Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 11 novembre 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 09 heures 02.)

3 (Audience publique.)

4 (L'accusé Slobodan Milosevic est dans le prétoire.)

5 (Le témoin, M. Mustafa Candic, est dans le prétoire.)

6 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?

7 (Interrogatoire principal du témoin, M. Mustafa Candic, par M. Nice.)

8 M. Nice (interprétation): Nous allons terminer l'audition de M. Candic.

9 Nous en étions au paragraphe 21 du résumé qui a été soumis aux Juges et à

10 la Chambre, en général.

11 Quelques détails avant de terminer, Monsieur Candic.

12 Au cours de la bataille de Vukovar, au cours de l'automne 1991, est-ce que

13 vous avez appris le fait qu'il y avait eu un soldat de la JNA qui avait

14 été arrêté par son officier de commandement pour avoir exécuté quatre

15 civils croates? Et est-ce qu'il avait été appelé à Zemun, près de

16 Belgrade?

17 M. Candic (interprétation): Messieurs les Juges, ce que je sais dire,

18 c'est qu'à l'époque de la chute de Vukovar, à savoir à l'époque de la

19 conquête de Vukovar par la JNA, l'un des soldats qui avaient fait partie

20 de l'unité des communications de la garnison de l'aviation à Batajnica qui

21 avait été chargée de transporter les civils emprisonnés vers la Serbie,

22 donc à l'occasion de cette tentative de transporter ces gens vers la

23 Serbie, le soldat en question, qui n'était pas vraiment un soldat, qui

24 était un caporal -donc il avait deux petits macarons rouges sur son

25 épaule- a fusillé, en tirant dans le dos, quatre prisonniers, quatre

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1 civils emprisonnés. Son commandant d'unité trouvant que la chose était

2 contraire au droit de la guerre international s'est comporté de façon tout

3 à fait régulière et correcte, et il a placé en détention ce soldat, ce

4 caporal, vers un groupe de renseignement central pour traiter la question.

5 Question: Et de fait et au cours de cet événement, quelle est la procédure

6 qui a été entreprise et quelle fut la durée de la détention de cet homme?

7 Réponse: Dans ce cas concret, à savoir lorsque ce soldat a été amené vers

8 ce centre de renseignement central à Zemun, il a été accueilli par le

9 lieutenant-colonel Ratko Radakovic; et il s'est entretenu avec l'intéressé

10 au maximum pendant une heure. Mais cet entretien ne s'est pas déroulé de

11 la façon prévue par la réglementation en vigueur, à savoir aux fins de

12 mettre en place une documentation qui devait être remise à un juge

13 d'instruction, à savoir au procureur public, pour ce qui est de la

14 sécurité pénale envisagée pour l'intéressé. Mais l'entretien s'était

15 plutôt déroulé, je dirai, de façon décontractée, d'une façon nonchalante.

16 Au bout d'une heure, le soldat en question a été relâché de ce groupe de

17 renseignement central et il est reparti tout seul par les transports

18 publics jusqu'à son unité. Donc à l'égard de ce soldat, rien n'a été

19 entrepris pour ce qui est de sa responsabilité pénale.

20 Question: Très bien. Et ce colonel, le colonel Radakovic, est-ce qu'il

21 s'est prononcé quant à la gravité de meurtre ou d'assassinat de ce genre?

22 Vous en a-t-il parlé?

23 Réponse: A plusieurs reprises, j'ai entrouvert la porte vers la pièce où

24 avait lieu cet entretien avec le… non pas le colonel mais le lieutenant-

25 colonel Ratko Radakovic. Et une fois le soldat en question relâché, je lui

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1 ai demandé pourquoi il l'avait relâché; parce qu'il avait en effet tué

2 quatre personnes en leur tirant dans le dos. Et il m'a répondu: "Mais

3 laisse tomber. Ça arrive, c'est quotidien. Nous ne pouvons pas, pour

4 chaque cas individuel, entamer des poursuites pénales".

5 Et en ce qui me concerne, en ma qualité de personne éprise du respect de

6 la loi, j'avais été frappé; je ne pouvais pas croire qu'un officier si

7 haut gradé pouvait adopter un comportement analogue.

