Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 10 juillet 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures.)

3 (Le Témoin K25 est déjà dans le prétoire.)

4 (Audience publique avec mesures de protection.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

6 (Contre-interrogatoire du Témoin K25 par l'accusé M. Milosevic.)

7 M. Milosevic (interprétation): Vous vous êtes rendu au Kosovo à six

8 reprises en l'espace de peu de temps, somme toute. Je pense que vous

9 connaissez bien, assez bien la situation qui prévaut là-bas.

10 J'aurai maintenant une question assez précise à vous poser: est-ce que la

11 population locale, d'après ce que vous avez pu observer, creusait

12 fréquemment des tranchées pour l'UCK?

13 Témoin K25 (interprétation): Oui.

14 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous dire quoi que

15 ce soit quant au fait de savoir s'ils le faisaient dans le cadre de

16 travaux forcés? Est-ce qu'on les obligeait à le faire?

17 Témoin K25 (interprétation): Je ne peux pas vous dire cela, je ne le sais

18 pas.

19 M. le Président (interprétation): Nous n'entendons pas les interprètes.

20 Nous entendons à présent les interprètes.

21 M. Milosevic (interprétation): (Pas d'interprétation.)

22 Interprète: Nous précisons qu'il y a des problèmes d'interprétation qui

23 semblent se poser dans le prétoire.

24 Témoin K25 (interprétation): Parfois les membres de la population locale

25 creusaient des tranchées de leur propre initiative et librement, mais

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1 parfois ils étaient forcés à le faire.

2 M. le Président (interprétation): Très bien. Je vous remercie, nous

3 pouvons poursuivre.

4 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

5 Avez-vous entendu circuler des rumeurs selon lesquelles à Male Krusha,

6 donc précisément dans la zone où vous étiez déployé à un moment critique,

7 il y avait plus de 100 personnes? Est-ce que vous avez vu ou entendu dire

8 qu'un crime avait été perpétré dans la zone?

9 Témoin K25 (interprétation): Non, jamais je n'ai entendu dire quoi que ce

10 soit, jamais je n'ai observé quoi que ce soit, jamais je n'ai entendu de

11 rumeur circuler à propos de la mort d'une centaine de personnes.

12 Question: Est-ce qu'il y a jamais eu des échanges de coups de feu dont on

13 aurait pu penser qu'ils étaient liés à un tel événement?

14 Réponse: Non, jamais je n'ai entendu d'échanges de coups de feu d'une

15 intensité telle qu'on puisse penser qu'ils pourraient conduire à la mort

16 d'autant de personnes.

17 Question: Etant donné que vous étiez membre de forces, d'unités spéciales,

18 vous vous êtes rendu sur place à de nombreuses reprises avec vos

19 camarades, avec vos amis, et vous avez servi au sein de la police pendant

20 longtemps en dépit de votre jeune âge.

21 Est-ce que vous pensez qu'il est possible pour notre police de rassembler

22 des citoyens pour ensuite les emmener et les abattre quelque part? Est-ce

23 que vous pouvez même concevoir que les pires de nos policiers soient à

24 même de se livrer à de tels actes?

25 Témoin K25 (interprétation): Je ne peux pas imaginer que quiconque… Il

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1 m'est difficile d'imaginer que quiconque que je connais soit à même de

2 faire quelque chose de ce type.

3 M. le Président (interprétation): Mais, Monsieur Milosevic, peu importe ce

4 que le témoin peut ou ne peut pas imaginer, peut ou ne peut pas se

5 figurer! Nous avons à nous pencher sur les éléments de preuve, or cette

6 question que vous posez n'a pas de pertinence.

7 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, si nous ne parlions

8 effectivement que de faits, rien de tout ceci ne se passerait. Vous n'avez

9 pas permis à citer Vollebaek, vous n'avez pas permis de citer le discours

10 de Clinton, discours dans le cadre duquel Clinton ment de façon éhontée à

11 propos des femmes, des enfants qui auraient été tués à Racak.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez entendu ce

13 que nous venons de vous dire: il y a des choses qui sont pertinentes, des

14 choses qui ne le sont pas. Vous demandez au témoin s'il arrive à

15 s'imaginer quelque chose, mais peu importe ce qu'il arrive à s'imaginer ou

16 pas. Tout cela n'a aucune pertinence, cela n'a pas trait aux éléments de

17 preuve qui ont pu être abordés jusqu'à présent.

18 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur May, nous nous en

19 tiendrons aux faits.

20 Monsieur, vous seriez à même de vous souvenir d'un tel incident, si vous y

21 aviez assisté ou si vous aviez entendu quoi que ce soit? Si vous aviez

22 entendu des tirs, vous vous en souviendriez?

23 Témoin K25 (interprétation): Bien sûr.

24 Question: Est-ce que vous avez vu que l'on mettait le feu à certaines

25 maisons de Mala Krusa?

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1 Réponse: Oui, deux ou trois maisons sont parties en flammes, mais je ne

2 pourrais pas être précis quant au nombre de maisons touchées.

3 Question: Est-ce que ces incendies étaient des incendies importants?

4 Réponse: Non, ce n'était pas un incendie très important. Je ne sais pas

5 comment ces maisons ont brûlé. Est-ce que c'était dû à des tirs très

6 nourris, est-ce qu'il y a autre chose qui a provoqué l'incendie? Je ne le

7 sais pas.

8 Question: Vous dites que vous ne savez pas comment ou dans quelles

9 circonstances ces maisons ont brûlé, mais est-ce que vous pourriez nous

10 donner une hypothèse? Est-ce que, d'après vous, il y a une raison

11 particulière pour laquelle elles ont été incendiées?

12 Réponse: Non.

13 Question: Essayez de me répondre de façon précise: est-ce que notre

14 police, par exemple votre unité, a mis le feu a la maison de qui que ce

15 soit?

16 Réponse: Non.

17 Question: Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec vos

18 camarades, vos compagnons à propos de ces différents incidents? Est-ce que

19 vous savez quoi que ce soit à propos de ce qu'auraient pu entendre dire

20 vos camarades, à propos de ce qu'ils auraient pu entendre dire à propos de

21 ces opérations à Mala Krusa de cette mise à feu de maisons?

22 Réponse: Non, personne n'a parlé de rien du tout.

23 Question: Quand vous êtes-vous trouvé sur place exactement?

24 Réponse: Du 25 au 27 ou 28.

25 Question: Eh bien, cet incident s'est produit le 26 mars, vous étiez donc

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1 présent à ce moment critique, vous étiez présent sur le terrain?

2 Réponse: En effet.

3 Question: Au vu de votre déclaration préalable, je vois que vous avez

4 entendu parler pour la première fois de cet événement par des enquêteurs

5 de ce Tribunal, lorsqu'ils sont venus s'entretenir avec vous. Est-ce

6 exact?

7 Réponse: Oui, mais j'ai d'abord entendu parler de cet incident à la

8 télévision.

9 Question: Et lorsque vous avez entendu ce qui a été dit à la télévision et

10 lorsque vous avez compris que vous aviez été sur place, à ce moment-là,

11 quelles ont été vos conclusions?

12 Réponse: Je n'y ai pas cru et j'ai parlé avec mes camarades plus tard et

13 personne n'a pu me dire quoi que ce soit à propos de cet incident;

14 personne ne savait rien.

15 Question: Vous avez pris part à ces opérations, vous vous êtes rendu à

16 Mala Krusa et vous n'avez rien vu, vous n'avez pas vu ces véhicules

17 arriver à Mala Krusa? Vous ne savez pas qui aurait pu se livrer à de tels

18 actes et, d'après votre déclaration préalable, la police ne s'est pas

19 rendue coupable de ces actes? Est-ce exact?

20 Réponse: Je peux dire que personne de ma compagnie n'a pris part à cela.

21 Non.

22 M. Milosevic (interprétation): Est-il envisageable qu'alors qu'on était en

23 train d'enterrer certaines personnes, on était en train en fait de tuer

24 des membres de l'UCK qui avaient été tués dans le cadre de conflits contre

25 nos forces.

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1 M. Nice (interprétation): C'est pure spéculation, il ne revient pas au

2 témoin de se prononcer là-dessus.

3 M. le Président (interprétation): Mais tout de même, il était présent.

4 Première question, est-ce que vous savez si qui que soit a été enterré?

5 Témoin K25, c'est à vous que je m'adresse.

6 Témoin K25 (interprétation): Mais non, c'est la première fois que j'en

7 entends parler.

8 M. Milosevic (interprétation): Que pouvez-vous nous dire à propos de ce

9 qui a été dit, eu égard au fait que des engins explosifs ont été enterrés

10 dans certains endroits de Mala Krusa?

11 Réponse: Je n'ai aucun élément d'information à vous communiquer là-dessus.

12 Question: Alors que vous occupiez les positions qui étaient les vôtres à

13 Mala Krusa, est-ce que des tirs d'artillerie ont été tirés de canons, de

14 chars par exemple, qui se trouvaient sur vos positions?

15 Réponse: Non.

16 Question: Et qu'utilisiez-vous, vous et les autres membres de la PJP,

17 hormis ces armes d'infanterie, hormis ces lance-roquettes à mains, ces

18 lance-roquettes "Zolja"? Est-ce que vous aviez des armes plus lourdes, des

19 armes d'artillerie plus lourdes?

20 Réponse: Non, en tout cas, pas notre compagnie.

21 Question: Et, savez-vous quoi que ce soit à propos d'un déplacement de

22 cadavres qui aurait eu lieu à Mala Krusa?

23 Réponse: J'en ai entendu parler ici pour la première fois, je ne sais rien

24 à ce sujet.

25 Question: Alors que vous vous trouviez au Kosovo, est-ce que vous-même ou

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1 est-ce que vos camarades avez entendu parler de cet incident ou d'un

2 incident similaire?

3 Réponse: Non.

4 Question: Alors que vous répondiez aux questions qui vous ont été posées

5 dans le cadre de l'interrogatoire principal, vous avez déclaré que vous

6 utilisiez des rubans, que vous portiez ces rubans sur vos uniformes. Et

7 moi, j'ai compris que vous aviez un code qui, chaque jour, établissait

8 quelles étaient les couleurs que vous deviez porter. Vous avez indiqué que

9 cela empêchait l'UCK de s'approcher de trop près des forces de police,

10 cela empêchait les membres de l'UCK de tendre des pièges aux membres de la

11 police.

12 Est-ce que vous savez quoi que ce soit à propos d'incidents au cours

13 duquel l'UCK aurait utilisé, à dessein, des uniformes de notre police pour

14 se livrer à certains actes et pour commettre des crimes?

15 Réponse: Oui, je sais qu'il y a eu un incident qui s'est produit en 1998,

16 incident au cours duquel les membres de l'UCK portaient nos uniformes et

17 où ils ont appelé certains de nos collègues qui se tenaient sur la route.

18 Suite à cela, ces membres de nos forces ont été blessés par l'UCK.

19 Question: Dans ce prétoire, nous avons entendu parler des cellules de

20 crise municipales, nous avons entendu parler d'autres entités de ce genre.

21 Est-ce que vous avez jamais entendu parler de ce type de structures? Est-

22 ce que vous étiez au courant de l'existence de ce type de structures? Par

23 ailleurs, savez-vous qu'il y avait au sein des municipalités de telles

24 cellules de crise chargées de traiter des problèmes quotidiens qui

25 survenaient en situation de crise et qui étaient chargées de

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1 l'organisation de la population? Est-ce que vous savez quoi que ce soit à

2 ce sujet?

3 Réponse: Non.

4 Question: Hier, en réponse à une question qui vous a été posée par la

5 partie adverse, vous avez expliqué quelles étaient les tâches des forces

6 de réserves locales et j'ai pris note de ce que vous avez dit. Vous avez

7 répondu à la question posée qui vous était posée que les forces de réserve

8 se protégeaient elles-mêmes.

9 Est-ce que c'est là tout ce que vous avez à répondre? Est-ce que cela veut

10 dire qu'il n'y avait pas sur place assez de forces de police pour protéger

11 les civils? Est-ce que cela veut dire que les forces de réserve

12 défendaient leurs propres habitations, leurs propres villages?

13 Réponse: Oui, c'est exact. Il était nécessaire qu'ils se protègent.

14 Question: D'après ce que vous savez, est-ce qu'ils étaient chargés d'une

15 quelconque autre tâche, hormis celle qui consistait à défendre leurs

16 habitations?

17 Réponse: Non, pas que je sache.

18 Question: Hier, pendant l'interrogatoire principal, on a évoqué un

19 événement -et j'ai pris quelques notes-, un événement au cours duquel des

20 réfugiés auraient été victimes de vol. Je crois que trois personnes -c'est

21 du moins ce que vous avez décrit- ont essayé de voler les biens de

22 certains réfugiés; vous avez chassé ces personnes.

23 Est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce qui s'est passé, qui

24 étaient ces personnes? Pourriez-vous nous dire si vous avez été à même de

25 comprendre qui ces personnes étaient? Merci de nous décrire cet événement.

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1 Réponse: Cet incident s'est produit, je ne pourrais pas vous en donner la

2 date exacte, mais cela s'est passé alors que nous nous trouvions à Mala

3 Krusa. Il s'agissait de trois policiers. Je crois qu'il s'agissait de

4 policiers parce qu'ils portaient des uniformes de camouflage bleus et des

5 masques sur leur visage. Ils ont essayé de voler les biens de certains

6 réfugiés, mais le commandant de notre compagnie s'est interposé, a mis son

7 insigne qui faisait apparaître son grade et a tout fait pour les chasser.

8 Mais ils ont armé leur fusil et ils l'ont pointé vers lui. Nous avons dû

9 nous approcher à notre tour pour apporter notre soutien à notre commandant

10 et nous avons fini par les chasser. Ils sont partis, ils sont montés à

11 bord de leurs propres véhicules qui étaient des véhicules civils; ils sont

12 partis.

13 Question: Vous dites que c'étaient des véhicules civils?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Trois personnes: mais pourquoi ne les avez-vous pas arrêtées?

16 Réponse: Mais ils portaient un uniforme. J'ai précisé qu'ils portaient un

17 uniforme, en dépit du fait qu'ils utilisaient des véhicules civils.

18 C'était assez habituel.

19 Question: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

20 Réponse: Ce que je veux dire, c'est qu'on utilisait assez fréquemment des

21 véhicules civils là-bas.

22 Question: Lorsqu'un policier est pris la main dans le sac, s'il est pris

23 en flagrant délit, il est normalement arrêté?

24 Réponse: Mais nous avions peur qu'ils nous tirent dessus.

25 Question: Est-ce qu'ils ont réussi à voler les biens de qui que ce soit?

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1 Réponse: Non.

2 Question: Comment ont-ils réussi à s'approcher et que voulaient-ils?

3 Réponse: Ils se sont approchés de réfugiés qui se déplaçaient le long de

4 la route.

5 Question: Est-ce que vous avez traversé une expérience comparable en

6 d'autres endroits? Est-ce que vous vous êtes retrouvé en présence de tels

7 prédateurs qui essayaient de déposer ces colonnes de réfugiés?

8 Réponse: Non, c'est l'unique fois où cela s'est produit en ma présence.

9 Question: Hier, M. Nice a parlé du fait que des hommes, des femmes, des

10 enfants qui se trouvaient à la gare de Mala Krusa n'auraient jamais pu

11 obtenir de l'eau sans votre intervention. Est-ce que vous pourriez, s'il

12 vous plaît, nous expliquer exactement ce qu'il en était? Est-ce que des

13 personnes ont refusé de donner de l'eau, de la nourriture ou des

14 médicaments à ces réfugiés? Quels étaient les problèmes auxquels ces

15 réfugiés étaient confrontés? Est-ce qu'on leur interdisait l'accès à

16 l'eau?

17 Réponse: J'ai dit hier qu'il n'était pas coutumier que les choses se

18 passent de la façon que vous décrivez. Non, ils avaient tout ce dont ils

19 avaient besoin.

20 Question: A la gare, est-ce que les membres des forces de police ont

21 obligé ces personnes à rester à la gare? Est-ce qu'elles ont été obligées

22 de monter à bord de trains, ou est-ce que les personnes qui étaient là

23 s'étaient rendues à la gare de leur propre gré pour quitter le territoire

24 qui était touché par les opérations de combat?

25 Réponse: On leur avait expliqué qu'on organiserait leur déplacement à bord

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1 de véhicules depuis la gare, donc ils sont venus la gare et ils ont

2 attendu.

3 Question: Est-ce que, dans les environs de cette gare, vous avez pu

4 observer que des membres de la police locale ou d'autres forces de police

5 maltraitaient ces citoyens, frappaient ces personnes, importunaient ces

6 personnes qui attendaient à la gare?

7 Réponse: Vous savez, à un certain moment, il y avait plus de 500 réfugiés

8 à la gare; ils n'étaient surveillés par personne, ils se trouvaient seuls

9 à la gare. Il y a un policier qui se tenait sur la route pour tenter de

10 protéger les enfants qui traversaient la route pour aller chercher de

11 l'eau de l'autre côté. Il n'y avait personne d'autre que ces quelques

12 policiers sur la route. Ils étaient seuls à la gare. Et je vous indique

13 qu'ils n'ont pas été transportés à bord de trains mais à bord de bus.

14 Question: Cela ne fait aucune différence et ce n'était pas là l'objet de

15 ma question.

16 Vous dites qu'il y avait un officier de police sur la route qui essayait

17 de protéger les enfants qui traversaient cette route pour aller chercher

18 de l'eau; il protégeait ces enfants de toutes choses pouvant leur porter

19 atteinte?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Donc ces policiers tâchaient d'assurer la sécurité de ces

22 enfants?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Il y a quelque chose que vous avez dit hier que je n'ai pas bien

25 compris. Vous dites qu'il y avait là-bas beaucoup de réfugiés, mais vous

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1 avez dit –je vous cite-: "Personne n'est venu de Velika ou de Mala Krusa.

2 Ces personnes venaient de la direction de Celinë". (Fin de citation.)

3 Est-ce qu'il s'agissait de citoyens des deux Krusa, ou est-ce que

4 c'étaient des personnes qui venaient d'ailleurs?

5 Réponse: Pas un seul réfugié n'est venu de Velika ou de Mala Krusa. Tous

6 les réfugiés provenaient de la direction du village de Celinë. Je ne sais

7 pas quel était leur village d'origine, mais c'est de cette direction

8 qu'ils sont venus. Ils ne sont pas venus depuis Velika Krusa ou Mala

9 Krusa, les deux villages que vous évoquiez.

10 Question: Nous avons souvent entendu dire ici que les policiers –c'est-à-

11 dire nos policiers- emportaient les biens, les montres, les bijoux,

12 l'argent que détenait la population locale. On nous dit que les membres de

13 la police ont commis bien des crimes des viols, des vols, des viols, des

14 pillages. Est-ce que vous savez quoi que ce soit à ce propos?

15 Réponse: Non, je ne peux me prononcer que sur cet incident au cours duquel

16 nous sommes intervenus. C'est tout ce que je peux vous dire. En tout cas,

17 rien n'est arrivé qui a concerné les personnes avec lesquelles je me

18 trouvais.

19 Question: Est-ce que vous pourriez me dire une chose encore: je comprends

20 que vous avez un diplôme universitaire; c'est bien cela?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Vous avez un diplôme en droit?

23 Réponse: Non, pas un diplôme en droit.

24 Question: Vous avez dit, dans votre déclaration préalable, que le

25 commandant de toutes ces unités était le général Obrad Stevanovic, et que

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1 le commandant de toutes les unités du Kosovo était le général Sreten

2 Lukic.

3 Est-ce qu'il est jamais arrivé que l'un quelconque des quartiers-généraux,

4 c'est-à-dire le quartier général du général Obrad Stojanovic ou le

5 quartier général du général Sreten Lukic, est-ce que jamais donc, de l'un

6 quelconque de ces quartiers-généraux, vous avez reçu un ordre qui aurait

7 contrevenu aux lois qui doivent être respectées, qui aurait constitué une

8 violation des règles régissant le travail de la police?

9 Réponse: Non.

10 Question: Et il n'y a même pas eu d'ordre qui ordonnait que l'on agisse de

11 façon discriminatoire vis-à-vis de la population du Kosovo?

12 Réponse: Non, jamais.

13 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai plus de question à poser au témoin.

14 M. Wladimiroff (interprétation): Je n'ai pas de question à poser, Monsieur

15 le Président.

16 (Interrogatoire principal supplémentaire du Témoin K25 par M. Nice.)

17 M. Nice (interprétation): Vous nous avez expliqué que vous étiez caporal

18 au moment de ces incidents, de ces différents faits. N'est-ce pas exact?

19 Témoin K25 (interprétation): Oui. J'étais caporal, caporal de première

20 classe.

21 Question: Avez-vous directement reçu des instructions des généraux qui

22 étaient en poste à ce moment-là?

23 Réponse: Non.

24 Question: On vous a demandé ce qu'avaient pu faire d'autres membres des

25 forces de police au cours des différents événements que vous avez décrits.

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1 Je crois que vous trouviez sur la route au niveau du carrefour, n'est-ce

2 pas?

3 Réponse: C'est exact.

4 Question: Et, comme vous nous l'avez dit, sur cette route, il y avait des

5 chars, des officiers de police armés, et puis un petit peu plus haut sur

6 la route, un déploiement d'autres unités, armées également. C'est exact,

7 n'est-ce pas?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Et la route était parfois empruntée par des réfugiés qui

10 marchaient tous dans la même direction. N'est-ce pas exact?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que vous vous êtes vous-même rendu dans l'une quelconque

13 des maisons de Velika Krusa et Mala Krusa au moment où les habitants

14 quittaient les maisons?

15 Réponse: Non.

16 Question: Est-ce que vous avez jamais été à même d'entendre ce qui leur

17 était dit ou ce qui leur était fait lorsqu'ils quittaient leurs maisons?

18 Réponse: Non. Non, mais personne de ma compagnie n'a jamais pénétré dans

19 les villages; nous n'avions pas d'ordre nous enjoignant de le faire. Nous

20 tenions les lignes de blocus.

21 Question: On vous a posé des questions assez générales à propos de la

22 police, mais cette police était-elle composée de différentes unités

23 provenant de différents endroits?

24 Réponse: Je ne comprends pas la question. Est-ce que vous parlez des

25 forces de police en présence le long de la route dont je vous parlais? Si

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1 c'est le cas, oui.

2 Question: Est-ce que, dans les villages eux-mêmes, il y avait des forces

3 de police et des unités des forces armées? Le cas échéant, est-ce que ces

4 forces de police ou ces forces armées provenaient d'une unité autre que la

5 vôtre?

6 Réponse: Il n'y avait personne dans les villages. Le long de la route, il

7 y avait l'armée de la Yougoslavie, notre compagnie et la police locale,

8 mais il n'y avait pas de membres des forces de police à l'intérieur des

9 villages.

10 Question: Pour autant que vous le sachiez?

11 Réponse: Vous savez, on nous a tiré dessus et il est bien certain que ce

12 ne sont pas les officiers de police qui nous tiraient dessus.

13 Question: Penchons-nous sur la carte que vous nous avez soumise. Nous

14 pouvons voir…

15 Je propose que nous placions d'abord la carte sur le rétroprojecteur.

16 (Intervention de l'huissier.).

17 Si l'on examine cette carte sur le rétroprojecteur, est-il exact que nous

18 pouvons voir la zone qui nous concerne entièrement entourée de trois côtés

19 par les forces de l'armée ou de la police? Est-ce exact?

