Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 15 octobre 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 01.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Dejan Anastasijevic, est déjà dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

6 parole.

7 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Dejan Anastasijevic, par l'accusé M.

8 Milosevic.)

9 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)

10 Oui. En répondant à l'une de mes questions, vous avez mentionné Andrew

11 Burnous, représentant…

12 M. Anastasijevic (interprétation): Andrew Purvis. C'était le chef du

13 bureau chargé de l'Europe centrale.

14 Question: Oui, c'est ça, c'est ça. Est-il exact de dire que le 15 juillet

15 de cette année, vous êtes venu témoigner ici et vous avez déjà fait une

16 déclaration disant que vous êtes allé rendre visite à l'association

17 "Liberté", c'est-à-dire l'association qui est chargée…, qui s'emploie à ma

18 libération, en faveur de ma libération?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Dites-nous: pourquoi vous étiez-vous présenté comme étant

21 interprète?

22 Réponse: Ça avait été ma fonction technique; il y avait quelqu'un qui

23 avait été chargé de la partie professionnelle et moi, je n'ai été chargé

24 que des tâches d'interprète.

25 Question: Mais estimez-vous qu'il serait justifié, étant donné que vous

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1 êtes déjà venu témoigner ici, de vous présenter à titre erroné là-bas en

2 disant que vous êtes interprète, et ceci, à des gens qui travaillent en

3 faveur de ma défense?

4 Réponse: Je leur ai dit que j'étais journaliste de profession et que

5 j'étais là-bas en qualité d'interprète, c'est tout.

6 Question: Bien, Monsieur Anastasijevic. Dites-nous maintenant, s'agissant

7 de l'incident à Tuzla en été 1992, est-ce que vous êtes bien certain que

8 vous avez expliqué l'incident jusqu'au bout?

9 Réponse: Si vous avez d'autres questions, je vous ai déjà dit qu'il

10 s'était agi d'un reportage que j'avais rédigé il y a dix ans. Je n'ai pas

11 pu vous donner lecture du reportage tout entier mais, si vous avez des

12 questions complémentaires, je vous répondrai.

13 Question: Est-ce que vous connaissez Naser Oric?

14 Réponse: Non, je ne l'ai jamais vu de ma vie.

15 Question: Est-ce qu'en votre qualité de journaliste, vous avez assisté à

16 l'une quelconque des opérations de combat de la JNA, à l'époque au sujet

17 de laquelle vous êtes venu témoigner?

18 Réponse: Lors des opérations de combat à Vukovar.

19 Question: Vous nous avez dit que la JNA n'avait pas été présente à

20 Vukovar?

21 Réponse: J'ai dit que la JNA n'avait pas été dans la ville même et qu'il

22 n'y avait pas de présence majeure de la JNA, mais la JNA était présente

23 autour de la ville et elle s'était servie de l'artillerie lors du siège et

24 des attaques.

25 Question: Mais dites-nous: partant de quoi avez-vous affirmé que la JNA

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1 était là pour un soutien logistique à l'intention de formations

2 paramilitaires?

3 Réponse: Partant de tout ce que j'ai vu à l'occasion de mon séjour à

4 Vukovar et dans ses alentours à l'époque.

5 Question: Quel est le soutien logistique que vous avez vu?

6 Réponse: J'ai vu que les effectifs de volontaires ou de soi-disant de

7 volontaires s'étaient servis d'armes qui sont d'habitude utilisées au sein

8 de la JNA seulement, et il avait été logique de supposer qu'ils avaient

9 obtenu ces armes de la part de la JNA. En sus, vers le 20 novembre 1991,

10 j'ai vu des canons de la JNA qui avaient ouvert le feu vers la ville, sur

11 la ville, au moment où les forces serbes était en train de s'emparer de

12 Vukovar.

13 Question: Vous êtes en train de parler des effectifs serbes. Est-ce que

14 vous avez à l'esprit les Serbes qui avaient vécu à Vukovar et dans les

15 alentours?

16 Réponse: J'ai à l'esprit les réservistes de la JNA; j'avais à l'esprit

17 aussi les membres des unités de volontaires et la Défense territoriale.

18 Question: Donc, comme vous devez le savoir, c'étaient surtout des gens qui

19 vivaient dans la région?

20 Réponse: Cela pouvait être éventuellement vrai pour les membres de la

21 Défense territoriale. A leur tête, il y avait Radovan Stojicic, feu

22 Radovan Stojicic qui était de là-bas. Mais pour ce qui est des

23 volontaires, ils venaient de Serbie, la plupart d'entre eux.

24 Question: Est-ce que vous savez que, s'agissant des événements à Vukovar,

25 il y a eu pendant plusieurs mois des arrestations de Serbes, des tortures,

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1 et ainsi de suite, enfin, des traitements qui ont engendré les conflits

2 dans la région, tant à Vukovar que dans les environs?

3 Réponse: S'agissant de ce qui se passait avec la population serbe de

4 Vukovar, je ne l'ai appris que bien plus tard et ceci, en lisant la presse

5 croate essentiellement.

6 Question: En lisant la presse croate?

7 Réponse: Le "Feral Tribune", le journal croate a beaucoup écrit au sujet

8 des activités de Tomislav Mercep qui avait été, à l'époque, haut

9 responsable officiel à Vukovar et dont les unités avaient maltraité les

10 Serbes. Et les premières informations à ce sujet me sont parvenues en

11 lisant le "Feral Tribune", ce journal croate.

12 Question: Mais vous n'avez jamais rien entendu dire au sujet de meurtres,

13 d'arrestations…, des arrestations et des autres -je dirai- actes de

14 violence, pour se servir d'euphémisme s'agissant des méfaits contre la

15 population serbe à Vukovar et dans les agglomérations autour de Vukovar?

16 Réponse: J'ai entendu des récits dont bon nombre était incroyable et

17 d'autres n'étaient pas vérifiables.

18 Question: Donc vous êtes en train d'affirmer que les villages serbes

19 n'avaient pas du tout été endommagés et que les villages croates avaient

20 été détruits?

21 Réponse: J'ai dit: pour la plupart non endommagés, et pour la plupart

22 détruits.

23 Question: Donc Mercep et ses combattants à lui, qui ont abattu tant de

24 civils serbes, n'ont rien détruit là où vivaient ces Serbes?

25 Réponse: Je n'ai jamais vu de ma vie Tomislav Mercep et je ne me suis pas

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1 entretenu avec lui non plus.

2 Question: Vous nous avez dit que les déplacements dans la région de la

3 Slavonie orientale étaient dangereux parce que les tireurs isolés, les

4 tireurs embusqués croates opéraient à partir de ce que vous avez désigné

5 comme étant des "poches", là où ils se trouvaient?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Depuis quelles positions ces tireurs isolés ont-ils ouvert le

8 feu en direction des positions tenues par des membres de la Défense

9 territoriale?

10 Réponse: Pendant que j'étais à Vukovar, ils tiraient depuis Borovo Naselje

11 et d'une agglomération appelée "Mitnica".

12 Question: Est-ce que vous étiez au courant, à l'époque, du fait de combien

13 de civils et de soldats ont péri suite à leurs activités, à ces activités?

14 Réponse: A l'époque, il n'avait pas été possible de se procurer des

15 chiffres exacts.

16 Question: Vous avez dit que vous avez interviewé Goran Hadzic cinq ou six

17 jours après la chute de Vukovar?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Je n'ai pas très bien compris. Peut-être ai-je bien compris,

20 mais c'était plutôt une conférence de presse, non pas une interview,

21 n'est-ce pas?

22 Réponse: C'était une conférence de presse suite à laquelle Goran Hadzic

23 -après cette conférence donc- s'était entretenu à titre individuel avec

24 certains journalistes.

25 Question: Il y avait, comme vous l'avez dit, une quinzaine de journalistes

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1 de présents?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Et vous dites qu'à cette occasion-là, il avait adopté une

4 attitude plutôt critique, voire très critique, à l'égard de la JNA, n'est-

5 ce pas?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Et vous dites que la JNA avait fourni un appui logistique à

8 l'intention de ces effectifs, de ces formations?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce que cela ne vous semble pas illogique ou plutôt

11 illogique?

12 Réponse: J'ai compris… J'ai cru comprendre, à l'époque, qu'il y avait des

13 divergences politiques entre Goran Hadzic et les autorités de SAO,

14 Slavonie orientale, Baranja et Srem oriental d'une part et, d'autre part,

15 la direction militaire.

16 Question: Dites-moi, Monsieur Anastasijevic, vous avez quitté la

17 Yougoslavie en 1999 et vous étiez conscrit, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Comment avez-vous fait pour vous en aller?

20 Réponse: J'ai pris l'autocar et je suis passé par le Monténégro.

21 Question: Est-ce que vous avez estimé qu'en votre qualité de conscrit vous

22 étiez censé avoir le droit de quitter le pays pendant l'agression du pacte

23 de l'OTAN?

24 Réponse: Compte tenu des circonstances, oui.

25 Question: Est-ce qu'il serait exact de dire qu'ayant quitté le pays dans

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1 cet intervalle depuis votre départ jusqu'à votre retour, vous avez

2 séjourné à Vienne?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Dites-nous comment vous avez gagné votre vie pendant votre

5 absence?

6 Réponse: J'ai travaillé au bureau de la revue "Time" pour l'Europe

7 orientale.

8 Question: Monsieur Anastasijevic, dites-moi je vous prie, avez-vous

9 procédé à la rédaction ou à l'élaboration de recherche pour ce qui est des

10 violations à l'embargo concernant des livraisons de pétrole à la

11 Yougoslavie pendant cette époque?

12 Réponse: Oui; j'ai écrit plusieurs textes sur ce thème.

13 Question: Pouvez-vous nous donner une description?

14 Réponse: Je me souviens d'un reportage, il me semble que c'était un

15 reportage daté de 1996 ou 1997, et il s'est agi de contrebande de

16 cigarettes et de pétrole vers le Monténégro. Je me souviens d'un reportage

17 que j'avais fait en 1994 -me semble-t-il- pour ce qui est du blocus sur le

18 Danube et la contrebande de pétrole par le Danube.

19 Question: Serait-il exact de dire que vous avez reçu de l'argent pour

20 conduire des étrangers et leur montrer les endroits où l'on violait

21 l'embargo où la RFY et ses citoyens violaient cet embargo?

22 Réponse: J'avais travaillé pour une équipe de la télévision italienne et,

23 en cette qualité, j'ai reçu des honoraires.

24 Question: Très bien.

25 Vous nous avez dit que vous avez fait des interviews avec Raznatovic alias

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1 "Arkan" et que lui aussi avait critiqué la JNA et avait affirmé que celle-

2 ci ne défendait pas les Serbes. C'est bien ce que j'ai compris?

3 Réponse: Qu'elle ne les défendait pas dans une mesure suffisante.

4 Question: Et en cette occasion, si j'ai bien compris, il avait rejeté

5 toutes allégations au terme de laquelle des membres de ses unités, des

6 volontaires avaient pris part à des crimes de guerre?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Vous avez parlé d'une unité chargée d'opérations spéciales. Est-

9 ce que vous avez vu cette unité chargée des opérations spéciales soit en

10 Bosnie, soit en Croatie?

11 Réponse: Non.

12 Question: Et savez-vous qu'à l'époque, au sujet de laquelle vous êtes venu

13 témoigner, il n'y avait pas du tout d'unités chargées d'unités spéciales?

14 Réponse: Si vous vous référez à l'année 1992, il y a eu bon nombre de

15 rapports ou de reportages de textes qui concernaient des unités appelées

16 "les Bérets rouges".

17 Question: Mais vous nous avez précisé que vous ne les aviez pas vues, ni

18 en Bosnie ni en Croatie.

19 Réponse: Je ne les ai pas vues personnellement, mais j'ai rencontré bon

20 nombre de personnes qui m'ont affirmé qu'elles les avaient vues.

21 Question: Mais saviez-vous quoi que ce soit au sujet des activités de la

22 direction à Vukovar, direction qui disait pour soi-même qu'il s'agissait

23 d'Oustachis. Il y avait là Mercep et d'autres, Blago, Zadro, Mirko

24 Dragicevic, Jure Marusic, Branislav Glavas, Mirko Glavas, Ante Budimir et

25 ainsi de suite, qui se sont organisés dès le début du mois de mars 1991

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1 dans le secteur de Vukovar?

2 Réponse: J'ai entendu parler de la plupart de ces noms par la suite, au

3 niveau du quartier général.

4 Question: Mais savez-vous quelles sont les conclusions qu'ils avaient

5 adoptées, les décisions qu'ils avaient prises le 10 mars 1991: à savoir

6 les décisions consistant à licencier tous les Serbes de l'administration

7 d'Etat, de la police et de procéder à des pressions pour les faire quitter

8 la région; Puis, si cela ne marchait pas, de procéder à des mesures plus

9 drastiques, à savoir meurtres, arrestations, et ainsi de suite.

10 Donc en votre qualité de journaliste qui avait traité du secteur, avez-

11 vous eu vent de la chose à ce moment-là ou par la suite?

12 Réponse: Par la suite, par les médias j'ai eu connaissance de certains

13 détails. Mais, au moment même, je n'avais aucune information concernant

14 l'exercice des activités, des autorités croates dans le secteur.

15 Question: Et avez-vous établi une corrélation quelconque entre ce qui se

16 passait à l'époque et la résistance que les Serbes avaient fournie à

17 l'égard de ces autorités-là?

18 Réponse: En ma qualité de journaliste, j'avais fait des reportages

19 concernant ce qui se passait sur le terrain, concernant les événements que

20 j'avais vus sur place.

21 Question: Mais vous avez dit tout à l'heure que vous n'avez vu aucune

22 opération de la JNA ni en Bosnie ni en Croatie.

23 Réponse: J'ai dit que j'avais vu une opération aux alentours de Vukovar et

24 à Vukovar s'agissant de la JNA.

25 Question: Vous nous avez dit, ici, que vous n'avez pas assisté aux

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1 souffrances ou aux décès de quelques personnes que ce soit. Vous n'avez vu

2 tué personne à l'époque? Vous n'avez pas vu personnellement quelque acte

3 de violence que ce soit et vous vous êtes déplacé dans le secteur?

4 Réponse: J'ai affirmé que personne n'avait tué personne sous mes yeux,

5 mais j'ai vu bon nombre d'indices témoignant du fait qu'il y avait eu des

6 crimes. Je me souviens avoir vu un soldat avec une machette ensanglantée.

7 Je lui ai demandé: "Mais où est ton fusil?" Il m'avait dit qu'il n'avait

8 pas besoin de fusil et que l'arme qu'il avait sur lui, dans sa main, lui

9 était largement suffisante.

10 Question: Qu'est-ce que cela vous a laissé entendre? Qu'avez-vous tiré

11 comme conclusion? Est-ce que vous avez conclu qu'avec cette machette il

12 allait autour et qu'il égorgeait les gens?

13 Réponse: Dans mon reportage, je n'ai fait que transmettre ce que j'ai vu

14 et l'entretien que j'ai eu. Les conclusions je les ai abandonnées aux

15 lecteurs.

16 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit qu'à l'occasion de la guerre

17 en Croatie, la sécurité d'Etat avait fourni une assistance par le biais de

18 Mihalj Kertes, Brana Crncevic, Jovica Stanisic. Vous avez même dit que

19 Brana Crncevic avait procuré des armes, mais vous savez que c'est un

20 écrivain; il n'a jamais fait ce type de choses.

21 M. le Président (interprétation): Laissez-lui le soin de répondre à propos

22 de l'homme que vous avez mentionné, s'il vous plaît.

23 M. Anastasijevic (interprétation): En sus du fait d'être écrivain -et il

24 l'est de nos jours encore-, Brana Crncevic était à la tête de "Matica

25 Srpska"; c'était une organisation inscrite au registre comme étant une

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1 organisation humanitaire. Il avait été présent en Croatie et en Bosnie,

2 mais je n'ignore pas le fait que cette organisation humanitaire ne se

3 chargeait pas de distribuer de l'aide humanitaire; elle avait distribué

4 des véhicules et, partant de bon nombre de récits datant de l'époque, elle

5 s'était chargée de la distribution d'armes.

6 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez depuis quand existe

7 la "Matica Srpska"?

8 Réponse: "Matica Srpska" existe depuis le XIXe siècle, mais je ne vois pas

9 quelle est la corrélation.

10 Question: Il s'était agi d'un écrivain, c'était le président de la "Matica

11 Srpska" et vous nous dites qu'ils avaient ouï dire qu'ils avaient

12 distribué des armes.

13 Est-ce que vous êtes là en train de nous raconter des rumeurs, des ragots

14 en affirmant que Matica Srpska avait distribué des armes?

15 Réponse: J'avais entendu dire que Brana Crncevic, mettant à profit ses

16 positions, ses fonctions au sein de "Matica Srpska" avait procédé à la

17 distribution d'armes; et c'est ce que j'ai ouï dire.

18 Question: Qui vous a dit cela?

19 Réponse: Ce sont des personnes que je ne voudrais pas nommer à ce moment-

20 ci.

21 Question: Mais vous êtes en train de faire des allégations qui sont des

22 plus graves. Vous nous dites que vous avez entendu dire cela de la bouche

23 de plusieurs personnes et vous ne voulez pas les nommer. Comment serait-il

24 alors possible de vérifier ce type d'allégations?

25 Réponse: Je ne sais pas.

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1 Question: Vous avez mentionné Veselin Sljivancanin. Avez-vous vu un crime

2 quelconque qui aurait été perpétré par Sljivancanin ou pour lequel il

3 aurait donné des ordres en ce sens? Avez-vous eu vous-même des

4 connaissances à ce sujet?

5 Réponse: Je n'ai pas vu le commandant Sljivancanin commettre un crime, de

6 quelque nature que ce soit, mais j'ai ouï dire, comme bon nombre de

7 personnes, ce qui s'était passé au domaine agricole Ovcara où 200

8 personnes ont été tuées.

9 Question: Avez-vous eu des informations concernant la participation de la

10 JNA?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Qui?

13 Réponse: Le commandant Veselin Sljivancanin, qui s'était trouvé à la tête

14 de la 1re Brigade motorisée. Il avait autorisé les hommes à tuer les gens

15 qui étaient amenés de l'hôpital de Vukovar.

16 Question: Partant de quoi avez-vous affirmé cela?

17 Réponse: Parce que ces gens avaient été emmenés de l'hôpital de Vukovar

18 par des hommes qui se trouvaient sous le commandement du commandant

19 Sljivancanin. Par la suite, on a retrouvé ces gens-là morts. Entre-temps,

20 on a conclu qu'ils étaient tués par des soldats de la JNA, ce qui n'était

21 pas exact. Et j'ai ouï dire qu'ils avaient été tués par des gens de la

22 Défense territoriale de la Slavonie orientale. Et ceci une fois que le

23 commandant Sljivancanin les avait confiés à la Défense territoriale.

24 Question: Partant de ce que vous venez de dire, vous affirmez qu'ils ont

25 péri dans ces conflits, mais vous n'avez aucune preuve concernant le fait

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1 qu'ils aient été remis par le commandant Sljivancanin à ces effectifs-là,

2 vous en tirez seulement des conclusions et vous dites qu'ils avaient été

3 emmenés par certains soldats.

4 Réponse: J'ai tiré cette conclusion non seulement partant de là, mais

5 partant de récits très détaillés, dont j'ai eu vent et qui m'ont été

6 relatés par des personnes qui faisaient partie de la JNA à l'époque et

7 dont les noms sont connus par ce Tribunal parce qu'ils figurent dans mes

8 dépositions.

9 Question: Fort bien. Essayons de tirer ceci au clair. Ici, vous parlez de

10 tout ceci en votre qualité de journaliste et vous relatez des histoires

11 qui vous ont été confiées par diverses personnes qui se déplaçaient à

12 l'époque dans la région, n'est-ce pas?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Par conséquent, vous en personne, vous n'avez pas eu l'occasion

15 de voir quoi que ce soit que vous relatez, mis à part ces récits que vous

16 auraient transmis ces témoins soi-disant oculaires?

17 Réponse: Que voulez-vous dire?

18 Question: Je vous demande du rôle joué par la JNA, par Sljivancanin.

19 Réponse: S'il vous plaît, essayez d'être plus précis dans vos questions.

20 Moi, j'ai vu de mes propres yeux certaines choses, et puis d'autres choses

21 m'ont été relatées par d'autres. On ne peut pas dire ici que je n'aurais

22 rien vu et que je me serais contenté de récits pour écrire ce que j'écris.

23 Question: Fort bien. Enfin, qu'avez-vous vu s'agissant de Sljivancanin.

24 Vous l'avez accusé de toutes sortes de choses dans la JNA. Mais qu'avez-

25 vous précisément?

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1 Réponse: Je n'ai pas vu le commandant Veselin Sljivancanin à Ovcara, à

2 l'époque. Tout ce que j'ai dit à propos d'Ovcara à l'époque, ce sont

3 effectivement des renseignements que j'ai obtenus auprès des personnes à

4 qui j'ai parlé.

5 Question: Oui, mais cela s'est passé en Slavonie orientale! D'après les

6 affirmations que vous formulez, il faisait partie de ces forces locales,

7 mais qu'est-ce que cela à avoir avec la Serbie? Pourriez-vous me le dire?

8 Réponse: Eh bien, cela à avoir avec la JNA; je n'ai pas dit que ceci avait

9 à voir avec la Serbie.

10 Question: Fort bien. Vous avez expliqué qu'il manquait de la place en

11 prison, que les prisons avaient été encombrées et que l'armée avait ouvert

12 des camps en Serbie. Mais ce sont là des affirmations que vous lancez.

13 Dites-moi où l'on aurait jamais ouvert un camp en Serbie.

14 Réponse: Il y en a eu deux: l'un dans le village de Stajicevo et l'autre

15 était à Begejci. Cela veut dire que les deux se trouvaient en Vojvodine.

16 C'étaient des camps destinés à des prisonniers de guerre qui venaient de

17 la Slavonie orientale.

18 Question: Tiens! Vous dites qu'au moment où l'armée a fait des

19 prisonniers, elle les a détenus dans des centres: c'est bien cela que vous

20 dites?

21 Réponse: J'ai dit que les prisonniers de guerre venant de Slavonie

22 orientale avaient été emmenés à trois endroits. L'un de ces endroits,

23 c'était Mitrovica, où une partie de la prison était régie par la JNA, et

24 puis les deux autres endroits sont ceux que j'ai mentionnés.

25 Question: Mais qu'est-ce que la JNA, selon vous, aurait fait à ces

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1 prisonniers de guerre? Pendant combien de temps ceux-ci ont-ils été

2 détenus?

3 Réponse: Ils ont été détenus jusqu'au moment de la signature de l'accord

4 avec la Croatie, vers le début de l'année 1992. S'agissant de l'échange de

5 prisonniers, il y avait des gens qui se trouvaient à ce moment-là sur le

6 territoire de la Serbie, qui ont été échangés.

7 Question: Et c'était pour des soldats de la JNA emprisonnés?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Est-ce qu'il y a eu des exactions, des violences commises à

10 l'égard de ces personnes dans ces lieux de détention où ils étaient

11 détenus en tant que prisonniers de guerre?

