Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 22 juillet 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 07.)

3 (Audience publique avec mesures de protection.)

4 (Contre-interrogatoire du témoin K32 par l'accusé M. Milosevic.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il vous reste entre

6 30 et 40 minutes pour la fin de l'audition de ce témoin.

7 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je souhaitais vous demander

8 de prolonger un peu ce délai car j'ai reçu tout récemment des

9 informations, compte tenu du fait que les gens réagissent à ce témoignage,

10 et il est très aisé de se rendre compte que ce témoin ne dit absolument

11 pas la vérité.

12 M. le Président (interprétation): Voyons comment les choses vont se

13 passer. Mais, pour le moment, vous êtes limité à 30 à 40 minutes.

14 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit, Monsieur…

15 M. le Président (interprétation): Je tiens à signaler que le compte rendu

16 d'audience en anglais ne fonctionne pas en ce moment; un compte rendu doit

17 être établi et il ne se déroule pas sur nos écrans en ce moment.

18 Apparemment, ce petit problème technique sera réglé durant la pause. Nous

19 ne souhaitons pas qu'il se poursuive pendant le reste de l'audience.

20 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

21 M. Milosevic (interprétation): Monsieur, puisque vous avez dit des choses

22 inexactes s'agissant de l'activité de votre unité, j'ai encore des

23 questions à vous poser.

24 Savez-vous que, dans votre unité, durant les années 1998 et 1999, 63

25 membres de l'unité ont trouvé la mort et 300 ont été blessés?

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1 Témoin K32 (interprétation): Je sais qu'un nombre limité de personnes ont

2 trouvé la mort, mais pas un nombre égal à celui que vous citez. La plupart

3 de ces soldats sont morts pour rien, de notre côté. Quant à l'UCK, je ne

4 suis pas au courant, à ce jour.

5 Question: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire lorsque vous dites

6 que les soldats sont morts pour rien.

7 Réponse: Comment pourrais-je vous l'expliquer? Disons… Voilà, je connais

8 un exemple: un soldat a été emmené dans un véhicule et, pendant ce temps,

9 le soldat meurt parce que le soldat en face prend son fusil, tire et le

10 soldat meurt.

11 Question: Oui. Ça; vous l'avez déjà dit. Vous affirmez que des soldats

12 sont morts en raison du défaut d'organisation?

13 Réponse: Oui, c'est cela.

14 Question: Et moi, j'affirme que 63 sont morts et 300 ont été blessés.

15 Voulez-vous affirmer qu'ils ne sont pas morts dans des combats, mais

16 qu'ils se sont entre-tués?

17 Réponse: Le chiffre que vous citez n'est pas exact.

18 Question: Bien. Il existe, à ce sujet, des information officielles.

19 Savez-vous que, sur le territoire sur lequel se trouvait cette unité, à

20 savoir Prizren, Suva Reka, Orahovac, Djakovica, 230 soldats et 72 membres

21 de la police ont trouvé la mort au cours de combats contre l'UCK et dans

22 les bombardements et 538 ont été blessés?

23 Réponse: Ce n'est pas exact.

24 Question: Bien. Avez-vous des connaissances au sujet des pillages

25 auxquels, comme vous l'avez dit, vous avez également participé puisque

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1 vous emportiez des articles d'un supermarché que vous ne payiez pas? Vous

2 avez dit que vous l'aviez également fait?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Savez-vous qu'un procès est en cours devant le Tribunal

5 militaire de Nis contre 45 ressortissants de votre unité et contre toute

6 la brigade… et contre plus de 300 hommes dans la brigade, et que ce procès

7 est un procès pour meurtre?

8 Réponse: Ça, je ne sais pas.

9 M. Milosevic (interprétation): Voici ici, si vous le voulez bien, la liste

10 des personnes poursuivies par le Tribunal, ce qui montre bien que le

11 témoin ne dit pas la vérité. Et je demande le versement au dossier de ce

12 document en tant que pièce à conviction, si vous l'acceptez.

13 M. le Président (interprétation): Bien. Procédons à la distribution de ce

14 document.

15 (Intervention de l'huissier.)

16 Que l'on montre ce document à l'accusation, d'abord.

17 Je demande qu'un certain temps soit accordé à l'accusation pour examiner

18 ce document.

19 Monsieur l'huissier, vous pouvez-vous rasseoir.

20 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous, Monsieur, s'agissant des

21 personnes dont vous avez parlé, qui ont été arrêtées, savez-vous qu'elles

22 avaient un fusil automatique, quatre chargeurs par fusil, un gilet pare-

23 balles et un haut d'uniforme militaire, à part le fait que ces hommes

24 portaient un pantalon civil?

25 Témoin K32 (interprétation): Ça, je ne l'ai pas vu.

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1 Question: Nous avons expliqué la dernière fois pourquoi vous ne l'avez pas

2 vu.

3 Savez-vous que la maison qui était visée par le char dont vous avez parlé

4 dans le village de Meca ne se trouvait pas du tout dans le village de

5 Meca, mais à l'entrée du village de Granovik?

6 Réponse: Moi, quand on m'a montré la maison, on m'a dit que c'était Meqe.

7 Question: Mais qui vous l'a dit? Qui vous a dit que c'était à cet endroit

8 que les choses s'étaient passées et que la maison était bien cette maison?

9 Réponse: J'étais là-bas. On ne me l'a pas montré.

10 Question: Est-il exact que cette maison a été transformée en bunker, qu'il

11 y avait des sacs de sable du côté nord et de l'autre côté, était longée

12 par une tranchée?

13 Réponse: Ce n'est pas exact.

14 Question: Et que, dans cette maison, l'UCK tenait sous son feu, sous le

15 feu de ses armes, le pont et un barrage routier?

16 Réponse: Ce n'est pas exact.

17 Question: Comment?

18 Réponse: Ce n'est pas exact.

19 Question: Ceci figure dans des rapports officiels, Monsieur K32.

20 Réponse: Chez vous, tout existe, apparemment.

21 Question: Est-il exact que les combats ont duré trois jours, dans le

22 village de Meca, et que l'UCK a attaqué à partir de la cote 385, à partir

23 de la direction de Rakovine?

24 Réponse: Ça, je ne le sais pas, mais je sais que nous y sommes restés

25 trois jours.

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1 Question: Vous rappelez-vous que quelqu'un est mort, par exemple, un

2 policier?

3 Réponse: Je sais qu'un policier a été blessé, mais je ne sais pas s'il est

4 mort.

5 M. Milosevic (interprétation): Un policier dénommé Lilic de Belgrade.

6 Témoin K32 (interprétation): Je ne sais pas s'il est mort, mais…

7 M. le Président (interprétation): Un instant. Vous devez, tous les deux,

8 ménager une pause entre les questions et les réponses.

9 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous écoutiez, selon ce que vous

10 affirmiez, les conversations radio: comment ces conversations étaient-

11 elles assurées?

12 Témoin K32 (interprétation) Par un réseau radio.

13 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, voyez-vous, moi, selon mes

14 informations, les conversations radios étaient interdites et les

15 transmissions étaient assurées grâce à un câble local et grâce aux

16 émetteurs.

17 Témoin K32 (interprétation): Alors, j'étais complètement idiot ou malade

18 d'esprit!

19 M. Milosevic (interprétation): Je ne pense pas car vous avez l'air tout à

20 fait en bonne santé.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur K32, peut-être vais-je vous

22 sembler inconvenant de faire ces remarques, mais je vous rappelle

23 néanmoins que vous êtes dans un prétoire, donc si vous pensez que ce n'est

24 pas vrai, contentez-vous de dire que ce n'est pas vrai.

25 Témoin K32 (interprétation) Bien.

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1 M. Milosevic (interprétation): Quel était le code utilisé par le

2 commandant de la brigade lorsqu'il se faisait connaître à la radio, selon

3 ce que vous dites? Puisque vous l'avez entendu, quel était son code? Se

4 faisait-il connaître par son nom et prénom ou avait-il un code?

5 Témoin K32 (interprétation): Il avait un code.

6 M. Milosevic (interprétation): Quel était ce code?

7 Réponse: Je ne me rappelle pas ce code, mais je sais qu'il en avait un.

8 Question: Vous vous rappelez ce qu'il a dit mais vous ne vous rappelez

9 pas…

10 Réponse: Je me souviens de pas mal de choses, mais cela fait tellement

11 d'années que je ne peux pas me souvenir de tous les détails.

12 Question: Est-il exact que votre père, qui est venu vous voir à Nis et

13 vous a ensuite ramené à l'armée, s'occupait de transports vers l'Italie et

14 que pour ces transports il demandait de l'argent?

15 Réponse: Non, non.

16 Question: Il existe des documents à ce sujet. Est-il exact, Monsieur K32,

17 qu'un certain Bujevic ou plutôt un certain Rujevic… Excusez-moi! Pas

18 Bujevic, mais Rujevic, était la principale liaison surnommée "Bajo"? Il

19 était tôlier.

20 Réponse: Non.

21 Question: Pendant l'agression de l'OTAN, son frère a passé tout son temps

22 à Pec, a trouvé un emploi ensuite dans la police de l'UNMIK au Kosovo?

23 Réponse: Non.

24 Question: Est-il exact qu'ils vous ont manipulé pour que vous témoigniez

25 ici afin de solder vos comptes à leur égard?

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1 Réponse: Non.

2 Question: Je parle de ce Rujevic?

3 Réponse: Non, non, non, non, non.

4 Question: Non. C'est ça? Bon. Vous avez dit que les terroristes étaient

5 insuffisamment armés, équipés surtout de fusils de chasse, c'est bien

6 cela?

7 Réponse: Moi, j'ai vu des fusils de chasse.

8 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je vous prie, dans ces conditions, de

9 bien vouloir examiner les informations qui figurent ici. On a trouvé un

10 certain nombre de matériels, de mai à décembre 1998, pendant la

11 sécurisation d'une zone. Il n'est question que de cette unité dans ce

12 document. Je vais demander le versement au dossier de ce document et je

13 vais vous citer quelques exemples: "Fusil automatique 7.62 de fabrication

14 chinoise: 418 exemplaires, fusil semi-automatique de fabrication chinoise:

15 452 munitions."

16 Il y a ici par exemple une centaine de formes différentes: 114.522 pièces

17 de munitions. Et puis, dans les caisses, on a ici le nombre de caisses, et

18 des munitions albanaises de calibre divers: 111.152, etc. Des mines pour

19 mortier 60 millimètres: 111 unités. Mines cumulatives de fabrication

20 chinoise: 271, etc., des balles pour des Brownings 12,7, mitrailleuses

21 lourdes: 3.401, pour 12,7 millimètres, autres mitrailleuses lourdes:

22 10.000 unités, etc.

23 M. le Président (interprétation): Laissez répondre le témoin, Monsieur

24 Milosevic.

25 Monsieur le Témoin K32, avez-vous la moindre information au sujet de cette

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1 liste ou au sujet de ce type d'armes destinées à l'UCK?

2 Témoin K32 (interprétation) Je sais que nous trouvions des armes, mais pas

3 forcément celles que M. Milosevic vient de citer.

4 M. Milosevic (interprétation): Je demande que ce document soit versé au

5 dossier pour prouver que le témoin ne dit pas la vérité.

6 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire que vous venez de

7 formuler, il nous appartient à nous d'en décider, mais ce document, je

8 demande bien sûr qu'il soit montré à l'accusation.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 Allez-y!

11 M. Milosevic (interprétation): Dites-moi, Monsieur, combien de fois en

12 mars et avril 1998, vous êtes-vous trouvé au passage frontière de Vrbnica

13 et qu'y faisiez-vous?

14 Témoin K32 (interprétation) Au passage frontalier de Vrbnica?

15 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui.

16 Réponse: Un certain nombre de fois, je ne me rappelle pas exactement

17 combien.

18 Question: Bien. Nous avons parlé du village de Meca, mais dites-moi, je

19 vous prie, vous affirmez que votre groupe de combat était le Groupe de

20 combat n°2 stationné dans le village de Damjane, c'est bien cela?

21 Réponse: Oui, c'est cela.

22 Question: Savez-vous que dans le village de Damjane ce n'était pas le

23 Groupe de combat n°2 mais le Groupe de combat n°3 qui était stationné.

24 Réponse: Pour autant que je le sache, c'était le Groupe de combat n°2.

25 Question: Où les soldats étaient-ils installés dans le village de Damjane?

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1 Réponse: Dans les maisons abandonnées et dans les locaux de l'école.

2 Question: Dans les maisons et dans l'école du village de Damjane?

3 Réponse: Oui, oui, oui.

4 Question: Pour autant que je le sache, il est exact que les soldats

5 étaient stationnés dans les locaux de la coopérative qui se trouve à

6 l'extérieur du village et dans des containers en métal situés au nord?

7 Réponse: Il y en avait aussi dans les containers, oui, oui.

8 Question: Mais je vous ai demandé où les soldats étaient installés, et

9 vous m'avez parlé des maisons et de l'école. Et moi, je vous dis qu'ils

10 étaient dans la coopérative et des containers métalliques. Donc vous dites

11 quelque chose de différent?

12 Réponse: Dans les maisons, dans l'école et dans les containers.

13 Question: Bien. Puisque vous dites que les soldats sont entrés à deux

14 kilomètres de profondeur à l'intérieur du territoire albanais, je vous

15 demande si vous êtes jamais allé sur les lignes à la frontière?

16 Réponse: Non, non, non, mais j'étais tout près.

17 Question: Est-ce que les postes frontières, les bâtiments se trouvaient

18 devant vous dans la direction de l'Albanie?

19 Réponse: Oui, j'y suis allé moi au niveau du poste de la frontière, du

20 bâtiment.

21 Question: Mais si le poste était devant vous et que vous regardiez en

22 direction de l'Albanie, comment pouvez-vous dire que vous étiez sur le

23 territoire albanais?

24 Réponse: Je sais que les soldats m'ont raconté qu'ils sont entrés en

25 Albanie à deux kilomètres de profondeur.

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1 Question: Ah, c'est quelqu'un qui est entré?

2 Réponse: Oui, ils y sont entrés.

3 Question: C'est ce que vous affirmez?

4 Réponse: Je n'affirme pas, je sais.

5 Question: Dans le Groupe de combat n°3 stationné dans le village de

6 Damjane, combien de soldats sont morts? Et, parmi eux, combien y en avait-

7 il de votre unité?

8 Réponse: Un soldat est mort.

9 Question: Comment s'appelait-il ce soldat?

10 Réponse: Je ne sais pas.

11 Question: Vous rappelez-vous Petar Markovic?

12 Réponse: Non.

13 Question: Vous souvenez-vous de deux autres soldats qui sont morts aussi?

14 Réponse: Non. Je sais que c'est un container qui s'est renversé et qui lui

15 est tombé dessus en le tuant.

16 Question: Bien. Avez-vous vu le colonel Delic pendant la durée des combats

17 près de Retimlje et de Mamusa, puisque dans votre secteur il n'y avait pas

18 de combats?

19 Réponse: Non.

20 Question: Donc, vous n'avez aucune information au sujet des soldats tués?

21 Réponse: Non.

22 M. Milosevic (interprétation): Vous n'avez pas de renseignements au sujet

23 des membres du MUP? Eh bien, je vais demander le versement au dossier de

24 la liste des soldats tués dans le secteur dont parle votre témoin protégé

25 K32 dans sa déposition, ainsi que la liste des membres du ministère de

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1 l'Intérieur qui ont également été tués dans cette même zone.

2 M. le Président (interprétation): Oui?

3 (Intervention de l'huissier.)

4 M. Milosevic (interprétation): Dites-moi, vous avez déclaré qu'un sous-

5 officier accompagné de soldats avait tué 15 civils?

6 Témoin K32 (interprétation): Quelque chose comme ça.

7 Question: Comment s'appelait ce sous-officier? De quelle unité était-il?

8 Réponse: Je l'ai dit dans ma déclaration écrite.

9 Question: Je n'entends pas.

10 Réponse: Je l'ai dit dans ma déclaration écrite.

11 Question: Si vous l'avez dit dans votre déclaration écrite, vous

12 connaissez son nom. Pouvez-nous le donner?

13 Réponse: Rajko.

14 M. Milosevic (interprétation): Il s'appelait Rajko? Savez-vous que tout le

15 monde serait prêt à venir ici témoigner pour dire que vous mentez au sujet

16 de cet assassinat de civils, que c'est un mensonge notoire?

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, comme vous le savez

18 très bien, ceci est un commentaire. Vous pouvez, si vous le souhaitez, lui

19 dire que sa déposition ne correspond pas. Après quoi, il peut répondre.

20 Mais des commentaires de ce genre ne sont d'aucune utilité.

21 M. Milosevic (interprétation): Bien, Monsieur May.

22 Témoin K32 (interprétation): Monsieur Milosevic…

23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, ce qui vient de vous

24 être dit est que vous n'avez pas dit la vérité au sujet de l'assassinat

25 des civils par des soldats. Avez-vous quelque chose à répondre?

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1 Témoin K32 (interprétation): La vérité, c'est que j'ai dit la vérité, et

2 j'ai d'autres soldats qui pourraient venir témoigner, des soldats qui

3 étaient avec lui.

4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur K32, vous avez expliqué la chose à

5 peu près de la façon suivante -si je me souviens bien et si j'ai pris des

6 notes exactes-: ils auraient tué une mère et un bébé, ils auraient tué 13

7 ou 15 civils, tous les soldats ont tiré. Vous étiez là et tous ont tiré,

8 sauf vous n'est-ce pas, vous êtes le seul à ne pas avoir tiré?

9 Réponse: J'ai tiré aussi mais pas sur les civils.

10 Question: Bien. Bien, bien. Vous étiez partout, vous avez tout entendu.

11 Vous avez entendu Delic partout?

12 Réponse: Là, je n'ai pas entendu Delic.

13 Question: Et puis, vous avez déclaré que vous aviez incendié une maison

14 sur ordre, c'est bien cela? Et qu'à ce moment-là, on vous a demandé… et à

15 ce moment-là, on vous a demandé avec quoi vous aviez mis le feu à la

16 maison. Et savez-vous que vous les avez beaucoup déçus en disant que vous

17 aviez allumé le feu avec un briquet à cigarettes car ici, en général, on

18 dit que l'on a mis le feu à des maisons avec des moyens spéciaux destinés

19 à incendier les maisons?

20 Réponse: J'ai incendié la maison avec un briquet!

21 Question: C'est ce que vous dites. Bon, vous affirmez avoir assisté à cet

22 assassinat de 15 civils?

23 Réponse: Je ne l'ai pas vu mais j'étais à proximité. Mais j'ai vu les

24 autres cinq personnes qui étaient là.

25 Question: Attendez un instant. Vous affirmez que vous avez pris part à

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1 l'assassinat de ces 15 civils mais vous dites que vous n'avez pas tiré

2 dessus, que vous avez tiré sur le toit?

3 Réponse: Mais je n'ai pas affirmé que j'étais là.

4 Question: Vous ne l'avez pas affirmé?

5 Réponse: J'ai dit que j'étais à proximité, à deux pas de là. Je n'ai pas

6 dit que j'avais tiré.

7 Question: Avez-vous vu l'assassinat de ces quinze civils?

8 Réponse: J'ai vu ces quinze civils morts.

9 M. Milosevic (interprétation): Qu'avez-vous vu?

10 Témoin K32 (interprétation): J'ai vu ces quinze civils morts.

11 M. le Président (interprétation): Un instant. Attendez. Poursuivez.

12 M. Milosevic (interprétation): Vous avez vu des civils morts, mais vous

13 n'avez pas vu leur assassinat. Alors, comment pouvez-vous affirmer comment

14 s'appelle cet officier, comment pouvez-vous affirmer qu'il les a tués?

15 Témoin K32 (interprétation): J'ai vu le sous-officier et des soldats sur

16 place.

17 Question: Donc c'est votre déduction. C'est ce que vous avez conclu?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Mais quelqu'un d'autre qui vous aurait vu sur place, il aurait

20 pu en conclure autrement, que c'est vous qui l'avez fait?

21 Réponse: Oui, il aurait pu en déduire cela si j'étais sur place, je ne

22 peux pas être sûr.

23 Question: Mais vous n'êtes pas sûr qu'ils les ont tués?

24 Réponse: Mais je n'ai pas dit qu'ils les ont tués.

25 Question: Vous n'avez pas dit qu'ils les ont tués?

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1 Réponse: Non, j'ai dit qu'ils étaient là.

2 Question: Ils étaient là?

3 Réponse: Oui, juste à côté.

4 Question: Eh bien, je pense que nous avons épuisé ce sujet, que c'est

5 clair. Poursuivons.

6 Vous avez déclaré que le 4 mars, vous vous êtes déployés dans le village

7 de Trnje, est-ce exact?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Est-ce exact?

10 Réponse: Non, pas le 4.

11 Question: Je ne vous entends pas.

12 Réponse: Le 24.

13 Question: Ah! le 24. Je vous ai entendu dire le 4?

14 Réponse: Non.

15 Question: Jusqu'au 25 mars dans la zone du village de Trnje, il n'y avait

16 ni police ni armée, le saviez-vous?

17 Réponse: Le 24, si. Le 24… Excusez-moi, le 24 a commencé le bombardement,

18 donc nous sommes sortis de la caserne le 24, et le 25 nous sommes partis

19 vers là-bas.

20 M. Milosevic (interprétation): Donc cela correspond à ce que je suis en

21 train de dire?

22 Témoin K32 (interprétation): Eh bien, j'ai...

23 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit, dans sa déposition, le

24 23 mars il a reçu l'ordre de se rendre sur place et de nettoyer le

25 village.

