Page 8711
1 (Vendredi 26 juillet 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 01.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous avez la parole.
6 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, trois petites questions
7 administratives dont j'aurais dû parler hier, mais j'en parle aujourd'hui
8 car elles peuvent avoir un effet positif sur la suite du procès. Une de
9 ces questions est peut-être un peu plus fondamentale que les autres.
10 Si, éventuellement, nous n'avions pas besoin de trois semaines complètes
11 en septembre -les trois semaines que vous nous avez accordées- et c'est
12 très probable, si le problème de la déposition de M. Lilic n'est pas réglé
13 d'ici là -je peux facilement imaginer que cela pourrait arriver- et si
14 donc l'audition des témoins albanais ne nous occupe pas pendant ces trois
15 semaines entières, la Chambre pourrait décider d'entamer le début des
16 étapes ultérieures du procès à un moment plus opportun, mais, en tout cas,
17 à un autre moment que celui qui est prévu.
18 Si la Chambre devait s'en tenir à la date de fin de présentation des
19 éléments de preuves prévues pour mai 2003, nous perdrions une semaine et
20 nous aimerions ne pas perdre une semaine de travail.
21 M. le Président (interprétation): Oui. L'objet de cette suspension de deux
22 semaines entre les présentations des différents éléments relatifs aux
23 différentes parties de l'Acte d'accusation consiste à permettre à l'accusé
24 et aux autres de se préparer. Donc la date de démarrage de la partie
25 suivante se situera deux semaines après la fin de la première partie.
Page 8712
1 M. Nice (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Le deuxième point
2 dont je voudrais traiter porte sur les problèmes ou plutôt sur les
3 questions, dirais-je, de publicité et les difficultés que vit la presse.
4 Nous parlons ici des témoins entendus en application de l'Article 92bis
5 -comme nous les appelons- qui présentent des éléments de preuve et ces
6 éléments sont présentés très brièvement sur le rétroprojecteur. Je me
7 demandais si vous pourriez nous autoriser, après consultation des
8 personnes concernées et éventuellement du Greffe, si vous pourriez nous
9 autoriser à remettre, à rendre ces documents disponibles à la presse le
10 plus tôt possible et, bien sûr, c'est un peu difficile pour les témoins
11 92bis, de suivre les témoignages de ces témoins, d'en comprendre toute
12 l'importance s'ils n'obtiennent pas les documents en question, après la
13 déposition en tout cas. Mais un système pourrait être mis en place pour
14 les témoins qui déposent en personne, ou même pour ceux qui déposent en
15 application de l'Article 92bis, pour aider la presse, avec interdiction de
16 publication éventuelle le cas échéant si des documents n'étaient pas
17 réellement présentés.
18 M. le Président (interprétation): Oui, des dispositions devraient être
19 prises. Bien sûr, des documents sont disponibles avant la déposition du
20 témoin et pourraient être communiqués, mais il faut y réfléchir
21 soigneusement. Normalement, après la déposition il n'y a pas de problème;
22 les déclarations préalables de témoins font partie des éléments de preuve
23 dans la présente affaire. Mais il est important que tout le monde soit
24 bien informé.
25 M. Nice (interprétation): Très bien, je vais essayer de penser à un
Page 8713
1 système.
2 M. le Président (interprétation): Vous avez de nouveau la parole, Monsieur
3 Nice.
4 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président. Nous
5 allons entendre le témoin.
6 M. le Président (interprétation): Veuillez faire entrer le témoin dans le
7 prétoire.
8 (Intervention de l'huissier.)
9 M. le Président (interprétation): Vous avez besoin de combien de temps
10 encore, M. Nice?
11 M. Nice (interprétation): Moins d'une heure.
12 M. le Président (interprétation): On me dit que le témoin est en chemin,
13 il n'est pas encore arrivé. Donc cinq minutes de suspension.
14 (L'audience, suspendue à 9 heures 08, est reprise à 9 heures 20.)
15 (Le témoin, M. Radomir Markovic, est déjà dans le prétoire.)
16 (Interrogatoire principal du témoin, M. Radomir Markovic, par M. Nice,
17 suite.)
18 M. Nice (interprétation): Monsieur Markovic, vous nous avez parlé hier du
19 commandement conjoint et de l'organe politique qui supervisait ce
20 commandement conjoint. Le général Pavkovic était-il impliqué dans l'un
21 quelconque de ces deux organes?
22 M. Markovic (interprétation): Vous pensez au général Pavkovic? Oui, le
23 général Pavkovic faisait partie du commandement conjoint.
24 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je suis au milieu du
25 paragraphe 15 de la synthèse du témoignage de ce témoin. Monsieur le
Page 8714
1 Témoin, après le début des bombardements de l'OTAN, pouvez-vous nous dire
2 s'il y avait des groupes paramilitaires au Kosovo ou pas?
3 Réponse: Non, au Kosovo il n'y avait absolument pas de groupe
4 paramilitaire. Tous les volontaires qui voulaient aller au Kosovo avaient
5 pour obligation de suivre la filière yougoslave, c'est-à-dire d'entrer
6 dans l'armée yougoslave et ils étaient affectés à des unités de l'armée
7 yougoslave.
8 Question: S'ensuit-il que tous les effectifs armés au Kosovo étaient sous
9 le contrôle de l'armée à ce moment-là?
10 Réponse: Oui.
11 Question: S'agissant du MUP, nous avons déjà parlé de la filière
12 hiérarchique, mais y avait-il des unités spéciales du MUP présentes au
13 Kosovo après le début des bombardements?
14 Réponse: Oui. Tous les membres du ministère de l'Intérieur avant et après
15 les bombardements devaient passer un certain temps au Kosovo, donc les
16 unités spéciales également.
17 Question: Parlons maintenant de la coordination des opérations entre le
18 MUP et l'armée yougoslave, la VJ.
19 Avant les bombardements de l'OTAN, quelle était la méthode utilisée pour
20 assurer la coordination des opérations menées par le MUP et la VJ, l'armée
21 yougoslave, au Kosovo?
22 Réponse: Il existait donc ce commandement conjoint qui était composé des
23 membres de cet organe politique de l'armée yougoslave et du ministère de
24 l'Intérieur yougoslave. Les décisions se prenaient en commun et c'était
25 l'organe politique qui assurait la coordination entre ces diverses
Page 8715
1 instances.
2 Question: Savez-vous à quelle fréquence se réunissait cet organe?
3 Réponse: Je crois qu'il se réunissait tous les jours.
4 Question: Qui présidait ces réunions?
5 Réponse: C'est M. Sainovic qui présidait.
6 Question: De qui Sainovic recevait-il ses instructions?
7 Réponse: Je ne sais pas de qui il recevait ses instructions, mais je
8 suppose qu'il était possible qu'il les reçoive du Président de l'Etat, car
9 un organe politique de si haut niveau ne peut être coordonné qu'à partir
10 du sommet de l'Etat.
11 Question: Avez-vous eu une conversation avec l'accusé à quelque moment que
12 ce soit portant sur Sainovic et le rôle que ce dernier jouait au Kosovo?
13 Réponse: Non. Personnellement, je n'ai jamais parlé avec le Président
14 Milosevic du rôle joué par Sainovic au Kosovo.
15 Question: Nous avons déjà parlé d'un grand nombre des collaborateurs les
16 plus proches de l'accusé. Qui, à l'époque où vous étiez en poste, était
17 ses collaborateurs les plus proches? Cela nous aiderait si vous pouviez
18 nous donner une liste en vous fondant sur votre expérience et vos
19 connaissances personnelles?
20 Réponse: En tout état de cause, les dirigeants suprêmes du pays,
21 Milutinovic le Président de Serbie, Marjanovic Premier ministre de Serbie,
22 Dragan Tomic Président de l'Assemblée, Sainovic, et pratiquement tous les
23 dirigeants fédéraux et de la République de Serbie étaient en contact
24 direct avec le Président Milosevic.
25 M. Nice (interprétation): Je pense que nous pouvons passer directement au
Page 8716
1 paragraphe 20 à présent.
2 Je vais vous interroger au sujet de quelques personnes sur lesquelles vous
3 pourrez nous donner des renseignements et vous demander quels étaient
4 leurs rapports avec l'accusé s'ils en avaient.
5 Un homme répondant au nom de Radovan Stojkovic, connu également sur le
6 surnom de "Badza" existait-il, ainsi qu'un autre répondant au surnom de
7 "Arkan"?
8 M. Markovic (interprétation): Oui, Radovan Stojkovic surnommé "Badza"
9 était le suppléant du ministre de l'Intérieur, chef du service de sécurité
10 publique. Il y avait aussi un certain Zeljko Matkovic surnommé "Arkan".
11 M. le Président (interprétation): Poursuivons.
12 M. Nice (interprétation): Quel était le rapport entre ces deux hommes, je
13 vous prie?
14 M. Markovic (interprétation): Stojicic et Raznjatovic étaient amis. Ils
15 s'entendaient bien en raison de la période que Stojicic avait passé en
16 Slavonie et ils ont eu à ce moment-là des contacts entre eux.
17 Question: Quel a été le poste auquel est arrivé Stojkovic surnommé
18 "Badza"?
19 Réponse: Il est arrivé au poste de ministre adjoint suppléant, donc dans
20 la pratique il avait deux postes: il était adjoint du ministre de
21 l'Intérieur de Serbie et chef de la section chargé de la sécurité
22 publique.
23 Question: Quels étaient ses rapports de travail avec l'accusé?
24 Réponse: A l'époque, je n'ai pas assisté aux contacts que les deux hommes
25 ont pu avoir, mais je suppose qu'en tant qu'adjoint du ministre, suppléant
Page 8717
1 du ministre, il a dû avoir des contacts avec Milosevic.
2 Question: Pouvez-vous nous éclairer sur ce que vous avez vécu au moment
3 où, si je ne m'abuse, vous avez souhaité priver certaines unités d'"Arkan"
4 de certaines de leurs armes. Vous rappelez-vous cela?
5 Réponse: Oui, je me souviens. C'était au moment où les membres de sa garde
6 rapprochée étaient armés. Je ne parle pas ici de ses unités, elles étaient
7 armées d'armes à long canon, et les habitants l'ont remarqué et l'ont fait
8 savoir. Moi, j'étais chef du secrétariat de Belgrade, donc j'avais pour
9 devoir de réagir à cela, et je l'ai fait savoir au ministre de
10 l'Intérieur, Zoran Sokolovic, qui m'a invité à dire tout cela à Radovan
11 Stojicic pour qu'il s'en occupe et qu'il règle le problème avec "Arkan",
12 parce qu'ils étaient en bons termes et il serait plus facile pour lui de
13 régler le problème directement avec "Arkan".
14 Question: Que s'est-il passé dans les faits, à ce moment-là?
15 Réponse: Ses hommes ont été désarmés.
16 Question: Et par qui l'ont-ils été?
17 Réponse: Je crois que c'était un accord entre Radovan Stojicic et Zeljko
18 Raznjatovic, et il s'est plié au désir de Radovan Stojicic et qu'il a donc
19 rendu les armes.
20 Question: Reparlons de Jovica Stanisic. Quels étaient ses rapports avec
21 "Arkan" et "Badza"?
22 Réponse: Il avait des rapports exceptionnellement bons avec "Badza"; ils
23 étaient très proches collaborateurs et faisaient le même travail.
24 Quant à "Arkan", je ne sais pas quels étaient les contacts de Jovica
25 Stanisic avec lui car je n'ai jamais été présent lorsqu'ils ont eu,
Page 8718
1 éventuellement, des contacts.
2 Question: Vous rappelez-vous un jour où l'accusé vous a donné des
3 consignes en rapport avec "Arkan", quelques temps avant la mort de ce
4 dernier?
5 Réponse: Oui, je me souviens.
6 Question: Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé, à quel moment?
7 Réponse: Le Président Milosevic m'a demandé de convoquer Zeljko
8 Raznjatovic pour appeler son attention sur le fait que toutes ces
9 activités devaient revenir dans la légalité. Je devais également parler
10 avec lui en relation avec les blessés qu'il aidait pour voir quels étaient
11 ses besoins et ses demandes à cet égard de façon à l'aider dans cette
12 tâche.
13 Question: Deux autres points, sans rapport l'un avec l'autre, liés à
14 "Arkan". Existait-il un groupe dépendant d'"Arkan" qui portait le nom de
15 "Supers Tigres"?
16 Réponse: Je ne sais pas ça.
17 Question: Y avait-il un groupe dépendant d'"Arkan", donc un groupe de
18 paramilitaires dépendant d'"Arkan", qui a été transféré, qui a été versé
19 dans le RDB?
20 Réponse: Oui. Après le démantèlement du centre d'Erdut, certains des
21 hommes d'"Arkan" qui s'appelaient donc "Les Tigres" ont été versés dans
22 les unités spéciales JSO. Mais je ne sais pas à combien se montaient ces
23 effectifs.
24 Question: Avez-vous pris des décisions, des mesures par rapport à cette
25 unité de réserve?
Page 8719
1 Réponse: Lorsque je suis arrivé au poste de chef de la sécurité d'Etat,
2 j'ai réorganisé, transformé cette unité, c'est-à-dire que plus des deux
3 tiers des effectifs de cette unité, je les ai licenciés, limogés, et le
4 reste a été transformé en unité spéciale. Je ne suis pas sûr qu'il
5 s'agissait des hommes transférés en provenance d'Erdut, mais en tout cas
6 ceux qui faisaient partie de la force de réserve -pour la majorité d'entre
7 eux- ne répondaient pas aux critères requis s'agissant de leurs qualités
8 psychologiques et physiques pour faire partie d'une unité spéciale.
9 Question: Lorsque vous avez pris cette mesure, avez-vous vu une carte qui
10 montrait quels étaient les lieux où cette unité avait été déployée?
11 Réponse: Oui. Au centre de Kula, il y a une pièce qui sert de mémorial
12 dans laquelle on trouve une grande carte géographique sur laquelle sont
13 inscrits, en tout cas indiqués, tous les lieux où ces unités ont été
14 stationnées, depuis la création de l'unité jusqu'à jour d'aujourd'hui.
15 Question: Et quels sont les lieux en question où cette unité a été
16 déployée?
17 Réponse: La Krajina bosniaque, la Croatie, le Kosovo.
18 Question: Après avoir traité de ces points qui n'ont pas de rapport direct
19 avec le témoignage d'aujourd'hui, je reviens au coeur même du témoignage,
20 c'est-à-dire à la question du Kosovo. Comment l'accusé était-il informé
21 des événements qui se déroulaient au Kosovo, je vous prie?
22 Réponse: Je l'ai déjà dit. Les services d'information de l'armée, les
23 services de sécurité publique, les services de sécurité de l'Etat
24 convergeaient tous vers le Chef de l'Etat qui recevait donc toutes ces
25 informations.
Page 8720
1 Question: Pouvez-vous nous rappeler une rencontre particulière au cours de
2 laquelle il aurait dit avoir besoin d'être informé sur la situation au
3 Kosovo?
4 Réponse: Non, c'était une obligation d'informer le Chef d'Etat de tout ce
5 qui se passait au Kosovo et, d'ailleurs pas seulement au Kosovo, mais au
6 sujet de tous les événements importants dont il est sous-entendu que le
7 Chef de l'Etat doit être au courant. Donc, cela allait sans dire.
8 Question: Lors de ces réunions, le général Pavkovic était-il présent?
9 Réponse: Oui, le général Pavkovic a assisté à plusieurs reprises à ces
10 rencontres où, pour l'essentiel, il présentait des rapports au sujet de
11 l'action de l'armée au Kosovo.
12 Question: Ces rapports étaient-ils détaillés ou s'agissait-il simplement
13 de présenter les grandes lignes?
14 Réponse: Non, ces rapports étaient très précis et très détaillés.
15 Question: Milan Milutinovic était-il présent de temps à autre à ces
16 rencontres?
17 Réponse: Oui, mais très rarement.
18 Question: Lorsqu'il était présent, quelle était la relation entre lui-même
19 et l'accusé? Qui menait les débats?
20 Réponse: Les réunions se déroulaient toujours chez M. Milosevic, donc
21 c'est lui qui présidait les réunions.
22 Question: Sainovic était-il présent de temps en temps et un certain Obrad
23 Stevanovic était-il présent également?
24 Réponse: Je ne pourrais pas affirmer avec certitude que les deux étaient
25 présents, mais je suppose qu'oui, parce que Vlastimir Djordjevic ou Obrad
Page 8721
1 Stevanovic étaient toujours présents, en tout cas, en fonction de celui
2 des deux qui était à Belgrade et au Kosovo respectivement.
3 Question: J'aimerais que nous parlions maintenant du terme
4 "assainissement" ou "ratissage". Y a-t-il eu une rencontre où ce terme a
5 été discuté?
6 Réponse: Oui, lors d'une de ces réunions qui servaient à informer le
7 Président Milosevic de la situation au Kosovo et des autres problèmes en
8 vigueur, un représentant de l'armée yougoslave a dit qu'il conviendrait de
9 réaliser le ratissage du terrain au Kosovo et le Président Milosevic a
10 donné son accord.
11 Question: Le terme "ratissage" impliquait-il, entre autres choses, de
12 s'occuper des cadavres et d'enterrer les corps?
13 Réponse: Pour autant que je le sache, la notion de ratissage sous-entend
14 d'utiliser, de faire disparaître les produits chimiques, les mines, les
15 explosifs qui sont encore sur le terrain ainsi que le bétail tué et les
16 cadavres humains également. Donc cela signifiait qu'il fallait soigner les
17 blessés et enterrer les morts.
18 M. Nice (interprétation): Autre pièce à conviction, Monsieur le Président,
19 Messieurs les Juges, dont il a déjà été question dans la déposition de M.
20 Karleusa.
21 M. le Président (interprétation): Ce terme "asanation", en anglais, vient
22 de quelle langue? Il a été utilisé à plusieurs reprises.
23 M. Nice (interprétation): Excusez-moi, je n'ai pas regardé dans le
24 dictionnaire et je vous prie de m'en excuser; c'est ma faute. Je l'ai tiré
25 des documents.
Page 8722
1 Monsieur le Témoin, savez-vous de quelle langue vient le terme
2 "asanation"?
3 M. Markovic (interprétation): Je pense que c'est un terme international.
4 Question: Très bien. Monsieur Saxon, avec sa compétence habituelle, a
5 consulté le dictionnaire, mais n'a pas pu trouver le terme. En tout état
6 de cause, je pense que nous pouvons le prendre comme tel, en provenance
7 des pièces à conviction.
8 Monsieur Markovic, toujours la méthode habituelle.
9 Monsieur l'huissier, je vous demanderai de placer l'original sur le
10 rétroprojecteur. Le témoin a son propre exemplaire, donc d'abord
11 l'original sur le rétroprojecteur de façon à ce que ceux qui regardent les
12 écrans puissent voir de quel document il s'agit.
13 (Intervention de l'huissier.)
14 C'est un document tapé à la machine ou à l'ordinateur, avec une signature
15 manuscrite. On voit la signature en haut de la page, dans la partie
16 supérieure, puis, encore une fois, en bas. Merci beaucoup.
17 Page suivante, on voit également des signatures. Et dernière page: encore
18 des signatures.
19 J'aimerais maintenant, Monsieur l'huissier, que vous placiez la version
20 anglaise sur le rétroprojecteur, je vous prie, de façon à ce que le public
21 puisse lire ce document.
22 (Intervention de l'huissier.)
23 Monsieur Markovic, si je ne m'abuse, c'est une déclaration dont vous êtes
24 l'auteur, qui traite de cette rencontre, n'est-ce pas?
25 Réponse: J'ai déjà parlé de cette déclaration que j'ai faite devant les
Page 8723
1 enquêteurs du Tribunal de La Haye et j'ai dit qu'elle ne correspondait
2 pas, que son contenu ne correspondait pas complètement à ce que j'ai dit.
3 A savoir qu'ici, on trouve une interprétation libre faite par l'employé de
4 la sécurité d'Etat qui s'est entretenu avec moi et ce, afin d'obtenir de
5 moi un certain nombre de renseignements sur ce qui s'était passé.
6 Question: Nous allons d'abord parler du texte; ensuite, vous pourrez faire
7 vos commentaires à la fin.
8 Nous voyons donc que c'est une déclaration émanant d'un fonctionnaire
9 agréé du MUP de Serbie qui, donc, respecte les dispositions de la loi.
10 Cette déclaration a été recueillie le 2 juin 2001 et elle se lit comme
11 suit -je cite-: "S'agissant des dernières évolutions et des articles de
12 presse publiés au sujet d'un camion frigorifique dans lequel se trouvaient
13 des civils albanais, des efforts systématiques et très bien organisés ont
14 été faits pour cacher le crime et supprimer les traces de ce crime au
15 cours de la guerre au Kosovo-Metohija.
16 Une rencontre s'est tenue à Beli Dvor, au rez-de-chaussée, dans la
17 bibliothèque où une longue table de réunion se trouvait et où Slobodan
18 Milosevic a très souvent eu des rencontres en mars 1999. Vlajko
19 Stojiljkovic, ministre de l'Intérieur, Vlastimir Djordjevic, chef de la
20 sécurité publique et moi-même participions à cette rencontre.
21 La rencontre a sans doute traité de la situation au Kosovo, et y
22 assistaient, en dehors des personnes dont je viens de citer les noms, des
23 représentants de l'armée yougoslave, bien que je ne puisse pas l'affirmer
24 avec certitude.
