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1 (Mardi 14 mai 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?
6 M. Nice (interprétation): Si vous me le permettez, j'aimerais que nous
7 réglions un certain nombre de points qui découlent du contre-
8 interrogatoire d'hier au sujet des pièces à conviction.
9 Mais précédemment, il y a quelque chose que j'aurais dû aborder
10 normalement lors des questions supplémentaires et qu'il convient que
11 j'indique immédiatement. Vous vous souviendrez d'un certain nombre de
12 questions posées lors du contre-interrogatoire au sujet des choses
13 découvertes à Racak par M. Smith, un membre irlandais de l'OSCE.
14 On a avancé que des munitions de marque et de fabrication chinoise avaient
15 été trouvées. Et lorsqu'on lui a demandé d'expliquer la nature de son
16 contre-interrogatoire, l'accusé est passé à autre chose. La déclaration de
17 Smith et d'un autre avec qui il travaillait à ce moment-là ne mentionne
18 absolument rien au sujet de munitions de fabrication chinoise. Au
19 contraire, le seul élément d'identification dans leurs déclarations qui
20 ont été recueillies ensemble au sujet de ces munitions, c'était que, sur
21 certaines de ces munitions, on avait trouvé des inscriptions en
22 cyrillique.
23 Ceci ayant été évoqué, j'y reviendrai probablement, comme si j'y suis
24 contraint, en présentant de nouveaux éléments de preuve ultérieurement.
25 S'agissant des pièces à conviction maintenant, nous avons essayé de notre
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1 mieux de regarder certaines de ces pièces en nous les faisant traduire
2 pendant la nuit. Il y en a certaines que je n'ai même pas eu le temps moi-
3 même de parcourir. Pour éviter que le résultat de cet exercice ne soit
4 quelque peu décevant au bout du compte, je vais parler des pièces à
5 conviction dans l'ordre où l'accusé les a présentées.
6 S'agissant de la pièce D2, que j'ai ici en main, nous avons une traduction
7 en anglais. Ce que j'aimerais que vous disiez, Monsieur le Président,
8 Messieurs les Juges, c'est qu'il s'agit d'un document qu'il convient
9 d'accepter actuellement. Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'un rapport
10 d'expert: or les rapports d'expert peuvent certes être versés au dossier
11 dans le cadre de la présentation des moyens d'une partie, mais, si ces
12 documents sont présentés, il convient que la partie adverse puisse
13 procéder à un contre-interrogatoire. Or, en ce qui concerne ce document,
14 on ne sait pas quelle est sa nature exacte. Mais il est probable que
15 l'accusé va s'appuyer sur ce rapport d'expert sans citer l'expert à la
16 barre.
17 Je souhaiterais donc que vous gardiez à l'esprit cette objection. Vous
18 constaterez qu'il s'agit d'une publication dans un journal scientifique;
19 le titre c'est: "Journal de Racak". Dubrecanin Matehic, Milosevic et
20 Jacic, ce sont les auteurs. On voit ensuite la discussion; il s'agit d'une
21 discussion au sujet de l'incident de Racak, l'autopsie des corps. On voit
22 ensuite une chronologie, un historique. Puis une page suit qui donne un
23 certain nombre de faits; on y trouve le nom de M. Walker.
24 A la page suivante ou dans les pages suivantes, on trouve les conclusions
25 des auteurs, ainsi qu'une discussion.
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1 M. le Président (interprétation): Effectivement, nous le voyons. Alors,
2 une possibilité: c'est que l'on donne une cote aux fins d'identification,
3 sans verser le document au dossier.
4 M. Nice (interprétation): Je ne peux faire mieux. C'est en effet notre
5 suggestion.
6 En ce qui concerne maintenant le document D3, c'est un document que, de
7 toute façon, je souhaitais évoquer lors des questions supplémentaires.
8 D'ailleurs, j'ai posé une question au témoin à ce sujet; il s'agit d'un
9 rapport réalisé par le juge d'instruction local, Danica Marinkovic. Nous
10 disposons d'une première traduction pour vous.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 J'ai déjà évoqué ce que je souhaitais dire au sujet de ce document. Donc
13 nous n'avons pas d'objection pour ce document précis.
14 M. le Président (interprétation): Je vais demander tout d'abord que l'on
15 distribue le document.
16 (Intervention de l'huissier.)
17 M. Nice (interprétation): Le document suivant est le document D4. L'accusé
18 l'a présenté sans fournir de traduction. Nous avons ce document dans nos
19 dossiers si bien que nous ne présentons pas de contestation quant à la
20 provenance dudit document ou d'autres éléments de ce genre. Et j'ai reçu
21 une première traduction dudit document.
22 (Intervention de l'huissier.)
23 Nous nous servons de la version qui a été fournie par l'accusé; et
24 pourquoi pas? Cependant, ce document est déjà dans nos archives avec un
25 numéro de référence ERN, si cela s'avère nécessaire. Le projet de
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1 traduction de D4 montre qu'il s'agit d'un rapport suite à une enquête sur
2 les lieux, rapport qui est une fois encore signé par le même juge
3 d'instruction, et on indique le nombre de corps trouvés, il y a une liste
4 des armes, on parle des tranchées, etc. Voici donc le document qui porte
5 la cote D4.
6 Il y a ensuite trois autres documents; et je ne sais pas quelles cotes
7 leur ont été données et dans quel ordre.
8 Il a remis, il nous a remis trois autres documents sur lesquels que nous
9 avons essayé de travailler pendant la nuit et nous avons maintenant des
10 projets de traduction, des premières traductions.
11 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il s'agit de documents trouvés
12 sur Internet?
13 M. Nice (interprétation): Je ne suis pas sûr.
14 M. le Président (interprétation): Mais avant que nous y arrivions, il y a
15 un extrait d'un ouvrage réalisé par "Human Rights Watch".
16 M. Nice (interprétation): Nous avons ce livre; je crois, cependant, que
17 nous n'avons pas assez d'exemplaires pour distribuer à tout le monde, mais
18 nous en avons suffisamment pour la Chambre, pour le Greffe et pour
19 l'accusé.
20 (Intervention de l'huissier.)
21 Cet ouvrage résume les événements de divers points de vue et, si l'accusé
22 souhaite que vous disposiez de ce livre, nous ne nous y opposons pas.
23 M. le Président (interprétation): Donc ceci doit porter la cote suivante.
24 Quelle est la cote du livre, s'il vous plaît, Madame la Greffière?
25 Mme Anoya (interprétation): En fait, nous avons sauté un numéro, car nous
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1 avons, en fait, donné la cote D5 à une autre pièce.
2 M. le Président (interprétation): Il vaudrait mieux que le livre porte la
3 cote D6?
4 Mme Anoya (interprétation): Effectivement, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation): Le livre portera la cote D6. Revenons au
6 document portant la cote D5 maintenant.
7 M. Nice (interprétation): J'aimerais que la Greffière d'audience nous
8 montre le document qui porte la cote D5, pour que je sache de quoi nous
9 parlons.
10 M. le Président (interprétation): Oui, remettez-moi le document, s'il vous
11 plaît.
12 Oui, ceci étant dit, le document est en BCS; c'est un document qui porte
13 le n°4, le n°4 qui lui a été attribué par l'accusé. Je pense que le mieux,
14 c'est de remettre ce document, Madame la Greffière, à l'accusation.
15 M. Nice (interprétation): Oui, je vois.
16 Nous pouvons donc remettre une première traduction de ce document –j'ai à
17 peine eu le temps de le lire-: il s'agit d'un document qui serait de la
18 province autonome du Kosovo, de République de Serbie, un document en date
19 de mars 1999. Ce document serait donc un mémo officiel réalisé le 9 mars.
20 (Intervention de l'huissier.)
21 Il s'agit d'une analyse des documents relatifs à une procédure
22 préliminaire de poursuites pénales, suite aux incidents de Racak. Dans
23 cette première traduction du document, on peut lire que les décès ne sont
24 pas le résultat d'actes criminels commis par le MUP de Republika Srpska.
25 Je ne sais rien de ce document, je ne suis pas en mesure d'accepter ou non
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1 son authenticité. Je ne sais rien de la provenance du document et j'ai du
2 mal à imaginer que ce document puisse être versé au dossier dans un but
3 quelconque, sauf qu'on lui accorde une cote aux fins d'identification sans
4 l'admettre.
5 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons attribuer une
6 cote à ce document aux fins d'identification, mais il n'est pas versé au
7 dossier.
8 M. Nice (interprétation): Merci. Il nous reste encore deux documents: l'un
9 semble être un extrait d'un livre et l'autre nous montre… ou du moins, la
10 première traduction de l'autre document semble indiquer qu'il s'agit de
11 l'extrait d'un discours. Je ne sais pas quelles cotes ont été attribuées à
12 quels documents.
13 Ensuite, je ne sais pas s'il convient de parler maintenant du document qui
14 compte une page ou des documents qui comptent trois pages?
15 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a un autre extrait de
16 livre?
17 M. Nice (interprétation): Oui.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 M. Nice (interprétation): C'est l'extrait?
20 M. le Président (interprétation): Nous avons deux documents sous les yeux:
21 l'un est un extrait de livre, l'autre est un discours.
22 S'agissant premièrement de l'extrait du livre?
23 M. Nice (interprétation): Mais d'abord, il faudrait me dire, s'il vous
24 plait, quelle est la cote? Je ne vais pas m'opposer à la présentation de
25 cette pièce, je ne sais rien du livre pour l'instant.
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1 Vous constaterez que l'accusé s'appuie sur ce qui figure à la deuxième
2 page de la traduction, où l'on parle de Mme Ranta et la Chambre a déjà
3 indiqué à l'accusé que Mme Ranta peut éventuellement être citée à la
4 barre, si l'on souhaite que les documents qui se rapportent à elle soient
5 versés au dossier.
6 Quant à savoir si le livre doit être simplement coté aux fins
7 d'identification ou bien s'il convient de le verser au dossier, eh bien,
8 il appartient à la Chambre d'en décider. Quant à moi, ma position est
9 neutre.
10 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il s'agit de D7, n'est-ce
11 pas?
12 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira du document D7.
13 M. Nice (interprétation): Est-ce que c'est un document qui est versé au
14 dossier ou qui porte une cote aux fins d'identification uniquement?
15 M. le Président (interprétation): Nous allons y réfléchir.
16 (Les Juges se consultent sur le siège.)
17 Nous acceptons le versement au dossier de ce document.
18 M. Nice (interprétation): Et s'agissant du dernier document -je crois
19 qu'il s'agira du document D8-, eh bien, nous avons ici une simple
20 photocopie, en tout cas, c'est la forme du document que j'ai sous les
21 yeux, la photocopie d'un bout de page. On peut lire dans la première
22 traduction qu'il s'agit d'un projet de discours prononcé à l'occasion du
23 deuxième anniversaire de la bataille de Lodza; c'est un discours à la
24 gloire de l'UCK. Quant à savoir d'où provient ce document, qui l'a rédigé,
25 etc., je ne sais pas.
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1 M. le Président (interprétation): Le document portera une cote aux fins
2 d'identification. D8, n'est-ce pas?
3 Mme Anoya (interprétation): Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
4 M. Nice (interprétation): J'en ai donc terminé, Monsieur le Président, des
5 pièces à convictions qui ont été présentées hier.
6 M. le Président (interprétation): L'accusé souhaite verser aux dossiers
7 trois autres documents. Veuillez, s'il vous plaît, me les remettre, Madame
8 la Greffière d'audience. Merci.
9 Il les a numérotées 8, 9 et 10. Apparemment, l'un est un extrait du "Wall
10 Street Journal".
11 Est-ce que vous avez ces documents, Monsieur Nice?
12 M. Nice (interprétation): Je ne les ai pas vus.
13 M. le Président (interprétation): Afin d'adopter une démarche pratique,
14 nous allons cesser de parler des pièces à conviction pour l'instant; cela
15 vous donnera la possibilité d'examiner ces documents et vous pourrez
16 ensuite nous donner votre point de vue. Ensuite, je pourrai expliquer à
17 l'accusé la manière dont nous avons procédé jusqu'à maintenant et lui
18 donner la possibilité de s'exprimer à ce sujet.
19 Monsieur Milosevic, comme vous l'avez entendu nous avons passé en revue
20 les divers documents que vous avez présentés hier et vous avez demandé le
21 versement au dossier de ces documents. Les trois derniers documents qui
22 ont été trouvés sur Internet, nous allons en parler ultérieurement lorsque
23 l'accusation aura eu la chance de les examiner.
24 Notre position est la suivante: pour l'instant nous avons accepté le
25 versement de tous les documents, à l'exception de deux documents, ou
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1 plutôt trois. Nous n'avons pas accepté le versement au dossier du rapport
2 émanant du journal scientifique de la faculté de médecine puisqu'il nous
3 semble que nous avons affaire là à un rapport d'expert. Pour l'instant, ce
4 document s'est vu attribuer une cote aux fins d'identification; cela
5 signifie que le document a été présenté mais il n'est pas versé au
6 dossier. Il faudra que vous présentiez des éléments de preuve à ce sujet,
7 appeliez des témoins à la barre si vous souhaitez que le document en
8 question soit versé au dossier.
9 Je passe maintenant aux documents suivants dont nous n'avons pas accepté
10 le versement au dossier: il s'agit d'un document qui est décrit comme un
11 mémo officiel de la République de Serbie, province de Kosovo et Metohija,
12 Bureau du Procureur de district, en date du 9 mars 1999. Il en va de même
13 pour la lettre rédigée à l'occasion du deuxième anniversaire de la
14 Bataille de Lodza; il s'agit encore une fois d'un projet de texte. La
15 raison pour laquelle ce document, lui non plus, n'a pas été versé au
16 dossier mais simplement coté aux fins d'identification, c'est que la
17 provenance du document, l'origine de ce document n'est pas claire. Je le
18 répète: si vous souhaitez que ces documents soient versés au dossier, il
19 faudra citer des témoins à la barre à ce sujet pour expliquer ce que sont
20 lesdits documents.
21 Bien. Souhaitez-vous intervenir à ce sujet, au sujet de ces documents,
22 puisque vous n'avez pour l'instant pas eu la possibilité de le faire?
23 M. Milosevic (interprétation): Je vais commencer par le dernier.
24 S'agissant de cette pièce à conviction, je l'ai présentée lorsque le
25 témoin a été interrogé au sujet de la présence d'éléments étrangers au
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1 sein de l'organisation terroriste UCK. Il ne s'agit pas d'un projet de
2 texte; c'est un télégramme qui a été publié. C'est un télégramme qui a été
3 envoyé par l'un des commandants de l'UCK aux participants des célébrations
4 du second anniversaire de la bataille de Lodza; ils estimaient que ceci
5 était un événement important. Ceci se trouvait à côté de Pec, vous vous en
6 souviendrez peut-être. Certains témoins ont dit que l'endroit, que des
7 civils avaient été attaqués. Il s'agissait d'une bataille de grande
8 envergure avec beaucoup de membres de l'UCK impliqués.
9 Dans ce télégramme, il remercie les combattants de l'UCK ainsi que les
10 unités étrangères ou plutôt les intervenants, les participants venant
11 d'autres pays; ce qui est indéniablement une preuve puisque l'on voit que
12 l'un de leurs soi-disant commandants rend hommage aux terroristes
13 étrangers. Et ceci est à rapprocher des autres pièces à conviction que
14 vous examinerez ultérieurement et qui nous montrent qu'il y avait des
15 membres du réseau Al-Qaïda au Kosovo ainsi que des membres d'autres
16 organisations terroristes très connues dans le monde. Ceci confirme, et
17 dans un document qui provient d'eux-mêmes, qu'au sein des rangs des
18 terroristes albanais il y avait des combattants étrangers, les combattants
19 de la guerre sainte d'Al-Qaïda, etc. Je pense donc que ce document doit
20 indéniablement être versé au dossier.
21 Maintenant, s'agissant du document que vous ne souhaitez pas verser au
22 dossier, il s'agit d'un document établi par le procureur public qui était
23 chargé de l'affaire et qui a étudié l'incident de Racak, conformément à la
24 loi sur la procédure criminelle de Yougoslavie. Il a donc enquêté sur
25 l'affaire de Racak et il a déterminé que la police était intervenue aux
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1 termes de la loi en vigueur et il a déterminé que personne n'avait commis
2 de crime à cet endroit. Voici le point de vue de la personne qui détenait
3 l'autorité sur place, le procureur public, qui est le seul à avoir le
4 droit de déterminer s'il y a des motifs à poursuite criminelle ou pas.
5 C'est pourquoi je pense que ce document doit lui aussi être versé au
6 dossier.
7 Ensuite, il y a le document qui émane du journal scientifique "Praxis
8 Medica". Là encore, un document que vous refusez de verser au dossier.
9 Mais je vous rappelle que ce document avait déjà été référencé par la
10 partie adverse, avec la référence K0212747, et les pages suivantes 48, 49
11 et 50, etc. On y présente un grand nombre de faits qui font qu'il est
12 impossible de dire qu'un crime a été commis à Racak. Il ne s'agit pas ici
13 d'un document politique, il s'agit d'un document établi par un
14 professionnel et qui présente l'analyse des professeurs d'université et
15 d'autres personnes qui ont participé à toute cette recherche. Donc je
16 pense que ce document lui aussi doit être versé au dossier.
17 Je souhaiterais également dire -et j'espère que je ne me trompe pas, que
18 je fais pas d'erreur parce que je ne connais pas très bien la procédure en
19 vigueur ici-, je veux dire donc que les cassettes que j'ai fait montrer
20 ici, les enregistrements vidéo, tous ces enregistrements doivent également
21 être versés au dossier.
22 M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'accusation s'ils
23 s'opposent au versement au dossier de ces cassettes.
24 M. Nice (interprétation): Mais je ne sais pas si on leur a donné un numéro
25 de référence?
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1 M. le Président (interprétation): Oui, nous aurions dû le faire.
2 Mme Anoya (interprétation): Les enregistrements vidéo portent la cote D9.
3 (Les Juges se consultent sur le siège.)
4 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, étant donné que vous
5 avez mentionné le fait que vous ne connaissez pas très bien la procédure,
6 je voudrais faire remarquer que les rapports d'analyse médico-légale font
7 l'objet de témoignages d'expert de témoins experts. Vous devriez donc
8 faire déposer, présenter la déclaration de l'expert, en tant que témoin
9 expert, de l'analyste des autopsies et la partie adverse a, je crois, 30
10 jours pendant lesquels elle peut dire si elle accepte cette déclaration ou
11 si elle souhaite procéder à un contre-interrogatoire du témoin expert –ce
12 qui est la remarque que M. Nice a faite. De sorte que, si l'autre partie,
13 la partie adverse a un droit de procéder à un contre-interrogatoire, c'est
14 pour cela qu'elle ne serait pas en mesure d'en accepter le versement. Si
15 la partie adverse accepte cette déclaration, alors cette déclaration peut
16 être admise et pourrait être admise sans contre-interrogatoire.
17 Ainsi, telle est la procédure particulière en ce qui concerne les rapports
18 de médecine médico-légale. Vous pouvez sans aucun doute garder cela à
19 l'esprit.
20 Les autres pièces que vous avez voulu faire verser au dossier ont été
21 marquées aux fins d'identification pour d'autres raisons, pour indiquer la
22 provenance, comme l'a dit M. le Président.
23 M. Nice (interprétation): Pour aider l'accusé, maintenant qu'il cherche
24 des documents que nous lui avons fournis, qui lui ont été fournis, par
25 exemple en vertu des dispositions de l'Article 68 du Règlement, comme
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1 étant éventuellement des documents à décharge, ceci ne veut pas dire que
2 ça peut être immédiatement versé au dossier parce que cela a été produit
3 par l'accusation. C'est simplement remis par nous comme des documents qui
4 peuvent l'aider, mais les règles qui président à la production de pièces
5 de procédure, de pièces versées au dossier continuent de s'appliquer.
6 Quant aux articles de journaux, je les lirai dès que je le pourrai. En
7 tout état de cause, le Tribunal se rappellera qu'il y a encore un classeur
8 complet d'articles de journaux qui ont été examinés en partie par l'accusé
9 et qui ne font qu'une seule collection par la suite.
