Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 3 mai 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

4 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président?

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice. Veuillez faire

6 entrer M. Rugova, s'il vous plaît. Avez-vous le résumé?

7 M. Nice (interprétation): Oui, le voici pour être distribué. Le témoin

8 aura certainement avec lui un exemplaire mais peut-être que le Tribunal lui

9 expliquera quelles sont les limites dans lesquelles il peut s'y référer.

10 M. le Président (interprétation): Oui. Pendant combien de temps est-ce

11 qu'il va être ici?

12 M. Nice (interprétation): Il serait évidemment mieux qu'il conclut sa

13 déposition ici, mais il peut rester pendant le week-end.

14 M. le Président (interprétation): Oui. Oui, il faudra évidemment suspendre

15 à 16 heures ou 16 heures 15 cet après-midi, parce qu'il y a une première

16 comparution initiale après cette audience.

17 (Le témoin, M. Ibrahim Uke Rugova, est introduit dans le prétoire.)

18 (Interrogatoire principal du témoin, M. Ibrahim Uke Rugova, par M. Nice.)

19 Veuillez, s'il vous plaît, faire la déclaration.

20 M. Rugova (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 M. le Président (interprétation): Veuillez prendre un siège.

23 M. Rugova (interprétation): Merci.

24 M. Nice (interprétation): Votre nom est bien Ibrahim Uke Rugova?

25 M. Rugova (interprétation): Oui.

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1 Question: Vous êtes bien le Docteur Rugova, n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui, oui.

3 Question: Monsieur Rugova, vous êtes Albanais du Kosovo. Vous êtes né au

4 village Cerrce, dans la municipalité d'Istog en 1944?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Vous avez reçu une éducation élémentaire. Vous êtes allé à

7 l'université de Prishtina où vous avez obtenu un diplôme de littérature,

8 vous vous êtes spécialisé et vous avez obtenu un doctorat en critique

9 littéraire en littérature albanaise.

10 Réponse: Oui.

11 Question: En 1988, vous êtes devenu Président de l'Association des

12 écrivains du Kosovo. Et en décembre 1999, vous avez fondé un groupe de

13 conseil pour la défense des libertés et des droits humains. Ce groupe

14 était-il l'un des premiers groupes de droits humains au Kosovo?

15 Réponse: Oui.

16 Question: En 1989, y a-t-il eu un parti politique qui s'appelle la "Ligue

17 Démocratique du Kosovo", appelée la "LDK"? Est-ce qu'il a été formé à ce

18 moment-là? Quelle part avez-vous joué dans sa formation et quelle a été

19 votre fonction?

20 Réponse: J'étais un des fondateurs du Conseil qui a initié ce parti, et

21 nous l'avons fondé le 23 décembre 1989. Et à la première réunion, j'ai été

22 élu Président du LDK. J'ai donc joué le rôle du Président de ce parti.

23 C'était le premier parti démocratique au Kosovo et dans la partie Est de

24 ce monde d'alors, de cette époque-là.

25 Question: Vous avez été élu donc Président, est-ce que vous êtes demeuré

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1 Président de ce parti depuis lors?

2 Réponse: Oui, je le suis toujours. Je suis toujours Président de ce parti.

3 Et la dernière fois que j'ai été élu, c'était comme Président du congrès

4 de ce parti, en février 1998. Et ces jours-ci, nous allons organiser le

5 quatrième congrès de ce parti.

6 Question: Je laisse un temps mort de temps en temps entre les questions et

7 les réponses, Monsieur Rugova, de façon à ce qu'il puisse y avoir la

8 transcription.

9 Nous allons entendre, sous peu, parler des élections qui ont eu lieu dans

10 les années 90, à la suite desquelles vous avez été élu à certaines

11 fonctions. Mais la fonction la plus récente que vous avez eue est que vous

12 avez été élu comme Président du Kosovo, et c'est une fonction que vous

13 occupez depuis mars de cette année. Est-ce exact?

14 Réponse: Oui, j'ai été élu par le parlement du Kosovo en mars dernier,

15 suite aux élections qui ont eu lieu l'année dernière. Le 17 novembre de

16 l'année dernière.

17 Question: Je vous remercie. Pourrions-nous maintenant revenir à l'histoire

18 pertinente en commençant en 1989?

19 Cette année-là, est-ce que le gouvernement yougoslave a imposé des mesures

20 spéciales au Kosovo dont le résultat… à la suite de ce qui avait été

21 appelé "de l'agitation politique"?

22 Réponse: Les mesures violentes au Kosovo ont été présentes depuis 1981

23 lorsqu'il y a eu les premières manifestations des étudiants, alors qu'en

24 1989...

25 Question: Reprenons la séquence en 1989, si nous le pouvons.

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1 Réponse: En 1989, les mesures violentes ont été exercées. Il était

2 considéré comme extraordinaire, exceptionnel, puisqu'à l'époque il y a eu

3 des manifestations, des protestations, car le statut fédéral du Kosovo a

4 été supprimé en mars 1989, et ceci a été fait par le Parlement de la

5 Serbie le 28 mars. Et après, cette situation a continué, a été permanente.

6 Question: Oui. Y avait-il eu des élections le 23 mars 1989 au Parlement du

7 Kosovo? Parlez-nous un peu de cela en une ou deux phrases.

8 Réponse: A l'Assemblée du Kosovo, on a voulu donc approuver le statut

9 fédéral. Je l'appelle "le statut de l'autonomie du Kosovo". Il y a eu une

10 très grande pression exercée sur les députés du parlement, à l'époque,

11 pour qu'ils votent pour. Mais l'opinion publique au Kosovo était contre

12 cette décision, donc le peuple et les citoyens du Kosovo. Et malgré tout,

13 il y a eu aussi une pression exercée par la force.

14 Je me souviens qu'autour du parlement du Kosovo il y a eu des chars armés

15 également, alors qu'à l'intérieur du bâtiment du parlement il y a eu des

16 policiers, des policiers en civil et des gens de la police secrète. Donc

17 le vote a eu lieu sous la pression.

18 Et puis deuxièmement, quelques députés…

19 Question: Combien ont voté contre et qu'est-ce qui leur est arrivé?

20 Réponse: Je crois que 10 députés ont voté contre. Et puis après, ces gens-

21 là ont été punis; quelques-uns ont été même arrêtés, ont été licenciés.

22 Donc ils ont eu des conséquences suite à ce vote.

23 Question: Dans les manifestations auxquelles vous vous êtes déjà référé à

24 l'époque, en 1989, y a-t-il eu des victimes parmi les manifestants?

25 Réponse: Oui, il y en a eu aussi des blessés à peu près. Et il y a eu

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1 aussi 20 personnes tuées lors de ces manifestations qui ont eu lieu dans

2 quelques villes du Kosovo.

3 Question: Quel était le régime au Kosovo en 1988 et 1989 en ce qui vous

4 concerne?

5 Réponse: Après la suppression du statut fédéral de Kosovo, il a été

6 décidé, on a surtout établi le pouvoir de la Serbie. Ensuite, on a

7 supprimé d'autres autorités locales, et après cela le contrôle policier

8 sur Kosovo a été complètement sous l'égide de la Serbie. Et le ministère

9 de l'Intérieur, la police du Kosovo n'avait plus aucun droit, donc le

10 Kosovo était mis directement sous le contrôle direct et sous la direction

11 directe de Belgrade. La police aussi a été désignée par la Serbie, et

12 c'est la Serbie qui contrôlait toute la police au Kosovo.

13 Question: Y a-t-il eu un accroissement du nombre des policiers serbes au

14 Kosovo? Et dans l'affirmative, d'où venaient ces policiers serbes?

15 Réponse: A partir de 1989, c'étaient principalement des policiers venant

16 de la Serbie. A l'époque, il y avait encore des policiers provenant

17 d'autres républiques ex-yougoslaves, de Bosnie-Herzégovine, de Vojvodine,

18 de Croatie, de Macédoine.

19 Question: Et qu'est-il arrivé aux autres policiers, plus particulièrement

20 aux policiers albanais?

21 Réponse: Ce qui s'est passé avec les policiers albanais du Kosovo, ils

22 commençaient à être licenciés de leur poste, procès qui s'est terminé en

23 1990/1991. Donc jusque-là ce licenciement des policiers albanais a

24 continué jusqu'à cette époque-là.

25 Question: Passons maintenant un peu à l'histoire et à la philosophie de

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1 votre partie, le LDK. Quels étaient objectifs initiaux de ce parti,

2 Monsieur Rugova?

3 Réponse: Le premier objectif de notre parti était d'installer la

4 démocratie au Kosovo, pour que les citoyens du Kosovo puissent jouir d'une

5 vie démocratique.

6 Deuxième objectif: que le Kosovo soit une République égale aux autres

7 Républiques dans l'ex-Fédération, car à l'époque -comme je l'ai déjà dit-

8 le statut autonome du Kosovo a été supprimé. C'était notre objectif

9 principal à l'époque, et ensuite d'avoir un Kosovo indépendant, donc un

10 pays indépendant et jouissant de plein droit, et ceci pour tous les

11 citoyens de Kosovo.

12 C'était donc notre objectif primaire et surtout de protéger le peuple du

13 Kosovo qui, à l'époque, était en danger; et naturellement, la philosophie

14 de ce parti est très large, donc le développement culturel, le

15 développement économique du pays, le développement général de la société

16 du Kosovo.

17 Question: Au paragraphe 8 du résumé, ceci pour la commodité du Tribunal:

18 en juillet 1990, y a-t-il eu une déclaration faite au parlement du Kosovo?

19 Pourriez-vous nous l'expliquer et nous dire comment elle trouvait sa place

20 dans les lois et les structures du Kosovo à l'époque?

21 Réponse: Oui. Le 2 juillet justement, on a élaboré et approuvé une

22 déclaration faite par les députés du parlement du Kosovo. Les députés

23 n'ont pas eu droit d'entrer dans la salle des réunions. Ils n'ont donc pas

24 eu droit d'entrée, l'accès à ces salles leur a été interdit, mais ils ont

25 quand même organisé leurs réunions à l'extérieur du bâtiment du parlement.

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1 Et là, ils ont approuvé une déclaration qui s'appelle "la Déclaration

2 constitutionnelle" ou "la Déclaration de l'indépendance", selon laquelle

3 le Kosovo doit être une République indépendante, égale aux autres

4 républiques de l'ex-Fédération. Cette déclaration disait également qu'on

5 ne reconnaît pas les changements effectués par le parlement de la Serbie

6 le 28 mars, et on a dit également qu'on parlerait désormais du Kosovo.

7 C'est un document de base très important qui a été approuvé ce jour-là.

8 Après ce jour-là, nous avons subi des mesures, les autres mesures qu'on

9 connaît.

10 Question: D'autres mesures, d'abord, ont été prises par les autorités

11 serbes par rapport à votre Parlement?

12 Réponse: Le parti était dans ses premiers pas. Donc après il est devenu un

13 grand parti. Il y avait bien sûr une répression exercée sur les militants

14 du parti à l'époque. Trois jours après le 5 juillet de cette année, la

15 télévision et la radio du Kosovo, de Prishtina ont été fermées, et ceci

16 par la force. Il existe les films dans les archives: toutes ces images ont

17 été tournées. Le journal en langue albanaise, le journal "Rilindja" a été

18 également fermé. Après, il y a eu d'autres mesures plus sévères à l'égard

19 des autres institutions du Kosovo.

20 Question: Plus tard au cours de cette année, y a-t-il eu une réunion à

21 Kacanik?

22 Réponse: Oui. Oui, oui. A Kacanik, il y a eu une réunion des députés du

23 Parlement du Kosovo qui ont approuvé la déclaration de l'indépendance et

24 là, on a également approuvé la Constitution de la République du Kosovo. A

25 cette réunion, qui a eu lieu à Kacanik, il s'agissait donc justement d'un

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1 document très important pour le futur du Kosovo, le développement futur du

2 Kosovo et c'était en même temps un document très démocratique.

3 Question: Avançons d'un an. Passons à 1991 et, en l'occurrence, en

4 septembre.

5 En septembre 1991, y a-t-il eu un référendum? Pourriez-vous nous dire

6 comment il a été organisé et quels ont été ses résultats?

7 Réponse: Oui. En septembre 1991, le Kosovo a organisé son référendum pour

8 l'indépendance. Ce référendum a été très bien organisé sous notre haute

9 surveillance.

10 La question qui se posait? Ils devaient répondre à la question, lors de

11 leur scrutin: êtes-vous pour ou contre l'indépendance du Kosovo? 98% ou

12 99% des votants étaient pour l'indépendance. Le résultat du référendum

13 était positif. Comme vous le savez, lors de cette période, dans d'autres

14 Républiques, d'autres ex-Républiques yougoslaves, il y a eu des

15 référendums à ce titre, pour ce genre de questions.

16 Donc le référendum en question, au Kosovo, a été très bien organisé. Il y

17 avait naturellement, bien sûr, de la répression sur les militants du

18 parti, mais, de toute façon, le référendum a eu lieu.

19 Question: Avant de passer à l'attitude du LDK à la suite de ce référendum,

20 je voudrais revenir sur un détail de ce qui se passait en 1989. Est-ce que

21 les Albanais perdaient leur emploi du fait des difficultés entre le Kosovo

22 et la Serbie?

23 Réponse: Oui. Ceci a commencé en 1989. Ensuite, ce processus s'est

24 intensifié en 1990 et a continué jusqu'à ce que la plupart des Albanais

25 soit licenciés, jusqu'en 1993. C'était donc un processus permanent, si

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1 vous voulez.

2 Durant cette période, à peu près 150.000 ouvriers albanais ont été

3 licenciés et, au Kosovo à l'époque, il y avait 240.000 employés, dont

4 150.000 ont été licenciés. Il restait donc encore 70.000, ou quelque chose

5 comme cela, qui sont restés; et c'étaient surtout des Serbes de Kosovo qui

6 ont continué à garder leur poste de travail. Ceci dans tous les secteurs:

7 dans les secteurs économiques, les services publics, l'administration,

8 etc. Certains Albanais qui travaillaient dans le secteur économique, dont

9 le domaine des centrales électriques comme la centrale d'Obiliq, là, des

10 Albanais ont continué à garder leur poste.

11 Question: A partir du moment où le référendum a eu lieu, ou peut-être un

12 peu avant, est-ce que le parti LDK était clairement en faveur et cherchait

13 à obtenir l'indépendance?

14 Réponse: Après le référendum, oui. C'était, en effet, là l'option

15 principale du LDK et des autres partis politiques, parce qu'après, il y a

16 eu d'autres partis politiques plus petits qui ont été fondés. Car c'était,

17 en effet, cela le résultat du référendum.

18 Comme vous le savez, les autres République avaient déjà proclamé leur

19 indépendance. Donc l'ex-Fédération, de fait, commençait à se démolir. Donc

20 nous avons aussi pensé à notre destin, à notre avenir, donc à l'avenir de

21 Kosovo.

22 Question: Est-ce que le LDK a abordé la possibilité, manifeste ailleurs,

23 que l'indépendance ne puisse se réaliser que par des violences ou par la

24 guerre? Quelle était la conception du parti à cet égard?

25 Réponse: Notre attitude était d'obtenir, d'aboutir à cet objectif par des

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1 moyens pacifiques, diplomatiques et de ne pas user la violence, car il

2 s'agissait là d'un droit du peuple du Kosovo. Nous avons travaillé dans ce

3 sens justement.

4 Question: En gardant cela à l'esprit, pouvez-vous nous parler d'un

5 document qui a été préparé le 11 octobre 1991?

6 Réponse: Oui. Il s'agit là d'un document qui s'appelle "la déclaration à

7 trois options"; cela s'appelle comme cela. Ce document était préparé par

8 le LDK et les autres partis politiques du Kosovo, par les partis albanais

9 de Macédoine, en Serbie -au sud de la Serbie- et au Monténégro. C'était

10 donc un document qui présentait trois options.

11 Tout d'abord, si l'on pouvait envisager un déplacement des frontières

12 internes de l'ex-Yougoslavie, donc d'avoir une République des Albanais: la

13 République du Kosovo.

14 Deuxième option: on prévoyait l'indépendance de la République de Kosovo.

15 Et troisième option: si l'on touche aux frontières extérieures de l'ex-

16 Yougoslavie et si les autres pays cherchent à y toucher, à porter atteinte

17 aux frontières extérieures de l'ex-Yougoslavie, alors les Albanais du

18 Kosovo et des autres territoires de la Fédération, donc si on touche aux

19 frontières extérieures, les Albanais ont le droit de s'unir tous ensemble

20 et d'avoir leur Etat dans les Balkans.

21 Et c'était plutôt une vision, donc une préparation à ce qui pourrait se

22 produire à l'époque, lorsque la démolition, si vous voulez, de l'ex-

23 Fédération avait déjà commencé.

24 Question: Votre parti était plus particulièrement intéressé dans laquelle?

25 Réponse: Nous avons préféré… nous avons travaillé surtout pour

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1 l'indépendance du Kosovo, donc que le Kosovo soit un pays indépendant et

2 en bonne relation avec ses propres voisins.

3 Question: Ainsi, nous passons sur le document de cet accord. Quelle était

4 la conception, quelle qu'ait pu être l'option choisie, à l'égard de

5 groupes minoritaires qui pourraient se trouver à vivre dans des Etats

6 d'autres qui n'est pas une position majoritaire?

7 Réponse: De toute façon, nous avons adopté…, nous avions observé une

8 attitude positive, donc qu'ils soient protégés, qu'ils soient intégrés -et

9 ceci se trouvait aussi dans la Constitution de Kacanik-, qu'ils soient des

10 citoyens au même droit que les Albanais dans le Kosovo où les Albanais

11 constituent la majorité.

12 Question: Au paragraphe 12 du résumé: dans les années 1990, indépendamment

13 des personnes qui perdaient leur emploi, parlez-nous des stations de radio

14 et de télévision albanaises. Qu'est-ce qui leur est arrivé?

15 Réponse: Oui. Oui. Le 5 juillet 1990, la télévision de Kosovo, la radio de

16 Kosovo et le journal "Rilindja" ont été fermés, par la force, par la

17 police. Il y avait aussi des forces militaires qui étaient présentes. Mais

18 c'est par la violence que les journalistes ont été expulsés de leur

19 bureau. Il existe des images - je ne les ai pas sur moi- mais il y a eu…

20 c'est grâce à la violence que les journalistes ont été expulsés. Et la

21 télévision et la radio en langue albanaise ont été fermées.

22 Question: Quelle était la possibilité de ceux qui se trouvaient au Kosovo

23 de recevoir des émissions de radio de l'Albanie, proprement dite?

24 Réponse: Oui, au Kosovo il n'y avait pas de possibilité d'avoir une radio

25 albanaise. La radio Tirana qui transmettait des émissions en langue

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1 albanaise, ses ondes étaient brouillées par des moyens électroniques

2 militaires au Kosovo. Ces instruments, je les ai vus moi-même, c'étaient

3 des véhicules équipés d'appareils qui brouillaient les ondes. Et c'était

4 en permanence.

5 Question: Votre parti était-il organisé seulement dans les grandes villes,

6 les plus grandes villes, ou était-il organisé de façon plus étendue dans

7 le pays?

8 Réponse: Notre parti avait disposé d'une large organisation, donc étendu

9 sur tout le territoire du Kosovo, dans tous les villages, dans tous les

10 quartiers ou dans tous les districts des villes du Kosovo et c'était un

11 parti en mouvement, si vous voulez. Ce n'était pas tout simplement un

12 parti politique. Il était très bien organisé. Il jouissait vraiment de la

13 volonté des citoyens qui étaient prêts à s'organiser, à travailler et à

14 protéger leur vie. Donc c'était une très bonne organisation et une

15 organisation solide.

16 Question: Pourriez-vous nous donner des exemples, des choses qu'il faisait

17 en pratique, des réalisations pratiques et nous dire aussi sur quoi il se

18 centrait politiquement, quels étaient ses objectifs, si vous voulez bien?

19 Réponse: Oui, oui, oui. J'ai parlé de l'aspect politique, donc c'était la

20 démocratisation du Kosovo, l'indépendance du Kosovo et pratiquement ce

21 parti a commencé à se livrer dans des actions ou des activités de

22 solidarité pour soutenir les gens qui ont été licenciés, qui se trouvaient

23 au chômage; ensuite d'organiser la société, de maintenir l'enseignement,

24 le service sanitaire et d'autres domaines de la vie comme la culture

25 jusqu'à des activités sportives.

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1 Et à cette époque nous avons commencé à collecter une sorte de taxe. Ce

2 n'était pas une taxe obligatoire, mais nous l'avons appelé "taxe

3 solidaire" ou "de solidarité". Nous avons donc essayé, nous avons cherché

4 d'aider les gens en les approvisionnant de nourritures ou de vêtements.

5 Ils en manquaient. Vous vous rendez compte: des gens qui avaient travaillé

6 des années entières se trouvaient maintenant au milieu des quatre chemins,

7 ils ne savaient plus comment survivre. Voilà justement là, des pas

8 concrets que nous avons réalisés à l'époque.

9 Question: Pour ce qui est de l'éducation et de l'instruction, quelle était

10 l'importance? C'était juste une question de mesures pratiques ou de

11 mesures politiques prises?

12 Réponse: Oui, c'était surtout pratique. C'était plutôt pratique, parce

13 qu'à partir de 1990, mais surtout 1991, toutes les écoles des Albanais,

14 les écoles primaires, l'école secondaire et même l'université ont été

15 fermées. C'est pour cela que, à l'époque, nous avons fait des efforts pour

16 que les gens puissent continuer la scolarisation dans des locaux publics,

17 mais ceci était très difficile.

18 Je me souviens, en 1991, quelques élèves sont allés vers les bâtiments

19 publics. Mais l'accès leur était interdit, parce que ceci a été interdit

20 justement par la police. Et nous, pour ne pas provoquer des conflits,

21 juste pour les enfants, on a décidé de créer…, on n'a plus essayé d'entrer

22 dans des locaux publics mais on a essayé d'établir un système pour donner

23 la possibilité aux jeunes de se scolariser dans des locaux privés. Et ceci

24 à tous les cycles de l'enseignement: l'école primaire, l'école secondaire

25 et l'université. Et ce système a continué jusqu'en 1999.

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1 Nous avons donc été obligés d'établir un système qui, à l'époque, a été

2 reconnu comme le système parallèle plus tard, justement pour que nos

3 enfants ne restent pas sans école, sans éducation, sans enseignement.

4 Parce que vous pouvez vous imaginer…

5 Question: Revenons maintenant au paragraphe 11 de ce résumé, pour parler

6 de ces institutions parallèles.

7 En octobre 1991, est-ce qu'un gouvernement a été formé, qui a fonctionné à

8 la fois à l'intérieur et à l'extérieur du Kosovo?

9 Réponse: Oui. Le mois de cette année que vous citez, un gouvernement -dit

10 de coalition- a été créé. C'était notre parti qui a proposé le Premier

11 ministre. Il y avait des ministres provenant d'autres partis politiques et

12 aussi de la société civile. Ce gouvernement a agi surtout à l'étranger,

13 car il était impossible, difficile surtout d'agir au Kosovo même. Au

14 Kosovo, c'était les conseils, les différents conseils qui agissaient: le

15 conseil d'enseignement, le conseil des finances, le conseil de la culture

16 et des sports, donc qui organisaient la vie du peuple et des citoyens dans

17 le pays même.

18 Question: Dans la mesure où il avait des activités à l'extérieur, dans

19 quel pays se fixait-il? En quel pays était-il basé?

20 Réponse: Le gouvernement a surtout travaillé en Allemagne, partiellement

21 en Suisse, alors que nous avions donc une très large organisation du LDK,

22 même à l'étranger, dans plusieurs pays de l'Europe, aux Etats-Unis, au

23 Canada, en Australie aussi, parce que c'était la volonté de tous les

24 Kosovars qu'ils soient liés au Kosovo, qu'ils soient liés, attachés à ce

25 parti. Ils ont tous donc aidé, soutenu par le biais de la taxe de

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1 solidarité, donc le 3%. C'était donc très large, le parti étant étendu à

2 l'étranger également. C'était la première fois que les Kosovars à

3 l'étranger reconnaissaient leur propre parti et leurs propres autorités.

4 Question: En 1992, est-ce qu'il y a eu une élection? Je crois que c'était

5 en 1992, au poste de Président, de ce qu'on appelait, de ce qu'on a décrit

6 comme étant la République du Kosovo? Pourriez-vous nous dire quelque chose

7 à ce sujet?

8 Réponse: Oui. Le scrutin a eu lieu de 24 mai 1992. Nous avons décidé, tous

9 les groupements politiques de Kosovo ont donc décidé d'organiser ce

10 scrutin pour établir un ordre, l'ordre démocratique. Il y a donc eu le

11 scrutin universel et aussi des élections pour le Président de la

12 République. Le LDK a justement gagné le scrutin et moi j'ai été élu, au

13 vote absolu, Président de la République de Kosovo.

14 Lors de ce scrutin, il y a eu sûrement de la répression, mais tout le

15 peuple était là et le scrutin a quand même eu lieu. Après ce scrutin, deux

16 militants ont été tués près de la ville de Peje. Mais il était important

17 d'avoir organisé ce scrutin pour avoir l'ordre démocratique et il a eu un

18 résultat positif en ce qui concerne la vie politique de Kosovo.

19 Question: Votre élection, en 1992, a-t-elle été suivie six ans plus tard,

20 en mars 1998, par une nouvelle élection au même poste?

21 Réponse: Oui. Le 22 mars 1998, malgré la situation grave de Kosovo -il y

22 avait déjà les attaques militaires sur Kosovo et il y avait donc une

23 confrontation-, nous avons quand même décidé d'organiser les élections,

24 parce que c'était le moment prévu. Et plusieurs partis politiques ont

25 participé à ces élections. A nouveau, le LDK, à nouveau, a eu la majorité;

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1 ensuite, le parti des Chrétiens démocrates et ensuite d'autres partis. Et

2 à nouveau, j'ai été réélu, à la majorité absolue, Président de la

3 République de Kosovo.

4 Question: Je vous remercie, Docteur Rugova. Je vais essayer, avec les

5 sujets suivants, de traiter assez brièvement, par des réponses qui

6 pourraient être oui ou non de votre part.

7 Je voudrais revenir sur certains points. Dans certains cas, je vous

8 demanderai des réponses plus développées.