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1 M. Milosevic (interprétation): Dans cette opération de Retimlje, de

2 Studencani, pendant que vous étiez dans le village de Trnje, y-a-t-il eu

3 des morts dans votre brigade?

4 Témoin K32 (interprétation): Non.

5 Question: Avez-vous vu entendu parler de la mort de trois soldats: de

6 Slobodan Gasparic, Borjan Jovanovic et Vlastimir Mirkov, ainsi que de huit

7 blessés?

8 Réponse: Je n'en ai pas entendu parler?

9 Question: Vous n'en avez pas entendu?

10 Réponse: Non.

11 Question: Il y a eu deux membres du MUP, Ivica Spasic et Zeljko Kirkner

12 également qui ont été tués et sept blessés, sept policiers blessés?

13 Réponse: Non, ça non plus, je n'en ai pas entendu parler.

14 Question: Très bien. Vous étiez soldat. Connaissez-vous le règlement

15 intérieur de l'armée yougoslave, puisque vous étiez soldat?

16 Réponse: Qu'entendez-vous par-là?

17 Question: Mais en tant que soldat, lors de votre formation entraînement,

18 vous avez dû prendre connaissance du règlement?

19 Réponse: Oui, oui.

20 Question: Savez-vous que ce règlement prévoit de manière tout à fait

21 précise qu'un soldat ne doit pas exécuter un ordre qui constitue un acte

22 criminel, et qu'il doit en informer son supérieur? Son supérieur donc, ou

23 plutôt la personne qui est supérieure à celle qui a émis l'ordre, le

24 savez-vous?

25 Réponse: Je ne comprends pas très bien votre question.

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1 Question: Bien. A ce moment-là, puisque vous étiez tout le temps aux côtés

2 de Delic…

3 Réponse: Pas tout le temps.

4 Question: Bien, mais vous êtes chauffeur; quels étaient les noms des

5 chauffeurs qui étaient les chauffeurs de Delic en 1998?

6 Réponse: Il y en avait un de Bijelo Polje, je ne connais pas son nom mais

7 il était originaire de Bijelo Polje.

8 Question: Très bien. Et quel était le nom de ce chauffeur de Delic qui a

9 été blessé lors de l'attaque lancée par des forces terroristes albanaises

10 sur l'armée? Vous en rappelez-vous? C'était votre collègue?

11 Réponse: Je pense que ce chauffeur a été blessé pendant que moi j'avais

12 déserté. C'était son premier chauffeur.

13 Question: Bien. Mais dites-moi comment est-il possible que votre unité a

14 pu tirer sur le village Ljeskovo puisque, depuis sa position, elle ne

15 pouvait pas voir le village de Ljeskovo?

16 Réponse: Si, si, elle le voyait. C'est un village qui se situe dans une

17 crevasse, et il n'y a pas plus de quinze maisons dans ce village.

18 Question: J'ai une carte ici. Cette carte présente ces positions. Il y a

19 une légende, on voit la position de Ljeskovo. Si vous souhaitez-vous en

20 servir, vous pouvez le faire.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 Bien. Savez-vous quelle est la quantité de munitions que vous avez

23 utilisée lorsque vous avez tiré pendant une demi-heure?

24 Témoin K32 (interprétation): Non.

25 M. Milosevic (interprétation): Vous ne le savez pas?

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1 M. le Président (interprétation): Revenons à la carte. Nous pourrons la

2 voir à partir du moment où elle est placée sur le rétroprojecteur.

3 Monsieur Milosevic, que souhaitez-vous demander au sujet de cette carte,

4 que voit-on sur cette carte?

5 M. Milosevic (interprétation): Ce que je souhaitais dire, c'est la chose

6 suivante. La position occupée par son unité était telle qu'ils ne

7 pouvaient pas voir le village de Ljeskovo, ça c'est une première chose. Et

8 ensuite, il est vraisemblable que… mais je lui poserai la question.

9 Puisque tous les terroristes portaient des uniformes et étaient bien

10 armés, où avez-vous vu des civils?

11 Témoin K32 (interprétation): Ils circulaient dans le village le matin à 8

12 heures.

13 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

14 M. le Président (interprétation): Un instant. Un instant. Essayons de voir

15 cette carte.

16 Monsieur Milosevic, d'où vient cette carte?

17 M. Milosevic (interprétation): Je l'ai reçu par le truchement de mes

18 collaborateurs de Belgrade. Elle m'a été communiquée ce week-end. En fait,

19 je l'ai reçue ce matin. Puisque je ne peux pas voir mes collaborateurs,

20 d'après ce que vous avez décidé, donc je ne l'ai eue que ce matin. Et ce

21 sont des personnes compétentes qui l'ont réalisée, des personnes qui

22 possèdent des informations officielles relatives à ces événements. Toutes

23 les données laissent entendre que ce témoin ne dit pas la vérité.

24 M. le Président (interprétation): Oui, c'est ce que vous avez dit. Nous

25 pouvons voir qu'il est marqué "Delic", ici. C'est là qu'est censée se

Page 8313

1 trouver son unité?

2 M. Milosevic (interprétation): La description que l'on voit sur la carte

3 correspond à la situation réelle. C'est là le déploiement réel qui figure

4 sur cette carte.

5 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. On peut

6 voir le village en amont par rapport à l'endroit où l'on voit marqué

7 "Delic".

8 Le témoin peut-il nous aider? Est-ce que cela correspond à la position

9 telle que vous vous en souvenez?

10 Témoin K32 (interprétation): Non. Cette carte est inexacte.

11 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous dire quelles étaient

12 les positions réelles?

13 Témoin K32 (interprétation): Les positions réelles? C'est ici que se

14 trouvait Delic, et pas ici.

15 M. le Président (interprétation): Et vous, vous étiez où?

16 Témoin K32 (interprétation): C'est là que se trouvait Delic. Et nous, nous

17 étions à peu près par ici.

18 M. le Président (interprétation): Oui. Etes-vous entrés dans le village?

19 Témoin K32 (interprétation): Oui, oui, nous l'avons fait.

20 M. le Président (interprétation): Je souhaite que cela soit versé au

21 dossier.

22 Et pourriez-vous attribuer la cote, s'il vous plaît? Je demande à la

23 Greffière d'audience de s'en occuper.

24 M. Ryneveld (interprétation): Je dois dire que nous avons vu trois jeux de

25 documents, puis, par la suite, cette carte. Il n'y a pas de problème pour

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1 ce qui est de la carte. Mais, pour ce qui est des documents, premièrement,

2 ces documents n'ont pas été traduits et deuxièmement, ils n'ont pas été

3 présentés au témoin.

4 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous pouvez soulever une

5 objection en temps voulu.

6 M. Ryneveld (interprétation): Pour ce qui est notamment du premier

7 document, je n'ai pas vraiment d'objection, mais je ne sais pas exactement

8 de quel document il s'agit. Et qui plus est, tous ces documents n'ont pas

9 été présentés au témoin et leur valeur probante n'a pas été établie. Quoi

10 qu'il en soit…

11 M. Milosevic (interprétation): ...

12 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Pour

13 identification, on leur attribuera une cote pour identification et l'on

14 versera au dossier la carte en temps voulu; on pourra confirmer cela ou

15 non. Je pense que cela ne serait pas très utile de présenter ces documents

16 au témoin. Poursuivons ainsi.

17 Mme Anoya (interprétation): La première liste D23 pour identification;

18 deuxième document D24 pour identification également; et la liste D25 pour

19 identification. Quant à la carte, D26, pièce à conviction de la défense.

20 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

21 Ce que j'affirme, c'est que tous les terroristes étaient en uniforme,

22 qu'ils étaient bien armés. Je vous demande où avez-vous vu des civils,

23 compte tenu du fait que j'ai reçu des informations me laissant entendre

24 que c'est à Lodja, Zagradska, Biluca et Pociste que se trouvaient les

25 civils et que personne ne leur a fait aucun mal?

Page 8315

1 Témoin K32 (interprétation): Je ne me souviens pas avoir affirmé cela, ce

2 que vous venez de dire.

3 Question: Je ne dis pas que c'est vous qui l'avez affirmé; cela ressort de

4 mes informations. Et je vous demande où vous avez vu des civils, puisque

5 c'est cela que vous affirmez.

6 Réponse: Oui, j'ai vu des civils.

7 Question: L'ensemble de cet événement n'a-t-il pas été suivi par des

8 membres de l'OSCE?

9 Réponse: Ils n'ont pas pu le faire, puisque nous ne leur avons pas

10 autorisé l'accès.

11 Question: Savez-vous que trois véhicules étaient sur place à partir de 9

12 heures du matin jusqu'à 19 heures du soir?

13 Réponse: Oui, ils étaient sur place à l'entrée du village, mais l'armée ne

14 les a pas laissés entrer vers les villages voisins.

15 Question: Vous voulez dire qu'ils n'étaient pas là où l'on a effectivement

16 tiré?

17 Réponse: C'est cela.

18 Question: Mais comment les avez-vous vus, alors?

19 Réponse: Monsieur Milosevic, au moment de notre repli.

20 Question: Pardon?

21 Réponse: Au moment de notre repli, ils étaient garés à un carrefour près

22 du village, mais l'armée ne leur a pas permis d'accéder là.

23 Question: Comment savez-vous que l'armée ne leur a pas permis d'accéder,

24 puisque je vois dans ce rapport qu'il est dit que, lors de cet événement

25 que vous décrivez, trois véhicules de l'OSCE étaient sur place de 9 heures

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1 du matin jusqu'à 19 heures du soir, donc pendant dix heures?

2 Réponse: Monsieur Milosevic, j'étais sur place; j'en sais plus que vous.

3 Vous n'avez reçu que des rapports et ces rapports, qui plus est, ne sont

4 pas exacts. Je comprends que vous êtes en train de vous de défendre.

5 Question: Très bien. Ne nous aventurons pas sur ce terrain. Mais, de toute

6 évidence, il en ressort que vous ne dites pas la vérité.

7 Réponse: C'est la vérité, toute la vérité. Que l'OSCE confirme que l'armée

8 ne leur a pas donné accès!

9 Question: En page 6, deuxième paragraphe de votre déclaration, vous

10 affirmez que l'on vous a donné l'ordre, au début du bombardement de

11 l'OTAN, de nettoyer les villages albanais et d'ordonner à tout le monde de

12 quitter le Kosovo pour se rendre en Albanie -c'est ce que vous écrivez

13 ici- mais que, au fond, la plupart de ces gens ont été tués. C'est ce que

14 vous avez déclaré, n'est-ce pas?

15 Réponse: Non.

16 Question: Pardon?

17 Réponse: Non, ce n'est pas comme cela que je l'ai dit, mais c'est comme

18 cela que cela s'est passé. A moins que vous n'ayez...

19 Question: Non, je n'ai rien ajouté.

20 En page 6, on le voit bien: "On nous a dit que l'ordre nous a été donné de

21 nettoyer les villages albanais. Il fallait ordonner à tout le monde de

22 quitter le Kosovo et de se rendre en Albanie. Au fond, la plupart de ces

23 gens ont été tués".

24 C'est ce qui figure dans votre déclaration. Autrement dit, vous n'avez pas

25 dit la vérité lorsque vous avez écrit ou affirmé cela?

Page 8317

1 Réponse: Moi, je l'ai raconté, je ne sais pas comment ils l'ont consigné

2 par écrit. J'ai dit que les villages d'où les gens ont été expulsés, pour

3 la plupart il s'agissait de villages à l'intérieur du Kosovo. Comment le

4 dire?

5 Tout le monde a été chassé, tout le monde a été expulsé vers l'Albanie. On

6 a donné l'ordre de chasser tous les villageois, de les expulser des

7 villages et de les expulser vers l'Albanie.

8 Question: Avez-vous reçu l'ordre de les expulser pour qu'ils se rendent en

9 Albanie?

10 Réponse: Pas moi, personnellement.

11 Question: Pardon?

12 Réponse: Mais l'armée.

13 Question: Vous étiez dans l'armée. Vous, personnellement, vous n'avez pas

14 reçu cet ordre?

15 Réponse: Mais j'y ai pris part, Monsieur Milosevic.

16 Question: Avez-vous entendu cet ordre, l'ordre vous intimant de chasser

17 les gens vers l'Albanie?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Qui a donné cet ordre?

20 Réponse: Nos sous-officiers.

21 Question: Pardon?

22 Réponse: Nos sous-officiers.

23 Question: Savez-vous qu'au début de votre déclaration, vous dites: "Delic

24 a dit de mettre à l'écart ces villageois et que peu lui importait où ils

25 allaient être placés."?

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1 Réponse: Monsieur Milosevic, ce que vous utilisez maintenant, c'est la

2 déclaration concernant la période avant le bombardement et également du

3 temps du bombardement ou après. Donc vous me confondez.

4 M. Milosevic (interprétation): Je ne comprends pas. Je ne comprends

5 absolument pas.

6 Témoin K32 ( interprétation): Vous vous servez…

7 M. le Président (interprétation): Le témoin est en train de dire la chose

8 suivante: que l'ordre de Delic a été donné à un moment antérieur. La

9 période au sujet de laquelle vous l'interrogez est la période du

10 bombardement de l'OTAN. Le témoin se plaint en disant que vous passez de

11 l'un à l'autre et que vous le confondez en faisant cela.

12 Témoin K32 ( interprétation): Oui, oui.

13 M. Milosevic (interprétation): Bien. Donc un sous-officier vous a dit

14 qu'il fallait les chasser vers l'Albanie?

15 Témoin K32 (interprétation): Oui.

16 Question: L'avez-vous fait?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Pardon?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Donc vous l'avez...?

21 Réponse: J'ai été témoin lorsque nous avons orienté, dirigé une femme vers

22 l'Albanie et nous avons tué son frère et son grand-père. Cela, j'en suis

23 sûr.

24 Question: Donc vous avez accompagné ces villageois de leur village jusqu'à

25 la frontière albanaise?

Page 8319

1 Réponse: Non, pas depuis leur village. Nous leur avons dit.

2 Question: Vous leur avez dit?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Eux-mêmes, tout seuls?

5 Réponse: Ce n'était pas nécessaire de les escorter, ils étaient bien

6 accompagnés.

7 Question: Vous avez dit que la plupart de ces gens ont été tués, c'est ce

8 que vous avez dit?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Qui est parti alors vers l'Albanie si la majorité des gens ont

11 été tués?

12 Réponse: Monsieur Milosevic, au début des bombardements, pendant ces

13 premiers quelques jours, trois jours, il y a eu des assassinats dans les

14 villages où je me suis trouvé. Ensuite, je me rappelle une colonne de

15 personnes qui devaient se rendre en Albanie parce qu'elles ne voulaient

16 pas s'y rendre de leur plein gré.

17 Question: Je comprends maintenant. Il y a eu des colonnes de personnes qui

18 sont parties vers l'Albanie. Mais comment y a-t-il pu y avoir des

19 colonnes, puisque vous avez dit que vous en avez tué la majorité?

20 Réponse: On ne les a pas vraiment toutes tuées.

21 Question: Pardon?

22 Réponse: Pas toutes! Une petite partie a été tuée pendant ces premiers

23 quelques jours.

24 Question: Mais votre affirmation est bien celle-là: que vous avez tué la

25 plupart des gens et que les autres sont partis en Albanie?

Page 8320

1 Réponse: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

2 M. Milosevic (interprétation): Qu'avez-vous dit alors?

3 Témoin K32 ( interprétation): J'ai dit… Vous me confondez… Vous me

4 troublez…

5 M. le Président (interprétation): Vous avez épuisé les 40 minutes que nous

6 vous avions données. Je vous en accorde 10 de plus. Si vous posez trop de

7 questions et des questions qui portent à confusion pour le témoin, il aura

8 du mal à répondre. Je vous prie de séparer vos questions pour que ce soit

9 clair.

10 M. Milosevic (interprétation): Il m'a semblé que mes questions étaient

11 parfaitement claires.

12 Témoin K32 ( interprétation): Pas vraiment claires.

13 Question: En page 6, paragraphe 4… Mais avant cela, s'il vous plait, vous

14 avez dit que vous l'avez raconté d'une manière différente; qu'avez-vous

15 dit?

16 Réponse: Dans quel paragraphe?

17 Question: Je ne parle pas d'un paragraphe en particulier. Mais lorsque je

18 vous ai demandé si vous affirmiez que la plupart des gens ont été tués et

19 que la minorité a été chassée vers l'Albanie, eh bien, c'est cela, les

20 deux options, les deux versions?

21 Réponse: Non, ce n'est pas deux versions, Monsieur Milosevic. Pendant les

22 bombardements, pendant les cinq premiers jours, il y a eu des meurtres de

23 villageois dans les villages. Au bout de cinq jours, nous nous sommes

24 repliés dans notre caserne. Et on sait qui a donné des ordres pour que les

25 gens quittent leurs maisons et se rendent en Albanie. Ça, je le sais pour

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1 sûr. C'est le PJP qui faisait cela.

2 Question: Donc vous avez dit que vous vous êtes dispersés, que vous

3 agissez par groupes une fois entrés dans les villages. Donnez-nous

4 quelques noms de camarades, des soldats.

5 Réponse: Des noms de soldats?

6 Question: Oui, des soldats, de vos camarades, qui faisaient partie de

7 votre groupe.

8 Réponse: Ça, je ne peux pas vous le donner. Je ne peux pas vous le donner.

9 Eux aussi, ils viendront déposer ici.

10 Question: Vous dites que dans chaque maison, il y eu des groupes de

11 soldats qui tuaient?

12 Réponse: Naturellement.

13 Question: Pardon?

14 Réponse: Naturellement. Ils ne sont pas venus pour rester les bras

15 croisés.

16 Question: Et qu'ont-ils fait?

17 Réponse: Ce sont les soldats qui tuaient.

18 Question: Mais, dites-moi, donc vous voulez dire que tous les habitants du

19 village de Medvece ont été tués?

20 Réponse: Oui, oui, tous. Tous ceux que nous avons pu voir.

21 Monsieur Milosevic, je pensais au village de Trnje, pour ce qui est de ce

22 que vous venez de dire.

23 Question: Donc tous les villageois de Trnje ont été tués?

24 Réponse: Oui, c'est ce que nous avons vu sur place.

25 Question: De cette manière-là, donc, vous vous êtes dispersés par groupes

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1 et vous alliez de maison en maison et vous les avez tués?

2 Réponse: Oui. Il y en a eu qui se sont enfuis par les prés et nous les

3 avons tués là-bas.

4 Question: Vous parlez de cinq personnes tuées, de cinq corps que vous êtes

5 allé inhumer en amont du village?

6 Réponse: Non, pas en amont du village, loin de là.

7 Question: Donc c'est là que vous avez enterré ces cinq personnes?

8 Réponse: C'étaient cinq femmes, pas cinq hommes.

9 Question: Pardon?

10 Réponse: Cinq femmes.

11 Question: Donc cinq femmes. Et vous avez dit qu'elles ont été enterrées

12 précisément par les personnes qui les avaient tuées?

13 Réponse: Ces personnes étaient avec nous. Elles étaient avec nous, elles

14 nous ont regardé faire.

15 Question: Eh bien, je vais consulter votre déclaration. C'est la première

16 fois que vous parlez de cinq femmes, mais peut-être figure-t-elle dans

17 votre déclaration, cette affirmation?

18 Réponse: Cinq femmes.

19 Question: "Nous sommes allés jusqu'au bout du village". Le capitaine vous

20 aurait donné l'ordre de ramasser les corps?

21 Réponse: Oui, oui.

22 Question: Des femmes et des enfants. Mais vous avez dit: "Les corps des

23 enfants et de la plupart des femmes n'étaient plus sur place."?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Et vous poursuivez en parlant de ces corps. Vous dites: "Ces

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1 cinq corps". Eh bien, s'il en est ainsi, comment est-il possible qu'il n'y

2 ait que cinq personnes tuées s'il y a eu des meurtres en masse, s'il y

3 avait ces groupes, ces équipes qui se rendaient partout, durant toute la

4 journée? Comment se fait-il que vous n'en avez retrouvé que cinq?

5 Réponse: Eh bien, parce que nous n'avons retrouvé que les corps de trois

6 vieillards et de cinq femmes. Quelqu'un avait déjà enlevé les autres.

7 M. Milosevic (interprétation): Oui. Mais c'est un peu étrange, cette

8 partie.

9 M. le Président (interprétation): Une pause, s'il vous plaît.

10 M. Milosevic (interprétation): Consultez, s'il vous plaît, cette partie de

11 votre déclaration. Il faudrait que tout le monte l'entende, même si on ne

12 peut pas voir votre visage.

13 En bas de la page 6, vous dites: "Il n'y a pas eu de cas de viol". Donc

14 vous dites: "Il n'y a pas eu de cas de viol, mais cela exclusivement pour

15 la raison suivante: il n'y a pas eu assez de temps pour cela. S'il y avait

16 eu assez de temps, cela se serait produit également."?

17 Témoin K32 (interprétation): Oui, certainement.

18 Question: Mais êtes-vous au courant des cas de viol? Est-ce qu'il y a eu

19 des viols?

20 Réponse: Non, il n'y a pas eu de viols, mais s'il y avait eu assez de

21 temps, cela se serait produit. Je le sais.

22 M. Milosevic (interprétation): Mais sur la base de quoi estimez-vous que

23 quelque chose qui ne s'est pas produit se serait produit s'il y avait eu

24 assez de temps?