10 M. le Président (interprétation): Il faut que nous traitions de ces trois
11 points avant que nous n'oubliions.
12 M. Nice (interprétation): Oui, je pense en traiter collectivement,
13 j'espère, demain.
14 M. le Président (interprétation): Très bien.
15 M. Nice (interprétation): Je crois qu'incidemment, il y a plus qu'une
16 vidéo que l'accusé a produit. La cabine technique le sait.
17 Mme Anoya (interprétation): Il s'agit d'une vidéo et nous avions
18 différents segments d'une vidéo.
19 M. le Président (interprétation): Très bien, je vous remercie.
20 Monsieur Nice, pendant que vous êtes debout, il serait peut-être commode
21 de traiter de la question qui concerne le nouvel ensemble de témoins au
22 titre de l'Article 92 du Règlement.
23 M. Nice (interprétation): Oui.
24 M. le Président (interprétation): Il se peut que vous ne soyez pas en
25 mesure d'en traiter aujourd'hui, mais je peux indiquer que le point de vue
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1 préliminaire de la Chambre de première instance est le suivant -et ceci
2 est particulièrement vrai en ce qui concerne le Témoin K5-: pour les
3 témoins qui traitent de Racak, c'est-à-dire Bilal, Avdu, Drita Emini,
4 Agron Mehemeti et Nesret, -: on considère que ces déclarations sont toutes
5 admissibles, mais la Chambre pour le moment n'est pas convaincue en ce qui
6 concerne le Témoin K5.
7 Est-ce que je pourrai revenir à K5: vous voulez dire "pas admissible" au
8 titre de l'Article 92 du Règlement?
9 M. Nice (interprétation): Il faudra alors que son témoignage soit donné de
10 façon complète, à moins que je ne puisse vous persuader du contraire.
11 M. le Président (interprétation): Oui.
12 M. Nice (interprétation): Oui, les éléments de preuve par rapport à Barney
13 Kelly, je vais faire préparer une note sur le droit applicable à ce sujet.
14 Il y aura une très brève présentation orale pour rappeler à la Chambre les
15 différentes questions.
16 Est-ce que je pourrais demander quelques minutes à huis clos partiel?
17 C'est purement pour des questions d'administration.
18 Je voudrais dire que j'ai eu des contacts maintenant avec les juristes qui
19 agissent pour l'accusé; il semble qu'il y a une coopération qui serait
20 possible; en particulier, pour ce qui est de retrouver des documents qui
21 ont été présentés.
22 (Huis clos partiel à 9 heures 36.)
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20 (Audience publique à 9 heures 50.)
21 Mme Anoya (interprétation: Nous sommes maintenant en audience publique,
22 Monsieur le Président.
23 M. Nice (interprétation): Avant que le témoin soit appelé par M. Saxon,
24 une autre question administrative: le rapport suivant sur la communication
25 au titre de l'Article 68 du Règlement sera remise à toutes les parties,
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1 demain j'espère, pour qu'on soit à jour.
2 Dans nos efforts pour assurer que les paramètres voulus par l'Article 68
3 soient bien appliqués aux fins de la présente affaire, nous envisageons de
4 considérer les demandes de l'accusé Ojdanic qui a envoyé une requête
5 détaillée exposant ses paramètres, ses conditions, et c'est assez utile de
6 les avoir à l'esprit à cause de la proximité des deux accusés et leur
7 association.
8 Je vais donc passer, si vous le permettez, la main à M. Saxon.
9 M. Milosevic (interprétation): J'ai quelque chose à dire au sujet de la
10 procédure; une question technique, si vous le permettez.
11 J'ai été informé hier que pour cette semaine, nous aurions un nouveau
12 témoin, Merovci, qui serait entendu immédiatement après le témoin secret
13 dont personne n'a jamais entendu parler. Alors, une fois encore, j'exige
14 que l'ordre suivi pour les témoins soit préparé pour au moins une semaine
15 et qu'il n'y ait pas des modifications et des surprises toutes les
16 semaines dont je ne peux pas entendre parler lorsque je suis en quartier
17 de détention pendant le week-end.
18 J'en entends parler le lundi, en général en fin de journée, pour savoir
19 quel sera le témoin suivant encore. Et chaque fois, il y a quelqu'un de
20 nouveau qui apparaît. Je n'ai pas reçu sa déclaration ou je l'ai reçue la
21 veille au soir. Et ainsi de suite. De sorte...
22 M. le Président (interprétation): Voyons voir quelle est la situation.
23 Monsieur Nice?
24 M. Nice (interprétation): Il était prévu, comme étant le tout premier
25 témoin en l'affaire, Merovci, et il n'avait pas pu venir tout de suite: il
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1 a été disponible la semaine dernière et on nous a indiqué jeudi dernier
2 qu'il pourrait venir cette semaine. Donc l'accusé devrait avoir une
3 semaine pour se rappeler et se préparer par rapport à un témoin qui aurait
4 dû déposer au début.
5 M. le Président (interprétation): Mais quand même, c'est clairement
6 difficile pour lui, vu les circonstances dans lesquelles il se trouve dans
7 le quartier de détention. Je vous demande donc qu'il y ait le minimum de
8 changements de ce genre.
9 Combien de temps va-t-il falloir pour entendre les deux témoins suivants?
10 M. Nice (interprétation): Probablement toute la journée de demain. Le
11 premier témoin ne prendra pas très longtemps, mais quand nous allons
12 commencer K3, ceci prendra l'ensemble de la journée de demain, j'en suis
13 sûr.
14 M. Milosevic (interprétation): Il est tout à fait faux que j'ai été
15 informé jeudi dernier. Le Greffier m'en a informé hier, le premier jour
16 ouvrable de la semaine, que Merovci avait été inclus pour déposer cette
17 semaine. Je n'ai reçu aucune information jeudi -c'était le dernier jour de
18 travail la semaine dernière-, je n'ai reçu aucune information en ce sens.
19 M. le Président (interprétation): Nous verrons à l'avenir que vous soyez
20 informé aussitôt que possible. Ce témoin particulier ne déposera pas
21 aujourd'hui ni demain, mais au plus tôt jeudi.
22 M. Saxon (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
23 Juges.
24 L'accusation appelle à la barre M. Loku. Et pendant que nous attendons que
25 le témoin soit introduit dans le prétoire, la déposition qui sera faite
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1 par ce témoin porte sur une zone qui est indiquée au point 12, à la page
2 12 de l'atlas du Kosovo.
3 (Le témoin, M. Isuf Loku, est introduit dans le prétoire.)
4 M. le Président (interprétation): Faites la déclaration.
5 M. Loku (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.
8 (Le témoin s'assoit.)
9 (Interrogatoire principal du témoin, M. Isuf Loku, par M. Saxon.)
10 M. Saxon (interprétation): Monsieur, est-ce que votre nom est bien Isuf
11 Loku?
12 M. Loku (interprétation): Oui.
13 Question: Monsieur Loku, êtes-vous né le 2 août 1965?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Etes-vous né dans le village de Kotlina, dans la municipalité de
16 Kacanik, au Kosovo?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Est-ce que le village de Kotlina est au sud de la ville de
19 Kacanik?
20 Réponse: Oui, c'est le cas.
21 Question: Monsieur Loku, le 11 juin 1999, avez-vous fait une déclaration à
22 des représentants du Bureau du Procureur concernant des événements dont
23 vous avez été le témoin, au début de 1999, au Kosovo?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Ce 11 mars de cette année 2002, au village de Kotlina, dans la
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1 municipalité de Kacanik, avez-vous reçu un exemplaire, une copie de la
2 déclaration que vous aviez faite en 1999, en présence de représentants du
3 Bureau du Procureur et d'un officier instrumentaire nommé par le Greffier
4 de ce Tribunal?
5 Réponse: Oui.
6 Question: A l'époque, avez-vous pu confirmer que la copie qui vous a été
7 fournie était exacte et véridique?
8 Réponse: Oui.
9 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais présenter la
10 déclaration de M. Loku pour qu'elle soit versée au dossier en vertu des
11 dispositions de l'Article 92bis du Règlement.
12 (Intervention de l'huissier.)
13 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, ceci sera la pièce à
14 conviction de l'accusation n°144.
15 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M.
16 Isuf Loku est un homme de 36 ans, un Albanais du Kosovo. Il vit dans le
17 hameau de Dreshec, à Kotlina.
18 La déclaration faite par M. Loku décrit comment son village a été attaqué
19 par des forces serbes, le 8 ou 9 mars 1999. Monsieur Loku s'est caché dans
20 le voisinage et a observé que des tirs de canon venaient de la direction
21 de Glloboçica. Parmi les forces serbes, se trouvaient 13 chars et deux
22 transports de personnels, du transport blindé. Monsieur Loku a observé
23 qu'il y avait des soldats et des policiers qui sont entrés dans son
24 village. Il a observé que les forces serbes ont mis au pillage et ont
25 incendié ces maisons: 17 maisons ont été brûlées dans ce village ce jour.
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1 Plusieurs jours après cette attaque, M. Loku a trouvé des cadavres de deux
2 résidents de Kotlina.
3 Dans la matinée du 24 mars 1999, les forces serbes ont commencé à
4 bombarder à nouveau le village de M. Loku. Monsieur Loku et certains de
5 ses parents sont allés se cacher dans la montagne de Sheshi.
6 Monsieur Loku a observé les forces serbes qui avançaient vers Kotlina. Là
7 encore, il a vu des chars et des transports de personnels. Peu après cela,
8 M. Loku a vu des flammes qui s'élevaient du centre de Kotlina.
9 Monsieur Loku est revenu à son village vers 8 heures du soir, ce soir-là,
10 et il a trouvé l'un de ses voisins, Zimer Loku, qui était grièvement
11 blessé par des tirs de mitrailleuse et qui est mort par la suite. Et vers
12 10 heures du soir, le même soir, M. Loku et d'autres résidents de son
13 village ont décidé de s'enfuir en Macédoine.
14 Monsieur Loku est arrivé en Macédoine tôt dans la matinée du 25 mars 1999.
15 Deux des frères de M. Loku ont disparu après l'attaque sur Kotlina, le 24
16 mars 1999.
17 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
18 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Isuf Loku, par l'accusé M.
19 Milosevic.)
20 M. Milosevic (interprétation): Selon vous, le village de Kotlina, le 8 ou
21 9 mars 1999, a été attaqué par des tirs d'artillerie. Est-ce exact?
22 M. Loku (interprétation): Oui.
23 Question: Quand cela s'est-il passé: le 8 ou le 9?
24 Réponse: Le 9.
25 Question: Bien. Bien. Une fois encore, d'après vos dires, après cette
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1 attaque, l'attaque qui a suivi et qui venait de toutes parts –enfin, si
2 l'on doit en croire ce que vous dites-, mais qui venait essentiellement en
3 direction de Glloboçica, cette attaque, et du village de Guri i Zi -c'est
4 ce qu'on peut lire ici; je ne sais pas quelle est la dénomination serbe de
5 cette localité-, près de la route de Kacanik, vous nous dites que tous les
6 habitants ont quitté le village pour se réfugier dans la montagne, la
7 montagne Sheshi. Est-ce bien exact?
8 Réponse: Oui, c'est exact.
9 Question: Ceci signifie donc… Ou plutôt je vais reformuler et vous poser
10 une question.
11 Est-ce que cela signifie que les Serbes ont attaqué, en réalité, un
12 village désert si, comme vous l'affirmez, tous les habitants s'étaient
13 réfugiés dans la montagne Sheshi? Donc, en fait, les Serbes ont attaqué un
14 village déserté. Et ils l'ont bombardé, ils ont lutté pour s'en assurer le
15 contrôle, de 7 heures à 11 heures, ce jour-là. Est-ce bien exact?
16 Réponse: Ils l'ont pilonné de 7 heures à 11 heures, à partir du village de
17 Glloboçica. Ensuite, ils sont venus dans notre village, ils l'ont pillé et
18 ils ont brûlé les maisons. Voilà comment ça s'est passé.
19 M. Milosevic (interprétation): Moi, je vous demande, et je procède ici par
20 ordre, et question par question; vous nous dites: "Tout le monde est parti
21 se cacher. Ensuite, ils se sont battus pour prendre le contrôle du village
22 de 7 heures à 11 heures".
23 Veuillez me dire, s'il vous plaît, ce qui, pendant quatre heures, a
24 empêché les forces serbes d'entrer dans le village, alors que vous nous
25 dites que le village était vide? Qu'est-ce qui a empêché les Serbes
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1 d'empêcher pendant quatre heures?
2 M. Loku (interprétation): Ils ont pilonné le village pendant trois heures
3 et ensuite ils sont arrivés dans notre village.
4 M. le Président (interprétation): La question qu'on vous posait était la
5 suivante: c'était de savoir s'il y avait une raison quelconque qui les ont
6 empêchés d'entrer dans le village avant? Est-ce que vous avez connaissance
7 d'une raison quelconque qui les ait empêchés d'entrer dans le village?
8 M. Loku (interprétation): D'abord, ils ont pilonné le village depuis
9 Glloboçica. Ensuite, après avoir fini de pilonner, ils sont arrivés dans
10 le village.
11 M. Milosevic (interprétation): Et à quelle distance se trouve le mont
12 Sheshi de votre village?
13 M. Loku (interprétation): C'est tout près du village.
14 Question: Eh bien, j'imagine bien que c'est tout près si vous vous êtes
15 réfugiés au mont Sheshi, mais moi ce que j'aimerais savoir, c'est à quelle
16 distance cela se trouve du village?
17 Réponse: Ça se trouve à environ 50 mètres de ma maison.
18 Question: Ah! Donc vous vous êtes enfui dans une montagne qui était à 50
19 mètres du village?
20 Réponse: Nous avons quitté nos maisons après le pilonnage et nous sommes
21 restés là, tout près, comme je l'ai dit. Ce n'est qu'après le pilonnage
22 que nous avons quitté nos maisons et que nous nous sommes réfugiés dans la
23 montagne Sheshi où nous sommes restés.
24 M. Milosevic (interprétation): Bien. Quand vous vous êtes réfugiés là-bas,
25 quand vous avez fui vos maisons, si je vous ai bien compris, vous vous
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1 êtes réfugié à 50 mètres de votre maison. Donc vous avez fui sur une
2 distance de seulement 50 mètres? A 50 mètres seulement de votre maison?
3 Est-ce que je vous ai bien compris?
4 M. Loku (interprétation): Il y avait là mes frères et mes voisins. Les
5 autres sont partis en direction du centre du village.
6 M. le Président (interprétation): C'est la distance qui nous intéresse.
7 D'après la traduction, nous avons compris que cette montagne se trouvait à
8 50 mètres de votre maison. Est-ce que c'est bien exact: à 50 mètres?
9 M. Loku (interprétation): Oui, oui, c'est exact.
10 M. Milosevic (interprétation): Mais soyons très précis. Le mont Sheshi est
11 à 50 mètres de votre maison, c'est bien cela?
12 M. Loku (interprétation): Oui. Il se trouve à une cinquantaine de mètres
13 mais la montagne elle-même est plus haute.
14 Question: Après le pilonnage, vous êtes parti, vous vous êtes enfui à 50
15 mètres de votre maison, endroit où vous vous sentiez en sécurité; est-ce
16 bien exact?
17 Réponse: Ce n'est pas qu'on s'y sentait en sécurité mais c'était le seul
18 endroit où on pouvait aller.
19 Question: Bien. Quand les forces serbes sont entrées dans le village, est-
20 ce qu'elles vous ont fait quoi que ce soit? Puisque vous étiez là à 50
21 mètres de votre maison, n'est-ce pas?
22 Réponse: Ils ne nous ont pas vus. Ils sont entrés dans les maisons, ils
23 les ont vandalisées, ils les ont pillées et ensuite, ils les ont
24 incendiées. Puis ils sont partis, plus tard.
25 Question: Mais vous étiez à 50 mètres de votre maison et ils ne vous ont
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1 pas vu, c'est cela?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Comment avez-vous réussi à vous cacher ainsi? Où vous étiez-vous
4 caché?
5 Réponse: C'est une montagne où il y a une forêt; nous nous y sommes
6 cachés, nous y sommes restés toute la journée.
7 Question: Et combien étiez-vous, à cet endroit?
8 Réponse: Treize personnes.
9 M. Milosevic (interprétation): Vous étiez 13 à 50 mètres de la maison, et
10 personne ne vous a vus?
11 M. Loku (interprétation): Oui.
12 M. Robinson (interprétation): Monsieur Loku, peut-être pourriez vous nous
13 aider à comprendre au sujet de ces 50 mètres? Je vais vous demander de
14 bien observer le prétoire et de parcourir le prétoire de cet endroit… d'un
15 côté du prétoire à l'autre. Est-ce que vous pouvez évaluer la distance sur
16 laquelle vous avez fui par rapport à la largeur de la salle d'audience?
17 Est-ce que ça représente deux fois cette largeur, trois fois?
18 M. Loku (interprétation): Disons trois fois cette largeur, cette longueur,
19 la longueur de la salle.
20 M. Robinson (interprétation): Merci.
21 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je ne sais pas si ça vaut vraiment la
22 peine de poursuivre mais je vais quand même continuer à poser mes
23 questions.
24 Qui avez-vous vu? Vous avez regardé les soldats lorsqu'ils entraient dans
25 le village; ils étaient à 50 mètres de l'endroit où vous vous teniez.
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1 Qu'est-ce que vous avez vu?
2 M. Loku (interprétation): Nous avons vu des soldats serbes et des
3 policiers serbes; ce sont ceux que nous avons vus.
4 Question: Et combien étaient-ils?
5 Réponse: Ils étaient nombreux, je n'ai pas pu les compter. Ils étaient
6 ensemble, les militaires et les policiers.
7 Question: Mais à peu près, qu'est-ce que cela veut dire, "ils étaient
8 nombreux"? Est-ce qu'il y en avait 1.000, est-ce qu'il y en avait 2.000,
9 3.000, 500…? Combien étaient-ils, à peu près?
10 Réponse: Eh bien, j'en ai vu environ 25 à côté de ma maison. C'est là où
11 ils se sont approchés le plus près de l'endroit où je me tenais.
12 Question: Près de votre maison. Et vous n'avez vu personne d'autre que ces
13 25 soldats? Est-ce que vous avez vu quelqu'un d'autre?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Est-ce que vous avez vu quelqu'un d'autre, à part ces 25
16 soldats?
17 Réponse: Non, je n'ai vu que ces soldats.
18 M. Milosevic (interprétation): Donc d'après ce que vous affirmez, ce sont
19 25 soldats qui sont rentrés dans votre village, oui ou non?
20 M. le Président (interprétation): Non, il faut être juste envers le
21 témoin, ce n'est pas ce qu'il a dit. Lui, il dit en avoir vu 25.
22 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, c'est justement ce que je lui
23 demande. Il dépose au sujet du nombre de soldats qui sont entrés dans le
24 village; il nous dit qu'il en a vu 25.
25 M. le Président (interprétation): Oui, c'est la seule chose qu'il puisse
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1 dire: il en a vu 25, lui, de ses yeux.
2 M. Milosevic (interprétation): Et combien d'entre eux étaient des
3 policiers, combien d'entre eux étaient des soldats?
4 M. Loku (interprétation): Je crois qu'il y avait environ 10 policiers; le
5 reste, c'étaient des soldats. Je parle toujours de ceux qui étaient près
6 de ma maison.
7 Question: Bien. Dites-moi: comment sont-ils arrivés là? Est-ce qu'ils sont
8 venus dans un véhicule ou est-ce qu'ils sont venus à pieds?
9 Réponse: Eh bien, ils sont venus dans des chars, dans des véhicules
10 blindés, dans des camions, dans toutes sortes de véhicules.
11 Question: Combien de ces chars avez-vous vus?
12 Réponse: Treize chars.
13 Question: Et combien de véhicules blindés avez-vous vous vus?
14 Réponse: J'ai vu deux véhicules blindés. Il y en avait peut-être plus,
15 mais moi je n'en ai vu que deux.