9 Pour le paragraphe 15, par exemple, est-ce que le LDK s'est mêlé d'obtenir

10 pour l'Albanie de la télévision par satellite? A-t-il établi également un

11 centre d'information du Kosovo? Pouvez-vous répondre oui ou non à ces

12 questions?

13 Réponse: Oui, le LDK et le gouvernement.

14 Question: Est-ce que les antennes satellites des personnes qui en avaient

15 une ont subi des dégâts du fait de ce que vous aviez fait pour leur en

16 donner une nouvelle?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Qu'est-ce qui est arrivé à ces antennes paraboliques?

19 Réponse: Oui, malheureusement, il y en avait. Nous avions donc besoin

20 d'émettre des informations en langue albanaise et souvent la police a

21 menacé les gens de ne pas installer les satellites, les a punis, etc. Mais

22 ils ont fini par les installer et la police a continué à exercer de la

23 pression pour qu'ils les suppriment. Mais bon, c'était comme cela. Et ces

24 câbles, ces antennes sont toujours là, aujourd'hui, au Kosovo, ils sont

25 toujours présents.

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1 Question: Je pense que les organisations étrangères, pour un très grand

2 nombre des organisations non gouvernementales, ont commencé à travailler

3 au Kosovo. Et parmi ces organismes, il y avait la Croix-Rouge

4 internationale, Médecins sans frontière et d'autres organisations de ce

5 genre?

6 Réponse: Oui. En 1992.

7 Question: Le LDK a eu des relations avec les gouvernements à l'étranger,

8 essentiellement peut-être avec les Américains, mais ayant aussi de bonnes

9 relations avec d'autres pays européens, y compris l'Allemagne, la France

10 et le Royaume-Uni?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Pour votre part, quelle était l'attitude des Etats-Unis, à votre

13 avis, par rapport à ce que vous faisiez au Kosovo et pour le développement

14 de la démocratie et des droits démocratiques?

15 Réponse: Oui, c'était une attitude positive et ils soutenaient la

16 démocratie, les droits de l'homme. Ils sympathisaient également avec notre

17 mouvement pacifiste; les pays européens également. Je peux dire que le

18 Congrès américain et le Parlement européen étaient parmi les premiers qui

19 ont réagi contre la violence et la répression au Kosovo. Donc ils

20 observaient une attitude positive et ils exprimaient de la sympathie.

21 Question: Je crois que Washington a ouvert un bureau à Prishtina, en

22 Serbie, suivi de peu par un bureau de l'Union européenne également à

23 Prishtina?

24 Réponse: Oui. Oui. En cette année-là, oui. Et c'était très important

25 qu'ils soient présents au Kosovo et qu'ils aient établi des liens avec le

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1 Kosovo.

2 Question: Alors le LDK, nous avez-vous dit, continuait de penser qu'il

3 fallait une action pacifique. Avez-vous eu des craintes sur ce qui

4 pourrait néanmoins se passer à cause de l'évolution politique qui avait

5 lieu?

6 Réponse: Oui. Nous étions pour une politique pacifique; c'est ce que nous

7 suivions. Donc on avait vraiment peur, car si cela continuait et qu'il n'y

8 avait pas de résultat, on pourrait craindre une réaction de la population

9 du Kosovo. Parce que la répression quotidienne devenait de plus en plus

10 forte. Donc vraiment, on craignait, oui, c'est vrai. C'est pour cette

11 raison qu'on travaillait pour trouver une solution dans ce sens.

12 Question: Vous parlez de répression quotidienne. Dites-nous en une seule

13 phrase, s'il vous plaît, de quoi il s'agit, ce qui s'est passé au cours

14 des années 1990? Quels types de répressions ont été subies? Est-ce qu'il y

15 a eu des victimes?

16 Réponse: Oui. Oui. En 1990, il y a eu aussi des manifestations où 40

17 personnes à peu près ont été tuées, alors que la répression quotidienne se

18 passait de la façon suivante: des citoyens, des militants étaient

19 maltraités, étaient arrêtés à des postes de contrôle qui étaient assez

20 fréquents au Kosovo, à des points de contrôle. Ou si on leur trouvait

21 quelque chose en langue albanaise, comme une lettre, on les emprisonnait,

22 on les arrêtait; et ce genre de phénomènes était très fréquent. Je ne sais

23 pas comment on appelle cela en droit, mais il s'agissait de courtes

24 punitions, de 30 à 60 jours de prison, d'isolement. Donc des milliers de

25 gens ont été condamnés comme cela. Et même pour des questions pratiques,

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1 des faits pratiques de tous les jours.

2 Question: Vous-même, qu'avez-vous subi pour ce qui était des ingérences

3 vous concernant et des restrictions que vous avez subies, paragraphe 23?

4 Réponse: Au Kosovo, j'étais assez prudent; j'étais très prudent. Je ne me

5 déplaçais pas tellement, je ne bougeais pas trop pour ne pas tomber dans

6 les pièges des répressions, pour ne pas en être victime. J'étais très

7 prudent. Je me suis occupé, en 1990, au moment de la fondation du LDK, je

8 me suis occupé aussi… J'ai eu affaire à la police, si vous voulez. Donc on

9 me demandait: à quoi ça sert, etc. Ensuite, en 1993, à nouveau, j'ai été

10 interpellé à la police de Prishtina; on m'a gardé pendant quelques heures.

11 Et après cela, ceci s'est répété à plusieurs reprises, mais pas plus que

12 cela, parce que moi j'étais très, très prudent. Je ne bougeais pas trop

13 parce que je sais qu'on pouvait m'arrêter, ou qu'il pouvait m'arriver

14 quelque chose, ou que le pire pouvait aussi m'arriver.

15 Question: Quand vous dites qu'on vous a dit de renoncer à la politique,

16 que vous y avez été obligé, qui vous a dit cela?

17 Réponse: C'était quelqu'un de la police secrète, en 1990, qui travaillait

18 au ministère du Kosovo. Plus tard, j'ai appris par Belgrade… Je ne me

19 rappelle pas son nom, mais c'était toujours quelqu'un du service secret

20 d'Etat. Comment appelle-t-on cela?

21 Question: Le moment est venu où l'UCK est née. Comment les autorités

22 serbes ont-elles réagi à l'égard du LDK lorsque l'UCK est née. Est-ce

23 qu'ils l'ont traitée de la même manière ou de manière différente?

24 Réponse: Si vous me le permettez, je voudrais encore ajouter une chose à

25 la réponse que j'ai donnée à la question précédente. Lorsque j'avais à

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1 voyager à l'étranger, sur la frontière avec la Macédoine, j'ai été souvent

2 arrêté, empêché par la police.

3 Alors maintenant, pour revenir à la question que vous venez de poser, ils

4 n'ont pas fait la différence entre l'UCK -je parle là de 1997 et 1998- et

5 le LDK. La répression était la même, la même répression sur les citoyens

6 et les militants du LDK.

7 Question: Et cette approche ou cette conception, pour vous, c'était quoi?

8 Pourriez-vous la résumer?

9 Réponse: Cela veut dire que la répression a continué contre les citoyens,

10 les autres partis, les militants et sur les membres de l'UCK. Quand il y a

11 eu des confrontations, ils ont fait de même. C'est donc la période,

12 surtout mars 1998, lorsque l'attaque à Drenica a commencé. Et après, ceci

13 s'est poursuivi. C'était cela leur approche, la violence et le conflit

14 ouvert maintenant qui était présent au Kosovo.

15 Donc, de fait, Belgrade a décidé de détruire Kosovo par la violence et par

16 la guerre.

17 Question: Avez-vous jamais eu des contacts personnels dans la première

18 moitié des années 1990 avec l'accusé?

19 Réponse: Oui. Non, non, je n'en ai pas eu.

20 M. Nice (interprétation): Avez-vous jamais entendu directement une

21 expression d'intérêt ou de non-intérêt, ou d'appui autrement de sa part,

22 de ce que vous faisiez politiquement au Kosovo à l'époque?

23 M. Rugova (interprétation): Non, non. Il y a eu une tendance à l'époque

24 d'établir certains contacts mais… Je me souviens la conférence de Londres

25 mais il n'y a pas eu de contact. Il n'y a pas eu quelque intérêt que ce

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1 soit.

2 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, avant de passer à la partie

3 suivante, je voudrais demander quelque chose pour éclairer les choses au

4 Dr Rugova.

5 En 1990, le Kosovo s'était déclaré entité indépendante au sein de la

6 Yougoslavie égale aux autres Républiques. C'est un statut qu'il faut

7 distinguer de l'indépendance.

8 Quelle était la relation constitutionnelle telle que vous la compreniez à

9 l'époque entre le Kosovo -en tant qu'entité indépendante- et le

10 gouvernement yougoslave? Qu'est-ce que le gouvernement yougoslave aurait

11 été autorisé constitutionnellement à faire par rapport au Kosovo en tant

12 qu'entité indépendante?

13 M. Rugova (interprétation): A l'époque, nous avons proclamé Kosovo. A

14 l'époque, il existait encore l'ex-Yougoslavie, l'ex-Fédération existait

15 encore, donc le Kosovo est également une République ou entité indépendante

16 qui devrait être en relation avec les autres Républiques dont elles

17 puissent discuter de cela. Mais ceci ne s'est pas produit. Alors que

18 Belgrade, cette proclamation, cette volonté du peuple exprimée par le

19 référendum, on l'a considérée, qualifiée d'illégale et ne l'a jamais

20 reconnue.

21 Et nous avons continué après par la construction de l'Etat et de notre

22 cause et malgré la violence, ce qui a été reconnu après dans le monde

23 comme un Etat parallèle. C'était donc là le commencement de la démolition

24 de l'ex-Fédération.

25 M. Robinson (interprétation): Ainsi, l'attitude de Belgrade à votre égard

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1 était essentiellement basée sur la non reconnaissance du statut que vous

2 aviez déclaré et ne reconnaissait pas ce statut, et on continuait à vous

3 traiter de la façon dont il vous avait traité par le passé?

4 M. Rugova (interprétation): Oui. Oui, oui. C'est correct. Ils n'ont pas

5 reconnu la République du Kosovo. Je l'ai dit en mars 1989, ils ont

6 supprimé également le statut fédéral du Kosovo dont il jouissait avant.

7 Ils n'ont donc pas reconnu cette volonté du peuple. La répression a

8 continué, la violence et les autres actes de ce genre ont continué, ont

9 poursuivi.

10 M. Robinson (interprétation): Merci.

11 M. Rugova (interprétation): Merci.

12 M. Nice (interprétation): Je voudrais maintenant passer au ministère de la

13 Défense tel qu'il a été décrit. Très brièvement, comment est-ce que ceci a

14 eu lieu? Comment est-il né? De qui était-il composé? Quel était son

15 objectif?

16 M. Rugova (interprétation): En 1992, 1993, on pensait que les policiers

17 qui étaient licenciés, ils étaient organisés sous forme syndicale, donc le

18 syndicat de la police prenait soin de leur famille. Et après, on a pensé

19 avoir un ministère de l'Intérieur. Les experts militaires kosovars, donc

20 albanais, qui ont été licenciés, qui se sont retrouvés au chômage, ils

21 pensaient avoir un ministère de Défense.

22 Mais ce ministère n'avait pas un rôle opérationnel militaire, parce que

23 c'était très difficile, mais avait plutôt un rôle de conseiller. Donc de

24 conseiller les citoyens en cas de danger, en cas d'attaque: comment se

25 comporter dans un tel cas de figure; comme ça s'est passé à Drenica, par

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1 exemple, en 1998, donc plus tard, avec la famille Jashari et d'autres

2 familles.

3 En 1993, plusieurs experts militaires ont été arrêtés et emprisonnés. Ils

4 ont été condamnés; à peu près 46 personnes, et elles ont été condamnées

5 jusqu'en 1999. Et beaucoup de policiers, plusieurs policiers du Kosovo ont

6 été maltraités. Quelques-uns ont été tués. 152 ont été condamnés à la

7 prison ferme. Environ 200 ont été arrêtés, ils ont été en isolement

8 jusqu'en 1998/1999.

9 C'était là donc le rôle principal, rôle de conseiller pour prendre soin de

10 la sécurité des citoyens.

11 Question: Ces anciens fonctionnaires de police étaient reconnaissables

12 comme membres du ministère de la Défense par un uniforme ou par des

13 insignes, ou quelque chose de ce genre? Dans l'affirmative, étaient-il

14 jamais armés?

15 Réponse: Non, non, ils n'avaient pas d'uniforme. C'était impossible. Ils

16 n'avaient pas de symbole, pas d'uniforme. Ils constituaient plutôt un

17 corps de conseil pour les citoyens du Kosovo.

18 Question: Pourrions-nous passer maintenant à l'accord relatif à

19 l'instruction?

20 Monsieur Rugova, nous avons entendu beaucoup de choses à ce sujet.

21 J'espère donc que nous pourrons en traiter assez rapidement. Il y a eu des

22 négociations pour un accord en matière d'instruction et d'éducation qui

23 ont commencé en 1996. Est-ce exact?

24 Réponse: Oui, en 1996. Lors de l'été 1996.

25 Question: L'organisation San Egidio a aidé pour essayer de faire une

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1 diplomatie de navette en quelque sorte, pour faciliter la conclusion d'un

2 accord. Et à l'époque, des pressions s'exerçaient encore, d'autres

3 gouvernements occidentaux qui voulaient voir une amélioration de la

4 situation de l'instruction de l'éducation au Kosovo, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui.

6 M. Nice (interprétation): Je crois que cet accord a été signé à Prishtina

7 le 1er septembre 1996 et, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous

8 avons une traduction de cet accord. Ce n'est pas l'accord proprement dit,

9 mais nous voulons le présenter comme pièce à verser au dossier. Je

10 voudrais vous expliquer, pendant que cela va vous être présenté, que c'est

11 tiré d'un ouvrage qui est intitulé "Le conflit au Kosovo, histoire

12 diplomatique par les documents", édité par Philippin(?), publié en 2000.

13 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce

14 sera la pièce à conviction de l'accusation n°127.

15 M. Nice (interprétation): Nous avons une version anglaise. Je vous demande

16 de bien vouloir la mettre sur le rétroprojecteur, Monsieur l'Huissier.

17 Merci. Le témoin peut lire et parler anglais suffisamment bien pour que je

18 puisse simplement traiter de cette pièce en anglais.

19 Monsieur l'Huissier, vous n'avez pas le bon document: il s'agit d'un

20 document d'une seule page. Excusez-moi, j'aurais dû vérifier.

21 M. le Président (interprétation): C'est celui-ci que vous allez présenter,

22 n'est-ce pas, de façon qu'on puisse le garder? Bon, alors, vous allez

23 devoir le re-numéroter. Je peux donc le conserver, mais nous allons le re-

24 numéroter en temps utile. Qu'on nous donne alors le nouveau document.

25 M. Nice (interprétation): Excusez-moi. Je n'avais pas fait suffisamment

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1 attention à ce qui était en train d'être distribué.

2 Mme Anoya (interprétation): Ce sera le document de l'accusation n°127.

3 M. Nice (interprétation): L'original aurait été signé par vous-même et par

4 l'accusé. L'avez-vous signé en présence l'un de l'autre ou l'avez-vous

5 signé séparément, Monsieur Rugova?

6 M. Rugova (interprétation): Non, ce document a été signé séparément. Je

7 l'ai signé à Prishtina, en présence de San Egidio et l'accusé l'a signé à

8 Belgrade; je ne sais pas si c'est en présence de San Egidio ou pas. Mais

9 moi, je l'ai signé en présence de San Egidio. Donc, comme vous l'avez dit,

10 sur la base d'un accord, d'une diplomatie navette.

11 M. Robinson (interprétation): En quelle qualité avez-vous signé ce

12 document, Monsieur Rugova?

13 M. Rugova (interprétation): Il y a eu pas mal de discussions. Et

14 naturellement, en tant que Président de la République du Kosovo, je

15 devrais le signer. Mais l'autre parti refusait et moi, dans la bonne

16 volonté de faire un pas positif, je l'ai signé seulement: "Ibrahim Rugova

17 - Prishtina".

18 C'était par bonne volonté, pour faire quelque chose de bien. C'est par

19 cette volonté.

20 M. Robinson (interprétation): Oui, je vois bien cela. Je reviendrai à

21 cette question des relations constitutionnelles, du rapport

22 constitutionnel sur lequel je ne suis pas totalement au clair. Parce que,

23 bien que les autorités à Belgrade n'auraient pas reconnu votre statut, le

24 statut que vous vous étiez donné en 1990, il est clair qu'elles avaient

25 des négociations avec vous, qu'elles traitaient avec vous dans divers

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1 domaines, y compris celui de l'instruction, de l'éducation, pour lesquels

2 cet accord a été préparé. Mais il y avait également la question de la

3 qualité dans laquelle vous alliez signer ce document.

4 Nous voyons simplement: "Docteur Ibrahim Rugova".

5 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Nice.

6 M. Nice (interprétation): L'accord dit que: "Depuis un certain nombre

7 d'années déjà, le système d'instruction et d'éducation au Kosovo, dans les

8 écoles élémentaires jusqu'à l'université, ne fonctionne plus normalement.

9 De gré à gré, les soussignés M. Slobodan Milosevic, Président de la

10 République de Serbie, et le Dr Ibrahim Rugova ont décidé de procéder à une

11 normalisation du système d'instruction pour la jeunesse albanaise au

12 Kosovo. Cet accord prévoit le retour d'étudiants albanais et de

13 professeurs albanais dans les écoles.

14 Le présent accord, à cause de son importance sociale et humanitaire, est

15 en dehors d'un débat politique. Les préoccupations partagées par les deux

16 soussignés pour le futur des enfants et de la jeunesse albanaise les a

17 conduits à parvenir à cet accord. A la fois, les deux soussignés

18 remercient leurs amis communs de la communauté de San Egidio pour leur

19 engagement généreux, leur aide et leur appui qu'ils ont donnés pour ce

20 dialogue.

21 Les deux soussignés sont, en outre, certains de l'engagement de tous ceux

22 qui sont chargés de mettre en oeuvre cet accord en vue de la normalisation

23 du système de l'instruction et de l'éducation.

24 Un groupe mixte de trois plus trois sera constitué pour que cet accord

25 devienne réalité. Lorsque des jeunes s'engagent en vue de leur éducation

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1 et de leur amélioration culturelle et, ce faisant, deviennent des citoyens

2 responsables, nous réalisons une victoire de la civilisation elle-même et

3 non pas seulement d'un parti par rapport à un autre. Signé: Ibrahim Rugova

4 et Slobodan Milosevic."

5 Est-ce que cet accord a jamais été mis en oeuvre?

6 M. Rugova (interprétation): Malheureusement, il n'a pas été mis en oeuvre.

7 C'est pour cette raison qu'il y a eu après des manifestations des

8 étudiants en octobre 1997 et après en 1998. Quelque chose de cet accord a

9 été mis en oeuvre, mais trop tard, en avril ou mai de 1998, lorsqu'il

10 était trop tard déjà, on a accordé, on a permis l'accès à un des

11 bâtiments, à l'un des bâtiments de l'université de Prishtina, mais c'était

12 trop tard, pour aussi avoir accès à une bibliothèque. Mais c'était plutôt

13 une farce. Donc pratiquement cet accord n'a pas été réalisé.

14 M. Nice (interprétation): Avez-vous vraiment jamais espéré qu'il pourrait

15 être mis en œuvre?

16 M. le Président (interprétation): Il y a objection apparemment.

17 Oui, Maître Tapuskovic?

18 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges, je considère que ceci est le bon moment pour moi pour faire

20 remarquer quelque chose en présentant cette pièce 127, qui a été

21 introduite dans la documentation. Mais il n'y a pas eu de traduction comme

22 il aurait dû y avoir traduction. On n'a pas encore décidé à ce sujet,

23 c'est-à-dire si certains documents qui n'ont pas été traduits peuvent être

24 versés au dossier comme élément de preuve.

25 Ce que je voudrais dire à ce sujet, c'est qu'une nouvelle décision sur

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1 cette question devrait être prise, parce que nous avons discuté la

2 question de savoir si l'accusé connaissait la langue suffisamment bien

3 pour pouvoir suivre ce qui était écrit sur les documents. Il a présenté

4 son point de vue, la question n'est pas une connaissance générale de la

5 langue. Lorsqu'on en vient à une terminologie juridique avec des témoins

6 et des témoins experts, avec des termes professionnels qui sont employés,

7 l'accusé ne connaît assurément pas tout ce langage juridique.

8 Je pense donc que vous devriez avoir une décision si un document qui n'a

9 pas été traduit peut être ou non présenté.

10 M. le Président (interprétation): C'est un bref document que l'accusé est

11 parfaitement capable de lire. Si vous voulez de l'aide à ce sujet, je suis

12 sûr que Me Wladimiroff pourra vous aider. Nous ne traitons pas

13 actuellement de question de principe. Vous pourrez les soulever en temps

14 utile. La chose qui compte, actuellement, c'est d'avancer avec la

15 présentation des preuves.

16 Maître Tapuskovic, je ne sais pas si vous m'avez compris?

17 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

18 Juges, ce n'est pas de moi…

19 M. le Président (interprétation): Nous avons devant nous un document

20 concernant les questions de l'éducation. Et c'est ce document qui a été

21 produit, c'est ce document auquel je me réfère. Nous n'avons pas à passer

22 à un autre document. Lorsque nous le ferons, nous verrons, nous pourrons

23 en discuter à ce moment-là. Mais je ne veux pas perdre de temps lorsque le

24 témoin est en train de faire sa déposition.

25 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

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1 Juges, je voudrais simplement ajouter quelque chose. Je n'ai pas besoin

2 d'aide. J'ai ce document en langue serbe. Je l'ai lu, il y a longtemps,

3 depuis des années. Mais je suis bien au courant du fait que le document

4 qui est fourni en anglais doit aussi être fourni en traduction.

5 M. le Président (interprétation): C'est une question pour le Tribunal

6 quand il se prononcera sur la question. Pour le moment, nous nous occupons

7 de l'accord sur l'éducation. Il n'est pas nécessaire de prendre de

8 décision. Continuons avec les éléments de preuve.

9 M. Tapuskovic (interprétation): Bien entendu.

10 M. Nice (interprétation): Avez-vous jamais cru avec optimisme, Monsieur

11 Rugova, que cet accord pourrait être mis en oeuvre?

12 M. Rugova (interprétation): J'ai espéré, mais je n'étais pas optimiste car

13 je le voyais très difficilement réalisable. Je pensais que, dans le

14 domaine de l'enseignement, ce n'était pas suffisant. Mais c'était quand

15 même une bonne volonté, un espoir pour faire quelque chose sur ce plan.

16 Question: En l'occurrence, quelle a semblé être l'approche des côtés

17 serbes par rapport à l'instruction, l'éducation des Albanais du Kosovo?

18 Réponse: Je l'ai dit tout à l'heure: en 1990, surtout en 1991, les écoles

19 ont été fermées, l'université a été fermée, donc il n'était plus possible

20 d'avoir un enseignement en langue albanaise. Nous avons fait donc

21 l'enseignement en langue albanaise dans des maisons privées, dans des

22 locaux privés. C'était donc une attitude négative pour qu'il n'y ait pas

23 un enseignement, une éducation en langue albanaise. Par cet accord, on a

24 espéré faire quelque chose, mais ceci ne s'est pas avéré. Et

25 naturellement, il y avait parallèlement de la violence et de la répression

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1 contre les enseignants, les étudiants, les instituteurs.

2 Question: Nous pouvons maintenant passer aux négociations qui ont eu lieu

3 et auxquelles a participé un groupe connu sous le nom de G5. Nous en avons

4 déjà beaucoup entendu parler.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je crois que la structure

6 générale de ces négociations n'a pas été contestée, donc je pourrai guider

7 le témoin sur ce sujet.

8 Après les élections au Kosovo, qui ont eu lieu le 22 mars 1998, un groupe

9 s'est-il constitué?

10 Réponse: Oui. Il a été un groupe a été formé où il y avait au début 15

11 personnes.

12 Question: Oui. Et le but de ce groupe était-il d'entamer un processus de

13 négociation parce que les conditions se dégradaient et que vous étiez

14 préoccupé par le développement de la violence?

15 Réponse: Oui. Oui. C'était voilà notre objectif de faire quelque chose et

16 de la communauté internationale également, c'était le même objectif. La

17 situation était vraiment extraordinaire. Il y avait des représentants des

18 partis politiques albanais de Kosovo, représentants de la société civile,

19 représentants du comité des droits de l'homme. C'était donc un groupe très

20 intéressant et assez solide, qui étaient prêts à entrer en discussion avec

21 Belgrade. Donc la situation était alarmante.

22 Question: Et puis, finalement, ce groupe a été réduit aux groupes connus

23 sous le nom de G5 dont les membres étaient vous-même; Fehmi Agani, Veton

24 Surroi, Mahmut Bakalli et Blerim Shala, Mahmut Bakalli?

25 Réponse: Et ensuite, oui, ce groupe qui était plutôt un groupe de conseil,

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1 nous avons, à partir de ce grand groupe, nous avons fondé, crée un groupe

2 de cinq personnes que vous avez cité, justement pour avoir des discussions

3 directes aux cas où ces discussions allaient commencer, donc un groupe

4 plus opérationnel, si on peut dire.

5 Question: Je crois qu'il y avait aussi Nuzi Pajazit.

6 Réponse: Oui, Pajazit Nuzi, représentant du comité des droits de l'homme.

7 Question: Nous savons que le 15 mai, ce groupe a rencontré l'accusé à

8 Belgrade et je crois que vous étiez le chef du groupe, c'est bien cela?

9 Réponse: Oui, c'était moi.

10 Question: La réunion a duré une heure à peu près. Vous avez expliqué que

11 ce qui vous intéressait, c'était l'indépendance du Kosovo, c'est bien

12 cela?

13 Réponse: Oui, oui, oui.

14 Question: Les autres membres du groupe ont participé à la discussion et

15 l'accusé a parlé entre autres choses des événements de Prekaz. Je vous

16 demande, en quelques mots, le souvenir que vous avez de ce qu'a dit

17 l'accusé au sujet de Prekaz.