25 Témoin K32 (interprétation): Monsieur Milosevic...

Page 8324

1 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît, entre la

2 question et la réponse. Poursuivez.

3 Témoin K32 (interprétation): Monsieur Milosevic, un soldat qui a tué une

4 jeune femme dans ce village, un soldat dont le nom de famille était

5 Milosevic, le même que vous…

6 M. Milosevic (interprétation): C'était moi?

7 Témoin K32 (interprétation): Non, non, non, il était originaire du Kosovo.

8 Il pleurait, il se plaignait de l'avoir tuée, car elle a été tuée.

9 Question: Il pleurait parce qu'il n'a pas eu la possibilité de la tuer?

10 Réponse: Non, il a pleuré parce qu'il n'a pas eu l'occasion, vous

11 comprenez, de faire… Vous comprenez, ils auraient voulu la violer d'abord

12 et puis, par la suite...

13 Question: Eh bien, vous dites que vous n'étiez pas seul là-bas, il y avait

14 des soldats monténégrins. Donnez-nous leur nom pour que l'on puisse les

15 entendre aussi.

16 Réponse: Je ne peux pas vous donner les noms de ces soldats.

17 Question: Vous ne les connaissez pas?

18 Réponse: Je les connais, mais je ne veux pas les citer.

19 M. Milosevic (interprétation): Mais vous êtes tenu de le faire!

20 Témoin K32 (interprétation): Je ne suis pas tenu, car l'un de ces soldats

21 doit venir prendre ma place ici.

22 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, il y en a un qui viendra déposer.

23 Ne citez pas son nom, mais...

24 Témoin K32 (interprétation) Non.

25 M. le Président (interprétation): Le témoin refuse de le faire. Monsieur

Page 8325

1 Milosevic, il vous reste encore suffisamment de temps pour poser deux

2 questions.

3 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur May. A la fin, eh bien,

4 il faudra que je me passe de nombreuses questions, mais peu importe

5 puisque de toute évidence…

6 Eh bien, on vous a demandé à la fin de l'interrogatoire principal quel a

7 été l'objet de votre conversation avec votre commandant lorsque vous

8 l'avez conduit à une réunion, et vous avez répondu qu'il n'y a pas eu

9 vraiment de conversation.

10 Témoin K32 (interprétation): Eh bien, il n'y a pas vraiment eu de

11 conversation, mais son histoire…, je ne suis pas insensible à cela, j'ai

12 pu comprendre ce qu'il disait.

13 M. Milosevic (interprétation): Mais si vous n'avez pas eu de conversation,

14 comment avez-vous pu tirer cette conclusion-là? Il s'est parlé à lui-même

15 dans la voiture?

16 Témoin K32 (interprétation): Il a dit qu'il fallait les chasser tous de ce

17 pays.

18 Question: C'est à vous qu'il l'a dit?

19 Réponse: Je l'ai confirmé, soi-disant: oui, effectivement, c'est

20 nécessaire, il faut le faire.

21 Question: Et à quoi pensait-il quand il a dit: "Il faut tous les chasser"?

22 Réponse: Il pensait aux Albanais.

23 Question: Pardon?

24 Réponse: Aux Albanais.

25 Question: Eh bien, dites-moi, vous avez eu l'occasion d'en parler aux

Page 8326

1 autres soldats?

2 Réponse: Non.

3 M. Milosevic (interprétation): Vous ne l'avez pas fait?

4 Témoin K32 (interprétation): Non.

5 M. le Président (interprétation): Est-ce que les amici ont des questions?

6 M. Wladimiroff (interprétation): Non.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, je vous en prie.

8 (Interrogatoire principal supplémentaire du Témoin K32 par M. Ryneveld.)

9 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Témoin, on a suggéré que vous

10 avez menti devant cette Chambre d'instance. Auriez-vous besoin que… De

11 venir ici, est-ce que cela vous profite pour venir témoigner ici?

12 Témoin K32 (interprétation) Est-ce que vous pouvez me poser la question de

13 manière un peu plus claire, s'il vous plaît? Je ne la comprends pas tout à

14 fait.

15 M. Ryneveld (interprétation): Entendu. Je vais vous reposer la question.

16 Pourquoi êtes-vous venu témoigner ici? Comment cela se fait-il que vous

17 êtes arrivé ici?

18 Témoin K32 (interprétation): Tout premièrement, je vais essayer de vous

19 répondre de manière tout à fait précise.

20 L'objectif que j'avais, c'est que ce que nous avons enterré, il fallait

21 que je le dise. Avant que je le dise, je ne pouvais pas véritablement

22 dormir, pas dormir paisiblement. Je ne sais pas si vous me comprenez.

23 C'était mon objectif de dire cela et dire d'autres choses également. Les

24 cinq femmes que nous avons enterrées, cela me perturbait pendant une

25 période assez longue.

Page 8327

1 Question: Est-ce que vous avez un profit que vous allez tirer du fait que

2 vous êtes venu ici témoigner? Est-ce quelqu'un vous a promis quoi que ce

3 soit?

4 Témoin K32 (interprétation): Non, absolument pas. Je n'en ai tiré aucun

5 profit. Tout simplement, c'est que j'ai la conscience tranquille, c'est

6 tout.

7 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Témoin.

8 (Questions de M. le Juge Kwon au Témoin K32.)

9 M. Kwon (interprétation): Monsieur le Témoin K32, j'ai eu l'occasion de

10 parcourir votre résumé qui nous a été remis par le Procureur et j'ai

11 remarqué que vous avez emmené l'enquêteur sur les lieux où vous avez

12 trouvé les corps de ces femmes. Est-ce que vous êtes allés à l'endroit où

13 elles ont été enterrées?

14 Témoin K32 (interprétation): Non.

15 M. Kwon (interprétation): Pourquoi?

16 Témoin K32 (interprétation): Parce que, quand nous sommes partis dans

17 cette direction-là, ils m'ont informé qu'ils avaient déjà trouvé cet

18 endroit. C'est la raison pour laquelle nous sommes partis dans cette

19 direction et l'enquêteur qui était avec moi était déjà au courant, mais il

20 m'a tout simplement demandé de leur montrer les maisons d'où venaient ces

21 femmes.

22 M. Kwon (interprétation): Merci.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin K32, c'est de cette

24 manière-là que vous terminez votre témoignage. Merci d'être venu témoigner

25 devant le Tribunal pénal international. Vous pouvez vous retirer

Page 8328

1 maintenant.

2 (Le témoin K32 est reconduit hors du prétoire.)

3 On va attendre que les stores soient levés.

4 (Audience publique à 10 heures 05.)

5 (Questions relatives à la procédure.)

6 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Monsieur Nice.

7 M. Nice (interprétation): J'ai quelques questions d'intendance. Je pense

8 que nous pourrions d'abord en parler, étant donné que nous avons perdu

9 notre temps la semaine dernière, et qu'actuellement nous envisageons

10 également de siéger le vendredi.

11 Ce que je dois dire clairement, c'est que nous avons plusieurs dépositions

12 que nous avons envisagées pour cette semaine et nous espérons que nous

13 allons pouvoir terminer au cours de la semaine. Mais, de toutes façons, je

14 vais demander à la Chambre de bien vouloir quand même examiner la

15 possibilité de poursuivre la semaine prochaine, si jamais on ne réussit

16 pas à terminer tous les témoins.

17 M. le Président (interprétation): De toute façon, nous avons déjà pris la

18 décision que ceci sera dans le cadre des préparatifs pour les témoins qui

19 vont venir la semaine prochaine.

20 M. Nice (interprétation): Mais, dans ce cas-là, nous allons essayer

21 d'aider la Chambre pour que la Chambre puisse comprendre quelles sont les

22 décisions que nous devons prendre également pour pouvoir commencer, par

23 exemple, avec le témoin K34, étant donné qu'il s'agit d'arrangements

24 spéciaux que nous avons dû faire avec ce témoin. C'est la raison pour

25 laquelle il serait souhaitable également qu'il soit interrogé au cours de

Page 8329

1 la semaine. Je vous prie de lui donner la priorité. On aura besoin de deux

2 jours pour ce témoin. En d'autres termes, nous pourrions commencer avec ce

3 témoin et ensuite…, donc mercredi.

4 Nous devons tenir compte également du fait que dans ce cas-là, nous allons

5 passer en revue toutes les questions également dont nous avons besoin de

6 discuter jeudi et vendredi.

7 Ensuite, il y a un autre témoin qui est également très important, c'est

8 K33; il est déjà ici. La Chambre, par le biais de ce témoin, va verser le

9 document qui a été rédigé par son avocat avec la traduction, je pense que

10 les amis de la Cour en disposent.

11 M. le Président (interprétation): Nous en disposons déjà. Nous avons reçu

12 directement de l'avocat une lettre.

13 M. Nice (interprétation): Oui, tout à fait, et c'est de cette manière-là

14 que nous avons constaté quelle est la question qu'il souhaite soulever. Il

15 s'agit, en effet, de la question du fait qu'il a été… il va citer sous

16 l'ordonnance contraignante.

17 M. le Président (interprétation): De toutes façons, nous avons délivré

18 cette ordonnance contraignante.

19 M. Nice (interprétation): En ce qui concerne le document qui date du 19

20 juillet- je parle de la lettre- il est stipulé quelles sont les

21 difficultés pour lui que de témoigner, étant donné qu'il est indispensable

22 également que de lever un certain nombre de contraintes qui sont liées au

23 secret d'Etat et vous disposez probablement d'une cote?

24 M. le Président (interprétation): Moi, j'ai l'impression que ceci est

25 perdu quelque part, cela se trouve quelque part dans le bâtiment, mais

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1 pour le moment on ne l'a pas.

2 M. Nice (interprétation): Je suis désolé que ceci se soit produit. Je vais

3 vous expliquer quelle est notre décision. K33, de toutes façons, il sait

4 que je vais en parler publiquement. K33, c'est un pseudonyme pour M.

5 Lilic, l'ancien Président de Yougoslavie qui va être cité ici sur

6 l'ordonnance contraignante pour témoigner. Il veut bien que l'on sache son

7 nom au moment où il va témoigner, mais même si je pense que des médias ont

8 déjà publié cette information, ils connaissent également le pseudonyme. Ce

9 qui représente une violation également contenue dans l'ordonnance de cette

10 Chambre.

11 Mais il voudrait s'adresser directement à la Chambre à sujet-là, et ceci

12 pour des raisons suivantes. Tout premièrement, il est en situation de ne

13 pas pouvoir témoigner sur les faits ou sur les documents qui constituent

14 le secret d'Etat, le secret fédéral, et sans courir des risques lui-même.

15 Et dans ce document qui a été soumis le 19 juillet, il en parle, justement

16 il parle de cette question-là.

17 M. Robinson (interprétation): Mais quel est le risque qu'il court?

18 M. Nice (interprétation): Il pourrait être poursuivi pénalement en Serbie.

19 M. Robinson (interprétation): De la part des autorités d'Etat?

20 M. Nice (interprétation): Oui, tout à fait. Il a été en contact tout

21 premièrement avec le Bureau du Procureur. Il y a un certain nombre de

22 démarches qui ont été entreprises dans un premier temps parce que l'on a

23 essayé d'enlever de tels risques; c'était une procédure qui était assez

24 longue. Nous sommes parvenus à un certain nombre de conclusions. Ceci dit,

25 ceci n'a pas été résolu totalement et, avant que cette question soit

Page 8331

1 résolue, je pense que M. Lilic, lors de son témoignage serait contraint

2 pour beaucoup d'éléments de preuve, sauf si on l'exonère de cette

3 responsabilité, de ce risque. Actuellement, il en est préoccupé.

4 Je maintiens… C'est son attitude; c'est un témoin qui, comme je l'ai dit,

5 est cité en vertu de l'ordonnance contraignante et nous sommes d'avis

6 qu'il devrait témoigner et devrait être cité devant la Chambre. Il sera

7 accompagné d'un avocat qui va le représenter. Aujourd'hui, il n'est pas

8 là. Mais, de toute façon, il a rédigé le document en question. Cela, c'est

9 le problème en ce qui concerne M. Lilic.

10 Mais il y a un autre aspect du problème, à savoir le problème qui est

11 contenu dans la requête que je vous ai soumise. Je pense qu'il faudrait en

12 parler à huis clos partiel, tout au moins dans cette étape.

13 Quand il s'agit de M. Lilic, la Chambre d'instance sait que nous devons

14 véritablement planifier bien avant quand il viendra. Tout premièrement,

15 parce que la Chambre doit pouvoir écouter M. Lilic et comprendre de quoi

16 il parle, mais entendre également l'autre partie.

17 En ce qui concerne l'autre partie, moi, je n'ai pas encore eu en

18 possession le document, je ne l'ai pas examiné. Je pense que la Chambre

19 avait pris la décision de reporter la remise de ce document au Bureau du

20 Procureur et aux amis de la Cour jusqu'à ce matin. Je pense que j'ai eu

21 l'occasion de voir également le projet de document et que j'ai eu

22 l'occasion de m'entretenir vendredi dernier avec la partie en question.

23 Mais je n'ai vu que le projet, je n'ai pas vu le document dans son

24 intégralité, la version complète; c'est la raison pour laquelle je pense

25 qu'il faudrait en parler lors d'un huis clos. Et une fois que je verrai la

Page 8332

1 version complètement, moi, je suggère que, quand la Chambre aura appris

2 quelle est l'attitude de M. Lilic et de l'autre partie également -je pense

3 que c'est au cours de la journée que vous serez au courant-, que nous

4 pourrions bien évidemment nous pencher de manière beaucoup plus sérieuse

5 sur ces témoignages.

6 M. le Président (interprétation): Avant de parler de cela, il y a une

7 autre question qui est très importante et qui concerne la conférence

8 préalable au procès qui n'a pas eu lieu la semaine dernière et qui doit

9 avoir lieu au cours de cette semaine. Je pense que c'est une question

10 également qui va faire l'objet de l'ordre du jour. Moi, je crains que ceci

11 ait lieu vendredi, donc à la dernière minute de cette semaine.

12 Je ne sais pas si nous avons d'autres temps également dont nous pouvons

13 disposer pour cette séance, mais je crains que ce ne soit pas le cas.

14 Est-ce que M. Lilic va nous en dire un peu plus que ce que vous venez de

15 nous dire, Monsieur Nice?

16 M. Nice (interprétation): Peut-être un peu plus, mais étant donné qu'il

17 s'agit d'une question qui est une question qu'il doit résoudre entre la

18 Chambre et lui-même, c'est à lui de vous en parler parce que, comme je

19 vous l'ai dit, il a été cité en vertu de l'ordre contraignant; c'est à lui

20 de répondre aux questions que vous vous voudrez bien lui poser parce que

21 je ne peux pas, moi, parler avec lui. Il s'agit d'un certain nombre de

22 questions qui sont restées en suspens. Si les autorités coopèrent avec

23 nous… Je suis ravi que de constater le fait que les autorités sont prêtes

24 également à le faire accompagner par un avocat et à envoyer l'avocat à la

25 fin de la semaine pour aider la Chambre.

Page 8333

1 Mais M. Lilic va quand même peut-être demander leurs noms. Et il nous faut

2 vous dire qu'il va peut-être demander également les ordonnances de la

3 Chambre si c'est possible également, pour que l'on puisse résoudre le

4 problème auquel doit faire face M. Lilic.

5 (Les Juges se concertent sur le siège.)

6 M. le Président (interprétation): Nous allons entendre le témoin. C'est

7 par la suite que nous allons examiner les questions, Monsieur Nice. Merci.

8 M. Nice (interprétation): Un petit moment, s'il vous plaît.

9 (Les Juges se concertent sur le siège.)

10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, même si je vous ai demandé que

11 le témoin s'adresse à vous directement, j'aimerais quand même rajouter que

12 -certes, il avait des contacts avec les représentants du Bureau du

13 Procureur au cours de ces derniers jours pour pouvoir préparer sa

14 déposition- nous espérons qu'il viendra déposer ici dans un temps pas très

15 lointain. Je pense que les préparatifs ont eu lieu et qu'il sera donc prêt

16 à commencer son témoignage dès cette semaine. Ce que je vous demande,

17 c'est tout simplement qu'il nous parle de son rôle de témoin; de ne pas

18 commencer la substance même… enfin, de ne pas rentrer dans la substance

19 même de son témoignage.

20 M. le Président (interprétation): Il faut que l'on en parle. Même si nous

21 commençons, nous n'allons pas pouvoir terminer cette semaine.

22 M. Nice (interprétation): Oui, effectivement, nous n'allons pas pouvoir

23 terminer, étant donné que K34 doit terminer avec sa déposition au cours de

24 la semaine et ceci, pour des raisons pratiques. Je pense que la Chambre

25 est au courant, d'après mon estimation; ceci doit avoir une priorité.

Page 8334

1 M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord entendre M. Lilic

2 pour ce qui concerne les questions qu'il avait soulevées. Il ne va pas

3 donc devoir donner une déclaration quelle qu'elle soit. La question que je

4 me pose est s'il est indispensable vraiment que de le citer dans ces

5 conditions-là.

6 M. Nice (interprétation): C'est à vous, Monsieur le Président, que je sais

7 qu'il souhaiterait donner son point de vue.

8 M. le Président (interprétation): De toute façon, nous allons l'entendre.

9 M. Nice (interprétation): Mais un des problèmes est le document qui a été

10 soumis vendredi dernier. Je suis assez préoccupé; je ne sais pas les

11 raisons pour lesquelles vous ne l'avez pas, Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Pour le moment, nous l'avons.

13 M. Nice (interprétation): C'est un document traduit, mais je ne sais pas

14 pour quelle raison la traduction n'est pas facile à suivre, et notamment

15 un certain nombre de parties de ces traductions. Par exemple, quand on

16 parle de la discrimination ou bien pour ce qui concerne également la

17 séparation des autorités d'Etat, ce n'est pas tout à fait clair. Je pense

18 que c'est une des conséquences de la traduction; c'est la raison pour

19 laquelle il est indispensable d'entendre M. Lilic nous dire ce qu'il en

20 pense.

21 M. le Président (interprétation): D'accord.

22 M. Nice (interprétation): En attendant le témoin et pour économiser du

23 temps, quand il s'agit de l'autre partie qui elle aussi souhaiterait

24 témoigner, mais à huis clos, d'après l'information que j'ai, il y a un

25 représentant qui accompagne cette partie qui souhaiterait s'adresser à la

Page 8335

1 Chambre également concernant les documents dont il dispose. Il n'est pas

2 impossible que là, il ne s'agisse pas d'un avocat, d'un juriste. Et il ne

3 souhaite pas s'adresser à la Chambre en avançant les argumentations

4 juridiques, mais ces documents contiennent un certain nombre d'autres

5 éléments intéressants. Et donc, il faudrait peut-être parler et puis se

6 pencher un peu plus sur ces éléments. Il va peut-être vous envoyer

7 l'avocat mardi ou mercredi; ceci pourrait aider davantage la Chambre pour

8 ce qui concerne sa représentation juridique au cours de cette séance.

9 C'est la raison pour laquelle K34 va certainement être reporté quelque

10 peu, au moment où il va venir ici, dans le prétoire.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Lilic, on ne va pas vous

12 demander de donner la déclaration solennelle. Vous pouvez vous asseoir.

13 (Le témoin s'exécute.)

14 Monsieur Nice, étant donné qu'il s'agit du témoin du Bureau du Procureur,

15 vous pouvez commencer.

16 (Présentation du témoin, M. Zoran Lilic, par M. Nice.)

17 M. Nice (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

18 Vous n'avez pas besoin de donner la déclaration solennelle, parce que vous

19 êtes ici pour expliquer votre attitude à la Chambre quand il s'agit du

20 témoignage en général.

21 Je me dois de vous dire que votre lettre que vous nous avez envoyée le 19

22 juillet, vendredi dernier, nous a été remise. Elle n'est pas parvenue aux

23 Juges que ce matin, donc avant le début de nos travaux ce matin. C'est

24 peut-être plus simple pour vous que de pouvoir expliquer votre attitude.

25 Vous pouvez, de manière tout à fait générale, dire quelles sont les

Page 8336

1 contraintes pour votre témoignage et s'il est possible éventuellement de

2 lever ces contraintes. Est-ce que vous voulez expliquer cela à la Chambre?

3 M. Lilic (interprétation): Merci, Monsieur Nice. Je voudrais très

4 brièvement vous informer sur le contenu et la substance même du problème

5 devant lequel je me trouve.

6 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie.

7 M. Lilic (interprétation): Monsieur May, Messieurs les Juges, dans votre

8 ordonnance du 5 juillet qui m'a été remise le 11 juillet, et par le biais

9 du Tribunal de district, je suis invité pour être témoin devant le

10 Tribunal. Je tiens à souligner que ma présence à La Haye est l'expression

11 du respect du Tribunal, des Nations Unies et de vous-même.

12 En ce qui concerne l'objection que j'ai soulevée, elle se fonde sur la

13 nécessité de protéger… de me protéger moi-même, de protéger également ma

14 famille et ceci, à la lumière du code pénal de Yougoslavie en vigueur.

15 Vu le fait que le ministère fédéral de justice, le gouvernement fédéral,

16 le ministère de la Défense n'ont pas agi en conséquence des

17 recommandations qui ont été envoyées par M. Geoffrey Nice en date du 4

18 juillet de l'an 2000… Le document officiel existe et je suis sûr que M.