16 Question: Bien. Et combien de camions avez-vous vus?
17 Réponse: Dix camions.
18 M. Milosevic (interprétation): Bien. 13 chars, 10 camions, 2 véhicules
19 blindés: ceci nous donne 25 véhicules de combat et 25 véhicules de
20 transport que vous avez vus, de vos yeux. Et 25 policiers soldats sont
21 arrivés dans ces véhicules. C'est cela?
22 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas une façon équitable de
23 présenter les dires du témoin. Il dit avoir vu 25 personnes près de sa
24 maison, il a dit également dit qu'il y avait un grand nombre de véhicules
25 qu'il nous a décrits. Voilà ce qu'il dit.
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1 M. Milosevic (interprétation): Non, ce n'est pas cela, Monsieur May. Si
2 vous regardez le compte rendu d'audience, vous verrez ce que je lui ai
3 demandé: je le lui ai demandé si les soldats ou les policiers étaient
4 venus à pied ou dans des véhicules. Il a répondu qu'ils étaient venus dans
5 des chars, dans des véhicules blindés, ainsi que dans des camions. Et moi,
6 je lui ai demandé comment ces 25 soldats étaient venus jusqu'à sa maison;
7 et c'est ce qu'il a répondu.
8 M. le Président (interprétation): Non. Le tableau qui nous est brossé,
9 c'est celui d'un grand nombre de troupes qui arrivent dans des camions au
10 village et le témoin en a vu 25.
11 Peut-être devrions-nous lui poser la question suivante: est-ce que vous
12 savez s'il y a des policiers ou des soldats qui sont allés dans d'autres
13 maisons en dehors de la vôtre?
14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May!
15 M. le Président (interprétation): Mais laissez le témoin répondre!
16 M. Milosevic (interprétation): Je ne savais pas que vous lui posiez la
17 question à lui.
18 M. Loku (interprétation): Oui, effectivement, ils sont allés dans d'autres
19 maisons.
20 M. le Président (interprétation): Dites-nous ce qui s'est passé?
21 M. Loku (interprétation): Je les ai vus piller les maisons, les investir,
22 ensuite les incendier. Voilà ce qui s'est passé!
23 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que je peux continuer maintenant?
24 M. le Président (interprétation): Oui.
25 M. Milosevic (interprétation): Il y a quelques instants, vous avez dit
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1 avoir vu ces 25 soldats près de votre maison. Maintenant, vous affirmez
2 avoir vu des soldats près d'autres maisons également. Alors combien de
3 policiers et de soldat avez-vous vus dans les environs d'autres maisons?
4 M. Loku (interprétation): Je ne sais pas pour ce qui est des autres
5 maisons, parce qu'ils étaient plus loin. Je les ai vus, mais je ne sais
6 pas combien ils étaient.
7 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais, il y a un instant, vous nous
8 avez dit qu'ils sont allés dans d'autres maisons, que vous les avez vus
9 entrer dans d'autres maisons et maintenant vous nous dites que vous ne
10 savez pas, qu'ils étaient plus loin. Alors où se trouve la vérité: est-ce
11 que c'est dans ce que vous avez dit, il y a quelques instants, ou dans ce
12 que vous venez d'affirmer?
13 M. le Président (interprétation): Il convient de faire preuve d'équité
14 envers le témoin. Il n'y a pas forcément de différence. Il a dit qu'il a
15 vu des soldats entrer dans d'autres maisons, mais qu'il ne sait pas
16 combien ils étaient.
17 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, nous avons bien entendu ses
18 réponses. Inutile que vous les interprétiez.
19 M. le Président (interprétation): Mais il n'y a aucune raison qui justifie
20 votre manque d'équité envers le témoin et de lui faire dire des choses
21 qu'il n'a pas dites.
22 Poursuivons, s'il vous plaît.
23 M. Milosevic (interprétation): Veuillez me dire si, dans votre village, il
24 y a jamais eu des membres de l'UCK?
25 M. Loku (interprétation): Oui, il y en a eu. Non, il n'y en a pas eu.
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1 Question: Je suis désolé. Moi, j'ai reçu l'interprétation suivante: "Oui,
2 il n'y en a pas eu. Non, il n'y en a pas eu".
3 Alors, s'il vous plaît, répondez par oui ou par non: est-ce qu'il y en a
4 eu ou est-ce qu'il n'y en avait pas eu?
5 Réponse: Non, il n'y avait pas de membre de l'UCK à Kotlina.
6 M. Milosevic (interprétation): Bien. Eh bien, à votre avis, pourquoi les
7 Serbes ont-ils pilonné un village désert et pourquoi leur a-t-il fallu
8 quatre heures avant d'entrer dans ce village? De 7 heures à 11 heures, ils
9 ont pilonné un village vide et, finalement à 11 heures, ils sont entrés
10 dans le village et il n'y avait personne à cet endroit.
11 M. le Président (interprétation): C'est une question qu'il convient de
12 poser aux forces serbes et pas au témoin.
13 M. Milosevic (interprétation): Oui, cela vous semble logique, Monsieur
14 May? C'est cela?
15 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut pas répondre au nom de
16 quelqu'un d'autre. Si vous avez des observations à faire au sujet de sa
17 déposition, vous pourrez le faire en temps utile.
18 Veuillez, s'il vous plaît, poursuivre et passer à la prochaine question.
19 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien, bien.
20 A la page 1 de votre déclaration, au quatrième paragraphe, vous dites -et
21 vous pouvez d'ailleurs le relire, si vous le souhaitez-, vous dites: "Les
22 Serbes sont entrés dans votre village avec 13 chars, des camions, deux
23 véhicules de combat et il y avait plusieurs milliers de soldats serbes".
24 C'est ce que vous dites? Est-ce que c'est exact?
25 M. Loku (interprétation): Oui.
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1 Question: Veuillez, s'il vous plaît expliquer la chose suivante: je vous
2 ai demandé combien d'hommes étaient entrés et vous m'avez dit qu'ils
3 étaient 25, que vous en aviez vu 25, que vous n'aviez vu personne d'autre.
4 Mais dans votre déclaration, vous avez dit qu'ils étaient plusieurs
5 milliers.
6 Je souhaiterais vous rappeler que lorsque je vous ai demandé ce que vous
7 vouliez dire par "ils étaient nombreux", je vous ai demandé ce que vous
8 entendiez par là: 2.000, 3.000, 4.000, 500, etc., et vous avez répondu
9 qu'ils étaient 25. Et maintenant, dans votre déclaration, vous nous dites
10 qu'ils étaient plusieurs milliers. Pouvez-vous nous expliquer cela, s'il
11 vous plaît?
12 Réponse: Eh bien, ça c'étaient ceux que j'ai vus près de ma maison mais…
13 Et puis, il y en a d'autres que je n'ai pas vus autour des autres maisons.
14 Mais ils étaient très nombreux, les autres. J'en ai vu 25 près de chez
15 moi. Les autres, je ne sais pas, mais ils étaient beaucoup plus nombreux.
16 Question: Oui, mais je vous ai demandé, en dehors de ceux qui étaient près
17 de votre maison, combien il y avait de policiers et de soldats dans votre
18 village et vous avez répondu que vous ne le saviez puisque vous n'en aviez
19 vu que 25. Or, dans la déclaration que vous avez signée, vous avez déclaré
20 qu'ils étaient plusieurs milliers. Quand disiez-vous la vérité: lorsque
21 vous avez fait votre déclaration ou maintenant? Répondez, s'il vous plaît.
22 Réponse: Mais c'était comme ça!
23 Question: Bien. Si c'est bien exact, qu'est-ce qui aurait pu empêcher
24 plusieurs milliers de soldats d'entrer dans ce petit village qui est le
25 vôtre? Pourquoi ont-ils dû attendre pendant quatre heures, à votre avis?
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1 Ils étaient plusieurs milliers, plusieurs milliers à entrer dans Kotlina.
2 Réponse: Je ne sais pas. Vous, vous le savez peut-être?
3 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais il est indéniable que vous
4 affirmez qu'ils étaient plusieurs milliers?
5 M. le Président (interprétation): Vous avez déjà présenté cet argument.
6 M. Loku (interprétation): Je ne sais pas combien ils étaient; ils étaient
7 très nombreux.
8 M. Milosevic (interprétation): Bien. Savez-vous…
9 S'il vous plaît, écoutez-moi avec beaucoup d'attention et répondez avec
10 précision à ma question. Savez-vous que c'est justement dans votre village
11 que trouvait une prison bien connue où l'UCK détenait des Albanais qui
12 s'étaient montrés loyaux envers les autorités, oui ou non? S'il vous
13 plaît, répondez-moi par oui ou par non.
14 M. Loku (interprétation): Il n'y avait pas de prison à cet endroit; ceci
15 n'est pas vrai.
16 Question: Et savez-vous qu'il existait, dans le village d'Ivaja, une
17 prison du même type?
18 Réponse: Il n'y en avait pas. Je ne sais pas.
19 Question: Veuillez me dire à quelle distance se trouve le village d'Ivaja
20 de votre village?
21 Réponse: A cinq kilomètres.
22 Question: Et j'imagine que vous connaissez bien ce village?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Bien. Pouvez-vous me dire combien il y avait de membres de l'UCK
25 à l'école, dans le dispensaire et à la mosquée, ce jour-là?
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1 Réponse: Je ne sais pas. Je ne suis pas d'Ivaja.
2 M. Milosevic (interprétation): Moi, je vous ai parlé de votre village,
3 dans les bâtiments suivants: l'école, le dispensaire et la mosquée de
4 votre village.
5 M. Loku (interprétation): Que voulez-vous dire?
6 M. le Président (interprétation): Monsieur Loku, on avance ici que le jour
7 de l'offensive, le 8 mars, il y avait des membres de l'UCK dans l'école,
8 dans la mosquée ainsi qu'au dispensaire. Est-ce que c'est vrai ou est-ce
9 que ce n'est pas vrai?
10 M. Loku (interprétation): Non, ce n'est pas vrai.
11 M. Milosevic (interprétation): Veuillez me dire, s'il vous plaît: Milaim
12 Loku, est-ce que c'est un parent à vous?
13 M. Loku (interprétation): C'est un cousin éloigné.
14 Question: Savez-vous que lui, c'était le commandant de ce soi-disant sous-
15 commandement de la Brigade de Kacanik de l'UCK, la 162e Brigade? Et savez-
16 vous que cette brigade, elle était justement située au village de Kotlina?
17 Réponse: Non, ce n'était pas un commandant, ce n'était pas un soldat;
18 c'était un civil. Il n'y avait pas de membres de l'UCK à Kotlina.
19 Question: Bien. Vous affirmez que lui et Emerlla Kuci ont été tués par des
20 tireurs embusqués; est-ce exact?
21 Réponse: Oui. Le 9 mars. Il a été tué à ce moment-là.
22 Question: Est-ce que vous savez justement que votre parent Milaim Loku est
23 décédé justement parce qu'il était commandant de ce sous-groupe, de ce
24 sous-commandement de la 162e Brigade de l'UCK et qu'il a été tué lors d'un
25 affrontement avec la police et avec l'armée?
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1 Réponse: Il a été tué par les forces serbes. C'était un civil. Milaim Loku
2 et Emerlla Kuqi, tous les deux étaient civils.
3 Question: Dites-moi, s'il vous plaît, où ils se trouvaient au moment où
4 ils ont été tués?
5 Réponse: Ils étaient au village, ils étaient près de la rivière.
6 Question: Ceci veut dire qu'ils étaient dans votre village, village de
7 Kotlina, c'est cela?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Mais comment se fait-il qu'ils étaient là, alors qu'en réponse à
10 ma première question, vous m'avez dit que tous les habitants du village
11 avaient quitté Kotlina?
12 Réponse: Moi, je les ai vus le 10 mars après le départ des forces serbes;
13 c'est à ce moment-là que je les ai trouvés.
14 M. Milosevic (interprétation): Oui mais vous avez dit que tous les
15 habitants du village avaient quitté Kotlina. Pourquoi eux sont-ils restés?
16 M. Loku (interprétation): Ils ne se sont pas enfuis, ils se sont cachés.
17 Ils étaient à Kotlina au village. Tout le monde était là.
18 M. le Président (interprétation): Le moment est venu d'interrompre
19 l'audience pour une pause de 20 minutes.
20 Monsieur Loku, au cours de cette pause; je souhaiterais que vous ne
21 parliez à personne de votre déposition. Ceci vaut jusqu'à la fin de votre
22 déposition et vous ne devez parler à personne, y compris les membres du
23 Bureau du Procureur de vous parler de votre déposition. Nous nous
24 retrouverons ici même dans 20 minutes.
25 (Le témoin, M. Isuf Loku, est reconduit hors du prétoire.)
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1 (L'audience, suspendue à 10 heures 32, est reprise à 11 heures.)
2 (Le témoin M. Isuf Loku est dans le prétoire.)
3 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
4 M. Milosevic (interprétation): Vous avez expliqué qu'il n'y avait pas de
5 membres de l'UCK dans votre village et que vos parents n'étaient pas
6 membres de l'UCK. Dites-moi maintenant: où se trouvaient les membres de
7 l'UCK les plus proches? Ils n'étaient pas dans votre village, où se
8 trouvaient-ils? Quel était l'endroit le plus proche de votre village où
9 ils se trouvaient?
10 M. Loku (interprétation): Il n'y avait pas d'UCK à Kotlina.
11 Question: Je ne parle pas de Kotlina maintenant. Ce que je demande c'est:
12 près de Kotlina, à quelle distance étaient-ils? Pas dans Kotlina. Vous
13 avez dit qu'il n'y en avait pas à Kotlina, d'accord. Bien. Mais à quelle
14 distance se trouvaient-ils, s'ils ne se trouvaient pas à Kotlina? A quelle
15 distance de Kotlina?
16 Réponse: L'UCK était très loin de là, dans le village de Ivaja; là il y
17 avait des UCK.
18 Question: Vous avez dit, il y a un moment, que le village d'Ivaja était à
19 cinq kilomètres de votre propre village, exact?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Alors, les soldats qui -dites vous- sont entrés dans votre
22 village, les quelque milliers de soldats qui y sont entrés, sont d'abord
23 passés par Ivaja. Sont-ils passés par Ivaja ou sont-ils d'abord passés par
24 votre propre village?
25 Réponse: Le jour précédent, la veille, ils avaient été à Ivaja mais ils
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1 sont... Le 8 ils étaient à Ivaja, le 9 ils sont venus à Kotlina. Mais ils
2 venaient de Gurri i Zi et Ivaja.
3 Question: Bien. Et combien de temps ont duré les combats pour et dans
4 Ivaja?
5 Réponse: Toute la journée. Je ne sais pas, je n'y étais pas.
6 Question: "Toute la journée", qu'est-ce que ça veut dire? Du matin
7 jusqu'au soir ou quoi? Ou est-ce que ça s'est poursuivi après la nuit
8 tombée?
9 Réponse: Du matin jusqu'à midi, je suppose, je ne sais pas.
10 Question: Et combien y avait-il de membres des forces de l'UCK à Ivaja?
11 Réponse: Je ne sais pas.
12 Question: Puisque les combats se sont poursuivis du début de la matinée
13 jusqu'à midi ou dans l'après-midi, je suppose qu'il y a eu beaucoup de
14 membres de l'UCK à Ivaja. Est-ce qu'ils se sont enfuis? Est-ce qu'ils ont
15 fui Ivaja dans l'après-midi?
16 Réponse: Je ne sais pas!
17 Question: Alors, comment savez-vous que les combats se sont poursuivis du
18 matin jusqu'à l'après-midi?
19 Réponse: Parce que j'ai entendu les tirs, les coups de feu. Du matin
20 jusqu'à l'après-midi.
21 Question: Après que cet affrontement ait cessé, c'est-à-dire entre l'armée
22 et l'UCK à Ivaja, avez-vous rencontré des membres de l'UCK? Est-ce que
23 vous en avez rencontré dans votre village, vous et les habitants de votre
24 village?
25 Réponse: Je n'en ai pas rencontré.
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1 Question: Pas même après, au cours des jours suivants? Vous n'en avez pas
2 rencontré non plus?
3 Réponse: Je ne les ai jamais rencontrés. Je n'en ai jamais rencontré.
4 Question: Et est-ce que Hazbi Loku est un parent à vous aussi?
5 Réponse: C'est un parent éloigné, c'est un cousin éloigné.
6 Question: Bien. Etait-il membre d'unité de l'UCK?
7 Réponse: Non, il ne l'était pas.
8 Question: Puisqu'il s'agit d'un parent éloigné, est-ce que c'est quelque
9 chose dont vous êtes sûr ou est-ce que vous supposez simplement que c'est
10 le cas?
11 Réponse: Non, je le sais.
12 Question: Et savez-vous que Hazbi Loku est témoin ici, à La Haye?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois?
15 Réponse: Il y a deux mois.
16 Question: Avez-vous parlé de votre déposition et de sa déposition devant
17 le Tribunal?
18 Réponse: Non.
19 Question: Donc, vous et lui saviez que vous alliez faire des dépositions à
20 La Haye mais vous n'en avez pas parlé entre vous; c'est ça que vous nous
21 dites?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Dites-moi ceci: dans votre famille, tant les parents éloignés
24 que les parents proches, combien étaient des membres de l'UCK?
25 Réponse: Il n'y en avait aucun.
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1 Question: Bien. Alors est-il vrai, par rapport à l'événement que vous avez
2 décrit, que déjà, le jour suivant, le lendemain, à savoir après la
3 prétendue attaque par les forces serbes contre votre village à Kotlina,
4 l'OSCE est apparue?
5 Réponse: Oui, le 10 mars; c'est à ce moment-là que l'OSCE est arrivée.
6 Question: Et combien étaient-ils?
7 Réponse: Trois.
8 Question: Trois personnes. Et un seul véhicule de l'OSCE, un seul véhicule
9 est arrivé, n'est-ce pas?
10 Réponse: D'abord, il y en a eu un, puis d'autres sont venus.
11 Question: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire quand vous dites:
12 "un, puis un autre". Vous voulez dire: un véhicule, puis un autre
13 véhicule? Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?
14 Réponse: Je voulais dire que, par la suite, cinq autres sont venus.
15 Question: Eclaircissons ce point. Trois hommes sont arrivés dans un
16 véhicule pour commencer, puis cinq autres, cinq autres personnes sont
17 arrivées dans un deuxième véhicule: ce qui fait huit personnes et deux
18 véhicules. Est-ce bien cela?
19 Réponse: Un seul véhicule est venu dans le voisinage de Dreshec; quatre
20 autres sont venus au centre du village.
21 Question: Je ne vous suis pas bien lorsque vous dites "dans le village de
22 Dreshec". Votre village s'appelle "Kotlina". Sont-ils venus à Kotlina ou à
23 Dreshec?
24 Réponse: Dreshec est un secteur voisin; je n'ai pas dit "village".
25 Question: Bien. Mais je suppose qu'ils ont fait la tournée de l'ensemble
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1 du village?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Et quelqu'un des autorités -Serbes, Kosovo, Yougoslavie- était-
4 il avec… les accompagnait-il, ou étaient-ils seuls?
5 Réponse: Je ne sais pas. Je n'ai pas de renseignements à ce sujet.
6 Question: Bien. Mais vous les avez vus, vous dites que vous les avez vus;
7 il y en avait trois plus cinq, ce qui fait un total de huit. Est-ce que
8 quelqu'un d'autre les accompagnait?
9 Réponse: Il y avait l'interprète.
10 Question: Et combien de temps sont-ils restés dans votre village?
11 Réponse: Ils y sont restés toute la journée.
12 Question: Vous ont-ils prêté une aide quelconque à cette occasion?
13 Réponse: Ils ont pris les habitants du voisinage de Dreshec, à Kacanik,
14 seulement les habitants de Dreshec parce que les maisons avaient été
15 brûlées: les femmes, les enfants et les personnes âgées.
16 Question: Et combien de maisons y a-t-il dans cette partie de la ville,
17 celle qui s'appelle Dreshec, le quartier de Dreshec?
18 Réponse: 17.
19 Question: Ceci veut-il dire que, dans l'autre partie du village, c'est-à-
20 dire dans le village proprement dit, les maisons étaient intactes?