25 Par ailleurs, le principal sujet abordé à la fin de la rencontre l'a été
Page 8724
1 par Vlastimir Djordjevic qui a parlé de l'enlèvement des cadavres albanais
2 destiné à faire disparaître toutes les victimes civiles, s'il y en avait,
3 qui auraient pu faire l'objet d'une enquête par le Tribunal de La Haye. A
4 cet égard, Milosevic a ordonné à Vlajko Stojiljkovic de prendre toutes les
5 mesures nécessaires pour enlever les cadavres de civils albanais qui
6 avaient déjà été enterrés.
7 Je suis resté en dehors de la conversation sur ce sujet, car aucun des
8 ordres ne me concernait ou ne m'était adressé. Je sais que Stojiljkovic a
9 chargé le général Dragan Ilic de mener à bien cette tâche et qu'Ilic s'est
10 rendu au Kosovo-Metohija, accompagné par une équipe de collaborateurs
11 désignés.
12 Personnellement, je n'aurais pas permis que le département chargé de la
13 sécurité d'Etat soit impliqué dans cette affaire morbide d'exhumations et
14 de transport de cadavres. Pour autant que je le sache, le département
15 chargé de la sécurité publique et des membres de l'armée yougoslave, la
16 VJ, ont participé à cette tâche.
17 Vlajko Stojiljkovic a donné à Dragan Ilic et à Vlastimir Djordjevic
18 l'ordre de prendre des mesures directes sur ce plan. Obrad Stevanovic,
19 Dragan Ilic, Branko Djuric, Sreten Lukic et sans doute également tous les
20 autres chefs du MUP à l'époque connaissaient la nature de cet ordre.
21 Lors de conversations informelles qui ont eu lieu avant la réunion des
22 chefs de départements et des groupes de travail, le terme "ratissage" des
23 zones de combat dans le territoire du Kosovo-Metohija a souvent été
24 mentionné.
25 Je sais que Dragan Ilic n'était pas content des actions prises par le MUP
Page 8725
1 dans la région et que c'était la raison pour laquelle, à plusieurs
2 reprises, il s'est plaint auprès de moi de la difficulté de son travail et
3 du fait qu'il n'était pas du tout prêt à faire une telle abomination. Il
4 s'est plaint également de la résistance rencontrée sur le terrain, de la
5 résistance des gens qui étaient censé aider à identifier les lieux où les
6 cadavres des civils albanais se trouvaient. Dans ce contexte, Ilic m'a dit
7 qu'il avait été grandement aidé par le colonel Goran Radosavljevic du MUP
8 et par ses hommes qui l'avaient aidé à accomplir sa tâche. Dragan Ilic
9 s'est également plaint du fait que les responsables de l'armée n'avaient
10 fait preuve d'aucune coopération en ne l'aidant pas à accomplir sa tâche.
11 Ilic m'a dit un jour que cette coopération s'était améliorée avec le
12 temps, à savoir qu'une certaine coordination des activités avait été mise
13 en place. Ilic m'a parlé de Vlastimir Djordjevic en termes
14 particulièrement défavorables, en me disant qu'il avait traité ce problème
15 avec une extrême superficialité. Ce qui avait considérablement déplu à
16 Ilic.
17 Rétrospectivement, je me souviens également d'un détail, à savoir qu'Ilic
18 s'est plaint également de la façon dont cette tâche avait été menée à
19 bien. Il a parlé de la découverte d'un camion frigorifique dans lequel se
20 trouvaient des cadavres de civils et qui avaient été sortis du Danube, ce
21 qui était le résultat de la mauvaise organisation due à Djordjevic. Je ne
22 souhaitais pas discuter à ce sujet, donc j'ai envoyé Ilic voir
23 Stojiljkovic qui était son supérieur immédiat dans cette tâche.
24 J'aimerais redire, avec la plus grande fermeté, que la sécurité d'Etat n'a
25 rien à voir avec tous ces événements. Je connais également le fait que les
Page 8726
1 cadavres, en dehors du fait qu'ils ont été jetés dans le Danube, ont été
2 brûlés. Mais Dragan Ilic avait des informations plus détaillées et plus
3 précises sur ce sujet.
4 Si l'on m'interroge sur les connaissances potentielles que j'ai au sujet
5 de l'action entreprise dans ce contexte, je déclare solennellement que le
6 département de la sécurité de l'Etat n'a rien à voir avec tout cela et que
7 je ne sais pas quelle action a été prise à cet égard. Je ne sais pas non
8 plus qui a ordonné et organisé la récupération de ces cadavres".
9 Monsieur Markovic, je pense, comme on le voit dans l'original, qu'il y a
10 trois noms au niveau des signatures, dont l'une est la vôtre, n'est-ce
11 pas?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Et sur les trois pages du document original, on trouve à chaque
14 fois votre signature au bas de la page, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Dans le texte qui constitue ce document, vous dites clairement
17 que vous avez essayé de rester en dehors de la conversation sur ce sujet,
18 que le département chargé de la sécurité de l'Etat n'avait rien à voir
19 avec tout cela et que vous ne souhaitiez pas parler de ce sujet. Est-ce
20 que c'est toujours votre position aujourd'hui?
21 Réponse: J'ai dit aux enquêteurs du Tribunal de La Haye ce qu'était la
22 vérité dans le contenu de cette déclaration.
23 J'ai dit à plusieurs reprises –et d'ailleurs, pas une seule fois, mais à
24 plusieurs reprises- que ce que l'on lit ici est une interprétation libre
25 faite par l'employé qui a rédigé ce texte. Il a donc mis l'accent sur un
Page 8727
1 certain nombre de choses dont je n'ai pas parlé.
2 J'ai parlé du ratissage -"asanacija" - et de la conversation avec Dragan
3 Ilic, car ce sont les seuls choses que je sais. Je sais que le ratissage a
4 été ordonné, j'ai dit quel était le sens du terme "asanacija" et j'ai dit
5 qui avait été chargé de ce ratissage au sein du ministère de l'Intérieur
6 de Serbie. Tout le reste ne constitue que des rumeurs, des histoires qui
7 se sont répandues parmi ses collègues au sujet des problèmes qu'il
8 rencontrait et du traitement des cadavres au Kosovo qui devaient être…,
9 dont le traitement a certainement constitué une tâche très désagréable.
10 Personne, ni lui ni moi, n'a jamais parlé de la nécessité de faire sortir,
11 de transporter ces cadavres hors du Kosovo ou de leur imposer un
12 traitement criminel.
13 Question: La rencontre dont vous avez parlé –je parle de celle à laquelle
14 participaient Vlastimir Djordjevic et d'autres hommes- a bien eu lieu,
15 n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui.
17 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, je crois que je n'ai plus
18 de questions pour ce témoin.
19 Je voudrais simplement vérifier auprès de M. Saxon; je crois que nous
20 avons quelques informations au sujet du sens du terme "asanacija". Mais
21 peut-on affecter une cote à ce dernier document?
22 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 283.
23 M. Nice (interprétation): Monsieur Shin nous dit ce qui suit, après avoir
24 entendu les questions que vous avez posées au sujet du sens du terme
25 "asanacija": il nous dit d'abord que c'est un mot serbe, et ses
Page 8728
1 explications reposent sur ce qu'il a pu lire dans un dictionnaire. Donc
2 peut-être que des experts ou d'autres témoins seraient mieux à même de
3 répondre à cette question, mais si vous voulez consulter les sources
4 d'information sur ce point, le mieux est de vous rendre dans un
5 dictionnaire serbe.
6 M. le Président (interprétation): Merci.
7 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
8 (Contre-interrogatoire de M. Radomir Markovic, par l'accusé M. Milosevic.)
9 M. Milosevic (interprétation): Radomir, tu as lu beaucoup de rapports qui
10 ont été soumis par les membres des services de la sécurité d'Etat qui, en
11 passant par les instances différentes et les directions, convergeaient au
12 centre même. Est-ce que c'est vrai?
13 M. Markovic (interprétation): Oui.
14 M. Milosevic (interprétation): Etant donné que les chefs de sécurité
15 d'Etat, dans tous les pays, sont des personnes qui sont les plus informées
16 dans un pays et, notamment quand on prend en compte, en considération, ces
17 rapports, est-ce que toi, tu peux me dire si tu as reçu, à un moment donné
18 ou à un autre, un rapport, ou si tu avais entendu dire qu'il y avait un
19 ordre selon lequel il fallait expulser de force les Albanais du Kosovo?
20 M. Markovic (interprétation): Je n'ai jamais reçu de tels rapports.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Markovic, je me dois de vous
22 interrompre. Et ceci, pour la raison suivante: vous-même, et l'accusé,
23 vous parlez la même langue, tout ce que vous dites doit être traduit;
24 c'est la raison pour laquelle je vous prie de bien vouloir ménager des
25 pauses entre les réponses et les questions.
Page 8729
1 Monsieur Milosevic, également, je vous demande d'avoir à l'esprit cette
2 même observation.
3 Je vous en prie, vous pouvez répondre maintenant.
4 M. Markovic (interprétation): Non, je n'ai jamais entendu parler d'un tel
5 ordre. Je n'ai jamais vu un tel ordre et je n'ai jamais vu un rapport dans
6 lequel il y aurait eu un ordre stipulant l'expulsion des Albanais du
7 Kosovo.
8 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que tu as reçu une information ou
9 autre qui aurait indiqué qu'il y a une décision éventuelle, un ordre, un
10 plan, une suggestion ou bien une influence de facto, dans le sens
11 d'expulser de force des Albanais du Kosovo?
12 Réponse: Non. Je n'ai jamais reçu de tel type de suggestion, jamais
13 entendu parler de cela. Je n'ai jamais entendu parler d'un plan qui aurait
14 eu pour but d'expulser les Albanais du Kosovo.
15 Question: Et est-ce que, lors des réunions auxquelles tu avais assisté,
16 que ce soit des réunions où il y avait les représentants du MUP ou de la
17 VJ ou bien au niveau du ministère qui ont été présidées par le ministre et
18 lors des réunions également chez moi, est-ce que tu as entendu dire juste
19 le contraire? Que nous avons insisté en permanence sur le fait de la
20 nécessité de protéger les civils, de s'occuper des civils et qu'au cours
21 des opérations antiterroristes, il fallait tout faire pour ne pas blesser
22 les civils, pour ménager les civils?
23 Réponse: Certainement. Notre tâche n'était pas seulement de protéger les
24 civils serbes, mais de protéger également la population albanaise, les
25 Albanais. Par conséquent, les ministres et les représentants du MUP
Page 8730
1 avaient pour tâche de protéger les uns et les autres au Kosovo.
2 Question: Est-ce que tu te souviens, Radomir, qu'au moment où on recevait
3 les rapports des généraux qui séjournaient au Kosovo, et ceci en
4 confirmation de ce que nous disons, il a été dit, à maintes reprises… Il y
5 avait même des exemples qui ont été cités selon lesquels de nombreux
6 membres de l'UCK s'étaient échappés au sein des groupes de civil, et ceci
7 uniquement parce que la police n'ouvrait pas le feu là où, éventuellement,
8 un civil aurait pu être menacé, même si les membres de l'UCK, on pouvait
9 les voir. Est-ce que tu te souviens de ce type de rapports?
10 Réponse: Oui, je me souviens de cela. Il y avait plusieurs exemples où les
11 membres de l'UCK avaient des uniformes et, en dessous, des vêtements
12 civils. Dans les situations où ils se sentaient menacés, ils enlevaient
13 l'uniforme et ils se mélangeaient avec des groupes de civils.
14 Question: Et maintenant, nous allons descendre à un niveau plus bas. Je
15 parle donc au niveau plus bas, pas sur le plan hiérarchique, mais sur le
16 plan également "poids" de ce que nous allons dire.
17 Est-ce qu'à un moment donné ou à un autre, tu as reçu un rapport pendant
18 toute cette période-là en tant que fonctionnaire du MUP, en tant que
19 citoyen et comme chef du service de l'Etat de sécurité, est-ce que tu as
20 entendu dire, est-ce que tu as reçu un rapport, de mon côté, du côté de
21 mes collaborateurs et de quelqu'un qui occupait un poste d'importance,
22 qu'on avait suggéré, qu'on avait encouragé l'expulsion ou la
23 discrimination des civils au Kosovo et sur la base nationale?
24 Réponse: Non, moi je n'ai jamais reçu de telles informations, je n'ai
25 jamais vu un tel ordre.
Page 8731
1 Question: Et est-ce que tu as entendu dire que quelqu'un d'autre de la
2 police, de l'armée avait ordonné, encouragé, instigué, suggéré d'une façon
3 ou d'une autre de tuer, d'expulser ou de discriminer des civils albanais
4 au Kosovo?
5 Réponse: Non, je n'ai jamais entendu de telles choses et j'ai dit tout à
6 l'heure, lors de ma déposition à la question qui m'a été posée, que la
7 tâche a été de préserver les vies et les civils au Kosovo, que ce soit de
8 la population albanaise ou de la population serbe. La tâche était la même.
9 Question: Est-ce que tu avais à ta disposition, au cours de toute cette
10 période dont on parle dans ce prétoire, est-ce que tu as eu l'occasion de
11 voir un rapport selon lequel les membres de la sécurité d'Etat, de la
12 sécurité publique avait commis un quelconque crime de guerre faisant
13 partie d'un plan réalisé par DB, par la VJ, par le service de sécurité
14 d'Etat ou autre?
15 Réponse: Non, je n'ai jamais eu d'information sur les crimes qui ont été
16 commis au Kosovo. Il y avait beaucoup d'actes pénaux qui avaient été
17 commis de la part de la police et de la VJ et, chaque fois quand on
18 l'avait appris, on avait poursuivi ces personnes-là, et c'est dans ce
19 sens-là que nous avons délivré des ordres. Nous avons vu un document hier
20 au point 8, il était justement marqué qu'il était indispensable
21 d'identifier tous les auteurs des crimes pénaux au Kosovo.
22 Question: Entendu. Est-il vrai de dire que partout où il y avait un doute
23 où éventuellement on a pu constater que le membre de la police ou de
24 l'armée avait commis un acte criminel, qu'il n'y avait pas de discussion
25 et qu'on avait agi en vertu de la loi, on a entrepris des mesures
Page 8732
1 indispensables en vertu de la loi, on avait porté plainte, ensuite, et on
2 a engagé la procédure, comme toi tu viens de le dire tout à l'heure?
3 Réponse: Je pense que plus de 200 de telles plaintes avaient été
4 introduites à l'encontre des membres des services et qu'il y avait des
5 procédures qui étaient en cours. Et d'après les rapports de l'armée
6 yougoslave, je sais qu'eux également ils se comportaient de la manière, je
7 pense que le nombre de tels cas étaient ou bien le même ou bien un peu
8 plus important.
9 Question: Mais est-ce que tu te souviens si, lors de ces réunions
10 importantes où il y avait plusieurs personnes -je ne peux pas parler des
11 réunions qui étaient massives- est-ce que tu te souviens que lors de tels
12 types de réunions, il y avait plusieurs personnes que je disais qu'il
13 était dans la tradition du peuple serbe que le prisonnier de guerre est
14 sacré, que dans la tradition du peuple serbe, l'homme qui est une…, donc
15 qui a quelque chose de sacré et que, par conséquent, il faut préserver
16 chaque homme et qu'il faut sanctionner chaque crime commis?
17 Réponse: Oui, je me souviens. Ce n'est pas une seule fois que vous l'avez
18 dit, vous l'avez dit à plusieurs reprises. Je suis sûr que tous ceux qui
19 étaient présents lors de ces réunions doivent s'en souvenir.
20 Question: Je vais en donner lecture de quelques notes. Je ne pense pas que
21 tu te souviennes de chacun de ces documents, mais est-ce que tu te
22 souviens de l'ordre, des ordres également qui, par la suite, ont été
23 adressés au MUP, qui était issus du Q.G. du commandement et qui
24 concernaient les poursuites à l'égard des terroristes. Si les terroristes
25 étaient emprisonnés, on avait également demandé qu'il était indispensable
Page 8733
1 que de les traiter en vertu des dispositions du droit international
2 humanitaire, du droit de la guerre et des Conventions de Genève. Est-ce
3 que tu te souviens de tels ordres?
4 Réponse: Oui, les membres du MUP appliquaient toutes les lois qui,
5 normalement, auraient dû être respectées dans de telles conditions. Même
6 vis-à-vis des terroristes, on se comportait en vertu des Conventions de
7 Genève.
8 Question: Est-ce que tu te souviens que le commandement suprême avait
9 également délivré un ordre qu'il ne fallait pas incendier les maisons des
10 Albanais, ni piller leur patrimoine, qu'il y avait une interdiction
11 stricte sur ce plan-là?
12 Réponse: Oui, il y avait plusieurs ordres de ce type-là et cette
13 interdiction était pratiquement permanente, et tous les membres du MUP,
14 tous les militaires demandaient à ne pas incendier, à ne pas piller au
15 Kosovo.
16 Question: Et il y avait un ordre qu'il était indispensable que de se
17 comporter de manière humaine, qu'il fallait préserver la vie des membres
18 des forces des ennemis, qu'ils se rendent, ceci en accord avec toutes les
19 conventions. Bien évidemment, tu ne peux pas te souvenir de tous les
20 drôles mais je vais quand même te rappeler quelques-uns de ces ordres: par
21 exemple, que les auteurs de crimes devaient être interpellés tout de suite
22 et remis aux tribunaux militaires. Par exemple, il y avait un tel ordre.
23 Ensuite, il y avait un ordre qu'il fallait également appliquer dans
24 l'intégralité, les conventions, les dispositions du droit de guerre. Est-
25 ce que tu te souviens de cela? Il y avait également des aperçus.
Page 8734
1 M. le Président (interprétation): Mais laissez le témoin répondre.
2 M. Markovic (interprétation): Je ne peux pas me souvenir de chaque ordre
3 mais je me souviens de ce que nous avons dit. Je me souviens de votre
4 attitude globale que vous aviez, l'attitude qu'avait la VJ, le ministère
5 de l'Intérieur, le respect du droit international et y compris les
6 terroristes. Je ne me souviens pas de tous les ordres étant donnés que
7 tous ces ordres ne me parvenaient pas, mais probablement ont été adressés
8 au ministère de l'Intérieur.
9 M. Milosevic (interprétation): Merci. Eh bien, maintenant, nous allons
10 poursuivre.
11 Tu as présenté ton rapport au ministre de l'Intérieur également. Tu avais
12 exposé lors des réunions collégiales. Il y avait ces réunions qui étaient
13 régulières et dont tu avais parlées, c'est le ministre qui présidait la
14 réunion collégiale, le ministre de l'Intérieur. Est-ce que c'était la
15 procédure normale? Est-ce que c'est comme cela que le ministère de
16 l'Intérieur fonctionnait, le sommet, enfin la direction du ministère de
17 l'Intérieur?
18 Réponse: Oui, c'était la procédure normale. Tous les mardis, dans le
19 bureau du ministre de l'Intérieur il y avait des réunions collégiales. Ce
20 sont les dirigeants du ministère de l'Intérieur qui assistaient à cette
21 réunion, y compris le chef également des services de la sécurité d'Etat et
22 son suppléant.
23 Question: Et quand vous vous êtes rendus chez moi, Vlastimir Stojiljkovic,
24 toi-même et les autres… je vais tout simplement parler de toi-même quand
25 toi, tu te rendais chez moi, est-il vrai de dire que, le plus souvent, tu
Page 8735
1 étais accompagné du ministre, le plus fréquemment, donc le ministre et le
2 chef du service de la sécurité d'Etat et ceci, on a discuté des sujets
3 différents. Tu venais, le plus souvent, avec le ministre. De temps à autre
4 également, tu venais tout seul, juste pour expliquer un certain nombre…,
5 ou donner les détails d'un certain nombre de questions qui étaient dans ta
6 compétence. Est-ce que c'était comme cela?
7 Réponse: Oui, effectivement, ça se passait comme ça.
8 Question: Eh bien, maintenant, tu peux te souvenir. Il y avait le
9 Président de la République de Serbie, le Premier ministre de Serbie. On te
10 donnait des informations. Je ne parle pas de votre ministre, du ministre
11 avec lequel vous êtes sous le même toit. Bien évidemment, votre
12 communication était beaucoup plus fréquente, mais, en gros, ce sont des
13 relations officielles que vous aviez, n'est-ce pas?
14 Réponse: C'est exact.
15 Question: Quand il s'agit de ces rapports… Hier, dans la presse, j'ai pu
16 voir "informer"; cela me paraît logique, d'être informé. Moi aussi, je
17 recevais, ainsi que le Président de la République de Serbie et le Premier
18 ministre, le ministre de l'intérieur. Avant, on avait des informations
19 quotidiennes du service qui avait préparé ce rapport; il faisait
20 photocopier ce rapport et nous l'envoyait ensuite. Est-ce que c'est exact?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Quand il s'agit du Kosovo, il s'agissait des rapports qui
23 contenaient les données -toi, tu peux compléter bien sûr- car moi, je dis
24 ce que moi, j'avance et ce que j'affirme: la situation sur le plan de la
25 sécurité au Kosovo, l'importation des armes, les informations que l'on
Page 8736
1 peut obtenir au sujet de l'existence de l'UCK, les crimes qui ont été
2 commis par l'UCK. Est-ce que c'est exact?
3 Réponse: Oui, en gros, les informations se basaient sur ces éléments.
4 Question: Est-il vrai de dire que, d'après ce que tu sais, d'après ce que
5 votre service a pu obtenir comme informations, dans ces rapports, on
6 parlait du terrorisme au Kosovo?
