Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 10 octobre 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 32.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Nikola Samardzic, est déjà dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons réfléchi

6 à votre demande de temps supplémentaire et compte tenu de la déposition du

7 témoin, compte tenu du temps qui devrait, selon nous, être mis à votre

8 disposition pour le contre-interrogatoire, nous vous accordons une heure

9 encore ce matin. Ce qui vous donne encore un peu de temps supplémentaire

10 par rapport à ce qui était prévu, même si ce n'est pas grand-chose. Donc

11 une heure à compter de maintenant.

12 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Nikola Samardzic, par l'accusé M.

13 Milosevic.)

14 M. Milosevic (interprétation): Merci.

15 Monsieur Samardzic, vous avez dit hier que vos propos publiés dans

16 "Pobjeda", le 3 octobre 1991, étaient reproduits de façon inexacte. Or, il

17 se fait que ce matin, j'ai reçu une photocopie de cet article de "Pobjeda"

18 du 3 octobre; et dès que le courrier me sera distribué, je recevrai

19 l'original de ce journal.

20 On y trouve… Je ne sais plus, d'ailleurs, si c'est le 3 octobre ou le 2

21 octobre. Mais enfin, on trouve une grande photo dans ce journal, et la

22 légende se lit comme suit: "Hommage aux héros tués". On voit que c'est une

23 photo tirée de la réunion dont vous avez parlé hier.

24 Alors, le passage que vous avez cité y est reproduit et j'aimerais que

25 vous me donniez vos commentaires.

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1 Je cite: "Nikola Samardzic -c'est ce qu'on lit dans l'article-, ministre

2 des Affaires étrangères, a parlé dans son allocution des attentes de la

3 Conférence de La Haye qui va se tenir bientôt. Il a parlé de la conférence

4 précédente et nous a rappelé que la délégation avait adopté, autant que

5 faire se peut, une attitude assez souple destinée à parvenir à la fin des

6 hostilités. Cependant, les événements qui se sont déroulés à la frontière

7 avec la Croatie et notamment ce qui s'est passé à Ravno-Slano aujourd'hui,

8 montrent que nos pertes humaines, les pertes humaines subies par nos

9 unités, l'ont été sur un territoire qui ne fait pas partie de la Croatie

10 et que le MUP de Croatie est venu attaquer nos unités dans une embuscade.

11 Tout ceci témoigne du fait que le Monténégro a été attaqué par le MUP de

12 Croatie et que cette action a été intentionnelle. C'est au cours d'une

13 attaque, en fait, contre la JNA que nos hommes, alors qu'ils faisaient de

14 leur mieux pour servir le pays, ont été attaqués, etc." (Fin de citation.)

15 Je ne vais pas abuser de votre temps en vous lisant l'intégralité de

16 l'article.

17 Ensuite, nous trouvons une citation émanant de vous, qui est surlignée au

18 milieu de l'article, comme étant particulièrement importante. Et vous

19 dites dans cette citation –je cite-: "Je pense que la réunion de La Haye

20 sera assez difficile, le 5. Et je présente ce fait parce que les médias

21 étrangers s'organisent également contre nous. Hier, à Dubrovnik, des

22 observateurs ont montré comment Dubrovnik avait été attaquée par l'armée

23 et le Monténégro en même temps. Nos jeunes gens ont été tués en

24 Herzégovine. Ces mots sont peut-être un peu différents, mais l'objectif

25 consiste à prouver que nous avons été attaqués et que nous remplissons

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1 notre devoir en assumant la défense de notre pays. Avec cet article, le

2 problème de Prevlaka, nous devons continuer à prouver que Prevlaka fait

3 partie de notre territoire, c'est-à-dire du Monténégro, et que cette

4 région n'a jamais appartenu à la Croatie. Donc de quel droit parlent-ils

5 d'attaque? Je vis tout cela comme une grande tragédie et un événement très

6 regrettable. Mais les choses sont ce qu'elles sont, nous devons aller de

7 l'avant et continuer à combattre pour nous défendre. Nikola Samardzic."

8 (Fin de citation.)

9 Donc hier je vous ai lu une citation, et aujourd'hui, une autre citation

10 de ce que vous avez dit. Or, aujourd'hui, j'ai lu un passage d'un article

11 de presse et hier il s'agissait d'un rapport, d'un procès-verbal de

12 réunion.

13 Vous avez nié avoir dit cela; vous avez nié avoir dit que Prevlaka n'était

14 pas croate, qu'elle avait toujours appartenu au Monténégro, alors que les

15 journaux de 1991 affirment ce que je viens de lire. Donc dites-nous, je

16 vous prie, Monsieur Samardzic, quel est votre commentaire et pourquoi…

17 (Coupure du micro.)

18 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, vous ne pouvez

19 continuer de cette façon. Laissez le témoin voir cet article et laissez-

20 lui la possibilité de répondre. J'ai coupé le micro, Monsieur Milosevic.

21 Laissez répondre le témoin.

22 (Intervention de l'huissier.)

23 M. Milosevic (interprétation): L'article se présente aujourd'hui

24 évidemment sous format 21x29,7 parce que c'est le format du fax, mais il

25 reprend la présentation, la mise en page de l'article original. Et je vous

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1 fournirai l'original dès réception. Donc l'origine de ce document ne peut

2 être contestée.

3 (Le témoin prend connaissance du document.)

4 Monsieur May, je vous prie, j'aimerais que nous ne perdions pas de temps.

5 M. Samardzic (interprétation): Mais permettez-moi de lire l'article que

6 vous venez de me remettre.

7 Question: Je viens de vous donner lecture de l'intégralité.

8 Réponse: Vous n'avez pas bien lu.

9 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie. Eh bien, laissez les

10 interprètes lire.

11 M. Samardzic (interprétation): Voilà, j'ai quelque chose à dire. "Pobjeda"

12 a manifestement publié quelque chose que j'avais dit, mais pas

13 effectivement et réellement ce que j'avais dit. A cette époque, le

14 rédacteur en chef de "Pobjeda" était un ultra nationaliste, un certain

15 Konatar, qui contrôlait tout ce qui était écrit dans "Pobjeda". Et

16 "Pobjeda" a d'ailleurs été surnommé "Pobjeda de Konatar".

17 Je suis censé avoir dit que Prevlaka appartenait au Monténégro; c'est

18 inexact, car Prevlaka a toujours été croate, mais j'ai dit que nous

19 devrions récupérer Prevlaka suite aux négociations avec la Croatie. Voilà

20 ce que j'ai dit. Ce qui est écrit ici comme correspondant à ce que j'ai

21 dit est inexact. C'est tout à fait conforme à la politique de l'époque de

22 voir chacun dire ce qu'il veut.

23 Donc, Monsieur Milosevic, ceci n'a aucun sens en fait, car à l'époque

24 "Pobjeda" écrivait à peu près n'importe quoi. Je maintiens que tout ce que

25 j'ai dit, je l'ai dit en public -j'ai d'autres documents d'ailleurs qui le

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1 montrent- et que j'ai toujours dit ce que je pensais, ce qui correspondait

2 à mon attitude. A l'époque, et d'ailleurs par la suite, j'ai toujours

3 affirmé que nous ne pouvions obtenir Prevlaka que dans le cadre des

4 négociations avec la Croatie.

5 Par ailleurs, je ne comprends pas du tout quel est votre objectif en

6 présentant cet article. Que cherchez-vous?

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Samardzic, cet article est

8 produit pour servir d'éléments de preuve contradictoire. Ce que dit

9 l'accusé, c'est que vous avez dit à l'époque ce qui est écrit dans cet

10 article et, bien sûr, cela diffère de ce que vous dites aujourd'hui. Voilà

11 l'objectif pour que vous le compreniez.

12 Alors, maintenant, dois-je comprendre que votre position est la suivante,

13 à savoir que ce journal a présenté, de façon déformée, les propos que vous

14 avez tenus lors de cette réunion? C'est bien cela?

15 M. Samardzic (interprétation): C'est exactement cela, Monsieur le

16 Président. Ce quotidien n'a pas reproduit exactement ce que j'ai dit à

17 l'époque. Or, aux séances du Gouvernement et du Parlement à l'époque, j'ai

18 dit en public que nous ne devions récupérer Prevlaka que suite à des

19 négociations avec la Croatie.

20 C'était ma position, bien connue un peu partout, et ceci n'est qu'une

21 petite supercherie dont nous avons bien l'habitude.

22 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Samardzic, "Pobjeda" était-il à

23 l'époque un quotidien dépendant du Gouvernement du Monténégro? Et pour

24 situer la date, je parlerai de 1991.

25 M. Samardzic (interprétation): En 1991, "Pobjeda" était entre les mains

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1 des ultra-nationalistes qui préconisaient le combat et l'attaque pour

2 reprendre Dubrovnik.

3 M. le Président (interprétation): Voyons ceci d'un peu plus près.

4 Souhaitez-vous poser une question au témoin au sujet de cet article? Parce

5 que si tel est le cas, l'huissier peut se rasseoir et le Procureur devrait

6 jeter un coup d'œil à l'article. Avez-vous une question à poser sur cet

7 article?

8 M. Milosevic (interprétation): Je souhaite simplement demander au témoin

9 si "Pobjeda", qui était le principal quotidien monténégrin à l'époque et

10 l'est encore aujourd'hui, si c'est bien donc le quotidien le plus

11 important de la République du Monténégro. Oui ou non?

12 M. Samardzic (interprétation): C'est le principal quotidien du Monténégro,

13 mais ceci ne prouve pas que j'ai dit que ce journal prétend que j'ai dit.

14 Je n'ai jamais autorisé ou agréé cet article, je n'ai jamais agréé ce qui

15 est écrit ici.

16 Question: Monsieur Samardzic, vous savez que tous les journalistes

17 importants rendent compte des séances du gouvernement les plus

18 significatives; la presse est donc présente. Il s'agit ici d'un des

19 principaux quotidiens monténégrins, qui cite le ministre des Affaires

20 étrangères du Monténégro; et vous prétendez malgré tout aujourd'hui que

21 cet article a cité de façon déformée la teneur de vos propos.

22 Niez-vous que "Pobjeda" ait été publié? Parce que, si cet article vous

23 cite de façon déformée, comme vous l'affirmez, avez-vous jamais fait

24 publier un démenti en tant que ministre par ce quotidien "Pobjeda"?

25 Réponse: La vérité, c'est que je n'ai pas nié la reproduction de mes

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1 propos à l'époque. Je n'avais pas le temps pour cela et la situation ne me

2 permettait pas d'entrer dans une polémique avec ce journal. Il a d'autres

3 éléments d'ailleurs dans cet article que je ne comprends pas. Vous dites

4 que ce journal est paru le 3 octobre. Hier, vous avez prétendu que c'était

5 le 1er octobre que s'était tenue la réunion commémorative. Donc comment se

6 fait-il que "Pobjeda" écrive un article le 3 pour une réunion tenue le

7 1er?

8 M. Milosevic (interprétation): Il n'y a pas de date sur l'exemplaire que

9 je vous ai fourni aujourd'hui parce que c'est une photocopie, mais je vous

10 fournirai l'original et vous verrez qu'il s'agissait d'une réunion

11 commémorative et que l'article traite de cette réunion. Mais ne perdons

12 pas notre temps, j'ai encore autre chose.

13 M. le Président (interprétation): Si vous passez à un autre sujet...

14 M. Milosevic (interprétation): Je demande que cet article soit versé au

15 dossier.

16 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. Il faut d'abord

17 que le Procureur puisse voir l'article. Après quoi, nous trancherons.

18 M. Milosevic (interprétation): Dès que j'aurai reçu le courrier, je

19 déposerai auprès du Greffe l'original de cet article, de façon à ce que

20 l'on voie bien de quoi il s'agit.

21 M. Samardzic (interprétation): J'ai quelque chose à dire.

22 (En anglais) Monsieur le Président, selon cet article, je n'étais pas

23 présent à cette réunion commémorative.

24 (En serbo-croate) Il est certain que ceci est un faux et une supercherie,

25 car je ne figure pas sur la photographie que l'on voit dans le journal.

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1 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)

2 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin finir.

3 M. Milosevic (interprétation): Mais je le laisse finir!

4 M. Samardzic (interprétation): Douze ans se sont écoulés depuis les faits

5 et je dois m'efforcer de me souvenir très rapidement, compte tenu du

6 rythme des questions des événements de l'époque. Je vois maintenant de

7 près cette photographie; je ne figure pas sur cette photographie et je

8 sais que je n'ai pas assisté à cette commémoration. Car je me souviens à

9 présent que je n'ai jamais assisté à aucune réunion commémorative

10 organisée par le Gouvernement.

11 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien, bien. C'est un faux, dites-

12 vous? Or, tout cela reprend les événements de 1991, date à laquelle vous

13 étiez ministre. Mais dites ce que vous voulez, cela ne me gêne pas.

14 M. le Président (interprétation): Que l'on remette l'article à

15 l'accusation.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Samardzic, le nom de Zoran

18 Kovacevic, capitaine du 7e Bataillon à l'époque, vous est-il connu? De la

19 JNA. Zoran Kovacevic? A l'époque de ces affrontements à la frontière

20 Monténégro-Croatie, dans ce triangle séparant la Bosnie-Herzégovine de la

21 Croatie et du Monténégro?

22 M. Samardzic (interprétation): Je ne connais aucun Zoran Kovacevic. Et

23 vous me posez la question aujourd'hui, mais je ne vois vraiment pas le

24 rapport.

25 Question: Eh bien, dans ce cas, je vous prierai de bien vouloir faire un

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1 commentaire au sujet de ce qu'a dit cet homme. Et ce que je lis

2 maintenant, c'est un article tiré de "Pobjeda" d'aujourd'hui. Il a dit

3 cela car il a participé aux événements au sujet desquels vous témoignez

4 ici.

5 Je saute le début où il est question de la révolte de tout le monde, et il

6 est dit ce qui suit –je cite-: "Zoran Kovacevic, capitaine du 7e

7 Bataillon, est arrivé dans notre rédaction et il affirme que Samardzic lui

8 a demandé à lui et à ses compagnons de commettre des vols sur le théâtre

9 de guerre de Dubrovnik. Samardzic est venu nous voir sur le front, à

10 l'hôtel "Plaza", dans la ville de Herceg-Novi, alors que nous lavions sur

11 nos mains le sang de nos camarades tombés au combat. Nous ne se savions

12 pas qui était cet homme mais, une fois qu'il s'est présenté comme ministre

13 des Affaires étrangères, nous avons accepté son invitation à prendre un

14 verre avec lui. Notre conversation a tourné sur des sujets politiques et

15 sur les événements du front de Dubrovnik, et il a dit: 'Eh bien, Dubrovnik

16 doit nous revenir. Des jours heureux sont devant nous'.

17 Le capitaine du 7e Bataillon a également dit que Samardzic leur avait

18 demandé de retourner à Debeli Brijeg, et cet homme, qui est ministre des

19 Affaires étrangères et qui est un témoin de ce qui s'est passé à La Haye,

20 leur a demandé -en leur disant qu'il apprécierait qu'ils le fassent-

21 d'envoyer une petite camionnette et de donner 300 deutschemarks en retour.

22 En d'autres termes, Samardzic nous a demandé de voler pour lui, et il a

23 même proposé que nous fassions le travail dans la ville de Slano. Mais il

24 a dit qu'il y avait pas mal d'objets à saisir, utilisés par les

25 vacanciers. Il a demandé que cette caravane, ce camping-car soit assez

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1 grand et assez long. C'est absolument ébahissant, nous ne pouvions pas

2 croire qu'il nous demandait effectivement de faire quelque chose de ce

3 genre! Et ceci venait du ministre des Affaires étrangères du Monténégro".

4 Voilà le message du capitaine Kovacevic au témoin de La Haye: "Je ne suis

5 pas un voleur, et c'est la raison pour laquelle je n'ai pas accepté que

6 l'armée perde la face. C'est pourquoi je n'ai pas répondu à votre attente

7 et je regrette que vous restiez sans camping-car".

8 Voilà ce qu'a dit le capitaine Kovacevic. Il a ajouté…

9 M. le Président (interprétation): Il est impossible pour le témoin de

10 suivre tout ceci; c'est trop long. Le témoin doit avoir la possibilité de

11 répondre à toutes les allégations venant de vous. Avez-vous une question à

12 ce sujet?

13 Monsieur Samardzic, savez-vous quoi que ce soit au sujet de ce camping-car

14 et de ce capitaine Kovacevic?

15 M. Samardzic (interprétation): Comme je l'ai dit, avant tout je ne sais

16 rien de tout cela; je n'en ai jamais entendu parler de ma vie. Ceci est un

17 pur non-sens, ce ne sont que des mensonges, des mensonges montés de toutes

18 pièces, destinés à me disqualifier et à me discréditer en tant que témoin.

19 Ils sont montés de toutes pièces dans la région de Podgorica aujourd'hui

20 et n'ont pas la moindre trace, la moindre once de vérité.

21 Je n'ai jamais demandé de camping-car; j'aurais pu m'en acheter plusieurs

22 au cours de ma vie. Je n'ai jamais eu besoin de voler un camping-car sur

23 le front de Dubrovnik. Donc ceci n'est qu'un pur mensonge, un montage

24 absolu! En fait, moi, ce qui m'ébahit, c'est l'énormité des mensonges et

25 le grand nombre de mensonges proférés à mon encontre par l'accusé

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1 Milosevic!

2 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, vous êtes dans un

3 Tribunal et ici se trouve M. Milosevic.

4 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

5 M. Milosevic (interprétation): Il prétend avoir dit...

6 M. le Président (interprétation): Vous êtes en train de lire une

7 déclaration. Est-ce que cette déclaration a le moindre rapport avec vous?

8 M. Milosevic (interprétation): Laissez-moi finir, Monsieur May.

9 M. le Président (interprétation): Non, je vous pose une question.

10 Voudriez-vous avoir l'amabilité de répondre? Ceci est-il une déclaration?

11 Nous devrions savoir ce que vous êtes en train de lire. Est-ce une

12 déclaration qui vous a été fournie par quelqu'un ou une autre espèce de

13 document?

14 M. Milosevic (interprétation): Je vais vous remettre ce document

15 immédiatement, Messieurs, mais je souhaite simplement demander au

16 témoin...

17 M. le Président (interprétation): Est-ce une déclaration? Est-ce

18 simplement une déclaration qui vous a été fournie? C'est bien de cela

19 qu'il s'agit?

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ceci est un article paru dans

21 un journal de ce matin dans la région de Podgorica; ce n'est pas une

22 déclaration qui m'a été faite. Elle est adressée à l'opinion publique dans

23 son ensemble. Vous lirez cet article.

24 M. le Président (interprétation): Voilà, vous venez de répondre à ma

25 question. C'est ce que je vous demandais. Bien. Un journal de ce matin.

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1 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Samardzic, je vous en prie. Ceci

2 n'est pas une déclaration reçue par moi de qui que ce soit; c'est un

3 article que je lis dans un journal. Avez-vous dit tout cela? Avez-vous

4 parlé de la maison de Tereza Kesovija, une chanteuse pop bien connue? Vous

5 avez dit que cette maison était plus qu'opulente et qu'il y avait pas mal

6 de choses qu'on pouvait y prendre?

7 M. Samardzic (interprétation): Monsieur Milosevic, ce que vous dites n'est

8 que pure imbécillité. Vous êtes absolument étourdissant. Les journaux

9 parlent de cette façon parce qu'ils souhaitent calomnier le nom des gens

10 honnêtes de l'époque.

11 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais voilà une réaction d'un

12 homme que je vais vous lire. Je ne me rappelle pas son nom, mais il vous a

13 vu à la télévision. Il dit que "Samardzic ne se contrôle pas, à moins

14 qu'il n'ait été payé pour mentir". Voilà ce que dit cet homme…

15 M. le Président (interprétation): Cela ne sert à rien, cela n'est d'aucune

16 utilité pour nous. Un commentaire émanant d'un inconnu et repris par un

17 journal n'est d'aucune utilité pour les Juges.

18 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, cet homme a accusé Samardzic,

19 ici présent, de porter de fausses accusations et ce, par l'intermédiaire

20 d'un journal. Je demande à M. Samardzic ce qu'il a fait exactement.

21 M. le Président (interprétation): Vous pourrez citer des témoins à la

22 barre lorsque votre tour viendra, mais des écrits publiés dans la presse

23 ne sont pas des éléments de preuve.

24 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

25 Voilà la réaction de Predrag Popovic, dont vous avez dit qu'il avait

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1 participé à une rencontre nationaliste, si je ne m'abuse.

2 Monsieur Samardzic, comment réagissez-vous à ce qui suit? L'association

3 des vétérans du Monténégro vient de faire paraître ceci; je l'ai ici, dans

4 un quotidien de ce matin, en date du 10 donc. C'est toujours le journal

5 "Pobjeda", qui paraît à Podgorica et qui déclare que "l'association

6 exprime ses regrets et sa honte devant le public quant au fait que le

7 témoignage de M. Samardzic s'appuie principalement..."

8 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre. Les avis d'un

9 ancien combattant n'ont aucune importance particulière pour nous et ne

10 nous apportent aucune assistance. Vous pouvez, comme vous l'avez

11 d'ailleurs déjà fait, alléguer la participation du témoin à des pillages.

12 Vous pouvez soumettre ces allégations au témoin, mais des commentaires et

13 des insultes ne nous aident en aucun cas.

14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je ne fais que citer un

15 article de presse qui paraît aujourd'hui dans la capitale du Monténégro.

16 Et c'est le plus grand quotidien du Monténégro.

17 M. le Président (interprétation): Vous connaissez notre avis sur ces

18 questions et sur l'admissibilité de ce genre de document. Ils ne sont

19 recevables que s'ils présentent des allégations que l'on peut soumettre au

20 témoin et auxquelles il peut répondre.

21 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Eh bien, passons à autre chose.

22 Nous allons essayer d'être le plus efficace possible.

23 Monsieur Samardzic, quel était le nombre de personnes travaillant au

24 ministre du Monténégro lorsque vous êtes devenu ministre?

25 M. Samardzic (interprétation): Je ne me rappelle pas le nombre exact. Je

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1 suppose qu'il y avait une quinzaine de personnes.

2 Question: Donc votre ministère comptait au total une quinzaine de

3 personnes?

4 Réponse: Je suppose. Je ne me rappelle pas le nombre exact.

5 Question: Hier, vous avez déclaré que vous n'aviez pas pris part à la

6 rédaction de ces documents destinés à Momir Bulatovic, mais vous étiez

7 membre de la délégation dirigée par Momir Bulatovic lorsque celle-ci s'est

8 rendue aux Etats-Unis, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui, oui, j'étais membre de cette délégation. Effectivement.

10 Question: Donc, en tant que ministre accompagnant votre Président -or vous

11 êtes à la tête d'un ministère qui emploie au total 15 personnes-, vous

12 n'avez pas le moindre rapport avec ce document qui émane du ministère des

13 Affaires étrangères.

14 Considérez-vous que ceci soit vraisemblable pour qui que ce soit?

15 Réponse: C'est tout à fait vraisemblable, parce qu'en même temps, j'avais

16 été directeur de "Jugooceanija" et la plupart de mon temps, je le passais

17 à Kotor et non pas à Titograd. Je venais, si besoin était, au ministère

18 et, pratiquement, j'avais été ministre honoraire, ce qui fait qu'il est

19 tout à fait possible que quelqu'un au ministère ait rédigé la chose

20 pendant que je me trouvais à Kotor; et peut-être juste avant notre départ.

21 Donc il n'y a rien d'étrange. Il s'agit en général de choses que vous êtes

22 en train de présenter pour piéger l'auditoire et qui ne sont pas exactes.

23 Je répète une fois de plus que le document, si cela se rapporte à ce que

24 j'ai rédigé à l'intention du Président, concernant les points avancés par

25 le Président Wilson, cela avait pu être rédigé comme aide-mémoire à

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1 l'intention du Président Bulatovic et je n'y vois rien, mais si l'on

2 excepte le piège posé disant que les autorités croates étaient

3 génocidaires. Cela n'était pas ma position à moi.

4 Et je suis surpris également par ce que "Pobjeda" publie aujourd'hui. Ce

5 sont des supercheries si grandes parce que tout ce qui me connaissent au

6 Monténégro comprendront parfaitement quelle est l'envergure des

7 supercheries publiées par "Pobjeda" ce matin. Il est impossible, je dis

8 bien absolument impossible que j'aie pu dire telles choses à cet homme et

9 qu'il y ait eu quelque évènement de ce genre. Donc des supercheries de

10 cette envergure me laissent stupéfait.

11 M. Milosevic (interprétation): Mais pourquoi revenez-vous à cette

12 question? Nous sommes passés outre. Je vois que vous êtes affecté par la

13 chose!

14 M. Samardzic (interprétation): Je ne suis pas affecté...

15 M. le Président (interprétation): Je suis désolé, mais je vais devoir

16 débrancher le micro pour un instant. Ne parlez pas tous les deux en même

17 temps.

18 Monsieur Milosevic, je crois que nous avons étudié la question en

19 profondeur. Vous pourrez maintenant passer à un autre sujet.

20 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais étant donné que vous avez

21 affirmé que, parmi ces 15 employés, vous ne savez pas qui faisait quoi,

22 vous étiez dans une délégation avec Bulatovic et quelqu'un d'autre du

23 ministère lui avait préparé les questions et les réponses possibles, qui

24 est-ce que cela pouvait être, Monsieur Samardzic?

25 M. Samardzic (interprétation): Je ne vais pas m'aventurer à expliquer la

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1 chose. Il arrivait que certains de mes employés soient convoqués par

2 Bulatovic directement pour qu'on lui rédige quelque chose. Cela est arrivé

3 non pas une fois, mais plein de fois, donc il n'y a rien de si terrible et

4 je ne vois pas en quoi cela fournirait matière à me compromettre. C'est

5 ainsi que les choses se faisaient au ministère. Quand je n'étais pas

6 présent, étant donné que je n'étais pas présent souvent, vu que j'étais

7 directeur de "Jugooceanija", le Président Bulatovic faisait appel à l'un

8 quelconque des employés de ce ministère pour lui rédiger un papier. Cela

9 pouvait arriver fort aisément.

10 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais, Monsieur Samardzic, je vous ai

11 présenté bon nombre de documents. Certains n'ont pas pu être réfutés de

12 votre part et vous réfutez celui-ci. Mais tout ceci nous montre, nous

13 démontre la position politique et les activités politiques déployées par

14 le gouvernement dont vous avez été membre, où vous aviez été ministre des

15 Affaires étrangères. Donc il apparaît avec clarté que que c'est tout à

16 fait contraire à ce que vous faites comme déclaration au bout de onze ans.