12 Réponse: A ma connaissance, pas.

13 Question: Est-ce qu'ils ont été traités dans le respect des normes

14 civilisées, qui devaient être celles de l'armée de la JNA?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Est-ce que vous êtes au courant du fait que tout ce qui avait

17 trait aux événements d'Ovcara avait été transmis auprès du procureur

18 militaire et qu'effectivement, on a établi des responsabilités?

19 Réponse: Je sais qu'il y a eu des enquêtes diligentées mais je n'ai jamais

20 vu le résultat définitif de celles-ci.

21 Question: Cela ne vous intéressait pas de voir ce que ces enquêtes

22 auraient établi?

23 Réponse: Mais bien sûr que ça m'intéressait. Cependant, je n'ai jamais

24 réussi à obtenir ces rapports définitifs.

25 Question: Je jette un coup d'oeil à mes documents; nous n'avons que peu de

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1 temps.

2 Parlons maintenant de Seselj et de ce que vous affirmez à propos de lui.

3 Vous dites qu'il a organisé des volontaires à la demande de Jovica

4 Stanisic. Comment en êtes-vous arrivé à une telle allégation?

5 Réponse: Mais cela vient de la bouche même de Seselj.

6 Question: Quand, où, vous aurait-il dit cela?

7 Réponse: Au quartier général du Parti radical serbe, dans la rue qu'on

8 appelle la rue Francuska à Belgrade, et ça s'est passé en 1994, je ne sais

9 plus exactement à quel moment.

10 Question: Est-ce que vous avez un enregistrement sonore de cette

11 conversation?

12 Réponse: Non, je n'ai pas enregistré la conversation, j'ai pris des notes.

13 Question: Il affirme notamment n'avoir jamais tenu de tels propos à votre

14 égard, que c'est là monté de toute pièce, ce que j'aurais supposé moi

15 aussi.

16 Réponse: Je ne suis pas du tout au courant du fait que M. Seselj aurait

17 apporté un démenti.

18 M. Milosevic (interprétation): Vous savez qu'un nombre considérable

19 d'articles ont été publiés au cours de ces dix dernières années, à propos

20 de toute sorte de choses, de tout et de n'importe quoi, dans divers

21 journaux et magazines. Vous savez que les gens ne ressentaient pas le

22 besoin de démentir 90% de ce qui avait été écrit à l'époque puisque ces

23 gens estimaient que ce n'était pas nécessaire.

24 Qu'est-ce que vous voulez dire par le fait qu'il n'ait apporté aucun

25 démenti? Est-ce que cela veut dire qu'il aurait confirmé en ne niant pas?

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1 Savez-vous que moi, je n'ai jamais démenti quoi que ce soit et que pendant

2 dix années il n'y a pas un seul journal qui n'aurait pas écrit contre moi?

3 M. le Président (interprétation): Vous vous écartez de la question. Le

4 témoin dit ne pas savoir qu'il y aurait eu un quelconque démenti apporté

5 par M. Seselj.

6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, dans votre déposition

7 vous avez parlé de choses dont vous avez entendu parler. Vous êtes

8 journaliste, est-ce que la liberté de presse existait pendant ces dix

9 années en Yougoslavie?

10 M. Anastasijevic (interprétation): Non. Non, je ne dirais pas. Je ne

11 dirais pas qu'il y avait la liberté de la presse.

12 Question: Mais quelles étaient les contraintes à imposer à la presse?

13 Savez-vous combien de journées, de chaînes de radio, de télévisions

14 petites ou grandes, locales ou pas, des médias nationaux, à l'époque?

15 Réponse: Ce que je sais, c'est que votre gouvernement avait tenu des rênes

16 très étroites sur les grands médias nationaux, sur les grands quotidiens.

17 Il y avait un nombre très limité de médias qui avaient une circulation,

18 une diffusion très restreinte; celle-là avait plus ou moins une liberté de

19 manoeuvre, mais c'étaient des médias de taille très petite qui nous

20 répètent… en mesure de toucher un public très large.

21 Question: Mais qu'est-ce que vous voulez dire? Est-ce que le "Studio B" ne

22 pouvait pas -ou "Blic" par exemple- avoir une audience très large? Il y a

23 aussi votre magazine là où vous avez travaillé. Il y avait quelques

24 milliers de journaux et d'hebdomadaires en Serbie et un nombre

25 considérable de médias électroniques locaux ou pas. Est-ce qu'on a essayé

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1 de limiter leurs activités d'une quelconque façon?

2 Réponse: Oui, il y a eu des contraintes institutionnelles et autres

3 s'agissant des médias qui pouvaient avoir une influence importante sur

4 l'opinion publique, qui avaient une diffusion très large ou qui se

5 trouvaient sous le contrôle du gouvernement alors que les petits médias

6 servaient pratiquement d'alibi de façon à ce qu'on puisse dire qu'il y

7 avait une liberté de la presse.

8 Question: Mais est-ce qu'il y a eu un seul journal qui était interdit?

9 Réponse: Non, il y avait rarement.

10 Question: Est-ce qu'il y a eu vraiment des interdictions patentes? Il y

11 avait également "Borba" un quotidien qui a été repris par le gouvernement

12 après une décision judiciaire. Le "Studio B" a été placé sous contrôle

13 étatique à plusieurs reprises, et puisqu'on en parle, je me souviens que

14 le 9 mars le "Studio B" a été fermé et que la police a pénétré par force à

15 son quartier général.

16 Mais c'était le jour où ils incitaient à la violence. Est-ce que vous

17 pensez que les journalistes ont le droit d'inciter à la violence?

18 Réponse: Non, je ne pense pas que les journalistes aient le droit de le

19 faire, mais je ne pense pas que ce soit là quelque chose qu'aurait fait le

20 "Studio B" à l'époque.

21 Question: Dites-moi, quels étaient donc ces journaux qui auraient été

22 placés sous le contrôle rigoureux de l'Etat? Il y avait "Vecernje

23 Novosti", "Politika", "Polika Ekspres". Mais vous avez parlé de "Borba",

24 est-ce que ce n'est pas un journal politique?

25 Réponse: "Borba" se trouvait sous la tutelle du gouvernement fédéral qui

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1 en était le propriétaire, mais sa ligne politique était indépendante. Mais

2 on ne peut pas dire la même chose de "Politika", de "Politika Ekspres" ou

3 de "Vecernje Novosti" pendant votre régime.

4 Question: Vous venez de dire à l'instant que "Borba" était en partie la

5 propriété du gouvernement fédéral. Comment se fait-il donc si c'était la

6 propriété du gouvernement fédéral, si c'était le gouvernement fédéral qui

7 avait désigné le directeur de "Borba", que vous pensiez que c'était une

8 prise de contrôle de "Borba"?

9 Réponse: Je pense qu'il y a une décision judiciaire, mais je ne suis pas

10 vraiment expert, orfèvre en matière de propriété.

11 Question: Eh bien, n'abordons pas tous ces sujets. Prenons l'exemple de

12 "Politika", "Politika Ekspres" et "Vecernje Novosti". Vous venez d'en

13 parler et vous dites qu'à l'époque, à partir de 1990 jusqu'en 2000, dans

14 ces trois magazines, trois publications que j'ai mentionnées, moins dans

15 "Politika", mais aussi dans "Vecernje Novosti", il y avait des milliers

16 d'articles qui avaient été publiés contre moi?

17 Réponse: Dans ces journaux-là, pendant que vous, vous étiez au pouvoir, je

18 ne me souviens pas avoir lu un seul article qui eut été critique par

19 rapport à votre rôle et au rôle de votre gouvernement.

20 Question: Fort bien. Vous étiez journaliste; est-ce que vous n'avez pas

21 consulté vos archives? Si vous le faisiez, vous pourriez trouver tous ces

22 articles concernant l'Etat, les médias et la situation telle qu'elle se

23 présentait à l'époque. Mais nous n'avons pas le temps de sonder tout ceci

24 puisque le temps passe très vite.

25 Dites-moi, vous affirmez que pas un seul article de ce genre n'a été

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1 publié; fort bien. C'est une déclaration des plus utiles que vous faites

2 ici.

3 Vous venez d'expliquer que vous vous trouviez à Foca lorsque vous avez

4 décrit la guerre qui a sévi en Bosnie?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Lorsque vous vous trouviez à Foca, la JNA n'était pas du tout à

7 Foca, n'est-ce pas?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Elle n'était pas sur les lieux, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui, c'est vrai, j'ai dit que la JNA n'était pas, ne se trouvait

11 pas à Foca.

12 Question: Fort bien. Est-il exact de dire qu'à l'époque, ces unités ne se

13 trouvaient pas là non plus, ces unités mentionnées par vous, de Vuk

14 Draskovic notamment?

15 Réponse: Ces unités se trouvaient, elles, bel et bien à Foca.

16 Question: Savez-vous qu'à l'époque et pour autant que je m'en souvienne,

17 je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais qu'il avait un certain

18 Lainovic? Vous l'avez mentionné, n'est-ce pas? Est-ce qu'il n'a pas pris

19 ses distances par rapport à Vuk Draskovic, disant qu'il n'avait rien à

20 voir avec lui?

21 Réponse: Je l'ai dit dans ma déclaration, je le répète ici. A Foca, en

22 1992, j'ai vu des membres de la Garde serbe: des paramilitaires, des

23 organisations paramilitaires, des organisations de volontaires qui,

24 pendant un certain temps, avaient des liens avec le parti de M. Draskovic.

25 C'est ce que j'ai dit dans ma déclaration, c'est ce que je répète ici.

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1 Pour ce qui est de liens politiques entre Draskovic et l'autre, je n'en ai

2 pas parlé à l'époque.

3 Question: Donc vous établissez un lien entre ceci et le parti de Vuk

4 Draskovic. Est-ce que parti était toujours dans l'opposition? Est-ce qu'il

5 s'opposait aux autorités de la Serbie? Est-ce qu'il n'organisait pas des

6 manifestations, notamment? Vous ne vous en souvenez pas?

7 Réponse: Pas tout le temps mais pour le plus clair du temps, c'est vrai.

8 En effet, pendant un certain temps, M. Draskovic a été ministre de votre

9 gouvernement.

10 Question: En quelle année?

11 Réponse: En 1999.

12 Question: 1999? Et jusqu'en 1999?

13 Réponse: Jusqu'en 1999, ce parti se trouvait dans l'opposition.

14 Question: Mais qu'est-ce que ceci a à voir avec quoi que ce soit que vous

15 avez affirmé ici? Qu'est-ce que ceci a à voir avec l'Acte d'accusation

16 dressé contre moi?

17 Réponse: Il ne m'est pas possible d'établir ce lien entre ma déclaration

18 et l'Acte d'accusation. Demandez à quelqu'un d'autre.

19 Question: Donc vous avez seulement passé deux jours à Foca?

20 Réponse: Deux ou trois.

21 Question: Et pendant cette période, vous n'avez vu aucun crime? C'est bien

22 ça, n'est-ce pas?

23 Réponse: Non. A l'époque, je n'ai pas été témoin de crimes.

24 Question: Et vous avez même été jusqu'à dire qu'il n'y avait même pas de

25 couvre-feu qui avait été imposé, à l'époque?

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1 Réponse: Oui, c'est vrai, ce n'était pas le cas pendant ma présence sur

2 les lieux.

3 Question: Comment se fait-il que vous disiez que quelque 40 Musulmans ont

4 été arrêtés ou détenus? Est-ce que vous l'avez vu de vos propres yeux?

5 Réponse: Non. Je l'ai entendu dire, à l'époque, par un homme qui se

6 trouvait à la tête de la cellule de crise. C'est cet homme qui m'a montré

7 la liste comportant les noms de ces 40 personnes.

8 Question: Dans votre déclaration, vous dites qu'il y avait un forestier

9 qui était au pouvoir. Qu'est-ce que la Serbie avait à voir avec la

10 foresterie ou des forestiers à Foca?

11 Réponse: Cet homme se surnommait "Sumar"; je ne me souviens pas de son nom

12 exact. Il avait organisé des choses. Dans son restaurant se trouvait le

13 quartier général de la Garde serbe avec des gens qui venaient surtout de

14 Kragujevac, de la Serbie.

15 Question: Et ce sont des gens qui faisaient partie de ce parti de

16 l'opposition dont vous venez de parler?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Vous dites que l'armée de la Republika Srpska, c'était une

19 section de l'armée de la Yougoslavie. Comment avez-vous formulé cette

20 idée? Comment en êtes-vous arrivé là? Ne savez-vous pas que l'armée de

21 Yougoslavie n'avait pas eu la moindre influence sur le commandement de

22 l'armée de la Republika Srpska?

23 Réponse: Ce que j'ai dit, c'est que l'armée de la Republika Srpska pouvait

24 être considérée comme telle; je n'ai pas affirmé qu'officiellement, elle

25 faisait partie de l'armée de Yougoslavie mais que, dans les faits, elle

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1 était une partie de cette armée. Et je me suis fondé, pour ce dire, sur le

2 fait que les retraites des officiers de l'armée de la Republika Srpska

3 étaient payées par Belgrade et qu'il y avait une participation active de

4 cette armée à la fourniture d'armes et à l'intervention intermittente dans

5 des opérations de guerre.

6 Question: L'aide économique à la Republika Srpska n'est pas mise en cause

7 ici, mais ne savez-vous pas que l'armée de la Republika Srpska avait son

8 propre commandement et qu'elle n'avait aucune force de commandement ou

9 lien disciplinaire, lien organique avec l'armée de Yougoslavie?

10 Réponse: Eh bien, je sais qu'il n'y avait pas un budget ou une bourse

11 commune, mais… Et je n'ai jamais dit qu'ils recevaient des ordres de

12 Belgrade.

13 Question: Mais il y a des choses que l'on dit et que l'on ne dit pas.

14 Quand vous dites une chose et que vous ne dites pas le deuxième élément

15 que vous venez de nous apporter, cela pourrait être entendu comme si cela

16 avait été une partie intégrante de la JNA, ce qui ne serait pas exact.

17 Mais dites-nous, maintenant: quel est le type d'armes qui arrivaient de

18 Yougoslavie? Est-ce que vous savez qu'en Bosnie-Herzégovine, pendant l'ex-

19 Yougoslavie, la Yougoslavie de l'époque, étant donné la conception de la

20 Défense populaire généralisée et compte tenu de la position centrale de la

21 Bosnie-Herzégovine sur le plan géographique, eh bien, c'est précisément en

22 Bosnie-Herzégovine qu'il y avait le plus d'entrepôts d'armes, le plus

23 d'industries militaires et le plus d'armes, d'une manière générale, que si

24 vous comparez la chose à la moyenne générale de Yougoslavie?

25 Réponse: Je n'ignore pas que sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine,

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1 il y avait beaucoup d'armes.

2 Question: Donc il n'était point nécessaire d'envoyer des armes; il y avait

3 déjà des armes là-bas? Et ceux qui se trouvaient là-bas ont pris

4 possession des usines militaires et des entrepôts militaires; c'est une

5 chose qui était notoirement connue, n'est-ce pas?

6 Réponse: Je ne dirai pas qu'il n'avait pas été nécessaire d'envoyer des

7 armés. Il était nécessaire d'envoyer des pièces détachées, des munitions

8 et des effectifs en hommes. Et je m'étais assuré que la JNA avait pris

9 activement part, en 1994, à des opérations armées; elle avait tiré à

10 l'artillerie vers le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

11 Question: Eh bien, justement, tirons la chose au clair parce que cela est

12 tout à fait inexact. Savez-vous que la Yougoslavie avait fait des

13 protestations au niveau du Conseil de sécurité parce que des obus étaient

14 tombés sur son territoire; mais elle n'a jamais ouvert le feu, à partir de

15 son territoire, vers la Bosnie-Herzégovine? D'où tirez-vous ces

16 allégations?

17 Réponse: Eh bien, j'ai vu de mes yeux ces canons.

18 Question: Est-ce que vous avez vu ces canons ouvrir le feu de l'autre côté

19 de la Drina?

20 Réponse: Je n'ai pas vu les canons ouvrir le feu, mais j'ai vu des

21 douilles vides à côté. Et j'ai entendu parler de la chose de personnes qui

22 vivaient dans le secteur, à savoir des gens qui vivaient de ce côté-là de

23 la rivière qui me disaient qu'ils n'avaient pas pu dormir de la nuit.

24 Question: Pendant la bataille vers Gorazde?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Mais ces gens qui n'ont pas pu dormir ne vous ont-ils pas dit

2 que la Drina se trouve faire seulement 100, 150 mètres de large, et que

3 quand on tire à 150 mètres de l'autre côté à Gorazde, on ne peut pas

4 dormir, forcément?

5 Réponse: Ils ne m'ont pas dit qu'ils ne pouvaient pas dormir à cause des

6 canons qui ouvraient le feu de l'autre côté en Bosnie. Ils ne pouvaient

7 pas dormir en raison des canons qui ouvraient le feu et qui se trouvaient

8 de ce côté-là de la Drina, le long de la route.

9 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Anastasijevic, s'agissant de la

10 répartition des unités, le long de la frontière yougoslave était destiné à

11 la défense de la Yougoslavie et, jusqu'à ce jour, personne n'a jamais

12 constaté que l'on avait ouvert le feu depuis la Yougoslavie vers le

13 territoire de la Bosnie?

14 Je n'ai jamais entendu dire cela. Vous n'avez pas vu les canons ouvrir le

15 feu mais vous affirmez que les paysans vous avaient dit qu'ils ne

16 pouvaient pas dormir la nuit?

17 M. le Président (interprétation): Le témoin a déclaré que c'est ce qu'il

18 avait vu de ses propres yeux. Inutile de poursuivre en disant ce que les

19 villageois auraient dit ou n'auraient pas dit.

20 M. Milosevic (interprétation): Bien.

21 Vous n'avez donc vu aucun d'obus de tiré depuis la Yougoslavie en

22 direction de la Bosnie-Herzégovine?

23 M. le Président (interprétation): Mais est-ce que ce n'est pas précisément

24 le contraire que vous avez dit, qu'effectivement vous aviez vu cela?

25 M. Anastasijevic (interprétation): Oui.

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1 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Anastasijevic, je vais ajouter des

2 faits liés au cadre. Vous avez dit que les officiers en Republika Srpska

3 étaient originaires de la JNA?

4 M. Anastasijevic (interprétation): Oui.

5 Question: En ex-Yougoslavie, l'armée populaire yougoslave avait été une

6 armée sur le territoire de la Yougoslavie toute entière, n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui.

8 Question: D'où venaient les officiers qui se trouvaient dans l'armée

9 musulmane ou dans l'armée croate, si ce n'est pas de la JNA? Je ne compte

10 pas les moudjahidine ni les mercenaires étrangers qui étaient venus là-bas

11 à partir d'organisations variées, d'Al-Qaïda et des autres organisations,

12 mais je parle des officiers qui étaient d'origine yougoslave. D'où

13 venaient-ils?

14 Réponse: Vous êtes en train de me poser des questions au sujet des

15 officiers en Croatie dans l'armée de Bosnie-Herzégovine?

16 Question: Monsieur Anastasijevic, étant donné que tous les officiers qui

17 existaient en Yougoslavie étaient en 1991 des officiers de la JNA… Vrai ou

18 faux?

19 Réponse: Ceux qui se trouvaient dans la JNA étaient des officiers de la

20 JNA.

21 Question: Par conséquent, il n'y avait personne pour les envoyer en Bosnie

22 ou en Croatie ou dans la Fédération musulmane -ou… comment l'appelait-il

23 déjà?-, ces officiers qui se trouvaient être originaires de ces parties-là

24 de la Yougoslavie et qui sont devenus officiers de ces armées-là? Est-ce

25 que cela n'est pas valable pour tout un chacun,? Vrai ou faux?

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1 Réponse: Cela n'est pas valable pour tout un chacun et tout n'est pas si

2 simple. Mais je vous demanderai de poser une question tout à fait

3 concrète.

4 Question: S'il vous plaît, est-ce que les officiers, ceux qui se

5 trouvaient dans l'armée de la Republika Srpska et dans les effectifs

6 croates, à savoir les HOS, ou dans les formations musulmanes -je fais

7 exception des moudjahidine et des autres qui sont venus d'ailleurs-

8 n'avaient-ils pas tous été des officiers de l'ex-JNA?

9 Réponse: Si vous me demandez si certains des officiers faisant partie de

10 l'armée croate ou de l'armée de Bosnie-Herzégovine avaient auparavant été

11 des officiers de la JNA, je répondrai par l'affirmative.

12 Question: Mais pourquoi dissociez-vous les officiers de l'armée de la

13 Republika Srpska et les mettez-vous à part, alors qu'ils faisaient partie

14 de la JNA et que, par la suite, ils ont constitué le cadre officier de la

15 Republika Srpska?

16 Réponse: Parce que tous les officiers originaires de Bosnie et d'origine

17 serbe qui s'étaient trouvés faire partie de la JNA avaient dû, en 1992,

18 passer vers l'armée de la Republika Srpska. Il n'y en a pas un seul qui

19 est resté pratiquement dans la JNA.

20 Question: D'abord, Monsieur Anastasijevic, précisons qu'il n'est pas exact

21 qu'il n'y en a pas eu un seul à être resté dans l'armée de la Yougoslavie,

22 parce que ceux qui étaient originaires de Serbie et du Monténégro

23 pouvaient certainement rester dans cette armée. Et s'agissant de ceux qui

24 avaient été dans l'armée de la Republika Srpska, est-ce que vous êtes

25 d'avis qu'on leur a donné l'ordre d'aller depuis la Yougoslavie vers la

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1 Republika Srpska, ou avaient-ils eux-mêmes exprimé le souhait d'aller là-

2 bas pour défendre leurs foyers?

3 Réponse: Je n'ai jamais dit dans mes déclarations-dépositions que j'avais

4 assisté à des ordres qu'on leur aurait donnés. Mais je sais, j'ai affirmé

5 qu'ils avaient, de façon organisée, été transférés depuis la JNA vers

6 l'armée de la Republika Srpska.

7 Question: Mais savez-vous que, alors qu'il y avait la JNA sur le

8 territoire de la Republika Srpska, que c'était là une région qui faisait

9 partie de la Bosnie-Herzégovine et qui faisait partie du district

10 militaire de la JNA chargé de la Bosnie-Herzégovine et qu'il y avait le

11 général Mladic qui était commandant de ce district militaire?

12 Réponse: Oui, je le sais.

13 Question: Et une fois qu'il y a eu sécession et guerre civile, n'avait-il

14 pas été établi une armée de la Republika Srpska parce que les Musulmans

15 avaient fondé leur propre armée et que la Croatie avait fait des

16 incursions en traversant la rivière de la Sava pour venir sur le

17 territoire de la Bosnie-Herzégovine et détruire des secteurs là-bas? Est-

18 ce que vous vous souvenez de Sijekovac et Bosanski Brod qui ont été

19 affectés?

20 Réponse: Mais quelle est votre question?

21 Question: Monsieur Anastasijevic, est-ce que vous savez combien de

22 Musulmans il y avait dans la VRS?

23 Réponse: Non.

24 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez combien de milliers

25 de Musulmans il y avait dans la VRS?

Page 11534

1 M. Anastasijevic (interprétation): Non.

2 M. le Président (interprétation): Mais il vient de dire qu'il ne savait

3 pas.

4 M. Milosevic (interprétation): Mais savez-vous qu'il y avait…

5 M. le Président (interprétation): Il ne sait pas combien de personnes il y

6 avait. Il a déposé dans ce cadre sur un élément très étroit, il a parlé du

7 transfert d'officiers. C'est tout ce dont il a parlé.

