce qui a été dit entre les membres de
5 l'UCK et les membres de la Mission de l'OSCE.
6 M. le Président (interprétation): Est-ce que qui que ce soit vous a
7 demandé de ne pas répéter ce qui avait été dit lors de ces conversations?
8 M. Kuci (interprétation): Non.
9 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'au sein de l'OSCE, la règle
10 implicite voulait que les interprètes ne répètent pas ce qu'ils avaient
11 entendu lors des réunions de travail auxquels ils participaient? Est-ce
12 qu'il y avait une règle à propos de la confidentialité des entretiens?
13 M. Kuci (interprétation): Eh bien, nous devions toujours préserver la
14 confidentialité de ce qui avait été dit.
15 (Les Juges se concertent.)
16 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, nous avons besoin de
17 votre aide. Pourriez-vous nous expliquer quel était le fonctionnement de
18 l'OSCE? Savez-vous quelles étaient les règles qui étaient en place au sein
19 de l'organisation?
20 M. Ryneveld (interprétation): Pour être tout à fait honnête, Monsieur le
21 Président, je n'ai pas connaissance d'une quelconque règle hormis celle de
22 confidentialité, règle générale de confidentialité à laquelle le témoin a
23 fait référence il y a quelques instants.
24 Mais il me semble, il me semble que ce témoin a été cité à la barre pour
25 apporter un certain nombre d'éléments. L'Article 70 du Règlement prévoit
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1 que "tout élément de preuve doit être communiqué". Nous sommes dans un
2 contexte que le témoin a décrit. Il ne s'agissait pas d'une réunion
3 officielle mais d'une rencontre brève dans la rue. Je ne vois pas sur
4 quelle base nous pourrions nous opposer à ce que le témoin s'exprime sur
5 ce point.
6 D'un autre côté, je ne peux pas m'exprimer au nom de l'OSCE. Le témoin,
7 effectivement, est peut-être tenu par une règle générale de
8 confidentialité. Mais pour ce qui est de sa venue devant le Tribunal, à
9 moins que l'Article 70 ne traite précisément de cela, je crois qu'il
10 revient aux Juges de se prononcer sur la question de savoir si le témoin
11 doit ou non communiquer ces éléments d'information.
12 M. Robinson (interprétation): Mais la question est de savoir, Monsieur
13 Ryneveld, si des questions de sécurité ont été évoquées lors de ces
14 entretiens et si les éléments de preuve que le témoin peut nous donner s'y
15 rapportent. L'OSCE elle-même pourrait être intéressée par le maintien de
16 la confidentialité sur ce type d'information.
17 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Juge. Et je ne sais
18 pas moi-même quelle était la teneur de cette conversation; cela n'apparaît
19 pas dans la déclaration préalable du témoin. Je ne suis donc pas à même de
20 vous aider en quoi que ce soit. Mais ce que je peux vous dire, c'est que
21 je n'ai pas connaissance d'une règle précise qui empêcherait le témoin de
22 se prononcer sur les questions qui peuvent être d'intérêt pour cette
23 Chambre.
24 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
25 (Les Juges se concertent.)
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1 Monsieur Kuci, nous entendrons ce que vous avez à dire dans votre
2 témoignage. Vous êtes bien sûr ici pour dire la vérité et nous pensons que
3 cette obligation prévaut sur toute autre obligation d'ordre général.
4 Mais si la question porte sur la sécurité, de façon générale, ou sur la
5 sécurité de l'OSCE plus précisément ou d'une autre organisation, nous
6 envisagerons d'ordonner qu'il ne soit apporté aucune réponse à la
7 question. Nous avons pris note du fait que vous ne consigniez rien par
8 écrit lors des conversations que vous interprétiez. Si vous pouvez vous
9 souvenir de ce qui a été dit, dites-le, mais si vous ne le pouvez pas, si
10 vous ne pouvez pas vous en souvenir, dites-le également. Mais faites de
11 votre mieux pour répondre aux questions si elles sont pertinentes et si
12 vous pouvez y répondre, je vous prie.
13 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
14 M. Kuci (interprétation): Eh bien, je peux dire que l'OSCE organisait des
15 réunions, suite à quoi des rapports publics étaient publiés. Et les
16 rencontres auxquelles j'ai participé étaient toujours courtes; elles se
17 déroulaient en général dans la rue au moment où, par exemple, un
18 représentant de l'OSCE rencontrait un représentant de l'UCK et lui
19 demandait quelle était la situation, si tout allait bien, s'il y avait eu
20 des tirs; et par exemple, si le jour en question un convoi de l'armée et
21 de la police serbes avait circulé dans une certaine direction; ou à quel
22 endroit l'armée yougoslave avait déployé ses troupes, par exemple. Et
23 ensuite, nous nous dirigeons ailleurs.
24 M. le Président (interprétation): Donc en bref, il s'agissait de
25 conversations brèves qui portaient en général sur la question du
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1 déploiement des troupes ou des forces? Ce genre de sujet?
2 M. Kuci (interprétation): Oui, oui.
3 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?
4 M. Milosevic (interprétation): Donc vous affirmez que ces deux
5 conversations, dont vous avez parlé, ont porté exclusivement sur la partie
6 serbe? Je vous demande si, dans ces conversations, une partie au moins
7 aurait pu porter sur l'UCK, c'est-à-dire sur la partie à laquelle
8 appartenait l'interlocuteur?
9 M. Kuci (interprétation): Je vous demanderai de me poser la question d'une
10 façon plus claire si c'est possible.
11 Question: Ce que j'ai compris dans vos explications, c'est que la teneur
12 des conversations, donc la teneur des questions et réponses qui ont été
13 échangées entre votre employeur et l'UCK, ont porté exclusivement sur des
14 renseignements relatifs à la partie serbe. C'était bien le cas?
15 Réponse: Non, il y a eu aussi des conversations entre des représentants de
16 l'UCK et des représentants de l'armée yougoslave. Au poste de contrôle,
17 par exemple, si un convoi d'aide humanitaire voulait passer et qu'il
18 fallait que l'OSCE en vérifie le contenu.
19 Question: Mais j'ai parlé des conversations que vous avez évoquées tout à
20 l'heure: quelle était la teneur de ces conversations dont vous avez parlé
21 où l'interlocuteur était un membre de l'UCK et qui ne portaient pas sur
22 les convois de l'armée et de la police serbes?
23 Réponse: La teneur de ces conversations portait par exemple sur l'état de
24 la situation, s'il y avait eu des tirs ou pas, si des problèmes
25 particuliers se posaient. C'était en fait la teneur des conversations que
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1 nous avions avec les représentants de l'UCK, comme avec les représentants
2 des forces serbes.
3 En général, les membres de la Mission demandaient aux membres de l'UCK
4 quelle était la situation dans leur région et d'où venaient les tirs, s'il
5 y avait eu des tirs.
6 Question: Etant en droit de conclure, à partir de ce que vous venez de
7 dire, que les membres de la Mission lorsqu'ils rencontraient un
8 représentant de l'UCK ne posaient des questions concernant que les forces
9 serbes, ou bien les membres de la mission posaient-ils également des
10 questions relatives aux forces de leurs interlocuteurs?
11 Réponse: Ils demandaient aux membres de l'UCK s'il y avait eu des tirs,
12 mais ils posaient la même question aux forces serbes. Ils posaient les
13 mêmes questions aux deux parties.
14 Question: Pour qui interprétiez-vous au sein de la KDOM? Vous les
15 connaissiez bien, vous avez travaillé avec eux pendant plusieurs mois donc
16 qui étaient ces personnes pour qui vous travailliez?
17 Réponse: Je dirai qu'au sein de la KDOM et au sein de la Mission de
18 vérification de l'OSCE, il y avait de très nombreux représentants. Je ne
19 me rappelle pas exactement leurs noms. Je ne suis pas sûr d'ailleurs que
20 je sois autorisé à parler de ces personnes.
21 Question: Je suppose que vous avez, pendant la période où vous avez
22 travaillé, je suppose que vous avez travaillé toujours pour les mêmes
23 personnes. A moins que ce soit faux?
24 Réponse: Nous ne travaillions pas toujours avec la même personne ou avec
25 la même équipe, nous circulions.
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1 Question: Mais combien de temps avez-vous travaillé pour la même équipe,
2 pour le même groupe?
3 Réponse: En général, nous travaillions trois jours pour la même équipe.
4 M. Milosevic (interprétation): Normalement, en trois jours vous faites la
5 connaissance des gens. Pouvez-vous dire qui étaient ces personnes?
6 M. le Président (interprétation): Quelle est la pertinence de ces
7 questions?
8 M. Milosevic (interprétation): Les questions que je poserai par la suite,
9 démontreront la pertinence de celles que je viens de poser.
10 M. le Président (interprétation): Eh bien, posez donc vos questions
11 suivantes pour démontrer la pertinence.
12 M. Milosevic (interprétation): Ces personnes étaient-elles des civils ou
13 des militaires?
14 M. Kuci (interprétation): Ces personnes étaient des civils.
15 Question: Vous dites qu'il s'agissait de civils. Cette remarque concerne
16 t-elle aussi bien les membres de la KDOM que les membres de la Mission de
17 vérification du Kosovo?
18 Réponse: Toutes les personnes que j'ai rencontrées étaient des civils.
19 Mais je ne leur ai pas demandé quel était leur domaine de travail
20 particulier.
21 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président?
22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ryneveld?
23 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, pour répondre à la
24 question que vous m'avez posée auparavant, et bien que j'ai déjà décrit
25 notre position générale, je dois dire que les questions qui sont posées en
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1 ce moment -bien sûr, il appartient aux Juges d'en juger- mais ces
2 questions sortent complètement du champ de la déclaration faite par le
3 témoin et versée au dossier.
4 En d'autres termes, il appartient bien sûr aux Juges d'en décider, de
5 décider de la pertinence de ces questions, mais je tiens à faire
6 remarquer, pour le compte rendu d'audience, qu'il n'y a rien dans la
7 déclaration du témoin qui porte sur son travail au sein de la KDOM ou de
8 l'OSCE, et je laisse la décision aux Juges. Mais je pensais que cette
9 observation s'imposait.
10 M. le Président (interprétation): Oui. Nous avons autorisé cette question
11 parce que le témoin a travaillé pour ces organismes, et que des éléments
12 de preuves liés à ces organismes existent. Mais, pour l'instant, les
13 questions n'ont pas l'air d'être très pertinentes.
14 Monsieur Milosevic, ne perdez pas de vue que vos questions doivent être
15 pertinentes.
16 M. Milosevic (interprétation): Il ne fait aucun doute que le Témoin a
17 d'abord travaillé pour la KDOM américaine, et ensuite pour la Mission de
18 vérification du Kosovo. Cela figure dans sa déclaration. Je pense qu'il a
19 donc rencontré un certain nombre de personnes; et les interrogatoires du
20 général Drewienkiewicz notamment, et du lieutenant-colonel Ciaglinski ont
21 montré quelle était la nature du travail de la Mission de vérification du
22 Kosovo. Et je pense qu'il existait beaucoup d'éléments susceptibles de
23 démontrer qu'une partie du travail de la Mission de vérification avait
24 pour but la préparation de l'agression de l'OTAN, puisque le témoin
25 travaillait pour cette Mission de vérification...
Page 3717
1 M. le Président (interprétation): Ce sera tout. Car tout cela est
2 discutable. Vous pouvez présenter vos arguments en temps utile. Ce témoin
3 a déclaré qu'il travaillait pour des civils.
4 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
5 Monsieur le Témoin, vous avez dit n'avoir rencontré les représentants de
6 l'UCK que dans la rue. A quel endroit les rencontriez-vous? Pourriez-vous
7 le définir de façon plus précise? Que voulez-vous dire lorsque vous
8 employez le terme "dans la rue", l'expression, "dans la rue"?
9 M. Kuci (interprétation): Lorsque je dis "dans la rue", cela ne signifie
10 pas que l'on se promenait. Mais il s'agit de villages où se trouvaient des
11 groupes de l'UCK, où ils avaient des postes de contrôle; comme c'était le
12 cas de la police, dans les zones contrôlées par la police et l'armée
13 yougoslave. A l'entrée d'un village par exemple, il y avait un poste de
14 contrôle tenu par deux soldats de l'UCK, voilà dans quelles conditions
15 nous rencontrions les gens.
16 Question: Quand vous pénétriez dans le village, à ce moment-là donc vous
17 entreteniez-vous avec des représentants de l'UCK?
18 Réponse: Je n'ai jamais eu l'occasion de parler avec des commandants de
19 l'UCK.
20 Question: Je vous ai entendu dire qu'il vous est arrivé deux fois de
21 participer à des conversations entre vos employeurs et les représentants
22 de l'UCK, et j'ai cru comprendre que cela s'est passé alors que vous
23 travailliez pour la KDOM américaine, c'est bien cela?
24 Réponse: Non, c'était quand j'ai travaillé pour l'OSCE. Quand j'ai
25 travaillé pour la KDOM américaine, je n'ai participé à aucune conversation
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1 avec les représentants de l'UCK.
2 Question: Très bien. Avançons. Au troisième paragraphe, page 1, à la fin
3 du paragraphe, c'est un paragraphe où vous décrivez la couleur des
4 uniformes des policiers, des membres de l'armée, vous dites -je cite-: "Je
5 n'ai jamais été en mesure de voir les emblèmes qu'ils portaient sur les
6 épaules". (Fin de citation.)
7 Cela signifie-t-il que vous n'avez jamais eu de contact proche avec eux?
8 Vous employez le terme "jamais". Vous dites que vous n'avez jamais pu
9 voir. Cela signifie t-il que jamais vous ne vous êtes trouvé en contact
10 rapproché avec des membres de l'armée ou de la police, qui vous auraient
11 permis de voir les emblèmes qu'ils portaient?
12 Réponse: Vous parlez de la police et de l'armée serbes, n'est-ce pas?
13 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui. Je parle de ce qui est écrit dans
14 votre déclaration. Quand vous dites que vous n'avez jamais vu les emblèmes
15 qu'ils portaient sur les épaules, est-ce que cela signifie que vous n'avez
16 jamais été en contact rapproché avec eux? Ce qui expliquerait que vous
17 n'ayez pas pu voir ces emblèmes?