18 Réponse: Oui, je me souviens bien. Je sais qu'il était au courant de ce

19 qui s'était passé à Prekaz, donc de la famille Jashari, de ce qui lui est

20 arrivé. Et il les considérait comme des terroristes. Il a dit également

21 que l'Etat devrait réagir dans des cas pareils. Nous étions donc là pour

22 discuter de la situation au Kosovo et pour trouver une solution. C'est ce

23 qu'il a dit, je me souviens. C'est tout à fait correct.

24 Question: Nous avons entendu d'autres témoins parler de cette réunion,

25 donc je ne vais pas vous demander quel est votre souvenir de ce qu'ont dit

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1 les autres représentants du groupe. Mais cette réunion a-t-elle eu un

2 résultat positif, pensez-vous?

3 Réponse: Non, il n'y en a pas eu. Il n'y a pas eu de résultat positif. On

4 a fait des efforts pour avoir une rencontre de haut niveau, ensuite à des

5 niveaux inférieurs. Mais ensuite, deux groupes ont été créés pour discuter

6 plus concrètement. Mais ces groupes ont été créés plus tard.

7 Question: A t-il été possible pour ces deux groupes de négocier avec les

8 représentants de la partie serbe ou pas?

9 Réponse: Il était très, très difficile… Ils faisaient des efforts, mais

10 c'était très difficile. Ils faisaient des efforts quand même.

11 Question: Très bien. Quand vous êtes revenus de cette rencontre avec

12 l'accusé, dites-nous, s'il vous plaît, en quelques mots, si vous êtes

13 arrivés à la frontière à Merdare et dites-nous ce que vous y avez vu

14 s'agissant des véhicules et ce qui s'est passé?

15 Réponse: De retour de Belgrade nous avons été arrêtés par la police, là où

16 il y avait aussi des soldats. C'était un checkpoint, c'est-à-dire un poste

17 de contrôle à la frontière avec le Kosovo. La police nous a arrêtés. Ils

18 nous ont retenus pendant 20 minutes, une demi-heure. Ils nous ont demandé

19 les papiers d'identité, etc. C'était donc juste un signe, parce qu'ils

20 savaient où j'étais, pourquoi j'y étais, mais ils nous ont arrêtés quand

21 même. Il y avait bien sûr des véhicules de militaire et de la police,

22 alors qu'au Kosovo il y avait des chars armés, il y avait de la présence

23 militaire et de différentes patrouilles qui circulaient non-stop dans les

24 rues. Il y avait des soldats. Il y avait peut-être aussi des

25 paramilitaires, etc.

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1 Question: Et le lendemain, y a-t-il eu modification s'agissant de

2 l'approvisionnement du Kosovo en vivres?

3 Réponse: Il n'y en a pas eu, mais de Belgrade… c'est vrai qu'à Belgrade on

4 avait décidé d'arrêter des véhicules qui approvisionnaient en vivres le

5 Kosovo; donc les véhicules de commerce entre les Kosovars et ceux qui

6 vendaient, enfin les différentes sociétés qui vendaient en Yougoslavie des

7 marchandises. Et c'était un mauvais signe. Pour le moment, cela n'avait

8 pas encore un effet direct, mais plus tard cela a eu ces effets néfastes

9 car nous aussi nous avions nos propres produits agricoles. On avait aussi

10 un commerce avec la Macédoine. Mais là, c'était quand même un signe

11 négatif.

12 Question: Peu de temps après cette réunion, un événement particulier est-

13 il survenu, qui concerne Decani dont vous pourriez nous parler?

14 Réponse: Oui. Après ce moment, c'est-à-dire dans la deuxième partie, à

15 Decan, dans quelques villages de Decan, entre Gjakova et Decan, à cet

16 endroit-là il y a eu des confrontations.

17 Et, par conséquent, il y avait aussi des déplacements. Des gens se sont

18 déplacés, et une partie de ces gens ont aussi traversé la frontière vers

19 l'Albanie et le Monténégro.

20 Question: J'aurais dû vous poser une question. Je ne l'ai pas fait. Donc

21 j'y reviens.

22 Lors de votre réunion avec l'accusé, que lui avez-vous dit au sujet des

23 violences et des pressions qui se développaient au Kosovo? Si vous avez

24 abordé ce sujet.

25 Réponse: Nous lui avons dit… Moi, personnellement je lui ai dit qu'au

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1 Kosovo la situation empire, qu'il y a de la violence, qu'il y a de la

2 répression. Il disait à l'époque que l'Etat doit intervenir lorsqu'il y a

3 des terroristes qui agissent; et naturellement j'ai présenté, j'ai parlé

4 aussi de la question de l'indépendance comme vous l'avez dit aussi.

5 Question: Passons maintenant à ce qui s'est passé l'année suivante à

6 Rambouillet, en février 1999. Ceci bien sûr a fait suite à l'incident ou

7 au massacre de Racak.

8 Réponse: Oui.

9 Question: Vous avez participé aux négociations de Rambouillet?

10 Réponse: Oui. J'ai participé comme représentant de LDK.

11 Question: En quelques mots, pouvez-vous nous dire si la délégation du LDK

12 voulait sérieusement tenter de négocier ou pas?

13 Réponse: Oui, nous étions sérieux dans notre effort et nous étions

14 convaincus qu'il fallait aboutir à un accord. C'était là aussi l'approche

15 de la communauté internationale, surtout après les massacres de Racak,

16 parce que les choses empiraient de plus en plus au Kosovo. La délégation

17 kosovare, donc les Albanais du Kosovo, était composée pour sa plus grande

18 partie de représentants. J'en faisais partie également. Il y avait

19 également des représentants d'autres groupements politiques, de mouvements

20 pour l'union démocratique, les représentants de l'UCK et les représentants

21 de la société civile. Il y avait les deux autres membres. On était en tout

22 15 membres. C'était donc là l'attitude, l'approche du LDK pour aboutir à

23 un accord. C'était également l'approche des autres membres de la

24 délégation albanaise.

25 Question: Quelle était la façon de voir les choses de la partie serbe,

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1 d'après ce que vous avez pu en juger?

2 Réponse: La plupart de la délégation, sauf quelques-uns qui les guidaient

3 si vous voulez, donc ils n'étaient pas vraiment sérieux. J'ai l'impression

4 qu'ils n'étaient pas là pour arriver à un accord. C'était notre

5 impression, vu la façon dont on procédait, parce qu'en effet, on n'a pas

6 eu beaucoup de contacts avec eux. Mais vu la façon dont les choses

7 avançaient à Rambouillet, on a eu l'impression qu'ils n'avaient pas la

8 volonté d'aboutir à un accord.

9 Question: Vous trouverez, Messieurs les Juges, aux paragraphes 46 à 48 des

10 détails que je ne vais pas aborder maintenant.

11 Mais, finalement, Monsieur Rugova, une rencontre a-t-elle eu lieu avec

12 Madeleine Albright? Trois Albanais et trois Serbes, je crois, se sont

13 rencontrés?

14 Réponse: Cette rencontre a eu lieu au bout de dix jours ou deux semaines

15 de négociations. Il y en avait trois de notre part et trois de la part

16 serbe. Madame Albright était inquiète de la façon dont se passaient les

17 choses et les négociations, et de la façon dont on procédait. Elle nous a

18 dit ouvertement, sans aucune diplomatie, elle nous a dit: "Si vous, les

19 Albanais, donc les Kosovars, vous n'acceptez pas l'accord, nous allons

20 vous isoler et on ne va plus s'occuper de vous". Alors qu'elle a dit à la

21 partie serbe, très clairement: "Si vous vous n'acceptez pas l'accord, vous

22 aurez des bombes, vous recevrez des bombes". Et la réunion s'est terminé

23 là.

24 Question: L'accord qui était proposé -Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, il s'agit de la pièce à conviction précédente, qui a été distribuée

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1 à l'avance, et nous lui donnerons une cote, je suppose, en temps utile-,

2 cet accord stipulait quoi, en bref, Monsieur Rugova?

3 Réponse: Oui. En général, cet accord stipulait donc que, pendant trois

4 ans, la situation au Kosovo devait s'améliorer, donc de régler la question

5 du statut de Kosovo, donc au bout de trois ans -si je peux dire- de

6 reprendre la question du statut du Kosovo, selon la volonté du peuple et

7 des autres facteurs, que les forces serbes se retirent, que la police du

8 Kosovo soit créée et que l'UCK soit désarmée. Donc qu'il y ait une

9 transformation de l'UCK, qu'elle soit désarmée et qu'on installe des

10 forces de l'OTAN, les troupes de protection de la paix de l'OTAN.

11 Question: S'agissant du libellé de cet accord de Rambouillet, la

12 délégation serbe était-elle libre de négocier réellement? Avait-elle un

13 réel pouvoir à Rambouillet ou devait-elle en référer ailleurs? Et si oui,

14 à qui?

15 Réponse: Elle avait surtout besoin… Oui, c'était nécessaire. Et on

16 attendait Belgrade. Dans ce contexte, l'ambassadeur Hill, qui était un des

17 négociateurs, a été à deux reprises à Belgrade. La première fois, il a été

18 reçu par l'accusé, la deuxième fois non. Mais aussi les autres membres de

19 la délégation serbe ont été en contact permanent avec Belgrade pour –

20 comment dire- obtenir l'autorisation nécessaire. C'est ce qu'on a pu

21 comprendre.

22 Question: Avez-vous pu constater qu'ils faisaient des voyages à Belgrade,

23 qu'ils allaient à Belgrade, en personne, durant la négociation?

24 Réponse: Oui, il me semble que oui. Oui.

25 Question: Un voyage ou plusieurs, si vous le savez?

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1 Réponse: Je ne le sais pas exactement, mais je sais que quelqu'un s'est

2 rendu lors de ces trois semaines, les 21 jours de Rambouillet.

3 M. Nice (interprétation): Peut-on maintenant donner une cote à l'accord de

4 Rambouillet, une cote différente?

5 Mme Anoya (interprétation): Oui. Il s'agira de la pièce à conviction de

6 l'accusation 128.

7 M. Nice (interprétation): Je n'ai pas l'intention de citer un quelconque

8 extrait de cet accord en ce moment, mais c'est une pièce à conviction

9 importante, qui viendra à point en temps utile.

10 Cet accord a été extrait d'un ouvrage. Bien sûr, M. Tapuskovic en

11 obtiendra une version en BCS s'il le juge nécessaire.

12 M. le Président (interprétation): Je suis certain que l'accusé connaît le

13 texte de cet accord mais, sur le principe, nous devons lui en fournir un

14 exemplaire en BCS.

15 M. Nice (interprétation): Nous verrons si nous pouvons en trouver une

16 version en BCS.

17 M. le Président (interprétation): Oui, il doit y en avoir une quelque

18 part.

19 M. Nice (interprétation): C'est une question de temps. Il faut le trouver,

20 c'est tout.

21 Monsieur Rugova, pouvez-vous nous dire s'il a été décidé de signer cet

22 accord, oui ou non?

23 M. Rugova (interprétation): Oui. Au bout de trois semaines, il y a eu un

24 texte définitif qui a été réalisé grâce à une diplomatie navette entre les

25 délégations: le texte dont j'ai parlé. C'était le moment où chaque

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1 délégation devait s'exprimer pour dire si elle acceptait cet accord ou

2 pas. Nous, la délégation du Kosovo, nous avions aussi certaines réserves

3 exprimées de la part de certains groupes, mais on a quand même décidé de

4 soutenir cet accord. Donc nous avons été pour ce document, alors que la

5 partie serbe ne s'est pas déclarée pour cela. On leur a accordé un délai

6 de trois semaines pour le signer à Paris et, finalement, cela a été fait.

7 Donc c'était là le texte définitif: être pour ou contre. C'est comme cela

8 que Rambouillet s'est terminé.

9 Question: La partie serbe n'a jamais signé?

10 Réponse: Après, au bout de trois semaines, au Kosovo, nous avons fait

11 connaître à l'opinion publique le contenu de ce texte et nous sommes

12 retournés trois semaines après à Paris, mais à nouveau la partie serbe n'a

13 pas accepté de signer, a refusé et nous avons accepté, nous l'avons signé.

14 Donc, en tant que délégation, nous l'avons signé, ce document.

15 Question: Vous êtes ensuite retournés au Kosovo, en sachant ou en

16 craignant ce qui allait se passer, Monsieur Rugova, n'est-ce pas?

17 Réponse: Oui. Nous sommes retournés au Kosovo et moi, naturellement,

18 j'avais peur pour l'avenir, je craignais, mais j'avais aussi de l'espoir,

19 car la décision était que, si la partie, l'autre partie refuse, il y

20 aurait une intervention de l'OTAN. Mais malgré tout, on craignait; on

21 craignait en même temps, on était convaincu que le pire pouvait se passer.

22 Mais aussi, il y avait de l'espoir également, car nous, on a fait notre

23 devoir -je parle là au nom de la délégation albanaise, je parle de moi-

24 même-, nous avons accompli notre tâche d'avoir signé l'accord. C'était le

25 plus important.

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1 Question: Une fois rentré au Kosovo, avez-vous estimé que vous pouviez

2 éventuellement courir des risques?

3 Réponse: Oui. Je l'ai pensé aussi. J'ai pensé que la situation pourrait

4 être dangereuse, mais j'étais quand même décidé à rentrer au Kosovo et de

5 m'y trouver, d'être présent au Kosovo, d'être près de ma famille, car

6 toute ma famille se trouvait à Prishtina. Et naturellement, de retour par

7 Skopje, nous avons reçu les premiers mauvais symptômes, car on voyait que

8 les villes se vidaient, les villes et les villages de Kosovo étaient

9 vides.

10 Question: A votre retour, avez-vous déclaré quelque chose à la presse?

11 Réponse: Oui. J'étais très inquiet de ce que j'ai vu, de la frontière avec

12 la Macédoine jusqu'à Prishtina, et, comme je l'ai dit, des villages et des

13 villes. Il y a une ville qui se trouve en Macédoine, à la frontière avec

14 la Macédoine, et puis à Kacanik et d'autres. J'ai encore le souvenir d'un

15 petit chien -il n'y avait pas d'autre être vivant- juste devant chez moi.

16 J'ai dit aux journalistes que c'est le moment de faire quelque chose

17 -c'était le 20 ou le 21 mars 1999-, c'est le moment où j'ai dit aux

18 journalistes: "Que l'OTAN intervienne!".

19 M. Nice (interprétation): Etiez-vous chez vous lorsque le bombardement a

20 commencé?

21 M. le Président (interprétation): Vous passez à un autre sujet, il serait

22 peut-être bon de faire la pause.

23 Monsieur Rugova, nous allons suspendre l'audience une demi-heure. Je vous

24 prierai de ne pas perdre de vue que, pendant cette suspension et les

25 suspensions d'audience suivantes durant votre déposition, vous ne devez

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1 parler à personne de votre témoignage, pas plus aux membres du Bureau du

2 Procureur qu'à quiconque.

3 M. Rugova (interprétation): J'accepte votre Règlement.

4 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice?

6 M. Nice (interprétation): Paragraphe 54. Monsieur Rugova, étiez-vous à la

7 maison, chez vous, lorsque le bombardement a commencé? Etiez-vous avec

8 votre épouse et vos trois enfants? Et avez-vous été rejoints plus tard par

9 votre belle-sœur, son mari et leurs trois enfants?

10 M. Rugova (interprétation): Oui. Je me trouvais chez moi, avec ma famille,

11 ensuite ma belle-sœur. Oui, je me trouvais chez moi, avec ma famille et

12 mon beau-frère, avec sa femme et une autre belle-sœur, un autre beau-frère

13 avec sa femme nous ont rejoints.

14 Question: Avant le début des bombardements, le téléphone avait-il cessé de

15 fonctionner pendant un certain temps?

16 Réponse: Oui, à Prishtina, tous les liens téléphoniques ont été coupés. Je

17 ne sais pas pourquoi mais, je pense, naturellement pour qu'il n'y ait pas

18 de communication entre les gens. Le 22, le 23, la ville était bloquée; la

19 circulation était très difficile.

20 Question: Les bureaux de votre parti politique ainsi que les bureaux

21 américains à Pristina ont subi le même sort. Qu'est-il advenu de tous ces

22 bureaux?

23 Réponse: Oui. La première nuit, lors des bombardements, le bureau, mon

24 bureau, le bureau du LDK a été brûlé, où il y avait d'autres institutions

25 également; le bureau américain à Pristina également et c'était sûrement...

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1 Question: Etait-ce dû aux bombardements ou en raison d'autre chose?

2 Réponse: Non, non, non, non, non! Cela a été fait par les forces serbes,

3 par différents groupes serbes, l'armée ou je ne sais pas qui. Mais je ne

4 sais pas, l'armée ou la police ou les groupes militaires ont brûlé, ont

5 mis le feu pour se venger, ou je ne sais pas. C'était cela.

6 Mon bureau a été incendié une deuxième fois parce qu'ils ont mis le feu

7 pour la deuxième fois parce qu'ils pensaient que ce n'était peut-être pas

8 suffisamment brûlé.

9 Question: Avez-vous, à un certain moment, appris le décès de l'avocat

10 Bajram Kelmendi?

11 Réponse: Oui, deux ou trois jours après je l'ai appris, parce qu'il était

12 difficile de circuler, de communiquer. Deux ou trois jours après. C'est le

13 jour de l'enterrement de Kelmendi et de ses fils. Il a été enlevé la

14 première nuit des bombardements.

15 Question: Malgré les difficultés de communication et les difficultés que

16 vous aviez à voir les choses de vos propres yeux, avez-vous appris,

17 finalement, que les forces serbes avaient reçu des renforts d'autres

18 hommes arrivés de l'extérieur du Kosovo?

19 Réponse: Oui. Leurs forces étaient présentes et elles se sont renforcées;

20 cela faisait déjà deux ou trois semaines qu'elles s'étaient renforcées.

21 Mais ce jour-là, on le constatait. C'était très évident. Même de chez moi,

22 je pouvais les voir. On les voyait circuler dans les rues.

23 Question: Ces hommes portaient-ils un uniforme ou s'agissait-il de

24 volontaires qui ne portaient pas d'uniforme?

25 Réponse: Oui, il y avait des hommes en uniforme, en uniforme militaire. Il

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1 y avait de la police militaire, il y avait de la police en uniforme de

2 police. Mais il y avait aussi des gens sans uniforme, des volontaires;

3 j'en ai entendu parler après: des gens qui sont venus de Serbie, de la

4 Serbie sont restés là quelques jours. Ils ont fait leurs affaires, ils ont

5 accompli des actions et puis ils sont retournés chez eux.

6 Question: Qu'ont fait les forces serbes dans cette période, aidées ou pas

7 par des volontaires?

8 Réponse: Ils ont naturellement… Soit ils ont travaillé ensemble, soit de

9 façon coordonnée en expulsant les gens, en les maltraitant. Et ils ont tué

10 également, ils ont tué aussi, malheureusement. Parfois aussi, même les

11 Serbes locaux, les Serbes de Kosovo. Parce que jusqu'à ce moment-là, les

12 Serbes locaux n'étaient pas tellement engagés dans ces actions, mais à

13 partir de ce moment-là, ils se sont engagés également en chassant les gens

14 de leurs maisons, en les menaçant, etc.

15 Question: Votre maison se trouvait dans le quartier de Velania, à

16 Pristina?

17 Réponse: Oui. La partie Est de la ville. Le quartier s'appelle comme cela.

18 Question: La police était-elle présente dans ce quartier? Qu'avez-vous vu?

19 Réponse: Il y avait la police, il y avait une présence policière dans tout

20 Pristina. Mais dans mon quartier, il y avait aussi une circulation de

21 patrouilles militaires et policières.

22 Question: Vos voisins ont-il été autorisés à rester chez eux ou ont-ils

23 été forcés de quitter leur domicile? Et si oui, où sont-ils allés?

24 Réponse: Oui. Ils restaient chez eux. Ils ne sortaient pas au bout de deux

25 ou trois jours. Ils ont commencé à… On leur a dit, on les a menacés. On

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1 leur a dit: "Vous devez sortir, quitter la ville". Et naturellement, dans

2 certains quartiers -il y a un quartier qui s'appelle Dragodan, à l'ouest

3 de Pristina-, on leur a dit, on les a menacés en leur disant qu'il fallait

4 sortir plus tôt. Le Pr Agani habitait là, d'autres habitants d'autres

5 villes. Et après, dans notre quartier également, ils ont commencé à

6 chasser les gens et à les faire sortir de chez eux.

7 Question: Où sont-ils finalement partis, et de quelle façon ont-ils fait

8 leur voyage?

9 Réponse: Surtout, ils sont allés en Macédoine, au poste-frontière à Hani i

10 Elezit, à Gllobocica et un autre point de frontière. Ensuite, le train

11 Pristina/Skopje a commencé à circuler. La police et les militaires leur

12 demandaient, les forçaient à prendre le train, donc à sortir du Kosovo.

13 Donc ce train a commencé à circuler, rempli de gens. Voilà.

14 Question: Paragraphe 59. Le 31 mars, trois ou quatre soldats en armes ont-

15 ils fait irruption dans votre maison? Et vous ont-ils maintenus sous la

16 menace de fusils pendant un certain temps, vous et votre famille?

17 Réponse: Oui. Ce jour-là, trois quartiers de la ville ont été vidés et les

18 gens ont été tous chassés. Et même dans mon quartier, ils ont expulsé tout

19 le monde. A la fin, ils sont venus chez moi: deux, trois ou quatre

20 militaires, je ne me souviens pas exactement. C'était quand même une

21 équipe de militaires. Ils sont entrés, ils n'ont pas attendu que j'ouvre

22 la porte. Ils ont enfoncé la porte et ils sont entrés chez moi.

23 Question: Et dans votre maison, à ce moment-là, il y avait votre famille,

24 votre belle-sœur avec sa famille, si je ne m'abuse; il y avait un bébé,

25 une journaliste de "Der Spiegel", votre chef de la sécurité. Le nom de

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1 votre chef de la sécurité était Adnan Merovci, n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui, oui. C'était ça.

3 Question: Que s'est-il passé quand ces hommes ont fait irruption dans

4 votre maison?

5 Réponse: Donc c'était de la police militaire. Ils étaient de la police

6 militaire et des militaires. Ils nous ont demandé de descendre en bas,

7 c'est-à-dire dans le vestibule, si vous voulez, de la maison. Tous ceux

8 qui étaient présents, les membres de ma famille, moi aussi, ils nous ont

9 gardés là, au rez-de-chaussée, pendant quatre heures. Ils lançaient des

10 mots de temps en temps. Mais nous étions calmes, on était très prudents.

11 Et ceci a continué jusqu'à 4 heures, donc de midi à 4 heures.

12 Question: Le commandant, quels vêtements portait-il?

13 Réponse: Il avait un uniforme militaire rayé et un képi rouge.

14 Question: Pourriez-vous identifier l'unité à laquelle le reliait les

15 vêtements qu'il portait?

16 Réponse: Je ne sais pas à quelle unité il appartenait. J'ai entendu parler

17 après d'une sorte de légion, mais il avait justement cet air… il était

18 armé, en casque avec une… il était armé de façon…

19 Question: Pendant que ces hommes étaient chez vous et qu'ils vous

20 maintenaient sous la menace de leurs armes, avez-vous demandé à aller

21 quelque part?

22 Réponse: Ils nous ont donnés l'ordre, au bout de quatre heures, qu'on

23 pouvait monter au 1er étage et nous réunir. Ils nous ont mis tous ensemble

24 dans une salle de séjour. Ils nous ont dit: "C'est ici que vous devez

25 rester, vous ne pouvez pas sortir."

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1 Je leur ai demandé de m'accorder la permission de quitter Kosovo, d'aller

2 à Skopje. Ils se trouvaient partout dans ma maison. Ils nous ont dit: "Ce

3 n'est pas dans nos compétences de vous accorder cette autorisation". Et

4 c'est tout. C'étaient des policiers.

5 Question: Vers 18 heures, des journalistes, principalement serbes mais

6 également grecs et turcs, tous journalistes, sont-ils arrivés dans votre

7 maison, ainsi que le directeur du centre de presse serbe de Prishtina?

8 Réponse: Oui. Ils sont arrivés vers 6 heures. On m'a dit que je devais

9 faire une conférence de presse. Au début j'ai dit non, mais après ils

10 insistaient. C'est justement ce que vous avez mentionné. Avec le chef de

11 la sécurité -il s'appelait, je crois, Joksic- en tête. Après, on a fait

12 cette conférence de presse. Il y avait des journalistes, surtout serbes.

13 Il y avait aussi quelques journalistes; je crois, turcs et grecs, car les

14 autres journalistes internationaux avaient été expulsés de Kosovo quelques

15 jours avant.

16 Question: Vous rappelez-vous en détail ou de façon générale ce que vous

17 avez dit au cours de cette conférence de presse?

18 Réponse: Naturellement. Ils ont demandé, ils m'ont demandé de dire, et

19 j'ai dit que: chez moi, c'était la sécurité serbe qui se trouve. En effet,

20 là, il y avait aussi la police militaire et naturellement ces jours-ci on

21 parlait, on disait que j'étais caché ou que j'avais été tué. Donc j'ai dit

22 cela aussi. Et naturellement, j'ai dit que la situation est très grave.

23 J'ai donc dit toutes ces choses-là.

24 Non, c'était bref, il n'y avait pas d'autre chose. Mais ce qui était le

25 plus important, c'est qu'eux ils voulaient que j'apparaisse devant les

Page 4233

1 caméras. Mais là, tout autour, il y avait de la police, des militaires

2 armées, etc.

3 Question: Quelques heures plus tard, d'autres personnes sont-elles

4 arrivées qui, cette fois-ci, vous ont dit qu'il fallait partir, aller

5 ailleurs?

6 Réponse: Oui. Quelques heures plus tard, le chef de la sécurité, que j'ai

7 mentionné tout à l'heure, et aussi de quelqu'un des autorités centrales

8 serbes m'ont dit que je devrais aller à Belgrade le lendemain.

9 Naturellement, au début, j'ai dit non, mais ils ont beaucoup insisté et

10 après j'y suis allé. C'est-à-dire, j'ai dit que j'irai le lendemain.

11 Question: Qui, à votre avis, a donné ces instructions? Qui précisément?

12 Est-ce bien le chef de la sécurité serbe, cet homme qui s'appelle Joksic?

13 Réponse: Oui, c'était M. Joksic, c'était lui. Il était le chef de la

14 sécurité, à Prishtina, des services secrets. Il m'a demandé d'aller à

15 Belgrade.

16 Question: Le lendemain, bien que vous ne désiriez pas y aller, qu'aucune

17 raison ne vous a été donnée qui justifiait ce voyage, êtes-vous

18 effectivement aller à Belgrade?