20 Réponse: Oui, c'est exact.

21 Question: Et comme vous nous l'avez expliqué, vous n'étiez jamais présent

22 dans quelque maison que ce soit lorsque ses habitants ont dû quitter la

23 maison? Ou qu'on leur a enjoint ou conseillé de quitter la maison, n'est-

24 ce pas?

25 Réponse: Non, jamais.

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1 Question: Nous avons entendu parler de "Zolja": de quel type d'arme

2 s'agit-il?

3 Réponse: Il s'agit d'un lance-roquettes portable.

4 Question: Est-ce que cette arme a un mécanisme d'orientation qui lui

5 permet de bien viser sa cible?

6 Réponse: Non.

7 Question: Est-ce qu'on a tiré avec une telle arme pendant l'opération sur

8 le pont de Mala Krusa, à ce que vous sachiez?

9 Réponse: Oui, une seule fois.

10 Question: Et lorsqu'on a tiré avec cette arme, est-ce qu'à votre

11 connaissance, il y avait des personnes sur le pont de Mala Krusa?

12 Réponse: Non pas sur le pont, mais sous le pont, il y avait des activités

13 qui nous visaient. Nous n'arrivions pas à repousser ces activités avec un

14 lance-roquettes portable. Donc, après ce tir unique -nous avons donc tiré

15 une fois contre eux-, toute activité a alors cessé.

16 Question: Est-ce que cela est compatible ou non, coïncide ou non avec les

17 victimes de cet incident sur le pont, en conséquence du lance-roquettes

18 portable?

19 Réponse: Non. Sur le pont, non. Je répète: c'est sous le pont qu'il y

20 avait des activités et on ne peut pas dire, personne ne saurait dire s'il

21 y a eu des victimes ou non. Tout ce que je pourrais dire, c'est qu'il n'y

22 a pas eu d'autres tirs depuis cet endroit par la suite. Mais ce n'est que

23 ma propre opinion, c'est ce que je présume.

24 Question: On vous a posé des questions concernant des crimes commis par la

25 police ou d'autres. D'après ce que vous savez, si les six personnes ou les

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1 trois personnes que vous avez vu emmener, puis que vous n'avez plus jamais

2 revues, si elles ont été tuées, est-ce que quelqu'un devrait en assumer la

3 responsabilité?

4 Réponse: Oui.

5 Question: L'accusé vous a posé plusieurs questions ou une question très

6 détaillée concernant le terme "mop-up" en anglais, "nettoyage ".

7 Quand avez-vous entendu ce terme pour la première fois? Qui l'a employé et

8 dans quelles circonstances?

9 Réponse: Ce terme était utilisé couramment, mais, comme je l'ai dit au

10 départ, ce n'était là qu'une expression, une façon de parler.

11 Question: On vous a posé des questions concernant le fait de savoir

12 pourquoi les réfugiés se déplaçaient ou non.

13 Veuillez nous répondre par oui ou par non: est-ce que les réfugiés eux-

14 mêmes vous ont décrit ce qui leur est arrivé quand ils se trouvaient dans

15 la zone de combat?

16 Réponse: Les histoires variaient, les récits variaient.

17 Question: Toujours en ce qui concerne les réfugiés, on vous a demandé ce

18 qui s'est passé à la gare, le nombre de personnes armées qui s'y

19 trouvaient, et ainsi de suite. Si les réfugiés avaient voulu rebrousser

20 chemin sur la même route qu'ils avaient empruntée pour arriver jusque là,

21 est-ce qu'il y avait sur cette route des chars, de la police armée et

22 d'ailleurs l'armée elle-même?

23 Réponse: Est-ce que vous voudriez bien répéter la question? Je ne suis pas

24 sûr d'avoir compris. Est-ce qu'ils auraient souhaité rebrousser chemin?

25 Réponse: S'ils avaient souhaité rebrousser chemin, est-ce qu'ils auraient

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1 dû emprunter une route sur laquelle il y avait des chars de la police

2 armée, et d'ailleurs même la VJ?

3 Réponse: S'ils avaient souhaité rebrousser chemin, ils auraient dû

4 emprunter la même route qu'ils avaient empruntée pour arriver jusque là.

5 Question: Vous dites que personne n'est sorti du village de Mala Krusa

6 même, sur la route où vous trouviez. Vous vous trouviez donc au carrefour.

7 Est-ce qu'il y avait d'autres routes, à votre connaissance, reliant Mala

8 Krusa à d'autres villages ou peut-être ne connaissiez-vous pas

9 suffisamment bien la géographie de la région?

10 Réponse: Ma position était sur les lignes de blocus; je n'ai jamais

11 pénétré plus loin dans le territoire.

12 M. Nice (interprétation): Je n'ai pas d'autre question. Merci.

13 (Questions de M. le Juge Kwon au Témoin K25.)

14 M. Kwon (interprétation): Témoin K25, j'ai quelques questions concernant

15 les six membres de l'UCK capturés par vous-même et rendus au MUP local.

16 Ce que l'on a affirmé, c'est qu'ils auraient peut-être été exécutés par

17 les membres du MUP local, est-ce exact?

18 Témoin K25 (interprétation): Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris.

19 Question: Ils auraient peut-être été exécutés par des membres du MUP local

20 dans la maison, dans l'immeuble, après qu'ils s'étaient livrés à ces

21 derniers?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Vous dites que vous avez entendu le bruit de tirs automatiques

24 une fois qu'ils sont entrés dans l'immeuble.

25 Qu'avez-vous fait après avoir entendu le bruit de ces tirs? Est-ce que

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1 vous avez cherché à savoir ce qu'il s'était passé? Est-ce que vous en avez

2 parlé à votre supérieur hiérarchique?

3 Réponse: Non, tout au long de la ligne de blocus, il y avait des tirs de

4 fusils et ces bruits venant de cette direction ne laissaient subsister

5 aucun doute: les tirs étaient incessants. Nous nous sommes imaginés que

6 quelqu'un avait peut-être tenté de s'enfuir.

7 Question: Mais qu'avez-vous fait après avoir trouvé les corps dans la

8 maison? Est-ce que vous en avez parlé à votre supérieur hiérarchique? Est-

9 ce que vous avez cherché à savoir après coup ce qui s'était passé?

10 Réponse: Je ne m'en souviens pas exactement. Tout s'est passé tellement

11 vite, je ne me souviens pas bien de l'ordre, de la séquence des

12 événements. Mais immédiatement après, je pense que nous avons quitté la

13 zone pour mener notre opération suivante.

14 Question: Vous n'avez donc rien fait, même après avoir vu un grand nombre

15 de cadavres?

16 Réponse: Eh bien, cela a été communiqué aux instances supérieures. J'ai

17 moi-même rédigé un rapport à l'intention de mon propre service, mais je ne

18 sais pas ce qui s'est passé ultérieurement.

19 Question: Je présume donc que vous-même ou votre compagnie avait laissé le

20 MUP local ou les paramilitaires, vous leur avez laissé le champ libre pour

21 qu'ils agissent, pour qu'ils commettent de tels actes préjudiciables? Vous

22 ne les avez pas punis par la suite?

23 Témoin K25 (interprétation): Comment pouvions-nous les empêcher alors

24 qu'ils avaient pour ordre de se rendre! Comment savoir ce qu'ils allaient

25 faire! Nos ordres étaient de chercher à ce qu'ils se rendent.

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1 M. Kwon (interprétation): Merci.

2 M. le Président (interprétation): Témoin K25, cela met un terme à votre

3 déposition. Merci d'être venu au Tribunal. Vous êtes libre de partir.

4 M. Nice (interprétation): J'aimerais évoquer une question administrative

5 ayant trait au témoin suivant.

6 (Le Témoin K25 est reconduit hors du prétoire.)

7 Mais j'aimerais en fait faire la requête en question plus tard dans la

8 matinée, j'aurai des informations plus complètes. Je crois que la Chambre

9 sait ce dont je parle.

10 M. le Président (interprétation): Non.

11 M. Nice (interprétation): Très bien.

12 M. le Président (interprétation): Mais vous pouvez aborder cela en fin de

13 matinée. Nous avons reçu la requête concernant le colonel Crosland et nous

14 avons l'intention d'y faire droit. Il pourra donc témoigner en bénéficiant

15 de la distorsion des traits de son visage, et sa date de naissance sera

16 expurgée.

17 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

18 En fait, je parlais de K33, l'ordonnance qui se rapporte à lui: nous

19 devrons en fait en discuter, étant donné que la Chambre ne siège pas

20 demain et vendredi. J'ai donc besoin d'un maximum d'informations pour

21 pouvoir prendre une décision en toute connaissance de cause. Donc

22 j'aimerais aborder cette question en fin de matinée.

23 M. le Président (interprétation): Très bien.

24 Mme Romano (interprétation): Le témoin suivant est Shyhrete Berisha.

25 Est-ce que la Chambre a le résumé? C'est une simple question. Je pense que

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1 nous l'avons déjà distribué, mais j'aimerais certainement confirmer cela.

2 Cela ne semble pas être le cas. Eh bien, j'ai ici des copies et je m'en

3 excuse: je croyais qu'on l'avait distribué auparavant.

4 (Le témoin, Mme Shyhrete Berisha est introduit dans le prétoire.)

5 (Audience publique.)

6 M. le Président (interprétation): Que le témoin prononce la déclaration

7 solennelle?

8 Mme Berisha (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, madame.

11 (Le témoin s'exécute.)

12 (Interrogatoire principal du Témoin, Mme Shyhrete Berisha, par Mme

13 Romano.)

14 Mme Romano (interprétation): Madame le témoin, voudriez-vous nous dire

15 votre nom et prénom?

16 Mme Berisha (interprétation): Je m'appelle Shyhrete Berisha.

17 Question: Etes-vous née le 5 décembre 1961?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Madame Berisha, est-ce que vous vous souvenez avoir fait une

20 déclaration au Bureau du Procureur le 17 mai 1999?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Est-ce que vous souvenez aussi d'avoir assisté à une réunion le

23 17 juin 2002, à laquelle assistait un officier instrumentaire de ce

24 Tribunal? A l'époque, vous aviez reçu une copie en langue albanaise, copie

25 de votre déclaration?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Vous souvenez-vous également avoir rajouté quelque chose à votre

3 déclaration?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Et, à l'époque, vous avez confirmé que votre déclaration est

6 véridique et exacte?

7 Mme Berisha (interprétation): Oui.

8 Mme Romano (interprétation): L'accusation demande le versement au dossier

9 de la déclaration faite par Mme Shyhrete Berisha.

10 (L'huissier s'exécute.)

11 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce de l'accusation 252.

12 Mme Romano (interprétation): Ce témoin a survécu aux massacres commis par

13 la police serbe et les paramilitaires à Suva Reka, le 26 mars 1999. Parmi

14 les victimes, il y avait son mari et quatre enfants. Le témoin est une

15 Musulmane qui vivait à Suva Reka avec son mari Nexhat Berisha et leurs

16 quatre enfants. Ils partageaient une maison avec la famille de Faton

17 Berisha, un neveu du mari du témoin, maison qui est juste en face du

18 commissariat de police de Suva Reka.

19 Est-ce que je peux demander à l'huissier de bien vouloir montrer au témoin

20 la première photo que l'on trouve à l'intercalaire 3, la photo n°14 dans

21 le classeur Suva Reka?

22 Madame, pouvez-vous nous confirmer qu'il s'agit bien là de la maison que

23 vous habitiez avec votre mari et vos quatre enfants?

24 Mme Berisha (interprétation): Oui, c'est bien la maison où j'habitais avec

25 mon mari et mes quatre enfants, du côté gauche, alors que, du côté droit,

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1 se trouvait le neveu de mon mari, Faton, avec sa femme, ses deux enfants

2 et sa sœur.

3 Question: Merci. En fin 1998, l'OSCE a emménagé dans la partie de la

4 maison où habitait le témoin. C'est devenu leur quartier général et l'OSCE

5 a occupé également la partie de la maison où habitait Faton. Après le

6 retrait de l'OSCE, le 20 mars 1999, il y a eu de nombreux mouvements de

7 police et de militaires serbes. Les jours suivants, le témoin a vu des

8 chars, des Pinzgauers et des véhicules militaires.

9 Le 25 mars, en début de matinée, la police a frappé à la porte, a obligé

10 le mari du témoin, Nexhat, à quitter la maison. Il a été roué de coups et

11 les pièces où se trouvait le matériel de l'OSCE ont été vandalisées. Le

12 témoin et d'autres ont été dépouillés d'environ 50.000 marks.

13 Pendant tous ces événements, un grand char était stationné à l'extérieur

14 avec son canon pointé vers la maison. Après cette attaque, le témoin et sa

15 famille ont emménagé dans la maison de l'oncle de son mari, Vesel Berisha,

16 à environ 30 mètres de sa propre maison. Il y avait; à ce moment-là, 25

17 personnes de différents âges qui habitaient la maison de Vesel. Le témoin

18 a nommé toutes ces personnes.

19 Dans la matinée du 26 mars 1999, deux chars étaient à l'extérieur de la

20 maison de Vesel avec leurs canons pointés vers la maison. A midi 20, de

21 nombreux hommes -environ une trentaine- portant des uniformes de la police

22 et certains en habits civils, portant des armes automatiques, ont quitté

23 le commissariat, sont arrivés à la maison du témoin. L'un d'entre eux

24 était connu sous le nom de Zoran; son nom de famille était peut-être

25 Popovic ou quelque chose de similaire. Ces hommes…

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1 Zoran était donc de Suva Reka. Il a exigé que l'un des occupants de la

2 maison, Bujar, sorte de la maison; Bujar a été abattu de suite. Les autres

3 occupants étaient absolument terrifiés, paniqués et ils ont tenté de fuir.

4 Tous les hommes ont été arrêtés. Le mari du témoin, Nexhat, a été enjoint

5 par un dénommé Miskovic de lever les mains en l'air; il l'a fait et le

6 témoin a vu qu'on lui a tiré une balle dans le dos.

7 Le témoin tenait deux de ses enfants par la main. Il y a eu de nombreux

8 coups de feu. De nombreuses personnes ont été blessées. Les survivants -40

9 ou 50 personnes-, notamment des femmes et des enfants et plusieurs membres

10 de la famille Berisha, ont été obligés de se rendre dans un café.

11 Est-ce qu'on voudrait bien soumettre au témoin la deuxième photo, la photo

12 n°2 dans le classeur Suva Reka, intercalaire 3?

13 Madame le Témoin, est-ce le café où vous vous êtes rendue?

14 Mme Berisha (interprétation): Oui, c'est bien là le café où la police

15 serbe a tué mes quatre enfants, les enfants de ma belle-sœur et les autres

16 membres de la famille Berisha.

17 Ils nous ont contraints à entrer dans ce café, ils nous ont donné pour

18 ordre de nous asseoir. Certains étaient assis sur des chaises, d'autres

19 sur des couvertures, mais peu après ils ont commencé à tirer sur nous avec

20 des armes automatiques. Tout d'abord, la personne qui était la plus proche

21 de moi, c'était Zoran –c'est la première personne que j'ai vue-, mais il y

22 en avait bien d'autres. Après, je n'ai plus rien vu parce qu'il y avait

23 tant de gens tout autour. J'ai entendu ces tirs, ces coups de feu. Cela a

24 duré 20 minutes, peut-être même une demi-heure. Sans interruption. Les

25 tirs étaient incessants.

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1 Et puis, cela a cessé. Les tirs donc. Puis, j'ai vu que Vjollca était

2 toujours en vie; elle m'a dit: "Shyhrete, regarde ce qu'ils nous font.

3 Essaie de trouver Dafina." Et puis, bon, j'ai vu que Dafina, la fille de

4 Vjollca, souffrait. Et la fille de Musli Berisha a dit: "Regardez ce

5 qu'ils m'ont fait! Regarde mes pieds, mes jambes." Elle hurlait. Et puis,

6 le beau-frère de Hajdini a dit: "Regarde mon pauvre Granit! Regarde ce

7 qu'ils lui ont fait". Et puis Majlinda, ma fille aînée, a parlé; elle

8 n'était pas blessée, ainsi que son fils et son frère, et Sebahate aussi

9 n'était pas blessé, avec ses deux enfants Ismet, qui avait 3 ans, et Eron

10 qui n'avait que 10 mois. Et Altin était à côté de moi, il avait 10 ans.

11 Nous n'étions pas blessés.

12 M. le Président (interprétation): Madame, veuillez nous dire quel âge

13 avaient vos quatre enfants quand ils ont été tués?

14 Mme Berisha (interprétation): Melinda Berisha qui avait 16 ans, Majlinda

15 qui avait 14 ans, Altin, 11 ans et Redon n'avait que 21 mois, 22 mois.

16 Puis Majlinda m'a dit: "Maman, maman, regarde, ils ont tué Herolinda!" Et

17 quand j'ai regardé autour de moi, j'ai vu Herolinda qui gisait là-bas par

18 terre, et je voyais cinq ou six blessures par balle. C'était une fille

19 tellement belle. Et Sebahate, de l'autre côté, a dit: "Regarde, ils l'ont

20 tué, ils l'ont tué, ils ont tué Nolan (phon.), Sherine!" C'était un beau-

21 frère, et puis il y avait aussi son frère.

22 Mme Romano (interprétation): Madame, comment avez-vous survécu?

23 Mme Berisha (interprétation): C'était terrible pour moi, j'ai du mal à

24 vous l'expliquer. C'était absolument horrible.

25 Question: Avez-vous fait semblant d'être morte?

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1 Réponse: Oui, j'ai fait semblant d'être morte, et j'ai dit à mon fils,

2 Altin, et à ma fille, Vjollca: "Restez par terre et faites comme si vous

3 étiez morts!" Parce que je les avais entendus dire en serbe: "Préparez les

4 camions et emportez les corps d'ici le plus vite possible".

5 Question: Merci, Madame le Témoin.

6 A ce moment-là, deux survivants ainsi que le cadavre des morts ont-ils été

7 chargés à bord d'un camion qui a pris la direction de Prizren; deux

8 chaînes en or ont été enlevées de leurs cous.

9 Le témoin, bien que gravement blessée, a réussi à sauter à l'extérieur du

10 camion et à se rendre dans le village de Malsia E Re où des Albanais ont

11 pris soin d'elle. Elle a ensuite été emmenée ailleurs. Et lorsqu'elle a

12 été soignée de ses blessures, et a donc récupéré de ses blessures; son

13 mari et ses enfants, deux filles et un fils, ont donc été tués à Suva

14 Reka.

15 J'aimerais que l'on montre la carte géographique au témoin. Cette carte se

16 trouve dans les classeurs de Suva Reka, intercalaire 18.

17 Madame le Témoin, si vous le pouvez, pouvez-vous placer le pointeur sur

18 l'itinéraire suivi à partir de Prizren ou plutôt, excusez-moi, à partir de

19 Suva Reka jusqu'à Prizren, et nous montrer l'endroit où vous avez sauté

20 hors du camion? Je sais que les lettres sont très petites, mais essayez.

21 Réponse: Voilà c'est ici.

22 Question: Merci. Le témoin a passé six semaines à circuler dans la région

23 dans des conditions très difficiles jusqu'au 10 mai 1999 à peu près, date

24 à laquelle elle a réussi à franchir la frontière albanaise en rejoignant

25 un convoi. Avant d'atteindre la frontière, le convoi a été arrêté dans le

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1 village de Bukos où des hommes et des femmes ont reçu l'ordre de sortir du

2 convoi. Ils ont été emmenés jusqu'à une école, et volés de tout leur

3 argent et de tous les objets en or qu'ils avaient sur eux. Les hommes les

4 plus âgés et certaines des femmes ont été relâchés, mais les jeunes hommes

5 n'ont jamais été revus. A la frontière albanaise, ils ont été contraints,

6 sous la menace des fusils, de se défaire de tous leurs papiers d'identité.

7 Les scènes mentionnées par ce témoin sont décrites dans le classeur de

8 Suva Reka, volume 1. Photographies de la maison du témoin: on les trouve à

9 l'intercalaire 6, photographies 1 à 4, ainsi qu'à l'intercalaire 3,

10 photographies 14 à 24.

11 Une copie de l'article paru "Newsweek" se trouve à l'intercalaire et les

12 photographies du champ de tir à l'intercalaire 4. La carte géographique à

13 l'intercalaire 18.

14 J'aimerais maintenant que l'on montre l'article de "Newsweek" au témoin.

15 Madame le Témoin, reconnaissez-vous ou connaissez-vous un magazine ou bien

16 cet article qui a décrit ce qui est arrivé à votre famille?

17 Réponse: Oui, j'ai vu cet article.

18 Question: Comment les auteurs de cet article ont-ils obtenu ces

19 renseignements?

20 Réponse: Je crois que c'est le chef de l'OSCE qui a transmis ces

21 renseignements, ainsi que d'autres personnes de Suva Reka.

22 Question: Des membres de votre famille peut-être?

23 Réponse: Oui, Vjollca notamment.

24 Mme Romano (interprétation): Merci, Madame le Témoin.

25 L'article contenant donc un rapport tout à fait détaillé au sujet des

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1 évènements de Suva Reka, se trouve à l'intercalaire 2 du classeur de Suva

2 Reka.

3 Ce sera tout, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous n'avez pas

5 de question à l'adresse de ce témoin, ce serait très compréhensible,

6 compte tenu de l'expérience vécue par ce témoin.

7 Mais, bien sûr, si vous souhaitez contester sa déposition au sujet des

8 conditions dans lesquelles elle a perdu son mari et ses quatre enfants,

9 libre à vous de le faire. Mais je vous propose pour une fois de vous

10 efforcer de limiter la durée du contre-interrogatoire, pour qu'il se

11 limite à un temps inférieur à 45 minutes, compte tenu des conditions que

12 ce témoin vient de décrire.

13 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Shyhrete Berisha, par l'accusé M.

14 Milosevic.)

15 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, il ne me faudra qu'une minute

16 quant à ce témoin qui, manifestement, a perdu son époux et ses enfants. Je

17 n'ai aucune intention de la contre-interroger.

18 Je vous demande simplement de verser au dossier de la présente affaire la

19 déclaration de Marjan Krasniqi, référence à partir de la page 030454..

20 (deux derniers chiffres incompris) -donc Marjan Krasniqi, datée du 8 mai

21 1999, déclaration faite à Tirana- et la dernière page porte le n°03045463.

22 C'est un homme qui a fait sa déclaration devant les représentants de ce

23 Tribunal. C'est un ancien policier chargé de la circulation. Dans sa

24 déclaration, il explique que ce crime a été commis par les membres d'un

25 groupe de criminels locaux pour l'argent et que, parmi les auteurs de ce

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1 crime, se trouvait quelqu'un qui était perturbé sur le plan mental. Que

2 ceci n'a donc rien à voir avec un problème inter-ethnique. Qu'il y avait

3 des Albanais parmi les criminels responsables de ce crime, notamment un

4 homme répondant au nom de Nexhat Berisha.

5 Cette déclaration existe, elle a été communiquée. J'aimerais en demander

6 le versement au dossier. Elle montre bien, elle prouve que le crime a été

7 commis par un groupe de criminels.

8 Je n'ai, par ailleurs, aucune question à poser à ce témoin.

9 M. le Président (interprétation): Très bien. Vous pouvez demander le

10 versement au dossier de cette déclaration. Nous verrons si ce document

11 sera admis à titre de pièce à conviction. Cependant… Un instant, je vous

12 prie.