18 M. Kuci (interprétation): Si. Quand je travaillais pour l'OSCE j'ai eu des
19 contacts rapprochés avec eux. Plusieurs policiers portaient un uniforme de
20 camouflage bleu.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Kuci, celui qui vous interroge
22 est passé à un autre sujet. Il vous parle maintenant d'un passage de votre
23 déclaration où vous parlez du moment où l'OSCE s'était retirée et les
24 forces serbes étaient entrées dans Suva Reka.
25 Vous dites que vous avez vu à ce moment-là plusieurs unités présentes dans
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1 la ville et que vous avez vu des uniformes de camouflage vert portés par
2 les membres de la VJ et des uniformes de camouflage bleu porté par les
3 membres du MUP, mais vous ajoutez que vous n'avez jamais été en mesure de
4 voir les emblèmes qu'ils portaient sur les épaules. Est-ce exact?
5 M. Kuci (interprétation): J'aimerais apporter un éclaircissement. Quand je
6 travaillais pour l'OSCE, oui, nous avons eu des contacts rapprochés avec
7 eux et j'ai pu voir les emblèmes, mais après le départ de la Mission de
8 l'OSCE, il était tout à fait normal que je ne les voie pas d'assez près,
9 car je n'observais les positions qu'à partir de chez moi, donc à une
10 certaine distance. Et je pouvais dire quel était l'uniforme d'un policier,
11 quel était l'uniforme d'un militaire, mais je n'étais pas assez près pour
12 voir les détails, car je ne regardais les choses que depuis la fenêtre de
13 ma maison.
14 M. Milosevic (interprétation): Page 1, paragraphe 3 de votre deuxième
15 déclaration, vous dites –et je cite toute la phrase-: "Je souhaiterais
16 dire également qu'on m'a dit que lorsque l'OSCE quitterait le Kosovo, il
17 fallait que je me cache afin que la police serbe ne m'arrête pas. Et c'est
18 la raison pour laquelle je ne suis plus désormais jamais sorti de mon
19 appartement." (Fin de citation.)
20 Qui vous a dit qu'il fallait que vous vous cachiez pour ne pas être arrêté
21 par la police serbe? Vous dites "il m'a été dit", mais qui vous l'a dit?
22 M. Kuci (interprétation): Le chef de la Mission de l'OSCE à Suva Reka m'a
23 dit cela.
24 Question: Plus loin, vous ajoutez que vous aviez conscience du fait qu'ils
25 pouvaient même vous tuer. Toutefois, à la lecture de votre déclaration, on
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1 voit que vous aviez des contacts avec des policiers, que personne ne vous
2 a arrêté et que personne ne vous a blessé. C'est bien le cas ou pas?
3 Réponse: Après le départ de la Mission, il était évident que des
4 interprètes qui avaient travaillé pour l'OSCE pouvaient devenir des
5 cibles. Aucun mal ne m'a été fait, mais je sais que d'autres ont été tués.
6 J'ai été menacé, comme je l'ai dit dans ma déclaration, juste avant de
7 franchir la frontière. Je crois avoir approché la mort à ce moment-là,
8 quand on m'a tenu, quand on m'a menacé avec un fusil.
9 Question: Oui, mais cette déclaration qui traite du franchissement de la
10 frontière mentionne, entre la police et vous, un certain nombre de
11 contacts et ces policiers ne vous ont fait aucun mal alors qu'ils savaient
12 que vous aviez travaillé pour l'OSCE. C'est cela ou ce n'est pas cela?
13 Réponse: Je ne sais pas si les choses sont aussi claires que cela. Quand
14 j'ai quitté ma maison et jusqu'au moment où j'ai atteint le poste-
15 frontière, je ne suis pas sûr que tous les policiers savaient que je
16 travaillais pour l'OSCE. Il est possible qu'ils ne l'aient pas tous su. Je
17 faisais partie d'un convoi qui quittait la région.
18 Question: Bien, passons à autre chose, puisqu'il apparaît clairement que
19 rien de mal ne vous est arrivé. D'ailleurs, vous n'affirmez pas le
20 contraire.
21 Vers la fin de la première page de votre deuxième déclaration, troisième
22 paragraphe, il est écrit que vous êtes allé jusqu'à Kukes accompagné d'une
23 femme, qui vous a raconté qu'il avait été dit aux habitants du village
24 qu'il fallait qu'ils aillent en Albanie? C'est ce qui est écrit -je cite-:
25 "La police a retenu certains hommes dans le village. Ils ont été alignés
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1 le long du mur de l'école et exécutés". Et cette femme ajoute qu'elle n'a
2 pas assisté, qu'elle n'a pas vu l'exécution. Donc cette personne n'a pas
3 vu l'exécution dont elle vous a parlé. Vous avez donc simplement entendu
4 parler d'une exécution de la bouche d'une personne qui n'était pas témoin
5 oculaire de cette exécution. C'est bien cela ou ce n'est pas cela?
6 Réponse: Comme cela figure dans le texte, elle était là, elle nous a
7 aidés, elle voulait nous faire monter sur son tracteur. Et comme je l'ai
8 dit, ils avaient retenu les hommes et laissé partir uniquement les femmes,
9 comme elle l'a dit, et les hommes ont été alignés pour être exécutés. Donc
10 ce que je m'efforce de dire, c'est qu'elle est partie, donc elle ne les a
11 pas vus, et moi non plus.
12 Question: Très bien. C'est ce que je souhaitais vous entendre dire.
13 Vous déclarez ensuite, plus loin dans votre déclaration, que la police ne
14 vous a pas escortés, que vous avez simplement vu des voitures de police à
15 Prizren. La dernière phrase de votre déclaration se lit comme suit sur
16 cette page -je cite-: "Nous avons franchi la frontière sans être insultés
17 ou maltraités". (Fin de citation.)
18 Est-ce bien ainsi que les choses se sont passées?
19 Réponse: En fait, ma famille et moi-même n'avons pas subi de sévices
20 corporels. En chemin vers Prizren, nous avons vu des policiers serbes et
21 des civils serbes qui se dirigeaient à toute vitesse dans la direction
22 inverse; et, comme je l'ai dit, aux alentours de Prizren, nous avons été
23 insultés puisque nous avons entendu les mots que j'ai cités -je cite-:
24 "Partez! Vous ne reviendrez jamais. Vous avez demandé à l'OTAN de venir,
25 l'OTAN va maintenant vous aider". (Fin de citation.)
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1 Et toutes sortes d'autres expressions du même genre.
2 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit, dans la dernière phrase de
3 votre déclaration -je cite-: "Nous avons franchi la frontière sans avoir
4 être maltraitée ou insultés." (Fin de citation.)
5 M. le Président (interprétation): Là, il s'agit du passage à la frontière.
6 Mais avant cela, le témoin a décrit dans sa déclaration un certain nombre
7 d'incidents, y compris le fait qu'il a été contraint de donner de l'argent
8 à cet homme. C'est exact?
9 M. Kuci (interprétation): Oui, c'est exact. A quelques mètres de la
10 frontière, lorsque le convoi a été arrêté, parce que tout le monde ne
11 pouvait pas franchir la frontière rapidement et le convoi était très long,
12 donc nous attendions au sein du convoi, et deux policiers ont pointé leur
13 pistolet sur moi en me disant qu'il fallait que je leur donne l'argent que
14 j'avais sur moi et que, sinon, je serais tué. Et la même chose est arrivée
15 à mon frère. Ils ont pointé leurs armes sur la poitrine de mon frère en
16 lui disant qu'il fallait qu'il donne l'argent qu'il avait sur lui et que,
17 sinon, il serait tué.
18 Je considère que ceci représente une insulte grave. Je ne vois pas à
19 quelle autre insulte plus grave on pourrait faire référence.
20 M. Milosevic (interprétation): Je cite des passages de votre déclaration.
21 Ce que vous affirmez avoir vécu, bien sûr si cela correspond à la vérité,
22 c'est quelque chose de tout à fait pénible. Ce que j'essaie, par mes
23 questions, c'est de confirmer ce qui reflète la vérité ou pas.
24 Dites-moi, je crois que vous avez écrit quelque part –maintenant, je ne
25 trouve pas le passage exact-, je crois que vous avez écrit quelque part
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1 que vous aviez été enseignant avant de faire le travail que vous faisiez à
2 ce moment-là?
3 M. Kuci (interprétation): Oui.
4 Question: Où avez-vous travaillé en tant qu'enseignant?
5 Réponse: A Suva Reka.
6 Question: Dans quelle école de Suva Reka avez-vous travaillé? Dans l'école
7 primaire, au lycée? Dans quelle école?
8 Réponse: Dans l'école primaire.
9 Question: Comment s'appelait cette école?
10 Réponse: Le nom de l'école était "Ecole du 7 mars" de Suhareke.
11 Question: Combien y avait-il d'enseignants dans cette école?
12 Réponse: Je ne connais pas le nombre exact des enseignants, mais je dirai
13 qu'ils étaient 50 ou 60 à peu près.
14 Question: Combien y avait-il d'élèves?
15 Réponse: Je ne sais pas.
16 M. Milosevic (interprétation): Y en avait-il 1.000 ou 800 ou 1.500?
17 M. Kuci (interprétation): Je dirai que le chiffre tournait autour de 800 à
18 1.000 élèves.
19 M. le Président (interprétation): Nous avons suffisamment entendu parler
20 de l'éducation qui n'est pas mentionnée dans la déclaration du témoin,
21 Monsieur Milosevic.
22 M. Milosevic (interprétation): Ce témoin a dit qu'il avait travaillé en
23 qualité d'enseignant et, puisque le problème de l'éducation est une
24 question très contestée par certains témoins, je voulais simplement
25 confirmer qu'il avait travaillé dans une école primaire où il y avait à
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1 peu près une cinquantaine d'enseignants et environ 800 élèves. Je pense
2 que c'est pertinent, mais nous allons passer à autre chose. Je ne
3 m'appesantirai pas sur la question de l'enseignement.
4 A qui avez-vous fait toutes vos déclarations?
5 M. Kuci (interprétation): De quelles déclarations parlez-vous?
6 Question: Des déclarations de ce type, de celles qui portent sur les
7 événements qui sont à l'origine de votre comparution de témoin. A qui
8 avez-vous fait, fourni ces déclarations?
9 Réponse: Bien sûr à des gens qui travaillent pour le Tribunal.
10 Question: Mais moi, j'ai des informations selon lesquelles, avant de
11 fournir une déclaration à l'enquêteur employé par cette institution, avant
12 cette déclaration-là, en avril 1999, vous aviez fait une déclaration aux
13 personnes qui faisaient partie du Groupe international de crise,
14 déclaration qui porte la date du 10 avril 1999?
15 Réponse: Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas avoir fourni de
16 déclaration à ce Groupe international de crise. C'est peut-être une
17 erreur.
18 M. Milosevic (interprétation): Parce que j'ai pris des notes à partir des
19 informations dont je dispose ou que je peux obtenir. En fait, vous avez
20 donné des déclarations à trois reprises, est-ce bien cela?
21 M. Kuci (interprétation): Les déclarations que j'ai fournies l'ont été
22 surtout à des personnes qui travaillent pour ce Tribunal. Je ne me
23 souviens pas avoir jamais rencontré des gens du Groupe international de
24 crise.
25 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président?
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1 M. le Président (interprétation): Oui.
2 Mme Romano (interprétation): Le témoin ne se souvient peut-être pas de
3 l'institution: il a fourni une déclaration pour la CIJ lorsqu'il était à
4 Tirana. J'ai deux déclarations ici qui ont été également communiquées aux
5 amis de la Chambre ainsi qu'à l'accusé.
6 M. le Président (interprétation): Merci.
7 M. Milosevic (interprétation): Merci.
8 Par conséquent, vous avez fourni des déclarations à deux reprises à ce
9 Groupe international de crise, et dans aucune de ces déclarations, vous ne
10 parlez du fait que la police avait volé, confisqué des voitures un jour.
11 Vous l'avez dit pour la première fois dans l'entretien que vous avez eu le
12 14 juin 2001.
13 Pourquoi n'avoir pas évoqué ce sujet-là auparavant? Pourquoi n'avez-vous
14 pas parlé de ces événements pour autant qu'ils se soient produits?
15 M. Kuci (interprétation): Ça s'est vraiment produit mais, vous savez,
16 quand j'ai fourni ma première déclaration, je ne me suis pas souvenu de
17 tout; et dans la seconde, j'ai apporté d'autres détails qui m'étaient
18 revenus dans l'intervalle.
19 M. Milosevic (interprétation): Mais comme vous pouvez le constater, dans
20 ces deux déclarations -et j'utilise vos propres mots: vous dites que vous
21 n'y avez pas pensé-, donc dans ces deux déclarations, vous n'y avez pas
22 pensé?
23 M. le Président (interprétation): Oui, ça ne lui était pas revenu à
24 l'esprit. C'est ce qu'il a répondu.
25 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.
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1 Puisque vous avez travaillé pour la Mission de vérification et auparavant
2 vous aviez travaillé pour la KDOM, il est donc certain que vous avez été
3 une des personnes les mieux informées quand on pense à la population
4 albanaise de la région. Cela ne fait pas de doute.
5 Etes-vous au courant d'un événement qui s'est produit le 21 mars 1999,
6 accident ou incident, au cours duquel entre 14 heures 40 et 15 heures, et
7 puis entre 18 heures et 18 heures 20, les terroristes albanais avaient
8 ouvert le feu sur des membres des forces de police qui se trouvait dans
9 votre municipalité, dans le village de Rastasni? Etes-vous au courant de
10 ce qui s'est passé?
11 M. Kuci (interprétation): Pas du tout. Le 21 mars, c'est certain, j'étais
12 chez moi parce que la mission de l'OSCE était partie. Si je me souviens
13 bien, elle est partie le 12 mars; après cette date, je ne suis plus sorti
14 dans la rue.
15 Question: Mais vous avez quand même communiqué avec des gens? Et des
16 événements de ce type, on devait beaucoup en parler puisque cela s'était
17 produit tout près de chez vous. Etes-vous sûr que vous n'êtes au courant
18 de rien? Est-ce bien ce que vous nous dites?