19 Réponse: Oui, c'était contre mon gré. C'était… Mais c'est l'accusé, c'est

20 comme ça qu'on m'a dit. Si je n'avais pas obéi, il y aurait eu d'autres

21 mesures qui seraient prises; c'est pour cette raison que j'ai accepté d'y

22 aller.

23 Question: Avez-vous fait le voyage dans un véhicule de la police, à bord

24 duquel il y avait également des militaires, un chauffeur et Joksic? Y

25 avait-il en escorte d'autres véhicules officiels? Etes-vous parti aux

Page 4234

1 alentours de 7 heures et êtes-vous arrivé au palais de l'accusé à Beli

2 Dvor, aux environs de midi? Et puis avez-vous rencontré l'accusé?

3 Réponse: Oui, c'est comme cela, nous sommes partis à 7 heures du matin.

4 Question: Si c'est exact, dites simplement oui, et nous passerons à la

5 question suivante.

6 Réponse: Oui.

7 Question: Quand vous avez rencontré l'accusé, combien de temps avez-vous

8 passé avec lui et que s'est-il passé entre vous?

9 Réponse: Vers midi, nous y sommes restés 40 minutes ou une heure.

10 Naturellement, après, je lui ai parlé de ce qui s'est passé au Kosovo et

11 j'ai parlé de quelques personnes qui étaient mortes, comme Pr Agani.

12 L'accusé m'a écouté. Après, on a proposé de faire un communiqué de presse.

13 Je n'étais pas vraiment intéressé à cela, mais il a beaucoup insisté. Et

14 on a donc fait un communiqué de presse qu'il fallait selon lui signer. Je

15 ne voyais pas pour quelle raison je devais le signer mais, malgré tout,

16 j'ai dit qu'on peut le faire. Après, il y avait des caméras de télévision

17 qui ont tourné les images, qui ont filmé les images. Et c'était tout.

18 Question: Un instant. Un instant, je vous prie. J'aimerais que vous nous

19 donniez davantage de détails entre ce qui s'est passé entre vous et

20 l'accusé. Avant de parler de cela, je vous demande si Merovci était

21 présent également?

22 Réponse: Au début, il n'y avait que moi et l'accusé; ensuite, Merovci est

23 entré -plus tard, oui, plus tard- et le chef de cabinet de l'accusé ou le

24 secrétaire, son secrétaire. Je ne sais plus.

25 Question: Vous rappelez-vous son nom?

Page 4235

1 Réponse: Non, je ne me rappelle pas son nom.

2 Question: D'abord, je vous demanderai quelle était l'attitude de l'accusé

3 par rapport à ce qui se passait, les bombardements de l'OTAN, etc., pour

4 autant qu'il l'ait exprimée.

5 Réponse: Naturellement, il était inquiet pour les bombardements. Et selon

6 ses points de vue, selon sa position, alors que moi je lui parlais de ce

7 qui se passait au Kosovo, il accusait pour cela la communauté

8 internationale. Voilà.

9 Question: Vous lui avez dit ce qui se passait au Kosovo. Mais dites-nous,

10 s'il vous plaît, ce que vous lui avez dit précisément. Vous lui avez parlé

11 d'Agani, mais avez-vous mentionné d'autres personnes par leur nom, ou

12 avez-vous parlé de façon générale des événements du Kosovo?

13 Réponse: Oui, j'ai cité Agani, j'ai parlé de Mustafa, de Hyseni, de M.

14 Gashi, de mes collaborateurs, parce que ces jours-ci, on ne savait pas ce

15 qui se passait avec eux, on ne savait pas où il était. Donc je lui ai

16 parlé de ce qui se passait au Kosovo et que les gens quittaient le pays.

17 Voilà, c'est tout. En général.

18 Question: Vous nous avez dit ce qui se passait s'agissant des crimes

19 commis contre les habitants. Mais lui en avez-vous parlé à lui?

20 Réponse: Je lui ai parlé de cela, mais il le savait aussi. Je ne suis pas

21 entré dans le détail, je n'ai rien fait de spécial. Je ne suis pas entré

22 dans les détails, mais j'en ai parlé aussi. J'ai parlé de ce qui se

23 passait ces jours-ci, concrètement, des faits, oui.

24 Question: Et de façon précise -parce que nous devons savoir ce que vous

25 lui avez dit-, que lui avez-vous dit s'agissant de ce qui se passait au

Page 4236

1 Kosovo, de ce que faisaient les forces serbes ou ceux qui travaillaient

2 avec elles?

3 Réponse: Je lui ai dit que j'étais vraiment triste de mes collaborateurs,

4 de ceux qui étaient tués, du fait que des gens sont expulsés de Kosovo par

5 des forces militaires ou policières et d'autres groupes et que,

6 naturellement, je demandais qu'il s'intéresse ou qu'il fasse quelque chose

7 pour cela. Il écoutait seulement et c'est tout.

8 Question: Vous nous avez dit, je crois, que des gens étaient tués dans

9 cette période? C'est exact?

10 Réponse: Oui, il y a eu aussi des tués, des expulsés, des blessés.

11 Question: Avez-vous expliqué cela à l'accusé?

12 Réponse: Oui. Je lui ai mentionné des cas. Je ne suis pas entré dans des

13 détails parce que la situation était…

14 Question: L'avocat, Me Kelmendi, aviez-vous des informations à son sujet

15 au moment où vous avez rencontré l'accusé?

16 Réponse: Ces jours-ci, oui, j'étais au courant, je savais qu'il avait été

17 enlevé et exécuté. Je l'ai appris plus tard. Oui, oui, je le savais; ce

18 jour-ci, je le savais.

19 Question: Son nom a-t-il été prononcé durant votre rencontre?

20 Réponse: Oui, je crois. Je crois que oui.

21 Question: Pour autant que vous ayez cité le nom de certaines personnes,

22 Agani, peut-être Kelmendi ou d'autres de vos collègues, l'accusé a-t-il

23 fourni une réponse particulière en vous disant ce qu'il savait à leur

24 sujet ou s'il avait des informations quant à leur sort?

25 Réponse: Il ne s'est pas exprimé, il ne s'est pas prononcé, déclaré être

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1 au courant. Il ne l'a pas dit au moins. Naturellement, s'il le savait ou

2 pas, je ne le sais pas. Il a dit: "Je vais voir ce que je vais faire",

3 mais c'est tout. "Je vais m'y intéresser". Il a sûrement été au courant de

4 cela.

5 M. Nice (interprétation): Venons-en maintenant à cet accord qu'il voulait

6 que vous signiez. Désiriez-vous signer cet accord?

7 M. Kwon (interprétation): Monsieur Nice, je vous prie de m'excuser.

8 Monsieur Rugova, vous dites avoir donné une idée générale de la situation

9 à l'accusé à ce moment-là. Précédemment, vous avez déclaré n'avoir aucune

10 information au sujet de ce qui se passait.

11 Comment avez-vous obtenu ces informations au sujet des personnes que vous

12 connaissiez personnellement: Agani, Kelmendi, par exemple? D'où avez-vous

13 obtenu ces informations et comment avez-vous soumis ces renseignements à

14 l'accusé au moment où vous l'avez rencontré?

15 M. Rugova (interprétation): Je vous ai dit qu'il y avait un problème de

16 communication. Donc la communication était interrompue, le téléphone ne

17 marchait plus. Malgré tout, il y a des gens qui venaient chez moi. Parfois

18 avec beaucoup de difficulté, ils parvenaient jusque chez moi et ils me

19 racontaient. Et puis les radios: j'écoutais tout le temps les nouvelles à

20 la radio, jusqu'au 31 de ce mois, et la télévision, de temps en temps,

21 fonctionnait aussi. Mais c'est grâce à des émissions de la radio que j'ai

22 appris les nouvelles et, après, par des gens qui, avec beaucoup de

23 difficulté, parvenaient jusque chez moi. Donc c'était cela. J'avais donc

24 une information que j'arrivais à obtenir grâce à ces moyens-là, dans la

25 ville.

Page 4238

1 M. Kwon (interprétation): Merci.

2 M. Nice (interprétation): Concernant cet accord que vous avez signé, nous

3 pouvons examiner un article de journal qui traite de cet accord.

4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est un bon exemple de pièce

5 à conviction pour laquelle je demanderai que le Greffe ne conserve pas

6 l'original.

7 En effet, c'est un journal et nous n'avons besoin que d'un article, qui

8 est en une. Et l'original de ce journal que nous avons au Bureau du

9 Procureur, nous ne l'avons pas photocopié. Puisque nous avons encore

10 besoin de travailler avec ce journal, j'aimerais que l'on conserve au

11 Greffe un extrait de l'article et que l'original du journal nous soit

12 restitué.

13 M. le Président (interprétation): A condition que ce journal soit

14 disponible pendant toutes les dépositions où il en sera fait état.

15 M. Nice (interprétation): Bien sûr.

16 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de

17 l'accusation 129.

18 M. Nice (interprétation): Je demanderai à Monsieur l'huissier de bien

19 vouloir placer une photocopie de cet article de journal sur le

20 rétroprojecteur.

21 Je voudrais que l'accusé et le témoin en aient un exemplaire également et

22 que l'on voit le texte de cet accord ainsi que les signatures.

23 M. le Président (interprétation): Quel est le journal en question?

24 M. Nice (interprétation): Remontez un petit peu sur le rétroprojecteur.

25 Très bien. Merci.

Page 4239

1 La photographie que l'on voit ici a-t-elle été prise ce jour-là, Monsieur

2 Rugova?

3 M. Rugova (interprétation): C'est peut-être ce jour-là. Il y a eu une

4 autre photographie faite un autre jour, lors de la rencontre du 15 mai.

5 Mais c'est possible. C'est possible une photographie du jour même.

6 M. Nice (interprétation): Je voudrais maintenant que la traduction

7 anglaise de cet extrait en serbe soit placée sur le rétroprojecteur pour

8 en donner lecture. L'accord est donc repris dans cet article, et on lit en

9 chapeau de cet article -je cite-: "Le Président de la République Fédérale

10 de Yougoslavie, Slobodan Milosevic, a reçu M. Ibrahim Rugova à Belgrade.

11 Au cours des discussions portant sur les problèmes du Kosovo et Metohija,

12 il a finalement été décidé que les deux hommes étaient engagés en faveur

13 du processus politique et que les problèmes ne pouvaient être résolus de

14 façon permanente et avec succès que par des moyens politiques." (Fin de

15 citation.)

16 Ensuite, on voit les deux signatures, la vôtre et celle de l'accusé. C'est

17 bien cela? Je sais que vous n'avez pas eu la possibilité de revoir ce

18 document durant votre déposition, car il était conservé ailleurs, mais

19 cela vous semble-t-il correspondre à l'accord conclu entre vous ce jour-

20 là?

21 M. Rugova (interprétation): Non. Ce n'était pas un accord. C'était juste

22 un communiqué de presse. Je ne sais pas comment ils l'ont appelé, mais

23 c'était un communiqué de presse fait à la fin de cette rencontre. Ce n'est

24 pas tout à fait ce texte-là. C'est approximatif.

25 Question: Suite à cette rencontre avec l'accusé, accompagné de votre

Page 4240

1 collègue M. Merovci, êtes-vous retourné à Pristina le même soir?

2 Réponse: Oui. Je suis retourné le soir même, vers 6 ou 7 heures du soir.

3 Question: Aviez-vous pensé que votre rencontre avec l'accusé serait rendue

4 publique ou aviez-vous pensé qu'il s'agirait d'une rencontre privée?

5 Réponse: Au départ, ils ont dit qu'elle ne serait pas rendue publique et

6 après on a changé. L'accusé a insisté. Il l'a rendue publique. Donc on a

7 fait venir les caméras de télévision, et après on a fait ce communiqué de

8 presse, cette déclaration commune.

9 Question: Y a-t-il eu diffusion à la télévision, ou ce genre de choses?

10 Réponse: Peut-être que cela a été diffusé, mais je n'avais pas la

11 possibilité parce que la télévision chez moi ne fonctionnait pas, donc je

12 n'ai pas pu le voir.

13 Question: Avez-vous reçu des informations quant à l'existence éventuelle

14 d'une diffusion télévisée et si la télévision avait utilisé des séquences

15 filmées antérieurement?

16 Réponse: Je me suis informé de cela, c'est à la radio que j'ai écouté la

17 nouvelle. J'avais un petit poste de radio. On a dit qu'on a utilisé notre

18 photographie, mais je n'ai pas regardé les images à la télévision.

19 Question: Bien, avançons.

20 Le 2 avril, vous dites que des hommes que vous définissez comme étant des

21 fonctionnaires serbes sont arrivés chez vous, à la maison. Ils ont dit

22 qu'ils allaient vous apporter des vivres, mais en fait, vous aviez votre

23 propre approvisionnement. Est-ce exact? Répondez simplement par oui ou par

24 non.

25 Réponse: Oui, quelques fonctionnaires sont venus à la maison.

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1 Question: Et je crois qu'à ce moment-là vous avez réussi à réparer

2 l'antenne satellite et que vous pouviez regarder CNN. Vous aviez également

3 un transistor. Donc vous étiez plus ou moins au courant de ce qui se

4 passait. Et la police locale vous a contraint de temps en temps à

5 descendre dans le sous-sol de votre maison en raison des bombardements de

6 l'OTAN, n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui, oui, c'est correct. Ils disaient: "Vous pouvez descendre".

8 Question: Un peu plus tard, je crois que vous dites que cela s'est passé

9 le 15 avril à peu près, ce responsable de la sécurité, Joksic dont nous

10 avons déjà parlé, vous a dit qu'il fallait que vous alliez rencontrer le

11 Président de la Serbie à l'époque, Milan Milutinovic.

12 Au début, vous avez refusé, mais finalement, étant donné l'attitude de

13 Joksic, vous avez accepté et vous êtes allé à Belgrade une semaine après à

14 peu près, n'est-ce pas? C'est cela?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Ensuite, vous êtes allé avec Merovci, votre collègue, sous

17 escorte policière, et Merovci étant donc présent, vous êtes allés à

18 Belgrade. Vous avez rencontré Milutinovic dans son bureau. Des

19 journalistes sont arrivés, y compris des journalistes de la presse

20 internationale. Des photographies de vous ont été prises?

21 Réponse: Oui. J'ai dit que je ne pouvais pas y aller, et ensuite ils ont

22 insisté. Il était assez agressif quand moi j'ai refusé. Et après j'ai dit:

23 "On peut y aller demain ou un autre jour." Mais finalement, on y est

24 allés. Et le reste de ce que vous dites, ça tient debout. Il y avait une

25 équipe de la télévision serbe et il y avait aussi des journalistes

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1 internationaux étrangers, parce qu'à Belgrade on ne permettait qu'il y ait

2 encore quelques journalistes étrangers. Mais le reste est correct, c'est

3 comme je l'ai expliqué.

4 Question: Qu'avez-vous dit à M. Milutinovic au sujet des événements au

5 Kosovo?

6 Réponse: Je lui ai parlé de ce qui se passait au Kosovo: je lui ai dit que

7 le Kosovo était vide, qu'il y avait de la violence sur les gens, qu'on

8 exerçait de la violence sur les gens. Il a répondu que c'était en raison

9 de la communauté internationale -c'était le slogan international, le

10 slogan des autorités serbes-, en disant que c'est la communauté

11 internationale qui est à l'origine de tout cela. La vérité est qu'ils

12 étaient tous expulsés par les forces militaires, paramilitaires et

13 policières et les volontaires dont j'ai parlé tout à l'heure, etc.

14 Question: Nikola Sainovic, vice-Premier ministre de la Yougoslavie a-t-il

15 également participé à cette rencontre?

16 Réponse: Oui, oui. Il y était présent.

17 Question: Nous n'avons pas encore entendu parler de cet homme, même si

18 vous l'aviez déjà vu avant cette rencontre ce jour-là, dans votre maison,

19 je crois?

20 Réponse: Je l'ai vu une ou deux fois; il est venu chez moi.

21 Question: Dites-moi, je vous prie, quelles étaient les responsabilités de

22 Sainovic par rapport au Kosovo à ce moment-là, dans la mesure où vous

23 pouvez la décrire, cette position.

24 Réponse: Il était au poste que vous avez mentionné. Il a été également, je

25 crois, responsable du Kosovo, parce qu'il a souvent été présent au Kosovo

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1 avant la guerre. Et même lors des bombardements, il était présent. Je ne

2 sais pas exactement quel était son poste, son rôle, mais je sais qu'il

3 était responsable du Kosovo.

4 Question: Aviez-vous connaissance de quelqu'un qui, au Kosovo, aurait eu

5 davantage de pouvoir que Sainovic?

6 Réponse: Il jouissait d'une autorité et les autres qui étaient au pouvoir,

7 c'étaient des Serbes au Kosovo. Il était là; il a été responsable.

8 Question: Quand il est venu chez vous, quand il vous a donc rencontré chez

9 vous, à votre domicile, avant votre rencontre avec Milutinovic, que vous

10 a-t-il dit, de quoi avez-vous parlé au cours de cette rencontre?

11 Réponse: Il parlait, il a parlé de choses en général. On n'a pas parlé de

12 choses concrètes, car il était impossible de parler avec lui. On parlait

13 donc de l'histoire ou de choses et d'autres, juste pour faire passer le

14 temps, non pas pour des sujets substantiels. Et c'était le soir, tard.

15 Question: Quoi qu'il en soit, Sainovic était présent au moment où vous

16 avez rencontré Milutinovic. Comme vous l'avez déjà dit, le désir de vous

17 voir conclure une espèce d'accord a été exprimé, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui. Il était présent, naturellement, juste pour faire le

19 communiqué de presse. Et je crois que là, il y a eu aussi un communiqué de

20 presse, mais sans l'avoir signé, sans signature. Sans signature. Voilà. Je

21 lui ai dit naturellement que Belgrade doit accepter les conditions

22 proposées par la communauté internationale et l'OTAN. Mais c'était juste

23 une déclaration de presse. Ce n'était pas un texte signé.

24 Question: Plus tard, Milutinovic est-il venu à Pristina?

25 Réponse: Oui. Oui, vers fin avril.

Page 4244

1 Question: A ce moment-là, un document a-t-il été signé?

2 Réponse: Oui. C'était un document fait sur sa demande, sur la demande de

3 Belgrade, un document qui a été signé, document qui a été signé sans ma

4 volonté. Cela m'a été dicté. Mais à ce moment-là, à l'époque, je n'avais

5 pas le choix: je devais le faire.

6 M. Nice (interprétation): Peut-on produire cette pièce à conviction?

7 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il

8 s'agira de la pièce à conviction de l'accusation 130.

9 M. Nice (interprétation): J'aimerais qu'un exemplaire en serbe soit

10 d'abord placé sur le rétroprojecteur. Le serbe d'abord sur le

11 rétroprojecteur, je vous prie, Monsieur l'Huissier.

12 Vous pouvez jeter un coup d'œil.

13 Maintenant, je voudrais que l'on voie le texte en anglais. Il est

14 suffisamment court, je pense, pour justifier qu'on en donne lecture.

15 Il y est dit que "le Président de la République de Serbie, Milan

16 Milutinovic, et M. Rugova se sont mis d'accord sur la déclaration

17 conjointe suivante.

18 Premièrement, il faut immédiatement reprendre et intensifier les

19 discussions déjà entamées entre le Gouvernement de la République de Serbie

20 et les dirigeants politiques des partis politiques albanais du Kosovo et

21 Metohija, s'agissant d'un accord politique qui accorde une autonomie

22 gouvernementale importante au Kosmet, dans le plein respect également de

23 l'égalité de tous les citoyens et de toutes les communautés nationales,

24 dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la

25 Serbie et de la Yougoslavie.

Page 4245

1 Il a été constaté qu'une telle façon de voir constituait la base d'une

2 solution durable et juste au problème du Kosmet."

3 Pourriez-vous nous expliquer la signification du mot "Kosmet"?

4 Réponse: Oui, je peux vous expliquer. C'est un substitut qui a été créé,

5 surtout après la Deuxième Guerre mondiale, pour le Kosovo. Le nom

6 "Kosovo", c'était toujours un nom présent lors de l'histoire, durant toute

7 l'histoire: cela s'appelait toujours Kosovo. Après la Deuxième Guerre

8 mondiale, on a créé cette appellation Kosmet, puisqu'il y a deux parties:

9 c'est la plaine de Kosovo où se trouve Pristina et puis la partie ouest

10 appelée par les Serbes "Metohija", alors que nous, les Albanais, on

11 l'appelle "Dukagjin"; pour nous, c'est "le plateau de Dukagjin". Ils ont

12 créé cet amalgame, cette appellation justement pour que l'appellation

13 "Kosovo" périsse. Cela a été un jeu, si vous voulez, avec des arrière-

14 pensées politiques.

15 Question: La déclaration se poursuit comme suit: "Les deux parties ont

16 conclu que les pourparlers devaient être directs, avec participation égale

17 de toutes les communautés nationales résidant au Kosovo-Metohija, ce qui

18 est la condition préalable pour l'obtention de solutions acceptables pour

19 tous ceux qui vivent au Kosovo-Metohija. Des pourparlers directs doivent

20 réaffirmer le renforcement de la confiance mutuelle en tant que condition

21 fondamentale pour rechercher une solution à la situation actuelle.

22 Point 3. Sur la base de l'accord entre les deux parties, les représentants

23 de la communauté internationale sont autorisés à participer aux

24 pourparlers en tant qu'hôtes.

25 Point 4. L'accord a été conclu quant à la nécessité d'établir rapidement,

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1 dans des conditions différentes, un Conseil exécutif provisoire du Kosovo-

2 Metohija, qui remplirait les fonctions de gouvernement provisoire jusqu'à

3 la création d'un organe en application du document de base sur l'autonomie

4 au Kosovo-Metohija.

5 La composition du Conseil exécutif provisoire ainsi que son organisation

6 interne, et notamment la répartition des nouveaux portefeuilles parmi les

7 organes administratifs, doit prendre en compte les problèmes actuels au

8 Kosovo-Metohija". (Fin de citation.)

9 Vous aviez dit que vous n'étiez pas tout à fait d'accord pour signer cette

10 déclaration. Avez-vous pris part à la rédaction de ce texte, de quelque

11 façon que ce soit?

12 Réponse: Non. Je n'ai pas participé à la rédaction de ce document, mais on

13 me l'a donné à la fin, si j'avais quelque suggestion, mais c'était

14 inutile. Donc cela dépassait ma volonté.

15 Pour revenir à l'appellation Kosmet, et Metohija, ce sont des mots,

16 d'anciens mots serbes. Donc ils ont changé le nom, l'appellation depuis

17 parce que le nom antique, l'ancien nom du Kosovo était Dadanija, donc cela

18 n'a rien à voir avec cette nouvelle appellation.

19 Mais pour revenir au texte en question, je n'ai pas eu la possibilité

20 d'exercer mon influence à sa rédaction.

21 Question: Est-ce qu'un certain Zoran Andjelkovic était également présent

22 lors de cette rencontre? Et si oui, quel était son rôle au Kosovo, à

23 l'époque?

24 Réponse: Oui, oui. Il était présent. Je crois qu'il était à l'époque

25 président du Conseil exécutif du gouvernement serbe de Kosovo, une sorte

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1 de gouverneur ou quelque chose comme cela, de toute façon, du Conseil

2 exécutif parce qu'il y avait un gouvernement serbe au Kosovo à l'époque et

3 lui, il était donc présent.

4 Question: Avez-vous vu qu'au quatrième paragraphe de l'accord conjoint, il

5 est question de la création d'un Conseil exécutif provisoire et de

6 distribution de portefeuilles, si l'on peut s'exprimer ainsi. A ce conseil

7 souhaitiez-vous sérieusement y participer d'une façon ou d'une autre?

8 Est-ce que quelque chose de particulier s'est produit? Est-ce que

9 quelqu'un dont vous attendiez l'implication est arrivé? Parlez-nous-en.

10 Réponse: Justement, il avait désigné ces paragraphes, il les avait

11 rédigés. Je n'avais pas d'autre choix: il fallait donc les signer. C'était

12 ça. Excusez-moi.

13 Question: Pendant toute cette rencontre avec Milutinovic, quel point de

14 vue avez-vous exprimé comme étant votre position personnelle? Avez-vous

15 dit ce que vous souhaitiez faire, où vous souhaitiez vous trouver ou bien

16 si vous désiriez partir?

17 Réponse: Lors des rencontres précédentes et lors de cette rencontre

18 également, j'ai demandé à ce qu'on me permette de quitter le Kosovo,

19 d'aller à Skopje, donc d'aller à l'étranger. Ce jour-là, j'ai répété ma

20 demande, une demande que j'ai répétée continuellement.

21 Question: Pourquoi étiez-vous désormais si désireux de quitter le Kosovo?

22 Réponse: Oui, parce qu'à l'époque, le Kosovo était presque vide. La

23 plupart des gens avaient quitté le pays. Quelques statistiques disent plus

24 de 700.000, 800.000 sont allés en Albanie et en Macédoine. Pristina était

25 vide également et je manquais de collaborateurs. Je souhaitais continuer

Page 4248

1 mon activité ou faire quelque chose pour le Kosovo, en dehors de ses

2 frontières et aussi de sortir, bien sûr, avec ma famille, de sortir du

3 Kosovo avec ma famille.

4 Question: En dehors du fait que vous étiez quelqu'un à qui l'on demandait

5 de participer à des réunions et de signer des accords et différents textes

6 officiels, étiez-vous en mesure de faire, d'avoir une action politique au

7 Kosovo à ce moment-là, oui ou non?

8 Réponse: Non, non, il était complètement impossible de faire quelque chose

9 au Kosovo. La déclaration, c'est plutôt du papier; il ne s'agissait pas

10 d'une question de gouvernance ou autre. C'était une situation complètement

11 différente. Il n'y avait pas de gens non plus, il n'y avait pas

12 d'assistants.

13 Question: En dehors de cela, aviez-vous liberté de circulation sur le plan

14 personnel ou subissiez-vous des contraintes de quelque nature que ce soit?

