Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 30 mai 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 01.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Joseph Omer Michel Maisonneuve, est dans le prétoire.)

5 M. Ryneveld (interprétation): Oui, Monsieur le Président, comme vous le

6 voyez, le général Maisonneuve a pu changer son programme et il a voulu

7 faire face au souhait du Tribunal, donc il pourra poursuivre le contre-

8 interrogatoire. Compte tenu des instructions données par le Tribunal, il

9 pourra rester encore une heure et demie, parce qu'après il va devoir

10 prendre son avion.

11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.

12 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Joseph Omer Michel Maisonneuve, par

13 l'accusé M. Milosevic.)

14 M. Milosevic (interprétation): Quelles sont les informations dont vous

15 disposiez, vous, en tant que fonctionnaire de la KVM concernant la

16 situation à Racak qui a précédé l'incident du 15 janvier dont vous avez

17 parlé?

18 M. Maisonneuve (interprétation): Mes vérificateurs ont eu des informations

19 que la présence de l'UCK à Racak était très faible: juste quelques membres

20 du personnel, quelques scouts par-ci par-là, quelques individus, donc il

21 n'y a pas une grande concentration de l'UCK.

22 Question: D'après les données contenues dans les documents soumis par la

23 partie adverse, le nombre de personnel, des soldats -comme ils les

24 appellent- dans cette région s'élevaient à 1.000 personnes. Peut-être

25 1.400. Est-ce que vous aviez ce genre d'informations?

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1 Réponse: Non, je ne les avais pas.

2 Question: Est-ce que vous savez que les données concernant la situation

3 militaire ont été fournies à l'OSCE et que Walker a eu une réunion à

4 Petrovo le 16, à 13 heures, avec les commandants de l'UCK?

5 Réponse: Comme j'ai mentionné hier, j'ai su que M. Walker avait eu une

6 réunion, mais je ne savais pas qu'il avait reçu des chiffres. Et puis,

7 c'était également le 16, donc, de toutes façons, ceci n'aurait pas été

8 utile pour nous.

9 Question: Est-ce que vous avez eu l'occasion, en vous rendant à Racak,

10 d'apprendre où se trouvaient toutes leurs installations, les blockhaus,

11 les tranchées, les nids de mitrailleuses autour de Racak, au-dessus de

12 Racak, etc., toutes ces installations qui ont été construites dès le début

13 de décembre 1998, d'après les informations dont nous disposons?

14 Réponse: Je suis allé à Racak le 16 et pas avant, donc avant, je n'y étais

15 pas. C'était seulement ce jour-là que je suis allé dans la région appelée

16 "le ravin". C'était donc le 16. Et, effectivement, j'ai vu quelques

17 préparations, j'ai vu que des travaux se faisaient au niveau de la terre

18 au-dessus du ravin mais je n'ai pas vu des fortifications ou quelque chose

19 comme cela.

20 Question: Alors, est-ce que cela veut dire que le 15, lorsque vous y êtes

21 allé, vous n'avez rien vu, et que vous avez vu des choses seulement le 16,

22 lorsque vous êtes allé à Racak? Mais est-ce que vous savez qu' Afet

23 Billali était le commandant de l'unité à Racak? Est-ce que vous avez fait

24 sa connaissance?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Est-ce que vous saviez quoi que ce soit au sujet du fait

2 qu'avant début janvier 1999, des blockhaus et des tranchées avaient été

3 creusés dans le village de Bela, et que dans d'autres régions, des travaux

4 semblables avaient commencé, auxquels ont participé à la fois les membres

5 de l'UCK et les civils? Est-ce que vous saviez quelque chose au sujet de

6 ces circonstances, de ces activités?

7 Réponse: Non, je ne le savais pas.

8 Question: Est-ce que par la suite, ou bien peut-être à ce moment-là, mais

9 au moins par la suite, est-ce que vous avez appris les informations qu'ils

10 ont fournies eux-mêmes plus tard, à savoir que les soldats avaient des

11 mortiers, des mitrailleuses de 12,7 millimètres, et 7,9 millimètres, des

12 mitrailleuses, des canons sans recul, des mortiers de 6,0 millimètre? Tout

13 ceci existe dans les données fournis. Est-ce que vous savez cela au moins?

14 Réponse: La police serbe m'a dit lors de notre réunion du 16, en fait, ils

15 ont montré une mitrailleuse de 12.7 millimètres et puis un mortier ou

16 lance-grenades de 40 millimètres, et c'est seulement sur la base de cela

17 que j'ai pris connaissance des armes, de ce genre d'armes qui existaient

18 peut-être dans la région.

19 Question: Je ne parle pas des données, des chiffres fournis par notre

20 police, mais je parle des informations que leur camp a fournies, qui

21 figurent dans les documents. Donc, vous ne savez rien au sujet de cela. Et

22 à l'époque, vous ne saviez rien au sujet de cela non plus. Est-ce que vous

23 savez où trouve le village de Rance?

24 Réponse: Non.

25 Question: C'est tout près de Racak.

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1 Réponse: Vous avez dit que cela s'appelle comment?

2 Question: Rance. Et est-ce que vous savez où leur 161ème Brigade se

3 trouvait?

4 Réponse: Non, je ne sais pas, c'était en dehors de ma zone, donc je n'ai

5 jamais eu de raison d'aller à Racak auparavant.

6 Question: Très bien. Mais est-ce que vous avez appris qu'à partir de là,

7 là où se trouvait le quartier général de la 161e Brigade, que c'est là

8 qu'une contre-attaque a été organisée, lancée et qu'ils ont repris le

9 contrôle de Racak dès l'après-midi?

10 Réponse: Non, je ne l'ai pas appris.

11 Question: Très bien. Et quand vous avez recueilli toutes les données dont

12 vous disposiez, et vos vérificateurs ou bien plutôt les vérificateurs de

13 ce Centre régional dont vous étiez en charge pendant ces trois jours,

14 lorsque vous avez obtenu les informations concernant ces blockhaus, ces

15 soldats, le nombre de personnels, leur présence à Racak, quand avez-vous

16 obtenu toutes ces données?

17 Réponse: En fait, je n'ai pas reçu ces données. Peut-être cela a-t-il été

18 envoyé à un autre Centre régional, puisque le 17, lorsque le juge

19 d'instruction y est allé, moi-même, j'ai quitté la région, je suis rentré

20 au sein de mon propre Centre régional. Moi, je devais m'occuper de mes

21 affaires et de mon commandement et je n'ai pas reçu d'autres informations

22 au sujet de cela.

23 Question: Compte tenu du fait que vous êtes un militaire professionnel,

24 lorsque vous tenez compte des tranchées, des blockhaus, des nids de

25 mitrailleuse, etc., toutes ces informations dont eux ils parlent, non pas

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1 notre police, mais eux -ils parlent même de leurs soldats dont le nombre

2 servait à 1.400, etc.-, est-ce que compte tenu de toutes ces données, vous

3 considérez qu'il agissait là de forces négligeables par leur nombre, qui

4 n'avaient aucune influence sur le territoire ou la police, ou la force de

5 la police?

6 Réponse: Eh bien, s'il y en avait environ 1.400 de soldats, il ne s'agit

7 pas là d'un nombre négligeable.

8 M. Milosevic (interprétation): Et si vous tenez compte de notre discussion

9 d'hier, c'est-à-dire que, dans les blockhaus, ils avaient des soldats qui

10 ont ouvert le feu dès que la police est arrivée, tout d'abord en tant

11 qu'avertissement aux soldats, à Racak, comme ils disent eux-mêmes, et

12 ensuite pour tirer directement sur la police, à votre avis, qu'est-ce qui

13 serait le recours à la force approprié afin de riposter, si l'on sait

14 qu'il faut viser les blockhaus, les nids de mitrailleuses, les tranchées,

15 etc.?

16 M. Maisonneuve (interprétation): Je pense que vous m'invitez à la

17 spéculation, là. Je peux éventuellement répondre.

18 M. le Président (interprétation): Essayez de répondre du mieux que vous

19 pouvez.

20 M. Maisonneuve (interprétation): Quelle était votre question? Si quelqu'un

21 tire sur la police, au moment où la police veut mener une enquête, comment

22 faut-il riposter?

23 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, il n'y a pas de doute que lorsque

24 la police entrait à Racak -et cela se voit sur la cassette aussi-, il n'y

25 avait pas d'attaque: la police est entrée à Racak et, à ce moment-là, on a

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1 ouvert le feu?

2 M. Maisonneuve (interprétation): Oui.

3 M. Milosevic (interprétation): Donc vous avez des blockhaus, vous avez des

4 nids de mitrailleuses, vous avez des tranchées, selon leurs déclarations à

5 eux; seulement, à Racak, au sein de l'unité de Racak, il y avait 1.400

6 soldats; dans les villages, des combats se déroulaient et, puis, dans

7 d'autres villages aussi.

8 M. le Président (interprétation): Faites une pause maintenant, parce que

9 vous commencez à jeter des points supplémentaires.

10 Est-ce que vous êtes au courant du fait qu'il y avait des combats qui se

11 déroulaient dans des villages différents aux alentours?

12 M. Maisonneuve (interprétation): Non, je ne le sais pas.

13 M. le Président (interprétation): D'accord. C'est votre réponse.

14 M. Milosevic (interprétation): Donc vous ne saviez rien au sujet des

15 combats qui se déroulaient dans les trois villages aux alentours, dans

16 toute cette région?

17 M. Maisonneuve (interprétation): Non, je ne le savais pas.

18 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Et sur la base de ces donnés dont

19 vous disposiez, si vous saviez qu'on tirait sur la police, d'après vous,

20 quel aurait été le recours à la force proportionné?

21 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez répondre à cela?

22 M. Maisonneuve (interprétation): Si quelqu'un tire sur vous, je suppose

23 que la riposte est de tirer sur l'agresseur jusqu'à la fin des tirs, la

24 fin des coups de feu; ensuite, il faut sécuriser la région. Effectivement,

25 si l'on tire sur vous, vous ripostez en tirant. En tant que militaire,

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1 c'est la réaction que vous avez.

2 M. Milosevic (interprétation): Général, vous avez parlé de l'artillerie,

3 des tirs d'artillerie et des chars, si je vous ai bien compris hier. Est-

4 ce exact?

5 Réponse: Oui c'est exact.

6 Question: Et puis, vous avez parlé également des personnes tuées. Est-ce

7 que l'une quelconque des personnes tuées a été tuée par tir d'artillerie

8 ou de char?

9 Réponse: Non. D'après ce que j'ai pu observer, je n'ai pas l'impression

10 qu'une quelconque de ces personnes avait été tuée de tir d'artillerie ou

11 de char.

12 Question: Donc ce sont les armes légères, d'infanterie, qui ont provoqué

13 la mort de toutes ces personnes. D'ailleurs, c'est conforme aux résultats

14 des équipes des médecins légistes qui ont mené des enquêtes. Il n'y a pas

15 eu d'autre cause de la mort.

16 Réponse: D'après…

17 Question: Vous voulez dire quelque chose?

18 Réponse: D'après ce que j'ai pu observer, non. Vous avez raison.

19 Question: D'accord. Et est-ce que vous savez que 13 sur 40 personnes tuées

20 à Racak, d'après les documents -et ceci est d'ailleurs le chiffre qui

21 figure dans tous les rapports de médecine légale-, que 13 de ces personnes

22 n'ont pas été enterrées à Racak? Leurs tombes ne se trouvent pas à Racak.

23 Réponse: Non, je ne le savais pas.

24 Question: Est-ce qu'il n'est pas contesté donc qu'au cours de l'après-

25 midi, à partir de 16 heures, le 15 janvier 1999, Racak était entre les

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1 mains de l'UCK?

2 Réponse: Nous ne nous souvenons pas d'une quelconque présence, vers 16

3 heures ou un peu plus tard. Toutes les forces des autorités serbes ont

4 quitté les villages, se sont retirées en fait. C'est à ce moment-là que

5 mes vérificateurs étaient au village et ont pu évacuer un certain nombre

6 de blessés. Je pense que c'est à ce moment-là qu'ils sont entrés en

7 contact avec deux ou trois combattants de l'UCK au village.

8 Question: D'accord. Mais est-ce qu'il est clair que, ce jour-là, des

9 combats se déroulaient dans le village de Racak? Est-ce que ceci découle

10 du fait que vos vérificateurs observaient cela, qu'ils ont envoyé des

11 informations concernant les combats qui s'y déroulaient? Est-ce qu'il est

12 clair, dans ce cas-là, que des combats se déroulaient à Racak, ce jour-là,

13 et qu'après 16 heures, c'est l'UCK qui le contrôlait de nouveau?

14 Réponse: Concernant les combats -je ne sais pas vraiment si l'on peut

15 vraiment parler de combats-, d'après moi, on peut constater que, depuis

16 Racak, on ripostait très peu face aux forces de sécurité. Mes

17 vérificateurs n'ont pas vu un grand nombre d'armes utilisées pour tirer

18 sur les forces serbes.

19 C'est pour cela que, lorsque j'ai rencontré le commandant de la brigade

20 serbe, je me demandais pourquoi ces chars s'y trouvaient parce que moi, en

21 tant que professionnel, je n'aurais jamais permis à mes troupes de tirer

22 sur des maisons civiles si, depuis ces maisons-là, on ne ripostait pas en

23 tirant.

24 Donc il s'agissait de trouver une réponse proportionnée. Si on ne tire pas

25 sur vous avec des armes à grand calibre, dans ce cas-là, il ne faut pas

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1 riposter avec des tirs d'artillerie, surtout si vous savez que, dans des

2 maisons, se trouvent des civils. Donc mes vérificateurs n'ont pas parlé de

3 combats violents; ils ont dit tout simplement qu'il y avait des tirs

4 d'armes légères sporadiques dans le village en direction des forces

5 serbes.

6 Question: D'accord. Mais ce qui est clair, c'est que personne n'a été tué

7 par des tirs de char ni des tirs d'artillerie. Cela a été constaté tout à

8 l'heure. Et vous-même, hier, vous avez dit que, d'après vos connaissances,

9 il y avait des tirs d'artillerie autour de Racak, dans la banlieue, dans

10 la périphérie, mais qui n'étaient pas dirigés vers les maisons elles-

11 mêmes.

12 M. le Président (interprétation): Permettez au témoin de répondre à cela.

13 M. Maisonneuve (interprétation): Eh bien, dans la périphérie, ce que je

14 peux dire, sur la base des rapports de mes vérificateurs, c'est qu'ils ont

15 observé des chars qui tiraient sur une maison qui était occupée, et puis

16 ils ont vu la fumée qui sortait de la cheminée; ensuite, ils sont allés

17 jusqu'à cette maison et, bien sûr, personne n'y a été tué parce que tout

18 le monde était dans la cave, tout le monde se cachait; à ce moment-là, ils

19 les ont évacués. Ce sont mes vérificateurs qui me l'ont rapporté

20 directement, personnellement.

21 Question: Et vous avez reçu ces informations concernant cette maison, une

22 maison sur laquelle on avait tiré?

23 Réponse: Oui, une maison.

24 Question: Et qui aurait tiré depuis le char contre cette maison si l'armée

25 ne participait pas à cette opération?

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1 Réponse: Eh bien, l'armée avait participé à cette opération, parce que les

2 chars se trouvaient sur la colline, et mes vérificateurs sont allés

3 jusqu'aux chars afin d'essayer de les arrêter.

4 Question: Mais le commandant de la police vous a dit -et c'est ce que vous

5 avez affirmé hier- qu'il s'agissait là d'une opération policière. Est-ce

6 exact?

7 Réponse: C'est ce qu'il m'a dit.

8 Question: Et d'autre part, nous avons entendu les explications de M.

9 Ryneveld, selon lesquelles quelqu'un au sein de l'armée avait accusé la

10 police, mais vous n'avez pas dit cela, je ne vous ai pas entendu dire que

11 quelqu'un de l'armée, qui avait parlé avec vous, avait accusé la police.

12 Est-ce que quelqu'un appartenant à l'armée, qui a parlé avec vous, avait

13 accusé la police de ce qui s'y était passé?

14 Réponse: L'armée avait effectivement dit que la police avait participé à

15 l'opération de Racak. Pour eux, c'était évident, il était possible pour

16 l'armée de constater cela puisqu'ils étaient positionnés sur les collines.

17 Et, à mon avis, ils soutenaient la police. Et lors d'une des réunions, le

18 16, avec Petrovic, l'officier de liaison de la 243e Brigade, le

19 lieutenant-colonel, il a effectivement dit que le MUP avait effectué cette

20 opération avec le soutien de la VJ qui a fourni son soutien avec au moins

21 un char et quelques Praga.

22 M. Milosevic (interprétation): Ça, c'est une explication claire. Le

23 commandant de la police vous a dit que c'était une opération de la police.

24 L'officier de liaison de l'armée vous a dit que c'était une opération de

25 la police avec un soutien, un petit soutien éventuel, de l'armée. Donc sur

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1 la base de quoi, et est-ce que sur la base des informations dont on

2 dispose, on peut tirer la conclusion présentée ici par M. Ryneveld, à

3 savoir que l'armée avait accusé la police de tout cela? Tout simplement,

4 on vous a informé que c'était une opération de la police, n'est-ce pas?

5 M. Maisonneuve (interprétation): Je pense que, dans l'une de mes

6 déclarations, j'ai mentionné à la police que la VJ disait que c'était, en

7 fait, la police qui avait effectué l'opération, mais je ne sais pas si

8 l'on parlait vraiment des accusations, si l'on peut dire qu'il s'agissait

9 là d'une accusation.

10 M. le Président (interprétation): Il s'agit la pièce à conviction 179;

11 c'est le compte rendu de la réunion. Peut-on soumettre cela au témoin?

12 C'est la réunion avec la police.

13 A la page 2, vers la fin, le témoin dit au colonel du MUP: "Vous étiez en

14 charge de 100 policiers". Et la réponse était: "Si ça vous concerne, oui";

15 c'est ça la réponse. Et puis, l'autre personne a dit: "On vient de

16 quitter. Vous nous accusez. Vous accusez la VJ. Est-ce qu'ils étaient avec

17 vous?". Et la réponse était: "Nous n'étions pas avec la VJ".

18 M. Maisonneuve (interprétation): Oui, je vois, en effet, Monsieur le

19 Président, que c'est Gil Gilbertson qui était l'adjoint du chef du Centre

20 régional 5, qui assistait avec moi à cette réunion.

21 M. Milosevic (interprétation): Donc aucun officier de l'armée n'a accusé

22 la police. Est-ce exact ou pas?

23 M. Maisonneuve (interprétation): Je ne sais pas d'où découle…, d'où Gil a

24 obtenu cette information que la VJ accusait la police.

25 A mon avis, la VJ disait simplement: "Ceci ne nous concernait pas du tout.

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1 Il s'agissait d'une opération strictement policière". La VJ ne pouvait pas

2 nier le fait qu'ils étaient sur place et qu'ils tiraient parce que mes

3 vérificateurs, comme je l'ai déjà dit, les ont vus en train de tirer sur

4 des maisons. Ensuite, mes vérificateurs sont allés dans la cave afin

5 d'évacuer les gens.

6 M. Milosevic (interprétation): Je souhaite que vous me compreniez bien. Il

7 n'y a pas de doute que c'était une opération policière et que le

8 commandant de la police l'a dit aussi. Mais ce que je conteste, c'est ce

9 détail désagréable qui essaie d'être imposé par la partie adverse et qui

10 crée une image laide de l'agissement d'un officier de l'armée, parce que

11 ceci n'aurait pas été correct de la part de l'officier de l'armée

12 d'accuser ainsi la police. Je souhaite simplement rectifier cela pour

13 indiquer que vous-même vous ne disposez pas de ce genre d'information,

14 n'est-ce pas?

15 Réponse: C'est exact.

16 Question: Je suis content d'avoir clarifié cela.

17 Est-ce que vous savez que, le 16, Walker a eu une réunion avec le

18 commandant de la zone, qu'il était au courant de l'opération Racak, qu'il

19 était au courant aussi des soldats de l'UCK qui ont été tués à Racak?

20 Parce qu'il y avait la liste de leur noms que j'ai énumérés moi-même.

21 Donc, vous étiez au courant de leurs positions, de tout cela?

22 A votre avis, pourquoi la mission a, par la suite, caché ces faits et ces

23 informations? Est-ce que c'était dans le cadre du montage d'un alibi pour

24 les partis pris pris ultérieurement à l'encontre de notre pays? A cause de

25 quoi toutes ces informations ont été cachées aux yeux de l'opinion

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1 publique mondiale?

2 Réponse: Moi-même, je ne cachais aucun fait.

3 Question: Mais vous avez expliqué vous-même que ces informations étaient

4 envoyées au commandement de la Mission et que le commandant de la Mission

5 était le seul en charge de la publication des informations, est-ce exact?

6 Ai-je bien compris vos propos?

7 Réponse: Oui.

8 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, je vous pose la question

9 concernant votre opinion. Vous n'étiez pas seulement chef du Centre

10 régional, vous étiez quelqu'un d'important aussi de cette mission, vous

11 êtes un général. Est-ce que, compte tenu de toutes ces informations,

12 maintenant, vous pouvez nous dire pourquoi, à votre avis, le commandement

13 de la mission a tu tout ce qu'il savait concernant la présence de l'UCK à

14 Racak, leurs nids de mitrailleuses, leurs mortiers, leurs blockhaus, leurs

15 tranchées, les combats qui s'y déroulaient, etc.?

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous êtes en train

17 de poser ces questions qui sont vos thèses à vous et qui corroborent votre

18 thèse de complot, et tout ça. Mais vraiment, il n'y a aucune raison de

19 faire cela.

20 Est-ce que nous aurons l'occasion d'entendre la déposition de M. Walker

21 aussi?

22 M. Ryneveld (interprétation): …

23 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que les interprètes pourraient

24 parler plus fort? Je ne les entends pas bien.

25 M. Ryneveld (interprétation): Nous l'espérons, mais si j'ai bien compris,

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1 ce n'est pas encore sûr. La procédure en vertu de l'Article 70 est prévu

2 concernant cette personne. Je pense qu'il va venir déposer.

3 M. le Président (interprétation): Mais ce n'est pas certain?

4 M. Ryneveld (interprétation): Je ne peux pas confirmer cela mais, de toute

5 façon, il est prévu, et c'est probable.

6 M. le Président (interprétation): Parce que s'il va venir, évidemment il

7 faut lui poser la question, mais s'il y a des doutes, on peut poser cette

8 question ici.

9 Général, on vous suggère qu'il s'agissait là d'une opération afin de

10 couvrir un complot?

11 M. Ryneveld (interprétation): Si j'ai bien compris, nous nous attendons à

12 ce que M. Walker vienne d'ici deux semaines.

13 M. le Président (interprétation): Permettons au témoin de répondre.

14 M. Maisonneuve (interprétation): Avec les deux parties, je peux vous dire

15 que nous n'avons jamais essayé de cacher quoi que ce soit. Et, à chaque

16 fois qu'il y avait des infractions du côté albanais, j'étais aussi ferme

17 avec eux que je l'étais avec les Serbes. Et je pense que tous les membres

18 de la Mission avaient cette même approche. De toute façon, je fonctionnais

19 sur ces bases-là, en partant des bases selon lesquelles tout le monde

20 était impartial.

21 M. Robinson (interprétation): Avant de poursuivre, de vous permettre de

22 poursuivre, Monsieur Milosevic, je veux demander quelque chose à M.