7 Réponse: Oui. Au Kosovo, il s'agissait du terrorisme.
8 Question: Est-il exact de dire qu'un grand nombre de non policiers, de non
9 militaires et, par la suite, de civils également, aussi bien des
10 Monténégrins, des Serbes et des Albanais ainsi que d'autres nationalités
11 ont été tués lors des actions terroristes au Kosovo?
12 Réponse: Plus de 200 membres du MUP ont été tués au Kosovo; plus de 300
13 ont été blessés. Je pense que plus de 300 membres de l'armée yougoslave
14 ont été des victimes au Kosovo et, parmi eux, il y avait également des
15 civils.
16 Question: Est-il vrai de dire qu'au Kosovo, la police défendait la
17 population et leurs biens contre les terroristes?
18 Réponse: Oui, la police avait pour tâche de défendre aussi bien les Serbes
19 que les Albanais, étant donné que les terroristes se retournaient vers
20 leur propre peuple parce qu'ils insistaient pour qu'ils rejoignent l'UCK
21 ou qu'ils participent d'une autre façon dans ces actions terroristes.
22 Certes, le peuple n'acceptait pas un tel comportement et, souvent, il
23 demandait la protection auprès des membres du ministère de l'Intérieur.
24 Question: C'était une des questions que je voulais te poser. Etant donné
25 qu'aussi bien les dirigeants militaires que les dirigeants de la police,
Page 8737
1 lors de ces réunions, rapportaient que des villages, dans l'ensemble
2 purement albanais, demandaient la protection auprès de la police contre
3 les terroristes de la violence: pillages, kidnappings, enlèvements et
4 autres actions qu'ils entreprenaient?
5 Réponse: Oui, de tels rapports existaient de la part de l'armée
6 yougoslave, de la part également du MUP. Nous en avons parlé et il y avait
7 un ordre que d'aider ces gens-là.
8 Question: Est-ce que, d'après tes connaissances, étant donné que toi,
9 Radomir, tu ne faisais pas de politique dans ta vie, mais d'après tout ce
10 que tu as pu apprendre, vu le poste que tu occupais, est-ce que tu es au
11 courant, est-ce que tu sais que nous avons tout fait pour essayer
12 d'aboutir à un accord et de résoudre, par la voie pacifique, ce conflit au
13 Kosovo, et que vous aviez tous eu un ordre de vous préoccuper de la
14 sécurité de tout le monde, depuis Ibrahim Rugova jusqu'au plus bas, car
15 parmi eux également il y avait des règlements de compte?
16 Réponse: Oui. Les représentants du Gouvernement de Serbie se sont rendus
17 au moins 14 fois pour négocier avec les Albanais au Kosovo. Ils ne
18 voulaient pas s'y rendre. Je pense que le Président Milutinovic s'est
19 rendu au Kosovo, au moins deux fois au Kosovo. Et puis, je sais qu'on
20 avait protégé la vie de Rugova, Ibrahim Rugova; sa vie qu'il risquait à
21 cause des Albanais. Lui, il a été sauvé, on l'a emmené en Serbie; ensuite,
22 on l'a relâché, il est parti je ne sais pas où, lui-même ainsi que les
23 membres de sa famille. Et les membres du MUP le protégeaient au Kosovo.
24 J'ai appris que lui, il l'avait nié, mais ce que je dis, ça, c'est la
25 vérité.
Page 8738
1 Question: Est-il exact de dire… Je voudrais quand même éclaircir un point
2 de caractère général. Est-ce qu'un ouvrier du MUP…
3 La question, je te la pose parce qu'on parle d'éventuels crimes qui ont
4 été commis par la police et par l'armée, et on conteste mon affirmation
5 que l'armée et la police avaient défendu le pays et pas commis des crimes.
6 Est-il vrai de dire qu'aucun membre du MUP, en vertu de la loi, en vertu
7 des ordres, n'aurait dû mettre en application un ordre qui serait
8 contraire à la loi en vigueur?
9 Réponse: Les membres du MUP agissent en application de la législation en
10 vigueur. Il y a le code pénal, tout d'abord, qui est prédominant pour les
11 activités des employés du MUP. Les membres du MUP ne devraient pas et
12 n'oseraient pas commettre un crime, même si un ordre de tel type leur a
13 été délivré.
14 M. Milosevic (interprétation): Mais ils n'auraient pas eu le droit non
15 plus de réagir, même… Ils n'auraient pas eu le droit de ne pas réagir si,
16 par exemple, ils voyaient un crime qui aurait été commis en leur présence,
17 même s'il un ordre leur avait été donné?
18 M. Markovic (interprétation): Non.
19 M. le Président (interprétation): Est-ce que voulez bien faire attention
20 aux interprètes, Monsieur Milosevic.
21 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, il y a un policier; il voit
22 qu'il y a un crime qui est commis, même si c'est un pickpocket ou un
23 pillage, un vol. Je ne parle pas, bien évidemment, du viol, je ne parle
24 pas de meurtre. Il n'a pas à attendre ces… En appliquant la loi, il est
25 obligé de réagir automatiquement à l'égard de l'auteur d'un tel crime,
Page 8739
1 est-ce que c'est exact?
2 M. Markovic (interprétation): Oui, c'est exact.
3 Question: Ici, il a été question qu'il y avait un certain nombre
4 d'individus qui étaient en dehors des frontières de la Serbie. Je vais y
5 revenir, mais avant j'aimerais mettre au clair un autre point.
6 Est-il vrai de dire qu'il n'y avait aucune décision ou un ordre quelconque
7 pour que les membres du MUP de Serbie soient envoyés en dehors des
8 frontières de Serbie, à un autre endroit?
9 Réponse: Je ne suis pas au courant de l'existence d'un tel ordre. A
10 l'époque où j'étais à la tête du service de sécurité de l'Etat, ce genre
11 d'ordre n'a pas existé.
12 Question: Je voudrais tirer au clair un point. Lorsque l'on fait
13 abstraction du temps, donc du facteur temps, les choses apparaissent sous
14 une lumière différente. Tu as parlé de Radovan Stojicic "Badza" et tu as
15 dit qu'à un moment donné, il a été en Slavonie orientale. Est-il exact
16 qu'il était volontaire en Slavonie orientale et qu'il n'y était pas en
17 tant que représentant du ministère de l'Intérieur?
18 Réponse: Pour autant que je le sache, il était à la tête de la Défense
19 territoriale. C'était une formation volontaire.
20 Question: Pour préciser un point important, à l'époque, puisque ici on met
21 cela en relation avec le fait qu'il était ministre adjoint de l'Intérieur
22 et qu'il était à la tête du service de sécurité publique, à l'époque, il
23 n'avait rien à voir avec les postes et les fonctions qui étaient ceux
24 donc, du ministre adjoint et du chef du RJB?
25 Réponse: Oui. Ce n'est que plus tard qu'il a été nommé à ces fonctions. A
Page 8740
1 l'époque, il était conseiller au ministère de l'Intérieur. Il était, soit
2 à la tête de l'unité spéciale, soit conseiller, en la matière, de l'unité
3 spéciale.
4 Question: Il a été question, ici, des effectifs de l'unité spéciale
5 antiterroriste. On a dressé un parallèle entre ceux-là et les volontaires
6 qui ont été organisées par "Arkan". Je veux savoir s'il était exact, pour
7 autant que tu le saches, que cette unité avait des critères particuliers
8 de recrutement des gens?
9 Autrement dit, qu'il ne s'agissait absolument pas de reverser une unité
10 d'"Arkan". C'était une décision qui était prise au cas par cas pour chacun
11 des hommes?
12 Réponse: Non. Ils n'ont pas été versés en tant qu'unité dans sa totalité,
13 mais tous ceux qui répondaient aux critères prévus par le ministère de
14 l'Intérieur ont pu être enrôlés dans cette unité. Donc uniquement ceux qui
15 répondaient aux critères du ministère des Affaires intérieures.
16 Question: En répondant à un certain nombre de questions, tu as dit que tu
17 as procédé à une réorganisation de cette unité à partir du moment où tu as
18 été nommé à ce poste. Tu as dit que tu as réduit sa taille, que tu as
19 modifié ses tâches. As-tu été influencé par qui que ce soit dans ce
20 travail?
21 Réponse: Non, je l'ai fait en accord avec le ministre de l'Intérieur et
22 j'ai été autorisé à le faire.
23 Question: Personne n'a exercé une influence quelle qu'elle soit sur toi
24 pour que tu prennes tel ou tel homme, pour que tu réduises plus ou moins?
25 Tu l'as fait d'après tes propres estimations lorsque tu as considéré que
Page 8741
1 cette unité devait être réduite et qu'elle devait répondre uniquement à la
2 définition d'une unité antiterroriste. Tu l'as fait sans qu'il y ait
3 d'influence particulière ou de pression, si je puis dire ainsi?
4 Réponse: Non, il n'y a eu aucune pression. C'était conformément aux
5 conclusions de la réunion au plus haut niveau du RDB. Je l'ai proposé au
6 ministre, le ministre m'a donné son accord; je n'ai fait l'objet d'aucune
7 pression.
8 Question: De l'extérieur, mis à part ces communications régulières entre
9 le ministre et toi personnellement, ainsi que ton adjoint, qui que ce soit
10 de l'extérieur a-t-il cherché à s'immiscer dans les affaires qui
11 concernaient ton service?
12 Réponse: Non, cela relevait exclusivement des compétences du ministre de
13 l'Intérieur. S'agissant du travail des deux sections, des deux services,
14 ils s'exprimaient, mais également conformément à des concertations avec le
15 chef du RDB. Il n'y avait pas de pression, tout se faisait selon des
16 concertations.
17 Question: Tu as mentionné une carte. La partie adverse, M. Nice, a demandé
18 que tu expliques une carte pour autant que je le comprenne bien. Eh bien,
19 cette carte montre les endroits où différents membres de cette unité, qui
20 a été constituée ultérieurement, ont combattu en tant que volontaires. Il
21 s'agit de divers endroits et il ne s'agit pas du tout d'endroits où cette
22 unité, en tant qu'unité du ministère, a été engagée pour certaines
23 activités. Que peux-tu dire à ce sujet?
24 Réponse: J'ai dit à messieurs les enquêteurs du Tribunal qu'ils n'avaient
25 qu'à consulter la carte eux-mêmes pour le voir. A l'époque, je n'étais pas
Page 8742
1 à la tête du secteur de la sécurité d'Etat et je ne sais pas où se sont
2 retrouvés les membres de cette unité à différents moments. Je suppose
3 qu'il se serait agi d'une autre unité qui a été transformée par la suite
4 et qu'il s'agit d'hommes qui étaient, pour la plupart, originaires de
5 cette partie de notre pays, notre ex-pays, et que, eux, ils ont constitué
6 cette unité chargée des opérations spéciales.
7 Question: Je suppose qu'une partie de ces hommes ont été versés dans
8 l'unité chargée des opérations spéciales, selon les critères prévus par le
9 règlement du service?
10 Réponse: Oui mais...
11 Question: Qui répondait à ces critères sur tous les plans -psychologique,
12 physique, etc.-, les critères prévus pour pouvoir, donc, être membre d'une
13 telle unité?
14 Réponse: Eh bien, oui, mais cela ne fait pas partie…, n'a pas fait partie
15 de mes préoccupations. C'est Jovica Stanisic qui, à l'époque, était à la
16 tête de cette unité. Et je pense qu'il est plus à même d'en parler de
17 manière approfondie et en détail.
18 Question: Et concernant la question qui t'a été posée par M. Nice au sujet
19 de "Arkan", est-il exact que des informations nous ont été communiquées,
20 disant que Raznjatovic -qui par ailleurs en tant que volontaire avec ses
21 camarades a participé à des opérations, avant tout en tant que patriote et
22 pas en tant que criminel, comme on cherche à le dire à tort- eh bien,
23 qu'il a eu un certain nombre d'activités illégales, d'après les
24 informations que nous avons reçues, et qu'il a justifié ces activités en
25 disant qu'il avait besoin de fonds pour secourir les familles des
Page 8743
1 camarades morts au combat ou blessés?
2 Réponse: Oui, c'est bien l'information qui a été communiquée.
3 Question: Eh bien, au sujet de cette information, ne t'ai-je pas donné
4 instruction, à toi qui étais, à l'époque, chef de la police de la
5 capitale, qui avais la plus grande expérience et qui occupais un poste le
6 plus important, ne t'ai-je pas donné l'instruction de lui dire qu'aucune
7 activité illégale ne pouvait être tolérée, malgré des intentions
8 humanitaires, et que seules des activités légales étaient acceptables?
9 Réponse: Telle a été votre instruction.
10 Question: Par conséquent, je n'ai pas dit qu'il fallait légaliser des
11 activités criminelles. En revanche, j'ai dit qu'on ne pouvait pas
12 légaliser des activités criminelles et que lui ne pouvait s'occuper que
13 des choses légales?
14 Réponse: C'est cela. Et c'est ce que j'ai dit aux enquêteurs de La Haye.
15 M. Milosevic (interprétation): Ils ont tendance à inverser les choses ou à
16 les présenter comme cela leur convient; c'est pour cela que je voulais
17 préciser cela.
18 M. le Président (interprétation): Non, il ne s'agit pas d'un commentaire
19 adéquat. Vous avez la parole.
20 M. Milosevic (interprétation): As-tu reçu un rapport quel qu'il soit au
21 sujet de l'activité des formations paramilitaires au Kosovo avant les
22 bombardements de l'OTAN?
23 M. Markovic (interprétation): Non. J'ai dit il y a un instant que, pour
24 autant que je le sache, il n'y avait pas d'unités paramilitaires au
25 Kosovo.
Page 8744
1 Question: Bien entendu, il y avait un ordre à sujet. Mais sais-tu que j'ai
2 insisté personnellement que pas une seule formation paramilitaire n'avait
3 le droit d'exister, que généralement il ne s'agit que de bandits et que
4 tout groupe de ce genre devait être arrêté et désarmé?
5 Et pour en terminer avec cela, puisqu'il y a eu des histoires disant que
6 ces gens se portaient volontaires, eh bien, si cela se produisait, ces
7 gens devaient, une fois devenus militaires de l'armée yougoslave,
8 respecter le règlement de cette armée? Il ne s'agissait jamais de verser
9 des groupes entiers dans notre armée, des groupes de ce genre, mais ils
10 devaient être répartis dans nos unités pour éviter toute violation du
11 règlement de leur part?
12 Réponse: Oui. J'ai dit des choses dans ce sens à messieurs les enquêteurs;
13 il en a donc été question. Tous les volontaires ont été enrôlés dans les
14 unités de l'armée yougoslave après avoir subi une sorte de formation, une
15 procédure réglementaire d'admission.
16 Question: Avant d'être à la tête du RDB, tu as dit qu'avant d'occuper le
17 poste de chef de la section de la sécurité de l'Etat, as-tu été informé à
18 un moment, quel qu'il soit, des crimes de guerre qui auraient été commis
19 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et auxquels auraient pris part des
20 membres de l'armée yougoslave, du SUP ou de la section de la sécurité de
21 l'Etat?
22 Réponse: Non. J'étais membre, j'étais un employé du ministère de
23 l'Intérieur. J'étais, d'ailleurs, un des dirigeants au sein de ce
24 ministère; j'en aurais été informé.
25 Question: Oui, je suppose que tu aurais été informé, puisque tu as été,
Page 8745
1 avant cela, adjoint du ministre et avant cela, tu étais chef de la police
2 également au rang du ministre adjoint, donc tu étais pratiquement au
3 sommet de la hiérarchie du ministère de l'Intérieur. Est-ce cela?
4 Réponse: Oui, c'est cela. A la tête de la police de Belgrade, je
5 n'occupais pas le poste de ministre adjoint, c'était un échelon inférieur.
6 Plus tard, j'ai été ministre adjoint. Et je n'ai pas été informé avant,
7 donc lorsque j'étais à la tête de la police de Belgrade, je n'ai pas été
8 informé du travail des membres du ministère de l'Intérieur, mais j'aurais
9 certainement eu vent de quelque chose de ce genre.
10 Question: Très bien. Pour autant que vous le sachiez, pour autant qu'en
11 étaient informés le service et toi, personnellement, eh bien, y a-t-il…,
12 n'est-il pas vrai…, est-il vrai ou non que la raison des déplacements de
13 populations a été les bombardements?
14 Réponse: Il est certain que l'une des raisons des déplacements de la
15 population a été les bombardements.
16 M. Milosevic (interprétation): Est-il exact que l'une des raisons était
17 également la volonté d'éviter des conflits directs entre l'armée et la
18 police et l'UCK, d'autre part, de mettre à l'abri la population, de la
19 mettre à l'abri par rapport au théâtre des opérations?
20 M. Markovic (interprétation): Oui, certainement, cela a été une autre
21 raison.
22 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre l'audience, à
23 présent; il est temps. Nous ferons une pause de 20 minutes.
24 Je vous prie, Monsieur Markovic, de revenir dans 20 minutes.
25 (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 10 heures 57.)
Page 8746
1 M. le Président (interprétation): Oui.
2 M. Milosevic (interprétation): Radomir, tu parles d'un organe politique. A
3 la tête de cet organe politique était Nikola Sainovic. Ma première
4 question sera la suivante: est-il exact que ce corps, comme tu l'as dit
5 toi-même, était un corps, un organe politique?
6 M. Markovic (interprétation): Je ne connais pas d'autres termes pour cela,
7 c'était un organe de coordination. Il était composé d'hommes qui étaient
8 actifs dans le domaine politique. Je l'ai qualifié "d'organe politique",
9 je ne suis peut-être pas le seul.
10 Question: Donc, on parle d'un organe politique qui a, je suppose, des
11 tâches politiques à mener. Tu as également parlé d'un état-major de la
12 police. Sreten Lukic était à sa tête, il devait s'acquitter des tâches
13 relevant de la police. L'armée avait ses tâches qui lui étaient propres,
14 donc il y avait une répartition des tâches.
15 Un exemple, un document que la partie adverse a présenté hier. Il s'agit
16 d'un rapport émanant du ministère de l'Intérieur de la République de
17 Serbie. Ce document a été cité ici, hier. Certes, ils ont dit que cela
18 concernait une période de deux jours. Or, il est dit ici: "Les événements
19 importants sur le plan de la sécurité des événements et des informations
20 qui ont été communiqués dans une période à partir de 6 heures le 26 mars
21 jusqu'à 6 heures, le 27 mars, donc une journée. Les copies sont
22 communiquées au chef de la sécurité publique, au chef de la sécurité de
23 l'Etat, au ministre adjoint, Obrad Stevanovic, au ministre adjoint Micic,
24 à la police chargée des enquêtes criminelles -au centre chargé des
25 opérations- ainsi qu'au secrétariat du ministère de l'Intérieur."
Page 8747
1 Leurs numéros figurent ici. Il s'agit des secrétariats basés au Kosovo-
2 Metohija, n'est-ce pas? Donc est-il vrai qu'il y a une hiérarchie établie
3 au sein de la police? Et de même pour ce qui est des documents militaires
4 qui ont été présentés ici par la partie adverse. Il ressort clairement
5 qu'il y a une hiérarchie qui est respectée au sein de l'armée?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Compte tenu de l'existence de cet organe politique, sais-tu
8 qu'un conseil exécutif temporaire ou provisoire pour le Kosovo-Metohija a
9 été constitué ou, en d'autres termes, un "gouvernement" du Kosovo
10 Metohija? A sa tête, se trouvait Andjelkovic et il a passé tout ce temps
11 là-bas sur place?
12 Réponse: Oui, je suis au courant de cela.
13 Question: Sais-tu que ce gouvernement du Kosovo-Metohija, ce gouvernement
14 provisoire, comptait les représentants de tous les groupes ethniques: les
15 Serbes, les Albanais, les Rom, les Musulmans, tous les groupes ethniques
16 qui vivent au Kosovo?
17 Réponse: Oui, je suis au courant de cela.
18 Question: Sais-tu que ce gouvernement était chargé d'expédier les affaires
19 courantes et aussi de s'occuper de toutes les questions économiques,
20 sociales, les questions de santé, tout ce qui concernait la prise en
21 charge, l'aide et l'assistance à fournir aux personnes déplacées, qu'il
22 s'occupait de tout ce qui relève du travail normal d'un gouvernement? Il
23 s'agissait d'un gouvernement local, certes, mais il faisait un travail qui
24 appartient naturellement à un gouvernement?
25 Réponse: Oui, je suis au courant de cela.
Page 8748
1 Question: Par conséquent, est-il clair que cet organe politique qui a été
2 constitué sur place, donc tous ces fonctionnaires de l'Etat, Sainovic qui
3 était vice-président du gouvernement fédéral, Andjelkovic qui était à la
4 tête du conseil exécutif temporaire ainsi que d'autres fonctionnaires qui
5 avaient des rôles officiels à jouer, cet organe politique n'appartenait
6 pas à la chaîne de commandement?
7 Il servait d'un forum d'échanges d'informations. Et, d'après les diverses
8 hiérarchies, la police respectait la sienne et l'armée la sienne,
9 conformément à la loi. Dans chacune de ces organisations, il y avait une
10 hiérarchie propre?
11 Réponse: J'ai dit, moi-même, que le rôle qui a été joué par cet organe
12 était celui de coordination entre l'armée yougoslave et le ministère de
13 l'Intérieur. Je n'ai pas dit que cet organe avait le dernier mot, mais
14 plutôt...
15 Question: Un instant, on attend les interprètes. Essayons de traduire cela
16 dans un langage pratique. Un exemple, cet organe politique, est-ce qu'il
17 te donnait des ordres?