15 Réponse: Non, non, non. Moi, je me trouvais chez moi. J'étais obligé,

16 j'étais isolé chez moi. Donc je ne pouvais pas bouger sans permission. Je

17 ne suis pas sorti de chez moi, sauf quand eux ils voulaient, en

18 m'accompagnant. De fait, j'étais isolé chez moi. Ou j'étais un prisonnier

19 de guerre ou je ne connais pas très bien les définitions juridiques, mais

20 j'étais isolé chez moi.

21 Question: Je pense qu'à peu près à cette même époque, c'est-à-dire lorsque

22 la préparation de ce document signé était en cours, votre collègue Merovci

23 était parvenu à rejoindre la Macédoine où il avait rencontré des

24 diplomates. Nous pourrons en parler plus en détail à un autre moment, mais

25 il essayait en tout cas d'exercer une certaine pression sur les autorités

Page 4249

1 de Belgrade afin d'obtenir votre libération. Est-ce que ceci vous a aidé?

2 Réponse: Oui, il est allé à Skopje pour pouvoir rencontrer, contacter des

3 diplomates étrangers pour qu'ils interviennent pour que je puisse sortir

4 de Pristina. Quelques jours après, il est rentré à Pristina. Ces

5 rencontres ont eu leurs propres effets, parce que, depuis l'étranger, il y

6 avait une pression pour qu'on me libère: des pays européens, des Etats-

7 Unis et d'autres pays du monde également.

8 Question: Avez-vous été obligé de faire encore un voyage à Belgrade, cette

9 fois pour rencontrer le patriarche serbe Aleksey?

10 Réponse: Oui. Je…

11 Question: Joksic était-il toujours de la partie? Vous êtes-vous rendu à

12 Belgrade dans un véhicule escorté par la police?

13 Réponse: Il était toujours de la partie, il était toujours avec nous.

14 Question: Avez-vous dit au patriarche que vous souhaitiez quitter le

15 Kosovo?

16 Réponse: Oui, je lui ai exprimé mon souhait. Il était d'accord, mais il

17 n'avait pas l'autorité ou la possibilité d'exercer ses influences.

18 Question: Et finalement, Monsieur Rugova, nous pouvons dire quelques mots

19 de la rencontre qui a eu lieu le 4 mai, toujours à Belgrade.

20 Y avez-vous été amené sous escorte policière et y avez-vous rencontré

21 l'accusé? Quelle a été la proposition que l'accusé vous a faite ce jour-

22 là?

23 Réponse: Le 4 mai, on m'a dit que je devrai me rendre là. Je ne savais pas

24 exactement pourquoi. Je n'ai pas compris. J'ai demandé, donc j'ai répété

25 la même demande. Donc je quitte. Lors de la rencontre précédente avec

Page 4250

1 l'accusé, je lui ai demandé si je pouvais partir: que moi je puisse sortir

2 et que ma famille reste au Kosovo, c'est ce qu'on m'a dit. J'ai refusé

3 cette possibilité.

4 Question: Pouvez-vous nous donner une explication quant au fait qu'on

5 proposait que votre famille reste au Kosovo et quant au fait que ceci

6 était une condition pour vous permettre de partir?

7 Réponse: Il voulait par ce biais me conditionner, de me mettre sous

8 caution, donc que la famille reste là comme un moyen de pression et que je

9 puisse sortir et revenir en raison de ma famille. J'ai refusé, et à ce

10 moment-là l'accusé a changé d'avis, et là il a dit que la famille

11 également peut partir avec vous en Italie.

12 Question: Des dispositions ont-elles été prises pour que votre famille

13 fasse d'abord le voyage jusqu'à Belgrade et poursuive ce voyage en

14 direction de l'Italie le 4 mai?

15 Réponse: Oui, oui, ils m'ont dit que la famille peut arriver le lendemain.

16 La famille m'a rejoint et l'après-midi nous avons pris l'avion vers

17 l'Italie.

18 Question: A peu près à ce moment-là, avez-vous appris la mort de votre

19 collègue Fehmi Agani?

20 Réponse: Oui. C'était le 6 mai que j'ai appris la mort, le décès de M.

21 Agani, qu'il avait été exécuté par des paramilitaires ou des policiers

22 serbes. Finalement, on a fini par apprendre, effectivement, que ces

23 groupes-là l'ont exécuté. C'était une nouvelle très triste pour moi et ce

24 jour-là je me trouvais en Italie.

25 M. Nice (interprétation): Encore quelques petites questions, Monsieur

Page 4251

1 Rugova.

2 M. Kwon (interprétation): Monsieur Rugova, lors de cette rencontre, en

3 dehors du problème de votre départ, de quoi avez-vous parlé avec l'accusé?

4 Je parle de la dernière rencontre que vous avez eue avec lui.

5 M. Rugova (interprétation): A part mes problèmes personnels, on n'a pas

6 parlé de choses importantes. On a parlé de choses et d'autres, de

7 l'histoire. Voilà. De choses en général. Il n'y a pas eu de sujet concret.

8 M. Kwon (interprétation): Merci.

9 M. Nice (interprétation): Quel a été ou quel aurait pu être l'effet sur

10 votre situation politique de la signature de ces documents?

11 M. Rugova (interprétation): J'ai pensé qu'il pourrait me compromette, me

12 discréditer devant l'opinion publique du Kosovo et l'opinion publique donc

13 albanaise et de provoquer des conflits à l'intérieur de la scène politique

14 albanaise kosovar, du Kosovo. Donc c'était cela les effets, parce que

15 c'était leur objectif en effet. C'étaient les conséquences et c'était leur

16 objectif. Donc ils m'ont utilisé pour cela.

17 Question: Si tel était bien l'objectif poursuivi, cet objectif a-t-il été

18 atteint? Avez-vous été effectivement discrédité ou pas?

19 Réponse: Non, ils n'ont pas atteint leur objectif. Les élections locales

20 de l'an 2000 au Kosovo et les dernières élections législatives ont montré

21 le contraire, parce que moi et mon parti on a eu la majorité des votes, on

22 a gagné la majorité. Cela n'avait pas d'effet. C'était grave, mais cela

23 n'a pas eu de conséquences aussi graves parce que finalement les gens ont

24 décidé par leur propre vote.

25 Question: Je crois que, Monsieur Rugova, nous pouvons conclure sur le

Page 4252

1 point suivant.

2 Vous avez poursuivi votre travail en Italie et dans d'autres pays

3 européens. Les 5 et 6 juin, vous avez rencontré Madeleine Albright. Le 10

4 juin, vous avez signé un accord de l'OTAN et le 28 juillet vous êtes

5 retourné au Kosovo. C'est bien cela?

6 Réponse: Oui, c'est correct. Je vous remercie.

7 M. Nice (interprétation): Merci. Vous allez maintenant répondre à d'autres

8 questions.

9 M. Rugova (interprétation): Je vous remercie.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

11 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Ibrahim Rugova, par l'accusé M.

12 Milosevic.)

13 M. Milosevic (interprétation): Avant de commencer le contre-

14 interrogatoire.

15 M. le Président (interprétation): Microphone?

16 M. Milosevic (interprétation): Il vient de s'allumer.

17 Avant de commencer à interroger le témoin, j'aimerais vous demander un

18 éclaircissement, Monsieur le Président. Il y a un instant, M. Nice a

19 expliqué, s'agissant de ce document, qu'il s'agissait d'un document public

20 et qu'il n'y avait aucun problème à le rendre accessible indépendamment du

21 fait que c'était une pièce à conviction.

22 L'accord de Rambouillet, c'est de cela que je parle, c'est également une

23 source d'informations publiques et je ne peux pas lire un si grand nombre

24 de pages en quelques instants.

25 Vous voyez combien de pages il y a? C'est tout un livre.

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1 L'accord de Rambouillet existe dans les archives de la Serbie et de la

2 Yougoslavie ainsi qu'au Conseil exécutif du Kosovo et à l'assemblée de

3 Serbie etc. etc.

4 M. le Président (interprétation): Nous obtiendrons un exemplaire original

5 en temps utile.

6 Mais pour le moment, veuillez en passer aux questions.

7 M. Milosevic (interprétation): Bien entendu.

8 Mais je voulais simplement faire cette remarque, pour que personne ne dise

9 à l'avenir que ceci est le texte original, car je ne suis pas sûr que ce

10 soit le cas.

11 Monsieur Rugova, considérez-vous que vous personnellement et les Kosovars

12 albanais ont été utilisés dans l'intérêt de la réalisation des objectifs

13 poursuivis par les grandes puissances, oui ou non?

14 M. Rugova (interprétation): Non. Nous n'avons pas été utilisés.

15 Les grandes puissances et la communauté internationale sont venues à notre

16 défense, la défense des droits de l'homme, les droits humains, les droits

17 des peuples, comme celui du Kosovo, et pour les sauver d'un massacre qui

18 était perpétré par Belgrade contre eux et par vous contre eux. Aucun

19 peuple ne peut être utilisé par quelqu'un d'autre. Telle est la vérité.

20 Question: L'histoire donne de nombreux exemples du contraire, en fait.

21 Mais quand vous utilisez l'expression "le peuple du Kosovo", dans toutes

22 vos déclarations y compris d'ailleurs au cours de l'interrogatoire

23 principal d'aujourd'hui, vous ne parlez que des Albanais?

24 Réponse: Non, non. Je ne me suis pas référé uniquement aux Albanais. Je me

25 suis référé à tous les citoyens du Kosovo, même dans la Constitution de

Page 4254

1 Kacanik, celle de 1990, il est aussi stipulé que les autres aussi, les

2 autres au Kosovo, les autres groupes ethniques, les Serbes, les Bosniens,

3 les Turcs, les Roms et les autres auront des droits égaux.

4 Ceci est obligatoire dans la Constitution ainsi que dans les autres

5 documents. On peut dire la même chose des élections de 1992 auxquelles les

6 Albanais, essentiellement, sont venus voter. Mais les Bosniens et autres,

7 parfois certains Serbes ont pris part à ces élections. Nous ne pouvons pas

8 empêcher cela.

9 Il a été dit, il y a eu 14 sièges au Parlement albanais. Nous étions au

10 nombre de 114, ce qui veut dire 140(sic), de sorte qu'également pour les

11 Serbes, pour être intégrés et jouir de droits égaux, pour être des

12 citoyens du Kosovo, nous allions soutenir leur droit et nous disons la

13 même chose aujourd'hui, trois ans après la guerre, lorsque le Kosovo est

14 libre.

15 Ils prennent part à toutes les institutions du Kosovo. Ils ont pris part à

16 l'élection. Elle est en cours, je crois.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Nous reviendrons sur toutes ces

18 questions plus tard. Je démontrerai que c'est le contraire qui est exact.

19 Mais puisque vous avez dit que l'OTAN était venue pour protéger le peuple

20 albanais, vous venez de définir le peuple albanais comme incluant les

21 Serbes, les Turcs et tous les autres qui vivent au Kosovo, affirmez-vous

22 que l'OTAN est venue au Kosovo pour protéger également les Goranis, les

23 Turcs, les Roms, les Serbes et tous les autres? Est-ce cela que vous

24 affirmez, que l'OTAN est venue au Kosovo pour défendre les Serbes?

25 Répondez-moi simplement par oui ou par non pour que nous ne perdions pas

Page 4255

1 de temps, car nous n'avons encore que lundi à notre disposition, et j'ai

2 de nombreuses questions à vous poser.

3 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin répondre.

4 M. Rugova (interprétation): L'OTAN est venue défendre tous ceux qui s'y

5 trouvaient. Mais les Albanais étaient bien sûr la majorité, étaient ceux

6 qui étaient le plus en danger, de sorte que l'OTAN est venue nous défendre

7 tous. Et c'est ce qui se passe aujourd'hui: ce sont des troupes de l'OTAN

8 qui sont actuellement là pour le maintien de la paix et pour nos nouvelles

9 institutions au Kosovo.

10 M. Milosevic (interprétation): Donc, lorsque vous parlez de cette défense

11 que vous réalisez aujourd'hui avec d'autres forces de paix, c'est bien

12 cette protection qui a permis que plusieurs milliers de Serbes du Kosovo

13 soient tués, que 360.000 Serbes et autres non-Albanais soient expulsés du

14 Kosovo, que plusieurs milliers soient enlevés? C'est bien ce dont vous

15 parlez lorsque vous parlez de la protection?

16 M. Rugova (interprétation): Pourrai-je demander, Monsieur le Président,

17 Messieurs les Juges, ce n'est pas vraiment l'objectif de ma déposition.

18 M. le Président (interprétation): Tout à fait d'accord. Concentrons-nous

19 sur les événements antérieurs à 1999, c'est ça la période dont nous devons

20 parler.

21 Oui, Monsieur Milosevic.

22 M. Milosevic (interprétation): Considérez-vous que le témoin ne doit pas

23 répondre à ma question?

24 M. le Président (interprétation): Oui. Continuons sur les événements

25 antérieurs à 1999, et vous pouvez également interroger le témoin, bien

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1 sûr, au sujet des événements de 1999.

2 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ce témoin témoigne au sujet

3 de toutes les circonstances politiques et il émet des avis qui se

4 rapportent à ce que j'appellerai "les questions les plus complexes

5 relatives au Kosovo". Il est donc impossible de limiter mon contre-

6 interrogatoire à une période déterminée ou à certaines questions

7 auxquelles le témoin est autorisé à répondre et pas à d'autres. Je crois

8 qu'il n'est pas normal que vous le défendiez de la façon dont vous venez

9 de le faire, c'est ma remarque. Vous pouvez en faire ce que vous voulez.

10 M. le Président (interprétation): Vous ne serez pas limité dans les

11 questions que vous pouvez poser au témoin au sujet de la déposition qu'il

12 a faite.

13 Il est exact qu'il a traité d'un grand nombre de sujets. Vous pouvez

14 l'interroger sur tous ces sujets. Mais ce que vous ne pouvez pas faire,

15 c'est sortir des questions pertinentes dans le cadre de votre contre-

16 interrogatoire. Si vous le faites, vous serez arrêté.

17 M. Milosevic (interprétation): En tout état de cause, le témoin a

18 mentionné dans sa déposition le rôle joué par l'OTAN et le rôle de ce

19 qu'il a appelé la communauté internationale donc en rapport avec le rôle

20 de l'OTAN et en rapport avec le rôle de ce qu'il appelle la communauté

21 internationale, je peux l'interroger sans limite.

22 M. le Président (interprétation): Oui. Mais n'insistez pas sur les

23 événements actuels, ce qui nous intéresse, ce sont les événements

24 antérieurs à 1999.

25 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, le témoin n'a-t-il pas dit

Page 4257

1 que l'OTAN était arrivée là-bas pour défendre tous les citoyens? Ce que je

2 fais, c'est précisément de remettre en question la position du témoin, car

3 c'est dans le cadre de cette soi-disant protection qu'ont commencé toute

4 une série de crimes absolument atroces contre les habitants serbes du

5 Kosovo. 360.000 ont été expulsés.

6 M. le Président (interprétation): Quoi? Quoi? Quelle est la pertinence par

7 rapport à l'Acte d'accusation dans la présente affaire? Vous n'avez aucune

8 raison de crier. Je vous demande quelle est la pertinence par rapport à

9 l'Acte d'accusation.

10 M. Milosevic (interprétation): C'est pertinent parce qu'il s'agit d'un

11 acte d'agression contre un pays souverain, il s'agit d'un acte de

12 terrorisme intérieur par cette agression. Il s'agit d'un acte de soutien à

13 des décisions illégales.

14 Le Juge Robinson a interrogé le témoin au sujet des circonstances dans

15 lesquelles ce pouvoir illégal, ce gouvernement illégal a été créé au

16 Kosovo par rapport à la Constitution du pays. Le témoin aura la

17 possibilité de répondre à cette question, a répondu déjà. Donc tout ceci a

18 été abordé dans sa déposition.

19 M. le Président (interprétation): Oui, ce qui a été dit bien sûr est

20 pertinent et vous pouvez interroger le témoin sur tout cela. Mais ne posez

21 pas de questions au témoin au sujet de ce qui se passe actuellement, ce

22 qui n'est pas pertinent. Veuillez poursuivre, je vous prie.

23 M. Milosevic (interprétation): J'aimerais que nous nous comprenions bien.

24 Ce qui se passe actuellement démontre quelles étaient les intentions

25 réelles en rapport avec les événements survenus à l'époque. C'est de cela

Page 4258

1 qu'il s'agit.

2 En politique, on mesure les choses par leur conséquence. Les conséquences

3 de l'agression politique contre la Yougoslavie sont précisément ce qui se

4 passe aujourd'hui et pas ce qui se passait à l'époque, et surtout pas ce

5 qui se déclarait à l'époque.

6 M. le Président (interprétation): Nous allons tenir compte de votre

7 argument. Mais pour le moment, vous êtes prié de vous limiter à ce qui

8 s'est passé avant 1999. Mais nous tiendrons compte du reste de votre

9 argumentation.

10 M. Milosevic (interprétation): Croyez-vous que les Serbes vont baisser les

11 bras par rapport au Kosovo/Metohija, Monsieur Rugova?

12 M. Rugova (interprétation): Je pense que oui et qu'ils devraient y

13 renoncer sur le Kosovo. Je présente mes excuses à votre éminente Chambre,

14 parce que nous entrons en fait dans un débat politique assez désagréable.

15 Le Kosovo appartient aux Kosovars, c'est-à-dire la majorité albanaise. Il

16 y a des Serbes du Kosovo, il y a des Turcs, il y a des Bosniens du Kosovo,

17 mais le Kosovo mais le Kosovo était une entité antérieurement de la

18 Fédération. Donc je ne sais pas si vous parlez des Serbes qui ont renoncé

19 au Kosovo, mais si vous voulez dire Belgrade, à ce moment-là oui, il faut

20 qu'il renonce au Kosovo, et le plus tôt Belgrade le fera, mieux ce sera.

21 M. le Président (interprétation): Nous sommes très loin à nouveau de

22 l'Acte d'accusation.

23 Maître Wladimiroff, peut-être pourriez-vous nous apporter votre concours

24 sur cette question. Je vous demanderai d'y réfléchir pendant la suspension

25 du déjeuner.

Page 4259

1 Je parle de l'argument évoqué par l'accusé quant aux raisons pour

2 lesquelles son contre-interrogatoire ne doit pas être autorisé dans cette

3 direction. Nous vous entendrons après le déjeuner.

4 Et si l'accusation à quelque chose à ajouter sur ce point également nous

5 l'entendrons aussi. Manifestement, il s'agit d'un point de principe quant

6 à la question de savoir ce qui est pertinent par rapport à l'Acte

7 d'accusation.

8 Dans l'intervalle, Monsieur Milosevic, vous êtes limité à traiter des

9 questions antérieures à 1999 et qui ont eu lieu pendant l'année 1999

10 également.

11 M. Milosevic (interprétation): Je ne peux pas être limité de cette façon à

12 interroger le témoin en rapport avec des réponses.

13 M. le Président (interprétation): C'est vous qui avez introduit ces

14 questions qui éventuellement ne sont pas pertinentes.

15 Poursuivez avec des questions pertinentes si vous voulez que votre contre-

16 interrogatoire continuë.

17 M. Milosevic (interprétation): J'ai bien entendu l'intention au cours de

18 ce contre-interrogatoire de démontrer que le contraire est vrai sur pas

19 mal de questions, Monsieur May.

20 Monsieur le Témoin, je reviens aux années de la période en question. Est-

21 il exact que ce qu'on appelle l'UCK était pour l'essentiel, en 1998, la

22 réunion de plusieurs groupes indépendants qui n'avaient pas un

23 commandement unifié?

24 M. Rugova (interprétation): L'UCK -comme je l'ai dit- a commencé d'exister

25 en réaction aux violences exercées au Kosovo pendant une période de très

Page 4260

1 longues années. Au début, ils avaient commencé comme des groupes

2 individuels, puis ils se sont unis. Ils se sont unifiés. Ils ont eu un

3 commandement unifié, un commandement commun. En 1998, et en particulier

4 vers la fin de 1998 et au début de 1999.

5 M. Milosevic (interprétation): Pour la période antérieure à cela,

6 considérez-vous que ce que je viens de dire est exact, oui ou non?

7 M. Rugova (interprétation): J'ai déjà dit que ce que je dis, c'est la

8 vérité.

9 M. le Président (interprétation): La question qui vous était posée était

10 la suivante: l'UCK était-elle, pour l'essentiel, le regroupement d'un

11 certain nombre de groupes distincts qui n'avaient pas de commandement

12 unifié?

13 Pouvez-vous nous aider sur ce point, Monsieur Rugova, ou pas?

14 M. Rugova (interprétation): A l'origine, il s'agissait de groupes qui

15 n'étaient pas liés entre eux, c'est-à-dire des groupes qui voulaient

16 protéger la population et s'assuraient de leur sécurité et c'était très

17 difficile pour eux d'avoir un commandement unifié au début.

18 Mais au fur et à mesure que le temps passait, ils se sont unis et ont eu

19 un commandement conjoint ou commun. C'est ce que j'ai appris à ce sujet.

20 Ils sont devenus de plus en plus organisés avec le temps.

21 Question: Bien. Est-il exact qu'il s'agissait de criminels qui étaient

22 équipés, financés, soutenus et encouragés par des services secrets

23 étrangers, notamment les services secrets allemands?

24 Réponse: Non, non. Ce n'est pas vrai.

25 Question: L'UCK était-elle une organisation terroriste?

Page 4261

1 Réponse: Non. Ce n'était pas une organisation terroriste. C'était une

2 organisation composée de personnes qui avaient réagi à des violences et à

3 une répression exercée pendant longtemps aux fins d'obtenir la libération

4 de leur peuple. Tel était leur but. Et de protéger les gens.

5 M. Milosevic (interprétation): Puisque, Monsieur May, vous me demandez

6 sans arrêt de ne pas faire de discours, je vous prierai de bien vouloir

7 demander au témoin de répondre à mes questions et de ne pas faire de

8 discours lui-même.

9 M. le Président (interprétation): Il n'a pas fait de discours. Si vous

10 posez des questions courtes, il ne fait aucun doute que nous obtiendrons

11 également des réponses courtes.

12 M. Milosevic (interprétation): A cette question, il pouvait répondre par

13 oui ou par non. Il dit que ce n'est pas une organisation terroriste. Ce

14 discours au sujet des intentions libératrices était tout à fait inutile.

15 Maintenant, Monsieur Rugova, je vais vous lire une citation. Dites-moi si

16 elle est exacte.

17 Je cite: "Au début l'UCK était un assortiment bizarre de groupuscules dans

18 lesquels ont trouvé des gangsters, des mercenaires, des propriétaires de

19 bordels, des fascistes, et même des gens qui se disaient partisans de

20 l'ancien dirigeant marxiste de l'Albanie, Enver Hoxha."

21 M. le Président (interprétation): Quelle est la source?

22 M. Milosevic (interprétation): La source, c'est le Wall Street Journal, 29

23 avril, intitulé "Soldats du malheur".

24 Cette définition, Monsieur Rugova, est-elle exacte?

25 M. Rugova (interprétation): Non.

Page 4262

1 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, qui est l'auteur de cet

2 article?

3 M. le Président (interprétation): Et de quelle année date-t-il?

4 M. Milosevic (interprétation): Je vois ici la date du 28 avril. Je vais

5 vous dire l'année tout de suite: 28 avril 1999, l'auteur étant Gary

6 Wilson.

7 M. Robinson (interprétation): Pour l'avenir, rappelez-vous qu'il convient

8 que vous citiez la source de tous les extraits de texte que vous citez

9 devant le Tribunal. C'est une mesure d'équité à l'égard du témoin et c'est

10 en fait une exigence.

11 M. Milosevic (interprétation): Je ne crois pas qu'il soit équitable vis-à-

12 vis du témoin, je ne comprends pas pourquoi ce serait équitable de le

13 prévenir à l'avance, avant le contre-interrogatoire des questions qui

14 seront abordées au cours du contre-interrogatoire. Ce qui est équitable,

15 c'est de démontrer. Vous comprenez ce que je sous-entends. Je ne vais pas

16 entrer dans les détails.

17 Monsieur Rugova, vous n'avez pas répondu à ma question. Cette constatation

18 est-elle exacte ou pas? Dites simplement oui ou non.

19 M. Rugova (interprétation): Non. C'est des articles de journaux.

20 Question: Bien. Je vais maintenant vous citer quelque chose qui ne vient

21 pas d'un journal, mais qui bien sûr a été repris également dans les

22 journaux. Puisque vous avez dit que l'UCK n'était pas une organisation

23 terroriste, je cite: "Nous condamnons très fermement les actes terroristes

24 au Kosovo. L'UCK est sans aucun doute un groupe terroriste." (Fin de

25 citation.)

Page 4263

1 Cette définition est-elle exacte ou pas?

2 M. Robinson (interprétation): Et ça, ça vient d'où?

3 M. Milosevic (interprétation): Cela se trouve partout dans la presse.

4 C'est la déclaration faite par Robert Gelbard, envoyé spécial des Etats-

5 Unis aux Balkans à cette époque, en 1998.

6 J'aurais pu vous citer n'importe quel moyen de communication qui a parlé

7 de cela, mais je m'appuie principalement sur une agence, sur une dépêche

8 de l'AFP, Agence France Presse, qui a cité une partie de cette

9 déclaration, qui ensuite a été reprise par tous les journaux.

10 Je peux vous en donner un exemplaire si vous le souhaitez.

11 M. Robinson (interprétation): Vous devez identifier la source.

12 M. Milosevic (interprétation): J'ai demandé si cette déclaration était

13 exacte, Monsieur Rugova, cette déclaration de Robert Gelbard, l'envoyé

14 spécial des Etats-Unis aux Balkans. En toute équité, j'ai cité cela et

15 j'ai donné ma source dans ma déclaration introductive, après la lecture de

16 cet Acte d'accusation monté de toutes pièces, qui m'a été signifié ici.

17 J'espère donc que vous pourrez le retrouver au compte rendu d'audience de

18 mon propos liminaire.

19 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin répondre.

20 Monsieur Rugova, vous rappelez-vous si M. Gelbard a bien dit cela?

21 M. Rugova (interprétation): Je ne pense pas. Peut-être qu'il a fait une

22 déclaration de ce genre, peut-être que oui, peut-être que non. Je ne sais

23 pas.