23 Ryneveld.

24 Monsieur Ryneveld, ces vérificateurs, est-ce qu'ils vont être cités à la

25 barre? Parce qu'il s'agit là des personnes qui étaient sur place et qui

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1 ont vu les événements, le général n'y était pas.

2 M. Ryneveld (interprétation): Effectivement, Monsieur le Juge, mais il

3 était la personne en charge des autres. C'est eux qui envoyaient leurs

4 rapports et qui étaient responsables devant lui. Je sais qu'il s'agit ici

5 d'une forme d'ouï-dire, mais il s'agit ici de l'ouï-dire basé sur des

6 informations personnelles et des informations dont dispose le général.

7 Nous avons le temps limité pour cette déposition.

8 M. Robinson (interprétation): Mais j'aurais pensé que la déposition que

9 ces témoignages étaient beaucoup plus crédibles si on avait l'occasion

10 d'entendre cela de la bouche d'au moins un des vérificateurs.

11 M. Ryneveld (interprétation): Ce n'est pas le problème mais nous avons

12 évidemment un calendrier extrêmement serré. Nous pouvons certainement

13 faire venir les vérificateurs ici. Nous allons voir si nous pouvons le

14 faire. Maintenant que le Tribunal a exprimé un voeu très net à ce sujet,

15 nous allons faire tous les efforts possibles pour qu'un ou deux

16 vérificateurs viennent ici. Il y en a que je connais qui sont disponibles

17 et c'est purement une question si nous les appelons à la barre, cela nous

18 donnera moins de temps pour en faire entendre d'autres. C'est la seule

19 question.

20 M. Robinson (interprétation): Pour ma part, je crois que c'est très

21 important compte tenu du moyen de défense qui a été invoqué.

22 M. Ryneveld (interprétation): Certainement, nous allons prendre en

23 considération vos observations et faire tous nos efforts pour faire venir

24 au Tribunal ces témoins, ces vérificateurs, le plus vite possible.

25 M. Robinson (interprétation): Bien entendu, je ne suis pas en train

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1 d'encourager qu'on nous inonde avec des dépositions de vérificateurs, mais

2 je pense qu'il serait utile, voire vital.

3 M. Ryneveld (interprétation): Oui, nous avons l'intention d'en appeler au

4 moins un, qui est déjà d'ailleurs sur notre liste de témoins pour le

5 moment, Monsieur le Juge.

6 M. le Président (interprétation): Général, est-ce que je peux comprendre

7 ceci? Ce que l'on suggère actuellement, ce qui a été suggéré, c'est que la

8 Mission dans son ensemble ou, en tous cas, le chef de la Mission, a

9 produit des informations fausses en tant que propagande, à titre de

10 propagande. Il a été suggéré qu'il y avait des buts cachés pour cela, pour

11 faire cela, et que les renseignements qui ont été diffusés concernant Rack

12 étaient trompeurs, et tout simplement une affaire de propagande.

13 Est-ce que la Mission aurait eu un intérêt à faire des actes de propagande

14 ou à favoriser une partie plutôt qu'une autre?

15 M. Maisonneuve (interprétation): Là encore, c'est une très bonne question,

16 Monsieur le Président.

17 Tout ce que je peux vous dire, c'est mon expérience dans mes rapports avec

18 la Mission, tant dans mon secteur régional, au moment où j'ai remplacé le

19 général DZ au QG central à Pristina. A mon avis, la Mission a fait son

20 travail de la façon la plus impartiale qui soit et n'avait pas de parti

21 pris pour un côté ni pour l'autre au sein de la Mission.

22 Je peux vous dire que dans mon centre régional, j'étais très préoccupé par

23 la communauté serbe qui se trouvait dans certaines poches dans le district

24 de Pristina entouré par des Albanais. Et, à plusieurs occasions, je suis

25 allé sur des émissions de télévision serbe, sur la télévision Belgrade et

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1 la radio pour exprimer certaines de ces inquiétudes et pour négocier avec

2 les Serbes, les Serbes responsables dans ces secteurs, pour que des

3 bureaux sur le terrain soient ouverts avec l'OSCE.

4 En particulier, dans le cas où il y aurait un accord à Rambouillet. De

5 sorte que nous aurions, à ce moment-là, un bureau au milieu de la

6 communauté serbe pour s'assurer qu'il n'y aurait pas de réaction en

7 retour, ce qui était évidemment une possibilité de réaction contre la

8 communauté serbe. Donc certainement, dans tout ce que j'ai fait, je suis

9 sûr qu'il n'y a eu aucune action partiale, d'un côté ou de l'autre; nous

10 n'avons pas excusé les actions qui ont été prises d'un côté comme de

11 l'autre. Nous nous sommes assurés que le comportement serait conforme avec

12 ce que je considérais comme étant l'approche, en matière des droits de

13 l'homme, de la communauté internationale et tout le reste, de façon à

14 permettre que les négociations politiques se poursuivent afin qu'on trouve

15 une solution définitive. Donc mon impression, c'est qu'il n'y a pas eu de

16 partialité ni d'occultation d'information de ce type, de la part de la

17 Mission.

18 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

19 M. Milosevic (interprétation): Il n'est pas contesté du tout que la

20 majorité des membres de la Mission de vérification, que la majorité de ses

21 membres diraient exactement ce que vous venez de dire. Mais les

22 déclarations de certains des membres de la Mission ont exprimé des regrets

23 sur le fait que certaines mesures aient été prises. Ce à quoi je me

24 réfère, c'est simplement le fait qui indique qu'un alibi avait été

25 fabriqué de toutes pièces.

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1 Je pense à trois faits pour ce qui est de Racak. Regardons ces trois

2 faits: premièrement, il est bien question que Walker avait annoncé qu'un

3 massacre de civils avait été commis à Racak. C'est un fait, n'est-ce pas?

4 Le deuxième fait, c'est: est-il bien clair…

5 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin répondre aux questions

6 une par une.

7 Est-ce que vous d'accord avec cela, mon Général?

8 M. Maisonneuve (interprétation): J'ai entendu l'ambassadeur Walker faire

9 cette déclaration, oui.

10 M. Milosevic (interprétation): Il y a eu des massacres: un massacre de

11 civils innocents avait été effectué à Racak.

12 Deuxième fait: est-il contesté qu'un certain nombre de membres de l'UCK

13 ont été tués à Racak et que ces personnes ne pouvaient en aucun cas être

14 considérées comme des civils? Est-ce que ceci est contesté ou non?

15 M. Maisonneuve (interprétation): Je peux simplement contester du point de

16 vue de ce que j'ai vu, sur le terrain.

17 M. Milosevic (interprétation): Je ne me réfère pas maintenant à ce que

18 vous avez dit le 15, je vous ai montré votre propre rapport hier, daté du

19 16, qui contient au minimum ce que vous saviez, le 16, c'est-à-dire le

20 jour où Walker a annoncé qu'il y avait eu un massacre d'innocents civils.

21 Et ce rapport disait que huit soldats de l'UCK avaient été tués. Donc le

22 jour où le massacre de civils innocents, votre rapport disait que huit

23 membres de l'UCK avaient été tués. Vous aviez des surveillants, des

24 vérificateurs dès le matin. Ces deux faits ne sont pas contestés: cela a

25 été vu.

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1 M. le Président (interprétation): Vous êtes en train de faire un contre-

2 interrogatoire: laissez le témoin répondre. Vous n'avez pas à faire de

3 discours.

4 (Les interprètes n'entendent pas l'accusé.)

5 Je coupe votre micro parce que vous faites des déclarations. On vous a dit

6 de ne pas en faire hier. On vous a dit de poser des questions.

7 Alors, vous avez fait une proposition au témoin, sur laquelle il a pu

8 répondre.

9 Général, la question qui vous a été posée, c'est que vous saviez ou qu'on

10 vous a fait rapport, le 16, sur le fait qu'un certain nombre de soldats de

11 l'UCK avaient été tués. Etes-vous d'accord avec cela?

12 M. Maisonneuve (interprétation): Oui, j'en ai rendu compte dans mon

13 rapport du 16. C'est exact.

14 Et ce que j'ai dit, c'est qu'un certain nombre de membres de l'UCK avaient

15 été tués. C'était dans l'évaluation. Et j'ai pris huit avec un point

16 d'interrogation, mais ceci, comme je l'ai dit, m'a été rapporté; donc j'en

17 rends compte moi-même. Je pense que c'était une information correcte.

18 Quand j'étais sur le terrain, je n'ai pas vu de membres de l'UCK.

19 M. Robinson (interprétation): La question était de savoir si ce chiffre

20 était plus élevé ou moins élevé.

21 M. Maisonneuve (interprétation): Oui, il aurait pu être plus élevé ou

22 moins élevé.

23 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, nous avons conclu que

24 Walker a dit qu'il y avait eu un massacre de civils innocents -c'était le

25 fait numéro 1- et nous avons aussi conclu qu'à l'époque où il avait fait

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1 cette déclaration, il savait que des membres de l'UCK avaient été tués.

2 Par conséquent, n'est-il pas clair que, exprès,...

3 M. le Président (interprétation): Je vais vous arrêter: vous êtes en train

4 de proposer au témoin l'état d'esprit de quelqu'un d'autre. Vous pouvez

5 poser cette question à l'ambassadeur Walker, mais la poser à ce témoin-ci

6 est une perte de temps totale.

7 Alors, vous avez fait maintenant votre argument; avez-vous d'autres

8 questions à poser?

9 M. Milosevic (interprétation): Certainement.

10 J'ai compris que le général Maisonneuve donnait des réponses sincères qui

11 avaient trait à ce qu'il avait vu de ses yeux.

12 M. le Président (interprétation): Oui, vous pouvez considérer cela.

13 M. Milosevic (interprétation): Compte tenu de ces deux faits, l'un, la

14 déclaration de Walker, l'autre, la réalité que vous avez vue, sur laquelle

15 vous avez rendu compte, êtes-vous conscient du fait que cette réalité

16 avait été cachée par le quartier général -je ne vais utiliser le nom de

17 Walker, car ce n'est pas important pour le moment- mais que la réalité

18 avait été cachée par le QG, avait été passée sous silence? Il n'avait été

19 question que de massacres de civils innocents, mais rien n'a été dit à la

20 communauté internationale concernant des soldats de l'UCK qui auraient été

21 tués et qu'il y avait eu des combats. La seule chose qu'ils ont apprise,

22 c'est ce qu'il y avait eu des innocents tués et des massacres de civils

23 innocents. En êtes-vous conscient?

24 M. Maisonneuve (interprétation): Je suis conscient du fait que

25 l'ambassadeur Walker a fait une déclaration à ce sujet.

Page 5875

1 Question: Bien, je vous remercie. Je ne vais plus vous poser de question

2 sur ce sujet.

3 Dans votre déclaration, à la page 10, paragraphes 1, vous parlez d'un

4 événement qui a précédé ceci et qui était le fait qu'un policier avait été

5 tué. Je pense que vous vous rappelez cet événement et qu'il n'est pas

6 contesté.

7 Dans votre déclaration à la page 11, vous dites aussi que sur la route

8 principale Suva Reka/Stimlje, l'UCK a soigneusement choisi ce lieu comme

9 lieu de provocation parce qu'ils savaient que la police faisait des

10 patrouilles dans ce secteur.

11 Est-ce que la police faisait des patrouilles dans ce secteur parce qu'il y

12 avait eu un accord, parce qu'une route avait été convenue sur la base d'un

13 accord avec les autorités de l'OSCE et de la Yougoslavie? Est-ce que cela

14 aurait été une route convenue entre les autorités?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Par conséquent, sur la route convenue entre les autorités

17 yougoslaves et l'OSCE, l'UCK -vous l'avez dit- avait soigneusement choisi

18 cet endroit comme étant un endroit où ils pouvaient tuer un policier? Et

19 on savait que c'était un endroit où l'on s'était entendu pour qu'il y ait

20 des patrouilles.

21 Réponse: Les autorités serbes et l'OSCE avaient été d'accord pour que ce

22 soit une route où il y aurait des patrouilles. L'OSCE ne savait pas que

23 l'UCK préparait une embuscade à l'endroit qui avait été choisi pour faire

24 une embuscade.

25 Question: Je n'accuse pas. Je ne dis pas que l'on savait que l'UCK allait

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1 faire une embuscade contre la police. Je dis que vous avez déclaré vous-

2 même qu'on avait soigneusement choisi cet endroit sur la route même qui

3 avait fait l'objet d'un accord entre les autorités de la République de

4 Yougoslavie et l'OSCE, à l'endroit même où le meurtre a été commis.

5 Réponse: Ce que j'ai vu sur place, lorsque j'ai fait une investigation,

6 j'ai visité le secteur d'où l'embuscade a été lancée et il m'a semblé, à

7 moi-même et à mes vérificateurs, qu'ils avaient préparé cette embuscade

8 depuis plusieurs jours.

9 Question: Lorsque vous avez contacté les représentants de l'armée, on vous

10 a donné une explication qui figure à la page 7, paragraphe 7, de votre

11 déclaration, disant qu'aucun des soldats n'avait de contact avec les

12 civils. Est-ce exact?

13 Réponse: Vous parlez de Racak, là?

14 Question: Oui. Oui. On vous a dit qu'aucun des soldats n'avait de contact

15 avec des civils. Est-ce que vous aussi déterminé cela?

16 Réponse: C'est ce que l'on m'a dit, oui.

17 Question: Par conséquent, malgré la déclaration du commandant de la police

18 que c'était une action purement de la police, votre évaluation de la

19 participation de l'armée est basée sur le fait que l'un des vérificateurs

20 vous en avait informé, n'est-ce pas?

21 Réponse: C'est basé sur le fait que la VJ avait été vue comme appuyant

22 l'attaque par le MUP, sur les collines alentours, autour de Racak et des

23 villages qui étaient proches.

24 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

25 M. le Président (interprétation): Il ne faut pas oublier dans cette

Page 5877

1 déposition que, lorsque vous avez parlé au lieutenant-colonel Petrovic, le

2 16 janvier, il vous a dit: "Stimlje, ceci a été fait par le MUP". Et vous

3 avez dit que Stimlje, que je considère comme étant Racak, a été fait par

4 le MUP avec des véhicules armés Praga et un char. Et vous nous avez dit

5 que vous aviez estimé que le char voulait dire qu'il y avait eu une

6 participation de la VJ?

7 M. Maisonneuve (interprétation): Absolument, parce que le MUP ne disposait

8 pas de char.

9 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas la question. Je voulais

10 simplement clarifier le point que l'armée n'a pas accusé la police de quoi

11 que ce soit. On a pensé que c'est une opération qui n'était pas légitime

12 et l'accusation voulait déformer les faits et soutenir que l'armée avait

13 accusé la police. Mais nous avons clarifié ce point.

14 M. Ryneveld (interprétation): Je n'accuse pas, je ne dis pas que les faits

15 aient été déformés. Ce que j'ai dit, pour citer ce que j'ai dit au témoin,

16 c'est une citation du document qu'il a établi auquel, Monsieur le

17 Président, vous vous êtes référé; en ce qui concerne ce que dit une autre

18 personne disant que le MUP est en train de vous blâmer. Les paroles en

19 question sont dans ce document; je ne suis pas en train de déformer quoi

20 que ce soit.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, vous pouvez

22 considérer que les accusations faites par l'accusé contre l'accusation,

23 toutes allégations qui sont faites ne sont pas considérées par le Tribunal

24 comme étant autre chose que des allégations.

25 S'il y avait des questions graves qui se posaient, concernant des

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1 suggestions que l'accusation aurait manipulé les éléments de preuve, alors

2 la Chambre les évoquerait les unes après les autres, les examinerait. Mais

3 ici, il s'agit purement d'allégations.

4 M. Milosevic (interprétation): Je vous suggère, Monsieur May, de regarder

5 ceci de près, parce que le témoin a parlé de renseignements qu'il avait

6 reçus et pas d'accusations de l'armée visant la police. L'armée a dit que

7 c'était une opération purement de police, la police l'a informé de la même

8 chose. Et c'est tout ce qu'il y a.

9 Monsieur Ryneveld a expliqué que l'armée avait accusé la police, ce qui

10 n'est pas vrai. Donc c'est une manipulation. Et je voudrais que vous

11 examiniez la question.

12 M. le Président (interprétation): Nous avons la déposition. Nous avons les

13 éléments de preuve, Monsieur Milosevic, et nous l'avons ici devant nous.

14 Alors, allons de l'avant.

15 M. Milosevic (interprétation): Il a simplement dit… Mais M. Maisonneuve

16 n'a pas soutenu que l'armée blâmait la police, il a simplement dit qu'il

17 lui avait donné des renseignements.

18 Monsieur Maisonneuve, hier, vous avez expliqué de façon très habile la

19 logique qui se trouvait, qu'il y avait derrière la coordination et quand

20 cela est nécessaire lorsque des opérations sont menées sur le terrain et

21 que des mesures doivent être prises pour s'assurer que personne ne soit

22 tué par le feu de ses propres troupes. Donc ceci est l'essentiel de ce que

23 vous disiez. Est-ce exact?

24 M. Maisonneuve (interprétation): C'est exact.

25 Question: Par conséquent, je suis particulièrement reconnaissant de cette

Page 5879

1 explication parce que jusqu'à maintenant, dans différentes circonstances,

2 tout type de coordination entre l'armée et la police était traité comme

3 une sorte de conspiration illégale ou quelque autre sorte de comportement

4 illicite. Donc je suis très heureux qu'une personne comme vous ait donné

5 une explication de cette nature.

6 Est-ce que vous savez quelle était la profondeur des tranchées à Racak?

7 Réponse: Non, je ne le sais pas.

8 Question: Votre collègue ou votre subordonné, je ne sais pas, M. Ian

9 Hendrie qui viendra ici déposer, dans sa déclaration, soutient que

10 c'étaient des tranchées de 1,20 mètre de profondeur et de 1 mètre de

11 large. Compte tenu de cela, je vous demande, puisque vous-même avez

12 déclaré que ceux qui ont été tués, avaient été touchés dans le secteur du

13 torse et de la tête, si les tranchées étaient de 1,20 mètre de profondeur,

14 était-il logique qu'ils aient ce type de blessures sur les parties du

15 corps que vous décrivez?

16 Réponse: Je me demande si vous dites: si quelqu'un se trouve dans une

17 tranchée et qu'il se fait tirer dessus? Je n'ai pas compris votre

18 question.

19 Question: Est-il logique que quelqu'un qui se trouve dans une tranchée et

20 qui est tué, est-il probable qu'il sera touché dans la partie supérieure

21 du torse ou de la tête et pas aux jambes?

22 Parce que vous avez dit vous-même que la majorité de ces personnes avaient

23 des blessures à la poitrine et à la tête. Est-il logique que quelqu'un qui

24 se trouve dans une tranchée de 1,20 mètre puisse avoir des blessures à

25 cette partie du corps?

Page 5880

1 Réponse: Si la personne est dans une tranchée, oui.

2 Question: Je peux voir que vous donnez une réponse affirmative de la tête

3 mais nous avons besoin d'une réponse clairement audible. C'est pour cela

4 que j'insiste.

5 Hier, vous avez dit que vous aviez connaissance de renseignements qui ont

6 été donnés par la suite par les experts, les prétendus experts. Vous avez

7 dit que la majorité des personnes s'étaient fait tirer dessus depuis une

8 distance très courte. C'est ce que vous avez dit hier.

9 Je voudrais vous poser la question suivante: est-ce que vous savez que,

10 conformément aux experts qui ont fait des autopsies, les experts

11 yougoslaves, biélorusses et finlandais, ce n'est pas vrai. Certaines

12 personnes avaient effectivement été touchées de courte portée, mais toutes

13 les autres avait été touchées de très loin, alors qu'elles se déplaçaient.

14 Est-ce que vous avez connaissance de tout cela?

15 Réponse: Je n'ai pas vu les rapports d'autopsie. Tout ce que je peux dire,

16 sans avoir une formation particulière dans ce domaine, j'ai vu qu'ils

17 avaient été touchés… Quand j'ai vu de près les cadavres, j'ai vu qu'ils

18 avaient été touchés de près. Il est très difficile de toucher quelqu'un à

19 la tête de très loin. Il faut viser avec une arme, viser le centre d'une

20 masse de ce que vous pouvez voir; c'est très difficile. On ne vise pas la

21 tête de quelqu'un lorsqu'on tire à distance: on vise le corps et il y a

22 une chance à ce moment-là qu'on puisse toucher la tête. Mais le centre de

23 la masse est ce qui est visible.

24 M. Milosevic (interprétation): Oui, je comprends cela, qu'en tant que

25 soldat, vous aviez probablement idée que ce n'était pas seulement une

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1 balle qui avait été tirée pour s'assurer qu'on touchait sa cible, mais

2 plutôt qu'un grand nombre de balles était tiré afin de s'assurer de

3 toucher sa cible. Si chaque balle touchait sa cible, alors il ne resterait

4 plus de vivants sur cette planète. Vous savez cela encore mieux que moi.

5 Hier, vous avez dit que ces personnes avaient une casquette et avaient été

6 touchées à la tête. Vous savez que ces casquettes albanaises sont très

7 petites; elles ressemblent à une coquille d'œuf. Est-ce que vous pensez

8 qu'une personne aurait pu être touchée dans la tête sans que la casquette

9 ne tombe? C'est une toute petite casquette qui ressemble à une...

10 M. Maisonneuve (interprétation): J'imagine que si quelqu'un est touché à

11 la tête, ce serait très peu probable.

12 M. Kwon (interprétation): Un instant, Monsieur Milosevic.

13 Général Maisonneuve, c'est au sujet du fait que vous avez dit que les

14 victimes avaient été touchées de très près. Est-ce que c'est basé sur le

15 fait qu'elles avaient été touchées à la tête? Cela n'a rien à voir avec la

16 largeur de la blessure ou le point de sortie de la balle?

17 M. Maisonneuve (interprétation): Je n'ai pas de formation sur cette

18 question, donc je ne peux vous dire quand on a tiré de près ou de loin. Ce

19 que je peux vous dire…

20 M. Kwon (interprétation): Donc vous n'êtes pas en mesure de dire la

21 différence?

22 M. Maisonneuve (interprétation): Non mais je peux voir que certaines

23 balles sont entrées par l'avant et d'autres par l'arrière. Il me semble

24 que d'être frappé à une très grande distance et avoir ce type de blessure

25 serait très difficile. Donc mon observation serait qu'on avait tiré de

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1 très près, presque à bout portant.

2 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.

3 M. Milosevic (interprétation): Général, vous avez dit que, sur la base de

4 vos observations -et j'ai écrit ces mots que vous avez prononcés: "vos

5 observations"-, ces personnes qui ont été tuées n'étaient pas membres de

6 l'UCK. Est-ce que cette observation que vous avez faite était basée sur le

7 fait qu'ils ne portaient pas d'uniforme?

8 M. Maisonneuve (interprétation): Mais également leur âge. La majorité des

9 membres de l'UCK, que j'avais vus considérés comme des combattants,

10 étaient beaucoup plus jeunes. Là, il s'agissait d'un certain nombre de

11 personnes plus âgées; ils semblaient être des paysans, des agriculteurs et

12 ils n'avaient pas l'air de membres de l'UCK.