21 Réponse: Ils les avaient seulement pillées, les maisons, ils avaient
22 seulement pillé les maisons dans le centre du village, le 9 mars. Ils ne
23 les ont pas incendiées ce jour-là.
24 Question: Mais vous dites que le village a été pilonné pendant plusieurs
25 heures. Comment se fait-il que les maisons n'aient pas été détruites si le
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1 village avait effectivement été bombardé pendant plusieurs heures?
2 Réponse: Les fantassins ont mis le feu aux maisons.
3 Question: Où?
4 Réponse: Dans le quartier, dans le voisinage de Dreshec.
5 Question: Bien. Alors vous dites qu'il y avait là 17 maisons et que
6 Kotlina, proprement dit, n'avait pas été endommagée. Est-ce que j'ai
7 compris que vous avez dit cela?
8 Réponse: Oui, ils ont seulement pillé les maisons qui se trouvaient dans
9 la partie centrale du village, le 9 mars.
10 M. Milosevic (interprétation): Bien. C'est la raison pour laquelle je vous
11 pose ces questions. Comment est-il possible que Kotlina soit restée
12 intacte, n'ait pas été endommagée si, pendant plusieurs heures, elle avait
13 été bombardée comme vous l'avez décrit, avant que les forces n'entrent en
14 fait dans le village?
15 M. Loku (interprétation): L'ensemble du village a été brûlé le 24 mars
16 ensuite, plus tard.
17 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous aider sur ce point?
18 Ce qui est dit, c'est que s'il y a eu bombardement ou pilonnage, est-ce
19 que les maisons ont été endommagées par les coups de canon ou pas?
20 M. Loku (interprétation): Certaines maisons ont été endommagées, d'autres
21 pas.
22 M. le Président (interprétation): Oui.
23 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que les représentants de l'OSCE vous
24 ont donné une aide quelconque? Est-ce qu'ils vous ont aidés d'une façon
25 quelconque pour emmener les habitants de cette partie du village qui
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1 s'appelle "Dreshec", pour les emmener à Kacanik, comme vous le dites vous-
2 même?
3 M. Loku (interprétation): Ils ont donné quelques aides aux malades.
4 Question: Y avait-il un médecin parmi eux, par exemple?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et les personnes qu'ils aidaient, de quoi souffraient-elles?
7 Pourquoi avaient-elles besoin d'aide?
8 Réponse: Je ne sais pas, ils étaient malades.
9 Question: Bien. Est-ce que Naim Loku et Lulzim Loku étaient-ils membres de
10 l'UCK?
11 Réponse: Non, ils ne l'étaient pas.
12 Question: Selon vous, pendant la seconde attaque lancée contre Kotlina,
13 qui a eu lieu, à nouveau selon votre explication, le 24 mars 1999, vous
14 dites que vous avez vu l'attaque et vu l'arrivée -comme vous dites- des
15 forces serbes d'une distance d'environ deux kilomètres.
16 Donc vous avez observé tout cela d'une distance d'environ deux kilomètres,
17 est-ce exact?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Est-ce que ce n'était pas la même position que celle dans
20 laquelle vous vous trouviez lorsque vous aviez observé l'attaque le 8 et
21 le 9?
22 Réponse: Non. C'était ailleurs. J'étais près du centre.
23 Question: Quand étiez-vous près du centre?
24 Réponse: Le 24 mars.
25 Question: Oui! Et vous dites que vous avez observé l'attaque qui avait
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1 lieu d'une distance d'approximativement deux kilomètres?
2 Réponse: J'étais plus près que cela.
3 Question: Bon, éclaircissons les choses un peu. Vous dites que vous étiez
4 proche du centre, près du centre, et puis vous dites aussi, dans votre
5 déclaration, que vous avez observé d'une distance de deux kilomètres.
6 Alors, lequel des deux est exact: que vous étiez proche du centre ou que
7 vous avez observé à partir d'une distance d'environ deux kilomètres?
8 Réponse: Le centre du village est à environ deux kilomètres de ce secteur
9 et moi, j'étais près du secteur. Et c'est de là que j'ai vu l'attaque.
10 Question: De sorte que le 24 mars, vous avez observé l'attaque contre
11 Dreshec, c'est cela?
12 Réponse: J'ai entendu les obus qui venaient de Glloboçiça, puis ils ont
13 atterri dans le centre du village.
14 Question: Mais vous dites que vous étiez au centre du village!
15 Réponse: J'étais près du centre du village, pas dans le centre du village;
16 j'en étais proche.
17 Question: Vous venez de nous expliquer que, d'un point proche du centre,
18 en ce qui concerne Dreshec, vous étiez à deux kilomètres. Est-ce que ce
19 n'est pas ce que vous avez dit?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Et que l'attaque a été lancée contre Dreshec, comme vous dites,
22 que vous observiez l'attaque d'une distance de deux kilomètres. L'attaque
23 était lancée contre Dreshec, n'est-ce pas?
24 Réponse: Oui. Ils tiraient dans la direction de Dreshec.
25 Question: Bien. Ceci veut dire que vous les avez vus tirer dans la
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1 direction de Dreshec, le 24 mars, d'une distance de deux kilomètres, qui
2 est l'endroit où vous vous trouviez, près du centre du village; c'est bien
3 cela?
4 Réponse: Oui.
5 M. Milosevic (interprétation): Mais il y a un moment, vous avez expliqué
6 que Dreshec avait été entièrement détruit; ça veut dire les 17 maisons qui
7 s'y trouvaient?
8 M. le Président (interprétation): Nous tournons en rond sur ces points; je
9 n'ai pas l'impression que nous progressions. Le témoin a expliqué de son
10 mieux…
11 Alors, à moins que vous n'ayez une nouvelle question, un nouveau point à
12 poser, allons de l'avant. Ne perdons pas trop de temps sur ces distances,
13 ces descriptions. Il faudra bien que nous prenions nous-mêmes une décision
14 sur ces éléments de preuve en temps utile.
15 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous ne pouvez pas vous décider
16 si vous n'entendez pas mes questions et ses réponses!
17 M. le Président (interprétation): Pas s'il y a un grand nombre de
18 répétitions. Bon, il vous reste encore à peu près six minutes pour cet
19 interrogatoire.
20 M. Milosevic (interprétation): Bien. Très bien! Je vais donc me dépêcher.
21 Mais le témoin explique qu'il a observé l'attaque sur Dreshec qui, selon
22 lui, avait été détruite le 9 mars, et ceci, à partir du centre du village.
23 Alors, le 24 mars, avez-vous vu des membres de l'armée ou de la police
24 lorsque la deuxième attaque a eu lieu?
25 M. Loku (interprétation): Oui.
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1 Question: Et d'où observiez-vous cela? Du même endroit, près du centre du
2 village?
3 Réponse: D'où ils venaient, ils venaient de Gurri i Zi, de la direction de
4 Glloboçica, vers le centre; c'est là qu'ils se sont trouvés. Ils ont tué,
5 ils ont incendié les maisons et ils se sont livrés au pillage.
6 Question: Est-ce que maintenant vous nous parlez du 24 ou est-ce que vous
7 revenez au 9 mars? Parce que vous avez dit qu'ils étaient venus, à ce
8 moment-là, de Globocica également?
9 Réponse: Moi, je vous parle du 24. Ils sont revenus et une fois encore,
10 ils venaient de Glloboçica et de Gurri i Zi. Mais maintenant, je vous
11 parle du 24.
12 Question: Et est-il exact qu'au village, à ce moment-là, quand vous êtes
13 revenu après l'attaque, vous avez vu Zymer Loku qui avait été blessé? Est-
14 ce exact?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Où avait-il été blessé?
17 Réponse: Il était blessé à la jambe droite et au bras droit.
18 Question: Moi, je vous demande où il se trouvait au moment où il a été
19 blessé. Mais d'après ce que vous dites, il a été blessé au village, vous
20 l'avez trouvé au village?
21 Réponse: Il était à proximité de sa maison. Il a été blessé près du
22 centre. Je l'ai vu de mes yeux.
23 Question: Et quand vous l'avez vu, est-ce que vous lui avez parlé?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Savez-vous pourquoi il n'avait pas quitté le village auparavant,
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1 comme le reste des habitants?
2 Réponse: Ils étaient tous là! Il a été blessé, il n'a pas pu aller à
3 Kacanik. Les autres ont été tués, ont été massacrés et emmenés à Kacanik;
4 c'est ce qu'il m'a dit.
5 Question: Et le 24 mars, dans voter village, y avait-il des membres de
6 l'UCK?
7 Réponse: Non, il n'y en avait pas.
8 Question: Donc vous affirmez que personne dans votre village n'est mort au
9 cours des combats entre eux-mêmes et les forces de la Yougoslavie et de la
10 Serbie?
11 Réponse: Les Serbes les ont capturés.
12 Question: Qui ont-ils capturé?
13 Réponse: Il y en a 22 qui ont été massacrés.
14 Question: Vous dites qu'ils les ont capturés?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Que s'est-il passé ensuite, après que ces gens ont été capturés?
17 Réponse: Ils les ont massacrés, les ont enterrés dans un trou et ils ont
18 rebouché le trou.
19 Question: Et vous l'avez vu, cela?
20 Réponse: Je ne l'ai pas vu au moment où cela s'est produit, mais une fois
21 qu'ils sont partis, je suis allé sur les lieux.
22 Question: Et qu'avez-vous vu sur ces lieux?
23 Réponse: Ils les avaient recouverts de terre; j'ai vu des bouts de
24 vêtements par terre, des chaussures, des bottes. C'est tout ce que j'ai
25 vu. C'était la nuit, d'autre part.
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1 Question: Mais comment savez-vous qu'ils avaient été massacrés s'ils
2 avaient déjà été enterrés?
3 Réponse: C'est Zymer Loku qui me l'a dit. Il a été blessé, mais il était
4 toujours vivant.
5 Question: Oui, mais cela veut dire que tout ce que vous affirmez
6 maintenant, ce sont des choses qui vous ont été rapportées par des tiers.
7 Vous n'avez rien vu de tout cela vous-même?
8 Réponse: Moi, j'ai vu de mes yeux Zymer Loku.
9 Question: Certes, vous avez vu Zymer Loku qui a été blessé, oui. Lui, vous
10 l'avez vu. Mais tout le reste, tout ce que vous nous avez dit, c'est lui
11 ou d'autres qui vous l'ont dit. Vous ne l'avez pas vu vous-même?
12 Réponse: Oui, c'est exact. Je n'étais pas loin, mais je ne l'ai pas vu de
13 mes yeux.
14 M. Milosevic (interprétation): Bien, merci.
15 M. le Président (interprétation): Maître Wladimiroff, avez-vous des
16 questions à poser au témoin?
17 M. Wladimiroff (interprétation): Non, Monsieur le Président.
18 M. le Président (interprétation): Monsieur Saxon?
19 M. Milosevic (interprétation): Avant de poursuivre, étant donné que vous
20 avez fourni beaucoup de documents, s'agissant de ceci, de ce livre et de
21 son versement au dossier, moi je n'ai pas demandé à ce que la totalité du
22 livre soit versée au dossier; j'ai simplement demandé à ce qu'une phrase
23 prononcée par Robert Gelbard soit versée au dossier. Ceci a trait au fait
24 que l'on y désigne et définit l'UCK comme une "organisation terroriste".
25 M. le Président (interprétation): Nous nous interrogerons sur cela en
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1 temps utile, mais finissons-en en premier lieu avec la déposition de ce
2 témoin.
3 M. Milosevic (interprétation): Je pensais qu'on en avait terminé avec
4 cette déposition.
5 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Isuf Loku, par M.
6 Saxon.)
7 M. Saxon (interprétation): Monsieur Loku, le village de Kotlina est
8 composé de combien de hameaux?
9 M. Loku (interprétation): De trois hameaux.
10 Question: Donc, en plus de Dreshec, quels sont les autres hameaux, les
11 autres quartiers de Kotlina?
12 Réponse: Reke et le centre du village.
13 Question: Est-ce que ces trois quartiers sont situés à proximité de la
14 montagne de Sheshi?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Parlons un peu du 9 mars, le jour de l'attaque contre votre
17 village. Au moment où le pilonnage a commencé, étiez-vous chez vous?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Est-ce que vos voisins aussi étaient chez eux?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Et quand les gens ont commencé à s'enfuir dans la forêt
22 avoisinante, vous nous dites que vous vous êtes caché avec 13 personnes.
23 Est-ce que toutes ces personnes se trouvaient à leur domicile au moment où
24 les bombardements ont commencé?
25 Réponse: Oui, ils étaient tous chez eux.
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1 Question: Est-ce que vous avez fait votre service militaire, Monsieur
2 Loku?
3 Réponse: Oui.
4 Question: De ce fait, vous connaissez les armes à feu, vous connaissez le
5 bruit qu'elles provoquent?
6 Réponse: Oui.
7 Question: De l'endroit où vous vous cachiez, le matin du 9 mars, avez-vous
8 vu ou entendu des tirs en riposte provenant de votre quartier de Dreshec,
9 tirs dirigés contre les forces serbes?
10 Réponse: Non.
11 Question: De l'endroit où vous vous cachiez, avez-vous vu ou entendu des
12 tirs en riposte dirigés contre les forces serbes, des tirs qui venaient
13 d'un endroit quelconque de votre village?
14 Réponse: Non.
15 Question: Vous nous dites avoir vu des policiers et des soldats à
16 proximité de votre maison. Pouvez-vous, en quelques mots, nous décrire les
17 uniformes dont étaient vêtus les policiers que vous avez vus?
18 Réponse: Oui, ils étaient bleus. Les policiers portaient des uniformes
19 bleus et les soldats des uniformes verts.
20 Question: Sur les uniformes des policiers, avez-vous pu, de l'endroit où
21 vous vous teniez, distinguer des inscriptions?
22 Réponse: Oui, sur le bras gauche, ils avaient un badge ou un insigne où il
23 y avait écrit "Milicija".
24 Question: Passons rapidement au 24 mars. Pouvez-vous nous expliquer où, ce
25 jour-là, vous vous êtes caché sur le mont Sheshi?
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1 Réponse: C'était un endroit, c'était en hauteur, un endroit élevé, mais
2 pas loin du centre du village.
3 Question: Et de l'endroit où vous vous cachiez, le 24 mars, étiez-vous en
4 mesure de voir le centre du village?
5 Réponse: Non, je ne l'ai pas vu de mes yeux.
6 Question: Le 24 mars, avez-vous vu, avez-vous entendu des tirs en riposte
7 dirigés contre les forces serbes?
8 Réponse: Non. Non..
9 Question: Vous dites que "le 24 mars, ils sont arrivés au centre du
10 village". Qu'entendez-vous par "ils"?
11 Réponse: Les policiers et les soldats serbes, ce sont eux que je voulais
12 évoquer.
13 Question: Après l'arrivée des forces serbes au centre du village, avez-
14 vous vu quoi que ce soit venir ou sortir du centre du village?
15 Réponse: Après leur départ, je suis allé sur place et j'ai vu qu'il y
16 avait des maisons qui avaient été incendiées: le dispensaire, l'école
17 avaient été incendiés, la mosquée avait été endommagée mais pas brûlée.
18 Question: Pendant que les forces serbes se trouvaient au centre de
19 Kotlina, le 24 mars, avez-vous vu des flammes qui montaient du centre du
20 village?
21 Réponse: Oui, j'ai vu les flammes, et la fumée qui montait vers le ciel.
22 Question: Vous nous dites que plus tard, ce soir-là, vous avez parlé à un
23 homme blessé dénommé Zymer Loku. Et, dans la traduction en anglais, nous
24 avons entendu que M. Zymer Loku avait été blessé à la main et au bras.
25 Est-ce que vous avez dit "la main et le bras", ou est-ce que vous avez dit
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1 "la main et la jambe"?
2 Réponse: Au bras droit et à la jambe droite.
3 Question: Est-ce que M. Loku a ensuite succombé à ses blessures?
4 Réponse: Oui, au bout de deux heures.
5 Question: Est-ce que M. Loku vous a dit ce qu'il était advenu des 22
6 hommes qui avaient été faits prisonniers à Kotlina?
7 Réponse: Il m'a dit que les forces serbes étaient venues, les avaient fait
8 prisonniers; ils avaient emmené certains des enfants, certaines des femmes
9 à Kacanik, que d'autres, ils les avaient massacrés. Il m'a dit qu'il avait
10 été blessé, et j'ai pu le constater moi-même.
11 Question: Est-ce que M. Loku vous a dit comment les hommes avaient été
12 massacrés?
13 Réponse: Il les avait vus à distance.
14 Question: A-t-il dit quoi que ce soit au sujet de la manière dont les
15 hommes ont été massacrés?
16 Réponse: Il a dit qu'ils les avaient fait sortir du dispensaire, qu'ils
17 les avaient emmenés à un endroit en hauteur, qu'ils les avaient frappés,
18 qu'ils les avaient massacrés.
19 M. Saxon (interprétation): Dans le contre-interrogatoire, vous avez dit
20 que ces 22 hommes massacrés avaient été enterrés dans un trou. Est-ce que
21 vous vouliez parler de trou ou de puits?
22 M. le Président (interprétation): Là, il s'agit d'une question directrice.
23 M. Saxon (interprétation): Mais je souhaite préciser un point.
24 M. le Président (interprétation): Mais c'est une question tendancieuse,
25 Monsieur Saxon, au plus haut point, sur une question assez cruciale.
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1 Monsieur le Témoin, de quelle sorte de trou s'agissait-il?
2 M. Loku (interprétation): Il s'agissait d'un trou qui avait été creusé par
3 un habitant du village qui recherchait de l'eau, mais il n'avait pas
4 trouvé d'eau, il avait laissé le trou en l'état. Voilà, c'était une sorte
5 de puits.
6 M. Saxon (interprétation): Avant l'attaque du 24 mars, est-ce que ce trou,
7 est-ce que ce puits était toujours ouvert?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Au cours de l'attaque du 24 mars, avez-vous entendu des
10 explosions?
11 Réponse: Oui. Oui, j'ai entendu deux explosions vers 17 heures.
12 Question: Et lorsque vous êtes revenu dans le village après, quel était
13 l'état de ce trou ou de ce puits?
14 Réponse: Il était couvert de terre, il avait été rempli.
15 Question: Et ces 22 hommes, est-ce qu'on a revu certains d'entre eux
16 vivants depuis le 24 mars?
17 Réponse: Non.
18 M. Saxon (interprétation): Je n'ai plus de questions à poser au témoin.
19 (Question de M. le Juge Kwon au témoin, M. Isuf Loku.)
20 M. Kwon (interprétation): Vous nous avez parlé du massacre de 22 jeunes
21 hommes qui ont été enterrés dans ce trou. Vous nous avez dit que cet
22 incident vous a été rapporté par M. Zymer Loku; est-ce bien exact?
23 M. Loku (interprétation): Oui.
24 Question: Comment M. Zymer Loku avait-il connaissance de cet incident?
25 Est-ce qu'il faisait partie des hommes capturés?
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1 Réponse: Il était là, il avait vu ces hommes être faits prisonniers. Ces
2 22 hommes.
3 Question: Je ne comprends pas très bien. Est-ce que vous avez dit qu'il
4 faisait partie des 22 hommes capturés, oui ou non? Je vérifie.
5 Réponse: Il a été blessé. Il n'a pas été fait prisonnier. Il a simplement
6 vu ces hommes être faits prisonniers et emmenés à l'endroit où se trouvait
7 le trou.
8 Question: Et où a-t-il vu cet incident?
9 Réponse: Il se trouvait près de sa maison.
10 Question: Vous dites que vous connaissiez M. Hazbi Loku, qu'il est un
11 cousin éloigné.
12 Réponse: Oui.
13 Question: Où habite-t-il? Est-ce qu'il habite à proximité de chez vous?
14 Réponse: Non, il habite dans le quartier de Reka, c'est l'autre hameau qui
15 s'appelle Reka.
16 Question: Et Milaim Loku, c'est son frère?
17 Réponse: Oui, c'est ça.
18 Question: Avez-vous entendu parlé du massacre de ces 22 jeunes hommes par
19 M. Hazbi Loku?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Donc cet incident vous a été rapporté par deux hommes: M. Zymer
22 Loku et M. Hazbi Loku?
23 Réponse: De Zymer Loku.
24 Question: Et pas de Hazbi Loku?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Merci. Vous n'avez pas parlé du massacre dans votre déclaration
2 écrite, comment cela se fait-il?