13 S'il est proposé que cet acte a été l'œuvre de criminels locaux, le témoin

14 qui est assis aujourd'hui dans le prétoire devrait avoir la possibilité de

15 donner son point de vue sur cette proposition ainsi que ses commentaires

16 puisqu'elle était sur les lieux.

17 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, j'ai simplement parlé de ce

18 qui est écrit dans une déclaration d'un de vos témoins: de vos témoins,

19 pas de mes témoins. Et j'y fais référence, j'en demande le versement en

20 tant que pièce à conviction dans la présente affaire. Vous avez déjà admis

21 des articles de journaux proposés par Mme Romano, notamment un article il

22 y a un instant. Et vous posez des questions au sujet d'une déclaration

23 d'un témoin qui est le vôtre.

24 (Matière relative à un élément de preuve.)

25 M. le Président (interprétation): Un instant. Un instant. Voyons cette

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1 déclaration.

2 Mais il est vrai que le témoin devrait pouvoir traiter de ces documents.

3 Je demande que l'on me remette cette déclaration.

4 Oui, Madame, allez chercher cette déclaration, je vous prie, Madame

5 l'Huissier.

6 Monsieur Milosevic, pouvez-vous remettre la déclaration à Mme l'Huissier?

7 (L'huissier s'exécute.)

8 Je demande à Mme la Greffière de nous confirmer les numéros de pages, en

9 tout cas de nous dire si elle est en possession des numéros de pages.

10 Mme Anoya (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous avons les

11 numéros de pages.

12 M. le Président (interprétation): L'accusation est en train, n'est-ce pas,

13 d'essayer d'en trouver un exemplaire?

14 Mme Romano (interprétation): Oui, nous pensons que nous en aurons un

15 exemplaire.

16 M. le Président (interprétation): Ce sera peut-être difficile à trouver.

17 Mme Romano (interprétation): Je peux confirmer que nous réussirons à

18 localiser ce document.

19 M. le Président (interprétation): Il serait peut-être bon de faire une

20 pause maintenant. Après quoi, nous parlerons de ce document.

21 Madame Berisha, il y a encore quelques questions auxquelles vous devrez

22 vous soumettre au sujet de cette déclaration, mais il est bon que vous le

23 sachiez à l'avance.

24 Nous allons faire une pause de 20 minutes. Je vous demande de ne parler à

25 personne de la teneur de votre déposition. Vous ne devez pas parler de

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1 votre déposition aux membres du Bureau du Procureur non plus. Merci.

2 (L'audience, suspendue à 10 heures 10, est reprise à 10 heures 35.)

3 M. le Président (interprétation): Madame Romano, vous avez la parole.

4 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président, les déclarations

5 arrivent, mais nous ne sommes pas encore parvenus à retrouver le passage

6 qui a été évoqué par l'accusé jusqu'à présent. Nous avons un exemplaire de

7 cette déclaration, nous sommes en train de la relire.

8 M. le Président (interprétation): Voyons, voyons ce document. Remettez-

9 m'en un exemplaire et je vais voir.

10 (La Greffière cherche les documents.)

11 Je poserai les questions au témoin.

12 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président, nous pensons que c'est

13 à cette déclaration-ci que le témoin a fait référence. Nous en avons deux

14 autres, mais nous pensons que c'est celle-ci.

15 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la déclaration de Marjan

16 Krasniqi, n'est-ce pas?

17 Mme Romano (interprétation): Oui, c'est exact.

18 (Le Président consulte le document.)

19 M. le Président (interprétation): Il est possible qu'il soit assez

20 difficile de retrouver le passage sur lequel s'appuie l'accusé dans cette

21 déclaration, mais nous ne souhaitons pas retenir trop longtemps le témoin

22 dans ce prétoire. Cela étant, il importe que le témoin ait la possibilité

23 de donner son avis sur les questions évoquées par l'accusé.

24 Madame Berisha, pouvez-vous nous aider sur le point suivant, je vous prie?

25 Avez-vous réussi à identifier l'une ou l'autre des personnes responsables

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1 des meurtres?

2 Mme Berisha (interprétation): Oui.

3 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous dire de qui il

4 s'agissait?

5 Mme Berisha (interprétation): Il s'agissait de policiers qui venaient du

6 poste de police de Suva Reka, je les ai vus de mes yeux. Depuis le poste

7 de police, ils sont d'abord allés dans la maison d'Ismet Kuci où ils n'ont

8 trouvé personne. Après quoi, ils sont allés jusqu'à la maison de Vesel

9 Berisha. C'étaient des policiers, ce n'étaient pas les membres d'une bande

10 quelconque. C'étaient, contrairement à ce qu'a dit l'accusé, des

11 policiers. Je les ai vus de mes propres yeux.

12 M. Robinson (interprétation): Comment avez-vous fait pour les identifier

13 en tant que policiers?

14 Mme Berisha (interprétation): Il s'agissait de policiers, car Sedat, le

15 mari de Vjollca, a dit à mon mari à moi: "Regarde tous les policiers de

16 Suva Reka sont ici. Et il y en a même que nous ne connaissons pas!" Je les

17 ai vus moi aussi, ils portaient tous l'uniforme de la police. Ils

18 portaient l'uniforme de la police et avaient à la main une arme

19 automatique.

20 M. Robinson (interprétation): Y en avait-il parmi eux que vous connaissiez

21 déjà?

22 Mme Berisha (interprétation): Oui, je connais un certain Zoran parmi eux,

23 qui portait aussi l'uniforme de policier et arborait un insigne blanc à

24 l'épaule. Je crois que c'était un paramilitaire parce que Zoran n'était

25 pas policier par le passé. Il était simplement vêtu comme un policier ce

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1 jour-là.

2 M. Robinson (interprétation): Qui était ce Zoran? Que faisait-il puisque

3 vous venez de dire qu'il n'était pas normalement policier?

4 Mme Berisha (interprétation): Il était chauffeur d'autobus et parlait très

5 bien l'albanais. Les policiers qui se trouvaient là-bas étaient nombreux.

6 Ils étaient une trentaine. Une trentaine d'entre eux sont venus jusqu'à

7 notre maison où 25 membres de notre famille ont été…

8 M. le Président (interprétation): Un instant. Quel vêtement portaient-ils?

9 Mme Berisha (interprétation): Ils portaient des uniformes de camouflage

10 vert foncé et bleu foncé. Les uniformes étaient tous les mêmes. Et ces

11 hommes avaient également un calot sur la tête.

12 M. Kwon (interprétation): Madame Berisha, que savez-vous d'un homme

13 répondant au nom de Miskovic? Etait-ce un policier ou également un

14 paramilitaire comme Zoran?

15 Mme Berisha (interprétation): Il me semble qu'il était le commandant de la

16 police, mais lui portait des vêtements civils de couleur noire.

17 M. Kwon (interprétation): Il n'était pas en uniforme?

18 Mme Berisha (interprétation): Non, Miskovic portait des vêtements de

19 couleur noire, et pas d'uniforme. Mais les autres -une centaine d'entre

20 eux-, lorsqu'ils ont encerclé notre maison, ils étaient à peu près une

21 centaine. Parmi eux, il y avait quelques civils, Roms, et en dehors de

22 Miskovic, qui portait des vêtements civils, il y avait son frère qui était

23 garde dans les locaux de l'OSCE. En dehors de lui, tous les autres

24 portaient un uniforme.

25 M. Kwon (interprétation): Merci.

Page 7913

1 M. le Président (interprétation): Madame Romano, vous avez des questions?

2 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

3 j'ai un exemplaire de la déclaration à présent sous les yeux, et le retard

4 a été dû au fait qu'il nous a fallu expurger l'adresse que l'on pouvait

5 lire dans la déclaration originale. Donc vous ne pourrez sans doute pas

6 admettre ce document en tant que pièce à conviction immédiatement.

7 M. le Président (interprétation): Oui mais, pour l'instant, je vous

8 demande si vous avez des questions supplémentaires à poser à ce témoin.

9 Allons-y, s'il vous plaît.

10 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Shyhrete Berisha,

11 par Mme Romano.)

12 Mme Romano (interprétation): Oui. Je souhaitais simplement souligner et

13 appeler l'attention des Juges de cette Chambre sur la page 6 de la

14 déclaration dont il est question, que vous avez sous les yeux, où il est

15 question de Petrovic, Zoran Petrovic. Le témoin, répondant aux questions

16 de l'interrogatoire principal, a parlé d'un paramilitaire, et c'est

17 exactement ce qui est écrit ici dans cette déclaration. Il est dit qu'il

18 appartenait au service paramilitaire depuis 1998.

19 Je voudrais également vous dire que nous avons essayé de localiser une

20 personne mentalement perturbée dont l'accusé a parlé, mais nous n'y sommes

21 pas parvenus.

22 M. le Président (interprétation): Si vous en avez terminé, nous pouvons

23 poursuivre. Nous déciderons ensuite du sort qui sera réservé à cette

24 déclaration. Vous n'avez plus de questions pour le témoin?

25 Mme Romano (interprétation): Non, Monsieur le Président.

Page 7914

1 M. le Président (interprétation): Madame Berisha, merci d'être venue

2 devant le Tribunal pénal international pour témoigner. Vous êtes arrivée

3 au terme de votre déposition, et vous pouvez maintenant vous retirer.

4 (Le témoin, Mme Shyhrete Berisha, est reconduit hors du prétoire.)

5 (Questions relatives à la procédure.)

6 Nous restituerons la déclaration non expurgée de la déclaration dont nous

7 venons de parler. La question qui se pose maintenant consiste à se

8 prononcer sur le sort qui sera réservé à cette déclaration dont l'accusé a

9 demandé le versement au dossier.

10 Une possibilité est la suivante. Bien sûr, c'est une déclaration qui n'a

11 pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire, donc il devrait être possible

12 éventuellement de l'enregistrer aux fins d'identification.

13 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, c'est une possibilité.

14 J'ai relu rapidement cette déclaration et je constate à la lecture des

15 passages surlignés que c'est une déclaration qui, loin d'être favorable à

16 l'accusé, lui est défavorable. Donc n'ayant pas de conseil, il est

17 possible que ce soit un acte peu sage de la part de l'accusé que d'en

18 demander le versement au dossier, et ce, à une fin très particulière et

19 très limitée. Car cette déclaration risque d'être très contraire à la

20 cause défendue, à la thèse défendue par l'accusé.

21 Je fais remarquer également, à moins que je ne sois dans mon tort, que je

22 ne suis pas sûr que nous ayons admis au dossier de nombreuses déclarations

23 de témoins autres que celles de témoins qui ont témoigné physiquement.

24 Donc il est peut-être difficile de déterminer quel sera le statut de ce

25 document à une date ultérieure.

Page 7915

1 M. le Président (interprétation): Il est possible que la meilleure

2 solution consiste à citer à la barre ce témoin pour qu'il témoigne, si

3 l'accusé le souhaite, auquel cas il serait cité par l'accusé. C'est la

4 façon la plus normale de fonctionner vis-à-vis de déclarations dès lors

5 qu'elles sont citées.

6 La question pour le moment, c'est: qu'est-ce qu'il convient de faire, s'il

7 convient de faire quelque chose? L'accusé souhaite le versement au dossier

8 de ce document. Il pourrait être plus simple de l'enregistrer aux fins

9 d'identification et de déterminer en temps utile ce qu'il adviendra de ce

10 document.

11 M. Nice (interprétation): Cette solution me conviendrait car elle ne donne

12 pas au document le statut de pièce à conviction. C'est une question qui a

13 été soulevée par l'accusé, qui a parlé d'une personne diminuée

14 mentalement; c'est l'un des faits qu'il a évoqués. Nous n'avons pas trouvé

15 le passage concernant cette personne, mais j'aimerais que le temps

16 suffisant me soit donné pour relire l'intégralité du document avant de me

17 prononcer de façon définitive.

18 (Les Juges se concertent.)

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez entendu ce

20 qui vient d'être dit par le Procureur.

21 La situation est la suivante: il s'agit de la déclaration préalable d'un

22 témoin qui n'a pas déposé, et il est vrai que nous admettons l'ouï-dire

23 sous diverses formes, mais en général, nous n'acceptons pas le versement

24 au dossier de déclaration préalable de témoin, hormis lorsque des raisons

25 particulières le justifient en application de tel ou tel Article du

Page 7916

1 Règlement ou lorsque la déclaration relève de l'Article 92bis, que vous

2 connaissez bien désormais.

3 Le Procureur propose que vous réfléchissiez à la nécessité ou non de

4 demander le versement au dossier de ce document. Donc c'est à vous qu'il

5 appartient de déterminer la solution que vous voulez voir appliquer, après

6 y avoir dûment réfléchi. Auquel cas, si vous voulez le versement au

7 dossier, il faudrait citer à la barre le témoin qui pourrait déposer.

8 Mais, entre-temps, nous enregistrons ce document aux fins d'identification

9 au cas où, à une date ultérieure, son versement serait effectivement

10 demandé. Ce qui signifie que, pour le moment, le document n'est pas une

11 pièce à conviction mais qu'il en est pris note.

12 Alors, quelle est la solution que vous préconisez? J'ajouterai que c'est

13 seulement à la fin du procès qu'une décision définitive sera prise quant

14 au versement ou non de ce document au dossier.

15 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, vous pouvez faire ce qui vous

16 plaît.

17 M. le Président (interprétation): Très bien.

18 M. Milosevic (interprétation): J'ai simplement souligné que, dans la

19 déclaration, il est indiqué qu'il s'agissait de criminels. D'ailleurs, qui

20 est-ce qui serait capable d'assassiner de cette façon des enfants, je vous

21 le demande? Sinon les pires des criminels.

22 M. le Président (interprétation): Très bien.

23 Donc, pour le moment, le document sera seulement enregistré aux fins

24 d'identification et il lui sera affecté la cote suivante des pièces à

25 conviction de la défense.

Page 7917

1 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, j'ajouterai simplement

2 que je viens de lire l'intégralité des trois déclarations et que je vais

3 réfléchir à l'opportunité de recourir à l'Article 92bis au cas où, dans

4 ces documents, se trouveraient des éléments qui pourraient avoir une

5 quelconque valeur pour la Chambre. Mais j'y réfléchirai avec le temps.

6 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, il s'agira de la pièce

7 à conviction de la défense 23, qui n'est enregistrée qu'aux fins

8 d'identification.

9 (Audience publique avec mesures de protection.)

10 M. Ryneveld (interprétation): L'accusation appelle à la barre le témoin

11 suivant: M. John Crosland.

12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous constaterez que j'ai

13 communiqué, il y a quelques instants, un résumé de la déclaration de ce

14 témoin, selon les modalités que la Chambre connaît bien désormais, au vu

15 de l'ordonnance rendue par la Chambre et demandant que l'interrogatoire de

16 ce témoin relève partiellement de l'Article 92bis et que, pour le reste,

17 le témoin soit entendu en personne, je me servirai de ce résumé pour

18 indiquer de quel paragraphe je suis en train de parler et, dans chaque

19 cas, s'il s'agit du 92bis ou pas.

20 Pour le moment, je me propose de résumer les paragraphes 1 à 5,

21 d'interroger le témoin hors Article 92bis, sur les articles 6, 7, 8, 11,

22 12, 13, 14, 18, 19. Je rappellerai aux Juges de cette Chambre qu'un autre

23 témoin a déjà été entendu sur les événements de Racak dont il est question

24 au paragraphe 19 et qu'il a été entendu en personne.

25 Je traiterai également -hors Article 92bis- des paragraphes 20, 23, 25 et

Page 7918

1 27, et parlerai ensuite des rapports de situation.

2 Si les Juges souhaitent que je traite de telle ou telle question, soit en

3 application de l'Article 92bis soit hors Article 92bis, qu'ils me le

4 fassent savoir.

5 M. le Président (interprétation): Vous traiterez donc avec le témoin, hors

6 Article 92bis, des rapports existants et de la coopération existante entre

7 l'armée yougoslave et le MUP, n'est-ce pas, ainsi que des rencontres avec

8 les responsables de l'armée yougoslave?

9 M. Ryneveld (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président.

10 Au vu des mesures de protection très limitées demandées par ce témoin,

11 puisqu'il ne s'agira que de déformation des traits du visage à l'écran,

12 j'ai demandé qu'on le fasse entrer immédiatement.

13 (Le témoin, M. John Crosland, est introduit dans le prétoire.)

14 (Audience publique avec mesures de protection.)

15 J'espère que les techniciens sont au courant des mesures appliquées.

16 M. le Président (interprétation): Entendons le témoin. Que le témoin prête

17 serment!

18 M. Crosland (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

20 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

21 (Le témoin s'exécute.)

22 (Les rideaux sont relevés.)

23 (Interrogatoire principal du témoin, M. John Crosland, par M. Ryneveld.)

24 M. Ryneveld (interprétation): Colonel Crosland, je crois savoir que vous

25 êtes colonel désormais à la retraite, vous serviez au sein de l'armée

Page 7919

1 britannique, vous avez 35 ans d'expérience militaire, n'est-ce pas exact?

2 M. Crosland (interprétation): C'est exact.

3 Question: A un moment donné, vous avez été nommé attaché de la Défense à

4 Belgrade, poste que vous avez occupé d'août 1996 au 23 mars 1999: est-ce

5 également exact?

6 Réponse: Tout à fait exact.

7 Question: En tant qu'attaché à la Défense, vous étiez habilité à être en

8 contact avec la VJ, vous étiez officiellement la personne qui était

9 chargée d'établir toute liaison nécessaire avec la VJ de l'armée

10 yougoslave?

11 Réponse: Oui, j'étais en contact avec le général Perisic; c'est auprès de

12 lui que j'ai été affecté. Il était à l'époque chef de l'état-major de la

13 Défense. J'ai été nommé à ce poste par mon propre chef d'état-major de la

14 Défense.

15 Question: Est-ce que vous avez eu affaire avec le ministère de

16 l'Intérieur, le MUP, de l'ex-Yougoslavie?

17 Réponse: Non, cela ne s'est produit que lorsque je me suis déplacé au

18 Kosovo. Evidemment, dans le cadre de ces déplacements, j'étais

19 quotidiennement au contact de représentants du MUP.

20 Question: Je crois que vous avez quitté votre poste le 23 mars.

21 Est-ce que, par la suite, vous êtes revenu sur place? Est-ce que vous êtes

22 revenu le 12 juin 1999 en tant qu'officier de liaison pour la KFOR?

23 Réponse: C'est exact. On m'a demandé de bien vouloir contrôler le retrait

24 des forces de la Vojska Jugoslavija, la VJ, de l'ex-Yougoslavie et on m'a

25 demandé d'entrer en liaison avec ces forces avec le MUP également. J'étais

Page 7920

1 également chargé de veiller au retrait de l'armée de libération du Kosovo,

2 l'UCK.

3 Question: Vous avez occupé ce poste jusqu'à la mi-juillet 1999?

4 Réponse: C'est exact.

5 Question: Colonel, vous avez donné une déclaration préalable portant sur

6 votre séjour notamment au Kosovo.

7 Est-ce que vous avez remis cette déclaration aux enquêteurs du TPIY les 25

8 et 26 mai 1999? Est-ce que vous n'avez pas fait une autre déposition

9 auprès de ces enquêteurs entre les 5 et 7 décembre 2000?

10 Réponse: C'est exact.

11 Question: Est-ce que vous avez pu passer en revue la teneur de ces

12 déclarations?

13 Réponse: Tout à fait.

14 Question: Dans le cadre d'une relecture récente de ces déclarations

15 préalables, est-ce que vous avez pu rectifier certaines coquilles?

16 Réponse: Oui, il y a juste eu une date que j'ai dû modifier: ce n'était

17 pas 1988 qu'il fallait indiquer, mais 1999.

18 Question: Cette correction apparaît à la page 8, je crois, de votre

19 déclaration du mois de mai 1999?

20 Réponse: C'est exact, c'est à la page 8, l'avant-dernière paragraphe.

21 Question: Ces paragraphes ont été numérotés. Je crois que cette coquille a

22 été corrigée au paragraphe 40 de la page 8. C'est bien cela?

23 Réponse: C'est exact.

24 Question: Donc le paragraphe 40. Très bien.

25 Est-ce que, hier, donc le 9 juillet, vous avez comparu devant un officier

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1 instrumentaire de ce Tribunal, et est-ce que vous n'avez pas confirmé que

2 la teneur de ces déclarations préalables était tout à fait fidèle à vos

3 souvenirs, fidèle à ce dont vous vous souveniez, des éléments

4 d'information dont vous aviez pu disposer à une époque donnée? Est-ce que

5 vous avez prononcé une déclaration solennelle confirmant tout cela?

6 Réponse: Tout à fait.

7 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je demande

8 maintenant le versement au dossier des deux déclarations préalables

9 conformément à l'Article 92bis de notre Règlement. Il y a une nuance que

10 je voudrais introduire: je demande à ce que les lieux et dates de

11 naissance qui apparaissent sur les pages de garde de ces déclarations

12 préalables soient expurgés. L'objectif étant d'assurer la confidentialité

13 de ces informations.

14 Les Juges disposent d'exemplaires de ces déclarations préalables où les

15 date et lieu de naissance du témoin apparaissent; cela n'est pas gênant,

16 mais je demanderais que l'exemplaire, qui sera versé au dossier, soit

17 expurgé de ces deux éléments.

18 M. le Président (interprétation): Tout à fait.

19 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 M. le Président (interprétation): Il faudrait que nous obtenions une cote

22 du Greffe.

23 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce de l'accusation 253.

24 M. Ryneveld (interprétation): Pendant que l'on donne aux différents

25 documents les cotes qui leur reviennent, je voudrais rapidement passer en

Page 7922

1 revue la teneur de la déposition du témoin.

2 Dans ces deux déclarations préalables, Monsieur le Président, Messieurs

3 les Juges, vous découvrirez que le colonel Crosland décrit les différents

4 séjours qu'il a faits au Kosovo en tant qu'attaché à la Défense. Il fait

5 part des entretiens qu'il a eus avec un certain nombre de représentants

6 officiels de la VJ, représentants fort haut placés.

7 Vous vous apercevrez qu'il a également rédigé un certain nombre de

8 rapports sous forme télégraphique, rapports qui ont été envoyés au

9 ministère de la Défense britannique à Londres. Dans le cadre de ses

10 fonctions, le colonel était chargé d'évaluer le renforcement des troupes

11 sur le terrain, il contrôlait ce qui en était de l'équipement et des

12 véhicules qui étaient utilisés par les forces du MUP, par les forces de la

13 PJP, afin de donner des rapports d'information à l'ambassadeur britannique

14 au Kosovo.

15 Vous verrez également que le colonel Crosland, dans le cadre de sa

16 déclaration et au vu de son expérience militaire, fait état du type

17 d'uniformes et d'équipements utilisés par les différentes forces serbes en

18 présence. Il vous fait également part du nom et prénom d'un certain nombre

19 de membres de l'état-major de la VJ. Il fait également état du grade

20 qu'occupaient ces personnes, notamment un certain nombre de généraux.

21 Par ailleurs, il fait un rapport sur les incidents dit de Jashari et de

22 Ahmeti, incidents qui se sont produits au mois de février et mars 1998.

23 Il vous fait part de ce qu'ont été, d'après lui, les rôles joués par la

24 PJP, la SAJ et la JSO; toutes ces unités ont déjà été évoquées par

25 d'autres témoins qui sont venus devant la Chambre.