19 Réponse: Non. Je n'en ai pas entendu parler, parce que le village dont
20 vous parlez est très éloigné du mien.
21 Question: Mais êtes-vous au courant de quelque chose d'autre qui s'est
22 produit ce même jour dans votre municipalité. Plus exactement dans le
23 village de Mouljane, où plusieurs missiles tirés par un lance-roquettes
24 manuel ont fait que c'étaient des membres de l'UCK qui ont touché la cible
25 qu'ils visaient et c'était la police cette cible? Est-ce que vous en avez
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1 entendu parler ce jour-là, le 21 mars, ce même jour?
2 Réponse: Non. Il se peut que j'ai entendu le bruit de coups de feu dans la
3 région, depuis chez moi. Mais je n'ai pas entendu parler de cet incident
4 précis que vous mentionnez.
5 Question: Qu'est-ce que vous voulez dire? Vous dites que peut-être vous
6 avez entendu des coups de feu?
7 Réponse: Je peux vous dire que j'ai entendu des coups de feu, mais je ne
8 sais pas d'où ils provenaient ou qui en étaient les auteurs.
9 Question: D'accord. Mais est-ce que vous êtes au courant d'un autre
10 événement qui s'est produit à Suva Reka même, le 27 mars, à Suva Reka à 14
11 heures 30. C'était Cara Dusana 46A, ça c'était l'adresse des terroristes
12 albanais. Ils avaient fait irruption dans le magasin "Balkanbelt", c'est
13 une chaîne de magasin bien connue, et avaient abattu de plusieurs balles
14 Bogdan Lazic qui était du village de Sopina. Mais ceci s'est passé le 22
15 mars à 14 heures 30, à Suva Reka, c'est-à-dire tout près de chez vous.
16 Etes-vous au courant de cet événement?
17 Réponse: Je vous ai dit qu'après le 20 mars je n'étais plus sorti de chez
18 moi, et ceci jusqu'au jour où j'ai franchi la frontière pour passer en
19 Albanie. Je n'ai rien vu d'événements de ce type, je n'ai rien entendu non
20 plus.
21 Question: Mais est-ce que vous avez entendu parler de l'assassinat
22 d'Elshani Suqeri. Il était né en 1937, et il a été tué au village de
23 Pecani dans la municipalité de Suva Reka. Est-ce que vous en avez entendu
24 parler, Pecani?
25 Réponse: Je ne connaissais pas cette personne et je n'ai pas entendu
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1 parler de cet incident.
2 Question: Est-ce que vous avez entendu parler de Kuci Namilj(sic) qui est
3 aussi de Suva Reka?
4 Réponse: Est-ce que vous pourriez répéter la question? Je n'ai pas bien
5 entendu le nom.
6 M. Milosevic (interprétation): Le nom est celui de Kuci Qamil(sic).
7 M. le Président (interprétation): Et en quoi consiste la question?
8 M. Milosevic (interprétation): Je demande au témoin s'il a entendu parler
9 de ce monsieur, puisqu'il était de Suva Reka, que cet homme lui aussi a
10 été tué?
11 M. le Président (interprétation): Etes-vous au courant de cela?
12 M. Kuci (interprétation): Non. Ce nom Namilj, ne me dit rien. Je n'ai
13 jamais entendu parler de cela.
14 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous avez entendu parler de
15 l'assassinat de Slobodan Petkov, un policier? L'assassinat s'est produit
16 dans le village de Pecani, dans votre propre municipalité, celle de Suva
17 Reka.
18 M. Kuci (interprétation): Non. Je n'ai pas entendu parler.
19 M. le Président (interprétation): Etes-vous au courant de ces questions
20 qui font l'objet des questions qui vous sont posées?
21 M. Kuci (interprétation): Non. Je n'ai entendu parler de rien du tout.
22 M. le Président (interprétation): Donc vous dites que vous êtes resté chez
23 vous dans votre appartement, après le départ de l'OSCE?
24 M. Kuci (interprétation): …
25 M. le Président (interprétation): Je m'excuse. Un instant. Vous n'avez
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1 pratiquement plus de temps. Peut-être encore le temps de poser une
2 dernière question.
3 M. Milosevic (interprétation): Je voulais simplement corriger quelque
4 chose, rectifier. Je n'avais pas bien vu le nom, ce n'était pas Kuci
5 Namilj, mais Kuci Qamil, parce que ce n'était pas clair sur le document
6 que j'ai.
7 Avez-vous entendu parler de Kuci Qamil de Suva Reka?
8 M. Kuci (interprétation): J'en ai entendu parler après mon retour
9 d'Albanie. Au moment des faits, je n'en ai pas du tout entendu parler.
10 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant du fait que, dès le
11 début de 1998 jusqu'au moment du début de la guerre à savoir le 24 mars,
12 pendant toute la période de votre séjour, êtes-vous au courant du fait
13 -disais-je- que c'était surtout des Albanais qui avaient été tués par
14 l'UCK? Est-ce que vous connaissez les noms suivants: Bajraktari Bahti de
15 Budakovo par exemple, tué en septembre 1998?
16 M. Kuci (interprétation): Non. Je n'ai jamais entendu parler ni de ces
17 noms ni de ces incidents.
18 M. le Président (interprétation): Fort bien. Non, vous avez eu l'occasion
19 de poser une dernière question.
20 Maître Tapuskovic, avez-vous des questions à poser à ce témoin?
21 M. Milosevic (interprétation): J'aurai encore une question à poser, parce
22 que j'ai une liste de 20 noms de personnes originaires d'Albanie,
23 originaires de la municipalité de Suva Reka, qui ont été tuées par des
24 terroristes.
25 Vous avez parlé d'un seul Albanais qui aurait été tué par l'UCK sur le
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1 territoire de votre municipalité. Voulez-vous que je vous donne lecture de
2 ces 20 noms?
3 M. le Président (interprétation): Etes-vous en mesure de répondre à cette
4 question? La question consiste à savoir si vous avez entendu parler du
5 meurtre ne serait-ce que d'un Albanais tué par l'UCK dans votre
6 municipalité?
7 M. Kuci (interprétation): Non.
8 M. le Président (interprétation): Fort bien.
9 Oui, Monsieur Tapuskovic?
10 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les
11 Juges. Les amis de la Chambre n'ont pas de questions à poser à M. Kuci. Je
12 vous remercie.
13 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Osman Kuci, par Mme
14 Romano.)
15 Mme Romano (interprétation): Une seule question ou un seul sujet.
16 Monsieur le Témoin, vous avez décrit les conversations que le personnel de
17 la KVM a eues avec le personnel de l'UCK en votre présence.
18 Pourriez-vous apporter un éclaircissement? Au cours des conversations, y
19 a-t-il eu des indications selon lesquelles le personnel de la KVM aidait
20 les membres de l'UCK en leur indiquant où se trouvaient les positions de
21 la VJ ou du MUP?
22 M. Kuci (interprétation): Non. D'après ce que j'ai pu percevoir,
23 l'impression que j'ai eue, c'était que la Mission de l'OSCE avait été tout
24 à fait impartiale, neutre, sans aucun parti pris.
25 Mme Romano (interprétation): Plus de question.
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Kuci, votre déposition est
2 ainsi terminée.
3 Merci d'avoir comparu devant nous. Vous pouvez disposer.
4 M. Kuci (interprétation): Je vous remercie également.
5 (Le témoin, M. Osman Kuci, est reconduit hors du prétoire.)
6 (Questions relatives à la procédure.)
7 M. Ryneveld (interprétation): Messieurs les Juges, nous demandons la
8 comparution de Mme Hadije Fazliu.
9 M. le Président (interprétation): Dans l'attente du témoin, Monsieur
10 Ryneveld, j'aimerais vous poser des questions d'ordre pratique pour les
11 audiences de cette semaine.
12 Demain, nous allons siéger de 9 heures 30 à 16 heures.
13 Le vendredi, il y aura une modification nécessitée parce qu'il y a eu de
14 nouvelles circonstances qui ont surgi. Nous allons siéger de 9 heures
15 jusqu'à 13 heures ou peu de temps après. Je tenais à en informer tout le
16 monde.
17 Puis, il y a une autre question: elle a trait aux déclarations préalables
18 des témoins. Je ne sais pas si nous avons déjà reçu les déclarations du
19 n°12 qui figure sur la liste, que nous avons reçue le 16 avril. Il se peut
20 que je me trompe, mais est-ce que vous pourriez vérifier?
21 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Président.
22 Monsieur le Président, je pense que nous vous avons fourni cette
23 déclaration hier en passant par la filière habituelle.
24 Permettez-moi d'ajouter, puisque nous attendons l'arrivée du témoin, que
25 la page 5 de la pièce 83 va peut-être vous aider. Elle vous indiquera le
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1 village dont était originaire le prochain témoin. C'est vrai aussi pour la
2 carte 11 de la pièce de l'accusation qui porte la cote 4.
3 M. le Président (interprétation): Faisons entrer le témoin.
4 M. Ryneveld (interprétation): Oui.
5 (Le témoin, Mme Hadije Fazliu, est introduit dans le prétoire.)
6 M. le Président (interprétation): Madame, veuillez prononcer la
7 déclaration solennelle.
8 Mme Fazliu (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
11 (Le témoin s'assoit.)
12 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Hadije Fazliu, par M. Ryneveld.)
13 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Madame le Témoin, je vais vous
14 demander de décliner votre identité à l'intention des Juges.
15 Mme Fazliu (interprétation): Je m'appelle Hadije Fazliu.
16 Question: Est-il exact de dire que vous êtes musulmane, vous n'êtes pas
17 mariée, d'origine albanaise ou albanaise de souche?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Dans quel village habitiez-vous, Madame, en 1999?
20 Réponse: A Turicevac.
21 Question: Pourriez-vous nous indiquer où se trouve votre village et quel
22 est le nom de la ville la plus proche?
23 Réponse: Il y a Skenderaj et Klina, qui se trouvent à peu près à égale
24 distance de mon village.
25 Question: Peut-on montrer au témoin la pièce 83, à la page 5?
Page 3733
1 (Intervention de l'huissier.)
2 L'huissier va placer cette carte sur le rétroprojecteur, mais vous, vous
3 la verrez apparaître sur l'écran. Je vais vous demander d'utiliser le
4 pointeur pour indiquer sur la carte, qui se trouve à côté de vous, où se
5 trouve votre village.
6 Je pense que les Juges seront aidés en voyant sur la colonne de droite de
7 la page 5, au n°14. C'est à peu près deux pouces à gauche de l'indication
8 du n°14.
9 Pourriez-vous nous indiquer cet endroit, Madame?
10 (Le témoin s'exécute.)
11 Vous semblez indiquer un endroit où il y a convergence de plusieurs routes
12 et où se trouve indiqué le nom de Turicevac.
13 Réponse: Turiceve.
14 Question: Merci. Et ce village se trouve dans quelle municipalité? Celle
15 de Srbica?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Merci. Nous n'avons plus besoin de l'atlas.
18 Permettez-moi de vous poser encore quelques questions. Si j'ai bien
19 compris, vous y avez passé toute votre vie?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Et quel était votre métier?
22 Réponse: Je travaillais dans une librairie.
23 Question: Merci. Est-ce que vous avez fourni une déclaration aux
24 enquêteurs du Bureau du Procureur, le 21 octobre 2001?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Et plus tard, le 4 février 2002, est-ce qu'on vous a donné un
2 exemplaire de votre déclaration en albanais?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Et est-ce qu'à ce moment-là, vous vous êtes présentée devant un
5 officier instrumentaire du tribunal, auquel vous avez déclaré que la
6 teneur de votre déclaration était fidèle à la vérité, à ce que vous
7 connaissiez, d'après ce que vous pouviez constater?
8 Réponse: Oui.
9 M. Ryneveld (interprétation): Je voudrais demander le versement de cette
10 pièce au dossier.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 Pendant que les documents sont distribués, j'ai préparé un résumé à
13 l'intention des interprètes et je pense que les Juges en disposent
14 également.
15 M. le Président (interprétation): D'abord une cote.
16 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 110.
17 M. Ryneveld (interprétation): Merci.
18 Messieurs les Juges, ce témoin, dans sa déclaration, nous dit que son
19 village compte environ une centaine de maisons et une population d'environ
20 1.000 personnes.
21 Elle nous dit que ce village est à peu près à 12 km de la ville de Srbica
22 et à peu près à 13 km de la ville de Klina. Elle indique que l'UCK avait
23 un quartier général dans le village, à l'école. Au moment où ont commencé
24 les bombardements de l'OTAN, beaucoup de réfugiés de Prekaz avaient déjà
25 cherché refuge à Turicevac.
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1 Elle dit ensuite que, le 26 mars 1999, vers 9 heures du matin, des forces
2 serbes avaient commencé à pilonner Turicevac depuis la direction de Brojë.
3 Les villageois, les réfugiés, y compris le témoin, se sont enfuis en
4 convoi en direction de Tusilje, qui se trouve également dans la
5 municipalité de Srbica où beaucoup d'autres réfugiés s'étaient abrités.
6 Finalement, les forces serbes ont encerclé Tusilje le 29 mars 1999, vers 8
7 heures du matin. Ces forces sont venues aussi bien de Klina que de Srbica;
8 c'est d'abord la police qui est arrivée à pied et tirant des coups de feu,
9 suivie de l'armée qui se trouvait dans des chars et d'autres véhicules.
10 Vers 10 heures du matin, la police et les militaires ont commencé à
11 diriger les réfugiés vers Klina. Alors qu'ils se trouvaient en route et
12 traversaient Tusilje, plus de 1.500 hommes ont été séparés de leurs
13 familles et envoyés à Srbica où les forces serbes les ont interrogés dans
14 l'école du village. Les femmes, les enfants et les personnes âgées ont
15 poursuivi leur route vers Klina et ont dépassé des soldats qui se
16 trouvaient dans des chars et des véhicules blindés.