18 Réponse: Non.
19 Question: Cet organe politique pouvait-il commander Vlajko Stojiljkovic?
20 Réponse: Non.
21 Question: Pouvait-il donner des ordres à Ojdanic ou à Pavkovic?
22 Réponse: Non.
23 Question: Pour autant que tu le saches, chacun des événements qui se sont
24 produits, comme on le voit dans ce rapport quotidien qui nous rapporte
25 tout ce qui s'est produit entre 6 heures d'une journée jusqu'aux 6 heures
Page 8749
1 du lendemain matin, dans l'armée également on respectait une hiérarchie
2 qui lui est propre?
3 Il y avait une chaîne de commandement allant de la compagnie à une
4 brigade, à un corps d'armée, jusqu'au sommet de la hiérarchie militaire et
5 que cela était respecté et que cela existait?
6 Réponse: Je sais qu'il y a un système de subordination au sein de l'armée,
7 qu'il y a une hiérarchie mais je ne sais pas comment est la chaîne de
8 commandement, je ne sais pas non plus comment circulent les informations.
9 Je pense que cela est un système identique à celui du ministère de
10 l'Intérieur.
11 Question: Très bien. Mais connaissant Vlajko Stojiljkovic, considères-tu
12 qu'il aurait accepté que qui que ce soit d'autre prenne des décisions? Par
13 exemple, la décision d'engager la police à son insu et sans qu'il
14 réagisse?
15 Réponse: Certainement. Pn a dû demander, non seulement l'approbation, mais
16 également le "feu vert" de la part du ministre de l'Intérieur.
17 Question: Lors de vos réunions internes et pendant l'échange
18 d'informations, est-ce que Stojiljkovic a toujours insisté sur le respect
19 de la loi?
20 Réponse: Absolument. C'est cela. Vlatko Stojiljkovic a toujours souligné
21 et accordé une toute première importance à ce que l'on respecte la loi.
22 Question: Sreten Lukic, Obrad Stevanovic, Vlastimir Djordjevic et les
23 autres, était-ce leur tâche également ainsi que leur conviction profonde
24 qu'il fallait agir ainsi?
25 Réponse: Pour ce qui est des employés du ministère de l'Intérieur, on ne
Page 8750
1 pouvait…, ils ne pouvaient agir en aucun cas autrement qu'en respectant la
2 loi.
3 Question: Tu as dit que Pavkovic a communiqué des informations émanant du
4 terrain. Te rappelles-tu que, généralement, il s'agissait du déploiement
5 des forces de l'UCK, de leurs effectifs: il a présenté les problèmes
6 auxquels ils ont fait face sur le terrain, il a informé sur l'évolution de
7 la situation et ce, en présence d'un grand nombre de dirigeants. Il a
8 présenté la situation sur la carte, etc.
9 Réponse: Oui.
10 Question: Lorsqu'on consulte ces ordres qui ont été présentés par la
11 partie adverse en tant que pièce à conviction, et que tu as eu le loisir
12 d'examiner, ne ressort-il pas de ces ordres que l'objet de ces entretiens
13 était toujours les groupes terroristes ainsi que leurs activités?
14 Réponse: C'est cela.
15 Question: Il y a un instant, pendant l'interrogatoire principal, tu as dit
16 que les activités de cet organe -d'après ce que tu supposes, si je l'ai
17 bien noté- devaient recevoir le "feu vert" à Belgrade. Sommes-nous en
18 droit de supposer qu'il s'agit de la mise en oeuvre d'une politique qui
19 consistait à éliminer le terrorisme, à préserver la sécurité des citoyens,
20 les protéger contre les activités terroristes? Estimes-tu qu'il s'agit là
21 d'un droit légitime d'un Etat, ainsi que d'une tâche qui appartient à la
22 police, à l'armée et à tous ceux qui sont chargés de la sécurité?
23 Réponse: La lutte antiterroriste appartient aux compétences et aux tâches
24 naturelles d'un Etat.
25 Question: Monsieur Nice t'a demandé qui ont été mes proches
Page 8751
1 collaborateurs. C'était l'une de ces questions. Il ressort de tes réponses
2 que j'ai pu entendre lorsque tu as répondu à ces questions, que tu as
3 parlé du Président de l'Assemblée fédérale, de l'Assemblée de République
4 de Serbie, du Président de la République de Serbie, du chef du
5 Gouvernement serbe, des plus hauts dignitaires de l'Etat, etc. Mais aussi,
6 lorsque tu parles de la coordination au Kosovo-Metohija, il y a là des
7 hommes politiques, la police, l'armée et les fonctionnaires de l'Etat.
8 Alors, comment peut-on évoquer, à ce moment-là -comment dire?- l'existence
9 d'une politique privée ou d'une chaîne de commandement privé, puisque les
10 réunions rassemblant les plus hauts fonctionnaires civils et militaires
11 sont convoquées. Donc, il n'y a pas là de "seconds couteaux". Nous avons
12 le sommet sur le plan politique, militaire, tous ceux qui sont
13 responsables de la sécurité; nous avons des hommes qui se réunissent pour
14 réfléchir à la situation. Etait-ce bien la manière habituelle de procéder?
15 Réponse: Oui, ces réunions avaient cela pour objet.
16 Question: N'est-il pas exact que la coordination politique en elle-même,
17 donc le fait de prendre connaissance des informations, donc qu'il s'agisse
18 des représentants du gouvernement de la République fédérale, du
19 gouvernement provisoire du Kosovo-Metohija, des plus hauts fonctionnaires
20 militaires et de la police; eh bien, est-ce qu'on peut dire que là il y a
21 un organe qui s'insère dans la chaîne de commandement et qui fait autre
22 chose que la coordination et la prise de connaissance de la situation?
23 Mais pour ce qui est de la chaîne de commandement, eh bien, on sait quelle
24 est la hiérarchie qui est respectée, que ce soit au sein de l'armée ou au
25 sein de la police?
Page 8752
1 Réponse: J'ai bien employé ce terme-là: coordination.
2 Question: On a entendu, lors de certaines dépositions ici, une référence à
3 Sainovic: il a été dit qu'il a été chargé des opérations au Kosovo. Est-ce
4 que cela paraît plausible que l'adjoint du chef du gouvernement fédéral,
5 indépendamment des personnes qui sont appelées et formées à faire cela
6 donc au sein de l'armée et de la police, eh bien, que ce soit lui qui soit
7 placé à la tête des opérations, des opérations militaires, des opérations
8 menées par la police, etc.?
9 Réponse: Je pense qu'il n'était pas qualifié pour faire cela, pour
10 planifier ou conduire des opérations militaires ou de la police. Tout
11 simplement, il s'est contenté de mettre en oeuvre ce dont il a été
12 question lors des réunions qui se sont tenues chez vous. Il s'agissait
13 d'une manière de gérer, sur le plan politique, la situation au Kosovo.
14 Question: Lorsqu'une crise éclate sur le territoire d'une province, eh
15 bien, justement, à cause de cela, n'est-il pas logique que l'on y envoie
16 le vice-ministre fédéral? A un moment, il y avait là également le
17 Président de l'Assemblée fédérale. Eh bien, n'est-il pas logique de les
18 envoyer sur place pour qu'ils assistent les organes locaux? Cela traduit
19 le fait que l'Etat se préoccupe de ce qui se passe sur le terrain.
20 Réponse: Cela me paraît logique.
21 Question: Avons-nous essayé, depuis le sommet jusqu'au bas de l'échelle,
22 avons-nous essayé d'enrayer l'exode des réfugiés? Avons-nous cherché à
23 leur présenter des arguments, à les convaincre que la police et l'armée
24 allaient les protéger, qu'il fallait donc qu'ils restent là où ils
25 étaient? Vous l'avez fait au sein de la sécurité de l'Etat? Les gens, au
Page 8753
1 sein de la sécurité publique, l'ont fait. N'était-ce pas cela, notre
2 volonté politique? Est-ce cela ou non?
3 Réponse: Oui, telle a été l'instruction et telles ont été nos tâches.
4 Question: Sais-tu que l'UCK a mis en place une propagande visant à dire
5 aux civils de quitter le Kosovo, le plus grand nombre de civils possible,
6 et donc de donner une fausse image du Kosovo, de dire que leur exode était
7 dû à un comportement violent de la part des instances du pouvoir?
8 Réponse: Oui, je le sais.
9 Question: Est-ce que toi également, tu avais l'habitude d'intervenir pour
10 enrayer le départ des réfugiés, essayer de les aider, et ceci, sur la base
11 des informations que toi-même tu obtenais? Est-ce que tu as insisté,
12 justement, sur le fait de les aider, ceci en application de la politique
13 qui a été la nôtre?
14 Réponse: Oui, une fois. Moi-même, je suis intervenu au Kosovo, j'ai obtenu
15 cette information d'après laquelle il y avait un grand nombre de réfugiés
16 qui s'acheminaient vers la frontière entre l'Albanie et la Macédoine.
17 Moi, j'ai appelé, de Belgrade, l'état-major du général Sreten Lukic. Je
18 lui ai demandé des informations détaillées. J'ai demandé également… Je
19 voulais savoir ce qu'ils allaient entreprendre pour ne pas permettre que
20 les réfugiés continuent leur route. Et je me suis référé également à
21 Sainovic qui était le chef et quelqu'un qui travaillait avec lui,
22 d'ailleurs… J'ai été en contact, d'abord… Donc j'ai appelé Sainovic et
23 j'ai abusé de votre nom; je pense que vous vous en souvenez. J'ai dit que
24 c'était le Président Milosevic qui avait délivré l'ordre d'enrayer le
25 départ des réfugiés.
Page 8754
1 Question: Bon, vous dites "abusé"; c'est relatif. Tu savais très bien que
2 c'était mon attitude et qu'il fallait arrêter les réfugiés. Et au moment
3 où on m'avait posé la question si j'avais ordonné qu'on agisse de la
4 manière, j'ai dit: "Certes, je l'ai ordonné". Tu te souviens?
5 Réponse: Oui, tout à fait.
6 Question: Est-ce que, d'après ton expérience, d'après tes informations,
7 les réfugiés et leur départ étaient le résultat de la guerre, comme
8 partout où il y a la guerre sur le terrain; non pas un résultat d'une
9 action de la police ou de l'armée à l'égard de la population civile?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Et est-ce que, lors de ces efforts que nous avons déployés, nous
12 avons essayé de ralentir le déplacement de la population et le départ des
13 réfugiés?
14 Réponse: Malheureusement, nous n'avons pas réussi à arrêter dans la
15 totalité les départs, mais nous leur avons garanti la sécurité, les soins
16 médicaux; nous leur avons expliqué qu'il était plus sûr que de rester dans
17 leurs foyers.
18 Question: D'après tes connaissances, n'est-il pas vrai que les membres de
19 la police avaient justement pour tâche d'expliquer aux Albanais du Kosovo
20 de pas quitter leurs foyers, qu'ils devaient regagner leurs foyers, que
21 c'est l'armée, que c'est la police qui les protégeait et que, une fois
22 qu'ils auraient traversé la frontière, on les aurait enrôlés de force et
23 qu'ils allaient subir d'autres violences également de la part de l'UCK?
24 Réponse: Oui, c'était exactement comme cela.
25 Question: Et es-tu au courant que cet organe politique dont tu parles
Page 8755
1 avait des contacts avec les représentants albanais, Sainovic, à plusieurs
2 reprises, avec Rugova, avec d'autres leaders albanais et que, également,
3 pendant la coopération avec la Commission de vérification, il était
4 Président du gouvernement fédéral pour coopérer avec la Mission de
5 vérification; qu'il y avait également le général Loncar qui était le
6 général à la retraite qui avait séjourné à Pristina, et cela également en
7 fonction de coopérer avec la Mission de vérification, et que cette
8 coopération avec la Mission de vérification, cette délégation se composait
9 de tous les représentants des ministres différents, de la police, du
10 Commissariat chargé des réfugiés, de l'armée, de la police… Est-ce que tu
11 es au courant?
12 Réponse: Je sais que Sainovic avait contacté les membres de la Mission de
13 vérification. Il a contacté également Rugova.
14 Question: J'ai quelques questions concrètes. Est-ce que, en ta qualité
15 d'un fonctionnaire le plus renseigné à la tête de la DB, tu as entendu
16 parler d'un plan, soi-disant un plan qui a été désigné comme le plan
17 "Kolubara"?
18 Réponse: Moi, j'ai déjà donné la réponse à monsieur du Bureau du
19 Procureur, aux enquêteurs: je n'ai jamais entendu parler de ce plan.
20 Question: Est-ce que tu as entendu parler d'un plan "Potkovica", en
21 traduction "Fer de cheval"?
22 Je ne vais pas poser des questions directrices, c'est la raison pour
23 laquelle je ne vais pas t'expliquer plus que cela. Est-ce que tu as
24 entendu parler de ce plan "Potkovica","Fer de cheval"?
25 Réponse: J'ai dit que je n'en ai jamais entendu parler.
Page 8756
1 Question: Entendu. Juste un petit moment. Je ne sais pas si tu te souviens
2 d'un entretien que tu avais avec les membres du comité d'enquête du
3 Parlement pendant que tu étais en prison. Est-ce que tu te souviens de ces
4 entretiens? Est-ce qu'au cours de ces entretiens tu avais dit que le
5 service de sécurité d'Etat n'était ni le tien ni le mien, mais que c'était
6 un service de l'Etat? Est-ce que c'est ton attitude?
7 Réponse: C'est exactement ces paroles que j'ai prononcées et je l'affirme
8 aujourd'hui également.
9 Question: En d'autres termes, il ne s'agissait pas du contrôle du service
10 de l'Etat de sécurité, mais c'est un service qui appliquait la loi. Cela
11 ne pouvait pas être une affaire privée ni de moi-même ni de toi, ni d'un
12 autre individu dans le pays?
13 Réponse: C'est exactement comme cela.
14 Question: Excusez-moi. Je vais parcourir mes notes. Je voudrais poursuivre
15 à l'endroit où on a mentionné cet entretien avec les membres du comité
16 d'enquête. En effet, il y en avait deux. C'étaient les deux comités
17 d'enquête du parlement fédéral, de l'assemblée fédérale de Yougoslavie.
18 Est-il vrai de dire que toi, tu as été arrêté uniquement parce qu'on a
19 exercé une pression sur toi et, de cette manière-là, on m'avait incriminé?
20 Réponse: Oui. C'est pour cela que l'on m'a arrêté.
21 Question: Ici, au cours des entretiens avec les membres des deux comités
22 d'enquête, tu dis -je cite-: "On m'avait demandé d'incriminer Slobodan
23 Milosevic, de reconnaître les actes criminels et de dire que c'est
24 Milosevic qui me l'avait ordonné." (Fin de citation.) Est-ce que c'est
25 exact?
Page 8757
1 Réponse: Oui. On m'a dit que, dans ce cas-là, ce n'est pas moi qui serais
2 responsable, mais que je peux choisir le pays où je peux vivre, obtenir
3 une autre identité et qu'il était indispensable de vous incriminer pour
4 que vous puissiez être jugé dans le pays.
5 Question: Par conséquent, de me juger dans le pays et de ne pas avoir
6 honte et être obligé de m'expédier à La Haye?
7 Réponse: Je suppose que c'était cela la raison.
8 Question: Etant donné que tu es policier de carrière -et dans ton
9 curriculum vitae, on a pu le constater-, depuis que tu es sorti de la
10 faculté, tu travailles à la police pendant tout ce temps-là jusqu'au
11 moment où tu as été arrêté. Est-il exact de dire que le détenu, dans
12 l'Unité de détention, peut être uniquement dans la compétence du tribunal
13 et qu'il ne relève pas de la compétence de la police?
14 Réponse: D'après la procédure pénale, le détenu est exclusivement dans la
15 compétence du tribunal et, ensuite, sous l'autorité des juges
16 d'instruction.
17 Question: Les gardes et les chefs sont les membres du ministère de la
18 Justice et pas de la police et, par conséquent, totalement en dehors de la
19 police; ils relèvent de la compétence d'un organe de jurisprudence?
20 Réponse: Les gardes, dans la détention pénitentiaire, sur le plan
21 organisationnel, relèvent de la compétence du ministère de la Justice.
22 Question: N'est-il pas exact que les membres des services de la sécurité
23 d'Etat t'ont sorti de la détention, et de manière illégitime, pour exercer
24 les pressions sur toi au sujet dont il a été question déjà tout à l'heure?
25 Réponse: Les membres des services de sécurité ne disposaient pas de l'acte
Page 8758
1 que le juge d'instruction leur a donné. Ils avaient tout simplement
2 l'autorisation de s'entretenir avec moi, mais dans les locaux de la
3 détention.
4 Question: Mais n'est-il pas vrai qu'au bout d'un mois passé en détention,
5 ils t'avaient fait sortir pour s'entretenir avec toi?
6 Il y avait le ministre de l'Intérieur, Mihajlovic, qui était présent.
7 D'autres également. Moi, personnellement, j'ai versé le PV de la procédure
8 ici même au moment où le témoin Karleusa avait témoigné ici. Je pense que
9 c'est bien consigné dans le PV. Est-ce exact?
10 Réponse: La première fois, ils ont parlé avec moi au bout d'un mois, après
11 mon séjour en prison. Ensuite, ils ont parlé à plusieurs reprises au cours
12 des mois qui ont suivi. Moi, j'ai pratiquement été obligé de remettre
13 toutes mes fonctions dans la prison, parce que ce n'était pas possible de
14 le faire différemment.
15 Il y avait les membres du service qui se sont rendus pour parler avec moi
16 au sujet d'un certain nombre de questions sur lesquelles j'aurais
17 éventuellement pu éclaircir les points, là où on avait utilisé le service
18 de la sécurité d'Etat où il y avait des ordres qui ont été délivrés,
19 d'autres où il n'y en avait pas. Car le service de sécurité d'Etat avait
20 été abusé à maintes reprises, on l'avait cité à plusieurs endroits, là où
21 il n'avait aucune compétence.
22 Au bout de quatre mois en détention, on m'a fait sortir et c'est là où
23 j'ai assisté à la réunion avec le chef du service de sécurité d'Etat,
24 Zoran Petrovic, son suppléant Zoran Mijatovic et le dernier, le ministre
25 de l'Intérieur de la République de Serbie, Mihajlovic. Là, ils ont dit que
Page 8759
1 vous disposiez du PV; ils ont accepté que nous ayons parlé en dehors des
2 locaux de la prison, ils affirmaient que c'était sur ma demande.
3 Question: Est-ce que c'était sur ta demande?
4 Réponse: Si c'était sur ma demande, à ce moment-là, ils auraient eu une
5 autorisation également valable du juge d'instruction; ils ne m'auraient
6 pas proposé d'aller dîner avec eux.
7 Question: Est-ce que vous avez proposé un certain nombre de mesures de
8 protection? On vous a dit que vous resteriez six mois en prison, qu'on
9 allait te juger si jamais tu n'acceptais pas de m'incriminer de manière
10 fausse. Est-ce que c'était exact?
11 Réponse: On m'a parlé de mon statut très difficile; ils m'ont parlé des
12 conséquences que je risquais, qui pouvaient en sortir. Ils m'ont proposé
13 cette alternative d'incriminer Milosevic comme quelqu'un qui m'avait donné
14 l'ordre pour commettre de tels crimes, ce qui m'aurait justifié devant le
15 Tribunal.
16 Question: Est-ce qu'ils vous ont également proposé une autre identité, un
17 autre pays, de l'argent pour toi-même et les membres de ta famille jusqu'à
18 la fin des jours pour m'incriminer faussement? Est-ce que c'est exact?
19 Réponse: C'est exact.
20 M. Milosevic (interprétation): Et est-ce que tu es au courant du fait
21 qu'en 1998, l'assemblée générale des Nations Unies, par consensus, a
22 adopté la déclaration contre la torture, et qu'une telle attitude prise à
23 ton encontre est interdite par la déclaration, les menaces de sanction des
24 détenus? Est-ce que tu es au courant, étant donné que tu es de formation
25 juridique?
Page 8760
1 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, ce n'est pas une
3 question pertinente pour le témoin qui est ici. Lui, il est d'accord avec
4 vous, il est d'accord avec tout ce que vous lui exposez. Et nous n'allons
5 certainement pas discuter ici de ce qui s'était passé en Yougoslavie au
6 moment où il a été arrêté. Ce qui nous intéresse, ce sont les événements
7 au Kosovo; ça, vous le savez.
8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, mais le comportement du
9 régime de marionnettes à Belgrade est identique avec l'Acte falsifié...
10 M. le Président (interprétation): Eh bien, c'est exactement le point sur
11 lequel nous ne voulons pas revenir. Nous ne voulons pas l'examiner.
12 Si vous avez une question pertinente pour ce témoin, dans ce cas-là, nous
13 pouvons procéder. Sinon, nous pouvons poursuivre.
14 Maître Tapuskovic, je vous en prie, vous avez des questions? Je sais que
15 vous avez d'autres questions.
16 Monsieur Tapuskovic, de combien de temps auriez-vous besoin?
17 M. Tapuskovic (interprétation): Je pense qu'en un quart d'heure, Monsieur
18 le Président, je vais pouvoir arriver à poser toutes les questions que
19 j'ai à poser.
20 M. le Président (interprétation): Merci.
21 Je vous en prie, Monsieur Milosevic, mais passez à un autre sujet.
22 M. Milosevic (interprétation): Entendu. Mais est-il vrai de dire que
23 d'encourager un faux témoignage tombe sous le code pénal?