Page 7923

1 Il parle également d'opérations conjointes du MUP et de la VJ. D'après le

2 colonel et d'après les observations qu'il a pu faire sur le terrain, il a

3 constaté qu'il y avait une structure de commandement qui passait par

4 Pavkovic, Sainovic et Milosevic.

5 Il va également parler de Frenki Simatovic, qui était le commandant des

6 forces de la JSO qui se trouvaient à Pec et autour de Pec.

7 Dans sa déclaration préalable, il fait également état de rencontres qu'il

8 a eues avec le général Dimitrijevic. Il fait état d'entretiens qui ont

9 porté sur les forces de l'UCK. Il a pu observer certaines activités de

10 l'UCK.

11 Ensuite, le colonel vous dira directement ce qu'il a observé. Il y a eu,

12 d'après lui, un changement qui est intervenu dans le rôle qui devait être

13 joué par la VJ.

14 Il vous décrira de quelle façon il a accompagné Lord Ashdown, qui venu

15 devant vous précédemment, dans le cadre du déplacement de Lord Ashdown au

16 Kosovo. Il fera état d'attaques serbes qui ont eu lieu lors de sa onzième

17 visite au Kosovo.

18 Il vous décrira également d'autres entretiens qu'il a eus avec le général

19 Dimitrijevic. Et, dans sa déclaration préalable, vous verrez quelles sont

20 les observations qu'il a faites, d'après lesquelles, vers la fin de 1998,

21 l'UCK est devenue de plus en plus organisée.

22 Il établit que le général a été remplacé à son poste par le général de

23 corps d'armée Ojdanic. Il fait également référence, dans une de ses

24 déclarations préalables, à un certain nombre d'autres personnages de haut

25 rang et du rôle qu'ils ont pu jouer.

Page 7924

1 Nous parlerons ici directement de ses observations quant au renforcement

2 des troupes sur le terrain avant Noël 1998. Et il vous fera part des

3 observations qu'il a pu faire au 15 janvier, lors de l'incident de Racak.

4 Vous entendrez le témoin s'exprimer sur ce qu'il a pu observer, notamment

5 des actions du MUP et de la VJ lorsqu'elles se sont livrées à des actes de

6 pillage et des mises à feu de certaines propriétés. Tout cela s'est passé

7 en janvier.

8 Il vous fera également part du type d'équipement utilisé par les

9 bataillons de la VJ.

10 En mars 1999, il indiquera qu'il y a eu un autre renforcement des troupes

11 de la VJ sur le terrain.

12 Le témoin indiquera également qu'à deux reprises, il a pu observer que des

13 troupes étaient envoyées à titre de renfort au Kosovo. Il décrira certains

14 véhicules blindés utilisés par différentes brigades.

15 Très brièvement, le témoin, dans la suite de sa déclaration, fait part de

16 ses opinions en tant que militaire de carrière. Il fait part de quelles

17 étaient les capacités des forces de la VJ et du MUP et estime que ces

18 forces étaient tout à fait à même de déplacer la population. Il parle de

19 la visite qu'il a rendue à la prison de Istok en juin 1999.

20 Et enfin, nous passerons en revue un certain nombre de rapports de

21 situation, ou "Sitreps", comme ils sont appelés, rapports que le témoin a

22 rédigés et qui constituent un rapport contemporain de ce qu'il a pu

23 observer. Ces documents ont été envoyés au ministère de la Défense à

24 Londres, et ce sont des informations sur lesquelles le témoin s'appuiera

25 pour vous faire part d'un certain nombre d'informations.

Page 7925

1 Voici très brièvement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce qui

2 apparaît dans les deux déclarations préalables qui vous ont été remises.

3 Je me propose maintenant d'en venir plus particulièrement au paragraphe 6

4 de la synthèse de la déclaration du témoin.

5 Colonel Crosland, j'ai lu assez rapidement la synthèse que je viens de

6 faire. Or nous partageons la même langue. Il faudra essayer tous les deux

7 de nous rappeler que des interprètes travaillent avec nous. Il faudra

8 essayer de nous rappeler que nous devons, l'un comme l'autre, ménager des

9 pauses entre les questions et les réponses.

10 Colonel Crosland, à quel titre… ou quelles étaient –pardon!- vos fonctions

11 à la date du 24 mars 1998 dans la région de Decani?

12 M. Crosland (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

13 je travaillais en tant qu'attaché à la Défense britannique. J'étais

14 accompagné par un certain nombre d'autres attachés, nous nous déplacions

15 dans la province du Kosovo. L'objectif de nos déplacements était d'évaluer

16 la gravité de la situation qui prévalait. Nous avions assisté à un

17 renforcement des troupes de la VJ, qui essayait de constituer des troupes

18 face à ce qui était considérée par elle comme l'intrusion de l'UCK.

19 Question: Si cela peut vous aider, Monsieur le Président, je voudrais dire

20 que Decani et sa région apparaissent à la page 4 de l'atlas que nous avons

21 utilisé à de nombreuses reprises. Tout en bas de la page 4, vous pourrez

22 observer l'indication "Decani".

23 Est-ce que vous avez également devant vous une carte, Colonel Crosland? Si

24 c'est le cas, vous pouvez peut-être poser cette carte sur le

25 rétroprojecteur; et peut-être que, de temps à autre, si le besoin s'en

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1 fait sentir, vous pourrez faire un certain nombre d'indications sur cette

2 carte. Vous pourrez nous montrer les zones dans lesquelles vous vous êtes

3 déplacé et à propos desquelles vous avez fait un certain nombre

4 d'observations.

5 Est-ce que l'image apparaît clairement à l'écran? Est-ce que la régie peut

6 veiller à ce que l'image apparaisse sur les écrans?

7 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne crois pas que

8 cela soit particulièrement clair. En tout cas, sur mon écran ce n'est pas

9 clair du tout.

10 Question: Eh bien, dans ce cas, nous nous en… pardon! Nous nous

11 contenterons d'utiliser l'atlas du Kosovo.

12 Colonel Crosland, alors que vous étiez sur le terrain, est-ce que vous

13 avez remarqué quoi que ce soit de particulier à propos de la VJ?

14 Réponse: C'est lors de ce déplacement sur le terrain que nous avons, pour

15 la première fois, rencontré une présence assez importante de la VJ autour

16 de Decani et à Decani même. Il y avait notamment des positions

17 d'artillerie assez importantes. Nous nous sommes rendus sur ces positions

18 tenues par les forces d'artillerie.

19 C'est ces positions d'artillerie qui couvraient toute cette zone de Kosovo

20 de Decani à Djakovica, pour ce qui est de l'ouest. Et puis, pour ce qui

21 est de la région nord, c'était toute la région qui va vers la ville de Pec

22 qui était couverte. Cette position d'artillerie était surveillée par des

23 membres de la JSO et également par d'autres unités de la VJ.

24 Question: Je crois que tout est clair, Colonel, mais pour ceux d'entre

25 nous qui n'ont pas votre déclaration préalable entre les mains, la JSO

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1 était une partie, une composante de la VJ ou du MUP?

2 Réponse: La JSO était, en fait, une force de police spéciale du MUP. Elle

3 était utilisée pour des attaques contre les terroristes et pour des

4 attaques éclair, si vous voulez, ponctuelles. Et je voudrais dire que,

5 dans toutes les villes principales du Kosovo, à cette époque, il y avait

6 des bases conjointes MUP et VJ.

7 A un certain nombre d'occasions, nous avons pu remarquer que des

8 équipements de la VJ avaient été peints en bleu, ce qui indiquait

9 désormais qu'ils appartenaient au MUP. Mais très clairement, on pouvait

10 apercevoir en dessous de la couche de peinture bleue, la peinture verte

11 caractéristique de la VJ.

12 Question: Vous dites tout le temps "Vojska Jugoslavija", mais c'est

13 exactement la même chose que la VJ, n'est-ce pas?

14 Réponse: Tout à fait.

15 Question: Donc vous dites que des véhicules de l'armée étaient peints et

16 qu'ils étaient peints avec les peintures caractéristiques des équipements

17 appartenant à la police; c'est bien cela?

18 Réponse: C'est exact.

19 Question: Qu'avez-vous pu observer pendant votre déplacement au Kosovo?

20 Réponse: Pendant mes déplacements au Kosovo, pendant l'été et la fin de

21 l'automne 1998, j'ai pu remarquer que nombre de véhicules ont été

22 repeints. Ils n'étaient plus de couleur verte, ce qui marquait leur

23 appartenance à la VJ. Ils étaient désormais de couleur bleue, ce qui

24 marquait leur appartenance au MUP.

25 Réponse: Vous faisiez référence au MUP, il y a quelques instants. Est-ce

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1 que vous avez pu vous forger une opinion? Enfin, pardon, je reprends ma

2 question: est-ce que vous avez pu estimer quel était le nombre de troupes

3 du MUP qui étaient présentes sur le terrain à l'époque?

4 Réponse: Entre 8 et 10.000 hommes étaient déployés sur le terrain ou

5 pouvaient être déployés sur le terrain. Le chiffre était plus ou moins

6 important, cela dépendait un petit peu du rôle joué par les unités du MUP

7 au Kosovo à cette époque-là. Mais il y avait 8 ou 10.000 hommes outre les

8 15.000 hommes de la VJ qui étaient basés dans leur caserne.

9 Question: Ces chiffres correspondent à ce que vous avez pu observer aux

10 mois de mars et avril. Mais est-ce que les choses ont un petit peu évolué

11 dans le courant du mois de juillet 1998?

12 Réponse: Tout à fait. Parce que jusqu'à cette époque-là, l'UCK, d'un point

13 de vue tactique, s'était assurée le contrôle de trois des axes les plus

14 importants de la province du Kosovo. C'est vers les mois de juillet-août

15 que les unités du MUP et de la VJ ont réussi à joindre leurs forces pour

16 commencer à dégager le terrain ou dégager en fait la presque totalité du

17 Kosovo.

18 Question: C'est donc quelque chose que vous avez pu vous-même observer.

19 Est-ce que, ultérieurement, vous avez eu un entretien avec le général

20 Dimitrijevic, entretien relatif aux observations que vous avez pu faire?

21 Est-ce que vous avez fait part de ce que vous aviez pu observer, courant

22 juillet et août 1998?

23 Réponse: Oui, j'ai fait part de ce que j'avais pu observer. Conformément à

24 la Constitution de la RFY, la VJ était autorisée à contrôler les zones

25 frontalières et jusqu'à 500 mètres de distance de la ligne frontalière.

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1 Cela a ensuite été élargi à 2 km puis à 20 km; cela était dû notamment à

2 l'aggravation de la situation sur le terrain.

3 Mais c'est à la mi-juillet que le colonel général M. Ojdanic a fait part à

4 l'association des attachés de la défense de Belgrade, dont j'étais

5 président à l'époque, du fait que la VJ allait défendre les axes de

6 communication sur l'ensemble du territoire du Kosovo, ce qui supposait que

7 la VJ prenne une part beaucoup plus active à tout ce qui se passait sur le

8 terrain, ce qui indiquait qu'elle allait beaucoup plus activement soutenir

9 toutes les actions menées par le MUP.

10 Question: A une date ultérieure, est-ce que la question de ce qui avait

11 été fait au courant de l'été 1999 a été abordée dans le cadre d'un

12 entretien avec le général Dimitrijevic?

13 Réponse: Oui, j'avais filmé des séquences vidéo, j'avais pris des photos

14 de ce qui se passait sur le terrain et cela montrait très clairement que

15 des pièces d'artillerie de différents calibres, notamment des blindés de

16 bataille et des véhicules transporteurs de troupes de la VJ, venaient

17 directement apporter leur aide aux opérations menées par le MUP. En fait,

18 la VJ apportait un soutien d'artillerie très direct, de l'artillerie

19 lourde, aux opérations menées sur le terrain par le MUP.

20 Question: Cette forme de soutien était-elle conforme à ce qui devait être

21 fait à cette époque-là?

22 Réponse: D'après la Constitution de la Yougoslavie, eh bien, non: les

23 choses n'étaient pas faites dans le respect des règles. C'était une

24 violation manifeste de tout ce qui avait été fait jusqu'à présent et cela

25 reflétait que l'on comprenait bien qu'il y avait détérioration de la

Page 7930

1 situation sur le terrant à l'intérieur du Kosovo.

2 Question: Est-ce que vous avez fait part de cela au général Dimitrijevic?

3 Si cela a été le cas, quelle a été sa réaction?

4 Réponse: J'ai informé le général Dimitrijevic de ces différents éléments

5 et je crois que je lui ai dit tout cela moi-même. Et j'ai également dit

6 cela au colonel général Ojdanic lors de cet entretien parce que lui avait

7 déclaré devant les membres de l'association des attachés de la défense que

8 la VJ ne prenait part aux opérations sur le terrain, ce qui était

9 absolument faux.

10 Question: Est-ce qu'une explication vous a été donnée pour essayer de

11 justifier tout ce qui se passait?

12 Réponse: En tant que militaire de carrière, on pouvait très bien

13 comprendre la raison pourquoi tout cela se produisait. Les attaques

14 d'artillerie étaient vraiment très violentes; je parle notamment de

15 mitrailleuses lourdes qui étaient fixées sur des véhicules blindés. Il y

16 avait sur le terrain un déploiement assez conséquent de forces militaires.

17 Question: Est-ce qu'avec le général Dimitrijevic, vous avez discuté des

18 liens qui existaient entre le commandement de la 3e Armée et Sainovic,

19 d'une part, et Milosevic, d'autre part?

20 Réponse: Oui, à deux occasions. Le 3 octobre, nous avons eu une réunion

21 avec le général Dimitrijevic et, le 5 avril, sur son invitation, moi-même

22 et mon ambassadeur, nous nous sommes rendus pour chez le général

23 Dimitrijevic, nous avons fait part de notre préoccupation à propos de la

24 situation qui prévalait au Kosovo et nous avons dit que le général

25 Pavkovic, le commandant de la 3e Armée, qui était le chef l'état-major de

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1 la défense, travaillait désormais de telle façon qu'il faisait directement

2 état de la situation au général Dimitrijevic, à M. Milosevic et au général

3 Sainovic. Il ne passait pas par la structure habituelle.

4 Question: Donc c'était assez anormal du point de vue de la chaîne de

5 commandement qu'il aurait fallu normalement respecter?

6 Réponse: Oui, cela sortait totalement de la chaîne de commandement

7 normale.

8 Question: Y a-t-il eu d'autres éléments d'explication qui vous ont été

9 données quant à ce qui était fait? Est-ce que vous compreniez comment ces

10 liens étaient établis d'une personne à l'autre? Est-ce que l'on vous a

11 expliqué comment la communication se faisait entre ces différentes

12 personnes?

13 Réponse: On ne nous a pas donné ces informations dans le détail, mais

14 c'était assez évident, ce qui se passait. Le général Perisic, le général

15 Dimitrijevic se trouvaient au sein de la VJ, mais n'étaient pas pleinement

16 informés de ce qui se passait sur le terrain, au Kosovo. Ils étaient de

17 fait exclus de la chaîne de commandement opérationnel; cette chaîne de

18 commandement allait directement du général Pavkovic à M. Milosevic et à

19 Sainovic, qui était en fait l'homme qui gérait au jour le jour les

20 opérations sur le terrain.

21 Question: Vous avez fait référence précédemment à la JSO. Est-ce que vous

22 savez qui précédemment était le commandement de la JSO, autour de Pec et à

23 Pec?

24 Réponse: Oui, c'était Franki Simatovic qui était responsable de la JSO. Je

25 crois l'avoir rencontré en une occasion, à Pec même d'ailleurs.

Page 7932

1 Question: Et savez-vous où la JSO était basée?

2 Réponse: Il y avait plusieurs bases de la JSO. L'une se trouvait près dans

3 un ancien hôtel qui était près d'un monastère à Decani, ce qui se trouve

4 donc à l'ouest du Kosovo. Il y avait une autre base de la JSO à la prison

5 d'Istok, qui se trouve à l'est de Pec, sur la route qui mène à Ribnik.

6 Question: Je vais me permettre de vous interrompre.

7 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, page 4 de l'atlas, à

8 l'intersection des coordonnées 40 et 14,5, on trouve la zone dont nous

9 parle maintenant le colonel Crosland.

10 Réponse: Il avait également une base à Srbica, près de la vallée de la

11 Drenica. Il y avait également une usine de munitions là-bas.

12 Question: Lorsque nous parlons d'Istok, c'est d'une prison dont nous

13 parlons? Mais est-ce qu'elle porte un nom particulier?

14 Réponse: Oui, c'est une très grande prison que moi, j'ai appelée la prison

15 d'Istok, mais qu'on appelait également la prison de Dubrava.

16 Question: Donc, lorsque vous dites "prison d'Istok", c'est la même chose

17 que la prison de Dubrava? Ces deux appellations sont synonymes?

18 Réponse: Oui, tout à fait.

19 Question: Est-ce qu'à un moment donné, vous avez rencontré une personne

20 qui s'est décrite comme étant le commandant de la JSO?

21 Réponse: Oui, c'est exact. J'ai rencontré cette personne à une occasion et

22 c'était juste avant que nous ne rencontrions un groupe conjoint. Nous

23 avons rencontré ce groupe sur la route qui va de Pec à Pristina, à un

24 endroit appelé Lapusnik, qui se trouve à quelque 25 km de Pristina. A

25 l'intérieur de ce groupe, il y avait des chars de la VJ, il y avait des

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1 membres de la JSO, il y avait des membres de la SAJ, il y avait également

2 des membres de la PJP qui s'était installée sur deux bases, si vous

3 voulez: il y avait une base à Lapusnik et une base à Kijevo, qui était en

4 train de lancer des attaques sur Malisevo, qui était à l'époque, une des

5 bases principales de l'UCK.

6 Question: Vous avez peut-être donné la date précédemment, mais quelle est

7 la date de la rencontre entre vous-même et ce commandant des forces de la

8 JSO?

9 Réponse: Nous nous sommes rencontrés le 28 juillet 1998.

10 Question: Est-ce qu'il vous a indiqué son nom ou son surnom? Est-ce que

11 vous vous rappelez quoi que ce soit?

12 Réponse: Je crois qu'il m'a dit qu'il s'appelait "Legija". C'est tout ce

13 qu'il m'a dit.

14 Question: Je vous remercie.

15 Messieurs les Juges, je voudrais maintenant en venir aux paragraphes 11 et

16 12 de la synthèse de ce témoin.

17 Un peu plus tôt dans le cadre de votre déposition, Colonel, vous avez fait

18 état des postes occupés par certains hauts représentants de la VJ.

19 Notamment, vous avez parlé du général Perisic, n'est-ce pas?

20 Réponse: C'est exact.

21 Question: Quel était son rôle lorsque vous l'avez rencontré?

22 Réponse: J'ai été nommé attaché à la Défense auprès du général Persic, qui

23 avait été le chef de l'état-major de la Défense pendant trois ou quatre

24 ans auparavant. Il était donc chef de l'état-major de la Défense jusqu'à

25 ce qu'il soit remplacé à ce poste par le général Ojdanic, dans le courant

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1 du mois d'octobre 1998.

2 Question: Donc, courant octobre 1998, le général Perisic a été relevé de

3 ses fonctions et remplacé par le général Ojdanic: c'est du moins ce dont

4 vous vous souvenez?

5 Réponse: C'est exact.

6 Question: Avant octobre 1998, quelles étaient d'après vous les tâches de

7 la VJ? Quel devait être le rôle de la VJ?

8 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme je l'ai

9 expliqué précédemment, d'après la Constitution de la République Fédérale

10 de Yougoslavie, la VJ avait pour tâche, unique et principale, la défense

11 des frontières de la Yougoslavie. Et la zone frontalière s'étendait

12 jusqu'à 500 mètres, ce qui par la suite a été étendu à 20 kilomètres au-

13 delà de la ligne frontalière.

14 Au mois de juillet 1998, le général Ojdanic était le responsable, enfin,

15 le chef de l'état-major de la VJ; et il a, à cette époque, fait part à

16 l'Association des attachés de la défense que non seulement ils allaient

17 maintenant s'attacher à défendre les zones frontalières, mais également

18 s'attacher à défendre les zones d'exercice militaires qui existaient au

19 Kosovo. Certaines de ces zones d'exercice étaient d'une réelle importance

20 tactique. Le général a également expliqué qu'ils allaient également

21 contrôler tous les axes de communication de la province du Kosovo.

22 D'après ce que j'ai compris, il y avait quatre axes principaux qui

23 permettaient à l'approvisionnement en provenance de Serbie d'arriver aux

24 bases des unités de la VJ et aux bases des unités du MUP qui opéraient

25 dans les zones Ouest du Kosovo.

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1 Question: Je vous remercie. Précédemment, je vous ai posé des questions à

2 propos du général Perisic.

3 Vous avez également fait référence au général Pavkovic. Est-ce que vous

4 pourriez nous dire ce que vous avez pu remarquer durant l'été 1998 eu

5 égard aux opérations de la VJ auxquelles aurait pris le général Pavkovic?

6 Quel était son rôle par rapport à Perisic?

7 Réponse: Du fait des rencontres que j'ai eues avec le général Perisic et

8 le général Dimitrijevic, j'ai pu comprendre que le général Pavkovic avait

9 essayé de trouver le moyen de répondre aux souhaits manifestés par M.

10 Milosevic, en essayant de s'assurer un contrôle opérationnel beaucoup plus

11 direct, contrôle qu'il essayait de s'assurer depuis son quartier général

12 de Nis et de Pristina. Il voulait avoir un contrôle beaucoup plus direct

13 de ce qui se passait dans la zone du Kosovo.

14 Et je crois qu'il voulait montrer qu'il était tout à fait prêt à exécuter

15 les ordres émanant du Gouvernement yougoslave; il était prêt à le faire,

16 indépendamment de la chaîne de commandement qui aurait dû normalement être

17 respectée et qui aurait dû passer par le chef de l'état-major de la

18 Défense et par le général Dimitrijevic qui était le chef du contre-

19 espionnage.

20 Question: Vous nous avez déjà fait état de certaines conversations que

21 vous avez eues avec ces différentes personnes, il y a quelques instants.

22 Mais est-ce que j'ai raison de dire que vous avez fait part des

23 observations que vous avez pu faire à propos d'incidents qui se sont

24 produits courant 1998 auprès des généraux Perisic et Dimitrijevic?

25 Réponse: Oui, c'est exact. Nous avons eu une longue conversation. En

Page 7936

1 qualité de soldat professionnel, j'avais déjà été dans d'autres situations

2 similaires que celles au Kosovo et je tentais de donner quelques conseils

3 en ma qualité de soldat professionnel. Il était tout à fait évident du

4 fait de l'attitude du général Perisic et du général Dimitrijevic qu'ils

5 étaient assez mécontents de la manière dont les opérations étaient

6 organisées et que la structure hiérarchique, la chaîne de commandement

7 ordinaire était bafouée ou que l'on n'en tenait pas compte, et qu'on

8 menait une politique bien plus agressive, politique de faire participer la

9 VJ à des opérations directes dans toute la province du Kosovo.

10 Question: Pour bien comprendre ce qui se passait et les différentes

11 fonctions, vous vous êtes peut-être déjà exprimé à ce sujet mais

12 j'aimerais vous demander quelques précisions. Ce que faisait la VJ pendant

13 l'été 1998, est-ce que cela se limitait aux frontières ou est-ce que cela

14 comprenait également des opérations de sécurité interne?