3 Réponse: Parce que je ne l'ai pas vu de mes yeux, je n'étais pas présent.
4 M. Kwon (interprétation): Merci.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Loku, nous sommes arrivés à la
6 fin de votre déposition. Je vous remercie d'être venu déposer au Tribunal
7 pénal international. Vous pouvez maintenant quitter le prétoire.
8 M. Loku (interprétation): Merci.
9 (Le témoin, M. Isuf Loku, est reconduit hors du prétoire.)
10 (Questions relatives à la procédure.)
11 M. le Président (interprétation): Maître Wladimiroff?
12 M. Wladimiroff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les
13 Juges, avant d'entendre le témoin suivant, je souhaiterais soulever une
14 question au sujet de ce témoin à huis clos partiel.
15 M. le Président (interprétation): Je m'excuse, mais le témoin a parlé du
16 livre. Peut-être serait-il bon d'en discuter avant de passer au témoin
17 suivant?
18 Monsieur Milosevic, une des raisons pour lesquelles le livre a été versé
19 au dossier, c'est que vous avez demandé le versement au dossier de ce
20 livre. On vient de me remettre l'extrait du compte rendu d'audience où
21 l'on voit que vous avez demandé à ce que le livre soit versé au dossier et
22 nous avons répondu par l'affirmative.
23 Demandez-vous maintenant à ce que le livre en question ne soit plus versé
24 au dossier?
25 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai…
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1 Excusez-moi, je ne sais pas ce qui se passe, il y a un problème avec le
2 micro.
3 J'ai demandé à ce que la déclaration de Robert Gelbard envoyée dans les
4 Balkans, que cette déclaration soit versée au dossier; déclaration dans
5 laquelle il définit l'UCK comme une organisation terroriste. Et cette
6 déclaration, on la trouve dans ce livre; ceci, il est impossible de le
7 nier. Je demandais donc à ce qu'on admette au dossier un article d'une
8 encyclopédie; je ne demanderai pas à ce qu'on verse au dossier toute une
9 encyclopédie. J'ai parlé du livre parce que…
10 M. le Président (interprétation): Bien. Mais est-ce que vous vous opposez
11 au versement au dossier du livre lui-même? Et si c'est le cas, pourquoi?
12 M. Milosevic (interprétation): Parce qu'en premier lieu, je n'ai pas lu le
13 livre en question et deuxièmement, parce que dans ce livre j'ai trouvé la
14 déclaration de Gelbard. Et étant donné que vous, vous utilisez ce livre, à
15 ce moment-là l'authenticité de cette déclaration est indéniable, bien
16 qu'elle puisse être corroborée par divers articles parus dans les journaux
17 ou divers… qui montrent que cette déclaration a bien été donnée.
18 Je demande donc à ce que l'on verse au dossier cette déclaration où il est
19 dit que l'UCK est une organisation terroriste. Voilà ce qui est essentiel
20 ici, et c'est pourquoi j'insiste.
21 (Les Juges se consultent sur le siège.)
22 M. le Président (interprétation): Est-ce que l'accusation demande à ce que
23 le livre soit versé au dossier?
24 M. Nice (interprétation): Il vous sera peut-être utile d'apprendre que
25 nous allons avoir un témoin qui va nous expliquer comment cet ouvrage a
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1 été préparé et la méthodologie qui a été employée.
2 M. le Président (interprétation): Une solution que l'on pourrait adopter
3 est la suivante: on pourrait verser au dossier la déclaration à laquelle
4 il a été fait référence -ceci porterait la cote D6- et le livre pourrait
5 se voir attribuer une cote de l'accusation, afin que les choses ne soient
6 pas trop confuses.
7 Mme Anoya (interprétation): Le livre sera la pièce à conviction de
8 l'accusation n°145.
9 M. Nice (interprétation): Le témoin suivant…
10 M. le Président (interprétation): Maître Wladimiroff, vous souhaitez
11 intervenir?
12 M. Wladimiroff (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs
13 les Juges.
14 J'ai été informé, avant que le témoin ne soit entendu, que les mesures de
15 protection qu'il avait demandées allaient être annulées et qu'il
16 témoignerait en audience publique, donc je n'ai pas vraiment pensé à la
17 question des mesures de protection et des conséquences. Ce que j'ai fait
18 maintenant, et je m'excuse de ne pas être intervenu plus tôt.
19 Mais je pense qu'il convient que je vous dise que j'ai une objection quant
20 à l'audition de ce témoin avec la distorsion des traits de son visage et
21 ceci, pour deux raisons.
22 La première, j'en ai déjà parlé; on peut la résoudre en demandant à ce que
23 le témoin présente une preuve d'identité formelle, passeport ou autre.
24 La deuxième préoccupation que j'ai est plus importante, elle a trait au
25 fait qu'il n'a pas eu les fonctions qu'il prétend avoir eues; c'est ce qui
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1 a été affirmé. Il est possible que dans le contre-interrogatoire on ne
2 puisse pas répondre à cette question comme il le faut. Et je pense que
3 l'accusé est en droit de voir le témoin déposer en audience publique, de
4 même que l'accusé doit avoir la possibilité que des témoins se présentent
5 volontairement après avoir vu ce témoin. Ce qui ne se passerait pas si le
6 témoin dépose sans que l'on connaisse son nom.
7 Si l'on permet au témoin de déposer en bénéficiant de la distorsion des
8 traits de son visage, je pense que le procès ne sera pas aussi public
9 qu'il doit l'être et ça, c'est une préoccupation essentielle que j'ai. Je
10 vous demande donc de réfléchir à votre décision à ce sujet et d'envisager
11 de la modifier.
12 Je souhaite vous rappeler que, dans une ordonnance que vous avez faite
13 s'agissant des mesures de protection et qui concernait aussi ce témoin,
14 vous ordonniez des mesures de protection pour un ensemble de témoin, ce 22
15 mars. Il ne s'agissait pas d'une ordonnance qui avait trait uniquement à
16 ce témoin précis.
17 On nous dit que le témoin bénéficie d'un programme de réinstallation dans
18 un autre pays ou un autre lieu. Nous ne savons pas si c'est le témoin qui
19 a exigé cela. Mais, même si c'est le cas, nous nous demandons si le fait
20 d'exiger que le témoin dépose en audience publique remettrait vraiment en
21 cause ce programme de réinstallation dont il bénéficie. Personne ne sait
22 où il va aller s'installer si bien que le fait qu'il apparaisse en
23 audience publique ne remettrait pas en question cette nouvelle vie.
24 De plus, nous estimons que la Chambre peut très bien empêcher les
25 journalistes ou d'autres de prendre des photographies du témoin ou de le
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1 dessiner. Parce que ceci serait autre chose. Mais nous pensons qu'accorder
2 la distorsion des traits du visage à ce témoin n'est pas la bonne manière
3 de procéder pour répondre aux questions qui ont été soulevées par
4 l'accusé. Parce que les questions qu'il a soulevées sont des questions
5 extrêmement sérieuses et qu'il ne pourra pas y répondre simplement par le
6 biais du contre-interrogatoire.
7 M. le Président (interprétation): Nous allons y réfléchir.
8 Monsieur Nice?
9 M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si vous souhaitez que
10 j'intervienne à nouveau, mais je dois dire que les mesures de protection
11 existent pour protéger les témoins. Le témoin a reçu des menaces, il a été
12 torturé ainsi que sa femme. Il a été obligé de quitter son pays. Il est
13 prêt à témoigner à condition qu'on lui autorise des mesures de protection.
14 Il a du courage: il vient pour déposer ici. Bien entendu que, s'il
15 témoigne ici, il va être reconnu par un très grand nombre de gens, il a eu
16 des fonctions politiques. Il n'y aura aucun préjudice envers l'accusé si
17 on accorde au témoin des mesures de protection consistant à déformer les
18 traits de son visage.
19 Je n'ai rien à ajouter à ce sujet.
20 M. le Président (interprétation): Je pense que nous avons vraiment entendu
21 suffisamment d'arguments sur la question.
22 (Les Juges se consultent sur le siège.)
23 Nous n'allons pas modifier l'ordonnance, l'ordonnance qui a été rendue de
24 façon tout à fait claire à l'époque. Il est juste que le témoin dispose
25 des mesures de protection en question, vu les circonstances. Bien entendu,
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1 la déposition se déroulera en audience publique. Il me semble que tout
2 préjudice causé par le fait à l'accusé est extrêmement limité.
3 M. Nice (interprétation): Peut-on faire venir le témoin?
4 M. Milosevic (interprétation): Puis-je ajouter quelque chose d'autre?
5 M. le Président (interprétation): Pas à ce sujet, Monsieur Milosevic. Je
6 pense que nous en avons suffisamment traité.
7 M. Nice (interprétation): Pendant qu'on prépare le prétoire pour faire
8 entrer le témoin, je crois qu'on vous a remis une liste des personnes qui
9 sont évoqués dans la déclaration du témoin, ce qui peut se révéler fort
10 utile parce que, quand on est confronté à trop de noms, il est difficile
11 de se souvenir de quoi il retourne.
12 Vous avez donc ici une liste de noms des personnes avec leur poste. Nous
13 sommes en train de distribuer une série de traductions; j'espère que les
14 interprètes n'y verront pas de mal. Mais ceci nous présente des
15 interprétations, des traductions possibles des dénominations des
16 différentes institutions qui vont être évoquées. De cette manière, il y
17 aura cohérence dans l'interprétation, si l'on s'en tient à cette liste.
18 (Audience publique avec mesure de protection.)
19 (Le témoin, M. Ratomir Tanic, est introduit dans le prétoire.)
20 M. le Président (interprétation): Je demande au témoin de prononcer la
21 déclaration solennelle.
22 M. Nice (interprétation): La session pourrait peut-être être rendue
23 publique avant cette déclaration, par respect pour le public?
24 M. le Président (interprétation): Oui, peut-on lever les stores avant que
25 le témoin ne prononce sa déclaration?
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1 (Intervention de l'huissier.)
2 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, vous pouvez
3 prononcer votre déclaration solennelle et vous pouvez le faire en restant
4 assis. Vous pouvez rester assis, Monsieur.
5 M. Tanic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 (Interrogatoire principal du témoin, M. Ratomir Tanic, par M. Nice.)
8 M. Nice (interprétation): Pouvez-vous décliner votre identité, Monsieur?
9 M. Tanic (interprétation): Ratomir Tanic.
10 Question: Monsieur Tanic, vous témoignez en bénéficiant d'une mesure de
11 protection qui consiste à déformer les traits de votre visage sur les
12 écrans car, dans quelque temps, vous allez vivre ailleurs que dans votre
13 domicile actuel et vous aurez besoin d'être protégé. Mais votre
14 déposition, le contenu de votre déposition sera public. Vous comprenez
15 bien cela?
16 Réponse: Absolument.
17 Question: Paragraphe 1 de votre document écrit. Quel âge avez-vous
18 aujourd'hui, Monsieur?
19 Réponse: J'ai 46 ans.
20 Question: Avez-vous commencé votre carrière en tant qu'homme d'affaires
21 avant de vous engager en politique en Yougoslavie, au moment où il est
22 devenu possible d'agir dans le cadre d'une politique multipartite?
23 Réponse: C'est exact.
24 Question: Avez-vous participé à la création d'un organisme correspondant à
25 la dénomination de "Alliance civique"?
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1 Réponse: Oui, j'ai été l'un des fondateurs de l'Alliance civique de Serbie
2 pour devenir un peu plus tard son vice-Président.
3 Question: Avez-vous, depuis le début, agi dans le cadre du parti qui
4 s'appelait la Nouvelle démocratie?
5 Réponse: Non. C'est seulement à partir de 1994/1995 ou, pour être plus
6 précis, à partir de la fin 1994, début 1995 que j'ai commencé à travailler
7 au sein de ce parti de la Nouvelle démocratie.
8 Question: Quel était le président de ce parti et quel était votre poste,
9 quelles étaient vos fonctions par rapport à lui?
10 Réponse: Le Président de la Nouvelle démocratie était Dusan Mihajlovic.
11 Quant à moi, depuis le début, j'ai travaillé en tant que conseiller
12 spécial de M. Milosevic pour les affaires internationales d'abord; et
13 ensuite, pour les questions liées au Kosovo ainsi que pour certaines
14 doctrines idéologiques. En tout état de cause, il s'agissait d'un poste
15 politique.
16 Question: Ce parti a-t-il créé une coalition avec le parti de l'accusé, le
17 SPS, ainsi qu'avec le Parti de la gauche unie yougoslave, la JUL?
18 Réponse: Oui, la Nouvelle démocratie a accepté la proposition de M.
19 Milosevic visant à créer un gouvernement d'union au moment où ce qui était
20 en cause était la préparation et le renforcement de l'Accord de paix de
21 Dayton.
22 Question: Comment cela s'est-il passé, et de quelle façon la coalition a-
23 t-elle survécu?
24 Réponse: Dans mon souvenir, cela s'est passé dans la période allant de
25 1994, 1995…, plutôt 1994. La coalition s'est présenté aux élections
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1 fédérales un peu plus tard, en 1996. Dans le cadre de la coalition qui
2 s'appelait "SPS/JUL/Nouvelle démocratie-Slobodan Milosevic", et cette
3 démocratie a duré officiellement jusqu'à 1997, au moment où la Nouvelle
4 démocratie s'en est retirée. Mais la Nouvelle démocratie n'a pas été
5 dissoute officiellement jusqu'aux élections; cependant, elle a cessé
6 d'exister à la fin de 1997.
7 Question: En une phrase, pourquoi avez-vous quitté la coalition?
8 Réponse: La direction de notre parti –et cette position est confirmée dans
9 des documents officiels de notre parti- a eu des désaccords graves avec
10 Slobodan Milosevic, liés à des accords fondamentaux qui étaient à la base
11 de la création de la coalition.
12 Trois problèmes ont été évoqués, dont l'un était y compris la politique
13 conflictuelle menée au Kosovo, en lieu et place de la poursuite d'un
14 accord politique qui était déjà suffisamment avancé pour être en mesure de
15 régler le problème du Kosovo. Au lieu de cela, M. Milosevic s'est prononcé
16 en faveur d'une politique conflictuelle; et c'est une des raisons pour
17 lesquelles nous avons quitté la coalition.
18 Question: Nous allons explorer plus avant, en temps utile, cet aspect
19 historique des choses, mais revenons à votre position.
20 Quelles étaient vos activités politiques, quel était votre travail entre
21 1995 et 1998?
22 Réponse: Eh bien, dans le cadre de mes activités et de mes contacts avec
23 la communauté internationale ainsi que mon travail sur la doctrine
24 idéologique, j'ai participé à un dialogue politique discret avec les
25 dirigeants des Albanais du Kosovo, avec d'autres représentants
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1 gouvernementaux membres de la coalition, dans le but de rechercher un
2 accord qui aurait pu éviter un certain nombre de choses par la suite.
3 Question: Qui vous a autorisé à effectuer ce travail? Je veux parler des
4 négociations avec les Albanais du Kosovo.
5 Réponse: C'étaient des pourparlers ou un dialogue politique; selon les
6 moments, on utilisait ces deux expressions. Les autorisations venaient de
7 trois parties: d'abord, le Président de mon parti, Dusan Mihajlovic, qui
8 était le président de l'un des partis membres de la Coalition; la deuxième
9 autorisation venait de la direction du service de sécurité publique et la
10 troisième autorisation venait de M. Milosevic en personne.
11 Bien entendu, ces autorisations étaient de niveaux différents, mais
12 toujours très claires; chacune très claire.
13 Question: A ce moment-là, qui était le chef du SDB, Service de sécurité
14 d'Etat?
15 Réponse: Monsieur Jovica Stanisic.
16 Question: A la lecture d'une synthèse des travaux que vous avez effectués
17 dans cette période, je vous demande si par la suite, en 1998, vous avez
18 accompli un travail assez comparable? Veuillez répondre simplement par
19 quelques phrases, je vous prie.
20 Réponse: Oui, oui. Me fondant sur un désir exprimé par la suite par le
21 service de sécurité de l'Etat, qui lui-même était lié aux circonstances du
22 moment, c'est-à-dire à la guerre avec le Pacte de l'OTAN.
23 Question: Pour qui travailliez-vous à ce moment-là en 1999?
24 Réponse: Eh bien, en premier lieu j'ai toujours travaillé pour mon parti.
25 Mais, compte tenu du fait que nous faisions partie de la coalition et que
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1 les choses n'étaient pas encore très claires quant à qui avait raison et
2 qui n'avait pas raison, j'ai toujours agi dans le cadre des intérêts du
3 service de sécurité d'Etat, c'est-à-dire dans le cadre de la défense des
4 intérêts vitaux de la Serbie et de la Yougoslavie.
5 Question: En 1999?
6 Réponse: Oui, oui, oui.
7 Question: Mais la coalition n'existait plus à ce moment-là. Donc dans les
8 négociations que vous meniez à ce moment-là, quelle était l'autorisation
9 sur laquelle vous vous appuyiez? Etait-ce simplement l'autorisation des
10 services de sécurité ou y avait-il d'autres instances impliquées?
11 Réponse: Il y avait le service de sécurité de l'Etat, sa direction, mais
12 tout cela s'est passé dans une période de guerre, au moment où le
13 Président de guerre était M. Slobodan Milosevic. Donc aucune autorisation
14 de ce genre ne pouvait être donnée sans qu'il soit au courant ou en tout
15 cas sans qu'il tolère de telles actions. Il était impossible en état de
16 guerre, pour le service de sécurité de l'Etat, d'autoriser quoi que ce
17 soit à quelqu'un sans que M. Milosevic soit informé et d'accord.
18 Question: Nous reviendrons sur ce passage de votre déclaration plus tard.
19 Avant de rentrer dans les détails, j'aimerais que vous nous apportiez
20 votre aide sur le point suivant.
21 Travaillant pour le service de sécurité de l'Etat, vous a-t-il permis
22 d'avoir des contacts avec des services de renseignements de pays
23 étrangers, oui ou non?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Pourriez-vous maintenant, je vous prie, nous donner la liste des
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1 pays avec les services de renseignements desquels vous avez eu des
2 contacts?
3 Réponse: L'Angleterre, l'Italie, la Russie. Il s'agissait de contacts de
4 travail liés à des renseignements nécessaires pour régler certains
5 problèmes politiques, et pas de travail pour qui que ce soit.
6 Question: Pour autant que la première période de votre travail soit prise
7 en compte -je parle donc de 1995 et de la période immédiatement
8 ultérieure-, le fait que vous ayez établi des contacts avec des services
9 de renseignements était-il connu de ceux pour qui vous travailliez, à
10 savoir le service de sécurité de l'Etat?
11 Réponse: Oui, le service était tout à fait informé, mais je voudrais
12 corriger le mot que vous avez utilisé, le mot "travail". Il ne s'agissait
13 pas de travail au sens strict du terme, à savoir d'un engagement lié à des
14 services qui auraient été rendus de façon unilatérale, mais il s'agissait
15 de coopération.
16 Par ailleurs, ces contacts étaient absolument connus de tous. D'abord
17 parce qu'il s'agissait de problèmes politiques légaux et d'échanges de
18 renseignements, d'informations, donc toute cette action était légale.
19 Question: Pour autant que vous le sachiez, votre façon de travailler, les
20 contacts que vous aviez établis, étaient-ils connus de l'accusé ou pas?
21 Réponse: Absolument!
22 Question: Entrons, si vous le voulez bien, davantage dans le détail.
23 S'agissant du Royaume Uni ou de l'Angleterre, comme vous l'avez dit, et de
24 ses services de renseignements, quand avez-vous eu vos premiers contacts
25 avec ces services de renseignements?
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1 Réponse: Il s'agissait de la période pendant laquelle on préparait
2 l'Accord de Dayton: donc 1993, et par la suite.
3 Question: Ceci nous amène donc à la première période de votre travail dont
4 vous allez nous parler. Mais ces contacts avec le Royaume Uni et ses
5 services de renseignements, combien de temps ont-ils duré?