24 M. le Président (interprétation): Mais c'est exactement la question que
25 vous posez et nous venons d'en prendre la décision. Vous devez passer au
Page 8761
1 témoignage du témoin. Est-ce que vous contestez, par exemple, la réunion à
2 laquelle il avait assisté où on a parlé de l'assainissement du terrain?
3 Est-ce que c'est cela que vous contestez?
4 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur May, c'est exactement la
5 question que je tiens à poser.
6 Est-il vrai de dire que cette déclaration qui a été donc soumise sur
7 l'assainissement du terrain a été rédigée par ces gens-là et sous la
8 tutelle de ces gens-là qui ont exercé la pression sur toi et qui exercent
9 la torture depuis un an et demi sur toi?
10 M. Markovic (interprétation): Oui, c'était l'entretien que j'ai eu avec
11 les mêmes personnes.
12 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction D283.
13 M. Milosevic (interprétation): Moi, j'ai noté ce que tu avais dit à ce
14 propos. Tu as dit que c'était leur interprétation tout à fait libre; que,
15 pour ce qui concerne l'assainissement, tu avais parlé lors d'un entretien
16 libre avec Ilic, que tout ce qui a été dit était plus ou moins des choses
17 qu'on peut qualifier comme quelque chose qui est médit, que Milosevic n'a
18 jamais parlé qu'il était indispensable que de transporter les cadavres du
19 Kosovo…
20 Est-ce que l'on peut dire que cette déclaration est le montage de ces
21 mêmes hommes qui avaient cet entretien avec toi?
22 M. Markovic (interprétation): Malheureusement, je n'ai pas pu prendre
23 connaissance de cette déclaration avant de la signer. Ce n'est pas la
24 forme, le format de la déclaration.
25 Nous avons eu un entretien et on a essayé de trouver une bonne voie pour
Page 8762
1 résoudre le problème, le problème qu'avait le ministère de l'Intérieur.
2 Ensuite, c'est le ministère de la Justice qui a rédigé cette information.
3 Moi, je l'ai signée, je ne suis pas véritablement rentré dans les détails
4 de l'information.
5 Par la suite, quand j'ai lu cette déclaration, quand le Bureau du
6 Procureur du Tribunal de La Haye me l'a présentée, moi, j'ai indiqué un
7 certain nombre d'éléments qui ne correspondent à pas à la vérité et j'ai
8 donné ma déclaration aux enquêteurs du Procureur. Et c'est pour cette
9 déclaration que je maintiens qu'elle est véridique.
10 Question: Pour être tout à fait précis, est-ce que moi-même au cours de
11 cet entretien, donc sur la base de laquelle ils ont rédigé ces
12 déclarations, est-ce que j'ai parlé de la nécessité d'effacer les traces
13 de crimes?
14 Réponse: Non, vous avez autorisé l'assainissement.
15 Question: Est-ce que le terme "assainissement" sous-entend une procédure
16 légale qui constitue… qui se constitue d'une série d'éléments -tu en as
17 énumérés-: d'enlever les explosifs, les produits chimiques, d'enlever des
18 victimes, de s'occuper des blessés, de mettre en fonctionnement toutes les
19 infrastructures, le réseau de l'eau, etc.? Par conséquent, de rendre le
20 terrain vivable après les opérations de combat; est-ce que c'est ça ce qui
21 est sous-entendu sous le terme "assainissement"?
22 Réponse: Oui, c'est ce qu'on sous-entend sous le terme "assainissement".
23 Question: Est-ce que, lors de cette réunion, il y avait quelqu'un…, qu'il
24 fallait également cacher les actes criminels, les crimes? Est-ce que qui
25 que ce soit avait parlé des crimes? Est-ce que qui que ce soit avait dit
Page 8763
1 qu'il fallait cacher, masquer les crimes?
2 Réponse: Non, personne n'a parlé des crimes, ni de masquer des crimes.
3 Question: Est-ce qu'au MUP, plus tard, quelqu'un avait dit qu'il était
4 indispensable que de transporter -je ne sais pas- des cadavres quelconques
5 et les acheminer à l'intérieur dans le terrain, sur le terrain de la
6 Serbie?
7 Réponse: Moi, ne je ne l'ai pas entendu.
8 Question: Et est-ce qu'il est notoire que, si jamais il y avait où que ce
9 soit quelqu'un qui avait masqué quoi que ce soit, que notre attitude -je
10 parle de moi-même, je parle du ministre Milutinovic et d'autres hommes
11 politiques, toi-même et les autres-, qu'il fallait répondre pour ces
12 crimes, et que n'importe qui aurait commis un crime, il aurait donc dû
13 être poursuivi et que la procédure aurait été organisée devant le
14 Tribunal?
15 Réponse: Ceci a été consigné dans les ordres également qui nous ont été
16 délivrés, que nous avons reçus.
17 Question: Est-ce que nous pouvons en tirer la conclusion que si quelqu'un
18 voulait masquer quelque chose, c'est de le masquer à l'égard du
19 gouvernement et des autorités au pouvoir, et pas au Tribunal, masquer ou
20 cacher du Tribunal de La Haye car, de toutes façons, on n'a jamais parlé
21 ni même pensé à une procédure devant le Tribunal de La Haye en mars 1999?
22 Réponse: Oui, on pourrait éventuellement donner une telle interprétation.
23 Question: Il y avait un PV d'audition qui avait été examiné lors de la
24 déposition, c'est un PV auprès du juge d'instruction, et c'est M. Nice qui
25 a donné une citation -je cite-: "Jovica Stanisic a montré un papier qui
Page 8764
1 était l'autorisation de l'ancien président, Slobodan Milosevic, dans
2 lequel on disait que le chef du RDB était directement responsable à
3 Slobodan Milosevic. Je ne peux pas dire exactement ce qui a été marqué
4 dans cette autorisation, mais il en ressortait que l'on voulait contourner
5 le ministre de l'Intérieur, Vlajko Stojiljkovic et que Jovica Stanisic a
6 été responsable pour tout ce qu'il faisait directement à Slobodan
7 Milosevic." (Fin de citation.)
8 C'est la déclaration que M. Nice avait citée hier. Ensuite, on t'a soumis
9 également cette décision, décision pour laquelle tu avais dit
10 qu'effectivement tu as eu l'occasion de la voir. Etant donné que cette
11 décision contient juste une phrase, moi je vais en donner lecture.
12 Je cite-: "Au cours de la période des préparatifs de la prise de
13 l'adoption de la loi fédérale portant sécurité en RF de Yougoslavie, le
14 secteur de la sécurité d'Etat agira en accord avec les lignes directrices
15 du Président de la République et du Gouvernement de la République de
16 Serbie jusqu'à la date de son entrée en vigueur; et ceci en attendant que
17 la loi fédérale soit arrêtée en accord avec la constitution de l'arrêt de
18 Yougoslavie." (Fin de citation.)
19 Je n'ai pas lu la signature. La signature, c'est marqué: "le Président
20 Slobodan Milosevic".
21 Est-ce que d'après toi, de cette phrase on peut dire qu'on contourne une
22 loi ou, comme il l'avait dit -je cite-: "Que l'on contourne le ministre de
23 l'Intérieur Vlajko Stojiljkovic. Est-ce que l'on peut véritablement
24 conclure, d'après ces décisions, que l'on contourne le ministre de
25 l'Intérieur, Vlajko Stojiljkovic.
Page 8765
1 M. le Président (interprétation): Avant que vous ne répondiez, il convient
2 de consigner au compte rendu d'audience que l'accusé fait référence à la
3 pièce à conviction 277. Monsieur Markovic, vous pouvez répondre.
4 M. Markovic (interprétation): Ce qui est un fait c'est que Jovica Stanisic
5 ne soumettait aucun rapport au ministre de l'Intérieur, Vlajko
6 Stojiljkovic. Et ni lui-même ni aucun responsable de la sécurité de l'Etat
7 ne l'a fait pendant qu'il occupait son poste. Aucun d'entre eux ne
8 participait aux rencontres avec le ministre pendant que Vlajko
9 Stojiljkovic était ministre.
10 Question: Bien. Éclaircissons ce point. Cette décision a été adoptée le 21
11 avril 1997, c'est ce qui est écrit ici. Mais avant cela, je voudrais poser
12 ma deuxième question. Est-ce que c'était un fait que, pendant tout le
13 temps où Jovica Stanisic a été le chef de la DB jusqu'à la fin de
14 l'automne1998, il n'a participé à aucune réunion de ce genre?
15 Réponse: Non. Ceci n'a été le cas que pendant le temps où Vlajko
16 Stojiljkovic était ministre de l'Intérieur. Jusqu'à ce moment-là, il
17 participait régulièrement aux rencontres tenues dans le bureau du ministre
18 Zoran Sokolovac.
19 Question: Très bien. Mais partons du 21 avril ou de cette date
20 approximative; Stojiljkovic a été nommé à son poste avant cela. Mais est-
21 il vrai que, pendant tout ce temps, il n'a pas participé à aucune de ces
22 rencontres alors que Vlajko Stojiljkovic était ministre?
23 Réponse: Je pense qu'au début il participait à ces réunions, et ensuite, à
24 partir du moment où il a obtenu la possibilité de répondre directement
25 devant le président et le gouvernement serbe, il n'a plus participé aux
Page 8766
1 réunions du ministère; cela, j'en suis sûr.
2 Question: Donc, jusqu'au moment où ses fonctions sont arrivées à leur
3 terme, c'est bien cela?
4 Réponse: Oui, jusqu'à la fin, jusqu'à la fin de ses fonctions.
5 M. Milosevic (interprétation): Ceci a été adopté le 21 avril 1997 et moi,
6 j'ai cessé d'être président de la République de Serbie puisque je suis
7 devenu président de la RSFY cette même année. J'ai pris mes fonctions le
8 23 juillet de cette année. Je suppose que ceci constitue un fait qui n'est
9 pas contesté.
10 Par conséquent, compte tenu de cette décision -et je dis que la conclusion
11 qui est tirée de cette décision n'est pas la bonne-, selon cette décision,
12 il pouvait répondre directement devant moi depuis la fin du mois d'avril
13 et uniquement jusqu'au mois de juillet et pas après, parce que ce document
14 concerne les orientations relatives au président et au Gouvernement de la
15 République de Serbie et pas les orientations qui me concernent
16 personnellement. Il s'agit, ici, d'institution et pas de personne
17 individuelle.
18 M. le Président (interprétation): Vous avez présenté votre argument.
19 Monsieur Markovic, aidez-nous, si vous le voulez bien, sur le point
20 suivant: voyez-vous un objet quelconque à ce document? D'après vous, quel
21 est l'objet de ce document?
22 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, nous y viendrons, mais
23 permettez-moi de poursuivre mon contre-interrogatoire.
24 M. le Président (interprétation): Vous avez fait des discours et permettez
25 au témoin de répondre.
Page 8767
1 M. Markovic (interprétation): Ce que j'ai compris, c'est que le chef de la
2 sécurité d'Etat de l'époque, Jovica Stanisic, ne souhaitait pas
3 communiquer avec le ministre de l'Intérieur. Ces raisons résidaient sans
4 doute dans le fait que son expérience de l'époque était bien supérieure à
5 celle du ministre de l'Intérieur de l'époque.
6 A sa demande personnelle -selon ce que je sais, c'est lui qui me l'a dit-
7 il a reçu ce document et, de cette façon, il a obtenu la possibilité de
8 communiquer avec le président de la République directement ainsi que
9 directement avec le Gouvernement de la République de Serbie.
10 M. Milosevic (interprétation): Arrivons-en au cœur du document à présent
11 et au cœur de ce que tu as déclaré hier -je crois que c'était hier- au
12 cours de l'interrogatoire principal. Ou même peut-être avant-hier. Je ne
13 me souviens plus exactement puisqu'il y a eu sans arrêt des interruptions.
14 Il était question des préparatifs du vote d'une loi fédérale relative au
15 travail de la section de la sécurité d'Etat, n'est-ce pas?
16 Est-il exact que la procédure mise en œuvre pour voter une loi fédérale se
17 déroule de la façon suivante? A savoir qu'un organe compétent prépare,
18 élabore un projet. Après quoi le ministère compétent soumet ce projet de
19 texte au gouvernement, et s'il est question d'une loi fédérale, ce texte
20 est soumis au gouvernement fédéral. Après quoi, le gouvernement fédéral
21 adopte d'abord le projet après examen. Ensuite, il se tient une réunion du
22 gouvernement au cours de laquelle le projet de loi est étudié avant que ce
23 document ne soit soumis au parlement fédéral pour adoption. Est-ce, à peu
24 près, la procédure qui est suivie lors de l'adoption d'une loi fédérale?
25 Réponse: Oui, c'est bien la procédure qui est suivie en cas de vote d'une
Page 8768
1 loi.
2 Question: Dans ces conditions, peux-tu supposer… Prenons la question dans
3 le détail. Considères-tu que Jovica Stanisic était, en tout cas dans une
4 grande mesure, l'homme le plus compétent, le plus expérimenté s'agissant
5 des affaires de sécurité d'Etat à l'époque? Est-ce exact, oui ou non?
6 Réponse: Oui, c'est exact.
7 Question: Donc peux-tu supposer qu'il était bien à la tête de l'équipe qui
8 a travaillé, avec toute sa compétence, aux préparatifs nécessaires pour le
9 vote de cette loi?
10 Réponse: Oui. D'ailleurs, l'idée de faire voter cette loi émanait de lui.
11 Question: Es-tu au courant du fait que l'on considérait que, dans un grand
12 nombre de pays développés, ce genre d'acte de la part de la sécurité de
13 l'Etat ne se mène pas à bien dans les structures policières, mais il
14 existe des agences, des organes spécialisés de l'Etat qui sont chargés de
15 réaliser ce genre de travail?
16 Réponse: C'est ce qui a été proposé. Je vois qu'une loi de ce genre est
17 désormais votée.
18 Question: Es-tu au courant du fait qu'à l'époque où on travaillait à
19 l'aménagement de ce genre d'affaire dans le secteur de la sécurité
20 nationale, de la sécurité d'Etat, il existait un service de la sécurité
21 d'Etat en Serbie, un service de la sécurité d'Etat au Monténégro? Qu'il y
22 avait une administration chargée du renseignement et de l'état-major?
23 Qu'il y avait aussi une administration au sein de l'état-major qui
24 traitait de la sécurité? Et qu'il y avait aussi le ministre des Affaires
25 étrangères ainsi qu'un service spécial au sein de son ministère qui
Page 8769
1 traitait de ces questions de sécurité? Est-ce que tu es au courant de tout
2 cela?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Donc l'objectif consistait à éviter les rivalités, les jalousies
5 inter-services qui existent toujours dans ce genre de services. Des
6 services qui, par jalousie, ont tendance à garder par-devers eux un
7 certain nombre d'informations pour ne pas les remettre à un service
8 concurrent, etc. Donc est-ce bien l'objet qu'avait le vote de cette loi
9 fédérale: mettre un peu d'ordre dans tout cela?
10 Réponse: C'est cela.
11 Question: Donc, d'après toi, n'est-il pas tout à fait clair que ce que
12 souhaitait Stanisic, c'était ce que je qualifierais de "se défendre contre
13 toute influence extérieure dans la préparation de ce texte officiel" qui,
14 en tout état de cause, ne pouvait pas avoir un autre sort que celui que
15 j'ai décrit tout à l'heure, à savoir être soumis au Gouvernement pour être
16 confirmé comme projet de loi et, ensuite, être soumis au Parlement, etc.,
17 et que rien d'autre n'était visé, dans tout cela?
18 Réponse: Je ne peux que supposer que c'était là son souhait.
19 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais n'est-il pas y compris logique
20 qu'une personne qui considère et...
21 M. Nice (interprétation): Il doit y avoir une limite aux avantages
22 personnels que la personne qui mène l'interrogatoire peut tirer en se
23 fondant sur des hypothèses et des suppositions.
24 M. le Président (interprétation): C'est à la Chambre de première instance
25 qu'il appartient de déterminer la valeur qui sera accordée à cette
Page 8770
1 déposition qui est faite en grande partie par l'accusé.
2 Oui, Monsieur Milosevic, ce qui est vient d'être dit, c'est la chose
3 suivante: continuer à parler avec le témoin de choses qu'il ne connaît pas
4 réellement et lui poser des questions sur ces suppositions ou ces
5 hypothèses, ne peut être que d'une utilité assez réduite. Si vous voulez
6 continuer à témoigner sur ces questions et à interroger éventuellement
7 quelqu'un qui a des connaissances à ce sujet, vous pouvez le faire. Mais
8 ce que vous êtes en train de faire n'a que peu d'utilité pour la Chambre
9 de première instance.
10 Comme vous le savez, le temps est limité, donc vous pourriez souhaiter
11 l'utiliser de la manière la plus efficace qui soit.
12 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je l'utilise, Monsieur May. Mais
13 ce document a été soumis par M. Nice et il indique exactement ce que je
14 dis. Il indique que l'équipe, le groupe de personnes le plus compétent
15 pour préparer un projet de loi était dirigé par celui qui était le plus
16 expert en la matière. Et il était logique que cet homme ait la possibilité
17 de préparer un projet de loi à soumettre au Gouvernement et qu'il ne
18 subisse aucune pression, de quelque côté que cette pression puisse venir,
19 jusqu'à la totale élaboration de ce projet de texte. Donc cela ne
20 dépendait ni de moi ni de personne d'autre; cela dépendait du Gouvernement
21 et du Parlement, s'agissant de savoir quel serait le projet de texte
22 présenté et finalement adopté par le Parlement.
23 M. le Président (interprétation): Nous avons entendu vos arguments. C'est
24 une question discutable.
25 Le témoin ne peut que témoigner au sujet de ce qu'il sait personnellement
Page 8771
1 ou de ce qu'il a vu ou entendu personnellement. A moins que vous n'ayez
2 d'autres questions pertinentes sur ce sujet, je propose que vous passiez à
3 autre chose et que nous ne perdions pas notre temps.
4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, vous n'avez pas lancé un
5 quelconque avertissement à l'autre partie en lui parlant de gaspillage de
6 temps lorsqu'elle interrogeait le témoin au sujet des plaques
7 d'immatriculation sur un camion pendant dix minutes. Et vous m'avertissez,
8 lorsque je parle d'une décision tout à fait légitime et qui a un rapport
9 direct avec la réglementation intérieure d'un Etat souverain. Vous ne
10 pouvez même pas…
11 M. le Président (interprétation): Ce que vous dites est totalement faux;
12 il n'est pas question de dix minutes passées sur tel ou tel sujet. De
13 toute façon, ce n'est pas pertinent. Si vous souhaitez interroger le
14 témoin sur des questions auxquelles il peut répondre, bien sûr, ce
15 document est tout à fait important. Si vous avez des questions auxquelles
16 le témoin peut répondre en rapport avec ce document, posez-les, mais
17 cessez de lui soumettre des suppositions qui n'aident personne ici.
18 M. Milosevic (interprétation): La supposition ou plutôt les idées montées
19 de toutes pièces qui ont été imposées à ce témoin, ce qui ressort donc de
20 ce document, à savoir le fait que le ministre de l'Intérieur a été
21 contourné, est pertinent. Ce n'est pas ce que dit ce document.
22 On dit aussi que le droit a été contourné ici, dans ce prétoire; or, ce
23 n'est pas ce qui ressort de ce document.
24 M. le Président (interprétation): C'est à la Chambre de première instance
25 qu'il appartiendra de décider si quelque chose a été monté de toute pièce
Page 8772
1 à partir de ce document. Avançons.
2 M. Milosevic (interprétation): Y a-t-il eu des changements dans la méthode
3 de travail et dans le travail de la sécurité d'Etat? Je parle de l'époque
4 où j'étais Président et de l'époque ultérieure, quand j'ai quitté mes
5 fonctions de Président, c'est-à-dire après le coup d'Etat du 5 octobre.
6 Travailliez-vous de la même façon avant et après?
7 M. Markovic (interprétation): La sécurité publique fonctionnait de la même
8 façon. Quant à la sécurité d'Etat, je ne peux pas me prononcer, car je ne
9 sais pas comment elle fonctionnait à cette époque.
10 Question: Mais je te parle du fait que pendant un certain temps, tu as été
11 -y compris après le 5 octobre- chef de la sécurité d'Etat encore quelques
12 mois après, je ne sais plus exactement combien. As-tu modifié quelque
13 chose dans tes méthodes de travail, par rapport au moment où j'étais
14 Président? Quelque chose a-t-il été modifié dans tes méthodes de travail,
15 une fois que je n'étais plus Président, par rapport à la période
16 antérieure?
17 Réponse: Non, rien n'a été changé dans mes méthodes de travail. Le service
18 veillait à la sécurité de l'Etat et le service avait donc des obligations
19 qui étaient très précisément définies et prévues par la loi.
20 Question: Faisons maintenant une digression au sujet de cette
21 mystification relative au détachement des forces du ministère de
22 l'Intérieur auprès de l'armée. En fait, en temps de guerre, précisément en
23 raison de l'existence du principe d'un commandement unifié, la police est
24 détachée auprès de l'armée; est-ce exact ou pas?
25 Réponse: C'est exact.
Page 8773
1 Question: Est-il exact que la déclaration de l'état de guerre entraîne le
2 fait que le quartier général de l'armée yougoslave devient le quartier
3 général du commandement suprême? Est-ce exact?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Est-il exact que l'état-major du commandement suprême et du
6 commandement de guerre, en cas de situation de guerre, recouvre toutes les
7 forces armées et pas seulement l'armée? A savoir, donc, l'armée, la police
8 et toute autre personne portant une arme?