8 Question: Ensuite, je vous demanderai un récit rapide de deux opérations

9 dont l'une a reçu le nom de "Opera". Et puis, il y a l'Opération

10 "Labrador". Pourriez-vous, en quelques phrases, nous dire en quoi

11 consistait cette Opération "Labrador"?

12 Réponse: L'Opération "Opera", à savoir "action opérationnelle 'Opera'",

13 est une continuation naturelle de l'"Action opérationnelle 'Labrador'". En

14 effet, à Zagreb, il a été mis en place un réseau d'informateurs très

15 puissant pour ce qui est des services de sécurité d'Etat de la République

16 de Croatie. Cela se fait en corrélation avec de hauts responsables au sein

17 du HDZ.

18 Et dans le cadre de l'Opération "Labrador", il a été réalisé plusieurs

19 actes terroristes concrets. Et, lorsque les autorités croates ont appris

20 qu'un groupe de ce genre intervenait à Zagreb, les auteurs de l'Opération

21 "Labrador" sont partis à Belgrade en emportant toute la documentation. Dès

22 leur arrivée à Belgrade, vers la deuxième moitié du mois d'août, il a été

23 mis en place un département chargé de la guerre, de la propagande de

24 guerre appelé "Opera". Le siège de ce département se trouvait au

25 commandement de l'aviation et de la défense antiaérienne à Zemun.

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1 Question: Quelques éléments de détails. Le premier n'est peut-être pas en

2 rapport avec ces opérations, ces deux opérations, mais est-ce qu'à un

3 cimetière de Zagreb, il y a eu des actes en rapport avec des tombes juives

4 et qui auraient elles-mêmes un rapport avec l'une de ces deux opérations?

5 Réponse: Messieurs les Juges, il serait exact de dire que, dans le cadre

6 de cette opération "Labrador", alors que le réseau d'informateurs existait

7 à Zagreb et intervenait là-bas, au cimetière de Mirogoj à Zagreb, il y a

8 eu une action de terrorisme qui a consisté en la pose d'explosifs au

9 niveau de tombes de Juifs à Mirogoj. L'objectif avait été de présenter les

10 autorités croates comme étant pro-fascistes, à savoir aux fins d'installer

11 une sorte d'animosité, d'attiser l'animosité à l'égard des Juifs, ou

12 plutôt des Juifs à l'égard des Croates à Zagreb.

13 Il y avait une autre intervention terroriste envisagée pour ce qui est de

14 la synagogue à Zagreb, mais cela n'a pas été réalisé parce que les auteurs

15 de l'action "Labrador" ont dû s'enfuir à Belgrade parce qu'ils s'étaient

16 trouvés menacés d'arrestation.

17 M. Nice (interprétation): Et enfin, dans le cadre de l'action ou de

18 l'Opération "Labrador", qui était l'officier commandant cette action? Et

19 est-ce qu'il y a une partie des détachements KOG qui aurait participé à

20 cette action?

21 M. Candic (interprétation): L'officier qui était chargé de l'action

22 opérationnelle "Labrador" était le chef du département de sécurité, le

23 colonel Slobodan Rakocevic, à Zemun. Et les agents opérationnels du 2e

24 Détachement des services de contre-espionnage à Zagreb, Cedo Knezevic, et

25 le commandant (dont l'interprète n'a pas entendu le nom) avaient gardé

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1 leurs collaborateurs en attente, pour ce qui d'obtenir des renseignements

2 concernant ce qui se faisait à Zagreb et concernant ce qui se faisait au

3 niveau des autorités au sommet de la République de Croatie.

4 M. Kwon (interprétation): Monsieur Nice, "Labrador", est-ce le nom d'un

5 endroit ou est-ce que ça a une signification particulière en BCS?

6 M. Nice (interprétation): C'est peut-être un toponyme, mais nous allons

7 demander au témoin de tirer ceci au clair.

8 Est-ce que le nom "Labrador" est le nom d'un endroit particulier? Et

9 pourquoi a-t-on choisi ce terme pour désigner cette opération-ci?