6 Réponse: Eh bien, ils se sont poursuivis sans aucune interruption.
7 Question: Jusqu'à quelle année ?
8 Réponse: Jusqu'à 1999, fin 1999.
9 Question: Dans le cadre des contacts que vous avez eus avec les services
10 de renseignements du Royaume Uni, avez-vous reçu une aide financière de
11 ces services?
12 Réponse: Pendant cinq ou six ans, non. Et, en 1990, en rapport avec une
13 étude liée à des victimes du conflit au Kosovo, ainsi qu'à la rédaction
14 d'un livre que je préparais au sujet du Kosovo, j'ai reçu une somme
15 modeste destinée à couvrir les coûts de recherches que j'encourais. Mais
16 j'ai également utilisé mon argent à moi.
17 Question: Puis-je vous interrompre?
18 Réponse: J'ai également utilisé mon argent pour financer cela.
19 Question: En traduction, on voit que vous avez prononcé l'année 1990. Est-
20 ce bien de cette année que vous vouliez parler?
21 Réponse: Non, c'est une erreur, je voulais dire "1999".
22 Question: Merci. Vous dites que ces services de renseignements vous ont
23 fourni une certaine aide financière pour la rédaction de votre livre. De
24 combien d'argent s'agissait-il, pour que tout soit bien clair?
25 Réponse: En gros, 5.000 euros, aujourd'hui il s'agirait de cette somme,
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1 pour financer ces recherches.
2 Question: Avez-vous également obtenu de l'argent pour vos dépenses
3 quotidiennes, à un certain moment, des services de renseignements
4 britanniques, des services de sécurité?
5 Réponse: Oui, parce que j'ai dû quitter Belgrade à un certain moment,
6 après que ma femme et moi-même ayons été agressés. Il s'agissait donc de
7 circonstances tout à fait exceptionnelles. J'ai dû partir dans ces
8 circonstances, quitter mon pays et j'ai obtenu une certaine aide
9 financière.
10 Question: De quelle somme s'agit-il, en gros? Et dans quelle monnaie, pour
11 que nous comprenions plus facilement?
12 Réponse: Eh, bien environ 2 ou 3.000 euros.
13 Question: Pour en finir sur ce sujet, avez-vous obtenu une quelconque
14 assistance des pays avec lesquels vous aviez des contacts, sous forme de
15 versement d'argent ou sous d'autres formes? Comme, par exemple, la
16 fourniture d'un logement?
17 Réponse: Pas pendant que nous accomplissions des travaux politiques ou
18 effectuions des recherches fondamentales. J'ai reçu un soutien du
19 ministère de la Presse italienne lorsque j'ai quitté mon pays; pendant
20 quelque temps, ils m'ont facilité la tâche en me fournissant un logement
21 mais, à ce moment-là, je n'étais plus qu'une personne privée déjà, sans
22 fonction officielle.
23 Question: Ce que vous allez nous dire repose d'abord sur votre expérience
24 personnelle, s'agissant des liaisons et des négociations que vous avez
25 menées. C'est bien cela, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Deuxièmement, je vous demande à quel niveau et à quelle
3 fréquence vous avez eu des contacts avec le service de sécurité d'Etat, le
4 SDB de Serbie?
5 Réponse: Ces contacts ont été très fréquents. Ils avaient lieu à raison de
6 deux ou trois réunions par semaine, et parfois, à raison d'une ou deux
7 rencontres par mois. Cela dépendait de la situation et de l'importance des
8 crises qui se déroulaient dans le pays. Ces réunions étaient liées à la
9 recherche de solutions: donc, lorsque les crises étaient importantes,
10 elles étaient plus fréquentes.
11 Question: Avec quelles personnes aviez-vous ces contacts au sein du SDB?
12 Réponse: J'avais des contacts au niveau de la direction.
13 Question: Mais avec qui en particulier?
14 Réponse: Eh bien, si le Tribunal en est d'accord, j'aimerais citer ces
15 noms dans le cadre d'une audience plus ou moins à huis clos, de façon à ce
16 que ces personnes ne subissent pas de quelconques conséquences au cas où
17 ceci leur serait éventuellement reproché par la suite.
18 Question: Je ne demanderai pas de huis clos partiel pour le moment, mais
19 nous y reviendrons s'il y a une demande de huis clos partiel par la suite.
20 Monsieur le Témoin, avez-vous eu des contacts avec l'accusé?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Un contact? Plusieurs contacts? De façon générale, quelle était
23 la nature de ces contacts?
24 Réponse: Plusieurs contacts.
25 Question: Pouvez-vous nous donner une idée de la fréquence de ces contacts
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1 et du cadre dans lequel ces contacts avaient lieu avec l'accusé?
2 Réponse: Plusieurs contacts, mais pas trop souvent, car je n'étais pas un
3 ami personnel ni un collaborateur proche de l'accusé. Donc j'ai eu
4 plusieurs contacts avec lui, je dirais, d'après mon souvenir, entre cinq
5 et sept contacts, mais toujours dans des conditions de travail ou encore
6 lors d'une circonstance officielle, comme une réception officielle.
7 M. Nice (interprétation): Nous sommes arrivés aux paragraphes 7 à 13; je
8 reviendrai ensuite sur certaines parties dont nous n'avons pas parlé des
9 paragraphes précédents.
10 Où avaient lieu ces rencontres?
11 M. Tanic (interprétation): Il y avait -et c'était l'une des formes de ces
12 contacts- un contact annuel de notre parti avec Milosevic en tant que chef
13 de la coalition. C'était tout à fait courant. Ces contacts se déroulaient
14 dans les locaux de la présidence de Serbie, en présence d'une délégation
15 de mon parti. Milosevic était présent également. Cela s'est passé deux ou
16 trois fois.
17 La deuxième forme de contact était les contacts qui avaient lieu lors de
18 réceptions, par exemple lors des réceptions organisées par le parti JUL,
19 la JUL. Il n'allait pas très souvent à des réceptions, mais il assistait
20 aux réceptions de la "Gauche yougoslave unie", le parti JUL. Au cours de
21 ces réceptions, il était très courant que des échanges d'opinion aient
22 lieu.
23 La troisième forme de contact avait lieu lors des congés, lors de
24 réceptions de travail ou de fêtes. Je préciserai que ces réceptions
25 avaient toujours un caractère de travail et je pense que c'est une
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1 technique qui est utilisée partout dans le monde.
2 M. le Président (interprétation): Est-ce un bon moment pour la pause?
3 M. Nice (interprétation): Oui.
4 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre.
5 Monsieur Tanic, au cours de la suspension, je vous rappelle qu'avant la
6 fin de votre déposition, vous n'êtes autorisé à parler à personne du
7 contenu de cette déposition, même pas aux membres du Bureau du Procureur.
8 M. Tanic (interprétation): Très bien.
9 M. le Président (interprétation): Nous suspendons pendant 20 minutes.
10 (L'audience, suspendue à 12 heures 17, est reprise à 12 heures 37.)
11 M. le Président (interprétation): Poursuivons.
12 M. Nice (interprétation): Monsieur Tanic, j'aimerais que nous parlions
13 maintenant de la formation de cette coalition et de son objet.
14 Le souvenir que vous avez de la création de cette coalition vous permet de
15 dire qu'elle a été créée en quelle année?
16 M. Tanic (interprétation): Dans le courant de 1994. Bien sûr, elle n'a pas
17 été créée du jour au lendemain, mais a été le résultat de processus de
18 pourparlers et de négociations à un moment où la politique officielle de
19 la Serbie et de la Yougoslavie était centrée sur la préparation de
20 l'accord de paix qui allait mettre fin à la guerre en Bosnie.
21 Monsieur Milosevic, à plusieurs reprises -aussi bien lors de conversations
22 privées que publiques- dit clairement qu'à partir de ce moment-là, la
23 Serbie allait se lancer dans une politique complètement différente, à
24 savoir qu'il avait pour intention de créer une coalition visant à la paix
25 en Yougoslavie, une coalition centrée sur la préparation de l'Accord de
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1 Dayton. Et il a proposé la participation de la Serbie à ce gouvernement de
2 coalition.
3 Question: Monsieur Tanic, je vais dorénavant vous guider, dans une
4 certaine mesure, dans mes questions, de façon à ce que votre déposition
5 soit homogène.
6 Y a-t-il eu un moment dans la création de la coalition où l'accusé a
7 établi un lien avec l'avenir du Kosovo par rapport au travail effectué par
8 la coalition dans le cadre de Dayton?
9 Réponse: Lors de la création de la coalition, l'une des questions était la
10 question du Kosovo, parce que Belgrade souhaitait éviter que la question
11 du Kosovo figure seule sur l'ordre du jour de Dayton. Et M. Milosevic a
12 déclaré, lui-même et ses associés, à plusieurs reprises, qu'en Serbie,
13 nous allions participer à des négociations avec les Albanais afin de
14 résoudre le problème du Kosovo.
15 Question: L'avez-vous entendu dire cela vous-même ou ceci vous a-t-il été
16 rapporté par des tiers?
17 Réponse: Je l'ai entendu dire cela moi-même une fois; deux fois, M.
18 Mihaljovic, président de mon parti m'a dit qu'il en avait parlé, et j'en
19 ai entendu également parler par les services de sécurité de l'Etat.
20 C'était incontestable. Il m'en a parlé une fois à une réunion à laquelle
21 j'ai participé.
22 Question: Quelque chose a-t-il été dit au sujet de sa volonté de négocier
23 directement avec M. Ibrahim Rugova?
24 Réponse: Oui, absolument. Il l'a démontrée personnellement une fois, mais
25 cela ressortait également des contacts officiels et intérieurs qu'il
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1 pouvait avoir, contacts dont j'ai été informé.
2 Question: Nous allons maintenant parler de la période pendant laquelle
3 vous avez participé aux négociations. Votre pouvoir à négocier venait
4 directement de qui, s'il vous plaît?
5 Réponse: J'ai parlé de pourparler ou de dialogue politique; c'étaient les
6 deux expressions utilisées selon les cas, ceci pendant une période de
7 trois ou quatre ans. Mes compétences venaient du Président de mon pays,
8 Dusan Mihajlovic, de la direction du service de sécurité d'Etat et, une
9 fois, l'autorisation a été donnée directement par M. Slobodan Milosevic
10 dans le cadre du programme qui...
11 Question: Je vous interromps, je vous interromps. Cette autorisation qui
12 venait directement de l'accusé, quand vous a-t-elle été donnée et dans
13 quelles circonstances? Très brièvement, je vous prie.
14 Réponse: Au cours de l'été 1995, lors d'une réunion de travail avec M.
15 Slobodan Milosevic, Président de la République de Serbie, qui a rencontré
16 une délégation du Parti de la nouvelle démocratie.
17 Question: Merci. Paragraphe 14: je vous demande une réponse par oui ou
18 non. Avez-vous participé à la préparation de cet accord sur
19 l'enseignement, dont nous avons déjà entendu parler?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Merci. Quelle a été votre participation à ce travail?
22 Réponse: J'ai participé à la préparation de cet accord avec Mgr Vicenze
23 Paglia et également avec d'autres collaborateurs de Milosevic, qui
24 participait également à ces pourparlers. Notre parti, en fait, M.
25 Mihajlovic et moi-même étions l'âme qui était à la base de la préparation
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1 de cet accord qui constituait une partie du règlement du problème du
2 Kosovo. Nous avons donc participé à la préparation de la rédaction de cet
3 accord.
4 Question: Une autre idée qui a été évoquée à l'époque, je crois: le modèle
5 du sud du Tyrol. Pouvez-vous nous dire qui en a parlé pour la première
6 fois, et de quoi il s'agit en fait?
7 Réponse: Le modèle du Tyrol Sud a été mis au point par l'Institut chargé
8 de la politique étrangère -en fait par le directeur de cet institut,
9 Predrag Simic-, l'Institut chargé de la politique internationale, avec
10 participation également des ministres des Affaires étrangères des pays
11 membres des Nations Unies. Donc c'était une institution semi-officielle.
12 Monsieur Misic, en sa qualité d'expert, a préconisé l'idée de
13 l'application de ce modèle d'autonomie du Sud Tyrol qui lui semblait
14 pouvoir être une solution au problème du Kosovo. C'était l'une des
15 solutions souhaitables qui a été présentée à l'époque.
16 Question: Avez-vous épousé cette idée? Avez-vous défendu cette idée ou a-
17 t-elle été défendue par qui que ce soit proche de l'accusé?
18 Réponse: Personnellement, je n'étais pas très favorable à cette idée, je
19 n'étais pas sûr qu'elle puisse être appliquée. Mais le modèle du Sud Tyrol
20 a fait partie de la politique officielle dans les idées de M. Ratko
21 Markovic notamment; c'est lui qui nous en a parlé. Quant à notre politique
22 à nous, elle était un peu différente, elle n'était pas totalement
23 divergente par rapport à ce modèle du Sud Tyrol; ce sont des petites
24 différences dont je ne pense pas qu'il soit important de parler.
25 Question: Merci. Au compte rendu d'audience en anglais, nous voyons le nom
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1 de Markovic qui n'est pas bien orthographié. De qui s'agit-il exactement?
2 Réponse: Ratko Markovic. Il était l'un des participants au dialogue entre
3 les Serbes et les Albanais, tout comme moi-même.
4 Question: Dans ce dialogue, qui était le négociateur principal, d'après
5 vous, et quel était le rôle joué par vous si c'est vous qui étiez le
6 négociateur principal?
7 Réponse: Sur le plan officiel, le négociateur principal était M. Slobodan
8 Milosevic car, de temps en temps, il participait à ce dialogue, très
9 rarement, mais en général quand le programme était en cours de
10 préparation. Cependant, le négociateur principal était Ratko Markovic, de
11 façon habituelle. Moi-même et le Président de mon parti, Dusan Mihajlovic,
12 participions à ce travail en tant que force motrice, comme on dit en
13 anglais, "driving force"; je ne trouve pas exactement l'expression serbe
14 qui correspond.
15 Le Président de mon parti et moi-même avons fondamentalement fait
16 progresser ce dialogue et ces négociations avec les Albanais, du point de
17 vue politique. Mais sur le plan, le principal négociateur était Ratko
18 Markovic.
19 Question: Bien. Depuis le début, depuis cette rencontre en 1995, avez-vous
20 abordé ces négociations comme devant se constituer de plusieurs phases?
21 Réponse: Oui, ce plan est présenté dans le programme que nous avons soumis
22 à M. Milosevic et qu'il a approuvé sur le principe.
23 Question: Pouvez-vous nous parler de ces différentes phases? Après quoi,
24 nous examinerons les documents qui en traitent.
25 Première phase?
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1 Réponse: Oui, il s'agissait de trois phases. Ce plan était un "plan par
2 étapes", comme nous l'appelions.
3 La première phase consistait à réduire les tensions au Kosovo et à créer
4 des mesures de confiance. Nous traitions de différents problèmes
5 -problèmes de l'enseignement, de la santé, des médias, des sports- et des
6 dispositions en matière de sécurité susceptibles de réduire le niveau
7 physique des tensions au Kosovo. C'était donc la première étape, étape
8 consistant à créer des mesures de confiance.
9 Question: La deuxième phase?
10 Réponse: La deuxième phase consistait à passer un accord politique pour le
11 Kosovo, donc accord politique destiné au Kosovo, qui devait être mis en
12 œuvre peu à peu par la réintégration des Albanais du Kosovo dans la vie
13 politique du Kosovo, de la Serbie et de la Yougoslavie.
14 Question: Et la troisième phase, que devait-elle être?
15 Réponse: La troisième phase était liée au statut du Kosovo suite à ces
16 deux premières phases. Et cet abord des négociations par phases était
17 également celui qu'avaient adopté l'Union européenne et le groupe de
18 contact.
19 Question: Lorsque ce travail par phases a été adopté par vous et présenté
20 à l'accusé, a-t-il imposé des limites quant à la solution du problème qui
21 existait avec les Albanais du Kosovo? A t-il imposé des conditions
22 préalables?
23 Réponse: Une seule car, sur le principe, il était d'accord avec cette
24 optique. Lorsqu'il parlait aux représentants étrangers, il disait qu'il
25 était d'accord avec cette première façon de voir les choses mais il a
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1 établi une limite qui était tout à fait compréhensible, à savoir que la
2 solution finale adoptée pour le Kosovo ne devait pas créer les conditions
3 d'une sécession du Kosovo par rapport à la Serbie et à la Yougoslavie; il
4 ne voulait pas entendre parler du mot "sécession".
5 Quant aux autres aspects de la question, et je reprends les mots prononcés
6 par lui, il a dit, je cite: "Nous sommes d'accord surtout le reste". Je
7 veux parler des Albanais et pas d'accord avec nous, les membres du parti
8 de la Nouvelle démocratie.
9 Question: Pouvons-nous maintenant examiner une pièce à conviction?
10 L'originale est ici, nous pourrons le distribuer.
11 Réponse: Excusez-moi, mais j'aimerais ajouter une phrase si vous me le
12 permettez car il y a une minute, ma concentration a un peu faibli, je le
13 crains.
14 Question: Si vous avez omis quelque chose dans votre déclaration
15 d'aujourd'hui, vous pouvez le compléter. Quelle est votre réponse, je vous
16 prie?
17 Réponse: J'aimerais compléter effectivement une réponse que j'ai déjà
18 faite. Cette condition préalable n'était pas capitale; le désir de M.
19 Milosevic consistait à ce que les NGO soient présentes parmi les membres
20 de la communauté internationale; pas en tant que structures officielles de
21 la communauté internationale cependant. Donc il ne voulait pas donner
22 l'impression que tout était dicté à Belgrade par l'étranger, mais ce
23 n'était pas une condition préalable officielle.
24 M. Nice (interprétation): Bien. Nous pouvons maintenant examiner la pièce
25 à conviction. Quelle est la cote, Madame la Greffière?
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1 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, cette pièce sera versée
2 au dossier en tant que pièce à conviction de l'accusation n°146.
3 M. Nice (interprétation): Vous pouvez l'examiner et le témoin devrait donc
4 en disposer. Cette pièce devrait être placée sur le rétroprojecteur.
5 M. le Président (interprétation): Oui?
6 M. Milosevic (interprétation): Je fais objection au versement au dossier
7 de cette pièce à conviction qui n'a aucun poids du point de vue de la
8 preuve. Cette personne, dont je ne sais pas si elle n'a pas dit des
9 contre-vérités jusqu'à présent, n'est pas une preuve lorsqu'il s'agit de
10 parler de cette espèce de programme. Il y a des éléments de recherche qui
11 ont été développés quant à l'avenir des Albanais du Kosovo et des Serbes,
12 au cours d'un dialogue, mais c'est un projet.
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, entendons la preuve
14 apportée par ce témoin et, si elle n'a pas de valeur, finalement, elle
15 sera rejetée. Mais entendons d'abord ce que le témoin a à dire à ce sujet.
16 Nous n'avons encore rien entendu à ce sujet.
17 M. Nice (interprétation): Monsieur Tanic, je vous demanderais d'examiner
18 ce document. C'est un pamphlet qui porte le titre "Exploration de l'avenir
19 du Kosovo, du dialogue entre les Albanais et les Serbes du Kosovo".
20 Je demande que l'on place le document sur le rétroprojecteur et je tiens
21 compte du fait que l'accusé a émis certaines observations à votre sujet.
22 Pourrions-nous donc commencer par la fin du document, page 66?
23 M. Robinson (interprétation): Chez nous, cela commence par la page 68.
24 M. Nice (interprétation): Excusez-moi, je ne sais pas si l'on ne vous a
25 donné qu'un extrait, auquel cas je le regrette. J'aimerais que nous
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1 examinions cette page de l'original sur le rétroprojecteur.
2 (Intervention de l'huissier.)
3 En page 66, on voit le sous-titre "Résultat des discussions avec Ratomir
4 Tanic et deux autres hommes". Qui est le Ratomir Tanic dont il est
5 question ici?
6 Peut-on voir l'article sur le rétroprojecteur?
7 (Intervention d'huissier.)