13 M. Milosevic (interprétation): Vous dites que, dans cette ravine, dans

14 cette passe, il y en avait une vingtaine et qu'ils étaient alignés sur une

15 seule rangée. Alors, je vous pose la question suivante, si vous voulez

16 bien: si l'on tient compte de ce que vous avez dit, à savoir qu'ils

17 étaient alignés sur une rangée, et si l'on associe ce fait à un deuxième

18 fait, à savoir que l'UCK tenait cet endroit, avait le contrôle sur ce lieu

19 depuis le 15 janvier -disons le 15 janvier à 16-17 heures- et jusqu'au

20 moment où vous êtes arrivé vous-même et où Walker est arrivé, est-ce que

21 ces deux éléments peuvent permettre de penser que quelqu'un les a apportés

22 à cet endroit, ces cadavres? Qu'ils ont donc été déplacés, que quelqu'un

23 les a déplacés et les a alignés de cette façon, entre l'après-midi d'une

24 journée et le matin du lendemain? Est-ce que ces deux faits peuvent

25 permettre de penser cela?

Page 5883

1 Réponse: Il y a probablement un certain nombre d'options envisageables

2 dans cette affaire.

3 Lorsque j'ai vu les corps, ils étaient disposés en une seule ligne. Il y

4 en avait qui étaient situés au fond du ravin et puis, un peu plus haut, il

5 y en avait un certain nombre, disons entre cinq et huit, ou peut-être même

6 dix, qui constituaient une espèce de groupe séparé. On aurait dit que ces

7 gens avaient tenté de gravir le sentier.

8 Mais il est probable qu'à la vue des photographies et après les résultats

9 d'une enquête de médecine légale, en fait, M. Hendrie a été l'un des

10 vérificateurs chargés des droits de l'homme qui a examiné les corps de

11 très près et qui est sans doute le plus à même pour répondre à cette

12 question, mais il m'est apparu à moi qu'il aurait été possible qu'ils

13 aient essayé d'avancer, de gravir la sente.

14 Je pense qu'il y a également d'autres possibilités envisageables, mais

15 j'aurais des difficultés à spéculer sur ce sujet. Mais il me semble que

16 c'est la première chose qui m'est venue à l'esprit: qu'ils avaient essayé

17 de marcher.

18 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais avez-vous pris en compte et vous

19 êtes-vous posé des questions sur le fait qu'il n'y avait nulle part des

20 douilles de balle?

21 Réponse: Non.

22 Question: Vous avez dit vous-même hier, n'est-ce pas, que vous ne pouviez

23 pas donner votre avis définitif quant à l'éventualité que ces corps aient

24 été amenés dans ce ravin, n'est-ce pas?

25 Réponse: En effet;

Page 5884

1 Question: Oui, j'ai compris. On en montré ici des photographies de ces

2 cadavres sur lesquelles on voit certains corps dont les bras sont en

3 l'air, ce qui est une position pour un cadavre qui est tout à fait

4 impossible si le cadavre a été tué sur place. Ce n'est possible que si la

5 personne a été tuée ailleurs et que son cadavre a été transporté. Un

6 cadavre ne peut pas lever les bras de cette façon.

7 Alors, je vous demande si vous avez eu le moindre indice quant au fait que

8 ces corps aient pu être tués ailleurs et amenés à cet endroit après leur

9 mort?

10 Réponse: Non, moi, je n'ai pas remarqué que certains avaient les bras en

11 l'air. D'ailleurs, peut-être ne faisais-je pas attention à cela ce jour-

12 là, je dois dire.

13 Question: Dites-moi simplement encore la chose suivante: à quelle heure

14 les corps ont-ils été découverts par vos vérificateurs dans ce ravin,

15 quelle heure est-il à ce moment-là?

16 Réponse: Je crois que c'était dans la matinée, probablement avant 10

17 heures du matin, le matin du 16.

18 Question: Donc, aux environs de 10 heures.

19 Réponse: Je crois même un peu avant 10 heures.

20 Question: Bon d'accord, avant 10 heures du matin. Ce qui signifie qu'entre

21 17 heures le 15 et au moins 9 heures du matin le 16, pendant toute cette

22 durée, l'UCK, et seulement l'UCK, personne d'autre, a pu manipuler ces

23 corps parce qu'il n'y avait à cet endroit ni la police ni l'armée. A moins

24 qu'ils y aient des vérificateurs qui se soient trouvés à cet endroit-là

25 pendant cette période?

Page 5885

1 Réponse: Je crois qu'il n'y avait aucun vérificateur sur les lieux dans la

2 soirée du 15. En tout cas, je n'en ai pas été informé.

3 Question: Très bien. Merci beaucoup. Il faut que je raccourcisse.

4 Hier, vous avez parler d'obusiers qui visaient le village. Avez-vous dit

5 simplement qu'ils visaient le village ou qu'ils avaient ouvert le feu sur

6 le village?

7 Réponse: D'après ce que je crois savoir, des mortiers et des obusiers

8 visaient le village. L'un de mes vérificateurs m'a rendu compte de ce fait

9 à un certain moment.

10 Question: Vous avez dit hier la chose suivante: que les hommes avaient été

11 emmenés, mais que vous n'avez pas appris cela de la bouche de vos

12 vérificateurs. Qui vous a dit qu'on avait emmené les hommes?

13 Réponse: C'est un rapport dont j'ai eu connaissance par la suite. Je n'ai

14 pas obtenu ce rapport le jour même. Et je pense que c'est l'autre centre

15 régional qui m'a rendu compte de ce fait. Celui de Pristina. Mais, par la

16 suite, j'ai lu, et je crois que ce sont les habitants qui ont dit cela aux

17 vérificateurs, que les hommes avaient été séparés des femmes et emmenés

18 quelque part.

19 (Les Juges se concertent sur le siège.)

20 Question: Hier, vous avez mentionné cette tentative du juge d'instruction,

21 Mme Marinkovic, pour faire un constat des événements sur place. Ceci, vous

22 l'avez dit en réponse à une question du Juge Kwon, qui vous a parlé de

23 souveraineté. En fait, il vous a demandé si un juge dans son propre pays,

24 et en application de la loi de son pays, peut procéder à une enquête.

25 Vous savez que, conformément à la loi qui guide une enquête, les juges

Page 5886

1 doivent se rendre sur les lieux et les lieux doivent être sécurisés par la

2 police. Et vous avez dit que l'UCK avait dit, trop tard, qu'il n'y aurait

3 pas de problème et qu'une enquête indépendante pouvait avoir lieu, même si

4 le juge avait le droit de mener cette enquête.

5 Alors, y avait-il une espèce de reproche dans ce que vous avez dit quant

6 au fait que le juge ait agi de la façon dont elle a agi? Je n'ai pas tout

7 à fait bien saisi ce que vous avez répondu à la question de M. Ryneveld à

8 ce sujet. Reprochez-vous quelque chose au juge d'instruction Mme

9 Marinkovic pour son attitude?

10 Réponse: La seule chose que je pourrais dire, c'est qu'à mon avis et

11 compte tenu de ce qui s'est passé à Racak et de la tension très importante

12 qui régnait à l'époque à cet endroit, avec tous ces cadavres qui avaient

13 été découverts et les combats qui faisaient rage ainsi que les fouilles,

14 maison par maison, et la mort de certains des habitants, ce n'était peut-

15 être pas le moment le mieux choisi pour mener une enquête avec une

16 présence serbe tout à fait importante et manifeste dans le village.

17 Et je suppose, compte tenu de ma volonté de réduire, d'atténuer la tension

18 et de veiller à ce qu'il n'y ait plus d'autres combats, j'ai pensé que la

19 démarche de l'OSCE, ou plutôt du général DZ, de moi-même et de tous ceux

20 qui participaient à cette enquête, consisterait à prévoir une présence

21 policière beaucoup moins manifeste. Lorsqu'elle a décidé d'entrer dans le

22 village, elle l'a fait accompagnée par toute une compagnie de police, sans

23 doute une centaine d'hommes avec des véhicules blindés; et ils ont donc

24 quitté la route pour se diriger vers Racak. Et, à mon avis, c'était une

25 présence beaucoup trop importante et massive. Je ne pense que quiconque

Page 5887

1 nierait la nécessité d'une enquête. Bien entendu, le droit d'enquêter

2 existe toujours, mais je crois que la démarche de l'OSCE aurait consisté à

3 essayer de la convaincre d'entrer avec une escorte de l'OSCE et peut-être

4 même avec une protection personnelle mais pas avec toute une compagnie du

5 MUP, juste à ce moment-là. En raison des tensions très élevées et du

6 danger de combats qui risquaient d'éclater à tout moment.

7 Question: Très bien. Vous savez qu'au cours de cette enquête, l'UCK a visé

8 avec des mortiers le juge d'instruction et les gens qui l'accompagnaient

9 et que certains ont été tués, l'UCK a tiré donc. Donc, nous avons un juge

10 d'instruction qui remplit son devoir, qui mène une enquête, elle n'agit

11 pas ainsi pour son propre plaisir, elle ne rentre pas dans ce village dans

12 ces conditions pour faire autre chose que pour mener une enquête sur le

13 terrain. Elle accomplissait son devoir, elle menait une enquête, et des

14 terroristes l'ont prise pour cible avec des mortiers et la conclusion.

15 C'est qu'il faudrait blâmer le juge d'instruction pour avoir agi comme

16 elle l'a fait en provoquant les terroristes, c'est bien cela?

17 Réponse: Eh bien, il est certain, à mon avis, qu'une compagnie entière du

18 MUP qui pénètre dans le village à ce moment précis -vous savez, le jour

19 avant, 45 personnes avaient été tuées- est une provocation, c'est mon avis

20 personnel.

21 Question: Bien, mais considérez-vous que les autorités légales d'un pays

22 devraient demander la permission aux terroristes pour accomplir leur

23 devoir?

24 Réponse: Je n'ai pas dit cela.

25 M. Milosevic (interprétation): Mais qu'avez-vous dit, où est le problème?

Page 5888

1 M. Maisonneuve (interprétation): Je vous ai dit, Monsieur Milosevic, que

2 mon point de vue, et le point de vue de l'OSCE à l'époque, consistait à

3 penser qu'il n'y avait aucun problème que le juge Marinkovic entre dans le

4 village pour accomplir son travail. Mais nous avons pensé que se faire

5 accompagner par toute une compagnie du MUP n'était pas la bonne démarche à

6 appliquer.

7 Si elle avait été accompagnée par la KVM -et il y avait des membres de la

8 KVM qui étaient prêts à l'accompagner- et peut-être avec une certaine

9 protection personnelle, cela aurait sans doute suffi. Autrement dit,

10 maintenir la protection au minimum, ce qui aurait permis de ne pas

11 traduire cela comme une attaque. Car, au vu des événements de la veille,

12 cela a été traduit par une attaque.

13 M. Kwon (interprétation): Général, pouvez-vous définir ce que vous voulez

14 dire par "protection minimum"? Voulez-vous dire qu'elle aurait dû être

15 accompagnée par certains membres du MUP, mais pas par toute une compagnie?

16 M. Maisonneuve (interprétation): Comme je l'ai dit, Monsieur le Juge, nous

17 n'aurions vu aucun problème à ce qu'elle soit accompagnée par certains

18 membres du MUP assurant sa protection personnelle, peut-être un groupe de

19 cinq hommes, une section éventuellement. Mais ce qui s'est passé, c'est

20 que les gens du MUP ont avancé en ligne comme s'ils étaient en train de

21 lancer une attaque contre le village. Et ils étaient accompagnés d'un

22 véhicule, avec quelques membres de l'OSCE, le général DZ lui-même. Et si

23 elle n'était entrée dans le village qu'avec un groupe d'hommes beaucoup

24 plus réduit, les tensions auraient été maintenues à un niveau bien

25 inférieur.

Page 5889

1 M. Kwon (interprétation): Mais, à ce moment-là, l'idée consistait-elle à

2 penser qu'il n'y aurait dû y avoir aucun membre du MUP avec elle?

3 M. Maisonneuve (interprétation): Je ne sais pas quel a été le contenu des

4 négociations avec le général DZ, qui a tenté de négocier, mais mon avis à

5 moi, c'est qu'entrer avec toute une compagnie du MUP était une

6 provocation. Vous imaginez bien que la population locale avait pris les

7 armes -enfin, "avait pris les armes" n'est peut-être pas l'expression la

8 plus opportune de ma part mais la population locale était très, très, très

9 nerveuse, très inquiète, très en colère- donc c'était un moment où il

10 aurait fallu réduire les tensions au maximum. En tout cas, c'était notre

11 avis et c'est ce qui nous inquiétait.

12 M. Kwon (interprétation): Merci beaucoup.

13 M. Milosevic (interprétation): Etant donné les contraintes de temps,

14 Général, je ne vais vous poser aucune des questions que j'ai déjà posées

15 au général Drewienkiewicz et je ne tournerai pas autour du pot sur

16 certaines questions. Nous n'allons pas perdre de temps.

17 La seule question que je vais vous poser est la suivante: est-ce que vous,

18 personnellement -et je répète: personnellement-, compte tenu de toutes les

19 informations dont vous disposez au sujet des événements survenus à Racak,

20 donc je dis bien: vous fondant sur toutes les informations que vous avez

21 reçues au sujet de Racak, pouvez-vous personnellement affirmer que ce qui

22 s'est passé à Racak est un massacre contre des civils?

23 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question à poser au

24 témoin. Ce qu'il pense personnellement n'est pas pertinent. Ce qui compte,

25 c'est sa déposition. Quant à ce sujet, c'est aux Juges de cette Chambre

Page 5890

1 qu'il appartiendra d'en décider. Poursuivez.

2 M. Milosevic (interprétation): Si le témoin ne veut pas répondre, il n'a

3 qu'à le dire.

4 (Coupure du micro.)

5 M. le Président (interprétation): Non, le témoin n'a pas à répondre à

6 cette question. Cette question ne relève pas de lui. Il appartient aux

7 Juges d'en décider.

8 M. Milosevic (interprétation): Mais ce témoin est un témoin honnête et il

9 dira la vérité.

10 M. le Président (interprétation): Ce qu'il pense sur ce sujet aujourd'hui

11 n'a pas d'importance. C'est à la Chambre de première instance qu'il

12 appartient de déterminer ce genre de sujet, sur la base des éléments de

13 preuve. Maintenant, avancez.

14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, pour moi, vraiment, tout est

15 clair. J'espère que ce sera clair également pour le public.

16 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Nous laisserons cela de côté.

18 Vous parlez de l'incident de Rogovo dans votre déclaration. Vous dites que

19 vous vous êtes rendu sur les lieux. Quel était l'incident dont vous parlez

20 à ce moment-là? Quelle était la nature de cet incident?

21 M. Maisonneuve (interprétation): Eh bien, à Rogovo, 25 Albanais à peu

22 près, sans doute, ont été tués dans une ferme, aux environs d'une ferme de

23 Rogovo. En fait, les dates et tous les autres éléments figurent dans le

24 document qui constitue l'élément de preuve.

25 Question: Je dois faire attention au temps. Je vous demande donc

Page 5891

1 simplement si vous savez que, dans le rapport du 20 février 1999 de

2 l'OSCE, concernant la période allant de mi-janvier à mi-février, il est

3 dit que l'un des commandants de secteur de l'UCK, à Pec, a admis et

4 déclaré que 18 de ces personnes sur le total de 25 étaient membres de

5 l'UCK? Je parle des personnes tuées à Rogovo.

6 Réponse: Je ne suis pas au courant de l'appréciation faite par lui, mais

7 je peux vous dire que l'appréciation faite par nous, par notre groupe

8 donc, notre instance a été la même, à savoir que c'étaient des membres de

9 l'UCK qui avaient été tués ce jour-là. Et c'est ce que nous avons appris

10 par des rapports que nous avons reçus.

11 Question: Savez-vous qu'à ce moment-là, parce que vous étiez sur les

12 lieux, le 29 janvier 1999, à 6 heures 30, à Rogovo, une patrouille de

13 police, une attaque a été lancée contre cette patrouille et que Predrag

14 Rakovic, un policier, a été tué ce jour-là? Il était né en 1976.

15 Donc voilà comment l'incident de Rogovo a commencé: avec le meurtre d'un

16 policier et une attaque sur une patrouille policière.

17 Est-ce que cela constitue un crime? Est-ce que le crime, c'est de tuer un

18 policier, un officier de police ou l'inverse?

19 Réponse: Eh bien, je considère qu'un meurtre est un crime d'abord. Et

20 deuxièmement, j'ai reçu l'information d'un commandant de brigade de

21 Prizren qui m'a décrit les événements qu'il avait vus et auxquels il avait

22 participé au cours de l'action de Rogovo. En fait, à son avis, il

23 s'agissait d'infirmation de membres de l'UCK qui venaient de la zone

24 frontalière et avaient pénétré jusqu'à Rogovo et qui avaient donc

25 entrepris une action et procédé à ces meurtres.

Page 5892

1 Question: Il ne fait aucun doute cas qu'à Rogovo, se trouvait une maison

2 où se réunissaient et à partir de laquelle agissaient de membres de l'UCK.

3 C'est à partir de cette maison qu'ils ont tué ce policier et c'est ainsi

4 que les choses ont commencé. Mais sur la liste des personnes tuées -parce

5 vous avez sûrement eu cette liste sous les yeux- avez-vous remarqué que la

6 moitié des personnes tuées n'étaient pas des gens de la région? Que ce

7 n'étaient donc pas des paysans, mais qu'il s'agissait bien d'une unité

8 armée?

9 Et vous venez vous-même d'ailleurs de confirmer l'information reçue par

10 vous, et confirmée dans les faits, selon laquelle la majorité des gens

11 tués à Rogovo étaient des membres de l'UCK?

12 Réponse: Les informations reçues par moi consistaient à dire que la

13 majorité des personnes tuées étaient des membres de l'UCK. On ne m'a pas

14 informé qu'il s'agissait de personnes qui n'étaient pas de la région.

15 Il n'y a aucun doute dans mon esprit cependant que l'action entreprise par

16 les autorités serbes, là encore, posent problème. Je me suis demandé

17 pourquoi aucun prisonnier n'a été fait. Pourquoi ils ont tous été tués.

18 Etaient-ils tous en train de combattre? Vous savez, il y a quelques

19 questions que je me suis posées personnellement lorsque je suis arrivé sur

20 les lieux.

21 Question: Oui, mais ce qui m'intéresse, c'est la chose suivante: puisque

22 vous dites vous-même qu'il s'agissait d'un affrontement entre la police et

23 un groupe de membres de l'UCK, pourquoi parlez-vous de crimes? N'était-ce

24 pas plutôt une action légitime, compte tenu de cet affrontement entre une

25 police légitime et une bande de terroristes, que de parler de crimes?

Page 5893

1 Pourquoi utilise-t-on le mot "crimes"? Comment peut-on qualifier cela de

2 crimes?

3 Réponse: Ai-je parlé de crimes?

4 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, vous dites ici -et je suis heureux

5 de vous entendre le dire- que vous vous êtes posé des questions, que vous

6 vous êtes demandé si oui ou non c'était un crime. Parce que dans votre

7 déclaration écrite, en page 9, vous mentionnez l'incident de Rogovo et

8 vous dites que vous êtes allé sur la scène du crime. Je suis donc très

9 heureux qu'aujourd'hui, vous vous posiez des questions à ce sujet.

10 M. Kwon (interprétation): Selon la version anglaise du texte, on lit

11 simplement: "Je me suis rendu sur les lieux", et pas "sur les lieux du

12 crime".

13 M. Maisonneuve (interprétation): Je crois qu'on joue sur les mots. Ce qui

14 est exact, c'est que je me suis rendu sur les lieux le jour en question et

15 je vous ai dit quelles sont les questions que je m'étais posées. J'ai vu

16 où se trouvaient les cadavres et, lorsque je suis arrivé, les autorités

17 serbes étaient déjà là et avaient placé les corps en ligne. Mais moi, je

18 me suis demandé, la question que je me suis posée personnellement, c'était

19 pourquoi ces personnes avaient été tuées.

20 Mais c'était à moi de déterminer s'il s'agissait d'un crime ou pas. Ce que

21 je peux vous dire, c'est ce que j'ai vu. Par exemple, une personne était

22 dans la salle de bains; elle avait été tuée et je me suis demandé pourquoi

23 cette personne n'avait-elle pas été faite prisonnière. Il n'y aucun doute

24 que certains, ou la plupart des personnes en question étaient membres de

25 l'UCK. Cela m'a été confirmé par le commandant Drini, avec lequel j'ai eu

Page 5894

1 un contact dans ma zone de responsabilité.

2 M. Milosevic (interprétation): Très bien, donc ceci n'est pas contesté.

3 Maintenant, est-il exact que les représentants de la commission chargée de

4 la coopération avec l'OSCE, c'est à dire la commission yougoslave chargée

5 de la coopération avec l'OSCE à Pristina, étaient dirigés par le général

6 Loncar? Et qu'il a été décidé qu'il faudrait mener une enquête commune au

7 sujet de cette affaire?

8 Réponse: C'est possible. Je sais que le général Loncar était sur le

9 terrain à ce moment-là, au même moment que moi, ainsi que le général

10 Drewienkiewicz.

11 Question: Je vais vous lire une partie du compte rendu d'audience de la

12 déposition faite, si je ne m'abuse, par le général. En tout cas, le numéro

13 de référence donné par l'accusation est 03045420, il s'agit d'un entretien

14 entre le général Drewienkiewicz et le général Loncar, et à la fin on a un

15 mot du général DZ qui dit: -je cite- "Je peux confirmer que vous êtes

16 d'accord pour qu'une enquête conjointe soit menée."

17 Et la réponse du général Loncar est: "Oui, bien sûr." Ou en tous cas des

18 mots qui vont dans le même sens.

19 C'est la teneur donc de cette conversation et je pense que le général

20 Drewienkiewicz a fourni cet élément de preuve à la partie adverse pour des

21 raisons que je comprends mal. Mais ceci en tout cas n'est pas contesté.

22 Maintenant, est-il vrai que l'UCK, ou plutôt les commandants de l'UCK, qui

23 avaient des réunions régulières maintenaient la position que si un accord

24 était signé à Rambouillet, ils allaient lancer des actions offensives afin

25 que les combats se poursuivent? Ceci est-il exact?

Page 5895

1 Réponse: Je ne suis pas au courant de cela.

2 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dans le même document en page 2,

3 document de l'accusation qui a été communiqué, qui m'a été communiqué, je

4 lis le titre: -je cite- "Questions qui ont surgi à l'issue de la rencontre

5 avec les officiers de liaison de l'UCK, le 10 mars."

6 C'est le document dont j'ai parlé tout à l'heure. Non, il s'agit d'un

7 nouveau document, le document 03045428, dans lequel ce que je viens de

8 dire est écrit.

9 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit qu'il n'était pas au

10 courant, donc pourquoi poursuivre? Posez-lui une question.

11 M. Milosevic (interprétation): Le témoin était présent.

12 M. le Président (interprétation): Mais il a dit qu'il n'était pas au

13 courant, donc pourquoi continuer à vous disputer avec lui?

14 M. Milosevic (interprétation): Je ne me dispute pas avec le général.

15 Monsieur le Général, avez-vous l'impression que je me dispute avec vous?

16 M. le Président (interprétation): Continuez.

17 M. Milosevic (interprétation): Mais cela figure dans votre document.

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il n'y a aucune

19 utilité à continuer à interroger le témoin au sujet de quelque chose dont

20 il vous a dit qu'il ne le connaissait pas. On vous a déjà dit cela à

21 plusieurs reprises au cours de l'interrogatoire du témoin. Vous pouvez

22 produire vos éléments de preuve en temps utile, mais il ne sert à rien de

23 perdre du temps en poursuivant sur quelque chose que le témoin ne connaît

24 pas.

25 M. Milosevic (interprétation): Donc vous n'admettez pas que ce document

Page 5896

1 soit versé au dossier en tant qu'élément de preuve?