8 Il vous reste environ 10 minutes, mais pas beaucoup plus.

9 M. Milosevic (interprétation): Donc en sus du fait d'avoir affirmé que

10 vous ne saviez pas qu'il y avait eu des ordres, vous imaginez qu'on leur a

11 donné des ordres toutefois d'aller vers l'armée de la Republika Srpska. Et

12 vous avez énuméré à cet effet bon nombre de raisons, mais vous n'avez pas

13 énuméré la raison principale, à savoir le patriotisme, le fait d'être allé

14 défendre ses propres maisons et le fait d'être allé là-bas défendre la

15 population qui était de l'ordre de deux millions de Serbes en Bosnie-

16 Herzégovine, qui étaient citoyens de Bosnie-Herzégovine mais qui étaient

17 d'origine serbe?

18 M. Anastasijevic (interprétation): Etait-ce là une question?

19 Question: Oui.

20 Réponse: Pouvez-vous répéter votre question, je vous prie?

21 Question: Est-ce que vous affirmez qu'ils sont partis suivant des ordres

22 ou est-ce qu'ils sont partis parce qu'ils avaient jugé nécessaire de se

23 défendre de l'agression, à savoir de se défendre des violences perpétrées

24 à l'égard de la population, notamment à l'égard de la population serbe en

25 Bosnie-Herzégovine?

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1 Réponse: Ce que j'ai dit dans ma déposition, je le répète à présent: à

2 savoir que les officiers qui avaient souhaité continuer leur carrière

3 professionnelle dans l'armée -et sans m'aventurer dans leurs motifs

4 personnels-, j'ai dit qu'ils étaient d'origine serbe et qu'ils étaient

5 originaires des territoires de la Bosnie-Herzégovine. Donc j'ai affirmé

6 que s'ils voulaient continuer leur carrière, s'ils voulaient rester

7 officiers, il leur fallait quitter la JNA et passer dans les effectifs de

8 l'armée de la Republika Srpska; c'est ce que j'ai dit

9 Question: Cela n'est pas exact. Avez-vous une preuve quelconque qui

10 abonderait dans le sens de ce que vous venez de dire, à savoir que l'on

11 était tenu de passer de la JNA vers la VRS?

12 Réponse: Je dispose de bon nombre de déclarations de la part d'officiers

13 qui passaient de la JNA vers la VRS.

14 Question: Donc ils n'allaient pas là-bas défendre la population de chez

15 eux, mais on leur avait donné des ordres à Belgrade, c'est ce que vous

16 affirmez?

17 Réponse: J'affirme qu'ils avaient été officiers professionnels, officiers

18 de carrière et qu'ils voulaient rester officiers de carrière. C'est ce

19 qu'ils m'avaient répondu.

20 Question: Ne perdons pas davantage de temps à ce sujet.

21 Vous étiez en train de nous dire que la frontière se trouvait être fermée,

22 bloquée. Vous avez dit que c'était en 1994, et qu'on pouvait librement

23 passer, et que les armes, les munitions pouvaient librement passer,

24 traverser la frontière.

25 Ma première question sera la suivante: pourquoi la frontière avait-elle

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1 été fermée?

2 Réponse: La frontière n'avait pas été fermée pour toute situation; elle

3 faisait partie des sanctions économiques que vous aviez imposées à l'égard

4 de la Republika Srpska en raison du conflit politique que vous avez eu

5 avec Radovan Karadzic. En d'autres termes, la frontière avait été fermée

6 pour le transport des marchandises, mais cela ne concernait pas les

7 transports militaires.

8 Question: Mais dites-moi pourquoi y avait-il eu ce conflit politique que

9 vous mentionnez?

10 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, Radovan Karadzic avait refusé

11 de signer un plan de paix en faveur duquel vous vous employiez vous-même.

12 Question: Mais savez-vous que ce plan, plus connu sous l'appellation "Plan

13 Vance-Owen", avait été proposé en 1993 et non pas en 1994, Monsieur

14 Anastasijevic?

15 Réponse: Il y a eu plusieurs plans de paix et je ne saurais me rappeler

16 maintenant si c'était le Vance-Owen ou le plan Owen Stoltenberg, mais je

17 sais qu'en août 1994, il y a eu un conflit entre vous et Karadzic.

18 M. Milosevic (interprétation): Mais, comme vous le savez, Monsieur

19 Anastasijevic, étant donné que ce plan avait été proposé en 1993, il y a

20 eu ce désaccord en 1993 et non pas en 1994. C'est par la suite qu'il y a

21 eu ce blocus.

22 Mais savez-vous que Radovan Karadzic a fini par signer ce plan à Athènes,

23 en date du 1er mai 1993, et ceci en présence de Cyrus Vance, David Owen et

24 le Premier ministre grec, Mitsotakis, ainsi que d'autres représentants de

25 la Grèce et de la communauté internationale. Il avait fini par signer ce

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1 plan. Les savez-vous?

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, j'ai l'impression

3 que nous nous écartons pas mal de la déposition de ce témoin en ce moment.

4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, le témoin ne sait pas quand

5 le plan Vance-Owen a été proposé et en raison duquel il y a eu conflit

6 entre nous-même et la direction de la Republika Srpska. Il était en train

7 de parler de choses qui sont tout à fait inexactes pour ce qui le concerne

8 et qui sont connues, notoirement connues, et qui sont enregistrées dans

9 les médias.

10 M. le Président (interprétation): Mais ce qu'il sait ou ne sait pas, et

11 s'il peut donner une date pour certaines choses ou pas, n'a qu'une

12 pertinence très limitée dans notre affaire. Alors, passons à quelque chose

13 de pertinent.

14 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur May, le témoin est venu

15 témoigner ici de choses qui sont moins connues que ces matières

16 notoirement connues et, s'agissant de ces choses-là, il a fait preuve

17 d'une chose, à savoir qu'il ne sait pas de quoi il témoigne.

18 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas ici un test de

19 connaissances générales. Il témoigne, il dit ce qu'il sait. Est-ce que

20 vous avez quelque chose à demander de plus précis?

21 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, il avait déclaré que, suite à ce

22 blocus, en 1994, suite à notre conflit concernant un plan de paix

23 -j'affirme que cela n'est pas exact-, ce plan de paix date de 1993; et que

24 c'est de là que date notre désaccord: que Radovan Karadzic n'avait pas

25 signé, mais j'affirme qu'il avait signé et que c'est l'Assemblée de la

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1 Republika Srpska qui avait rejeté cet accord.

2 M. le Président (interprétation): Je répète ce que j'ai dit tout à

3 l'heure: nous ne sommes pas dans un test de connaissances générales. Avez-

4 vous quelque chose de plus précis à demander au témoin?

5 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien, Monsieur May.

6 Vous dites, Monsieur le Témoin, qu'un Serbe de Bosnie, qui travaillait

7 dans les services de sécurité de l'Etat, avait déclaré qu'on l'avait

8 envoyé à Velika Kladusa?

9 M. Anastasijevic (interprétation): Oui.

10 Question: Autorisez-vous la possibilité que cet homme, puisqu'il le dit

11 lui-même, est un Serbe de Bosnie-Herzégovine et que Velika Kladusa se

12 trouve également en Bosnie-Herzégovine, donc excluez-vous complètement la

13 possibilité qu'il soit allé là-bas en tant que volontaire peut-être ou

14 pour traiter d'affaires personnelles? Qui est-ce qui l'a envoyé là-bas:

15 les services de la sécurité de la Serbie ou bien…? A quoi pensez-vous

16 exactement? Pouvez-vous nous éclairer sur point?

17 Réponse: Il a affirmé avoir été envoyé là-bas, pas tout seul mais avec

18 d'autres hommes travaillant dans la police de la Republika Srpska et il a

19 affirmé y avoir été envoyé sur ordre du MUP de la Republika Srpska. Ce que

20 je considère comme significatif dans cette histoire, c'est que ces hommes

21 se battaient en portant les emblèmes de l'unité de Fikret Abdic.

22 Question: Il est bien connu que Karadzic et Abdic ont signé l'accord de

23 paix et qu'ils ont collaboré, que les gens de la Bosnie occidentale -qui

24 dépendait d'Abdic, des Musulmans à 99%- circulaient librement sur le

25 territoire de la Republika Srpska et que les gens de la Republika Srpska

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1 circulaient librement chez Abdic, qu'ils commerçaient les uns avec les

2 autres et qu'ils ont signé la paix.

3 Réponse: Je sais bien que Karadzic et Abdic ont eu de très bons rapports à

4 un certain moment, mais je sais aussi, parce que j'ai rencontré, j'ai vu

5 plusieurs fois Fikret Abdic sortir du bâtiment du gouvernement alors que

6 vous étiez Président de la Serbie, je sais aussi que vous aviez de bons

7 rapports avec lui.

8 Question: Mais, bien sûr, j'avais de très bons rapports avec lui et j'ai

9 même soutenu toutes les formes de coopération économique qui existaient,

10 car il voulait défendre les intérêts de "Agrokomerc", dans l'intérêt

11 d'ailleurs des populations qui dépendaient de lui. Je sais qu'il venait

12 s'approvisionner en maïs et d'autres produits, il essayait de relancer la

13 coopération avec la Krajina et nous soutenions tout cela. Est-ce que vous

14 trouvez quelque chose de négatif dans tout cela, Monsieur?

15 Réponse: Ce que j'ai trouvé de très intéressant, c'est de constater que

16 des membres du MUP de la Republika Srpska ont combattu dans une armée

17 tierce, avec un uniforme qui n'était pas le leur. Par conséquent, ils ne

18 portaient pas les insignes du MUP de la Republika Srpska ou de l'armée de

19 la Republika Srpska, mais les insignes de la Région autonome de Bosnie

20 occidentale, et c'était très intéressant à mes yeux. Quant à la

21 coopération politique entre vous, Karadzic et Abdic, je ne peux pas la

22 commenter.

23 Question: Comment savez-vous que des gens de la Republika Srpska

24 correspondaient à ce que vous dites? Ils auraient pu être volontaires, par

25 exemple, ou avoir des parents à cet endroit. Qu'est-ce que vous en savez?

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1 Ou être dans un mariage mixte, etc. Donc comment savez-vous que c'est le

2 MUP de la Republika Srpska qui les a envoyés à Kladusa pour se battre?

3 D'où tirez-vous cette idée?

4 Réponse: Eh bien, il a dit qu'on lui avait donné cet ordre d'aller

5 rejoindre cette unité.

6 Question: C'est lui qui vous l'a dit?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Comment s'appelait cet homme?

9 Réponse: Je ne m'en souviens pas aujourd'hui, mais son nom est inscrit

10 dans mes notes; je peux le retrouver.

11 Question: Je lis mes propres notes. Vous avez expliqué que Seselj vous

12 avait dit que Stanisic lui avait demandé quelque chose, ce qui est une

13 pure invention. Mais connaissez-vous la nature des relations qui

14 existaient entre Seselj et Stanisic? Savez-vous que Seselj a été…, alors

15 qu'il était président à l'époque -et qu'il l'est toujours aujourd'hui- du

16 Parti radical serbe, savez-vous qu'il a été arrêté à plusieurs reprises et

17 que l'interview que vous avez eue de lui, il vous l'a donnée alors qu'il

18 venait à peine de sortir de prison, en 1995? Vrai ou faux?

19 Réponse: Ce que cet homme m'a dit quant aux rapports entre Seselj et

20 Stanisic n'a pas été dit uniquement ce jour-là, mais en bien d'autres

21 occasions également. Je n'avais pas de caméra à ce moment-là, je ne

22 travaillais que pour la presse écrite, mais je suis sûr qu'il est possible

23 de retrouver des déclarations de Seselj, qui ont été filmées ou

24 enregistrées sur cassette audio.

25 Question: Mais savez-vous que, lorsqu'il vous a donné l'interview qu'il

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1 vous a donnée, il venait à peine de sortir de prison en 1995?

2 (Note de l'interprète: il sortait de la prison de Gnjilane.)

3 Réponse: Oui, c'est l'une des interviews que j'ai reçues de lui.

4 Question: Très bien. Mais est-ce que vous pensez donc qu'il collaborait

5 avec les gens qui l'avaient jeté en prison?

6 Réponse: La période dans laquelle M. Seselj affirme qu'il a collaboré avec

7 M. Stanisic, c'est celle de 1991, 1992, 1993, et pas la période des

8 divergences politiques avec vous.

9 Question: Bien. Mais il est bien connu que Seselj a été dans l'opposition

10 jusqu'en 1997?

11 Réponse: Je suis au courant qu'il était officiellement dans l'opposition,

12 en effet.

13 Question: Eh bien, d'accord, Monsieur Anastasijevic. Je pense que vous

14 venez d'inventer ici ce que M. Seselj est censé vous avoir dit. Vous

15 n'avez aucun enregistrement de cet entretien même si, en général, vous

16 avez un petit magnétophone avec vous lorsque vous faites une interview,

17 n'est-ce pas?

18 Réponse: Non. Certains prennent des notes, certains enregistrent; moi, je

19 préfère prendre des notes.

20 M. Milosevic (interprétation): Mais que pensez-vous d'un responsable

21 politique qui, dans une campagne politique, affirme qu'il va dire des

22 choses qui sont exactes? Vous ne pensez pas que c'est cela qu'il va dire?

23 Vous pensez qu'il va annoncer qu'il va dire des choses inexactes? Selon

24 votre expérience en tant que journaliste, que pensez-vous que va dire un

25 responsable politique dans une telle situation?

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1 M. le Président (interprétation): C'est une question générale qui

2 n'apporte aucune aide à la Chambre de première instance.

3 Monsieur Milosevic, deux dernières questions.

4 M. Milosevic (interprétation): Deux seulement? Seulement deux? Ça, c'est

5 intéressant. J'aurai beaucoup de mal à faire un tri, Monsieur May, mais

6 puisque ce témoin qui est un témoin de cinquième main n'a pas de très

7 grande importance sur le fond, cela n'a guère d'importance.

8 M. le Président (interprétation): Encore des commentaires, Monsieur

9 Milosevic. Nous sommes ici pour évaluer l'importance des propos du témoin.

10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Anastasijevic, vous avez dit qu'en

11 Bosnie il y avait des policiers de Serbie; c'est bien cela?

12 M. Anastasijevic (interprétation): Oui.

13 Question: Mais je crois comprendre que vous dites vous-même que vous

14 n'avez pris part à aucune opération de combat, n'est-ce pas?

15 Réponse: En effet. J'ai travaillé sur la base de ce que m'ont dit les

16 gens. Ils m'ont dit avoir participé à des combats.

17 Question: Très bien. Est-il logique à vos yeux, ou bien est-ce que cela

18 vous intéresserait d'apprendre, puisque vous dites avoir rencontré des

19 policiers, que le travail de la police consiste à combattre le crime, à

20 collaborer dans la lutte contre le crime? Donc trouvez-vous logique qu'il

21 y ait eu collaboration entre police de Serbie et la police de la Republika

22 Srpska pour combattre le crime, les trafics de toutes sortes et autres

23 actes criminels, ou bien pensez-vous que la guerre a contribué à augmenter

24 la criminalité dont vous avez parlé il y a quelques instants? Est-ce qu'il

25 y avait ou non collaboration dans la lutte contre le crime, à votre avis,

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1 de la part de la police et est-ce que les habitants serbes, musulmans,

2 croates et autres s'intéressaient à cela?

3 Réponse: Tout ce que j'ai dit, c'est qu'il y avait des échanges de cadres

4 et d'effectifs pendant la guerre entre le MUP de la Republika Srpska et de

5 la République de Serbie, à savoir que des policiers allaient de Serbie en

6 Bosnie et vice-versa, venaient donc en Serbie en provenance de Bosnie-

7 Herzégovine. C'est tout ce que j'ai dit.

8 M. Milosevic (interprétation): Mais est-il logique, à vos yeux, que des

9 policiers de deux pays voisins collaborent dans le travail fondamental qui

10 est le nôtre, à savoir lutter contre le crime? Est-ce que cela vous semble

11 logique?

12 M. Anastasijevic (interprétation): Je ne connais pas les détails des

13 dispositions existant entre le MUP de Republika Srpska et le MUP de la

14 République de Serbie. Je n'ai fait que rapporter ce que j'ai vu.

15 M. le Président (interprétation): C'est votre dernière question.

16 M. Milosevic (interprétation): Très bien, ma dernière question.

17 Monsieur Anastasijevic, pouvons-nous nous mettre d'accord sur un point, à

18 savoir que vous n'avez pas témoigné ici au sujet de choses que vous avez

19 réellement vues, mais simplement au sujet de choses dont vous avez entendu

20 parler?

21 M. Anastasijevic (interprétation): Non, nous ne pouvons pas nous mettre

22 d'accord sur ce point.

23 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je ne m'attendais pas à une

24 autre réponse de votre part.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic?

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1 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Dejan

2 Anastasijevic.)

3 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur Anastasijevic, puisque vous vous

4 êtes trouvé à Vukovar, selon vos propres dires, j'aurai des questions à

5 vous poser d'abord au sujet de ce que vous avez vu à Vukovar.

6 Dans votre déclaration préalable pour ce Tribunal ainsi que dans d'autres

7 entretiens, vous avez parlé de rencontre entre les représentants du

8 pouvoir local et des représentants de la JNA?

9 M. Anastasijevic (interprétation): Oui.

10 Question: Est-il exact que lors de cette rencontre, un accord a été

11 conclu?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Est-il exact que cet accord reposait sur le fait que les

14 autorités territoriales allaient s'occuper des prisonniers de guerre

15 croates et que la JNA allait s'occuper des hommes croates enfermés dans

16 les prisons serbes?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Est-il exact que ce qui s'est passé à Ovcara n'a eu lieu

19 qu'après la conclusion de cet accord?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Est-il exact que vous avez entendu une version de tout cela de

22 la bouche d'un dirigeant de haut niveau de la JNA?

23 Réponse: Oui.

24 Question: De quoi s'agissait-il?

25 Réponse: Il s'agissait du fait que l'armée avait transféré sur les

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1 dirigeants de la Défense territoriale, qui dépendaient à l'époque de

2 Radovan Stojicic dit "Badza", avait donc transféré sous sa responsabilité

3 les détenus de la ferme d'Ovcara et qu'il était censé être jugé par les

4 instances judiciaires de la Slavonie occidentale du Baranja et du Srem

5 occidental. Cependant, ils n'ont pas été traduit devant un tribunal, mais

6 tués dès que leur transfert a eu lieu.

7 Question: Les représentants de la JNA de l'époque, y avait-il parmi eux le

8 colonel Sljivancanin?

9 Réponse: C'était le chef de la 1ère Brigade mécanisée, en effet.

10 Question: Merci. Donc c'était ma première question. Maintenant, passons à

11 un autre sujet. Si j'ai bien compris, je n'étais pas présent lorsque vous

12 avez répondu à ces questions, mais j'ai lu ce que vous avez déclaré. Donc

13 vous avez parlé d'un certain nombre d'interviews avec toutes ces personnes

14 et vous avez raconté ce que ces personnes vous ont dit et ce que vous avez

15 vu vous-même, n'est-ce pas?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Dans cette période de dix ans qui a suivi ces événements, parce

18 que vous avez suivi les événements de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo,

19 n'est-ce pas? Vous avez pu vous faire une opinion personnelle?

20 Réponse: Oui, j'ai une opinion sur un certain nombre de choses.

21 Question: Mais avez-vous une opinion qui domine?

22 Réponse: Eh bien, vous devriez me poser la question.

23 Question: Très bien, très bien. Ce n'est pas grave. Je n'insiste pas sur

24 ce point. Lorsque vous étiez sur le terrain, étiez-vous en mission

25 officielle?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Et avez-vous agi dans le cadre de votre mission officielle?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Merci. Dans vos textes, vos articles, les interviews que vous

5 avez obtenues d'un certain nombre de personnes, avez-vous surtout parlé

6 des problèmes liés à la centralisation du pouvoir et de l'autorité en

7 Serbie et au retrait de l'autonomie des provinces? Par autonomie, je veux

8 dire le droit de veto également.

9 Réponse: Vous parlez des interviews que j'ai eues avec des responsables

10 politiques de haut rang, n'est-ce pas, y compris sur le terrain?

11 Question: Mais dans votre déclaration vous semblez avoir un sujet dominant

12 parmi tous les problèmes que vous abordez et dont vous avez parlé avec

13 l'accusation, vous semblez vous intéresser particulièrement à ce qui se

14 faisait en Serbie et au retrait des autonomies?

15 Réponse: Je ne vois pas très bien. Je ne pense avoir dit quoi que ce soit

16 allant dans ce sens.

17 Question: Bien. Dans vos articles et dans vos interviews, vous avez

18 examiné les conséquences qui pouvaient découler de la sécession de

19 certaines Républiques et de l'Etat qui s'ensuivait?

20 Réponse: Cela fait partie des sujets dont j'ai discuté, en effet.

21 Question: Vous avez écrit dans des textes que le ministère de la Défense

22 de Croatie et de la Slovénie s'était, en fait, séparé de leurs instances

23 centrales bien avant la déclaration des indépendances?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Combien de temps avant?

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1 Réponse: Je ne peux pas vous dire exactement. Un an avant ou peut-être

2 quelques mois.

3 Question: Mais savez-vous pourquoi des ministères de la Défense sont créés

4 dans un pays lorsqu'il n'y a pas de guerre dans un pays qui se proclame

5 indépendant?

6 Réponse: Je sais que le ministère de la Défense existait en Serbie

7 également en 1991. Il y avait un représentant serbe.

8 Question: Oui, mais c'est ce que je souhaitais donc vous demander: le

9 ministère de la Défense que vous avez décrit a donc été mis en place après

10 les deux autres ministères, c'est bien cela?

11 Réponse: Oui, je l'admets, en effet.

12 Question: Merci. Passons à un autre sujet. Vous avez parlé d'un grand

13 nombre d'autres sujets, mais je vous demande si dans vos textes vous avez

14 également traité du désir exprimé par certains de ne pas voir se

15 reproduire certaines choses qui s'étaient déjà produites auparavant?

16 Réponse: Pourriez-vous être plus clair?

17 Question: La crainte de voir des vies supprimées sans aucune raison, comme

18 cela s'était passé à une autre époque, donc cette peur d'être en danger de

19 mort était-elle réelle ou n'était-elle que de la propagande?

20 Réponse: Dans certains cas, elle était réelle. Et dans bien des cas, elle

21 n'était que de la propagande.

22 Question: Mais, finalement, vous vous êtes occupé du nombre des immigrés

23 et des endroits où ils étaient les plus nombreux. Est-ce que finalement

24 vous avez appris que le nombre des réfugiés a atteint 600.000 ou 700.000

25 qui se sont rendus en Serbie?

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1 Réponse: Oui, j'ai traité de ce problème des réfugiés.

2 Question: Où?

3 Réponse: Dans mes articles.

4 Question: J'en arrive à ma dernière question. Savez-vous ce qui s'est

5 passé à Zagreb? Est-ce qu'il y a eu, oui ou non, un exode massif en

6 provenance de Zagreb?

7 Réponse: Je ne sais rien de tout cela. Je ne sais pas s'il y a eu exode

8 massif en provenance de Zagreb. Tout ce que je sais, c'est l'incident dont

9 il a été question et qui a fait couler beaucoup d'encre dans la presse

10 croate en particulier.