17 M. Samardzic (interprétation): Ce n'est absolument pas contraire. J'ai

18 déjà prouvé devant ce Tribunal, j'ai des sténogrammes originaux pour ce

19 qui est des choses en faveur desquelles je m'étais employé, tant à Vienne

20 qu'à l'occasion des sessions du Parlement, le 17 et 18 octobre: j'ai

21 clairement dit, j'ai clairement condamné la politique que vous conduisiez

22 en Yougoslavie et au Monténégro, aussi bien qu'à l'intention de la

23 Croatie. Vous ne pourrez donc pas me faire des insinuations et dire que

24 j'étais différent à l'époque: il est bon nombre de documents.

25 Parce que je pourrais également vous poser des questions, vous dire: "Et

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1 ceci, qu'est-ce que c'est? D'où sortez-vous ces espèces de tromperie?"

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Samardzic, l'accusé a bien le

3 droit de poser les questions qu'il pose. Essayez, s'il vous plaît, d'y

4 répondre de la façon la plus concise possible.

5 Monsieur Milosevic, pour votre part, veillez à ne pas répéter des

6 questions déjà posées.

7 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas du tout l'intention de les

8 répéter. Ce que j'ai présenté suffit largement.

9 Monsieur Samardzic, en page 15, fin du deuxième paragraphe, vous parlez

10 d'une décision qui est la vôtre. Je me réfère à votre déposition d'une

11 trentaine de pages, ou plus ou moins 30 pages.

12 Vous avez parlé ici de votre intention de démissionner des fonctions de

13 ministre des Affaires étrangères et vous nous dites que Hrvoje Kacic, un

14 responsable et ami croate, qui est représentant du Parlement croate et

15 chargé des Relations extérieures, vous l'a déconseillé. Vous avez suivi

16 ses suggestions et conseils, et vous n'avez pas démissionné. Vous aviez

17 donc représenté la Croatie au sein du Gouvernement du Monténégro. N'est-ce

18 pas bien vrai, Monsieur?

19 M. Samardzic (interprétation): Non, c'est absolument faux. C'est une

20 insinuation de la pire espèce. Je n'ai jamais représenté les intérêts de

21 la Croatie. Je représentais les intérêts du Monténégro dans une situation

22 des plus complexes, qui avait prévalu à l'époque.

23 M. Milosevic (interprétation): Fort bien, Monsieur Samardzic. Je vous prie

24 de répondre à la question suivante et je me dois de faire attention parce

25 que le temps passe vite.

Page 11388

1 Pourquoi avez-vous présenté de façon erronée le rôle de l'Eglise orthodoxe

2 serbe et le rôle du métropolite monténégrin Amfilohije Radovic? En page

3 14, ligne 22 de votre déclaration, vous avez diffamé l'Eglise en disant

4 que "ce sont des propagateurs non dissimulés de la haine et de toutes

5 sortes de crimes". En même temps, vous n'avancez aucune preuve à l'appui

6 de vos dires. Cela ne m'étonne pas moi-même, étant donné que l'on sait

7 fort bien que...

8 M. le Président (interprétation): Pas de commentaire, s'il vous plaît.

9 Contentez-vous de poser une question.

10 M. Milosevic (interprétation): Donc, avez-vous été en mesure d'avancer

11 quelque élément de preuve que ce soit pour des accusations de cette

12 envergure que vous avez lancées à l'encontre de l'Eglise orthodoxe serbe

13 et du métropolite Amfilohije Radovic?

14 M. Samardzic (interprétation): Je n'ai pas dit ce que vous venez de lire.

15 Je ne pense pas avoir mentionné Amfilohije Radovic à cette réunion. Et je

16 considère de nos jours encore que Amfilohije Radovic, qui se trouve être à

17 la tête de l'Eglise orthodoxe serbe, est effectivement le plus grand des

18 porteurs de haine à l'encontre de tous ceux qui ne sont pas Serbes. Cela

19 est conforme à la vérité.

20 A l'époque de la guerre des combats sur le théâtre de guerre de Dubrovnik,

21 il est allé là-bas; et, plutôt que d'exercer sa fonction d'homme d'église,

22 il a chanté des chants de combat, il a encouragé les soldats, les a

23 encouragés au combat et son journal "Svetigora", ces jours-là, avait été

24 un journal de propagation de la haine et d'accentuation des tensions avec

25 la Croatie. Il suffit de se pencher sur son journal de l'époque et ses

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1 publications de l'époque pour tirer les conclusions au sujet de Amfilohije

2 Radovic. Cela ne signifie toutefois pas que j'avais accusé tous les

3 prêtres de l'Eglise orthodoxe serbe. J'ai mentionné essentiellement et

4 uniquement Amfilohije Radovic, qui est vu par bon nombre de personnes au

5 Monténégro de la même façon que celle que je viens d'exposer.

6 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration, il est dit ce qui

7 suit: "La nature anti-catholique de l'offensive de Dubrovnik ne doit pas

8 être sous-estimée. Tant Bulatovic que Djukanovic étaient des anti-

9 catholiques violents, tout comme d'ailleurs les extrémistes serbes dans

10 leur ensemble. Et ces opinions sont articulées dans les médias officiels,

11 notamment par les bons soins de l'église orthodoxe serbe".

12 Puis, vous dites: "L'évêque de l'église orthodoxe serbe, Amfilohije

13 Radovic, a encouragé des meurtres, des tortures de Croates et, par la

14 suite, de Musulmans".

15 Vous l'affirmez, vous affirmez qu'il avait encouragé les gens à tuer, à

16 torturer des Croates et des Musulmans et qu'il avait chanté avec

17 l'instrument "guzla" pour la Serbie. Mais en votre qualité de Monténégrin,

18 Monsieur Samardzic, vous devez savoir...

19 M. le Président (interprétation): Je vais devoir vous interrompre. Il faut

20 donner au témoin l'occasion de s'exprimer sur le passage dont il fait état

21 dans la déclaration.

22 Avez-vous un commentaire à faire à ce propos, Monsieur Samardzic?

23 M. Samardzic (interprétation): Oui, je veux faire un commentaire. Je ne

24 pense pas qu'il ait donné lecture de façon exacte de ma déclaration. Et

25 s'il est en train de la lire, je ne pense pas avoir dit cela, en ces

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1 termes-là. J'avais condamné Amfilohije, j'avais condamné son comportement,

2 donc je n'avais pas été d'accord avec le comportement du premier des

3 prêtres de l'Eglise orthodoxe au Monténégro. Et c'était là la

4 signification des critiques que j'avais prononcées à son égard. Il est

5 allé sur le théâtre de guerre avec des "guzla", et je ne pensais pas que

6 c'était là quelque chose de propice pour un homme d'église.

7 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit qu'il avait encouragé aux

8 meurtres, aux tortures.

9 Réponse: Non, non, non, je n'ai pas dit cela.

10 Question: Donc on vous a encore piégé, c'est bien ce que vous êtes en

11 train de dire? On est en train de vous piéger, d'insinuer que vous avez

12 dit cela, que votre déclaration n'est pas exacte?

13 Réponse: Ma déposition est exacte. Ce que je dis actuellement, c'est ce

14 que je pensais à l'époque. Et j'ai condamné le comportement de Amfilohije

15 à l'époque. Si cela ne vous suffit pas, je ne sais pas ce que vous voulez.

16 Question: Tout ce que vous dites me suffit amplement, Monsieur Samardzic.

17 Je suis en train de citer vos déclarations, je n'affirme rien.

18 Et en page 22, vous vous êtes encore jeté sur lui; vous dites que

19 Amfilohije s'était employé en faveur de ces meurtres, tant dans ce qu'il

20 prêchait que dans ce qu'il écrivait. C'est ce que vous dites à la lettre,

21 c'est ce que vous dites au sujet du métropolite monténégrin, disant qu'il

22 s'employait en faveur de meurtres. Et vous prenez pour preuve le fait

23 qu'il avait chanté des chansons épiques avec des instruments de "Guzla";

24 mais tout Monténégrin, jeune ou âgé, chante ce genre de chansons.

25 Réponse: Les vieux Monténégrins chantent ce type de chansons avec les

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1 "Guzla", mais le prêtre, le plus éminent des prêtres monténégrins ne suit

2 pas l'armée en chantant sur des "Guzla".

3 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien, Monsieur Samardzic. J'ai

4 compris, pour ma part, que l'église était du côté de son peuple et qu'elle

5 suivant son peuple. Et comme vous l'avez dit, Branko Kostic était allé

6 rendre visite à des personnes qui avaient été victimes d'attaques; c'est

7 ce que vous lui avez reproché, d'ailleurs. Vous reprochez à Amfilohije

8 Radovic le fait d'être allé rendre visite...

9 M. le Président (interprétation): Vous l'avez déjà dit.

10 Inutile de répondre, Monsieur le Témoin.

11 M. Milosevic (interprétation): Ensuite, vous affirmez que vos positions

12 ont rapidement été contraires à celles de Djukanovic et de Bulatovic parce

13 que, comme vous le dites, les intérêts de Djukanovic allaient dans la

14 direction de la Russie, de la Grèce et des ex-Républiques soviétiques et

15 que vous préfériez, quant à vous, les contacts avec l'Occident et vous

16 essayiez de le convaincre dans ce sens. C'est là invention pure et simple

17 de votre part, n'est-ce pas, Monsieur Samardzic? C'est ce qui figure à la

18 page 5, avant-dernier paragraphe de votre déposition, à moins que vous ne

19 nous disiez que c'est là une déposition fausse?

20 Vous êtes entre le marteau et l'enclume. Vous ne voulez pas que la partie

21 de l'autre côté du banc vous fasse de reproches…

22 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de répondre!

23 On vous soumet l'hypothèse suivante, Monsieur le Témoin… Je n'ai pas

24 encore trouvé l'endroit dans votre déclaration mais, apparemment, dans

25 votre déclaration...

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1 M. Kay (interprétation): Page 6.

2 M. le Président (interprétation): Merci. Page 6, il s'agirait d'un échange

3 entre vous et Bulatovic à propos des orientations prises envers tel ou tel

4 pays. Avez-vous quelque chose à ajouter?

5 M. Samardzic (interprétation): Pour autant que je m'en souvienne, c'est ce

6 qui avait été écrit il y a deux ans. Je voudrais toutefois souligner que

7 c'est ce que j'ai déclaré ici et non pas ce que j'ai déclaré il y a deux

8 ans, les choses pertinentes. Mais s'il veut que j'en parle et si la

9 question est posée dans ce sens, il est vrai d'affirmer que dans les

10 activités que j'ai déployées au sein du ministère à l'époque, mes premiers

11 contacts avec l'étranger avaient été ceux avec les pays de l'Est.

12 Il n'y a rien de terrible à conseiller le Président et c'est probablement

13 ce que j'avais fait que de se tourner davantage vers l'Occident. Je n'ai

14 fait aucune sorte d'accusation d'un côté ou de l'autre, il fallait bien

15 coopérer avec l'Est et avec l'Ouest mais à l'époque, pour ce qui est du

16 Monténégro, il était plus nécessaire au Monténégro de se tourner vers

17 l'Occident que vers l'Est. Nous avions eu des rencontres toutefois en

18 Russie, au Kazakhstan et ailleurs, et cela s'est bien passé. Je ne vois

19 rien de grave et je ne vois pas en quoi vous essayeriez de me tendre des

20 pièges pour dire autre chose.

21 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Samardzic, c'est vous qui tombez

22 dans vos propres pièges. Je vous ai demandé de nous expliquer votre

23 déclaration.

24 Page 5, avant-dernier paragraphe, vous dites: "J'ai essayé d'encourager

25 Djukanovic de se rendre vers l'Europe occidentale, à savoir la Grande-

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1 Bretagne, la France, l'Allemagne et les Etats-Unis, mais il n'avait pas

2 envie d'aller à ces endroits-là, et il avait adopté, à l'égard de ces

3 pays, une attitude méprisante".

4 M. Samardzic (interprétation): Ce n'est pas exact. Je ne sais pas ce qui

5 est écrit ici, ce n'est pas exact; j'affirme devant ce Tribunal ce dont je

6 me souviens. Et si, en l'espace de deux ans, on a interprété ce que j'ai

7 dit de cette façon-là, je ne pense pas que ce soit une chose correcte.

8 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien, Monsieur. Bien.

9 M. Samardzic (interprétation): J'ai tout simplement présenté les choses

10 telles qu'elles avaient été faites au ministère, et je ne vois aucune

11 raison de m'accuser ou d'accuser Djukanovic. Et je ne pense pas qu'il soit

12 nécessaire de débattre de ceci. On est en train de débattre de vos crimes

13 à vous et non pas de la façon dont avait exercé ses fonctions le ministère

14 des Affaires étrangères du Monténégro.

15 M. le Président (interprétation): Oui, mais…

16 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Samardzic, ce sont les questions

17 que je veux vous poser que je vais vous poser, pas celles que vous

18 aimeriez que je vous pose. Et je regrette beaucoup pour vous que vous ne

19 puissiez pas vous sortir de ce puits dans lequel vous vous êtes jeté vous-

20 même. Vous pouvez gratter contre les murs de ce puits autant que vous le

21 voulez, vous ne vous en sortirez pas.

22 M. le Président (interprétation): Avez-vous d'autres questions correctes à

23 poser dans le cadre de votre contre-interrogatoire?

24 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr que j'en ai, Monsieur May. J'en ai

25 beaucoup, des questions. Je ne pense pas, d'ailleurs, avoir le temps de

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1 les poser toutes. Je vous demanderai d'ailleurs de me donner encore un peu

2 de temps. Je ne pense pas pouvoir finir dans les dix minutes qui me

3 restent.

4 Vous nous avez expliqué, Monsieur le Témoin… Et là, je ne pense pas

5 l'avoir mais je crois avoir un discours que vous avez tenu et que je vous

6 ai montré, publié dans les journaux début octobre. Vous aviez expliqué

7 qu'il n'y avait aucune raison pour le Monténégro d'être préoccupé pour ce

8 qui est des aspirations de la Croatie et que la Croatie s'était comportée

9 de façon tout à fait civilisée et sans manifester de prétention

10 quelconque.

11 Je vous pose la question suivante maintenant: vous souvenez-vous -vous

12 étiez encore ministre, à l'époque-, vous souvenez-vous donc que, par

13 exemple, en date du 23 janvier 1991, à Zagreb, il s'est tenu une réunion

14 des représentants de la Croatie et du Monténégro, le 23 janvier 1991? Et à

15 cette réunion, le Président du Parlement croate, Zarko Domljan, à l'époque

16 donc, avait affirmé que la Croatie considérait que le territoire de Boka

17 Kotorska était leur territoire à eux. L'opinion publique, toute entière,

18 en a été informée au travers des débats qui ont eu lieu au Parlement du

19 Monténégro, retransmis directement par la télévision du Monténégro. Il ne

20 s'était pas agi d'une propagande, mais de positions non contestées,

21 directement transmises et directement diffusées depuis la session du

22 Parlement du Monténégro.

23 Est-ce que vous vous en souvenez? Est-ce que vous estimez là aussi que

24 c'est là raison à préoccupations pour le Monténégro? Et est-ce que vous

25 pensez qu'il n'est pas justifié pour le Monténégrin que de vouloir

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1 défendre son territoire?

2 Réponse: Cela, je ne m'en souviens pas du tout. Et je crois bien que vous

3 avez encore monté un faux.

4 Laissez-moi. Laissez-moi finir!

5 M. Milosevic (interprétation): Mais on n'en en pas fini! Vous dites que

6 vous ne vous en souvenez pas.

7 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de terminer.

8 Vous lui avez soumis une idée, une thèse; laissez-le s'exprimer.

9 M. Samardzic (interprétation): A Zagreb, je n'avais pas été présent à

10 cette réunion dont vous avez parlé et je n'arrive pas à me souvenir du

11 fait que cela aurait pu être dit par qui que ce soit en Croatie. Vous

12 pouvez...

13 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

14 M. Samardzic (interprétation): Vous pouvez apporter autant de journaux de

15 Konatar, "Pobjeda" que vous voulez...

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Samardzic, l'accusé a le droit

17 de poser des questions. Donnez-lui le temps de le faire, mais essayez de

18 limiter vos réponses aux questions qui vous sont posées.

19 Monsieur Milosevic, vous avez un peu plus de dix minutes encore.

20 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous ai pas bien entendu, Monsieur

21 May. Vous allez me donner encore dix minutes?

22 M. le Président (interprétation): Un peu plus de dix minutes, oui.

23 M. Milosevic (interprétation): Donc jusqu'à 11 heures moins 20, n'est-ce

24 pas?

25 M. le Président (interprétation): Pas d'après l'horloge que je regarde.

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1 Moi, ce serait plutôt 35.

2 M. Milosevic (interprétation): Peut-être êtes-vous en train de voir cette

3 horloge sous un autre angle.

4 Monsieur Samardzic, je vais vous poser une question concernant ce que vous

5 avez dit ici, devant le micro qui est devant vous, et non pas au sujet de

6 ce que vous avez dit dans votre déposition.

7 Vous avez dit qu'au Monténégro, un putsch nationaliste a eu lieu pour

8 permettre l'arrivée au pouvoir de Bulatovic et de Djukanovic. C'est bien

9 ce que vous avez dit ici, dans le micro de ce prétoire?

10 M. Samardzic (interprétation): J'ai dit qu'il y a eu un putsch

11 nationaliste. Je ne pense pas avoir mentionné Bulatovic et Djukanovic

12 parce qu'ils ne sont pas arrivés au pouvoir tout de suite; ils ont été

13 élus vers la fin de l'année. Le putsch a eu lieu vers la fin de l'année et

14 eux, ils ont été élus vers la fin de l'année, après les élections. C'est

15 ce que j'ai dit et vous êtes encore en train de tendre des pièges.

16 Je ne suis pas ici pour m'attaquer à Djukanovic ou Bulatovic, mais vous

17 n'arrêtez pas de tourner autour et d'essayer de déformer les choses.

18 M. Milosevic (interprétation): Merci. Je vous pose les questions que je

19 veux bien vous poser. Mais dites-moi, je vous prie: par ce putsch

20 nationaliste, qui est arrivé au pouvoir au Monténégro?

21 Réponse: Vous, Monsieur Milosevic.

22 Question: Donc c'est moi qui ai pris le pouvoir, qui me suis emparé du

23 pouvoir?

24 Réponse: Non.

25 Question: Mais qui s'était trouvé à ce moment-là à la tête du Monténégro,

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1 en mon nom, étant donné que je n'y étais pas moi-même? Qui avait exercé au

2 Monténégro le pouvoir en mon nom?

3 Réponse: Un certain nombre de personnes avaient exercé le pouvoir en votre

4 nom. Et ce groupe, qui est arrivé au pouvoir, était favorable à vous.

5 Puis, ensuite, Milo Djukanovic s'est retourné contre vous au bout d'à

6 peine cinq ans.

7 Et vous essayez tout le temps de présenter les choses comme si je

8 m'attaquais à Milo Djukanovic parce qu'il est contre vous, mais je ne vais

9 pas l'attaquer.

10 Question: Je ne vous mets pas en corrélation avec les attaques contre Milo

11 Djukanovic; je suis en train de vous poser des questions. Comme vous venez

12 de le dire, il est contre moi, donc je n'ai aucune raison de le défendre,

13 mais j'ai des raisons de défendre la vérité. Ce que vous avez dit ici, ce

14 n'est pas de la vérité et ce que vous avez rédigé ici sur 30 pages, contre

15 lui et contre son frère, et toutes les accusations que vous avez avancées

16 contre lui, bien entendu, je me sens tenu de défendre la vérité.

17 Réponse: Je n'ai rien écrit ni contre lui ni contre son frère. Ce qui a

18 été dit au sujet de son frère, j'ai dit que c'était une erreur. J'avais

19 dit que c'était "Gasda Jezda", "Maître Jezda" qui était au courant des

20 armes et pas lui; et vous avez essayé de déformer, de me tendre des

21 pièges.

22 Question: Bien, bien. Les pièges ne font pas partie de ce dont je

23 m'occupe.

24 Est-ce que vous voulez dire que je dirigeais le Monténégro au moment où il

25 a été réalisé, ce putsch nationaliste?

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1 Réponse: Par le biais de ceux qui ont procédé à ce putsch, par le biais de

2 l'armée et la police.

3 Question: Quelle corrélation y a-t-il entre l'armée et la police, s'il

4 vous plaît? Dans ces manifestations au Monténégro, on n'a pas écrasé une

5 seule fleur, on n'a pas brisé une seule vitre. Qu'est-ce que la police et

6 l'armée viennent voir là? Qu'est-ce que vous êtes en train de nous

7 raconter, Monsieur Samardzic?

8 Réponse: Mais je n'ai pas dit qu'on avait écrasé des fleurs, je n'ai pas

9 dit qu'on cassé des vitres, j'ai dit que l'armée et la police étaient sous

10 votre contrôle et que ce sont eux qui ont pris le pouvoir. Il est par

11 conséquent tout à fait évident que vous avez été l'initiateur de ce qui

12 s'est passé au Monténégro, à savoir la révolution anti-bureaucratique.

13 C'est là votre œuvre et je l'affirme encore. Que voulez-vous que je vous

14 dise de plus?

15 Question: Bien, mais qui est arrivé au Monténégro au pouvoir, en plus de

16 moi, puisque vous dites qu'il y a eu moi? Je ne sais pas avoir été au

17 pouvoir au Monténégro, mais, comme c'est vous qui l'affirmez, je veux

18 bien. Mais qui a exercé en mon nom le pouvoir au Monténégro? Répondez-moi,

19 de grâce!

20 Réponse: Après les élections, Milo et Momir. Que voulez-vous de plus?

21 Question: Mais attendez! Est-ce que ce n'est pas contradictoire? N'ont-ils

22 pas été élus de façon légale à des élections pluripartites au Monténégro?

23 Réponse: Oui.

24 Question: De quel putsch parlez-vous?

25 Réponse: Le putsch a eu lieu plus tôt, avant. Ils ne seraient pas arrivés

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1 au pouvoir sans ce putsch. C'est une chose tout à fait certaine.

2 Question: Donc le peuple n'aurait pas voté pour eux s'il n'y avait pas eu

3 de putsch?

4 Réponse: Mais laissez donc tomber! Ce sont vos conclusions. Je ne sais pas

5 si le peuple aurait voté ou pas, mais, jusque là, ce n'étaient pas des

6 personnes qui avaient occupé des fonctions aussi importantes, ce n'étaient

7 pas des personnes qui s'étaient trouvées au sommet des instances du

8 pouvoir et, à l'époque, c'étaient des gens qui avaient joui… qui avaient

9 bénéficié de votre confiance. C'est une chose notoirement connue au

10 Monténégro. Vous le savez vous-même.

11 Et, lorsque Milo Djukanovic a compris la politique que vous aviez

12 conduite, il s'est retourné contre vous. Vous ne pouvez pas m'obliger

13 maintenant à m'attaquer à lui. Ce sont des pièges. Vous déformez. Cela n'a

14 rien à voir l'un avec l'autre.

15 Question: Mais je n'ai...

16 Réponse: Non, non, non. Cela, ce sont des déclarations qui ont été faites

17 il y a deux ans. Cela n'a rien de pertinent. Beaucoup d'erreurs sont

18 commises et vous êtes en train d'essayer, de cette façon-là, de me

19 compromettre.

20 Attendez, c'est moi qui parle maintenant!

21 M. Milosevic (interprétation): Mais vous vous êtes compromis vous-même!

22 M. Samardzic (interprétation): Non.

23 M. le Président (interprétation): Je pense que l'heure est venue de calmer

24 le jeu.

25 Monsieur Samardzic, l'accusé a le droit de vous poser des questions

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1 provenant de votre déclaration préalable. Et nous, nous écoutons vos

2 réponses.

3 M. Milosevic (interprétation): Vous avez expliqué que Branko Kostic était

4 un nationalisme grand serbe. A-t-il été élu sous mon influence à moi ou,

5 Monsieur Samardzic, c'est vous qui l'avez élu au Monténégro?

6 M. Samardzic (interprétation): Ce n'est pas moi qui l'ai élu, soyez-en

7 sûr!

8 Question: Je sais que ce n'est pas vous. Quand je dis "vous", je parle des

9 structures du Monténégro, je parle des citoyens, je parle des institutions

10 démocratiques du Parlement qui l'avaient élu. Je n'ai pas pensé que vous

11 étiez vous-même là-bas pour voter en sa faveur, et je ne pense pas qu'il

12 ait tenu à ce que vous votiez pour lui. Mais n'a-t-il pas été élu à ses

13 fonctions au Monténégro?

14 Réponse: A quelles fonctions vous vous référez?

15 Question: Je me réfère aux fonctions de membre de la Présidence de

16 Yougoslavie.

17 Réponse: Oui, le Parlement du Monténégro l'a élu aux fonctions de membre

18 de la Présidence pour remplacer Nenad Bucin, mais cela ne signifie pas que

19 ce n'est pas là un ultranationaliste comme je l'ai dit.

20 Question: Fort bien. Ecoutez, Monsieur Samardzic, vous avez dit qu'au

21 Monténégro, il a été organisé des unités paramilitaires et que cela -vous

22 l'avez dit ici dans le micro, ici- était visible dans… ou relevable dans

23 les déclarations des deux Bulatovic. Le Président et le ministre de

24 l'Intérieur avaient le même nom de famille: Bulatovic. C'est là la pièce à

25 conviction que vous avez présentée ici. Je me propose de vous poser la

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1 question: où, à quel endroit dans cette pièce à conviction cela peut-il

2 être relevé ou aperçu? Notamment, lorsqu'il s'agit de l'ordre de

3 mobilisation des unités particulières de la milice, de la police, et ce,

4 de la force d'une compagnie renforcée, d'une compagnie d'infanterie pour

5 intervenir dans les conflits à la frontière entre la République de Croatie

6 et la République du Monténégro. C'est ce qui a été rédigé par Momir

7 Bulatovic. Donc, à partir de quoi est-ce qu'on voit qu'on a mis en place

8 des unités paramilitaires? On a envoyé une compagnie de la police

9 concernant l'incident à la frontière entre la Croatie et le Monténégro...

10 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre.

11 Monsieur le Témoin, l'accusé fait allusion à la pièce 338, intercalaires 2

12 et 3.

13 Monsieur Samardzic, est-ce que vous vous souvenez du document auquel fait

14 référence l'accusé ou est-ce que vous préféreriez qu'on vous en remette

15 une copie?

16 M. Samardzic (interprétation): Je n'ai pas envie de voir ce document. Je

17 l'ai déjà vu. Monsieur Milosevic est en train de déformer les choses. Ce

18 n'est pas moi qui l'ai présenté au Tribunal, c'est contraire à la vérité.

19 Ce n'est pas moi qui ai présenté ces documents, ni l'un ni l'autre.

20 M. le Président (interprétation): En toute équité par rapport à l'accusé,

21 il ne vous tend pas de piège. Puisque ce document vous avait été présenté

22 dans le cadre de votre déposition, l'accusé a tout à fait le droit de vous

23 poser des questions à l'encontre de ce document.

24 Pourriez-vous nous aider s'agissant de ces ordres qu'on présente comme

25 étant des ordres de mobilisation? Est-ce que c'étaient des ordres ou pas?