9 Réponse: C'est exact.
10 M. Milosevic (interprétation): Je ne vais pas vous soumettre, Monsieur
11 May, la directive du quartier général du commandement suprême parce que
12 j'en ai encore besoin pour des raisons très importantes, mais je vais vous
13 soumettre la signature du commandement suprême du chef d'état-major, donc
14 de ce commandement suprême, pour qu'il n'y ait pas d'erreur et qu'on voie
15 bien que le document en question est bien signé par le chef d'état-major
16 du commandement suprême et que je ne suis pas cette personne.
17 M. Nice (interprétation): Je ne suis pas sûr que l'accusé ne souhaite pas,
18 en ce moment, poursuivre son contre-interrogatoire sur un document que
19 nous n'avons pas en notre possession, qui n'a pas fait partie des
20 documents communiqués.
21 En tout cas, s'il a un document entre les mains, il faudrait qu'il soit
22 soumis et montré aux Juges de cette Chambre.
23 M. le Président (interprétation): Voyons de quoi il est question.
24 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
25 M. Milosevic (interprétation): C'est ce que j'essaie de dire. Hier, M.
Page 8774
1 Nice a présenté un document dans ce prétoire qui fait état d'un ordre du
2 général Pavkovic relatif au détachement des forces de police par rapport à
3 certaines structures de l'armée sur le terrain. Mais je dis que cet ordre
4 du général Pavkovic repose sur un ordre émanant de l'état-major du
5 commandement suprême et, dans ce cadre, du commandement de la 3e Armée
6 dirigée par le général Pavkovic.
7 On a déjà dit que les forces de défense civile sont mises sous le
8 commandement de la 3e Armée et utilisées exclusivement sur la base de
9 cette décision. Donc, il est clair, comme cela a été dit il y a quelques
10 instants, que c'est une procédure tout à fait légale.
11 M. le Président (interprétation): Quelle est la date de ce document?
12 M. Milosevic (interprétation): 9 avril 1999.
13 M. le Président (interprétation): Et vous allez nous le soumettre en temps
14 utile?
15 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr, je le ferai, mais j'en ai encore
16 besoin pour interroger un autre témoin, pour lequel ceux qui prétendent
17 ici jouer le rôle d'accusation m'avaient dit qu'il serait entendu avant ce
18 témoin, alors que l'ordre des témoins a ensuite été inversé. J'ai -je
19 suppose- le droit de ne pas divulguer ce texte immédiatement si je ne
20 souhaite pas le faire.
21 M. le Président (interprétation): Mais, pour qu'il y ait un certain ordre
22 dans ce procès, il faudra que vous communiquiez ce texte avant que nous
23 suspendions l'examen, la soumission des éléments de preuve relatifs au
24 Kosovo, ou que vous en communiquiez un exemplaire au Procureur. L'une ou
25 l'autre des deux solutions peut être appliquée.
Page 8775
1 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr, je soumettrai ce texte avant la
2 fin de la partie Kosovo de ce procès. Monsieur, ne vous inquiétez pas.
3 Mais, avant cela, je souhaiterais discuter de certaines allégations avec
4 un autre témoin qui est censé être entendu ici. J'espère qu'il le sera en
5 tout cas, à moins que le Procureur ne renonce à l'entendre.
6 Monsieur Markovic, faisons la clarté sur un certain point. Radomir, le
7 représentant de l'accusation t'a interrogé ici personnellement. Selon les
8 lignes suivantes, à en juger par mes notes, il t'a été demandé si la
9 sécurité d'Etat était financée par l'Etat, par des sources officielles de
10 l'Etat ou par un autre biais.
11 Et, ensuite, des explications ont été fournies par toi quant au fait que
12 le budget était approuvé de telle et telle manière, etc., que ce budget ne
13 disposait pas des fonds nécessaires et que certains moyens financiers
14 venaient de l'administration des douanes fédérales.
15 Est-il contesté que les moyens financiers recueillis par l'administration,
16 recueillis à partir de l'administration fédérale des douanes, étaient
17 également des moyens officiels de l'Etat, que ce n'étaient pas des moyens
18 financiers hors sources gouvernementales?
19 M. Markovic (interprétation): C'étaient des finances gouvernementales
20 officielles.
21 Question: Est-il contesté qu'à tout moment, des relations tout à fait
22 officielles liaient l'administration des douanes et les services du
23 ministère de l'Intérieur qui utilisaient les moyens financiers émanant des
24 douanes selon un plan explicité et élaboré au préalable? Est-ce exact, oui
25 ou non?
Page 8776
1 Réponse: C'est ce que j'ai dit.
2 Question: Oui mais l'accusation tente, à partir de ce fait, de dire qu'il
3 y a eu une espèce de médiation de la part de mon frère pour l'achat de je
4 ne sais quel hélicoptère. Est-ce que c'est mon frère, en tant que frère,
5 qui a fait cela ou est-ce qu'il l'a fait en raison des fonctions
6 officielles qui étaient les siennes et des demandes émanant tout à fait
7 officiellement du service?
8 Réponse: Il l'a fait pour répondre au service auquel il appartenait. C'est
9 donc son service qui le lui a demandé.
10 Question: Mais sais-tu que dès les années 70 mon frère servait de
11 conseiller à l'ambassadeur à Moscou?
12 Réponse: Non. Lorsque j'ai fait sa connaissance, il était déjà
13 ambassadeur.
14 Question: Mais sais-tu qu'après les années 70 il était conseiller auprès
15 de l'ambassadeur de Moscou. Réponds par "oui" ou "non", ce n'est pas
16 important, si tu le sais?
17 Réponse: Non.
18 Question: Sais-tu que, vers la fin des années 1980, il a été ambassadeur
19 de l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie en Algérie?
20 Sais-tu qu'il a également effectué un mandat en Algérie?
21 Réponse: Non, je ne le connais qu'à partir du moment où il était
22 ambassadeur en Russie.
23 Question: Sais-tu qu'avant cela, il a vécu à Moscou et qu'avant cela
24 encore, il a vécu à Paris, etc.? Je te demande la chose suivante: est-ce
25 que c'est par mon intermédiaire que le service communiquait avec nos
Page 8777
1 ambassadeurs à Moscou ou est-ce que le service s'adressait officiellement
2 à lui? Par exemple, est-ce que tu communiquais avec lui en passant par moi
3 ou est-ce que tu avais des contacts directs avec lui?
4 Réponse: Non, la communication était directe parce que c'était une méthode
5 héritée, qui existait, qui était déjà appliquée avant moi. Et Borislav
6 Milosevic s'occupait également d'autres affaires avant cela, en dehors de
7 ses tâches d'ambassadeur. C'était un homme qui, compte tenu de ses
8 relations nombreuses, pouvait être très utile pour obtenir ce dont nous
9 avions besoin.
10 Question: Bien. A-t-il aidé le service pour satisfaire les besoins de ce
11 service et donc permettre l'acquisition de certains équipements?
12 Réponse: Oui, il a aidé le service.
13 Question: Compte tenu de ce qui peut être lu entre les lignes, je te
14 demande si qui que ce soit a jamais été informé du fait qu'il aurait pris
15 de l'argent pour ses services?
16 Réponse: Non. Il s'est contenté de rendre possible des contacts qui ont
17 permis au service du ministère de l'Intérieur d'accomplir son travail.
18 Question: Donc, il a utilisé le fait qu'il était bien connu, qu'il avait
19 des relations pour permettre aux membres de ton ministère de faire ce
20 qu'il y avait à faire?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Et as-tu jamais été informé du fait que lui en personne, ou l'un
23 quelconque des hommes qui travaillaient pour lui, a reçu de l'argent pour
24 rendre ce service si on peut l'appeler ainsi?
25 Réponse: Non. Le service de la sécurité d'Etat n'a jamais conclu aucun
Page 8778
1 contrat commercial, c'était l'affaire du département financier du
2 ministère de l'Intérieur et je n'ai jamais été informé de ce genre de
3 chose.
4 Question: Hier, tu as mentionné Borka Vucic. Je ne tiens pas à faire
5 objection sur ce sujet. Mais la façon dont la partie adverse présente
6 cette personne, en la présentant comme quelqu'un de douteux qui aurait
7 permis des transactions douteuses, me pousse à te demander si tu es au
8 courant du fait que Borka Vucic était la directrice de la plus grande
9 banque yougoslave, à savoir la banque répondant au nom de Beogradska
10 Banka.
11 Réponse: J'ai parlé de Mme Vucic en disant qu'elle était une femme très
12 compétente en matière bancaire et financière. Et j'ai dit que, compte tenu
13 de son expérience, c'est par l'intermédiaire de sa banque qu'il avait été
14 décidé de mener ces transactions car c'était la banque la plus compétente
15 et la plus expérimentée.
16 Question: Es-tu au courant du fait que Borka Vucic travaille depuis
17 plusieurs décennies dans le domaine des questions financières, de la
18 finance, et qu'elle est connue pratiquement de tous les plus hauts
19 dirigeants du monde bancaire et financier du monde international?
20 Réponse: J'ai entendu parler souvent des qualités professionnelles de Mme
21 Vucic. Je ne la connaissais pas personnellement, mais il me semble qu'elle
22 est connue en tant que banquière à l'étranger également, partout dans le
23 monde.
24 Question: Toute transaction devait passer de manière légale par la banque,
25 compte tenu des règlements régissant le fonctionnement des banques, n'est-
Page 8779
1 ce pas vrai?
2 Réponse: Compte tenu du fait qu'il s'agissait du ministère de l'Intérieur,
3 je suis certain que toutes les transactions ont dû se dérouler
4 conformément à la loi.
5 M. Milosevic (interprétation): Un instant, je souhaite consulter mes
6 documents.
7 M. le Président (interprétation): En attendant, nous suspendrons. Il est
8 temps de faire une suspension de 20 minutes.
9 Je vous prie, Monsieur, de revenir après la pause.
10 M. Nice (interprétation): Pour savoir ce qu'il en est du reste de la
11 journée, le contre-interrogatoire d'un témoin de ce genre, eh bien, a déjà
12 pris plus longtemps que l'interrogatoire principal. Il y aura donc un
13 nombre considérable de questions supplémentaires.
14 M. le Président (interprétation): Combien de temps vous faudra-t-il?
15 M. Nice (interprétation): Au moins 15 minutes, mais peut-être plus.
16 M. le Président (interprétation): Très bien.
17 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)
18 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 40.)
19 M. le Président (interprétation): Vous avez encore une demi-heure,
20 Monsieur Milosevic.
21 M. Milosevic (interprétation): C'est ce que je voulais vous dire, Monsieur
22 May: étant donné que j'ai appris que les amis de la Chambre souhaitent
23 profiter d'un quart d'heure et que M. Nice également souhaite lui-même
24 avoir un quart d'heure, moi, je vais réduire mon contre-interrogatoire
25 pour leur rendre possible, justement, d'intervenir. C'est ce que je
Page 8780
1 voulais vous dire, Monsieur le Président, à la fin, au moment où vous avez
2 dit que je pouvais, après la pause, dire ce que j'avais à dire.
3 C'est la raison pour laquelle je vais réduire mes questions à quelques-
4 unes et, notamment, je vais me référer à ce qui a déjà été soulevé par
5 l'autre partie.
6 Radomir, hier ou avant-hier, je ne me souviens pas exactement, la deuxième
7 partie avait cité une soi-disant déclaration que tu avais faite sur mon
8 épouse qui aurait souhaité exercer une influence sur le service. Et ceci
9 est mis en corrélation avec Uros Suvakovic comme fonctionnaire dans le
10 service. A ce propos, j'aimerais te poser quelques questions.
11 Est-il exact que Uros Suvakovic n'était pas membre de la Gauche
12 yougoslave, mais membre du Parti socialiste de Serbie?
13 M. Markovic (interprétation): Suvakovic était membre du Parti socialiste
14 de Serbie.
15 Question: Est-ce qu'il a été nommé par la décision du ministre de
16 l'Intérieur au poste qui a été le sien?
17 Réponse: Oui, c'est la décision du ministre de l'Intérieur qui l'avait
18 nommé à ce poste.
19 Question: Est-il exact de dire que, même à ce poste où il a été nommé,
20 Uros Suvakovic n'avait pas pour mission des services de renseignements ou
21 de contre-espionnage, mais il était un scientifique jeune, un sociologue
22 et il s'occupait des questions de caractère général, de la situation
23 socio-politique et de la sécurité?
24 Réponse: Il a fait des analyses dans le secteur de la sécurité d'Etat.
25 Question: Merci. Hier, l'autre partie a versé un autre document, c'est un
Page 8781
1 ordre du général Pavkovic, commandement de la 3e Armée, du 8 mai 1999. Il
2 s'agit de cet ordre de détachement, à savoir l'ordre de détachement du MUP
3 à la VJ qui a été arrêté un mois auparavant.
4 Est-ce qu'il en ressort clairement que cet ordre du commandant de la 3e
5 Armée s'appuie totalement sur l'ordre de l'état-major et de son quartier
6 général, étant donné qu'il date du 8 mai 1999?
7 Réponse: Oui. Hier, j'ai déjà dit que je suppose que son ordre s'appuie
8 sur l'ordre de l'état-major suprême.
9 Question: Et on peut sous-entendre -ce que je ne conteste aucunement- que
10 l'ordre qui a été signé par le chef de l'état-major suprême suppose
11 également qu'il y a eu mon consentement? Je pense que ceci est clair.
12 Réponse: Oui, ceci est sous-entendu également.
13 Question: Est-ce que toi, tu connais –j'ai cité quelques ordres seulement-
14 des ordres du commandement de l'état-major suprême qui auraient été
15 opposés aux règles du droit de la guerre, des Conventions de Genève, ou la
16 procédure à entreprendre et l'appliquer en fonction de la législation en
17 vigueur concernant les forces armées ou l'armée tout court?
18 Réponse: Non, je ne connais pas de tels types d'ordres. Je suis sûr que de
19 tels ordres n'existaient pas.
20 Question: Ici, on avait parlé d'un certain nombre de centres pour
21 l'entraînement des volontaires. Est-il exact de dire que ni toi ni le
22 service vous n'avez pu disposer des informations ou des données sur le
23 rôle de la direction de la Serbie ou de mon propre rôle dans la mise en
24 place et l'entretien des centres pour l'entraînement? Est-ce que c'est
25 exact ou non?
Page 8782
1 Réponse: Moi, je n'ai jamais eu de telles informations pendant que j'ai
2 été chef de la section de la sécurité d'Etat; il n'y avait pas de tel
3 centre.
4 Question: Mais nous avons oublié de dire quelque chose quand on a parlé de
5 ce fameux terme d'"assainissement". Est-il exact de dire qu'il y avait une
6 directive officielle concernant l'assainissement et qui comprenait tous
7 les éléments que tu as énumérés avec un certain nombre d'autres éléments
8 qui ont été stipulés par cette directive?
9 Réponse: Moi, je ne sais pas s'il y avait de telles directives, mais c'est
10 l'armée yougoslave qui s'en occupait. Je pense qu'il y avait de telles
11 consignes, de telles instructions. C'est probablement le général Lazarevic
12 qui avait signé de telles instructions.
13 Question: Et quand, à quel moment pour la première fois, toi, tu avais
14 entendu parler d'un quelconque transport des cadavres à l'intérieur de
15 Serbie?
16 Réponse: Je l'ai lu dans la presse et je l'ai lu lorsque j'étais en
17 prison.
18 Question: Par conséquent, tu ne connaissais strictement rien sur cette
19 affaire pendant que tu te trouvais à la tête du service de sécurité de
20 l'Etat, alors que je suppose que tu aurais dû quand même savoir quelque
21 chose à ce sujet là? Est-ce que c'est exact ou non?
22 Réponse: Mais je n'ai rien su à ce propos.
23 Question: Mais étant donné que tu avais occupé des postes d'importance à
24 la police, as-tu entendu parler d'un plan quelconque -que ce soit le mien,
25 ou de quelqu'un d'autre- au sein de la direction de Yougoslavie ou de la
Page 8783
1 Serbie, de mettre en place l'armée serbe en dehors du territoire de
2 Yougoslavie, ou au sein du territoire de la Yougoslavie? Est-ce que tu as
3 entendu parler d'un plan d'un tel type?
4 Réponse: Moi, je n'ai jamais entendu parler d'un plan comme cela.
5 Question: Ici, on parle de l'importance du ministère de la Défense de
6 Serbie et, notamment pour ce qui concerne la Croatie, étant donné que tu
7 as occupé des postes importants à la police et ensuite au service de
8 sécurité d'Etat; tu pouvais accéder aux documents les plus confidentiels.
9 Est-ce que le ministère de la Défense de la République de Serbie avait
10 joué un rôle quand il s'agissait de la Croatie ou de la guerre en Croatie?
11 Réponse: Moi, je ne suis pas au courant.
12 Question: Et encore une autre question. Est-ce que UCK est la désignation
13 d'une organisation terroriste qui avait tout simplement pris cette
14 désignation pour donner un prétexte auprès de la communauté internationale
15 pour qu'ils les traitent comme un mouvement de libération et pas comme des
16 terroristes?
17 Réponse: C'est exact.
18 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai plus de question, Monsieur May.
19 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Radomir
20 Markovic.)
21 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Merci,
22 Messieurs les Juges.
23 Monsieur Markovic, j'aimerais vous poser quelques questions pour que l'on
24 puisse éclaircir la pièce à conviction qui a été versée ici sous la cote
25 283. Il s'agit de votre déclaration du 2 juin 2002.
Page 8784
1 M. Markovic (interprétation): Pouvez-vous me la répéter?
2 M. Tapuskovic (interprétation): Il s'agit de la déclaration où il est dit
3 que vous avez parlé de la population civile qui aurait pu éventuellement
4 faire l'objet des enquêtes du Tribunal de La Haye, comme ceci vous a été
5 expliqué par le Procureur Nice. Il s'agit, par conséquent, de la
6 déclaration, de votre déclaration du 2 juin 2002.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Ne la lisez pas.
9 M. Kwon (interprétation): 2001.
10 M. Tapuskovic (interprétation): C'est justement ce que je veux poser comme
11 question, car, dans le texte imprimé de votre déclaration, il est marqué
12 que vous avez donné ces déclarations le 2 juin 2001, alors que vous avez
13 signé et vous avez mis "2 juin 2002". En général, il n'y a pas de date qui
14 figure en dessous de la signature si cette signature a déjà été écrite.
15 M. Markovic (interprétation): C'est une déclaration qui a été rédigée.
16 Question: Quand est-ce qu'elle a été rédigée?
17 Réponse: Excusez-moi, mais là, maintenant, je m'y perds. J'ai été arrêté
18 en 2001.
19 Question: Oui. Mais quand?
20 Réponse: En février. Par conséquent, il s'agit de 2001.
21 Question: Et quand est-ce que cette déclaration vous a été rédigée? Quand
22 est-ce qu'elle vous a été apportée?
23 Réponse: En 2001.
24 Question: Mais pourquoi avez-vous marqué "2 juin 2002"?
25 Réponse: C'est au milieu, mais sur la première page c'est marqué "2001",
Page 8785
1 ensuite, deuxième page: "2002" et ensuite, dernière page: "2001".
2 Question: Mais, pour moi, c'était 2002 et pas 2001. Mais ce n'est pas le
3 plus important. Ce qui m'intéresse, c'est une déclaration qui a été
4 rédigée dans ce format, n'est-ce pas?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Mais on ne vous a pas interrogé d'abord et, ensuite, on a rédigé
7 la déclaration?
8 Réponse: Mais on avait plusieurs entretiens. Au cours d'un certain nombre
9 d'entretiens, nous avons rédigé le rapport et puis, vu le temps limité
10 pour un certain nombre de personnes qui pouvaient s'entretenir avec moi,
11 c'est sur la base de notes qu'elles prenaient. Il s'agissait, par
12 conséquent, des gens qui travaillaient au service de la sécurité d'Etat,
13 c'est sur la base de ces notes que l'on avait rédigé la déclaration et
14 qu'on me l'a donnée pour la signer.
15 Question: Est-ce que c'était en fonction de ce que disait M. Milosevic?
16 Est-ce que l'on vous a promis quelque chose à ce moment-là?
17 Réponse: Au moment où j'ai signé cette déclaration, on ne m'a pas encore
18 promis quoi que ce soit. C'était encore les entretiens que j'avais avec un
19 fonctionnaire du service de la sécurité d'Etat. C'était une information;
20 ce n'était pas véritablement une déclaration que l'on avait rédigée.
21 C'était un entretien à titre d'information. Ils voulaient tout simplement
22 que je les aide, que j'approfondisse les connaissances qu'ils avaient. Ce
23 que je savais, je l'ai déjà dit, je les ai également dirigés vers les gens
24 qui étaient plus au courant que moi-même. Moi j'ai dit ce que j'ai entendu
25 dire et je les ai donc acheminés, dirigés vers les gens qui travaillaient
Page 8786
1 là-dessus.
2 Question: Je n'ai pas beaucoup de temps mais je voulais tout simplement
3 savoir si ces déclarations auraient pu être prises auprès de vous dans ces
4 conditions et en vertu de la législation en vigueur en Yougoslavie? Est-ce
5 qu'elles auraient pu être prises de cette manière-là?
6 Réponse: Oui, elles auraient pu être prises en vertu de la législation en
7 vigueur.