11 M. Milosevic (interprétation): Merci.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur McKeon, vous avez la parole

13 pour des questions supplémentaires.

14 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Dejan

15 Anastasijevic, par M. McKeon.)

16 M. McKeon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

17 Monsieur le Témoin, on vous a interrogé au sujet des événements de Foca,

18 auxquels ont participé 40 Musulmans, vous rappelez-vous cela dans votre

19 déposition?

20 M. Anastasijevic (interprétation): Oui.

21 Question: D'abord, je vous demanderais si vous pourriez dire aux Juges de

22 cette Chambre ce que vous avez appris au sujet de ces 40 Musulmans lorsque

23 vous étiez à Foca?

24 Réponse: J'ai appris qu'il s'agissait de personnes qui, dans leur grande

25 majorité, faisaient partie de la direction du Parti d'action démocratique

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1 ou, en tout cas, avait des liens avec ce parti et que, lorsque Foca est

2 tombée entre les mains des forces serbes, ces personnes ont été jetées en

3 prison.

4 Question: Comment avez-vous appris cela?

5 Réponse: Je l'ai appris dans des conversations avec le Président de

6 l'Assemblée municipale et le Président de la cellule de crise, comme on

7 l'appelait à l'époque, dans la municipalité serbe de Foca, comme on

8 l'appelait à l'époque également.

9 Question: Avez-vous quoi vu que ce soit d'écrit qui vous permette de vous

10 faire une idée de l'identité de ces 40 Musulmans?

11 Réponse: J'ai vu sur la table du Président de la cellule de crise une

12 liste de noms, par ordre alphabétique, sur laquelle figuraient ces 40

13 noms. Et c'est lui qui m'a confirmé que les noms figurant sur cette liste

14 étaient ceux des personnes qui étaient en prison.

15 Question: Très bien. J'aimerais revenir sur la partie de votre déposition

16 où vous avez parlé du Serbe des services de sécurité de la Republika

17 Srpska que vous avez rencontré en Bosnie. Pouvez-vous décrire à notre

18 intention les insignes qu'il portait sur son uniforme?

19 Réponse: Lorsque j'ai parlé avec lui, il portait des vêtements civils.

20 Mais à partir de ce qu'il m'a dit, j'ai pu comprendre qu'il portait

21 l'uniforme de l'AP, Bosnie occidentale.

22 Question: A quoi correspondait cela à l'époque "AP Bosnie occidentale"?

23 Réponse: La Région autonome de Bosnie occidentale était la zone située

24 sous le contrôle de Fikret Abdic, dans la partie occidentale de la Bosnie-

25 Herzégovine, aux environs de la localité connue sous le nom de Velika

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1 Kladuca. Et, Fikret Abdic, comme l'accusé l'a dit avait une collaboration

2 étroite avec l'accusé ainsi qu'avec Radovan Karadzic et agissait

3 énergiquement contre le Gouvernement de Sarajevo à l'époque.

4 Question: Cet homme vous a-t-il dit dans quel but il se trouvait là?

5 Réponse: Lui et les hommes qui étaient avec lui, ont affirmé combattre

6 dans les rangs d'une unité importante des forces armées de la Bosnie

7 occidentale dans laquelle on trouvait pas mal de Musulmans également. Ils

8 se battaient contre les forces du 5e Corps de l'armée de Bosnie-

9 Herzégovine, aux environs de Bihac, dans le but de s'emparer de la ville

10 de Bihac.

11 Question: Vous a-t-il dit ce qu'il est advenu finalement des membres

12 musulmans de son unité?

13 Réponse: Oui, il était très mal à l'aise parce que entre lui et ces hommes

14 d'une part, donc des Serbes, et les hommes d'Abdic qui étaient des

15 Musulmans, un certain degré de confiance avait été établi. Après cela, une

16 unité connue sous le nom des "Panthères" qui était une unité des Serbes de

17 La Republika Srpska est arrivée sur les lieux et a tué, dans la nuit, un

18 grand nombre des hommes de son unité qui étaient de nationalité musulmane.

19 Alors, il s'est efforcé de protester. Il a demandé pourquoi cela s'était

20 produit et on lui a répondu: "Mais ce ne sont que des Musulmans". En tout

21 cas, c'est ce qu'il nous a raconté.

22 Question: Monsieur, avez-vous fait une déclaration préalable que vous avez

23 signée en présence d'un enquêteur représentant le Bureau du Procureur de

24 ce Tribunal?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Cette déclaration préalable, a-t-elle été signée un certain jour

2 du mois de juillet 2000?

3 Réponse: Oui.

4 M. McKeon (interprétation): L'incident que vous venez de décrire, incident

5 impliquant la participation de Serbes relevant des services de sécurité de

6 la Republika Srpska, est-il décrit dans votre déclaration préalable?

7 M. Anastasijevic (interprétation): Pour être sincère, je ne me rappelle

8 pas si j'ai évoqué dans ma déclaration écrite, l'incident dont j'ai parlé

9 il y a un instant.

10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May?

11 M. le Président (interprétation): Oui.

12 M. Milosevic (interprétation): Il y a une erreur, il me semble, parce que,

13 si je me souviens bien, le témoin a déclaré que ce membre des services de

14 sécurité était un membre des services de sécurité de la Republika Srpska

15 et pas de la République de Serbie. Comme vous le savez, la Republika

16 Srpska est une entité de la Bosnie-Herzégovine et n'a rien à voir avec la

17 République de Serbie.

18 M. le Président (interprétation): Interrogeons le témoin.

19 Vous avez entendu, Monsieur, ce que vient de dire M. Milosevic. Pourriez-

20 vous nous dire exactement de quel service relevait l'homme dont vous avez

21 parlé?

22 M. Anastasijevic (interprétation): Il était membre des services de

23 sécurité de l'Etat de la Republika Srpska.

24 M. Milosevic (interprétation): Donc pas de la République de Serbie?

25 M. Anastasijevic (interprétation): En effet.

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1 M. le Président (interprétation): Monsieur McKeon, je ne sais pas très

2 bien où vous allez avec cette référence à la déclaration préalable qui

3 n'est pas une pièce à conviction au dossier et qui, je crois, ne sera pas

4 versé au dossier. Le témoin a déjà parlé de cela dans sa déposition.

5 M. McKeon (interprétation): Monsieur, on vous a posé quelques questions au

6 sujet des entretiens que vous avez eus avec M. Seselj. J'aimerais que nous

7 revenions sur ce point. D'abord, vous avez déclaré que M. Seselj était

8 officiellement dans l'opposition. Que voulez-vous dire par là?

9 M. Anastasijevic (interprétation): Je crois que M. Seselj n'avait pas

10 occupé de fonctions officielles au sein des autorités de la République de

11 Serbie mais qu'à titre informel son influence ou son pouvoir était

12 considérable, et que, de facto, il faisait partie des pouvoirs en place.

13 Question: A combien de reprises avez-vous été en mesure d'interviewer M.

14 Seselj?

15 Réponse: Cinq à dix fois, je n'arrive pas à m'en souvenir exactement.

16 Question: Est-ce qu'à la suite de cette interview, vous avez publié des

17 articles?

18 Réponse: Oui.

19 M. McKeon (interprétation): Est-ce que M. Seselj, après la publication

20 d'un de ces articles, se serait adressé à vous pour se plaindre parce que

21 vous auriez dit quelque chose qui n'était pas exact?

22 M. Anastasijevic (interprétation): Non.

23 M. Kwon (interprétation): Monsieur Anastasijevic, est-ce que dans le cadre

24 de ces interviews, vous étiez seul en tête-à-tête avec M. Seselj ou est-ce

25 que c'était plutôt des conférences de presse?

Page 11553

1 M. Anastasijevic (interprétation): Quand je dis "interviews", j'entends

2 essentiellement des interviews entre lui et moi.

3 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.

4 M. McKeon (interprétation): J'aimerais poser une question à propos de la

5 déclaration préalable. En effet, on a laissé entendre que les interviews

6 et ce que dit le témoin était monté de toutes pièces.

7 Monsieur le Témoin, en l'an 2000, vous avez fait une déclaration au Bureau

8 du Procureur. Est-ce qu'à ce moment-là vous avez déclaré, aux fins de

9 cette déclaration préalable, ce que vous avez dit aujourd'hui ici à

10 l'audience: à savoir que M. Seselj disait que Stanisic l'avait appelé pour

11 dire qu'il fallait rassembler 120 hommes pour aller notamment à Vukovar?

12 Est-ce que ceci était consigné dans votre déclaration préalable fournie au

13 cours de l'été 2000?

14 M. Anastasijevic (interprétation): Oui.

15 Question: Est-ce que vous avez relu votre déclaration préalable avant de

16 venir déposer devant ce Tribunal?

17 Réponse: Oui.

18 M. McKeon (interprétation): Y a-t-il quoi que ce soit dans cette

19 déclaration préalable qui, à la relecture ou après mûre réflexion, après

20 votre déposition ici, vous porterait à croire que c'est inexact?

21 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Tapuskovic, vous voulez

22 intervenir?

23 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

24 Juges, j'estime que la présentation de la déclaration préalable en ce

25 moment-ci ne serait pas justifiée parce que, dans cette déclaration

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1 préalable, il y avait beaucoup de choses qui auraient pu faire l'objet de

2 l'interrogatoire ici; et cela n'a pas été fait alors que c'était

3 pertinent. Maintenant, le Procureur est en train de revenir dessus et je

4 ne pense pas que ce soit justifié.

5 M. le Président (interprétation): Mais ceci se limite à un sujet très

6 précis, en l'occurrence, la question de savoir si le témoin a confectionné

7 ce qui est dit à propos de Seselj. Et le Bureau du Procureur a tout fait

8 le droit de réfuter cette affirmation en se référant à cette déclaration

9 de l'an 2000. C'est sur cette base très limitée qu'on peut faire référence

10 à la déclaration préalable mais on ne peut se baser sur rien d'autre.

11 Poursuivez.

12 M. McKeon (interprétation): Vous avez publié des articles à propos des

13 interviews de Seselj, est-ce que dans ce cadre vous avez fait référence au

14 fait qu'on aurait demandé à Seselj de fournir des hommes et que la demande

15 émanait de M. Stanisic?

16 M. Anastasijevic (interprétation): Oui.

17 Question: Des questions vous ont été posées à propos de Vukovar, d'Ovcara

18 et des événements qui se sont produit à l'hôpital. Est-ce que nous

19 pourrions revenir là-dessus un instant?

20 Une question vous a été posée, d'abord par un ami de la Chambre. On vous a

21 demandé si vous avez recueilli ces informations d'un officier haut placé

22 de la JNA; et je crois que vous avez répondu par l'affirmative. Vous en

23 souvenez-vous?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Pourriez-vous dire aux Juges qui était cet officier haut placé

Page 11555

1 dans la JNA, cet officier qui vous a relayé des informations concernant

2 l'implication de la JNA dans le massacre de Vukovar-Ovcara?

3 Réponse: Il s'agissait d'Aleksandar Vasiljevic qui, à l'époque des faits,

4 se trouvait à la tête de la 2e Direction du commandement de l'armée

5 populaire yougoslave, à savoir ce qu'on appelait "le KOS".

6 Question: Vous dites "à l'époque". Est-ce que vous voulez dire: à l'époque

7 des événements de Vukovar-Ovcara, ou au moment où vous, vous avez eu cet

8 entretien avec lui?

9 Réponse: Je me réfère à la période où il y a eu les événements d'Ovcara.

10 Question: Savez-vous s'il y avait un lien hiérarchique où l'un faisait

11 rapport à l'autre entre M. Vasiljevic et le commandant Sljivancanin, au

12 moment des événements de Vukovar-Ovcara?

13 Réponse: Eh bien, c'est le général Vasiljevic qui m'a dit qu'à l'époque

14 des événements, il ne s'était pas trouvé à proximité de Vukovar et que ce

15 n'est qu'ultérieurement qu'il a eu vent des détails qu'il m'a fournis.

16 Question: Je vous avais demandé ceci: cet homme vous a-t-il dit ou pas que

17 le commandant Sljivancanin, ceci au moment des événements, était

18 subordonné à M. Vasiljevic ou travaillait pour lui?

19 Réponse: Je ne me souviens pas que Vasiljevic m'a dit que Sljivancanin

20 s'était trouvé à un moment quelconque sous son commandement direct.

21 M. McKeon (interprétation): Vous avez fait état d'une réunion qui a eu

22 lieu à "Velepromet", avant que les prisonniers emmenés de l'hôpital soient

23 assassinés.

24 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas qu'il ait parlé de

25 "Velepromet"; il s'est contenté de faire état d'une réunion, me semble-t-

Page 11556

1 il.

2 M. McKeon (interprétation): Première chose: vous avez parlé d'une réunion.

3 Par qui en avez-vous entendu parler?

4 M. Anastasijevic (interprétation): Je l'ai entendu de la bouche du général

5 Vasiljevic.

6 Question: Et est-ce qu'il vous a dit où cette réunion avait eu lieu?

7 Réponse: Oui, il a dit que cette réunion avait eu lieu dans les bâtiments

8 d'une entreprise qui s'appelait "Velepromet" à Vukovar.

9 Question: Est-ce que vous avez interviewé M. Vasiljevic?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Et vous l'avez interviewé combien de fois?

12 Réponse: Je l'ai interviewé avec d'autres collègues à bon nombre de

13 reprises, entre 1994 et 1996, mais je tiens à préciser que cela n'avait

14 pas été des interviews classiques, à savoir que l'on prenne note et que

15 l'on imprime tout ce qui a été dit.

16 Question: Vous avez fondé des informations au Tribunal ce matin, vous avez

17 relaté ce que M. Vasiljevic vous avait raconté à propos de Vukovar et

18 Ovcara. Est-ce que, après cette interview avec M. Vasiljevic, vous avez

19 publié un article?

20 Réponse: Cette interview a été publiée à plusieurs reprises dans mes

21 textes, ainsi que dans les textes de mes collègues qui s'étaient

22 entretenus avec la même source au sujet de l'hebdomadaire "Vreme". Mais à

23 l'époque, dans ces textes, nous n'avions pas mentionné la source; nous

24 avions protégé l'identité de notre source.

25 Question: Pourriez-vous nous dire à quel moment cet article a été publié?

Page 11557

1 Réponse: Plusieurs textes ont été publiés en 1994 et 1995, mais, par la

2 suite, on publiait des textes de ce genre à chaque fois que c'était

3 l'anniversaire des événements en question.

4 Question: Répondez par un simple oui ou non. Est-ce que ces événements

5 sont évoqués dans la déclaration que vous avez fournie au Bureau du

6 Procureur, au cours de l'été 2000?

7 Réponse: Oui.

8 M. McKeon (interprétation): J'en ai terminé, Monsieur le Président. Je

9 vous remercie.

10 M. le Président (interprétation): Merci.

11 Monsieur Anastasijevic, ceci met terme à votre déposition. Merci d'être

12 venu déposer devant le Tribunal pénal international. Vous pouvez désormais

13 disposer.

14 M. Anastasijevic (interprétation): Merci.

15 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant faire une pause

16 de 20 minutes.

17 (L'audience, suspendue à 10 heures 31, est reprise à 10 heures 58.)

18 (Audience publique avec mesures de protection.)

19 (Le témoin C-1220 est dans le prétoire.)

20 M. le Président (interprétation): Le témoin peut faire sa déclaration

21 solennelle.

22 Témoin C-1220 (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez vous asseoir.

25 Oui, Madame Uertz-Retzlaff.

Page 11558

1 (Interrogatoire principal du Témoin C-1220 par Mme Uertz-Retzlaff.)

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci.

3 Bonjour, Monsieur le Témoin.

4 Témoin C-1220 (interprétation): Bonjour.

5 Question: Avec l'aide de Mme l'huissière, je voudrais que l'on vous

6 remette une feuille de papier où figurent les renseignements liés à

7 l'identité du témoin.

8 Monsieur le Témoin, au sommet de cette feuille de papier il y a un numéro,

9 et c'est sous ce numéro-là qu'on se réfèrera au cours de votre témoignage,

10 sans pour autant mentionner les nom et prénom qui suivent.

11 Je voudrais que vous nous disiez maintenant si, oui ou non, ce sont bien

12 vos nom et prénom. Et je voudrais que vous vous penchiez aussi sur la date

13 de naissance et votre statut marital. Est-ce que cela se réfère bien à

14 votre personne?

15 Réponse: Oui, en effet.

16 Question: A la dernière ligne, on trouve une profession. Etait-ce la

17 profession que vous exerciez, le poste que vous occupiez avant que

18 n'éclate la guerre?

19 Réponse: C'est exact.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, je pense qu'il

21 faudra verser ce document au dossier dans la mesure où il identifie le

22 témoin.

23 M. le Président (interprétation): Oui. Et le témoin va devenir quelle

24 personne? Quel pseudonyme va-t-on lui accorder?

25 M. le Président (interprétation): Il sera le témoin C-1220.

Page 11559

1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Et la pièce sera laquelle?

2 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 341.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il faudra que ce soit versé sous pli

4 scellé.

5 Mme Anoya (interprétation): Effectivement. Ce sera fait.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, quelle est votre

7 appartenance ethnique?

8 Témoin C-1220 (interprétation): Je suis serbe.

9 Question: Et vous avez vécu en Croatie?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Vous n'allez pas mentionner le poste que vous exerciez, mais

12 pourriez-vous nous dire à quel moment vous avez cessé de travailler?

13 Réponse: Vers le mois de juin 1991.

14 Question: Pourquoi avez-vous cessé de travailler?

15 Réponse: Parce que les processus de production avaient cessé sur toute

16 cette partie-là du secteur. J'entends: processus de travail.

17 Question: S'agissant des autres employés, est-ce qu'il y avait aussi bien

18 des Serbes que des Croates parmi eux?

19 Réponse: Il y avait surtout des Serbes. C'étaient pratiquement tous des

20 Serbes.

21 Question: Est-ce que tout ce personnel a été licencié en même temps?

22 Réponse: Eux, un peu avant. Et moi, j'étais censé être de permanence.

23 Question: Est-ce qu'un parti SDS a été créé, constitué dans votre ville?

24 Réponse: Oui.

25 Question: A quel moment?

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1 Réponse: En 1990… Je ne sais pas trop. Entre 1990 et 1991, vers le début.

2 Question: Est-ce que vous êtes devenu membre de ce parti?

3 Réponse: Oui, mais pas tout de suite.

4 Question: Pourquoi avez-vous adhéré à ce parti? Qu'est-ce qui vous a

5 poussé à le faire?

6 Réponse: Eh bien, la raison avait été celle d'avoir écouté M. Jovan

7 Raskovic et d'avoir compris que la population serbe devait forcément

8 s'organiser pour se présenter à des élections; voilà pourquoi.

9 Question: Qu'est-ce qui vous a tellement convaincu dans les paroles de M.

10 Jovan Raskovic que vous avez décidé de rejoindre les rangs du SDS?

11 Réponse: En gros, d'après ce que j'ai pu comprendre, il avait estimé que

12 la Croatie devait respecter l'entité ethnique serbe et que, de cette

13 façon-là, il s'agissait de permettre aux Serbes de réaliser leurs droits

14 en Croatie.

15 Question: A l'époque, quel était le climat qui régnait entre les Serbes et

16 les Croates, en Croatie?

17 Réponse: En principe, l'ambiance était bonne mais plus le temps passait,

18 plus la peur se faisait présente et plus les tensions montaient.

19 Question: Quelles étaient les craintes des Serbes?

20 Réponse: Eh bien, à toutes les assemblées, pour ce qui est du HDZ

21 notamment, à ces meetings, les messages à l'intention des Serbes, de la

22 population serbe, étaient plutôt négatifs.

23 Question: Vous parlez de messages négatifs; que voulez-vous dire

24 exactement?

25 Réponse: J'entends ou plutôt je me souviens que les responsables officiels

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1 les plus éminents… Sime Djodan, par exemple, quand il avait parlé à

2 Pâques, avait dit qu'il fallait soit expulser les Serbes, soit les

3 convertir. Et la peur se faisait de plus en plus présente parmi la

4 population serbe.

5 Question: Est-ce que dans votre ville, à un moment donné, on a organisé un

6 référendum?

7 Réponse: A un moment donné, oui. J'entends qu'il s'agissait de la

8 nécessité de constituer une SAO Krajina.

9 Question: Pourriez-vous nous dire qui a organisé ce référendum?

10 Réponse: Je pense que c'est le SDS. C'est du moins ce que je pense: le SDS

11 de Knin.

12 Question: Et vous dites que la SAO devait être créée, mise en place:

13 savez-vous si, au cours de ce référendum, on a soulevé cette question-là

14 notamment?

15 Réponse: Je ne saurais vous donner une formulation exacte, mais je crois

16 qu'il avait été question de faire sécession par rapport à la République de

17 Croatie.

18 Question: A quel moment ce référendum a-t-il été organisé?

19 Réponse: Tout ceci s'est passé, me semble-t-il, après les événements du

20 Sabor, du Parlement croate, suite au départ d'un certain nombre de députés

21 serbes qui ont quitté le Parlement et ne sont plus revenus au Parlement.

22 Question: Est-ce que ce référendum a eu une incidence quelconque sur la

23 vie au quotidien dans votre ville?

24 Réponse: La population ordinaire s'était dit qu'il s'agissait là d'une

25 protection pure et simple, et qu'il s'agissait de mettre en place une

Page 11562

1 forme de protection qui se résumait à interdire aux autorités croates de

2 venir sur ces territoires-là.

3 Question: Votre ville, elle fait partie de la municipalité d'Ogulin,

4 n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

7 Juges, si vous voulez situer cette ville sur la carte, vous pourrez

8 examiner l'atlas qui porte la cote 336; si vous prenez la coordonnée D-2,

9 vous allez trouver cette ville de Ogulin.

10 M. le Président (interprétation): A quelle page?

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Page 19, dans la coordonnée D-2.

12 Là, à l'intersection, vous voyez en orange la ville d'Ogulin et, si vous

13 descendez vers le sud-ouest, vous allez trouver l'endroit où habitait le

14 témoin. Et si vous poursuivez sur cette même route, vers le bas, vous

15 allez rencontrer Saborsko. Là, nous sommes déjà dans la coordonnée D-3.

16 Si vous poursuivez sur cette route, vous arrivez à Plitvice. Et c'est de

17 cette région-là que nous parlons.

18 Monsieur le Témoin, parlons tout d'abord de la route qui mène à Ogulin, où

19 se trouvait donc votre ville. Est-ce qu'il a été possible d'utiliser cette

20 route pendant toute l'année 1991?

21 Témoin C-1220 (interprétation): Non.

22 Question: Que s'est-il passé? Qu'est-ce qui a fait qu'il n'était plus

23 possible de l'utiliser?

24 Réponse: Eh bien, vous voyez, vers le mois de juin à peu près, après les

25 événements de Plitvice, il s'est tout simplement mis en place une ligne

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1 d'interruption qui a mis un terme aux communications.

2 Question: Qui contrôlait la route allant de votre ville à Ogulin, à

3 l'époque?

4 Réponse: Je ne comprends pas très bien ce que vous avez à l'esprit. Vous

5 parlez de quoi?

6 Question: Vous avez déclaré qu'il y avait une ligne: est-ce que c'était

7 une espèce de frontière?