17 En route vers Klina, le témoin et sa famille ont quitté le convoi pour
18 retrouver son propre village. Et même si ce village avait été incendié et
19 endommagé, ils ont passé deux jours dans leur maison familiale. Beaucoup
20 d'autres réfugiés sont arrivés dans le village. Le 1er avril 1999, les
21 policiers sont arrivés dans des cars de civils qu'ils avaient volés à des
22 Albanais du Kosovo.
23 Ils ont tué trois personnes dans le village et puis ont envoyé le reste
24 des villageois vers Klina en un convoi qui comptait plus de 1.000
25 personnes. En route, le témoin a vu des villages incendiés, des cadavres
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1 d'hommes et de jeunes hommes.
2 Après s'être arrêtés dans d'autres villages, pour y passer la nuit, le 2
3 avril 1999, le témoin et ce groupe sont arrivés à Klina. Les policiers à
4 Klina les ont dirigés vers des camions qui étaient conduits par des Roms
5 et qui se dirigeaient vers le village de Volujak. Les chars et les
6 effectifs, les troupes longeaient la route, étaient alignés le long de la
7 route qui menait à Volujak. De Volujak, les réfugiés sont arrivés dans ce
8 convoi, en passant par les abords de la ville. Le témoin a vu des
9 quartiers qui étaient en flammes, des magasins endommagés et détruits.
10 Le témoin et son groupe ont suivi la même route jusqu'à la frontière. On
11 ne leur a pas donné de nourriture ni d'eau et le témoin a entendu de la
12 part de jeunes femmes qu'elles avaient été sorties du convoi et sans doute
13 violées et maltraitées.
14 Le 4 avril 1999, les réfugiés ont quitté et se sont dirigés à pied vers la
15 frontière qu'ils ont franchie à Qafe e Prushit. Là, ils ont vu beaucoup de
16 forces serbes le long de la route qui allait de Gjakove à la frontière.
17 Les Serbes ont dit aux réfugiés qu'ils devaient se dépêcher parce que la
18 route était minée des deux côtés et qu'il pouvait y avoir une attaque de
19 l'OTAN.
20 Pour arriver à la frontière, les réfugiés ont dû escalader une colline
21 très pentue et ont dû laisser derrière les vieux et les malades.
22 Voilà l'essentiel de sa déclaration.
23 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons suspendre. Le
24 contre-interrogatoire aura lieu après.
25 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que je pourrai, au début de l'après-
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1 midi, revenir sur les chiffres donnés par les Juges, s'agissant du numéro
2 des témoins?
3 M. le Président (interprétation): Madame, nous allons faire une pause
4 d'une heure et demie.
5 Je vous demande de ne parler à personne de votre déposition pendant cette
6 pause. Vous ne pourrez le faire que quand votre déposition sera terminée.
7 Ceci concerne également les représentants du Bureau du Procureur.
8 Veuillez être de retour à l'audience à 14 heures 30.
9 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)
10 (Questions relatives à la procédure.)
11 M. le Président (interprétation): Voici une décision que rend la Chambre
12 de première instance portant sur les moyens fournis à l'accusé pour qu'il
13 puisse assurer sa défense. Le contexte de procédure dans lequel s'inscrit
14 cette décision est le suivant: à plusieurs reprises, l'accusé s'est plaint
15 de l'absence de moyens mis à sa disposition pour mener sa défense. Suite à
16 une démarche entreprise par les amis de la Chambre, le 27 février 2002
17 dernier, un mémoire a été déposé, intitulé "Mémoire sur la mise à
18 disposition de moyens adéquats permettant à l'accusé de préparer sa
19 défense".
20 Le 6 mars 2002, la Chambre de première instance a donné ordre au Greffe de
21 lui fournir un rapport relatif aux moyens qui avaient été mis à la
22 disposition de l'accusé. Ce rapport a été déposé le 18 mars 2002 et a été
23 débattu lors d'une audience publique qui s'est tenue le 10 avril 2002.
24 Lors de cette audience, tant l'accusé que les amis de la Chambre ont fait
25 un certain nombre d'observations portant sur le caractère adéquat des
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1 moyens fournis.
2 L'Article 21 du Statut énonce un certain nombre de garanties minimales qui
3 doivent absolument être rassemblés, garanties auxquelles un accusé
4 comparaissant devant ce Tribunal a droit. Parmi ces garanties, apparait le
5 droit à bénéficier d'un temps et de moyens adéquats pour la préparation de
6 sa défense.
7 La Chambre de première instance a attentivement lu le rapport qui lui a
8 été fourni par le Greffe et qui porte sur les moyens mis à la disposition
9 de l'accusé. La Chambre est désormais convaincue que tous les efforts
10 possibles ont été consentis pour apporter une aide à l'accusé.
11 De façon générale, l'accusé est traité exactement de la même façon que
12 tous les autres accusés. Toutes les modifications intervenant dans ce
13 traitement ont été instaurées par le Greffe qui essayait ainsi de l'aider,
14 au vu du fait que l'accusé souhaite assurer sa propre défense.
15 Ce que la Chambre souhaite dire tout d'abord, c'est que contrairement aux
16 déclarations répétées de l'accusé, il n'a jamais et n'est pas détenu en
17 isolement. Il est autorisé à se mêler aux autres détenus qui se trouvent
18 au quartier pénitentiaire. Il est autorisé à recevoir des visites
19 conformément aux procédures mises en place; l'accusé a reçu régulièrement
20 la visite de certains membres de sa famille et la visite de différents
21 représentants d'organisations. Le régime qui régit les visites de nature
22 juridique -j'entends par là les visites qui doivent être revêtues de la
23 plus grande confidentialité- a été rendu plus difficile à mettre en place
24 du fait que, pendant un certain nombre de mois, l'accusé a refusé
25 d'identifier les personnes qu'il souhaitait pouvoir recevoir. Lorsque ces
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1 visites ont été proposées, notamment par les avocats qu'il avait demandé à
2 rencontrer, il a refusé d'entrer en contact avec ces personnes.
3 Cette difficulté s'est vue aplanie; désormais le problème est résolu: deux
4 personnes ont été désignées comme étant les collaborateurs de l'accusé et
5 la Chambre de première instance est convaincue que l'accusé dispose
6 désormais de moyens adéquats lui permettant de préparer sa défense, ce qui
7 est prévu et consacré par la lettre de l'Article 21 du Statut. L'accusé
8 peut désormais rencontrer ces deux collaborateurs, de façon
9 confidentielle, au Tribunal, ce, pendant les poses qui interviennent au
10 cours des audiences. Il peut également les retrouver au quartier
11 pénitentiaire à la fin de la journée.
12 La longueur de ces visites est déterminée par les règles qui sont en place
13 au sein du quartier pénitentiaire et au sein de la prison néerlandaise où
14 se trouve le quartier pénitentiaire. Ces règles s'appliquent à tous les
15 détenus et à leurs avocats.
16 L'accusé peut également entrer librement en communication avec ses deux
17 associés par le moyen d'un téléphone se trouvant au quartier
18 pénitentiaire; il peut le faire y compris le week-end.
19 Par ailleurs, l'accusé, contrairement aux autres détenus qui disposent des
20 services d'un avocat de la défense choisi par eux, l'accusé peut passer
21 des coups de fil depuis le Tribunal pendant la journée. Les deux
22 collaborateurs peuvent aider l'accusé à faire des photocopies, à envoyer
23 des fax depuis les locaux du Tribunal pendant la journée. Un certain
24 nombre de moyens plus limités sont également à la disposition de l'accusé
25 et de ses collaborateurs au quartier pénitentiaire.
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1 Outre les moyens comparables à ceux qui sont fournis aux autres détenus,
2 le Greffe fournit à l'accusé des exemplaires supplémentaires des documents
3 qui sont communiqués aux parties pendant la procédure, afin qu'il puisse
4 discuter de leur teneur avec ses collaborateurs.
5 L'accusé peut visionner des séquences vidéo, peut utiliser un ordinateur
6 dans sa cellule, mais, pour des raisons de sécurité, aucun accusé n'est
7 autorisé à recevoir du courrier électronique ou à bénéficier d'un accès à
8 Internet.
9 Telle est la décision rendue par la Chambre.
10 Monsieur Ryneveld, je crois qu'il y avait une question que vous souhaitiez
11 évoquer?
12 M. Ryneveld (interprétation): Oui. En fait, il y a deux choses que je
13 souhaiterais soulever, Monsieur le Président, si vous me le permettez. Je
14 voudrais répondre à la question que vous m'avez posée ce matin.
15 Vous m'avez posé une question portant sur les déclarations des témoins. Je
16 vous ai indiqué que nous avions communiqué toutes les déclarations
17 préalables de ce témoin au juriste hors classe, le 19 avril, et des
18 exemplaires supplémentaires de ces déclarations ont été fournies le 22
19 avril. Je pense donc que vous avez reçu ces déclarations de témoin.
20 M. le Président (interprétation): Je comprends, mais, par ailleurs, nous
21 n'avons pas rendu de décision sur ce point.
22 M. Ryneveld (interprétation): J'en suis conscient.
23 M. le Président (interprétation): Il faudra donc, en temps opportun, que
24 nous rendions une décision.
25 M. Ryneveld (interprétation): Je comprends pleinement ce que vous voulez
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1 dire, Monsieur le Président, mais vous avez désormais les déclarations
2 entre les mains et vous pourrez donc, en connaissance de cause, rendre
3 votre décision.
4 La deuxième chose que je voulais aborder est celle-ci: un commentaire a
5 été fait par les Juges de la Chambre, lundi dernier si je ne m'abuse, un
6 commentaire portant sur les 90 témoins. Pour que je sois bien au fait de
7 ce à quoi la Chambre fait référence, je voudrais dire que les 9 et 11
8 janvier dernier, lorsque la question des témoins a d'abord été soulevée,
9 un certain nombre de choses ont été dites. Je me suis reporté au compte
10 rendu d'audience et je me suis aperçu que la Chambre m'avait demandé de
11 débattre d'un point qui était soulevé par l'ordonnance.
12 J'avais indiqué alors à la Chambre que nous prévoyons de faire comparaître
13 110 témoins sur les 201 témoins que nous avions prévus initialement, au
14 titre de la requête déposée selon les dispositions de l'Article 65ter.
15 J'ai également indiqué que l'accusation souhaitait, non seulement faire
16 comparaître ces 110 témoins qui viendraient effectivement devant la
17 Chambre, mais également j'ai indiqué que l'accusation souhaitait verser la
18 déposition de 123 témoins factuels, par le biais des déclarations
19 recueillies au titre de l'Article 92bis.
20 J'ai indiqué que l'accusation demanderait ensuite à la Cour l'autorisation
21 d'amener devant elle des témoins qui viendraient déposer de vive voix,
22 cela, dès lors que la Chambre n'autorisait pas le versement des éléments
23 de preuve de ces témoins par le biais d'une procédure de type 92bis.
24 Ensuite, la Chambre m'a indiqué de façon plus claire de quelle façon je
25 pouvais essayer de lui dire comment nous en étions arrivés à ce chiffre de
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1 90 témoins.
2 Le Président May a déclaré dans le compte rendu -je cite-: "Dans le
3 document, il y un certain nombre de témoins qui apparaissent. Et il semble
4 qu'il y ait 90 témoins que vous souhaitez faire venir devant nous. Il y en
5 a 20 autres que vous souhaitez faire venir devant nous".
6 -M. Ryneveld (interprétation): Effectivement.
7 -M. le Président (interprétation): Donc, on en arriverait à 110, c'est
8 cela? On passe de 110 à 123?"
9 (Les interprètes demandent à M. Ryneveld de ralentir.)
10 Excusez-moi.
11 Je reprends la lecture du compte rendu:
12 "-M. le Président (interprétation): Nous pensons que 90 témoins cela
13 suffira. Nous considérons que 90 témoins devraient permettre de traiter
14 des points que vous souhaitez aborder au vu de l'ampleur et de la
15 complexité de cette affaire.
16 Ensuite, la Chambre en vient à aborder la question des dépositions
17 recueillies au titre de l'Article 92bis. Dans une ordonnance rendue par
18 écrit le 11 janvier, la Chambre de première instance indique la chose
19 suivante: la Chambre de première instance fixe le nombre de témoins
20 pouvant être cités par l'accusation à 90."
21 On me rappelle encore une fois qu'il faut que je ralentisse mon rythme. Je
22 poursuis ma lecture:
23 "Deuxièmement, la Chambre de première instance propose à l'accusation de
24 passer en revue la liste des témoins dont elle souhaite que les
25 dépositions soient recueillies par voix de l'Article 92bis. Ainsi on
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1 pourra éviter toute répétition. Les ordonnances portant sur les demandes
2 relatives à l'admission de tels éléments de preuve seront rendues en temps
3 opportun et à l'issue de la traduction de tous les documents concernés".
4 (Fin de citation.)
5 C'était le contexte que je voulais vous donner, Monsieur le Président,
6 avant d'intervenir à nouveau sur cette question. Ce que j'ai compris,
7 c'est que vous nous autorisiez à faire comparaître 90 témoins qui
8 viendront devant vous. Ensuite, il y aura la question de savoir combien de
9 témoins peuvent déposer par le biais de l'Article 92bis.
10 Nous avons essayé de réduire de beaucoup le nombre de témoins que nous
11 souhaitons faire comparaître devant vous. Et nous avons essayé également
12 de réduire le chiffre de 123 témoins dont nous souhaitions recueillir la
13 déclaration par le biais du 92bis. Mais l'ensemble de tous les témoins
14 sera supérieur au chiffre de 90 qui avait été initialement prévu par la
15 Chambre.
16 La question est également de savoir ce qu'est un témoin au titre de
17 l'Article 92bis. Est-ce qu'un témoin 92bis est considéré comme un témoin
18 qui vient de vive voix, s'exprimer exhaustivement devant la Chambre? Je ne
19 le pense pas personnellement. Je pense, pour ma part, que dans le chiffre
20 de 90 que vous nous aviez indiqué, vous n'incluiez pas le nombre de
21 témoins qui pouvaient être cités au titre de l'Article 92bis.
22 Je sais qu'il est difficile de tracer une ligne très claire entre les deux
23 catégories de témoins. Mais je me demande si vous m'autorisez à citer 90
24 témoins, plus un certain nombre de témoins cités au titre de l'Article
25 92bis?