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1 M. Samardzic (interprétation): Permettez-moi, Monsieur le Président, de

2 dire ce qui suit: je ne sais pas comment cela a été traduit à votre

3 intention. Il a dit que c'était moi qui ai présenté cela au Tribunal.

4 J'affirme que ce n'est pas moi qui l'ai présenté. C'est le Tribunal qui

5 m'a présenté ces documents et je me suis penché dessus.

6 Pour répondre à ce qu'il m'a demandé, je dirai la chose suivante: partant

7 des documents qui m'ont été présentés ici, il apparaissait avec évidence

8 que les deux Bulatovic avaient donné des ordres pour mettre en place des

9 unités spéciales de police -cela est exactement cité- et des unités de la

10 Défense territoriale. D'après moi, ces unités n'étaient pas tout à fait

11 militaires, mais ressemblaient à des unités militaires; c'est pour cela

12 qu'elles sont désignées comme étant paramilitaires. C'est la raison pour

13 laquelle elles avaient été placées sous le commandement de l'armée

14 populaire yougoslave qui avait fait la guerre, qui avait participé aux

15 combats.

16 Et je ne vois là rien de contestable pour qu'on puisse me tendre des

17 pièges et pour qu'on puisse affirmer que je suis entré en contradiction

18 avec ce que j'avais dit auparavant. Le Tribunal m'a présenté ces documents

19 pour que je fasse des commentaires.

20 M. le Président (interprétation): On ne vous tend pas de piège. On vous

21 pose simplement une question à propos d'un document, et vous venez

22 maintenant de fournir une explication.

23 Monsieur Milosevic, poursuivez.

24 M. Milosevic (interprétation): Vous venez de redire, Monsieur, ici "unités

25 paramilitaires" pour "Défense territoriale", et ainsi de suite.

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1 Dans cet ordre-ci, je voudrais que vous nous montriez quelque passage que

2 ce soit où l'on mentionnerait autre chose, si ce n'est une compagnie des

3 unités spéciales de la police, pour garder la frontière entre la Croatie

4 et le Monténégro où il y a eu des conflits. Est-ce qu'on fait état de

5 quelque autre unité que ce soit? Est-ce que l'on fait état de mobilisation

6 dans l'un quelconque de ces ordres, l'un étant un ordre de nature

7 générale, et l'ordre étant plus concret, qui est fait par le ministre

8 parce qu'il dit: "Entre 15 heures et 17 heures, procédez à la mobilisation

9 d'une unité de la police"?

10 Où avez-vous vu autre chose, si ce n'est une compagnie de la police? Et je

11 vous pose des questions concernant l'ordre où vous avez vu que l'on avait

12 donné instruction de former des unités paramilitaires?

13 M. Samardzic (interprétation): Bulatovic avait parlé de mobilisation

14 générale et pas une compagnie.

15 Question: Mais je vous ai posé une question concernant l'ordre émanant de

16 lui où il est question de cette compagnie. De quoi parlez-vous?

17 Réponse: Moi, je parle d'ordre général fait par Bulatovic qu'on m'a

18 présenté...

19 M. Milosevic (interprétation): Mais où est cet ordre?

20 M. Samardzic (interprétation): Mais donnez-le-moi, que je le voie. C'est

21 vous qui l'affirmez.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Samardzic.

23 Monsieur Milosevic, vous pouvez encore poser une dernière question, car

24 votre temps est écoulé.

25 M. Milosevic (interprétation): J'aurais voulu l'interroger au sujet de ces

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1 quelques documents qu'il a interprétés de façon complètement déformée.

2 Mais si vous ne m'en donnez pas la possibilité, malheureusement, je ne

3 pourrai pas le faire.

4 Monsieur Samardzic, connaissez-vous le proverbe serbe, que vous avez peut-

5 être appris lorsque vous étiez petit, qui dit que "les mensonges ont des

6 jambes courtes"?

7 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas besoin de répondre à

8 cette question, Monsieur Samardzic.

9 Monsieur Tapuskovic, vous avez des questions?

10 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, c'est la première

11 fois que je vous demande cela, mais je vais m'efforcer d'en terminer avec

12 mes questions jusqu'à 11 heures. Si cela ne pouvait pas être le cas, je

13 ferai tous mes efforts pour cela, mais, si je ne parviens pas, je vous

14 demanderai simplement quelques minutes de plus.

15 M. le Président (interprétation): Essayez d'en finir à 11 heures, car nous

16 avons encore un autre témoin aujourd'hui.

17 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Nikola

18 Samardzic.)

19 (M. Nice sort du prétoire.)

20 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur Samardzic, j'aimerais, si vous le

21 voulez bien, que vous répondiez par "oui" ou par "non" aux quelques

22 questions que je vais vous poser maintenant qui, à mon avis, ne sont pas

23 contestables.

24 Vous êtes bien né en 1935, n'est-ce pas?

25 M. Samardzic (interprétation): Oui.

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1 Question: Est-ce que cela signifie qu'en 1990, vous aviez 55 ans? Et à

2 l'époque, plus de la moitié de la population yougoslave avait le même âge

3 que vous?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Cela signifie, n'est-ce pas, que ce qui s'est passé au cours de

6 la Première Guerre mondiale, vous l'avez vécu?

7 Réponse: La Première Guerre mondiale?

8 Question: Non, non, Deuxième Guerre mondiale, excusez-moi.

9 Réponse: Oui, je l'ai vécue.

10 Question: Et à l'époque, y avait-il également pas mal de gens qui avaient

11 vécu les événements de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale?

12 Réponse: Oui, en effet.

13 Question: Merci. Alors, ce qui m'intéresse, c'est un certain nombre de

14 choses, un certain nombre d'événements qui se sont passés entre 1945 et

15 1953. Vous aviez bien 18 ans en 1953, n'est-ce pas?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Vous dites que votre père a souffert de tout cela. Alors,

18 pouvez-vous nous dire pourquoi exactement il était en prison? Vous avez

19 dit, dans votre déclaration écrite également, qu'il a été emprisonné entre

20 1948 et 1953; cinq ans, donc. Il a dû faire quelque chose de terrible pour

21 cela?

22 Réponse: Je n'ai pas parlé de 1953, j'ai dit qu'il était resté en prison

23 jusqu'en 1952. Il n'a rien fait de terrible, mais on l'a été piégé. Il

24 était membre de la Commission de révision du Parti central du parti

25 communiste du Monténégro, proposé pour décoration en tant que héros de

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1 guerre, résistant de toujours. Et, de façon très injuste et sans l'ombre

2 d'une raison, on l'a envoyé à Goli Otok, sur l'île de Goli Otok, sans

3 aucune raison. Cela ressort d'un certain nombre de documents.

4 Question: Merci. Donc est-ce que cela veut dire qu'il a souffert, à

5 l'époque, de l'Informburo, du bureau d'information des services secrets de

6 l'époque, pour cette seule raison?

7 Réponse: Oui, il a souffert en raison des activités du service secret,

8 c'est exact. Mais à l'époque, il n'était pas favorable à Staline, il ne

9 l'était pas. Il a pris des positions. Sava Joksimovic, chef la police du

10 Monténégro, est intervenu pour le faire enfermer; et c'est ainsi qu'il a

11 été incarcéré, compte tenu de la ligne défendue par le parti à l'époque.

12 Question: Mais pourquoi est-ce que vous vous fâchez?

13 Réponse: Je ne me fâche pas, mais il a souffert de façon très injuste et

14 apparemment, vous cherchez à me piéger sur cette base.

15 M. Tapuskovic (interprétation): Mais je vous en prie, comment vous piéger,

16 en quoi vous piéger?

17 M. Samardzic (interprétation): Mais écoutez, ce qui importe pour ce

18 procès, ce n'est pas ce que......

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, je vous en prie,

20 dites-moi comment tout cela peut être d'une quelconque utilité pour les

21 Juges? A l'évidence, c'est un point très important pour le témoin mais,

22 jusqu'à présent, je ne parviens pas à en voir la pertinence dans ce

23 procès.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Vous verrez très bientôt.

25 Monsieur Samardzic, ce que je voulais dire précisément, c'est que votre

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1 père a souffert...

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, peut-être voudrez-

3 vous bien m'expliquer la pertinence de tout cela?

4 M. Tapuskovic (interprétation): La pertinence réside en ce qui suit. Cette

5 année-là, au cours de ces années-là en fait, 50.000 personnes à peu près

6 ont été arrêtées et emprisonnées; et sur ces 50.000 personnes, la majorité

7 étaient des Serbes et des Monténégrins. Et après leur arrestation, ils ont

8 tous passé un certain temps enfermés dans plusieurs petites îles et ce, au

9 seul motif que cette idée de la Grande Serbie était encore une fois en

10 discussion à l'époque. Et son père a souffert pour rien; il n'a souffert

11 que parce qu'il était ressortissant de la nation monténégrine et parce

12 qu'il considérait que telle ou telle était valable. Il a été emprisonné

13 sans procès en bonne et due forme, comme l'ont été plus de 50.000

14 personnes envoyées sur plusieurs petites îles.

15 Donc c'était quelque chose de très important si vous voulez examiner

16 l'histoire et voir ce qui s'est passé à l'époque; je crois que je devrais

17 avoir la possibilité de faire la clarté sur ce point car c'est tout à fait

18 pertinent. Cela sera démontré par la suite.

19 M. le Président (interprétation): Nous verrons. Mais pour l'instant, vous

20 avez soumis la question au témoin et il devrait pouvoir répondre.

21 M. Tapuskovic (interprétation): Est-ce que votre père vous a dit les

22 choses de cette façon?

23 M. Samardzic (interprétation): Le nombre des personnes emprisonnées est

24 sans doute exact; il y en a eu beaucoup plus que 16.000, effectivement, je

25 suis d'accord avec vous. Mais je ne suis pas d'accord avec vous quand vous

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1 dites qu'ils ont été enfermés en raison de l'idée de la Grande Serbie. Les

2 prisonniers enfermés à Goli Otok, le long de la Neretva, etc., ne se sont

3 pas prononcé pour la Grande Serbie, mais pour la fraternité entre les

4 Serbes, les Croates, les Bosniaques, etc. Donc ne m'induisez pas en

5 erreur.

6 Question: Nous y viendrons, nous y viendrons. Dans votre déclaration

7 écrite, vous dites ce qui suit: qu'Aleksandar Rankovic, ministre de

8 l'Intérieur de Tito, avait répandu l'idée serbe au Monténégro et ce, en

9 dépit du bon sens. Il combattait tous ceux qui n'étaient pas d'accord pour

10 prôner la domination serbe exclusive.

11 Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec ceci, à savoir qu'il s'est agi…,

12 l'action du bureau info des services secrets de l'époque a causé un pogrom

13 qui a été très, très, très, très… très vaste, très étendu à l'époque?

14 Réponse: C'était une forme commune de pogrom contre la nation monténégrine

15 parce que…

16 Cela dit, vous n'avez pas donné le nombre exact des prisonniers. Vous

17 devriez distinguer entre les prisonniers serbes et les prisonniers

18 monténégrins. 80% des prisonniers de Goli Otok étaient monténégrins et le

19 Monténégro ne comptait que 1,6% de la population yougoslave totale.

20 Alors je répète, Monsieur le Président, plus lentement: 90% de la

21 population enfermée à l'époque sur l'île de Goli Otok n'étaient pas

22 favorables à Staline.

23 C'étaient des innocents qui ont été emprisonnés et, sur 20.000 personnes

24 enfermées à Goli Otok, seulement, 80% étaient Monténégrins, alors que le

25 Monténégro ne représente qu 1,6% de la population yougoslave totale. Le

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1 chef de la police était un Serbe, Rankovic; il a fait tout cela contre les

2 Monténégrins.

3 Question: Votre père a-t-il été emprisonné? Et où? A Goli Otok?

4 Réponse: A Goli Otok. Oui, c'est exact. C'est en Croatie. Mais le pouvoir

5 de Rankovic était le même au Monténégro et en Croatie. La situation ne

6 correspondait pas à ce qu'elle est aujourd'hui.

7 M. Tapuskovic (interprétation): Cela suffit, Monsieur Samardzic. J'ai

8 d'autres questions à vous poser également.

9 Est-il exact que, immédiatement après la fin de la Deuxième Guerre

10 mondiale, puisque vous avez parlé hier de guerre civile qui a duré

11 jusqu'en 1945, et vous vous rappelez les événements, est-il exact que,

12 immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale, des dizaines de milliers

13 de personnes ont été tuées, soit parce qu'elles étaient riches, soit parce

14 qu'elles appartenaient à des partis bien connus avant la guerre qui

15 préconisaient l'instauration du système parlementaire? Donc, des personnes

16 bien connues, également des artistes qui étaient connus surtout au

17 Monténégro et en Serbie?

18 M. Samardzic (interprétation): Non, cela n'est pas comme vous le dites. Il

19 y a peut-être eu quelques assassinats, c'est probable. Mais dire qu'après

20 la guerre, l'habitude a été prise de tuer les personnes connues et riches,

21 c'est faux. Permettez-moi de dire...

22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?

23 M. Nice (interprétation): Je dois protester. Les amici sont censés rendre

24 service à la Chambre et nous manquons de temps.

25 M. le Président (interprétation): Je suis d'accord. Nous allons nous

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1 consulter entre Juges de cette Chambre.

2 (Les Juges se concertent sur le siège.)

3 M. Robinson (interprétation): Monsieur Tapuskovic, nous avons le plus

4 grand mal à trouver quelle peut être la pertinence des questions posées

5 par vous. Pouvez-vous nous l'expliquer?

6 De toute façon, je dois vous dire que nous préférerions que vos questions

7 portent davantage sur des questions contemporaines, en laissant l'histoire

8 de côté, si vous le voulez bien.

9 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Juge Robinson, je tiendrai le

10 plus grand compte de votre remarque, mais puisque l'Acte d'accusation est

11 rédigé comme il l'est, vous savez depuis le premier jour que nous traitons

12 ici de problèmes liés à l'idée de la Grande Serbie, et toutes les

13 accusations, toutes les charges tournent autour de cela. Alors, je

14 m'occupe en ce moment du fait de démontrer que cette conception de la

15 Grande Serbie a toujours été avancée chaque fois que des problèmes

16 importants se sont posés dans cette région du monde.

17 Ce que je voudrais, c'est que vous constatiez qu'à partir de 1945, et très

18 régulièrement, à peu près tous les dix ans, le problème de la Grande

19 Serbie a été évoqué. Et ce, dans des situations qui auraient pu nuire très

20 gravement à la nation. Donc je ne sais pas combien de temps je vais

21 pouvoir continuer à intervenir dans la présente affaire...

22 M. Robinson (interprétation): Vous dites que l'idée de la Grande Serbie

23 circule depuis pas mal de temps; c'est bien cela?

24 (Signe affirmatif de la tête de M. Tapuskovic.)

25 Nous allons poursuivre, mais je crois qu'il serait bon que vous terminiez

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1 vers 11 heures.

2 M. Milosevic (interprétation): J'ai une objection, Monsieur May.

3 M. le Président (interprétation): Rapidement, je vous prie. De quoi

4 s'agit-il?

5 M. Milosevic (interprétation): Je crois que ce qu'a dit M. Tapuskovic a

6 été compris de façon complètement à l'inverse de ce qui aurait dû être. En

7 effet, il n'est pas question de l'idée de la Grande Serbie, mais

8 d'accusations concernant une prétendue intention de créer la grande

9 Serbie. Ce n'est pas la Grande Serbie en tant que telle dont il est

10 question ici, dans ce qu'a dit M. Tapuskovic, mais parce que le concept de

11 Grande Serbie est un concept austro-hongrois, qui date de plusieurs

12 siècles et qui n'a jamais été créé par la Serbie. Je me suis expliqué très

13 amplement sur ce point. En fait, il a provoqué le pogrom des Serbes.

14 M. le Président (interprétation): Laissez M. Tapuskovic conduire son

15 contre-interrogatoire.

16 Monsieur Tapuskovic, vous avez jusqu'à 11 heures. Donc, peut-être,

17 pourriez-vous aborder les différentes questions qui vous intéressent.

18 M. Tapuskovic (interprétation): Je vais me presser, mais je pense qu'il

19 serait préférable pour vous que je dispose de plus de temps. Mais enfin,

20 tant pis, je vais respecter vos instructions.

21 Monsieur Samardzic, vous avez dit hier que l'idée de la Grande Serbie

22 avait été créée seulement à la fin des années 80 et que les créateurs de

23 cette idée étaient les auteurs du mémorandum de l'Académie des sciences

24 serbe, Dobrica Cosic et Slobodan Milosevic, entre autres. C'est bien ce

25 que vous avez dit hier ?

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1 M. Samardzic (interprétation): J'ai dit que ce sont ceux qui l'ont

2 représenté le plus. Je n'ai jamais dit que cette idée avait vu le jour à

3 ce moment-là; l'idée de la Grande Serbie existe depuis Ilija Garasanin.

4 L'idée de la Grande Serbie existe depuis des temps très reculés; elle n'a

5 pas été inventée par l'Autriche-Hongrie, mais par un ministre serbe.

6 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie,

7 j'aimerais attirer votre attention sur la page 8 de la version serbe et

8 peut-être page 9 de la version anglaise, dernier paragraphe de la

9 déclaration préalable du témoin.

10 On lit ce qui suit -je cite-: "Dans le nord-est de la République, ils ont

11 toujours appuyé l'idée de la Grande Serbie. Après la Deuxième Guerre

12 mondiale, Aleksandar Rankovic, ministre de l'Intérieur de Tito, a, de

13 façon éhontée, provoqué la purge de nombreux Monténégrins qui ne voulaient

14 pas entièrement s'aligner sur les idées défendues par la nation serbe.

15 Plusieurs personnes qui avaient combattu avec les partisans ont été

16 emprisonnées en tant que stalinistes, royalistes, fascistes ou simplement

17 nationalistes. Il a remplacé ces personnes par des Serbes importants."

18 (Fin de citation.)

19 Donc est-ce que l'idée a toujours existé parmi les Monténégrins, l'idée de

20 la Grande Serbie? Est-ce que la supériorité serbe est démontrée par les

21 actes d'Aleksandar Rankovic, comme vous l'avez dit? Est-ce que c'est ainsi

22 que les choses se sont passées, que la Grande Serbie était abordée à

23 l'époque?

24 Réponse: Que voulez-vous dire?

25 Question: Eh bien, est-ce que c'est un concept qui a toujours été affecté

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1 à la partie serbe, aux Serbes?

2 Réponse: Au Monténégro, après 1948, la propagande à commencé à parler de

3 "Grand Serbisme"; ça, c'est vrai. Dans les écoles, cette idée existe

4 toujours aujourd'hui. Donc tout, dans le système éducatif, les écoles, au

5 niveau politique, etc., tournait autour de cela. Tout était fait pour que

6 le Monténégro fasse partie de la Grande Serbie ou, en tout cas, se

7 rapproche des Grands Serbes. Et c'est ce qui s'est passé.

8 Question: Merci, Monsieur Samardzic. Donc, en 1965, est-ce que Rankovic a

9 été arrêté avec un certain nombre d'autres personnes pour l'existence

10 prétendument et pour la diffusion de cette idée de Grande Serbie?

11 Réponse: Il a été remplacé à l'époque à son poste en raison de l'idée de

12 la Grande Serbie, c'est exact. Mais aucun de ces policiers n'a été arrêté

13 avec lui. Certains ont simplement été mis à la retraite.

14 Question: Merci. La Constitution de 1974 maintenant. En 1974, vous étiez

15 député au Parlement fédéral, et vous savez bien tout ce qui concerne la

16 Constitution à l'époque, ce qui s'est passé exactement.

17 En rapport avec la crainte de la Grande Serbie, en fait, n'est-il pas vrai

18 que les modifications de la Constitution de 1974 ont préparé les

19 Républiques de l'époque et les deux régions autonomes -donc six

20 républiques, deux régions autonomes- au changement économique et politique

21 qui devait s'en suivre dans ces régions?

22 Réponse: Je ne peux pas dire, je ne peux pas définir la Constitution des

23 années 70 de cette façon. La Constitution a sans aucun doute visé à fixer

24 l'idée de Grande Serbie, mais la Constitution n'a pas donné la possibilité

25 d'une sécession.

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1 Question: Merci. Est-ce qu'il y a une disposition particulière dans la

2 Constitution relative à la Défense nationale selon laquelle tous les

3 habitants peuvent être armés? Qui devait défendre la Yougoslavie en temps

4 de paix au niveau européen? Il n'était pas question de guerre à l'époque.

5 Réponse: Je suis désolé, la Yougoslavie devait avoir une armée à elle et

6 organiser son système de défense.

7 Question: Oui, je suis d'accord sur point.

8 Réponse: Mais, par la suite, le danger d'une attaque du bloc soviétique a

9 toujours existé.

10 Question: Mais pourquoi est-ce que les gens se verraient armés? Pourquoi

11 armer la population?

12 Réponse: Eh bien, s'il y avait une attaque du bloc soviétique, par

13 exemple, la seule défense consistait à armer le peuple. Ceci est

14 traditionnel dans nos populations. A côté de l'armée, il y a également la

15 défense populaire, le peuple en arme qui va défendre son pays; cela n'a

16 rien de mauvais.

17 Question: La Constitution prévoyait-elle la sécession? Je vais vous poser

18 la question de cette façon. Est-ce que la Constitution, dans un quelconque

19 autre pays, autorise qu'une région fasse sécession du pays?

20 Réponse: Dans la Yougoslavie de Tito, il y a eu cinq constitutions. Et

21 j'aimerais revenir sur ce point. Depuis la première jusqu'à la dernière,

22 elles contenaient toutes des dispositions sur le droit du peuple à

23 l'autodétermination, et je ne vois rien de mauvais dans le fait qu'au sein

24 d'un Etat fédéral les peuples aient le droit de quitter le pays, de s'en

25 séparer.

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1 Question: Mais cette disposition constitutionnelle, est-ce qu'elle a été

2 appliquée lorsque la Slovénie a entamé les actions qu'elle a entamées?

3 Réponse: Que voulez-vous dire?

4 Question: Lorsqu'elle a attaqué l'armée.

5 Réponse: Donc vous parlez de 1990 et de 1991, c'est bien cela?

6 Question: Oui.

7 Réponse: Je ne vais pas parler de ce qu'a fait la Slovénie. Il y avait un

8 conflit en Slovénie. Mais vous ne pouvez pas reprocher à la Constitution

9 de 1975 ce conflit. Cette disposition existait, c'est exact.

10 Question: Lorsque la Constitution de 1974 a été adoptée, y avait-il une

11 mention dans la Constitution de l'autonomie des Serbes et des Croates?

12 Est-ce que cet élément était mentionné?

13 Réponse: L'idée a toujours existé selon laquelle les Serbes devraient être

14 autonomes en Croatie. Je ne vais pas parler de 1974, mais c'est une idée

15 qui a souvent été préconisée. Durant la Seconde Guerre mondiale, Mosa

16 Pijade a demandé cette autonomie pour les Serbes et l'a obtenue. Et qu'a

17 fait Tito? Il ne l'a pas autorisé.

18 Question: Vous dites que Tito a répondu qu'il ne pouvait pas être question

19 d'autonomie pour cette partie de la Croatie. Est-ce que bien une réponse

20 de Tito à Mosa Pijade dont vous parlez? Est-ce exact?

21 Réponse: Oui, ceci s'est passé sur le mont Glamoc; je pense qu'ils se sont

22 rencontrés à cet endroit. Ils ont examiné la question de la nécessité

23 d'une autonomie, et Tito a pensé que ce n'était pas nécessaire car il

24 défendait l'idée de plusieurs nations vivant dans le même pays dans un

25 esprit de fraternité et d'égalité.

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1 Et, à cette époque-là, ne me demandez pas si je suis d'accord avec Mosa

2 Pijade ou avec Tito, mais en tout cas, c'est ainsi que les choses se sont

3 passées. Je n'ai pas de conclusion particulière sur ce point.

4 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je vois que mon

5 temps est écoulé. Puis-je poser encore quelques questions?

6 M. le Président (interprétation): Encore jusqu'à 11 heures 5. Nous allons

7 siéger jusqu'à 11 heures 5.

8 M. Tapuskovic (interprétation): Je vais être aussi rapide que possible.

9 Examinez la Constitution de 1974. Elle permettait une autonomie complète,

10 même le droit à la sécession.

11 M. Samardzic (interprétation): C'était en 1946, M. Tapuskovic, la

12 Constitution de 1946.

13 Question: Oui, oui, je sais. Mais dites-moi, le droit de veto existait-il

14 avant 1974?

15 Réponse: Le veto n'existait pas avant 1974 dans ces régions.

16 Question: La Serbie aurait-elle pu essayer de faire voter une loi au

17 niveau fédéral, par exemple, si les habitants de Vojvodine ne vivaient pas

18 dans la République de Serbie?

19 Réponse: Tout dépend de la loi dont vous parlez.

20 Question: Vous étiez membre de l'Assemblée fédérale en 1978. Le travail a-

21 t-il été complètement paralysé au sein des organes fédéraux? Plus rien ne

22 pouvait se faire au niveau fédéral; ce n'est pas vrai? Paralysie complète,

23 n'est-ce pas?

24 Réponse: Non, il n'y a pas eu paralysie complète. Il y a eu des

25 difficultés graves, en effet, mais pas paralysie complète du système.

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1 Question: Est-ce que les Serbes de Vojvodine ont obtenu l'autonomie alors

2 que les Serbes de Croatie ne l'ont pas obtenue? Pouvez-vous vous expliquer

3 sur ce point?

4 M. Samardzic (interprétation): J'ai expliqué que l'autonomie de Vojvodine

5 et l'autonomie du Kosovo ont commencé en 1974 et pas en 1945, et que ces

6 décisions ont été prises lors de la deuxième session du Conseil

7 antifasciste connu sous le nom de "Avnoj".

8 M. Tapuskovic (interprétation): Pas en 1945?!

9 Excusez-moi, Monsieur le Président, c'est mon tempérament. Je suis un peu

10 animé, expansif, mais je ne voudrais pas aller trop vite. Mais, enfin,

11 c'est ma nature qui l'emporte, je ne peux m'en empêcher.

12 M. le Président (interprétation): Essayez de vous contenir un peu. Passons

13 à autre chose.

14 M. Tapuskovic (interprétation): Donc ceci n'a pas été autorisé en 1945.

15 Les Serbes n'ont pas été autorisés à bénéficier d'autonomie en Croatie en

16 1945. C'est bien cela?

17 M. Samardzic (interprétation): Oui, c'est exact. Mais Lord Carrington a

18 proposé que les Serbes obtiennent l'autonomie la plus grande possible, et

19 M. Milosevic l'a refusée, c'est aussi vrai. Et, lorsqu'ils allaient

20 s'entendre sur ce point, Slobodan Milosevic a réduit cette chance à néant.