15 Réponse: Au début de 1998, la VJ était déployée à la frontière, notamment

16 à la frontière avec l'Albanie et les frontières sud-ouest, mais lorsque

17 les opérations se sont intensifiées, ils ont dû se retirer pour apporter

18 leur soutien au MUP qui n'était pas à même de mener à bien ces opérations.

19 Question: Donc cet appui au MUP, est-ce que cela relevait d'une fonction

20 différente, la sécurité interne?

21 Réponse: Oui. En tout cas, cela frisait la sécurité intérieure. Et il y a

22 eu un changement définitif, formel ou officiel lorsque le général Ojdanic

23 a fait une déclaration formelle devant le Corps des attachés à la défense,

24 le 28 juillet.

25 Question: Est-ce que vous vous êtes entretenu avec le général Perisic et

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1 le général Dimitrijevic, pour savoir s'ils étaient d'accord ou non avec ce

2 type de déploiement de l'armée?

3 Réponse: Ils étaient tous deux mécontents, ils n'étaient pas d'accord avec

4 cette participation plus intensive de la VJ. Ils me l'ont dit à plusieurs

5 reprise, au moins à deux reprises. Plutôt ils m'ont dit que cela se

6 passait plus ou moins en dehors de la chaîne de commandement ordinaire et

7 qu'ils n'étaient donc pas à même d'influencer la situation et les

8 opérations entreprises, que les instructions allaient directement de

9 Belgrade à Pristina et Nis, donc au Q.G. du 3e Corps d'armée en dehors, à

10 l'extérieur du Kosovo.

11 Question: Vous avez fait allusion à la date du 27 août, lorsque le général

12 Ojdanic a eu cette réunion avec les attachés à la défense pour expliquer

13 cette nouvelle politique. Est-ce que cela s'est passé avant ou après que

14 vous ayez montré cette vidéo? Vous avez fait allusion à une vidéo; est-ce

15 que vous l'avez soumise à ces personnes?

16 Réponse: Oui, je crois l'avoir montrée au général Dimitrijevic et au

17 général Perisic, et je l'ai également soumis au service de liaisons

18 extérieures après ce discours fait devant les attachés à la Défense.

19 Question: Et que représentait cette vidéo?

20 Réponse: Cette vidéo montrait des unités de la VJ, de l'artillerie lourde

21 et des chars, qui étaient en opération au centre du Kosovo, aux alentours

22 –je crois- de Suva Reka, Bllacë et Dulje, qui subissaient à l'époque des

23 bombardements presque incessants. Et cela faisait partie de ce que l'on

24 pourrait appeler "le nettoyage" ou "l'expulsion", ces opérations qui ont

25 eu lieu en juillet, août et septembre 1998.

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1 Question: Vous connaissez bien la géographie du Kosovo. Junik, Prilep,

2 Riznik et Glodjane: où est-ce que ces endroits sont situés? Junik, Prilep,

3 Riznik et Glodjane donc.

4 Réponse: Ces endroits se trouvent à l'ouest de Djakovica et Decani,

5 environ dix kilomètres au sud de Decani; ce que l'on appelle "la région de

6 Jablanica". Les petits villages de Riznik et Prilep sont juste au bord… un

7 petit peu à l'écart de la route principale. Je crois que c'est au mois

8 d'août que nous y avons été emmenés. Il y avait eu un massacre à un

9 endroit du nom de Glodjane et nous avons été escortés. Le MUP est venu à

10 notre rencontre à Djakovica, nous sommes même passés à côté de troupes qui

11 étaient encore en train de mener des opérations, y compris des éléments de

12 la VJ, de la SAJ, du JSO et de la PJP. Alors que nous sommes passés à côté

13 d'eux, ils étaient encore en train d'incendier, de tirer sur les maisons.

14 Nous avons donc parcouru, nous sommes passés à côté de ce convoi armé et,

15 enfin, nous sommes arrivés au petit village de Glodjane. Le MUP nous y a

16 amenés, nous a indiqué qu'il y avait eu un massacre dans un canal assez

17 profond. J'ai moi-même vu six à huit cadavres sur lesquels on avait tiré.

18 Il y avait des marques, des traces de balles aussi sur les murs, sur le

19 béton de ce canal. Je ne saurais dire qui étaient ces personnes. Nous

20 n'avons pas été autorisés à nous approcher de ces cadavres, mais le

21 commandant du MUP, à Djakovica, m'a dit qu'il s'agissait de Serbes du

22 Kosovo qui avaient été tués par l'UCK local. Mais comme je l'ai dit, nous

23 ne pouvions pas confirmer cela, mais il ne fait aucun doute qu'il y avait

24 entre six et huit cadavres.

25 Question: Cet incident que vous venez de nous décrire, ces tirs

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1 incessants, est-ce que cela était évoqué le 28 août avec le général

2 Ojdanic?

3 Réponse: Oui, et le général Ojdanic, franchement, n'avait pas envie de

4 connaître la réalité. J'en avais été témoin moi-même -les autres attachés

5 à la défense également- du fait qu'en dépit de ce qu'affirmait Belgrade,

6 la réalité était bien différente au sein du Kosovo. Et ces opérations pour

7 la plupart étaient très dures, très vigoureuses. J'ai moi-même vu entre

8 200 et 300 villages incendiés en 1998 et 1999. Les récoltes étaient

9 également incendiées de façon arbitraire. Toutes sortes de petits

10 commerces ont été détruits et pillés, les stations d'essence, les

11 magasins. Et dans des villes telles que Pec et Djakovica, les quartiers

12 albanais ont été complètement mis à feu. Les mosquées ont été endommagées.

13 Et moi-même ainsi que d'autres nous avons informé ou fait part à la VJ que

14 c'était une façon de mener des opérations qui ne convenait pas.

15 Il y a donc eu des dégâts civils considérables ayant pour seule but

16 d'expulser les civils de leurs maisons, de leurs fermes et des villes que

17 j'ai mentionnées: Pec, Decani et Djakovica.

18 Question: Merci. Je regrette de devoir revenir à ce sujet, mais les quatre

19 villages que vous avez mentionnés -Junik, Prilep, Visnjic et Glodjane-,

20 vous nous avez décrit ce que vous y avez vu.

21 Est-ce que cet incident, dont vous avez été le témoin, a fait l'objet de

22 vos discussions avec le général Ojdanic? Et dans l'affirmative, est-ce

23 qu'il vous a dit quoi que ce soit sur la manière dont un tel incident

24 pourrait être considéré en termes de sécurité et de préoccupation

25 humanitaire?

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1 Réponse: Non, pas vraiment. Je crois qu'il a du mal à comprendre. Par

2 exemple, le petit hameau de Prilep, sur la route de Decani: toutes les

3 maisons avaient été rasées. C'est de ce type de destructions que nous

4 parlons et c'était tout à fait répandu. Dans différentes parties du

5 Kosovo, des destructions de grande envergure avaient été vues. Et des gens

6 tels que le général Ojdanic ne voulaient pas en entendre parler.

7 Question: Très bien. Passons au paragraphe 12 maintenant.

8 Si j'ai bien compris, pendant l'exercice de vos fonctions au Kosovo, Lord

9 Ashdown y est allé pour effectuer une visite: est-ce exact?

10 Réponse: C'est exact. Je crois qu'il est venu à deux reprises et je l'ai

11 accompagné avec mon ambassadeur à ces deux reprises et...

12 Question: A peu près, à quelle date?

13 Réponse: D'une part, fin septembre, je crois, le 26 ou le 27, pendant

14 quatre ou cinq jours. C'était donc une certaine période de temps qui lui a

15 permis de visiter le Kosovo dans son ensemble.

16 Question: Et sans entrer dans trop de détails concernant cette visite,

17 quelle région avez-vous visitée avec Lord Ashdown?

18 Réponse: Nous avons fait une tournée globale, enfin au Kosovo dans son

19 ensemble, mais pendant cette période de temps en particulier, nous avons

20 passé l'essentiel de notre temps à proximité de Suva Reka, Dulje, Bllacë.

21 Nous étions accompagnés de la BBC qui a filmé les opérations en cours, qui

22 manifestement bénéficiaient du soutien de la VJ.

23 Question: Avez-vous pu accéder aux séquences tournées par la BBC?

24 Réponse: Oui, je les ai vues et je pense qu'elles ont été retransmises aux

25 actualités.

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1 Question: Est-ce que vous avez vu des éléments de preuve sous forme de

2 photographies ou de vidéos attestant de ce que vous aviez vu?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Par la suite, est-ce que vous vous êtes entretenu avec le

5 général Ojdanic en présence de Lord Ashdown?

6 Réponse: Je crois bien que oui. Lord Ashdown a aussi rendu visite à M.

7 Milosevic, immédiatement après sa tournée au Kosovo, au moins une fois. Et

8 je crois qu'il a fait part des mêmes observations à M. Milosevic.

9 Question: Très bien. Venons-en au paragraphe 13.

10 Entre les mois de juillet et d'octobre, combien de fois avez-vous donc

11 visité le Kosovo?

12 Réponse: Environ 11 fois. Des visites qui duraient parfois de trois à

13 quatre, voire cinq ou six jours. J'ai donc passé une grande partie de la

14 fin de l'été et le début de l'automne au Kosovo, à la demande de M.

15 Holbrooke d'ailleurs lorsque l'initiative a été prise de tenter de signer

16 un accord fin octobre et au mois de novembre. J'ai surveillé le retrait

17 conformément à la proposition de M. Holbrooke, le retrait des unités de la

18 VJ: ces unités sont retournées à leurs casernes à Pristina, Prizren et

19 Urosevac.

20 Question: Et lors de ces visites, est-ce que vous avez été témoin

21 d'incidents?

22 Réponse: Oui, des incidents incessants: incendie, pillage de village,

23 certains villages avaient été pillés et incendiés au moins trois fois. La

24 population civile fuyait, et puis revenait ou rentrait chez elle,

25 lorsqu'elle pensait qu'elle serait en sécurité, une sécurité relative.

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1 Question: Et pour être tout à fait clair, lorsque vous parlez de trois

2 reprises, vous voulez dire qu'ils incendiaient, qu'ils repartaient, qu'ils

3 revenaient, qu'ils incendiaient de nouveau, qu'ils repartaient de nouveau,

4 revenaient et puis incendiaient encore une fois? C'est ce que vous voulez

5 dire par trois fois?

6 Réponse: Oui, parce que la population civile cherchait un refuge dans la

7 forêt. Il faut garder à l'esprit qu'il faisait très chaud cet été-là, mais

8 en automne la température a chuté; donc le seul abri possible, c'était la

9 forêt ou alors ces immeubles gravement endommagés. Et par la suite, le HCR

10 a apporté son secours.

11 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

12 je ne sais pas à quelle heure nous devrions faire une pause. Je vais

13 essayer de…

14 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons repris à 10

15 heures 35. Donc vous avez encore un quart d'heure, Monsieur Ryneveld.

16 M. Ryneveld (interprétation): Parfait. Je vais essayer d'en terminer avant

17 la pause. Mais comme je ne sais pas quand la pause aura lieu... Merci.

18 Paragraphe 14, maintenant. Je vais essayer d'accélérer.

19 Vous avez parlé de cet entretien du 3 octobre 1998 avec le général

20 Dimitrijevic. Et dans le cadre de cet entretien, est-ce que vous avez

21 parlé des composantes de la défense aérienne que vous aviez pu voir de vos

22 propres yeux et la façon dont ces armes étaient dirigées contre les

23 civils?

24 M. Crosland (interprétation): Oui. Pendant toute l'année 1998, ces armes

25 aériennes, qu'il s'agisse de véhicules blindés, de BOV-3 ou de Praga, eh

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1 bien, de tels véhicules ont été à maintes reprises dirigés ou tiraient

2 directement sur des villages. Je l'ai vu de mes propres yeux à maintes

3 reprises. Et c'était une tactique d'attaquer directement un village afin

4 de détruire l'infrastructure de ce village et d'en expulser toutes les

5 personnes qui y habitaient.

6 Question: Et, sur la base de vos propres observations, est-ce que ces

7 villages vous semblaient être des cibles militaires?

8 Réponse: Non, il s'agissait de villages civils et tout à fait ordinaires.

9 Bon, il était inévitable que, dans certains villages, il y avait des

10 partisans de l'Armée de libération du Kosovo. Vous le savez bien, la

11 population du Kosovo comporte un peu plus d'un million d'Albanais; enfin,

12 c'était le cas en 1998.

13 Question: Et, d'après vos connaissances de la Convention de Genève, est-ce

14 que ce type de comportement était autorisé?

15 Réponse: Non, pas du tout. Il y avait des canons de 20, 30, 40 millimètres

16 qui étaient très destructeurs et qui, conformément à la Convention de

17 Genève, peuvent être dirigés contre des avions, des blindés, mais

18 certainement pas contre du personnel.

19 Question: Y a-t-il une entité connue sous le nom de H-M-A?

20 Réponse: Oui, il s'agit de l'ambassadeur de Sa Majesté.

21 Question: Donc, lorsque vous vous êtes entretenu avec Dimitrijevic,

22 c'était en présence de cet ambassadeur, l'ambassadeur Donnelly?

23 Réponse: Oui. Et à mon retour du Kosovo et à la demande de mon

24 ambassadeur, nous avons pris l'initiative de nous entretenir avec la

25 personne la plus haut placée pour pouvoir discuter de cette situation qui

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1 devenait intenable.

2 Question: Et donc en compagnie de l'ambassadeur, je suppose qu'il était

3 présent lors de cette réunion du 3 octobre?

4 Réponse: Oui, c'est exact.

5 Question: Y a-t-il eu des discussions concernant la responsabilité du

6 point Kosta?

7 Réponse: Je crois que mon ambassadeur a dit de façon tout à fait claire

8 qu'il tenait M. Milosevic, la VJ et le MUP pour responsables de ce qui se

9 passait au Kosovo et a indiqué qu'à l'avenir des mesures pourraient être

10 prises à l'encontre de ceux qui étaient responsables de ce qui était

11 manifestement des crimes contre l'humanité.

12 Question: Y a-t-il également eu un rapport qui faisait état d'un message

13 concernant les détachements de la PJP qui étaient opérationnels au Kosovo?

14 Réponse: C'est à cette époque qu'elles ont été déployées au Kosovo, mais

15 conformément à l'accord ou à la proposition de M. Holbrooke, j'ai pu

16 observer qu'ils se retiraient. Mais peu après, d'autres unités du MUP et

17 de la PJP sont revenues pour prendre le relais de ce qui avait été en

18 poste pendant trois ou quatre mois.

19 Question: Donc il a semblé qu'il y avait tout d'abord une volonté de

20 respecter l'accord et puis les choses ont changé?

21 Réponse: Oui, la VJ, eh bien, j'ai vu trois bataillons retourner à leur

22 caserne et signaler cela aux autorités compétentes. Puis il y a eu le

23 retrait de certains éléments du MUP et de la PJP. Et puis, nous avons vu

24 d'autres éléments revenir, en l'espace de quelques jours, pour prendre la

25 place de ceux qui étaient partis.

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1 Question: Donc il n'y a eu que quelques jours d'intervalle?

2 Réponse: D'après mes meilleurs souvenirs, en l'espace d'une semaine, voire

3 deux semaines, donc les forces serbes se trouvaient de nouveau en nombre

4 considérable au Kosovo.

5 Question: Venons maintenant au paragraphe 18.

6 Juste avant Noël, vers le 19-21 décembre 1998, est-ce que vous avez été

7 témoin d'un événement concernant la 211e Brigade de Nis?

8 Réponse: Oui, cette Brigade de Nis, que l'on identifiait par différents

9 signes, différents emblèmes, avait été déployée à l'ouest, sur les

10 hauteurs, aux alentours de Podujevo, tout au long de la route principale

11 d'approvisionnement, le Q.G. avancé de la 3e Armée de Nis, donc ils

12 protégeaient leur route principale d'approvisionnement des attaques

13 lancées par l'UCK. Mais c'était un Bataillon qui donc s'est déployé

14 également sur la piste aérienne, où il y avait donc un autre bataillon.

15 Donc il n'y avait qu'une brigade, y compris des blindés, des blindés de

16 transport de troupe et l'artillerie, aux alentours de Podujevo.

17 Question: Je ne suis pas militaire, peut-être qu'il faudra que vous

18 explicitiez. Quand vous dites "des blindés", est-ce que c'était le MUP?

19 Réponse: Non, la VJ contrôlait tous ces blindés, notamment quelques unités

20 équipées de T-84. Donc cela démontrait que ces unités venaient, pour

21 l'essentiel, de l'extérieur du Kosovo, de Nis ou même de Belgrade.

22 Question: Cette 211e Brigade de Nis n'était certainement pas une brigade

23 de l'armée?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Une brigade comporte environ combien d'hommes?

Page 7946

1 Réponse: Environ 3 à 4.000. Cela dépend de la situation des forces à

2 l'époque.

3 Question: Je vois. Est-ce que c'est un grand nombre de personnes?

4 Réponse: Eh bien, c'est une organisation très grande, très puissante et

5 ils ont infligé des dégâts considérables aux villages à l'ouest de

6 Podujevo.

7 Question: Avez-vous vu des forces du MUP à l'époque où vous avez vu cette

8 211e Brigade?

9 Réponse: Oui, j'ai visité le Q.G. à Podujevo. Là, j'ai vu, dans le

10 périmètre, des endroits où il y avait une présence conjointe MUP et VJ. Il

11 était tout à fait évident qu'ils collaboraient.

12 Question: Une autre question encore. En tant qu'expert militaire, lorsque

13 vous avez vu tant de personnes, le MUP, la police qui collaboraient, est-

14 ce que cela vous a inspiré quelque réflexion? Est-ce que vous avez formulé

15 une hypothèse?

16 Réponse: Oui, cela démontrait à quel point la VJ prenait cette situation

17 au sérieux, situation qui se dégradait de jour en jour avec un afflux

18 d'hommes de l'Armée de libération du Kosovo, de matériels également. Et

19 ils tentaient manifestement de protéger leurs voies d'accès principales

20 reliant la Serbie du sud à Prokuplje et puis Nis.

21 Question: Est-ce que vous étiez préoccupé par ce que vous vous voyiez?

22 Réponse: Très préoccupé parce qu'à chaque fois qu'il y avait une

23 opération, l'usage de la force était tout à fait disproportionné visant

24 les villages et les villes.

25 Question: Merci. J'aimerais en venir aux événements de Racak, le 15

Page 7947

1 janvier 1999.

2 Pourriez-vous dire à la Chambre, dans cet endroit en particulier, quand

3 vous y trouviez-vous? Qu'avez-vous vu? Pourquoi y étiez-vous et qu'avez-

4 vous vu?

5 Réponse: Le petit village de Racak est immédiatement à l'ouest d'un

6 village du nom de Stimlje, le long des routes reliant Suva Reka et

7 Prizren. Stimlje était un poste conjoint de la VJ et du MUP. Immédiatement

8 au-delà de Racak, il y a le petit village de Crnoljevo où l'UCK avait

9 presque le contrôle total de ce col ou de cette route montagneuse qui

10 montait vers Dulje, où la VJ avait une unité de combat qui était

11 relativement isolée sur les hauteurs surplombant Suva Reka.

12 Si je me souviens bien, il y a eu une attaque visant le MUP, peut-être

13 aussi la VJ, une patrouille à l'ouest de Racak, et en conséquence, si je

14 me souviens bien, trois membres du MUP ont été tués. Il était alors

15 évident qu'une opération de grande envergure serait entreprise employant

16 la Brigade 243 du colonel Delic à Urosevac, la formation de la VJ ainsi

17 que les différentes composantes de la PJP et du MUP agissant de concert.

18 Tout cela pour attaquer et éliminer ce qui semblait être un quartier

19 général de l'armée de libération du Kosovo. Moi, j'aurais simplement dit

20 qu'il s'agissait d'une base, mais bon, c'est sujet à discussion.

21 Question: J'aimerais juste préciser quelque chose. Vous vous référez à un

22 incident concernant deux ou trois individus qui ont été tués quelques

23 jours avant le 15?

24 Réponse: Si je me souviens bien, oui, cela s'est passé quelques jours

25 avant cette grande offensive lancée contre Racak qui a eu lieu dans la

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1 nuit du 14 au 15.

2 Question: Très bien. Merci. Donc un peu avant?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Un peu avant l'incident de Racak?

5 Réponse: Oui, c'est sans doute cela qui a déclenché l'opération, qui était

6 le moteur de l'opération.

7 Question: Je vois. Désolé de vous avoir interrompu.

8 Réponse: Je suis donc arrivé au milieu de l'après-midi vers 2 heures, il y

9 avait eu un bombardement incessant de M80 -ce sont des blindés de

10 transport de troupe-, il y en avait environ neuf sur les hauteurs

11 surplombant Racak, qui étaient appuyés par des D30 -il s'agit d'obusiers-

12 servis par la VJ.

13 M. Kwon (interprétation): Colonel Crosland, comment est-ce que vous avez

14 eu connaissance qu'il y aurait une opération à Racak à ce moment-là?

15 M. Crosland (interprétation): Parce que, Monsieur le Juge, la mission de

16 vérification du Kosovo était sur place, tentait de suivre de près ce qui

17 s'y passait -les opérations- et eu égard à l'accumulation de troupes, tant

18 du MUP et de ses différentes composantes que de la VJ, donc cette

19 concentration de troupes, il était évident qu'une opération était sur le

20 point d'être lancée.

21 M. Ryneveld (interprétation): C'est pour cela que vous vous êtes rendu à

22 Racak?

23 M. Crosland (interprétation): Oui, parce que l'on passe un certain temps

24 dans une région, comme je l'ai fait, on commence à avoir une intuition sur

25 ce qui va se passer. Il s'agissait donc d'une situation très difficile,

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1 très dangereuse pour les autorités yougoslaves qui souhaitaient continuer

2 à exercer le contrôle sur cet endroit parce que, comme je l'ai dit, ils

3 avaient besoin de sauvegarder une de leurs routes principales

4 d'approvisionnement allant vers l'ouest, vers Suva Reka et Prizren.

5 Question: Oui, désolé, j'ai interrompu le Juge, mais je vais vous poser

6 une question.

7 Vous avez parlé de M80, un bombardement incessant de M80; c'est ce qu'on

8 lit au compte rendu. S'agit-il de chars ou bien?

9 Réponse: Non, il s'agit de véhicules blindés qui sont plus petits, mais

10 qui ont des mitrailleuses puissantes qui ont une puissance de tir

11 considérable. Comme je l'ai dit, il y avait environ quatre de ces

12 véhicules sans cesse qui étaient opérationnels autour de Racak.

13 Question: Est-ce que vous pouviez établir si ce matériel appartenait à la

14 JNA ou au MUP? Y avait-il également des blindés sur place?

15 Réponse: Il y avait aussi des éléments de la VJ. Nous avons reconnu la

16 243e Brigade, la Brigade motorisée d'Urosevac, c'était en fait la zone de

17 responsabilité de cette brigade.