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1 M. le Président (interprétation): Je m'exprime en mon nom propre. Mais je
2 crois que les circonstances dans lesquelles nous avons rendu la première
3 ordonnance sont désormais différentes.
4 Lorsque nous avons initialement rendu cette ordonnance, elle portait sur
5 le seul volet de l'affaire portant sur le Kosovo. Et puis, la procédure,
6 que nous avons décidé d'adopter et qui porte sur les témoins cités au
7 titre de l'Article 92bis, est une procédure que nous n'envisagions pas du
8 tout au début de nos travaux.
9 Il est sans doute raisonnable de revoir intégralement cette question à la
10 lumière des circonstances qui prévalent désormais.
11 M. Ryneveld (interprétation): Je serais heureux que la question soit à
12 nouveau étudiée. Mais lorsque, récemment, vous m'avez dit que je ne
13 pouvais citer que 90 témoins, j'étais un petit peu pris de court et je
14 serais heureux que vous étudiiez la question à la lumière des derniers
15 développements, dernières évolutions de notre affaire.
16 Par ailleurs, je vous rappelle que vous avez fixé la date du 19 juillet
17 comme étant la date à laquelle tout devait être terminé.
18 M. le Président (interprétation): Oui.
19 M. Ryneveld (interprétation): J'aimerais effectivement que les Juges se
20 penchent à nouveau sur cette question. Je serais très reconnaissant à la
21 Chambre de se livrer à cet exercice.
22 M. le Président (interprétation): Nous rendrons une nouvelle décision à la
23 lumière des nouvelles circonstances.
24 M. Ryneveld (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
25 M. le Président (interprétation): Vous pouvez peut-être nous fournir une
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1 demande correspondant désormais à la nouvelle donne qui est la nôtre?
2 M. Ryneveld (interprétation): Nous ne manquerons pas de faire cette
3 demande. Merci.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?
5 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais simplement faire toute la
6 lumière sur les faits que vous avez évoqués. Je voudrais simplement qu'il
7 soit dit très clairement que l'on m'a empêché d'avoir accès à ce que
8 j'appellerais des "moyens adéquats", des moyens dont l'utilisation
9 m'aurait permis de fonctionner dans un cadre totalement équitable.
10 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas rouvrir ce débat, une
11 décision a été rendue. Nous allons essayer d'en savoir un petit peu plus
12 sur ce qui se passe avec votre téléphone.
13 S'il y a des questions nouvelles que vous souhaitez soulever, faites-le,
14 mais nous n'allons pas revenir sur quelque chose qui a été tranché par la
15 Chambre.
16 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je ne parlerai donc pas de ce
17 qui est l'évidence même. Mais je voudrais tout de même attirer votre
18 attention sur quelques questions d'ordre matériel et qui ne correspondent
19 pas à ce qui a pu être dit dans les rapports qui vous ont été remis. Vous
20 avez parlé de cette question de l'isolement, il y a quelques instants, de
21 façon publique.
22 M. le Président (interprétation): Nous ne souhaitons pas continuer à
23 entendre des arguments sur cette question. Vous avez précédemment soulevé
24 la question des problèmes que vous aviez à entrer en contact avec un
25 certain nombre de personnes. Peut-être que vous avez essayé d'entrer en
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1 contact avec des personnes avec lesquelles vous n'étiez pas autorisé à
2 parler? C'est peut-être pour ça que vous avez eu du mal à établir une
3 communication téléphonique. Mais pour ce qui est de ce que vous venez
4 d'évoquer, il y a une décision. La question est tranchée, nous ne
5 reviendrons pas sur ce qui a été dit.
6 M. Milosevic (interprétation): Mais je ne parle pas de votre décision. En
7 aucun cas. Votre décision, cela vous regarde. Je veux simplement dire que
8 les faits sont bien différents de ceux que vous avez décrits. Vous avez
9 dit que, dans le rapport, il apparaissait que jamais je n'avais été placé
10 en isolement, mais je suis resté en isolement pendant des mois et des
11 mois!
12 M. le Président (interprétation): Nous n'envisageons pas de rouvrir le
13 débat sur cette question. Nous avons étudié de très près cette question et
14 nous avons, suite à cet examen, rendu une décision. Si vous souhaitez
15 déposer une autre demande, eh bien, cette demande, nous l'étudierons en
16 temps utile, mais il ne sert à rien de revenir là-dessus aujourd'hui.
17 Nous allons reprendre le contre-interrogatoire. Si vous avez d'autres
18 demandes à formuler, qui portent également sur votre téléphone, vous
19 pourrez les faire demain matin. S'il s'avère que vous essayiez
20 effectivement d'entrer en contact avec des personnes avec qui vous pouvez
21 parler, nous nous poserons à nouveau la question du fonctionnement de
22 votre téléphone.
23 Nous allons faire entrer le témoin.
24 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que je suis le seul détenu qui
25 reçoit la visite des membres de sa famille en présence de représentants du
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1 quartier pénitentiaire? En êtes-vous conscients?
2 M. le Président (interprétation): Nous nous sommes penchés sur tous les
3 problèmes vous concernant. Nous avons rendu une décision. La question est
4 close.
5 (Le témoin, Mme Hadije Fazliu, est introduit dans le prétoire.)
6 M. Milosevic (interprétation): Mais je ne comprends pas!
7 M. le Président (interprétation): Le témoin est dans le prétoire. Nous
8 reprenons la déposition du témoin et votre contre-interrogatoire.
9 Madame, je vous demande de bien vouloir vous asseoir.
10 (Le témoin s'assoit.)
11 M. le Président (interprétation): Souhaitez-vous poser d'autres questions
12 au témoin?
13 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Hadije Fazliu, par l'accusé,
14 M. Milosevic.)
15 M. Milosevic (interprétation): Oui. Vous avez déclaré que votre village
16 était un petit village qui comptait environ 100 maisons et vous avez
17 précisé que, dans le village, pendant la guerre, en 1999, l'UCK était
18 présente. Est-ce exact?
19 Mme Fazliu (interprétation): Oui.
20 Question: Vous avez également déclaré que, dans le bâtiment de l'école,
21 l'UCK avait installé son quartier général?
22 Réponse: Effectivement.
23 Question: En vous appuyant sur ce que vous savez, essayez de répondre à la
24 question suivante: est-ce que vous pensez que c'est cela qui a amené un
25 conflit entre l'armée et la police, et l'UCK qui se trouvait dans votre
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1 village?
2 Réponse: Mais vers quelle époque?
3 Question: Une unité de l'UCK se trouvait dans le village et, d'après ce
4 que vous affirmez, l'UCK avait installé son quartier général dans l'école
5 du village. Donc c'est là que l'UCK avait sa base. Puis il y a eu un
6 conflit avec l'armée et la police, un conflit opposant l'UCK à l'armée et
7 à la police?
8 Réponse: Il n'y a pas eu de conflit entre l'UCK et l'armée.
9 Question: Mais, d'après ce que vous affirmez vous-même, il y avait dans le
10 village une unité de l'UCK qui avait installé son quartier général dans
11 les locaux de l'école primaire.
12 Réponse: L'UCK était présente mais, lorsque nous avons été expulsés, il
13 n'y a eu aucun affrontement.
14 Question: Dans votre déclaration préalable, vous dites que les forces
15 serbes, le 26 mars… Je reprends: vous avez déclaré que, le 26 mars, vous
16 aviez quitté votre village parce que les forces serbes étaient en train de
17 le pilonner. Est-ce qu'ils étaient en train de pilonner les positions de
18 l'UCK?
19 Réponse: Ils pilonnaient les maisons, la population civile.
20 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'ils tiraient également sur l'UCK?
21 M. le Président (interprétation): Le témoin vous explique que ce sont les
22 maisons qui étaient pilonnées; c'est ce qu'elle vous explique.
23 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais plus loin, dans la phrase
24 suivante, vous dites: "Je n'ai pas le souvenir que quelqu'un ait été
25 blessé." Est-ce exact ou non?
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1 Mme Fazliu (interprétation): Est-ce que nous parlons de la journée du 26?
2 Question: Oui. Tout se trouve dans le même paragraphe, le sixième
3 paragraphe à partir du haut. Il est indiqué -je cite-: "Le 26 mars 1999,
4 j'ai quitté mon village parce que les forces serbes étaient en train de le
5 pilonner". Ensuite, vous ajoutez: "Je n'ai pas le souvenir que quiconque
6 ait été blessé." (Fin de citation.)
7 Réponse: Oui, c'est exact.
8 Question: Que faisiez-vous avant la guerre, quelle était votre profession
9 avant que la guerre n'éclate? Quelle activité exerciez-vous dans votre
10 village?
11 Réponse: J'ai terminé mes études secondaires, ensuite j'ai fait une école
12 de commerce et j'ai travaillé comme vendeuse dans une librairie.
13 Question: Vous travailliez parmi les livres, les journaux. Vous écoutiez
14 sans doute la télévision, la radio. Je suppose que vous étiez sans doute
15 bien informée de ce qui se passait. Est-ce que je me trompe?
16 Réponse: J'étais bien informée.
17 Question: Vous avez fait des études, vous étiez employée dans une
18 librairie, je suppose donc que vous étiez bien au fait des événements qui
19 survenaient dans votre municipalité, n'est-ce pas exact?
20 Réponse: Cela dépendait des événements.
21 M. Milosevic (interprétation): Mais je parle de la vie quotidienne, je
22 parle de ce qui se passait au quotidien. Vous êtes une personne cultivée,
23 vous travailliez dans une librairie, vous étiez en contact avec les gens.
24 Je suppose donc que vous étiez une personne bien informée. Est-ce que je
25 me trompe?
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1 M. le Président (interprétation): Elle a répondu à cette question.
2 M. Milosevic (interprétation): Après avoir quitté votre village le 26
3 mars, vous êtes revenue le 29.
4 Mme Fazliu (interprétation): Oui.
5 Question: Je regarde ce qui est écrit dans votre déclaration. Il me semble
6 que vous n'avez pas pu voir qui tuait les habitants du village de Josanica
7 et vous ne savez pas non plus dans quelles conditions ces personnes ont
8 été tuées?
9 Réponse: Les personnes de Josanica? Oui, j'y ai vu des morts, et bien sûr
10 que c'est la police qui les a tués.
11 Question: Très bien. Mais vous n'avez pas vu les personnes qui ont tué ces
12 habitants. Vous ne savez pas si c'est la police ou qui que ce soit
13 d'autre? Vous ne savez pas comment et par qui ces personnes ont été tuées?
14 Réponse: J'ai vu des personnes qui avaient été tuées. Il est aisé de se
15 prononcer sur qui a pu les tuer.
16 Question: Est-ce qu'il y a eu des pilonnages ou des bombardements dans
17 votre voisinage, dans votre région? Je parle ici de bombardements aériens?
18 Réponse: Non.
19 Question: Et pour ce qui est de ce que vous avez pu voir ou entendre vous-
20 même, personnellement, vu qu'il y avait tous ces bruits, des coups de feu,
21 est-ce que vous pouvez dire s'il y a eu des affrontements entre l'UCK et
22 l'armée, la police?
23 Réponse: Même avant cela, nous avons été pilonnés; ce n'était pas la
24 première fois que cela arrivait.
25 Question: Mais avant quoi?
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1 Réponse: Avant le 26, depuis ce qui s'était passé avec l'UCK, on pouvait
2 s'y attendre.
3 Question: Et qu'est-ce qui s'était passé à Likosane?
4 Réponse: Moi, je n'y étais pas à Likoshane, mais il y avait des membres de
5 ma famille qui ont assisté aux obsèques, qui étaient présents. Moi, je n'y
6 étais pas.
7 Question: Par conséquent, même avant que n'aient lieu ces affrontements
8 entre, d'un côté, l'armée et la police, et de l'autre l'UCK, votre village
9 a été pilonné? Est-ce exact?
10 Réponse: Je n'ai pas dit ça, je n'ai pas dit qu'auparavant, il avait été
11 pilonné.
12 Question: J'avais cru vous comprendre de cette façon-là. J'avais compris
13 que cela s'était même passé avant.
14 Est-ce que l'UCK s'est retirée du village en même temps que vous ou est-ce
15 que l'UCK est partie dans une direction différente?
16 Réponse: De quelle date parlez-vous?
17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, de la date de votre départ du
18 village, le 26 mars. C'est la première fois que vous avez quitté le
19 village à ce moment-là, n'est-ce pas?
20 M. le Président (interprétation): La première question était celle-ci:
21 est-ce que l'UCK est partie du village le 26 mars, ou peut-être même avant
22 cela? Est-ce que l'UCK se trouvait encore dans le village le 26 mars ou
23 pas?
24 Mme Fazliu (interprétation): Ce jour-là, le 26 mars, au moment où je suis
25 partie, moi, je ne les ai pas vus.
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1 M. Milosevic (interprétation): Bien. Sur la route qui vous menait de
2 Djakovica à la frontière, d'après ce que vous avez dit, il ne vous est
3 rien arrivé?
4 Réponse: Non.
5 Question: Les soldats vous ont dit qu'il y avait dans la zone un danger
6 -c'était à cause des bombardements de l'OTAN- et que vous deviez vous
7 dépêcher pour essayer de trouver un abri quelque part. Est-ce exact?
8 Réponse: Si l'on était resté chez nous, il n'aurait pas été nécessaire de
9 trouver où se réfugier ailleurs.
10 Question: Je vous pose une question qui concerne la période que vous avez
11 passée à la frontière parce que c'est à propos de cela que vous témoignez
12 et c'est de cela dont vous parlez dans votre déclaration préalable.
13 Réponse: Mais ils nous ont chassés par la force. On n'a pas pris
14 l'initiative de partir nous-mêmes. On ne connaissait même pas la route qui
15 menait à la frontière.
16 Question: Dans votre déclaration, vous n'expliquez pas le fait que
17 quelqu'un vous ait forcés et contraints à faire quoi que ce soit. Est-ce
18 que quelqu'un vous a escortés? Est-ce que quelqu'un vous a contraints à
19 partir pour la frontière? Est-ce que quelqu'un vous a accompagnés, que ce
20 soit à la frontière même ou à proximité de celle-ci?