2 M. le Président (interprétation): Non, parce que le témoin ne sait rien à

3 ce sujet. Il n'est pas au courant.

4 M. Milosevic (interprétation): Mais peut-être pourrait-il se souvenir s'il

5 lisait ce document? Il s'agit d'un général, il a lu tous les rapports. Sa

6 mémoire pourrait lui revenir s'il relit ce document.

7 M. le Président (interprétation): Eh bien, qu'on soumette ce document au

8 témoin. Il n'y a aucune raison et aucune utilité à le lui lire à haute

9 voix. Donnez-lui le document pour qu'il le voit.

10 (Intervention de l'Huissier.)

11 M. Milosevic (interprétation): Bon, oui, d'accord, ne perdons pas de

12 temps.

13 M. Ryneveld (interprétation): Si ce document fait partie de la liasse de

14 documents qui a été déposée lors de la déposition de M. Drewienkiewicz,

15 j'aimerais le savoir parce que nous n'avons pas de cote là.

16 M. le Président (interprétation): Ce document a été traduit.

17 M. Maisonneuve (interprétation): Il est en serbe.

18 M. le Président (interprétation): La traduction existe.

19 Monsieur Milosevic, veuillez poursuivre votre contre interrogatoire et

20 nous reviendrons sur ce sujet par la suite.

21 M. Milosevic (interprétation): En tout cas, vous dites en page 2 ou plutôt

22 page 3 de votre déclaration que vous avez eu une rencontre pour discuter

23 du retrait du MUP de Podujevo et qu'à l'issue de cette rencontre, le MUP

24 s'est effectivement retiré de Podujevo. Est-ce exact?

25 Réponse: Oui.

Page 5897

1 Question: Cela signifie que vous aviez de bons rapports de coopération du

2 MUP?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Vous avez présenté ici un document intitulé: "Histoire du

5 Kosovo". Quelle est l'importance de ce document? Vous dites que ce

6 document n'exprime pas votre opinion mais qu'il convient de le traiter

7 comme un document de base. Pourquoi adoptez-vous cette attitude à l'égard

8 de ce document? Je ne comprends pas très bien.

9 Réponse: C'est un document qui a été produit, je crois que vous faites

10 référence à celui qui a été produit par David Wilson, qui était l'un de

11 mes collaborateurs. Ce document reprend son opinion, son avis à lui, et je

12 l'ai utilisé sans sa permission et, en fait, mais je pensais que c'était

13 un document qui représentait les choses d'une manière assez juste, en tout

14 cas qui donnait une bonne idée de son avis et de l'avis d'un grand nombre

15 de personnes qui ont servi au Kosovo à l'époque.

16 Question: Dans le journal de l'armée canadienne, vous avez publié, entre

17 autres choses, que l'UCK, les Albanais recouraient à la violence afin

18 d'obtenir d'atteindre leurs objectifs politiques, donc qu'ils recouraient

19 à des moyens violents. Est-ce que cela reflète votre avis? Est-ce que cela

20 signifie que vous pensez qu'ils utilisaient le terrorisme ou qu'ils ne

21 l'utilisaient pas?

22 Qu'est-ce que vous appelez "recours à des moyens violents afin d'atteindre

23 ces objectifs politiques"? C'est l'expression utilisée.

24 Réponse: Malheureusement, les deux parties ont eu recours à la violence à

25 l'époque et je crois qu'aucune des deux parties ne peut être considérée

Page 5898

1 comme n'ayant pas recouru à la violence pour obtenir des avantages au

2 Kosovo.

3 Question: Monsieur Maisonneuve, comment pouvez-vous mettre dos à dos les

4 deux parties, alors que d'un côté vous avez une autorité légitime et un

5 pouvoir souverain, le pouvoir d'un Etat souverain, et que de l'autre, vous

6 avez des terroristes, et lorsque vous êtes en présence de 50 ou 100 ans

7 d'histoire, avec tout d'un coup des actions terroristes sporadiques, et

8 puis une explosion en 1998 et des réactions de la part du pouvoir légitime

9 contre ce terrorisme en 1998? Comment pouvez-vous mettre les deux parties

10 dos à dos?

11 Réponse: Il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'au moment où j'étais au

12 Kosovo il y avait deux parties en présence: la partie albanaise et la

13 partie des autorités. Les deux parties utilisaient la violence. L'une des

14 deux l'utilisait de façon disproportionnée, plus disproportionnée et plus

15 violente que l'autre, mais en tout état de cause, la deuxième partie était

16 violente également.

17 Alors, je ne sais pas si on peut apprécier et peser la violence. Je

18 n'aimerais pas attribuer un coefficient de points pour apprécier la valeur

19 des cadavres, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il s'agisse d'un

20 millier ou de 45; pour moi il s'agit toujours de cadavres et que ce sont

21 des personnes qui ont été tuées. Donc, je ne peux pas admettre la

22 violence, qu'elle vienne d'une partie ou de l'autre, et je ne l'ai jamais

23 fait pendant toute la durée de mon séjour sur place.

24 Question: Mais pensez-vous que c'est le devoir d'un pays et des organes

25 officiels de ce pays de se protéger contre le terrorisme?

Page 5899

1 Réponse: Absolument.

2 Question: Pensez-vous que c'est le devoir d'un Etat et des organes

3 représentant cet Etat de se défendre, de défendre l'intégrité territoriale

4 du pays en cas de terrorisme ou de séparatisme politique?

5 Réponse: Dans des mesures proportionnées, oui, effectivement.

6 M. Milosevic (interprétation): Et si ceci est fait pour atteindre tel ou

7 tel but politique, c'est-à-dire notamment la sécession, si l'on tue des

8 représentants officiels à cette fin, etc. etc., l'Etat peut-il lui-même

9 recourir à la force? Si la violence est utilisée afin d'atteindre ces

10 objectifs?

11 M. Maisonneuve (interprétation): Vous savez, des questions nombreuses se

12 posent à ce sujet. Je peux vous dire qu'il n'y a aucun doute que, si la

13 violence a été utilisée par des éléments qui ont le droit de se protéger,

14 eh bien, ils ont le droit de se défendre. Je ne sais pas…

15 M. le Président (interprétation): Général, je ne crois pas que nous

16 puissions aller plus loin que cela sur le sujet.

17 Monsieur Milosevic, ces questions, il appartient à la Chambre de première

18 instance de se prononcer à leur sujet en temps utile. Ce ne sont pas des

19 questions à poser au témoin. Vous avez terminé, vous êtes arrivé au bout

20 du temps qui vous était imparti. Vous avez disposé d'une heure et demie.

21 M. Milosevic (interprétation): Une seule question encore. Puis-je la

22 poser?

23 M. le Président (interprétation): Oui.

24 M. Milosevic (interprétation): Vous avez parlé du comportement de la

25 police, de façon générale, aux barrages routiers sur place. Et vous avez

Page 5900

1 dit que ce comportement était correct et modéré durant votre séjour sur

2 place. C'est exact, n'est-ce pas?

3 M. Maisonneuve (interprétation): C'est exact, c'est ce que j'ai dit.

4 M. Milosevic (interprétation): Je ne parle pas de vous personnellement

5 mais je parle également de vos vérificateurs, je pense que nous nous

6 comprenons bien, n'est-ce pas. Comment, lorsque vous n'étiez pas présent,

7 vous pouviez évaluer le comportement comme modéré et correct de la part

8 des hommes qui tenaient les barrages routiers?

9 M. Maisonneuve (interprétation): Parce que nous recevions des informations

10 de la population locale qui était arrêtée à ces barrages et qui nous

11 donnait des preuves de temps à autre. Voyez-vous, certains des

12 représentants de cette population locale étaient frappés, cela arrivait;

13 ils nous montraient des signes de coups. Et à certains moments, lorsque

14 nous n'étions pas directement sur les lieux, nous restions d'ailleurs de

15 manière générale un peu à l'écart ou un peu à l'arrière, un peu à distance

16 de ce qui se passait, mais je peux vous dire qu'il y a eu des cas où nous

17 n'avons pas été sur les lieux et où nous avons constaté que la police

18 était tout de même violente et arrogante.

19 M. le Président (interprétation): C'était la question que vous aviez à

20 poser, donc elle a reçu réponse.

21 Y a-t-il des questions de la part des amici curiae?

22 M. Tapuskovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

23 M. le Président (interprétation): Ce sera après la pause.

24 Monsieur Ryneveld?

25 M. Ryneveld (interprétation): Pour être tout à fait franc, pendant la

Page 5901

1 pause, nous allons vérifier mais nous pensons que nous avons localisé la

2 traduction anglaise du document auquel M. Milosevic a fait référence tout

3 à l'heure. Il s'agit de la pièce 94, intercalaire 54. Malheureusement, je

4 ne peux pas vous en dire plus, mais nous pensons que c'est le document en

5 question.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous voulez bien

7 remettre aux Juges la version en serbe, nous comparerons les documents.

8 Et, le cas échéant, nous le verserons au dossier.

9 M. Milosevic (interprétation): Voici le document.

10 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons voir cela pendant

11 la pause.

12 Après la pause, nous reviendrons dans ce prétoire. Nous terminerons la

13 déposition de ce témoin, les questions supplémentaires, les questions des

14 amici curiae.

15 Puis nous aurons, je crois, comme témoin suivant Drita Emini, n'est-ce

16 pas?

17 M. Ryneveld (interprétation): Oui, Monsieur le Président. C'est ce que je

18 crois savoir.

19 M. le Président (interprétation): Donc ensuite, ce sera M. Kelly, compte

20 tenu de la décision que nous avons rendue à son sujet?

21 M. Milosevic (interprétation): Je pensais qu'après Drita Emini, il y

22 aurait Avdiu Billal.

23 M. le Président (interprétation): Ce sera M. Kelly, parce que nous n'en

24 avons pas encore terminé avec sa déposition.

25 Suspension.

Page 5902

1 (L'audience, suspendue à 10 heures 34 minutes, est reprise à 10 heures

2 58.)

3 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Tapuskovic?

4 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Joseph Omer

5 Michel Maisonneuve.)

6 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs

7 les Juges.

8 Général Maisonneuve, vous avez dit hier qu'il y avait une forte présence

9 de l'UCK dans la région sous votre contrôle et aussi dans d'autres

10 régions.

11 Ma question est la suivante: vous, en tant que Mission de vérification,

12 est-ce que vous aviez une évaluation portant sur le nombre des membres de

13 l'UCK dans l'ensemble du territoire?

14 M. Maisonneuve (interprétation): Je pense que la Mission à Pristina

15 disposait de ce genre d'information.

16 Question: Est-ce que vous connaissez cette donnée?

17 Réponse: Non, personnellement, non.

18 Question: Merci. Vous avez dit également qu'à 4 heures 30 du 15, dans

19 l'après-midi, vous étiez à Racak et que vous avez vu plusieurs personnes

20 blessées. S'agissait-il des membres de l'UCK?

21 Réponse: Non, il y avait une dame et une jeune fille.

22 Question: Merci. Le lendemain, le matin, vous y étiez de nouveau. Est-ce

23 exact?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Est-ce qu'en vous approchant de Racak ce matin-là, est-ce que

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1 vous êtes tombé sur des membres de l'UCK? Est-ce qu'ils avaient leurs

2 points de contrôle sur les routes d'accès à Racak?

3 Réponse: Non.

4 Question: Et au sein du village même, combien de membres y avez-vous vu?

5 Réponse: Ce matin là, juste un ou deux.

6 Question: Et ce matin-là, vous avez vu trois corps, trois cadavres,

7 seulement trois ce matin-là.

8 Réponse: Non, ce matin-là, j'en ai vu beaucoup plus que cela. Je suis allé

9 au ravin et j'ai vu les corps là-bas. Vous parlez du 16?

10 Question: Je parle de la matinée du 16. Dès le matin, vous étiez au ravin?

11 Réponse: Oui. Avant l'arrivée de M. Walker, je suis allé à la ravine et

12 j'y ai vu les cadavres.

13 Question: C'était à quelle heure?

14 Réponse: C'était après que j'ai eu mes deux réunions avec la police et

15 l'officier de liaison de la Brigade de la VJ, donc c'était certainement

16 vers 11 heures 30, après 11 heures 30. Mais je ne me souviens pas de

17 l'heure exacte.

18 Question: C'est justement pour cela que je me demande. Parce que la

19 première réunion avec Petrovic a commencé à... Attendez: 10 heures 37.

20 C'est ce moment-là que vous avez eu votre réunion avec lui. A 11 heures

21 40, vous avez eu la réunion avec Janicijevic.

22 Si après 11 heures, vous étiez à Racak et si vous avez vu cela, comment,

23 dans ce cas-là, à 10 heures 30, vous avez pu dire ce que vous avez dit?

24 D'après ce texte, et je vais vous le dire, vous avez dit -je cite-: "Nous

25 avons vu les atrocités à Racak. Nous considérons que le MUP et l'armée

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1 sont responsables de cela. L'armée a effectué cela. Plus de 50 personnes

2 ont été tuées. Il ne s'agissait pas des combattants".

3 Cela veut dire que, déjà lors de la réunion à 10 heures 30, vous avez dit

4 ce que vous avez dit ici. Alors que vous êtes allé sur les lieux après 11

5 heures. Ensuite, vous continuez en disant que c'est une affaire qui

6 devrait être enquêtée par le Tribunal international pénal pour les crimes

7 de guerre.

8 Comment expliquez-vous cela?

9 Réponse: Comme je l'ai déjà mentionné, j'étais sur le chemin, sur la route

10 de Prizren à Racak, le matin du 16, et je recevais des rapports de mes

11 vérificateurs qui étaient au village, qui menaient l'enquête et qui

12 trouvaient des cadavres.

13 Comme je l'ai dit, j'entendais ces rapports. On a parlé de 25 corps,

14 ensuite d'un nombre de plus en plus élevé de corps. Et, en fait, je suis

15 allé à Racak. A ce moment-là, je ne suis pas allé à la ravine, je ne l'ai

16 pas fait avant la réunion. Donc j'ai vu juste quelques cadavres à ce

17 moment-là, mais bien sûr que j'ai parlé avec mes vérificateurs qui étaient

18 au ravin et qui m'ont envoyé le rapport, qui m'ont parlé du nombre des

19 cadavres.

20 Je ne connaissais pas, nous ne connaissions pas le nombre exact. Nous

21 pensions que peut-être cela s'élevait à un nombre aussi élevé que 50,

22 parce qu'il était difficile de faire le dénombrement des cadavres à ce

23 moment-là. J'ai donc mentionné le nombre de 50. Et bien sûr, nous avions

24 également vu la veille les tirs contre la maison; donc c'est sur la base

25 de cela que nous avons dit que nous étions témoins de la participation de

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1 la VJ et du MUP à cette opération.

2 Question: A quel moment avez-vous appris le nombre exact des victimes?

3 Réponse: Je ne sais pas si nous l'avons appris bientôt après. Je sais

4 qu'approximativement, nous parlions de 40 à 50 corps ce jour-là et, à midi

5 du 16, l'ambassadeur Walker et toute l'équipe d'enquêteurs de Pristina

6 sont arrivés afin de compter les corps. C'est à ce moment-là que nous

7 avons établi le nombre.

8 Question: Donc à 10 heures 37, vous avez dit quelque chose, en présentant

9 les choses comme une évaluation définitive concernant les éléments qui s'y

10 étaient déroulés. Vous les avez même qualifiés, ces événements, en tant

11 que "crimes de guerre et atrocités". Vous avez dit que ces gens n'étaient

12 pas des combattants, alors qu'à ce moment-là, vous n'aviez toujours pas

13 toutes ces informations?

14 Réponse: Je n'avais pas toutes ces informations, mais je pouvais parler de

15 notre évaluation. Et d'après nos estimations, il ne s'agissait pas de

16 combattants. Je dois vous dire que, sur la base des informations dont je

17 disposais à un moment, c'est ce que j'ai fait. Normalement, j'ai organisé

18 une réunion, j'ai parlé avec ces gens-là sur la base de cela. C'est ce que

19 j'ai fait et je suppose que vous auriez fait la même chose vous-même.

20 Question: Eh bien, je souhaite vous poser une autre question: est-ce que

21 vous pouvez nous dire qui étaient ces vérificateurs qui ont vu cela avant

22 Walker, avant vous et avant qui que ce soit?

23 Est-ce que vous pouvez nous dire le nom de quelques-uns de ces hommes?

24 Réponse: Oui, je peux vous donner quelques noms: Rufus Dawkins était l'un

25 de mes vérificateurs.

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1 Question: Est-ce qu'il est Albanais?

2 Réponse: Non. Rufus Dawkins est un Américain et j'ai déjà mentionné son

3 nom devant ce Tribunal.

4 Question: Très bien. J'ai terminé s'agissant de ce sujet.

5 Est-ce que vous avez essayé ce matin-là de parler avec les représentants

6 de l'UCK, puisque vous avez parlé avec les représentants des autorités?

7 Mais est-ce que vous avez parlé avec les représentants de l'UCK à Racak,

8 que ce soit le 15 dans l'après-midi ou le 16 dans la matinée? Est-ce que

9 vous avez obtenu des informations de leur part?

10 Réponse: Personnellement, non. Moi, j'ai essayé de rencontrer la personne

11 au sein de l'UCK avec laquelle j'étais toujours en contact, M. Drini, en

12 quelque sorte mon homologue au sein de l'UCK, mais j'ai fini par le

13 rencontrer seulement le 17. Mais mes vérificateurs au village parlaient

14 avec les membres de l'UCK.

15 Question: Avant votre réunion avec les représentants de l'armée et de la

16 police?

17 Réponse: Non, après. Parce que j'ai rencontré les représentants de l'armée

18 et de la police le 16 et ensuite, le 17, j'ai rencontré Drini. Et le

19 compte rendu de cette réunion existe ici.

20 Question: Est-ce que vous avez essayé d'obtenir l'autorisation des

21 représentants de l'UCK, de voir les victimes de leur côté, afin de voir au

22 moins s'ils portaient des vêtements civils ou militaires?

23 Réponse: Non.

24 Question: Une autre chose m'intéresse: est-ce que l'UCK… Ou plutôt, tout

25 d'abord, aucun constat n'a été fait à l'endroit où toutes ces victimes ont

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1 été trouvées dans les collines, aucun constat au sens propre du point de

2 vue de la police n'a été effectué, n'est-ce pas?

3 Réponse: Eh bien, l'unique enquête dont je suis au courant a été effectuée

4 par Pristina et par le quartier général. Ian Hendrie était l'un des

5 enquêteurs. Puis il y avait plusieurs personnes qui allaient un peu

6 partout sur le site, le 16 et, je pense, le 17 aussi. Et puis, il y avait

7 aussi l'enquête menée par le Juge d'instruction qui était accompagné du

8 MUP. Je suppose que là, il s'agissait d'un véritable constat.

9 Question: Ce qui m'intéresse, c'est le constat des lieux, là où de

10 nombreux corps ont été trouvés. Est-ce que vous savez si une enquête a été

11 menée là-bas pour établir un véritable constat?

12 Réponse: Mais c'est justement de cela que je parle. Vous parlez de

13 l'endroit dans la ravine, où les corps ont été trouvés. Comme je l'ai dit,

14 le 16, il y avait plein d'enquêteurs; M. Hendrie y était, et je pense que

15 lui a déposé ici au sujet de cette enquête.

16 Question: Est-ce que vous savez comment les corps ont été transférés à la

17 mosquée?

18 Réponse: Non, je ne sais pas.

19 Question: Est-ce que l'UCK s'intéressait au fait d'empêcher l'accès à ces

20 corps, afin d'empêcher que les informations soient publiées au sujet de

21 ces corps et de ces événements? Est-ce que vous vous êtes intéressé à

22 cela?

23 Réponse: Non. Je ne pense pas que c'était dans leur intérêt, non.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Et pour terminer, Général, il y aura une

25 question qui traitera du rapport de M. Kelly et d'un certain nombre de

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1 faits qui y sont contenus.

2 M. le Président (interprétation): Juste un instant, Monsieur Tapuskovic.

3 Avant de parler de ce rapport, je souhaite vous dire que nous allons

4 rendre notre décision très prochainement au sujet de cela. Peut-être y

5 aura-t-il une exclusion d'un certain nombre de faits. Peut-être qu'il ne

6 s'agira pas là d'une question appropriée, Monsieur Tapuskovic.

7 M. Tapuskovic (interprétation): Je souhaite simplement poser la question

8 suivante: est-ce que vous êtes au courant du fait, Général Maisonneuve,

9 que 17 Serbes ont été tués devant la mosquée au moment où ils ont essayé

10 de recueillir les corps et de les amener à la morgue à Pristina? Est-ce

11 que vous étiez au courant du fait que 17 personnes aient été tuées? Et

12 ceci existe également dans le rapport de l'OSCE: est-ce que vous le savez?

13 M. Maisonneuve (interprétation): Non, je ne le sais pas.

14 Question: Est-ce que vous savez que qui que ce soit ait été tué?

15 Réponse: Je ne suis pas au courant de cela et, de toute façon, pas dans le

16 contexte de la collecte des cadavres. Je pense que j'aurais entendu parler

17 de cela, mais de toute façon, je n'ai pas entendu parler de cela.

18 M. Ryneveld (interprétation): Compte tenu du temps, je ne vais pas poser

19 de question supplémentaire.

20 M. le Président (interprétation): D'accord. Mais le document en question,

21 c'était la pièce à conviction 94?

22 M. Ryneveld (interprétation): Oui, 94, intercalaire 54. C'est le document.

23 M. le Président (interprétation): Merci. Ceci a été versé au dossier.

24 M. Kwon (interprétation): Et 42, s'agissant du compte rendu d'audience ou

25 plutôt du procès-verbal de la discussion entre le général Loncar et DZ.

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1 M. Ryneveld (interprétation): Oui. Nous avons trouvé cela aussi. Il s'agit

2 de la pièce à conviction 94, intercalaire 42.

3 M. le Président (interprétation): Oui.

4 Général, merci d'être venu déposer ici. Merci aussi d'être resté ce matin

5 et d'avoir changé vos projets. Vous pouvez disposer.

6 M. Maisonneuve (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

7 M. Ryneveld (interprétation): Si j'ai bien compris, la Chambre souhaite

8 entendre maintenant la suite du contre-interrogation de Drita Emini?

9 M. le Président (interprétation): Oui.

10 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

11 (Le témoin, M. Joseph Omer Michel Maisonneuve, est reconduit hors du

12 prétoire.)

13 (Le témoin, Mme Drita Emini, est introduite dans le prétoire.)

14 M. le Président (interprétation): Madame Emini, vous pouvez vous asseoir.

15 Vous êtes toujours sous serment que vous avez prêté l'autre jour et nous

16 allons maintenant terminer votre déposition.

17 Oui, Monsieur Milosevic.

18 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Drita Emini, par l'accusé, M.

19 Milosevic.)

20 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que, depuis la cave, vous

21 avez vu la colline de Bebushit. Quelle est la distance de cette colline

22 par rapport à l'endroit où vous étiez?

23 Mme Emini (interprétation): A 200 mètres de ma maison, environ 200 mètres.

24 Question: Est-ce que les policiers que vous dites avoir vus sur la colline

25 à travers un trou dans la cave, est-ce que ces policiers étaient debout ou

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1 bien est-ce qu'ils se cachaient derrière un abri?

2 Réponse: J'ai vu trois ou quatre policiers. Je ne me souviens pas très

3 bien, mais ils étaient debout.