19 Nice pourrait en donner l'interprétation.

20 Ce que je tiens à dire, c'est de souligner que je n'ai aucune objection en

21 ce qui concerne la manière dont procèdent le Bureau du Procureur et le

22 Tribunal. Je comprends le Bureau du Procureur; je comprends également

23 quelle est la gravité de la situation dans laquelle je me trouve, et ceci

24 à cause d'un comportement assez étrange des autorités en Yougoslavie;

25 après les efforts également du Bureau du Procureur pour enlever tous les

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1 malentendus en ce qui me concerne et la procédure qui engagée à mon égard.

2 A Belgrade, pour commencer, il n'y a pas de décision qui soit claire, ni

3 en fonction du témoignage ni pour ce qui concerne, si vous voulez, une

4 attitude contre le témoignage. De toute façon, je ne sais pas s'ils sont

5 pour ou contre le témoignage. Ceci n'existe pas de manière tout à fait

6 claire. C'est la raison pour laquelle il a été indispensable d'envoyer une

7 objection à la Chambre, et pour des raisons que j'ai citées.

8 Il est dans l'intérêt de mon peuple et du peuple auquel j'appartiens que

9 de dire ouvertement la vérité devant cette Chambre et devant le Tribunal,

10 indépendamment du fait que cette vérité pourrait porter dommage et

11 préjudice à quelqu'un en personne. Je crois que la vérité est utile pour

12 tout le monde et, motivé de cette manière-là, moi, je vais donner la

13 déclaration devant cette Chambre publiquement, sans demander de mesures de

14 protection et ceci, pour que cette vérité puisse être accessible à tout le

15 monde et éviter toutes les spéculations et toutes les hypothèses

16 éventuelles qui pourraient être avancées.

17 Je crois également que d'autres témoins devraient pouvoir se présenter

18 devant cette Chambre. Mais il est indispensable que les autorités

19 compétentes en République fédérale de Yougoslavie puissent prendre les

20 deux décisions.

21 Tout premièrement, la Yougoslavie fédérale devrait être d'accord pour que

22 je témoigne; c'est une condition indispensable. Et le fait même que vous

23 ayez envoyé l'ordonnance contraignante par le biais du tribunal de

24 district, c'est le tribunal qui est compétent en vertu de l'Article 5 et

25 qui porte sur la coopération avec le Tribunal.

Page 8338

1 Deuxièmement, ce qui est beaucoup plus important pour moi et ce qui est la

2 substance même également du problème, il est indispensable que l'organe

3 compétent -et j'insiste sur l'organe compétent- en République fédérale de

4 Yougoslavie m'exonère de garder le secret d'Etat et ceci, pour qu'on

5 puisse avoir accès à la documentation concernant la période; ce qui est

6 exigé par la fonction également que j'ai occupée au cours de la période

7 allant de 1993 jusqu'à l'an 2000.

8 Je tiens également à vous informer de ce qui suit:

9 La semaine dernière, à Belgrade, il y a eu les séances du Comité national

10 pour la coopération avec le Tribunal de La Haye; ensuite, le Gouvernement

11 de la République de Serbie, le gouvernement fédéral et l'organe suprême de

12 la défense de Yougoslavie. Outre les séances au niveau de la Serbie qui

13 ont eu lieu les 9 juillet et 18 juillet, où ces questions ont été

14 examinées, je n'ai aucune autre décision qui a été prise à d'autres

15 niveaux, étant donné que de telles décisions n'avaient pas été remises à

16 mon avocat.

17 Les décisions qui ont été prises ne remplissent pas les conditions

18 indispensables et ceci, pour deux raisons. Tout premièrement, la décision

19 concerne uniquement Kosovo et Metohija, et ce sont les institutions qui

20 les ont arrêtées et qui ne concernent pas mon cas tout à fait particulier.

21 L'organe suprême de la défense, lors de sa séance du 19 juillet, n'a même

22 pas examiné éventuellement la possibilité de m'exonérer et de garder le

23 secret, et c'est lui qui en est compétent.

24 L'organe suprême a tout simplement adopté la décision concernant une

25 requête du Bureau du Procureur, à savoir que des conséquences sont tout à

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1 fait claires qui sont issues du code pénal de la République fédérale de

2 Yougoslavie et selon lesquelles ils ont refusé, rejeté même, cette

3 possibilité que je témoigne sur la base de l'ordonnance contraignante.

4 Moi, je l'affirme et vous pouvez trouver ce que je viens de dire comme

5 justification de la loi, l'article 40 qui concerne les poursuites pénales,

6 l'article 97 également du code pénal précisant, entre autres, stipulant

7 -je cite-: "Le témoin qui, par sa déclaration, aurait porté préjudice à la

8 raison d'Etat, le secret militaire, le secret officiel, avant que l'organe

9 compétent -dans le cas concret, c'est l'organe suprême du ministère de la

10 Défense de la République fédérale de Yougoslavie- ne l'exonère de garder

11 le secret, ne peut pas témoigner, ne peut pas être cité en tant que

12 témoin." (Fin de citation.)

13 En d'autres termes, Monsieur le Président, si n'importe qui en République

14 fédérale de Yougoslavie avait entrepris les poursuites, étant donné que je

15 n'ai pas la décision me concernant et concernant les compétences que

16 j'avais à l'époque, étant donné que j'étais Président à l'époque où le

17 document a été rédigé et mis en vigueur, c'est le Conseil suprême de la

18 défense qui doit prendre la décision d'exonération. Sinon, on m'aurait

19 tenu comme quelqu'un qui avait dévoilé le secret professionnel, le secret

20 officiel militaire et autre.

21 On spécule énormément, ces derniers temps, dans les médias en Yougoslavie.

22 M. Nice (interprétation): Excusez-moi, Monsieur Lilic. J'aimerais tout

23 simplement vous demander de bien vouloir faire une pause ici, étant donné

24 qu'il y a un certain nombre de points qui sont nouveaux pour la Chambre.

25 Pour des raisons tout à fait d'organisation, ils n'ont pas eu l'occasion

Page 8340

1 de voir votre lettre, mais je vais interpréter quelque chose, si vous

2 voulez bien me le permettre.

3 Par conséquent, le processus pour ce qui est de libérer quelqu'un de la

4 responsabilité, de dévoiler le secret d'Etat est quelque chose qui existe;

5 nous sommes en train de l'étudier.

6 De toute façon, dans votre cas, ce sera élaboré, vous allez pouvoir vous y

7 référer. Pour le moment, nous ne savons pas quelle est la décision

8 définitive de vos autorités compétentes. Nous ne savons pas si nous allons

9 lever cette responsabilité pour un certain nombre de documents.

10 Mais, ceci dit, votre attitude est la suivante, à savoir que le seul

11 organe qui pourrait lever cette responsabilité est le Conseil suprême de

12 la défense et le Président de ce corps, à savoir M. Kostunica.

13 C'est la raison pour laquelle tout ce que vous n'avez pas pu obtenir

14 jusqu'à maintenant, vous demandez par conséquent une autorisation expresse

15 et explicite de ce Conseil suprême de la défense, à savoir de M.

16 Kostunica, que vous pouvez venir témoigner. C'est la raison pour laquelle

17 vous êtes préoccupé; vous vous dites que, éventuellement, vous allez avoir

18 des problèmes si vous n'obtenez pas cette autorisation. Est-ce que c'est

19 ce que j'ai bien compris?

20 M. Lilic (interprétation): Oui, tout à fait.

21 M. Nice (interprétation): Pour ne pas mettre en doute tous les efforts

22 entrepris dans ce sens-là, ni les délais et la période au cours desquels

23 nous avons déployé ces efforts, il faut dire que vous-même ainsi que M.

24 Kostunica, vous avez commencé déjà à échanger une correspondance en

25 février de cette année, n'est-ce pas?

Page 8341

1 M. Lilic (interprétation): C'était le 22 janvier de cette année, pour être

2 tout à fait précis.

3 M. Nice (interprétation): Après nous avoir expliqué votre situation, après

4 tout ce que j'ai pu dire et de manière tout à fait brève en ce qui

5 concerne votre besoin d'obtenir auprès du Président, auprès du Conseil

6 suprême de la défense, cette autorisation –la Chambre également est au

7 courant; elle sait que de tels mécanismes existent, sont en place pour y

8 arriver, que nous sommes en train de déployer des efforts, que nous

9 n'avons pas encore la conclusion concernant les documents-, pourriez-vous

10 nous dire si vous considérez que vous pouvez et vous devriez dire encore

11 autre chose pour éclaircir ce que vous vouliez éclaircir devant la

12 Chambre?

13 M. Lilic (interprétation): Juste quelques questions, si vous me le

14 permettez.

15 Je ne voudrais pas que l'impossibilité de mon témoignage concernant mes

16 explications et concernant le secret militaire et d'Etat…, que ce soit

17 compris comme un outrage au Tribunal, mais comme un droit que j'ai à ne

18 pas m'exposer à des poursuites à l'avenir.

19 C'est la raison pour laquelle je vous demande, Monsieur May, ainsi qu'aux

20 deux autres Juges, d'examiner, d'accepter cette objection dans laquelle

21 j'ai expliqué de manière tout à fait détaillée cette procédure qui est

22 assez complexe, cela va sans dire. Et je considère que cette institution

23 de témoin devant le Tribunal international également bénéficie des normes,

24 des droits de l'homme les plus élevés et que ceci peut être donc mis sous

25 l'Article 90A. Par conséquent, il faut éviter que le témoignage sorte de

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1 telles décisions des autorités compétentes.

2 Pourquoi est-ce que j'insiste là-dessus? Pourquoi est-ce j'insiste sur la

3 nécessité d'intervention du Conseil suprême de la défense et sur le fait

4 que M. Kostunica est le Président de ce Conseil?

5 Eh bien, parce qu'il s'agit de l'organe suprême qui est à l'origine d'une

6 majorité des documents qui éventuellement pourraient être discutés dans ce

7 prétoire. Et, pour autant que je le sache, c'est l'organe qui, s'il peut

8 vous sanctionner, peut également vous libérer de vos obligations compte

9 tenu de la situation qui est la mienne, qui véritablement est une

10 situation un peu spéciale. Dans le texte de l'exposé de mon objection,

11 j'ai donné tous les détails par écrit.

12 Je vous remercie de votre attention.

13 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Lilic.

14 Monsieur Nice, le témoin a évoqué à très juste titre l'Article 90A du

15 Règlement qui, bien sûr, établit les modalités du privilège de ne pas

16 s'incriminer soi-même. Bien sûr, cet Article sera respecté.

17 Mais je ne suis pas sûr d'avoir très bien compris ce que vous demandez au

18 témoin de faire. Car, dans la pratique, je pense que ce n'est pas à la

19 Chambre de première instance de régler ce problème, c'est à plutôt à celui

20 qui cite le témoin.

21 Donc, s'il est proposé d'entendre le témoin -ce qui est bien le cas,

22 n'est-ce pas?-, nous entendrons le témoin. Nous serons tenus, bien sûr, de

23 l'informer qu'il n'est pas contraint de répondre à quelques questions

24 susceptibles de l'incriminer. Donc nous avons à lui dire cela. Ensuite,

25 nous verrons comment nous allons procéder, mais ce n'est peut-être pas la

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1 manière la plus efficace d'entendre ce témoin. Personnellement, je pense

2 qu'il serait peut-être plus efficace de remettre cette déposition à plus

3 tard pour que les décisions à prendre ailleurs le soient.

4 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, ce que j'avais en tête

5 est peut-être une heureuse coïncidence avec la réduction du temps que nous

6 avons perdu la semaine dernière.

7 La Chambre a entendu la position du témoin exprimée par lui-même. La

8 Chambre dispose également d'autres éléments et aura la possibilité

9 d'entendre les arguments juridiques qui seront présentés à la fin de la

10 semaine, moment où M. Lilic sera encore présent dans les locaux du

11 Tribunal.

12 Donc, si d'ici à jeudi tout cela pouvait être achevé, la Chambre serait

13 peut-être en mesure de rendre une ordonnance ou, à défaut, d'établir un

14 calendrier dans les limites duquel M. Lilic pourrait éventuellement se

15 voir libéré de son droit de réserve. Car ce témoignage a une grande

16 importance pour ce Tribunal, compte tenu des documents qui seront

17 présentés.

18 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, lorsque vous avez demandé

19 l'émission d'une injonction à comparaître, toutes ces questions n'ont pas

20 été débattues devant la Chambre; en tout cas, je n'ai pas le souvenir

21 d'avoir entendu parler de toutes ces questions.

22 M. Nice (interprétation): Lorsque nous avons demandé une injonction à

23 comparaître, nous étions à un stade antérieur du processus de

24 compréhension, tant de la position dans laquelle se trouve le témoin que

25 de la position des autorités. Et, bien sûr, la position des autorités

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1 était -et continue à être aujourd'hui- de dire: "Nous faisons les

2 meilleurs efforts à tout moment pour régler toutes les questions qui se

3 posent.".

4 M. Robinson (interprétation): Mais je parle personnellement et je ne vois

5 vraiment pas pourquoi ce témoin devrait être soumis au système de

6 l'injonction, à ce stade. En effet, je crois que ceci est un problème à

7 régler par le Procureur, le témoin et les autorités du pays d'où vient le

8 témoin. Et j'ai quelques réticences à être utilisé de la sorte, dirais-je.

9 M. Nice (interprétation): Je ne crois pas que la situation soit tout à

10 fait la même.

11 M. Robinson (interprétation): Je ne crois pas que les choses soient

12 différentes de ce que je dis. Car si toutes ces questions m'avaient été

13 soumises au moment de la demande d'injonction, je n'aurais pas accordé

14 l'injonction pour ce témoin.

15 M. Nice (interprétation): Tous les éléments qui pouvaient être présentés à

16 la Chambre l'ont été. Je crois que c'est M. le Juge Kwon qui a traité de

17 la question, ce jour-là. Et comme le témoin l'établira de la façon la plus

18 claire qui soit, je pense, une injonction était nécessaire pour obtenir sa

19 présence et en raison de cela, elle a été accordée.

20 Je crois qu'aucune question ne se pose quant aux éléments qui auraient pu

21 être conservés par le Procureur et n'auraient pas été soumis à la Chambre.

22 Tous les éléments disponibles ont été soumis à la Chambre et les détails

23 qui sont apparus récemment sont apparus au cours des dernières semaines, à

24 l'issue d'un processus de négociations qui a été mené à bien, au rythme le

25 plus rapide possible. Sans une injonction, le témoin n'aurait pas pu être

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1 présent, c'est tout à fait clair.

2 C'est un témoin de la plus grande importance qui soit et si la Chambre

3 souhaite disposer des meilleurs éléments de preuve possibles, elle a

4 besoin de cette déposition et devait donc accepter l'injonction. Mais quoi

5 qu'il en soit, c'est M. le Juge Kwon qui a traité de la question, si je me

6 souviens bien, et je me souviens très bien du moment où cela s'est passé.

7 Je ne me rappelle plus exactement quelle heure il était dans la journée,

8 je pense que c'était vers la fin de l'horaire de travail normal; M. le

9 Juge Kwon a eu la gentillesse de rester à notre disposition et nous sommes

10 restés à sa disposition pour l'aider en lui fournissant des éléments

11 d'informations.

12 M. le Président (interprétation): L'alternative est la suivante : nous ne

13 pouvons pas entendre le témoin maintenant, donc nous nous donnerons le

14 temps nécessaire pour examiner cette question un peu plus tard dans la

15 semaine. Je ne pense pas qu'il soit utile que nous entendions les autres

16 arguments que vous souhaitiez présenter ou que nous entendions la partie

17 adverse avant la fin de la semaine. Enfin, nous y réfléchirons pendant la

18 pause mais, dans l'intervalle, vous avez d'autres témoins qui sont

19 présents, n'est-ce pas?

20 M. Nice (interprétation): Oui, je ferai savoir à la défense ce qu'il en

21 est et je verrai quels sont les horaires d'arrivée possible des témoins,

22 pour peu que les amici déposent leurs écritures immédiatement et que nos

23 recherches ne soient pas trop prenantes.

24 La déposition qui va venir, M. Karleusa -c'est notre témoin suivant-

25 occupera, je pense, le temps qui sera mis à notre disposition; une

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1 audience, au moins.

2 M. le Président (interprétation): Nous avons le document nécessaire?

3 M. Nice (interprétation): Oui. Il sera suivi par un autre témoin qui

4 parlera des mêmes choses. Ensuite, viendront deux témoins des faits et je

5 pense qu'il faudra sans doute quatre séances pour ces deux témoins; cela

6 nous amène à demain et nous… Si nous achevons l'audition du témoin K34

7 avant la fin de la journée, nous aurons, je pense, le temps de consacrer

8 une autre séance aux questions relatives à M. Lilic ainsi à ce que l'on

9 appelle "l'audience préalable au procès".

10 Puis-je, avec le respect que je vous dois, proposer la chose suivante?

11 Lorsqu'on y réfléchit d'un peu plus près, lorsqu'on réfléchit d'un peu

12 plus près aux problèmes posés par le témoignage de M. Lilic, on se rend

13 compte qu'ils ne sont peut-être pas sans lien avec les dispositions de

14 l'Article 70. Il ne s'agit pas de témoin entendu en application de

15 l'Article 70, mais je vois tout de même un lien.

16 M. le Président (interprétation): Oui, mais avançons.

17 M. Nice (interprétation): Puisque nous voulons avancer dans l'audition de

18 ce témoin ainsi que dans celle d'autres témoins dont la déposition

19 pourrait poser les mêmes difficultés, il pourrait être souhaitable de

20 penser à tout cela en même temps.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Lilic, nous allons examiner

22 votre déclaration, bien sûr. Et comme vous venez de l'entendre, avant la

23 fin de la semaine nous tiendrons une audience réservée à l'examen de ces

24 questions et vous serez informé, bien sûr.

25 M. Milosevic (interprétation): Puis-je?

Page 8347

1 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous vous entendrons

2 en temps utile. Nous allons maintenant suspendre l'audience. En effet,

3 cette question intervient au niveau de la relation entre le Procureur, le

4 témoin et la Chambre. Nous serons de retour dans ce prétoire à 11 heures

5 05.

6 (L'audience, suspendue à 11 heures 10, est reprise à 11 heures 09.)

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

8 M. Milosevic (interprétation): Vous m'avez donné la possibilité d'exprimer

9 une objection, indépendamment de ce sur quoi porte cette objection.

10 M. le Président (interprétation): Non, non, parce que cela n'a rien à voir

11 avec vous. Mais si vous voulez vous exprimer, vous pouvez le faire très

12 brièvement.

13 M. Milosevic (interprétation): Pour autant que je le sache, tout ce qui se

14 passe ici -si j'ai bien compris- a un rapport avec moi. Ce que je

15 souhaitais...

16 M. le Président (interprétation): Pas ça, pas ça! C'est un problème qui

17 implique le Procureur et son témoin. Nous avons besoin d'avancer. Mais

18 vous pouvez-vous exprimer pendant quelques minutes et nous exprimer pour

19 quelle raison ceci a quelque chose à voir avec vous.

20 M. Milosevic (interprétation): Permettez-moi, je vous prie…

21 Je souhaitais vous signaler un manque de logique évident, compte tenu de

22 ce qu'a dit M. Nice, dans les propos de M. le Juge Robinson. En effet, il

23 était question de l'injonction à comparaître.

24 Monsieur Nice a dit que l'injonction était indispensable pour que le

25 témoin arrive dans ce prétoire, ce qui n'est absolument pas exact. Car

Page 8348

1 dans la déclaration écrite du témoin, il est écrit qu'il est tout à fait

2 prêt à témoigner devant le Tribunal de La Haye. Par conséquent, il n'était

3 pas nécessaire d'émettre une injonction pour le convoquer à venir ici,

4 puisqu'il a lui-même dit par écrit dans une déclaration signée qu'il était

5 prêt à témoigner.

6 Deuxièmement, s'agissant du respect du secret d'Etat, si la nécessité de

7 respecter ce secret d'Etat existe alors que ceci n'est pas encore

8 déterminé de façon définitive, comment est-il possible, dans ces

9 conditions, que le témoin ait fait une déclaration devant la partie

10 adverse, déclaration écrite qui contient tout ce qu'elle contient? Donc

11 tout cela est totalement illogique.

12 Troisièmement, ce n'est pas la première fois que la partie adverse protège

13 ses témoins jusqu'au dernier moment pour finalement se donner la

14 possibilité de bien se préparer et de rassembler tous les éléments

15 nécessaires et puis, très peu de temps avant le témoignage du témoin, le

16 Procureur rend leurs noms publics comme si rien ne s'était passé. Donc ce

17 mode de protection du témoin prouve qu'il n'y avait aucune nécessité

18 d'agir de la sorte vis-à-vis de ce témoin.

19 Je pense que tout cela, ce sont des éléments qu'il importe que vous

20 gardiez présent à l'esprit, pas seulement dans le cas qui nous intéresse

21 ici, aujourd'hui, mais également dans d'autres cas où le Procureur recourt

22 aux mêmes méthodes.

23 M. le Président (interprétation): S'il y avait la moindre suspicion

24 s'agissant du bien-fondé des demandes de protection émanant de

25 l'accusation, ces demandes seraient rejetées. Ce que nous avons fait dans

Page 8349

1 l'affaire qui nous intéresse ici, lorsque ces demandes de protection sont

2 faites dans les délais nécessaires, c'est vous garantir la possibilité de

3 bien préparer votre défense. Donc c'est un préjugé favorable à votre égard

4 que nous avons à l'esprit lorsque nous rendons nos décisions.

5 Monsieur Nice, des objections ont été émises vis-à-vis de certains

6 documents. La question qui se pose, c'est comment procéder vis-à-vis de

7 ces documents. Les objections ont été émises de façon très générale.