21 Réponse: Mais c'est certain, il est certain qu'on a été chassés. Personne
22 ne veut partir de chez soi sinon.
23 Question: Oui, mais on tirait dans votre village, vous l'avez dit vous-
24 même. Vous avez dit qu'il y avait des coups de feu tirés dans votre
25 village.
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1 Réponse: Je n'ai pas dit qu'il y a eu des échanges de tirs, j'ai dit que
2 les Serbes avaient tiré des coups de feu.
3 Question: Et affirmez-vous que l'UCK se trouvait dans le village, qu'elle
4 y avait un quartier général? Et vous dites que l'UCK n'a jamais tiré sur
5 les Serbes?
6 Réponse: Mais ils n'avaient pas l'équipement nécessaire, c'est certain.
7 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas entendu l'interprétation,
8 excusez-moi. Est-ce que vous pourriez répéter votre réponse, Madame?
9 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit "qu'ils n'avaient pas
10 l'équipement nécessaire, c'était certain".
11 M. Milosevic (interprétation): Voulez-vous dire que l'UCK n'était pas
12 armée, c'est ça que vous voulez dire?
13 Mme Fazliu (interprétation): L'UCK avait des armes légères, mais comparée
14 aux Serbes, elle n'avait rien.
15 Question: Est-ce que nous pouvons en conclure que, d'après vous, ils n'ont
16 pas tiré du tout. Ils n'ont tiré ni sur l'armée ni sur la police?
17 Réponse: Moi, je ne les ai pas vus.
18 Question: Mais est-ce que vous en avez entendu parler? Est-ce que vous en
19 avez entendu parler?
20 Réponse: J'ai entendu beaucoup de choses, mais je n'ai pas été en mesure
21 de reconnaître quoi que ce soit.
22 Question: Etes-vous au courant des événements qui se sont produits en 1998
23 et en 1999? Par exemple, en janvier 1998, dans votre village Jordan Nicic,
24 un employé des forêts a été attaqué par l'UCK. En fait, il travaillait
25 dans une société forestière qui s'appelait "Sume", société serbe.
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1 Réponse: Il n'y a pas de forêt dans mon village et je ne suis pas du tout
2 au courant.
3 Question: Est-ce que votre village est bien le village de Turicevac?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Est-ce que vous vous souvenez que, le 27 janvier 1998, c'est
6 précisément dans le village de Turicevac, donc dans votre propre village,
7 qu'il y a eu une attaque dirigée contre Veroslav Vukojcic, de Raska, qui
8 était venu en camion, à 11 heures 30, le 27 janvier 1998. Nous parlons ici
9 du village de Turicevac: c'est là que cela s'est produit.
10 Réponse: Cela ne s'est pas passé à Turicevac.
11 Question: Bien. Savez-vous que, le 12 février à 10 heures, dans le village
12 de Turicevac, un citoyen bulgare qui s'appelait Angel Borisov été attaqué.
13 A l'époque, ils ont été arrêtés par l'UCK mais ont été remis en liberté
14 par la suite. Est-ce que vous êtes au courant de cela? Nous parlons ici du
15 12 février.
16 Réponse: C'est la première fois que j'en entends parler. Ma réponse est
17 donc négative.
18 Question: Avez-vous entendu parler de Murat Dajkaj? Est-ce que ce nom vous
19 est connu? Il est du village de Braketnice?
20 Réponse: Non.
21 Question: Est-ce que vous avez entendu parler de l'attaque, puisque vous
22 n'avez pas entendu parler de cet homme-là, qui est mort au cours de
23 l'attaque? Mais l'attaque, elle, s'est produite le 20 février dans le
24 village de Lausa, qui se trouve dans la même municipalité que celle dans
25 laquelle se trouve votre village?
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1 Réponse: Non, je ne sais pas.
2 Question: Et est-ce que vous avez entendu parler d'une autre attaque qui
3 s'est produite aussi le 20 février 1998, à Lausa? Milorad Ristic, qui
4 était de Djakovica, a été tué. D'autres personnes ont été blessées; je ne
5 vais pas mentionner leurs noms. Mais lui a été tué. Etes-vous au courant?
6 Réponse: Non.
7 Question: Est-ce que vous avez entendu parler des noms suivants: un homme
8 répondant au nom de Thaci Rizi, qui a été grièvement blessé le 5 mars
9 1998? Avez-vous entendu parler de lui? Est-ce que vous le connaissez, lui
10 qui a été aussi blessé par l'UCK?
11 Réponse: Je ne sais pas, je ne connais pas ce cas.
12 Question: Et est-ce que vous auriez entendu parler d'un incident qui était
13 en rapport avec l'attaque dirigée contre un véhicule diplomatique de
14 l'ambassade du Japon, où l'attachée de l'ambassade en Yougoslavie se
15 trouvait dans le véhicule? Elle n'a pas été blessée, mais cet incident
16 s'est produit le 27 avril 1998, à Lausa. Vous en souvenez-vous?
17 Réponse: Nous sommes très éloignés de Llausha, je ne sais pas ce qui peut
18 s'y être produit.
19 M. Milosevic (interprétation): Et vous n'avez rien entendu à ce propos?
20 Mme Fazliu (interprétation): Non. C'est la première fois que j'en entends
21 parler.
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je crois qu'il est
23 assez inutile de poursuivre cette série de questions. Le témoin dit ne
24 rien savoir de ce qui s'est passé à Llausha. Vous avez mentionné dix
25 incidents dont elle ne sait rien, dit-elle.
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1 Je vous l'ai déjà dit: vous pourrez en temps utile présenter vos propres
2 moyens de preuve.
3 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Je n'ai plus que quelques
4 questions à poser pour terminer.
5 Est-ce que vous avez entendu parler d'un seul cas qui se soit produit dans
6 votre municipalité, celle de Srbica ou dans votre village, commis par
7 l'UCK?
8 Mme Fazliu (interprétation): Non.
9 Question: Donc il est inutile de vous poser d'autres questions précises à
10 ce propos, puisque vous dites ne rien savoir. Encore une seule question:
11 vous avez déclaré qu'à la frontière, on ne vous avait demandé ni de
12 l'argent ni des pièces d'identité. Est-ce exact?
13 Réponse: C'est exact.
14 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai plus de question à poser.
15 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic?
16 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, Mme Hadije
17 Fazliu.)
18 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les
19 Juges, j'essaierai d'être bref. Je n'ai que quelques questions à poser à
20 ce témoin.
21 Madame Fazliu, j'ai votre déclaration préalable sous les yeux. Au
22 paragraphe 4 de la page 2, et vous avez déjà apporté un commentaire sur
23 cette question en réponse à une question posée par M. Milosevic, mais vous
24 dites, à un endroit de votre déclaration, que "les gens ne cessaient de
25 rejoindre, continuaient de rejoindre l'UCK". Est-ce exact?
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1 Mme Fazliu (interprétation): Oui, c'est vrai. Bien sûr.
2 Question: Je voudrais simplement vous demander ce qui s'est passé dans
3 votre village.
4 Pourriez-vous nous dire, approximativement, combien de membres de l'UCK il
5 y avait dans votre village. Donnez-nous un chiffre approximatif si vous le
6 pouvez?
7 Réponse: Je ne sais pas. Moi, je n'ai jamais été au quartier général.
8 Question: Merci.
9 A la page 4, troisième paragraphe de cette page, Messieurs les Juges.
10 Vous dites, Madame, dans votre déclaration -je vous cite-: "Nous avions
11 peur qu'ils ne nous envoient dans une usine, et que l'on bombarde cette
12 usine. Donc vous aviez peur. Vous aviez peur que certains d'entre vous
13 soient victimes d'un bombardement de l'OTAN?
14 Réponse: On n'avait pas peur de l'OTAN. On avait peur des viols dont on
15 nous avait dit qu'ils se produisaient pendant la nuit.
16 Question: Ça, je comprends. Mais vous avez dit dans votre déclaration -et
17 je ne sais pas d'où vous tenez cette information, peut-être pourrez-vous
18 nous l'expliquer-, vous dites que aviez peur qu'ils vous envoient dans une
19 usine qui pourrait être bombardée.
20 Est-ce que vous avez entendu dire qu'une usine avait été bombardée, que
21 des gens avaient perdu la vie? Et je ne sais pas d'où vous teniez cette
22 information mais c'est ce que vous dites. Vous dites -je vous cite-: "Nous
23 avions peur qu'ils nous envoient dans une usine".
24 Réponse: J'ai dit qu'ils envoyaient la population dans des usines, et que
25 tout pouvait s'y passer.
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1 Question: Mais dans ce même passage, vous dites que vous aviez un petit
2 appareil radio, et que vous écoutiez les nouvelles. Est-ce par la radio
3 que vous avez entendu dire que de telles choses se passaient, à savoir que
4 des usines étaient bombardées et que des gens étaient tués?
5 Réponse: Non.
6 Question: Je vous remercie. Il y a une autre question que j'aimerais vous
7 poser en rapport avec cette peur. Ici, ce sera à la page 5, troisième
8 paragraphe, ce sera ma dernière question.
9 Vous dites ceci, lorsque vous étiez: "à la frontière même, vous avez
10 remarqué que l'armée avait peur des bombardements de l'OTAN". Est-ce que
11 c'est une conclusion que vous avez tiré vous-même toute seule? Qu'est-ce
12 qui vous a poussé plus exactement à dire une telle chose? Quelles sont les
13 raisons?
14 Réponse: C'est évident qu'ils avaient peur. Nous, on n'avait pas de raison
15 d'avoir peur de l'OTAN, parce que c'est nous qui avons demandé
16 l'intervention de l'OTAN.
17 Question: Oui, mais s'ils bombardaient les militaires, les soldats qui se
18 trouvaient là, certains d'entre vous auraient pu être tués aussi. Est-ce
19 que ce n'était pas là la raison pour laquelle vous vous dépêchiez, parce
20 qu'il y avait cette peur justement?
21 Réponse: Je n'avais pas peur de la mort.
22 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld?
24 M. Ryneveld (interprétation): Pas de questions qui découlent du contre-
25 interrogatoire, Monsieur le Président. Je vous remercie.
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1 M. le Président (interprétation): Madame, se termine ainsi votre
2 déposition. Merci d'être venue au Tribunal pénal international.
3 Nous vous remercions et vous pouvez disposer, Madame Fazliu.
4 Mme Fazliu (interprétation): Je vous remercie.
5 (Le témoin, Mme Hadije Fazliu, est reconduit hors du prétoire.)
6 M. Ryneveld (interprétation): J'appelle à la barre Sadik Januzi. Ce sera
7 notre prochain témoin.
8 En attendant son arrivée, je me permets de vous inviter, Messieurs les
9 Juges, Messieurs les amis de la Chambre, et Monsieur l'Accusé, à consulter
10 la page 5.
11 Je ne vais pas demander que ce document soit placé sur le rétroprojecteur
12 en présence du témoin, parce qu'il a des difficultés à lire. Mais si vous
13 prenez la page 5 de la pièce 83, vous le saurez, il y a le village de
14 Brojë qui est concerné, et juste à gauche du village dont on a parlé
15 précédemment, celui de Turicevac. Disons à un demi centimètre ou à un
16 centimètre à gauche, on a un n°14, un numéro en marge de la page 5: c'est
17 ce village qui est concerné.
18 Je propose de lire la déclaration solennelle pour le témoin en anglais.
19 L'interprétation lui sera faite via les écouteurs. Est-ce que vous en êtes
20 d'accord, Messieurs les Juges?
21 M. le Président (interprétation): Oui.
22 (Le témoin, M. Sadik Januzi, est introduit dans le prétoire.)
23 M. le Président (interprétation): Monsieur, je vais vous demander de vous
24 lever pour donner lecture ou prononcer la déclaration solennelle. L'avocat
25 va vous lire quelque chose, ce sera traduit.
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1 Est-ce que vous voulez bien répéter les mots de l'interprète?
2 M. Januzi (interprétation): Oui, je déclarerai...
3 M. Ryneveld (interprétation): Contentez-vous de ce que je vais vous dire.
4 M. Januzi (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
6 M. Ryneveld (interprétation): La vérité, toute la vérité et rien que la
7 vérité.
8 M. Januzi (interprétation): Je dirai la vérité, toute la vérité et rien
9 que la vérité.
10 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur.
11 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.
12 M. Januzi (interprétation): Merci.
13 (Le témoin s'assoit.)
14 (Interrogatoire principal du témoin, M. Sadik Januzi, par M. Ryneveld.)
15 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Témoin, pourriez-vous décliner
16 votre identité à l'intention des Juges?
17 M. Januzi (interprétation): Prénom et nom de famille: Sadik Januzi.
18 Question: Est-il exact que vous êtes Musulman, Albanais du Kosovo, et que
19 vous êtes né à Brojë, en 1933?
20 Réponse: C'est exact.
21 Question: Est-ce que Brojë se trouve dans la municipalité de Skenderaj?
22 Réponse: C'est exact.
23 Question: Est-ce que vous êtes marié?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Combien d'enfants avez-vous?
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1 Réponse: J'ai six filles et un fils marié.
2 Question: Et est-ce que vous êtes maintenant un agriculteur à la retraite
3 et qu'auparavant, vous avez été garde responsable de la sécurité?
4 Réponse: Oui, je suis à la retraite maintenant.
5 Question: Bien. Vous ai-je bien compris: est-ce que vous avez reçu la
6 visite de représentants du Bureau du Procureur, le 23 avril 1999, et c'est
7 alors que vous avez fourni une déclaration préalable? Est-ce exact?
8 Réponse: C'est exact.
9 Question: Et le 21 octobre 2001, est-ce que des représentants du Bureau du
10 Procureur sont revenus pour faire une déclaration supplémentaire du suivi
11 par rapport à ce que vous aviez déjà dit dans la première déclaration?
12 Réponse: C'est exact.
13 Question: Et il y a quelques mois, le 2 février 2002, est-ce que vous avez
14 comparu devant un officier instrumentaire de ce Tribunal? Est-ce que vous
15 aviez à votre disposition des copies en albanais de ces déclarations qui
16 vous ont été lues?