18 Question: Avez-vous vu des chars?

19 Réponse: Oui, des T-55.

20 Question: Alors, pour ce qui est de l'envergure de cette opération,

21 Monsieur, dont vous avez été témoin, pour parler de la chaîne ordinaire de

22 commandements, d'après vous, à votre niveau de connaissance, quelle aurait

23 été l'étendue de la planification, de la coopération opérationnelle

24 nécessaire pour qu'une opération de telle envergure puisse avoir lieu?

25 Réponse: Certainement, il a dû y avoir une collaboration étroite entre le

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1 52e Corps, donc le corps de la VJ, dont la base était à Pristina, et le

2 commandement du général Lazarevic. Je le connaissais, je l'avais vu à

3 plusieurs reprises. Des soldats de la VJ avaient été blessés; l'un d'entre

4 eux avait même été tué. J'ai vu les corps. Des soins médicaux ont été

5 apportés à leurs soldats blessés. Ce qui est établi par certains

6 documents. Mais il est tout à fait exact qu'il y avait eu un effort

7 coordonné entre la VJ et le MUP pour nettoyer, pour supprimer ce nid de

8 l'UCK. Je suppose que c'était pour donner l'exemple à l'UCK, pour leur

9 donner une leçon, mais cela me paraissait franchement très osé,

10 directement sous les yeux de l'ambassadeur Walker et de la KVM.

11 Question: Avez-vous vu des membres de la KVM, lorsque vous étiez sur

12 place?

13 Réponse: Je crois bien, je crois qu'il s'agissait de l'ambassadeur Walker,

14 mais je ne m'en souviens pas exactement.

15 Question: Est-ce que vous étiez sur place lorsque le conflit a eu lieu?

16 Réponse: Je suis arrivé sur place immédiatement après le conflit le plus

17 intense, mais il y a eu encore une activité considérable tout au long de

18 l'après-midi et jusqu'à la fin de la journée.

19 Question: Je pense que la Chambre aimerait bien savoir ce que vous avez pu

20 voir de vos propres yeux. Qui faisait quoi et contre qui?

21 Réponse: Il était tout à fait évident, en voyant les M80 -donc ces

22 véhicules blindés- qui étaient sur les hauteurs de Stimlje qui surplombait

23 Racak, qu'ils assuraient une couverture grâce à des tirs nourris visant

24 Racak.

25 Et puis, il y a eu une opération que j'appellerai une opération de

Page 7951

1 ratissage à Racak. Si je me souviens bien, sept ou huit membres de l'armée

2 de libération du Kosovo ont été tués, d'autres avaient été tués également

3 à bout portant apparemment. C'est ce que laissent penser les traces de

4 balle. Manifestement, je n'étais pas présent lorsqu'on a tiré sur eux,

5 mais malheureusement on a vu suffisamment de cadavres pour pouvoir en

6 déduire que ces personnes avaient été tuées à bout portant.

7 M. Kwon (interprétation): Est-ce que vous avez entendu ou vu d'autres

8 échanges de tirs à ce moment-là?

9 M. Crosland (interprétation): Oui, on pouvait les entendre presque depuis

10 Pristina. C'était un conflit très intense. Et, à mon avis, l'autorité de

11 la KVM a été complètement bafouée parce que… Enfin, je pense que

12 l'ambassadeur Walker est arrivé accompagné de la presse et des médias du

13 monde entier qui n'ont pas pu se rapprocher de très près, mais nous avons

14 pu voir sans difficulté les neuf véhicules blindés qui tiraient

15 directement sur Racak, les autres unités qui étaient dispersées autour de

16 Stimlje et qui appuyaient cette opération.

17 M. Kwon (interprétation): Est-ce que cela veut donc dire que vous avez vu

18 aussi des ripostes de la part de l'UCK?

19 M. Crosland (interprétation): Non, c'était impossible de voir cela parce

20 qu'ils se trouvaient de l'autre côté de la colline. En fait, ils étaient…

21 les forces serbes surplombaient leur position. Et leur position était dans

22 la forêt, ce qui aurait permis à certaines personnes de s'échapper dans le

23 sud. Mais du côté serbe, il s'agissait d'une vallée assez ouverte qui

24 séparait leur position de Racak.

25 M. Kwon (interprétation): Merci.

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1 M. Ryneveld (interprétation): Juste une précision.

2 Quand vous avez dit au Juge Kwon, vous avez parlé d'un échange de tirs,

3 vous avez donc donné une réponse: vous avez mis l'accent sur le terme

4 "échange", ou bien est-ce que vous mettiez plutôt l'accent sur...?

5 M. Crosland (interprétation): Non, il était difficile de savoir s'il y

6 avait des tirs sous forme de riposte. Les tirs étaient vraiment très

7 intenses.

8 Question: Donc pendant vos fonctions, pendant que vous étiez à Racak, est-

9 ce que vous vous êtes rendu dans la ravine?

10 Réponse: Non. Je n'y suis pas allé parce que l'accès était limité. Je

11 crois que l'ambassadeur Walker est descendu dans la ravine et un ou deux

12 autres représentants de la KVM.

13 Question: Mais pas vous, personnellement?

14 Réponse: Non.

15 Question: Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire à peu près à quelle

16 heure vous avez été témoin de ces tirs d'artillerie lourde sur Racak? A

17 peu près à quelle heure? A quel moment de la journée?

18 Réponse: Si je me souviens bien, c'était à partir du milieu de la matinée

19 le 14 et jusqu'au 15, je crois le milieu de la matinée du 15.

20 Question: Jusqu'à quel moment?

21 Réponse: Jusqu'en fin d'après-midi du 15, je dirai.

22 Question: Et quel était votre point d'observation? Où étiez-vous pour

23 observer tout cela?

24 Réponse: Nous avons pu nous approcher d'assez près de Stimlje par

25 différentes routes que nous avions planifiées plus tôt.

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1 Question: Très bien.

2 Réponse: Bon, il est absolument impossible de dire avec certitude qui

3 était impliqué.

4 Question: Y avait-il des observateurs de la KVM à peu près au même

5 endroit, qui ont eu la même possibilité que vous de voir ces incidents?

6 C'est-à-dire: est-ce qu'ils étaient à un poste d'observation que vous

7 connaissiez?

8 Réponse: Oui, il y avait un poste d'observation que je connaissais, mais

9 la KVM, d'après mes souvenirs, n'a pas pu y accéder. Je crois que

10 l'ambassadeur Walker a pu y accéder avec plusieurs personnes après

11 l'opération pour constater ce qui avait eu lieu.

12 Question: A votre connaissance, est-ce que la KVM avait la possibilité

13 d'observer le même incident que vous et aurait eu la possibilité de

14 communiquer ses observations aux personnes concernées dans leur chaîne de

15 commandement?

16 M. Crosland (interprétation): J'imagine.

17 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, si vous allez

19 maintenant quitter Racak…?

20 M. Ryneveld (interprétation): Oui.

21 M. le Président (interprétation): Il conviendrait donc de faire une pause.

22 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Monsieur le Président, oui, je dois

23 encore aborder les paragraphes 20, 23 et 27; c'est tout ce qui me reste.

24 M. le Président (interprétation): Oui, mais vu les contraintes de temps.

25 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait.

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1 M. le Président (interprétation): Il ne sera peut-être pas possible d'en

2 terminer avec le témoignage du colonel aujourd'hui.

3 Colonel, nous allons faire de notre mieux pour mettre un terme à votre

4 déposition aujourd'hui, mais nous ne pouvons pas vous le promettre.

5 M. Crosland (interprétation): Merci.

6 M. le Président (interprétation): Je vous demanderai de ne pas parler de

7 votre témoignage jusqu'à la fin de cette déposition; cela s'étend

8 également aux membres de l'accusation.

9 Cela dit, si des arrangements ont été faits pour que vous reveniez au

10 Tribunal à un moment donné, entre aujourd'hui et l'été ou le début de

11 l'automne, vous pourriez peut-être en discuter avec M. Ryneveld pour

12 trouver un moment opportun.

13 M. Crosland (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, vous pourriez peut-

15 être nous dire ce qu'il en est, une fois que vous en aurez parlé.

16 M. Ryneveld (interprétation): Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de

17 parler au témoin entre-temps. Mais, pour être très prudents, nous avons

18 envisagé cela. J'espérais qu'il ne s'agirait que d'une possibilité, qu'il

19 n'y aurait qu'une chance infime que cela ait lieu, mais je crois que le

20 témoin pourra être disponible lundi matin. S'il peut partir en milieu de

21 matinée, cela devrait convenir.

22 M. le Président (interprétation): Très bien, c'est tout à fait

23 satisfaisant.

24 Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes.

25 (L'audience, suspendue à 12 heures 05, est reprise à 12 heures 30.)

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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous avez la parole.

2 (Questions relatives à la procédure.)

3 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, quelques questions

4 administratives dont il faut absolument qu'elles soient absolument réglées

5 aujourd'hui et je ne suis pas sûr que nous pourrons y revenir plus tard.

6 En tout cas, il reste 1 heure 30, 1 heure 40; il paraît tout à fait

7 évident que le colonel Crosland va devoir revenir lundi.

8 Donc le Témoin K32: nous avons remis sa déclaration préalable qui a été

9 recueillie au mois d'avril. Il a été dit à un certain endroit, de façon

10 erronée, qu'il n'avait pas pu être contacté avant le mois de mai. Je

11 regrette cette erreur, c'était en fait la fin du mois d'avril. La

12 déclaration parle d'elle-même quant à son importance et, sauf le respect

13 que nous devons au Tribunal, je pense que, selon votre ordonnance, nous

14 devrions dire clairement nos intentions au sujet de ce témoin.

15 Je demande donc un huis clos.

16 (Huis clos à 12 heures 30.)

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15 (Audience publique à 12 heures 35.)

16 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en public.

17 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, revenons rapidement à

18 cette question de Marjan Krasniqi qui a été mentionnée ce matin.

19 Sa déclaration a été relue par l'accusation et nous sommes d'avis que la

20 procédure 92bis menée à bien dans la région plus tôt cette année, c'est-à-

21 dire à partir du 13 mars, devrait s'appliquer dans ce cas.

22 Comme les Juges le savent, nous avons réduit considérablement le nombre

23 des témoins depuis cette date, mais celui-ci reste un témoin très utile,

24 en tout cas potentiellement. Et puisque l'accusé souhaite disposer de ces

25 déclarations préalables, j'annonce en application de l'Article 92bis que

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1 je demande que ces déclarations fassent partie des documents fournis à

2 l'accusé et que la Chambre puisse donc l'entendre en application de

3 l'Article 92bis. Autrement dit, simplement lecture au niveau de

4 l'interrogatoire principal et versement au dossier. Il serait surprenant

5 que l'accusé conteste ceci puisqu'il a demandé le versement au dossier des

6 déclarations.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Normalement, le délai 92bis est de 14 jours: 7 jours d'une part, 14 jours

9 d'autre part. Mais j'ai demandé que ce délai soit plus court, de façon à

10 ce que l'accusé puisse se prononcer quant à la nécessité d'un contre-

11 interrogatoire ou pas.

12 Pouvons-nous donc partir du principe que ceci est admis?

13 M. le Président (interprétation): Très bien, nous allons examiner la

14 question.

15 M. Nice (interprétation): Et puis, il y a la position et la situation de

16 M. Coo: la Chambre a mentionné une solution concrète au problème hier,

17 mais ce n'était qu'une possibilité, compte tenu du fait qu'il y a là aussi

18 l'interrogatoire principal de La Billière qui va devoir avoir lieu.

19 Le seul problème potentiel, c'est que, normalement, un témoin ne

20 communique plus avec le Bureau du Procureur à partir du moment où sa

21 déposition a commencé. Ce qui s'applique avec peut-être moins de rigueur

22 au témoignage d'un expert et peut faire l'objet de solution en cas de

23 difficulté; ou, en tout cas, il y a des possibilités qui sont disponibles.

24 Mais c'est un problème technique que nous aimerions résoudre pour aider

25 les Juges de cette Chambre.

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1 Les éléments de preuves liés à ce témoin sont actuellement triés. Un

2 problème consiste à octroyer des numéros d'intercalaire, à numéroter ces

3 documents dans l'ordre. S'il y a modification des documents qui seront

4 utilisés, cela peut poser un problème, etc., etc. Je suis sûr que

5 l'Article 92bis nous permettra de résoudre ceci plus facilement et sans

6 avoir à numéroter deux fois les documents.

7 Les pièces à conviction de Coo: donc nous serions tout à fait heureux

8 d'aider à la gestion de ces pièces à conviction. Si l'on pense qu'elles

9 peuvent être reliées dans des classeurs, nous pouvons le faire sans

10 difficulté, mais cela nous aiderait de savoir dans quel cadre il est

11 souhaité que nous travaillions. Cela nous aiderait dans notre préparation

12 et dans notre gestion des pièces à conviction, ainsi que dans nos rapports

13 avec les juristes hors classe.

14 M. le Président (interprétation): Il y a un élément de preuve de M. Coo

15 qui, en tout cas, va donner lieu à contestation eu égard à son

16 admissibilité. Si vous avez l'intention d'agir comme les amici l'ont

17 suggéré, je pense qu'il faudra une audience pour en discuter.

18 M. Nice (interprétation): Oui. Ce ne sera pas long, mais nous espérons

19 déposer un document écrit demain pour réduire le nombre de problèmes qui

20 se posent.

21 Finalement, nous avons communiqué la déclaration de Isuf Jemini, celui qui

22 a surpris des commentaires, à partir du bâtiment où il se trouvait, dans

23 le bâtiment voisin. Nous avons demandé autorisation à le citer à la barre.

24 Puis-je le prévenir que nous avons l'intention de l'entendre à un moment

25 qui conviendra à la Chambre dans les deux semaines qui viennent? Je crois

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1 que c'est un témoin qui pourrait être utile et dont l'audition ne prendra

2 pas très longtemps.

3 M. le Président (interprétation): Sa déclaration a déjà été communiquée,

4 je pense?

5 M. Nice (interprétation): Oui, elle l'a été. Simplement, la question qui

6 se pose est celle de le citer ou pas, et la demande de citation a été

7 acceptée, donc la communication des pièces a été faite.

8 M. le Président (interprétation): A l'accusé également?

9 M. Nice (interprétation): Oui.

10 M. le Président (interprétation): Très bien.

11 M. Nice (interprétation): Merci.

12 M. le Président (interprétation): Peut-on faire entrer le témoin dans la

13 salle?

14 M. Nice (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 (Le témoin, M. John Crosland, est introduit dans le prétoire.)

16 (Audience publique avec mesures de protection à 12 heures 40.)

17 (Suite de l'interrogatoire principal du témoin, M. John Crosland, par M.

18 Ryneveld.)

19 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je crois que

20 j'en étais sur le point d'en arriver au paragraphe 20 de la synthèse de la

21 déposition de ce témoin.

22 Colonel Crosland, je vais essayer d'accélérer un peu votre audition. J'ai

23 cru comprendre que, durant vos différents voyages dans la région -et vous

24 en avez déjà parlé dans votre déposition-, vous avez vu toute une série de

25 maisons incendiées et de pillages dans les villages.

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1 Ceci s'est-il aussi passé en 1999?

2 M. Crosland (interprétation): Oui, Monsieur le Président, dans la zone de

3 Podujevo où l'armée yougoslave s'était déployée, notamment la 211e Brigade

4 de cette armée provenant de Nis s'était déployée dans la région et quatre

5 villages en fait, Gornja Lapastica, Donja Lapastica, Bradas et Dobratin

6 ont été détruits dans une très large mesure.

7 Question: Monsieur le Président, les noms de ces villages se trouvent en

8 page 3 de l'atlas du Kosovo et les interprètes me demandent de respecter

9 la pause entre les questions et les réponses.

10 Monsieur le Témoin, avez-vous remarqué un Bataillon de l'armée yougoslave

11 dans ces villages dont vous venez de donner les noms?

12 Réponse: Oui, des tirs directs provenaient, ils étaient tirés par des

13 équipements qui étaient la propriété de l'armée yougoslave et par des

14 pièces qui appartenaient aussi à des éléments du MUP et probablement du

15 PJP.

16 Question: Très rapidement, pouvez-vous nous dire qui a fait quoi, comment

17 et dans quel sens?

18 Réponse: Il apparaît que, dans la plupart des opérations, les tirs du

19 matin avaient lieu en direction des villages qui étaient sur le point

20 d'être attaqués; sans doute pour essayer de prévenir la population que le

21 pire était sur le point de se produire. Après quoi, une phase très

22 destructrice de bombardements commençait, qui était suivie par une

23 opération terrestre dont j'ai déjà parlé et qui consistait à mettre le feu

24 aux maisons et à les piller -pour peu que ces maisons soient encore

25 debout- et puis à détruire aussi les cultures dans les champs voisins des

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1 maisons.

2 Ceci s'est passé dans tout le Kosovo et notamment au centre du Kosovo, qui

3 est une région très agricole, mais surtout dans la zone de Kijevo, au

4 centre donc du Kosovo, où les incendies ont duré plusieurs semaines,

5 pratiquement donc tout l'été et une partie de l'automne de 1998.

6 Question: Selon vos observations, compte tenu de ces incendies des

7 cultures et des maisons, quelle était la possibilité pour la population de

8 revenir chez elle à une date ultérieure?

9 Réponse: Je pense qu'il faut d'abord parler de la détresse considérable

10 que tout cela a provoqué. Le bétail était également massacré de façon très

11 aléatoire au cours de ces opérations et, vers la fin de 1998, lorsque le

12 HCR et d'autres institutions d'aide humanitaire ont commencé à envoyer de

13 l'aide alimentaire et matérielle dans la zone, les opérations sont

14 devenues moins destructrices, mais pourquoi? Cela, je ne peux pas vous le

15 dire.

16 Question: Une autre question sur ce paragraphe, Colonel. Vous nous avez

17 dit quelle était la méthode qui était utilisée et les forces impliquées

18 dans le pillage et dans les opérations terrestres, je crois, ont été

19 décrites par vous. S'agissait-il de l'armée ou d'autres forces?

20 Réponse: La plupart des opérations terrestres que j'ai pu voir se

21 fondaient sur des tirs directs et indirects, les tirs indirects étant en

22 appui des tirs directs de la part de l'armée yougoslave, ainsi que des

23 troupes d'assauts qui provenaient soit du JSO, soit du PJP, soit des

24 unités SAJ; elles entraient ensuite dans la zone et nettoyaient

25 systématiquement, à l'aide d'un travail très destructeur, tout ce qui

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1 restait sur place. Manifestement, le pilonnage et les tirs de canons de

2 l'armée yougoslave et d'autres éléments étaient très destructeurs.

3 Question: Selon votre expérience militaire, y avait-il coordination entre

4 l'armée et les forces terrestres pour éviter des victimes entre amis?

5 Réponse: Oui, Monsieur le Président, je suis sûr qu'il y a eu coordination

6 centrale au niveau de Pristina et que ces opérations conjointes étaient

7 planifiées, afin d'empêcher ce que nous appelons le bleu sur bleu dans

8 l'artillerie, c'est-à-dire des tirs de longue portée qui pourraient

9 atteindre d'autres cibles que les cibles visées, autrement dit, des zones

10 où se trouvaient les forces de sécurité serbe.

11 Question: Est-ce que vous avez vu ces opérations, est-ce que vous avez vu

12 les villageois et leur réaction à ces opérations dont vous avez parlé? Que

13 faisaient les villageois?

14 Réponse: Monsieur le Président, la plupart du temps, comme je l'ai déjà

15 dit, il y avait des tirs sur les villages qui étaient destinés à chasser

16 les villageois de chez eux et à leur annoncer qu'une attaque importante

17 allait se produire. Ensuite, l'attaque avait lieu, notamment dans la zone

18 de Malisevo et d'autres villages autour de ce secteur, la majorité des

19 villageois étaient partis lorsque l'opération a commencé.

20 Par conséquent, les soldats entrent dans les villages, nettoient tout

21 systématiquement, détruisent de la façon la plus aléatoire qui soit et

22 procèdent au nettoyage ethnique ou, en tout cas, tentent un nettoyage

23 ethnique dans ces zones en réussissant à pourchasser les villageois très

24 loin.

25 Ceci s'est très certainement produit à Malisevo et dans la vallée, où 30 à

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1 40.000 villageois ont été chassés de chez eux, au cours de l'été et

2 jusqu'à la fin de l'automne 1998.

3 Question: Ces villageois dont vous parlez, selon votre expérience au

4 Kosovo, connaissiez-vous la composition ethnique de ces villages?

5 Réponse: Oui, la majorité de ces villages était peuplée par des Albanais

6 du Kosovo, il y avait des villages à majorité serbe également dans les

7 lieux comme Kijevo où c'était un bastion serbe au milieu du Kosovo. Et

8 puis, la plupart des Serbes du Kosovo se trouvaient plutôt dans les

9 grandes villes comme Pristina, Pec et Djakovica.

10 Question: Avez-vous fait les mêmes remarques en 1998 qu'au début de 1999

11 au sujet de ces quartiers serbes de ces villes et villages? Avez-vous vu

12 les mêmes destructions dans ces secteurs?

13 Réponse: Non. Dans la plupart des enclaves serbes qui sont devenues des

14 zones où personne ne pouvait pénétrer, y compris moi-même, et qui était

15 gardées par des unités de défense locales organisées au niveau local sur

16 le plan territorial, donc gardées par des villageois armés qui gardaient

17 leur propres biens, la situation était différente.

18 Question: Votre déclaration traite de questions dont il est fait état au

19 paragraphe 23.

20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous réfère à la page 3. Il

21 y a des paragraphes qui peuvent vous aider.

22 Monsieur le Témoin, je souhaiterai parler d'Istok, de votre visite à Istok

23 et à la prison de Dubrava en 1999.

24 Ces lieux ont été bombardés à un certain moment, n'est-ce pas?

25 Réponse: Oui, c'est exact, durant la campagne de bombardement.

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1 Question: Vous êtes-vous rendu dans ces lieux après la fin du conflit?

2 Réponse: J'y suis allé au début du mois de juin. Et nous sommes arrivés

3 dans le secteur avec un autre attaché à la défense. Nous avons à ce

4 moment-là découvert de nombreux, de très nombreux documents dont certains

5 affirment qu'il s'agit d'ordres d'exécution et qui ont été remis aux

6 autorités responsables, avec les cartes d'identité et autres papiers

7 d'identité qui, manifestement, avaient été confisqués à des personnes et

8 qui se trouvaient à l'intérieur d'un bâtiment voisin du poste de contrôle

9 principal, faisant face à Istok et à la prison de Dubrava, comme on

10 l'appelle.

11 Question: Très rapidement, Monsieur: au cours de votre mission, avez-vous

12 appris à lire ou en tout cas à comprendre le serbe en cyrillique, ou en

13 lettres latines?

14 Réponse: Oui, avant d'accepter ma mission, j'ai appris le serbe et j'ai

15 donc appris à lire les caractères cyrilliques.

16 Question: Ces documents que vous avez trouvés, vous les avez lus

17 personnellement pour certains, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Pouvez-vous, s'agissant de ces cartes d'identité et de ces

20 papiers d'identité, nous dire quelle était l'appartenance ethnique des

21 personnes qui en avaient été les propriétaires? Avez-vous un avis sur la

22 question?

23 Réponse: Ces documents concernaient des Albanais du Kosovo. Il s'agissait

24 de cartes d'identité et, dans certains cas, d'ordres d'exécution.