8 Réponse: Oui, une sorte de sorte de frontière provisoire. De ce côté-ci,

9 il y avait une population essentiellement serbe et, de l'autre côté, une

10 population essentiellement croate. C'est là qu'il s'est donc établi une

11 espèce de frontière temporaire et il n'y avait plus de communication entre

12 les deux.

13 Question: Mais est-ce qu'il y a eu effectivement un barrage routier? Et,

14 si un tel barrage a existé, qui le contrôlait?

15 Réponse: Il y en avait des deux côtés. Au début, ils avaient placé des

16 rochers ou des troncs d'arbre, d'un côté et de l'autre; les uns de leur

17 côté et nous autres du nôtre.

18 Question: Et qui contrôlait ces barrages?

19 Réponse: Eh bien, cela avait été placé sous le contrôle de la TO et, vers

20 ses tout débuts, cela ne s'est pas fait autrement, mais de façon organisée

21 par les gens eux-mêmes. Il n'y avait pas d'armes. C'était les tout débuts,

22 les tout débuts.

23 Question: Est-ce qu'il y avait un poste de police dans votre ville?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Est-ce que les effectifs étaient composés et de Croates et de

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1 Serbes, avant la guerre?

2 Réponse: Mixte, oui, mais avec une majorité d'employés serbes.

3 Question: Les policiers croates ont-ils quitté leurs postes, à un moment

4 donné? Sont-ils partis?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Pourriez-vous nous dire quand ça s'est passé et où ils sont

7 allés?

8 Réponse: Eh bien, il y en avait un ou deux originaires de Saborsko, de

9 cette localité voisine, et ils sont tout simplement rentrés chez eux.

10 Question: Et aise qu'ils sont allés à Saborsko?

11 Réponse: Je pense que oui.

12 Question: Qui était le chef de la police au moment où les Croates sont

13 partis?

14 Réponse: Dusan … (inaudible.)

15 Question: Pourriez-vous répéter le nom? Je vous demanderai de parler un

16 peu plus haut.

17 Réponse: Latac Dusan.

18 Question: Est-ce que c'est un Serbe de la région?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Est-ce que de nouveaux policiers sont venus remplacer les

21 Croates qui étaient partis?

22 Réponse: Eh bien, oui. Par la suite, ils étaient plusieurs.

23 Question: Et les policiers, les nouveaux policiers qui sont arrivés, de

24 quelle appartenance ethnique étaient-ils?

25 Réponse: Serbe.

Page 11565

1 Question: C'était des Serbes de la localité, de l'endroit, ou bien ces

2 Serbes venaient-ils d'ailleurs?

3 Réponse: C'étaient des Serbes de l'endroit.

4 Question: Est-ce que c'étaient des policiers de carrière ou bien…?

5 Pourriez-vous nous dire de quel type de policiers il s'agissait?

6 Réponse: Non, ce n'étaient pas des professionnels.

7 Question: Est-ce qu'ils ont bénéficié d'une formation quelconque?

8 Réponse: Il y avait plusieurs jeunes gens qui étaient allés suivre une

9 formation à Knin, puis ils sont revenus en tant que...

10 Question: Et savez-vous qui s'est occupé de leur formation à Knin? Est-ce

11 que ces hommes vous l'ont dit?

12 Réponse: Je ne sais pas qui les a formés; ils sont allés suivre une

13 formation et ils sont revenus.

14 Question: Combien y a-t-il de nouveaux policiers qui sont venus et qui ont

15 été formés à Knin?

16 Réponse: A peu près…Enfin, je sais pas vous dire exactement, mais ils

17 étaient plusieurs à y aller en plusieurs groupes, mais peut-être étaient-

18 ils cinq ou six de la même localité, il y a eu plusieurs groupes de ce

19 genre.

20 Question: Quel type d'uniforme portaient-ils?

21 Réponse: Ils portaient des uniformes de camouflage mais qui tiraient

22 davantage sur le bleu.

23 Question: Est-ce que ces hommes portaient des insignes ou écussons sur

24 leur uniforme?

25 Réponse: Je pense qu'il y avait une inscription police de la SAO de

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1 Krajina. Je crois du moins que c'est ce que la police portait.

2 Question: Ces policiers, quel type d'armes, quel genre d'armes avaient-

3 ils?

4 Réponse: Eh bien, ils avaient des fusils.

5 Question: Vous voulez dire des fusils automatiques? Avez-vous entendu ma

6 question, Monsieur le Témoin? Je vous ai demandé s'il s'agissait de fusils

7 automatiques?

8 Réponse: Oui, des fusils automatiques.

9 Question: Savez-vous s'ils avaient obtenu ces armes dans votre ville ou

10 s'ils les avaient plutôt obtenues à Knin?

11 Réponse: Je pense à Knin.

12 Question: Pourquoi êtes-vous de cet avis?

13 Réponse: A l'époque, c'étaient les débuts: nous n'avions pas encore

14 d'armes.

15 Question: Est-ce que ces nouveaux policiers se trouvaient dans une unité

16 qui portait un nom particulier?

17 Réponse: On les appelait d'habitude "la police de Martic".

18 Question: Connaissez-vous un certain Medakovic?

19 Réponse: Je connais.

20 Question: Qui était cet homme?

21 Réponse: Lorsque dans mon agglomération il s'est mis en place une

22 assemblée municipale, lorsqu'on a fait une dissociation de l'assemblée

23 municipale d'Ogulin, il a été le premier président de cette municipalité

24 et il avait également été le commandant de cette police à Martic.

25 Question: Est-ce que c'était un policier de carrière ou professionnel? Ou

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1 quelle était sa profession, en fait?

2 Réponse: Il avait été étudiant, mais je crois qu'il n'a jamais fini ses

3 études. Il avait juste fait des études.

4 Question: C'était donc un habitant de l'endroit, vous le connaissiez

5 auparavant?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Connaissez-vous un certain Djuro Ogrizovic?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Qui était cet homme?

10 Réponse: C'était quelqu'un qui habitait une localité à cinq ou six

11 kilomètres de ma localité à moi. Mais il ne vivait pas là avant la guerre,

12 il avait résidé vers Zrenjanin. Je ne le connaissais pas auparavant.

13 Enfin, je le connaissais de vue, je savais d'où il était originaire, mais

14 je n'ai jamais fait sa connaissance.

15 Question: Et vous dites qu'il ne vivait pas là. Où vivait-il exactement

16 avant la guerre?

17 Réponse: Avant la guerre, il résidait à Zrenjanin, non, plutôt Vrsac, mais

18 il avait une maison qui était la sienne, à côté de la localité qui était

19 la mienne; c'était la maison de ses parents, il venait là l'été mais il ne

20 résidait pas sur place.

21 Question: Vrsac, est-ce que cela se trouve en Croatie?

22 Réponse: Non, ça se trouve en Serbie.

23 Question: Est-ce que par hasard cet homme occupait un poste quelconque

24 dans votre ville au moment où a débuté la guerre? Nous parlons ici de

25 l'été 1991?

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1 Réponse: Oui, il était plus âgé, il était avec les gens de Martic, il

2 avait un grade de colonel. Certains disaient qu'il s'était attribué ce

3 grade lui-même. Il avait peut-être fait partie de la police puis il avait

4 été mis à la retraite, mais on disait que c'était une sorte d'inspecteur.

5 Je ne sais pas quel grade il avait, mais on le disait colonel.

6 Question: Si vous le voyiez en ville, où aviez-vous coutume le voir?

7 Réponse: Eh bien, je le voyais, il passait pas la localité, c'est une

8 petite localité, on ne peut pas passer sans être aperçu.

9 Question: Avez-vous eu l'occasion de parler avec lui?

10 Réponse: Bien plus tard, lorsque la guerre a commencé.

11 Question: A ce moment-là, où l'avez-vous rencontré et de quoi avez-vous

12 parlé?

13 Réponse: Très souvent, mais c'était bien plus tard lorsque la guerre avait

14 commencé à battre son plein, cela pouvait être 1993. Peut-être 1992-1993.

15 Mais je l'ai vu à la caserne, au commandement de la brigade.

16 Question: Vous parlez d'un commandant d'une caserne; est-ce que cette

17 caserne se trouvait dans votre ville, au centre de la ville?

18 Réponse: Oui, oui, au centre.

19 Question: Est-ce que M. Ogrizovic s'est rendu au quartier général de la

20 brigade? Est-ce que vous l'avez vu au quartier général?

21 Réponse: Oui. Il s'y trouvait souvent, il se trouvait surtout là-bas.

22 Question: Et est-ce que vous sauriez qui il rencontrait lorsqu'il s'y

23 rendait, à la caserne?

24 Réponse: Eh bien, je ne sais pas trop. Il connaissait tout le monde là.

25 Question: Je vous demande de répondre à ma question. Ma question était

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1 celle-ci: quand vous avez vu cet homme, savez vous à qui il parlait, ce

2 qu'il faisait au quartier général?

3 Réponse: Essentiellement, il fréquentait les officiers supérieurs, les

4 cadres supérieurs.

5 Question: Vous parlez de cadres supérieurs, d'officiers supérieurs. Vous

6 parlez d'officiers de police ou d'armée? Que voulez vous dire exactement?

7 Réponse: De l'armée, de l'armée.

8 Question: Et vous avez déclaré que vous aviez parlé avec cet homme peut-

9 être en 1992 ou en 1993. Mais de quoi avez-vous parlé exactement?

10 Réponse: Je pense que je l'ai dit: il y a eu une dispute entre nous deux.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Et sur quoi portait cette dispute ou

12 querelle?

13 Témoin C-1220 (interprétation): Il avait dit que j'aurais pu en faire

14 davantage parce que j'avais occupé un poste important et c'était une

15 entreprise, une grande entreprise de transport. Il avait estimé que

16 j'avais pu davantage aider la Krajina. Mais je crois que c'est seulement

17 un esprit malade qui peut ou pourrait penser chose pareille. Je crois

18 qu'il voulait surtout me provoquer. Il avait, pour sa part, commis un

19 certain nombre d'erreur et il a fait des choses dans une localité serbe.

20 M. le Président (interprétation): Je vais devoir vous interrompre,

21 Monsieur le Témoin.

22 Madame Uertz-Retzlaff, difficile de voir où nous allons. Il semble que

23 soient présentés beaucoup de détails qui ne nous seront pas d'une grande

24 assistance.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ce n'est pas très facile, en effet.

Page 11570

1 Je voudrais que soit établi par l'intermédiaire de ce témoin le rôle qu'a

2 joué Ogrizovic, par rapport à la police, pour voir ce que cet homme a

3 fait. Et le témoin essaie de dire ce que faisait cet homme, et essaie

4 d'éviter d'expliquer ce que faisait cet homme.

5 M. le Président (interprétation): Si le témoin refuse de déposer sur un

6 point, il refuse. Ou peut-être n'est-il pas au courant.

7 Pourriez-vous nous aider sur ce point? Pourriez-vous nous dire ce que

8 faisait cet homme ou pas, Monsieur le Témoin?

9 Témoin C-1220 (interprétation): Je peux le faire; pourquoi pas? Il avait

10 été à la tête de ce groupe des gens à Martic et, à mon avis, sa tâche

11 principale se réduisait au pillage, pour se servir de termes simples. Il

12 était une sorte d'officier du renseignement dans la région et, lorsque

13 quelqu'un venait, par exemple, de Rijeka en passant par la Hongrie ou la

14 Serbie jusqu'à nous, c'est lui qui était là pour interroger, pour

15 interviewer. Mais je crois qu'il s'était fixé ou assigné ses tâches lui-

16 même pour se donner plus d'importance. Je ne sais pas comment m'exprimer.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez déclaré

18 qu'il s'était livré à des agissements répréhensibles. Lorsque vous l'avez

19 rencontré cette fois-là, est-ce que vous l'avez accusé d'avoir fait

20 quelque chose? Est-ce que vous en avez parlé?

21 Témoin C-1220 (interprétation): Oui. Si j'avais su la chose à l'époque, je

22 l'aurais fait. Il avait miné la voie ferrée et puis il avait saboté des

23 pylônes de haute tension et on était restés sans électricité, mais il ne

24 l'a pas fait à des endroits qui mettraient en valeur son courage, mais

25 essentiellement à l'extérieur ou juste à l'extérieur des endroits

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1 contrôlés par les Serbes, donc à Ogulin ou un peu au-delà. C'est la raison

2 pour laquelle nous avions eu à pâtir par la suite.

3 Question: Vous avez dit qu'il a saboté les rails de chemin de fer et des

4 pylônes électriques également. L'a-t-il fait dans des régions serbes?

5 Réponse: Oui, oui. C'est bien là qu'est le problème parce qu'il l'a fait

6 chez nous.

7 Question: Quand a-t-il fait cela? Avant le début de la guerre ou quand

8 exactement?

9 Réponse: Avant. Avant. Au tout début. Il a saboté les voies de chemin de

10 fer dans une localité serbe où ne passaient que des trains serbes, dans

11 lesquels se trouvaient uniquement des enfants de nationalité serbe. Et

12 moi, j'ai été interrogé plusieurs fois par les autorités de Knin en

13 rapport avec cela, comme si je devais le savoir. Si je l'avais su, je

14 l'aurais dit; je ne l'ai appris que plus tard.

15 Question: Quand il a saboté les installations électriques, quelle en a été

16 la conséquence dans la région?

17 Réponse: Il y en a eu parce que, depuis Ogulin, en passant par chez nous

18 et en allant vers Sabor, c'est une ligne directe. Et donc, cela a eu des

19 conséquences négatives dans la région de Sabor; et nous non plus, nous

20 n'avons plue eu d'électricité, tout simplement.

21 Question: Ce sabotage a-t-il été reproché au Croate? Vous avez dit qu'au

22 début, vous ne saviez pas que c'était lui qui était l'auteur de ce

23 sabotage.

24 Réponse: Eh bien, je ne sais pas qui, mais une enquête a été menée sur

25 notre territoire, en tout cas.

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1 Question: Lorsque vous l'avez confronté à tout cela, quand vous l'avez

2 rencontré au quartier général, quelle a été sa réaction? A-t-il nié être

3 l'auteur de ces actes?

4 Réponse: Non. Non. C'est comme ça que nous en sommes arrivés à une dispute

5 violente, justement à cause…

6 (Phrase non terminée.)

7 Question: Oui. Avez-vous été mobilisé, à un certain moment, dans les rangs

8 de la Défense territoriale serbe?

9 Réponse: Oui.

10 Question: A quel moment?

11 Réponse: Je crois que c'était au mois de juillet, peut-être au mois d'août

12 1991.

13 Question: Avez-vous reçu une lettre de convocation? Et si oui, de qui?

14 Réponse: A ce moment-là, la Défense territoriale a organisé les postes de

15 commandement de la Défense territoriale, parce que...

16 Question: Etait-ce une mobilisation générale concernant tous les hommes

17 qui vivaient dans votre ville?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Qui commandait la Défense territoriale, à ce moment-là?

20 Réponse: Nikola Dokmanovic. Je crois qu'il avait le grade de commandant.

21 Il avait terminé l'Académie et il était censé travailler dans la défense

22 populaire. Je veux dire, il ne faisait plus partie de l'armée; simplement,

23 il avait terminé l'Académie et travaillait dans l'Armée populaire

24 yougoslave. Ensuite, pour des raisons personnelles, il a quitté l'Armée

25 populaire yougoslave et s'est engagé comme cadre; mais je sais pas

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1 exactement quelles étaient ses fonctions dans la défense populaire. Et

2 dans ma localité, lorsque la municipalité a été créée, il était à la tête

3 de la défense populaire en tant qu'expert, que spécialiste.

4 Question: Quand vous avez été mobilisé, avez-vous reçu une arme?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Comment avez-vous obtenu cette arme?

7 Réponse: Eh bien, l'armée a armé ce secteur, je dirais.

8 Question: Lorsque vous dites "l'armée", vous parlez de la JNA ou de quelle

9 autre armée?

10 Réponse: Non, non. A cette époque-là, quand c'était la Défense

11 territoriale, c'était le tout début. A ce moment-là, il y avait une usine

12 qui se trouvait là et il y avait des armes, des simples fusils qui étaient

13 utilisés pour assurer la protection de cette usine. Et les armes, on se

14 les procurait comme on pouvait, des armes de chasse, ce genre d'armes. Ça,

15 c'était au début.

16 Question: Avez-vous, par la suite, reçu des armes de meilleure qualité?

17 Réponse: Plus tard, oui.

18 Question: Qui a fourni ces armes?

19 Réponse: L'armée arrivait le soir pour distribuer des armes et la

20 distribution se faisait pendant la journée. Et voilà.

21 Question: Quand vous dites "l'armée", vous pensez à qui? A quelle armée?

22 Réponse: Je pense à la JNA.

23 Question: Comment ces armes arrivaient-elles? Etaient-elles dans des

24 caisses ou bien non emballées?

25 Réponse: Elles étaient dans des caisses.

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1 Question: Y avait-il quelque chose d'écrit sur ces caisses?

2 Réponse: C'étaient des caisses pour emballer, je ne sais pas… Il y avait

3 des inscriptions, M-48; je suppose que cela correspondait au type de

4 fusils, mais je ne sais pas, je ne connais pas tous les détails.

5 Question: Que faisiez-vous des caisses?

6 Réponse: Eh bien, quand les armes étaient distribuées, on mettait le feu

7 aux caisses.

8 Question: Pourquoi mettre le feu?

9 Réponse: Eh bien, on disait qu'il fallait mettre le feu aux caisses.

10 Question: Qui vous disait qu'il fallait mettre le feu aux caisses?

11 Réponse: Eh bien, le commandement, l'armée. Comment…?

12 Question: Vous avez dit que les armes arrivaient la nuit. A quel moment?

13 Je ne vous demande pas l'heure exacte, mais dans quelle période receviez-

14 vous ces armes, dans quelle période de la journée?

15 Réponse: Eh bien, à peu près quand la nuit tombait. La nuit.

16 Question: Durant quel mois?

17 (Le témoin hausse les épaules.)

18 Réponse: Je pense qu'en tout cas, c'était au cours de la première moitié

19 de 1991 à peu près, mais je ne sais pas exactement.

20 Question: Vous...

21 Réponse: Ou peut-être pas dans la première moitié; peut-être en septembre,

22 octobre -je ne sais pas exactement- de 1991.

23 Question: Avez-vous aussi reçu des uniformes?

24 Réponse: Plus tard, quand des uniformes sont arrivés, je ne sais pas d'où,

25 sans doute de certains entrepôts, mais plus tard. Au début, il n'y en

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1 avait pas. En tout cas, on a reçu les armes avant les uniformes.

2 Question: Qui a fourni les uniformes? Venaient-ils de la région ou de la

3 JNA?

4 Réponse: Je ne sais pas. Mais en tout cas, c'était l'uniforme de la JNA.

5 Parce que… Ecoutez, dans l'entrepôt de chez moi et dans les environs de

6 l'endroit où j'habitais, il y avait des entrepôts de la JNA, des grands

7 entrepôts, et ils contenaient pas mal d'uniformes.

8 Question: Des officiers de la JNA sont-ils arrivés dans votre ville un peu

9 plus tard?

10 Réponse: Oui, plus tard.

11 Question: Quand sont-ils arrivés et qui étaient-ils, ces officiers qui

12 sont arrivés?

13 Réponse: Je ne sais pas, je ne peux pas vous dire la date. Je sais

14 seulement que c'était tard dans l'automne, peut-être en octobre ou en

15 novembre. A ce moment-là, 18 officiers de l'armée populaire yougoslave

16 sont arrivés, si je ne me trompe pas sur le chiffre.

17 Question: D'où venaient-ils?

18 Réponse: Je crois qu'ils venaient de Belgrade; c'est en tout cas ce qui a

19 été dit.

20 Question: Savez-vous de quel corps d'armée ils venaient?

21 Réponse: Non, je ne sais pas ça.

22 Question: Lorsque ces officiers sont arrivés, ont-ils modifié quelque

23 chose au sein de la Défense territoriale?

24 Réponse: Eh bien, oui, quand même: le commandement est devenu un

25 commandement plus sérieux. Je ne sais pas comment vous le dire: plus

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1 discipliné, il y a eu plus de discipline. Voilà!

2 Question: Une brigade a-t-elle été constituée après leur arrivée?

3 Réponse: Oui. En fait, je suppose qu'ils ont repris le commandement de

4 cette brigade, de cette Défense territoriale qui s'était organisée elle-

5 même, et ce qu'ils ont fait simplement, c'est de la rendre plus

6 professionnelle.

7 Question: Cette brigade avait-elle un nom?

8 Réponse: Je crois, mais je ne sais pas, je ne me rappelle plus. Je crois

9 que son nom était 124e Brigade d'infanterie légère. Je ne sais pas, je ne

10 sais plus exactement.

11 Question: Qui commandait cette brigade?

12 Réponse: Vous voulez dire à ce moment-là, lorsque les officiers supérieurs

13 sont arrivés?

14 Question: Oui.

15 Réponse: Petar Trbovic.

16 Question: Avait-il un grade?

17 Réponse: Il avait le grade de colonel.

18 Question: Etait-ce un soldat de métier au sein de la JNA?

19 Réponse: Oui. Je crois que oui.

20 Question: Vous avez dit qu'il y avait un quartier général dans le centre

21 de votre ville, était-ce le quartier général de la brigade?

22 Réponse: Oui, le commandement de la brigade se trouvait là.

23 Question: Etait-il situé dans une installation militaire qui existait déjà

24 avant?

25 Réponse: Eh bien, à cet endroit, avant, il y avait une caserne, une

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1 caserne de l'armée. Et c'est là que, par la suite, s'est établi le

2 commandement de la brigade.

3 Question: Combien de bataillons comptait cette brigade?

4 Réponse: Trois.

5 Question: A quel bataillon apparteniez-vous?

6 Réponse: Moi, je faisais partie du 3e Bataillon.

7 Question: Qui commandait le 3e Bataillon?

8 Réponse: Bogdan Grba au début, mais il y a eu pas mal de changement.

9 Question: Etait-ce un soldat de métier?

10 Réponse: Non, il était officier de réserve.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avec l'aide de Mme l'Huissière,

12 j'aimerais que l'on soumette au témoin une carte militaire.

13 (Intervention de l'huissière.)

14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous trouverez cette carte

15 dans votre classeur, à l'intercalaire 9 de la pièce à conviction 326.

16 M. le Président (interprétation): Je demande le versement au dossier

17 officiel.

18 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, il s'agira de la pièce

19 à conviction 926 intercalaire 9.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, avez-vous eu le

21 temps d'étudier cette carte après votre arrivée à La Haye?

22 Témoin C-1220 (interprétation): Non.

23 Question: Monsieur le Témoin, je vous demanderai de regarder cette carte

24 d'un peu plus près, et notamment ce qui figure en haut de la carte, ainsi

25 ce que l'on trouve au niveau de la légende.

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1 (Le témoin observe la carte.)

2 Cette carte est une carte militaire qui est en rapport avec l'attaque de

3 Saborsko.

4 Monsieur le Président, pour votre information, cette carte nous a été

5 fournie par le gouvernement croate; et nous apporterons des renseignements

6 complémentaires pour en démontrer l'authenticité durant la suite de nos

7 débats.

8 M. le Président (interprétation): Mais j'ai l'impression que ce témoin ne

9 connaît pas très bien cette carte, je me demande si c'est vraiment le

10 meilleur témoin pour la production de cette carte.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, je pense que

12 ce témoin est un peu ému, c'est en tout cas l'impression que j'ai; donc je

13 vous demanderai la permission de répéter ma question maintenant qu'il a vu

14 la carte.