24 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, je vais vous donner lecture

25 d'un bref extrait, précisément en rapport avec ce que vous venez de dire,

Page 4264

1 puisque vous niez le fait que l'UCK était une organisation terroriste. La

2 source, Monsieur Robinson -cela vous intéresse, si j'ai bien compris- est

3 l'ouvrage de Michael Parenta "Tu es une nation", qui est disponible à la

4 bibliothèque du Congrès américain à Washington, ainsi qu'à la bibliothèque

5 britannique, publié à Londres et à New York en 2000.

6 Je cite: "1995. Des conseillers de l'administration de lutte contre la

7 drogue ont dit ce qui suit. Certains membres de la communauté ethnique

8 albanaise" -je dois attendre l'interprétation- "dans la région serbe du

9 Kosovo, se sont lancés dans le trafic de drogue afin de financer leurs

10 activités séparatistes." (Fin de citation.)

11 L'auteur cite Frank Vivano (phon.) -je cite-: "Certains membres de l'UCK,

12 liés à un énorme trafic d'héroïne. (5 mai 1999, "San Francisco

13 Chronicle".)

14 Il cite également Roger Boyce: "L'argent de la drogue lié aux rebelles du

15 Kosovo" ("Times" de Londres, 24 mars 1999.)

16 Jarry Shaper: "L'UCK finance la guerre à l'aide de ventes d'héroïne."

17 ("Washington Times" du 3 mai 1999.)

18 M. le Président (interprétation): Laissez répondre le témoin si ce sont

19 bien des questions que vous lui soumettez.

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Rugova, est-ce bien ainsi ou pas?

21 Est-ce la réalité ou pas?

22 M. Rugova (interprétation): Ce n'est pas vrai. J'ai des renseignements

23 selon lesquels on a aidé l'UCK, d'autres personnes sont venues pour

24 protéger. Certains ont lutté contre la violence. Il peut y avoir

25 différentes façons de voir le problème, de voir la question. On a toujours

Page 4265

1 accusé les Albanais de se lancer dans ce genre de trafics et on ne peut

2 pas dire cela de l'UCK en général.

3 De sorte que je vois tout cela comme étant plutôt des idées lancées par

4 l'accusé pour ne pas entrer dans la vérité à laquelle nous avons à faire

5 face.

6 Question: Vous avez terminé votre question à la question que j'ai posée?

7 Réponse: Excusez-moi, j'ai fini et j'y ai répondu, Monsieur le Président.

8 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je vais maintenant vous citer un

9 autre extrait dont la source est la même, parce que ce que je désire

10 présenter ici a pour but de permettre à l'opinion publique d'arriver à la

11 vérité. La vérité, vous la connaissez aussi bien que moi.

12 M. le Président (interprétation): Inutile de faire un discours. Quelle est

13 votre question?

14 M. Milosevic (interprétation): Bien, je vais donner lecture d'une autre

15 citation.

16 Je cite: "Les nouveaux événements du Kosovo font penser aux opérations

17 secrètes de la CIA en Amérique centrale, en Afghanistan, Haïti et

18 ailleurs, où des extrémistes de droite, des assassins, des mercenaires

19 étaient financés en partie par le trafic de drogue. Au fil des années, les

20 rebelles de l'UCK sont miraculeusement transformés par l'opinion

21 occidentale, de leur statut de terroristes et de trafiquants de drogue, en

22 combattants de la paix, censés représenter les intérêts les plus larges de

23 tous les Kosovars albanais. En 1999, l'UCK a vécu ce que le New York Times

24 a appelé "un essor rapide et surprenant", grâce y compris à l'arrivée d'un

25 grand nombre de mercenaires des Etats-Unis et d'Allemagne qui, dans

Page 4266

1 certains cas, ont occupé des positions dirigeantes". (Fin de citation.)

2 M. le Président (interprétation): Cela suffit, si vous voulez que le

3 témoin répondre en bonne et due forme à ces allégations. Vous avez

4 présenté un certain nombre d'allégations liées au trafic de drogue.

5 Monsieur Rugova, vous les avez entendues. Il a été dit qu'en 1999, l'UCK

6 s'était développée de façon rapide avec l'arrivée notamment d'un certain

7 nombre de mercenaires des Etats-Unis et d'Allemagne. Pouvez-vous nous

8 aider, Monsieur Rugova, en répondant à cette allégation?

9 M. Rugova (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président.

10 En fait, je n'ai pas d'observation à faire sur tout cela. Il peut lire

11 tout au long de la journée. Ce sont des spéculations de différents types.

12 La vérité est que la majorité des gens de l'UCK étaient des gens qui

13 voulaient se défendre, défendre leurs maisons. Et je peux vous dire un

14 épisode de l'attaque de Prekaz; c'était la première et il y en a eu de

15 nombreuses autres.

16 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, ne faites pas…, ne

17 l'interrompez pas. Vous avez présenté ces allégations. Laissez au témoin

18 la possibilité de répondre.

19 M. Milosevic (interprétation): Il faut qu'il réponde, mais il n'a pas à

20 présenter des épisodes d'un feuilleton.

21 M. le Président (interprétation): Il est habilité, il a le droit de donner

22 un exemple; ce qu'il était sur le point de faire, d'ailleurs.

23 Monsieur le Témoin, vous étiez en train de parler Prekaz et de Drenica?

24 M. Rugova (interprétation): Dans ce contexte, ce n'étaient pas des

25 mercenaires ni des personnes du type qu'imagine l'accusé. C'étaient des

Page 4267

1 gens qui avaient décidé de se défendre. Je parle de villageois, de 200 ou

2 300 personnes qui décidaient de se défendre avec de vieux fusils, qui

3 auraient été vraiment inutiles contre des attaques aussi massives. Les

4 gens essayaient de se défendre.

5 Je ne suis pas d'accord avec ce que l'accusé a dit. C'est ça mon

6 observation. Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, sans aucun doute,

8 vous pouvez citer à la barre l'auteur de cet ouvrage pour qu'il traite des

9 allégations que vous venez d'évoquer.

10 Pour l'instant, suspension d'audience jusqu'à 14 heures 30 et nous

11 entendrons les arguments au sujet de la pertinence en début d'après-midi.

12 M. Milosevic (interprétation): Avant de suspendre, si les citations que je

13 fais ne plaisent pas au témoin, si ces extraits de livre ne lui plaisent

14 pas, vous-même et lui pouvez sans aucun problème considérer...

15 M. le Président (interprétation): C'est non pertinent.

16 Nous reprenons l'audience à 14 heures 30.

17 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)

18 (Questions relatives à la procédure.)

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Wladimiroff, seriez-vous en

20 mesure de nous assister sur cette question de pertinence? La date de

21 l'Acte d'accusation est du 20 juin, si je m'en souviens bien, 1999.

22 Evidemment, ce n'est pas une date absolue, mais il faut maintenir quand

23 même l'affaire dans des limites raisonnables.

24 M. Wladimiroff (interprétation): Oui, Monsieur le Président. A ce stade du

25 contre-interrogatoire, la seule arme de l'accusé est de contester les

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1 allégations qui sont faites, mais ce prétoire n'est évidemment pas une

2 arène politique.

3 En revanche, nous ne pouvons pas ignorer les conséquences alléguées au

4 pénal pour les différends politiques. Il n'est pas douteux que le témoin

5 soit un témoin important pour l'accusation dans l'affaire du Kosovo, un

6 témoin important pour l'accusé aussi. L'accusé a traité du témoin qui a

7 été cité pour les questions de divergences politiques entre lui et

8 l'accusé qui ont trait au comportement criminel, tel qu'allégué dans

9 l'Acte d'accusation.

10 Toutefois, nous devons nous rappeler que, dans l'affaire du Kosovo, comme

11 je l'ai dit, il y a des conséquences criminelles alléguées de divergences

12 politiques. Par conséquent, néanmoins, le contre-interrogatoire doit être

13 contrôlé de façon à éviter des incursions excessives dans le domaine

14 politique.

15 Nous devons aussi nous rappeler qu'il n'est pas contre l'accusé que les

16 aspirations des Kosovars à devenir indépendants, alors que le Kosovo était

17 une partie de la Fédération yougoslave ou non, il n'est pas dit dans

18 l'Acte d'accusation que la Yougoslavie a lancé un conflit contre le

19 Kosovo.

20 Ce qui est pertinent aux fins de l'interrogatoire et du contre-

21 interrogatoire, c'est que l'Acte d'accusation allègue que l'accusé est

22 responsable de la façon dont la Yougoslavie a traité de violations du

23 droit humanitaire pour ce qui est de divergences politiques, et plus

24 particulièrement les actions de l'UCK.

25 (L'interprète demande à M. Wladimiroff de ralentir le débit.)

Page 4269

1 Je m'excuse pour les interprètes.

2 Les éléments de preuve que le témoin a donnés sont centrés sur le rôle

3 politique de l'UCK, sur sa vie personnelle, sur sa participation à l'UCK.

4 C'est pour cette raison que je pense que l'on doit donner à l'accusé un

5 peu plus de latitude pour examiner des questions plus générales qui

6 découlent du rôle du témoin et de l'UCK, et qui ont trait à ces questions,

7 même si elles vont au-delà de la date de juin 1999.

8 Lorsque les éléments de preuve donnés par le témoin sont un mélange de

9 faits historiques et d'inspiration politique, l'accusé devrait être

10 autorisé à y répondre et à contester ces questions. Une approche souple

11 serait probablement la bonne, puisque l'accusé est en droit de faire

12 valoir ses moyens par le contre-interrogatoire. Il se peut qu'il y ait des

13 questions que l'accusé souhaite soulever, desquelles nous ne sommes pas

14 particulièrement au courant.

15 C'est évidemment la thèse de l'accusé que le témoin, son parti et d'autres

16 groupes politiques au Kosovo, particulièrement l'UCK, ont soulevé des

17 questions qui ont conduit à l'Acte d'accusation ou, au moins, qui ont

18 suscité les questions qui ont conduit à l'Acte d'accusation.

19 Pourrais-je rappeler la doctrine du "tu quoque", le moyen du "tu quoque"

20 comme des circonstances atténuantes? Il me semble juste de permettre à

21 l'accusé de procéder à un contre-interrogatoire plus approfondi sur des

22 questions qui sont indirectement liées à l'interrogatoire et à la

23 déposition principale, à condition que certaines questions demeurent dans

24 le cadre des allégations de l'Acte d'accusation sur les conséquences

25 limitées au-delà de la date de juin 1999.

Page 4270

1 Je vous remercie.

2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Wladimiroff.

3 Oui, Monsieur Nice?

4 M. Nice (interprétation): La portée du contre-interrogatoire est

5 véritablement déterminée par les dispositions générales de l'Article 89 du

6 Règlement et plus particulièrement par les dispositions de l'Article

7 90H)i) du Règlement, qui dit que "le contre-interrogatoire doit être

8 limité à la question qui a fait l'objet de la déposition principale et aux

9 questions qui ont trait à la crédibilité du témoin et lorsque le témoin

10 est en mesure de déposer sur des questions pertinentes pour la partie qui

11 procède à son interrogatoire sur l'objet même de la question."

12 A notre avis, les éléments de preuve qui se trouvent vraiment en dehors de

13 la période de l'Acte d'accusation pourraient être pertinents en vertu de

14 l'Article 89 et plus particulièrement admissibles au titre de l'Article

15 90H) s'il est expliqué ou si cela aide à l'interprétation des événements

16 qui entrent dans la période de l'Acte d'accusation.

17 Si cela touche à la question de la crédibilité du témoin qu'on est en

18 train d'entendre, comme l'Article 90H) du Règlement le permet

19 spécifiquement, où éventuellement il s'agit d'éléments qui pourraient

20 avoir une importance pour discréditer les témoins déjà cités, je pourrais

21 ajouter une dernière possibilité, bien que je ne puisse pas donner un

22 exemple, mais je peux l'imaginer de façon hypothétique, où il y aurait des

23 points de vue divergents en ce qui concerne les éléments politiques dont

24 les différents témoins ont parlé devant le Tribunal. Mais, à notre avis,

25 ce sont les seuls motifs, les seuls moyens sur lesquels ils pourraient

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1 être permis de permettre un contre-interrogatoire étendu en dehors de la

2 période de l'Acte d'accusation.

3 M. le Président (interprétation): C'est postérieur à la période de l'Acte

4 d'accusation dont nous nous occupons pour le moment.

5 M. Nice (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Et la question qui se pose est: est-ce

7 que c'est pertinent pour un moyen quelconque que l'accusé est en train

8 d'essayer de faire valoir?

9 M. Nice (interprétation): Je n'ai pas pu en discerner. Et dans ces

10 circonstances assez exceptionnelles, plutôt que normales, il peut être

11 approprié de demander à l'accusé d'identifier le but, bien sûr.

12 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, mais je crois qu'il a tenté

13 de faire cela en disant que c'était une conséquence des actes politiques

14 et que, d'après ce que j'ai compris, il disait qu'il y avait un complot et

15 que c'était le résultat d'un complot.

16 M. Nice (interprétation): Oui, mais cela est peut-être permissible. C'est

17 de la documentation plus récente ou postérieure à l'Acte d'accusation qui

18 pourrait jeter de la lumière sur les événements qui se trouvent compris

19 dans l'Acte d'accusation.

20 M. le Président (interprétation): Oui, mais cela doit être clairement

21 limité dans sa portée.

22 M. Nice (interprétation): Absolument. Nous voudrions respectueusement

23 inviter la Chambre à envisager de demander l'explication voulue au cours

24 d'un tel contre-interrogatoire.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, avez-vous quelque

Page 4272

1 chose à ajouter à cela?

2 M. Milosevic (interprétation): Chaque question que je pose ici est

3 pertinente, de façon à apprécier l'ensemble de l'affaire que nous

4 examinons, ici, au procès.

5 Le problème du Kosovo a plus de cent ans. Et, à ce sujet, le témoin se

6 fonde pour justifier sa conduite à la fois sur des questions, sur des

7 événements précis et des questions historiques auxquels il se réfère. Je

8 ne pense donc pas que le contre-interrogatoire devrait être limité en quoi

9 que ce soit.

10 M. le Président (interprétation): Vous savez que la question dont nous

11 avons besoin d'avoir une réponse est de savoir quelle est la pertinence

12 des éléments en question par rapport à l'Acte d'accusation qui vous

13 concerne.

14 Comment sont les choses, qui se passent maintenant, pertinentes par

15 rapport aux événements dont le procès actuel traite les événements qui ont

16 eu lieu avant juin 1999? Comment est-ce pertinent? Telle est la question.

17 M. Milosevic (interprétation): Précisément, parce que maintenant nous

18 voyons que les événements se produisent, des crimes graves contre les

19 Serbes, sur le territoire de la Yougoslavie, et parce que ces crimes très

20 graves qui ont lieu aujourd'hui au Kosovo ainsi que dans d'autres zones, y

21 compris la Bosnie-Herzégovine et plus particulièrement dans la Republika

22 Srpska et ainsi de suite, je ne veux pas développer maintenant sur sa

23 question, mais c'est la conséquence directe d'une politique anti-serbe qui

24 a été suivie pendant plus d'une décennie en vue d'annuler et de modifier

25 les conséquences de la Première et de la Deuxième guerre mondiale.

Page 4273

1 M. le Président (interprétation): N'entrons pas là-dedans pour le moment.

2 Donc ce que vous dites, c'est ceci: c'est que les événements qui ont eu

3 lieu avant la période de l'Acte d'accusation étaient le résultat d'une

4 politique et que les événements couverts par l'Acte d'accusation étaient

5 les résultats d'une politique qui, selon vous, a commencé il y a quelque

6 temps et qui s'est poursuivi. Donc vous dites que c'est une politique

7 cohérente. Est-ce cela ce que vous plaidez? Peut-être pourriez vous

8 répondre par oui ou par non?

9 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui. C'est cela.

10 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons autoriser

11 certaines questions limitées concernant des événements afin que l'accusé

12 puisse développer sa défense, ses moyens de défense. Mais elles seront

13 limitées. Et bien sûr, Monsieur Milosevic, comme vous le savez, il y aura

14 également une limite dans le temps pour ce qui est de ce contre-

15 interrogatoire. Le temps qui aura été pris pour faire valoir les arguments

16 juridiques ne sera pas décompté, bien entendu.

17 Je regrette que vous ayez été retardé, Monsieur Rugova.

18 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que j'ai bien compris? Vous voulez

19 limiter le temps que j'ai pour procéder au contre-interrogatoire?

20 M. le Président (interprétation): Il en sera comme il en a été tout au

21 long du procès, selon le temps disponible. Donc on pourrait peut-être

22 continuer avec des questions pertinentes.

23 M. Milosevic (interprétation): Pourriez-vous, s'il vous plaît, garder à

24 l'esprit alors, lorsque vous pensez à l'élément temps -et vous êtes celui

25 qui apprécie- que pendant plus d'une demi-journée on a entendu

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1 l'interrogatoire principal plus le fait qu'on a eu 85 points dans des

2 documents, plus 10 pages de déclaration de témoins, alors si on additionne

3 le tout équivaudrait à peu près à deux jours. Pour ce qui est de la

4 pratique de votre Institution, nous voyons que pour des affaires beaucoup

5 moins importantes, l'interrogatoire a continué pendant plus de trois

6 jours. Alors je ne pense pas qu'il y ait des motifs pour restreindre le

7 temps.

8 M. le Président (interprétation): Dans ce présent procès, il y aura des

9 limites autant disponibles pour l'interrogatoire et pour éviter une perte

10 de temps.

11 (Reprise du contre-interrogatoire du témoin, M. Ibrahim Uke Rugova, par

12 l'accusé M. Milosevic.)

13 M. Milosevic (interprétation): Et vous indiquerez lesquelles de mes

14 questions sont des pertes de temps. Mais laissez-moi poursuivre avec des

15 questions précises, une ou deux peut-être.

16 Le 12 mars 1999, dans la République Tchèque, vous avez reçu un prix

17 humanitaire du gouvernement tchèque comme étant la personnalité 1998; le

18 nom de ce prix était "Man in Jeopardy". Je crois que c'était le 12 mars

19 1999. Je suis sûr que vous vous souvenez de l'événement, de la remise de

20 ce prix. Oui ou non?

21 M. Rugova (interprétation): Ce n'était pas le 12 mars, c'était en décembre

22 1998 que je l'ai reçu de l'association "Les peuples en besoin", "People in

23 need". C'était le nom de l'association qui m'a accordé cette récompense

24 que j'ai reçue fin décembre de 1998.

25 Question: Bien. La date n'est pas si importante que cela. Mais c'est en

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1 tous les cas dans le cadre temporel qu'on a arrêté.

2 Est-il vrai qu'à la réception qui a été donnée en votre honneur, l'un de

3 ces rois de la drogue a été arrêté? Son nom était Dobrosi et il a été

4 arrêté par le commandant de la police tchèque, du poste de police centrale

5 pour trafic de drogue. Est-ce exact, oui ou non?

6 Réponse: Je ne sais pas et cela ne m'intéresse pas.

7 Question: Et savez-vous que ce même homme, Dobrosi, pour avoir fait du

8 trafic de drogues dangereuses, a été arrêté dans un pays scandinave en

9 1993, en Norvège. Il a été condamné à 15 ans, mais il a réussi à

10 s'échapper. En Croatie, il a modifié son apparence et a recommencé une

11 opération de trafic de drogue. Il fait l'objet d'une enquête d'Interpol.

12 Réponse: Non, je ne sais pas. Je ne me suis jamais occupé de ces choses-

13 là. Cela ne m'a jamais intéressé.

14 M. Milosevic (interprétation): Donc vous n'avez même pas entendu parler de

15 cet homme et vous ne savez rien quant au financement de l'UCK? C'est cela

16 que vous dites, n'est-ce pas? Répondez oui ou non.

17 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit que cela ne l'intéresse

18 pas, qu'il n'y connaît rien et qu'il n'en sait rien. Passons avec ces

19 allégations générales.

20 M. Milosevic (interprétation): Mais ceci n'est pas une vaste allégation.

21 J'espère que cela démontre le caractère de l'organisation terroriste.

22 Je vais citer maintenant la suite du point où j'étais interrompu il y a un

23 moment par M. May.

24 M. le Président (interprétation): D'où citez-vous?

25 M. Milosevic (interprétation): Je vais vous le dire dans un instant.

Page 4276

1 Je cite une partie, un extrait dans lequel ce sont les Etats-Unis "US

2 Today", qui écrit en ce jour, en octobre 1998, Michael (sans traduction):

3 "Les combattants pour la liberté du Kosovo financés par le crime

4 organisé". Il y a aussi des indications, des photographies de l'Associated

5 Press où l'on voit des membres de l'UCK qui portent des armes et qui sont

6 en uniforme allemand. On voit aussi un certain nombre d'autres points,

7 mais j'ai dit il y a un moment que, si vous n'aimez pas que je fasse des

8 citations, considérez que la citation soit ma réponse directe et donc ce

9 que j'ai dit moi-même.

10 Des suppléments d'aide et d'armes par l'Allemagne et par les Etats-Unis à

11 l'Albanie et aux organisations fondamentalistes islamistes seraient

12 suffisantes pour les transformer d'un mélange de quelques hommes en une

13 force bien financée et bien équipée, avec des armes très modernes.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Rugova, savez-vous quoi que ce

15 soit de ce qu'on est en train de vous dire?

16 M. Rugova (interprétation): Non, je ne sais pas. Je ne me suis jamais

17 intéressé à cela.

18 M. le Président (interprétation): Un instant, nous allons nous consulter.

19 (Les Juges se concertent sur le siège.)

20 Monsieur Milosevic, nous avons examiné la question de savoir si ces

21 questions étaient pertinentes ou non. Cela concerne l'UCK.

22 Ce témoin n'a rien à voir avec l'UCK. Vous avez posé des questions pour

23 savoir s'il connaissait quoi que ce soit de l'UCK. Ce témoin n'y connaît

24 rien. Il représente un parti politique, comme vous l'avez entendu. Vous

25 pouvez lui demander quels sont ses éléments de preuve, mais nous avons

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1 perdu beaucoup de temps pour ces questions et pour les citations qui ont

2 été faites. Si, en temps utile, vous voulez présenter des faits, nous les

3 examinerons à propos de ces questions. Mais si nous continuons d'aller en

4 ce sens, c'est sans objet et nous serons obligés de dire que ce n'est pas

5 pertinent.

6 M. Milosevic (interprétation): Vous n'avez pas besoin de mettre en doute

7 ces citations. Ce sont mes questions.

8 Le deuxième point est que le témoin lui-même -pour autant que je puisse me

9 rappeler sa déclaration- a dit que de nombreux membres de son parti

10 avaient rejoint l'UCK, ce qui veut dire que le témoin, qui était à la tête

11 de ce parti, avait beaucoup à voir avec l'UCK.

12 Je suppose que ce n'est pas quelque chose dépourvu de pertinence ou qui

13 est contesté.

14 M. le Président (interprétation): Vous pouvez maintenant passer à une

15 autre question.

16 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je voudrais précisément lui poser

17 la question suivante.

18 Est-ce que ce que je demande maintenant sous forme de question -oubliez le

19 fait que c'était une citation-…

20 M. le Président (interprétation): Non, nous n'allons pas autoriser cette

21 question. Passez à un autre sujet s'il y a autre chose que vous voulez

22 demander au témoin, en particulier sur ce qu'il a dit dans sa déposition.

23 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que ceci veut dire que vous limitez

24 mes possibilités de lui poser des questions sur le caractère terroriste de

25 l'UCK?

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1 M. le Président (interprétation): Oui. Vous l'avez fait depuis 20 minutes.

2 Le témoin a dit qu'il ne peut pas nous assister: il est sans objet de

3 continuer dans ce sens. Vous pourrez demander à d'autres témoins, vous

4 pouvez présenter des éléments à ce sujet. Mais pour le moment, nous

5 décidons que c'est dépourvu de pertinence dans le cadre de ce contre-

6 interrogatoire.

7 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous -ça c'est une question qui

8 s'adresse à vous, Monsieur Rugova-, savez-vous qu'ici, ce sont

9 essentiellement des membres de l'UCK qui avaient des personnes sous leur

10 contrôle? Je veux dire celles qui passaient du Kosovo, qui viennent

11 déposer ici.

12 M. le Président (interprétation): Mais ceci n'a rien à voir avec le

13 témoin! Posez une autre question.

14 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous conscient du fait que ce qui se

15 passe ici ouvre la voie à des conflits de longue durée à l'avenir et pas

16 du tout à l'obtention d'une solution? Etes-vous conscient des conséquences

17 à long terme de tout cela?

18 M. Rugova (interprétation): Je ne sais pas de quoi vous parlez. Je ne sais

19 pas à quoi vous faites allusion. La situation actuelle au Kosovo est

20 positive.

21 Si je ne suis pas hors sujet, permettez-moi de dire quelque chose. Il y a

22 quand même un progrès au Kosovo et il y a une perspective de clore les

23 conflits au Kosovo. La réalité qui se développe au Kosovo le prouve et la

24 participation de tous les groupes ethniques et des citoyens dans les

25 institutions de Kosovo justement contribuent à la disparition des

Page 4279

1 conflits. Je vous remercie.

2 M. Milosevic (interprétation): Vous savez que la Serbie n'a pas été

3 effrayée, même face à des sanctions de longue durée, même face à

4 l'agression de l'OTAN? Supposez-vous que la Serbie va avoir peur de ce

5 Tribunal qui est un moyen de guerre?

6 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, si vous pensez

7 pouvoir utiliser ce contre-interrogatoire en abusant des possibilités qui

8 vous sont données par ce contre-interrogatoire pour faire des commentaires

9 et des discours politiques, vous serez interrompu. Votre contre-

10 interrogatoire se terminera.

11 Maintenant, si vous voulez continuer à contre-interroger le témoin,

12 faites-le en bonne et due forme.

13 M. Milosevic (interprétation): Bon, très bien. Je vais poursuivre.

14 Monsieur Rugova, cela fait de nombreuses années que vous affirmez que vous

15 avez toujours été favorable à des solutions pacifiques. La question que je

16 vous pose est la suivante: pourquoi avez-vous renoncé à la solution

17 pacifique? Sont-ce les grandes puissances qui vous ont contraint à cela ou

18 bien la réalité est-elle que vous n'y avez jamais cru? Qu'est-ce qui est

19 exact entre ces deux solutions?