8 M. Nice (interprétation): Monsieur Shin a présenté ses objections en

9 disant que nous pourrions peut-être traiter ces documents au fur et à

10 mesure de la déposition ou encore, en traiter à l'avance.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay, que convient-il de faire?

12 M. Kay (interprétation): Peut-être serait-il bon de signaler les raisons

13 de ces préoccupations. D'ailleurs, à cet égard, nous avons un index qui va

14 être versé au dossier par le truchement du témoin. Et dans cet index, on

15 trouve la liste des documents. Il n'y a aucune objection à ce que cette

16 personne soit un témoin devant ce Tribunal, il est tout à fait capable de

17 témoigner. Mais c'est cet index qui, à notre avis, devrait préoccuper un

18 peu la Chambre de première instance.

19 Les deux premiers documents figurant dans cette liste, l'annexe 1 et

20 l'annexe 2, sont des articles de presse que le témoin souhaitent verser au

21 dossier; ils ont pour auteur un journaliste et portent sur les questions

22 relatives aux découvertes de la rivière dont il est question dans la

23 présente affaire. Ces articles n'ont rien à voir avec le témoin. Ce sont

24 des articles dont l'auteur est un journaliste qui n'est pas lui. Et

25 j'aimerais également rappeler aux Juges de cette Chambre les observations

Page 8350

1 faites par les Juges durant la déposition du Juge Tanic, s'agissant des

2 commentaires de journaliste.

3 M. le Président (interprétation): Ceci s'est passé au cours du contre-

4 interrogatoire, si je me souviens bien. Et il convient de distinguer entre

5 les choses suivantes: nous avons admis ces articles ici. Dans mon

6 souvenir, il arrive souvent que nous admettions le versement au dossier

7 d'articles de presse. Mais ce que nous n'admettons pas, ce sont les

8 commentaires des journalistes ou de leurs supérieurs.

9 Si les articles traitent de faits, nous les examinons, mais ils font alors

10 partie d'une catégorie tout à fait différente des commentaires personnels

11 d'un journaliste et je crois que, dans le cas du témoin Tanic, il

12 s'agissait de commentaires.

13 M. Kay (interprétation): Oui. Mais dans ces deux articles, Monsieur le

14 Président, on trouve des commentaires faits par le journaliste au sujet

15 des questions jugées par le Tribunal.

16 Dans le premier article, annexe 1, le journaliste formule des conclusions

17 s'agissant de l'incident du "camion réfrigérant", comme on a l'habitude de

18 l'appeler. Le paragraphe d'introduction de l'article se lit comme suit -je

19 cite-: "Le récit qui suit prouvera que la police, les responsables de

20 districts et les procureurs publics municipaux ainsi que le juge

21 d'instruction et les responsables suprêmes du MUP serbes connaissaient

22 l'incident et ont décidé, par la suite, de couvrir ce crime." (Fin de

23 citation.)

24 C'est un commentaire qui porte sur les faits et qui est un commentaire.

25 Comme nous tenons à le signaler, cet article, ensuite, sort du champ

Page 8351

1 strict d'un rapport événementiel qui ne ferait que rapporter les faits

2 survenus dans la région du Kosovo.

3 L'article 2 que l'on trouve à l'intercalaire 2 est, encore une fois, un

4 article rédigé dans le même ordre d'idée. En effet, on y trouve, à la fin,

5 la conclusion suivante -je cite-: "Nous croyons cependant que les

6 autorités et la police avant tout, ainsi que le procureur ou d'autres,

7 devraient s'exprimer en public et expliquer si, oui ou non, cet événement

8 a eu lieu, afin de mettre un terme à des rumeurs dangereuses qui se

9 répandent à la vitesse de l'éclair et perturbent le public". (Fin de

10 citation.)

11 Donc il s'agit de ouï-dire. Et le journaliste admet qu'il s'agit de ouï-

12 dire.

13 S'agissant des renseignements que l'on trouve dans ces articles, on n'y

14 trouve rien que M. Karleusa ne fournit pas dans sa déposition. Et, bien

15 sûr, M. Karleusa s'exprime en tant que témoin responsable de l'enquête sur

16 cette question.

17 La distinction, à notre avis, doit s'établir selon la ligne suivante: les

18 annexes 3 et 4, qui sont des communiqués émanant de son groupe de travail,

19 ne peuvent faire l'objet d'aucune objection de notre part. Ce sont des

20 documents de travail. Et cet homme était responsable d'enquêter sur la

21 question.

22 Selon le Règlement du Tribunal, ces annexes 3 et 4 peuvent donc constituer

23 des éléments probants. Le Tribunal… Bien sûr, la Chambre a loisir

24 d'apprécier ces documents à leur juste valeur et de leur accorder le poids

25 qu'elle jugera utile de leur accorder à la fin du procès, mais ces annexes

Page 8352

1 fournissent donc des éléments pertinents, alors que les articles de presse

2 ne sont que des additifs inutiles.

3 Ensuite, il importe de réfléchir aux éléments de preuves proposés qui vont

4 de l'intercalaire 5 à l'intercalaire 24. Il s'agit de déclarations

5 préalables de témoins fournies aux groupes de travail dont le commandant

6 Karleusa était le commandant; déclarations qui ont été faites à son

7 intention par un certain nombre de personnes durant la période où il

8 enquêtait sur l'incident présumé. Pour autant que je puisse le déterminer

9 à la lecture des documents -je demande que l'on me corrige si je me

10 trompe-, ces documents ne sont pas signés par leurs auteurs.

11 Prenons, par exemple, l'annexe 5 à l'intercalaire 5 dont l'auteur est

12 Golubovic. Nous avons donc, dans nos dossiers, la déclaration en BCS

13 suivie par la traduction anglaise et la note définitive; cette note

14 définitive a été établie par les membres du groupe de travail. Donc il

15 s'agit d'une note établie par le groupe de travail commandé par le

16 commandant Karleusa lors des conversations avec ce témoin potentiel durant

17 l'enquête relative aux camions retrouvés dans l'eau.

18 Toutes ces déclarations préalables, donc de l'intercalaire 5 à

19 l'intercalaire 24, se présentent exactement sous la même forme. Donc pour

20 ces documents du 5 au 24, nous disons que ce sont des déclarations non

21 signées faites à un enquêteur. Et si ces documents devaient être versés au

22 dossier, l'accusé n'aurait pas la possibilité de procéder au contre-

23 interrogatoire des auteurs de ces déclarations. Il n'aurait pas non plus

24 la possibilité de présenter sa thèse à ce sujet.

25 Pour reprendre les mots que nous avons fournis à cette Chambre par écrit

Page 8353

1 dans un certain nombre de documents, c'est une façon de venir devant le

2 Tribunal par la petite porte, par le biais d'un enquêteur, en proférant

3 des propos qu'il n'est pas possible de contester. Ces déclarations ne

4 proviennent pas de quelconque procédure judiciaire; ce ne sont pas des

5 propos entendus par un juge d'instruction ou par quiconque qui serait tenu

6 de dire la vérité. Il apparaît que ces documents émanent d'un groupe de

7 travail, d'une espèce de commission, comme le témoin le décrit lui-même,

8 qui était chargée d'enquêter sur cette question, mais qui n'avait par

9 ailleurs aucun autre objectif particulier, aucune autre obligation

10 particulière.

11 J'en arrive à présent à la dernière série de documents, à savoir les

12 documents 25 à 28 qui sont des notes établies par le groupe de travail,

13 toujours pendant la durée de l'enquête. Ces documents ont une valeur

14 probante, selon le Règlement de procédure et de preuve du Tribunal dans

15 son application habituelle.

16 M. le Président (interprétation): Y a-t-il un résumé des propos du témoin?

17 Une synthèse? Dans tous ces documents? Est-ce que le communiqué correspond

18 à cette synthèse?

19 M. Kay (interprétation): Le communiqué est quelque chose d'un peu

20 différent. Parlons, si vous le voulez bien, des annexes 3 et 4 -en

21 commençant par l'annexe 3- qui ne synthétisent pas les déclarations mais

22 constituent un survol de la masse très importante des autres documents.

23 Donc vous ne trouverez pas, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de

24 synthèse du témoignage des témoins 5, 6 ou 7, mais simplement un aperçu de

25 ce dont ils vont parler.

Page 8354

1 M. le Président (interprétation): Si je regarde l'annexe 3, j'ai

2 l'impression tout de même qu'il s'agit d'un résumé des conclusions qui ont

3 été tirées.

4 M. Kay (interprétation): Si l'on se fonde sur les documents qui font

5 autorité devant ce Tribunal, ce genre de rapport a déjà été admis comme

6 pièce à conviction et les Juges ont décidé, dans ce cas-là, qu'il leur

7 appartiendra de voir quel poids ils accorderont au document. Mais la

8 situation des documents 5 à 24 est un peu différente, car il s'agit de

9 déclarations émanant de tierces personnes qui ont été entendues, mais hors

10 processus judiciaire.

11 Ce sont des déclarations qui ne sont pas signées, ceci nous amène donc à

12 un stade un peu différent, à savoir que l'accusé est privé de la

13 possibilité de contre-interroger les auteurs réels de ces déclarations. Il

14 est tout à fait manifeste que le commandant Karleusa, en disant ce qu'il

15 dit dans sa déclaration écrite, prévoit d'être entendu en tant que témoin.

16 Et il ne pourra pas témoigner sur autre chose que sur ce qu'il a vu, sur

17 les photographies qu'il a vues notamment, pour dire aux Juges ce que sont

18 ces photographies. Donc, inévitablement, l'usage possible de ce témoignage

19 est limité.

20 Merci.

21 M. le Président (interprétation): Merci.

22 Monsieur Shin?

23 M. Shin (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si

24 vous me le permettez, je souhaite répondre aux points soulevés par mon

25 éminent collègue et je souhaite également suggérer une solution.

Page 8355

1 Pour ce qui est des articles de presse, l'accusation n'a pas l'intention

2 de les verser au dossier. Pour ce qui est du contenu de ces articles… ou

3 plutôt, l'accusation cherche à verser au dossier ces dossiers en tant

4 qu'éléments de preuve montrant quelle a été l'enquête qui a été menée, en

5 principe et au fond, pour montrer comment cette enquête a été lancée.

6 La déposition du témoin laissera entendre que, dans une large mesure, il a

7 dû vérifier les allégations de ces articles de presse. Donc c'est la

8 publication de ces articles qui est le fait important.

9 Pour ce qui est des déclarations, pour ce qui est de l'authenticité et de

10 la possibilité de l'accusé de contre-interroger les auteurs de ces

11 déclarations, eh bien, voyons premièrement ce qu'il en est de

12 l'authenticité de ces documents.

13 Les déclarations dont nous parlons ne sont pas vraiment des déclarations,

14 mais des notes officielles des enquêteurs; cela est indiqué sur les

15 documents eux-mêmes. Techniquement parlant, nous avons 22 documents

16 constituant les notes, donc allant des intercalaires 5 à 24. Nous avons

17 deux documents sur l'intercalaire 7, puis également l'intercalaire 28 qui

18 est un document de nature similaire.

19 Qui plus est, nous avons des déclarations signées, à l'intérieur de ce

20 classeur. Comme cela a déjà été signalé, ces notes officielles qui ont été

21 établies lors des entretiens ne portent pas de signature; le témoin sera

22 en mesure d'expliquer quelle est la signification de cela. Le témoin

23 pourra également nous expliquer comment ces notes ont été prises et

24 comment a été utilisé ce type de document. Au fond, le témoin sera en

25 mesure d'authentifier ces documents et, bien sûr, le témoin pourra être

Page 8356

1 contre-interrogé sur ces points.

2 L'accusation estime qu'il s'agit ici de documents qui sont analogues aux

3 documents qui ont déjà été versés dans cette affaire, préparés par des

4 organisations telles Human Right Watch, ainsi que pour l'Organisation pour

5 la sécurité et la coopération en Europe. Nous estimons qu'il s'agit là du

6 poids et de la crédibilité du document plutôt que de son admissibilité.

7 L'accusation se permet de faire valoir que ces documents constituent un

8 corpus de matériels de matière première qui a été à la disposition du

9 témoin durant ces enquêtes.

10 A la lumière de cela, la Chambre de première instance sera mieux en mesure

11 d'évaluer la déposition du témoin dans le contexte de ces documents.

12 L'accusation estime qu'il ne faudrait pas que cela constitue un obstacle

13 au versement de ces documents. Et, encore une fois, je parle des

14 intercalaires allant du 5 à 24 ainsi qu'au 28. Il s'agit des documents qui

15 concernent donc plutôt le poids et la crédibilité, enfin qui sont

16 concernés par la question de leur poids et de leur crédibilité.

17 Bien entendu, l'accusé pourra contre-interroger le témoin au sujet de ces

18 documents, comme je viens de le dire. Le témoin expliquera la méthodologie

19 qui a été appliquée et il pourra également être interrogé là-dessus. Qui

20 plus est, la Chambre de première instance ainsi que l'accusé et les amici

21 seront en position d'évaluer les divergences ainsi que la cohérence, pour

22 ce qui est de ces notes prises au cours de l'enquête.

23 Les amici admettent que ces communiqués peuvent faire l'objet de contre-

24 interrogatoire et l'accusation estime que, de même, la même procédure

25 devrait être appliquée aux notes prises lors des entretiens. Enfin,

Page 8357

1 l'accusation se permet de faire valoir que, s'agissant des notes prises

2 lors des entretiens, il sera possible d'entendre d'autres témoins si cela

3 était souhaité, d'autres témoins qui ont fait partie du groupe de travail

4 en question et l'accusé pourra contre-interroger également certaines

5 personnes qui ont fourni des informations à ce groupe de travail durant

6 son enquête.

7 Il me semble que la décision sur l'admissibilité de ces documents devrait

8 être prise à un moment ultérieur, lorsque nous serons mieux en position de

9 comprendre le contenu de ces documents.

10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

11 Monsieur Milosevic souhaitez-vous prendre la parole à ce sujet?

12 M. Milosevic (interprétation): Il ressort de manière parfaitement claire

13 que la partie adverse cherche à se servir de ce témoin, M. Karleusa, qui

14 affirme lui-même qu'il n'a rien vu de tout cela, à commencer par le camion

15 réfrigérant. Donc l'accusation souhaite verser, à travers lui, toute une

16 série de 22 documents qui émanent d'un groupe de travail de la police. Il

17 ne s'agit pas, comme l'a indiqué M. Kay…, il ne s'agit même pas de

18 déclaration du témoin; il ne s'agit même pas de notes qui émanent des

19 interrogatoires.

20 Qui plus est, conformément au code relatif à la procédure pénale qui était

21 en vigueur au moment où ces déclarations ont été recueillies, il s'agit de

22 types de documents qui ne peuvent en aucun cas être utilisés devant les

23 tribunaux. C'est juste un exemple; je pense que ceci pourrait être mieux

24 expliqué par l'amicus curiae qui a l'habitude de pratiquer le droit en

25 Yougoslavie.

Page 8358

1 Donc ces notes, me semble-t-il, pourraient être partie intégrante de la

2 déclaration du témoin Karleusa qui n'est ni Procureur ni Juge et qui

3 n'aurait jamais pu être habilité à recueillir des déclarations quelles

4 qu'elles soient sans être utilisées devant un Tribunal.

5 Il s'agit d'un officier de police qui a recueilli des informations de la

6 part d'un certain nombre de personnes dans le cadre du travail d'un groupe

7 réuni à cette fin, un groupe de travail. Donc, d'un point de vue

8 juridique, de quelque droit que l'on parle, il ne me semble pas approprié

9 que cette personne vienne ici nous informer des entretiens qui ont été

10 menés où que ce soit.

11 On a même refusé que viennent déposer ici des enquêteurs qui ont

12 réellement recueilli ces déclarations. C'est vous qui avez décidé cela,

13 que je sois d'accord avec vous ou non. Donc, il me semble que cela est

14 absolument contestable. Je pense que M. Kay a raison et je cite, à l'appui

15 de cette position, également le code de procédure pénal. Ces déclarations

16 ne sont pas acceptables.

17 M. le Président (interprétation): Très brièvement, Monsieur Shin?

18 M. Shin (interprétation): Très brièvement, Monsieur le Président. L'accusé

19 a soulevé des points auxquels je souhaite répondre.

20 Premièrement, l'accusation fait valoir que M. Karleusa n'est pas dans la

21 même position que ce que nous avons déjà vu avec les enquêteurs du

22 Procureur. En aucune manière, il n'est relié au Bureau du Procureur. Il

23 est ici, suite à une injonction à comparaître.

24 Deuxièmement, M. Karleusa lui-même pourra expliquer à quel point il a été

25 impliqué à la prise de ces notes établies lors des entretiens.

Page 8359

1 Et enfin, compte tenu du temps très limité qui nous est imparti, il ne

2 nous est pas possible d'entendre tous ces témoins qui doivent déposer au

3 sujet des événements importants et amples. Nous avons donc décidé de citer

4 quelqu'un qui a mené l'enquête portant sur ces événements très complexes

5 et qui peut rendre compte des conclusions de ce groupe de travail.

6 M. le Président (interprétation): Nous nous pencherons sur cette question.

7 (Le Juges se concertent sur le siège.)

8 M. le Président (interprétation): Nous accepterons ces documents, mis à

9 part les articles de presse qui, à notre avis, ne peuvent pas être versés

10 au dossier.

11 Cependant, nous accepterons le versement au dossier des notes officielles.

12 Nous ne les verserons pas au dossier pour ce qui est de la véracité de

13 leur contenu; nous les verserons au dossier en tant que documents de

14 travail sur lesquels s'est appuyé le témoin lors de l'enquête qu'il a

15 menée. Nous admettons ces documents en tant que faisant partie de son

16 enquête, mais la Chambre ne les prendra pas en considération pour ce qui

17 est de la véracité de leur contenu. Il s'agira des éléments de preuves

18 versés par le truchement de ce témoin, dont le poids sera évalué par la

19 Chambre. Le témoin, cependant, pourra les citer dans la mesure où des

20 questions lui seront posées là-dessus et, comme je l'ai déjà dit, nous les

21 verserons au dossier en tant que tels, en tant que partie de son enquête.

22 Par ailleurs, ce témoin est dans une position différente de celle des

23 enquêteurs du Procureur. Ce témoin n'est pas un enquêteur du Tribunal; il

24 s'agit d'un témoin indépendant. Vu sous cet angle-là, également, il s'agit

25 d'une enquête qui n'a pas été menée précisément dans le cadre de l'affaire

Page 8360

1 qui nous intéresse. Il s'agit d'une enquête qui a été menée sur le plan

2 national et il y a un certain degré d'indépendance qui doit être reconnu à

3 celle-ci.

4 Conformément à cela, les documents de 5 à 28 seront acceptés par la

5 Chambre en tant que documents faisant partie de cette enquête.

6 Je vous prie de faire entrer le témoin.

7 M. Shin (interprétation): Monsieur le Président, avant que le témoin

8 n'entre, je souhaite soulever un point au sujet des intercalaires.

9 M. le Président (interprétation): Oui?

10 M. Shin (interprétation): Les intercalaires 25, 26 et 27 ne sont pas de la

11 même nature, de toute évidence, que les autres. Il s'agit de déclarations

12 signées. Nous avons d'abord une note officielle qui a été signée par un

13 officier de police et les deux autres sont également des déclarations qui

14 ont été signées par les auteurs de ces déclarations. Il s'agit de

15 documents d'une tout autre nature que les documents allant de 5 à 24,

16 ainsi que le document 28.

17 M. le Président (interprétation): Nous prendrons cela en considération

18 lorsqu'il s'agira de leur attribuer leur poids.

19 (Le témoin, M. Dragan Karleusa, est introduit dans le prétoire.)

20 M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il prononcer la

21 déclaration solennelle?

22 M. Karleusa (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir.

25 (Le témoin s'exécute.)

Page 8361

1 Nous sommes toujours en audience publique apparemment.

2 (Interrogatoire principal du témoin, M. Karleusa, par M. Shin.)

3 M. Shin (interprétation): Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous citer votre

4 identité, s'il vous plaît?

5 M. Karleusa (interprétation): Je suis Dragan Karleusa, né le 1er janvier

6 1947 à Belgrade. Je suis policier de carrière auprès du ministère de

7 l'Intérieur de la République de Serbie.

8 Question: D'appartenant ethnique, vous êtes serbe?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Et de confession, vous êtes orthodoxe, chrétien orthodoxe?

11 Réponse: Oui, c'est cela.

12 Question: Monsieur Karleusa, étiez-vous à la tête d'un groupe de travail

13 de la police qui a mené une enquête au sujet du camion réfrigérant

14 contenant des corps et qui a été retrouvé dans le fleuve Danube? Répondez

15 par un "oui" ou un "non", s'il vous plaît.

16 Réponse: Oui.

17 Question: Avant d'en venir aux questions qui concernent cette enquête,

18 permettez-moi de vous poser quelques questions plus générales. Vous avez

19 dit que vous étiez officier de police. Quel est votre travail actuel?

20 Réponse: Je suis chef adjoint de l'administration chargée de la lutte

21 contre la criminalité organisée. Je suis capitaine de mon grade.

22 Question: Depuis quand occupez-vous ce poste?

23 Réponse: C'est en octobre de l'an 2001 que j'ai commencé à occuper ce

24 poste.

25 Question: Dans quelle ville travaillez-vous?

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1 Réponse: Excusez-moi, il faut que j'apporte une correction. Permettez-moi

2 de me rappeler… C'est depuis le mois d'octobre 2001, effectivement, que

3 j'occupe ce poste. Je travaille à Belgrade.