10 M. Candic (interprétation): Pour toute action opérationnelle, même quand

11 il s'agit de niveaux de traitement de bien moindre importance, il y a des

12 noms de code pour ce qui est des correspondances entre les autorités

13 subalternes et les autorités hiérarchiquement supérieures, pour ce qui est

14 de certaines opérations. Et le nom de "Labrador" a été donné pour établir

15 une association avec un chien; c'est une race de chien qui s'appelle

16 labrador. Et les réseaux d'informateurs à Zagreb ont placé à plusieurs

17 endroits des explosifs, des armements et tout le matériel nécessaire pour

18 ce qui est de la réalisation d'actes de terrorisme sur le territoire de

19 Zagreb et au-delà de celui-ci.

20 Question: Et posons la même question pour ce qui est de l'opération

21 suivante, l'opération "Opera".

22 Pourquoi aurait-on choisi ce terme pour désigner la deuxième opération?

23 Réponse: Eh bien, "Opera", comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est

24 une appellation abrégée pour dire "département de guerre de propagande".

25 C'était un niveau supérieur d'opération par rapport à l'opération

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1 "Labrador", parce qu'il s'agissait d'intervenir sur le plan psychologique

2 sur tout le territoire de la République de Croatie de Bosnie-Herzégovine

3 et de Serbie.

4 M. Nice (interprétation): Pourriez-vous nous donner quelques exemple

5 précis de la façon dont s'est appliquée ou s'est réalisée cette opération

6 "Opera"? Tout d'abord, pour ce qui est de troubles, de propagande, de

7 désinformation… Qu'a-t-on fait précisément?

8 M. Candic (interprétation): Lorsqu'il est question de "Opera", je dois

9 d'abord dire que, s'agissant des auteurs ou des intervenants clés, Radenko

10 Radojcic, j'ai ouï dire de sa bouche que des plans concrets ont été

11 élaborés pour ce qui est du territoire d'abord de la République de

12 Croatie, puis de la République de Bosnie-Herzégovine. Et c'est lui,

13 concrètement, qui m'a relaté la chose.

14 J'ai été témoin de plusieurs actions opérationnelles réalisées dans le

15 cadre de l'opération "Opera". En premier lieu, je pense devoir mentionner

16 une action qui avait pour objectif de présenter les autorités croates

17 comme étant une instance fasciste parce que, sur le territoire du pays, il

18 y avait une population croate en Serbie qui a été quotidiennement

19 terrorisée par des unités de volontaires de Seselj, "Arkan" et des frères

20 Jovic originaires de Pazova. On leur jetait des grenades à main appelées

21 "kasikara" dans leur jardin de maison pour les terroriser; bon nombre

22 d'entre eux ont fui vers la Croatie.

23 Et pour présenter la chose comme si personne ne les avait chassés, on a

24 envisagé une action dans le cadre de laquelle, au sein du journal télévisé

25 de la télévision de Belgrade, à un endroit, à une place centrale, on a

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1 placé, on a diffusé un bulletin, une conversation entre deux leaders du

2 HDZ. Un leader présenté était un homme de Zagreb et l'autre était un

3 leader du HDZ, Ilok. J'ai suivi ce bulletin d'information et, d'après les

4 voix que j'ai cru reconnaître, j'ai compris qu'il s'agissait de Radenko

5 Radakovic et du lieutenant-colonel Ivan… Jovan Sabulovic. Le leader du HDZ

6 de Zagreb avait donné donc un ordre à l'autre personne, qui était

7 originaire d'Ilok, de mobiliser la population croate en Serbie pour les

8 diriger, dans un délai de deux jours, en direction de Zagreb. L'homme du

9 HDZ originaire d'Ilok disait que cela était impossible, que ce serait très

10 difficile à faire…

11 M. le Président (interprétation): Je dois vous interrompre. Difficile de

12 suivre tout ceci. Pourriez-vous résumer ceci en quelques mots?

13 M. Nice (interprétation): Ce qui a été présenté à la télévision, était-ce

14 là une information exacte ou était-ce, au contraire, de la désinformation?

15 M. Candic (interprétation): Comme je vous l'ai dit, cela avait été de la

16 désinformation. C'était un entretien préparé d'avance entre deux auteurs

17 d'"Opera", Jovan Sabulovic et Radenko Radojcic, et l'entretien se passait

18 entre ces deux personnes, en voulant présenter la chose comme s'il

19 s'agissait d'intervenants originaires d'Ilok et de Zagreb.

20 Question: Et l'objectif était d'instiller quel état d'esprit parmi les

21 auditeurs?