15 M. le Président (interprétation): Très bien.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Parce que comme je l'ai déjà, il me

17 semble très ému.

18 Monsieur le Témoin, examinez cette carte. Avez-vous discuté de cette carte

19 lorsque vous êtes arrivé à La Haye avec des représentants du Bureau du

20 Procureur de ce Tribunal?

21 Témoin C-1220 (interprétation): Oui.

22 Question: Avez-vous déjà vu ce genre de carte à l'époque des événements?

23 Réponse: Non.

24 Question: Dans les fonctions qui étaient les vôtres à l'époque, vous

25 arrivait-il d'avoir entre les mains des cartes de ce genre? Et, sinon, qui

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1 avait ce genre de carte entre les mains?

2 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne suis pas

3 officier, je n'ai aucun grade militaire, donc les termes utilisés sur

4 cette carte je ne les comprends pas, je ne les connais pas. Je suis simple

5 soldat et je n'aurais pas pu participer à l'élaboration d'une carte de ce

6 genre, pas plus d'ailleurs que qui que ce soit aurait pu m'interroger à ce

7 sujet.

8 Question: Donc ce genre de cartes sont des cartes qui se trouvent entre

9 les mains des officiers et pas de simples soldats, c'est bien ce que vous

10 nous dites?

11 Réponse: Je veux dire, ce plan d'attaque, personne n'aurait pu me poser

12 des questions à ce sujet parce que je n'avais pas la moindre information à

13 ce sujet. Comment est-ce que j'aurais pu en parler puisque je ne sais rien

14 à ce sujet. C'est un travail très compétent qui était sans doute réalisé

15 par des personnes compétentes, qu'est-ce que j'en sais? C'est la première

16 fois que je vois cette carte avec toutes ces inscriptions.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, nous voulons

18 simplement discuter avec vous d'un certain nombre de points qui sont en

19 rapport avec cette carte, mais vous n'avez pas besoin de connaître les

20 détails, et rien n'indique que vous auriez établi cette carte ou que vous

21 auriez eu la moindre participation à son établissement. Mais je vous

22 demande de regarder cette carte.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

24 M. Milosevic (interprétation): Ce témoin a expliqué à plusieurs reprises

25 qu'il n'avait aucun rapport avec cette carte. Il n'est pas question ici de

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1 détail; il ne fait aucun sens de lui soumettre de cette carte.

2 M. le Président (interprétation): Très bien, Monsieur Milosevic. Nous

3 comprenons ce que vous voulez dire.

4 Madame Uertz-Retzlaff, le témoin ne connaît rien de cette carte; il ne

5 peut pas nous aider. Il serait préférable sans doute s'il pouvait

6 témoigner au sujet des événements, ce qui permettrait de jeter les bases

7 d'une discussion éventuelle sur la carte. Après quoi, vous pourriez

8 discuter de la carte. Mais, pour l'instant, le témoin a dit qu'il n'avait

9 aucun renseignement sur cette carte.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): La raison pour laquelle je soumets

11 cette carte au témoin, c'est que cette carte est la carte de meilleure

12 qualité montrant la région, c'est la plus détaillée. Donc, lorsqu'on en

13 arrivera à discuter des détails consistant: qui était où, quelle unité se

14 trouvait où, il pourra mieux nous l'expliquer. C'est la raison pour

15 laquelle je lui ai soumis la carte.

16 M. le Président (interprétation): Peut-être. Peut-être, mais laissez-le

17 d'abord relater la séquence des événements et, ensuite, vous verrez s'il

18 peut parler de la carte. Si cela est possible parce que, pour le moment,

19 cela ne semble pas être le cas.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

21 Bien. Nous pouvons mettre la carte de côté pour le moment.

22 Monsieur le Témoin, vous avez dit que M. Trbojevic était le commandant de

23 la brigade. Savez-vous qui était son supérieur?

24 Témoin C-1220 (interprétation): Je pense qu'on trouvait Korenica dans les

25 zones de responsabilité supérieure; il y avait là-bas une division et

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1 puis, au-dessus, il y avait Knin.

2 Question: Savez-vous où se trouvait le quartier général de Korenica, comme

3 vous venez de l'appeler?

4 Réponse: Je crois qu'il était à Mukinje, sur le lac de Plitvice.

5 Question: Comment le savez-vous? Quels renseignements avez-vous reçu qui

6 vous permet de penser cela?

7 Réponse: Je n'ai reçu aucun renseignement. On le savait, c'est tout. On

8 savait qu'il y avait une division de Korenica qui était censée être au-

9 dessus du commandement de la brigade. Tout le monde le savait.

10 Question: Connaissez-vous le nom du commandant qui opérait à Mukinje?

11 Réponse: Je connaissais le nom d'un seul commandant et, vous voyez,

12 maintenant, ici, je n'arrive plus à m'en souvenir, mais je crois… A cet

13 instant, je n'arrive pas à m'en souvenir.

14 Question: Y avait-il également un quartier général militaire à Slunj, ou

15 tout près de Slunj?

16 Réponse: Il y avait une zone militaire entre l'endroit où je vivais et

17 Slunj; c'était une zone militaire importante de la JNA à l'époque de Tito

18 déjà. Il y avait là une formation militaire importante qui était

19 stationnée. C'est entre ma localité et Slunj.

20 Question: Cette zone militaire, à quelle distance est-elle de Saborsko, si

21 vous le savez?

22 Réponse: Vous pensez à quoi? Vous pensez à cette zone militaire?

23 Question: Slunj?

24 Réponse: Ah! La zone militaire. Entre la zone militaire et Saborsko? Ça,

25 j'aurais du mal à le dire exactement, mais ce n'est pas loin: sans doute à

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1 une dizaine de kilomètres de Saborsko.

2 Question: Bien.

3 Réponse: En passant par la forêt, mais si on passe par la route, c'est

4 beaucoup plus loin. Mais par la forêt, avec le raccourci, c'est à peu près

5 à 10 kilomètres.

6 Question: Qui était le commandant militaire de cette zone militaire dont

7 vous venez de parler? Ce terrain d'entraînement?

8 Réponse: Le commandant de cette zone militaire, de ce terrain

9 d'entraînement, je ne sais pas exactement quel était son nom, mais il

10 avait le surnom de "Ledeni" et le grade de général.

11 Question: Quel était son grade?

12 Réponse: Il avait le grade de général.

13 Question: Connaissez-vous un Cedomir Bulat, un certain Cedomir Bulat?

14 Réponse: Je ne le connais pas personnellement, je le connais simplement de

15 nom. Il était colonel et c'était l'un des principaux officiers de son

16 quartier général.

17 Question: Avez-vous…?

18 Réponse: Il y avait aussi un certain Stipetic, le général Stipetic, parmi

19 les commandants au début, à Slunj, sur ce terrain d'entraînement, dans

20 cette zone militaire; il était commandant là-bas, au début.

21 Question: Parlons, si vous le voulez bien, de Cedomir Bulat. Est-il venu

22 dans votre ville pour rencontrer l'état-major?

23 Réponse: Oui, oui, il est venu.

24 Question: A-t-il rencontré le commandant de la brigade, Trbojevic?

25 Réponse: Je ne sais pas, je n'étais pas là à ce moment-là, mais il l'a

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1 sûrement rencontré parce qu'il est allé au commandement de la brigade. Il

2 y en avait d'autres aussi, mais il a dû rencontre le commandant.

3 Question: Etait-il le supérieur de Trbojevic?

4 Réponse: Non. Moi, je n'ai pas connaissance d'une quelconque ligne

5 hiérarchique entre eux. Il avait le même grade, donc je ne crois pas que

6 l'un était supérieur à l'autre.

7 Question: Lorsque les officiers de la JNA sont arrivés, la Défense

8 territoriale a-t-elle aussi reçu de nouvelles armes, des armes

9 d'artillerie notamment? Etes-vous au courant?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Quel genre d'armes a-t-elle reçu?

12 Réponse: Des mortiers, je crois, de divers calibres: de 190mm ou 105mm. Je

13 ne sais pas exactement. Mais enfin, des mortiers en tout cas.

14 Question: Les membres de la Défense territoriale locale utilisaient-ils

15 ces armes où étaient-ce des soldats de la JNA qui les utilisaient?

16 Réponse: Ceux qui ont été entraînés, étaient pour l'essentiel des membres

17 de la Défense territoriale qui ont été entraînés par ces officiers de la

18 JNA, et puis il y avait aussi des membres de la JNA qui connaissaient le

19 maniement de ces armes et qui servaient dans cette partie de l'unité.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais que

21 nous passions brièvement à huis clos partiel pour que le témoin explique

22 le rôle qu'il jouait au sien de cette unité car cela risquerait de

23 permettre son identification.

24 (Huis clos partiel à 12 heures.)

25 (expurgé)

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7 (expurgé)

8 (Audience publique avec mesures de protection à 12 heures 03.)

9 Au début de votre déposition, nous avons précisé où se trouvait Saborsko,

10 en l'occurrence sur la route menant à Plitvice. Les gens de votre ville

11 pouvaient-ils circuler librement sur cette route allant jusqu'à Plitvice

12 ou est-ce qu'à un moment donné cette route a été barrée?

13 Témoin C-1220 (interprétation): Eh bien, jusqu'au tout premier événement

14 ou conflit, il y a eu des communications normales, de temps normal. Puis,

15 après ces événements, il y a eu une coupure tout simplement, et il n'était

16 plus possible de passer par cette partie-là de la route.

17 Question: Est-ce que Saborsko est un village croate?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Est-ce qu'à Saborsko il avait un poste de police?

20 Réponse: Non, pas avant la guerre.

21 Question: Et pendant la guerre? Par exemple en novembre 1991?

22 Réponse: Novembre 1991, non, novembre 1991…Attendez, je ne sais plus, je

23 ne sais pas!

24 Question: Savez-vous s'il y avait des soldats croates dans le village

25 avant que celui-ci ne soit attaqué?

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1 Réponse: On disait qu'il y avait beaucoup de soldats croates.

2 Question: Et qui le disait?

3 Réponse: Eh bien, le bruit avait couru disant que Saborsko était une place

4 forte, véritable. Ce sont les informations qui nous le disaient.

5 Question: Et qui le disait précisément?

6 Réponse: Eh bien, ce sont les officiers qui le disaient dans une

7 communication normale. Enfin, j'imagine qu'ils disposaient d'informations

8 véritables, je n'en sais rien, c'est ce qu'ils disaient.

9 Question: Est-ce que Saborsko a été attaqué? Et est-ce que vous, vous avez

10 participé à cette attaque?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Quand la ville a-t-elle été attaquée?

13 Réponse: C'était en novembre 1991, quelque part en novembre, disons

14 première quinzaine de ce mois de novembre.

15 Question: Avant cette attaque, à quel moment avez-vous appris qu'elle

16 allait avoir lieu? Qui vous a fourni l'information?

17 Réponse: Eh bien, le soir le commandant du bataillon a dit qu'on allait

18 marcher sur Saborsko et qu'untel, untel, untel allait y aller. Voilà!

19 Nous avions, pour notre part, été rajouté en tant qu'effectifs aux moyens

20 techniques qui se trouvaient déjà là.

21 Question: Et avant qu'on ne vous dise que vous deviez participer à cette

22 attaque, est-ce que vous avez vu des mouvements de troupes, avant ce soir-

23 là?

24 Réponse: Oui. On voyait arriver des chars, plusieurs chars et des blindés

25 de transport de troupes.

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1 Question: Est-ce que… Excusez-moi. Est-ce que vous avez vu Cedomir Bulat

2 dans votre ville avant l'attaque?

3 Réponse: Oui. Il est passé par-là.

4 Question: Est-ce qu'il y avait un lieu de rassemblement prévu en vue de

5 l'attaque? Où est-ce que vous êtes allé?

6 Réponse: Un petit village à proximité de cet endroit-là, qui s'appelle

7 Licka Jesenica.

8 Question: Etes-vous arrivé en compagnie d'un groupe d'hommes provenant de

9 votre unité?

10 Réponse: Oui. Nous étions une vingtaine ou une trentaine dans le groupe,

11 le groupe où j'étais.

12 Question: A quel moment êtes-vous arrivé? Au cours de la matinée, de la

13 soirée?

14 Réponse: Eh bien, ça ne se trouve pas loin de ma localité, à quelque 8 ou

15 9 kilomètres de là, et on est vite arrivé en véhicule le matin, enfin, ce

16 jour.

17 Question: Vous êtes donc arrivé à cet endroit à ce moment-là. Combien

18 approximativement avez-vous vu de soldats?

19 Réponse: C'est difficile à dire. Je pense qu'ils devaient être plusieurs

20 centaines, mais...

21 Question: Est-ce que ces soldats que vous avez vus étaient tous de la TO

22 locale ou est-ce qu'il y en avait d'autres également? Est-ce que vous

23 seriez en mesure de le dire?

24 Réponse: Les soldats et nous autres qui avions été mobilisés.

25 Question: Vous dites "l'armée", mais de qui voulez-vous parler, là?

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1 Réponse: La JNA.

2 Question: Est-ce que ces soldats de la JNA étaient des conscrits? Est-ce

3 que vous le savez? Est-ce que vous leur avez parlé?

4 Réponse: Non, je ne m'étais pas entretenu avec eux. Moi, j'avais mes

5 tâches et ils avaient les leurs. Chacun avait sa mission.

6 Question: Est-ce que, à ce lieu de rassemblement, à Licka Jesenica, vous

7 avez vu aussi des policiers?

8 Réponse: Oui, mais moi, je ne les ai pas vus. La police, oui, oui.

9 Question: Vous avez mentionné plusieurs des commandants appartenant à la

10 police de Martic. Vous avez mentionné notamment Djuro Ogrizovic; est-ce

11 qu'il était présent?

12 Réponse: Oui. Je ne l'ai pas vu, mais il se trouvait certainement là-bas.

13 Parce que, comme je vous l'ai dit, la police se trouvait de l'autre côté,

14 je ne sais pas comment vous expliquer. Je l'ai appris ici.

15 Question: Est-ce que vous avez vu M. Bulat?

16 Réponse: Oui.

17 Question: A quel moment est-il arrivé et qu'a-t-il fait?

18 Réponse: Je pense qu'il avait été le commandant de cette action toute

19 entière.

20 Question: Pourquoi êtes-vous de cet avis?

21 Réponse: Eh bien, c'est lui qui était à la tête de l'opération; c'est lui

22 qui commandait les moyens techniques qui étaient amenés là à partir du

23 polygone et c'est lui qui se trouvait à la tête de l'opération.

24 Question: Est-ce qu'il s'est adressé aux soldats, dont vous faisiez

25 partie, à Licka Jesenica?

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1 Réponse: Eh bien, voyez-vous, nous sommes arrivés à Licka Jesenica le

2 matin, puis on a passé la journée, la nuit entière. Il faisait froid, on

3 est allés dans des maisons. Puis, les gens commençaient déjà à maugréer.

4 Et je sais que le matin, il avait aligné les soldats pour leur expliquer

5 pourquoi on attendait; il avait dit que le temps ne se prêtait pas à la

6 chose et que les avions ne pouvaient pas intervenir. C'est dans ce sens-là

7 qu'il avait fait un discours et il avait dit qu'il fallait attendre.

8 Question: Est-ce qu'il vous a dit ce qu'était l'objectif poursuivi par

9 cette attaque, pourquoi on avait attaqué ou on allait attaquer, plus

10 exactement, Saborsko?

11 Réponse: Eh bien, Saborsko, c'était une localité… C'est-à-dire: ma

12 localité était encerclée et nous étions complètement encerclés. Je ne sais

13 pas, je n'ai pas pris part à la vie politique, mais j'ai ouï dire que la

14 direction de Plaski avait proposé à Saborsko d'ouvrir la route, la voie de

15 communication, pour permettre une libre circulation où il ne manquerait un

16 cheveu de la tête de personne. Mais les gens de Saborsko avaient, semble-

17 t-il, refusé et on ne pouvait plus sortir.

18 Cedo a expliqué qu'il s'agissait de rattacher les régions serbes pour

19 pouvoir sortir quelque part, parce qu'on était encerclés de toutes parts

20 et on commençait à manquer de produits stratégiques, de sel, de carburant.

21 Question: Pourriez-vous décrire à notre intention de quelle façon Saborsko

22 a été attaqué? Quelle est la première chose qui s'est passé? Vous avez

23 déjà parlé d'avions, mais est-ce qu'il y a eu une attaque aérienne?

24 Réponse: Les avions ont lancé une attaque aérienne. Et il y a eu d'abord

25 l'artillerie, puis l'infanterie.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Et quelles étaient les positions de

2 l'artillerie? Est-ce que vous le savez?

3 Témoin C-1220 (interprétation): Eh bien, écoutez, l'artillerie se trouvait

4 dans les collines, là-haut aux endroits d'où ils pouvaient tirer, et il

5 n'y a que quelques chars qui sont allés vers Saborsko; l'armée était

6 disposée sur des côtes à partir desquelles il était possible d'agir.

7 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, il est maintenant

8 midi et quart, je pense que le moment se prête à une pause, n'est-ce pas?

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin C-1220, nous allons

11 maintenant faire une pause de 20 minutes. Au cours de cette pause et de

12 toute autre pause qui suivra au cours de votre déposition, je vous

13 rappelle que vous n'êtes censé parler à personne de votre déposition, pas

14 plus que personne n'est censé vous parler. Il faut attendre que la

15 déposition soit terminée et ceci concerne également les représentants du

16 Bureau du Procureur. Veuillez être de retour à l'audience dans 20 minutes.

17 L'audience est suspendue.

18 (L'audience, suspendue à 12 heures 16, est reprise à 12 heures 40.)

19 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, me permettez-vous

20 d'intervenir rapidement par rapport à la déposition de ce témoin.

21 M. le Président (interprétation): Oui. Nous avons reçu un courrier en ce

22 qui concerne votre poste, votre fonction, mais vous êtes autorisé à

23 intervenir.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Merci. Ce sera très bref.

25 Elle se résumera à dire que jusqu'à présent, c'est ma consśur qui a posé

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1 des questions. Et je pense pour ce qui est du reste de la déposition,

2 notamment en ce qui concerne l'attaque de Saborsko, il est important que

3 ce soit le témoin qui témoigne librement, plutôt que de se voir guider par

4 des questions.

5 M. le Président (interprétation): Je pense que la critique est un peu vive

6 par rapport à vous, mais je pense que vous garderez cette observation à

7 l'esprit. Poursuivez, Madame.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, avant la pause

9 vous décriviez le fait qu'il y avait de l'artillerie dans les collines ou

10 sur les collines. Savez-vous qui étaient les personnes qui se servaient de

11 cette artillerie? Quelles étaient les unités qui s'en servaient?

12 Témoin C-1220 (interprétation): Je pense que c'était une compagnie de

13 mortiers de 120 et de 82 millimètres. Et sur ce polygone, il y avait du

14 130 millimètres, je ne sais pas si ce sont des canons. Ils avaient la

15 portée appropriée. Il y avait plusieurs chars qui avaient ouvert le feu

16 également.

17 Question: Vous parlez du polygone de formation. Vous parlez du polygone de

18 la JNA dont vous avez déjà parlé qui se trouvait près de Slunj, le camp

19 d'entraînement?

20 Réponse: Oui. C'étaient des armes de grande portée qui pouvaient donc

21 tirer de cet endroit-là aussi.

22 Question: Vous avez déjà parlé de l'infanterie. Les fantassins, d'où

23 venaient-ils? Et sur quel endroit se sont-ils dirigés à Saborsko?

24 Réponse: Qu'est-ce que vous entendez par là? Quand vous parlez de

25 "direction", est-ce que vous pouvez être un peu plus claire et dire quelle

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1 est la signification de votre question?

2 Question: A quel moment l'infanterie a-t-elle attaquée et de quelle

3 direction venait-elle?

4 Réponse: Eh bien, il m'est difficile de vous le dire comme cela! Mais

5 c'est après le tir à l'artillerie que l'infanterie s'est lancée. On est

6 entrés dans Saborsko à partir de plusieurs directions. Je puis vous

7 indiquer de quelle direction j'étais arrivé moi-même.

8 Question: Vous, d'où veniez-vous? De quelle direction, veniez-vous?

9 Réponse: Eh bien, c'est difficile à dire: la route à zigzag et il y a des

10 buissons, des fougères, et il y avait une petite route Slinicka cesta qui

11 est un cul-de-sac, qui n'aboutit nulle part. Et c'est une forêt de

12 conifères.

13 Le groupe auquel j'appartenais, nous devions couper pour sortir sur cette

14 route forestière pour prendre position là, et nous devions veiller à ce

15 que personne en provenance de la forêt… Voilà, c'était la tâche de notre

16 mission.

17 Question: Est-ce que c'était avant Saborsko? Est-ce que c'était en

18 direction de votre ville?

19 Réponse: C'était avant Saborsko, si l'on regarde depuis là où j'étais.

20 Mais à l'est de Saborsko, donc de là où je me trouvais, moi-même et ce

21 groupe, on ne pouvait pas voir Saborsko; on pouvait voir deux hameaux Tuk

22 et Solaje. C'est un hameau de quelques maisons à peine. Et Tuk aussi,

23 c'était quelques maisons à peine, seulement. Et Solaje c'est plusieurs

24 maisons serbes et Dumencic, quelques maisons là aussi.

25 Question: Je vois. Mais quelle était votre mission précise à cet endroit

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1 auquel vous étiez parvenu? Qu'étiez-vous censé y faire?

2 Réponse: Je ne comprenais pas à l'époque, parce que cette route forestière

3 qui ne menait nulle part, qui était destinée à permettre l'évacuation des

4 troncs d'arbres, eh bien, nous étions censés surveiller pour que l'ennemi,

5 l'armée croate, ne vienne pas par-là. C'était cela notre mission.

6 Question: Est-ce que votre unité s'est trouvée engagée dans des combats

7 avec les Croates?

8 Réponse: Non.

9 Question: Est-ce que Saborsko a résisté, a opposé une résistance? Le

10 savez-vous?

11 Réponse: Non, je ne pense pas.

12 Question: Est-ce qu'il y a eu des hommes tués parmi les soldats serbes au

13 cours de cette opération?

14 Réponse: Non.

15 Question: Est-ce qu'il y a eu des blessés?

16 Réponse: Oui, il y a eu un blessé grave: il a perdu un śil, c'est une mine

17 d'infanterie qui a sauté; et un autre soldat qui a eu quelques

18 égratignures seulement.

19 Question: Cet incident avec cette mine, où s'est-il produit? Quand s'est-

20 il produit?

21 Réponse: Eh bien, il passait par-là, il a marché sur une mine d'infanterie

22 qui avait été placée là. De là à savoir quand cela avait été placé là!

23 Question: Vous vous êtes trouvé à cet endroit, endroit où avait été envoyé

24 votre unité. Vous dites que de là, vous avez pu voir ces trois villages:

25 Dumencic et Solaje. Qu'avez-vous vu exactement dans ces villages?

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1 Réponse: Eh bien, ces trois villages, ces trois hameaux, pouvaient être

2 vus de l'endroit où je me trouvais, le reste ne se voyait pas, n'était pas

3 visible parce qu'il y avait la forêt. C'était des petites maisons,

4 essentiellement des maisons en bois. Et ce sont ces maisons-là qui ont été

5 incendiées.