4 Question: Je vous remercie. Avant cela, quel a été votre poste?

5 Réponse: J'étais chef-adjoint de l'administration de la police criminelle

6 du ministère de l'Intérieur.

7 Question: Etait-ce également à Belgrade?

8 Réponse: C'est cela.

9 Question: En votre qualité de chef-adjoint de la police criminelle, vous

10 étiez supérieur à combien de policiers?

11 Réponse: L'administration de la police criminelle couvre l'ensemble du

12 territoire de la République de Serbie, tous les secrétariats des affaires

13 intérieures; cela fait, en tout, plusieurs centaines de personnes.

14 Question: Ces personnes dont vous supervisiez le travail, étaient-ce des

15 détectives, étaient-ce tous des inspecteurs?

16 Réponse: C'étaient des chefs de département, d'autres inspecteurs, etc.

17 Question: Depuis combien de temps, Monsieur, travaillez-vous dans la

18 police?

19 Réponse: Je travaille dans la police depuis 1975.

20 Question: Vous avez passé combien d'années à travailler comme inspecteur?

21 Réponse: C'est depuis 1977.

22 Question: Monsieur Karleusa, avez-vous reçu une ordonnance à comparaître

23 de la part de cette Chambre afin de venir déposer?

24 Réponse: C'est par le truchement du ministère fédéral de la Justice et du

25 tribunal de district de Belgrade, enfin, que j'ai reçu cette injonction à

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1 comparaître.

2 Question: A quel moment l'avez-vous reçue?

3 Réponse: Quelques jours avant que je ne parte pour venir ici.

4 Question: Cette injonction à comparaître précisait-elle quelles étaient

5 les sanctions éventuelles, si vous ne vous conformiez pas à celle-ci?

6 Réponse: Oui. J'ai été averti dans cette injonction que, si je ne m'y

7 conformais pas, j'allais être sanctionné conformément au Règlement de ce

8 tribunal. Cela a été précisé.

9 Question: Etes-vous ici, en fait, suite à cette injonction à comparaître?

10 Réponse: Oui, je me suis conformé à l'injonction conformément à la loi

11 relative à la coopération entre la République fédérale de l'ex-Yougoslavie

12 et le Tribunal de La Haye. C'est mon obligation en tant que citoyen et en

13 tant que policier.

14 Question: Monsieur Karleusa, êtes-vous au courant d'un article de presse

15 qui a été publié le 1er mai de l'an 2001 dans le journal qui s'appelle

16 "Timocka Krimi Revija" et qui porte sur un camion réfrigérant qui a été

17 retrouvé dans le Danube?

18 Réponse: Oui, je suis au courant de cela.

19 Question: Avez-vous lu cet article?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Brièvement, pourriez-vous nous résumer le contenu de cet

22 article?

23 Réponse: Dans le texte de cet article, on disait que vers le début du mois

24 d'avril de l'an 1999, eh bien, du Danube, dans la zone de Tekija près de

25 Kladovo, un camion réfrigérant a été repéré, qu'il a été sorti et que ce

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1 camion contenait un grand nombre de corps humains. Il a été sorti de

2 l'eau.

3 Question: En mai de l'an 2001, Monsieur Karleusa, lorsque cet article a

4 été publié, quelle a été la réaction du ministère des Affaires intérieures

5 -du MUP, autrement dit-, suite à cette publication?

6 Réponse: Le ministre de l'Intérieur, M. Dusan Mihajlovic, a donné l'ordre

7 de constituer un groupe de travail. Moi, je me suis retrouvé à la tête de

8 ce groupe et nous avons reçu pour mission d'enquêter sur tous les faits

9 pertinents relatifs à cela, à savoir d'établir si cela s'est effectivement

10 produit ou non.

11 Question: Qui vous a transmis ces instructions émanant du ministre afin de

12 constituer ce groupe? Et à quel moment?

13 Réponse: L'instruction du ministre m'a été communiquée directement par le

14 général Sreten Lukic dans son bureau, tout de suite après la publication

15 de cela. C'était au tout début du mois de mai de l'an 2001.

16 M. Shin (interprétation): Monsieur le Président, peut-on passer à huis

17 clos très brièvement, s'agissant de l'identité d'un certain nombre de

18 personnes?

19 M. le Président (interprétation): Oui.

20 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos, à présent.

21 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 51.)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

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1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (Audience publique à 11 heures 52.)

8 M. Shin (interprétation): Monsieur Karleusa, vous avez dit que vous étiez

9 à la tête de ce groupe de travail; c'est cela que vous avez dit?

10 J'aimerais savoir si vous avez été nommé à la tête de ce groupe de

11 travail.

12 M. Karleusa (interprétation): Oui, oui.

13 Question: Monsieur Karleusa, à présent, j'ai des questions à vous poser au

14 sujet du fonctionnement de ce groupe de travail. Pourriez-vous nous dire,

15 s'il vous plaît, précisément, qu'elle a été la tâche de ce groupe de

16 travail? Vous l'avez évoqué brièvement, il y a un instant.

17 Réponse: Ce groupe de travail était censé mener une enquête pour savoir de

18 quoi il s'agissait réellement. Il fallait établir les faits pertinents; il

19 fallait savoir exactement si cela s'était produit et, si oui, dans quelles

20 circonstances. Il fallait établir un rapport et réunir tous les éléments

21 d'informations relatifs à cela.

22 Question: Monsieur Karleusa, très brièvement, lorsque vous dites qu'il

23 fallait établir les faits pertinents, c'est au sujet de ce camion

24 réfrigérant qui a été retrouvé dans le Danube, c'est cela?

25 Réponse: Oui, c'était la priorité; c'est comme cela que nous avons amorcé

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1 notre activité. Il s'agissait de savoir si l'événement décrit dans ce

2 magazine était réel ou non. Nous devions savoir ce qui s'était réellement

3 passé.

4 Question: Monsieur Karleusa, en termes généraux, qu'est-ce qui a été

5 entrepris par votre groupe de travail afin de s'acquitter de sa mission?

6 Réponse: Le groupe a entrepris un certain nombre de préparatifs sur le

7 plan opérationnel. Nous nous sommes rendus sur place, là où le camion

8 réfrigérant aurait été retrouvé. Il s'agit du SUP de Bor, de la

9 municipalité de Kladovo. Et nous nous sommes rendus sur les lieux pour

10 inspecter les lieux où cela se serait passé.

11 Nous avons mené un certain nombre de vérifications. Nous avons procédé à

12 plus de 30 entretiens officiels avec des professionnels ainsi qu'avec des

13 civils qui, soit à l'époque, soit à un moment ultérieur, se sont trouvés

14 dans une position leur permettant d'apprendre quelque chose au sujet de

15 cet événement ou bien qui en ont été témoins.

16 Question: Lorsque vous vous référez à des personnalités officielles,

17 pouvez-vous nous préciser à quoi vous vous référez précisément?

18 Réponse: Eh bien, comme cela se fait d'habitude, nous avons d'abord eu un

19 entretien avec le chef du SUP de Bor, M. Caslav Golubovic; c'est la

20 personne qui exerçait ces fonctions, à l'époque.

21 Nous avons rencontré également le juge d'instruction de l'époque avec le

22 Procureur municipal, le Procureur municipal adjoint, avec le personnel de

23 la police, que ce soit à Kladovo ou à Bor.

24 Question: Monsieur Karleusa, à présent, peut-on se pencher sur les

25 résultats de l'enquête menée par ce groupe de travail?

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1 Premièrement, durant l'enquête, a-t-il été possible de savoir ou d'établir

2 si cet article de presse publié en mai de l'an 2001 a été la première

3 information publique ou rendue publique au sujet de ce camion réfrigérant

4 retrouvé dans le Danube ou plutôt à Tekija?

5 Réponse: Non. D'après ce que nous avons pu apprendre à l'époque, eh bien,

6 nous avons constaté qu'un article a été publié auparavant; cet article

7 datait du mois de septembre de l'an 1999, dans la même rubrique de ce

8 magazine.

9 Question: Et pourriez-vous nous dire brièvement quelle a été la teneur de

10 cet article publié en septembre 1999?

11 Réponse: On peut dire que c'était à peu près le même type de texte. A

12 l'époque, on faisait référence à un accident la route. On disait qu'un

13 camion réfrigérant avait été retrouvé et que, dedans, on avait retrouvé

14 des dizaines de corps. Donc c'était à peu près le même contenu que ce qui

15 a été publié par la suite, en mai 2001.

16 Question: En septembre 1999, lorsque ce premier article a été publié, vous

17 avez pris connaissance de cet article?

18 Réponse: Non. Les membres de mon groupe pas plus que moi, nous ne savions

19 pas que cet article existait.

20 Question: Pour autant que vous le sachiez, avant que le groupe de travail

21 ne commence à mener son enquête, comment a réagi le MUP à cet article

22 publié en septembre 1999?

23 Réponse: Je n'étais pas au courant de cela. Je ne sais pas comment le MUP

24 a réagi, suite à la publication de cet article. Plus tard, nous avons

25 appris des choses là-dessus mais, à l'époque, nous n'en savions rien.

Page 8368

1 Question: Très bien, merci. Nous reviendrons à cela plus tard.

2 En septembre 1999, qui était ministre des Affaires intérieures en Serbie?

3 Réponse: C'était M. Vlajko Stojiljkovic. Il est décédé entre temps.

4 Question: Monsieur Karleusa, vous avez mentionné que le groupe de travail

5 s'était entretenu avec une trentaine de personnes et qu'ils ont entrepris

6 un certain nombre d'autres activités au cours de l'enquête qui a eu lieu.

7 Est-ce que vous pouvez nous dire… Sur la base de cette activité,

8 pourrions-nous dire que le groupe à travail a réussi à identifier un

9 certain nombre de faits et d'informations qui ont corroboré ce qui a été

10 dit dans l'article?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Nous allons maintenant voir quels sont ces faits qui ont été

13 corroborés. Est-ce que ces interviews ou d'autres actions également qui

14 ont été entreprises par le groupe de travail avaient confirmé le fait

15 qu'il y avait un camion réfrigérant qui existait en avril 1999?

16 Réponse: Oui, il y avait plusieurs sources par lesquelles on aurait pu

17 corroborer ce fait.

18 Question: Pourriez-vous, très brièvement, s'il vous plaît, nous dire

19 quelles sont ces sources, ou au moins nous dire quelques-unes de ces

20 sources? Très brièvement, s'il vous plaît.

21 Réponse: Il s'agissait, en gros, des policiers avec lesquels nous avons eu

22 l'occasion de nous entretenir. Et concernant ce cas, le maximum

23 d'informations a été donné par le technicien qui, à cette époque-là, était

24 descendu sur les lieux pour dresser un constat. Par la suite, il y avait

25 également d'autres personnes avec lesquelles nous avons eu l'occasion de

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1 nous entretenir.

2 Question: Et qu'est-ce qui, tout à fait concrètement, a été identifié par

3 le groupe de travail au sujet du camion réfrigérant?

4 Réponse: Nous avons tout premièrement constaté que c'était quelque chose

5 qui s'est produit, qu'à l'époque qui a été déterminée, dans le village et

6 dans les environs de Tekija, ce camion réfrigérant a commencé à flotter

7 sur l'eau, qu'il y avait 86 corps qui ont flotté sur l'eau et, par la

8 suite, qu'ils ont été transportés par les camions à Belgrade. Et donc,

9 tout cela nous a été rapporté par les personnes qui s'occupaient de ces

10 cadavres qui étaient dans le camion réfrigérant.

11 Question: Juste un petit moment, Monsieur Karleusa. Est-ce qu'on peut

12 revenir un petit peu en arrière? Pourriez-vous nous dire que les enquêtes

13 qui ont été menées par le groupe de travail avaient pu déterminer qu'il y

14 avait un certain nombre d'indices, de traces, de vestiges sur le camion, à

15 partir de quoi on aurait pu conclure d'où venait le camion?

16 Réponse: Sur les lieux on avait constaté tout premièrement que sur la

17 porte du camion, c'était marqué "Progress", l'abattoir de Prizren; et

18 c'est sur cette base-là que nous avons pu conclure d'où venait le véhicule

19 en question. Mais nous ne pouvions pas aller au-delà de cette précision.

20 Question: Et qu'est-ce que le groupe de travail a constaté, pour ce qui

21 concerne l'endroit où ont été transportés les cadavres de ce camion

22 réfrigérant?

23 Réponse: D'après tous les entretiens et les résultats de ces entretiens,

24 nous avons pu constater que les cadavres qui ont été sortis du camion ont

25 été transportés dans la région de Batjnica et à proximité d'un centre du

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1 MUP dénommé "13 mai".

2 Question: Et, d'après l'enquête du groupe de travail, qu'avez-vous conclu

3 en ce qui concerne la localité du camion réfrigérant?

4 Réponse: Nous avons constaté tout premièrement qu'une fois que les

5 cadavres ont été sortis et transportés et que le camion a été amené à

6 Petrovo Selo, il y avait un stade de tirs; c'est là où on l'a incendié. On

7 a mis de l'explosif et on l'a démoli par cet explosif.

8 Question: Monsieur Karleusa, est-ce que l'enquête du groupe de travail a

9 réussi à constater que quelqu'un, au niveau de la direction de MUP, avait

10 coordonné ou bien avait donné l'ordre pour de telles activités?

11 Réponse: Tout premièrement, d'après ce que nous avons pu apprendre par les

12 personnes avec lesquelles nous avons parlé, le transport même de ces corps

13 a été ordonné par le général Vlastimir Djordjevic qui était à la tête du

14 secteur chargé de sécurité publique.

15 Question: Et est-ce que les enquêteurs également ont pu constater qui

16 avait mis en application ces ordres, qui avait écarté le camion et puis

17 les corps?

18 Réponse: L'ordre du général Djordjevic est passé par le biais du chef de

19 poste de police à Bor; ensuite, du chef de police de Kladovo. Et les

20 corps, d'après leurs ordres, ont été sortis par les policiers du SUP de

21 Kladovo, par quelques policiers de Bor aidés par les civils de

22 l'entreprise communale qui les ont aidés pour les sortir.

23 Question: Monsieur Karleusa, pourriez-vous dire à la Chambre, maintenant,

24 si le groupe de travail s'était entretenu avec le chef du SUP à Bor? Dites

25 oui ou non.

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Quand vous dites "SUP", est-ce que vous pouvez très brièvement

3 nous expliquer ce que c'est le SUP?

4 Réponse: SUP veut dire: le secrétariat des Affaires intérieures et c'est

5 une abréviation. Bor a plusieurs OUP, par exemple OUP de Kladovo, OUP de

6 Bor, etc.; ce sont les sections des affaires intérieures.

7 Question: Est-ce que le groupe de travail, au cours de l'enquête, a eu

8 l'occasion de s'entretenir avec les personnes qui ont fait sortir les

9 cadavres du camion et les ont transportés dans une autre localité?

10 Réponse: Oui, nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec tous ceux

11 avec lesquels nous avons pu nous mettre en contact, que ce soient des

12 policiers ou des civils.

13 Question: Et quand il s'agit des personnes qui ont éloigné des corps, est-

14 ce que vous pouvez nous dire, au moment où les membres du groupe de

15 travail se sont entretenus avec vous, s'il y en a quelques-uns qui ont

16 corroboré le fait qu'ils avaient transporté ces corps?

17 Réponse: Tous ceux qui ont participé au transport, au chargement des corps

18 dans les camions, et tous ceux, étant donné qu'il s'agissait de deux

19 camions, les ont transportés en direction de Megat, tous ont corroboré ce

20 fait.

21 Question: Vous avez mentionné auparavant des policiers de Kladovo, vous

22 avez parlé des civils également de l'entreprise communale. Par conséquent,

23 il s'agit des hommes qui ont confirmé que de tels événements aient eu lieu

24 et qu'ils ont participé à de tels événements. Est-ce que je vous ai bien

25 compris?

Page 8372

1 Réponse: Pas uniquement ces gens-là. Le chef du SUP de l'époque l'a

2 confirmé. Le procureur adjoint de district également, le procureur de

3 district de Negotin, le procureur de district de Kladovo l'a confirmé,

4 l'adjoint du procureur, le juge d'instruction du Tribunal de Kladovo, tous

5 les autres l'ont confirmé.

6 Question: Et, en effet, tout ce dont nous avons parlé, tout ce qui a fait

7 l'objet des enquêtes du groupe de travail, vous avez des informations

8 probablement de tous ces faits par les témoins, n'est-ce pas? Excusez-moi,

9 il faut que je m'arrête ici un petit moment.

10 Excusez-moi, je vais répéter la question. Est-ce que tous ces faits qui

11 ont été enquêtés par le groupe de travail dont vous nous avez parlé, est-

12 ce que sur tous ces faits, les témoins vous ont parlé, est-ce qu'ils ont

13 confirmé qu'ils avaient participé à ces événements?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Monsieur Karleusa, est-ce que l'enquête qui a été engagée par le

16 groupe de travail a permis de constater comment et de quelle manière ces

17 cadavres ont-ils été éloignés et transportés les civils et ceux qui

18 travaillaient dans l'entreprise de Komunalac et s'ils ont été payés?

19 Réponse: Oui, ils ont donné toute une série de déclarations et ces

20 déclarations coïncident l'une avec l'autre. Ils ont été payés, dédommagés

21 pour l'effort qu'ils ont fait; je pense que c'était 2.000 dinars par

22 personne qu'ils ont obtenus pour le travail qu'ils ont effectué.

23 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont les fonds qui ont

24 permis justement de couvrir ces besoins?

25 Réponse: D'après les documents dont nous avons disposés, qui étaient à

Page 8373

1 notre disposition, nous avons pu constater que les moyens de dédommagement

2 de ces gens-là qui ont participé aux opérations ont été pris d'une caisse

3 à une affectation spécialisée du MUP. Il s'agit du MUP de Serbie.

4 Question: Monsieur Karleusa, est-ce que l'on peut dire que le groupe de

5 travail qui a entrepris cette enquête a permis de constater dans quelle

6 mesure les informations concernant le mois d'avril 1999 ont été mises à la

7 disposition du public?

8 Réponse: D'après le chef du SUP de Bor et d'après les déclarations

9 également d'autres personnes et, notamment d'après les informations du

10 procureur de district de Negotin, nous avons pu conclure qu'à cette

11 époque-là, tout cet incident avait été déclaré secret, secret d'état: soi-

12 disant qu'on n'avait pas le droit d'en parler et que tout le dossier

13 devait être clos, que les informations ne pouvaient pas être diffusées à

14 l'opinion publique et qu'il fallait terminer la tâche jusqu'au bout, à

15 savoir donc de sortir le camion, de sortir les cadavres et de les

16 transporter. C'est à cela qu'il pensait.

17 Réponse: Pour ce qui me concerne, à ma connaissance également, toute

18 l'opération a été désignée: "Profondeur n°2", ce qui voulait… c'était tout

19 simplement une désignation de travail de toute cette activité, de toute

20 cette opération.

21 Question: Monsieur Karleusa, nous allons revenir, si vous le voulez bien,

22 un peu sur les moyens qui ont été accordés pour payer les ouvriers qui ont

23 fait sortir les cadavres. Vous nous avez mentionné tout à l'heure, lors de

24 votre déposition, que vous l'avez appris grâce aux documents qui étaient à

25 votre disposition. Est-ce que ce groupe de travail avait obtenu cette

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1 information également par le biais des témoins avec lesquels vous vous

2 êtes entretenu?

3 Réponse: Oui. Il s'agit de l'adjoint du chef du cabinet de l'époque de M.

4 Djordjevic, et l'adjoint s'appelait Borisavljevic.

5 Question: Nous allons revenir tout à l'heure à cette question-là. Merci.

6 Outre les faits que vous nous avez relatés, pourrions-nous dire que le

7 groupe de travail a pu constater également à un certain moment d'autres

8 faits au cours de son enquête?

9 Réponse: Nous avons pu également constater où ces cadavres ont été

10 transportés, du premier camion et du deuxième camion également. Nous avons

11 appris également quelle était la localité exacte de l'enterrement de ces

12 corps.

13 Question: Est-ce que ces faits, ainsi que d'autres faits que le groupe de

14 travail avait établis, ont été diffusés à l'opinion publique serbe, en

15 passant par un certain nombre de documents?

16 Réponse: Oui, tous les résultats auxquels nous sommes parvenus au sein du

17 groupe de travail ont été publiés lors de la conférence des journalistes;

18 il y avait un communiqué de presse qui a été donné. Cette information a

19 été distribuée à la presse.

20 M. Shin (interprétation): Je vais demander à l'huissier de bien vouloir

21 soumettre au témoin le classeur avec les documents. Ou je parlerai plutôt

22 d'intercalaires 3 et 4.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 M. le Président (interprétation): Mais je pense qu'il faut donner la cote

25 également à ce classeur.

Page 8375

1 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, c'est la pièce à

2 conviction 274.

3 M. Shin (interprétation): Monsieur Karleusa, je vais vous demander, s'il

4 vous plaît, de voir les intercalaires 3 et 4. Est-ce que vous voulez bien

5 prendre connaissance de ces textes? Et au moment où vous aller terminer la

6 lecture de ces documents, je vais vous poser quelques questions.

7 M. Karleusa (interprétation): Entendu.

8 M. Shin (interprétation): Monsieur Karleusa, est-ce que vous reconnaissez

9 les documents?

10 Réponse: Oui, je viens de reconnaître les documents.

11 Question: Et pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire à la Chambre très

12 brièvement de quoi il s'agit?