22 Réponse: La finalité, l'objectif de tout ce qui se faisait était de créer

23 dans l'auditoire, parmi la population, notamment en Serbie, une

24 conviction, à savoir que les autorités croates étaient fascistes et

25 qu'elles souhaitaient mettre en place des territoires ethniquement purs où

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1 il ne vivrait que des Croates, voire que des Serbes, de l'autre côté.

2 Question: Deuxième catégorie d'exemples, s'agissant de l'Opération

3 "Opera". Il se peut que cela ait trait à certaines informations s'agissant

4 de radiodiffusion.

5 Pourriez-vous nous donner un exemple ou deux, nous dire en quelques mots

6 ce qui s'est passé et pourquoi ceci a été réalisé?

7 Réponse: Opéra disposait d'un éventail très vaste de moyens de montage et

8 tout était accessible pour eux, tant les informations que les moyens

9 techniques. Ce qui fait qu'ils avaient pu monter les entretiens des

10 enregistrements comme cela leur convenait, d'après les plannings établis à

11 l'avance, comme je l'ai dit d'abord pour la Croatie puis pour la Bosnie-

12 Herzégovine. A chaque fois, cela se trouvait être en corrélation, d'une

13 part, entre la propagande diffusée pour ce qui se passait sur le terrain

14 et les actions terroristes, ou plutôt ce qui faisait partie d'actions

15 terroristes.

16 Question: Pourriez-vous peut-être nous donner un exemple d'une

17 conversation qui aurait fait l'objet d'une écoute téléphonique et nous

18 dire quelle était l'objectif recherché?

19 Réponse: Pour un exemple concret d'écoute des entretiens, je vais vous

20 donner un exemple. Tenez, un entretien entre Mile Dedakovic, surnommé

21 "Jastreb", le défenseur de Vukovar, et le général Anton Tus à Zagreb.

22 Partant des entretiens qui ont été à l'écoute à plusieurs reprises entre

23 ces deux hommes-là, il a été monté un entretien avec des extraits, des

24 coupures où Mile Dedakovic "Jastreb" demandait de l'aide en armement de

25 Anton Tus, et l'autre lui répondait qu'il ne fallait pas compter sur

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1 l'aide de qui que ce soit, qu'il était abandonné à lui-même et qu'il lui

2 convenait de se battre comme bon il lui semblerait.

3 Question: Et enfin, en ce qui concerne l'Opération "Opera": est-ce que

4 c'est la même unité, le 2e Détachement du KOG, qui y a participé? Si c'est

5 le cas, pourriez-vous nous parler d'un incident qui est survenu sur la

6 voie ferrée à Vinkovci?

7 Réponse: Je ne sais pas au juste ce qui s'est passé sur la voie ferrée au

8 niveau de Vinkovci, mais Radenko Radojcic m'a parlé avec enthousiasme du

9 fait que, dans le cadre de la réalisation de ce plan "Opera", il avait été

10 conduit une action de terrorisme sur la voie ferrée, à proximité de

11 Vinkovci, où l'on a fait référence au nom du feu Président de la

12 République de Croatie, Franjo Tudjman. L'objectif avait été de présenter

13 les choses comme si cela avait été réalisé sur ordre de Tudjman, aux fins

14 de contraindre Tudjman à présenter un démenti public; il l'a fait

15 d'ailleurs à deux reprises. Cela a donc été l'objectif conçu par les

16 auteurs d'"Opera". C'est la raison pour laquelle Radenko Radojcic avait

17 été si enthousiasmé de la chose et avait parlé en ces termes-là de

18 l'événement en question.

19 Question: Veuillez répondre par oui ou non: est-ce le 2e Détachement du

20 KOG qui a mené cette Opération "Opera" ou y a participé? Ou est-ce un

21 autre détachement qui l'a fait?

22 Réponse: Dans l'opération "Opera", il y a eu en partie un recours au 2e

23 Détachement du contre-espionnage de Zagreb, notamment au niveau du

24 personnel: le lieutenant-colonel Ivan Sabulovic et Radenko Radojcic, qui

25 avait été collaborateur émanant de l'Opération Labrador, provenant de

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1 Belgrade; puis Slavko Malobabic, qui avait également été collaborateur de

2 ce 2e Détachement. Donc c'étaient là les auteurs de l'action "Opera".