8 M. Tanic (interprétation): Selon ce qui figure dans cet article, je pense
9 qu'il s'agit de moi.
10 Question: Prenons maintenant la page 68. Ce petit livre porte la date
11 d'août 1997 et, s'agissant de 1995, il traitera de ces questions
12 rétrospectivement.
13 Sur cette page, nous voyons le titre "Forme du règlement du problème au
14 Kosovo-Metohija".
15 Et en page 69, nous lisons en dessous de ce sous-titre -je cite-: "Les
16 représentants de la Serbie et des Albanais ethniques du Kosovo, ainsi que
17 tous les représentants impliqués dans le règlement de cette question,
18 optent pour une démarche en plusieurs phases, s'agissant de régler la
19 controverse entre les Serbes et les Albanais du Kosovo-Metohija, c'est-à-
20 dire pour un règlement politique respectant la formule des petits pas. Un
21 des progrès accomplis dans le règlement du problème devra être traité non
22 pas comme une réalisation définitive sur le plan politique, mais également
23 comme la base d'un dialogue et d'une progression à venir lors de la phase
24 suivante du règlement du problème." (Fin de citation.)
25 C'est donc la première phrase de ce paragraphe. Ensuite, on parle
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1 brièvement des trois phases, des mesures de confiance, de l'accord
2 politique fondamental et du statut du Kosovo que vous venez de nous
3 décrire.
4 Cet article, publié en 1997, reflète-t-il bien l'accord ou le plan dont
5 vous venez de nous parler?
6 Réponse: Oui, absolument. Il reflète l'esprit des pourparlers également.
7 Quant à ce qui pourrait provoquer des suspicions, je peux citer deux ou
8 trois sources indépendantes supplémentaires pour apporter la preuve de ce
9 que j'ai dit. Cet article reflète l'esprit global qui présidait à ces
10 négociations et que connaissait bien M. Milosevic.
11 Question: Merci. Avançons et lisons la suite.
12 "Au nom de la République et du Gouvernement de Serbie…"
13 En dehors de M. Ratko Markovic, d'autres personnes ont-elles été
14 impliquées dans ces négociations? Et si oui, pouvez-vous nous donner au
15 moins certains noms de ceux qui ont participé à ces négociations?
16 Réponse: Au cours de ces négociations ou plutôt de ce dialogue politique,
17 tout dépendait de la nature de ceux qui participaient aux pourparlers, qui
18 étaient tous membres de la coalition au pouvoir, c'est-à-dire membres du
19 SPS, de la JUL et de la nouvelle démocratie. Dans ce sens, tous les
20 représentants de la nouvelle démocratie étaient liés par le devoir de
21 représenter les points de vue sur lesquels un accord avait été conclu au
22 sein de la coalition, et pas simplement les points de vue de leur parti.
23 En dehors de moi-même et de Ratko Markovic, le président de mon parti a
24 participé à ces négociations également; je veux parler de Dusan
25 Mihajlovic, ainsi que Maslovaric Dojcilo, membre de la direction de la
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1 JUL, ainsi que du futur ambassadeur du Vatican, en Yougoslavie et Ratomir
2 Ivica, membre du SPS. A un certain moment, des membres du groupe de
3 contact et des représentants albanais ayant également participé.
4 Mais, pour le moment, nous ne parlons que de la partie serbe, si j'ai bien
5 compris?
6 Question: Oui.
7 Réponse: Ils n'ont pas participé à toutes les réunions. Ces personnes que
8 je viens de citer n'ont pas toutes participé à chaque réunion, mais elles
9 ont participé au processus.
10 Question: Très bien. Maintenant, je vous demanderais d'essayer de répondre
11 plus brièvement, pour ne pas perdre de temps, et de nous donner les noms
12 des principaux Albanais du Kosovo avec qui vous aviez des contacts à ce
13 moment-là.
14 Réponse: Feu Fehmi Agami.
15 Question: Vous avez déjà mentionné Mgr Paglia?
16 Réponse: Oui, mais nous étions en train de parler des Albanais du Kosovo,
17 n'est-ce pas?
18 Question: Oui, mais avançons. Monseigneur Paglia représentait le Vatican,
19 n'est-ce pas? Combien de rencontres y a-t-il eu dans le cadre de ce
20 dialogue, de façon générale?
21 Réponse: Pour dire les choses très précisément, Mgr Paglia était
22 représentant du Saint-Père, le Pape Jean-Paul II; il était son envoyé
23 personnel.
24 Question: Oui?
25 Réponse: Quant au dialogue, j'ai parlé avec Mgr Paglia au moins dix fois,
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1 en différents lieux, et au moins 30 à 50 fois avec M. Agami. Je ne me
2 rappelle pas exactement combien de fois pendant quatre ans.
3 Question: La sécurité d'Etat, le SDB, appuyait-elle ce que vous étiez en
4 train de faire?
5 Réponse: Elle appuyait tout ce qui était possible d'éviter la guerre au
6 Kosovo et, plus précisément, le processus dans lequel nous étions engagés,
7 sachant qu'il s'agissait d'un processus officiel qui avait reçu l'aval de
8 M. Milosevic et qui visait au rétablissement de la paix.
9 Question: D'autres pays ont-ils participé à ces négociations? Répondez
10 simplement par oui ou non. Si oui, donnez le nom des pays en question.
11 Réponse: Oui, oui. Les pays du groupe de contact y ont participé.
12 Souhaitez-vous que je donne le nom de tous les pays membres du groupe de
13 contact? Les Etats-Unis, l'Angleterre, la France, l'Allemagne, la Russie.
14 L'Italie a, plus tard, participé à une réunion tenue à Florence.
15 Question: Des ONG ont-elles également participé à ces négociations?
16 Réponse: Oui, par la suite, une ONG allemande, la "Bertlesmann Science
17 Foundation", a pris une part active aux négociations. C'est la raison pour
18 laquelle le document émanant de cette ONG est présent ici. Il montre
19 quelle est l'aide apportée par cette fondation. Elle oeuvrait très
20 clairement dans l'intérêt des gouvernements allemand et français, et ceci,
21 en accord avec la demande de M. Milosevic qui voulait que les structures
22 officielles ne soient pas les seuls participants à ce dialogue, mais qu'il
23 y ait également des ONG. Monseigneur Paglia peut être considéré comme une
24 ONG, car c'était un dirigeant religieux.
25 Question: Merci.
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1 Ces négociations ont-elles donné lieu à des articles publiés dans la
2 presse, de temps en temps?
3 Réponse: Bien sûr, régulièrement.
4 M. Nice (interprétation): Maintenant, je voudrais simplement faire mettre
5 sur le rétroprojecteur un article, pour des raisons que j'expliquerai et
6 que je compléterai. Je verrai la collection complète demain. La raison
7 pour laquelle je voudrais en mettre un seul pour le moment, c'est parce
8 qu'il y a l'exemplaire et une traduction; elles ont été expurgées en
9 supprimant le nom du témoin et, bien sûr, le fait qu'il dépose avec son
10 nom, le fait que ceci n'est pas contesté. Alors, je voudrais donc pour le
11 moment vous montrer cette version et, pour demain, j'aurai des versions
12 non expurgées, que je me procurerai, je l'espère, demain.
13 Si l'on pouvait leur attribuer un numéro dès maintenant, nous pourrions
14 compléter pour la pièce; on l'aurait comme numéro de pièce versée au
15 dossier.
16 (Distribution du document.)
17 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction n°147.
18 M. Nice (interprétation): Maintenant, je voudrais présenter celle-ci,
19 juste pour le rétroprojecteur.
20 On pourrait mettre cette pièce sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît?
21 (Intervention de l'Huissier.)
22 Ce que vous voyez maintenant, Monsieur Tanic, c'est un document qui n'a
23 pas été édité, qui n'a pas été expurgé, c'est une version d'un article.
24 Est-ce que ce journal, c'est "Politika"?
25 M. Tanic (interprétation): Oui. C'est "Politika", c'est le journal
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1 officiel du gouvernement de la Serbie.
2 Question: Il y a un titre: "Comment trouver une solution pour le Kosovo?"
3 C'est bien cela?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Excusez-moi de vous le demander, mais pourriez vous lire le
6 sous-titre?
7 Réponse: "Discussion concernant trois scénarios possibles, concernant la
8 crise en Albanie, qui va dans la direction de demande plus modérée de
9 l'Albanie, considéré par M. Tanic qui participe à cette réunion". C'est le
10 sous-titre.
11 (L'interprète demande si le témoin pourrait parler plus lentement.)
12 Question: Monsieur Tanic, vous avez entendu la demande des interprètes de
13 parler plus lentement?
14 Réponse: Non, je ne l'ai pas entendue.
15 Question: Monsieur Nice, on vous demande si vous pouviez parler un peu
16 plus lentement.
17 Réponse: Je vous remercie.
18 Question: Il est fait référence à M. Tanic dans cet article de journal.
19 S'agit-il de vous ou d'un autre Tanic qui porte ce nom?
20 Réponse: Oui, il s'agit de moi-même.
21 Question: Bon. Je complèterai cette pièce à conviction demain.
22 Passons rapidement au paragraphe 34, puis nous reviendrons ensuite au
23 paragraphe 29.
24 Lorsque vous avez commencé ce dialogue, pensiez-vous que l'accusé était
25 sincère dans ce qu'il faisait? Répondez simplement oui ou non.
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Croyez-vous que véritablement il voulait que l'autonomie du
3 Kosovo soit restaurée?
4 Réponse: Ses mots explicites étaient qu'il ferait tout ce qu'il pourrait
5 pour empêcher qu'une guerre ait lieu au Kosovo, que l'autonomie du Kosovo
6 n'était pas un problème, que la seule possibilité, que le seul problème
7 serait une sécession et que je n'avais aucune raison de penser que ce que
8 j'entendais de lui n'était pas le cas.
9 Question: Regardons rapidement ce processus de dialogue. Y a-t-il eu une
10 réunion sur l'île grecque de Halki où il y avait eu des négociations
11 simulées entre les parties au problème?
12 Réponse: Oui. C'était une suite de la réunion de Rhodes, une des séquelles
13 de la réunion de Rhodes. Le public a été informé immédiatement après cette
14 séance.
15 M. Nice (interprétation): Je voudrais que l'on présente maintenant la
16 pièce à conviction suivante qui traite de cette question.
17 (Intervention de l'Huissier.)
18 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce 148, pièce à conviction de
19 l'accusation.
20 M. Nice (interprétation): Avez-vous participé à cette réunion vous-même ou
21 non?
22 M. Tanic (interprétation): Oui, oui, j'ai participé à cette réunion.
23 Question: J'ai ici un document qui émane d'une ONG, dont vous avez parlé,
24 "Bertlesmann Science Foundation", qui se réfère à des recommandations
25 conjointes concernant le conflit au Kosovo et qui est daté de 1997.
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1 Regardez ce document, s'il vous plaît.
2 Je ne vais pas le regarder de façon détaillée: il est disponible, on le
3 garde nécessairement pour plus tard. Vous voyez donc qu'il y a un dialogue
4 conjoint; on parle de mesures urgentes qui doivent être prises d'urgence.
5 Troisièmement, résumées, les recommandations ou plutôt les prémisses sur
6 lesquelles s'étaient basées ces recommandations, puis une lettre
7 d'intention rédigée sur la deuxième page. Puis on énonce des améliorations
8 et des mesures propres à accroître la confiance sur les deuxième et
9 troisième pages.
10 Est-ce que c'est bien le document qui est issu de cette réunion qui a eu
11 lieu sur cette île de Halki?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Je vous remercie.
14 Y a-t-il eu, après cela, d'autres réunions, par exemple à l'ambassade
15 d'Allemagne à Belgrade?
16 Réponse: Sur la base de ces recommandations de cette ONG, le type
17 d'activités, et des réunions ont eu lieu. L'une, c'étaient des activités
18 internationales au sens de la diplomatie allemande et française, qui
19 avaient adopté ces recommandations et qui les avaient défendues devant
20 l'Union européenne. L'autre activité, c'étaient des réunions qui ont eu
21 lieu à Belgrade. J'ai pris part à certaines d'entre elles; l'une a eu lieu
22 effectivement à l'ambassade d'Allemagne à Belgrade.
23 Question: Ce sont des réunions de travail, n'est-ce pas? Ce ne sont pas
24 des réunions…?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-ce que, à cette réunion-là, Ratko Markovic était présent?
2 Réponse: Oui, absolument.
3 Question: A-t-il donné un point de vue du gouvernement ou du parti SPS sur
4 une quelconque de ces propositions, sur cette proposition?
5 Réponse: En ce qui concerne cette proposition, il a exprimé un accord de
6 principe à ce sujet, en présence des ambassadeurs allemand et français, et
7 en ce qui concerne l'esprit de la chose, en disant plus particulièrement
8 que "l'esprit de la chose existait depuis trois ans". Sa seule objection
9 était conforme à l'objection de M. Milosevic disant qu'il faudrait que ce
10 soit renforcé, que ce ne soit pas un pas dans le sens de la sécession. Le
11 problème du terrorisme albanais, à l'époque, était cela, d'où les deux
12 objections de M. Markovic en ce qui concernait l'esprit de… Mais il
13 l'appuyait.
14 Par la suite, si je peux ajouter quelque chose, parce que c'est pertinent,
15 le ministre des Affaires étrangères, Klaus Kinkel, d'Allemagne et je crois
16 aussi M. Védrine étaient présents; ils sont venus avec les représentants
17 de la Fondation et se sont réunis avec Milosevic, et cette question a
18 également été évoquée. Donc ceci reflète absolument l'esprit de ces
19 négociations qui ont eu lieu et c'est pour cela que c'est présenté ici
20 aussi.
21 Question: Malgré cette recommandation conjointe et apparemment son
22 adoption, y a-t-il eu un discours fait en juin 1997 dont vous vous
23 rappeliez? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous en parler? Un discours
24 fait par l'accusé. Paragraphe 36.
25 Réponse: D'après mes souvenirs, l'accusé M. Milosevic, après ces
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1 préparatifs, après les avoir achevés en ce qui concernait le dialogue
2 politique, il était possible de parvenir entre lui et M. Rugova à un
3 accord politique. Mais brusquement, il a fait marche arrière dans des
4 circonstances internes dont je peux me rappeler. Il a fait un discours à
5 Pristina mais, indépendamment de ce discours à Pristina, il a dit qu'il
6 n'y aurait aucune autonomie de l'Albanie, pas du tout, qu'il fallait
7 d'abord que l'autre question soit résolue. C'était une nouvelle évolution
8 à cause du retour… Le retour à l'autonomie était quelque chose qui avait
9 toujours été évident à comprendre.
10 Question: Vous dites qu'il a parlé, dans son discours, de l'indépendance.
11 Qu'est-ce qu'il a dit dans son discours? Pouvez-vous nous aider à ce
12 sujet?
13 Réponse: Eh bien, je me rappelle qu'il avait fait marche arrière parce
14 qu'il y avait eu les cercles internes du gouvernement serbe, plus que le
15 discours lui-même. L'essence était la même, à savoir que le Kosovo
16 demeurait une partie intégrante de la Serbie, qu'il n'y aurait pas
17 d'autonomie, qu'elle resterait une partie intégrante de la Serbie, qu'il
18 n'y aurait pas de représentants internationaux dans les négociations. Et
19 jusqu'à cette marche arrière, les représentants internationaux étaient
20 présents, essentiellement Mgr Paglia, et ils ont également pris part aux
21 négociations.
22 Question: Mon intention était de vous guider pour la vitesse.
23 Réponse: Y a-t-il lieu de répéter ce que je viens de dire jusqu'à
24 maintenant? Est-il nécessaire que je répète ma réponse?
25 Question: Les interprètes ont réussi.
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1 Si nous avançons, si nous allons plus avant, avez-vous eu des contacts
2 avec l'accusé au cours des années en question? Est-ce que certains de ces
3 contacts ont abordé des points de savoir s'il y avait discrimination
4 contre les Albanais du Kosovo? Paragraphe 38 du texte.
5 Réponse: Un contact que j'ai eu avec lui, avec M. Milosevic, s'est produit
6 au mois de juillet 1997, à la réception du JUL et avant cela, non. Entre
7 1995 et l'autorisation de la plate-forme ou du programme jusque juillet
8 1997, il n'y a pas eu d'autres contacts. Il y a juste eu un contact de
9 plus, mais le Kosovo n'a pas été examiné de façon approfondie. Depuis,
10 j'avais des renseignements sur cette marche arrière et je me suis prévalu
11 de cette occasion pour demander à M. Milosevic pourquoi cet accord
12 politique n'avait pas été conclu alors que tout avait été achevé pour ce
13 qui était des préparatifs.
14 Question: La vitesse de votre réponse ne permet pas aux interprètes de
15 suivre.
16 Pourriez-vous dire ce que vous vous souvenez que l'accusé a dit à cette
17 réception de juillet 1997?
18 Réponse: Eh bien, avec M. Milosevic, c'était très difficile de parler de
19 la question du Kosovo à l'époque. Sa réponse était de colère, sans aucun
20 doute, mais traduisait la position que je connaissais depuis longtemps,
21 que j'avais entendue: il disait tout simplement qu'il montrerait qu'il y
22 avait moins d'un million, moins de 10% d'Albanais et que donc ils ne
23 pouvaient pas avoir l'autonomie, dans la mesure où ils voulaient l'avoir
24 en tant que peuple constitutif, constituant. Soudain, ceci est devenu un
25 problème, le nombre d'Albanais.
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1 Question: Donc vous aviez entendu cela depuis longtemps, disiez-vous.
2 Pourriez-vous expliquer où et nous dire si c'était quelque chose qui était
3 nouveau pour vous ou si c'était une proposition qu'on entendait circuler
4 généralement, à l'époque, proposition selon laquelle il y aurait moins
5 d'un million ou de 10% d'Albanais?
6 Réponse: Je dois expliquer cela de façon plus détaillée, mais j'essaierai
7 d'être aussi concis que possible.
8 Cette question du nombre n'avait jamais été mentionnée avant le printemps
9 1997, par exemple, par les différents contacts auxquels j'ai participé,
10 comme préparatifs d'une sorte d'accord politique tout au moins. Quand ces
11 préparatifs ont été achevés et quand M. Milosevic a été confronté avec le
12 fait que la communauté internationale appuyait l'esprit de cet accord,
13 soudain des observations ont été faites quant au nombre d'Albanais, non
14 seulement de lui mais de ses associés, par les chefs du SDB. J'ai reçu ces
15 renseignements aussi par notre groupe parlementaire au Parlement de Serbie
16 et, soudain, les gens ont commencé à parler de cette question, disaient
17 qu'il y avait bien moins d'Albanais qu'un million, moins de 10% en fait,
18 et qu'à cause de cela, ils ne pouvaient pas avoir l'autonomie générale en
19 tant que peuple constituant.
20 A la fin, j'ai entendu la même chose de M. Milosevic lui-même dire cela,
21 quand il était en colère, pas dans une réunion officielle, mais c'était
22 compatible avec ce que j'avais entendu.
23 Je voudrais vous rappeler aussi qu'il y avait un minimum de 1.200.000 au
24 Kosovo. Peut-être 1,5 million.
25 Question: Vous nous avez dit ce que l'accusé a dit au sujet du nombre
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1 d'Albanais. Pourriez-vous vous rappeler d'autres choses qui auraient été
2 dites à cette séance au sujet des perspectives pour le Kosovo, ses
3 difficultés? Autrement, qu'est-ce qui allait se produire?
4 Réponse: Monsieur Milosevic, soudain, ainsi que ses proches, ont commencé
5 à lier ce nombre d'Albanais aux terroristes et à des activités
6 terroristes. Pour finir, une définition a été répétée par Milosevic lui-
7 même, en tous les cas pour autant que je m'en souvienne, en ce qui
8 concerne cette réception, c'était que les autorités serbes devaient tout
9 d'abord simplement réduire le nombre d'Albanais à des chiffres réalistes
10 pour régler leur compte aux terroristes et voir ensuite ce qui allait se
11 passer avec des négociations politiques.