4 Question: Donc vous avez vu seulement trois ou quatre policiers à 200

5 mètres de vous, depuis la cave dans laquelle vous étiez, comme vous dites,

6 allongée par terre. Est-ce exact?

7 Réponse: De quels policiers parlez-vous? La police serbe? Est-ce que vous

8 parlez de la police serbe?

9 Question: Moi, j'avais compris que c'est d'eux que vous étiez en train de

10 parler.

11 Réponse: J'ai vu la police serbe, je n'ai pas pu dire quel était leur

12 nombre sur la colline de Bebushit, mais je sais que nous étions encerclés

13 par les soldats et les policiers serbes.

14 Question: D'accord. Maintenant, vous dites que vous ne pouvez pas dire

15 quel était leur nombre et, tout à l'heure, même sans que je vous le

16 demande, vous vous avez dit qu'ils étaient trois à quatre. Il y a une

17 minute, vous avez dit qu'ils étaient trois ou quatre à 200 mètres de la

18 cave dans laquelle vous étiez allongée par terre.

19 Réponse: Je ne sais pas de quelle police ni de quels soldats vous êtes en

20 train de parler.

21 Question: Eh bien, des mêmes que ceux dont vous avez parlé tout à l'heure.

22 Je vous ai posé une question concernant les policiers que vous avez vus

23 sur la colline de Bebushit; vous avez répondu, et même si je n'ai pas

24 demandé quel était leur nombre, vous avez dit que vous aviez vu trois à

25 quatre policiers qui étaient debout.

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1 Réponse: J'ai vu la police serbe et les soldats serbes depuis l'endroit où

2 j'étais. Je ne sais pas quel était leur nombre, mais ce que je sais, c'est

3 que nous étions encerclés par la police et les soldats serbes qui

4 suivaient les ordres donnés par vous, Monsieur l'accusé.

5 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Si vous avez vu trois ou quatre,

6 comment avez-vous pu conclure que vous étiez encerclés? Est-ce que ces

7 trois à quatre policiers que vous aviez vus sur la colline, comme vous

8 dites, à 200 mètres de cette cave, est-ce que c'est eux qui vous

9 encerclaient?

10 Mme Emini (interprétation): Cette question n'est pas claire, ne m'est pas

11 claire, Monsieur l'accusé.

12 M. le Président (interprétation): Arrêtez de vous adresser à lui en

13 disant: "Monsieur l'accusé". Il n'est pas nécessaire pour vous de vous

14 adresser à lui puisque c'est devant ce Tribunal que vous déposez.

15 Monsieur Milosevic, trouvez une autre question.

16 M. Milosevic (interprétation): Oui. Evidemment, elle a besoin d'une autre

17 question.

18 Dans votre déclaration, page 8, vous dites que vous avez passé six jours

19 dans les collines, dans une grotte appelée Imer Devetak, dans les collines

20 au dessus de Lozhak. Est-ce exact?

21 Mme Emini (interprétation): Je ne suis pas restée dans une grotte au-

22 dessus de Recak, mais à Lozhak. La grotte s'appelle shpella, la grotte de

23 Imer Devetak.

24 Question: D'accord. Donc vous étiez dans la deuxième grotte, celle que

25 vous mentionnez maintenant, et vous y avez passé six jours. Est-ce exact?

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1 Réponse: Nous avons passé une semaine dans la grotte. C'était dans les

2 montagnes.

3 Question: Est-ce que vous savez que, dans votre déclaration, il est écrit

4 que vous avez passé six jours dans la grotte. Vous dites que vous aviez un

5 poêle à bois devant la grotte. Est-ce exact?

6 Réponse: Ma famille restait dans la grotte de Imer Devetak, mais il n'y

7 avait pas de poêle, parce que nous étions dans les collines. J'ai

8 également des photographies qui ont été prises par Barney Kelly. Il n'y

9 avait pas de maison là-bas.

10 Question: Je ne vous pose pas de question concernant les maisons, mais la

11 grotte.

12 Monsieur Barney Kelly, qu'est-ce qu'il a pris en photographie?

13 Réponse: Barney Kelly a photographié l'endroit où ma famille et moi nous

14 sommes restés dans la grotte pendant la guerre avec d'autres familles.

15 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous passé six jours dans cette

16 grotte?

17 M. le Président (interprétation): Que ce soit six ou sept jours, peu

18 importe, Monsieur Milosevic.

19 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi êtes-vous resté là-bas pendant si

20 longtemps, pendant de si nombreux jours, puisque la situation était calme

21 au village. Pourquoi y êtes-vous restés?

22 Mme Emini (interprétation): Le village n'était pas calme à cause de

23 l'armée et de la police à cause de vos ordres. C'est pour cela que nous

24 avons été forcés à aller dans la grotte. C'est à cause de votre pilonnage.

25 Question: Est-ce que vous vous souvenez de la date de ce pilonnage?

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1 Réponse: En 1998.

2 Question: Vous dites donc que c'est en 1998 et non pas 1999 que vous étiez

3 dans cette grotte. Est-ce exact?

4 Réponse: A partir de 1998.

5 Question: Au début de l'année 1998, vous étiez déjà dans la grotte?

6 Réponse: Je l'ai déjà dit.

7 M. Milosevic (interprétation): Donc au début de l'année 1998, vous étiez

8 dans la grotte à cause des pilonnages des Serbes contre votre village.

9 M. le Président (interprétation): Elle n'a pas dit "au début de l'année

10 1998". Elle a dit "à partir de 1998". Il y a une distinction entre les

11 deux.

12 Est-ce que vous pouvez nous aider en nous disant approximativement à quel

13 moment de l'année 1998 cela s'est fait?

14 Mme Emini (interprétation): Oui, je peux vous le dire, Monsieur le

15 Président. C'était en 1998. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais

16 nous étions dans cette grotte lorsque l'armée serbe et la police

17 pilonnaient depuis la colline de Çesta et Gështenja. Nous ne nous sentions

18 pas en sécurité dans le village et nous étions forcés à trouver un abri

19 ailleurs.

20 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous aider en

21 nous disant dans quelle partie de l'année cela s'est passé? Nous n'avons

22 pas besoin de la date exacte, mais approximativement?

23 Mme Emini (interprétation): Lorsque le village a été incendié le 23 août

24 1998, c'était un dimanche.

25 M. le Président (interprétation): Merci.

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1 Oui, Monsieur Milosevic.

2 M. Milosevic (interprétation): De quel village parlez-vous, s'il vous

3 plaît?

4 Mme Emini (interprétation): Je parle du village de Racak et aussi à

5 l'endroit où nous nous sommes rendus, près de Lozhak dans les collines.

6 M. Milosevic (interprétation): Alors, vous soutenez que le village de

7 Racak a été incendié en 1998, c'est cela?

8 Mme Emini (interprétation): Le 23 août 1998.

9 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je ne comprends pas la

10 différence entre "commençant en 1998" ou "au début de 1998". Il me semble

11 que c'est la même chose pour ce qui est de déterminer l'époque. Je vais

12 demander au témoin maintenant comment le mois d'août pourrait-il être le

13 début de 1998?

14 M. le Président (interprétation): Je comprends. 1998, c'est que c'est à

15 partir de 1998 qu'ils se sont trouvés dans les grottes. Je crois qu'elle a

16 clarifié, que le témoin a clarifié cette question en ce qui concerne

17 l'époque. Donc passez à quelque chose d'autre.

18 M. Milosevic (interprétation): Bien. Selon vous, le village a été incendié

19 en août 1998, n'est-ce pas?

20 Mme Emini (interprétation): …

21 M. Milosevic (interprétation): Est-ce exact ou non? Répondez par oui ou

22 par non.

23 Mme Emini (interprétation): Le 23 août 1998, un dimanche, lorsque notre

24 village a été incendié.

25 Question: Et est-ce qu'il a été reconstruit en 1999? Le village, voulais-

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1 je dire.

2 Réponse: Après la fin de la guerre, il a été reconstruit.

3 Question: Eh bien, est-ce que le village existait au début de 1999,

4 lorsque vous dites qu'il a été incendié en 1998?

5 Réponse: Lorsque la police serbe et l'armée serbe ont brûlé le village sur

6 vos ordres.

7 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous demande pas cela, ce n'est pas

8 ma question. Vous dites que le village a été brûlé en août 1998. La

9 question que je vous pose, c'est qu'il n'existait plus jusqu'à la fin de

10 la guerre. C'est ce que vous venez de dire, il y a un moment.

11 Mme Emini (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

12 ne comprends pas. Ce que l'accusé dit n'est pas clair pour moi.

13 M. le Président (interprétation): Quelle proportion du village a été

14 brûlée détruite en août 1998?

15 Mme Emini (interprétation): J'ai dit: approximativement. Je ne peux pas

16 dire. Cela pourrait être 56 maisons ou peut-être davantage. Je ne sais

17 pas.

18 M. le Président (interprétation): Mais ce n'était pas le village

19 intégralement? Ce n'était pas l'ensemble du village?

20 Mme Emini (interprétation): La moitié du village a été brûlée. Peut-être

21 davantage. Je ne sais pas vraiment. Je ne suis pas absolument sûre.

22 M. Milosevic (interprétation): Vous parlez du village de Racak, n'est-ce

23 pas?

24 Mme Emini (interprétation): C'est cela.

25 Question: Ceci veut dire que jusqu'en 1999, plus de la moitié du village

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1 avait été brûlée. C'est cela que vous soutenez n'est-ce pas?

2 Réponse: J'ai dit, je l'ai dit, je n'ai pas besoin de le répéter.

3 Question: Bien. Nous avons déjà pris note de cela.

4 Mais à l'époque, en août comme vous l'avez dit, lorsque le village a été

5 incendié et que vous vous êtes enfui vers les grottes, vous avez poursuivi

6 en disant que vous êtes tombée malade à cause de l'humidité et du froid.

7 Et vous dites que, pendant la nuit, vous vous assuriez que votre famille

8 allait bien, et ceci vous rendait heureuse. Donc une fois que vous vous

9 assuriez que votre famille allait bien, vous alliez la nuit là-bas pour

10 voir s'ils allaient bien?

11 Réponse: Ma famille et moi, nous sommes restés une semaine, mais on

12 rentrait à la maison de temps en temps pour chercher de la nourriture

13 parce qu'il n'y avait aucun endroit où l'on pouvait se procurer du pain

14 dans la colline. Et mes deux frères étaient malades à cause du froid, du

15 fait de leur séjour dans les grottes: c'était comme dans un réfrigérateur.

16 Je l'ai déjà dit, c'est comme ça que c'était. Il y avait même des animaux

17 sauvages; des bêtes sauvages n'auraient pas pu vivre là. Sans parler

18 d'enfant.

19 J'ai des photographies: je suis assise dans cette grotte avec ma famille.

20 Question: Dites-moi, comment il se fait qu'il ait fait si froid au mois

21 d'août? Est-ce que c'est quelque chose d'exceptionnel?

22 Réponse: Cette grotte se trouve dans les collines. Elle est profonde et il

23 y fait froid.

24 Question: Comme vous dites que la nuit, vous vous assuriez que votre

25 famille allait bien, et qu'ensuite, ceci vous rendait heureuse -ce qui est

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1 logique, vous seriez heureuse de le constater-, est-ce que cela veut dire

2 que, pendant la journée, vous n'étiez pas avec votre famille?

3 Réponse: J'étais avec ma famille tout le temps. Parfois, j'allais à la

4 maison chercher de la nourriture et je n'en étais pas heureuse parce qu'il

5 faisait très froid à l'endroit où nous nous trouvions. Nous nous

6 réfugiions là à cause du pilonnage, pas parce qu'on voulait le faire. La

7 police serbe et l'armée serbe, votre police et votre armée nous ont forcés

8 à nous enfuir sous les pilonnages pour aller à ces grottes.

9 Question: Bien. Alors quand êtes-vous rentrés chez vous? Quand avez-vous

10 quitté la grotte? Donnez-moi une date. Le 23 août, lorsque le village a

11 été brûlé, vous êtes partis du village, vous êtes allés à la grotte. Quand

12 êtes-vous rentrés chez vous? Pouvez-vous me donner la date?

13 Réponse: Je me ne me rappelle pas la date, je ne suis pas très sûr du

14 moment où nous sommes retournés chez nous. Parce que nous sommes retournés

15 pendant une semaine, puis nous sommes allés à Lozhak. Nous n'avons jamais

16 été en sécurité dans le village parce que la police et l'armée serbes

17 étaient sur les collines de Çesta près de Gështenja. Et ils tiraient. Nous

18 n'étions jamais en sécurité.

19 Question: Excusez-moi, je suis en train de lire le compte rendu à l'écran

20 parce que je n'entends pas l'interprétation. C'est très faible, le volume

21 est très faible aujourd'hui, et l'interprète.

22 Alors, ceci veut dire que vous n'êtes pas rentrés chez vous? Ou vous êtes

23 rentrés chez vous après qu'un certain temps fût passé? Et dans

24 l'affirmative, quand êtes-vous rentrés chez vous?

25 Réponse: Je ne me rappelle pas la date.

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1 M. Milosevic (interprétation): Bien. Est-ce que vous savez au moins

2 approximativement, en gros, combien de temps vous avez été absente de chez

3 vous? Une semaine, deux semaines, un mois? Combien de temps? Une année?

4 Combien de temps avez-vous passé loin de chez vous?

5 Mme Emini (interprétation): A partir de 1998, nous n'étions plus en

6 sécurité chez nous à cause de la police et de l'armée. La police et

7 l'armée serbes, sous vos ordres, tiraient sans arrêt sur le village de

8 Racak à partir des collines de Çesta. Donc, nous devions trouver un

9 endroit où nous serions en sécurité. Parce que la police et l'armée

10 serbes, s'ils nous avaient trouvés dans le village, nous auraient

11 massacrés. Ils nous auraient massacrés comme ils l'ont fait le 15 janvier,

12 à cause des 42 personnes qui ont été tuées. Et nous pouvons dire qu'ils

13 l'ont fait dans le village de Racak, le 15 janvier.

14 C'est la vérité, Monsieur le Président.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez maintenant

16 eu 20 minutes qui vous ont été attribuées pour ce contre-interrogatoire.

17 M. Milosevic (interprétation): De combien de temps est-ce que je dispose

18 encore?

19 M. le Président (interprétation): Vous avez eu tout le temps qui vous

20 était alloué. Vous pouvez poser encore une question.

21 M. Milosevic (interprétation): Bien. Ceci n'est pas nouveau pour moi.

22 A la page 13, il y a une liste de personnes qui ont été tuées le 13 à

23 Racak. Est-ce que vous savez que les noms que vous avez donnés ne

24 correspondent pas aux minutes concernant les identifications qui ont été

25 opérées? Est-ce que vous savez que les noms que vous avez donnés -et que

Page 5919

1 je vais citer maintenant – Muhamet Imeri, Kadri Syla, et Banush Azemi,

2 Ahmet Zenuni, Muhamed (dernier nom inconnu), Shaq Berisha, Njazi Imeri,

3 etc.

4 M. le Président (interprétation): Nous pouvons lire cela nous-mêmes. La

5 question?

6 M. Milosevic (interprétation): …

7 M. le Président (interprétation): Un instant. La question posée a trait au

8 procès-verbal d'enquête. Comment avez-vous dressé cette liste

9 particulière? Est-ce que vous vous souvenez de la façon particulière dont

10 vous avez fait cette liste, quand vous avez fait votre déclaration?

11 Mme Emini (interprétation): Monsieur le Président, pourriez-vous répéter

12 votre question?

13 M. le Président (interprétation): Vous avez donné cette liste dans votre

14 déclaration, liste des personnes qui ont été tuées à Racak.

15 Mme Emini (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le

16 permettez, je peux donner les noms des personnes qui ont été massacrées,

17 42 personnes dans le village de Racak, le 15 janvier.

18 M. le Président (interprétation): Vous les avez donnés, ces noms. Ils

19 figurent dans votre déclaration. La question est: comment avez-vous eu

20 connaissance de ces noms?

21 Mme Emini (interprétation): Le 16 janvier, je suis allée moi-même dans les

22 collines et j'en ai vu un certain nombre; je suis venu depuis les collines

23 et j'en ai vu un certain nombre moi-même, mais à cause de mon chagrin, je

24 n'ai pas pu les identifier tous. Certains étaient mutilés.

25 M. le Président (interprétation): Nous allons mettre fin à cela.

Page 5920

1 Maître Tapuskovic, avez-vous des questions à poser?

2 M. Milosevic (interprétation): Pourrais-je terminer ma question?

3 M. le Président (interprétation): Oui, mais alors, c'est la toute dernière

4 question que vous posez, Monsieur Milosevic.

5 M. Milosevic (interprétation): Comment expliquez-vous le fait que votre

6 déclaration s'écarte par rapport à 15 personnes de ce qui a été établi?

7 Mme Emini (interprétation): Il n'y a pas de différence.

8 Si l'accusé le souhaite, je peux donner les noms. Le 15 janvier, 42

9 personnes ont été massacrées. Permettez-moi, Monsieur le Président, de le

10 faire.

11 M. le Président (interprétation): Non, vous avez déjà répondu.

12 Maître Tapuskovic?

13 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, Mme Drita

14 Emini.)

15 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

16 Juges, j'ai simplement un domaine sur lequel je voudrais poser des

17 questions. Je voulais appeler votre attention sur ce qui suit; c'est à la

18 page 14, dernier paragraphe de la version anglaise de la deuxième

19 déclaration.

20 Madame le Témoin, votre père, par la suite, vous a-t-il dit que ces hommes

21 avaient reçu l'ordre d'aller vers la colline de Bebushit? Et si oui,

22 quand?

23 Mme Emini (interprétation): C'était le 15 janvier.

24 Question: Est-ce qu'il vous a dit à ce moment-là qu'ils étaient partis de

25 là, qu'ils étaient partis dans cette direction sans escorte de la police

Page 5921

1 ou de l'armée?

2 Réponse: La police serbe était dans une embuscade et les attendait. Les

3 gens ne sont pas allés dans cette direction-là parce qu'ils auraient pu

4 être massacrés comme tous les autres. Ils sont partis dans des directions

5 différentes et ils se sont séparés. Ils ne sont pas allés dans la

6 direction que la police leur avait indiquée pour se rendre à l'endroit

7 indiqué par la police.

8 Se cachant derrière un mur, la police serbe était là...

9 Question: Par conséquent, tous ont évité d'être massacrés, n'est-ce pas?

10 Ils ont peut-être survécu au massacre en faisant cela, c'est-à-dire qu'ils

11 ont réussi à se sauver de la manière vous avez dite?

12 Réponse: La police et l'armée serbe avaient dit à ces hommes d'aller vers

13 la colline de Bebushit; donc ils sont partis dans cette direction. Mais

14 ils ont eu de la chance parce qu'il y a eu un embranchement qui leur a

15 permis de partir dans différentes directions, de se cacher dans des ravins

16 ou des ravines, pendant cinq ou six heures, et cela les a sauvés: ils ont

17 survécu. Parce que l'armée et la police serbes étaient dans les collines

18 et les attendaient. Donc, heureusement, ils ont survécu. C'est la vérité,

19 c'est la vérité, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

20 Question: Combien y en avait-il quand ils se sont sauvés de cette manière?

21 Réponse: Je ne me souviens pas de combien ils étaient.

22 Question: Je voudrais aussi poser la question suivante, Monsieur le

23 Président, Messieurs les Juges, une question supplémentaire pour le

24 témoin. Ceci a trait à la page 7, à la fin du paragraphe de la page 7, fin

25 du dernier paragraphe de la version anglaise, dans lequel vous dites -mais

Page 5922

1 ce n'est pas très clair- que "certains membres de l'UCK de Racak étaient

2 également dans d'autres villages. Et que, de toute manière, c'est comme ça

3 que ça fonctionnait, c'est comme ça qu'on opérait." Est-ce que c'est bien

4 cela?

5 Réponse: Je ne comprends pas très bien votre question.

6 M. Tapuskovic (interprétation): Bien, je n'insiste pas. Je suis intéressé

7 d'avoir une réponse sur la question suivante.

8 Vous dites que, sur la colline où s'est produit le massacre, vous dites

9 qu'il y avait des soldats de l'UCK, sur la colline Bebushit?

10 Mme Emini (interprétation): Il y a eu, sur la colline Bebushit, un

11 massacre le 15 qui s'est produit. Je n'ai pas vu de soldats de l'UCK du

12 tout; c'était seulement des civils.

13 M. Kwon (interprétation): Je voudrais aider ici. Si l'on pouvait remettre

14 au témoin la traduction en albanais, la version albanaise? Il semble que

15 ce soit la page K0210279 et 10.

16 Est-ce que vous vous rappelez vos réponses, sur le point de savoir si

17 votre père a aidé à creuser les tranchées?

18 (Intervention de l'huissier.)

19 Vous dites que vous ne savez pas ou que vous n'étiez pas là, à ce moment-

20 là.

21 Est-ce que vous avez retrouvé le paragraphe qui traite de cette question?

22 C'est au bas de la page. Cela se poursuit sur la page suivante -je cite-:

23 "Sur la colline Kodra e Bebushit, qui était l'endroit où le massacre s'est

24 produit, il y avait des soldats de l'UCK. Ils avaient creusé des tranchées

25 d'où ils observaient les activités au village et sur les autres collines.

Page 5923

1 Les villageois ont aidé à creuser ces tranchées pour l'UCK, deux ou trois

2 mois avant le massacre. Je ne sais pas combien il y avait d'hommes de

3 l'UCK qui se trouvaient dans les collines; ils travaillaient pendant la

4 nuit de sorte que je n'ai pas pu les voir. Mon père et mon frère ont aidé

5 à creuser les tranchées."

6 Voilà ce que vous avez écrit dans votre déclaration; c'est exact ou non?

7 Mme Emini (interprétation): Oui, Monsieur le Juge. Je n'ai pas vu vraiment

8 ce qu'ils faisaient. J'ai pu aider mon père, mais je n'ai pas vu

9 exactement ce qu'ils faisaient; peut-être qu'ils aidaient l'armée. Je ne

10 sais pas, je n'étais pas là. Je ne sais pas exactement ce qu'ils

11 faisaient.

12 M. Kwon(interprétation): Je vous remercie.

13 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Juge Kwon, c'est précisément

14 le passage que je voulais lire. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre

15 question à poser.

16 M. le Président (interprétation): Des questions supplémentaires?

17 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Drita Emini, par

18 M. Ryneveld.)

19 M. Ryneveld (interprétation): C'est juste sur ce point, si je peux, de

20 façon à donner cette information aux personnes qui faisaient des

21 investigations pour le Tribunal.

22 Pouvez-vous confirmer votre déclaration? Est-ce que quelqu'un vous a dit

23 ce qui s'était passé? Est-ce que quelqu'un vous a dit ce qu'ils faisaient?

24 Mme Emini (interprétation): J'en ai seulement entendu parler et mon père

25 m'a dit qu'il avait dû aider l'armée.

Page 5924

1 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie, Madame Emini.

2 M. le Président (interprétation): Ceci conclut votre déposition, Madame

3 Emini.

4 Je vous remercie d'être venue jusqu'au Tribunal pour déposer. Vous pouvez

5 déposer.

6 Mme Emini (interprétation): Je vous remercie beaucoup. Tout ce que je vous

7 ai dit, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, était la vérité.

8 (Le témoin, Mme Drita Emini, est reconduit hors du prétoire.)

9 (Questions relatives à la procédure.)

10 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?

11 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, je pense nous allons

12 passer aux questions concernant le témoin Barney Kelly. Ensuite, j'ai

13 encore quelques questions à poser.