3 Question: Merci. Nous parlons encore très rapidement de la propagande:

4 paragraphe 24.

5 Lorsque vous avez comparu la dernière fois, vous avez parlé de l'Opération

6 "Proboj-2".

7 Est-ce que les officiers participant à cette opération se sont livrés à

8 des opérations ou actions de propagande et de désinformation par le biais

9 de photographies qui montreraient apparemment des victimes de la guerre,

10 victimes provenant de villages croates?

11 Réponse: Oui, c'est exact. Il est exact que j'ai parlé de cette action

12 "Proboj-2", à la tête de laquelle il y avait Ljuban Karan. A chaque fois

13 qu'en Slavonie orientale, il y avait Katancic Ivica qui y allait et qui

14 appartenait à la partie centrale de ce groupe de renseignement, il portait

15 toujours une caméra et un fusil automatique, parce qu'il s'était battu là-

16 bas, entre autres. A plusieurs reprises, Katancic Ivica avait apporté des

17 séquences filmées de cadavres mutilés pour montrer ce que les Croates

18 faisaient aux Serbes dans cette partie de la Slavonie orientale. Les

19 extraits filmés étaient vraiment effrayants et certains segments m'ont été

20 présentés à la télévision de Belgrade. Et j'avais reconnu les

21 enregistrements filmés par Katancic Ivica sur le territoire de la Slavonie

22 orientale.

23 Question: Et l'événement dont vous parlez, est-ce qu'il a montré

24 clairement qu'elle était l'appartenance ethnique des victimes?

25 Réponse: Lorsqu'il s'agit de ce Katancic Ivica et Ljuban Karan qui ont

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1 dit, pour ce qui est des victimes, qu'elles étaient Serbes, en ma qualité

2 d'officier, j'avais trouvé illogique que des Croates commettent des

3 massacres de ce genre sur un territoire et quittent par la suite le

4 terrain conquis pour abandonner la place à Katancic Ivica qui vient filmer

5 la chose. Je crois, au contraire, que les victimes avaient été plutôt

6 Croates et que l'on avait présenté la chose comme quoi les victimes

7 avaient été en réalité Serbes.

8 Question: La dernière fois, je pense que nous avons déjà abordé le

9 paragraphe 27. Le témoin ayant parlé de ce que M. Vasiljevic avait dit; M.

10 Vasiljevic avait dit que Milosevic avait demandé au général de signer un

11 acte d'allégeance. Peut-être encore un détail à ce propos.

12 Monsieur Candic, vous avez relaté la dernière fois les circonstances de

13 cette demande faite par l'accusé; M. Milosevic aurait demandé aux généraux

14 de signer un acte d'allégeance. D'après ce qu'a dit M. Vasiljevic, est-ce

15 qu'un quelconque des généraux s'est conformé à cette demande?

16 Réponse: Lorsque j'avais parlé d'informations que nous avait communiquées

17 le général Vasiljevic, le chef de ce département de sécurité en disant que

18 certains généraux avaient signé des actes d'allégeance à l'intention de

19 Slobodan Milosevic, il avait à ce moment-là cité un nom concret, à savoir

20 votre général Stevanovic surnommé "Mika Sprajc" comme étant l'un des

21 généraux qui avaient été fini par signer un acte d'allégeance à

22 l'intention de M. Milosevic; il avait été commandant du 1er Corps d'armée

23 de l'aviation à Belgrade.

24 Question: Au moment où l'accusé a fait cette demande, est-ce que l'accusé

25 disposait d'une autorité quelconque? En l'occurrence, est-ce qu'il aurait

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1 été membre de la présidence ou du commandement suprême qui l'aurait

2 habilité à faire ce type de demande auprès des généraux?

3 Réponse: A l'époque des événements, l'accusé n'avait aucun droit de

4 demander aux généraux, voire à quelque officier que ce soit, des

5 signatures d'acte d'allégeance, parce que ces officiers étaient

6 subordonnés au commandant suprême de l'armée populaire yougoslave et de la

7 présidence fédérale et non pas à la présidence de la Serbie où se trouvait

8 siéger l'accusé.

9 Question: Une dernière chose. Monsieur Candic, vous avez quitté la JNA en

10 1992. Est-ce que c'est vous-même qui avez décidé de quitter la JNA? Est-ce

11 que c'était de votre propre volonté?