8 Question: Merci. Ensuite, j'aimerais vous poser la question suivante.
9 Vous nous avez dit que toutes les formations paramilitaires dans le
10 territoire du Kosovo étaient sous le commandement de la VJ, de l'armée
11 yougoslave?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Est-ce que vous savez qu'il y avait des patrouilles armées
14 serbes dans les villages qui défendaient leurs propres foyers? Est-ce que
15 vous savez qu'il y avait beaucoup de tels types de patrouilles? Est-ce que
16 vous êtes au courant? Et en quel nombre étaient-ils?
17 Réponse: Je ne sais pas. Moi, je n'ai pas été au Kosovo. Pas du tout. Donc
18 je ne sais s'il y avait de telles patrouilles; je peux supposer que de
19 telles patrouilles existaient. Mais je ne vois pas pourquoi ils ne
20 seraient pas rattachés à l'armée ou au ministère de l'Intérieur étant
21 donné que les citoyens serbes ou les citoyens albanais n'étaient pas
22 laissés à s'en occuper eux-mêmes de ces choses-là.
23 Question: Vous avez pris la fonction au service de l'Etat, de sécurité
24 d'Etat au mois d'octobre 1998?
25 Réponse: Non, novembre 1998.
Page 8787
1 Question: Est-ce que vous aviez une information concernant le nombre des
2 effectifs de l'UCK et, ultérieurement, est-ce que vous avez appris
3 jusqu'au début du bombardement combien ces effectifs représentaient? Est-
4 ce qu'il y avait une évolution?
5 Réponse: De toutes façons, ce nombre a été réduit car il y avait un bon
6 nombre de terroristes à un moment donné. Puis ceci a été réduit. Ensuite,
7 ce nombre a augmenté car le terrorisme a pris de l'élan et puis ils se
8 sont appelés "Armée de libération".
9 Question: Mais est-ce que vous savez: au moment du bombardement, quand les
10 bombardements ont commencé, ils étaient combien?
11 Réponse: Non, je n'ai pas toutes les données. C'est très difficile que de
12 vous le dire, mais il va sans dire qu'ils étaient entre 10 et 20.000.
13 Question: Merci. Hier, le Procureur, M. Nice, vous a demandé un certain
14 nombre de choses qui concernaient les moyens qu'on prélevait pour acquérir
15 l'équipement, les véhicules, donc tout ce qu'on prélevait sur le budget
16 pour pouvoir donc acheter l'équipement, les armes, les véhicules. Il a été
17 dit également que vous-même vous avez organisé les unités spéciales de la
18 police. Est-ce que tout ce qui a été entrepris a été fait à cause des
19 problèmes qui existaient avec les terroristes? Vous, vous avez utilisé ce
20 terme, donc le problème du terrorisme au Kosovo, donc est-ce que c'est à
21 cause de cela que tout ceci a été entrepris?
22 Réponse: Mais absolument. Les unités spéciales s'appelaient les "Unités
23 spéciales antiterroristes". Elles sont utilisées pour la prévention et
24 luttent contre le terrorisme. C'est la raison pour laquelle notre secteur
25 également, notre service avait cette unité.
Page 8788
1 Question: Le Procureur Nice, hier vous a soumis deux documents: l'un qui a
2 été présenté sous la cote 280 et l'autre 281. Il s'agit des ordres qui ont
3 été délivrés et qui concernent les activités terroristes. Est-ce que
4 toutes les décisions que vous avez eu l'occasion de voir étaient toujours
5 liées aux activités concernant les actions terroristes et la nécessité de
6 paralyser ces actions qui étaient entreprises par les terroristes?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Est-ce que ceci était le cas jusqu'au 24 mars 1999?
9 Réponse: Oui, c'était exactement comme cela. Eh bien, à ce moment-là le
10 bombardement de l'OTAN commence, les bâtiments et l'infrastructure civile
11 commencent(sic), les axes routiers, les victimes civiles. Est-ce qu'à ce
12 moment-là, avec le bombardement de l'OTAN, est-ce que vous avez des
13 priorités? Qu'est-ce qui était le plus important à ce moment-là pour vous?
14 Quelles sont les démarches que vous avez entreprises?
15 Réponse: Mais je vous répète, une fois de plus, que pendant les
16 bombardements et même avant, je ne me suis jamais rendu au Kosovo, mais
17 les priorités étaient de protéger les vies de tous les citoyens au Kosovo,
18 que ce soient les membres de l'armée yougoslave, du ministère de
19 l'Intérieur, de la population serbe, de la population albanaise. C'était
20 cela les priorités: de faire face à de tels types de combats. Mais, de
21 toutes façons, ce n'était pas possible non plus.
22 Question: Mais est-ce que vous avez entendu que le 24 mars, on avait mis
23 en place un plan et qu'il fallait commencer des actions contre la
24 population civile, alors que vous aviez des problèmes déjà avec des
25 terroristes d'un côté, avec les bombardements de l'autre?
Page 8789
1 Réponse: Je n'ai jamais entendu parler de l'existence d'un tel plan.
2 Question: Merci. Pourriez-vous nous dire maintenant si vous étiez au
3 courant du fait que la population albanaise… au Kosovo, il y avait
4 quelques tracts qui avaient été jetés à l'intention des citoyens pour que
5 la population quitte le territoire. C'est Ibrahim Rugova, de toutes
6 façons, qui nous a montré ce tract.
7 Réponse: J'ai entendu dire qu'il y avait des tracts qui ont été jetés,
8 mais je ne peux pas vous parler de la teneur de ces tracts.
9 Question: Merci. Ce qui m'intéresse –mais, de toutes façons, vous en avez
10 déjà parlé- c'est que la population albanaise se déplaçait déjà à cause
11 des problèmes qui étaient liés à cause des conflits, entre l'UCK, l'armée
12 et la police. Est-ce que les Serbes également quittaient de plus en plus
13 le Kosovo, quittaient leur foyer, se rendaient en Serbie ou ailleurs à
14 cause de tous ces problèmes, et au cours de cette période?
15 Réponse: Oui, les Serbes quittaient le Kosovo, c'était la menace des
16 terroristes, c'était l'absence de sécurité. Et les gens tout simplement ne
17 se sentaient pas en sécurité dans leur foyer. Ensuite, ils ont été
18 expulsés de la part des Albanais, pas uniquement de la part des
19 terroristes, mais par leurs premiers voisins. Il arrivait qu'ils soient
20 expulsés, qu'on leur demande de quitter les lieux. Certes, ce n'était pas
21 le cas partout. Il y avait d'autres exemples mais, malheureusement, ces
22 exemples sont plus rares.
23 Question: Et est-ce que ceci s'est passé au cours de toute cette période
24 de dix ans? Etant donné que vous avez travaillé longtemps dans la police,
25 est-ce que vous savez que ceci était le cas déjà dans les années 80? Et si
Page 8790
1 vous pouvez nous dire quelque chose à ce sujet-là, ce serait bien.
2 Réponse: Moi, je n'ai pas eu à m'occuper, dans la police, de ces
3 problèmes. Moi, je connaissais les problèmes, comme tout autre citoyen du
4 pays.
5 Question: Pendant que vous avez exercé vos fonctions comme quelqu'un qui
6 était à la tête de la DB, est-ce vous étiez au courant qu'il y avait des
7 Albanais d'Albanie, en masse, qui se rendaient au Kosovo et s'y
8 installaient?
9 Réponse: Oui, on avait de telles informations. En ce qui concerne
10 l'immigration, il y avait des hommes et des armes qui passaient la
11 frontière.
12 Question: Monsieur Markovic, j'aimerais vous poser encore quelques autres
13 questions concernant les bombardements. Hier, on vous avait soumis à
14 plusieurs reprises cette pièce à conviction 281, il s'agit de l'aperçu
15 concernant la sécurité; et ceci, au cours d'une seule journée. Vous l'avez
16 vu, n'est-ce pas, cet aperçu?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Je ne sais pas si vous avez vu mais moi, je peux vous en donner
19 lecture.
20 Par exemple, le 26, il est dit que "les bombes de l'OTAN ont touché
21 l'aqueduc, ensuite, deux projectiles, le centre de liaison de l'armée de
22 Yougoslavie. Ensuite, il y avait également un incendie qui avait pris
23 beaucoup d'autres bâtiments et, lors de cet incendie, il y a Purti Shefqet
24 (phon.), Ferizi Avni (phon.), les deux de Djakovica, qui ont été
25 victimes".
Page 8791
1 Est-ce que vous savez comment ces bombardements se sont reflétés sur la
2 population? Est-ce que c'est la population albanaise qui en a souffert le
3 plus?
4 Réponse: Oui, mais ils étaient les plus nombreux et ce sont eux qui ont
5 été des victimes, dans le plus grand nombre de cas. Parce que, vous savez,
6 les bombes ne font pas le choix entre ceux qui sont des Albanais ou des
7 Serbes et comme ils étaient les plus nombreux, c'est de cette manière-là
8 que le plus grand nombre d'Albanais avaient été des victimes. C'est le
9 Kosovo qui a été le plus bombardé et les destructions étaient les plus
10 grandes.
11 Question: Mais pouvez-vous nous dire comment se comportait le peuple, non
12 seulement au Kosovo, mais dans l'ensemble du territoire de Serbie? Est-ce
13 que le peuple quittait le pays, se dirigeait dans les directions
14 différentes; je parle non seulement de la population du Kosovo, mais dans
15 d'autres parties de la Serbie? Est-ce que vous savez comment il se
16 comportait?
17 Réponse: Certes, les bombardements au Kosovo ont fait partir une bonne
18 partie de la population, que ce soient les Serbes ou les Albanais. Les
19 Albanais étaient une population majoritaire, par conséquent, ils étaient
20 plus nombreux à avoir quitté le Kosovo. En Serbie, on n'avait pas ressenti
21 cela; il y avait un certain nombre d'individus qui ont quitté le pays pour
22 sauver leur famille, leurs enfants. Mais, en Serbie, on ne l'a pas
23 véritablement ressenti; on ne peut pas parler de mouvements de migration.
24 Question: Et en Hongrie?
25 Réponse: Non, pas en nombre très important. On ne pourrait pas dire
Page 8792
1 véritablement qu'il y avait des migrations organisées à cause des
2 bombardements. Sur le plan individuel, oui.
3 Question: Et est-ce que vous pouvez nous dire autre chose? Est-ce que vous
4 vous êtes intéressé aux armes qui ont été utilisées? Est-ce qu'il y avait
5 des bombes à fragmentation et est-ce qu'on avait également jeté de
6 l'uranium appauvri?
7 Réponse: Oui, on avait les deux, donc deux informations. On avait
8 effectivement jeté des bombes à fragmentation qui n'ont pas été activées,
9 en partie; un certain nombre de nos techniciens, pyrotechniciens ont été
10 des victimes parce qu'ils ont rassemblé ces bombes à fragmentation pour
11 les réactiver. Par la suite, notre service a disposé de l'information
12 également qu'on avait utilisé des projectiles et des armes dans la
13 composition desquelles se trouvait également de l'uranium appauvri.
14 M. Tapuskovic (interprétation): Mais est-ce qu'on pouvait continuer la vie
15 au Kosovo et en Serbie après tout ce qui s'était passé? Vous pouvez ne pas
16 répondre à ma question, si vous ne voulez pas.
17 M. le Président (interprétation): Mais ça, ce n'est pas la question,
18 Monsieur Tapuskovic.
19 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. C'est tout.
20 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Radomir Markovic,
21 par M. Nice.)
22 M. Nice (interprétation): Monsieur Markovic, l'accusé vous a décrit comme
23 quelqu'un qui était le mieux informé en Serbie, quelque chose comme ça. Et
24 puis, il vous a posé toute une série de questions. Et je pense qu'il
25 s'adressait à vous de manière tout à fait informelle; il vous a tutoyé,
Page 8793
1 alors que vous, vous avez répondu avec tout le respect. Et vous étiez en
2 mesure de donner des réponses pratiquement à toutes les questions qu'il
3 vous a posées. Est-ce que c'est exact?
4 M. Markovic (interprétation): Oui. Et puis, c'est une communication qui
5 est normale entre moi-même et M. Milosevic; moi, je m'adressais à lui en
6 le vouvoyant et lui, il s'est toujours adressé de la même façon, comme il
7 s'est adressé à moi aujourd'hui dans ce prétoire.
8 Question: En tant que l'une des personnes les mieux informées en Serbie,
9 pourriez-vous nous aider, s'il vous plaît?
10 Nous avons entendu des dépositions, ici. On a trouvé des corps à
11 Batajnica, près d'une base appartenant aux forces spéciales. Et il y a des
12 éléments qui, en se fondant sur des arguments scientifiques, nous
13 permettent d'en conclure que ces corps proviennent de Suva Reka, au
14 Kosovo.
15 Pouvez-vous nous expliquer, compte tenu de votre expérience et de vos
16 connaissances, si vous étiez au courant ou… Comment se fait-il que vous
17 n'étiez pas au courant, si tel n'était pas le cas, de cela?
18 Réponse: Eh bien, je suppose que cela s'est produit avant que je ne vienne
19 au poste de chef de ce service car, autrement, j'en aurais
20 vraisemblablement été informé. Je dois dire que je l'ai appris au moment
21 où j'étais déjà en prison.
22 Question: On vous a posé des questions au sujet de la pièce 283. Il s'agit
23 d'une déclaration au sujet de laquelle on vous a posé des questions.
24 Monsieur Tapuskovic vous a également interrogé à ce sujet.
25 Pour préciser un point qui a préoccupé M. Tapuskovic, lorsqu'on se reporte
Page 8794
1 à la signature, on voit le chiffre et, de la manière dont vous l'écrivez,
2 le chiffre "1" correspond beaucoup -dans votre écriture- au chiffre "2",
3 n'est-ce pas? Mais il est, en fait, tracé d'une manière différente. Il n'y
4 a aucun doute, n'est-ce pas, au sujet de cette date? C'est bien le 2 juin
5 2001?
6 Réponse: C'est cela.
7 Question: Je vous prie de vous reporter à la dernière page. J'aimerais
8 aussi que l'huissier place la troisième feuille de ce document en version
9 serbe sur le rétroprojecteur pour que nous puissions bien voir la
10 signature.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 Le rétroprojecteur, s'il vous plaît.
13 Il est exact, n'est-ce pas, que cette déclaration que nous voyons se
14 termine par les mots suivants: "Conformément à la loi sur la procédure
15 pénale, j'ai lu la totalité de cette déclaration et je l'accepte en
16 totalité." Et vous signez.
17 Revenons à la signature. Puisque l'accusé vous a posé des questions au
18 sujet de cette déclaration, il est dit, ici, que vous avez lu cette
19 déclaration. L'avez-vous lue?
20 Réponse: Non, je ne l'ai pas lue. Il est dit ici que je l'ai lue. En fait,
21 je l'ai lue en diagonale, de manière très superficielle, et je l'ai signée
22 effectivement. Lorsqu'elle m'a été lue par les représentants du Bureau du
23 Procureur, par les enquêteurs, à ce moment-là, j'étais tout à fait précis.
24 Je leur ai dit ce que je savais et je ne leur ai pas rapporté ce que j'ai
25 entendu dire par des tierces personnes ou de quoi j'ai parlé avec ce
Page 8795
1 représentant du service de sécurité de l'Etat.
2 Question: Je vais revenir à ce que vous avez dit dans un instant.
3 Mais, avant cela, je voudrais que l'on consulte la première page de la
4 version anglaise. J'aurais besoin de l'assistance de l'huissier. Nous
5 trouvons, ici, une phrase -vers le milieu de la page- qui dit:
6 "Personnellement, je n'aurais pas laissé le service de la sécurité de
7 l'Etat se laisser impliquer dans cette affaire morbide." (Fin de
8 citation.)
9 Puis, vous dites: "Je voudrais affirmer, de la manière la plus ferme, que
10 le service chargé de la sécurité de l'Etat n'a rien à voir avec ces
11 événements." (Fin de citation.)
12 Lors des entretiens que vous avez eus avec ces personnes, vous avez
13 cherché à préciser, de manière tout à fait claire, que votre service
14 n'avait rien à voir avec cette affaire morbide. Si tel est le cas, ils ont
15 bien consigné vos propos. Pouvez-vous nous aider sur ce point?
16 Réponse: Oui. J'ai dit que c'est quelque chose dont j'ai entendu parler.
17 J'ai entendu parler de cet ordre de procéder au ratissage ou
18 l'assainissement du terrain. Pour tout le reste, j'en ai entendu parler
19 lors des entretiens secondaires. J'en ai entendu parler de la part de
20 Dragan Ilic; il a présenté cela comme un problème auquel il a dû faire
21 face au Kosovo; il en a parlé avec ses collègues.
22 Lorsqu'on parle de cet assainissement ou ratissage au Kosovo, lorsqu'on en
23 parle devant des gens qui ne sont pas au courant de ce genre de chose,
24 cela rend la situation difficile. J'ai dit que j'étais satisfait que les
25 employés de mon service, du service de la sécurité de l'Etat, n'aient pas
Page 8796
1 été impliqués à cela, puisque je voulais les préserver de ce genre de
2 situation.
3 Question: Il n'y avait pas d'autres raisons qui vous ont amené à cela?
4 Réponse: C'était la seule raison. De manière officieuse, j'en ai entendu
5 parler et de manière superficielle également.
6 Question: Nous avons entendu ici un certain nombre de dépositions disant
7 que c'étaient des Rom et non des Albanais de souche, donc Kosovars, qui
8 ont été impliqués dans le fait de retirer, d'enlever les corps. Vous
9 pourriez peut-être nous aider.
10 Si tel est le cas, pourquoi cela s'est-il passé? Il appartiendra en
11 dernière instance à la Chambre d'en décider de toute manière.
12 Réponse: Nous parlons des corps qui ont été retrouvés dans le camion
13 frigorifique ou bien des corps qui ont été retrouvés dans cette zone qui
14 appartient à l'unité spéciale?
15 Question: Je vous pose cette question pour la raison suivante: j'aimerais
16 savoir si vous pouvez nous dire s'il y a un groupe, plutôt qu'un autre, de
17 personnes qui était plus souvent utilisé pour ce genre de travail ou pour
18 ce travail?
19 Réponse: Vous vous référez à quel groupe?
20 Question: Je me réfère aux Rom. Ont-ils généralement été utilisés pour
21 travailler sur l'enlèvement des corps?
22 Réponse: Je vous ai compris. Ecoutez, de toute manière, je ne sais pas qui
23 a été engagé au Kosovo à faire du travail. C'est pour cela que j'ai
24 demandé de s'informer auprès de la personne qui a été impliquée. Donc,
25 j'ai demandé à l'employé de la sécurité de l'Etat de se référer à cette
Page 8797
1 personne-là. Et cette personne serait certainement en mesure de le
2 préciser.
3 Question: Au sujet du mot "asanacija", de la manière dont vous entendez ce
4 terme, est-ce que cela signifie que l'on ramasse un corps sur le
5 territoire d'un pays et qu'on le transfère sur le territoire d'un autre
6 pays pour l'y enterrer? C'est comme cela que vous comprenez le terme
7 "asanacija"?
8 Réponse: Non, pas du tout. S'agissant des corps, eh bien, cela signifie
9 qu'on les déterre, qu'on les exhume de l'endroit où ils ont été
10 provisoirement enterrés, que l'on procède à leur identification et qu'on
11 les prend en charge. Mais tout se passe sur le territoire désigné pour
12 être assaini ou ratissé. En aucun cas, cela ne peut se passer à
13 l'extérieur du Kosovo.
14 Question: Par conséquent, vous ne pouviez pas comprendre ni expliquer le
15 fait que l'on transporte les corps vers la zone de Belgrade, n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui, je n'ai pas pu le comprendre.
17 Question: Non, d'accord. Mais vous nous avez dit, de toute manière, que
18 vous n'avez pas été mis au courant de cela?
19 Réponse: Je n'étais pas au courant de cela. C'est ça.
20 Question: Vous avez parlé de cette réunion, dans cette déclaration, en
21 disant qu'elle a été tenue en mars 1999, à l'époque où la guerre était
22 bien en cours. Vous avez dit que vous avez simplement entendu des rumeurs.
23 Alors, j'aimerais savoir… Bon, que ce soit grâce aux rumeurs ou grâce à
24 vos connaissances directes, qu'est-ce qui a donné lieu à ce qu'on mette en
25 oeuvre cette politique de "asanacija" si tôt dans la guerre?
Page 8798
1 Réponse: Eh bien, je ne sais pas pourquoi cela a commencé. C'était une
2 proposition de l'armée yougoslave qui a été adoptée; cela a été une
3 proposition émise par ceux qui étaient présents sur le terrain, au Kosovo,
4 et qui connaissaient mieux la situation ainsi que les problèmes qu'il
5 convenait de résoudre.
6 Ce n'était pas à moi de décider du moment où cela se produirait ou ne se
7 produirait pas. J'en ai été purement et simplement informé.
8 Question: Vous vous rappelez, à ce sujet, que l'accusé vous a dit qu'à ce
9 moment-là, personne ne pensait au Tribunal de La Haye? Vous rappelez-vous
10 à quel moment on a interdit à Louise Arbour l'accès sur le territoire?
11 Vous étiez la personne la mieux informée; vous seriez peut-être en mesure
12 de vous rappeler cela?
13 Réponse: Oui, je me souviens que Mme Louise Arbour a connu des problèmes.
14 Question: A quel moment ces problèmes -comme vous dites- se sont-ils
15 présentés?
16 Réponse: Je ne me rappelle pas la date exacte, mais vous venez de me
17 rafraîchir la mémoire. Si vous ne l'aviez pas fait, je ne me serais
18 vraisemblablement pas rappelé cela.