25 Question: Monsieur, durant votre mission, je crois vous avoir déjà entendu

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1 dire que vous élaboriez des rapports et des synthèses destinées aux

2 personnes vis-à-vis de qui vous étiez responsable, n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui, c'est exact. J'ai effectué à peu près 70 tournées dans la

4 région, et ces visites dans la région duraient, pour certaines, un jour

5 et, pour d'autres, jusqu'à une semaine d'affilée.

6 Question: Etiez-vous présent? Avez-vous fourni des renseignements à

7 l'ambassadeur de Sa Majesté, à l'époque également?

8 Réponse: Oui, bien sûr, j'ai travaillé en relation étroite avec

9 l'ambassadeur qui, lui-même, était lié au commandement politique de

10 Belgrade, au fur et à mesure de la dégradation de la situation dans les

11 années 1998 et 1999.

12 Question: Certains de ces rapports, qui probablement comportent la

13 signature de Son Excellence l'ambassadeur de Sa Majesté, M. Donnelly, pour

14 certains d'entre eux, ont-ils servi de sources d'information? Ou bien, en

15 tout cas, avez-vous eu connaissance de certains de ces documents?

16 Réponse: Oui, j'ai fourni la plupart des détails militaires parce que

17 j'avais été basé dans la région depuis longtemps et, par conséquent,

18 j'apportais ma contribution à la rédaction des rapports sur le plan

19 militaire et géographique.

20 Question: Très bien.

21 Maintenant, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, j'aimerais

22 montrer au témoin rapidement sept documents, dont la liste figure au

23 paragraphe 27 de la synthèse. Et, afin d'éviter toute confusion, je vais

24 en traiter un par un, si vous le permettez.

25 Le premier document, Colonel Crosland, porte la date du 11 et 12 mai 1998.

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1 (Intervention de l'huissier.)

2 Je demande que Mme l'Huissier distribue ce document.

3 Avez-vous, Colonel, un exemplaire de ce rapport de situation sous les

4 yeux?

5 Réponse: Oui.

6 M. Ryneveld (interprétation): Nous allons attendre que chacun dispose de

7 l'exemplaire de ce texte.

8 M. le Président (interprétation): Il serait préférable que toute la liasse

9 de documents soit distribuée en une fois.

10 M. Ryneveld (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

11 Président.

12 Avons-nous une liasse complète?

13 (Signe négatif de Mme Graham, assistante du Bureau du Procureur.)

14 Apparemment, nous ne disposons pas d'une liasse complète. C'est mon

15 erreur. Je vous prie de m'en excuser.

16 Colonel, peut-être pourriez-vous d'abord nous dire quel est le formatage

17 de ces documents?

18 M. Ryneveld (interprétation): Le premier document a le numéro de référence

19 R0118465 et comporte la mention "Confidentiel". C'est un rapport militaire

20 britannique de Belgrade.

21 M. le Président (interprétation): Il faut d'abord que nous ayons ce texte

22 sous les yeux.

23 M. Ryneveld (interprétation): Je vous prie de m'excuser, je croyais que

24 c'était le cas.

25 M. le Président (interprétation): Ce serait vraiment utile à l'avenir de

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1 disposer des documents rassemblés dans une liasse et agrafés. Ce serait

2 plus pratique pour tout le monde.

3 Nous avons encore combien de documents à examiner? Vraiment, nous ne

4 voulons pas perdre de temps. En voici, un troisième.

5 M. Ryneveld (interprétation): Il y en a sept, Monsieur le Président. Et je

6 crois qu'au total, cela fait entre 17 et 20 pages.

7 M. le Président (interprétation): Eh bien, commençons dans l'ordre que

8 vous voulez, mais commençons, je vous prie.

9 M. Ryneveld (interprétation): Dans l'ordre chronologique, vous constaterez

10 que le premier document est daté du 11 au 12 mai 1998. Vous voyez qu'il

11 s'agit d'un rapport de situation sur le Kosovo.

12 Vous l'avez sous les yeux, Monsieur le Président?

13 M. le Président (interprétation): Oui, oui: 2490.

14 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

15 M. le Président (interprétation): J'aimerais qu'on nous donne une cote à

16 ce document. Il va falloir les verser au dossier en tant que pièces à

17 conviction distinctes.

18 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Excusez-moi

19 encore.

20 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce du Procureur 254.

21 M. Ryneveld (interprétation): Colonel, ce document, vous en connaissez les

22 détails, n'est-ce pas? Vous êtes la source de la majorité des informations

23 qui y figurent, n'est-ce pas?

24 M. Crosland (interprétation): Oui. J'ai rédigé ce document et la plupart

25 des autres également d'ailleurs. Et le format de ce document est très

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1 simple: on a un titre en haut, on a ensuite la date du jour de sa

2 rédaction, et puis une synthèse des éléments principaux. Ensuite, des

3 détails concernant certains secteurs traversés par nous. Tout ceci aux

4 fins de renseigner les personnes sur la situation dans la région à une

5 époque déterminée.

6 Question: Très bien. Et dans le premier document, vous parlez du secteur

7 de Ponosevac, n'est-ce pas? Excusez-moi, je vous ai interrompu.

8 Réponse: Le secteur concerné est effectivement celui de Ponosevac, qui se

9 trouve à l'ouest de Decani, donc tout près de la frontière avec la Serbie,

10 un secteur qui était donc très intéressant pour les forces de sécurité

11 serbes.

12 Question: Au paragraphe 2, faites-vous quelques observations au sujet des

13 villages situés au sud de Ponosevac et de ce qui s'y passe?

14 Réponse: Oui, la majorité de ces villages qui se trouvent donc aux

15 alentours de Djakovica, et jusqu'à Ponosevac ou même Decani, ont été

16 endommagés très, très gravement. La plupart de la population civile avait

17 quitté ces villages. Et des éléments du JSO et du PJP patrouillaient dans

18 les villages abandonnés, d'une façon très violente, dirais-je, en tirant

19 sur le bétail qui était encore vivant -s'il l'était-, en détruisant tout

20 ce qui était sur leur chemin. Donc ils ne faisaient qu'aggraver les

21 destructions déjà existantes dans les maisons de cette population civile

22 qui avait pris la fuite.

23 M. Ryneveld (interprétation): Très bien. Ce document a une cote.

24 Je passe au document suivant, celui qui porte la date du 28 mai 1998.

25 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 255.

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1 M. Ryneveld (interprétation): C'est un document de quatre pages. Vous

2 l'avez, Colonel?

3 M. Crosland (interprétation): Oui.

4 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, vous l'avez également

5 sous les yeux?

6 M. le Président (interprétation): Oui.

7 M. Ryneveld (interprétation): Très rapidement, premier paragraphe, page 1.

8 Vous y parlez de villages situés au nord de Decani; pouvez-vous nous dire

9 quelques mots de cela?

10 M. Crosland (interprétation): Ces villages, ainsi que la majeure partie

11 des villages situés sur la route à l'ouest de Djakovica, jusqu'à Decani et

12 même Pec, et notamment dans le secteur de Gornje Streoci et de Prilep,

13 nous en avons déjà parlé. Ces villages ont subi des dommages très

14 importants et la majeure partie de la population civile, trop terrorisée

15 pour y rester, avait déjà pris la fuite dans la direction de Junik qui se

16 situe à l'ouest.

17 Question: Passons maintenant à la page 2 de ce document, donc paragraphe

18 2, intitulé "Restrictions de circulation". Est-ce que vous avez tenté

19 d'accéder à Zrze?

20 Réponse: Oui, nous avons essayé de le faire, nous avons obtenu une

21 autorisation. Zrze est un petit hameau qui se trouve au nord-ouest, non

22 excusez-moi, au sud ouest de Djakovica et, à l'époque, c'était un endroit

23 contrôlé par la VJ et le MUP.

24 Question: Au paragraphe 3, avez-vous fait des observations dans le village

25 de Kijevo?

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1 Réponse: Oui. Ce village se trouve au milieu du secteur de Drenica au sud

2 et, pendant toute la période de 1998-1999, ce village a été un bastion

3 serbe contrôlé par le MUP et le PJP, et il est demeuré aux mains des

4 Serbes pendant toute la période 1998 et 1999.

5 Question: Merci. Nous allons maintenant en bas de page passer au

6 paragraphe 4, intitulé "Incendie des villages situés au nord de Decani". A

7 la fin de cette page et à la page suivante, quelles sont les observations

8 que vous faite?

9 Réponse: Monsieur le Président, dans ce secteur, nous avons constaté la

10 présence de très rares véhicules sur la route à part les nôtres et la

11 plupart des villages, depuis Ljubenic jusqu'à Gornje, Streoci avaient été

12 gravement endommagés. La population avait quitté ces villages par peur des

13 représailles éventuelles et le secteur ressemblait beaucoup à un désert, à

14 part ce que nous appelions les postes de contrôle des véhicules du MUP et

15 du PJP, qui se trouvaient un peu partout dans la zone afin de tenter de

16 contrôler la frontière occidentale de cette route.

17 Question: Paragraphe 5.

18 Réponse: Cela se réfère à l'endroit au sud de Kline, le village de Orovac,

19 se dirigeant vers Djakovica. Encore une fois, il s'agissait d'une route de

20 transit pour les forces de sécurité serbes. Les villages surplombaient

21 cette route. On avait tiré sur ces villages, comme j'en fais état dans ce

22 rapport. Il y avait de nombreux incendies assez considérables ce jour-là

23 et cela faisait partie du quotidien tout au cours de l'année 1998 et 1999.

24 Question: Paragraphe 6 maintenant. Est-ce que vous avez été témoin

25 d'attaques au moyen d'hélicoptères?

Page 7973

1 Réponse: Non. Plusieurs rapports ont fait état d'hélicoptères. Nous avons

2 vu un hélicoptère particulièrement agressif qui volait, fin 1998, à Pec ou

3 plutôt non, à Kosovska Mitrovica mais, en fait, l'armée yougoslave n'avait

4 pas de nombreux hélicoptères.

5 Question: A la page suivante, vous nous avez déjà dit que vous aviez vu

6 des véhicules peints en plusieurs couleurs, vous avez parlé du fait qu'on

7 les a repeints, ceci au paragraphe 9. Est-ce exact? Est-ce que vous avez

8 déjà témoigné à ce propos?

9 Réponse: Oui, c'est exact. Cela a eu lieu de façon générale dans toutes

10 les garnisons, casernes conjointes de la VJ et du MUP, ainsi qu'à la

11 campagne. Et ces véhicules étaient déployés dans le cadre d'opérations.

12 M. Ryneveld (interprétation): Les documents auxquels nous faisons

13 allusion: il s'agit de documents 2490 du Bureau du Procureur; nous venons

14 de traiter du chiffre, du numéro 2491 et les autres vont en fait du 493 à

15 496.

16 M. Kwon (interprétation): Colonel Crosland, sur le document qui porte le

17 n° 10, est-ce que vous pourriez nous préciser ce que vous entendez quand

18 vous faites allusion au MUP?

19 M. Crosland (interprétation): Oui, car ce terme "turning the screw" en

20 anglais, cela implique… En anglais, cela veut dire "exercer une pression".

21 M. Kwon (interprétation): Merci.

22 M. Crosland (interprétation): Oui, en fait, il y a une erreur

23 dactylographique.

24 M. Ryneveld (interprétation): Qu'est-ce que vous entendez par cette

25 expression "exercer davantage de pression"?

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1 M. Crosland (interprétation): Les actes des forces serbes, pour utiliser

2 un terme général, tentaient de détruire complètement la vie dans les

3 villages en incendiant les récoltes, les bottes de foin, tout ce qui était

4 nourriture en tuant les animaux, tous les animaux et puis la destruction

5 arbitraire des maisons privées, pillages, destructions aléatoires des

6 commerces qui n'étaient pas utiles aux forces serbes.

7 M. Ryneveld (interprétation): Venons-en maintenant au rapport de situation

8 du 30 juillet 1998.

9 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 256.

10 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Vous parlez d'une force d'assaut de

11 la SAJ, PJP et de la VJ à Malisevo, qu'entendez-vous par là?

12 M. Crosland (interprétation): Nous étions venus depuis le sud à Malisevo,

13 au mois de juillet; il s'agissait là du quartier général de l'UCK et nous

14 avons rencontré ce groupe de combat commandé par la SAJ. Il y avait aussi

15 des éléments de la VJ avec leurs chars, d'autres éléments du JSO et de la

16 PJP, à Kijevo et à Lapusnik, qui étaient en position d'attaque, en

17 direction de Malisevo et, plus tard dans la journée, ils ont mené cette

18 offensive et l'un de leurs véhicules a sauté sur une mine au sud de

19 Lapusnik.

20 Question: On voit à la page suivante les chiffres 3, 4 et 5, qui sont

21 écrits en toutes lettres.

22 Quelques remarques: je crois que vous avez déjà témoigné au sujet de ce

23 que vous avez vu; il ne s'agit là que de documents d'information, est-ce

24 exact?

25 Réponse: Oui. Nous rédigions des résumés pour que des personnes puissent

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1 se familiariser rapidement avec la situation; s'ils souhaitaient plus de

2 détails, nous leur donnions ces détails.

3 Vous voyez cela dans ces paragraphes. Cela fait allusion aux forces de

4 frappe que nous avons rencontrées à Lapusnik et Kijevo avant l'opération

5 visant Malisevo.

6 Question: A la page suivante, sous l'intitulé "Bravo", vers le haut de la

7 page 3, on parle de dégâts arbitraires infligés à chaque village; puis,

8 vous parlez de la même méthodologie déjà décrite plus tôt dans le cadre de

9 votre déposition aujourd'hui?

10 Réponse: Oui, j'étais personnellement arrivé depuis Malisevo avant de

11 rencontrer les forces de sécurité serbes sur la route principale. Toutes

12 ces maisons étaient endommagées, les récoltes brûlées. Immédiatement après

13 l'offensive donc, j'ai accompagné le groupe des ambassadeurs de la troïka

14 et ils ont pu voir, de leurs propres yeux, l'étendue des dégâts à la suite

15 de cette offensive à Malisevo.

16 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Maintenant, 7 août 1998: rapport de

17 situation.

18 La cote, s'il vous plaît, Madame la Greffière?

19 Mme Anoya (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction de

20 l'accusation 257.

21 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

22 Très brièvement. Cela se réfère à un incident des 5 et 6 août. Le rapport

23 date du 7 août. Vous parlez de Junik, Drenica et Jablanica; vous parliez

24 de la destruction des dégâts à l'infrastructure, aux récoltes et aux

25 commerces, comme vous l'aviez déjà vu à d'autres endroits?

Page 7976

1 M. Crosland (interprétation): Oui, c'est tout à fait exact. Cela s'est

2 déroulé pendant les mois de juillet, août et septembre.

3 Les forces de sécurité serbes tentaient de reprendre le contrôle de la

4 région et il semblait que leur tactique consistait à tenter d'expulser la

5 population civile de ces zones en détruisant leurs maisons, en les

6 incendiant et en pillant les commerces existants, ou tout autre endroit

7 qui leur semblait intéressant.

8 Question: La page suivante, chiffre 2: vous parlez de "civ. pop". Est-ce

9 que cela se réfère à la population civile?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Et en fait, qu'est-ce que vous consignez au juste ici?

12 Réponse: En juillet, août et septembre, durant toute cette période, on a

13 assisté à un mouvement massif de personnes déplacées, à l'intérieur même

14 du pays: la population civile, des endroits attaqués. Ils ont été expulsés

15 de leur maison, se sont réfugiés dans les forêts des alentours, ou plus au

16 sud, pour arriver par exemple à la vallée de Pagarushe, au nord de Suva

17 Reka. Donc il y avait en fait une population civile transitoire qui

18 essayait simplement de rester à l'écart des forces de sécurité serbes.

19 M. Ryneveld (interprétation): Rapport de situation suivant: septembre

20 1998. Le témoin décrit la situation des 8 et 9 septembre.

21 Est-ce que les Juges ont ce document?

22 Mme Anoya (interprétation): Pièce de l'accusation 257.

23 M. Ryneveld (interprétation): A la première page, chiffre 2: "IDP". Est-ce

24 que ce sont les personnes déplacées à l'intérieur du pays?

25 M. Crosland (interprétation): Oui, c'est un acronyme que l'on utilise:

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1 "Personnes déplacées à l'intérieur du pays", au nord de Suva Reka, zone

2 contrôlée par les forces de sécurité serbes. Donc ils étaient pris entre

3 cet endroit et Malisevo qui était également tenu par les forces serbes.

4 Question: Combien de personnes avez-vous vues dans ce groupe de personnes?

5 Réponse: Ce nombre variait entre 5 et 15.000 personnes. Cela pouvait aller

6 jusqu'à 30 ou 40.000 parfois. C'était presque impossible de déterminer

7 cela avec exactitude parce que les gens vivaient sous des couvertures, des

8 sacs, dans les buissons, tout ce qu'ils pouvaient, pour trouver un abri,

9 se protéger des éléments. Mais donc il s'agissait de groupes très larges.

10 Il était difficile d'établir le nombre exact mais, de façon générale, on

11 savait qu'il y avait entre 5 et 15.000 personnes à ce moment, mais le

12 chiffre a augmenté plus tard dans l'année.

13 Question: Aux points 3 à 6, vous parlez d'observations, vous faites des

14 observations concernant la destruction des villages.

15 Au point 7, est-ce que vous avez formulé quelques prévisions quant au sort

16 de ces personnes, le sort probable de ces personnes au cours de l'hiver?

17 Réponse: Oui. Il était très intéressant pour la KVM et la KDOM, ainsi que

18 pour pouvoir coordonner l'aide, le secours à apporter aux civils qui

19 commençaient à arriver. Donc, comme vous le voyez, il y a eu une

20 estimation faisant état de 171.000 personnes.

21 Mais, encore une fois, il était très difficile d'évaluer de façon exacte

22 la situation. En fait, les ONG et le HCR tentaient d'apporter leur

23 assistance pour éviter une catastrophe qui se profilait à l'horizon dans

24 les mois d'hiver à venir. Les villageois ont perdu leurs maisons, leurs

25 maisons ayant été détruites et leurs récoltes incendiées; ils n'auraient

Page 7978

1 plus rien à manger et leur bétail avait également été tué.

2 M. Ryneveld (interprétation): Maintenant, prochain rapport: 3 octobre

3 1998.

4 M. Wladimiroff (interprétation): Je crois qu'il y a une erreur de

5 numérotation.

6 M. le Président (interprétation): Oui, je crois bien.

7 M. Kwon (interprétation): Je crois que le document dont nous venons de

8 parler aurait dû être numéroté 258. Maintenant, il s'agira de 259.

9 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Donc, pour le document daté du 3

10 octobre 1998, s'agit-il du 259? Merci.

11 Monsieur, vous avez témoigné à propos d'entretiens que vous avez eus,

12 entre autres, avec Dimitrijevic le 3 octobre. Est-ce que ce document date

13 à peu près de la même période que cet entretien avec Dimitrijevic? Ou

14 s'agit-il d'un résumé de cet entretien?

15 M. Crosland (interprétation): Oui, il s'agit d'un résumé détaillé de cet

16 entretien avec le général Dimitrijevic. Manifestement, il voulait se

17 distancer et distancer le chef de l'état-major de ce qui se passait, ce

18 qui se faisait sous les ordres du général Pavkovic au Kosovo. Les ordres…

19 Il voulait se distancer aussi de cette chaîne de commandement qui allait

20 de M. Milosevic au général Pavkovic.

21 Question: Très bien. Je crois que nous en avons déjà parlé en détail. Oui.

22 Je ne vais pas m'appesantir, mais il s'agit donc d'un mémo contemporain

23 datant de la même période, en fait que vous avez rédigé tout de suite

24 après cet entretien du 3 octobre?

25 Réponse: J'évoque aussi mon ambassadeur qui a commencé à se rendre compte

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1 que la situation devenait extrêmement difficile.

2 Question: Et pour préciser, je crois que vous nous avez dit que

3 l'ambassadeur de Sa Majesté a également assisté à cet entretien?

4 Réponse: Oui.

5 M. Ryneveld (interprétation): Enfin, le 6 novembre 1998…

6 Une cote, s'il vous plaît?

7 Mme Anoya (interprétation): Pièce de l'accusation 260.

8 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

9 Une deuxième demande visant à avoir un autre entretien avec le général

10 Dimitrijevic: est-ce exact? On voit cela au paragraphe 2.

11 M. Crosland (interprétation): A l'époque, il s'agissait d'un souhait que

12 nous partagions tous deux, une demande réciproque de ma part et de la part

13 du général Dimitrijevic. Nous souhaitions parler d'une situation qui ne

14 faisait qu'empirer et des détails de ce rapport.

15 Question: Très bien. Venons-en au paragraphe 5. Je vous ai posé des

16 questions concernant l'entretien. Je me suis peut-être trompé: vous avez

17 parlé du 3 octobre ou j'ai parlé du 3 octobre par erreur. Je crois, en

18 fait, qu'il s'agissait… Enfin, je vous ai posé concernant le 3 octobre;

19 j'aurais dû en fait parler du 5 novembre.

20 Paragraphe 5. Est-ce que cette offensive de l'été a été évoquée dans le

21 cadre des discussions que vous avez eues le 5 novembre?

22 M. Crosland (interprétation): Oui, le général Dimitrijevic a dit très

23 clairement que la VJ avait outrepassé ses compétences dans le cadre de

24 cette offensive estivale. Bon, il a dit que la VJ devait intervenir pour

25 sauver la situation parce que le MUP n'était pas à même de le faire.

Page 7980

1 Je pense que c'était à peu près juste comme remarque.

2 Au paragraphe 4, on voit aussi que le général Pavkovic, le troisième

3 commandant de l'armée, pourrait réagir sans l'autorisation préalable de

4 l'état-major. Donc il y aurait là encore une fois une défaillance de la

5 chaîne de commandement. Cela ne se faisait plus par les circuits

6 ordinaires, les instructions données normalement par le chef de l'état-

7 major de la défense, mais cela venait plutôt du Conseil suprême de la

8 défense: des instructions données directement au général Pavkovic à

9 Pristina ou Nis.

10 M. Kwon (interprétation): A quoi se réfère l'abréviation DA au paragraphe

11 5? Vous dites que la DA a observé la VJ?

12 M. Crosland (interprétation): Cela se réfère à "attachés de la défense".

13 M. Kwon (interprétation): Merci.

14 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que cela se réfère à vous-même ou à

15 quelqu'un d'autre?

16 M. Crosland (interprétation): A moi-même.

17 Il y a une autre erreur: MRS; on devrait plutôt lire MRLS, système de

18 lance-roquettes. Il s'agit de lance-roquettes 2 mm, lance-roquettes

19 multiple. Donc en fait, on voit MRS et il faudrait qu'il y ait un L.

20 Question: Oui, il y a un L qui manque.

21 Réponse: C'est donc une expression qui désigne un système de lance-

22 roquettes multiple.

23 Question: Merci de ces précisions, cela m'avait échappé.

24 Une dernière question: je vous ai peut-être induit en erreur en évoquant

25 une date inexacte. Je vous ai demandé si, en octobre, Ojdanic a remplacé

Page 7981

1 Perisic. Est-ce que vous savez si c'était en octobre ou en novembre? Vous

2 souvenez-vous de la date exacte?