14 Il y a quelques jours, j'ai communiqué de la jurisprudence à laquelle je

15 voulais me référer et j'ai quelques autres remarques à faire.

16 M. le Président (interprétation): Oui.

17 M. Nice (interprétation): En ce qui concerne la jurisprudence, je ne sais

18 pas si la Chambre a eu l'occasion d'examiner ces questions et les

19 documents que j'ai remis?

20 M. le Président (interprétation): Oui, nous l'avons fait.

21 M. Nice (interprétation): Pour le compte rendu, et lorsque l'huissier

22 pourra les remettre, je voudrais que l'on mette sur le rétroprojecteur, en

23 plus des précédents que je crois que la Chambre connaît… S'il vous plaît,

24 sur le projecteur.

25 (Intervention de l'huissier.)

Page 5925

1 J'ai pu, avec l'aide de M. Kelly en particulier -ce n'est pas surprenant-,

2 j'ai pu appeler votre attention sur les recueils rendant compte du procès

3 Juntas qui traite de passages sur la première feuille que vous verrez en

4 ordre inverse, montre qu'il y a eu un rapport de la commission, et nous

5 pouvons voir au bas de la page que ce document a été versé au dossier.

6 Les renseignements en question sur la base de déclarations faites par les

7 victimes n'équivalent pas à des dépositions puisque ces déclarations ne

8 répondent pas aux critères qui ont été posés par le droit militaire pour

9 la déclaration des témoins. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait serment.

10 Toutefois, le fait que ces déclarations n'ont pas été faites sous serment

11 ne les privent pas de leur valeur probatoire et le droit n'interdit pas

12 qu'elles soient prises en considération. Elles ont été présentées comme

13 éléments de preuve.

14 L'influence de ces déclarations pour l'issue du procès, la possibilité de

15 créer un sens de certitude pour le juge de fait dépendra d'une pondération

16 soigneuse de ces déclarations avec un ensemble complet de facteurs de

17 caractère différent et divers. De plus, on a fait remarquer que le

18 Tribunal n'allait pas examiner un fait exclusivement sur la base des

19 éléments de preuve fournis par la commission. Ceci correspond à la

20 proposition 2 et 3, sorte de document...

21 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, il y a une grande différence

22 entre le rapport de la commission et le rapport de M. Kelly. Ce rapport

23 contient des déclarations de témoins tandis que le rapport de M. Kelly

24 donne des résumés de ce que les témoins lui ont dit. Ce ne sont pas des

25 déclarations en tant que telles.

Page 5926

1 M. Nice (interprétation): Mais, Monsieur le Juge, les déclarations sont là

2 qui peuvent être produites et on peut les lire. Et je prie, effectivement,

3 la Chambre de prendre toute la documentation et tout le temps nécessaire

4 pour voir ces documents et lire ces déclarations.

5 Selon notre thèse, il n'y a pas de différence. Il n'y a aucune distinction

6 à faire. C'est une déclaration très courte sur laquelle nous nous fondons.

7 Ce n'est pas le rapport le plus long et nous avons tenu compte des notes

8 de bas de page telles qu'elles peuvent être produites en haut de la

9 deuxième page, qui fait partie du jugement de la Chambre d'Appel. En ce

10 qui concerne les investigations préliminaires, je lis actuellement, au bas

11 de la page, lorsqu'on rejette la possibilité d'admettre comme preuve le

12 dossier contenant les déclarations de nombreux témoin basées sur la

13 possibilité de procéder à un contre-interrogatoire. Et ceci indique

14 comment la Cour a suivi son raisonnement, donc c'est très comparable.

15 J'ai appelé votre attention et je peux maintenant traiter de ce résumé sur

16 le fait que la procédure pénale hollandaise et, sur l'autre côté de la

17 page -nous n'avons pas besoin de regarder cela au projecteur-, ceci

18 constitue effectivement des positions d'experts qui peuvent être admis et

19 j'ai appelé votre attention comme c'est fait dans les affaires Rutaganda

20 et Bagilishema, et j'espère que ceci pourra vous aider. Et la Chambre sait

21 que des résumés, des dépositions de témoins ont été présentés aux Chambres

22 ici dans l'affaire Jelisic, en particulier, dans l'affaire Krstic en

23 donnant des résumés des documents contenus dans ces déclarations de

24 témoins.

25 Est-ce que je pourrais faire une brève adjonction en ce qui concerne la

Page 5927

1 jurisprudence qui vous est présentée et faire quelques remarques de plus?

2 Le Juge May a soulevé comme proposition à examiner qu'il y avait une

3 différence entre ce qu'avait fait M. Kelly et son résumé, par exemple que

4 le document de l'OSCE soit présenté comme pièce à conviction. Je pense que

5 vous soulevez cette possibilité, je n'ai pas pu retrouver les mots exacts

6 mais il y a une différence parce que les investigateurs étaient en quelque

7 sorte partie au procès.

8 Ce qui créerait une différence entre les positions des uns et des autres.

9 Je crains de devoir m'opposer à cette position en avançant l'argument

10 suivant. Les enquêteurs de ce Tribunal sont nommés selon le même processus

11 selon lequel sont nommés les membres du Greffe, les Juges, les avocats et

12 les membres du Bureau du Procureur. Ce sont des professionnels qui font un

13 travail professionnel et, en l'absence d'une raison valable, il n'y a pas

14 plus de raison de critiquer leur travail.

15 M. le Président (interprétation): Mais il n'est pas question de critique

16 ici ou de valeur professionnelle, Monsieur Nice. Bien sûr que non. Mais

17 c'est un fait qu'ils font partie de votre équipe et que cela reviendrait à

18 ce que l'un de vos avocats résume un élément de preuve. Je ne vois pas de

19 différence. Il n'est pas question de jeter un blâme quelconque sur qui que

20 ce soit mais le fait qu'un élément de preuve soit recueilli par un employé

21 du Bureau du Procureur et par un employé, quant à l'OSCE, le rapport a été

22 produit sans autre but que de rendre compte des événements. Je vois donc

23 une différence entre les deux situations.

24 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, merci de cet

25 éclaircissement mais les parties au litige ne sont pas les représentants

Page 5928

1 du Bureau du Procureur, mais les chefs des équipes d'avocats. Et le

2 Tribunal devrait savoir que bien sûr les frontières classiques entre

3 avocats, entre ce que font les avocats et ce que font les policiers dans

4 certains pays, ne se retrouvent pas ici. Il y a un mélange des rôles

5 beaucoup plus important dans ce Tribunal et l'intégrité de chacun est

6 probablement appelée à jouer un rôle plus important.

7 Il nous apparaît, avec le respect que nous devons au Tribunal, que la

8 position des déclarations prises par les enquêteurs est la même pour tous.

9 Nous voyons que le droit espagnol autorise qu'un dossier soit présenté.

10 C'est le cas dans d'autres pays également, dans d'autres pays bien sûr qui

11 sont de tradition de droit civiliste, je pense à des systèmes judiciaires

12 très proches de certaines personnes ici. Nous les comprenons mieux, mais

13 il est certain qu'il n'y a aucune raison de douter de l'indépendance et de

14 l'intégrité du travail des enquêteurs, pas plus qu'il n'y aurait de raison

15 de douter de l'indépendance et de l'intégrité du Procureur lui-même ou de

16 ceux qui travaillent sur les affaires jugées ici.

17 Et, en conséquence, les documents produits par les enquêteurs, les

18 déclarations sont tout à fait admissibles à notre avis. Contrairement à

19 des déclarations qui ne seraient pas prises par des non professionnels.

20 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, asseyez-vous sur la

21 chaise des témoins et faites votre déclaration vous-même. Personne ne met

22 en cause votre intégrité mais ce qui est remis en cause, c'est la valeur

23 probante.

24 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, je crains de ne pas

25 poursuivre votre position. Nous sommes en présence ici d'enquêteurs qui

Page 5929

1 recueillent des déclarations pour ce Tribunal. Je dois le dire, ils les

2 recueillent de façon indépendante avec toute l'intégrité nécessaire et

3 puis les soumettent au Tribunal. Soyons tout de même un peu précis quant à

4 la valeur de travail, car je vois que l'accusé est en train de rire.

5 La signification de tout cela, des observations faites notamment il y a

6 quelques jours, c'est qu'il y aurait un peu moins d'intégrité ou, en tout

7 cas, cette intégrité serait un peu moins satisfaisante lorsque les

8 déclarations sont recueillies par des témoins que lorsqu'elles sont

9 recueillies par des gens qui travaillent dans le domaine des droits de

10 l'homme, pour diverses organisations.

11 Eh bien, quel que soit le propos sous-jacent à tout cela, je pense qu'il

12 est sous-entendu que les enquêteurs ont mal travaillé. Je suppose qu'en

13 dernière analyse, quelqu'un ici ne dit pas la vérité. Il y a eu pas mal

14 d'éléments de preuve qui ont été présentés dans ce procès et dont déjà pas

15 mal de gens disent qu'ils ne rendent pas compte de la vérité. Tout le

16 monde s'est rendu compte que les premiers témoins albanais avaient l'air

17 d'être un peu intimidés au sujet de la nécessité de parler de la présence

18 de l'UCK. Peut-être que cela va se poursuivre, peut-être que c'est

19 compréhensible. Cela n'invalide pas en tout cas le reste de leur

20 témoignage.

21 Et lorsqu'un document est avéré comme ne disant pas la vérité, il doit

22 être rejeté. Mais est-ce que cela a été le cas? Est-ce que ceci a été

23 constaté dans une quelconque déclaration recueillie par les enquêteurs,

24 tout au long du temps durant lequel ils ont exercé leur fonction?

25 L'intégrité est présente et toute allégation d'absence d'intégrité au

Page 5930

1 sujet de ces déclarations...

2 M. Kwon (interprétation): Permettez-moi, Monsieur Nice, de vous

3 interrompre.

4 Ce qui est important ici, ce n'est pas que les choses soient justes ou

5 pas, mais ce qui est également important, c'est que nous devons apparaître

6 aux yeux de tiers, aux yeux du public comme étant équitables. Il n'y a

7 aucun doute sur l'intégrité des enquêteurs. Mais ils font partie de

8 l'équipe du Procureur et, tout simplement, une tierce partie aura du mal à

9 les considérer comme des personnes indépendantes du Procureur.

10 Voilà le problème qui est posé. Donc -j'exprime ici mon point du

11 personnel- la Chambre n'a rien contre le fait d'accepter des témoins qui

12 rapportent des propos d'ouï-dire. Prenez, par exemple, Fred Abrahams

13 -c'est un homme qui représente l'organisation "Veille pour les droits de

14 l'homme"-: il a fait des déclarations importantes au sujet de certaines

15 victimes.

16 Donc ce que nous rejetons, c'est seulement l'identité des sources

17 d'information de cet homme. Mais, pour parler franchement et en mon nom

18 personnel, nous sommes prêts à accepter ce qu'il dit. Cela dit, Barney

19 Kelly présente un cas un peu différent: il fait partie de l'équipe du

20 Procureur.

21 C'est la seule raison pour laquelle nous exprimons le point de vue que

22 nous exprimons.

23 M. Nice (interprétation): J'essaie de comprendre, autant que je le peux,

24 le raisonnement de la Chambre de première instance et il prend forme dans

25 mon esprit peu à peu.

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1 Je n'admettrai pas nécessairement qu'un public plus important considère

2 surprenant qu'une Chambre de première instance accepte des déclarations

3 recueillies consciencieusement par des enquêteurs. Je pense qu'un public

4 plus important pourrait considérer surprenant qu'une Chambre soit prête à

5 fonctionner sur la base d'un échantillonnage très limité, sans même

6 prendre en compte des déclarations recueillies avec le plus grand soin,

7 par un organe compétent, et soumises sous forme écrite, avec des

8 signatures des auteurs de ces déclarations qui sont prêts à témoigner dans

9 un procès.

10 M. le Président (interprétation): Nous avons rendu notre décision au sujet

11 de la valeur probante d'un résumé de déposition, résumé établi par un

12 représentant du Bureau du Procureur.

13 Nous n'avons pas un seul instant remis en cause l'intégrité ou le

14 professionnalisme de cet homme, pas du tout. Ceci n'est pas discutable.

15 Mais la question qui se pose est la suivante: quelle est la valeur

16 probante d'un résumé qui n'est, en fait, guère plus que l'indication des

17 grandes lignes suivies par le Procureur dans la présentation de sa thèse?

18 Je renverse les facteurs: est-il plus probant, ou plutôt une déclaration

19 a-t-elle une valeur probante plus importante lorsqu'elle est recueillie

20 par un conseil de la défense -je ne veux pas entrer dans des questions de

21 personne, mais enfin-, par un conseil de la défense qui écoute cette

22 déclaration à partir de sa place?

23 C'est simplement ici le résumé de la thèse de l'accusation que nous avons

24 reçu. Et, bien sûr, ce témoin va encore plus loin et tire ses propres

25 conclusions. Maintenant, il est possible qu'en temps utile, vous soyez

Page 5932

1 invité à examiner un certain nombre de ces documents. Il est possible que

2 nous ayons à les examiner également. C'est une question différente.

3 Pour le moment, ce qui nous préoccupe, c'est la déclaration de M. Kelly.

4 M. Nice (interprétation): Bien sûr, les conclusions ne sont pas l'objectif

5 que nous avons au départ. Je ne m'inquiète pas de ce que vous venez de

6 dire, Monsieur le Président, en caractérisant cela de conclusion ou de

7 résumé de la thèse de l'accusation, lorsque vous parlez de la synthèse de

8 documents qui ont été soumis au Tribunal.

9 La Chambre peut les caractériser comme elle veut, mais en fait ce que nous

10 avons sous les yeux, c'est un document de M. Kelly, qui est une synthèse

11 et qui, dans un certain sens, résume un certain nombre de choses; il

12 avance des propositions, il y a des notes en bas de page, des propos du

13 témoin, qui peuvent faire partie du document, mais ensuite, nous pensions

14 entendre le témoin s'exprimer. Donc c'est simplement un résumé d'une

15 analyse d'une déclaration de témoin.

16 Maintenant, si la Chambre est prête à entendre ces témoins en personnes,

17 tout en lisant leur déclaration?

18 M. le Président (interprétation): Non.

19 M. Nice (interprétation): Dans ce cas, nous sommes dans une position

20 particulière, parce que nous n'entendrons certainement pas M. Kelly et

21 l'affaire de Racak ne sera pas présentée parce que nous n'avons pas les

22 moyens nécessaires pour amener ici tous les témoins qui pourraient en

23 parler. Il faudrait, dans l'affaire de Racak, si le document de M. Kelly

24 n'est pas admis, que la Chambre soit prête à entendre au moins 60 témoins;

25 et c'est là que le problème se pose.

Page 5933

1 Mais puis-je parler de ce qui s'est passé, il y a quelques mois? C'est un

2 point important.

3 J'ai traité d'un fait qui portait également sur la présentation de

4 documents, véridiques ou non véridiques, pour dire les choses brièvement.

5 Ces déclarations sont recueillies par des professionnels -j'insiste là-

6 dessus-: il y a des déclarations qui sont plus longues que d'autres, comme

7 nous avons pu le constater.

8 J'espère que la Chambre se souviendra qu'un tiers des éléments valables

9 dans ce genre de documents viennent de la nécessité pour la Chambre de

10 leur accorder un poids déterminé. Je fais remarquer que, ce matin, nous

11 avons entendu des déclarations de toutes sortes, alors que des documents

12 résumés, analysés, synthétisés ont une valeur inestimable, à mon avis.

13 C'est la raison pour laquelle nous insistons sur leur présentation.

14 Bien entendu, l'une des valeurs les plus importantes de tels documents

15 dans un procès comme celui-ci, c'est qu'ils permettent de gagner du temps.

16 Lorsque nous avons établi la liste des témoins, nous en avions 30 au

17 départ, nous sommes passés à 12, à 9, pour finir à 5. Et même sur ces 5,

18 il y en a qui sera entendu et quatre qui seront des témoins en application

19 de l'article 92bis: c'était parce que nous pensions que la Chambre

20 fournirait d'autres éléments et disposerait d'autres synthèses qui nous

21 donneraient un point de vue global, pour compléter l'absence d'autres

22 témoins venant s'asseoir sur la barre des témoins et témoigner en

23 personne.

24 S'il n'y a aucun moyen pour soumettre à la Chambre les documents globaux,

25 comme le témoin l'a expliqué et comme cela apparaît très clairement

Page 5934

1 aujourd'hui, si nous avons cinq témoins pour parler d'une charge aussi

2 importante retenue contre l'accusé, il sera impossible de donner à la

3 Chambre un point de vue global permettant aux Juges de se prononcer sur ce

4 qui s'est passé exactement à Racak.

5 Parce que vous n'aurez pas d'éléments de preuve au sujet d'un très grand

6 nombre d'autres lieux, qui sont en cause dans cette affaire. Donc nous

7 vous ne pourrez pas déterminer l'ordre des événements peut-être. Vous

8 n'aurez pas les éléments de preuve nécessaires.

9 Et prenons deux autres actes d'accusation qui ont également une grande

10 importance: Vukovar, par exemple, ou Dubrovnik. Je me demande si Me Uertz-

11 Retzlaff réduira à un nombre si minimal le nombre de témoins qu'elle

12 exigera de voir comparaître pour donner une idée précise de l'ensemble des

13 événements.

14 M. le Président (interprétation): Nous sommes arrivés là au cœur du

15 problème.

16 Ce que vous nous dites, c'est qu'il importe au plus haut point d'apporter

17 la preuve détaillée de l'ensemble de la thèse que vous présentez. Ceci est

18 une affaire où il s'agit de responsabilité de supérieurs hiérarchiques.

19 J'utilise ce terme de façon générale. Mais vous devez, pensez-vous,

20 apporter la preuve d'un certain nombre d'évènements très nombreux et dans

21 le plus grand détail. Alors, manifestement, c'est là que les limites d'une

22 affaire comme celle-ci deviennent tout à fait évidentes.

23 Le Procureur doit apporter des preuves à la Chambre de première instance,

24 mais des preuves recevables. Et ces preuves sont en nombre fini, vous

25 l'avez admis vous-même. C'est cela le coeur de la difficulté qui se pose

Page 5935

1 dans la présente affaire.

2 M. Robinson (interprétation): Permettez-moi.

3 M. Nice (interprétation): Je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur

4 le Président.

5 M. Robinson (interprétation): J'aimerais simplement dire que je suis tout

6 à fait d'accord avec le Juge May quand il dit que nous sommes ici au coeur

7 du problème, c'est-à-dire au moment où nous parlons de l'ampleur de la

8 thèse de l'accusation.

9 Je pense que, sur la base de l'expérience recueillie par ce Tribunal et

10 j'espère que la Cour pénale internationale tirera les enseignements

11 également de l'expérience que nous avons acquise, il doit y avoir

12 limitation dans la présentation des éléments de preuve dans les différents

13 procès où des violations massives des droits de l'homme sont en cause sur

14 le plan international.

15 Vous pouvez mettre en accusation quelqu'un autant que vous le voulez, mais

16 il doit y avoir une limite au nombre d'éléments de preuves soumis à une

17 Chambre qui doit juger. Si tel n'était pas le cas, les procès ne

18 termineraient jamais. Le prestige des tribunaux, comme le nôtre, serait en

19 danger parce que nous serions considérés comme des gens qui n'achèvent pas

20 leur travail.

21 Alors, pour revenir aux problèmes qui nous intéressent précisément ici,

22 les remarques que j'ai faites hier se situaient dans le contexte du

23 rapport de Barney Kelly qui est un résumé de ce qu'il a entendu de la

24 bouche d'un certain nombre de témoins. Il n'y a pas de déclarations de

25 témoins annexées au document de M. Kelly; et j'ai souligné qu'il y avait

Page 5936

1 une différence à établir entre le rapport de M. Kelly et le rapport de

2 l'affaire argentine Juntas.

3 Maintenant, vous dites que les Juges devraient lire toutes les

4 déclarations de tous les témoins en question, et qu'il y en a 60, je donne

5 ici mon point de vue personnel. Il est possible que nous ayons à examiner

6 ces déclarations qui portent sur les incidents dont ont parlé les cinq

7 témoins qui ont été entendus pour apprécier la valeur corroborative de ces

8 déclarations. Enfin, je n'insiste pas sur l'utilisation du mot

9 "corroborative", mais je pense que nous pourrions lire ces déclarations

10 portant sur les mêmes incidents que ceux qui sont pertinents, c'est-à-dire

11 déjà abordés par les cinq témoins.

12 Mais s'agissant d'autres déclarations, portant sur d'autres événements que

13 ceux qui ont été abordés par les cinq témoins, mon point de vue

14 consisterait à dire qu'il n'y a aucune possibilité de les admettre car

15 nous serions très manifestement dans le cadre de la décision Tulica rendue

16 par cette Chambre précédemment.

17 Mais s'agissant des déclarations qui ont un rapport avec les propos tenus

18 par les cinq témoins que nous entendons, nous pourrions peut-être accepter

19 de les examiner. Et là, je donne, je répète, mon point de vue personnel.

20 Mais une fois encore, le noeud du problème, c'est l'ampleur de la thèse

21 présentée par l'accusation. Et la leçon à tirer, sur la base de

22 l'expérience acquise par ce Tribunal, c'est que, même lorsqu'il y a

23 violation grave du droit humanitaire international, il n'est pas possible

24 de juger, de poursuivre chacune de ces violations. Sinon notre travail ne

25 s'achèverait jamais.

Page 5937

1 M. Nice (interprétation): J'aimerais revenir sur les deux dernières

2 observations que vous avez faites, Monsieur le Juge, et ajouter un

3 argument personnel.

4 Je suis d'accord avec le principe sous-jacent des observations faites par

5 vous-même ainsi que par le Président, mais je dois dire que, pour ma part,

6 je m'écarte largement de la dernière proposition avancée par le Juge

7 Robinson.

8 Parce que -commençons par le commencement- il y a des allégations graves

9 qui impliquent donc la commission de crimes massifs dans une zone

10 géographique importante et sur une longue durée. Ce sont les allégations,

11 et bien sûr certaines peuvent être supprimées comme étant impossibles à

12 définir -j'en ai déjà parlé plus tôt- on peut travailler sur la base d'un

13 échantillonnage qui représente de façon véridique l'ensemble des crimes

14 commis à grande échelle et de façon systématique.

15 J'ai déjà dit également que s'il est question de calendrier, il est

16 possible qu'il y ait différence entre cette Chambre de première instance

17 et le Bureau du Procureur, s'agissant de l'évaluation de ce qui constitue

18 un échantillonnage suffisant. Mais lorsqu'on se met à faire des calculs,

19 on ne peut pas s'empêcher de voir qu'il y a un certain nombre d'incidents

20 importants qui ont eu lieu. On ne peut pas partir de l'hypothèse qu'un

21 accord suffit avec l'accusé pour mettre de côté des aspects importants,

22 puisque les actes ont été commis sur une zone géographique très vaste et

23 de façon massive. Moi, je ne peux pas être d'accord avec cela.

24 Il y a d'autres moyens tout à fait raisonnables de créer un

25 échantillonnage suffisant. Et s'il n'est pas suffisant, le Procureur doit

Page 5938

1 en toute conscience présenter ses arguments pour défendre l'Acte

2 d'accusation et sa confirmation. C'est avec cela à l'esprit que nous avons

3 travaillé. Et je crois que nous avons fait une sélection raisonnable et

4 suffisante pour défendre les allégations qui sont faites par les témoins

5 qui s'expriment ici de vive voix.