21 Si, en Yougoslavie, nous n'étions pas capables de nous entendre sur point

22 -et je comprends que nous soyons critiqués pour cela-, c'est Lord

23 Carrington, un aristocrate britannique qui avait la volonté d'accorder aux

24 Serbes une autonomie ou en tout cas une grande autonomie en Croatie.

25 Pourquoi M. Milosevic a-il jeté aux orties cette chance?

Page 11418

1 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pouvez

2 interrompre, mais très brièvement.

3 M. Milosevic (interprétation): Mon discours que nous avons entendu dans

4 son intégralité, je parle des éléments qui viennent d'être mentionnés par

5 M. Samardzic, ce que j'ai dit est tout à fait contraire à ce qu'il prétend

6 que j'ai dit.

7 M. le Président (interprétation): Vous aurez la possibilité de lire votre

8 intervention, votre allocution. Vous pourrez présenter votre argument,

9 mais M. Tapuskovic interroge le témoin en ce moment. Laissez-le finir.

10 M.. Tapuskovic (interprétation): Je vais passer sur un certain nombre de

11 questions que j'avais l'intention de vous poser, mais avez-vous été

12 Australie? C'est cela?

13 M. Samardzic (interprétation): Oui.

14 Question: Et vous étiez en contact avec des émigrés en Australie, croates

15 et serbes, n'est-ce pas? Vous avez entendu de leur bouche qu'ils disaient

16 que la Croatie allait bientôt devenir indépendante.

17 Réponse: Un certain nombre des émigrés croates, un certain nombre d'entre

18 eux seulement, avaient une organisation et préconisaient l'indépendance de

19 la Croatie.

20 Question: Mais vous avez entendu cela deux ans après la mort de Tito,

21 n'est-ce pas, en Australie?

22 Réponse: Oui, ils préconisaient l'indépendance de la Croatie. C'étaient

23 des émigrants croates; ce n'étaient pas tous les émigrants croates, mais

24 certains d'entre eux qui étaient favorables à cela.

25 Question: Dans votre déclaration ici, vous avez dit -et je pense que c'est

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1 tout à fait exact- que cela venait du fait que la fraternité et l'union

2 étaient en fait imposées, ne reposaient sur rien, que nous étions tous

3 égaux. Mais, dans votre déclaration, vous faites une distinction en disant

4 que les Croates étaient plus proches des Monténégrins que les Serbes.

5 Réponse: Oui, je l'ai écrit. Mais je vous demande où?

6 Question: Je vous trouverai le passage.

7 Réponse: Bien. Je ne me rappelle pas avoir dit cela. Peut-être que j'ai

8 été amené à dire quelque chose allant dans ce sens, je pense que c'est

9 exact: les Monténégrins sont très proches des Serbes et des Croates.

10 Question: Mais que veut dire "serbisation"? Est-ce que quelqu'un a essayé

11 de vous faire changer d'appartenance ethnique?

12 Réponse: Pas moi personnellement, mais la tendance existait. Un certain

13 nombre de Monténégrins affirment qu'ils sont serbes et d'autres,

14 monténégrins. C'est quelque chose de bien connu.

15 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je ne peux pas

16 abuser de votre patience. J'ai encore d'autres questions, beaucoup

17 d'autres questions, mais j'espère vous avoir aidés et je ne peux pas en

18 faire plus. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et j'en

19 termine ici.

20 M. le Président (interprétation): Très bien.

21 M. Nice (interprétation): Avant la suspension, puis-je traiter d'une

22 question administrative?

23 M. le Président (interprétation): Oui. Est-ce que vous allez poser des

24 questions supplémentaires?

25 M. Nice (interprétation): Oui. Nous avons déjà compris, dans le contre-

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1 interrogatoire, qu'il y avait d'autres transcriptions de séances du

2 Parlement. Maintenant, vous les voyez. Elles sont de taille considérable

3 et toutes en cyrillique.

4 Je suppose, ce document dont disposait déjà l'accusé, sous une forme ou

5 une autre, je me dis qu'il faudrait peut-être qu'il tombe sous le coup de

6 la communication visée par l'Article 68. Et je peux dire que l'accusé, au

7 cas où ceci l'intéresse, parle de cinq ou six pages. Je peux donner le

8 numéro des pages; il pourra les consulter. Et ceci est fait avant la

9 pause; si quelque chose surgit, on pourra en parler après la pause.

10 Voici le numéro des pages que peut prendre l'accusé: 101, 102, 104, 147,

11 149, page 193 à page 196.

12 Je vais veiller à ce que M. Tapuskovic reçoive une copie également.

13 M. le Président (interprétation): Fort bien. Oui, il faut terminer la

14 déposition de ce témoin dans les meilleurs délais.

15 M. Nice (interprétation): Encore une chose, si vous me le permettez.

16 Lorsque nous allons reprendre l'audience, je demanderai qu'on passe

17 rapidement à huis clos partiel pour des questions d'intendance, une fois

18 de plus, mais il est important d'en parler avant que je ne procède à

19 l'interrogatoire supplémentaire.

20 M. le Président (interprétation): Fort bien. Pause d'une demi-heure.

21 (L'audience, suspendue à 11 heures 5, est reprise à 11 heures 35.)

22 (Questions relatives à la procédure.)

23 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?

24 M. Nice (interprétation): Trois questions brèves, la première étant

25 séparée des deux autres dans la mesure où c'est quelque chose qui surgit

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1 après le contre-interrogatoire.

2 La Chambre le sait, j'organise ce procès en essayant d'être le moins

3 interventionniste possible; je sais que c'est ce que veut la Chambre et

4 j'ai pour politique de ne pas placer la Chambre dans une situation où elle

5 devrait marquer un accord avec quelque chose sans avoir l'occasion

6 d'examiner la question au préalable.

7 Mais il faut bien dire que les questions de clôture posées par l'accusé, à

8 notre avis, sont vraiment le comble du mauvais goût, vu l'état physique

9 dans lequel se trouve le témoin et compte tenu du fait que la remarque

10 faite par l'accusé ou les remarques faites par lui sont souvent comprises,

11 notamment par moi, comme étant une menace. C'est vraiment le comble du

12 mauvais goût et je pense que ceci devrait faire l'objet d'un commentaire

13 de la part de la Chambre, commentaire public.

14 M. le Président (interprétation): C'était, disons, une vulgarité.

15 M. Nice (interprétation): Mais ceci a vraiment ébranlé et ébranle les gens

16 de la région qui savent ce qui se trame sous ceci, puisque ce sont des

17 événements extraordinaires qui ont entraîné des pertes de vie

18 innombrables.

19 M. le Président (interprétation): Dites-le en audience publique; de cette

20 façon, tout le saura.

21 Mme Anoya (interprétation): Mais nous sommes en audience publique.

22 M. le Président (interprétation): Donc c'est déjà dit. Mais vous n'étiez

23 pas, malheureusement, en présence du témoin.

24 M. Nice (interprétation): Je le répéterai au moment où il sera présent.

25 Mais est-ce que nous pouvons passer deux minutes à huis clos partiel?

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1 M. le Président (interprétation): Oui.

2 (Huis clos partiel à 11 heures 38.)

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8 (Audience publique à 11 heures 55.)

9 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.

10 M. Nice (interprétation): En attendant le retour du témoin dans le

11 prétoire, je vous ai présenté un extrait d'un compte rendu d'audience

12 avant la pause. Ceci concerne les dates de l'Assemblée monténégrine

13 suivante: 4, 7, 17, 24 et 25 octobre, le 23 décembre, me semble-t-il, le

14 16, le 17 et peut-être aussi le 18, les 21 et 22 janvier 1992. Ces

15 documents n'existent pour le moment qu'en cyrillique, et je ne voulais pas

16 importuner le service de traduction par trop de travail. Je pense qu'en

17 temps utile, nous allons revenir à cette obligation de traduction

18 sélective qui nous incombe. Je vais demander une cote à ce document.

19 M. le Président (interprétation): Oui?

20 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce à conviction de l'accusation

21 n°P340.

22 (Le témoin, M. Nikola Samardzic, est introduit dans le prétoire.)

23 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Nikola Samardzic,

24 par M. Nice.)

25 M. Nice (interprétation): Si vous me le permettez, Monsieur le Président,

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1 Messieurs les Juges, je vais maintenant poser quelques questions

2 supplémentaires à ce témoin s'agissant de la teneur de sa déposition.

3 Je voudrais acter la condamnation que formulent tous les membres du Bureau

4 du Procureur eu égard aux accusations proférées par l'accusé qui,

5 vraiment, ont été de nature à friser le mauvais goût, ou même

6 représentaient un comble de mauvais goût puisque nous avons ici les

7 souffrances d'un homme qui sont tournées en ridicule. Or ses souffrances

8 sont sérieuses et graves, la Chambre le sait. Cela est quelque chose de

9 tout à fait inexcusable à nos yeux.

10 M. le Président (interprétation): Je tiens à préciser que la Chambre de

11 première instance ne tient aucunement compte de ce genre de questions

12 lorsqu'elles sont posées. Pour la Chambre, ce n'était rien d'autre que des

13 vulgarités qui avaient été proférées. Le témoin doit le savoir.

14 M. Nice (interprétation): J'ai encore quelques questions à vous poser.

15 Vous avez fait une remarque, il y a de cela peu de temps,...

16 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May?

17 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, gardez le

18 silence un instant. Laissez le temps à M. Nice de poser ses questions.

19 M. Nice (interprétation): Vous avez relevé que Djukanovic est en

20 opposition par rapport à l'accusé et que vous ne voulez pas l'accuser.

21 Vous avez tenu ces propos par rapport à certains extraits de votre

22 déclaration préalable, dans lesquels, apparemment, vous auriez dit

23 certaines choses à propos de Djukanovic.

24 Est-ce toujours votre position? Vous n'allez pas l'attaquer parce qu'il

25 représente une opposition par rapport à l'accusé? Répondez par un simple

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1 oui ou non, pour autant que la question ait été bien posée.

2 M. Samardzic (interprétation): Oui. Cela est exact, mais ce n'est pas

3 tout. Il y a eu aussi plusieurs erreurs de moindre importance dans la

4 déclaration préalable recueillie il y a deux ans, mais là n'est pas

5 l'essentiel. Je n'ai pas voulu m'attaquer à Milo Djukanovic devant ce

6 Tribunal, en effet.

7 Question: Je le répète -et je demande que ceci soit inscrit au compte

8 rendu de cette audience pour que ceci fasse partie du dossier à

9 disposition des Juges, les Juges s'en souviendront peut-être lorsque cet

10 article sera produit-: il y a pour le moment des élections en cours,

11 n'est-ce pas, et M. Djukanovic est un candidat qui milite en faveur d'un

12 Monténégro indépendant?

13 Réponse: Monsieur Djukanovic s'emploie en faveur d'un Monténégro

14 indépendant. C'est l'idée que j'ai de ce qu'il dit. Mais on met en place

15 un nouvel Etat du Monténégro et de Serbie, ou de Serbie et du Monténégro

16 et, dans cet Etat, le Monténégro bénéficiera d'un statut confédéral.

17 Question: Un extrait vous a été lu de votre déclaration préalable. Il

18 concerne la nature anti-catholique de ce qui est l'offensive de Dubrovnik,

19 page 16 dans la version en anglais. Je vais vous donner lecture de cette

20 dernière phrase dans ce passage où vous parlez de l'Eglise orthodoxe serbe

21 et de son archevêque.

22 Dans votre déclaration préalable, vous dites ceci: "Jamais, ils ne se sont

23 exprimés en faveur de la réconciliation, de la tolérance. Au contraire,

24 ils n'ont cessé de prôner la voie la plus radicale, dans le mépris complet

25 de tous ceux qui n'étaient pas des Serbes." (Fin de citation.)

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1 Etait-ce l'avis que vous aviez au moment où vous avez fourni cette

2 déclaration préalable? Est-ce toujours un avis que vous défendez

3 aujourd'hui? Je le répète: s'il est possible de répondre par un simple oui

4 ou non à cette question, faites-le.

5 Réponse: Oui. L'Eglise orthodoxe serbe, notamment son représentant au

6 Monténégro, a oeuvré précisément de cette façon-là. Oui.

7 Question: Plusieurs questions vous ont été posées par l'accusé concernant

8 l'autodétermination ou le maintien des Serbes dans un seul Etat. Etait-ce

9 un avis que vous aviez adopté vous-même et une cause que vous aviez

10 épousée?

11 Si nous examinons la carte et si nous voyons la ligne qui va de Karlobag à

12 Virovitica -je vous pose une première question- si on avait un Etat

13 composite, qui serait défini par ce type de frontière, est-ce qu'on

14 pourrait dire que c'est là une question qui permet aux Serbes de rester

15 dans un seul Etat ou pas?

16 Réponse: Si l'on en arrivait à cet axe Karlobag-Virovitica, la plupart des

17 Serbes, pour l'essentiel, donc, se trouveraient dans un Etat conjoint.

18 Mais dans cet Etat, il y aurait un grand nombre de Croates, de Musulmans

19 et autres groupes ethniques qui constituent la Yougoslavie.

20 M. Kwon (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.

21 Monsieur Samardzic, vous basez votre affirmation sur le fait que l'accusé

22 prônait l'idée d'une Grande Serbie. Il y a un discours, apparemment, de

23 l'accusé… Ou est-ce qu'il y a un discours de l'accusé dans lequel il

24 affirme que les Serbes devraient vivre dans un seul Etat qu'il présente

25 comme étant une Grande Serbie?

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1 Mais, maintenant, l'accusé dit que cette notion de l'existence des Serbes

2 dans un seul pays n'est rien d'autre que l'idée de cette Yougoslavie

3 fédérale. Est-ce que vous pourriez faire un distinguo entre votre position

4 et ce qui est dit? Est-ce que vous maintenez votre avis, à savoir que les

5 Serbes de Croatie devraient rester au sein de la Yougoslavie? Est-ce que

6 vous pourriez faire une distinction entre votre position et celle, comme

7 vous la comprenez, de Milosevic?

8 M. Samardzic (interprétation): Monsieur Milosevic s'employait en faveur

9 d'une Grande Serbie et non pas en faveur d'une Yougoslavie fédérale. Si

10 nous faisons exception…, exceptons sa conception de la Fédération entre la

11 Grande Serbie et le tout petit Monténégro.

12 Maintenant, pour ce qui est des Serbes en Croatie, il était clair qu'à

13 défaut de Yougoslavie, ils devaient se retrouver dans une Grande Serbie.

14 Mes positions à ce sujet avaient été tout à fait claires. La Croatie était

15 censée rester dans ses frontières et les Serbes en Croatie devaient

16 bénéficier d'une autonomie telle que proposée par Lord Carrington; c'est

17 là que se trouve l'énorme divergence qui nous sépare.

18 Son candidat à la présidence de Serbie, le voïvodat Seselj, à savoir la

19 personne qui est proposée par M. Milosevic aux fonctions de Président de

20 Serbie, s'est employé sans interruption depuis douze ans en faveur d'une

21 Grande Serbie. Et il dit que "Karlobag est à nous, et ça va jusqu'à

22 Virovitica". Dernièrement, il est même allé jusqu'à dire que Rijeka, qui

23 se trouve plus à l'ouest de cet axe Karlobag-Virovitica, devrait être un

24 port serbe. C'est cette conception de la Grande Serbie qu'a M. Milosevic

25 et cette conception du moment qu'il a. Il a moins parlé de Virovitica et

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1 des autres localités, mais ses subalternes, tels que Seselj et les autres,

2 s'étaient employés en faveur de cette Grande Serbie jusqu'à ces limites-

3 là.

4 Monsieur Milosevic, avant la crise, avait rejeté l'initiative

5 d'Izetbegovic et de Gligorov qui avaient proposé de conserver une

6 Yougoslavie constituée de quatre Républiques et de laisser partir la

7 Slovénie et la Croatie. Il a rejeté la chose de façon abrupte parce que

8 son intention avait été celle de mettre en place une Grande Serbie.

9 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.

10 M. Nice (interprétation): Je pense que l'accusé est intervenu?

11 M. le Président (interprétation): Oui.

12 M. Milosevic (interprétation): Le témoin était en train de dire tout à

13 l'heure que j'avais moins parlé, pour ma part, de cette frontière

14 Karlobag-Karlovac-Virovitica. Cela sous-entend que je le mentionnais, mais

15 que je la mentionnais moins. Mais comme je n'ai jamais mentionné la chose,

16 j'exige que le témoin nous présente quelque parole que j'aurais prononcée

17 à titre privé ou officiel. Qu'il les montre!

18 Maintenant, pour ce qui est du plan Izetbegovic/Gligorov…

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez eu

20 l'occasion de poser des questions dans le cadre du contre-interrogatoire

21 et vous ne pouvez pas sans arrêt interrompre ce que le témoin dit. De

22 toute façon, vous aurez, plus tard, l'opportunité de faire votre

23 commentaire personnel sur ce que ce témoin a dit et nous l'entendrons.

24 Monsieur Nice?

25 M. Nice (interprétation): Parlons de la réunion du 1er octobre. La défense

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1 a produit un article de journal dans lequel il y avait une photographie,

2 Monsieur Samardzic. Je ne sais pas la cote qui a été donnée…

3 M. le Président (interprétation): Nous allons donner une cote de la

4 défense.

5 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de la défense 53.

6 M. Nice (interprétation): S'agissant de la pièce de la défense 53, vous

7 avez eu l'occasion de l'examiner dans des circonstances difficiles,

8 puisque vous vous trouvez à la barre des témoins.

9 D'abord, première question: est-ce qu'on vous voit sur cette photographie?

10 M. Samardzic (interprétation): Non, on ne me voit pas. Je n'arrive pas à

11 me reconnaître et je ne pense pas que je puisse être aperçu sur cette

12 photo. Et je ne pense pas avoir été présent à quelque session

13 commémorative que ce soit ce jour-là, quelque session commémorative qui

14 ait…

15 M. Nice (interprétation): Fort bien. Je pense que l'article dit ceci…

16 -sans nul doute, nous allons avoir une traduction tôt ou tard- mais on dit

17 que la cérémonie s'est faite au début de la réunion. Mais la date de cette

18 réunion n'est pas précisée.

19 Est-ce que vous étiez au courant du fait que des réunions officielles

20 étaient souvent précédées du type de cérémonie dont on voit un exemple sur

21 cette photographie, où vous avez des personnes qui se tiennent debout,

22 apparemment silencieuses, et qui sont un peu… pas au garde-à-vous, mais

23 qui prêtent attention?

24 M. Samardzic (interprétation): Je n'ai pas assisté à quelque session

25 commémorative que ce soit. Il se peut qu'il y en ait eu une, mais pas le

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1 1er octobre. Si c'est un article de la "Pobjeda" du 3 octobre, cela a fort

2 bien pu avoir lieu le 2 octobre, mais ça n'a rien à voir avec mon

3 affirmation, à savoir que cette session, cette réunion en présence de

4 généraux a eu lieu en date du 1er octobre.

5 M. Robinson (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre. J'aurais

6 simplement voulu voir la pièce en question.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Je vous remercie. Poursuivez.

9 M. Nice (interprétation): Nous revenons à cette même question, à ce même

10 document. Nous allons peut-être demander que soit placée la version en

11 anglais sur le rétroprojecteur de cette pièce 338, intercalaire 2.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Intercalaires 2 et 3, peut-être.

14 Plaçons la version en anglais sur le rétroprojecteur; M. Samardzic parle

15 anglais.

16 Excusez-moi de vous interrompre, mais je ne pense pas qu'on voit

17 d'uniforme sur cette photographie de l'article. Voyons la version en

18 anglais, dès le début. Je vous remercie.

19 Nous constatons… Voilà, nous avons l'en-tête maintenant.

20 Nous voyons qu'il y a un numéro strictement confidentiel, n°14, et qu'il

21 porte la date du 1er octobre. Ensuite, nous constatons que c'est un ordre

22 en application de certaines dispositions, pour voir ensuite qu'il entre en

23 vigueur le 2 octobre. C'est dans cet ordre qu'on trouve une référence à

24 l'exécution de certaines tâches militaires précises sur le front de

25 Dubrovnik.

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1 Examinons maintenant le document de l'intercalaire 3. Je vais vous poser

2 une question à une question à ce propos.

3 En tête, une fois de plus, même date: 1er octobre, numéro strictement

4 confidentiel: 01-14/2. En application d'un ordre donné par le Président de

5 la présidence de la République, un ordre est délivré par le ministre

6 Bulatovic. Il porte, celui-ci aussi, sur le théâtre de la guerre de

7 Dubrovnik, on le voit en bas de page.

8 Voici la question que je voulais vous poser: est-ce que vous pouvez nous

9 éclairer sur la séquence des événements? Première chose: est-ce que ces

10 ordres ont été délivrés suite à la réunion dont vous avez parlé ou est-ce

11 qu'ils auraient pu être délivrés s'il n'y avait pas eu cette réunion?

12 Réponse: Eh bien, ce type de document que j'ai pu voir pour la première

13 fois ici au Tribunal, eh bien, ce type de document ne pouvait pas être

14 établi pendant la session. Il est évident qu'ils ont été rédigés après et

15 il semble évident que cela s'est fait après la session du 1er octobre à

16 laquelle j'avais assisté en présence du gouvernement, des généraux et

17 c'est là qu'une décision avait été prise pour ce qui est des efforts de

18 guerre à déployer à l'égard de la Croatie.

19 Et, étant donné que cela est daté du 1er octobre, comme repris par le

20 texte, on était censé procéder à la mobilisation, non pas comme l'a dit M.

21 Milosevic d'une seule unité, mais une mobilisation générale, d'après ce

22 que M. Bulatovic a signé. Et c'est le 2 octobre que cela a commencé. Donc

23 la session n'avait pas été une session commémorative, mais une session de

24 guerre.

25 Question: Je vous remercie. Et l'accusé ou quelqu'un d'autre ne vous a

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1 montré aucun autre document qui irait dans le sens de la mise en place ou

2 de la question, plus exactement, de la mobilisation?

3 Réponse: Non. Je ne m'étais pas penché sur des documents relatifs à la

4 mobilisation. Ce que j'ai pu voir, c'est ce que j'ai sous les yeux

5 actuellement.

6 Question: Dites-nous, pourriez-vous nous dire de quelle façon Strugar

7 s'est comporté à cette réunion? Quelle était son attitude par rapport à

8 cette réunion?

9 Réponse: Je suis arrivé assez tard, mais j'ai entendu Strugar confirmer ce

10 que M. Bulatovic avait dit, à savoir que les Oustachis nous avaient

11 attaqués. Il a confirmé donc ce que Bulatovic avait dit, le chiffre de

12 30.000, et il a dit qu'il fallait se défendre. Il n'a pas longuement

13 parlé. Il a dit ce que j'ai dit à ce sujet. Et, en ce moment, je me

14 souviens qu'il avait dit qu'il fallait bien se défendre. Et cela avait été

15 la position qu'il avait exprimée.

16 S'agissant du général Strugar, je ne le connaissais pas. C'était la

17 première fois que je le voyais. Il y a ce coup de fil avec Jokic dont j'ai

18 témoigné. Et c'est tout.

19 Question: Nous allons abandonner ce sujet, de façon générale. Avant que

20 nous ne parlions des activités militaires dans la zone de Dubrovnik, je

21 vous demanderai une réponse brève, oui ou non, à la question suivante.

22 Est-ce que vous-même, que ce soit à la télévision, à la radio ou parce que

23 vous étiez présent à tel ou tel événement, est-ce que vous avez entendu

24 parler de ce qui s'était passé entre le Président Djukanovic et le

25 Président M. Mesic à l'occasion de la première réunion officielle dont on

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1 a parlé officiellement ces dernières années? Je pense que cela s'est passé

2 non loin de Dubrovnik à Cavtat. Est-ce que vous avez entendu ce que

3 Djukanovic aurait dit à Mesic à propos de la campagne de Dubrovnik?

4 Réponse: Oui. Cela a été publié dans les médias. Le Président Djukanovic a

5 présenté des excuses à l'intention de la Croatie pour les malheurs, pour

6 les victimes qu'il y a eu à Dubrovnik. Il s'est excusé au nom du peuple du

7 Monténégro.

8 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il

9 se peut que notre source nous donne un complément d'information à ce

10 propos par la suite.

11 Parlons maintenant, Monsieur le Témoin, de la décision prise au cours de

12 la conférence de Carrington. Mais, avant d'en parler, la genèse de toute

13 cette conférence a été mise en cause par l'accusé. Est-ce qu'avant le vote

14 auquel a procédé Lord Carrington il y avait eu une conversation

15 téléphonique? Et, si conversation téléphonique il y a eu, entre qui s'est-

16 elle tenue?

17 Réponse: Est-ce que vous vous référez là à des entretiens téléphoniques à

18 Podgorica ou ailleurs, par exemple à La Haye?

19 Question: Conversations auxquelles aurait participé M. Bulatovic avant le

20 19?

21 Réponse: Oui, pendant la session du Parlement du Monténégro, entre 7

22 heures du soir et 7 heures du matin, chose qui a été retransmise,

23 rediffusée par la télévision de Titograd, Momir avait passé la plupart du

24 temps au bureau et il avait pu tout voir sur son moniteur et il avait

25 souvent été en communication avec M. Milosevic. C'est lui-même qui me l'a

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1 dit et, pour ce qui est de relations qui prévalaient à l'époque, j'avais

2 trouvé cela tout à fait normal.

3 Question: Merci. Le sujet suivant a fait l'objet de plusieurs questions.

4 Au départ, il y a une déclaration dont on dit qu'elle est de M. Bulatovic.

5 Je vais demander à la régie de nous diffuser un bref extrait vidéo.

6 (Diffusion et interprétation de l'extrait vidéo.)

7 "Pour nous, la seule version avantageuse était de voir le Monténégro

8 retirer ses troupes.

9 Momir Bulatovic: Le téléphone a commencé à sonner, les hommes politiques à

10 téléphoner et m'ont dit: "Se peut-il que tu sois devenu le traître du

11 peuple serbe?" Les entretiens ont duré toute la nuit et le téléphone n'a

12 pas cessé de sonner. On a commencé à menacer.

13 Le journaliste: Le Parti populaire a tenu des réunions sans cesse…"

14 (Fin de la diffusion vidéo.)

15 M. Nice (interprétation): Nous venons de voir un extrait qui fait partie

16 d'une série de pièces produites par l'intermédiaire d'un témoin ultérieur.

17 Il se peut que la Chambre, si elle a vu le film "La mort de la

18 Yougoslavie" connaît déjà cet extrait. Je suis tout à fait prêt à demander

19 le versement de cet extrait maintenant ou de le reporter jusqu'au moment

20 où le témoin viendra.

21 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il faut aborder l'ensemble

22 de ces pièces plus tard.

23 M. Nice (interprétation): Est-ce bien M. Bulatovic que vous avez vu sur

24 ces images?

25 M. Samardzic (interprétation): Oui, en effet. Il s'agit de Momir Bulatovic

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1 en personne.

2 Question: Il a parlé de ce qui s'est passé la veille. Est-ce que cela

3 cadre bien avec ce que vous connaissez des événements?