3 Réponse: Je crois qu'il s'agissait d'octobre.

4 M. Ryneveld (interprétation): Très bien, merci. J'en ai fini avec mes

5 questions.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

7 M. Milosevic (interprétation): Nous avons moins de 20 minutes à notre

8 disposition. J'aimerais savoir quel est le temps total que vous m'accordez

9 pour l'audition de ce témoin?

10 M. le Président (interprétation): Colonel, vous pouvez revenir lundi

11 matin, n'est-ce pas?

12 M. Crosland (interprétation): Oui, c'est possible, Monsieur le Président.

13 M. le Président (interprétation): Mais vous souhaitez partir à une heure

14 raisonnable, n'est-ce pas?

15 M. Crosland (interprétation): Ce serait bon également, car j'ai une autre

16 réunion mardi, Monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous prévoyons deux

18 heures à votre disposition pour l'audition de ce témoin, donc 20 minutes

19 aujourd'hui et une heure et demie… Cela vous aura donné une heure et demie

20 cet après-midi et vous aurez donc une autre heure et demie lundi matin.

21 M. Milosevic (interprétation): Très bien, mais la partie adverse a disposé

22 de deux heures, comme vous pouvez le constater: une heure et demie d'abord

23 et 35 minutes ensuite.

24 M. le Président (interprétation): Je pense que vous vous trompez dans vos

25 calculs. C'était une heure au départ; je ne sais pas combien a duré la

Page 7982

1 deuxième série de questions, mais poursuivons. Avançons, voyons jusqu'où

2 nous pouvons arriver. Le témoin peut revenir lundi matin, mais il devra

3 partir à une heure raisonnable.

4 (Contre-interrogatoire de M. John Crosland par l'accusé M. Milosevic.)

5 M. Milosevic (interprétation): Colonel, lorsque vous étiez attaché

6 militaire, comme vous le dites dans votre déclaration, existait-il un

7 problème inhérent au terrorisme, oui ou non?

8 M. Crosland (interprétation): Monsieur Milosevic, vous connaissez bien mon

9 passé. Je suis soldat de métier depuis 35 ans et j'ai servi un peu partout

10 dans le monde; j'ai dû faire face à diverses menaces terroristes. Il ne

11 fait pas de doute que l'armée de libération du Kosovo menaçait l'Etat de

12 Yougoslavie et, dans mes discussions avec votre personnel, j'ai dit très

13 clairement qu'en tant qu'attaché militaire, j'admettais qu'il existait un

14 problème.

15 Mais la question qui se pose -et vous êtes le seul avec votre personnel à

16 pouvoir y répondre- réside dans la stratégie que vous avez développée et

17 comment vous l'avez développée. Je ne peux pas répondre à cette question.

18 J'ai dans ma déposition dit ce que j'ai vu pendant les 70 voyages que j'ai

19 faits dans le secteur durant ma mission. Il y avait des comportements qui

20 étaient réellement très lourds, très violents à l'égard d'une grande

21 majorité de la population civile.

22 Question: Je vous prierai de bien vouloir répondre à mes questions.

23 Puisque vous dites que vous donniez des conseils à l'état-major principal

24 de l'armée yougoslave, je vous prie de ne pas me donner de conseils à moi

25 également.

Page 7983

1 Monsieur Crosland, vous êtes en train de parler de votre expérience; vous

2 êtes colonel de l'armée britannique, n'est-ce pas?

3 Réponse: C'est exact, Monsieur Milosevic.

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgé)

11 (expurgé)?

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 M. Milosevic (interprétation): Bien.

16 En page 2, quatrième paragraphe de votre déclaration, vous dites que c'est

17 en octobre 1998 que les premiers indices sont apparus montrant que l'UCK

18 était un élément relativement important sur le plan militaire, n'est-ce

19 pas?

20 M. Crosland (interprétation): Pouvez-vous répéter, je vous prie?

21 Question: Votre déclaration, Monsieur Crosland, page 2, en fait. La page

22 2, c'est la première page du texte de votre déclaration.

23 Réponse: Quel paragraphe?

24 M. Milosevic (interprétation): Au quatrième paragraphe, vous dites cela.

25 M. Crosland (interprétation): Excusez-moi, mais...

Page 7984

1 M. le Président (interprétation): Je crois que M. Milosevic parle de votre

2 première déclaration datant de mai 1999.

3 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui.

4 M. le Président (interprétation): L'accusé a un texte dont les paragraphes

5 ne sont pas numérotés, mais c'est le quatrième paragraphe.

6 M. Crosland (interprétation): Oui, c'était ma première déclaration. J'ai

7 discuté avec le général Dimitrijevic et le général Perisic, si je ne

8 m'abuse, au sujet de l'évolution potentielle de la situation au Kosovo

9 Metohija.

10 M. Milosevic (interprétation): Vous dites que l'UCK commence à constituer

11 un élément d'une certaine importance militaire, c'est bien cela? Parlant

12 d'élément d'une certaine importance militaire, en tant qu'expert, que

13 vouliez-vous dire exactement?

14 Réponse: Selon mon expérience, Monsieur Milosevic, mon expérience d'autres

15 situations de lutte contre le terrorisme, une organisation terroriste peut

16 naître et croître et, comme vous le savez très bien, ceci n'était pas la

17 naissance de l'Armée de libération du Kosovo, mais c'était peut-être la

18 première fois que cette armée était devenue si visible au Kosovo-Metohija,

19 dans le secteur de Drenica.

20 Question: A en juger par ce que vous dites dans votre déclaration, vous

21 connaissiez le fait que l'UCK déplaçait des personnes et de l'équipement à

22 partir de l'Albanie jusqu'au centre du Kosovo; c'est bien cela?

23 Réponse: Il y avait des indices montrant que c'était bien ce qui se

24 passait, oui.

25 Question: S'agissait-il de terroristes, de combattants quand vous parlez

Page 7985

1 de personnes? Vous pensez à des combattants, à des terroristes?

2 Réponse: Monsieur Milosevic, je crois que lorsque j'ai parlé avec le

3 général Dimitrijevic de la situation en matière d'espionnage et de

4 renseignements, il m'est apparu très clairement, selon les éléments qui

5 m'ont été fournis par vos services de renseignement sous la forme de

6 cartes, que des éléments de l'Armée de libération du Kosovo, revêtus

7 d'uniformes -et j'utilise ce mot de façon très large-, ainsi que des

8 civils, apportaient sans doute leur aide à l'UCK, en déplaçant des armes

9 et des munitions qui franchissaient la frontière albanaise.

10 Ces renseignements m'ont été donnés par les services de renseignement de

11 votre armée yougoslave.

12 Question: Très bien, mais dans votre déclaration, vous dites qu'il s'agit

13 d'un fait, n'est-ce pas, et pas simplement d'éléments d'information?

14 Réponse: Oui, il s'agit de faits qui m'ont été communiqués par les

15 services de renseignement de l'armée yougoslave. Le général Krga d'abord

16 m'a fourni ces renseignements et ensuite le général Milovanovic, qui

17 travaillait directement pour le général Dimitrijevic et le général

18 Perisic. Donc il s'agit des services de renseignement serbes.

19 Question: Bien. Je voudrais que vous confirmiez vous-même ce qui se

20 passait: avez-vous jamais vérifié le nombre de personnes qui dans cette

21 période, donc fin 1997 et durant l'année 1998 et 1999, avez-vous vérifié

22 le nombre de ces personnes, autrement dit de ces combattants, de ces

23 terroristes qui ont été transférés depuis l'Albanie au Kosovo?

24 Réponse: Non, Monsieur Milosevic. A cette époque-là, je pense que vos

25 services de renseignement étaient très mal informés, car les Albanais

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1 agissaient de la sorte avec des personnes qui portaient des uniformes,

2 aussi bien que des personnes qui ne portaient pas d'uniforme. Donc il

3 était très difficile de vérifier exactement la nature d'une action qui se

4 développe dans un secteur frontalier qui, comme vous le savez vous-même,

5 est un secteur très susceptible de donner lieu à des actes de contrebande.

6 Ceci était potentiellement le début d'un effort de la part de l'Armée de

7 libération du Kosovo.

8 Question: Bien. Vous dites que les renseignements de nos services de

9 renseignement étaient très limités, mais avez-vous connaissance de ce

10 transfert d'équipements et d'hommes en uniforme? Avez-vous été informé de

11 cela par des renseignements venant de chez vous?

12 Réponse: Comme je l'ai déjà dit, les renseignements fondamentaux que nous

13 avions provenaient de vos services de renseignement. C'est seulement à

14 partir du début de 1998 que j'ai obtenu d'autres informations en me

15 rendant personnellement sur place et en parlant à un certain nombre de

16 personnes. A ce moment-là, il m'est apparu, de la façon la plus claire qui

17 soit, qu'un mouvement était en train de se former. Mais tenter de dire

18 s'il s'agissait d'autre chose que d'un mouvement très fragile était

19 difficile; en tout cas, il aurait été difficile de prouver quoi que ce

20 soit en la matière.

21 Question: Avez-vous entendu parler de camps d'entraînement en Albanie, par

22 exemple?

23 Réponse: Oui, le général Dimitrijevic m'en a parlé et j'ai transmis cette

24 information à mes autorités.

25 Question: Avez-vous entendu parler de camps d'entraînements situés en

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1 Suisse, par exemple, ou dans d'autres pays occidentaux à cette époque?

2 Réponse: Il existait des indices selon lesquels les diasporas, comme on

3 les appelle depuis peu, aidaient peut-être et soutenaient les intentions

4 des Albanais du Kosovo, mais à cette époque-là, pour autant que je le

5 sache, personnellement, je ne connaissais pas l'importance ou l'importance

6 potentielle de l'appui apporté aux Albanais à partir de l'extérieur du

7 Kosovo-Metohija.

8 Question: Avez-vous entendu parler du transfert vers le Kosovo de

9 terroristes étrangers? Comme par exemple, des terroristes d'Al-Qaïda,

10 etc., à cette époque-là? Avez-vous obtenu des informations de quelque

11 nature que ce soit à ce sujet?

12 Réponse: Non, Monsieur Milosevic. Pour autant que je sache -et j'ai

13 personnellement vu ce qui aurait pu être un terroriste du Proche-Orient à

14 Malisevo, au mois de juillet, lorsque j'ai été appréhendé par l'Armée de

15 libération du Kosovo-, je n'ai jamais vu ou, en tout cas, je n'ai jamais

16 eu la preuve d'une action de la part d'Al-Qaïda ou de qui que ce soit

17 d'autre.

18 M. Milosevic (interprétation): Mais êtes-vous en train d'affirmer ici que

19 vos services -je pense aux services britanniques- ne savaient rien de

20 l'action de ces organisations dans les Balkans, en Albanie et au Kosovo,

21 dans la période où vous y étiez?

22 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu à cette question.

23 Passez à votre question suivante.

24 M. Milosevic (interprétation): Vous parlez de l'introduction d'équipements

25 en provenance d'Albanie sur le territoire du Kosovo.

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1 Avez-vous une idée plus précise du type d'équipement dont il était

2 question, s'agissant de la nature de ces équipements, de leur qualité et

3 de leur quantité?

4 M. Crosland (interprétation): Au départ, l'UCK n'était pas très bien

5 équipé. Vers la fin de 1998, il est devenu tout à fait apparent que l'UCK

6 avait réussi à se procurer des armements beaucoup plus modernes et plus

7 maniables, y compris des fusils et des mitraillettes très modernes, ainsi

8 que des quantités réduites de véhicules blindés et d'obus antichars; ainsi

9 que des uniformes de meilleure qualité qui étaient arrivés très récemment.

10 Et je dis que ceci a commencé en octobre, à peu près octobre 1998.

11 Question: Très bien. Vous étiez avec Ashdown en visite au Kosovo et lui-

12 même est allé de l'autre côté; il a franchi la frontière albanaise, il est

13 donc allé en Albanie, il est allé également au Kosovo. Il a parlé ici,

14 dans ce prétoire, des armes et de la présence de ces formations et unités

15 des deux côtés de la frontière. Donc je suppose que vous commentez ce même

16 type d'informations dont vous disposiez vous aussi.

17 Alors, que pensez-vous à ce sujet: combien d'armes et combien d'hommes ont

18 été introduits illégalement à partir de l'Albanie au Kosovo, après

19 franchissement de la frontière de l'Etat yougoslave?

20 Réponse: D'abord, les informations ont évolué s'agissant de l'UCK. Au

21 cours de l'été et de l'automne 1998, comme je l'ai déjà dit, il est devenu

22 très clair, car nous avons vu l'UCK lors de nos voyages sur le Kosovo et

23 Metohija, il est devenu très clair que l'UCK était mieux équipé et mieux

24 armé que par le passé.

25 Mais c'est à Lord Ashdown qu'il appartiendrait de répondre à votre

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1 question; je ne peux pas y répondre moi-même.

2 Question: Très bien. Serait-il permis de dire qu'en tant qu'attaché

3 militaire britannique, vous connaissiez bien l'intensification de

4 l'armement de cette organisation répondant au nom d'UCK, nom qu'elle s'est

5 donné elle-même. Je veux parler en disant cela de l'introduction illégale

6 d'armes, de contrebande donc internationale d'armement et de formation des

7 membres de l'UCK sur le territoire de l'Albanie.

8 Etiez-vous au courant de cela?

9 Réponse: Monsieur Milosevic, comme je l'ai dit, au cours de l'année 1998,

10 il est devenu progressivement de plus en plus clair qu'un grand nombre

11 d'équipements et d'hommes arrivaient en provenance de l'Albanie, donc

12 après franchissement de la frontière albanaise, ainsi que sans doute de la

13 frontière macédonienne. Et comme vous le savez, il est très difficile et

14 c'est une tâche très exigeante que de garder et protéger une telle

15 frontière.

16 Comme vous le savez bien, cette contrebande se faisait selon cet

17 itinéraire de façon durable, depuis pas mal de temps.

18 Question: Avez-vous informé votre gouvernement au sujet de ces indices et

19 des informations que vous recueilliez?

20 J'ai vu un grand nombre de rapports de situation que vous avez envoyés à

21 votre quartier général; y avez-vous inclus des informations au sujet de

22 l'introduction illégale d'hommes provenant de l'étranger, d'armes

23 provenant de l'étranger? Avez-vous parlé de la dynamique de la situation,

24 de la nature de la qualité de la quantité de ces armements et de ces

25 personnels, etc.?

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1 Réponse: Oui, Monsieur Milosevic. Dans plusieurs rapports de situation que

2 nous avons consultés ce matin, je crois que c'était le 28 juillet, j'ai

3 été appréhendé alors que je me dirigeais au nord d'Orahovac, en direction

4 de Malisevo; j'ai été appréhendé pour la première fois par l'UCK ce jour-

5 là. Je l'ai été quatre fois par la suite, à nouveau.

6 On m'a emmené au quartier général de l'UCK, j'ai rédigé un rapport

7 détaillé dans lequel je disais que 150 hommes -il y avait aussi d'ailleurs

8 quelques femmes qui portaient l'uniforme qui se trouvaient là- et j'ai

9 parlé des armes que portaient ces personnes. Mon rapport établit

10 clairement, à l'intention du général Dimitrijevic et du général Perisic,

11 ce que je viens de dire et je leur ai en ai fait part à mon retour à

12 Belgrade.

13 J'indiquais également, comme je pense l'avoir dit dans l'un de mes

14 rapports, que j'ai pensé qu'une action aurait pu permettre de se

15 débarrasser de ce problème. Cependant une telle action n'a pas eu lieu,

16 comme vous le savez très bien.

17 Donc, de mon point de vue, j'ai rendu compte de façon très équilibrée de

18 ce qui se passait des deux côtés sur le terrain, en me fondant sur ma

19 grande expérience et en essayant de vérifier la fiabilité des

20 renseignements que j'obtenais.

21 Le problème, malheureusement, réside dans l'action de vos forces de

22 sécurité qui ont utilisé une tactique très lourde, comme vous vous en

23 rendez sans doute compte; tactique que la population civile ne pouvait pas

24 accepter et qui a fait qu'elle n'a pas pu rester dans la zone ou prendre

25 les armes contre vous.

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1 Je crains de ne pas pouvoir répondre à votre question mieux qu'en disant

2 ce que je viens de dire. Votre personnel militaire et les membres de votre

3 ministère de l'Intérieur qui commandaient les opérations au Kosovo

4 devraient répondre à cette question.

5 Question: Très bien. Je vous prie d'être plus bref dans vos réponses parce

6 que sinon nous perdrons du temps.

7 Au paragraphe 2 ou au paragraphe 4 plutôt, vous prétendez que "les Serbes

8 ont perçu le problème posé par l'UCK comme un problème dû à une action

9 anticonstitutionnelle". Et que "vous considériez l'UCK comme un mouvement

10 de maffia albanaise". (Fin de citation.)

11 Estimez-vous, depuis votre pays et depuis le reste du monde également

12 d'ailleurs, qu'il s'agissait d'une action anticonstitutionnelle?

13 Réponse: Oui, Monsieur Milosevic, ceci est tout à fait clair: il

14 s'agissait bien d'une action, d'une activité maffieuse. Mais la question,

15 le problème vient de la façon dont vos forces de sécurité ont réagi à ce

16 problème maffieux. Et j'ai déjà dit que, dans les jours qui ont suivi et

17 les mois qui ont suivi, au cours des années 1998 et 1999, j'ai déjà dit

18 quelle avait été cette action.

19 Question: Que voulez-vous dire en parlant de "cette action"? Revenez-vous

20 sur cette constatation que vous avez faite à plusieurs reprises, en disant

21 que les mesures prises ont été exagérées? C'est cela que vous affirmez?

22 Réponse: Monsieur Milosevic, je crois que, sur la base des éléments de

23 preuve que j'ai produits devant ce Tribunal ce matin, il apparaît très

24 clairement que, lors de mes nombreuses visites au Kosovo, durant les

25 années 1998 et 1999, les destructions aléatoires et aveugles, ainsi que

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1 des efforts, des actes de grande violence ont été commis. Ceci ressort

2 très clairement, je crois, des éléments de preuve que j'ai fournis et

3 n'est contesté ni par le ministère de la Défense de l'armée yougoslave ni

4 par les représentants internationaux qui travaillaient au sein du

5 Mouvement de vérification du Kosovo et des autres ONG. Donc je parle là

6 des organisations non-gouvernementales présentes au Kosovo dans les

7 derniers mois de 1998, ainsi qu'au cours de l'année 1999.

8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Crosland, puisque vous dites des

9 choses relativement critiques, même très critiques à l'égard de ce qui

10 s'est passé, alors que la Mission de vérification était présente sur le

11 terrain -Mission de vérification qui avait un personnel de 1.300

12 personnes-, comment expliquez-vous que des événements aussi graves n'aient

13 pas été rapportés dans les rapports de cette Mission de vérification

14 depuis octobre 1980…

15 M. le Président (interprétation): Rien de tout cela n'a quelque rapport

16 que ce soit avec ce témoin. Vous devez interroger un représentant de la

17 Mission sur ce point. Le témoin ne peut témoigner que de ce qu'il a vu ou

18 entendu lui-même. Il est ici pour témoigner.

19 Et si vous contestez ce qu'il dit, dites-lui ce que vous contestez.

20 M. Milosevic (interprétation): A partir d'octobre 1998, bien sûr, je le

21 conteste. Parce que je n'ai jamais entendu un témoin plus partial que

22 celui-ci. Et la Mission de vérification…

23 M. le Président (interprétation): Vous n'êtes pas ici pour faire des

24 commentaires. Vous êtes ici pour poser des questions.

25 Colonel, vous avez entendu ce que vient de dire l'accusé? Il a affirmé que

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1 votre témoignage était partial. Nous avez-vous dit la vérité, oui ou non?

2 M. Crosland (interprétation): Monsieur le Président, j'ai dit la vérité et

3 cette vérité a été rédigée par écrit dans plusieurs rapports. Elle est

4 appuyée également par des éléments de preuve photographiques et autres, et

5 par d'autres attachés militaires qui étaient avec moi à l'époque et qui

6 ont complété les informations fournies par moi. Tout ceci, c'est la

7 vérité. Qu'elle ne soit pas populaire auprès de M. Milosevic, c'est une

8 chose. Mais à mon retour à Belgrade j'ai, à plusieurs reprises, eu des

9 rapports directs avec le grand état-major de l'armée yougoslave et j'ai

10 dit très clairement à ces militaires ce que j'avais fait.

11 Ce matin, d'ailleurs, j'ai dit que l'armée yougoslave avait eu un soldat

12 tué et six soldats blessés. Et personnellement, j'ai apporté de l'aide

13 médicale aux six jeunes soldats qui avaient été grièvement blessés avec le

14 général Lazarevic. Ceci figure par écrit dans une déclaration qui est une

15 partie d'un document.

16 Donc de mon point de vue, je crois avoir exprimé un point de vue très

17 équilibré et m'être efforcé de tenir compte des éléments des deux côtés,

18 en donnant des conseils le cas échéant.

19 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur Crosland, si vous

20 pensez avoir un point de vue équilibré, très bien.

21 Mais comment se fait-il que nous disposions ici de plusieurs rapports qui

22 ne traitent jamais de la structure, de l'importance, de la dynamique, de

23 l'intensité, de la gravité des crimes commis par l'UCK? Comment se fait-il

24 qu'il n'en soit pas question dans les rapports qui sont soumis ici en tant

25 qu'éléments de preuve? Avez-vous exprimé ce point de vue également?

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1 Je vous prie de répondre par oui ou non parce qu'on ne m'a accordé que

2 deux heures.

3 Réponse: Monsieur Milosevic, avec le respect que je vous dois, je ne peux

4 pas répondre à une telle question par oui ou par non, car ce serait

5 dépeindre une situation qui n'aurait rien à voir avec la réalité.

6 Vous m'interrogez au sujet de l'UCK; je vous ai déjà informé du fait que

7 j'ai transmis des informations à cet égard. Les rapports que j'ai soumis

8 devant vous ce matin ne sont des rapports qui ont été choisis par moi. Ce

9 sont des rapports qui expriment un point de vue général et qui ne sont

10 qu'un échantillon puisqu'il existait de ma main 70 à 75 rapports du même

11 genre.

12 M. le Président (interprétation): Il est temps de suspendre l'audience.

13 Mais, Colonel, je vous pose la question suivante: vous avez parlé de temps

14 en temps de conversations que vous avez eues avec des représentants du

15 grand état-major et des rapports qui, me semble-t-il, existaient entre

16 vous-même en tant qu'attaché militaire et ce grand quartier général.

17 Est-ce une relation normale, ce genre de relations?

18 M. Crosland (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Compte tenu de

19 mon passé, je pense qu'il était tout à fait normal d'agir de la sorte et

20 j'ai une grande expérience dans ce domaine. A mon avis, il était tout à

21 fait naturel que j'essaie de fournir des conseils à l'Etat hôte, à savoir

22 au grand quartier général yougoslave sur ce qui se passait et qui

23 constituait un grave problème. Et parce que j'étais respecté dans mon

24 domaine d'expertise, nous avons passé pas mal de temps, M. Milosevic et

25 moi-même, ainsi que mon ambassadeur, à plusieurs reprises, à discuter de

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1 la dégradation de la situation au Kosovo. Je pense que c'était une façon

2 adulte et mûre de traiter du problème.

3 M. le Président (interprétation): Suspension.

4 Colonel je vous demande de revenir dans ce prétoire lundi, à 9 heures,

5 pour la fin de votre déposition.

6 (L'audience est levée à 13 heures 50.)

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