20 M. Rugova (interprétation): J'ai toujours travaillé pour une solution

21 pacifique. J'y ai cru et j'ai travaillé pendant plus de dix ans; j'étais

22 toujours à la recherche. Mais il y a aussi l'autre côté de la médaille

23 qu'au cas où il n'y a plus de résultat, il faut s'attendre à des réactions

24 inattendues, comme il est arrivé. Parce que Belgrade n'était pas pour une

25 solution pacifique et pour une solution politique. L'accusé non plus. Il y

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1 a eu des chances, des possibilités; on a continué plutôt par la violence

2 parce que le but était la purification du Kosovo. Ceci a continué pendant

3 dix ans. C'était une calme purification ethnique sous la pression; et

4 surtout après les attaques, les confrontations. Nous savons tous ce qui

5 s'est passé en 1998, en 1999. Donc voilà une brève réponse.

6 Question: Oui, mais aujourd'hui, en réponse aux questions de

7 l'interrogatoire principal, vous vous êtes lancé chaque fois dans des

8 explications destinées à montrer que, concrètement, aucune des rencontres

9 que vous avez eues avec moi ou avec Milutinovic, vous n'y avez participé

10 de votre plein gré. Lors d'aucune de ces rencontres, vous n'avez estimé

11 qu'elle pouvait aboutir à une conclusion.

12 Nous reviendrons plus tard sur les explications que vous avez fournies à

13 cet égard. Mais la question que je vous pose est la suivante: dans ces

14 déclarations au sujet desquelles vous dites que vous les avez signées sous

15 la contrainte, que trouve-t-on d'autre que la nécessité de régler les

16 problèmes par la voie pacifique?

17 Pourquoi est-ce que vous vous défendez contre la signature de ces

18 déclarations, alors qu'elles ne stipulent rien d'autre que la nécessité de

19 régler les problèmes par la voie pacifique?

20 Réponse: S'il vous plaît, ce n'étaient pas des rencontres, des

21 discussions. Moi, j'étais en situation de prisonnier. C'étaient des

22 rencontres qui ont été faites contre ma volonté et sous contrainte; ce

23 n'était pas vraiment le moment de discuter. Quand on a eu vraiment des

24 discussions, des négociations à Rambouillet, la délégation de Belgrade et

25 l'accusé non plus n'ont pas voulu prendre en considération cet accord

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1 donc.

2 Alors que les faits que vous citez, c'était là le moment où vous avez

3 décidé de ne pas accepter l'accord. C'est le moment, il y a eu un moment

4 où on nous a dit ouvertement, aux deux délégations: "Qui n'accepte pas

5 sera puni". Cela, ça tient debout. Cela reste.

6 Question: Nous reviendrons sur Rambouillet plus tard. Pour le moment, je

7 vous demande ce qui vous motive en ce moment à vous défendre d'avoir signé

8 une déclaration dans laquelle on trouve simplement une phrase stipulant

9 qu'un accord a été conclu pour que les problèmes du Kosovo soient résolus

10 par des voies pacifiques et politiques. De quoi vous défendez-vous? Et que

11 cherchez-vous à justifier ici, aujourd'hui, devant ce Tribunal?

12 Réponse: Ce n'est pas une justification. C'est la vérité.

13 Question: Nous reviendrons là-dessus également. Dites-moi, de quand datent

14 vos premières rencontres avec les responsables politiques allemands?

15 Réponse: S'il vous plaît, si cela concerne l'affaire, d'accord, je peux

16 vous dire que j'ai eu beaucoup de rencontres. Pas seulement avec des

17 Allemands, des hommes politiques allemands, mais avec d'autres hommes

18 politiques, des Français, des Anglais, ou des Etats-Unis, des Américains.

19 Et nous avons discuté de la situation au Kosovo et de ce qui se passait au

20 Kosovo. Mais je ne vois pas que ces faits soient pertinents. Si je

21 m'exprime de façon juridique, je ne vois pas l'évidence de ces faits, vu

22 l'affaire.

23 Question: Je ne vous interroge pas au sujet des autres. Je ne vous demande

24 pas non plus combien de contacts vous avez eus dans ce domaine. Je vous

25 demande simplement à quand remontent vos premiers contacts avec des

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1 responsables politiques allemands?

2 Réponse: Je n'en vois pas la pertinence. Mais c'est vers 1989, jusqu'en

3 1991 j'ai parlé avec les représentants de tous ces Etats pour essayer de

4 trouver une solution et de parler de ce qui se passait au Kosovo.

5 Je ne souffre pas des théories de conspiration. Excusez-moi si j'exagère

6 un peu.

7 Question: A cette époque, donc, c'est-à-dire au début des années 90 ou à

8 quelque autre moment que ce soit, avez-vous entendu et compris les idées

9 développées par certains responsables politiques allemands, à savoir

10 l'élimination, le démantèlement de la Yougoslavie issus du Traité de

11 Versailles?

12 Réponse: Excusez-moi, Monsieur le Juge, dites-moi si vous considérez qu'il

13 convient de continuer dans ce sens? Je peux. Je n'ai nulle part entendu

14 parler d'un plan ou d'une idée du démantèlement de la Yougoslavie issu du

15 Traité de Versailles. On est 50 ans après la guerre. C'est le mur de

16 Berlin, c'est la fin de la guerre froide, c'est le départ de la démocratie

17 dans le monde de l'Est post communiste. C'est un autre monde, dans un

18 autre contexte. C'est le contexte des droits de l'homme, un sujet actuel

19 pour le contexte. Je ne crois pas du tout raisonnable… et je n'ai pas

20 envie d'entrer dans des polémiques concernant ce sujet-là.

21 M. Milosevic (interprétation): Mais est-il exact que c'est précisément

22 après la chute du mur de Berlin et après l'unification de l'Allemagne que

23 ces idées que j'ai évoquées tout à l'heure ont refait surface, oui ou non?

24 M. le Président (interprétation): Le témoin n'est pas d'accord avec la

25 prémisse selon laquelle des idées de ce genre auraient existé. Vous ne

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1 pouvez donc pas parler du fait qu'elles ont refait surface. Posez d'autres

2 questions.

3 M. Milosevic (interprétation): J'ai d'autres questions, bien sûr, mais

4 s'agissant du fait que ces idées ont été évoquées, il y a des déclarations

5 de certains responsables allemands de l'époque qui affirmaient qu'il

6 fallait démanteler la Yougoslavie issue du Traité de Versailles, etc. etc.

7 Mais enfin, ce n'est pas le moment ici pour que je vous les soumette et

8 qu'on en discute.

9 Monsieur Rugova, selon vous, à la fin du siècle dernier dans quelle mesure

10 le soutien apporté par les Allemands aux unités albanaises, pendant la

11 Deuxième Guerre mondiale, le soutien apporté également par Hitler et

12 Mussolini, dans quelle mesure ceci a-t-il eu un effet positif sur les

13 événements de la fin du siècle dernier?

14 M. le Président (interprétation): Eh bien, cette question -comme je

15 l'entends de la bouche des interprètes, à savoir un soutien à la fin du

16 siècle dernier et le soutien allemand pendant la Deuxième Guerre mondiale-

17 me semble sortir considérablement du champ de l'interrogatoire principal.

18 M. Rugova (interprétation): Ce n'est pas vrai, c'est hors sujet.

19 M. le Président (interprétation): Merci. Oui.

20 M. Milosevic (interprétation): Est-il exact que la milice fasciste

21 albanaise présente à l'Ouest du Kosovo durant la Deuxième Guerre mondiale

22 a expulsé plus de 100.000 Serbes et a introduit un nombre égal d'habitants

23 en provenance d'Albanie, à peu près? Ce fait est-il exact?

24 M. le Président (interprétation): Quelle est la pertinence de cela? Quelle

25 est la pertinence de ces événements survenus il y a 50 ans par rapport à

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1 l'Acte d'accusation dans la présente affaire?

2 M. Milosevic (interprétation): La pertinence, c'est que ce sont ces mêmes

3 idées qui ont permis à l'époque aux Albanais du Kosovo de former la 21e

4 Division SS. Ce sont ces mêmes idées qui ont eu une influence.

5 M. le Président (interprétation): Je déclare que ceci n'est pas pertinent

6 dans le cadre de la déposition du témoin.

7 Monsieur Rugova, nous n'allons pas remonter aussi longtemps dans le temps.

8 Pourquoi, Monsieur Milosevic, ne traitez-vous pas des questions dont le

9 témoin a débattu dans sa déposition de ce matin?

10 M. Milosevic (interprétation): Il a dit dans sa déposition, entre autres,

11 avoir reçu un appui de l'étranger. Ce que je m'efforce de faire, c'est de

12 définir le contexte de ce soutien. Vous dites, Monsieur le Président, que

13 ce n'est pas pertinent. Mais je vous propose de jeter un coup d'œil à ce

14 qui est écrit dans le journal…

15 M. le Président (interprétation): Poursuivons le contre-interrogatoire.

16 Monsieur Rugova, nous n'allons pas poursuivre ce débat.

17 Monsieur Milosevic, parlez de quelque chose de pertinent.

18 M. Milosevic (interprétation): Je vous dis, par exemple, que, pour le mois

19 de mai 1999, les affaires étrangères considéraient que c'était pertinent.

20 Vous pouvez lire l'article de Chris Hegis (phon.) qui est tout à fait

21 pertinent, à mon avis.

22 Mais je comprends quel est votre avis et je vais donc poursuivre avec des

23 questions que vous considérerez peut-être pertinentes, car il ressort de

24 la lecture de cet article que de nombreuses personnes, un peu partout en

25 Europe, qui se sont exprimées sur ce sujet, n'ont pas dit la vérité. Je

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1 cite de très nombreux articles.

2 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas continuer à débattre

3 de multiples avis au sujet de ce qui appartient à l'histoire. Soit vous

4 posez des questions pertinentes, soit nous mettons un terme à ce contre-

5 interrogatoire.

6 M. Milosevic (interprétation): Bien, je vais poursuivre avec des questions

7 dont vous ne pourrez pas dire qu'elles ne sont pas pertinentes

8 puisqu'elles ont trait au témoin.

9 Monsieur Rugova, je ne vais pas reprendre les éléments abordés par M.

10 Nice, c'est-à-dire l'endroit où vous êtes né, l'endroit où vous avez fait

11 vos études. Je suppose que tout cela était exact. Mais dans votre

12 jeunesse, vous êtes devenu membre de la Ligue des communistes de

13 Yougoslavie.

14 Vous vous êtes prononcé en faveur de la fraternité et de l'unité jusqu'en

15 1999, n'est-ce pas? Est-ce exact?

16 M. Rugova (interprétation): Je vous en prie, c'est une question qui n'est

17 pas pertinente. Je ne vois pas l'intérêt. Mais bon, c'est vrai, j'ai

18 grandi, j'ai été scolarisé au Kosovo. J'ai été membre de la Ligue

19 communiste parce que, pour trouver un travail, pour être protégé, on avait

20 besoin, parce qu'il était difficile de se trouver un job. Ce n'était pas

21 mes convictions, ce n'était pas par conviction que j'étais membre. Je ne

22 vois pas l'intérêt pour l'accusé, parce que, comme nombre d'intellectuels

23 du Kosovo ou de République de l'ex-Fédération, c'était pareil. Si vous

24 voulez qu'on parle de communisme, je ne veux pas abuser, donc les idées de

25 fraternité et de l'union, unité et fraternité; ce sont des idées propagées

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1 et inventées par Belgrade. Donc je ne vois pas du tout la pertinence de

2 ces faits.

3 Question: Il me semble que ce mot "pertinent", utilisé par M. May vous

4 plaît beaucoup. Mais je pense que c'est pertinent parce que, si vous avez

5 écouté avec attention, j'ai le droit de vous interroger, y compris au

6 sujet de votre crédibilité. Ceci fait partie des questions pertinentes.

7 Donc ma question suivante est la suivante: en tant que membre de la Ligue

8 des communistes, en 1998, vous êtes devenu membre de l'Association des

9 écrivains du Kosovo. C'est exact ou ce n'est pas exact?

10 Réponse: Non, pas comme membre, j'y étais en tant qu'écrivain. C'est une

11 association professionnelle qui est une association qui existait dans tous

12 les segments de l'ex-Fédération. J'ai dirigé cette association pendant de

13 longues années. C'est une des premières associations qui a protégé les

14 valeurs culturelles du Kosovo. L'accusé doit se souvenir, à l'époque où il

15 a commencé son activité politique -mais là je ne veux pas en parler trop,

16 il était en plein élan-, c'est à ce moment-là justement que les

17 institutions du Kosovo ont commencé à être démolies.

18 Il s'agit là d'une association d'intellectuels du Kosovo. Ils n'ont pas

19 cédé. Ils ont justement protesté pour protéger les valeurs culturelles du

20 Kosovo de la majorité des Albanais qui se trouvaient, qui vivaient dans

21 cette zone, et les droits de l'homme également des citoyens de Kosovo.

22 Et il est connu qu'à l'époque, les autres associations, l'association de

23 la Serbie, l'association serbe a voulu que l'association albanaise

24 disparaisse. C'était le moment où l'on parlait de démocratie. Les

25 écrivains parlaient plus que les autres. Mais malheureusement, on parlait

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1 aussi que Belgrade domine les autres. Donc c'était une autre époque et il

2 y avait de nouveaux événements qui surgissaient après la chute de la

3 guerre froide, après la fin de la guerre froide. Voilà. C'est tout.

4 Question: Qui a exigé le démantèlement de l'association des écrivains du

5 Kosovo, ce que vous venez de dire à l'instant?

6 Réponse: Monsieur le Juge, malheureusement c'étaient des collègues

7 écrivains serbes. Mais je n'ai pas envie d'entrer dans ces polémiques-là.

8 Question: Est-ce que je vous ai bien compris? Vous affirmez que ce sont

9 des écrivains serbes qui ont exigé le démantèlement de l'association des

10 écrivains dont vous faisiez partie? Est-ce que je vous ai bien compris?

11 Répondez simplement par oui ou par non.

12 Réponse: Oui, oui, oui, je l'ai dit tout à l'heure aussi.

13 Question: Bien, merci.

14 Mais, dites-moi, le fait que vous ayez été un membre actif de la ligue des

15 communistes vous a-t-il aidé dans votre carrière à l'université, à

16 l'institut albanais de Pristina, par exemple? Cela vous a-t-il aidé à

17 devenir le rédacteur en chef de "Bota e Re" et de "Dituria", deux

18 magazines? Est-ce que cela vous a apporté une aide, oui ou non?

19 Réponse: S'il vous plaît. Disons que c'est mon travail qui m'a aidé et mes

20 oeuvres qui m'ont aidé. C'est comme cela qu'on fait carrière. Je n'étais

21 pas un homme politique communiste. J'étais un simple membre du parti qui

22 était au pouvoir et c'était une condition. Je parlais au moins de ce qui

23 se passait au Kosovo. Il y a toujours eu des restrictions, que ce soit

24 clair.

25 Pour avoir un travail et la carrière, je l'ai faite grâce au résultat de

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1 mon travail, grâce à mon caractère, grâce à mes caractéristiques morales.

2 C'est tout. Je n'ai pas envie d'ajouter autre.

3 Question: Il y a un instant, vous avez dit être devenu membre de la Ligue

4 des communistes de Yougoslavie pour des raisons officielles, pour

5 bénéficier dirai-je d'une certaine protection et de bénéficier de certains

6 privilèges.

7 Ce que vous venez d'affirmer veut-il dire que l'appartenance à la Ligue

8 des communistes n'a eu aucune incidence sur votre évolution dans toutes

9 ces instances que je viens d'évoquer?

10 M. Rugova (interprétation): Je vous en prie, je vous en prie, je trouve

11 cette question si impertinente que les autres. On ne se trouve pas dans

12 une école avec des élèves et des instituteurs. Je ne suis pas là… je vous

13 ai dit, ma carrière, je l'ai faite grâce à mon travail. Mais je vous dis,

14 je vous reconfirme: au Kosovo, il était très difficile de se trouver un

15 travail, alors que dans d'autres zones de l'ex-Fédération, quelque part

16 c'était plus facile, quelque part c'était plus difficile. Mais je ne veux

17 pas en faire un problème idéologique, je ne me suis jamais occupé de cela.

18 Je ne le fais pas et je ne le ferais pas. Donc je le trouve impertinent,

19 ce fait.

20 Qu'on ne s'occupe pas de mon caractère, qu'on ne s'occupe pas de mes

21 caractéristiques morales. Je ne le trouve pas non pertinent. Je suis un

22 témoin. Je ne suis pas au banc de l'accusé.

23 M. le Président (interprétation): Bien sûr, vous n'êtes pas au banc des

24 accusés. Bien sûr, vous êtes un témoin. Mais peut-être pourriez-vous

25 répondre aux questions si elles sont pertinentes.

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1 M. Rugova (interprétation): J'ai dit ce que j'avais à dire. Je n'ai pas

2 d'autres réponses à vous donner. J'ai dit ce que j'avais à dire.

3 M. Milosevic (interprétation): Vous étiez directeur de "Bota e Re" un

4 journal étudiant. Avez-vous eu le moindre problème, la moindre

5 restriction, la moindre contrainte venant des instances gouvernementales

6 de Serbie ou de Yougoslavie dans le travail que vous effectuiez pour ce

7 journal, dont le titre signifie "Le nouveau monde".

8 M. Rugova (interprétation): Je n'en vois pas l'importance. Je travaillais

9 pour ce magazine. J'ai eu des problèmes avec les autorités serbes du

10 Kosovo puisque nous étions la nouvelle génération à Prishtina et on ne

11 s'entendait pas. Mais à l'époque c'étaient les autorités du Kosovo...

12 Mais je ne vois pas la pertinence de ce genre de questions, Messieurs les

13 Juges.

14 M. Robinson (interprétation): C'est à nous qu'il appartient de déterminer

15 la pertinence. Répondez aux questions simplement, sans vous prononcer sur

16 ce point.

17 M. Rugova (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président, j'ai

18 déjà donné la réponse que j'avais à donner. Si vous pensez qu'on va entrer

19 dans ma biographie depuis cette époque à aujourd'hui. Bon d'accord. Sinon,

20 dites-moi: "Ça y est, c'est fini. Au revoir".

21 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, poursuivez.

22 M. Milosevic (interprétation): Vous dites avoir eu des problèmes.

23 Est-il exact que, par rapport à ce journal en langue albanaise, "Bota e

24 Re" dont vous étiez rédacteur en chef, les étudiants qui parlaient serbe

25 avaient également un journal dont le titre était "Le nouveau monde"?

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1 Est-il exact que le journal étudiant en langue albanaise paraissait une

2 fois par semaine, alors que le journal en langue serbe ne paraissait

3 qu'une fois par mois et avait un nombre de pages moins importantes?

4 Est-ce exact cela? Au moins, cela vous devez le savoir.

5 M. Rugova (interprétation): Je n'en vois pas la nécessité. C'était un

6 journal des étudiants en langue albanaise et puis en langue serbe et

7 croate. Les journaux, ces journaux paraissaient à l'époque. Il n'y en

8 avait pas d'autre qui paraissait.

9 Question: Bon. Vous étiez également rédacteur en chef du journal

10 "Dituria". Le gouvernement vous a-t-il jamais empêché de faire sortir ce

11 journal? Avez-vous subi les moindres problèmes de la part du gouvernement

12 dans ce journal, dans cet autre journal?

13 Réponse: J'ai déjà répondu en ce qui concerne. Je vous ai parlé des

14 nouvelles idées. Il y a eu des critiques, il y a eu des problèmes

15 différents qui en sortaient, mais je ne pense pas que ce soit une question

16 qui intéresse la Cour.

17 Question: Est-ce que ces problèmes ont eu une importance par rapport à la

18 publication du journal?

19 Réponse: C'était en effet un journal scientifique publié par les étudiants

20 qui s'appelait "Dituria" et on a continué à publier cette revue, avec ou

21 sans problème.

22 Question: En 1989, vous avez signé l'appel de 215 intellectuels du Kosovo;

23 je crois que vous en avez parlé déjà. Cet appel était opposé à

24 l'amendement de la Constitution serbe, n'est-ce pas?

25 Réponse: Oui. Ceci est vrai. Plus de 200.

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1 M. Milosevic (interprétation): Bien. Cet appel que vous avez signé, vous

2 l'avez intitulé "l'appel des intellectuels du Kosovo", "appel des

3 intellectuels du Kosovo". C'est bien cela?

4 M. Rugova (interprétation): A l'époque, il n'y avait pas de partis

5 politiques. C'étaient les intellectuels qui enseignaient. Après la

6 suppression du statut fédéral du Kosovo, c'est à ce moment-là que ceci

7 s'est passé. On a fait un appel pour que cela ne se produise pas. Mais

8 malheureusement, il y a eu 240 intellectuels qui, de façon secrète, fin

9 mars, début avril de 1989, ont été arrêtés et on les a envoyés quelque

10 part, déportés en Serbie, et ailleurs. Pendant trois semaines, on ne

11 savait rien de ce qui se passait avec eux. On savait seulement qu'ils

12 n'étaient pas au Kosovo, mais on ne savait pas où ils se trouvaient.

13 Après, on a appris par quelqu'un en provenance d'autres Républiques qu'ils

14 se trouvaient en Serbie, qu'ils avaient été maltraités jusqu'à la mort.

15 Il y avait des intellectuels provenant de l'intelligentsia technique,

16 travaillant dans les sciences humaines, différents intellectuels. C'est

17 après l'intervention de plusieurs associations internationales qu'on a

18 fini par apprendre quelque chose sur leur destin. Ensuite, une partie a

19 été libérée, mais ils ont passé trois mois dans des prisons de la Serbie,

20 surtout à Leskovac, mais aussi à Belgrade et à d'autres endroits. Ils ont

21 subi des jugements arbitraires. Donc ce sont des gens qui en subissent

22 encore les conséquences aujourd'hui.

23 M. le Président (interprétation): Nous nous écartons de la question.

24 M. Milosevic (interprétation): Nous parlerons de cela un peu plus tard.

25 Mais de la bouche des interprètes qui interprètent de l'albanais, j'ai

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1 entendu les mots "trois jours", puis "trois semaines", puis "trois mois".

2 Donc j'aimerais que l'on demande confirmation de façon que je sache ce que

3 le témoin a dit. Le témoin affirme-t-il qu'il s'agit de trois jours, trois

4 semaines ou trois mois? Au compte rendu d'audience en anglais, vous

5 trouvez ces trois durées différentes qui sont mentionnées.

6 Ma question avait pour objet la chose suivante… C'est la première chose

7 que j'entends parler de cela, d'ailleurs je ne pouvais pas le savoir.

8 Ma question était la suivante: le titre était "Appel des intellectuels du

9 Kosovo". A cette question, vous avez répondu oui. Cela signifie-t-il que,

10 parmi les signataires, se trouvaient également des intellectuels

11 appartenant à d'autres peuples du Kosovo, des Serbes, des Turcs, des Roms,

12 des Musulmans, des Gorani, des Croates ou bien les signataires de cet

13 appel n'étaient-ils que des Albanais?

14 Réponse: Je vous ai dit: pendant trois semaines, on ne savait rien de ce

15 qui se passait et alors qu'on les a libérés au bout de trois mois. Il

16 s'agissait surtout des intellectuels albanais.

17 Question: Je ne vous demande pas de répondre par "surtout". Je vous

18 demande si, parmi les signataires de cet "appel des intellectuels du

19 Kosovo", comme vous l'avez intitulé ce texte, il y avait des Serbes, des

20 Turcs, des Croates, des Roms, des Gorani, etc. Y en avait-il ou pas?

21 Réponse: C'était des Albanais, parce que c'est sur les intellectuels

22 albanais qu'on exerçait de la pression. Ce sont eux qui ont protesté,

23 comme la majorité de la population du Kosovo, contre la suppression du

24 statut du Kosovo. Il y a eu d'autres qui étaient mécontents de la

25 situation, mais qui n'ont pas osé signer ce document.

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1 Question: Dans une de mes questions antérieures, je vous ai demandé,

2 lorsque vous parlez des Kosovars, si vous parliez uniquement des Albanais;

3 vous avez répondu non. Alors que, dans l'exemple concret que nous venons

4 d'aborder, vous démontrez bien que, lorsque vous parlez des intellectuels

5 du Kosovo, vous ne pensez qu'aux intellectuels albanais puisque, selon

6 vous, personne d'autre n'a signé cet appel. C'est exact ou pas?

7 Réponse: Ne mélangeons pas les choses. J'ai parlé d'un geste, geste des

8 intellectuels albanais. Malheureusement, il y avait d'autres intellectuels

9 aussi, serbes ou d'autres groupements ethniques, qui étaient d'accord avec

10 ce geste, qui étaient pour. L'accusé le sait très bien; il sait très bien

11 ce qui s'est passé à l'époque au Kosovo. Il sait ce qui s'est passé.

12 Moi, lors de mon témoignage, en répondant à l'accusation, j'ai répondu à

13 la question. Donc j'ai dit que le Kosovo appartient à tous, à tous les

14 Kosovars. Parce qu'on parle aujourd'hui d'une autre situation. Mais le but

15 à l'époque était de détruire les relations entre les groupes ethniques au

16 Kosovo, entre les appartenances ethniques au Kosovo. Il ne faut pas

17 mélanger les questions. Aujourd'hui, j'ai dit que c'est une autre

18 situation; je vous ai parlé de la situation au Kosovo actuel et, en tant

19 que Président du Kosovo, j'en suis responsable. Je suis responsable de

20 tous les citoyens du Kosovo, de tous ceux qui vivent au Kosovo et de

21 toutes les institutions du Kosovo, y compris la Minuk et la KFOR.

22 Question: Et êtes-vous responsable de l'expulsion des 360.000 Serbes et

23 autres non-Albanais?

24 Réponse: S'il vous plaît, Monsieur le Président, si vous considérez que je

25 dois aller dans ce sens, dites-moi.

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1 Non, il n'est pas vrai. Ceci s'est produit après le 12 juin. Il y avait

2 une énorme propagande de Belgrade. L'OTAN arrivera pour tuer les Serbes,

3 etc., etc.; je parle là des Serbes locaux. Ils ont été mêlés aussi à

4 certains crimes, mais bon, excusez-moi, il y a eu plus de 100.000

5 policiers, paramilitaires, volontaires serbes au Kosovo, qui ont

6 perpétré...