12 Réponse: Oui, je l'ai fait de mon plein gré parce que, pendant une période

13 relativement longue, le mécontentement s'était accumulé chez moi. Et j'ai

14 fini par démissionner le 19 février 1992.

15 M. Nice (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à

16 vous poser, mais d'autres questions vous seront posées.

17 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

18 parole.

19 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Mustafa Candic, par l'accusé Slobodan

20 Milosevic.)

21 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Candic, étant donné que vous avez

22 parlé de la situation au niveau de la JNA, de la date de votre départ,

23 dites-moi: est-ce qu'il y avait au sein de la JNA quelque discrimination

24 que ce soit?

25 M. Candic (interprétation): Au moment où moi, j'ai quitté la JNA, je dois

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1 être sincère et dire qu'il n'y avait pas eu de discrimination, à mon égard

2 du moins. Et j'avais bénéficié de toute l'autorité, de toute la confiance

3 des gens avec qui j'avais travaillé. Mais ce que je puis dire, c'est qu'il

4 y a eu de la discrimination à l'égard des Croates qui, à l'époque,

5 quittaient cette JNA, au début de la guerre en Croatie notamment et, d'une

6 certaine façon, ils s'efforçaient de déserter de quelque façon que ce

7 soit. D'une part, ceux qui se sont fait attraper avant que d'avoir déserté

8 –comme on avait qualifié la chose à l'époque- avaient été amenés pour des

9 interrogatoires au groupe de renseignement central et ils avaient fait

10 l'objet d'interrogatoires très longs. On les avait d'abord menacés de

11 prison pour raison de désertion, puis la finalité c'était, en fin de

12 compte, de les obliger à collaborer avec ce groupe central de

13 renseignement et aux fins de collaborer avec la JNA.

14 Question: Pendant tout le temps que vous avez passé dans la JNA -et je

15 parle là de plusieurs années d'affilée-, y a-t-il eu quelque

16 discrimination que ce soit sur des bases ethniques?

17 Réponse: J'ai passé en effet pas mal d'années au sein de la JNA. Je suis

18 convoqué ici pour dire la vérité et rien que la vérité. Ce que je puis

19 donc vous dire, c'est qu'à l'exception de cette année 1991, donc fin 1991

20 début 1992, il n'y a eu aucune discrimination, exception faite de

21 plusieurs situations, de plusieurs cas à l'égard de membres du groupe

22 ethnique albanais où l'on avait procédé à des traitements opérationnels

23 pour voir s'ils intervenaient en faveur du séparatisme et du nationalisme

24 albanais.

25 Question: Mais quand vous dites qu'il y avait eu certaines discriminations

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1 à l'égard d'officiers qui avaient déserté de la JNA, en quoi consistait

2 cette discrimination si quelqu'un avait déjà décidé de déserter ou de

3 quitter cette armée? Est-ce que c'était là le geste perpétré ou commis par

4 celui qui avait décidé de s'en aller, de déserter?

5 Réponse: C'était un acte moral de tout individu. Je dois dire une vérité à

6 présent, je suis convoqué ici pour dire la vérité.

7 Certes, les gens qui s'en allaient avaient été qualifiés de déserteurs de

8 l'armée populaire yougoslave. Mais personne n'a posé la question de savoir

9 pourquoi l'armée s'était retirée de Slovénie où, suite à une brève guerre,

10 le Gouvernement de la Slovénie a adopté une décision disant que l'armée

11 devait se retirer dans un délai de trois ans; c'est ce qui a créé de la

12 confusion à Belgrade, au niveau de la Présidence qui a siégé très

13 longtemps. Et pour finir, Borisavljevic, en sa qualité de président, avait

14 demandé au secrétaire fédéral à la défense, Veljko Kadijevic, de faire une

15 proposition. Celui-ci a sorti un bout de papier de sa poche –et là, j'ai

16 des preuves à l'appui-, il a sorti un bout de papier de sa poche et il a

17 dit: "Etant donné que le peuple de Slovénie ne veut plus de nous, je

18 propose que la JNA se retire de Slovénie dans délai de trois mois.".

19 Je ne vois pas de raison pourquoi, maintenant, à un Croate, on pourrait

20 dire qu'il était déserteur si, auparavant, on avait fait une enfreinte

21 bien plus grande, de la part de la présidence du commandement suprême et

22 du secrétaire fédéral à la Défense.