4 Réponse: Tout à fait conforme à mes souvenirs. Il avait parlé des coups de

5 fils, il avait parlé des accusations en disant qu'il était un traître. Il

6 a dû changer ses positions en raison des pressions qui avaient été

7 exercées sur lui et dont j'ai parlé.

8 Question: Je n'ai plus que quelques questions à vous poser.

9 Est-ce qu'il vous est arrivé d'entendre cette phrase: "Libération de

10 Dubrovnik"? L'accusé a contesté ceci, mais est-ce que vous vous souvenez

11 d'une telle mention?

12 Réponse: Bien sûr que oui! C'est ce qu'on disait. Il s'agissait de libérer

13 Dubrovnik. Et c'est ce qui était présent dans la façon qu'on avait de voir

14 les choses: il fallait se défendre des Oustachis et enchaîner avec la

15 libération de Dubrovnik.

16 Question: Est-ce que vous vous souvenez d'un moment où l'on affirmé que

17 cette fameuse libération était imminente ou s'était déjà réalisée?

18 Réponse: Qu'est-ce que vous entendez par "achever"?

19 Question: Oui, est-ce qu'à l'occasion d'une réunion à laquelle vous auriez

20 participé, on a affirmé que Dubrovnik devait être libérée sous peu? Si

21 vous ne vous souvenez pas, nous passons à autre chose, mais peut-être que

22 vous vous en souvenez?

23 Réponse: Non, en ce moment, je n'arrive pas à me souvenir que l'on ait dit

24 que cela allait être libéré de façon imminente, mais on avait parlé de la

25 libération de Dubrovnik. Cela, c'est certain, du moins sur le littoral du

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1 Monténégro.

2 Question: Fort bien, fort bien. Diverses choses vous ont été soumises qui

3 seraient les propos que vous auriez tenu à propos de Prevlaka. Et puis, il

4 y avait dans un document mention de négociations avec la Croatie à propos

5 de Prevlaka.

6 En ce qui vous concerne, est-ce que vous aviez toujours maintenu votre

7 ligne de conduite par rapport aux négociations concernant Prevlaka, que ce

8 soit dans des échanges privés, lorsque vous aviez affaire avec la Croatie,

9 ou en public? Ou est-ce que vous avez été obligé de dire en public des

10 choses différentes, peu ou prou, de ce que vous aviez comme avis

11 personnel?

12 Réponse: Depuis le tout début, de quelque entretien que ce soit ou d'idées

13 relatives à Prevlaka, j'ai tout le temps eu la même position et j'ai

14 toujours défendu la même position. Et celle-ci se résume à ceci: Prevlaka,

15 nous pouvons l'obtenir en négociant amicalement avec la Croatie et non en

16 faisant la guerre. Il n'y a pas d'autre façon d'obtenir Prevlaka, si ce

17 n'est en négociant. Tant au Parlement qu'au Gouvernement, depuis le début,

18 j'ai été l'avocat de cette même attitude. Et c'est ce que je pense à

19 présent aussi.

20 Question: Une dernière question, Monsieur Samardzic. Et c'est le cœur même

21 de votre déposition ou une partie essentielle de la teneur de votre

22 déposition; je parle de l'attaque de Dubrovnik.

23 L'accusé a dit qu'il avait condamné cette attaque, qu'il avait condamné le

24 bombardement de Dubrovnik. La Chambre a insisté pour obtenir une

25 explication; en réponse, l'accusé a dit à peu près ceci: il a dit avoir

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1 compris que l'armée était attaquée, parce qu'elle voulait limiter ou

2 enrayer les actions du Corps de la garde nationale, ZNG.

3 Est-ce là une explication valable pour expliquer la participation de

4 l'armée à Dubrovnik, explication que vous auriez déjà entendue auparavant?

5 Réponse: Non. Ce qu'il a dit à La Haye ou à Bruxelles, M. Milosevic, ne

6 correspond absolument pas à la vérité. Il a probablement dit cela, mais

7 l'armée et ses effectifs pleins, y compris les réservistes du Monténégro,

8 s'étaient attaqués à Dubrovnik. Et à ce moment-là, il n'y avait là ni

9 "Zenga" ni "Légion noire", comme l'écrit le Président du Gouvernement

10 serbe, le Premier ministre serbe, M. Zelenovic.

11 Question: Et il y eu des réunions de l'Assemblée monténégrine, notamment

12 celle du 1er octobre et celles qui l'ont suivie. Est-ce qu'on a avancé ce

13 type d'explication ou d'excuse, ou pas?

14 Réponse: Je dois vous rectifier. Ce n'était pas le Parlement, le 1er

15 octobre, qui avait siégé; c'était une session du Gouvernement avec les

16 généraux dont j'ai parlé et j'avais été présent, en partie, à cette

17 session. Celle-ci a porté sur le fait que nous attaqués par les Croates et

18 qu'il fallait bien se défendre. Dans ce contexte-là, il a été question

19 d'incidents à l'origine desquels se trouvait la partie croate à notre

20 frontière. On a présenté un papier à ce sujet. Je n'ai pas protesté contre

21 sa présentation, mais je n'étais pas tout à fait certain de son bien-

22 fondé.

23 Le souvenir principal que j'ai gardé de cette réunion, c'est le suivant:

24 il fallait se défendre de l'agression croate. Le lendemain, il était tout

25 à fait clair –et la télévision l'avait dit- que nos unités étaient entrées

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1 en Croatie; il n'y avait aucune trace des 30.000 hommes qui s'attaquaient

2 au Monténégro.

3 Question: Hier, vous nous avez expliqué… Ou peut-être avant hier, je ne

4 sais plus. Vous avez dit que lorsque vous avez vu ou entendu pour la

5 première fois cette explication selon laquelle 30.000 hommes attaquaient

6 et c'étaient des Croates, vous l'avez acceptée, cette explication, parce

7 qu'elle provenait des généraux.

8 Pourriez-vous nous dire de façon approximative ou précise, d'ailleurs, à

9 quel moment vous vous êtes rendu compte que c'était là une déclaration

10 fausse et que vous avez commencé à prendre vos distances par rapport à

11 cette explication?

12 Réponse: Ce soir-là, le soir du 1er octobre, j'ai dit ce qui suit: "Si

13 nous sommes attaqués, il faut effectivement se défendre". Je croyais,

14 j'avais l'impression, étant donné qu'il y avait les généraux en uniforme

15 de combat…

16 Question: Je ne veux pas savoir à quel moment vous vous êtes rendu compte

17 que c'était erroné; nous vous avons entendu au cours de votre déposition.

18 Je voudrais savoir à peu près à quel moment vous vous êtes rendu compte de

19 cela?

20 Réponse: Le lendemain ou l'un des jours suivants. Il n'était pas facile de

21 vaincre cette conviction qui était celle de voir que l'armée qui était

22 censée garder le pays et en laquelle, armée, je faisais foi, voire que ce

23 n'était pas l'armée que j'avais cru que cela était. Et il m'a fallu

24 quelques jours pour que je réalise…

25 M. Nice (interprétation): C'est tout ce dont j'ai besoin. J'en ai terminé,

Page 11446

1 Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Merci d'être venu déposer devant le

3 Tribunal pénal international. Votre déposition est terminée, vous pouvez

4 désormais disposer.

5 M. Milosevic (interprétation): Et je ne suis pas en mesure de poser

6 quelques questions concernant ce qu'il vient de dire?

7 M. le Président (interprétation): Non, vous avez déjà eu l'occasion de

8 poser vos questions dans votre contre-interrogatoire. Il faut bien, à un

9 moment donné, terminer les dépositions des témoins.

10 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais cela a trait à ce que…

11 (Le Président interrompt M. Milosevic.)

12 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Samardzic.

13 M. Samardzic (interprétation): Je vous remercie.

14 M. Milosevic (interprétation): Quant à ce que M. Nice nous a remis pendant

15 la pause…

16 (Le témoin, M. Nikola Samardzic, est reconduit hors du prétoire.)

17 (Questions relatives à la procédure.)

18 M. le Président (interprétation): Ces pièces seront versées au dossier en

19 temps utile, lorsque nous en aurons la traduction.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, nous attendons l'arrivée

21 du témoin.

22 Nous allons tirer partie de ce temps pour rendre une décision qui concerne

23 M. Wladimiroff, décision rendue par la Chambre en ce qui concerne sa

24 position. La Chambre a examiné avec le plus grand soin la question.

25 La Chambre a conclu que la déclaration fournie par M. Wladimiroff, même si

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1 nous acceptons l'explication fournie, soulève des questions graves quant à

2 savoir s'il est approprié de maintenir la fonction de Me Wladimiroff à

3 titre d'ami de la Chambre, amicus curiae.

4 La Chambre constate qu'il ne s'est pas contenté de faire des observations

5 sur des volets du procès pour lesquels des moyens de preuve avaient déjà

6 été présentés. La Chambre constate également que des volets sont évalués

7 par lui, pour lesquels des moyens de preuve n'ont toujours pas été

8 présentés et que, dans les deux cas, il semble s'être fait une idée, une

9 idée défavorable de l'issue de ce procès, défavorable pour l'accusé.

10 Ce qui préoccupe tout particulièrement, c'est l'avis exprimé selon lequel

11 l'accusé doit être condamné, tout du moins pour certains des chefs

12 d'accusation retenus contre lui.

13 Si l'on prend l'ensemble de ces déclarations, de l'avis de la Chambre,

14 ceci pourrait donner l'impression, raisonnable d'ailleurs, qu'il y a de la

15 part des amici curiae un certain préjudice, un parti pris.

16 Ce qui est implicite dans le concept d'un amicus curiae, c'est la

17 confiance qu'à la Chambre en cet ami, le sentiment de la Chambre que cet

18 ami s'acquitte, de façon impartiale, des fonctions qui sont les siennes.

19 Vu les circonstances, la Chambre ne saurait être sûre du fait que les amis

20 de la Chambre s'acquitteraient de leurs fonctions comme il se doit. Et

21 dans ce cadre, il faut penser aux éléments que cet ami de la Chambre doit

22 communiquer à l'accusé, dans la mesure où celui-ci le concerne, avec toute

23 l'impartialité voulue.

24 En conséquence, la Chambre va donner instruction au Greffe pour que soit

25 révoquée la désignation de Me Wladimiroff à titre d'ami de la Chambre.

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1 C'est une décision à laquelle est parvenue la Chambre, avec un vif regret,

2 étant donné que Me Wladimiroff, tout comme les autres amis de la Chambre,

3 a été utile dans les services rendus à la Chambre. Une décision davantage

4 motivée sera rendue par écrit.

5 Oui?

6 M. Nice (interprétation): Je crois que le témoin attend à la porte.

7 M. le Président (interprétation): Peut-être l'huissier peut-il le faire

8 entrer?

9 M. Nice (interprétation): Oui.

10 (Le témoin, M. Dejan Anastasijevic, est introduit dans le prétoire.)

11 M. le Président (interprétation): Je demande au témoin de prononcer la

12 déclaration solennelle.

13 M. Anastasijevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai

14 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 (Interrogatoire principal du témoin, M. Dejan Anastasijevic, par M.

16 Nice.)

17 M. Nice (interprétation): Veuillez décliner votre nom complet, je vous

18 prie?

19 M. Anastasijevic (interprétation): Je m'appelle Dejan Anastasijevic.

20 Question: Monsieur Anastasijevic, êtes-vous d'appartenance ethnique serbe,

21 né à Belgrade en 1962? Avez-vous fait vos études à l'université de

22 Belgrade, faculté de biologie moléculaire?

23 Est-il vrai que vous n'avez pas obtenu votre diplôme universitaire et

24 qu'ensuite, vous avez servi dans les rangs de la JNA durant votre service

25 militaire, accompli de 1980 à 1981? Tout ceci est-il exact?

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1 Réponse: Toutes ces informations sont exactes.

2 Question: Etes-vous ensuite devenu reporter de guerre, en ayant choisi le

3 journaliste, reporter de guerre depuis le début de l'automne 1991,

4 travaillant pour commencer pour une station de radio indépendante "Radio

5 B92", puis pour United Press International, ensuite avez-vous travaillé

6 pour un certain nombre d'autres médias dont CNN, la BBC et le "New York

7 Times"?

8 Réponse: Oui, tout ceci est exact.

9 Question: Depuis 1993, avez-vous travaillé pour "Vreme", qui est un

10 hebdomadaire indépendant de Belgrade? Ensuite, et depuis 1996, êtes-vous

11 correspondant indépendant pour "Time Magazine"?

12 Réponse: Oui, tout ceci est exact.

13 Question: Vous êtes-vous rendu sur plusieurs fronts et avez-vous écrit des

14 reportages au sujet de ces fronts, notamment Vukovar, immédiatement après

15 la chute de Vukovar aux mains des Serbes et des forces yougoslaves? Vous

16 êtes-vous également rendu en Bosnie orientale en 1992?

17 Réponse: Oui, tout ceci est exact.

18 Question: Et ceci sera ma dernière question sur votre histoire

19 personnelle: êtes-vous juste revenu d'une année d'étude 2001/2002 à

20 l'université de Harvard, que vous avez faite grâce à une bourse destinée

21 aux journalistes qui travaillent?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Je voudrais commencer par vous demander certaines des

24 observations que vous avez pu faire sur le terrain.

25 Vukovar, novembre 1991: à quel moment êtes-vous allé pour la première fois

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1 en Slavonie orientale par rapport à la date de la chute de Vukovar?

2 Réponse: C'était quelques jours avant, peut-être sept jours avant la chute

3 de la ville entre les mains des forces serbes.

4 Question: Pour vous rendre à Vukovar, quelles ont été les formalités que

5 vous avez dû accomplir?

6 Réponse: Il fallait obtenir un permis du service d'information de l'armée

7 populaire yougoslave, telle qu'on l'appelait à l'époque. Ce permis

8 s'obtenait à Belgrade et était valable jusqu'au village de Negoslavci, qui

9 est tout près de Vukovar. A partir de là, il fallait obtenir un nouveau

10 permis auprès du service de presse de la JNA, qui permettait de se

11 rapprocher de la ville.

12 Question: Ce permis était émis par quelle instance?

13 Réponse: C'était le service d'information de l'armée populaire yougoslave

14 qui délivrait ce permis.

15 Question: Lorsque vous êtes entré dans Vukovar, avez-vous dû franchir des

16 barrages éventuellement, des postes de contrôle?

17 Réponse: Il y avait plusieurs postes de contrôle à franchir. Le premier se

18 trouvant à la frontière administrative avec la Croatie. Et, selon les

19 jours, il y avait encore d'autres barrages assez nombreux jusqu'à

20 Negoslavci; puis encore des barrages entre Negoslavci et Vukovar.

21 Question: Au moment où vous êtes arrivé à Vukovar, aviez-vous appris par

22 les médias serbes, par la radio et la télévision serbe, ce qui s'y

23 passait?

24 Réponse: Bien sûr, de très nombreuses informations provenaient de cette

25 région à cette époque-là. Et, pour l'essentiel, ces informations

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1 indiquaient que des hommes bien équipés et entraînés, des membres de la

2 garde patriotique, les "Zenga" -comme on les appelait à l'époque, donc

3 garde nationale croate- attaquaient des villages serbes très mal défendus

4 aux alentours de Vukovar, et que les Serbes, donc la population serbe,

5 très pauvrement armée -comme on le disait à l'époque- pouvait à peine

6 parvenir à se défendre. Et les forces de l'armée populaire yougoslave, qui

7 étaient présentes sur les lieux, étaient décrites comme s'efforçant de

8 séparer les parties en présence et combattant uniquement les extrémistes

9 croates lorsque cela était nécessaire.

10 Question: Comment ces informations correspondaient-elles à ce que vous

11 avez découvert vous-même, à votre arrivée à Vukovar?

12 Réponse: La différence était énorme et choquante. D'abord, les unités

13 paramilitaires serbes présentes dans la région étaient excellemment armées

14 et, en fait, la ville était assiégée et une offensive était en cours en

15 vue de s'emparer de la ville.

16 Il était tout à fait clair aussi que la JNA non seulement n'était pas

17 neutre, mais apportait un soutien logistique et un soutien d'artillerie

18 aux forces serbes dans cette offensive.

19 Question: Lorsque vous dites que la JNA n'était pas neutre, est-ce que ce

20 que vous avez pu voir de vos yeux, ce potentiel de séparer les parties

21 opposées sur le terrain, est-ce qu'à votre avis, la JNA avait ce

22 potentiel, avait cette capacité?

23 Réponse: La propagande a évolué durant le conflit. Donc cette histoire de

24 neutralité n'a été racontée que dans les premiers temps du siège de

25 Vukovar et, ensuite, il a été question d'un conflit entre la JNA et des

Page 11452

1 extrémistes croates. Mais, pendant pratiquement toute la durée du siège,

2 et même après d'ailleurs, la JNA -c'était tout à fait clair- aidait

3 activement ce qu'il était convenu d'appeler à l'époque "les unités de la

4 Défense territoriale" sur les territoires tenus par les Serbes aux

5 alentours de Vukovar. Et la JNA aidait également les unités paramilitaires

6 envoyées de Serbie et composées principalement de volontaires qui se

7 trouvaient également dans la région.

8 Question: Nous reviendrons au paragraphe 6 du résumé un peu plus tard.

9 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais maintenant passer

10 directement au paragraphe 7.

11 Alors que vous traversiez les villages croates de Slavonie orientale,

12 avez-vous remarqué un certain nombre de choses à cette époque, et

13 notamment dans le village de Tovarnik?

14 Réponse: Oui, je me souviens très bien du village de Tovarnik qui se

15 trouve sur la route menant à Vukovar. Je me souviens avoir vu déjà à

16 l'époque que certaines maisons étaient très endommagées ou incendiées,

17 alors que d'autres étaient intactes. Je savais bien que des combats très

18 intenses avaient eu lieu aux environs de ce village, mais j'ai trouvé tout

19 cela assez étonnant quand même. Et ensuite, cela m'est apparu moins

20 étonnant lorsque j'ai constaté que toutes les maisons intactes portaient

21 des inscriptions stipulant "Ne touchez pas à cette maison: c'est une

22 maison serbe.", ou bien un insigne national, un symbole montrant que les

23 propriétaires de la maison étaient serbes.

24 Question: Pour les autres maisons, dans quelle mesure étaient-elles

25 endommagées?

Page 11453

1 Réponse: Les autres maisons étaient assez gravement endommagées. Certaines

2 avaient été frappées par l'artillerie, tout à fait manifestement par des

3 obus de canon ou d'armes antichars. D'autres maisons semblaient avoir été

4 incendiées intentionnellement: les murs extérieurs étaient donc

5 pratiquement intacts mais, à l'intérieur, tout avait été brûlé et, en

6 conséquence, le toit s'était écroulé sur l'ensemble.

7 Question: Est-ce que vous avez pu constater une différence entre les

8 villages dont la composition ethnique était à majorité serbe et ceux dont

9 la population était majoritairement d'appartenance ethnique croate? Je ne

10 parle plus maintenant simplement du village dont nous venons de discuter.

11 Réponse: La différence était très évidente: les villages qui étaient

12 majoritairement peuplés de Croates étaient pratiquement rasés, alors que

13 ceux, en tout cas pour les maisons qui portaient des inscriptions montrant

14 que le propriétaire de la maison était serbe, eh bien, ces bâtiments

15 étaient intacts.

16 A Borovo Selo, par exemple, tout était pratiquement intact. J'ai été

17 surpris parce que nous avions entendu pas mal d'informations nous disant

18 que des combats très intenses étaient menés aux alentours de Borovo Selo,

19 à la télévision serbe. Et, lorsque j'ai pénétré dans Borovo Selo, j'ai vu

20 qu'il n'y avait pratiquement pas de maisons endommagées.

21 Question: Quand vous êtes entré à Vukovar, avez-vous remarqué un

22 changement s'agissant de la comparaison des forces en présence sur le

23 terrain?

24 Réponse: Oui, ce qui m'a tout à fait frappé à l'époque, c'est qu'on aurait

25 dit que la présence de l'armée populaire yougoslave, et notamment des

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1 membres d'active de la JNA, diminuait au fur et à mesure qu'on se

2 rapprochait de la ville, moi et les autres journalistes. Autrement dit, il

3 y avait de moins en moins de soldats d'active et de plus en plus de

4 membres d'unités paramilitaires quand on se rapprochait de la ville.

5 Question: Monsieur le Président, avant d'en arriver aux détails sur cette

6 question, j'aimerais que nous regardions la pièce 336, donc l'atlas, où

7 l'on voit que Vukovar apparaît en page 23 et Borovo, non loin de Vukovar,

8 au nord sur la rive du Danube.

9 Je remercie M. McKeon, dont nous avons demandé l'aide, pour les références

10 qu'il nous a fournies. Donc au sud-est de Vukovar. Il est un peu difficile

11 de vous lire les chiffres des cotes sur cette carte, mais en tout cas au

12 sud Backa Palanka.

13 Très bien. Parlons donc de ces groupes paramilitaires que vous venez

14 d'évoquer. Quelle était leur présence apparente sur le terrain?

15 Réponse: Ils étaient nombreux et de plus en plus nombreux quand on se

16 rapprochait de la ville.

17 Ils se répartissaient en trois catégories. D'abord, il y avait les

18 réservistes de la JNA; normalement, ils auraient dû dépendre de l'armée

19 mais, comme cela arrive très souvent dans ces cas-là, ils étaient laissés

20 libres de faire ce qu'ils voulaient et fonctionnaient plus ou moins comme

21 des unités indépendantes; et puis, il y avait avec eux des officiers

22 d'active. La deuxième catégorie se composait de membres de la Défense

23 territoriale, c'est-à-dire en majorité des hommes qui avaient une

24 appartenance ethnique serbe et qui étaient de la région. La troisième

25 catégorie était ce qu'on appelait "les volontaires venus de Serbie"; ils

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1 étaient nombreux. Voici donc quels étaient les différents groupes.

2 Question: Avez-vous pu identifier l'un quelconque de ces groupes par son

3 nom ou par le nom de son chef?

4 Réponse: Les réservistes étaient faciles à reconnaître, car ils portaient

5 les anciens uniformes de l'armée populaire yougoslave. Les volontaires et

6 la Défense territoriale, et les membres de la Défense territoriale,

7 portaient des uniformes divers, mais les groupes portaient souvent des

8 noms d'animaux: les Tigres, les Aigles, les Panthères.

9 Le groupe dirigé par Zeljko Raznjatovic, dit "Arkan", était le plus connu;

10 on l'appelait les "Tigres" ou bien la "Garde patriotique serbe". Ils

11 portaient des symboles très marquants, étaient très bien armés, raison

12 pour laquelle il était plus facile de les reconnaître que les autres.

13 Question: Dans la ville de Vukovar, vous avez pu faire un certain nombre

14 de constatations. Avant d'en parler, quelle était votre facilité de

15 circulation dans la ville et pour quel organisme d'information

16 travailliez-vous à l'époque?

17 Réponse: A l'époque, j'étais free-lance, journaliste indépendant, et je

18 travaillais surtout pour "B92" et pour l'hebdomadaire "Vreme". Je

19 travaillais souvent avec d'autres journalistes, des collègues donc, qui

20 étaient pour la plupart correspondants venus de l'étranger. Pendant un

21 temps, j'étais accompagné de l'équipe CNN, puis de l'équipe de la BBC,

22 mais il y en a eu d'autres. Voilà ce que je peux répondre à la première

23 partie de votre question.

24 Pouvez-vous me dire quelle était la seconde partie de votre question?

25 Question: Quel était le degré de sécurité dont vous bénéficiiez quand vous

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1 circuliez en ville? Vous nous avez déjà répondu en nous disant que vous

2 étiez accompagné des autres journalistes, mais peut-être avez-vous quelque

3 chose à ajouter?

4 Réponse: Oui, en fait, la règle, c'est de circuler en groupe lorsqu'on

5 travaille dans les zones de guerre, de ne jamais se mouvoir seul.

6 Il y avait encore pas mal de danger, il y avait des poches de résistance

7 croates dans certains quartiers de Vukovar, des tireurs isolés, des

8 mortiers qui tiraient toujours, des mines antipersonnel ou des obus de

9 mortiers qui n'avaient pas sauté. Et il y avait aussi pas mal de gens

10 possédant des armes, ce qui constitue un autre facteur de risque.

11 Question: Avez-vous vu quelqu'un commettre un crime ou trouver des traces,

12 des éléments de preuve montrant qu'il y aurait eu des crimes?

13 Réponse: Personne n'a été tué sous mes yeux, mais il m'est arrivé à de

14 nombreuses reprises de voir des membres de la Défense territoriale ou des

15 volontaires emmener quelqu'un dont ils affirmaient qu'il appartenait aux

16 "Zenga" croates; ils l'emmenaient derrière une maison et puis ils

17 revenaient après qu'on ait entendu le son d'une rafale.

18 J'ai vu aussi très souvent des pillages. Je me souviens d'une unité dont

19 les hommes transportaient un certain nombre d'objets qu'ils avaient retiré

20 d'un magasin qui s'appelait Fred Perry; on a fini par les surnommer les

21 "Fred Perristes". Ces pillages n'étaient absolument pas contrecarrés par

22 qui que ce soit. Bien sûr, normalement, il aurait fallu poursuivre ce

23 genre d'actions, mais manifestement les paramilitaires étaient plus

24 occupés à décider qui était suspect d'appartenance aux forces croates.

25 Question: Avez-vous vu des signes ou des preuves d'encadrement de la JNA,

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1 d'encadrement actif par les officiers? Ou bien comment se passaient les

2 choses?

3 Réponse: Pendant les trois premiers jours après la chute de Vukovar, je ne

4 me rappelle pas avoir vu un seul officier d'active en ville; il n'y avait

5 que des paramilitaires. Ils étaient ivres, ils étaient débraillés et ils

6 avaient l'air de bénéficier tacitement d'une décision, en tout cas

7 implicite de la JNA, selon laquelle il leur était donné trois ou quatre

8 jours de liberté après leur entrée dans la ville où ils pouvaient faire ce

9 qu'ils voulaient.

10 Question: Pendant cette période, vous avez assisté à des heurts entre un

11 officier… à un incident opposant un officier de la JNA et un

12 paramilitaire. Pouvez-vous nous en parler?

13 Réponse: Oui. J'interviewais un capitaine d'active de la JNA –je ne me

14 rappelle plus exactement son grade-; il était à peu près 10 heures du

15 matin et un réserviste, manifestement sous l'influence de l'alcool, est

16 arrivé et a essayé d'interrompre notre entretien. Le capitaine que

17 j'interviewais a très aimablement prié cet homme de ne pas nous

18 interrompre; et le réserviste a armé son fusil automatique, a commencé à

19 lancer des insultes à l'adresse du capitaine et n'est parti qu'après

20 quelques minutes.