6 Question: Et qui les a incendiées, l'avez-vous vu?

7 Réponse: Non, mais des soldats qui passaient par-là, soldats ou Défense

8 territoriale, ceux qui étaient passés par-là. Enfin, il s'agissait en tout

9 état de cause d'effectifs serbes, c'est eux qui ont mis le feu.

10 Question: Est-ce que vous les avez vus au moment où ils auraient incendié

11 ces maisons?

12 Réponse: Non, non, je ne pouvais pas voir. Nous avons vu des maisons qui

13 commençaient à brûler, on a vu de la fumée, mais de là où nous étions,

14 nous ne pouvions pas le voir. C'était trop loin, nous ne pouvions pas

15 reconnaître les gens.

16 Question: Vous dites qu'il n'était pas possible de reconnaître qui que ce

17 soit depuis la distance où vous étiez. Est-ce que vous avez vu des gens

18 qui étaient en train de mettre le feu à ces maisons, des gens que vous

19 n'auriez pas reconnus?

20 Réponse: On pouvait voir les gens, mais on ne pouvait pas les identifier.

21 Question: Comment s'y sont-ils pris pour incendier ces maisons? Est-ce que

22 vous l'avez vu?

23 Réponse: Quand ils sont entrés dans ce village, ils y ont mis le feu!

24 Question: Vous étiez donc à cet endroit, est-ce que de là vous avez vu des

25 officiers supérieurs, de grade élevé?

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1 Réponse: Non, pas là; Du moins de là où je me trouvais, je n'ai pas pu

2 voir.

3 Question: Alors que vous vous trouviez à cet endroit, est-ce que vous

4 aviez un contact radio, pas vous personnellement, mais votre unité, est-ce

5 qu'elle était en communication avec d'autres?

6 Réponse: Oui, nous avions un émetteur-récepteur.

7 Question: Avec qui aviez-vous des contacts, pouvez-vous nous le dire?

8 Réponse: Avec le commandant, j'imagine, le commandant qui avait été notre

9 supérieur. Et c'est lui qui communiquait avec eux. On nous avait dit que

10 c'était là nos positions qu'il fallait garder jusqu'à l'obtention d'un

11 ordre de retrait. Et nous sommes restés tout le temps à cet endroit-là.

12 Question: A quel moment vous êtes-vous retirés? A quel moment s'est opéré

13 ce retrait et pour aller où?

14 Réponse: Eh bien, il faisait déjà nuit. Nous nous sommes retirés au centre

15 de Saborsko, et de là, nous sommes rentrés chez nous.

16 Question: Vous êtes arrivés à Saborsko. Lorsque vous êtes arrivés dans le

17 village, dans quel état était-il? Qu'avez-vous vu?

18 Réponse: Tout brûlait!

19 Question: Et est-ce que vous avez vu qui avait mis le feu aux maisons?

20 Est-ce que ces maisons étaient déjà en proie aux flammes lorsque vous êtes

21 arrivés?

22 Réponse: Non. Lorsque nous sommes arrivés, elles étaient toutes en train

23 de brûler.

24 Question: Et qu'en est-il des bâtiments publics de Saborsko? Est-ce qu'eux

25 aussi, ils ont été incendiés?

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1 Réponse: Eh bien, là, à cet endroit précis, il y avait seulement l'école

2 et au moment où j'y étais, on n'avait pas mis le feu à celle-ci. Et dans

3 cette école, dans un local, il y avait le petit commerce du village; c'est

4 un tout petit village.

5 Question: Il y a une église à Saborsko?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Et est-ce qu'il lui arrivait quelque chose, à cette église? Et

8 si c'est le cas, qu'est-ce qui s'est passé?

9 Réponse: Non. L'église, à ce moment, il ne lui était rien arrivé. Peut-

10 être avait-elle été touchée par quelques tirs, mais l'église n'avait pas

11 été détruite.

12 Question: Vous dites: "A l'époque, ce n'était pas le cas.". Est-ce qu'elle

13 a été détruite plus tard?

14 Réponse: Oui. Plus tard, oui.

15 Question: Et dans quelles circonstances cette destruction a-t-elle eu

16 lieu? A quel moment, aussi?

17 Réponse: Je ne sais pas quand, mais certainement au bout de quinze jours

18 ou un mois, un mois plus tard, on l'a fait sauter.

19 Question: Au moment où vous êtes arrivé à Saborsko, est-ce que beaucoup de

20 soldats s'y trouvaient? Qui est-ce que vous y avez vu?

21 Réponse: Mais tous ces gens, c'étaient des soldats.

22 Question: Est-ce que vous avez vu des policiers sur les lieux?

23 Réponse: Oui, il y avait eu des policiers. Tous étaient arrivés de toutes

24 parts et sont arrivés à ce centre. Puis, de là, ils se sont retirés. Il

25 n'y avait plus, à cet endroit-là, quelque commandement que ce soit.

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1 Question: Au moment où vous êtes arrivé sur les lieux, qu'est-ce que

2 l'armée, les soldats donc et les policiers ont fait? Est-ce qu'ils

3 auraient fait quelque chose que vous auriez vu?

4 Réponse: Eh bien, je vous disais, la nuit était déjà tombée, on était tous

5 rassemblés. Tout ce que je peux vous dire, c'est que quelques-uns d'entre

6 eux s'étaient mis à piller le petit commerce, à ce moment-là.

7 Question: Qui exactement? Quel était le genre de personnes à se livrer à

8 ce genre de chose?

9 Réponse: Ils étaient peut-être deux ou trois; c'est seuls ces gens-là qui

10 pouvaient songer à faire chose pareille.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous dites "ils", "ça ne pouvait être

12 qu'eux", mais à qui pensez-vous?

13 Témoin C-1220 (interprétation): Enfin, ceux à qui l'idée de piller pouvait

14 venir à l'esprit.

15 M. le Président (interprétation): Vous avez dit qu'il y avait des soldats

16 et des policiers. Est-ce qu'il y avait d'autres personnes dans le village?

17 Répondez de façon concise, s'il vous plaît: qui est-ce qui pillait?

18 Témoin C-1220 (interprétation): C'étaient deux ou trois membres de la

19 police dite de Martic.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que vous avez vu des Croates

21 ce soir-là, au moment où vous étiez à Saborsko?

22 Témoin C-1220 (interprétation): J'ai vu quelques personnes très âgées en

23 train de passer.

24 Question: Avez-vous vu des cadavres?

25 Réponse: Non, pas un seul.

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1 Question: Vous étiez à Saborsko, vous avez vu ces maisons qui brûlaient.

2 Qu'est-ce que ça vous avait laissé, comme impression? Qu'est-ce que vous

3 avez ressenti?

4 Réponse: Terrible!

5 Question: Pouvez-vous être un peu plus précis?

6 Réponse: Je n'ai jamais vu de scène de ce genre de ma vie; c'était pour

7 moi une chose terrible. Il y en avait qui, autour de moi, avaient rigolé.

8 Et j'avais pensé que si on faisait la même chose dans nos localités, ce

9 serait pire, et ce serait de plus grande envergure encore.

10 Question: Qui étaient les gens qui riaient? Des soldats, des policiers,

11 d'autres personnes? Qui, exactement?

12 Réponse: Eh bien, des soldats. Mais, vous savez, il y en avait beaucoup

13 que nous ne connaissions pas. Ils étaient très nombreux et il y en avait

14 certains. Et même pas seulement certains, mais pas mal que je ne

15 connaissais pas parmi eux, pas du tout, parce que je ne peux tout de même

16 pas connaître tout le monde dans la région.

17 Question: Avez-vous vu des commandants dans ce secteur, des personnes

18 jouant un rôle vraiment important, des soldats de haut rang, tels le

19 commandant de votre Bataillon ou ses supérieurs?

20 Réponse: Oui, lui, je l'ai vu, je l'ai vu quand nous sommes retournés

21 jusqu'au village voisin du mien.

22 Question: De qui parlez-vous lorsque vous dites: "Je l'ai vu"? Vous avez

23 dit: "Je ne l'ai vu que lorsque nous sommes retournés au village voisin";

24 de qui parlez-vous lorsque vous dites "je l'ai vu"?

25 Réponse: Je parle du commandant de mon bataillon.

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1 Question: Donc de M. Trbovic?

2 Réponse: Non, non.

3 Question: Mais de qui parlez-vous alors? Pouvez-vous nous donner son nom?

4 Réponse: De Grba. De Grba Bulat, Grba "Cedo" Bulat.

5 Question: Avez-vous vu M. Bulat à Saborsko?

6 Réponse: Non, j'ai dit que je ne l'avais pas vu à Saborsko, mais quand

7 nous sommes revenus et quand nous sommes arrivés au village voisin du

8 mien, c'est là que j'ai vu le commandant de mon bataillon et d'autres

9 commandants également, d'autres officiers qui avaient un grade.

10 Question: Très bien. Très bien. Des Croates ont-ils été tués à Saborsko?

11 Etes-vous au courant?

12 Réponse: Oui, je suis au courant. Quand nous étions en position, sur la

13 route -je viens d'en parler-, c'est à ce moment-là que le groupe auquel

14 j'appartenais a appris pour la première fois qu'il y avait eu des morts.

15 Question: De quel renseignement parlez-vous? Qu'avez-vous appris à ce

16 moment-là?

17 Réponse: Il y avait mon groupe qui était déployé à cet endroit-là et,

18 derrière nous, il y avait un autre groupe, plus loin vers la forêt. Un

19 homme est arrivé en provenance de ce groupe: il pleurait, il jurait, il

20 lançait des insultes et il a dit: "Ils ont tué Pero Krtan". Et pour autant

21 que je le sache, Pero Krtan était un commerçant, un homme très bien de la

22 région. C'est la première chose que j'ai entendue.

23 Question: Et vous avez entendu parler d'autres personnes qui se seraient

24 fait tuer?

25 Réponse: J'ai entendu dire que deux autres personnes avaient été tuées.

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1 Question: Savez-vous qui les a tuées?

2 Réponse: Je n'ai pas vu cela, mais on raconte que c'est quelqu'un. Je ne

3 sais pas si je dois donner son nom?

4 Question: S'il s'agit simplement d'une rumeur, non merci.

5 Combien de Croates ont-ils été tués durant cette attaque? Le savez-vous?

6 Réponse: Je n'en savais rien. Moi, je pensais qu'avec ce pilonnage,

7 qu'avec l'intervention de l'artillerie… Et puis je ne sais pas très bien,

8 mais, enfin, apparemment une information circulait selon laquelle il y en

9 aurait eu 20.

10 Question: Votre unité a-t-elle enterré les corps de ces hommes?

11 Réponse: Cela s'est passé dans la zone qui était censée être la zone de

12 responsabilité de ma brigade, justement, mais il y avait aussi ces

13 personnes âgées de 60 ans et plus, ces vieux de la brigade. C'est surtout

14 ces gens-là qui sont allés enterrer les morts et les animaux qui avaient

15 été tués aussi.

16 Question: Une excavatrice a-t-elle été utilisée pour cette tâche?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Comment le savez-vous?

19 Réponse: Eh bien, vous savez, c'est moi qui devais fournir le carburant.

20 Et, dans mon bataillon, on a appris qu'on avait besoin de carburant pour

21 son travail.

22 Question: Durant l'attaque, avez-vous vu l'un quelconque des commandants

23 de la police que vous avez mentionnés: Medakovic, Latac, Ogrizovic? Avez-

24 vous vu l'un ou l'autre de ces hommes au cours de cette journée où a eu

25 lieu l'attaque?

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1 Réponse: Ce jour-là? Non, je ne les ai pas vus.

2 Question: Bien.

3 Réponse: Simplement… Enfin, je ne peux pas dire. Pas à cet endroit, parce

4 qu'ils étaient de l'autre côté. C'est pour ça.

5 Question: De quel autre côté parlez-vous?

6 Réponse: Nous, nous étions tout à fait à l'est dans le sens de l'avance

7 des troupes. Ce groupe de policiers dont j'ai parlé était plutôt au sud.

8 Donc nous étions assez éloignés les uns des autres.

9 Question: Qu'est-il advenu des villageois, de la population croate de

10 Saborsko? Le savez-vous? Vous aviez déclaré que vous ne les aviez pas vus,

11 simplement quelques personnes âgées.

12 Réponse: Les habitants ont été regroupés et amenés dans le village serbe

13 voisin; là, on les a reçus, on leur a donné du thé et des sandwiches. Et,

14 le lendemain, ils ont été emmenés à bord de deux autobus; ils étaient 50,

15 60 à peu près. Ils ont été amenés jusqu'à la ligne de démarcation où on

16 les a laissés partir.

17 Question: Vous parlez de la ligne de démarcation: parlez-vous de la ligne

18 qui séparait les Serbes et les Croates que vous avez décrite?

19 Réponse: Oui, oui, c'est ça, mais de l'autre côté de la colline vers

20 Ogulin.

21 Question: Saborsko était-il le seul village croate de la région ou bien il

22 y en avait-il d'autres?

23 Réponse: C'est le premier village croate de notre côté du secteur. Après,

24 il y en a un autre plus petit, et puis il y a Rakovica et Slunj qui sont

25 également des villages croates. Donc ce sont les trois villages un peu

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1 plus importants qui ne sont pas serbes, parce que Slunj est déjà une

2 localité plus conséquente.

3 Question: Qu'est-il advenu de ces villages croates?

4 Réponse: Eh bien, je ne sais pas. Au bout d'un certain temps, Slunj et

5 Rakovica sont tombés; et à partir de mon village, on pouvait aller sans

6 entrave jusqu'à Belgrade, il y avait une continuité entre Knin et

7 Belgrade.

8 Question: Avez-vous voyagé dans la région? Et si oui, qu'avez-vous vu?

9 Réponse: Moi, je n'ai pas voyagé à ce moment-là dans ce coin-là.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je n'ai plus de questions, Monsieur

11 le Président.

12 M. le Président (interprétation): Merci.

13 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

14 (Contre-interrogatoire du Témoin C-1220 par M. Milosevic.)

15 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je vous prie de tenir compte

16 du fait qu'il est actuellement 13 heures 05.

17 Monsieur C-1220, je vous prierai de faire quelque lumière sur cette

18 question de Saborsko pour commencer. Vous avez dit que Saborsko était une

19 véritable forteresse croate, c'est bien cela?

20 Témoin C-1220 (interprétation): Oui, j'ai dit cela d'après ce que j'ai

21 entendu de la bouche de ces officiers.

22 Question: Bien. Mais le reste de ce que vous dites n'est pas une

23 hypothèse. Vous avez déclaré qu'en raison de cette forteresse votre

24 municipalité était bloquée, ainsi qu'une grande partie du territoire

25 située de l'autre côté de Saborsko, si je vous ai bien compris, et que

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1 vous n'aviez aucune possibilité de circuler vers les autres secteurs de la

2 Krajina. Vous avez même dit qu'il vous était impossible de vous

3 approvisionner, que tout avait disparu, etc. C'est bien ça?

4 Réponse: Oui, c'est exact.

5 Question: A partir de ce que vous avez dit au cours de votre

6 interrogatoire principal, j'ai compris que l'armée avait demandé aux

7 forces croates de Saborsko la possibilité de circuler librement sur cette

8 route, affirmant que pas un cheveu de la tête de quiconque ne serait

9 touché. Donc que tout le monde pourrait circuler sans la moindre

10 difficulté ou le moindre danger d'être attaqué?

11 Réponse: Oui. Les autorités qui étaient en place à l'époque ont dit cela;

12 c'est ce qu'on entendait dire. Et cette proposition a été faite à

13 plusieurs reprises.

14 Question: Et ils n'ont pas donné l'autorisation de jonction entre ces deux

15 endroits?

16 Réponse: C'est exact.

17 Question: Vous avez dit qu'après quelque temps, pratiquement tout avait

18 disparu. Y compris le sel, je parle du sel, mais je pourrais également

19 parler de vivres?

20 Réponse: Oui, parce que nous ne pouvions aller nulle part, nous étions

21 coupés de tout.

22 Question: Donc vous étiez totalement encerclés, bloqués?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Cela signifie-t-il que les soldats dont vous avez parlé, ceux

25 qui se trouvaient sur le terrain d'entraînement étaient également soumis à

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1 cet encerclement?

2 Réponse: Ce terrain se trouve dans ce secteur.

3 Question: Mais puisque vous dites qu'une offre a été faite à de nombreuses

4 reprises aux forces croates pour qu'elles permettent la libre circulation

5 sur la route et que celles-ci ont refusé. Cela signifie-t-il qu'il était

6 urgent de libérer la route, c'est-à-dire de lever cet encerclement de

7 Saborsko pour rendre la route à la circulation?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Votre réponse est donc affirmative?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Y avait-il d'autres moyens de débloquer la route et de permettre

12 l'approvisionnement du secteur de Saborsko et la possibilité de circuler?

13 Réponse: Il y avait des sentiers forestiers, mais il était impossible de

14 les utiliser: ces sentiers n'étaient contrôlés par personne donc ils

15 n'étaient jamais sûrs de s'y trouver. Vous voyez ce que je veux dire?

16 Personne ne pouvait utiliser en toute sécurité ces sentiers forestiers,

17 parce que n'importe qui -qu'il s'agisse des forces croates ou serbes-

18 pouvait se trouver dans la forêt et donc la sécurité n'était assurée pour

19 personne.

20 Question: Très bien. Il m'apparaît clairement que cette route que vous

21 souhaitiez débloquer était la seule voie de circulation utilisable?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Et ce déblocage a été tenté après combien de propositions faites

24 à la partie croate de débloquer la route?

25 Réponse: J'ai simplement entendu dire qu'il y a eu plusieurs offres de ce

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1 genre.

2 Question: Vous ajoutez qu'il a été garanti à l'époque que pas un cheveu de

3 la tête de quiconque ne serait touché?

4 Réponse: Oui, que la liberté de circulation serait assurée en toute

5 sécurité sans que personne ne risque le moindre danger.

6 Question: Donc la promesse était que les forces qui tenaient la route se

7 retireraient et que la route serait réouverte?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Bien. Nous allons maintenant parler des forces qui se trouvaient

10 aux alentours de Saborsko.

11 Réponse: J'ajouterai simplement que je ne peux pas affirmer que ce que je

12 viens de dire est la vérité. Mais c'est ce qu'on entendait dire, c'est ce

13 qu'on raconté, parce que moi je n'ai participé à rien.

14 Question: Oui, vous étiez simple soldat, vous n'étiez pas officier.

15 Réponse: Oui.

16 Question: Je vous comprends très bien. Mais dites-moi, vous avez déclaré,

17 répondant à une question il y a quelques instants, que vous n'aviez pas

18 discuté de cette question avec les responsables de l'armée et que vous ne

19 saviez pas qui était là exactement?

20 Réponse: Je n'ai pas bien compris. Pourriez-vous répéter?

21 Question: On vous a demandé d'où venaient ces soldats? Il s'agit des

22 soldats qui se trouvaient sur le terrain d'entraînement, n'est-ce pas?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Bon, maintenant ça c'est clair! Ensuite, on vous a demandé d'où

25 venait la police et vous avez dit que vous n'aviez pas vu les policiers

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1 que la police était sûrement présente, c'est bien cela?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Comment savez-vous qu'elle était présente si vous ne l'avez pas

4 vue?

5 Réponse: Eh bien, comment je le sais? Je le sais parce qu'on a parlé de

6 cela par la suite, mais comme je l'ai dit, j'étais dans une direction

7 complètement différente donc je ne pouvais pas les voir.

8 Question: J'ai compris, vous ne pouviez pas les voir.

9 On vous a demandé aussi si Ogrizovic était présent. Selon les notes que

10 j'ai prises, vous avez répondu: "Oui, sûrement, je ne l'ai pas vu, mais il

11 était sûrement là."

12 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

13 Vous ne l'avez donc pas vu mais vous considérez qu'il était sûrement là.

14 C'est bien cela la réponse?

15 Réponse: Oui, oui.

16 Question: Bon! Quelle était la cause du fait que les maisons brûlaient?

17 Est-ce qu'elles brûlaient parce qu'il y avait eu des tirs d'artillerie ou

18 est-ce que vous avez vu quelqu'un venir intentionnellement mettre le feu à

19 ces maisons?

20 Réponse: Je n'ai vu personne venir mettre le feu aux maisons, mais en tout

21 cas les maisons brûlaient: elles avaient été incendiées.

22 Question: Mais dites-moi, supposez-vous que c'était la conséquence de tirs

23 d'artillerie ou du fait que quelqu'un était venu délibérément mettre le

24 feu aux maisons?

25 Réponse: Les deux sont possibles.

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1 Question: Les deux sont possibles mais vous n'avez vu personne venir

2 mettre le feu?

3 Réponse: Non, personnellement je n'ai vu personne venir mettre le feu.

4 Question: Bien. Donc vous n'avez vu personne de vos yeux venir mettre le

5 feu aux maisons.

6 Vous avez déclaré qu'il y avait eu des morts du côté croate. Et, si j'ai

7 bien compris, vous avez dit avoir entendu un homme du groupe voisin

8 affirmer que Pero Krtan avait été tué, et que cet homme qui vous a appris

9 la nouvelle pleurait en annonçant cela, en vous annonçant donc la mort de

10 Pero Krtan.

11 Réponse: Oui, c'est exact.

12 Question: Dites-moi, comment savez-vous que d'autres ont été tués

13 également?

14 Réponse: Cet homme a dit: "Pero Krtan a été tué", et il pleurait. Et il a

15 ajouté: "Et il y en a encore deux autres."

16 Question: Oui. Mais je ne me rappelle plus exactement si c'est vous qui

17 avez dit cela ou si c'est le Procureur. Mais d'où vient ce chiffre d'une

18 vingtaine d'hommes tués à ce moment-là?

19 Réponse: Par la suite, on a entendu dire qu'il y avait à peu près 20

20 morts.

21 Question: Donc c'est une rumeur selon laquelle il y aurait 20 morts?

22 Réponse: Oui. Enfin, c'est ce qu'on racontait. Moi, je n'ai pas vu de mes

23 yeux une seule victime; je parle de moi, personnellement.

24 Question: Mais vous avez entendu dire que Pero Krtan était mort.

25 Réponse: Oui, c'est ça, un détail. Le premier renseignement détaillé que

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1 j'ai appris avec les membres de mon groupe, c'est la première fois que les

2 membres de mon groupe ont appris que quelqu'un était mort à Saborsko.

3 Jusqu'à ce moment-là, nous n'avions pas entendu parler de la mort de

4 quiconque.

5 Question: Très bien. Mais quand vous dites que ce sont des personnes âgées

6 qui sont allées enterrer les corps, et vous avez ajouté qu'une excavatrice

7 avait été utilisée, vous avez dit également qu'il y avait des animaux qui

8 avaient été tués?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Donc, partez-vous de l'hypothèse que cette excavatrice a été

11 utilisée pour mettre en terre les cadavres de ces animaux plutôt que des

12 hommes?

13 Réponse: C'est la première fois que j'ai entendu cette expression. Il a

14 été dit: "Il faut réaliser le ratissage du terrain", ce sont les mots qui

15 ont été utilisés.

16 Question: Est-ce que cela signifie que les cadavres des animaux devaient

17 également être enterrés? Mais en avez-vous entendu parler en rapport avec

18 l'inhumation des corps humains?