7 Donc ce n'est pas vrai. Quand on parle de 5.000, de ces chiffres-là, ce

8 n'est pas vrai. Au Kosovo, il y a toujours eu des Serbes et il y a eu un

9 nombre, mais ce n'est pas celui qu'on annonce aujourd'hui, dont on parle

10 tellement. Je vous parle de la situation actuelle de la société qu'on est

11 en train de construire.

12 Nous avons quand même un progrès dans ce sens. Les Serbes qui se trouvent

13 au Kosovo sont libres de circuler. On essaie de garantir la libre

14 circulation de tous, la prospérité pour tout le monde, sur tout le

15 territoire du Kosovo. Mais n'oublions pas qu'on a vécu dans l'enfer, qu'on

16 a passé une guerre. Mais, de toute façon, on a fait des pas rapides car,

17 en général, les Kosovars sont un peuple tolérant. Je parle de tous, là. Il

18 nous faut encore du temps, bien sûr, pour aller vers le mieux.

19 Je vous remercie.

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Rugova, ce n'était pas ma

21 question. Ma question était: est-ce que vous vous considérez comme

22 responsable? Parce que vous avez dit précédemment, dans une autre réponse,

23 que vous étiez le Président et que vous étiez responsable.

24 M. le Président (interprétation): Il a déjà répondu. Passons cela. Ça

25 suffit en ce qui concerne ce présent point.

Page 4295

1 M. Milosevic (interprétation): Comme vous soutenez que ce que j'ai dit

2 n'est pas vrai, dites-moi, s'il vous plaît, combien de Serbes et autres

3 habitants non-Albanais ont été expulsés du Kosovo. Dites-nous ici,

4 maintenant, en public, combien de Serbes et non-Albanais ont été expulsés

5 du Kosovo.

6 M. le Président (interprétation): A quelle période pensez-vous? Est-ce que

7 c'est dans la période couverte par l'Acte d'accusation?

8 M. Milosevic (interprétation): Au cours de la période qui va du 10 juin

9 1999, pour laquelle il porte la responsabilité, jusqu'au jour

10 d'aujourd'hui, combien de Serbes, de Monténégrins, de Musulmans, de

11 Croates, de Turcs ont été expulsés du Kosovo?

12 M. le Président (interprétation): Nous allons examiner si ceci est

13 pertinent.

14 (Les Juges se consultent sur le siège.)

15 Oui. Nous avons entendu les questions. Vous avez posé des questions

16 concernant la situation récente. Ceci va au-delà du cadre prévu.

17 Avez-vous des questions concernant la déposition qu'il a faite? On a perdu

18 beaucoup de temps jusqu'à maintenant au cours de l'heure et demie.

19 M. Milosevic (interprétation): Oui, j'ai encore beaucoup de questions à

20 poser, Monsieur May, mais compte tenu du fait que j'ai le droit de mettre

21 à l'épreuve la crédibilité du témoin et que le témoin a lui-même indiqué

22 quelles étaient sa position et ses responsabilités, je suppose que le

23 témoin devrait savoir combien de Serbes et autres non-Albanais ont été

24 expulsés du Kosovo.

25 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas autoriser cette

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1 question. On en a entendu suffisamment à cet égard. Cela ne concerne pas

2 la crédibilité du témoin.

3 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que cette question-ci sera permise?

4 Est-ce que le témoin sait combien de Serbes ont été tués pendant cette

5 période ou ont été enlevés pendant cette période? Peut-il répondre à cette

6 question ou est-ce que ceci est interdit aussi?

7 M. le Président (interprétation): Nous allons autoriser le témoin à

8 répondre à ces questions s'il le peut. Et ce sera tout sur ce point.

9 Pouvez-vous nous aider, Docteur Rugova, avec la question de l'expulsion,

10 les meurtres et les enlèvements de Serbes, telle qu'alléguée, depuis le 10

11 juin 1999?

12 M. Rugova (interprétation): Je vais... J'ai déjà donné la réponse lors

13 d'autres questions, mais je vais répondre brièvement.

14 Après le 10 juin, une partie des Serbes ont quitté Kosovo, car la

15 propagande leur disait que l'OTAN les tuerait. En effet, la KFOR aussi

16 bien que l'OTAN les ont protégés et la MINUK... Nous aussi, nous sommes en

17 train de faire des efforts, de prendre note, d'avoir toutes les références

18 avec lesquelles la Croix-Rouge travaille, pas seulement pour les Serbes,

19 mais pour d'autres disparus également, dont on ne connaît pas la situation

20 actuelle. Il y a encore 300 cimetières, fosses communes qui n'ont pas été

21 encore découvertes au Kosovo, comme c'était le cas aussi en Serbie. Peut-

22 être une partie de ces gens-là se trouvent en Serbie. On ne dispose pas

23 encore de chiffres complets, mais peut-être il y a eu des cas de meurtre

24 ou autres, et on est en train de faire de notre mieux pour éclairer ces

25 cas de figure et que les coupables soient punis par les tribunaux qui

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1 fonctionnent au Kosovo et d'autres institutions de ce genre.

2 Il s'agit en tout de 4.000 disparus au Kosovo, dont la plupart des

3 Albanais. Mais nous ne disposons pas encore des informations complètes.

4 Question: Alors, comme vous dites que vous savez en ce qui concerne les

5 Albanais, combien de Serbes sont considérés comme disparus?

6 Réponse: Je vous ai dit la majorité albanaise. Il y a aussi des Serbes

7 disparus. La Croix-Rouge est en train d'établir des listes qui ne sont pas

8 encore complètes. Il y a aussi d'autres questions. Parmi les disparus,

9 j'espère qu'il y a encore des Serbes surtout qui sont vivants et qui se

10 trouvent en Serbie. Car en Serbie, on n'a pas eu accès à les contacter, à

11 contacter les Serbes qui ont quitté Kosovo. Mais on va faire des

12 recherches et on va éclairer cette question.

13 Donc nous sommes en train de travailler là-dessus et les organisations et

14 les institutions au Kosovo travaillent dans ce sens.

15 Question: Parlez-vous des personnes disparus, de Serbes disparus ou de

16 Serbes enlevés? Parlez-vous de Serbes qui ont disparu ou de Serbes qui ont

17 été tués?

18 Réponse: Il y a parmi eux peut-être des tués ou des disparus. Je ne sais

19 pas. Vous parlez de personnes enlevées. Je ne sais pas ce que vous

20 entendez par là.

21 M. Milosevic (interprétation): Je veux dire les milliers de Serbes qui ont

22 été tués, les milliers de Serbes qui ont été enlevés, et les centaines de

23 milliers de Serbes qui ont été expulsés. Ce sont les crimes auxquels je

24 pense, les crimes qui ont eu lieu.

25 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu à ces allégations.

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1 Prenez un autre sujet.

2 M. Milosevic (interprétation): Bon. A cet égard, à ce sujet, une autre

3 question. Compte tenu de la responsabilité à laquelle vous avez vous-même

4 fait allusion et devant cette institution, ici, on parle de l'idée d'une

5 responsabilité de commandement.

6 Est-ce que vous considérez que vous aviez la responsabilité comme

7 supérieur hiérarchique pour les milliers de Serbes qui ont été tués et

8 enlevés ou expulsés?

9 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question qui convient à

10 ce témoin.

11 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous considérez que les chefs

12 d'Etat ou de gouvernement des pays qui…

13 M. le Président (interprétation): Non. Si vous n'avez pas d'autres

14 questions pertinentes, nous allons mettre un terme à cela.

15 M. Milosevic (interprétation): J'ai d'autres questions, bien d'autres.

16 Laissez-moi passer à un autre domaine, parce que je vois qu'on ne va pas

17 me permettre de continuer sur celle-ci.

18 Monsieur Rugova, le Kosovo, d'après la constitution de 1974 était-il une

19 partie constituante du territoire de la Serbie ou pas?

20 M. Rugova (interprétation): Oui, selon cette Constitution Kosovo était

21 membre de la Fédération à plein droit comme la Serbie, la Croatie, la

22 Bosnie et les autres Républiques. Elle ne s'appelait… tout simplement

23 Kosovo ne s'appelait pas "République" parce que Belgrade ne l'a jamais

24 permis. C'est ça, la différence. C'est pour cette raison qu'en 1989, il

25 s'est passé ce qui s'est passé, c'est-à-dire que le Kosovo a été supprimé

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1 du statut de l'ex-Fédération.

2 Question: Je vous pose des questions concernant 1974 et la Constitution de

3 1974.

4 Réponse: Je vous en prie. Cela date de 1974. C'est ce qui s'est passé en

5 1974.

6 Question: Ma question était selon la Constitution de 1974, est-ce que le

7 Kosovo était une partie constituante de la Serbie, oui ou non?

8 Réponse: Elle était partie constituante de l'ex-Fédération, mais selon le

9 gré de Belgrade, on disait qu'elle faisait partie constituante de la

10 Serbie etc. etc. Mais le Kosovo était partie constituante de l'ex-

11 Fédération. Mais Belgrade n'a jamais voulu céder plus que cela au Kosovo.

12 Le Kosovo était partie constituante de l'ex-Fédération avec toutes ces

13 institutions qui réglaient la vie intérieure du Kosovo, les relations

14 extérieures, les relations économiques, les relations avec l'ex-

15 Fédération, donc jouissait d'un statut égale aux autres entités ex-

16 fédérales.

17 Question: Monsieur Rugova, je vous pose une question sur la Constitution.

18 La Constitution à laquelle vous vous êtes référé vous aussi. Et je dis que

19 d'après la Constitution fédérale, après son entrée en vigueur, est-ce que

20 le Kosovo faisait partie de la Serbie selon cette Constitution? Je parle

21 de 1974.

22 Réponse: Je vous en prie. Ceci n'est plus important, car cet Etat, donc

23 l'ex-Fédération n'existe plus et s'est détruite. Donc je n'en vois pas la

24 nécessité d'en donner la réponse.

25 Je vous ai dit ce que c'était. Je vous ai dit qu'elle était le statut du

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1 Kosovo, chose qui a été détruite en 1989.

2 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous parle pas du statut des Albanais

3 au Kosovo, je vous parle de la Constitution. Comme vous connaissez cette

4 Constitution, s'il vous plaît, répondez à ma question.

5 M. le Président (interprétation): Vous avez beau lui poser la question il

6 a donné une réponse. Si vous avez une question différente à poser, posez

7 là. Si vous avez une réponse différente aussi, vous pouvez la donner.

8 M. Milosevic (interprétation): J'ai demandé, j'ai posé une question très

9 simple. Après 1974, est-ce que le Kosovo était une partie constituante de

10 la Serbie? Je ne parle pas de la Serbie.

11 M. le Président (interprétation): Il vous a donné une réponse, Monsieur

12 Milosevic. Sans aucun doute nous pouvons examiner la Constitution pour

13 voir. Il ne sert à rien de répéter sans cesse la même question.

14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je crois que c'est votre

15 devoir de dire au témoin de répondre à la question et non pas de dire

16 qu'il a répondu à la question lorsqu'à l'évidence il ne l'a pas fait.

17 Je ne lui ai pas posé de question sur la Fédération, je lui ai demandé

18 s'il était une partie constituante de la Serbie.

19 M. le Président (interprétation): Il a donné une réponse, la meilleure

20 qu'il pouvait donner. Il n'est pas juriste.

21 M. Milosevic (interprétation): Quelle était sa réponse?

22 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas un juriste. S'il y a eu une

23 partie de la Constitution que vous vouliez citer, vous pouvez le faire.

24 Passons à la suite.

25 M. Milosevic (interprétation): Bien. Puisque vous ne savez pas cela,

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1 savez-vous ceci?

2 Vous dites qu'il n'est pas juriste et donc qu'il n'a pas besoin de

3 connaître la Constitution, bien qu'il s'occupe de politique. Savez-vous

4 combien de députés nationaux du Kosovo faisaient partie de l'Assemblée

5 serbe? Le savez-vous, oui ou non?

6 M. Rugova (interprétation): Je ne connais pas les chiffres exacts. Mais je

7 peux vous dire, je répète, combien de députés il y avait dans le Parlement

8 fédéral, dans les deux chambres du Parlement, et ceci, jusqu'au moment où

9 le statut du Kosovo a été supprimé, en 1989. Et même avant, Belgrade a

10 toujours voulu dire que le Kosovo est représentée par la Serbie au niveau

11 de la Fédération. S'il vous plaît.

12 Question: Monsieur Rugova, je vous parle des membres du Parlement du

13 Kosovo. Il y avait autant de membres du Parlement que proportionnellement

14 au nombre d'habitants du Kosovo, est-ce exact ou non? Est-ce qu'il y avait

15 une représentation proportionnelle, oui ou non? Vous pouvez répondre "je

16 ne sais pas", parce qu'il me semble que c'est la réponse que les

17 personnes, qui siègent dans votre fauteuil pour le moment, préfèrent.

18 Réponse: S'il vous plaît, je ne vois pas l'importance de cette question.

19 Il y a eu un Parlement fédéral en Serbie et ailleurs. Voilà. Je ne

20 comprends pas. Je ne sais pas pourquoi on doit parler de cela.

21 Question: Eh bien, je vous ai demandé si le Kosovo était une partie

22 constituante de la Serbie. Vous n'avez pas voulu répondre. Maintenant,

23 vous ne voulez pas répondre à cette question-ci: à savoir si les députés

24 du peuple du Kosovo étaient membres ou non du Parlement de Serbie.

25 Réponse: Il y avait un Parlement de la Fédération, ensuite un Parlement de

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1 Serbie. Il y avait un Parlement du Kosovo. Donc l'accusé ne veut pas qu'on

2 parle de la Fédération, naturellement. Je ne vois pas l'importance. A mon

3 avis, ce n'est pas important.

4 Et les Assemblées municipales, Monsieur Milosevic?

5 M. le Président (interprétation): Répondez simplement aux questions et

6 nous pourrons progresser.

7 Nous ne sommes pas arrivés à 1989. Nous avons examiné, mais nous n'avons

8 pas traité un seul mot de la déposition qu'il a faite jusqu'à présent.

9 M. Rugova (interprétation): Permettez-moi, Monsieur le Président. J'ai

10 dit, j'ai répondu à plusieurs reprises et je crois que j'ai répondu

11 clairement.

12 Dans des communes, il y avait aussi des assemblées communales selon le

13 système de l'époque. Donc j'ai déjà donné ma réponse. Il y a eu un

14 Parlement fédéral, il y a eu un Parlement de la Serbie, il y a eu un

15 Parlement du Kosovo qui était composé par des Kosovars. Et le Kosovo

16 faisait partie de la Fédération. Naturellement, même au niveau des

17 communes, il y avait des institutions qui fonctionnaient et qui ont été

18 détruites, démolies après l'année 1989.

19 Question: Si le Kosovo faisait partie de la Fédération et pas de la

20 Serbie, pourquoi, dans ce cas, les députés du Kosovo étaient-ils membres

21 du Parlement de Serbie?

22 Réponse: Il y avait un lien, je n'ai pas nié ce lien. C'était un double

23 statut pourle Kosovo. Mais le Kosovo était membre de plein droit de la

24 Fédération, avec droit de veto comme la Serbie, comme la Croatie, comme la

25 Macédoine et les autres, donc c'est mon approche, c'est mon attitude et

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1 c'est la vérité.

2 Question: En vertu de quelle Constitution le statut du Kosovo et celui de

3 la Serbie étaient-ils unifiés?

4 Réponse: Permettez-moi de dire selon la Constitution de 1974. Nous parlons

5 de cette Constitution.

6 Question: Si le Kosovo avait le statut d'une République, alors pourquoi,

7 lors des manifestations en 1981, l'exigence principale était-elle celle de

8 la formation d'une République du Kosovo? Pourquoi est-ce que l'exigence

9 d'une République du Kosovo a été faite si vous aviez déjà ce statut? Vous

10 avez dit que vous aviez déjà ce statut.

11 Réponse: S'il vous plaît. En tant qu'une entité fédérale, elle jouissait

12 des mêmes droits. Mais Belgrade ne lui a pas permis l'appellation

13 République. Lorsqu'en 1974, on en a parlé, on a trouvé un compromis dans

14 la Constitution de 1974. C'était cela la situation et c'est cela la

15 vérité.

16 Question: Eh bien, comment la Constitution de 1974 a-t-elle défini le

17 Kosovo? Pourriez-vous, s'il vous plaît, avoir la bonté de me le dire?

18 Réponse: Je vous en prie. Il faut chercher le texte, il faut trouver le

19 texte. C'est approximativement tel que je l'ai dit.

20 Question: Bien. Alors répondez à la question suivante. Il est facile de

21 trouver le texte de la Constitution; personne ne peut cacher cela au moins

22 et tout ce que vous avez dit jusqu'à maintenant n'est pas exact. Mais

23 puisque vous soutenez que le Kosovo avait le statut d'une République,

24 pourquoi, aux manifestations de 1981, y avait-il comme exigence principale

25 que le Kosovo soit une République?

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1 Réponse: Je vous l'ai dit: parce que c'était l'exigence d'avoir aussi

2 l'appellation de République. A nouveau, je répète, je ne vois pas

3 l'intérêt de ce débat. C'est une histoire passée, un Etat qui n'existe

4 plus.

5 Question: Vous avez parlé des manifestations de 1981, même pendant

6 l'interrogatoire principal, ce matin.

7 Réponse: L'accusation m'a interrompu quand j'en ai parlé. C'est pour cette

8 raison que j'insiste là-dessus. Excusez-moi, peut-être le Président de la

9 Chambre m'a-t-il interrompu ce matin.

10 Question: Comme le Procureur vous a invité à parler de 1981 et comme vous

11 avez parlé des manifestations qui ont eu lieu en 1981, et que vous avez

12 même mentionné le fait qu'il y a eu des violences, qu'une vingtaine de

13 personnes ont été tuées au cours de ces manifestations, tout ceci a été

14 dit par vous, ce matin.

15 Par conséquent, je vous demande, comme vous avez dit que le Kosovo était

16 une République, pourquoi était-ce l'exigence principale faite pendant ces

17 manifestations pour avoir une République du Kosovo? Je vous le demande, je

18 vous le demande précisément par rapport à ce que vous avez dit ce matin en

19 déposition. Donc répondez à ma question.

20 Réponse: Non. Le Procureur n'a pas demandé que je parle de cela, ni le

21 Président de la Chambre ne me l'a demandé. J'ai répondu très clairement,

22 je crois: comment, quoi et comment. J'ai été très clair dans ma réponse.

23 Après ces manifestations, le statut du Kosovo a été supprimé de façon

24 graduelle. Je ne veux pas y revenir donc justement à ce qui s'est passé

25 jusqu'en 1989. Donc je ne vois pas l'intérêt de ce débat et de cette

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1 question non plus.

2 Question: C'est à moi d'évoquer les questions; votre obligation est de

3 répondre à mes questions.

4 Et, s'il vous plaît, répondez à la question suivante: est-ce que c'était

5 l'exigence principale des manifestants de 1981 qu'il y ait une République

6 du Kosovo, que le Kosovo s'appelle "République"? Vous parlez devant le

7 public mondial et le public yougoslave: est-ce que cette exigence a été

8 formulée, oui ou non?

9 Réponse: S'il vous plaît, soyons clairs: cela a commencé par des exigences

10 sociales et il y avait, notamment, l'exigence que le Kosovo soit appelé

11 "une République". Je l'ai déjà dit. Je ne sais pas ce que vous me demandez

12 de plus. Les Albanais souhaitaient, voulaient que le Kosovo s'appelle

13 "République", chose qui n'a jamais été permise, autorisée par Belgrade.

14 C'est tout.

15 M. Milosevic (interprétation): Bien, ceci veut dire qu'en réponse à savoir

16 si l'exigence était celle d'une République du Kosovo, vous avez dit oui.

17 Savez-vous qu'après ces manifestations des Albanais au Kosovo-Metohija, en

18 1981, il y a eu une vague de violence contre la population serbe qui s'est

19 déchaînée au Kosovo-Metohija. Etes-vous conscient de ce fait, oui ou non?

20 M. Rugova (interprétation): Ce n'est pas vrai, quand vous parlez d'une

21 vague. Si vous voulez parler de vague de violence, c'est la vague de

22 violence de Belgrade qui s'est déchaînée. C'était l'armée serbe, toutes

23 les unités policières de toutes les entités ex-fédérales qui sont entrées

24 au Kosovo. C'est ça, la vérité, on n'a pas expulsé de Serbes.

25 Je suis venu ici témoigner. Je ne veux pas faire des polémiques. Nous

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1 sommes sous l'attention de tous ceux qui sont intéressés par cette

2 affaire. Mais je suis venu ici pour témoigner.

3 M. le Président (interprétation): Il est maintenant 16 heures. Je vais

4 lever la séance.

5 Monsieur Rugova, je vais vous demander de revenir lundi matin pour

6 terminer votre déposition. Je vous remercie.

7 Avant de quitter le prétoire, il peut y avoir des questions de procédure.

8 Monsieur Milosevic, vous avez pratiquement le même temps que l'accusation

9 pour interroger ce témoin. C'est un témoin important. Il se peut qu'il y

10 ait des questions pertinentes que vous vouliez lui poser. Nous avons

11 examiné la question et nous vous donnerons jusqu'à la première suspension,

12 c'est-à-dire une heure et demie. Vous pourrez organiser votre contre-

13 interrogatoire en ayant cela à l'esprit.

14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, cela est absolument

15 impossible parce que j'ai un très grand nombre de questions tout à fait

16 pertinentes à poser à ce témoin. Je pense que vous ne pouvez pas limiter

17 mon temps à une heure et demie seulement lundi. C'est absolument vital

18 pour moi d'être autorisé et mis en mesure de procéder au contre-

19 interrogatoire de ce témoin. Parce qu'il ne répond pas aux questions.

20 Il utilise le temps et je ne peux pas poser mes propres questions

21 rapidement et lui poser des questions sur sa déposition. Toutes mes

22 questions étaient pertinentes par rapport à sa déposition. Une heure et

23 demie n'est rien. C'est beaucoup moins qu'ils n'ont eu avec leurs 85 pages

24 de déposition et du temps consacré à des questions de procédure.

25 M. le Président (interprétation): Aucune des questions posées dans cette

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1 déclaration ne constitue des éléments de preuve, comme vous le savez.

2 C'est purement un résumé à l'usage du Tribunal. Ce ne sont pas des

3 preuves. Les éléments de preuve, c'est la déposition du témoin.

4 Si vous n'aviez pas passé tant de temps à discuter avec le témoin de

5 questions connexes, vous auriez eu davantage de temps pour les questions

6 pertinentes.

7 Nous devons juger de ce qui est juste et équitable et tel est notre

8 jugement. Vous devez organiser votre contre-interrogatoire, pour le dire

9 en ce sens, en fonction de cela.

10 Monsieur Nice?

11 La question est réglée.

12 Monsieur le Témoin, si vous voulez, vous pouvez quitter le prétoire.

13 M. Rugova (interprétation): Je vous remercie.

14 (Le témoin quitte le prétoire.)

15 (Questions relatives à la procédure.)

16 M. Nice (interprétation): Quelques brèves questions administratives.

17 Il y a les classeurs que nous avons déjà fournis aux amici. Nous espérons

18 ne pas devoir les fournir à nouveau sous une forme réduite. Par

19 conséquent, pourrions-nous savoir combien d'exemplaires la Chambre

20 souhaite avoir? Il faut qu'on enlève évidemment les pièces dont la Chambre

21 n'a pas besoin. Il faudrait que les amici sachent ce que nous allons

22 enlever du dossier: ça, on n'en a pas besoin. Nous voudrions savoir

23 combien de dossiers il faudra fournir.

24 Deuxième question.

25 M. le Président (interprétation): Trois.

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1 M. Nice (interprétation): Découlant de la même question: pouvons-nous

2 traiter les pièces à conviction qui sont dans les dossiers de la même

3 manière que nous avons produit des éléments, des pièces à conviction pour

4 le dossier de documents Drewienkiewicz, c'est-à-dire de façon globale? Et

5 si c'est le cas, est-ce que la Chambre voudrait que nous les présentions

6 comme pièces supplémentaires à celles qui sont contenues dans le dossier?

7 M. le Président (interprétation): Ceci suffira.

8 M. Nice (interprétation): Merci. Cela nous aide beaucoup. Je vous

9 remercie.

10 La deuxième question est de savoir si nous pourrions avoir quelques mots

11 d'explication concernant les requêtes?

12 Nous avons présenté une requête en ce qui concerne les éléments de preuve

13 concernant Brcko. Nous n'avons pas encore une liste complète de tous les

14 documents analogues. Nous voudrions savoir s'il fallait les présenter

15 petit à petit ou d'un seul coup?

16 On en a présenté une maintenant pour voir si la Chambre peut l'accepter.

17 Si c'est le cas, le simple fait de les réunir tous sera à ce moment-là

18 entrepris, plutôt que fait d'avance, de façon à ne pas perdre de temps.

19 Nous sommes tout à fait disposés à les donner au fur et à mesure ou bien à

20 donner l'ensemble, ou même des parts entières de documents, de la façon

21 qui sera la plus utile à la Chambre. Naturellement, si de tels documents

22 vont être admis au dossier, il faut encore qu'on puisse les présenter.

23 Nous les présenterons, nous les antidaterons de façon à ne pas prendre un

24 trop grand nombre de semaines ou de mois.

25 M. le Président (interprétation): Nous examinerons la question.

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1 Je lève la séance maintenant.

2 A condition que vous ne reveniez pas à la question précédente!

3 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je dois dire que j'exige que

4 vous me donniez toute la journée de lundi pour le contre-interrogatoire de

5 ce témoin. Et vous ne pouvez pas limiter, en limitant le contre-

6 interrogatoire, dire que le témoin… L'un des témoins que vous avez

7 proclamés, vous avez dit qu'il était malade, d'autres ont dit qu'ils

8 avaient d'autres problèmes. Vous ne pouvez pas faire repartir ce témoin

9 avant que j'aie fini de faire son contre-interrogatoire. C'est un témoin

10 pertinent et je dois avoir le droit de faire son contre-interrogatoire.

11 J'exige au moins toute la journée du lundi!

12 M. le Président (interprétation): Vous aurez jusqu'à la suspension.

13 Je suspends la séance jusqu'à lundi 9 heures.

14 (La séance est suspendue à 16 heures 10.)

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