21 J'ai demandé à ce capitaine comment il se faisait qu'il permettait un tel

22 désordre, un tel chaos; et il m'a répondu que "la JNA n'avait pas assez

23 d'hommes à Vukovar et dans les environs et que donc elle acceptait dans

24 ses rangs n'importe qui qui acceptait de porter un fusil". Les mots que je

25 viens de prononcer sont pratiquement la citation exacte de ce qu'il a dit.

Page 11458

1 M. Nice (interprétation): Vous avez passé plusieurs jours à cet endroit

2 -ça, c'est clair- et vous n'aviez qu'une carte très rudimentaire de

3 Vukovar où l'on voyait à peu près la dimension de la ville à ce moment-là.

4 Pendant ces quelques jours, est-ce que vous étiez confiné à un quartier

5 assez limité des Vukovar, disons à quelques centaines de mètres

6 uniquement, ou bien pouviez-vous vous déplacer dans toute la ville?

7 M. Anastasijevic (interprétation): Moi-même et les autres journalistes

8 également pouvions circuler assez librement dans un cercle de deux

9 kilomètres de diamètre à peu près, donc pratiquement jusqu'à la ligne de

10 démarcation avec les forces croates. Ce ne sont que les mines

11 antipersonnelles ou d'autres obstacles de ce genre qui nous limitaient

12 dans nos déplacements. Mais, sur le plan officiel, il n'y avait

13 pratiquement pas de restriction à notre liberté de mouvement.

14 M. le Président (interprétation): Il est 13 heures.

15 M. Nice (interprétation): Très bien.

16 M. le Président (interprétation): C'est un moment opportun….

17 M. Nice (interprétation): J'aimerais simplement poser la dernière question

18 que j'ai préparée.

19 M. le Président (interprétation): Allez-y.

20 M. Nice (interprétation): Ce comportement…, cette situation que vous avez

21 vue de vos yeux, comme vous venez de le dire, l'absence de la JNA, la

22 présence de paramilitaires, etc., est-ce que cette situation se retrouvait

23 dans toute la région ou est-ce qu'elle ne prévalait que dans des zones

24 assez limitées?

25 M. Anastasijevic (interprétation): La situation que je viens de décrire

Page 11459

1 concerne pratiquement tout le territoire de Vukovar, donc pratiquement

2 toute la ville.

3 M. Nice (interprétation): Je le dis par respect pour les Juges et le

4 témoin. Bien sûr, je ne pourrai pas être là cet après-midi, mais M. McKeon

5 terminera l'interrogatoire principal de ce témoin.

6 M. le Président (interprétation): Suspension.

7 Monsieur Anastasijevic, vous avez donc commencé votre déposition devant

8 cette Chambre et je vous demande de veiller, pendant cette suspension et

9 d'autres éventuelles par la suite, de ne parler à personne du contenu de

10 votre déposition. Lorsque je dis "personne", cela s'applique également au

11 Bureau du Procureur.

12 Je vous demande de revenir ici à 14 heures 30.

13 (L'audience, suspendue à 13 heures 03, est reprise à 14 heures 32.)

14 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur McKeon, vous avez la

15 parole.

16 (Interrogatoire principal du témoin, M. Dejan Anastasijevic, poursuivi par

17 M. McKeon.)

18 M. McKeon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

19 Monsieur le Témoin, au moment où vous vous trouviez dans la région de

20 Vukovar, est-ce que vous avez eu l'occasion de parler avec des membres des

21 volontaires ou des paramilitaires pour savoir ce qu'ils faisaient avant

22 d'arriver à la guerre?

23 M. Anastasijevic (interprétation): Oui, j'ai eu bon nombre d'occasions de

24 m'entretenir avec eux et je me suis entretenu avec eux. J'ai demandé à

25 chacun d'entre eux, peut-être par raison de procédure, ce qu'ils avaient

Page 11460

1 fait avant la guerre et j'ai été surpris d'apprendre qu'ils avaient, pour

2 la plupart des cas, travailler au MUP, au ministère de l'Intérieur de

3 Serbie. Certains avaient évité de répondre, ce qui, à mon avis, indiquait

4 -non seulement de ce fait-là, mais aussi du fait de leur apparence ou de

5 leur attitude- que c'étaient là des personnes qui avaient ou avaient eu

6 des fonctions de service.

7 M. McKeon (interprétation): Lorsque vous vous êtes trouvé dans la zone de

8 Vukova, avez-vous entendu des récits qui circulaient concernant les

9 troupes d'Arkan, d'autres paramilitaires ou d'autres personnes qui se

10 seraient trouvées dans la région?

11 M. Kay (interprétation): Permettez-moi d'intervenir.

12 M. le Président (interprétation): Oui.

13 M. Kay (interprétation): Ce qui est implicite dans la question, lorsqu'on

14 parle de récits, il y a quelque chose d'implicite qui n'est certainement

15 pas utile pour les éléments de preuve dont doivent se saisir les Juges de

16 la Chambre. Je ne sais pas ici à quel niveau, à quel degré d'ouï-dire on

17 se trouve.

18 M. Robinson (interprétation): Monsieur McKeon, est-ce que vous pourriez

19 être plus précis?

20 M. McKeon (interprétation): Oui, Monsieur le Juge.

21 Monsieur le Témoin, est-ce qu'il y avait, de façon répandue, des récits

22 qui circulaient entre les personnes que vous avez rencontrées à propos des

23 méfaits, des agissements d'Arkan?

24 M. Kay (interprétation): Excusez-moi, j'ai essayé d'éviter cette question;

25 je ne sais pas si la nouvelle question est meilleure. Je comprends bien la

Page 11461

1 difficulté qu'éprouve mon collègue, mais la Chambre a déjà évoqué à

2 plusieurs reprises la nécessité qu'il y avait dans ce procès de se baser

3 sur des éléments de preuve fiables.

4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur McKeon?

5 M. McKeon (interprétation): Tout ce que nous essayons de montrer aux Juges

6 ici, c'est qu'il y avait des récits, des récits généralisés à propos

7 d'Arkan et de ses hommes dans la région. Ce témoin, maintenant et par la

8 suite, a eu l'occasion de poser une question à M. Arkan à propos de ces

9 récits ou rumeurs qui circulaient.

10 M. le Président (interprétation): Je crains que ceci ne nous aide pas

11 davantage. Je crois que maintenant nous allons passer au paragraphe

12 suivant, le paragraphe 13.

13 Vous vouliez soulever une objection à propos Monsieur Kay?

14 M. Kay (interprétation): Oui. J'avais déjà averti la Chambre, à huis clos

15 partiel, de mon intention. Nous disposons tous d'un résumé de la

16 déposition de ce témoin et nous constatons qu'au paragraphe 13, on fait

17 mention du fait que la teneur de cette déclaration se base sur un

18 entretien qu'a eu ce témoin avec une personne en particulier.

19 Et puis, au paragraphe 15 jusqu'au paragraphe 18, ce sont là de nouveau

20 des éléments qui se fondent sur une autre interview qu'a eue ce témoin

21 avec une personne qui était protagoniste des événements.

22 Et en plus, à partir du paragraphe 19, on a autre chose.

23 Cela se résume dans le fond à ceci: l'accusation cite à la barre un

24 témoin, qui est journaliste, qui a interviewé à diverses reprises des

25 personnes au moment où se sont déroulés certains événements. En soi, ceci

Page 11462

1 en tant que déposition est tellement éloigné des faits qu'à notre avis,

2 ceci n'est d'aucune utilité pour la Chambre de première instance, elle qui

3 doit se concentrer sur des questions plus essentielles.

4 Vous remarquerez qu'au paragraphe 15, en fait, c'était une interview qui

5 remonte à 1994. Or ici, dans ce procès, nous parlons d'événements qui se

6 sont produits en 1991. Ce qui veut dire que trois ans après des

7 événements, le témoin a interviewé cette personne qui lui parle, comme il

8 le dit, "d'événements qui se sont produits antérieurement".

9 Et la même critique peut s'appliquer au paragraphe 19 où l'on relève que

10 les dates de l'entrevue, de l'interview se situent entre 1994 et 1995.

11 M. le Président (interprétation): Vous n'allez pas présenter, n'est-ce

12 pas, le paragraphe 19?

13 M. McKeon (interprétation): C'est exact. Nous n'allons pas poser de

14 question à propos des paragraphes 19 et 20.

15 M. Robinson (interprétation): A quel moment y a-t-il eu cette interview

16 avec Hadzic?

17 M. McKeon (interprétation): Si j'ai bien compris, cela s'est passé en

18 1991, peu après la chute de Vukovar.

19 M. le Président (interprétation): Et puisque vous vous penchez sur cette

20 question, examinez le paragraphe 21, interview avec Seselj.

21 Est-ce que vous faites une objection à cette rencontre aussi, Maître Kay?

22 M. Kay (interprétation): Oui. Je ne sais pas ce qu'il en est des

23 paragraphes 22 à 24; ce n'est pas en police, en caractère gras:

24 apparemment, c'est un sujet différent, ce ne sont pas là des interviews de

25 journaliste?

Page 11463

1 M. McKeon (interprétation): C'est exact.

2 M. le Président (interprétation): Vous avez parlé du paragraphe 21, mais,

3 de façon générale, nous considérons recevable l'ouï-dire. Nous avons déjà

4 statué dans ce sens à plusieurs reprises.

5 M. Kay (interprétation): Nous comprenons bien que ceci est accepté dans ce

6 Tribunal, mais il y a une certaine échelle de grandeur, des degrés pour

7 lesquels, quelquefois, on trouve l'ouï-dire irrecevable. Nous l'avons vu

8 dans ce procès, vous avons eu des interviews de journalistes et des

9 rapports.

10 Je comprends que maintenant, on a un journaliste ici à la barre qui a mené

11 ces interviews. Mais tout ce qu'il pourra dire, c'est que tel ou tel homme

12 lui a dit ceci ou cela. Il ne sera pas en mesure de se pencher sur des

13 questions ou de répondre aux questions posées en contre-interrogatoire par

14 l'accusé. Et il est probable que ces questions vont nier la teneur de ce

15 qui avait été affirmé dans ces interviews avec le journaliste.

16 Et vous avez maintenant peut-être une accumulation de moyens de preuve qui

17 ne vont pas pour autant constituer une partie essentielle des éléments de

18 preuve, qui sont nécessité au regard des chefs d'accusation.

19 M. Robinson (interprétation): Est-ce que vous feriez un distinguo entre

20 l'interview recueillie une semaine après la chute de Vukovar et les

21 interviews menées peut-être trois ou quatre ans plus tard?

22 M. Kay (interprétation): Manifestement, les interviews postérieures de

23 trois ou quatre ans, quatre années, relèvent d'une catégorie différente.

24 Là, c'est apparent. Mais si vous avec un article de journal reprenant une

25 interview avec une personne particulière une semaine après l'événement, ça

Page 11464

1 pose le problème. Tout ce que cette personne pourra dire, c'est: "Voilà,

2 c'est ce que cet homme m'a dit.". Mais au fond, et en fin de compte la

3 Chambre doit être saisie d'éléments de preuve qui concernent ce qu'a vu

4 quelqu'un, plutôt que de savoir que cette personne a reçu le récit de

5 telle autre personne. Parce que je pense que cette dernière hypothèse ne

6 permet pas aux Juges de soupeser les éléments de preuve et pour savoir si

7 on peut se forger une intime conviction. Ceci, à notre avis, véhicule des

8 dangers, des écueils très graves.

9 (Les Juges se concertent sur le siège.)

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, qu'avez-vous à dire

11 avant que nous ne redonnions la parole au Bureau du Procureur?

12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, j'ai déjà dit que je ne

13 comprenais pas du tout la signification du témoignage de quelque personne

14 que ce soit qui n'aurait pas été partie prenante aux événements, qui

15 n'aurait donc rien vu de ses propres yeux et qui ne fait que relater des

16 récits d'autrui et ce, sans aucune contrainte ou obligation pour ce qui le

17 concerne. Parce qu'une interview, ce n'est pas une enquête; dans une

18 interview pour les médias, les interlocuteurs cherchent plutôt à présenter

19 les choses de la façon dont ils aimeraient les voir et non pas de la façon

20 dont ils les ont effectivement vues. Et dans bon nombre d'occasions ici….

21 Ce n'est pas mon équipement qui fait ce bruit.

22 Donc à des reprises assez nombreuses, vous avez rejeté les dires ou agréé

23 les dires des personnalités notoirement connues, mondialement connues

24 même. Et ici, on fait témoigner un journaliste qui, s'agissant des choses

25 dont il témoigne, n'est au courant que de deuxième main, voire de

Page 11465

1 troisième ou quatrième main. Et d'autre part, il a des affinités

2 politiques qui le font travailler pour le Bureau du Procureur. Donc du

3 point de vue de tout tribunal légal, un témoignage de ce genre n'aurait

4 aucune valeur, et je doute, pour ces raisons-là et pour les raisons dont a

5 parlé tout à l'heure M. Kay, je crois qu'aucun tribunal légal ne saurait

6 agréer le témoignage d'un tel témoin.

7 M. le Président (interprétation): Nous n'acceptons pas ce que vous dites,

8 à savoir qu'il travaillerait pour le Bureau du Procureur; ce n'est pas du

9 tout le cas. Mais nous allons garder vos remarques à l'esprit.

10 Poursuivez, Monsieur McKeon.

11 M. McKeon (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je pense que

12 l'argument soutenu par l'amicus curiae pourrait valoir contre toute forme

13 d'ouï-dire. Le Tribunal a relevé: l'ouï-dire est recevable s'il y a

14 suffisamment d'indices de fiabilité.

15 En l'espèce, le témoin ici présent, dans le cadre de ses activités de

16 journaliste, a interrogé bon nombre de personnes, a mené beaucoup

17 d'enquêtes et a pu ainsi recueillir bon nombre d'informations. Cependant,

18 nous avons décidé de pas lui poser de questions à propos de tout cela.

19 Nous nous sommes contentés de garder, en fait, deux domaines qui semblent

20 être les plus importants pour la présente Chambre. Il y a un témoin dont

21 il sera peut-être en mesure de parler qui va éventuellement être témoin

22 dans ce procès.

23 Nous n'allons pas là poser les questions que nous avions l'intention de

24 lui poser -ceci concerne les paragraphes 19 et 20- mais pour ce qui est

25 des autres personnes, le témoin a précisé au paragraphe 13 de qui il

Page 11466

1 s'agissait et il y a aussi ce paragraphe 21 où l'on voit un témoin qui est

2 repris dans l'Acte d'accusation comme étant un membre de cette entreprise

3 criminelle conjointe. Ce sont des personnes que l'accusation ne pourra pas

4 citer à la barre; c'est la raison pour laquelle ceci constitue la seule et

5 unique façon dont nous pouvons soumettre aux Juges de la Chambre ce que ce

6 témoin pourrait nous dire.

7 M. Robinson (interprétation): Le fait qu'il y ait, en fait, beaucoup de

8 temps qui s'est écoulé depuis les événements évoqués au paragraphe 15,

9 est-ce que ceci aura une incidence quelconque sur la fiabilité?

10 M. McKeon (interprétation): A mon humble avis, je dirai que non.

11 Manifestement, c'est un facteur dont peut tenir compte la Chambre

12 lorsqu'elle va essayer de soupeser le caractère persuasif ou pas de ce

13 témoignage et puis, en fin de compte, elle verra le poids que ceci a au

14 regard de tous les moyens de preuve, mais ceci ne devrait pas avoir

15 d'incidence délétère sur la recevabilité. La question est de savoir si

16 c'est un témoignage fiable, et non pas s'il s'est fait de façon éloignée

17 dans le temps ou pas.

18 Ici, nous pourrons obtenir de ce témoin beaucoup d'indices de fiabilité.

19 La façon dont les informations ont été recueillies, le fait que ces

20 interviews ont été menées de façon professionnelle par un journaliste de

21 carrière qui a pour travail et pour profession de mener ce type

22 d'entretien; le fait qu'après avoir tenu ces entretiens, dans certains

23 cas, il y a eu publication d'articles… Nous en avons un qui concerne le

24 témoin mentionné au paragraphe 15. Par la suite, il n'y a pas eu de

25 commentaire négatif de la personne qui avait été interviewée qui aurait pu

Page 11467

1 évoquer le fait que ces propos auraient été d'une quelconque façon

2 déformés.

3 L'expérience qu'à ce témoin en tant que journaliste est telle que par les

4 activités ultérieures qu'il a eues en tant que journaliste, il a pu

5 corroborer les éléments qui lui ont été rapportés par ces témoins et qu'il

6 a pu se convaincre de leur véracité.

7 Vous remarquerez également qu'au paragraphe 21… Je suppose que ce témoin

8 va nous dire ce que cette personne lui a rapporté dans le cadre de

9 l'interview était valable et je pense qu'il aura aussi vu cette autre

10 personne dire ou tenir tel ou tel propos à d'autres occasions dans

11 d'autres enceintes. Donc le témoin ne dit pas simplement que ceci lui a

12 été relaté dans le cadre d'une interview, mais qu'il peut donner d'autres

13 indices de la fiabilité de ce qu'il avance.

14 Je pense que le Tribunal accueille et considère comme recevable l'ouï-

15 dire, surtout s'il y a d'autres indices. Or, c'est le cas ici. Dans la

16 mesure où ce n'est pas le cas, le contre-interrogatoire pourra faire toute

17 la lumière et les Juges pourront soupeser la valeur qu'a son témoignage.

18 M. le Président (interprétation): Nous verrons ce qu'il en est. Je

19 voudrais m'entretenir un instant avec le juriste de la Chambre.

20 (Les Juges se concertent sur le siège. Le Président s'entretient avec le

21 juriste de la Chambre.)

22 Nous avons examiné l'objection soulevée. Ici, se soulève un point de

23 principe important.

24 Paragraphe 89, ou plus exactement Article 89 du Règlement de procédure: il

25 "permet à la Chambre de considérer comme recevable tout élément de preuve

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1 considéré comme ayant une valeur probante. Mais il permet également à la

2 Chambre d'exclure un élément de preuve si la valeur probante est largement

3 inférieure à l'exigence d'un procès équitable". (Fin de citation.)

4 Or ici, on nous propose d'entendre un élément de preuve repris en trois

5 parties, paragraphe 13, paragraphe 21, ainsi que les paragraphes 15 à 18.

6 L'intégralité de tout ceci constitue de l'ouï-dire, en l'occurrence, ce

7 que diverses personnes ont relaté au présent témoin.

8 Monsieur McKeon le dit, à juste titre: l'ouï-dire est considéré comme

9 recevable dans ce Tribunal. Et il ajoute qu'il y a une distinction entre

10 les paragraphes 13 et 21, dans la mesure où vous avez des personnes

11 concernées qui sont alléguées comme étant membres d'une entreprise

12 criminelle conjointe, ce qui veut dire qu'il y a peu de chance que

13 l'accusation puisse recueillir leur témoignage. Alors qu'aux paragraphes

14 15 à 18, nous n'avons pas affaire à des personnes qui relèvent de cette

15 entreprise criminelle.

16 Une autre distinction est faite dans ce paragraphe 13. Puisque celui-ci

17 concerne une conversation contemporaine par rapport au moment des

18 événements, il est donc plus probable qu'elle soit plus fiable qu'une

19 conversation telle que celles évoquées aux paragraphes 15 à 18, ces

20 conversations s'étant déroulées quelque trois ans après les événements.

21 C'est vrai, nous considérons comme recevable l'ouï-dire, mais il y a quand

22 même une certaine limite quant au degré de recevabilité de tels éléments.

23 Nous estimons que, certes, les éléments repris aux paragraphes 13 et 21

24 portent sur les déclarations fournies par des personnes relevant de

25 l'entreprise criminelle, nous estimons que ces paragraphes sont

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1 recevables; mais, par ailleurs, les déclarations faites par quelqu'un

2 d'autre trois ans après les événements, à propos desquels nous pourrions

3 entendre d'autres témoins, qui existent sans doute, que là, la valeur

4 probante n'est pas suffisante et que, vu les circonstances de l'espèce, il

5 ne serait pas possible pour l'accusé de contre-interroger adéquatement le

6 témoin concerné.

7 Nous considérons donc que le paragraphe 13 est recevable. Nous excluons

8 les paragraphes 15 à 18, mais nous considérons comme recevable le

9 paragraphe 21.

10 Poursuivez, Monsieur McKeon.

11 M. McKeon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Lorsque vous vous trouviez dans la région de Vukovar, est-ce que vous avez

13 eu l'occasion d'interviewer Goran Hadzic?

14 M. Anastasijevic (interprétation): Oui, j'ai eu l'occasion d'interviewer

15 M. Goran Hadzic, tout comme certains autres membres de ce qui avait été

16 appelé le Gouvernement de la SAO-Krajina, Slavonie-Baranja Srem

17 Occidental.

18 Question: Pourriez-vous nous dire dans quelles circonstances s'est faite

19 cette interview; qui était présent, où l'interview a-t-elle eu lieu,

20 quand? Donnez-nous des détails, si vous voulez.

21 Réponse: L'interview a eu lieu, je ne puis me souvenir exactement, mais

22 cinq ou six jours après la prise de Vukovar par les forces serbes. Dans un

23 village appelé Dalj, tout près de Vukovar où l'on avait mis en place le

24 prétendu Gouvernement de la région serbe autonome de Slavonie orientale,

25 de Baranja et de Srem occidental.

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1 A l'époque, M. Goran Hadzic avait été à la tête de ce gouvernement. Et

2 c'est là qu'ils avaient convoqué des journalistes pour qu'il soit

3 interviewé à Dalj; et dans ces circonstances que l'interview en question a

4 eu lieu.

5 Question: Qui était également présent au moment de cette interview?

6 Réponse: Il y avait là un grand nombre, peut-être 10, 15 autres

7 journalistes. Je ne sais plus vous dire de quelles autres rédactions ils

8 provenaient. Et il y avait quelques membres de ce gouvernement, y compris

9 le ministre du Tourisme.

10 Question: Au cours de cette interview, M. Hadzic a-t-il fait un

11 commentaire à propos de prisonniers détenus par la JNA? Et si c'est le

12 cas, de quelle nature était ce commentaire?

13 Réponse: Monsieur Hadzic a parlé du rôle de l'armée populaire yougoslave

14 dans ces événements. Il avait adopté une attitude très critique à l'égard

15 de la JNA. Il avait affirmé, comme bon nombre d'autres membres de la

16 Défense territoriale de l'époque, que celle-ci n'avait pas fait assez pour

17 ce qui est de la défense du peuple serbe. Ils avaient affirmé qu'elle

18 n'avait pas apporté un soutien suffisant à ce peuple serbe et ils avaient

19 insisté sur le fait que la JNA n'avait pas permis à ce gouvernement de

20 prendre le contrôle ou d'exercer le contrôle, pour ce qui est des membres

21 du rassemblement de la garde nationale emprisonnés.

22 Monsieur Hadzic avait affirmé que le Gouvernement de la Slavonie-Baranja

23 et Srem occidental avait des instances judiciaires à elle, et que ces

24 prisonniers allaient être jugés pour crime de guerre et ils s'étaient

25 plaints du fait que l'armée leur ait interdit de prendre en charge lesdits

Page 11471

1 prisonniers.

2 M. McKeon (interprétation): Merci. Messieurs les Juges, vous disposez de

3 l'atlas qui porte la cote P336.

4 Vous voyez la ville de Dalj, dont parle le témoin, à la page 23, au nord

5 de Vukovar. Les coordonnées, on dirait que ce sont les coordonnées 45

6 degrés au nord 30 minutes et environ 19 degrés dans le sens opposé, juste

7 sur le Danube.

8 Il y avait une objection à ce qu'on pose des questions, mais cette

9 objection a été soulevée avant que je n'arrive à l'examen du paragraphe

10 12. Je ne sais pas s'il est possible d'aborder ces questions vu la

11 décision de la Chambre?

12 M. le Président (interprétation): Non.

13 M. McKeon (interprétation): Non, je vois.

14 Sans préciser les propos tels qu'ils se sont prononcés entre vous, est-ce

15 que, à un moment donné, vous avez rencontré M. "Arkan"?

16 M. Anastasijevic (interprétation): Oui, j'avais rencontré M. "Arkan" à

17 l'époque et des membres de sa garde à lui, et ce, au QG d'Erdut, QG qu'ils

18 étaient en train de mettre en place d'ailleurs.

19 Question: Pourriez-vous dire à l'intention des Juges à quoi ressemblait ce

20 QG?

21 Réponse: Ce QG se trouvait dans une maison assez grande. Je crois qu'avant

22 la guerre, il y avait là des caves vinicoles. Il y avait là des bureaux,

23 puis des pièces où ces soldats dormaient. Zeljko Raznjatovic m'a reçu moi-

24 même et quelques autres journalistes dans une salle de réunion qui se

25 trouvait aménagée dans cette maison. C'était une grande salle avec une

Page 11472

1 table assez longue; c'est là qu'il s'est entretenu avec nous.

2 Question: Et ceci s'est passé quand?

3 Réponse: Cela s'est passé peu de temps après que les forces serbes eurent

4 pris possession de Vukovar; disons sept ou dix jours après la chute de

5 Vukovar.

6 Question: Pourriez-vous nous dire de quelle façon M. "Arkan" était

7 habillé, à quoi ressemblaient les vêtements qu'il portait? Est-ce qu'il

8 avait peut-être sur les vêtements qu'il portait tel ou tel insigne

9 particulier?

10 Réponse: Oui, "Arkan" était habillé, vêtu comme tous les membres de son

11 équipe, en vêtements de couleur vert olive; c'était assez particulier

12 parce que cela se distinguait des uniformes de camouflage qui étaient

13 portés par l'armée populaire yougoslave ou les autres unités

14 paramilitaires. Par la suite, j'ai appris que ces uniformes étaient en

15 fait des uniformes de parachutistes. Il portait un fusil automatique de

16 type "Eclair" ou "Heckler et Koch", avec un silencieux et il était en

17 communication par Motorola avec ses hommes. Son bras droit était

18 légèrement blessé. J'ai remarqué cela lorsqu'il nous avait tendu la main.

19 Et l'impression qui se dégageait, c'est que Zeljko Raznjatovic et les

20 membres de sa garde avaient été bien mieux armés que les autres membres,

21 que les membres des autres unités, que les membres des unités actives de

22 la JNA.

23 Question: Pourriez-vous nous donner une idée approximative du nombre de

24 membres de la garde de "Arkan" que vous avez vus à l'occasion de cette

25 réunion, de cet entretien que vous avez eu avec M. "Arkan"?

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1 Réponse: En l'honneur des journalistes qui venaient d'arriver, on avait

2 aligné les hommes et je crois qu'il y avait quelque 150 hommes de cette

3 Unité d'"Arkan".

4 Je crois avoir oublié de répondre à votre question relative aux insignes.

5 Les insignes avaient été faits avec la tête d'un tigre avec une

6 inscription disant: "Garde des volontaires serbes".