12 Voilà ce que je peux vous dire concernant cette époque.
13 Question: Comment expliquait-on que ces nombres étaient réduits ainsi?
14 Réponse: On n'a rien dit, rien de particulier. Il n'y avait qu'une seule
15 façon de réduire cette population de 1.200.000 à moins d'un million, à
16 moins de 10% -ce qui fait environ 800.000-, il n'y avait qu'une seule
17 façon de le faire, c'était la purification ethnique. Ce n'est pas une
18 spéculation, ce n'est pas une thèse: il n'y avait pas d'autre façon de
19 réaliser cela.
20 Question: Vous avez parlé plus tôt d'un accord qui aurait pu être
21 suffisant pour écarter ou réduire les perspectives de guerre. Est-ce que
22 l'accusé a dit quoi que ce soit, ou d'autres de ses proches ont-ils dit
23 quoi que ce soit, soit à cette réunion soit à cette époque, en ce qui
24 concernait les perspectives de guerre ou non?
25 Réponse: Je vais faire une correction minimale: ce n'était pas un accord,
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1 mais un processus de négociation qui s'est poursuivi pendant trois ans et
2 dont les résultats, dont l'esprit étaient exprimés dans ce document. Donc
3 ce n'est pas d'un accord politique dont je parle, mais de négociations de
4 la communauté internationale qui ont duré à peu près trois ans. C'est cela
5 que je voulais dire.
6 Question: Veuillez ralentir, Monsieur Tanic.
7 Réponse: Excusez-moi. En termes concrets, l'un des associés de Milosevic
8 expliquait la nécessité d'une guerre de façon plus détaillée. Il y avait
9 M. Vladimir Stambuk. On avait expliqué le fait que ce même esprit d'un
10 accord avait été évoqué.
11 M. Robinson (interprétation): Monsieur Tanic, dans une réponse que vous
12 avez faite, pour ce qui est de cette question de la réduction du nombre de
13 la population albanaise, vous dites qu'il n'y avait qu'une seule façon
14 dont ceci pourrait être fait. Ceci, bien entendu, c'est votre propre
15 conclusion.
16 Ce que j'aimerais découvrir, c'est s'il y avait quoi que ce soit dans
17 l'environnement, dans le cadre des négociations dans lesquelles vous
18 opériez vous-même, qui vous ait conduit à penser que c'était la seule voie
19 par laquelle cette population pourrait être réduite, c'est-à-dire par la
20 voie d'une purification ethnique?
21 M. Tanic (interprétation): Eh bien, malheureusement, Monsieur le Juge,
22 nous avons d'abord eu l'expérience directe du passé: comment le nombre
23 d'habitants avait diminué dans certaines parties du territoire de
24 l'ancienne Yougoslavie par purification ethnique, qui avait été effectuée
25 par les Serbes, les Croates, les Musulmans.
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1 Leur force, c'était une expérience directe en ce qui me concerne aussi,
2 une expérience concrète et immédiate. Alors, lié au problème du Kosovo,
3 proprement dit, il y avait eu le fait que l'entourage de M. Milosevic a
4 soutenu que les Albanais abusaient, mêlaient les chiffres, qu'ils
5 travestissaient les chiffres. C'était partiellement vrai parce qu'on
6 parlait de 2.000.000, tandis que le vrai chiffre était probablement
7 1.200.000 à 1.500.000; ça, c'était une estimation réaliste. Et l'un des
8 proches de l'accusé a répété ceci, que "tout simplement, ces gens
9 devraient être jetés dehors", que "de nombreuses personnes viendraient
10 d'Albanie pendant cette période", que "le gouvernement de Tito leur avait
11 donné des passeports pour le faire".
12 Alors l'accusé n'a jamais dit cela, mais il a toléré ce genre de
13 déclarations pendant longtemps. Parce que l'accusé Milosevic, selon la
14 Constitution, est tenu par son devoir de sanctionner des déclarations sur
15 des observations de ce genre. Tandis que s'il les laisse passer sans les
16 sanctionner, quelle était la conclusion à laquelle on pouvait parvenir!
17 Je vous remercie. Passons maintenant à une réunion que vous avez eue à
18 partir de la réunion de juillet 1997.
19 Y a-t-il quoi que ce soit que vous vous rappeliez qu'il ait dit,
20 indépendamment de ce que vous avez déjà dit concernant les Albanais ou les
21 perspectives de guerre ou la nature de la guerre, ou quoi que ce soit
22 d'autre? Sinon, nous avancerons.
23 Réponse: Si je peux utiliser l'expression sans abus, il a marmonné quelque
24 chose; il a dit que "la population albanaise soutenait le terrorisme
25 albanais, qu'il y avait une forme de culpabilité générale". Mais, comme je
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1 l'ai dit, il était assez difficile de parler de façon raisonnable avec M.
2 Milosevic, et plus particulièrement des gens comme moi, de sorte que
3 c'était une observation qui, pour être vraie, était en quelque sorte des
4 invectives verbales et qui était conforme à ce qui s'est passé au Kosovo
5 par la suite.
6 Question: Peut-être avons-nous déjà parlé de cela, mais, juste pour être
7 complet, cette importance des 10% ou quelque chose comme ça, comment cette
8 question des 10% peut devenir quelque chose d'apparemment important? Y a-
9 t-il quelque chose qu'on trouve dans la Constitution ou d'autres documents
10 officiels?
11 Réponse: Non, ça n'est pas mentionné dans un document constitutionnel ou
12 juridique, mais nous sommes un Etat multiethnique –la Yougoslavie- et dans
13 tout Etat multiethnique dans le monde, y compris le nôtre, il y a
14 différents droits; nous faisons des différences entre les droits
15 constitutionnels et les droits des minorités. Un chiffre de 10%, par
16 exemple, ou de plus de 10% indiquerait clairement que c'étaient des
17 peuples constituants; en allant au-delà des 10% ou 15%, on avait parlé de
18 cela dans des purifications ethniques antérieures en Bosnie, au
19 désavantage des Serbes. Mais on a parlé également de nombres absolus.
20 Question: Pensez-vous qu'avec l'approche de l'accusé et de ceux qui
21 étaient proches de lui, en général, pour régler le problème, avaient-ils
22 eu une proposition pour établir au Kosovo un bureau régional de l'Union
23 européenne pour aider à régler ces questions? Paragraphe 42.
24 Réponse: Oui. Cette proposition a été faite à plusieurs reprises.
25 Question: A un stade, apparemment, elle a été adoptée comme une politique
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1 à suivre. Etait-ce le cas?
2 Réponse: Excusez-moi, je n'ai pas bien compris votre question. Je ne la
3 comprends pas très bien.
4 Question: Y a-t-il eu un plan pour avoir des réunions avec quelqu'un pour
5 créer un tel bureau? Et si oui, avec qui en a-t-on discuté?
6 Réponse: Il y a eu des séances de ce genre avec des représentants
7 diplomatiques, des ambassadeurs de tous les membres des groupes de
8 contact, ainsi qu'avec Milosevic. J'ai eu moi-même une réunion avec sa
9 femme, non pas en tant que son épouse, mais comme un des chefs des trois
10 partis dirigeants. Et parmi les représentants internationaux, il y avait
11 M. Martin Lutz qui était le représentant de Karl Bildt, le haut-
12 représentant des Nations Unies.
13 Question: Après cette séance, est-ce que la femme de l'accusé vous a dit
14 quelque chose sur ce qui allait se passer pour ce plan d'un bureau
15 régional de l'Union européenne?
16 Réponse: Ce n'était pas la femme de l'accusé. Ce n'était pas une question
17 privée, c'était une question officielle. Elle était le chef d'un des
18 partis dirigeants. Madame Markovic, au cours de cette séance, avait fait
19 très bon accueil à cette initiative. Bien entendu, elle en avait entendu
20 parler précédemment. C'était la première fois qu'elle… En principe, elle
21 était d'accord, dans la mesure où elle pouvait exercer un rôle politique.
22 J'ai été informé par elle, le jour suivant, que finalement ce projet
23 n'aboutirait pas, après consultation. Il était question de la recherche de
24 victimes serbes, et c'était leur affaire de défendre les intérêts serbes
25 au Kosovo et non pas ceux des Albanais.
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1 Question: A l'évidence, les négociations et la façon de savoir si elles
2 étaient conduites de façon sérieuse ne sont pas ici d'importance. Ce sera
3 au Tribunal d'en décider.
4 Mais est-ce que vous vous êtes réunis par la suite, juste avant
5 Rambouillet, avec le même Ratko Markovic, où il aurait exprimé un point de
6 vue sur le caractère sérieux ou non des négociations? Pourriez-vous
7 répondre, par oui ou non, à cette simple question?
8 Réponse: Oui, oui. Oui.
9 Question: Pouvez-vous nous dire, je vous prie, ce qu'il vous a dit au
10 sujet du caractère sérieux ou non de ces négociations?
11 Réponse: Nous avons eu une rencontre assez longue après la réunion avec
12 les ambassadeurs allemand et britannique, à laquelle avaient participé les
13 ambassadeurs à Belgrade et M. Branko Brankovic. Je suis donc allé dans le
14 bâtiment de la Présidence par la suite, je veux parler du bâtiment du
15 gouvernement de la Serbie. Nous avons discuté du problème très longuement;
16 il a été étudié sérieusement à Belgrade, pas au niveau de discussions de
17 deuxième main ou de rumeurs mais sur la base d'analyses sérieuses, donc
18 pas seulement de ragots. Et il a été dit que ce processus de négociations
19 global auquel cet homme participait, auquel je participais, ainsi que
20 d'autres personnes que j'ai déjà mentionnées, était très sérieux mais que
21 M. Milosevic l'avait appuyé au départ et que les priorités de la Serbie
22 avaient changé par la suite, avaient commencé à changer par la suite.
23 Il n'a accusé personne précisément mais a exprimé des réserves sérieuses
24 et a dit qu'il y avait eu un virage dans la situation. Il a donc présenté
25 ses propres réserves, non pas pour aller à l'inverse de l'esprit des
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1 négociations pour lesquelles il avait obtenu des recommandations de la
2 part de Milosevic, mais il a parlé d'un programme complètement différent
3 pour les négociations avec les Albanais. Nous savions qu'en décembre, ceci
4 allait se poursuivre parce que le programme initial allait être totalement
5 modifié par un écran de fumée qui existait déjà, d'ailleurs, et la
6 situation en Serbie n'a cessé de s'aggraver. Nous avons parlé de la
7 situation, de cette façon générale, et la responsabilité a été renvoyée
8 sur l'autre partie. Nous n'avons pas parlé de solution possible.
9 Question: Paragraphe 48. Avez-vous, en 1997, 1998 ou à peu près à cette
10 date, appris de vos contacts peut-être avec les services de sécurité ou
11 d'autres pays, s'il pourrait y avoir un appui accordé à l'élimination de
12 l'UCK?
13 Réponse: Oui, et je tiens à souligner une nouvelle fois qu'il s'agissait
14 de réunions de travail où avaient lieu des échanges d'analyse, et que cela
15 n'avait rien à voir avec de l'espionnage. La communauté internationale
16 était très préoccupée par l'aspect sécurité du problème du Kosovo et par
17 l'arrivée de vagues massives de réfugiés ainsi que par le problème du
18 trafic de drogue lié au terrorisme albanais, et également au problème du
19 trafic d'êtres humains, etc., etc.
20 Les signaux étaient donc très clairs. Ils ont été donnés à M. Milosevic
21 qui a compris qu'il avait le feu vert pour attaquer l'organisation
22 terroriste de l'UCK, bien sûr légalement, par des moyens légaux, par le
23 recours à la force légale. Et si M. Milosevic concluait un accord
24 politique avec les Albanais du Kosovo en vue d'un règlement pacifique du
25 problème du Kosovo, cela pouvait se faire dans ce cadre. Donc les deux
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1 questions étaient liées; pas dans le sens d'une menace quelle qu'elle
2 soit, d'un chantage de quelque nature que ce soit, mais avec les services
3 de sécurité de l'Etat qui avaient leur rôle à jouer et sans lesquels il ne
4 pouvait pas y avoir d'accord politique.
5 Le terrorisme, donc, pouvait être limité et rien ne… Les gens de la rue
6 n'étaient pas comparés à des terroristes, tout le monde n'était pas
7 assimilé à des terroristes.
8 Question: Par conséquent, un appui international existait. Est-ce que ceci
9 a été expliqué à l'accusé, pour autant que vous le sachiez? Et si oui,
10 quelle a été sa réaction à cet appui international dont il pouvait
11 disposer pour éliminer l'UCK?
12 Réponse: Ceci a été expliqué à M. Milosevic pas une fois, mais plusieurs,
13 je dirais même une centaine de fois parce que c'était une question très
14 importante, et j'ai la preuve absolue que ceci lui a été expliqué lors de
15 contacts au plus haut niveau, en tout cas au-dessus du niveau dont je suis
16 en train de parler; quoi qu'il en soit, au niveau du ministère des
17 Affaires étrangères et du Premier ministre, et nos services de sécurité
18 ont oeuvré très activement également sur ce plan à partir de toutes les
19 sources d'information dont ils disposaient, y compris celles dont je
20 disposais moi-même.
21 Cet appui de la part de la communauté internationale pour mettre un terme
22 au terrorisme albanais était donc… aurait dû être la base d'une solution
23 politique très claire. Ceci a été présenté à Milosevic qui a compris mais
24 par la suite, j'ai été informé que son accord a été un peu tiédi et qu'il
25 a commencé à se comporter comme si ce soutien n'existait pas de la part de
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1 la communauté internationale contre le terroriste albanais. Donc, il y a
2 eu inversion de la vérité et c'est là que les services de sécurité de
3 l'Etat ont réagi et que nous avons eu des discussions sur la question.
4 C'est ainsi que j'ai mieux connu, d'ailleurs, M. Milosevic et que je sais
5 qu'il a rencontré les représentants de la communauté internationale en
6 modifiant complètement sa position, à moins qu'il ne se taise sur le
7 sujet.
8 Question: En février ou mars 1998 ou à cette époque, des efforts ont-ils
9 été faits pour obtenir des renseignements plus précis au sujet de la
10 situation au Kosovo? Paragraphe 53.
11 Réponse: Oui, ces efforts ont été entrepris par le général Perisic en sa
12 qualité de chef de l'état-major ainsi que par Jovica Stanisic en sa
13 capacité de responsable de la sécurité d'Etat de la Serbie, avec également
14 M. Zoran Lilic. J'en ai été informé par les services de sécurité de
15 l'Etat, par la direction du SDB, en fait.
16 Question: Et l'objet de cette enquête était quoi?
17 Réponse: Comme la direction des services de sécurité de l'Etat m'en a
18 informé et, comme plus tard j'ai pu le vérifier sur la base d'informations
19 fournies par les dirigeants militaires, cette enquête avait pour objet de
20 lever, de faire la clarté sur les éléments controversés quant aux affaires
21 du Kosovo: combien de terroristes y avait-il? Etaient-ils peu nombreux ou
22 nombreux, nombre limité ou important? Est-ce que la population appuyait
23 réellement le terrorisme de l'UCK ou pas? Est-ce qu'il y avait une
24 responsabilité de la part de la police serbe? Est-ce que l'armée pouvait
25 être tenue responsable ou pas?
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1 Donc, un rapport sérieux était prévu; une étude a été lancée. Ce rapport
2 devait être fourni à M. Milosevic pour la direction de l'armée ainsi qu'à
3 la direction des services de sécurité de l'Etat qui ont demandé à M.
4 Milosevic de revoir son comportement au Kosovo par rapport à la situation
5 en vigueur, ainsi qu'aux lois et aux règlements régissant le pays?
6 Question: Suite à cela, quelles recommandations ont été faites à l'accusé?
7 Réponse: Tout d'abord, cette mission, comme j'en ai été informé par la
8 direction du service de sécurité, et plus tard par les dirigeants
9 militaires, a avorté au départ parce que quelqu'un qui était très proche
10 de M. Milosevic est intervenu et a influencé les résultats sur le terrain
11 en les présentant de façon différente de ce que la réalité était en fait.
12 Je ne sais pas si je peux me permettre de mentionner le nom de cette
13 personne devant ce Tribunal, ou non, parce que je parle en ce moment de M.
14 Nikola Sainovic en fait. Il a participé partiellement à cette mission, et
15 ce, sur accord de M. Milosevic.
16 Perisic et Lilic ont souhaité se dissocier des collaborateurs de Milosevic
17 qui souhaitaient se lancer dans une direction différente, donc faire le
18 virage dont j'ai parlé tout à l'heure. Ils voulaient que la démarche soit
19 claire et neutre, et que l'enquête soit menée de l'intérieur.
20 Cependant, indépendamment de la présence de M. Sainovic, les conclusions
21 de la mission n'ont pas progressé et ont été mises de côté.
22 Souhaitez-vous que je mentionne toutes les personnes qui ont participé?
23 Question: Quelles étaient les recommandations?
24 Réponse: Nous parlons du printemps 1998, alors que les combats étaient en
25 cours de préparation entre les forces de sécurité serbes et les
Page 4921
1 terroristes albanais. Donc, ces recommandations ont consisté d'abord à
2 demander à l'armée et à la police de se lancer activement dans la tâche,
3 dans le cadre légal et constitutionnel, et pas, comme par le passé, en
4 suivant une chaîne de commandement parallèle avec des objectifs
5 insuffisamment définis.
6 La deuxième recommandation consistait, s'il fallait détruire le terrorisme
7 albanais dans le cadre de la Constitution, à décréter un état d'urgence
8 sur une partie du territoire et de décréter que l'UCK était une
9 organisation terroriste.
10 La situation extraordinaire devait donc être mise en oeuvre et les
11 recommandations consistaient à rechercher une solution politique le plus
12 tôt possible, solution qui était déjà en préparation, et que la Serbie et
13 la Yougoslavie devaient utiliser comme base politique pour appliquer la
14 force afin de détruire le terrorisme albanais, car les terroristes
15 albanais ne devaient pas être confondus avec des combattants de la paix,
16 ce qui est tout à fait clair.
17 Ces recommandations ont été reprises par la direction des services de
18 sécurité de l'Etat, ainsi que par la direction de l'armée et par notre
19 propre parti, moi-même y compris.
20 Question: Je vous rappelle la nécessité de parler moins vite.
21 Vous avez parlé au début de votre réponse d'une chaîne de commandement
22 parallèle. A quoi pensiez-vous?
23 Réponse: Il était de notoriété publique déjà dans le deuxième semestre
24 1997 que la direction des services de sécurité de l'Etat, la direction de
25 l'armée et un groupe de responsables politiques au sein de la coalition,
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1 que l'on appelait couramment "l'aile réformiste", s'opposaient à cela.
2 J'étais l'un des membres de ce groupe d'opposants au recours à la force
3 volontaire au Kosovo pour la simple raison qu'il n'était pas nécessaire
4 d'agir de cette façon pour régler le problème entre les Albanais et les
5 Serbes. Cette nécessité n'existait pas.
6 Confronté à ce fait, M. Milosevic a appliqué une chaîne de commandement
7 parallèle aux institutions en laissant de côté l'état-major, la direction
8 des services de sécurité de l'Etat, les institutions légales de la Serbie
9 et de la Yougoslavie, tels le parlement, le gouvernement, etc.
10 Ceci a été souligné comme étant un problème dès la fin 1997 et il a été
11 souligné encore davantage en 1998, lorsque les premiers combats importants
12 ont commencé entre les forces de sécurité serbes et les terroristes
13 albanais, et que de nombreux civils ont été tués sans aucune nécessité.
14 M. le Président (interprétation): Nous sommes arrivés à la fin de notre
15 audience.
16 Monsieur Nice, peut-être pourriez-vous continuer l'audition de ce témoin
17 demain matin? Je vous rappelle le temps qui passe. Si possible, nous
18 devrions terminer l'audition de ce témoin, mais les réponses fournies par
19 lui seront nombreuses bien entendu. Cela dit, peut-être pourraient-elles
20 être raccourcies.
21 M. Nice (interprétation): Nous ferons de notre mieux.
22 M. le Président (interprétation): Nous suspendons l'audience.
23 Monsieur Tanic, je vous demande d'être de retour dans ce prétoire demain à
24 9 heures du matin.
25 (L'audience est levée à 13 heures 47.)