19 Réponse: Oui, j'ai entendu que des cadavres humains avaient été

20 découverts, des cadavres démembrés. C'est ce que j'ai entendu, sans doute

21 à cause des bombes qui sont tombées.

22 Question: Très bien. Donc vous avez entendu dire que ce Pero Krtan avait

23 été tué et que deux autres hommes avaient perdu la vie, n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Ai-je raison de conclure, à partir de ce que vous avez dit, que

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1 tous ces morts avaient été tués au cours du pilonnage, c'est bien ça?

2 Réponse: Eh bien, je ne pourrais pas dire les choses de cette façon. Pero

3 Krtan et ces deux hommes, à mon avis, sont les seuls qui n'ont pas été

4 tués pendant le pilonnage.

5 Question: Mais, dans ces conditions, comment ont-ils trouvé la mort?

6 Réponse: Ils se sont faits tuer.

7 Question: Ah, ils se sont faits tuer! Savez-vous qui les a tués ou est-ce

8 que quelqu'un d'autre le sait?

9 Réponse: Des gens parlent de cela, parlent de l'auteur de ces meurtres,

10 mais je ne les ai pas vus. Il y a des gens qui savent les noms de ceux qui

11 les ont tués.

12 Question: Donc, des noms ont été mentionnés comme étant ceux des auteurs

13 des meurtres?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Voyons, je m'interroge sur un renseignement que vous avez

16 fourni. Je parle de votre déclaration préalable, je la recherche… une

17 déclaration que vous avez faite à Karlovac. On lit: "Republika Srpska,

18 administration de la municipalité de Karlovac. Ministère de l'intérieur.

19 Département de lutte contre le terrorisme. Police judiciaire." Et on voit

20 une note de service.

21 Selon ce document officiel que j'ai entre les mains, le meurtre de trois

22 hommes n'est absolument pas mentionné dans ce document. Mais vous l'avez,

23 je suppose, cette déclaration faite par vous?

24 Nous lisons -je cite-: "Dans la direction de l'avancée de ma compagnie,

25 aucune personne vivante n'a été arrêtée. J'affirme également n'avoir vu

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1 aucun corps sans vie. Il est probable que les gens se sont retirés et se

2 sont enfuis avant notre arrivée." (Fin de citation.)

3 Et puis –je cite-: "Justement quand nous nous trouvions à Saborsko,

4 quelqu'un est arrivé, un combattant à nous Bogdan Cubra qui était en

5 larmes et nous a dit que Pero Bicanin surnommé "Krta" s'était fait tuer."

6 (Fin de citation.)

7 Plus tard, vous dites: "Je n'ai pas vu cela de mes yeux, je suppose que

8 c'est Cubra qui l'a vu, à moins qu'il n'ait trouvé le corps sans vie de

9 Pero et ils étaient bons amis." (Fin de citation.)

10 C'est bien ce que signifie la dernière expression, "ils étaient bons

11 amis", n'est-ce pas?

12 Réponse: Bogdan Cubra et Pero Krtan se connaissaient et étaient bons amis.

13 Question: Oui, mais vous ne savez pas si c'est lui qui a trouvé le corps

14 sans vie de Pero?

15 Réponse: C'est lui qui a dit que cet homme avait été tué, c'est lui qui

16 l'a dit. Je ne pourrais pas l'affirmer parce que je ne l'ai pas vu de mes

17 yeux, mais c'est lui qui a dit cela.

18 Question: Et d'après vous, pourquoi cette personne a-t-elle tué Pero

19 Krtan?

20 Réponse: Moi, je ne fais que donner mon avis personnel parce que ces deux

21 ou trois hommes, c'étaient des gens qui n'auraient pas pu vivre dans

22 quelque société que ce soit, ni en paix ni en guerre. Le fait que Pero

23 Krtan était Croate, ce n'est pas ça qui comptait, mais plutôt le fait que

24 Pero Krtan avait quelques milliers de deutschemarks sur lui.

25 Question: Vous voulez dire que Pero Krtan a été tué pour des raisons, des

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1 motifs dictés par le désir d'enrichissement, pour être pillé?

2 Réponse: Non, non, non, vous ne m'avez pas compris. Ce que j'ai dit, c'est

3 que ceux qui disent que c'est Bogdan Cubra qui l'a tué, vous voyez, parce

4 qu'ils disent que c'est lui qui a tué Pero Krtan, ces gens-là disent que

5 Pero a été tué parce qu'il avait de l'argent sur lui et pas parce qu'il

6 était croate.

7 Question: C'est exactement ce que je viens de vous dire: il l'aurait tué

8 pour le voler et pas parce qu'il était croate.

9 Réponse: En effet.

10 Question: Il l'aurait tué parce qu'il avait de l'argent?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Il l'aurait tué parce qu'il voulait lui dérober cet argent.

13 Bien. Donc, selon ce que vous avez dit ici, vous n'avez vu personne tuer

14 qui que ce soit. Vous avez entendu dire que Pero Krtan avait été tué, vous

15 croyez qu'il a été tué parce qu'on voulait le voler. C'est tout ce que

16 vous dites?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Et vous savez qu'il y a eu 50 ou 60 Croates qui ont été

19 regroupés et emmenés dans un autre village? On leur a donné des

20 sandwiches: c'est bien cela?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Et le lendemain, on les a emmenés à bord d'un autobus jusqu'à la

23 ligne de démarcation pour rejoindre le territoire contrôlé par l'armée

24 croate?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Est-ce qui que ce soit les a malmenés?

2 Réponse: Non, ces personnes n'ont été malmenées par absolument personne.

3 Question: Y a-t-il eu d'autres civils qui auraient été malmenés, à votre

4 connaissance?

5 Réponse: Je ne comprends pas votre question.

6 Question: Y aurait-il eu d'autres civils, des Croates, qui auraient été

7 malmenés par quelqu'un? Avez-vous vu qui que ce soit malmener des civils

8 croates?

9 Réponse: Ça, absolument pas.

10 Question: Donc ces personnes ont été, dès le lendemain, amenées à bord

11 d'un autobus jusqu'au territoire sous contrôle croate?

12 Réponse: Oui, c'est exact. Jusqu'au territoire tenu par les Croates.

13 Question: Vous avez dit que deux ou trois hommes commettaient des actes de

14 pillage et que ce sont les seuls qui auraient pu avoir cette idée.

15 Alors, est-ce que vous connaissiez ces hommes qui ont commis ces pillages?

16 Puisque vous dites que ce sont les seuls à qui cette idée aurait pu venir,

17 il est probable que vous les connaissiez déjà avant comme étant des

18 personnes susceptibles de piller des propriétés?

19 Réponse: C'est vous qui le dites, qui prononcez ces noms.

20 Question: Vous voulez parler des noms donnés par vous à la police de

21 Karlovac dans votre déclaration écrite?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Donc les hommes qui auraient tué Pero sont également ceux qui

24 ont pillé le magasin?

25 Réponse: Oui, ils étaient les seuls capables d'agir de la sorte.

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1 Question: Et la raison du meurtre était donc le pillage et le vol?

2 Réponse: Oui.

3 Question: De combien de personnes parlons-nous? De combien d'hommes: deux

4 ou trois?

5 Réponse: Deux ou trois, pas plus. Quelques-uns.

6 Question: Quelques-uns?

7 Réponse: Oui, oui, quelques-uns. Et à l'époque, ils étaient les seuls

8 capables de tels actes.

9 Question: Les seuls capables de cela?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Est-ce que quelqu'un les a dénoncés à la police?

12 Réponse: Il n'était pas facile de les dénoncer, ce n'était facile pour

13 personne parce qu'ils avaient des armes et les dénoncer était risqué: ils

14 auraient pu tuer. Si je l'avais fait, ils m'auraient tué; ils n'auraient

15 pas cillé des yeux avant de me tuer.

16 Question: Donc c'était un groupe de deux ou trois pilleurs, voleurs?

17 Réponse: Oui, c'est exact.

18 Question: Ce n'étaient pas des soldats de la JNA, n'est-ce pas, ceux dont

19 vous parliez comme les hommes que vous connaissiez?

20 Réponse: En effet, c'étaient des hommes qui se seraient placés sous le

21 commandement de personne; ils avaient leurs propres armes.

22 Question: Etaient-ils de votre village? Est-ce pour cela que vous les

23 connaissiez si bien?

24 Réponse: Oui, de ma ville.

25 Question: Bien. Vous dites qu'après la chute de Saborsko ou plutôt

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1 qu'après que Saborsko a été reprise, il était possible de circuler sur

2 tout le territoire, sans interruption? C'est bien ce que vous dites? C'est

3 bien ça?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Bien. Revenons à présent sur une autre question parce que je

6 voulais faire la clarté sur ces questions liées à Saborsko pendant que

7 vous les aviez encore à l'esprit, suite à l'interrogatoire principal. Je

8 pense qu'à moins de nécessité absolue, nous n'aurons pas à y revenir.

9 Dites-moi, je vous prie, est-il exact que, dans la localité où vous

10 habitiez, selon les chiffres dont je dispose, il y avait plus de 2.000

11 Serbes et seulement 44 Croates. Je parle de l'endroit où vous viviez en

12 1991.

13 Réponse: Je pense que les Serbes étaient beaucoup plus nombreux que les

14 Croates.

15 Question: Dites-moi combien ils étaient parce que la proportion est

16 importante et nous aimerions connaître les chiffres?

17 Réponse: Je pense que le nombre des électeurs dans ma ville et dans les

18 villages voisins atteignait 4.000 personnes.

19 Question: Oui, mais je parle uniquement de la ville où vous habitiez; je

20 ne parle pas des environs.

21 Réponse: Ah! la ville elle-même. La ville elle-même, d'accord, elle n'est

22 pas grande. Vous parlez du centre, n'est-ce pas?

23 Question: Oui.

24 Réponse: C'est une petite bourgade.

25 Question: Alors, 2.000 Serbes et 44 Croates pour cette bourgade, est-ce

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1 que ce sont des chiffres exacts?

2 Réponse: Ce serait trop. Ce serait trop pour la localité en tant que

3 telle.

4 Question: Mais combien seraient-ils alors?

5 Réponse: Je pense qu'il y avait dans les 4.500 à 5.000 habitants au total.

6 Question: D'accord. Combien de Serbes et de Croates?

7 Réponse: Je pense qu'il ne devait y avoir que 2% de Croates, 2 ou 3%.

8 Question: Hum, hum, 2% de Croates?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Vous dites que la majorité des hommes au poste de police étaient

11 des Serbes, mais il y avait aussi des Croates, même si le pourcentage de

12 la population croate n'était que de 2 ou 3%, n'est-ce pas? En tout cas,

13 ils étaient au poste de police dans une proportion comparable à celle de

14 la population?

15 Réponse: Je ne sais pas quels sont les motifs qui président à ce genre de

16 proportion.

17 Question: Bien. Vous êtes un témoin protégé, je ne prononcerai donc pas

18 votre nom. Mais vous dites que, dans l'entreprise où vous travailliez en

19 tant que chef, en page 1 de votre déclaration préalable, vous dites que 32

20 employés ont été licenciés. C'est bien cela?

21 Réponse: Vous savez de quelle entreprise nous parlons?

22 Question: Oui.

23 Réponse: Le processus du travail a cessé complètement dans toute cette

24 entreprise.

25 Question: Vous voulez dire que le service a cessé, c'est bien cela?

Page 11616

1 Réponse: Oui, de cet endroit jusqu'à Zagreb, dans toute cette région.

2 Question: Ils ont été licenciés?

3 Réponse: Ils ont été mis en congé sans solde.

4 Question: Ah, en congé sans solde!

5 Réponse: Moi, je pensais que quelque chose se passerait par la suite et

6 qu'ils retrouveraient leur travail. Moi, j'étais le seul qui était tenu de

7 faire une permanence de 7 heures du matin jusqu'à 14 heures de l'après-

8 midi.

9 Question: De quelle nationalité étaient les employés qui ont été

10 licenciés?

11 Réponse: Serbes.

12 Question: Et ils ont été licenciés pour cette raison et n'ont plus

13 jamais…?

14 Réponse: Oui, pour cette raison et ils n'ont plus jamais… (Phrase non

15 terminée.)

16 Question: Mais lorsque ces quelques Croates, qui faisaient partie de la

17 police dans votre localité, sont arrivés, est-ce que d'autres encore les

18 ont rejoints? On vous a demandé s'il s'agissait de gens de la région qui

19 étaient arrivés pour compléter les effectifs de police?

20 Réponse: Oui, c'étaient des gens de la région.

21 Question: Ils étaient donc responsables de la loi et de l'ordre dans ces

22 hameaux qui étaient pratiquement peuplés uniquement de Serbes?

23 Réponse: Oui, on peut dire les choses comme ça.

24 Question: Et il y avait 2 ou 3% de Croates dans cette population?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Est-ce qu'ils ont quitté la région?

2 Réponse: Oui. Je sais qu'un ou deux policiers étaient de Saborsko et, plus

3 tard, ils ne pouvaient plus travailler; donc ils ont quitté leur travail.

4 Je ne sais pas si vous comprenez bien, mais par la suite il n'était plus

5 possible de continuer.

6 Question: Il y avait des barrages routiers des deux côtés?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Du côté serbe? Donc du côté des forces serbes et du côté des

9 forces croates, c'est bien cela?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Est-ce que quelqu'un a contraint les Croates à quitter la région

12 ou est-ce qu'ils se sont contentés…?

13 Réponse: Je pense que simplement…

14 Question: Ils ont été forcés de partir compte tenu des circonstances?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Au paragraphe 3 de la première page de votre déclaration

17 préalable, vous dites que les Serbes ont commencé à s'inquiéter pour leur

18 sécurité suite au référendum sur l'indépendance de la Croatie. C'est bien

19 cela?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Vous dites dans vos déclarations que le Pr Raskovic était

22 employé en faveur du respect des droits du peuple serbe?

23 Réponse: Oui, j'ai entendu le Pr Raskovic le dire.

24 Question: Oui, allez-y.

25 Réponse: Eh bien, autant que l'être national serbe serait respecté par les

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1 autorités croates la population serbe en ferait de même. Et à un moment,

2 il avait dit que, au moyen de toute ressource démocratique, ils allaient

3 demander ces droits, parce que pour lui, à ses yeux, l'option de guerre

4 n'était pas la solution qui convenait. C'est ainsi que j'avais compris

5 cela.

6 Question: Donc il avait raison, il avait juste demandé qu'on respecte les

7 droits des Serbes et il demandait le traitement sur pied d'égalité des

8 Serbes en Croatie, et rien de plus?

9 Réponse: C'est cela, rien de plus.

10 Question: Vous étiez d'accord avec ce qu'il disait, n'est-ce pas? Vous

11 disiez qu'il avait raison?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Vous dites que les relations entre les Serbes et les Croates

14 avaient été bonnes dans votre région et qu'elles se détérioraient de façon

15 accélérée, n'est-ce pas?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Parce que les raisons que vous avez avancées en répondant à

18 l'une des questions qui vous avaient été posées tout à l'heure, vous avez

19 précisé que le HDZ avait envoyé des messages négatifs à l'intention de la

20 population serbe, n'est-ce pas?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Et que Sime Djodan avait dit que les Serbes constituaient un

23 facteur de perturbation?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Et qu'est-ce qu'il avait dit?

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1 Réponse: Il avait dit qu'il n'allait pas y avoir de Serbes, il l'avait dit

2 dans un message pour Pâques. Je l'ai dit moi-même et il avait dit que les

3 Serbes étaient un facteur de perturbation et que tant qu'il serait là,

4 l'Etat croate ne saurait exister, ou subsister; qu'il fallait soit les

5 chasser, les tuer ou les convertir.

6 Question: J'imagine que vous êtes conscient du fait que c'était là le

7 slogan oustachi qui date de la Deuxième Guerre mondiale, à savoir "un

8 tiers à chasser, un tiers à tuer et un tiers à convertir". C'est donc la

9 même chose qui s'est renouvelée?

10 Réponse: Je n'affirme pas que cela se serait effectivement passé, mais

11 c'étaient les messages qui avaient été envoyés à partir de ces meeting.

12 Question: Y avait-il d'autres personnes qui envoyaient des messages de ce

13 genre?

14 Réponse: Il y avait un représentant du Parlement, un député du Parlement.

15 Question: Qui envoyait des messages de ce genre depuis les assemblées ou

16 les réunions du Parlement?

17 Réponse: Non, depuis les réunions, des meetings politiques. J'ai pu lire

18 cela dans le journal du soir.

19 Question: Le Zagrebacki Vecernji List, le "Vecernji List" de Zagreb?

20 Réponse: Oui, exactement.

21 Question: Saviez-vous que, précisément en raison de ces événements, la

22 présidence de la Yougoslavie, dès lors -et j'entends là début octobre

23 1991-, avait déclaré que le pays se trouvait en danger de guerre imminent,

24 en situation de danger de guerre imminent?

25 Réponse: Oui, je suis au courant.

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1 Question: Et savez-vous qu'il y a eu mise en place d'unités paramilitaires

2 croates sous forme de ZNG, à savoir rassemblement de la Garde croate?

3 Réponse: Oui, j'ai vu cela. C'est ce qui avait été étrange au stade de

4 Maksimir où il y a eu promotion précisément de ces effectifs.

5 Question: Quand est-ce que vous avez su cela?

6 Réponse: Je ne sais pas si c'était 1991, tout au début. Ne me prenez pas

7 au mot.

8 Question: Mais qui constituaient ces effectifs de ZNG, rassemblement de la

9 Garde nationale?

10 Réponse: Je ne sais pas, je ne sais pas vous le dire.

11 Question: Avez-vous compris que la mise en place de ce rassemblement de la

12 Garde nationale avait constitué une menace à l'égard de la population

13 serbe en Croatie?

14 Réponse: Oui. Je ne fais qu'affirmer que la population serbe, à l'époque,

15 avait connu une peur très grande. Pour ce qui est de la politique, je

16 dirai que je n'ai jamais été intéressé par celle-ci et je ne pense pas

17 pouvoir répondre de façon qualitativement appropriée dans ce sens-là.

18 Question: Je ne vais pas vous poser de questions politiques, pour ma part.

19 Vous avez expliqué l'appréhension qui avait été ressentie suite aux

20 déclarations de Sime Djodan.

21 Réponse: Oui.

22 Question: Suite à la mise en place de ce rassemblement de la Garde

23 nationale, j'imagine que vous le saviez, quoi qu'il ne s'agisse pas là

24 d'une question politique proprement dite, que le fait que la mise en

25 place, la création de ce rassemblement de la Garde nationale avait été une

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1 formation illégale parce qu'il y avait l'armée et la police qui étaient

2 des effectifs légalement prévus en tant que forces armées?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Et en novembre 1991, il s'agit d'événements où la JNA s'était

5 encore trouvée sur tout le territoire de la Yougoslavie avant la

6 reconnaissance de la Croatie et avant la reconnaissance de son

7 indépendance. Je pense qu'il s'agissait de novembre 1991.

8 Réponse: Oui. C'était, je pense, en novembre.

9 Question: Mais vous souvenez-vous du fait que cette proclamation de

10 l'indépendance de la Croatie et la création de ce rassemblement de la

11 Garde nationale ainsi que tous ces événements, pour ne pas revenir à

12 Djodan et aux autres ainsi qu'à leurs représentants, donc que tout ceci

13 s'est accompagné de bon nombre de symboles oustachis et symboles autres

14 datant de la Deuxième Guerre mondiale?

15 Réponse: Eh bien, oui.

16 Question: Est-ce que dans le courant de l'année 1991 et avant les

17 événements du mois de novembre, les événements du mois de novembre que

18 vous avez décrits, il y avait eu en Croatie des conflits armés entre ces

19 effectifs paramilitaires de Croatie comme les ZNG et la population serbe

20 en Croatie?

21 Réponse: Il y a eu l'événement de Plitvice.

22 Question: Qu'est-il arrivé à Plitvice?

23 Réponse: Il y a eu, à Plitvice, un conflit entre les effectifs serbes et

24 croates. Je crois que c'était le 1er avril, mais c'était Pâques, c'étaient

25 les fêtes de Pâques catholiques.

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1 Question: Donc Pâques en 1991?

2 Réponse: Oui, c'est comme cela que je l'ai gardé en mémoire.

3 Question: Comment ce conflit est-il survenu?

4 Réponse: Eh bien, on ne pouvait pas aller à Plitvice. Les effectifs serbes

5 s'étaient trouvés à Plitvice et on ne pouvait plus passer par cette route.

6 Question: Oui?

7 Réponse: Et c'est là qu'il y a eu des conflits. Et il y a eu des victimes;

8 nous avons ouï-dire qu'il y avait eu des victimes.

9 Question: Est-ce que vous vous souvenez du nombre de personnes qui ont été

10 tuées à Plitvice?

11 Réponse: D'après ce que je pense savoir, il y a eu un soldat croate et un

12 soldat serbe de tués. Enfin, quand je dis "soldats", je ne sais pas ce

13 qu'ils faisaient au juste.

14 Question: Est-ce que vous avez eu vent des événements tels, par exemple,

15 celui où les formations paramilitaires croates étaient des effectifs, avec

16 le MUP de Croatie, qui, début 1991, s'étaient attaqués à 18 villages

17 serbes dans la région de Papuk, Grubisko Polje et Psunj, en novembre 1991?

18 Réponse: Oui, nous avons eu vent de la chose.

19 Question: Serait-il exact de dire… Avant les événements décrits en pages

20 2, 3 et 4 de votre déclaration préalable -je ne vais pas tout citer, vous

21 savez de quels événements je suis en train de parler-, donc que ces

22 formations telles que le rassemblement de la Garde nationale et autres

23 formations paramilitaires avaient été bloquées ou avaient bloqué et

24 attaqué des dizaines de casernes de la JNA tout au large de la Croatie;

25 donc ils avaient bloqué ces casernes et les avaient attaquées?

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1 Réponse: Oui.

2 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous nous dire quelque chose à ce

3 sujet?

4 Témoin C-1220 (interprétation): C'est ce que nous avions pu voir.

5 M. le Président (interprétation): Je pense que nous nous écartons beaucoup

6 de la déclaration du témoin ou de ce sur quoi il peut déposer.

7 Monsieur Milosevic, est-ce que vous avez encore beaucoup de questions à

8 poser? Apparemment, vous avez déjà tout évoqué?

9 M. Milosevic (interprétation): Bien, Monsieur May. Je suppose que j'aurai

10 le droit de continuer à poser des questions demain?

11 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous ne devez pas

12 nécessairement utiliser tout le temps qui vous est octroyé.

13 Maître Tapuskovic, est-ce que vous avez des questions à poser à ce témoin?

14 M. Tapuskovic (interprétation): J'aurai très peu de questions, Monsieur le

15 Président. Je pense pouvoir finir en quelques minutes.

16 M. le Président (interprétation): Fort bien. Demain matin, par conséquent.

17 Monsieur le Témoin C-1220, veillez à être de retour à l'audience demain

18 matin, à 9 heures, pour terminer votre déposition.

19 Avant de suspendre l'audience, nous allons remettre les pièces qui n'ont

20 pas été versées au dossier. On n'a pas demandé le versement de ces pièces;

21 je remets donc les documents.

22 (Les Juges remettent les documents à la Greffière.)

23 (L'audience est levée à 13 heures 42.)

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