7 M. McKeon (interprétation): Messieurs les Juges, le témoin vient de parler

8 d'Erdut comme étant le lieu où s'est tenue cette réunion. Vous voyez cet

9 endroit à la page 23 de l'atlas, vers le milieu de la page, à l'est même

10 d'Osijek.

11 Est-ce que vous avez à un moment donné eu l'occasion d'interviewer M.

12 Seselj?

13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

14 M. Milosevic (interprétation): Mais, écoutez, voici un exemple typique de

15 l'assertion aux termes de laquelle nous ne savons pas de quoi il s'agit au

16 juste.

17 On pose des questions pour savoir où est-ce que le témoin a rencontré

18 "Arkan". Il nous explique que c'était dans une cave viticole. Puis alors

19 sept ou dix jours après, quel était son aspect, enfin comment il était

20 vêtu. Il était vêtu de telle et telle façon. Qui y avait-il? Il y avait

21 untel et untel. Mais on ne sait pas de quoi il avait été question ni de

22 quoi ils avaient parlé.

23 M. le Président (interprétation): Mais vous aurez l'occasion de lui poser

24 des questions à propos.

25 Un instant, s'il vous plaît. L'accusation a le droit de poser des

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1 questions à propos de ce que ce témoin a vu, a fait, et c'est là l'objet

2 de sa déposition. La question du poids à accorder à sa déposition, c'est

3 autre chose; c'est nous qui décidons. Mais vous, vous pouvez poser des

4 questions sur les circonstances; libre à vous de le faire par la suite.

5 Poursuivez, Monsieur McKeon. Vous avez commencé à parler du paragraphe

6 suivant.

7 M. McKeon (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

8 Monsieur le Témoin, à quel moment avez-vous commencé à interviewer M.

9 Seselj?

10 M. Anastasijevic (interprétation): Pour la première fois, j'ai eu une

11 interview avec M. Seselj en 1994. Je ne me souviens pas du mois au juste,

12 mais cela s'est fait au moment où M. Seselj, quoique faisant partie de

13 l'opposition, avait auparavant bénéficié de l'appui du gouvernement. Puis

14 il est tombé en disgrâce et, tout à coup, les grands médias nationaux lui

15 étaient devenus inaccessibles. Ce n'est que là que M. Seselj avait accepté

16 d'accorder des interviews avec des journaux ennemis pour le compte

17 desquels j'avais travaillé, entre autres, également. Il est devenu

18 beaucoup plus amical à notre égard et il avait accepté de nous accorder

19 des interviews. Donc cela devait se situer aux alentours de l'été 1994.

20 Question: Et à l'époque, vous travailliez pour quel journal?

21 Réponse: J'ai travaillé, comme aujourd'hui, pour un hebdomadaire appelé

22 "Vreme".

23 Question: Avant 1994, est-ce que M. Seselj était prêt à accorder des

24 interviews à votre magazine?

25 Réponse: Non. Monsieur Seselj avait une attitude très stricte à l'écart

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1 des journalistes qu'il désignait comme étant des personnes insuffisamment

2 patriotiques ou comme des traîtres. Et dans cette catégorie, il y avait

3 pratiquement tous les journalistes provenant des médias qui n'étaient pas

4 sous le contrôle du régime, à l'époque. Et je dirais même qu'il avait même

5 menacé certain de ces journalistes ou de ces médias.

6 L'attitude a changé en 1994, lorsqu'il y a eu des conflits politiques

7 entre M. Seselj et l'accusé. A ce moment-là, il est devenu bien plus

8 ouvert, pour ce qui est des rencontres avec des journalistes indépendants.

9 Question: Est-ce qu'en 1994 un changement est intervenu, si on pense à la

10 couverture dont bénéficiait M. Seselj dans les médias non indépendants?

11 Réponse: Oui. Dans les médias qui se trouvaient directement ou

12 indirectement sous contrôle de l'Etat, M. Seselj avait bénéficié d'un

13 statut très privilégié entre 1991 et 1994; pratiquement parlant, vous ne

14 pouviez pas brancher votre téléviseur sans le voir, à la différence des

15 autres leaders d'opposition qui avaient rarement l'opportunité d'être vus

16 à la télévision nationale. Toutefois, en 1994, les choses ont changé de

17 façon abrupte et M. Seselj n'a plus pu faire son apparition dans ces

18 médias.

19 Question: Je précise à l'intention des Juges que nous revenons maintenant

20 au paragraphe 6 qu'on avait sauté au début de la déposition de ce témoin.

21 A combien de reprises avez-vous été en mesure d'interviewer M. Seselj?

22 Réponse: Cinq ou six fois entre 1994 et 1996.

23 Question: Et est-ce que les conditions dans lesquelles vous pouviez mener

24 cette interview ont de nouveau changé en 1996?

25 Réponse: Eh bien, il est devenu moins accessible en 1997, lorsqu'il a

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1 commencé à faire partie du gouvernement. A ce moment-là, il a cessé tout

2 contact avec les journalistes des médias indépendants et il a commencé à

3 menacer…, à les traiter de traîtres, à les menacer de procès en justice;

4 dans bon nombre de cas, il avait même pensé à le faire avec des

5 journalistes.

6 Question: Vous avez parlé des médias indépendants. Pourriez-vous nous dire

7 ce que vous entendez par là? Quel était le degré de contrôle qu'avait

8 l'accusé sur les médias, que ce soit la télévision ou la presse écrite en

9 Serbie en 1991, pour ce qui est des médias qui n'étaient pas indépendants?

10 Réponse: La question est assez complexe; je vais essayer de résumer au

11 maximum. Quand je parle de médias indépendants, j'ai en tête, j'ai à

12 l'esprit les médias qui n'avaient directement ou indirectement pas de

13 dépendance à l'égard de quelque organe de l'Etat ou de quelque parti que

14 ce soit. Quand on parle des autres médias, j'entends là les médias qui se

15 trouvaient sous contrôle direct ou indirect de l'Etat, comme par exemple

16 la télévision de l'Etat ou alors des journaux d'envergure nationale comme

17 "Politika" ou "Vecernje Novosti", ou encore des journaux qui étaient sous

18 le contrôle du parti de l'accusé. Et là, le rédacteur, le rédacteur en

19 chef, les membres des rédactions étaient militants ou membres actifs du

20 parti au pouvoir ou des partis autour de ce parti au pouvoir.

21 Question: Etes-vous au courant d'une situation qui s'est présentée en mars

22 1991? Milorad Vucelic a, à ce moment-là, remplacé Dusan Mitevic à un poste

23 élevé dans les médias. Si vous vous souvenez de cela, pourriez-vous nous

24 préciser ce qu'il en était et ce que ceci montre, s'agissant du contrôle

25 qu'avait l'accusé sur les médias et la presse écrite?

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1 Réponse: Ceci est également un thème assez grand ou de grande envergure.

2 Mais je dirai, brièvement, que ce que l'on entendait par "blocage

3 médiatique" se résumait à l'impossibilité pour des leaders de l'opposition

4 d'exprimer leurs opinions dans les médias. C'est la raison pour laquelle

5 Vuk Draskovic avait appelé l'opposition à faire des manifestations à

6 Belgrade, à manifester dans Belgrade.

7 Et en mars 1991, ces manifestants ont eu des conflits avec la police. Deux

8 personnes ont perdu la vie, il y a eu beaucoup de gaz lacrymogène de jetés

9 et on a fait sortir les tanks, les chars de l'armée populaire yougoslave

10 dans les rues de Belgrade pour chasser les masses de gens rassemblés. Et

11 la police a exercé des pressions sur le gouvernement de M. Milosevic, pour

12 ce qui est de limoger le ministre de la police, ainsi que le directeur de

13 la télévision nationale; à ce moment-là, c'était M. Dusan Mitevic. Le

14 ministre de la police, Radmilo Bogdanovic, a été révoqué de ses fonctions.

15 Il en a été de même pour ce qui est de Dusan Mitevic qui s'est fait

16 remplacer par Milorad Vucelic qui faisait partie de l'entourage très

17 proche de M. Milosevic, il était vice-président du Parti socialiste de

18 Serbie.

19 Et peut-être qu'il serait important de mentionner qu'à l'époque, il était

20 membre du gouvernement d'une autre région autonome serbe, près de

21 Dubrovnik: la SAO de Herzégovine, où le maire était Bozidar Vucurevic.

22 Par la suite, les attaques contre les leaders de l'opposition à la

23 télévision deviennent encore plus brutales. Il y avait donc propagation de

24 dépositions prises par M. Milosevic et par les nationalistes qui

25 l'entouraient, tels que M. Seselj et autres.

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1 Question: Revenons, si vous le voulez bien, à l'entretien, l'interview que

2 vous avez eue avec Seselj. Ceci se situe au paragraphe 21 de notre résumé.

3 Dans le cadre de cette interview, les dires de Seselj cadraient-ils bien

4 avec d'autres déclarations publiques qu'avait faites M. Seselj au fil du

5 temps?

6 Réponse: Oui, dans ce que Seselj disait dans ses interviews avec moi, il

7 avait exprimé un très haut niveau de concordance avec ce qui avait été dit

8 aux autres journalistes.

9 Question: Et M. Seselj, que vous a-t-il dit du rôle qui était le sien dans

10 le cadre du régime serbe? Je parle là de la période qui va de la fin 1991

11 jusqu'en 1992.

12 Réponse: Monsieur Seselj disait qu'en 1991-1992, il avait été en relation

13 très proche avec M. Stanisic qui lui, à cette époque-là, était chef du

14 secteur de la sécurité d'Etat en Serbie, c'est-à-dire de la police secrète

15 pratiquement parlant, et avec les collaborateurs de Stanisic. Et une

16 grande partie de leur coopération se ramenait au fait selon lequel

17 Stanisic et ses collaborateurs avaient exercé une très grande influence

18 sur les effectifs paramilitaires en Croatie et en Bosnie, pour ce qui est

19 de l'armement de ses effectifs. Et, selon Seselj, on s'attendait à ce

20 qu'il procure des volontaires; on demandait par exemple 120 volontaires

21 pour Vukovar et M. Seselj, par la suite, par l'intermédiaire de son parti

22 qui était très ramifié en Serbie à l'époque, organisait l'accueil des

23 volontaires et organisait leur transport jusqu'au centre de formation à

24 l'intérieur de la Serbie, ou alors directement vers les théâtres de

25 guerre, en Croatie ou en Bosnie.

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1 Question: Avez-vous publié des articles qui se sont basés sur ce que M.

2 Seselj vous avait relaté?

3 Réponse: Oui. Ces assertions ont été imprimées, publiées, non seulement

4 dans les journaux, mais dans bon nombre d'autres médias.

5 Question: Après la publication de ces articles, est-ce que M. Seselj vous

6 a appelé pour vous dire que vous vous étiez trompé, que vous n'aviez pas

7 bien reproduit les dires qui avaient été les siens?

8 Réponse: Non. En tout état de cause, lorsqu'il s'agit des relations de M.

9 Seselj et de M. Stanisic, il n'y a eu aucune sorte de réaction de la part

10 ni de M. Seselj ni de M. Stanisic, pour ce qui est des affirmations qui

11 ont été publiées.

12 Question: Et quelle a été cette réaction?

13 Réponse: J'ai dit qu'il n'y avait pas eu de réaction. Absolument pas de

14 réaction.

15 Question: Aucune réaction? Excusez-moi, je n'avais pas compris.

16 Fin 1991, milieu de l'année 1992, est-ce qu'à ce moment-là, vous constatez

17 quoi que ce soit qui se passe à Belgrade, vous-même, de vos propres yeux,

18 quoi que ce soit qui serait de nature à soutenir, à corroborer ce que M.

19 Seselj va vous dire plus tard à propos de ce qui se passait à ce moment-

20 là?

21 Réponse: Vous êtes en train de parler, j'imagine, des volontaires du Parti

22 radical serbe et de leur déplacement vers les lignes de front?

23 Question: Effectivement. Est-ce que vous avez constaté la présence de bus,

24 de personnes qui s'inscrivaient ou qui montaient dans ces bus pour aller

25 sur la ligne de front?

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1 Réponse: Oui, sur le plateau devant l'église de Saint-Marc, au centre de

2 la ville de Belgrade, c'est le quartier où j'habite à Belgrade, et il y

3 avait pratiquement quotidiennement des volontaires qui se rassemblaient.

4 Ils étaient attendus par des autocars, et ils s'en allaient de là vers

5 Bubanj Potok, à savoir un centre de formation à proximité de Belgrade, ou

6 alors directement vers les champs de bataille. Il y avait là les drapeaux

7 et les symboles du Parti radical serbe.

8 Question: Grâce aux interviews que vous avez eues avec M. Seselj, est-ce

9 que vous avez appris quelle était la nature des unités vers lesquelles ces

10 hommes allaient, dans lesquelles ils allaient être versés? Est-ce que

11 c'était des unités de la JNA ou d'autres unités?

12 Réponse: Cela n'avait pas été des unités de la JNA. C'étaient des unités

13 autres, à savoir des unités de l'armée de la Republika Srpska s'il

14 s'agissait de la Bosnie, ou d'unités de la Défense territoriale… Et

15 j'explique que ces unités de la Défense territoriale n'avaient existé en

16 Bosnie qu'au début de la guerre; elles ont été ensuite remplacées par la

17 police et l'armée de la Republika Srpska.

18 Puis, il y avait des unités analogues en Croatie, à savoir l'armée de la

19 Srpska Krajina, de la RSK ou la police de la RSK. Mais je dois souligner

20 que M. Seselj avait insisté sur le fait qu'il ne faisait qu'envoyer ces

21 volontaires vers le front et qu'il n'exerçait aucun contrôle sur ces

22 unités, mais que ces unités se trouvaient placées sous le contrôle des

23 autorités mises en place à ce moment-là sur le territoire, ou sur le

24 territoire de laquelle se trouvait telle ou telle autre zone de

25 responsabilité. C'est donc vers ces territoires-là que ces unités-là se

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1 déplaçaient.

2 Question: Parlons maintenant, si vous le voulez bien, de ce que vous avez

3 vécu en Bosnie. Est-ce que vous vous trouviez en Bosnie pendant la guerre

4 de Bosnie?

5 Réponse: Oui, souvent. Bon nombre de fois.

6 Question: Où vous êtes-vous trouvé exactement et au cours de quelle

7 période?

8 Réponse: Etant donné que les conflits armés en Bosnie ont duré pendant

9 trois ans et demi, il me serait difficile d'énumérer toutes les occasions.

10 Mais au début de la guerre, je me suis trouvé à Foca, en Bosnie orientale,

11 au moment où cette ville a été prise par les forces serbes. Puis, j'étais

12 autour de Sarajevo, aux alentours de Sarajevo et à Sarajevo même, en juin

13 1992, j'ai été à Tuzla. Et une fois que les lignes de front s'étaient

14 stabilisées, en 1992, je suis très souvent allé en Republika Srpska.

15 Parfois, je suis allé aussi vers ce que l'on désigne actuellement par

16 Fédération musulmano-croate.

17 Question: Pendant le temps que vous avez passé en Bosnie, avez-vous

18 rencontré des officiers ou des soldats qui travaillaient pour la VRS et

19 qui, auparavant, avaient été officiers ou soldats de la JNA ou de la VJ?

20 Réponse: Est-ce que tous les officiers de la Republika Srpska, avant de le

21 devenir, avaient été des soldats de la JNA et ceci, à compter de leur

22 commandant suprême ou plutôt pas commandant suprême, mais le commandant de

23 l'armée, à savoir le général Ratko Mladic et en dessous. Pratiquement, ils

24 ont tous été repris de la JNA.

25 Question: Et dans le cadre de vos activités de journaliste, est-ce que

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1 vous avez appris dans quelles circonstances ces hommes étaient devenus des

2 soldats et officiers de la VRS en Bosnie, plutôt que des membres de la JNA

3 ou de la VJ?

4 Réponse: Une fois, quand en mai 1992 il a été proclamé une République

5 fédérale de Yougoslavie à la place de la RSFY jusque là, et une fois que

6 la JNA a changé de nom pour devenir "Armée de Yougoslavie", tous les

7 officiers qui étaient du groupe ethnique serbe et qui -à l'époque, la

8 grande majorité des officiers étaient des Serbes, étant donné que les

9 autres s'étaient enfuis ou avaient été chassés-, eh bien, tous les

10 officiers du groupe ethnique serbe qui étaient nés en Croatie ou en Bosnie

11 avaient pu choisir: soit passer vers l'armée de la Republika Srpska ou de

12 la Krajina serbe, ou quitter l'armée. La plupart des officiers de carrière

13 ont choisi cette première possibilité et étaient devenus des officiers de

14 l'armée de la Republika Srpska ou de l'armée de la RSK.

15 Question: Est-ce que ces officiers qui étaient passés à la VRS vous ont

16 dit de quelle façon ils étaient payés, après être passés dans ces armées?

17 Réponse: Il est notoirement connu le fait que les soldes, les salaires des

18 officiers de l'armée de la Republika Srpska étaient versés, ainsi que les

19 pensions par l'armée de Yougoslavie, et que cela venait pratiquement du

20 budget de la Yougoslavie.

21 Question: Outre les soldes qui étaient versées aux officiers, est-ce que

22 vous avez constaté s'il y avait un autre soutien, qu'il soit logistique ou

23 autre, qui était donné par la VJ à la VRS pendant les opérations

24 militaires en Bosnie?

25 Réponse: Oui. L'aide, l'assistance pour l'armée de la Republika Srpska en

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1 armes, en équipements, arrivaient sans cesse, et ceci, à tous les passages

2 frontières. Pendant un certain temps, en raison de la présence

3 d'observateurs internationaux, les convois ont dû être envoyés de façon

4 plus discrète. Mais, selon les affirmations d'un grand nombre d'officiers

5 de la Republika Srpska, cela n'a jamais cessé, même lorsqu'il y a eu

6 refroidissement des rapports entre Radovan Karadzic et la direction de la

7 République fédérale de Yougoslavie, lorsqu'il y a eu donc blocus

8 économique organisé par la Yougoslavie. Les convois militaires avaient été

9 exclus du blocus.

10 Question: Est-ce que vous, vous-même, vous avez vu des véhicules qui

11 franchissaient la frontière allant de la Serbie, donc vers la Bosnie?

12 Réponse: Oui, j'ai vu des véhicules avec des plaques de la VJ traverser la

13 frontière de la Bosnie à bon nombre de reprises et j'ai également vu des

14 véhicules, des véhicules de l'armée ou de la police de la Republika

15 Srpska, traverser la frontière en allant vers la République fédérale de

16 Yougoslavie.

17 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre ce qui s'est passé au mois

18 d'août 1994? Nous parlons ici de la possibilité qu'avaient les gens de

19 faire des allées et venues entre la Bosnie et la Serbie.

20 Réponse: Eh bien, il est arrivé la chose suivante: il y a eu un conflit

21 politique entre l'accusé et Radovan Karadzic, le chef des Serbes de

22 Bosnie. Le conflit a été généré à l'occasion de la signature d'un plan de

23 paix que M. Milosevic avait voulu voir signer, alors que Radovan Karadzic

24 avait refusé de le faire. Par la suite, il s'en est suivi la mise en place

25 de sanctions économiques de la part de la Yougoslavie à l'égard de la

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1 Republika Srpska.

2 Et, chose assez intéressante, on avait autorisé la présence d'observateur

3 étranger sur ces frontières. Mais, selon les affirmations, les assertions

4 d'un grand nombre d'officiers de la Republika Srpska et de l'armée

5 yougoslave, ces sanctions n'avaient pas porté sur les transports et les

6 convois militaires. Mais pour les gens qui résidaient en Republika Srpska

7 et qui avaient souvent été placés en position pour ce qui était de

8 s'approvisionner en denrées alimentaires et autres produits en

9 Yougoslavie, la chose était devenue difficile parce qu'il leur était

10 devenu impossible de transporter ne fût-ce qu'une baguette de pain. Alors

11 que, d'autre part, j'ai vu personnellement des camions qui ne portaient

12 pas de plaques militaires, mais qui avaient été exclus et qui pouvaient

13 passer.

14 La population de l'autre côté de la frontière, en Republika Srpska, avait

15 connu une période, des temps très durs à ce moment-là.

16 Question: Nous recevons l'interprétation et, apparemment, d'après celle-

17 ci, vous aviez vu des camions qui ne portaient pas d'insignes militaires,

18 d'emblèmes militaires qui ont franchi la frontière.

19 Que voulez-vous dire par là? Est-ce que vous avez vu, après le mois d'août

20 1994, des camions avec des insignes militaires qui traversaient cette

21 frontière?

22 Réponse: Non, je n'ai pas vu de véhicules avec des plaques militaires

23 traverser la frontière et cela est assez logique parce qu'après août 1994,

24 il a été placé des observateurs internationaux. Mais j'ai entendu, j'ai

25 ouï dire, de la part de bon nombre de sources, que ces transports

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1 militaires passaient sans problème majeur.

2 Question: Est-ce que vous avez vu qu'à la frontière, il y avait certains

3 camions qui pouvaient sans encombre franchir cette frontière alors que

4 d'autres ne le pouvaient pas?

5 Réponse: Cela, je l'ai remarqué, oui.

6 Question: Est-ce qu'à un moment quelconque, vous avez entendu parler de

7 pilonnages du côté serbe de la frontière, dirigés contre la Bosnie? Et je

8 pense ici plus particulièrement à 1994.

9 Réponse: Et en 1992, tout comme en 1994, en avril 1994, les forces serbes

10 ont lancé une offensive contre Gorazde, une ville en Bosnie orientale. Je

11 me souviens très bien du fait d'être passé depuis le côté serbe, donc

12 longeant la rive est de la rivière Drina, d'avoir remarqué des positions

13 d'artillerie de l'armée de Yougoslavie, qui s'étaient fortifiés à côté de

14 la route. Au moment où je passais, ces pièces d'artillerie n'étaient pas

15 actives, mais bon nombre de gens de la région nous disaient, nous ont dit

16 qu'on ne pouvait pas dormir à force d'entendre ces pièces d'artillerie

17 tirer.

18 Question: Quand vous parlez de la population locale, vous parlez des gens

19 qui habitaient du côté serbe de la frontière ou du côté bosniaque de la

20 frontière?

21 Réponse: Je parle de ceux qui habitaient du côté serbe de la frontière.

22 Question: Monsieur, pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris, lorsque

23 vous étiez en Bosnie, au sujet des déplacements de la police serbe qui est

24 donc venue de Serbie pour travailler en Bosnie, à cette époque du conflit?

25 Réponse: De nombreux policiers des deux côtés de la frontière m'ont appris

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1 qu'il était tout à fait courant de voir des policiers de Serbie passer un

2 certain temps au sein de la police de la Republika Srpska en Bosnie,

3 pendant disons des périodes de trois ou quatre semaines. Ils avaient pour

4 cela des émoluments spéciaux. Et il était également courant de voir de

5 tels déplacements se faire dans l'autre sens, c'est-à-dire des policiers

6 de la Republika Srpska qui allaient apporter une aide temporaire aux

7 policiers de la République de Serbie, notamment quand il fallait s'opposer

8 à des manifestations, réprimer des manifestations contre le régime dirigé

9 par l'accusé.

10 Question: Est-ce que vous avez appris par la suite combien de temps ces

11 policiers passaient en Bosnie? Dans cette période?

12 Réponse: Selon les besoins, entre trois et six semaines.

13 Question: Ces policiers participaient-ils à des combats lorsqu'ils étaient

14 en Bosnie?

15 Réponse: Pour l'essentiel, ils ne participaient pas aux combats. En tout

16 cas, d'après ce qu'ils disaient, il leur arrivait plus souvent de remplir

17 les fonctions normales de la police afin de permettre à d'autres policiers

18 d'aller participer aux combats, à ceux qu'ils remplaçaient d'aller

19 participer aux combats.

20 Question: Qui vous a appris cela au sujet de la présence de policiers

21 serbes qui travaillaient en Bosnie?

22 Réponse: Eh bien, lorsque je voyageais dans la Republika Srpska, il

23 m'arrivait de rencontrer un policier qui, très manifestement, parlait avec

24 un accent serbe. Je lui demandais d'où il venait; il me disait de

25 Belgrade; et il me disait ensuite qu'il était là de façon temporaire et

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1 qu'il allait ensuite retourner à Belgrade. C'était le cas également pour

2 d'autres villes de Serbie. C'était tellement courant qu'à l'époque, je

3 n'ai pas accordé une très grande importance à ce fait.

4 Question: Pouvez-vous nous dire, Monsieur, ce que vous savez de l'action

5 des Bérets rouges en Bosnie, pendant la guerre?

6 Réponse: Les Bérets rouges, c'est la dénomination courante des membres

7 d'une unité, qui existe encore aujourd'hui, qui s'appelle "Unité destinée

8 aux opérations spéciales". Pendant la guerre en Bosnie, cette unité était

9 sous le contrôle de la sécurité d'Etat de la République de Serbie qui,

10 pendant toute la guerre, était dirigée par Jovica Stanisic. C'était une

11 unité de combat d'élite dont les membres sont intervenus pratiquement dans

12 tous les endroits où des combats se déroulaient en Bosnie et en Croatie.

13 Et pendant très longtemps, c'était une unité très mystérieuse, car ses

14 membres portaient un béret rouge en signe de reconnaissance et un insigne

15 particulier sur la manche où l'on voyait un animal sauvage. Mais il n'y

16 avait aucune inscription sur leurs emblèmes.

17 Cette unité était très bien connue et les gens en parlaient beaucoup. Ils

18 en avaient d'ailleurs peur, même les plus anciens qui avaient pas mal

19 d'expérience. Ses membres étaient brutaux et les gens disaient que là où

20 apparaissait un Béret rouge, l'herbe ne repoussait pas.

21 Question: Avez-vous, à quelque moment que ce soit, rencontré vous-même, en

22 personne, un Béret rouge en Bosnie?

23 Réponse: Non, je n'en ai vu aucun de mes yeux, ni en Bosnie ni en Croatie.

24 Question: Monsieur le Président, si vous me le permettez, j'aimerais

25 revenir rapidement à un sujet dont nous avons déjà parlé, car j'aurai

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1 quelques rapides questions supplémentaires à poser au témoin au sujet du

2 paragraphe 12 du résumé de sa déposition.

3 L'accusé a dit que nous n'avons pas demandé quel était l'objet de la

4 réunion, ce qui s'était déroulé au cours de cette réunion, ce qui a été

5 dit au cours de cette réunion. Dites-moi, Monsieur, cette rencontre que

6 vous avez eue avec "Arkan", au mois de novembre 1991, quel était son

7 objet?

8 Réponse: Le défunt Zeljko Raznjatovic avait, à l'époque, installé son QG à

9 Erdut et il me semblait qu'il souhaitait que les journalistes en soient

10 informés, que son unité devienne plus visible et que les journalistes

11 puissent entendre ce qu'il avait à dire.

12 Question: Vous a-t-il fait visiter ses installations?

13 Réponse: A ce moment-là, puisque son quartier général ou plutôt, comme il

14 l'a appelé plus tard, "son centre d'entraînement" à Erdut venait à peine

15 d'être installé, il n'y avait pas grand-chose à voir. Donc il n'y a pas eu

16 de visite particulière sur le terrain.