17 Réponse: Oui, oui.
18 Question: Et est-ce que vous avez, ce jour-là, déclaré que cette
19 déclaration était exacte, selon vos souvenirs, et conforme à ces
20 souvenirs?
21 Réponse: C'était exactement ce que j'avais dit.
22 M. Ryneveld (interprétation): Fort bien. Je vous remercie.
23 Ces deux déclarations relevant du 92bis peuvent-elles être versées au
24 dossier? Je ne sais pas où nous en sommes pour les cotes.
25 Mme Atanasio (interprétation): Ce sera la pièce à conviction de
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1 l'accusation n°111.
2 M. Ryneveld (interprétation): 111? Fort bien, merci.
3 Pendant que sont distribuées ces déclarations, j'aimerais donner lecture
4 de la synthèse. Ou bien est-ce que vous préféreriez que j'attende?
5 Monsieur le Président, la synthèse de la déposition de ce témoin qui est
6 en cours de distribution se divise en deux parties.
7 Dans la première partie, le témoin décrit la situation qui prévalait à
8 Brojë en mars 1998, lorsque la police a érigé des postes de contrôle. Et
9 puis, suite à un incident au cours duquel un policier a été tué par l'UCK,
10 les forces serbes ont commencé à pilonner le village du témoin. Il décrit
11 une offensive continue des forces serbes au cours de laquelle celles-ci
12 ont attaqué 52 villages à peu près dans la région de Drenica et pilonné à
13 plusieurs reprises son village de Brojë.
14 Suite à cela, le témoin et sa famille ont été contraints de se déplacer
15 constamment d'un village à l'autre pendant 14 mois d'affilée.
16 Il dit qu'en mars 1999, les forces serbes pilonnaient Brojë et les autres
17 villages environnants, et qu'aux environs du 24 mars 1999, lui-même et sa
18 famille ont cherché à trouver refuge à Izbica; 4 à 5.000 habitants des
19 autres villages se sont également réunis à Izbica et ils ont vu le village
20 tout proche de Lecina qui était en feu.
21 Le 27 mars 1999, le témoin a vu des soldats serbes qui mettaient le feu
22 aux maisons d'Izbica.
23 Le lendemain, 28 mars 1999, à 1 heure de l'après-midi à peu près, les
24 forces serbes les ont encerclés, ont donc rassemblé 5.000 personnes dans
25 un pré situé à 150 mètres à peine du village. Le témoin parle de soldats
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1 qui exigeaient de l'argent en menaçant les gens de mettre le feu à leurs
2 maisons. Il décrit le fait que les hommes ont été séparés des femmes et
3 des enfants, et parle d'un officier responsable qui a dit aux soldats de
4 ne pas laisser partir les hommes. Les hommes ont été répartis en deux
5 groupes de 70 personnes chacun; un groupe a été emmené au sommet de la
6 colline et l'autre vers un ruisseau.
7 Le groupe auquel appartenait le témoin a reçu l'ordre de gravir la colline
8 en deux rangées escortées par deux soldats. Les soldats les pressaient à
9 la pointe de leurs fusils-mitrailleurs. Dans ce groupe, les hommes étaient
10 âgés de 40 à 96 ans. A un certain moment, un soldat leur a dit: "Arrêtez-
11 vous" et leur a ordonné de se retourner. Et ensuite, le témoin a entendu
12 l'un d'entre eux dire "Feu!", et les hommes ont commencé à tomber, tous
13 abattus, derrière lui.
14 Ceci a duré quelques secondes. Le témoin est tombé au sol bien qu'il n'ait
15 pas été touché et trois autres cadavres sont tombés sur son dos. Il a
16 entendu les soldats qui vérifiaient s'il y avait encore quelqu'un de
17 vivant. Puis il a encore entendu sept ou huit coups de pistolet tirés par
18 les soldats. Ensuite, il a entendu l'un des soldats qui disait: "Allons-y,
19 notre travail est terminé".
20 Et il parle de la façon dont il a rampé pour trouver un abri, terrorisé.
21 C'est de cette façon qu'il a rejoint les autres survivants. Il s'est rendu
22 dans la maison de sa sœur à Kladernica, où il a passé trois à quatre
23 jours.
24 Il parle du fait que, la dernière nuit de son séjour, les forces serbes
25 ont commencé à pilonner avant le lever du soleil. Tous les jeunes gens se
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1 sont enfuis vers la forêt. Le témoin a appris que les femmes des villages
2 environnants avaient trouvé abri dans l'école de Kladernica. Donc il est
3 allé les voir; le pilonnage durait toujours. Il a vu trois personnes
4 blessées. Aux alentours de 10 heures, les forces serbes ont encerclé
5 l'école et ordonné aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées de se
6 diriger vers l'Albanie.
7 Dans sa deuxième déclaration, le témoin décrit, en grand détail, son
8 départ de Kladernica à pied vers Klina et Gjakove, puis vers Prizren, sans
9 aucune nourriture et dans un convoi composé de 10 à 12.000 villageois
10 escortés par les forces serbes. Après avoir donné des détails importants
11 au sujet de ce qui s'est passé le long de la route, ces personnes ont fini
12 par arriver à un village situé non loin de Prizren. Les policiers serbes
13 ont dit à ces personnes qu'on les emmènerait en autobus vers la frontière.
14 Après une heure, un autobus est arrivé et les a emmenés à Zhur au poste-
15 frontière, le 15 avril 1999. De l'argent leur a été demandé à ce moment-là
16 et leurs documents d'identité ont été confisqués.
17 M. le Président (interprétation): Merci.
18 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
19 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Sadik Januzi, par l'accusé M.
20 Milosevic.)
21 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Januzi, lorsque la police a érigé
22 un poste de contrôle dans votre village, vous n'avez pas quitté le
23 village, n'est-ce pas?
24 M. Januzi (interprétation): Nous sommes partis ce jour-là. C'est ce jour-
25 là qu'ils sont arrivés. Nous sommes restés jusqu'au soir, jusqu'à la
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1 tombée de la nuit. Et ensuite, nous sommes retournés à la maison pour
2 prendre notre dîner et, juste avant le lever du soleil, avant l'aube, nous
3 sommes repartis. Nous avons mis nos vies en danger en gravissant la
4 colline. A ce moment-là, il y avait déjà une famille qui était enterrée.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Januzi, est-ce que vous
6 pourriez répondre aux questions qui vous ont été posées? Cela nous
7 permettra d'avancer plus vite.
8 M. Januzi (interprétation): D'accord, je serai bref.
9 M. Milosevic (interprétation): Je parle du mois de mars 1998 et de
10 l'érection d'un poste de contrôle à Drenica.
11 Est-ce que cela ne vous a pas dérangé dans vos travaux quotidiens
12 d'agriculteur? Cela ne vous a pas dérangé, n'est-ce pas? C'est exact ou ce
13 n'est pas exact?
14 M. Januzi (interprétation): Cela nous a dérangés parce qu'il y avait des
15 coups de feu de temps en temps, dans les premières heures de la matinée et
16 le soir notamment. Et à ces moments-là, il nous fallait partir de chez
17 nous, quitter la maison très tôt le matin. Nous ne pouvions revenir que le
18 soir pour manger et nous reposer un petit peu.
19 Question: Mais de quelles dates parlez-vous?
20 Réponse: Depuis le moment où ils ont pris position à cet endroit. Le 5
21 mars 1998, c'est de ce moment-là que je parle. Depuis ce moment-là et dans
22 la période qui a suivi, il n'y a eu aucune amélioration de la qualité de
23 vie dans mon village. Des familles entières ont dû partir.
24 M. Milosevic (interprétation): Mais vous, vous avez continué à faire votre
25 travail de fermier au quotidien? C'est écrit au paragraphe 2 de votre
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1 déclaration.
2 Donc, selon ce que vous avez dit vous-même dans votre témoignage, il n'y a
3 aucun rapport avec l'érection du poste de contrôle? Ce poste de contrôle
4 ne vous a absolument pas dérangé dans vos tâches quotidiennes? Est-ce
5 exact ou pas?
6 M. Ryneveld (interprétation): L'accusé vient de parler du paragraphe 2.
7 Et puisque le témoin n'a pas de déclaration sous les yeux et ne sait pas
8 lire, je crois qu'il conviendrait de lui soumettre la phrase exacte, où il
9 est question de coups de feu tirés de temps en temps en l'air.
10 M. Januzi (interprétation): Nous avons continué à travailler. Quand le
11 poste de contrôle a été démantelé et déplacé vers un autre village, à ce
12 moment-là, nous nous sommes sentis un peu plus en sécurité, nous avons
13 recommencé à travailler. Mais lorsqu'il y avait des tirs, lorsque
14 l'artillerie lourde, les mortiers, etc. étaient utilisés, la situation
15 était très difficile. Et c'est la raison pour laquelle, le 25 mars, nous
16 sommes partis et, en fait, 7 à 8.000 personnes sont parties ensemble.
17 M. Milosevic (interprétation): Le 25 mars de quelle année?
18 Réponse: 1999.
19 Question: Mais moi, je vous interrogeais au sujet de 1998. Je vous ai posé
20 plusieurs questions au sujet de 1998, parce que le poste de contrôle a été
21 érigé en mars 1998, donc un an avant. Et pendant toute cette année,
22 d'après ce que l'on peut lire dans votre témoignage, vous n'avez eu aucun
23 problème?
24 Réponse: En 1998, nous avions des problèmes, à savoir des tirs sporadiques
25 dans la région et des gens ont été enterrés dans le village de Vojnik. Un
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1 homme et une femme ont été enterrés, et des membres de la famille de
2 Zenadia Keris(phon.) également. En 1998, la sécurité était inexistante.
3 Question: Mais, écoutez, je vais vous poser cette question avec la plus
4 grande attention qui soit. Vous n'avez pas quitté le village tant qu'un
5 policier serbe n'a pas été abattu dans ce village? C'est bien cela, n'est-
6 ce pas?
7 Réponse: Le policier est arrivé, a été emmené vers les collines qui
8 entourent le village de Resnik. Je ne sais pas qui l'a tué. La seule chose
9 que je sais, c'est qu'à partir de la date que je viens de mentionner, il
10 n'y a plus eu de paix dans cette zone. Nous avons dû passer notre vie dans
11 les bois, en revenant à la maison avant la tombée de la nuit, pour en
12 repartir avant l'aube.
13 Question: A cette époque-là, l'UCK avait pris position dans votre village,
14 oui ou non?
15 Réponse: L'UCK existait, mais pas dans mon village. Il n'y avait pas de
16 zone boisée autour de mon village; or c'est la base nécessaire pour une
17 guerre. Chez nous, tout était à découvert. Pour créer une base, il faut
18 pouvoir se cacher dans une zone boisée. Mais ni les gens ni l'UCK
19 n'auraient pu se trouver là parce que le terrain était impropre à la
20 guerre. L'UCK existait mais pas à cet endroit-là.
21 Question: Il y a quelques instants, vous avez dit que l'on avait emmené le
22 policier vers les collines, mais que vous ne saviez pas qui l'avait tué.
23 S'il n'y avait pas de membres de l'UCK dans le village, qui est-ce qui a
24 emmené le policier vers les collines?
25 Réponse: Je ne sais rien à ce sujet. Je n'ai pas suivi cet incident. Je
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1 n'ai pas suivi les actions de l'UCK. Je m'occupais de ma famille, composée
2 de dix personnes, et ce qui m'importait, c'était de les garder ensemble.
3 Ensuite, nous sommes allés à Kladernica, puis en Albanie. C'était cela qui
4 me préoccupait.
5 M. Milosevic (interprétation): Il y a quelques instants, vous avez dit:
6 "ils ont emmené le policier vers les collines". C'est vous qui avez dit
7 cela, pas moi. Et puisque vous avez dit: "ils ont emmené le policier vers
8 les collines", la question que je vous pose, c'est de savoir qui a emmené
9 ce policier vers les collines?
10 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit qu'il ne savait pas.
11 M. Januzi (interprétation): Je ne sais pas. Je ne sais pas cela.
12 M. Milosevic (interprétation): Je demande seulement quel est le sujet du
13 verbe "ils ont" et rien d'autre, Monsieur le Juge May, en me fondant sur
14 sa déclaration. Et ici, il s'exprime oralement. S'il dit: "ils ont", je
15 veux savoir qui est ce: "ils". S'il dit: "ils ont emmené quelqu'un", il
16 doit savoir de qui il s'agit.
17 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut pas vous aider
18 davantage. Il a dit qu'il ne savait pas.
19 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
20 Donc, Monsieur le Témoin, vous ne savez pas que c'est l'UCK qui a tué un
21 policier?
22 M. le Président (interprétation): Il a répondu à cela.
23 M. Milosevic (interprétation): Bien.
24 M. Januzi (interprétation): Je ne sais pas.
25 Question: Durant l'année 1998 et l'année 1999, vous avez quitté Brocina, à
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1 plusieurs reprises, pour y revenir ensuite avec votre famille, n'est-ce
2 pas?
3 Réponse: C'est exact, cela a duré pratiquement un an.
4 Question: Lorsque nous avons entendu la synthèse de votre témoignage, tout
5 à l'heure, nous avons appris que vous avez circulé dans toute la région en
6 passant d'un village à l'autre, pendant cette année-là, n'est-ce pas?
7 Réponse: C'est exact, c'est exact.
8 Question: Oui. Dans cette période, avez-vous, dans tous ces villages,
9 rencontré un grand nombre de membres de l'UCK?
10 Réponse: J'étais réfugié. J'avais quitté mon village et, à partir de ce
11 moment-là, j'étais devenu un réfugié entouré d'amis. Je n'ai pas vu l'UCK.
12 Question: Savez-vous que, dans toute cette région qui entoure Srbica, il y
13 avait de nombreux membres de l'UCK? Connaissez-vous ce fait?
14 Réponse: Skenderaj se trouve à 13 km de chez moi, 13 km quand on utilise
15 la route goudronnée; après, il y a encore 1,5 km pour arriver jusqu'à ma
16 maison. Je ne sais pas ce qui s'est passé à Skenderaj; je n'y suis jamais
17 allé pendant la guerre.