19 M. Nice (interprétation): Passons à un autre sujet. On vous a posé des
20 questions à ce sujet également.
21 M. Kwon (interprétation): Un instant, Monsieur Nice.
22 Pendant que l'on parle de la pièce 283… Monsieur Markovic, vous avez dit
23 que cette déclaration n'est, en fait, qu'une manière libre d'interpréter
24 les propos que vous avez tenus pendant cet entretien; autrement dit, que
25 certaines portions de cette déclaration ne sont pas vraies. Donc il s'agit
Page 8799
1 d'une libre interprétation de vos affirmations.
2 Ce qui m'intéresse, c'est la partie où vous dites que M. Ilic s'est plaint
3 au sujet de l'affaire du camion. Il vous a expliqué que c'était le
4 résultat de la mauvaise organisation mise en place par Djordjevic. Est-il
5 vrai qu'il vous a dit quelque chose de ce genre, donc que c'était le
6 résultat d'une mauvaise organisation mise en place par Djordjevic?
7 M. Markovic (interprétation): Dragan Ilic était subordonné, de par son
8 poste, à Vlastimir Djordjevic; il était à la tête de l'administration
9 chargée de la lutte contre la criminalité, tandis que l'autre personne
10 était à la tête du service de la sécurité publique. Donc il recevait des
11 ordres de la part de Djordjevic.
12 Et en particulier, s'agissant du Kosovo, eh bien, Djordjevic était un
13 expert en la matière, puisqu'il était l'un des hommes les mieux informés
14 de cette situation au sein du ministère de l'Intérieur.
15 Donc Ilic a dit qu'il a eu quelques problèmes dans sa communication avec
16 Djordjevic. Et pour ce qui est des tâches qu'il avait à mener à bien au
17 Kosovo, il n'a pas reçu l'assistance et l'appui qui étaient nécessaires,
18 et il s'est vraisemblablement plaint à ce sujet. Je lui ai dit de
19 s'adresser au ministre de l'Intérieur, puisque je n'étais pas compétent en
20 la matière.
21 M. Kwon (interprétation): Il a employé le terme de "camion frigorifique"
22 ou non?
23 M. Markovic (interprétation): Lorsque le camion frigorifique a été
24 retrouvé, il a simplement fait référence aux problèmes qui pourraient
25 surgir, mais qu'il n'était pas au courant de cela. Il se contentait de
Page 8800
1 réfléchir à haute voix; il s'est demandé d'où venaient ces corps.
2 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.
3 M. Nice (interprétation): Monsieur Markovic, ceci me permet de me rappeler
4 que je reviendrai aux remarques que vous avez faites au sujet des membres
5 du Bureau du Procureur et des choses que vous leur avez dites au sujet de
6 cette déclaration que vous avez signée.
7 Alors, au sujet des sources de l'information, les enquêteurs du Bureau du
8 Procureur ne vous ont-ils pas posé la question consistant à savoir si la
9 déclaration était exacte ou non?
10 M. Markovic (interprétation): J'ai expliqué aux enquêteurs quelles sont
11 les parties qui étaient exactes et lesquelles ne le sont pas.
12 Question: Vous avez dit qu'il y a des informations qui proviennent
13 d'autres sources, mais, pour autant que vous le sachiez, cela ne les
14 empêche pas d'être vraies et vous avez signé cette déclaration. Avez-vous
15 fait remarquer, à un moment quelconque, qu'il y a des portions de cette
16 déclaration qui ne sont pas vraies, qui sont fausses? C'est cela que vous
17 êtes en train de dire?
18 Réponse: J'ai réitéré mes propos aux enquêteurs de La Haye et, au moment
19 de le faire, j'ai dit ce qui fait partie de mes connaissances directes et
20 ce dont j'ai simplement entendu parler. Donc je sais ce qu'est un
21 ratissage -"asanacija"- et j'en ai entendu parler lors de la réunion où il
22 en a été question.
23 Mais pour tout le reste, tout ce qui est de ces corps qui ont été
24 retrouvé, à ce moment-là ou récemment, eh bien, j'ai dit que je n'étais
25 absolument pas au courant de cela.
Page 8801
1 Question: Un certain nombre d'autres points, je me réfère toujours à vous
2 en tant qu'une des personnes les mieux informées, et je me réfère
3 également aux questions que l'accusé vous a posées au sujet de l'argent.
4 Il vous a demandé si les fonds provenant des douanes qui ont été
5 recueillis par votre personnel dans des mallettes étaient des fonds
6 appartenant à l'Etat et vous avez répondu par l'affirmatif.
7 Pouvez-vous aider la Chambre de première instance sur ce point s'il vous
8 plaît? Y avait-il une raison valable pour qu'on circule en transportant de
9 l'argent dans des mallettes?
10 M. Milosevic (interprétation): Objection!
11 M. le Président (interprétation): A quel sujet?
12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Nice cite mes propos en disant que
13 j'ai parlé de liquidités. Or je n'ai pas employé le terme d'"argent
14 liquide". J'ai parlé des fonds, fonds appartenant à l'Etat.
15 M. le Président (interprétation): Oui, oui, c'était cela. Il n'est pas
16 utile de poser des questions supplémentaires à ce sujet.
17 M. Milosevic (interprétation): Je ne veux pas que l'on me prête le terme
18 de "liquidités" que je n'ai pas utilisé.
19 M. Markovic (interprétation): Quelle est la question?
20 M. le Président (interprétation): Le témoin a bien compris ce point.
21 Pouvez-vous répéter la question?
22 M. Nice (interprétation): Je reformule ma question pour répondre à la
23 remarque de l'accusé.
24 Monsieur Markovic, l'accusé vous a posé des questions en détail au sujet
25 des fonds. S'agit-il des fonds qui se présentaient sous forme d'argent
Page 8802
1 liquide ou sous forme de titres de banque?
2 M. Markovic (interprétation): C'étaient des espèces.
3 Question: Vous dites qu'il s'agissait d'espèces. Eh bien, vous nous dites
4 que c'étaient des fond appartenant à l'Etat et qui étaient transférés d'un
5 service à l'autre. Pouvez-vous expliquer à la Chambre, et de manière
6 générale pouvez-vous nous expliquer pour quelle raison cet argent
7 circulait-il en espèces au lieu d'utiliser des documents de transfert
8 habituel?
9 Réponse: Eh bien, je pense que M. Kertes a pu l'expliquer aux enquêteurs
10 puisqu'il s'est entretenu avec eux. Je suppose que son explication, que
11 l'explication est valable. Tout simplement, je savais que ces fonds
12 émanant de l'administration fédérale des douanes allaient être versés par
13 le truchement du ministère de l'Intérieur et la banque appropriée sur un
14 compte qui devait être utilisé pour le règlement. Donc, s'agissant de ce
15 matériel et de cet équipement.
16 Question: On vous a posé d'autres questions par l'accusé, au sujet des
17 fonds et au sujet de Mme Borka et son expérience dans le domaine de la
18 finance, de la banque. Le rapport financier dans cette affaire a été rendu
19 public et je pense qu'il a attiré l'attention des médias, me semble-t-il.
20 Si cela est vrai, beaucoup de millions, 34 millions de dollars, sont
21 partis en espèces de Belgrade à Chypre et depuis 1998 à 1999. Peut-être
22 que vous pourriez nous donner quelques informations à ce sujet-là, puisque
23 vous étiez très bien informé?
24 Réponse: Je n'en sais rien. Je n'ai pris part à la prise d'aucune décision
25 consistant à transférer des fonds quels qu'ils soient. Je n'étais pas au
Page 8803
1 courant de ce transfert à Chypre du tout.
2 Question: Et enfin, pour ce qui est de l'argent, qui vous a instruit ou
3 amené à réaliser vos transactions par l'intermédiaire de la banque où
4 travaillait Mme Borka Vucic?
5 Réponse: Eh bien, lorsque nous en avons parlé, le ministre et moi, lorsque
6 nous avons discuté au sujet de la banque qu'il fallait utiliser pour ces
7 transactions, il a suggéré que ce soit cette banque Beogradska Banka, à la
8 tête de laquelle se trouvait Borka Vucic, et c'est la raison…, la raison
9 en a été qu'il s'agissait d'une banque compétente et d'une personne très
10 qualifiée pour faire cela.
11 Question: On allègue que des crimes ont été commis par le MUP, ou, comme
12 l'accusé le présenterait -et vous étiez d'accord avec tout ce qu'il a dit-
13 aucun crime de ce genre n'a eu lieu. Et vous avez peut-être entendu les
14 dépositions que nous avons déjà entendues par ailleurs mais, de toute
15 manière, il appartient à la Chambre d'en décider. Donc, il s'agit de
16 l'implication alléguée du MUP aux actes criminels à Racak, Bela Crkva ou
17 Izbica. Premièrement, ce que je veux savoir, c'est si vous avez reçu des
18 rapports de ce genre?
19 Réponse: Non, je n'ai jamais reçu de rapports parlant de cela. Vous avez
20 d'ailleurs montré un rapport émanant du Kosovo. Je pense que vous êtes en
21 mesure de vous procurer d'autres rapports et que vous êtes en mesure de
22 déterminer vous-même si cela a pu se produire ou non.
23 Question: Avant de passer à autre chose, pour le moment, il s'agit
24 simplement d'une possibilité, donc éventualité, que…, y a-t-il une
25 possibilité que ces crimes se soient produits et que vous n'ayez pas été
Page 8804
1 au courant de cela? Vous n'êtes pas en train de laisser entendre que qui
2 que ce soit d'autre a été en position lui permettant de commander à ces
3 gens ou de les contrôler, mis à part vous?
4 Réponse: Quant aux gens qui étaient chargés de mener à bien des tâches au
5 Kosovo -je me réfère aux membres de toutes ces unités appartenant au
6 ministère de l'Intérieur-, c'est l'état-major établi au Kosovo qui
7 commandait à ces gens-là. Donc c'était par l'intermédiaire du service de
8 la sécurité publique et non pas de la sécurité de l'Etat que passait le
9 commandement, exclusivement par le service de la sécurité publique. La
10 sécurité de l'Etat avait d'autres responsabilités.
11 Question: Ce serait cela l'explication du fait que vous n'ayez pas reçu de
12 rapports parlant de ces crimes, si jamais ces crimes se sont produits?
13 Réponse: Tout simplement, je n'ai pas reçu de rapport de ce genre. Si le
14 service de sécurité publique en avait reçu un, je pense que ce rapport
15 m'aurait atteint.
16 Question: Et enfin, sur la base de tout ce qui se disait dans les médias
17 et dans la presse internationale que vous aviez la possibilité de
18 consulter, étiez-vous conscient du fait qu'il y avait un grand nombre de
19 réfugiés qui quittaient le Kosovo?
20 Réponse: Oui, j'étais au courant de cela.
21 Question: Quand avez-vous appris cela pour la première fois?
22 Réponse: Eh bien, ce thème, le fait donc que l'on quittait le Kosovo,
23 était quelque chose qui était constamment présent lors des réunions au
24 plus haut niveau et au sein du ministère de l'Intérieur. Nous cherchions
25 constamment à réduire le nombre de ces personnes et à stopper, à arrêter
Page 8805
1 cela.
2 Malheureusement, cela n'a cessé de croître jusqu'au moment où j'ai réagi.
3 Je ne me rappelle pas la date exacte de l'entretien, de la conversation
4 entre M. Milosevic et moi-même. Vous avez compris que cela s'est passé
5 comme je vous l'avais dit. Il l'a confirmé. Je suis intervenu, par
6 l'intermédiaire de l'état-major et de Sainovic, pour que l'on arrête ce
7 flot de réfugiés. Cela a commencé à bouger un petit peu à partir de ce
8 moment-là. Je ne dis pas que c'est grâce à moi, mais je dis que j'ai réagi
9 au moment où il a été possible qu'une partie de ces gens revienne.
10 Question: De la part des personnes qui se sont rendues aux postes
11 frontières et qui se sont entretenues avec des réfugiés, vous avez pu
12 entendre des choses, cela vous est-il arrivé?
13 Réponse: Non, jamais.
14 Question: Pouvez-vous nous dire pour quelles raisons?
15 Réponse: Parce que je n'étais pas compétent en la matière; ce n'était pas
16 cela mon travail. Tout simplement, au Kosovo, la personne qui devait
17 prendre des décisions concernant cela, c'était l'état-major. Ceux qui
18 devaient se rendre aux postes frontières étaient envoyés là-bas par cet
19 état-major. Moi, personnellement, je n'y suis pas allé, parce que je n'ai
20 jamais reçu l'instruction de le faire.
21 M. Nice (interprétation): Je voudrais que l'on consulte un document à
22 présent. Il s'agit des questions que vous a posées l'accusé et auxquelles
23 vous avez répondu.
24 (Intervention de l'huissier.)
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous laisserez
Page 8806
1 suffisamment de temps pour que M. le Juge Kwon puisse poser quelques
2 questions?
3 M. Nice (interprétation): Oui, tout à fait. Je serai bref. Je voudrais que
4 l'on consulte l'original en cyrillique très brièvement su le
5 rétroprojecteur.
6 Il s'agit du 27 mars 1999. Ce document émane du MUP de la République de
7 Serbie, de l'administration chargée de la police frontalière responsable
8 des étrangers et des affaires administratives, poste de police de Vrbnica.
9 J'ai donné la date: rédigé le 27 mars 1999 dans les bureaux de Vrbnica.
10 Il s'agit d'une note officielle qui concerne la traversée de la frontière
11 de la Yougoslavie vers l'Albanie. "A 12 heures 40, le 27 mars, un groupe
12 d'Albanais attendait de traverser et ces gens n'avaient pas de documents
13 d'identité, leurs pièces d'identité ou tout autre document. Ils ont
14 déclaré que leurs pièces d'identité leur avaient été prises par les
15 responsables de la République de Serbie et qu'ils ne leur ont pas permis
16 de traverser en Albanie; 94 femmes et enfants ont traversé."
17 Il s'agit donc d'un document qui a été communiqué à votre département et
18 il montre qu'on a pris aux gens leurs pièces d'identité. Pourriez-vous
19 nous donner des précisions à ce sujet?
20 M. Markovic (interprétation): Non, ce document, je ne l'ai pas reçu. Ici,
21 il est écrit… Je ne vois pas… Je vois qu'il est dit que cela a été
22 communiqué au MUP de Serbie, à l'état-major de Prizren, centre de sécurité
23 publique de Prizren. Il faut savoir que tous les rapports n'ont pas été
24 envoyés. En fait, il a dû être incorporé dans un rapport quotidien.
25 De manière générale, en fait, j'ai entendu dire qu'il y a eu des cas où on
Page 8807
1 a pris des pièces d'identité à des réfugiés, mais je ne me rappelle pas
2 exactement quand ni quelle a été l'importance de cela, combien de
3 personnes ont été affectées par cela. Il n'est pas exact que cela a été
4 ordonné.
5 Question: Pouvez-vous nous aider sur ce point? Ce sera ma dernière
6 question pour laisser le temps à M. le Juge Kwon de poser les siennes sans
7 le contraindre en quelque façon que ce soit.
8 Est-ce que le droit, la législation autorisait la saisie de documents
9 d'identité à des personnes?
10 Réponse: Non.
11 M. Nice (interprétation): Merci. Je n'ai plus de questions.
12 M. Kwon (interprétation): Cote de cette pièce à conviction?
13 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 284.
14 M. Nice (interprétation): Je présenterai peut-être une requête à la fin de
15 cette audience, en rapport avec ceux qui ont recueilli la déclaration.
16 (Questions de M. le Juge Kwon au témoin, M. Radomir Markovic.)
17 M. Kwon (interprétation): Monsieur Markovic, quel était votre poste au
18 sein de la sécurité d'Etat en 1999? Vous étiez chef du RDB, déjà?
19 M. Markovic (interprétation): J'ai été nommé au poste de chef de la
20 sécurité d'Etat de la République en novembre 1999. Donc en janvier 1999,
21 j'étais assistant du ministre de l'Intérieur chargé des enquêtes
22 criminelles et de la prévention du crime.
23 Question: Au poste que vous occupiez, étiez-vous susceptible d'être
24 informé de l'incident de Racak, à ce moment-là?
25 Réponse: Pas directement, parce que les informations de cette nature
Page 8808
1 étaient adressées, à l'époque, uniquement au ministère de l'Intérieur, au
2 ministre de l'Intérieur et au chef de la section chargée de la sécurité de
3 l'Etat. Donc je n'aurais pu qu'entendre parler de cette information, en
4 tant que haut responsable, lors des réunions.
5 Question: En tout état de cause, vous disposiez d'informations indirectes.
6 Pour ce qui nous concerne, nous avons entendu des témoignages qui nous
7 parlent de quelque 40 civils qui auraient été tués à ce moment-là, et
8 d'autres allégations qui parlent d'un montage de toutes pièces. Quelle est
9 votre observation, à cet égard?
10 Réponse: Ce qui a été dit au ministère de l'Intérieur, c'est qu'il
11 s'agissait bien d'une opération au cours de laquelle des représentants de
12 l'armée yougoslave et du ministère de l'Intérieur yougoslave ont confronté
13 des terroristes. Voilà donc ce qui a été dit au ministère de l'Intérieur.
14 Personne n'a jamais parlé de civils ou de quoi que ce soit de ce genre.
15 Question: Merci. Ce que permettent de penser les réponses que vous avez
16 apportées à l'interrogatoire principal et au contre-interrogatoire, à mon
17 avis, c'est que, au Kosovo, avant la guerre et pendant la guerre, s'il a
18 pu y avoir quelques crimes individuels commis par certains membres de
19 l'armée yougoslave et de la police yougoslave contre des Albanais du
20 Kosovo, il n'y a eu aucun mouvement de déportation massive et aucun
21 meurtre à grande échelle de civils; est-ce exact?
22 Réponse: Oui, c'est exact. J'ai déjà dit qu'il n'y avait pas eu de crimes
23 individuels. J'ai dit très clairement que plus de 200 représentants du
24 ministère de l'Intérieur avaient été poursuivis en justice pour leur
25 comportement au Kosovo et le nombre des représentants de l'armée
Page 8809
1 yougoslave jugés pour les mêmes faits est encore plus important. Ces
2 personnes ont été jugées pour comportement illégal et pour crimes commis,
3 avec identification des auteurs de ces crimes. Et ces auteurs de ces
4 crimes ont été poursuivis en justice, conformément à la procédure
5 habituelle. Quant à un crime organisé ou quoi que ce soit de ce genre, je
6 ne suis pas au courant.
7 Question: Mais, entre-temps, des observateurs, y compris des observateurs
8 internationaux, ont affirmé que la réaction des forces serbes contre l'UCK
9 au Kosovo avait été disproportionnée. Par exemple, des pilonnages au
10 hasard visant des maisons appartenant à des civils, qui ne prenaient pas
11 pour cible précise des cibles militaires, des chars ou autres, mais
12 chassaient les civils hors de chez eux et ce, période hivernale.
13 Avez-vous eu connaissance de telles allégations et, si oui, quelle est
14 votre observation à ce sujet?
15 Réponse: J'ai entendu parler et pu voir, dans les rapports relatifs au
16 Kosovo, qu'il y avait des maisons incendiées. Et j'ai entendu dire que des
17 représentants des forces internationales protestaient contre une
18 utilisation exagérée de la force.
19 Mais je peux vous dire que ceci est une interprétation erronée, car de
20 nombreuses maisons appartenant à des Albanais ont été abandonnées suite à
21 des évacuations forcées de la part de l'UCK, précisément, qui voulait
22 utiliser ces maisons en tant que fortifications le long des routes et dans
23 les lieux où l'UCK souhaitait créer des places fortes, pour des raisons
24 stratégiques. Je suppose que ces maisons étaient donc visées à cette fin,
25 mais je n'ai aucune information selon laquelle elles auraient été prises
Page 8810
1 pour cibles de façon aléatoire, au hasard, ou incendiées au hasard.
2 Question: Donc votre affirmation consiste à dire que les diplomates
3 internationaux ou, de façon générale, la communauté internationale dans
4 son ensemble, qui a lancé des avertissements à votre pays, lui demandant
5 de mettre un terme à certaines atrocités, reposaient sur des informations
6 erronées? C'est bien ce que vous dites ici aujourd'hui?
7 Réponse: Je ne parle que de ce que je connais au sujet de ces
8 protestations contre une utilisation exagérée de la force. Je n'étais au
9 courant de rien d'autre. Je n'ai jamais eu l'occasion de participer à une
10 quelconque rencontre avec un représentant étranger de quelque force que ce
11 soit pour discuter du Kosovo.
12 M. Kwon (interprétation): Merci. Je n'ai plus de questions. J'ai déjà
13 dépassé le temps qui m'était imparti.
14 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, une
15 correction, simplement, je vous prie: je pense que la date de 1999, pour
16 le début, pour la prise de fonction du témoin, n'est pas exacte car, à la
17 fin du paragraphe, on voit la date de 1998.
18 Rien de plus à dire, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Mais, au
19 vu de ce qui vient d'être dit, il peut être utile à la Chambre d'entendre
20 des témoignages relatifs à la prise de déclaration. Et je présenterai une
21 requête par écrit à ce sujet d'ici au mois de septembre.
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Markovic, vous êtes arrivé au
23 terme de votre déposition. Merci d'être venu devant le Tribunal pénal
24 international.
25 La Chambre va maintenant suspendre son audience jusqu'à une date
Page 8811
1 ultérieure, en août 2002.
2 (L'audience est levée à 13 heures 50.)
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25