17 Question: Que s'est-il dit lors de cette rencontre?

18 Le défunt Raznjatovic a dit pas mal de choses en rapport avec la situation

19 de l'époque; toutes choses qui avaient l'air assez extraordinaire. Par

20 exemple, il a dit que la partie croate disposait d'avions Tornado, reçus

21 d'Allemagne, qu'elle disposait également des chars les plus modernes, et

22 que trois de ces chars avaient été touchés. On nous a d'ailleurs promis de

23 nous les montrer, mais bien sûr, cela n'a jamais été fait.

24 Il a affirmé également avoir descendu un certain nombre de ces avions

25 Tornado et il n'a, bien sûr, pas pu nous les montrer non plus. Il a

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1 formulé pas mal de commentaires négatifs à l'égard de l'armée populaire,

2 dont il affirmait qu'elle n'était pas assez patriotique et qu'elle ne

3 s'engageait pas suffisamment dans la défense des Serbes.

4 En dehors de cela, il a souligné qu'il rejetait certaines des questions

5 abordées par les journalistes, dont moi-même, portant sur le fait que ces

6 combattants auraient, selon certains journalistes, participé à des crimes

7 de guerre; il a dit que ceci n'était absolument pas vrai.

8 Et voilà, c'est ainsi que la conversation s'est déroulée.

9 Question: Avez-vous jamais vu le moindre indice, avant ou après cette

10 rencontre, indiquant que ce que M. "Arkan" vous disait au sujet des chars

11 et des avions descendus était vrai?

12 Réponse: Non.

13 M. McKeon (interprétation): Très bien, je n'ai plus de question, Monsieur

14 le Président. Je vous remercie.

15 M. le Président (interprétation): Merci.

16 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

17 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Dejan Anastasijevic, par l'accusé M.

18 Milosevic.)

19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Anastasijevic, estimez-vous que le

20 devoir premier d'un journaliste consiste à être objectif et neutre?

21 M. Anastasijevic (interprétation): Oui, c'est un devoir.

22 Question: Et sans doute l'honnêteté est-elle également un devoir important

23 pour un journaliste?

24 Réponse: Je suis d'accord.

25 Question: Est-il permis de dire à votre sujet que vous êtes objectif,

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1 impartial, lorsque vous décrivez les événements de l'époque en témoignant

2 à mon encontre?

3 Réponse: Dans tous mes articles, je me suis toujours efforcé d'être le

4 plus impartial possible. Dans quelle mesure ai-je réussi à l'être? Je

5 pense qu'on peut en juger à la lecture de mes écrits.

6 Question: Dites-moi, faites-vous partie du projet appelé "Sociétés

7 associées"?

8 Réponse: Je ne sais pas de quoi vous parlez.

9 Question: Pour autant que je le sache, il s'agit d'une organisation non

10 gouvernementale créée à la mi-1999 qui a été présentée à l'opinion

11 publique hongroise, à l'époque. J'ai ici sous les yeux une liste et, pour

12 autant que je puisse le constater, vous êtes le seul journaliste

13 yougoslave dont le nom figure sur cette liste de cette organisation non

14 gouvernementale intitulée, dénommée "Migrations 1999", donc le seul à

15 participer à ce projet créé par cette association.

16 Etes-vous au courant de cela?

17 Réponse: Très franchement, je ne me souviens pas que j'aie eu quelque

18 activité politique que ce soit en Hongrie, bien que j'y aie passé quelque

19 temps. C'est la première fois que j'entends parler de cette association.

20 Question: Est-ce que vous accepteriez de jeter un coup d'œil à cette liste

21 des médias et des personnes dont il est dit qu'elles participaient à ce

22 projet?

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Voilà, Monsieur l'Huissier, je vous remets ce document et j'aimerais qu'il

25 soit placé sur le rétroprojecteur.

Page 11491

1 Monsieur Anastasijevic, vous pouvez jeter un coup d'œil et, ensuite,

2 répondre à ma question.

3 Je vous en prie, avant que l'on ne place le document sur le

4 rétroprojecteur, vous pouvez y jeter un coup d'œil; cela vous facilitera

5 la tâche. C'est peut-être également un faux.

6 Réponse: Je ne reconnais toujours pas le nom de cette organisation.

7 Question: Eh bien, regardez de plus près. On trouve sur cette liste de

8 médias et de journalistes votre nom, entre autres, et ces médias sont

9 présentés comme participant à ce projet. Vous avez trouvé votre nom?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Comment se fait-il qu'il soit là?

12 Réponse: Je n'ai pas d'explication à cela, mais je reconnais sur cette

13 liste le nom de Andrew Purvis, qui était le chef du bureau de "Time" pour

14 l'Europe de l'Est; M. Purvis était donc mon chef direct. Par ailleurs, je

15 sais que pour un magazine comme "Time", il serait tout à fait incroyable

16 de participer par le biais de ses permanents, tel M. Purvis, à des actions

17 de ce genre. Donc la seule chose que je peux faire, c'est émettre des

18 suppositions et je suppose qu'à l'époque, il y avait peut-être des gens

19 qui s'efforçaient de regrouper de l'argent pour mener à bien certains

20 projets et que ces personnes ont mis mon nom et celui de M. Purvis sur la

21 liste pour peut-être impressionner des sponsors. Mais, très fermement, je

22 dis que je n'ai jamais entendu parler d'une telle organisation.

23 Question: Mais cette liste, quand vous regardez tout ce qui figure sur

24 cette liste, pensez-vous qu'il s'agit d'un faux?

25 Réponse: Je suis incapable de le dire.

Page 11492

1 Question: Connaissez-vous les autres personnes dont les noms figurent sur

2 cette liste?

3 Réponse: Il me semble reconnaître le nom de Dragan Galic, mais je ne peux

4 pas en dire plus; c'est simplement un nom qui me dit quelque chose. Quant

5 aux autres noms, je ne les connais absolument pas. On voit à plusieurs

6 reprises le numéro de Véronique Mistiaen, mais cette liste ne me dit rien.

7 Question: Très bien, Monsieur Anastasijevic. Je vous demande à présent si

8 vous faites partie d'un quelconque projet de la Fondation Niemann?

9 Réponse: Vous pensez sans doute à la fondation qui s'appelle "Niemann

10 Fellowship for Journalistes"?

11 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai peut-être pas lu très

12 précisément...

13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, un instant, il

14 y a une objection.

15 M. McKeon (interprétation): Nous aimerions voir ce document qui est soumis

16 au témoin.

17 M. le Président (interprétation): Oui, absolument.

18 M. Milosevic (interprétation): Absolument. D'ailleurs, on peut verser ce

19 document au dossier. "Niemann": oui; moi, j'ai lu à la façon des

20 Allemands. Or il est écrit ensuite: "International Fellowship".

21 Avez-vous entendu parler de cette fondation?

22 M. Anastasijevic (interprétation): J'ai entendu parler de cette fondation.

23 Vous pouvez m'interroger à son sujet.

24 Question: Avez-vous reçu une bourse de cette Fondation Niemann?

25 Réponse: Oui, j'ai reçu une bourse de cette Fondation Niemann entre 1991

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1 et 1992, comme cela est indiqué d'ailleurs dans l'introduction du texte.

2 C'est une fondation qui dépend de l'université de Harvard.

3 Question: Donc vous étiez financé par cette Fondation Niemann, et ce

4 financement était destiné à vous former ou, en tout cas, à vous

5 spécialiser dans votre profession pendant une année?

6 Réponse: Oui, pendant l'année scolaire 2001-2002, j'ai bénéficié d'une

7 telle bourse, ainsi que 24 autres journalistes d'un peu partout dans le

8 monde.

9 Question: Je vous demanderai maintenant de regarder cette liste. Est-ce

10 bien la liste dont vous parlez?

11 Je demande à M. l'huissier de remettre ce document au témoin.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Est-ce bien la liste dont vous parlez? J'aimerais que ce soit clair.

14 Réponse: Oui, c'est la liste en question.

15 Question: Si j'ai bien compris, "Amnesty international connexions", une

16 organisation allemande, et d'autres organisations participaient à ce

17 financement. Qui d'autre participait au financement de Niemann et comment

18 a été créée cette fondation?

19 Réponse: La fondation a été créée en 1939. C'est une organisation très

20 connue. Le prix Pulitzer est une des émanations les plus connues de cette

21 Fondation Niemann. Je ne sais pas comment les fonds sont collectés mais je

22 crois que le créateur, Alfred Niemann, a légué un million de dollars de

23 l'époque à la fondation en 1939 et que l'organisation a commencé de cette

24 façon.

25 Je crois savoir également que l'université de Harvard, qui est l'une des

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1 plus importantes des Etats-Unis, bénéficie de plusieurs milliards de

2 dollars grâce à cette fondation. Je pense que c'est ainsi que sont obtenus

3 les fonds.

4 Mais les organisations non-gouvernementales ou autres qui participent à ce

5 financement, je ne sais pas vraiment ce qu'elles sont, ce n'est pas mon

6 travail de m'intéresser à cela.

7 La seule chose qui m'intéressait, c'est l'obtention de cette bourse qui

8 est une bourse très gratifiante et très connu.

9 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que les gens qui financent cette

10 fondation sont également ceux qui financent le Tribunal où nous nous

11 trouvons? Je veux dire l'institution qui se qualifie de...

12 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, ceci n'est pas

13 pertinent.

14 Je demanderai à l'huissier de remettre ce document à l'accusation.

15 (Intervention de l'huissier.)

16 Votre question suivante, Monsieur Milosevic.

17 M. Milosevic (interprétation): Pensez-vous, puisque les sources de

18 financement sont les mêmes que celles qui financent ce Tribunal illégal,

19 que dans ces conditions il est permis de parler d'impartialité dans votre

20 déposition, lorsque vous parlez de tous les événements qui ont fait

21 l'objet de votre déposition?

22 M. Anastasijevic (interprétation): Je reçois un salaire en tant qu'employé

23 du journal "Vreme".

24 Quant à ce qui concerne "Time", je reçois des émoluments qui correspondent

25 au travail que j'accomplis sporadiquement dans le cadre d'un accord conclu

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1 avec ce magazine.

2 Mais, en tout cas, chaque fois que je publie quelque chose, qu'il s'agisse

3 de "Vreme" ou de "Time", je considère que je respecte au maximum les plus

4 hauts critères professionnels qui soient. Et jusqu'à présent, hormis une

5 fois, je n'ai pas reçu de critiques graves à l'égard de mon

6 professionnalisme.

7 Question: Puisque vous parlez du journal "Vreme", je ne m'attends pas à ce

8 que vous confirmiez ce que je m'apprête à vous dire, mais je vous demande

9 si vous êtes au courant du fait qu'en Serbie et en Yougoslavie, et ce pas

10 dans des milieux très restreints mais de façon assez large, on sait bien

11 que ce journal "Vreme" a été le lieu où se sont très longtemps exprimés

12 les services qui ont travaillé au démantèlement de la Yougoslavie et à la

13 guerre médiatique contre la Yougoslavie pendant toutes ces années. En tant

14 que journaliste, êtes-vous au courant de cela?

15 Réponse: Je ne suis pas sûr d'avoir entièrement compris votre question.

16 Dois-je comprendre que vous parlez d'autres milieux?

17 Question: Je vous demande si vous êtes au courant du fait que ce journal

18 "Vreme" est considéré dans l'opinion, de façon générale, comme étant au

19 service des services de renseignements qui ont œuvré contre la

20 Yougoslavie?

21 Réponse: Je suis au courant du fait que vos représentants ont attaqué, à

22 plusieurs reprises, ce journal pour un comportement contraire à l'Etat.

23 Et, oui, nous avons été accusés de travailler avec un spectre très vaste

24 d'ennemis de la Yougoslavie, depuis les francs-maçons jusqu'aux

25 intégristes. Ces critiques ne sont pas nouvelles pour moi.

Page 11496

1 Question: Eh bien, je suis heureux de voir que vous êtes au courant. Donc

2 vous travaillez pour "Vreme", vous travaillez pour "Time", c'est bien ça?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Vous avez travaillé pour "United Press International", c'est

5 bien ça?

6 Réponse: C'est cela.

7 Question: Et il me semble que vous avez aussi travaillé pour une maison

8 d'édition américaine?

9 Réponse: Non, je ne vois pas de quelle maison d'édition vous parlez.

10 Question: Bien.

11 Réponse: J'ai organisé la présentation d'un livre mais je ne crois pas que

12 ce soit très important en ce moment.

13 Question: Dites-moi, quel était le nom de la maison d'édition de ce livre

14 à la réalisation duquel vous avez participée?

15 Réponse: L'institut pour... Je vais vous donner le nom officiel en

16 anglais, donc l'Institut for War and Peace Reporting de Londres, ainsi que

17 l'organisme "Press now" qui s'occupe de la liberté et des droits des

18 journalismes, dont le siège se trouve en Hollande, ont participé à la

19 publication de cet ouvrage.

20 Question: Savez-vous qui a créé cette organisation dont le siège est en

21 Hollande?

22 Réponse: Je ne sais pas qui a créé cette organisation car, pour ma part,

23 j'ai simplement eu des entretiens avec le responsable ou le directeur,

24 Paul Staal. Je ne sais pas d'ailleurs quel est exactement son titre. Et je

25 ne sais pas qui a créé cette organisation mais je sais qu'elle a obtenu

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1 une réputation mondiale.

2 Question: Donc vous avez travaillé au moins pour trois institutions, sinon

3 quatre d'ailleurs, parce qu'il y a "Times Magazine", "United Press

4 International" et ces deux organisations qui vous ont engagé pour la

5 préparation de ce livre. Vous avez reçu une bourse de la Fondation

6 Niemann. Si nous tenons compte de tout cela, nous constatons que vous vous

7 considérez tout de même comme un reporter impartial de la crise

8 yougoslave, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Eh bien d'accord. Dites-moi, je vous prie, puisqu'il me semble

11 qu'il y a un instant vous avez parlé de votre séjour en Bosnie, vous avez

12 parlé de Foca, de Sarajevo, de, Tuzla, ensuite vous avez dit vous être

13 rendu y compris sur le territoire de ce qu'il est convenu d'appeler

14 aujourd'hui la Fédération croato-musulmane, je suppose que Tuzla relevait

15 de ce que l'on appelle la Fédération croato-musulmane pendant toute cette

16 période?

17 Réponse: Pendant la guerre, Tuzla, pour ce qui me concerne, était Tuzla.

18 Pour autant que je le sache, la Fédération croato-musulmane a été créée,

19 en tant que telle, très peu de temps avant la signature des Accords de

20 Dayton, donc en 1995.

21 Question: Est-il exact que durant l'été 1992 vous avez séjourné à Tuzla?

22 Réponse: Oui, il est vrai que j'ai passé un jour à Tuzla, en effet.

23 Question: Ce jour-là, avez-vous vécu un incident particulier, au cours de

24 l'été 1992 lorsque vous êtes allé à Tuzla?

25 Réponse: Il y a eu plusieurs incidents.

Page 11498

1 Question: Quel incident est arrivé qui vous a affecté au cours de l'été

2 1992 à Tuzla?

3 Réponse: Je vous demanderai d'être plus précis dans votre question, car

4 après ce séjour, j'ai écrit un reportage assez long dans lequel j'ai

5 décrit tout ce qui s'était passé, mais je ne voudrais pas abuser du temps

6 du Tribunal en racontant l'intégralité de l'histoire.

7 Question: Je ne vous demande pas de relater l'intégralité de l'histoire,

8 mais dites-moi simplement quels sont les incidents que vous avez vécus à

9 Tuzla au cours de l'été 1992.

10 Réponse: Je voyageais dans le cadre d'un convoi des Nations Unies qui

11 était envoyé de Belgrade à Sarajevo. Et à Tuzla, nous avons dû nous

12 arrêter car des problèmes ont surgi au poste de contrôle. Donc, au lieu de

13 passer, nous avons dû rester sur place pratiquement toute une journée et

14 toute une nuit. Il y a deux choses dont je me rappelle maintenant. Il y a

15 eu des menaces de la part d'un représentant de l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine lorsqu'ils se sont rendus compte que des Serbes étaient

17 présents, des insultes ont été échangées, mais cela s'est réglé assez vite

18 après un échange de quelques paroles.

19 Donc ça, c'est quelque chose qu'on peut qualifier d'incident et puis, la

20 deuxième chose qui s'est passée, c'est qu'une fois que le convoi a quitté

21 Tuzla et mon véhicule été le dernier du convoi, un certain nombre de coups

22 de feu ont été tirés dans notre direction, mais ils n'ont pas touché le

23 véhicule, donc nous avons continué notre chemin. Ce sont les deux choses

24 dont je me rappelle.

25 Question: Combien de temps avez-vous passé en Bosnie?

Page 11499

1 Réponse: Ecoutez, j'allais en Bosnie pratiquement tous les 15 jours, à peu

2 près, donc je ne me rappelle pas combien de jours j'ai passé pendant…Vous

3 voulez dire pendant toute la guerre?

4 Question: Non, pendant cette période, lorsque vous dites que vous y alliez

5 de temps en temps, tous les 15 jours, pendant quelle période avez-vous

6 fait ces voyages?

7 Réponse: Ecoutez, de temps en temps j'y allais pour deux ou trois jours,

8 de temps en temps pour plusieurs semaines; cela dépendait de la mission

9 qui m'avait été confiée.

10 Question: Dans quelle période?

11 Réponse: Pendant toute la durée de la guerre et après également, bien sûr.

12 Question: Donc, vous étiez là-bas depuis 1992 jusqu'à 1995, jusqu'aux

13 Accords de Dayton, n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Et vous y alliez constamment pendant deux ou trois jours ou tous

16 les quinze jours. Quelles étaient les interruptions?

17 Réponse: Je n'ai pas dit que j'y étais de façon constante. Il me semble

18 qu'il y a une contradiction dans la question. J'y suis allé souvent pour

19 des périodes qui duraient entre deux ou trois jours, et jusqu'à plusieurs

20 mois d'affilée.

21 Question: Dites-moi, à qui adressiez-vous les informations que vous

22 receviez lors de vos séjours là-bas?

23 Réponse: Je les adressais, quand je travaillais pour "UPI" -United Press

24 International- donc jusqu'à octobre 1993, je les adressais à "UPI". Et,

25 dans cette période, je publiais également des articles de temps en temps

Page 11500

1 dans "Vreme". Et dans la dernière période, la période la plus récente, je

2 les adressais surtout à "Vreme".

3 Question: Mais, dites-moi, très concrètement, en Bosnie, vous est-il

4 arrivé de recevoir de l'argent d'un service étranger?

5 Réponse: Je n'ai jamais reçu d'argent de quelque service que ce soit comme

6 vous les appelez, ni étranger ni national.

7 Question: Bien. Est-ce que vous résidez actuellement en Yougoslavie ou à

8 l'étranger?

9 Réponse: Je réside actuellement à Belgrade.

10 Question: Depuis quand résidez-vous à Belgrade?

11 Réponse: J'ai résidé à Belgrade toute ma vie, avec deux interruptions

12 entre le mois d'avril 1999 jusqu'au 20 septembre 2000; et, la deuxième

13 interruption se situe entre la mi-août de l'an 2001 et jusqu'en juin 2002,

14 période pendant laquelle j'ai été boursier de la Fondation Niemann.

15 Question: Donc avec des petites interruptions en 2000 et 2001, vous avez

16 résidé sans cesse à Belgrade?

17 Réponse: Je n'ai pas dit "pendant des petites interruptions". Oui, je

18 comprends ce que vous voulez dire. Je m'excuse, oui. J'ai passé ces trois

19 années consécutives moins d'un an en Belgrade en tout et pour tout-.

20 Question: Dans votre déposition en page 2, vous dites que vous avez

21 procédé à des recherches relatives à la police, relatives aux activités

22 d'informations. Vous avez suivi la situation au niveau de la police, au

23 niveau de la sécurité de l'Etat, de la sécurité militaire...

24 Réponse: Je ne sais pas si cela a été formulé de cette façon-là, mais dans

25 le cadre de mes activités de journaliste, bon nombre de recherches

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1 conduisaient dans cette direction, compte tenu de l'importance que les

2 services secrets, la police avaient eu dans le système au sommet duquel

3 vous vous trouviez vous-même.

4 Question: Je tiens à citer ce qui figure en page 2 de votre déposition:

5 "Cela englobait des recherches au niveau de la police et des activités de

6 renseignement. Ce qui fait que j'ai suivi les activités des forces de

7 police de Serbie, de Yougoslavie, la sécurité d'Etat, le service de

8 renseignements militaires ainsi que les corrélations entre les autorités

9 de l'Etat avec les organisations paramilitaires, à savoir les soutiens qui

10 leur étaient apportés."

11 Réponse: Oui.

12 Question: Donc vous avez étudié et suivi tous ces services. Dites-moi,

13 s'il vous plaît, quelle est la méthodologie que vous avez suivie à

14 l'occasion des recherches effectuées au niveau des services de sécurité

15 d'Etat, des services de renseignements militaires, et ainsi de suite?

16 Réponse: Il s'agissait d'interviews et de textes qui étaient accessibles à

17 l'opinion publique. Il s'agissait de la collecte habituelle des

18 informations dans le cadre des recherches que peut effectuer un

19 journaliste.

20 Question: Toutefois, étant donné que dans votre témoignage vous parlez de

21 tout un tas de choses, du profil psychologique de certaines personnes, des

22 activités politiques, des partis, de mes activités politiques à moi -en

23 passant par mes activités au niveau de l'Etat-, et des personnes qui se

24 trouvaient au service de l'Etat, ceux qui avaient travaillé dans les

25 services de sécurité, des renseignements militaires, donc c'est un

Page 11502

1 éventail de thèmes très large.

2 J'ai vu dans votre déposition que vous avez témoigné d'événements au cours

3 de la guerre au Kosovo, en Bosnie, en Croatie. Pratiquement, il n'y a

4 aucun domaine où vous n'avez pas témoigné, c'est bien cela?

5 Réponse: En ma qualité de témoin ici, j'ai répondu aux questions qui m'ont

6 été posées.

7 Question: Vous voulez dire à l'occasion de votre déposition préalable et

8 dans le cadre de ce que vous avez répondu ici, dans le prétoire?

9 Réponse: Oui, comme je réponds à vos questions actuellement.

10 Question: Si vous avez été en Bosnie-Herzégovine pratiquement toute la

11 durée de la guerre, entre 1992 et 1995, c'est ce que vous avez indiqué

12 tout à l'heure, exception faite de ce que vous avez précisé à l'occasion

13 de l'interrogatoire principal où vous avez indiqué que vous avez effectué

14 un déplacement vers Vukovar, après les événements de Vukovar et la chute

15 de Vukovar notamment, quand est-ce que vous êtes allé en Croatie, quand

16 est-ce que vous êtes allé au Kosovo?

17 Et, étant donné que vous avez passé tout ce temps en Bosnie, quand est-ce

18 que vous avez pu étudier ou faire des recherches au niveau des activités

19 déployées par tous ces services et événements politiques? Comment avez-

20 vous fait, d'une manière générale, pour être à tous ces endroits en même

21 temps?

22 Réponse: Jusqu'à présent, je n'ai jamais réussi à être à la fois à

23 plusieurs endroits. J'aurais aimé pouvoir le faire mais je n'ai pas pu le

24 faire.

25 Question: Cela ne manque pas d'esprit mais cela ne répond pas à ma

Page 11503

1 question.

2 Comment se fait-il que vous êtes en mesure de témoigner sur des événements

3 qui se passaient en parallèle, en même temps, étant donné que vous n'aviez

4 pas le don d'ubiquité?

5 Réponse: Posez-moi une réponse plus concrète concernant des événements

6 concrets, je vous dirai où j'ai été, où je m'étais trouvé par rapport aux

7 circonstances données.

8 Question: On y viendra aux événements concrets.

9 Mais permettrez-vous la possibilité à un autre journaliste, supposons un

10 journaliste tout aussi apte que vous pensez l'être, qui aurait suivi ces

11 événements, de tirer des conclusions différentes des événements que vous

12 avez suivis ou pensez-vous qu'il aurait tiré les mêmes conclusions?

13 Réponse: Je ne saurai faire de commentaire sur ce que quelqu'un d'autre

14 aurait fait ou aurait pu faire s'il avait été à ma place.

15 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous demande pas de formuler de

16 spéculation. Je vous demande si vous admettez qu'il serait possible qu'un

17 autre journaliste, peut-être meilleur que vous-même, aurait tiré des

18 conclusions différentes des vôtres s'agissant des événements que vous avez

19 décrits?

20 M. le Président (interprétation): Il a déjà répondu à cela. Il dit qu'il

21 ne peut pas se mettre à la place de quelqu'un d'autre.

22 M. Milosevic (interprétation): Fort bien, Monsieur May.

23 En deuxième page, vers la fin de votre déposition, vous dites "dans

24 l'objectif de consolider son pouvoir" en parlant de moi, de quoi parlez-

25 vous? Avais-je perdu le pouvoir pour essayer de le consolider? De quoi

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1 êtes-vous en train de parler?

2 M. Anastasijevic (interprétation): Pour autant que je le sache,

3 "consolider" veut dire raffermir.

4 Je n'ai pas essayé d'affirmer que vous aviez perdu le pouvoir et que vous

5 essayiez de le reprendre. J'avais affirmé, au contraire, que vous vous

6 efforciez de le raffermir moyennant exercice du contrôle sur la vie

7 politique, comme vous l'aviez fait jusque-là.

8 M. Milosevic (interprétation): Vous dites ensuite que je vaquais à des

9 activités visant à priver d'autonomie les provinces autonomes en

10 République de Serbie. Où avez-vous constaté cela et comment les

11 institutions municipales avaient-elles, comme vous le dites plus loin,

12 perdu leur autonomie?

13 M. Anastasijevic (interprétation): J'aimerais bien voir la phrase entière

14 avant de répondre à la question.

15 Etant donné que j'ai fait cette déposition préalable il y a plus de deux

16 ans, je voudrais savoir à quel passage vous vous référez, pour être

17 concret.

18 M. le Président (interprétation): En fait, nous allons lever l'audience

19 puisqu'il est déjà 16 heures 10.

20 Monsieur Milosevic, je suppose que vous avez d'autres questions à poser à

21 ce témoin. Vous disposerez d'une heure supplémentaire lorsque nous

22 reprendrons l'audience, c'est-à-dire mardi.

23 M. Milosevic (interprétation): Vous voulez dire que vous ne me donnez

24 qu'une seule heure pour la journée suivante?

25 M. le Président (interprétation): C'est tout à fait juste, Monsieur

Page 11505

1 Milosevic.

2 Monsieur le Témoin, veillez à être de retour à l'audience dans ce prétoire

3 à 9 heures, mardi matin. Merci.

4 L'audience est suspendue.

5 (L'audience est levée à 16 heures 12.)

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