13 Réponse: Il s'agit de deux informations à l'intention de la presse.

14 C'étaient les informations, c'est comme ça qu'on les appelait. Et dans ces

15 informations, on contient tous les faits auxquels nous sommes parvenus

16 concernant le cas de camions de réfrigération. On peut constater ici de

17 quoi il s'agit.

18 Tout premièrement, vous avez ce titre de travail, le "camion réfrigérant".

19 Ensuite, nous avons dit quelles étaient les raisons pour lesquelles nous

20 avons mis en place le groupe de travail, quelles étaient les raisons

21 également que d'entreprendre les activités, sur l'ordre de qui, où nous

22 nous sommes rendus, ce que nous avons fait. Et puis, quels étaient les

23 résultats également dont j'ai parlé tout à l'heure.

24 Question: Monsieur Karleusa, un petit moment, excusez-moi, je vais

25 vérifier le compte rendu d'audience.

Page 8376

1 Vous nous avez dit, si je comprends bien, que ces deux documents

2 contiennent tous les faits auxquels votre groupe de travail est parvenu

3 dans le cas concret pour le cas camion réfrigérant. Est-ce que nous

4 pouvons conclure que, jusqu'à la date où ces documents ont été publiés, il

5 s'agissait de tous les faits que vous avez réussi à recueillir? Parce que,

6 par la suite, vous avez réussi également à obtenir d'autres faits et

7 constater d'autres faits, n'est-ce pas?

8 Réponse: Oui, tout à fait.

9 Question: Monsieur Karleusa, est-ce que, dans ces deux documents, il y a

10 un certain nombre d'imprécisions, des choses qui ne sont pas exactes, ce

11 que vous avez pu confirmer par la suite lors des enquêtes qui ont été

12 menées ultérieurement?

13 Réponse: Pour ce qui concerne la formation n°2, il y a quelque chose qui

14 n'était pas tout à fait correcte, ce que nous avons pu constater

15 ultérieurement, à savoir qu'au moment où l'on a sorti les cadavres du

16 camion, que l'on avait trouvé les cadavres qui portaient les uniformes de

17 l'UCK, ce n'est que par la suite, quand nous nous sommes entretenus, nous

18 avons vérifié, et ce sont les témoins qui nous ont dit que ce n'était pas

19 le cas.

20 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour ce qui concerne

21 des uniformes de l'UCK, en version anglaise, c'est la première page tout à

22 fait en bas.

23 Monsieur le Témoin, à votre connaissance, est-ce que vous avez

24 éventuellement retrouvé d'autres inexactitudes dans les deux documents en

25 question?

Page 8377

1 Réponse: Non.

2 Question: Vous nous avez mentionné également que le groupe de travail

3 avait eu un certain nombre d'entretiens à titre d'information. Est-ce que

4 vous avez rédigé des notes sur ces entretiens?

5 Réponse: Pour ce qui concerne tous les entretiens que le groupe de travail

6 avait eus sur le terrain, nous avons procédé à la rédaction des notes. Ce

7 sont les notes officielles sur les entretiens, ce sont les membres du

8 groupe de travail, les personnes opérationnelles qui ont marqué dans ces

9 notes tout ce qui a été dit par les témoins. Ils ont donné une description

10 la plus précise possible.

11 Question: Et quand il s'agit de ces entretiens, pourriez-vous nous dire

12 combien d'entretiens vous-même vous avez pu organiser?

13 Réponse: Moi, je ne me suis pas entretenu tout seul avec personne, avec

14 aucun témoin avec aucune personne. C'était toujours plusieurs membres du

15 groupe de travail. Et j'ai participé à nombreux de ces entretiens,

16 ensemble, avec des membres du groupe de travail.

17 M. Shin (interprétation): Monsieur Karleusa, quand vous dites que vous

18 avez participé à ces entretiens, vous voulez dire que vous étiez présent

19 au moment où ces entretiens ont eu lieu?

20 M. Karleusa (interprétation): Oui, dans la majorité des cas j'étais

21 présent. Il y avait quelques entretiens seulement où je n'étais pas

22 présent.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Shin, je pense que c'est le

24 moment où il faudrait suspendre la séance. Est-ce que c'est le moment

25 propice?

Page 8378

1 M. Shin (interprétation): Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Karleusa, nous allons suspendre

3 la séance pendant 20 minutes. Je vais vous demander de bien vouloir tenir

4 compte du fait que, pendant cette pause et d'autres pauses éventuelles,

5 vous n'avez pas le droit de parler de votre déposition avec qui que ce

6 soit. Et ceci concerne également les membres du Bureau du Procureur.

7 M. Karleusa (interprétation): J'ai compris. Merci.

8 M. le Président (interprétation): D'accord. Une pause de 20 minutes.

9 (L'audience, suspendue à 12 heures 25, est reprise à 12 heures 45.)

10 M. le Président (interprétation): Vous avez la parole, Monsieur Shin.

11 M. Shin (interprétation): Monsieur Karleusa, j'aimerais que nous

12 reprenions votre déposition au point où nous l'avons interrompue. Vous

13 veniez d'indiquer que vous aviez assisté au recueil de pratiquement toutes

14 les déclarations. En tant que chef du groupe de travail, avez-vous relu

15 toutes les notes établies par le groupe de travail à l'issue de ces

16 entretiens, y compris s'agissant des entretiens auxquels vous n'avez pas

17 assisté?

18 M. Karleusa (interprétation): Oui. Je connais la teneur de tous nos

19 documents, de toutes nos notes officielles, etc.

20 Question: Monsieur Karleusa, s'agissant du classeur que vous avez sous les

21 yeux, je vous demanderai de vous saisir des intercalaires 5 à 24 ainsi que

22 de l'intercalaire 28 et nous en parlerons dans l'ordre.

23 Dès que vous aurez jeté un coup d'œil à ces documents, je vous poserai

24 quelques questions à leur sujet.

25 (Le témoin consulte les documents.)

Page 8379

1 Réponse: Le document 28 aussi?

2 Question: Oui.

3 Monsieur Karleusa, avez-vous eu le temps de passer en revue rapidement ces

4 documents, ces 22 documents?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Reconnaissez-vous ces documents, Monsieur Karleusa?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Pouvez-vous nous dire sur quoi ils portent, en quelques mots,

9 rapidement, je vous prie?

10 Réponse: Il s'agit de notes officielles établies par le groupe de travail

11 suite aux entretiens que nous avons eus avec un certain nombre de

12 personnes sur le terrain ou ailleurs. En tout cas, il s'agissait de

13 personnes dont nous pensions qu'il était important que nous leur parlions

14 car nous pensions qu'elles pouvaient nous apprendre quelque chose au sujet

15 des événements. Donc, voilà en résumé ce que ces personnes nous ont dit.

16 On constate qu'il ne s'agit pas de notes classiques, mais de ce qu'on

17 appelle des notes officielles, chez nous, qui reprennent donc ce que ces

18 personnes nous ont dit, nous ont fait savoir.

19 Question: Monsieur Karleusa, avez-vous remis ces documents au Bureau du

20 Procureur?

21 Réponse: Non.

22 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le Bureau du

23 Procureur a reçu ces documents des autorités yougoslaves, suite à la

24 réception d'une demande d'entraide provenant du Bureau du Procureur.

25 Monsieur Karleusa, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de la

Page 8380

1 façon dont ces documents ont été établis. Un format particulier a-t-il été

2 utilisé pour la rédaction de ces documents? Je vous demande de répondre

3 par oui ou par non.

4 Réponse: Oui.

5 Question: Ces 22 notes résumant des entretiens se conforment-elles bien à

6 ce format?

7 Réponse: Oui. Le format est très semblable.

8 Question: Monsieur Karleusa, j'aimerais que vous expliquiez ce format;

9 vous pouvez sans doute le faire plus facilement en prenant le document de

10 l'intercalaire 5 comme exemple. Je demande donc que ce document soit placé

11 sur le rétroprojecteur.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Question: Monsieur Karleusa, excusez-moi. Monsieur l'huissier, vous en

14 avez terminé? Bien.

15 Monsieur Karleusa, pouvez-vous d'abord nous expliquer ce qui est écrit en

16 haut à droite de la première page de ce document?

17 Réponse: On lit les mots "Affaire du camion réfrigérant"; c'est la

18 dénomination qui a été donnée à cette affaire par le responsable de la

19 rédaction et par le groupe de travail.

20 Question: Merci. Monsieur Karleusa, passons maintenant à ce qui figure en

21 haut à gauche de cette page où on lit quatre lignes. Pourriez-vous nous

22 dire ce que signifient ces quatre lignes?

23 Réponse: La première ligne se lit comme suit: "MUP de la République de

24 Serbie".

25 Deuxième ligne: "UKP, administration chargée des enquêtes criminelles".

Page 8381

1 Troisième ligne: "12 mai 2001".

2 Quatrième ligne: "Belgrade".

3 Il s'agit donc de l'administration centrale du ministère de l'Intérieur et

4 de l'administration chargée des enquêtes criminelles.

5 Question: Et en dessous, au centre sur la ligne suivante, pouvez-vous nous

6 dire ce que signifient les mots qu'on lit à cet endroit?

7 Réponse: Nous lisons les mots "notes officielles" -j'ai expliqué de quoi

8 il s'agissait-, les notes officielles se composent de tout ce qui est

9 écrit au sujet de ce qu'ont dit les personnes avec lesquelles nous avons

10 eu des entretiens.

11 Question: Vous avez parlé de synthèse ou de résumé, il y a quelques

12 instants, en expliquant ce qu'était une note officielle. Pourriez-vous en

13 dire un peu plus? Je crois -et si je me trompe, faites-le moi savoir-, je

14 crois vous avoir entendu dire également que ces notes contenaient tout ce

15 que le témoin était susceptible de vous avoir dit?

16 Réponse: Dans cette note est repris l'intégralité de ce qui nous a été

17 dit, de ce que le témoin nous a dit, car c'est bien là que se situe le

18 cœur de la déposition, lorsque nous estimons que c'est nécessaire. Les

19 choses que nous n'estimons pas aussi nécessaires ne sont pas reprises dans

20 la note car, comme vous le savez bien, au cours d'un entretien, un certain

21 nombre de choses non pertinentes sont dites, un certain nombre de choses

22 qui ne portent pas directement sur l'affaire.

23 Question: Monsieur Karleusa, passons au premier paragraphe de ce document

24 constituant l'intercalaire 5. Pourriez-vous, en quelques mots, expliquer

25 quelle est l'importance du renseignement fourni dans ce premier

Page 8382

1 paragraphe? Rapidement, je vous prie.

2 Réponse: Eh bien, c'est l'introduction: dans toutes les notes officielles,

3 on trouve le même type d'introduction où est déterminé l'objet du travail,

4 quelle est l'action du Procureur public, de quoi il est question donc et,

5 en fait, quelle est la raison de notre arrivée sur les lieux et quelle est

6 la mission du groupe de travail.

7 Question: Paragraphe suivant, à présent. Pourriez-vous nous expliquer

8 quelle est l'importance du renseignement figurant dans ce deuxième

9 paragraphe?

10 Réponse: Dans ce paragraphe, on dit sur instruction de quelle personne le

11 groupe de travail a accompli son travail, à quel moment a eu lieu

12 l'entretien informatif, à quelle heure et en présence quelles personnes a

13 eu lieu cet entretien. Et, ensuite, nous lisons la teneur de ce qu'a dit

14 la personne.

15 Question: Passons maintenant à la dernière page de ce document, toujours

16 intercalaire 5. Pourriez-vous, je vous prie, expliquer quelle est

17 l'importance de cette toute dernière ligne du texte où l'on voit mention

18 d'une heure?

19 Réponse: Elle est importante car elle indique à quelle heure s'est achevé

20 l'entretien informatif, alors qu'au début du texte on lit l'heure de début

21 de cet entretien.

22 Question: Monsieur Karleusa, tout à fait à la fin du texte, on voit une

23 mention, en bas à droite. Que signifie cette mention?

24 Réponse: Elle indique qui a rédigé la note officielle et ici il est

25 indiqué très concrètement que c'est le groupe de travail qui l'a rédigée.

Page 8383

1 Question: Monsieur Karleusa, les membre du groupe de travail ont-ils signé

2 individuellement toutes les notes officielles ou ont-elles toutes été

3 signées de la même façon que ce qu'on voit ici?

4 Réponse: Non, les membres du groupe de travail ne signaient pas

5 individuellement. Il a été décidé que les notes seraient signées par

6 l'ensemble du groupe. Nous avons décidé de travailler de cette façon.

7 Question: Cela signifie-t-il que tous les membres du groupe étaient

8 présents au moment de tous les entretiens?

9 Réponse: Non, cela ne signifie pas que tous les membres du groupe de

10 travail étaient présents, mais je sais qu'ils étaient toujours assez

11 nombreux, en tout cas jamais moins de deux ou trois et jamais un seul

12 membre du groupe.

13 Question: Merci. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je reviendrai

14 aux paragraphes 8 et 9 un peu plus tard.

15 Monsieur Karleusa, j'aimerais maintenant vous interroger au sujet des

16 modalités du travail accomplies par le groupe de travail. Y avait-il des

17 responsables de haut du MUP lorsque le groupe de travail réalisait ces

18 entretiens durant cette enquête? Répondez par oui ou par non, je vous

19 prie.

20 Réponse: Oui.

21 Question: Qui était le responsable de plus haut rang que le groupe de

22 travail ait essayé d'interroger, et quand je dis responsable de haut rang,

23 je parle à un poste qu'il aurait eu dans le passé ou qu'il a toujours

24 aujourd'hui?

25 Réponse: Il s'agit de Monsieur Vlajko Stojiljkovic, ministre de

Page 8384

1 l'Intérieur à l'époque.

2 Question: Cette tentative d'entretien avec lui a-t-elle donné lieu à

3 rédaction d'un texte quelconque?

4 Réponse: Oui.

5 M. Shin (interprétation): J'aimerais, Monsieur le Président, que nous

6 passions très rapidement à huis clos partiel car j'ai une question à poser

7 au témoin au sujet d'un document et qui exige un huis clos partiel.

8 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.

9 (Huis clos partiel à 13 heures 04.)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 8385

1 (Audience publique à 13 heures 06.)

2 M. Shin (interprétation): Monsieur Karleusa, nous sommes maintenant de

3 nouveau en audience publique.

4 Qui, parmi les responsables de haut rang du MUP, était le responsable

5 immédiatement de rang inférieur à celui de Stojiljkovic et que le groupe

6 de travail a essayé d'entendre?

7 Réponse: Il s'agissait du général Vlastimir Djordjevic.

8 Question: Quand cette tentative d'entretien a-t-elle eut lieu?

9 Réponse: Peu de temps après la création du groupe de travail et après le

10 début de son travail.

11 Nous avons essayé d'entendre M. Djordjevic. Le premier entretien qui était

12 un entretien préliminaire qui ne nous a pas encore permis d'obtenir de

13 réelles informations, a été très court, n'a duré que très peu de temps.

14 Question: Que vous a dit le général Djordjevic lorsque le groupe de

15 travail a essayé de l'interroger?

16 Réponse: Il s'agissait d'un entretien préliminaire qui a duré très peu de

17 temps. Nous lui avons dit que nous souhaitions parler avec lui rapidement.

18 Nous lui avons demandé ce qu'il savait de ces événements et à cela, il a

19 répondu: "Eh bien, ce qui s'est passé s'est passé. Que puis-je vous dire?"

20 Question: Dans le cadre de cet entretien préliminaire, le groupe de

21 travail avait-il dit très clairement au général Djordjevic quel serait le

22 sujet traité au cours de l'entretien?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Sa réponse s'est-elle située dans le cadre de ce sujet?

25 Réponse: Les deux phrases ou la phrase unique que je viens de vous

Page 8386

1 rapporter a constitué pratiquement l'intégralité de ce qu'il a dit. Cela

2 étant, nous lui avons dit que nous poursuivrions cet entretien avec lui à

3 notre retour de la région. Nous lui avons dit que nous l'inviterions pour

4 un nouvel entretien.

5 Question: Et où a eu lieu cet entretien préliminaire dont vous venez de

6 parler?

7 Réponse: Dans le bâtiment du ministère de l'Intérieur à Belgrade, dans mon

8 bureau.

9 Question: Monsieur Karleusa, vous venez de dire que vous aviez l'intention

10 de l'entendre une deuxième fois; l'avez-vous fait?

11 Réponse: Lorsqu'il a été décidé de convoquer M. Djordjevic pour un

12 entretien informatif, il n'était plus disponible. Nous ne savions pas où

13 il était. Nous avons fait diverses tentatives pour le localiser, et comme

14 nous n'avons pas réussi, nous avons émis à son encontre un mandat, un

15 mandat de recherche.

16 Question: Le groupe de travail a-t-il réussi par la suite à localiser le

17 général Djordjevic?

18 Réponse: Non. Le groupe de travail n'est pas parvenu à découvrir où il se

19 trouvait. Diverses histoires ont circulé, y compris dans la presse. Mais,

20 aujourd'hui, nous ne savons toujours pas où il se trouve.

21 Question: Merci. Monsieur Karleusa, en dehors de cette première tentative

22 -je veux parler de cet entretien préliminaire que vous avez eu avec le

23 général Djordjevic- d'autres personnes ont-elles été entendues par le

24 groupe de travail qui vous ont parlé de ce que le général Djordjevic

25 savait au sujet du camion réfrigérant ou de sa participation dans la façon

Page 8387

1 dont cet événement a été traité par la suite?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Pourriez-vous donner le nom d'une ou plusieurs de ces personnes?

4 Vous n'avez pas besoin de donner le nom de toutes ces personnes.

5 Réponse: Bien. Les déclarations de ces personnes se trouvent dans les

6 documents qui constituent les annexes. L'un d'entre eux est le chef du SUP

7 de l'époque à Bor, M. Caslav Golubovic. Et puis, il y a également M.

8 Borisavljevic et d'autres.

9 Question: Merci. Le groupe de travail a-t-il, par ailleurs, reçu une

10 déclaration émanant d'une personne qui travaillait avec le général

11 Djordjevic, et qui traite de la connaissance qu'avait le général

12 Djordjevic des événements ou de son implication dans cette affaire du

13 camion réfrigérant?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Monsieur Karleusa, je vous demanderai de vous saisir de

16 l'intercalaire 27, et de revoir rapidement ce texte.

17 (Le témoin s'exécute.)

18 Monsieur Karleusa, reconnaissez-vous ce document?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Pourriez-vous, je vous prie, nous dire en quelques mots de quoi

21 il s'agit?

22 Réponse: Il s'agit de la déclaration faite par M. Slobodan Borisavljevic

23 qui, à l'époque, était chef de cabinet auprès du ministre de l'Intérieur.

24 Il a fait cette déclaration après que je le lui ai demandé oralement. Il

25 explique ici ce qui s'est passé, qui l'a informé, comment l'information au

Page 8388

1 sujet de ce camion réfrigérant a fait surface. Il dit que ce camion

2 flottait dans la rivière, qu'à l'intérieur se trouvaient des cadavres de

3 femmes, d'hommes, d'enfants, etc. Et il dit qui l'en a informé et ce qu'il

4 a fait par la suite. Et donc, comment le général Djordjevic a été informé.

5 Question: Merci. Monsieur Karleusa, en dehors du général Stojkovic et du

6 général Djordjevic, y a-t-il eu d'autres hauts responsables du MUP -hauts

7 responsables de l'époque ou d'aujourd'hui- que le groupe de travail s'est

8 efforcé d'entendre sur cette affaire?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Pourriez-vous, en quelques mots, nous dire qui étaient ces

11 personnes et ce que le groupe de travail a appris de leur bouche?

12 Réponse: Il y avait plusieurs généraux: le général Petar Zekovic, le

13 général Stojan Misic, Dragan Ilic, Obrad Stevanovic, etc. Ces personnes

14 ont expliqué ce qu'elles savaient au sujet des événements. Mais dès lors

15 qu'une question leur était posée au sujet d'une quelconque participation

16 personnelle de leur part dans ces événements, ils niaient toute

17 participation et niaient avoir la moindre connaissance de ce qui s'était

18 passé.

19 Question: Monsieur Karleusa, ces documents établis par le groupe de

20 travail, y compris donc les notes officielles dont nous venons de parler,

21 ont-ils été remis par le groupe de travail à un quelconque autre organe au

22 cours de l'enquête?

23 Réponse: Nous avons remis ces documents uniquement au Bureau du Procureur

24 chargé de l'affaire et donc, dans le cas précis, au procureur public à

25 Belgrade.

Page 8389

1 Question: Essayons de voir maintenant quels ont été les résultats des

2 enquêtes menées par le groupe de travail. Vous venez de nous dire que vous

3 avez communiqué ces résultats au Bureau du Procureur de Belgrade. Y a-t-il

4 eu d'autres procureurs en Serbie à qui le groupe de travail a fourni ces

5 documents ou tous les documents qui ont été, soit recueillis, soit générés

6 par le groupe de travail?

7 Réponse: Oui. A Negotin et à Uzice. Nous avons communiqué des documents au

8 Bureau du Procureur.

9 Question: Lorsque je me réfère aux documents émanant du Bureau du

10 Procureur, je pense très précisément aux notes établies lors des

11 entretiens d'information. Est-ce que cela change votre réponse?