6 Nous avons espéré établir un équilibre qui pourrait prendre tout en compte

7 en application de l'Article 92bis. Bien sûr, tous les témoins ne doivent

8 pas être des témoins 92bis, compte tenu des conséquences que cela peut

9 avoir, mais certains le seront pour défendre l'économie de temps. C'était

10 notre projet.

11 Nous pensions que la Chambre pourrait faire rentrer ces allégations dans

12 les propos tenus de vive voix par les témoins entendus dans le prétoire

13 sur l'ensemble de la zone géographique concernée avec donc des résumés de

14 dépositions de témoins qui pourraient compléter la vision des choses pour

15 la rendre plus globale.

16 Mais, en dehors de cette possibilité, s'agissant de Racak, et c'est un

17 exemple tout à fait paradigmatique, nous serons dans le doute. Nous ne

18 pourrons pas parler de tout. Il est justifiable bien sûr d'avancer des

19 contraintes de temps, mais nous devons tout de même couvrir l'ensemble des

20 événements: trois, quatre ou plus des événements principaux. Nous ne

21 pouvons pas amender notre thèse de départ.

22 Et j'aimerais revenir sur Mme Uertz-Retzlaff qui a examiné chacune des

23 déclarations de 20 ou 25 témoins -je ne sais plus- qu'elle a eu à sa

24 disposition. Il n'y a pas de garantie de véracité, bien entendu. Il faut

25 que les Juges, comme le Juge Kwon l'a dit, lisent éventuellement cette

Page 5939

1 déclaration en toute indépendance pour la vérifier par rapport aux témoins

2 qui s'exprimeront dans le prétoire. C'est une possibilité, dans certains

3 cas en tous cas.

4 Mais si l'on parle de Vukovar et de Dubrovnik ou de Sarajevo, nous savons

5 que trois témoins qui s'expriment dans le prétoire vont décrire l'ensemble

6 des événements et nous nous demandons s'il est possible, dans ces

7 conditions, d'avoir une idée tout à fait complète de ce qui s'est passé.

8 Voilà la préoccupation que nous souhaitions exprimer.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Suspension.

10 (L'audience, suspendue à 12 heures 22, est reprise à 12 heures 42.)

11 (Mme Romano entre dans le prétoire.)

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay, je ne crois pas que nous

13 ayons besoin de vous ennuyer sur ce point particulier.

14 La Chambre de première instance a réfléchi aux arguments avancés par le

15 Procureur, avant la suspension d'audience, et ces arguments ne modifient

16 pas la décision que nous sommes sur le point de rendre.

17 Il importe de souligner que cette décision porte sur une question très

18 limitée, à savoir si, oui ou non, nous allons admettre le rapport de M.

19 Kelly.

20 Notre décision ne porte pas sur les questions plus larges qui, durant la

21 présentation des arguments, ont été soumises à la Chambre avant la

22 suspension d'audience.

23 L'analyse des éléments de preuve dont il est proposé qu'ils soient soumis

24 à la Chambre montre que ces éléments de preuve sont une compilation

25 d'éléments relatifs à l'incident de Racak, dont fait partie le résumé de

Page 5940

1 déclaration de témoin, contenu dans de nombreuses déclarations de témoins,

2 ainsi que les documents et conclusions relatifs à ces éléments de preuve.

3 La Chambre de première instance a déjà, par le passé, rendu une décision

4 selon laquelle de tels documents n'étaient pas admissibles. Tout ce qui a

5 rapport avec les éléments dont il était prévu que Kevin Curtis les

6 soumette à la Chambre et qui ont été reçus par la Chambre de première

7 instance, parce que Kevin Curtis est un enquêteur qui s'apprêtait à lire

8 de nombreuses déclarations pour en tirer de nombreuses conclusions, eh

9 bien, la Chambre de première instance a exclu ces éléments de preuve en se

10 fondant sur le fait qu'il s'agissait d'ouï-dire, qu'ils n'avaient aucune

11 valeur probante et qu'ils équivalaient simplement à une répétition de ce

12 que la Chambre de première instance avait déjà reçu. Ceci figure en pages

13 672 à 673 du compte rendu.

14 J'ajoute que la Chambre s'inscrit dans le même ordre d'idée que celui qui

15 a présidé à la décision rendue dans l'affaire Kordic-Cerkez, à savoir la

16 décision Tulica du 29 juillet 1999, et que la Chambre a par la suite exclu

17 des éléments de preuve de même nature dans la présente affaire, à savoir

18 le rapport d'un enquêteur du Bureau du Procureur John Zdrilic, tiré du

19 classeur de Bela Crka, compte rendu d'audience page 3499.

20 Une raison supplémentaire peut être avancée pour justifier l'exclusion de

21 ce type d'élément de preuve, en tout cas s'agissant des conclusions tirées

22 par les témoins; à savoir que le fait qu'un témoin tire ses propres

23 conclusions au sujet d'un élément de preuve consiste pour lui à empiéter

24 sur les fonctions qui sont celles de la Chambre de première instance. Il

25 appartient à la Chambre de première instance de voir quels sont les

Page 5941

1 éléments de preuve qu'elle peut accepter ou rejeter, ainsi que les

2 conclusions à tirer de ces éléments de preuves.

3 Par conséquent, tout élément de preuve qui empiète sur les fonctions des

4 Juges doit normalement être exclu.

5 Monsieur Nice fait valoir aujourd'hui que nous devrions revenir sur les

6 décisions rendues précédemment et admettre au moins certaines parties de

7 déclarations, dans lesquelles l'enquêteur synthétise l'élément de preuve.

8 Il souligne que ceci porte sur un incident important dans la présente

9 affaire, pour lequel l'ampleur des éléments de preuve est trop importante,

10 qui ne peut pas être examiné dans le temps imparti, mais qui n'a pas pu

11 être examiné de la meilleure façon qui soit par le nombre de témoins

12 entendus dans le prétoire.

13 Par conséquent, le résumé de l'enquêteur aurait, d'après M. Nice, une

14 certaine valeur probante qui serait à déterminer par la Chambre de

15 première instance.

16 Dans une étape suivante, M. Nice traite du rapport de l'OSCE qui a été

17 admis dans la présente affaire -pièce à conviction 106- qui, dans le

18 résumé et dans le chapitre relatif à Stimlje, traite des constatations

19 faites au sujet de cet incident sur la base des interrogatoires des

20 témoins. Il affirme que ceci fournit un parallèle qui justifierait

21 l'admission de la déclaration de l'enquêteur. Il s'appuie également sur

22 les principes issus du procès Argentine/Juntas, dont un extrait a été tiré

23 du "Journal du Droit, des Droits de l'homme", volume 8.

24 Au cours du présent procès, des objections ont été rejetées qui portaient

25 sur l'admission en tant que pièce à conviction du dossier de l'enquêteur

Page 5942

1 et du rapport de la Commission sur les disparitions forcées.

2 Ces deux documents contenaient des déclarations de nombreux témoins, mais

3 il a été souligné que la défense avait accès à tous les documents et

4 pouvait appeler à la barre des témoins pour réfuter ce qui figurait dans

5 ces documents et qu'il appartenait aux Juges des faits de déterminer avec

6 soin quel poids accorder à ces éléments.

7 On nous a aussi soumis les dispositions de la procédure criminelle en

8 vigueur aux Pays-Bas et en Espagne, qui permettent le recours à des

9 rapports d'enquêteur et à des rapports de policiers en tant que pièces à

10 conviction. Cependant, ces procédures, il convient de le souligner, se

11 présentent sous une forme différente de la procédure contradictoire qui a

12 cours dans ce Tribunal.

13 Parlons maintenant des arguments du Procureur. Et d'abord du rapport de

14 l'OSCE.

15 Selon la Chambre de première instance, il existe une différence très

16 importante, en dépit des arguments présentés par M. Nice ce matin, entre

17 le rapport de l'OSCE et le rapport de l'enquêteur. A savoir que le rapport

18 de l'OSCE a été produit par un organe indépendant des parties dans la

19 présente affaire. Par ailleurs, le rapport de l'enquêteur, selon la

20 Chambre de première instance, ne présente pas cette qualité d'indépendance

21 puisqu'il a été élaboré pour la discussion dont nous parlons en ce moment.

22 Comme cela a déjà été souligné par nous, avant la suspension d'audience,

23 cela reviendrait à ce qu'un conseil ou un avocat membre du Bureau du

24 Procureur résume des déclarations sous la forme d'une thèse présentable à

25 la Chambre de première instance. Par conséquent, le rapport de l'OSCE ne

Page 5943

1 constitue pas de précédent s'agissant de se prononcer sur l'admissibilité

2 d'un élément de preuve.

3 De même, la procédure en vigueur en Espagne et aux Pays-Bas ne peut pas

4 être prise comme fondement en la matière.

5 La même remarque ne s'applique pas aux dossiers et aux rapports admis dans

6 l'affaire Argentine/Juntas. Cependant, il apparaît que ce dossier contient

7 des déclarations de témoins et, par conséquent, implique une procédure

8 différente de celle qui est envisagée ici; alors que ce rapport semble

9 tout de même plus comparable que les autres au rapport de l'OSCE.

10 En tout état de cause, nous ne sommes pas convaincus par les arguments qui

11 nous ont été soumis, qu'il nous faille nous écarter des décisions rendues

12 précédemment par la Chambre de première instance, décisions qui étaient

13 motivées.

14 Nous admettons que l'incident de Racak est un incident important. Nous

15 sommes également conscients des contraintes qui pèsent sur le Procureur en

16 raison des limites de temps, mais il est inévitable que des limites

17 s'imposent puisque cet incident ne peut pas être pris en compte de façon

18 isolée, mais en tant que partie intégrante d'une série nombreuse

19 d'incidents, qui sont la base même du présent procès.

20 Dans ces conditions, nous pensons qu'il n'est pas déraisonnable que le

21 Procureur s'appuie sur cinq témoins traitant de cet incident dans leur

22 déposition, comme un certain nombre d'autres.

23 Si des questions importantes surgissaient au cours de la présentation des

24 éléments de preuve de la défense, le Procureur aura toujours loisir

25 d'appeler à la barre de nouveaux témoins pour réfuter les arguments de la

Page 5944

1 défense. Nous soulignons néanmoins que nous n'encourageons pas cette

2 initiative.

3 Il s'ensuit que toutes ces considérations ne nous mènent pas à nous

4 écarter des principes dont j'ai déjà fait état précédemment. En

5 conséquence, l'élément de preuve ne sera pas admis.

6 J'ajoute, pour que les choses soient tout à fait complètes, que lors d'une

7 discussion antérieure, il a été fait référence à une similitude avec les

8 éléments de preuve admis dans l'affaire Krstic. Cependant, ceci ne semble

9 pas remettre en question l'admissibilité des éléments de preuve dans la

10 présente affaire et nous n'avons trouvé aucune décision motivée, aucune

11 raison valable sur ce sujet qui aurait pu nous apporter une aide

12 quelconque dans notre décision." (Fin de citation.)

13 Monsieur Nice, voilà quelle est notre décision.

14 Monsieur Kelly a déjà témoigné un certain temps?

15 M. Nice (interprétation): Oui, je ne sais pas s'il y aurait une quelconque

16 utilité à le rappeler à la barre par la suite. Il peut être contre-

17 interrogé, ou peut-être pas, sur ce qu'il a déjà dit, bien sûr.

18 Je me demande s'il pourrait apporter des éléments qui seraient d'une aide

19 quelconque, s'agissant de photographies par exemple dont certaines ont été

20 prises par lui et d'autres par des tiers. Mais compte tenu de la pression

21 du temps, je pense qu'il serait préférable de laisser de côté cette

22 déposition, en tout cas pour ce qui concerne l'interrogatoire principal.

23 Il a toujours pu nous apporter son aide par des documents contenus dans le

24 classeur Racak. Si la Chambre souhaite les examiner, elle peut le faire.

25 Par conséquent, le problème consiste à demander si l'accusé ou les amici

Page 5945

1 souhaitent contre-interroger ce témoin, auquel cas il devrait être rappelé

2 physiquement dans ce prétoire.

3 Mais avant de répondre à cette question, j'aimerais revenir à une remise

4 soumise il y a déjà quelques semaines. J'ai invité la Chambre à prendre

5 les mesures nécessaires pour qu'un appel soit possible. Je pense que,

6 puisque le Règlement a été légèrement modifié -je parle de l'Article 73B),

7 qui exige un agrément avant toute possibilité d'appel interlocutoire-, eh

8 bien, cet agrément dépend d'une question qui a un effet important sur la

9 conduite équitable et rapide de ce procès, ou sur l'issue de ce procès. Et

10 de l'avis de la Chambre de première instance, une résolution immédiate par

11 la Chambre de première instance pourrait permettre d'avancer grandement

12 dans l'affaire.

13 Monsieur le Président, je ferai observer d'abord qu'il n'y a aucune

14 décision claire, à part celle de cette Chambre, sur le sujet dont nous

15 venons de très traiter; il n'y en a en tout cas aucune de la part de la

16 Chambre d'appel. Par conséquent, aucune aide n'est nécessaire sur la

17 question, s'agissant de l'appel.

18 Si la position prise par le Procureur devait être acceptée, admise en

19 appel, celle-ci aurait un effet important sur la conduite du reste de ce

20 procès, ainsi que sur la conduite d'autres procès, et aurait un effet

21 important sur le temps que dureraient ces procès. De même, si cette

22 décision était définitivement confirmée à notre encontre, cela aurait un

23 effet sur un certain nombre de paramètres qui régissent le travail du

24 Procureur.

25 Mais si la question est laissée sans solution et si, en temps utile, elle

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1 revienne en appel, cela créerait un problème s'agissant du caractère

2 suffisant des éléments de preuve, par rapport à telle ou telle partie du

3 procès. La Chambre d'appel pourrait déclarer, par exemple: "Il aurait dû

4 être possible d'examiner les résumés d'éléments de preuve. Ce problème

5 aurait pu être surmonté, mais il est trop tard pour le faire à présent".

6 (Fin de citation.)

7 Donc, pour tous toutes ces raisons que j'ai présentées avec le plus grand

8 soin à l'avance, nous vous invitons à vous prononcer sur l'agrément

9 relatif à l'appel et, si cet agrément est accordé, nous interjetterons

10 appel dans les plus brefs délais.

11 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons nous pencher sur

12 cette question, Monsieur Nice.

13 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup. Moi-même et mes collègues, avons

14 informé M. Kelly avant son arrivée ici: nous lui avons dit qu'un certain

15 nombre de questions administratives devaient être réglées afin de gagner

16 du temps.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons donc

18 exclu ce rapport et la déclaration de M. Kelly. Il avait déjà commencé à

19 témoigner, il a parlé d'un certain nombre de choses, dans le début de sa

20 déposition, notamment d'une carte géographique; en fait, il n'est guère

21 allé plus loin que cela.

22 Souhaitez-vous lui poser des questions en contre-interrogatoire? Si

23 c'était le cas, votre contre-interrogatoire devrait, en tout état de

24 cause, être limité, car le rapport a été exclu en tant que pièce à

25 conviction.

Page 5947

1 M. Milosevic (interprétation): J'aimerais tout d'abord formuler un

2 commentaire sur cette question.

3 Nous avons vu que M. Nice a consacré une heure à la présentation de ses

4 arguments, car manifestement c'était un effort difficile pour lui. Donc il

5 faudrait qu'une réponse lui soit faite par la partie adverse.

6 S'agissant de la possibilité pour ce témoin de témoigner…

7 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre, parce que la

8 décision a été rendue par les Juges sur ce sujet et elle a été rendue à

9 l'encontre des thèses de l'accusation. Il n'est donc pas nécessaire de

10 revenir sur ce sujet. Nous devons revenir aux questions générales et nous

11 reviendrons sur les questions particulières en temps utile.

12 Le problème du contre-interrogatoire de M. Kelly est posé. Oui ou non, y

13 a-t-il quoi que ce soit que vous souhaitiez dire au sujet de sa

14 déposition, de sa déposition déjà faite, et au sujet de rien d'autre, mais

15 simplement de ce qu'il a dit dans le début de sa déposition?

16 M. Milosevic (interprétation): Il doit vous apparaître clairement, étant

17 donné tous les arguments qui vous ont été soumis, de façon justifiée sans

18 aucun doute, sur la nature de ce témoignage, que nous affirmons qu'il

19 s'agit d'un acte malveillant, parce que…

20 M. le Président (interprétation): Non, non, non. Nous ne sommes pas prêts

21 à entendre vos arguments dans cet ordre d'idée. Nous avons rendu notre

22 décision sur ce point particulier.

23 Maintenant, nous allons entendre vos arguments généraux. Demain, les

24 arguments généraux seront présentés et nous souhaitons savoir si vous

25 souhaitez contre-interroger M. Kelly, oui ou non?

Page 5948

1 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, pourriez-vous répondre à

2 une question?

3 Puisque M. Kelly est ici et qu'il a dessiné des cartes -sur l'une de ces

4 cartes d'ailleurs, il a annoté un certain nombre d'endroits comme étant

5 des lieux de crime-, alors ces cartes peuvent avoir un aspect tout à fait

6 anodin quand on les regarde à première vue -il a utilisé des cartes pour

7 qualifier un certain nombre d'endroits comme lieux de crime-, bien qu'il

8 soit interdit de témoignage ici, pour parler du fait qu'il y a eu crime ou

9 pas. Il y a donc eu opposition entre forces de police et groupes

10 terroristes; et il utilise des armes très puissantes pour qualifier ceci,

11 sur une carte, de lieux de crime, en disant "lieux de crime n°1, n°2, n°3,

12 4, etc.".

13 Implicitement, il souhaite donc imposer aux gens qui sont assis ici, ainsi

14 qu'à la galerie du public, que nous avons affaire à un crime.

15 Je dois dire que je suis totalement d'accord avec M. Nice quant à

16 l'impossibilité de prouver ce faux Acte d'accusation et l'impossibilité de

17 prouver et de défendre ce subterfuge de Walker au sujet de Racak.

18 M. le Président (interprétation): Nous allons arrêter là. Je pars du

19 principe que vous n'avez donc pas de question à poser à M. Kelly en

20 contre-interrogatoire.

21 Nous tiendrons compte de l'argument présenté par vous au sujet de la

22 carte. Bien sûr, il vous appartient de décider s'il s'agissait de lieux de

23 crime ou pas. Mais nous avons en tête vos arguments.

24 M. Milosevic (interprétation): Encore un commentaire, si vous me le

25 permettez. J'ai une autre objection à élever. Puis-je vous l'exposer?

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1 M. le Président (interprétation): Oui.

2 M. Milosevic (interprétation): Ceci a à voir avec le témoignage de Fred

3 Abrahams évoqué par le Juge Kwon. Je pense que le témoignage de M. Fred

4 Abrahams est un exemple flagrant de témoignage venant d'une personne qui

5 n'est pas habilité à témoigner. Pas plus, d'ailleurs, que M. Kelly.

6 Je ne sais pas si M. Kwon a lu la déclaration avec soin, mais il ressort

7 de cette déclaration que sans doute lui aussi fait partie de l'équipe des

8 accusateurs, de l'équipe du Bureau du Procureur.

9 M. le Président (interprétation): Nous y viendrons. Nous n'en sommes pas

10 encore à M. Abrahams. Je suppose que vous n'avez donc pas de question pour

11 M. Kelly qui peut être autorisé à se retirer. Nous passerons au témoin

12 suivant.

13 M. Nice (interprétation): Oui, encore quelques questions administratives à

14 traiter, si vous me le permettez, Monsieur le Président. Et d'abord, le

15 contenu du journal, nous n'en avons pas encore parlé.

16 M. le Président (interprétation): Nous y pensons.

17 M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si vous souhaitez que je vous en

18 parle plus tard, c'est à vous d'en décider.

19 J'ai remis un exemplaire de l'ordonnance rendue dans l'affaire Blaskic, et

20 bien sûr nous n'aimerions pas que des mesures soient prises pour empêcher

21 l'action que nous aimerions entreprendre, car elle aurait des effets

22 importants.

23 Nous n'aimerions pas que l'effet de tout cela consiste à dissuader les

24 témoins de venir témoigner; voilà ce qui nous inquiète.

25 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, oui, je pense que cette

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1 question est une question grave qui se pose à l'issue de toutes ces

2 discussions. Avez-vous quelque chose par écrit, que vous pourriez nous

3 soumettre, ou souhaitez-vous présenter des arguments oraux?

4 M. Nice (interprétation): Non, pas du tout. Je souhaiterais simplement

5 dire que le pouvoir est entre les mains de la Chambre de première

6 instance. C'est à la Chambre qu'il appartient de décider si le rédacteur

7 en chef peut venir déposer devant la Chambre, comme semble l'autoriser un

8 système judiciaire national et également, si je ne m'abuse, l'Article

9 77C)iii) du Règlement.

10 Si le témoignage est demandé par la Chambre en tant que telle, celle-ci ci

11 est habilitée en effet à convoquer un témoin au cours du procès.

12 Il y aurait une autre solution qui consisterait à ce que nous le

13 convoquions directement. Mais ceci, bien sûr, entraînerait inévitablement

14 des retards. Et dans l'affaire Blaskic, l'ordonnance a opéré comme une

15 espèce de requête soumise à un Etat pour qu'il entreprenne quelque chose.

16 Donc si nous examinons attentivement le Règlement et que nous essayons de

17 voir quel est le pouvoir inhérent que donne le Règlement, s'agissant de la

18 convocation éventuelle d'un rédacteur en chef qui pourrait s'expliquer sur

19 des violations importantes du droit humanitaire international, nous

20 n'avons trouvé que l'Article 77C)iii) qui pourrait permettre à la Chambre

21 de convoquer le témoin.

22 Mais s'agissant de l'ordonnance rendue dans l'affaire Blaskic, elle révèle

23 que des possibilités existent. Il semble que ceci ne se soit pas produit

24 très souvent par le passé, mais en tout état de cause, une action est

25 possible. Il faudrait donc y réfléchir.

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1 A moins que vous ayez encore quelque chose à me demander, j'en ai terminé.

2 M. Robinson (interprétation): Nous allons réfléchir à cette question avec

3 le plus grand soin. Il faut examiner toutes les questions juridiques qui

4 se posent, ainsi que les considérations paradigmatiques, et nous tiendrons

5 compte des arguments qui ont été présentés ici également.

6 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup.

7 K12: nous travaillons sur la base de l'idée que ce témoin pourrait

8 témoigner dans le cadre de l'Article 92bis. Pour des raisons connues par

9 la Chambre, sa déposition est prévue lundi.

10 Je me demandais si je pourrais essayer de modifier un peu l'ordre de sa

11 comparution en la décalant d'un jour mais, finalement, j'ai décidé que je

12 ne le ferai pas. Donc ce sera un témoin entendu lundi pour diverses

13 raisons.

14 J'espère que nous pourrons entendre M. Abrahams demain, et arriver au bout

15 de sa déposition demain, pour des raisons également connues de vous. Je

16 pense qu'il pourrait éventuellement rester jusqu'à lundi, mais je

17 préférerais qu'il puisse éventuellement rester jusqu'à mardi.

18 Ceci m'amène à M. Abrahams: M. le Juge Kwon a parlé de deux questions

19 historiques et je pense qu'il pourrait être entendu avec oblitération du

20 nom des personnes qui courraient des risques par divulgation de certains

21 renseignements.