18 Question: Je vous ai interrogé au sujet de la région de Srbica. Je ne vous
19 parlais pas de Srbica en tant que telle, mais de la municipalité dans
20 laquelle vous circuliez, parce qu'en écoutant la synthèse de votre
21 déposition, j'ai cru comprendre que vous étiez passé dans 52 villages de
22 votre région. Est-ce exact ou pas?
23 Réponse: Je suis resté sept ou huit mois à Klladernicë, après j'ai habité
24 à Turjan où j'avais des amis et là, nous nous sentons davantage en
25 sécurité parce qu'il y avait une forêt tout près; c'était une zone plus
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1 boisée que mon village. Mais je n'ai pas passé une seule journée à
2 Skenderaj.
3 Question: Mais vous habitiez dans la municipalité de Srbica, n'est-ce pas?
4 Réponse: C'est exact. Nous habitions dans cette municipalité, mais à la
5 frontière de la municipalité de Klina.
6 M. Milosevic (interprétation): Quand j'emploie le mot "Srbica", je pense à
7 la municipalité de Srbica et pas à la localité en tant que telle.
8 Le Procureur nous a dit que vous aviez traversé 52 villages pendant cette
9 année, ou cette année et demie?
10 M. le Président (interprétation): Il doit y avoir un malentendu.
11 M. Ryneveld (interprétation): Si je peux apporter une correction, car
12 c'est moi qui ai rédigé la synthèse et pas le témoin.
13 Les forces dont il est question ont attaqué 52 villages et c'est suite à
14 cela que le témoin est passé d'un village à l'autre. Je n'ai pas voulu
15 dire que le témoin était passé dans 52 villages différents. Ce qui est
16 exact, c'est ce qui figure dans sa déclaration écrite et l'accusé peut le
17 voir aux paragraphes 2 et 3 du texte.
18 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Alors, j'ai fait une erreur
19 d'interprétation parce que le Procureur parlait de la déposition du témoin
20 et il a parlé de 52 villages. Il a donc parlé de quelque chose que le
21 témoin n'avait pas dit dans son témoignage. C'est ce qui a créé l'erreur
22 dans mon esprit. Mais passons à autre chose.
23 M. Ryneveld (interprétation): Avec tout le respect que je vous dois,
24 Monsieur le Président, je n'ai fait aucune confusion. Ce que je dis dans
25 la synthèse, c'est -je cite-: "Le témoin décrit une offensive continue de
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1 la part des forces serbes au cours de laquelle celles-ci ont attaqué près
2 de 52 villages dans la région de Drenica et pilonné à plusieurs reprises
3 le village du témoin, Brojë. Suite à cela, le témoin et sa famille ont été
4 contraints de se déplacer constamment d'un village à l'autre pendant une
5 période de 14 mois". (Fin de citation.)
6 C'est ce que j'ai écrit dans le texte et l'accusé semble en avoir tiré la
7 conclusion, je ne sais pas trop pourquoi, que le témoin a vécu dans 52
8 villages. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
9 M. le Président (interprétation): Avançons. Rien de ce que dit le
10 Procureur n'est une pièce du dossier. Ce qui est une pièce au dossier,
11 c'est la déclaration écrite du témoin.
12 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais expliquer: si j'ai fait une
13 erreur, je l'ai faite parce que je suis parti du principe que la synthèse
14 était une synthèse de la déposition du témoin, et rien d'autre. Donc je
15 vous demande de m'expliquer ce qu'il en est: est-ce que la synthèse est
16 bien la synthèse de la déposition du témoin, ou est-ce que la synthèse
17 est, à elle seule, une autre déclaration?
18 M. le Président (interprétation): Ces explications vous ont déjà été
19 apportées à plusieurs reprises précédemment. Avez vous d'autres questions
20 à poser au témoin?
21 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr.
22 Monsieur le Témoin, êtes-vous au courant de l'assassinat de Blagoje
23 Jovanovic dans le village de Kosterc, non loin de chez vous?
24 M. Januzi (interprétation): Ce n'est pas près de mon village. Il y a mon
25 village, et ensuite Turicevc, Kopiliqi puis Turicevac, Klladernicë et
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1 ensuite Kosterc. Je ne suis pas au courant de cela.
2 Question: Le 13 juin 1998, savez-vous que les membres de l'UCK ont mis le
3 feu à douze maisons serbes, des familles Smigic dans le village de Leocina
4 et l'UCK a enlevé cinq membres de la famille Smigic ce jour-là. Avez-vous
5 entendu parler de cet incident? Etes-vous informé de cela? Cela s'est
6 passé en juin 1998.
7 Réponse: Je ne sais rien de cet incident parce que moi, je me suis
8 retrouvé avec sept ou huit membres de ma famille, des personnes âgées, les
9 femmes, les enfants. Nous nous sommes tous réunis sans penser qu'on allait
10 nous faire quelque chose.
11 Question: Savez-vous que les membres de l'UCK ont attaqué le village de
12 Rudnik et qu'ils ont mis le feu aux maisons de Radoje et de Nikic
13 Kovacevic, le 15 juin 1998? Etes-vous informé de cela?
14 Réponse: Je n'ai aucune information à ce sujet. Je ne suis pas au courant.
15 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous des informations au sujet de
16 l'assassinat de Zivojin Milic du village de Sibovac? Il a été tué le 17
17 juin aux abords d'un autre village.
18 M. Januzi (interprétation): Non, je ne sais rien à ce sujet. Je ne sais
19 absolument rien à ce sujet.
20 M. le Président (interprétation): Là encore, Monsieur Milosevic,
21 poursuivre dans ce sens ne semble pas avoir beaucoup de sens puisque le
22 témoin ne cesse de vous répondre qu'il n'est pas au courant.
23 M. Milosevic (interprétation): A l'évidence, les témoins ont quelque
24 difficulté à avoir des informations.
25 Mais, même si vous n'êtes pas au courant, avez-vous entendu parler au
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1 moins de l'attaque qui a eu lieu le 26 mars 1999 dans le village de
2 Likovac? Ce jour-là, des policiers, Milan Pavlovic, Dusan Trifunovic,
3 Ljubivoje Zivkovic, Dragivoje Galic ont été tués?
4 M. le Président (interprétation): Aucune raison de donner lecture de tous
5 ces noms.
6 Monsieur Januzi, avez-vous la moindre information au sujet de cet incident
7 dont il vient d'être question?
8 M. Januzi (interprétation): Non, je n'ai aucune information au sujet de ce
9 qui a fait l'objet de la question parce que la seule chose que je
10 m'efforçais de faire, c'était de m'occuper de ma famille. Je n'ai vu que
11 ce qui s'est passé à Kladernica comme je l'ai dit, il y a quelques
12 instants parce que ma sœur y avait sa maison. Et puis j'ai vu le petit
13 village de Tojan. Mais je ne sais rien au sujet de Likovc.
14 M. Milosevic (interprétation): Mais avez-vous entendu parler d'un
15 quelconque incident au cours duquel des crimes ont été commis, au cours
16 duquel des assassinats, des incendies de maison, des enlèvements ou
17 d'autres crimes du même genre ont été commis par les membres de l'UCK,
18 dans votre région, à l'encontre d'Albanais ou de Serbes? Est-ce que vous
19 avez la moindre information à ce sujet?
20 Réponse: Je n'ai aucune information à ce sujet. Je ne sais pas. Tout ce
21 que je sais, c'est que ce que j'ai déclaré est exact et véridique, et je
22 ne renie rien de ce que j'ai déclaré. Quant à la situation dans les autres
23 villages, qui y a été tué, je ne sais pas. Et d'ailleurs, je n'ai pas
24 parlé de cela dans ma déclaration. Je n'ai rien dit dans ma déclaration au
25 sujet du village de Likovc.
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1 M. Milosevic (interprétation): Je pense qu'il n'y a aucune raison que je
2 continue à poser des questions à ce témoin, pour des motifs tout à fait
3 évidents.
4 M. le Président (interprétation): Les amis de la Chambre ont-ils des
5 questions?
6 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Sadik
7 Januzi.)
8 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je vais m'efforcer
9 d'être très bref, vraiment, mais j'aimerais aborder deux points avec le
10 témoin.
11 Monsieur Januzi, nous avons déjà dit quelques mots de cette offensive qui
12 a été lancée contre 52 villages. Est-ce que tout cela s'est passé à
13 Drenica?
14 M. Januzi (interprétation): Oui.
15 Question: Pouvez-vous expliquer quel est le sens que vous donnez au mot
16 "offensive"? S'agissait-il d'affrontements entre l'UCK d'une part, et
17 l'armée et la police de l'autre?
18 Réponse: Je n'ai connaissance d'aucun affrontement de ce type. Je sais
19 qu'il y a eu un massacre, je sais que je me suis enfui avec ma famille,
20 j'essayais simplement de sauver la vie de ma famille. Je ne suis pas au
21 courant de cela. Je ne sais pas ce qui s'est passé pendant la guerre.
22 Question: Tout cela s'est passé en 1998. Tous les événements dont vous
23 nous avez fait part ici, cette offensive, tout ça s'est passé en 1998?
24 Réponse: Oui, en 1998.
25 Question: Et tout cela a mené à une situation du fait de laquelle vous
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1 avez dû vous déplacer en allant de village en village pendant 14 mois,
2 n'est-ce pas? Mais tout cela, c'est à cause de cette offensive qui a été
3 lancée, n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui.
5 M. Tapuskovic (interprétation): Et encore une chose: il y a dans votre
6 déclaration quelque chose qui apparaît… C'est la déclaration que vous avez
7 faite le 21 octobre.
8 Monsieur le Président, je vous indique qu'il s'agit de la deuxième
9 déclaration préalable, page 3 paragraphe 5.
10 Vous parlez de ce qui s'est passé le 12 avril. A cette date, dites-vous,
11 vous avez cherché à quitter l'endroit où vous demeuriez, et vous êtes
12 arrivé dans le quartier de Djakovica. Et vous dites la chose suivante…
13 M. Januzi (interprétation): Essayez de ne pas vous éloigner de ce que j'ai
14 dit. Le 28 mars 1998, j'étais le seul survivant de ce qui s'est passé à
15 Izbica. Et vous vous éloignez complètement, vous déviez complètement.
16 Concentrons-nous sur ce que j'ai dit à propos de ce qui s'est passé là-
17 bas.
18 M. le Président (interprétation): Un instant. Nous avons votre déclaration
19 préalable, vos déclarations préalables. Une synthèse en a été faite, nous
20 les avons par ailleurs lues. N'ayez aucune crainte, la Chambre est
21 pleinement consciente de ce qui constitue la teneur de ces déclarations.
22 Mais le conseil, l'ami de la Chambre souhaite vous poser une question qui
23 porte sur ce qui apparaît dans une deuxième déclaration.
24 Ecoutez-le, et si vous le pouvez, essayez de répondre à sa question.
25 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur, je ne souhaite pas du tout semer
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1 la confusion dans votre esprit, mais vous avez dit, à un endroit précis de
2 cette déclaration, qu'un soldat qui se trouvait à l'endroit où vous-même
3 vous vous trouviez vous avait déclaré que vous ne deviez pas rester là à
4 attendre parce que l'OTAN allait arriver et bombarder le pont. Est-ce que
5 ce n'est pas exact?
6 M. Januzi (interprétation): Oui, ce que j'ai écrit là est exact,
7 véridique. Ils nous ont dit: "Partez de là parce que l'OTAN risque de tout
8 bombarder". Mais il aurait mieux valu qu'on nous autorise à passer par-là.
9 Il aurait mieux valu qu'on nous autorise à atteindre la ville de Qafe e
10 Prushit. Cela aurait bien mieux valu que d'avoir à courir près de 40
11 kilomètres sans aliment, à traverser Gjakove pour atteindre Prizren. Il
12 aurait mieux valu nous autoriser, je vous le répète, à traverser Qafe e
13 Prushit. Mais ils n'ont pas voulu nous y autoriser; et ils nous ont fait
14 demi-tour, c'était dans le courant de la soirée.
15 Question: Monsieur Januzi, je voudrais encore vous demander une chose,
16 vous dites également dans cette déclaration -je vous cite-: "Nous nous
17 sommes déplacés. A quelque trois kilomètres de là, j'ai pu apercevoir un
18 avion de l'OTAN. J'ai entendu le bruit qu'il faisait, et j'ai voir la
19 fumée qui s'élevait du pont qui avait été bombardé". Est-ce que c'est bien
20 exact? C'est la dernière question que je vous poserai?
21 Réponse: C'est exact. Nous étions à cinq ou six kilomètres de l'endroit où
22 nous nous tenions précédemment. Oui, c'est tout à fait exact et je ne
23 changerai pas un mot de ce qui est écrit là.
24 Question: Est-ce que vous avez essayé de vous abriter? Est-ce que vous
25 avez cherché très rapidement à trouver un abri?
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1 Réponse: Ben, pas très rapidement, je n'ai pas pu réagir très vite. Il
2 fallait que la famille trouve quelque chose à manger, cela faisait trois
3 jours que nous n'avions rien à manger, donc on n'était pas en train de
4 courir. On n'a pas essayé non plus de ralentir le rythme mais ça a duré à
5 peu près 12 ou 15 minutes.
6 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de
7 questions.
8 M. Ryneveld (interprétation): Aucune question découlant du contre-
9 interrogatoire.
10 M. Januzi (interprétation): Mais vous ne m'avez pas demandé ce que j'ai
11 traversé. Vous ne m'avez pas posé de questions à propos du massacre, de ce
12 qui s'est passé!
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Januzi, comme je vous l'ai dit
14 tout à l'heure: nous avons votre déclaration entre les mains, nous savons
15 quelles sont les épreuves que vous avez traversées. Nous en avons entendu
16 la synthèse, nous avons pu lire intégralement ce qui est consigné dans
17 votre déclaration. Vous en êtes donc arrivé au terme de votre déclaration.
18 Nous vous remercions d'être venu devant cette Chambre. Merci d'avoir
19 déposé ici. Vous êtes libre de partir.
20 M. Januzi (interprétation): Je vous remercie beaucoup.
21 M. le Président (interprétation): Nous suspendons. Nous nous retrouverons
22 demain matin à 9 heures 30.
23 (L'audience est levée à 16 heures 05.)
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