12 Réponse: C'est le Bureau du Procureur de Belgrade à qui nous avons

13 communiqué tous les documents, tout ce qui concernait l'affaire du camion

14 réfrigérant. Pour ce qui est des notes d'entretien et le reste -qui

15 relèvent de la compétence du Bureau du Procureur que je viens de citer, de

16 Negotin et Uzice-, il s'agit des documents que nous avons communiqués à

17 part. Il s'agit de l'affaire qui s'est produite dans la zone qui est sous

18 leur compétence.

19 Question: Monsieur Karleusa, votre groupe de travail a-t-il communiqué

20 régulièrement avec les Procureurs? Les a-t-il informés régulièrement de

21 l'évolution de l'enquête?

22 Réponse: Nous étions en contact direct et constant avec les Procureurs

23 tout au long de l'évolution de notre travail et c'est par une

24 communication officielle que nous avons fourni tous nos documents

25 concernant l'affaire du camion réfrigérant au Bureau du Procureur de

Page 8390

1 Belgrade, à partir du moment où l'enquête a été terminée.

2 Question: Plus particulièrement, s'agissant des documents qui ont été

3 communiqués au Procureur, ces documents contenaient-ils des informations

4 au sujet du site d'une fosse non identifiée ou des fosses non identifiées?

5 Répondez par un "oui" ou par un "non".

6 Réponse: Oui.

7 Question: Combien y avait-il de sites mentionnés dans ces documents, des

8 sites de fosses non identifiées?

9 Réponse: Trois.

10 Question: Pouvez-vous nous citer les noms de ces trois endroits, de ces

11 trois sites?

12 Réponse: Premièrement, il s'agit de Batajnica près de Belgrade,

13 deuxièmement de Petrovo Selo près de Kladovo et, troisièmement, il s'agit

14 des rives du lac de Perucac près de Bajna Basta.

15 Question: Y a-t-il eu des exhumations qui ont été conduites sur chacun de

16 ces sites?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Monsieur Karleusa, vous êtes-vous rendu personnellement sur

19 chacun de ces sites?

20 M. Karleusa (interprétation): Oui.

21 M. Shin (interprétation): Je demanderai à l'huissier de communiquer au

22 témoin la pièce 172.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Je présente mes excuses au Greffe; j'aurais dû en parler auparavant. C'est

25 bien le document. Je vous prie de le présenter.

Page 8391

1 (Intervention de l'huissier.)

2 Monsieur Karleusa, je vous prie de consulter cette carte. Pourriez-vous

3 nous indiquer l'emplacement des trois sites que vous avez mentionnés?

4 Réponse: Voilà, tout d'abord, Batajnica près de Belgrade. Ensuite, Petrovo

5 Selo près de Kladovo. Et un troisième site au bord de la rivière Drina sur

6 le lac de Perucac.

7 Question: Merci. Monsieur Karleusa, pourriez-vous nous dire, au sujet du

8 fonctionnement du groupe de travail, au sujet de ces contacts, soit avec

9 des bureaux du Procureur, soit avec d'autres organes, j'aimerais que vous

10 nous parliez précisément de l'évolution des choses s'agissant du premier

11 site, le site de Batajnica. Comment le groupe de travail a-t-il appris

12 qu'il y avait peut-être, à cet endroit, une fosse non identifiée?

13 Réponse: C'était suite aux déclarations des personnes qui étaient au

14 courant de ce site. Les notes officielles de ces déclarations figurent

15 dans nos documents, les documents que nous avons ici.

16 Question: Après les entretiens informatifs qui ont permis de localiser le

17 site, qu'a t-il été entrepris par le groupe de travail?

18 Réponse: Eh bien, pour pouvoir vérifier la véracité des déclarations et

19 pour savoir si les informations que nous venions de recueillir étaient

20 exactes, nous avons entrepris des travaux d'exhumation sur place. Nous

21 avons engagé des experts médico-légaux du centre compétent de notre

22 ministère de l'Intérieur.

23 Question: Et ces vérifications préliminaires ont-elles laissé entendre

24 qu'il y avait des restes de corps humains sur ce site?

25 Réponse: Oui.

Page 8392

1 Question: Quelle a été la suite des actions lancées par le groupe de

2 travail?

3 Réponse: Suite à cela nous nous sommes adressés au procureur de district

4 de Belgrade pour l'en informer.

5 Question: Pour autant que vous le sachiez, le procureur lui-même a t-il

6 informé un autre organe ou toute autre personne des informations que vous

7 lui aviez communiquées?

8 Réponse: Naturellement, il en a informé le juge d'instruction. Le juge

9 d'instruction, le procureur du district ainsi que nous tous, nous nous

10 sommes rendus sur le site, et le juge d'instruction a ordonné l'exhumation

11 des corps, ainsi que l'autopsie.

12 Question: Quelles sont les actions qui ont été entreprises par le juge

13 d'instruction et par le procureur après avoir reçu ces informations?

14 Réponse: J'en ai déjà parlé. Suite à cela, le juge d'instruction a donné

15 l'ordre de procéder à l'exhumation ainsi qu'à l'autopsie. Il a chargé les

16 experts du centre médico-légal de Belgrade de le faire et le procureur du

17 district de Belgrade a ordonné que des informations complémentaires soient

18 recueillies afin de jeter toute la lumière sur cette affaire.

19 Question: Cette première fosse sur le site de Batajnica, est-ce que cela a

20 été désigné d'une manière précise?

21 Réponse: Oui. L'équipe d'experts médico-légaux qui était chargée de

22 l'exhumation lui ont attribué le code BA1, donc Batajnica-1.

23 Question: Et sur ce site, il y a eu d'autres fosses qui ont été repérées?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Combien?

Page 8393

1 Réponse: Pour autant que nous le sachions, environ cinq.

2 Question: Sur ces cinq, parmi combien d'entre elles y a t-il eu des

3 exhumations? Ou lesquelles sont celles où les exhumations sont encore en

4 cours?

5 Réponse: Eh bien, au cours de l'année précédente, l'été passé, deux fosses

6 ont été exhumées, donc les BA1 et BA2, et aujourd'hui c'est la fosse BA3

7 qui est en train d'être exhumée.

8 Question: Le processus d'identification des autres sites, de leur

9 identification pour exhumation, il a été comparable à celui que vous venez

10 de décrire, donc en contact avec le Bureau du Procureur et le juge

11 d'instruction?

12 Réponse: Oui à peu près de la même façon.

13 Question: Monsieur Karleusa, pour ce qui est de BA1, de Batajnica-1 qu'ont

14 permis de révéler les exhumations?

15 Réponse: A en juger d'après le rapport de l'équipe d'experts qui ont

16 conduit l'exhumation, ainsi que d'après ce que nous avons pu relever sur

17 place, en tout il y a eu au moins 38 corps d'exhumés. C'est la

18 terminologie des experts. Nous avons retrouvé également un certain nombre

19 d'objets qui en fait ont été traités.

20 Question: Vous venez de dire que vous étiez présents sur le site, vous ou

21 d'autres membres du groupe de travail?

22 Réponse: Oui. Nous étions présents pendant une large partie du temps.

23 Question: Pour ce qui est du site. BA2, Batajnica-2, là où les exhumations

24 ont été conduites l'été dernier, quels ont été les résultats des

25 exhumations?

Page 8394

1 M. Karleusa (interprétation): D'après le rapport établi par les experts

2 qui ont mené cette exhumation, en tout il y a eu environ 270 corps

3 d'exhumés. Dans cette fosse, on a retrouvé également un certain nombre de

4 pièces d'identité ou d'autres documents d'identification et d'autres

5 objets.

6 M. Shin (interprétation): Monsieur Karleusa, vous vous référez à un

7 certain nombre d'objets, est-ce que vous avez eu des indices...

8 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas des éléments de preuve

9 à ce sujet, M. Wilson a déposé à ce sujet?

10 M. Shin (interprétation): Monsieur Fulton.

11 M. le Président (interprétation): Oui, M. Fulton.

12 M. Shin (interprétation): Et M. Fulton a déclaré que M. Karleusa était un

13 officier de la police serbe haut gradé présent sur place.

14 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas beaucoup de temps. Ce

15 témoin a déposé pendant longtemps, c'est quelque chose que nous avons déjà

16 vu, donc si cela est pertinent et nouveau, abordez-le, sinon ce n'est pas

17 la peine de se répéter.

18 M. Shin (interprétation): Très bien. Je voudrais juste en terminer avec ce

19 point.

20 Monsieur Karleusa, très brièvement, est-ce que les exhumations vous ont

21 permis d'identifier les personnes qui ont été inhumées à ces endroits ou

22 l'origine de ces personnes?

23 M. Karleusa (interprétation): Grâce à des entretiens que nous avons eus

24 avec les personnes qui se sont chargées de cela, qui ont amené et qui ont

25 enterré ces corps, nous, donc les personnes que nous connaissons, nous

Page 8395

1 savons qui l'a fait, nous l'avons mentionné dans les documents, eh bien,

2 il y avait un certain nombre d'indices portant sur la provenance de ces

3 corps, mais cela n'a pas pu être confirmé, nous n'avons retrouvé que des

4 cartes d'identité, ces cartes d'identité portaient des noms albanais. Donc

5 c'est le seul indice que nous avions au sujet de leur origine.

6 Question: En quelques mots seulement au sujet de Petrovo Selo, quels ont

7 été les résultats des exhumations qui ont été conduites sur ce site?

8 Réponse: Deux fosses communes ont été exhumées, en tout 77 corps. Là

9 encore, on a retrouvé un certain nombre de pièces d'identité.

10 Question: Et juste en quelques mots, au sujet du site se situant sur les

11 bords du lac de Perucac?

12 Réponse: Au moins 48 corps ont été exhumés: c'est l'équipe d'experts de

13 l'Académie médicale et militaire de Belgrade qui a conduit ces

14 exhumations.

15 Question: Monsieur Karleusa, merci. Durant ces exhumations, votre groupe

16 de travail a appris des choses concernant des réunions durant lesquelles

17 il a été question d'évacuer les corps du Kosovo?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Il y a eu combien de réunions?

20 Réponse: Trois.

21 Question: Dans l'ordre chronologique, à quel moment s'est tenue la

22 première réunion, à en juger d'après les informations qui ont été

23 communiquées au groupe de travail?

24 Réponse: Le premier entretien à ce sujet a eu lieu dans le cabinet du

25 président de l'époque, autrement dit de M. Milosevic, au mois de mars de

Page 8396

1 l'année 1999.

2 Question: Conformément aux informations qui ont été communiquées au groupe

3 de travail, pourriez-vous nous dire en quelques mots qui étaient présents

4 à cette réunion, pour autant que vous vous en rappeliez?

5 Réponse: A en juger d'après nos informations, en plus de M. Milosevic,

6 c'est le chef des services de sécurité, M. Vlastimir Djordjevic, un

7 général, qui était présent ainsi que le général Radomir Markovic, le

8 ministre Vlajko Stojiljkovic, le ministre de l'époque ainsi qu'un certain

9 nombre d'autres personnes.

10 Question: En quelques mots, s'il vous plait, Monsieur Karleusa, quel a été

11 l'objet de cette réunion?

12 Réponse: Il a été question de l'assainissement -comme on l'appelait- du

13 territoire. Il fallait enlever toutes les traces, tous les éléments qui

14 pourraient faire l'objet des enquêtes menées par le Tribunal pénal

15 international, tout ce qui pouvait intéresser ce Tribunal.

16 Question: Le groupe de travail a-t-il rendu public les informations qu'il

17 a reçues?

18 Réponse: Oui, lors d'une conférence de presse, nous avons communiqué cela

19 au public.

20 Question: Et cela a été dit également dans l'un des communiqués de presse

21 qui ont été rédigés par le groupe de travail?

22 Réponse: C'est justement ce que je viens de dire. Ce que nous avons

23 appris, eh bien, nous l'avons rendu public dans notre communiqué de

24 presse.

25 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, afin de pouvoir

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1 avancer rapidement, je vous reporte à l'intercalaire 3 en anglais, page 4,

2 deuxième paragraphe.

3 En fait, je voudrais passer à un autre point. Monsieur Karleusa, lors de

4 cette réunion qui s'est tenue en mars 1999, eh bien, où est-ce que cette

5 réunion s'est tenue?

6 Réponse: Fin… vers la fin du mois de mai de l'an 2001, j'ai assisté à une

7 réunion où j'ai été informé de l'évolution de l'enquête au sujet de

8 "l'Affaire du camion réfrigérant" et c'est là que j'ai été informé d'une

9 déclaration faite par M. Radomir Markovic.

10 Donc il l'a dit, il a dit ceci dans sa déclaration. Et c'est à peu près ce

11 que nous avons repris dans notre communiqué de presse.

12 Question: Lorsque vous parlez de la déclaration faite par Radomir

13 Markovic, à l'intention de qui a été donnée cette déclaration, pour autant

14 que vous le sachiez?

15 Réponse: Il a donné cette déclaration aux membres des services de sécurité

16 qui ont eu un entretien avec lui à ce sujet.

17 Question: Lorsque vous dites que vous avez été présent à la réunion où

18 vous avez appris cela, il s'agissait de quel type de réunion?

19 Réponse: C'était une réunion ordinaire où je m'informais de l'évolution de

20 l'enquête au sujet de "l'Affaire du camion réfrigérant".

21 Question: Quelle est la qualité des personnes qui étaient présentes lors

22 de cette réunion?

23 Réponse: C'étaient les chefs du MUP.

24 Question: Monsieur Karleusa, reportons-nous maintenant à la deuxième

25 réunion dans la série des trois que nous avons mentionnées. Où a eu lieu

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1 cette réunion?

2 Réponse: Cette réunion a eu lieu peu de temps après la première que nous

3 venons de citer dans le cabinet de M. Vlajko Stojiljkovic.

4 Question: D'après les informations qui étaient mises à la disposition du

5 groupe de travail, qui a assisté à cette réunion?

6 Réponse: Les informations à ce sujet proviennent de la même source que

7 dans le premier cas. On a appris, qu'en plus du ministre Vlajko

8 Stojiljkovic, le général Vlastimir Djordjevic a été présent ainsi que M.

9 Dragan Ilic, lui aussi général.

10 Question: D'après les informations qui ont été communiquées au groupe de

11 travail, quel a été l'objet de cette réunion?

12 Réponse: Lors de cette réunion, on s'est mis d'accord sur la manière de

13 mettre en oeuvre l'instruction qui a été donnée par le cabinet du

14 Président de l'époque, M. Milosevic. Le ministre, M. Vlajko Stojiljkovic a

15 chargé les généraux Djordjevic et Ilic de s'en charger personnellement.

16 Question: Monsieur Karleusa, cette information que vous avez reçue, donc

17 que le groupe de travail a reçue, vous l'avez rendue publique également

18 dans votre communiqué?

19 Réponse: Non, je ne me souviens pas exactement. Il me semble que non.

20 Peut-être bien que si, il faudrait que je consulte ces documents.

21 Question: Je voudrais attirer votre attention, Monsieur Karleusa, sur la

22 dernière page de l'intercalaire 3, paragraphe 3.

23 Page 4 de l'intercalaire 3 en anglais, Monsieur le Président, Messieurs

24 les Juges.

25 Réponse: Oui, oui, je le vois ici, c'est cela. Nous l'avons communiqué au

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1 public.

2 Question: Monsieur Karleusa, dans ce paragraphe, dans le paragraphe au-

3 dessus, également, est-ce qu'on apprend de manière exacte et fiable ce

4 qu'a appris le groupe de travail au sujet de ces réunions?

5 Réponse: Oui, à en juger d'après la déclaration de M. Rade Markovic.

6 Question: Monsieur Karleusa, s'agissant de la troisième réunion à présent,

7 pouvez-vous nous dire à quel moment elle a eu lieu?

8 Réponse: Un petit peu plus tard, un document en parle.

9 Question: Qui était présent lors de cette réunion d'après l'information

10 reçue par le groupe de travail?

11 Réponse: Etaient présents le général Djordjevic, le général Dragan Ilic et

12 il y avait d'autres personnes présentes ou une autre personne présente, je

13 n'en suis pas sûr.

14 Question: L'objet de cette réunion a-t-il été le même que celui des deux

15 réunions précédentes?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Monsieur Karleusa, parlons à présent de l'intercalaire 26, s'il

18 vous plaît. De quel document s'agit-il?

19 Réponse: Oui…

20 Question: Oui, excusez-moi, il s'agit de l'intercalaire 26. Pouvez-vous

21 nous expliquer de quel document il s'agit? De quoi parle-t-on?

22 Réponse: Sur ma demande, il y a eu une déclaration faite par le lieutenant

23 Slobodan Borisavljevic; la déclaration a été faite le 23 mai de l'an 2001.

24 Il est dit ici que, dans les locaux du bureau municipal du SPS de

25 Belgrade, une réunion s'est tenue, que le général Djordjevic a informé le

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1 général Ilic de la décision qui consistait à procéder à l'assainissement

2 du territoire des opérations au Kosovo et qu'il fallait envoyer une aide

3 d'experts à nos employés. Il a nommé, pour mener à bien ces tâches, deux

4 de nos officiers de police afin d'apporter l'assistance aux organes

5 locaux.

6 Question: Monsieur Karleusa, vous vous êtes référé au nettoyage du

7 territoire des opérations. Il me semble qu'en serbe, le terme approprié

8 est "asanacija". Quel est le sens de ce mot, s'il vous plaît?

9 Réponse: Pour autant que je le sache, il s'agit d'un terme utilisé

10 habituellement afin de parler du ramassage des corps du théâtre des

11 opérations. Il peut s'agir des corps de personnes, du bétail, des engins

12 explosifs, du matériel chimique, etc.

13 Question: Compte tenu du contexte dans lequel le groupe de travail a

14 appris que c'était le terme utilisé lors de ces trois réunions, est-ce

15 qu'il vous semble…, que pensez-vous de la signification qu'a pris ce terme

16 lors de ces trois réunions?

17 M. Karleusa (interprétation): Il m'a semblé que ce terme a été employé

18 dans un sens différent.

19 M. Shin (interprétation): Juste quelques instants, s'il vous plaît,

20 Monsieur le Président.

21 M. le Président (interprétation): Oui.

22 M. Shin (interprétation): Monsieur Karleusa, pour autant que vous le

23 sachiez, quelles ont été les réactions de l'opinion, suite à l'information

24 diffusée par le groupe de travail?

25 M. Karleusa (interprétation): Lorsque l'on a rendu publiques ces

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1 informations, l'opinion en Serbie a été divisée.

2 M. Robinson (interprétation): Monsieur Shin, vous avez demandé au témoin

3 si ce terme a été employé dans un même sens lors de ces trois réunions et

4 le témoin vous a répondu qu'il a eu l'impression qu'il y a eu une

5 différence dans l'emploi du terme. Je pense que vous devriez lui demander

6 quelle était cette différence.

7 M. Shin (interprétation): Pouvez-vous nous donner l'explication de votre

8 réponse? Vous avez dit que le terme "assainissement" était utilisé dans un

9 autre sens. Est-ce que vous pouvez nous dire à quoi vous pensiez lorsque

10 l'on parle du terme "assainissement"? Pouvez-vous nous donner d'autres

11 explications?

12 M. Karleusa (interprétation): Le fait même que, d'après la déclaration de

13 M. Markovic, il a été dit qu'il était indispensable de lever tous les

14 vestiges et toutes les traces qui auraient pu éventuellement faire l'objet

15 de l'intérêt du Tribunal de La Haye, à savoir que tous les corps des

16 civils soient déterrés, trouvés, exhumés et transportés dans un autre

17 site, pour moi, je pense que l'on ne peut pas parler du terme

18 "assainissement" dans le vrai sens de ce terme.

19 Question: Merci. Monsieur Karleusa, vous avez commencé à nous décrire la

20 réaction de l'opinion publique pour ce qui est du groupe de travail et de

21 ses activités. Est-ce que, vous-même, avez une expérience à ce sujet-là?

22 Réponse: Etant donné que l'opinion publique est partagée concernant

23 l'attitude vis-à-vis des résultats du groupe de travail, de ses activités,

24 des résultats auxquels il est parvenu et que la majorité est au courant de

25 ce qu'il s'agit, mais l'autre partie ne l'approuve pas. Moi,

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1 personnellement, j'ai eu une expérience négative en connexion avec ce

2 qu'il s'était passé.

3 Question: Tout à fait brièvement, pourriez-vous nous décrire de manière un

4 peu plus précise à quoi vous pensez lorsque vous dites "réaction

5 négative"?

6 Réponse: Etant donné que, dans l'opinion publique, j'ai été exposé,

7 c'était moi qui informais l'opinion publique, par les conférences de

8 presse, des résultats auxquels nous sommes parvenus au sein du groupe de

9 travail, j'ai reçu trois lettres menaçantes avec une teneur assez grave et

10 on m'a même menacé de mort.

11 Question: Monsieur Karleusa, seriez-vous venu témoigner ici si jamais on

12 ne vous avait pas enjoint à témoigner?

13 M. Karleusa (interprétation): Non. Je ne serais pas venu ici sans

14 ordonnance contraignante.

15 M. Shin (interprétation): Je n'ai plus de question, Monsieur le Président,

16 Messieurs les Juges.

17 J'aimerais également proposer, pour le versement au dossier, le classeur

18 qui contient toutes les intercalaires et, éventuellement, quelques autres

19 pièces à conviction en accord avec la décision que vous avez prise.

20 M. le Président (interprétation): Entendu, c'est déjà une pièce qui figure

21 sur la liste.

22 Monsieur Karleusa, je vais vous demander de bien vouloir revenir demain

23 matin à 9 heures pour le contre-interrogatoire. Nous reprendrons nos

24 travaux. Merci.

25 (L'audience est levée à 13 heures 50.)