22 Il est opportun pour nous d'essayer d'abord d'obtenir l'autorisation

23 d'oblitérer donc le nom de ces personnes, de les obtenir en public durant

24 ce procès et, par ailleurs, d'obtenir une autorisation de l'organisation

25 "Veille des Droits de l'Homme", donc une autorisation de s'écarter des

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1 procédures qu'ils appliquent normalement.

2 Nous avons réussi à appeler à la barre deux personnes, donc nous n'avons

3 que deux noms à expurger, et deux personnes que nous souhaitons entendre

4 dans le cadre de cette déclaration. Donc deux consentements à obtenir pour

5 le moment.

6 Je demanderai à la Chambre d'entendre cet élément de preuve. La deuxième

7 déclaration a été communiquée et signifiée; et nous avons un reçu qui le

8 prouve, en février de cette année, si je ne m'abuse. Mais c'est surtout la

9 deuxième déclaration sur laquelle nous avons l'intention de nous appuyer.

10 Donc s'agissant de M. Abrahams, il faudrait qu'il soit averti à l'avance

11 de la décision qui sera rendue.

12 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'est un témoin 92bis? C'est

13 cela que vous demandez?

14 M. Nice (interprétation): Nous l'avons déjà demandé, de façon officieuse.

15 On m'a dit que ceci ne serait probablement pas possible, mais je n'ai pas

16 reçu de réponse officielle.

17 M. le Président (interprétation): Nous devons nous repencher sur cette

18 question.

19 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup. Je demande de l'aide sur cette

20 question assez délicate et j'aimerais également vous soumettre un autre

21 sujet qui a été traité ex parte. Cela ne devrait pas prendre trop

22 longtemps.

23 Une référence a été faite ce matin à l'Article 70 et au témoin témoignant

24 en application de cet Article. Il est possible que les choses n'aient pas

25 été dites assez précisément, mais dans un ex parte, il est tout de même

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1 possible de s'exprimer.

2 Cependant, la Chambre doit donner son feu vert s'agissant de la pratique,

3 bien connue dans d'autres affaires, concernant l'application de l'Article

4 70 aux témoignages et aux présentations d'éléments de preuve.

5 La demande que je peux soumettre, de la façon la plus générale, est la

6 suivante. Je demande que le représentant du pays fournisseur du témoignage

7 soit présent dans le prétoire. Je laisse cela de côté, mais cela fait tout

8 de même partie de ma requête.

9 Si les questions du Procureur doivent être limitées à de très grandes

10 lignes qui ont déjà été acceptées par le gouvernement, je pense qu'il

11 conviendrait que le témoignage soit tout de même plus complet. Il faut que

12 le champ du contre-interrogatoire se limite à celui de l'interrogatoire

13 principal, mais ce qui est encore plus important, c'est qu'une ordonnance

14 est nécessaire pour obtenir ce témoignage.

15 Maintenant, s'agissant de l'accord au sujet de l'Article 70 entre le

16 Bureau du Procureur et le gouvernement qui fournit le témoignage, la

17 question qui se pose c'est que la Chambre pourrait rendre une ordonnance à

18 l'avance afin que des mesures puissent être prises rapidement en cas de

19 nécessité ou, au cas par cas, pour les témoins que nous souhaitons

20 entendre dans ce prétoire. La réponse à cette question pourrait me

21 permettre d'accélérer la procédure.

22 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons nous pencher sur

23 cette question.

24 Veuillez faire entrer le témoin suivant, je vous prie.

25 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président…

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1 M. Milosevic (interprétation): Puis-je faire un commentaire

2 supplémentaire, dans la déclaration même? Je parle de la déclaration de M.

3 Abrahams.

4 Il est dit à deux reprises qu'il a été engagé par le Bureau du Procureur

5 durant l'année 2000 et l'année 2001. Et il le dit lui-même, dans sa

6 deuxième déclaration, il a travaillé à l'analyse de l'Acte d'accusation et

7 à des recherches relatives à l'Acte d'accusation. Cela signifie que,

8 professionnellement, il était engagé dans ce travail; autrement dit, il

9 fait partie de l'équipe du Bureau du Procureur. Et, de ce point de vue-là,

10 puisqu'il a travaillé à l'analyse d'enquête, c'est un exemple tout à fait

11 flagrant d'employé du Bureau du Procureur. C'est quelqu'un qui a collaboré

12 à des activités et ensuite il a également effectué des travaux d'analyse

13 de cet Acte d'accusation.

14 Nous pouvons conclure que si M. Nice est en train de déposer sur ses

15 propres constatations et ses propres allégations, c'est comme s'il

16 changeait la place du micro et qu'il posait la question pour se mettre à

17 la place du témoin.

18 Je pense qu'il est tout à fait clair que, de ce point de vue, M. Abrahams

19 fait partie de l'équipe du Bureau du Procureur. C'est ce qu'il confirme

20 lui-même à la fois en 2000, en 2001 et 2002, donc il est dans une position

21 encore pire que celui que vous venez de refuser à l'heure.

22 Je souhaite vous rappeler que, s'agissant du général Maisonneuve, général

23 qui était au Kosovo, vous ne lui avez pas permis de répondre à ma question

24 qui concernait son opinion. Alors qu'ici, un homme qui n'était pas témoin

25 oculaire et qui n'est pas un expert non plus ayant activement participé

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1 aux travaux du Bureau de Procureur, vous lui rendez possible de venir

2 témoigner ici devant vous.

3 Je pense qu'il s'agit ici d'une manipulation évidente et inacceptable à

4 laquelle le Procureur a eu recours et je pense que vous devriez réagir

5 face à cela et surtout à ce que le Procureur a dit pour terminer,

6 lorsqu'il a dit qu'il devrait déposer en vertu de l'Article 70, à savoir

7 pour présenter des allégations tout en protégeant les sources. Et cela

8 doit aller aussi loin qu'il ne doit pas dire même les choses générales

9 concernant les sources ou les conversations. Cela va très loin concernant

10 tous ces témoins secrets.

11 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre, Monsieur

12 Milosevic, parce que vous pouvez traiter de tout cela en temps voulu

13 lorsqu'il sera venu ici afin de déposer.

14 Sur la base de ce que M. Nice a dit, nous pouvons comprendre quelles sont

15 les informations qui seront traitées dans le cadre de sa déposition.

16 Mais voyons maintenant qui sera le témoin suivant.

17 Mme Romano (interprétation): Ce sera Bilall Avdiu. Je souhaite simplement

18 rappeler que le témoin est une personne extrêmement simple et il a des

19 difficultés à lire, donc qu'il ne pourra pas lire la déclaration

20 solennelle et je pense qu'il faudra avertir également l'accusé que les

21 questions doivent rester simples, sinon il ne sera pas compris.

22 (Le témoin, M. Bilall Avdiu, est introduit dans le prétoire.)

23 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

24 L'interprète peut-il lire la déclaration solennelle? Et M. Avdiu va

25 répéter cela après l'interprète.

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1 L'interprète peut-il lire la déclaration, s'il vous plaît?

2 M. Avdiu (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

3 vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.

4 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir,

5 Monsieur.

6 (Le témoin s'exécute.)

7 (Interrogatoire principal du témoin, M. Bilall Avdiu, par Mme Romano.)

8 Mme Romano (interprétation): Témoin, votre nom est Bilall Avdiu?

9 M. Avdiu (interprétation): Oui.

10 Question: Quand êtes-vous né?

11 Réponse: En 1947.

12 Question: Etes-vous né à Racak?

13 Réponse: Racak?

14 Question: Vivez-vous à Racak?

15 Réponse: Oui.

16 Question: M. Avdiu, vous avez fait une déclaration auprès du Bureau du

17 Procureur le 30 novembre 1999. Est-ce que vous vous en souvenez?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Le 28 mai 2002, vous avez assisté à une réunion avec l'officier

20 instrumentaire de ce Tribunal, et la déclaration que vous avez faite en

21 langue albanaise vous a été lue. Est-ce que vous vous en souvenez?

22 Réponse: Oui.

23 Question: A ce moment-là, vous avez eu l'occasion de lire cela. Et est-ce

24 que vous étiez d'accord avec le contenu de votre déclaration?

25 Réponse: Oui.

Page 5957

1 Mme Romano (interprétation): Le Procureur souhaite proposer le versement

2 au dossier de la déclaration du document.

3 Mme Ameerali (interprétation): La cote sera 187 pour la version non

4 expurgée, et 187A pour la version expurgée.

5 (Intervention de l'huissier.)

6 Mme Romano (interprétation): Afin de clarifier un point, je souhaite dire

7 que cette déclaration a deux annexes.

8 Annexe A: ce sont des photographies fournies par le témoin, où il montre

9 sa maison et plusieurs autres endroits à Racak. Ces photographies sont les

10 mêmes que celles qui sont contenues dans le classeur Racak, intercalaire

11 8.

12 Et l'annexe B: ce sont les photographies de véhicules identifiés par le

13 témoin.

14 Le résumé de la déclaration du témoin est comme suit: il s'agit là d'un

15 Albanais du Kosovo qui a survécu à l'incident qui a eu lieu dans la ravine

16 de Racak, le 15 janvier 1999. Il dit que, vers la fin de l'année 1998, il

17 y a eu deux attaques contre Racak, lancées par la police serbe qui était

18 positionnée sur les collines autour du village. Au cours de ces

19 offensives, il n'y a pas eu de présence de l'UCK dans le village. Personne

20 n'a été tué pendant ces offensives, mais seulement deux civils ont été

21 blessés et plusieurs maisons ont été endommagées ou détruites.

22 Le témoin dit que la police portait des uniformes de camouflage bleu et

23 des uniformes unis bleus, et que les soldats de la VJ portaient des

24 uniformes verts de camouflage. Les véhicules de la police et les véhicules

25 militaires, les transporteurs et les Praga, que le témoin a observés sur

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1 la colline de Çesta, avant et le jour du 15 janvier 1999, ont été

2 identifiés dans l'annexe B de sa déclaration.

3 Le 15 janvier 1999, à 7 heures du matin, le témoin s'est réveillé à cause

4 des coups de feu et des explosions dans le village. Il a réalisé qu'une

5 attaque avait été lancée contre le village et il s'est abrité dans

6 l'étable d'Osmani. Son fils a été blessé par balle à la jambe gauche.

7 Lorsqu'il est entré dans l'étable, il y avait cinq hommes du village, ils

8 étaient tous non armés et portaient des vêtements civils. Ils ont tous

9 quitté l'étable et sont allés à la maison de Sadik Osmani où ils ont

10 rejoint les autres hommes du village.

11 Environ 25 policiers sont arrivés; ils ont fait sortir tous les hommes et

12 les ont fouillés. Leurs cartes d'identité ont été prises, et la police a

13 commencé à passer à tabac ces personnes en employant des bâtons et

14 d'autres instruments. On jurait contre eux et on proférait des menaces en

15 disant qu'ils allaient être tués. Les soldats de la VJ étaient également

16 présents.

17 Les hommes ont tous reçu les ordres de monter sur la colline jusqu'à la

18 ravine; ils y sont allés. Le témoin a vu des policiers serbes en uniforme

19 qui criaient et juraient contre eux. Les policiers serbes ont ouvert le

20 feu sur les hommes et les ont tués.

21 Le témoin -c'était en fin de nuit- est resté comme ça pendant cinq heures

22 afin de rester vivant. Il a vérifié si des victimes, d'autres victimes

23 montraient des signes de vie. Il a passé la nuit dans la forêt avec

24 d'autres survivants. Le témoin dit que tous les hommes dans la ravine

25 étaient des civils et qu'ils ne portaient rien qui pourrait être compris

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1 comme un uniforme. La plupart de ces gens étaient soit jeunes soit des

2 hommes âgés.

3 Je n'ai plus d'autre question.

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

5 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Bilall Avdiu, par l'accusé M.

6 Milosevic.)

7 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration, vous dites que deux

8 offensives ont été effectuées contre Racak à la fin 1998 jusqu'au 15

9 janvier 1999. Est-ce que vous pouvez nous dire les dates de ces

10 offensives?

11 M. Avdiu (interprétation): Cela s'est passé à la fin de 1998. Les forces

12 serbes et l'armée serbe ont essayé d'entrer dans le village, mais il n'y

13 avait pas de soldats de l'UCK.

14 Question: Est-ce qu'une attaque avait été lancée contre ce village avant

15 1998?

16 Réponse: Ils sont entrés et ils ont brûlé les maisons, environ 65 maisons.

17 Il n'y avait pas de KLA, d'UCK, mais ils ont brûlé les maisons, incendié

18 les maisons. Les forces serbes et la police ont fait ça.

19 Question: S'il vous plaît, écoutez bien mes questions et veuillez répondre

20 à mes questions.

21 Est-ce qu'il y a eu des attaques contre ce village avant la fin de 1998?

22 Par exemple, en été 1998?

23 Réponse: Il y avait eu une attaque, mais je ne suis pas sûr de la date.

24 Question: Est-ce qu'il y a eu une attaque pendant l'été, l'été 1998?

25 Réponse: Oui.

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1 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que cela veut dire que c'était la

2 troisième attaque? Parce que vous avez parlé de deux attaques entre la fin

3 1998 et le 15 janvier. Donc est-ce que cela veut dire que c'était une

4 troisième attaque, mais une attaque qui serait survenue avant les deux

5 autres?

6 M. le Président (interprétation): Peut-être que ceci peut rendre le témoin

7 perplexe.

8 Monsieur Avdiu, dites-nous, s'il vous plaît, dites-nous combien d'attaques

9 au total ont été lancées par les Serbes au cours des années 1998, 1999?

10 M. Avdiu (interprétation): Deux en 1998, ils ont attaqué deux fois. Et

11 puis, le 15 janvier, ils sont entrés au village, ils ont encerclé le

12 village pendant la nuit. Et le matin du 15, à 7 heures du matin, des deux

13 côtés du village, dans le quartier de la mosquée...

14 M. Milosevic (interprétation): Très bien, je ne vous ai pas demandé cela.

15 Donc vous dites qu'il y a eu deux attaques en 1998?

16 M. le Président (interprétation): C'est ce qu'il a dit.

17 M. Milosevic (interprétation): A quel moment la première attaque a-t-elle

18 été lancée en 1998?

19 M. Avdiu (interprétation): Je ne sais pas exactement. Je ne connais pas la

20 date exacte.

21 Question: Est-ce que c'était au printemps, en été, en automne ou en hiver?

22 Réponse: C'était dans la deuxième moitié de l'été.

23 Question: Et que s'est-il passé au cours de cette première attaque dont

24 vous dites qu'elle a eu lieu au cours de la deuxième moitié de l'été?

25 Réponse: Eh bien, les forces serbes ont attaqué le village, la police a

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1 attaqué, mais ils ne sont pas entrés dans le village. La deuxième fois,

2 ils sont entrés dans le village des deux côtés et ils ont incendié les

3 maisons.

4 Question: Mais je vous pose des questions concernant cette première

5 attaque, l'attaque qui a eu lieu en été. Ils ne sont pas entrés au

6 village, dans le village?

7 Réponse: Non, effectivement.

8 Question: Est-ce que quelqu'un a été blessé à ce moment-là dans le

9 village, est-ce que quelque chose a été détruit ou incendié dans le

10 village, à ce moment-là?

11 Réponse: Oui, il y avait des incendies dans le village, mais personne n'a

12 été tué ou blessé.

13 Question: Comment est-ce qu'il y a eu des incendies s'ils ne sont pas

14 entrés dans le village?

15 Réponse: Je ne connais pas la date. Mais la première fois et puis la

16 deuxième fois, ils sont entrés et ils ont brûlé. Et puis, la première fois

17 et la deuxième fois, ils ont lancé une attaque, ils ont pilonné depuis une

18 distance et ensuite, ils sont entrés et, ensuite, ils ont incendié des

19 maisons et, ensuite, ils nous ont réveillés de notre sommeil.

20 Question: Et vous avez dit que, pendant ce que vous appelez les

21 offensives, il n'y a pas eu de membres de l'UCK dans le village, mais

22 seulement des civils. Est-ce exact?

23 Réponse: Il n'y avait que des civils.

24 Question: Et comment se fait-il qu'ils n'ont pas réussi, comme vous dites,

25 que les forces serbes n'ont pas réussi à entrer dans le village? Vous avez

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1 dit que ces offensives se sont soldées par un échec. Qui résistait à

2 l'armée et à la police à l'époque?

3 Réponse: Ils nous ont provoqués. La police serbe.

4 Question: Est-ce que cela veut dire qu'ils ne voulaient pas entrer dans le

5 village?

6 Réponse: Ils nous ont provoqués. Ils ont tiré sur nous dans le village.

7 Question: Ils tiraient de loin donc, mais ils ne sont pas entrés dans le

8 village?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce qu'il y a eu des victimes à ce moment-là? Est-ce que vous

11 êtes au courant de ça?

12 Réponse: Non.

13 Question: Pas dans le village. Est-ce que vous savez s'il y a eu des

14 victimes du côté de l'armée et de la police? Est-ce qu'un soldat ou un

15 policier a été tué?

16 Réponse: Non, non.

17 Question: Est-ce que les habitants de votre village, donc vous, les

18 habitants du village, est-ce que vous aviez fait un plan, établi par

19 avance, en cas d'attaque contre le village?

20 Réponse: Je ne sais pas. Il n'y avait pas de plan.

21 Question: Est-ce que vous pourriez expliquer comment est-ce possible que,

22 lors de ces attaques et de ces pilonnages du village -comme vous dites-

23 lancés par l'armée et la police, qu'il n'y ait eu aucune victime?

24 Réponse: Je ne sais pas.

25 M. Milosevic (interprétation): Bien. Et est-ce que vous avez des

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1 informations ou une idée concernant la question de savoir pourquoi l'armée

2 souhaitait entrer, s'emparer de votre village sans défense, où aucune

3 présence de l'UCK n'existait?

4 M. le Président (interprétation): Il ne revient pas à ce témoin de

5 répondre à cette question. Il ne peut pas dire pourquoi l'armée a fait

6 quelque chose.

7 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Est-ce que vous savez où se

8 trouve le village de Rance?

9 M. Avdiu (interprétation): Oui.

10 Question: Quelle est la distance entre lui et Racak?

11 Réponse: Cinq kilomètres.

12 Question: Est-ce que vous y étiez à la fin de l'année 1998, début 1999?

13 Réponse: Non, je n'étais pas à Rance.

14 Question: Et est-ce qu'à Racak, vous étiez au courant du fait que le

15 quartier général de l'UCK s'y trouvait?

16 Réponse: Je ne suis pas au courant du fait qu'il y avait un quartier

17 général là-bas. Il y avait un quartier général avec des gens de l'UCK; ils

18 s'occupaient du terrain.

19 Question: Et à la fin de l'année 1998, combien de membres de l'UCK se

20 trouvaient à Racak même?

21 Réponse: Je n'ai pas entendu cela. Il n'était pas permis d'aller au

22 quartier général. Je suis allé...

23 Question: Savez-vous quel était le nom du commandant de l'UCK à Racak?

24 Réponse: Je ne sais pas.

25 Question: Est-ce qu'ils étaient sans cesse dans le village, ou bien est-ce

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1 qu'ils partaient ailleurs avec d'autres membres de l'UCK, par exemple à

2 Rance et dans d'autres villages?

3 Réponse: Ils restaient pendant de brèves périodes et puis leur quartier

4 général était à Rance.

5 Question: Pendant la durée de leur séjour à Racak, est-ce que les membres

6 de l'UCK avaient leurs locaux, un endroit où ils dormaient, où ils

7 restaient, où ils se soignaient, etc.?

8 Réponse: Moi, je n'étais pas au quartier général.

9 Question: Est-ce que vous étiez à l'hôpital?

10 Réponse: Non. Je n'étais pas à l'hôpital.

11 Question: Est-ce que ça veut dire que vous pouviez rencontrer des membres

12 de l'UCK seulement dans la rue?

13 Réponse: Je ne les ai pas vus. Ils surveillaient le terrain et je ne sais

14 pas où ils étaient. Je ne connaissais pas leurs noms. Cela ne se faisait

15 pas, on ne demandait pas aux gens qui ils étaient.

16 Question: D'accord, mais vous avez dit que sur ces 30 membres de l'UCK, 10

17 étaient vos voisins ou vos cousins, vos parents. Vous connaissiez au moins

18 des noms de ces voisins et de ces cousins?

19 Réponse: Il n'y avait pas de membres de ma famille au sein de l'UCK. Et en

20 ce qui concerne d'autres personnes, je ne sais pas qui y était.

21 Question: Très bien. Mais ces gens que vous mentionnez comme vos voisins

22 ou vos parents, est-ce que vous les connaissez?

23 Réponse: Je les connais. Oui.

24 Question: Les habitants de Racak, est-ce qu'ils aidaient ces membres de

25 l'UCK, ces 10 voisins ou cousins, pendant leur attaque contre la police,

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1 l'armée, etc.?

2 Réponse: Non. Ils n'attaquaient jamais.

3 Question: Et est-ce que quelqu'un parmi les habitants du village, hormis

4 les membres de l'UCK, avait des armes?

5 Réponse: Non.

6 Question: Personne dans le village n'avait d'armes, sauf les membres de

7 l'UCK?

8 Réponse: C'est exact.

9 Question: Vous avez dit dans votre déclaration que la maison de Faik

10 Limani se trouvait juste à côté de votre maison. Ensuite, vous dites que

11 c'était à environ 50 mètres. Quelle est la distance de cette maison

12 véritablement? C'est la première maison à côté de la vôtre, mais quelle

13 est la distance réelle?

14 Réponse: La maison qui se trouvait à côté de la mienne est à environ 10

15 mètres de ma maison, derrière.

16 Question: Pas 50 alors, n'est-ce pas?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Et la maison de Faik Limani, est-ce qu'elle se trouve à une

19 distance de 50 mètres de votre maison, ou bien est-ce cela la maison qui

20 est à une distance de 10 mètres de votre maison?

21 Réponse: Seul un chemin nous sépare, et puis la maison suivante est à une

22 distance de moins de 10 mètres.

23 Question: Mais est-ce là la maison de Faik Limani?

24 Réponse: Oui, oui.

25 Question: Très bien. Et lorsque l'attaque contre Racak a commencé, vous et

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1 votre fils, vous vous êtes dirigés vers cette maison. Pourquoi?

2 Réponse: Oui. La police et l'armée serbes ont encerclé le village pendant

3 la nuit. Et le matin, on entendait des coups de feu de tous les côtés. Il

4 y avait des Praga, des chars, des véhicules blindés. Ceci nous a

5 réveillés. Nous sommes allés dans la cour. Les tirs se poursuivaient...

6 M. Milosevic (interprétation): Je comprends cela. Ma question est de

7 savoir pourquoi vous êtes allés à la maison de Faik Limani, puisque vous

8 dites qu'elle est à seulement 10 mètres de la vôtre? Qu'est-ce qui se

9 trouvait dans la maison de Faik Limani?

10 M. Avdiu (interprétation): Il y avait quatre frères et une sœur dans la

11 maison; j'y suis allé, je les ai réveillés. Je suis allé là-bas pour les

12 réveiller.

13 M. le Président (interprétation): Il est 2 heures moins le quart. Il est

14 temps de lever l'audience.

15 Monsieur Avdiu, veuillez revenir demain matin à 9 heures afin de continuer

16 votre déposition.

17 Veuillez ne parler avec personne de votre déposition jusqu'à ce qu'elle

18 soit terminée, ceci se réfère également aux membres du Bureau du

19 Procureur. Donc veuillez revenir demain matin à 9 heures.

20 Nous levons l'audience maintenant.

21 (L'audience est levée à 13 heures 45.)

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