23 Question: Mais cette infraction majeure, c'est ce retrait des forces

24 armées de la Slovénie, n'est-ce pas?

25 Réponse: Oui, exact.

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1 Question: Est la désertion des officiers croates de la JNA n'était pas en

2 corrélation avec les événements de Slovénie mais, je suppose, avec les

3 événements en Croatie? Et j'imagine qu'en votre qualité d'officier du

4 renseignement, vous avez certainement suivi l'évolution de la situation en

5 Croatie en 1991, 1992?

6 Réponse: Je sais tout à ce sujet et peut-être même plus que vous ne

7 croyez.

8 Je ne veux pas m'étendre davantage, mais il ne s'agit pas seulement de la

9 Slovénie; il y avait la République de Macédoine. C'est de façon très

10 désinvolte que l'armée populaire yougoslave s'était retirée; elle n'avait

11 donc plus intérêt à rester en Macédoine. Ce n'était donc plus la

12 Yougoslavie pour laquelle et en faveur de laquelle nous, officiers, avons

13 prêté serment de nous battre et de donner, si besoin était, notre vie,

14 donc, pour sauvegarder une Yougoslavie allant de Djevdjelija à Triglav.

15 Question: Moi, Monsieur Candic, je vous pose une question au niveau de la

16 Croatie: que s'est-il passé en Croatie en 1991?

17 Réponse: Vous le savez aussi bien que moi, ce qui se passait dans les

18 années 1990-1991. Il y avait cette "révolution des troncs d'arbre" et tout

19 ce qui s'est passé pour ce qui est de l'insurrection des Serbes en

20 République de Croatie, à savoir la participation même de l'armée populaire

21 yougoslave qui avait, de façon intensive, aidé, moyennant aviation et

22 pilonnage de certains territoires. Cela n'avait pas été le rôle de la JNA

23 que de résoudre les problèmes au sein de l'Etat; l'armée était censée être

24 un facteur devant repousser toute attaque ou toute agression de

25 l'extérieur.

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1 Question: Vous avez pas mal parlé de ce rôle. Je crois que, dans cette

2 armée, vous avez traité de bon nombre de sujets qui n'avaient pas été

3 impartis à vos fonctions?

4 Réponse: Dans l'armée, nous avions traité des questions qui avaient été

5 celles qu'on nous avait confiées. Mais, entre autres, vous aussi vous avez

6 conduit à ce qui s'est passé par la suite en Croatie et en Bosnie-

7 Herzégovine.

8 Question: Bien, Monsieur Candic. De là à savoir, maintenant, qui a fait

9 quoi, c'est chose notoirement connue. Je vous pose des questions au sujet

10 de votre témoignage, je ne vous pose pas de questions…

11 Réponse: Je vous demanderai de poser des questions plus concrètes.

12 Question: Eh bien, si on s'en tient à ce que vous nous avez dit ici, je

13 pense que vous avez déclaré qu'en 1989, 1990, 1991, vous étiez en train de

14 mettre en place un réseau d'informateurs dans toutes les sphères de la

15 population ou de la société civile; je crois que c'étaient là vos propres

16 termes?

17 Réponse: Exactement.

18 Question: Et vous avez dit que votre objectif principal avait été les

19 instances du pouvoir de la police, les médias, l'économie, les écoles et

20 ainsi de suite; c'est ce que vous avez également dit?

21 Réponse: Oui, je l'ai dit aussi.

22 Question: Et étant donné que l'on avait ciblé tous les éléments de la

23 société, la cible principale était les instances du pouvoir et la police,

24 n'est-ce pas?

25 Réponse: Exact.

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1 Question: Et en répondant à l'une des questions qu'on vous avait posées

2 pour savoir si cela avait une corrélation quelconque avec l'appartenance

3 ethnique, vous avez dit que cela s'était fait indépendamment de

4 l'appartenance ethnique, sur un plan ou une échelle des plus vastes,

5 n'est-ce pas?

6 Réponse: J'ai précisément dit que cela était réalisé en République de

7 Croatie et en Bosnie-Herzégovine, indépendamment de l'appartenance

8 ethnique.

9 Question: C'est bien ce que je disais, indépendamment de l'appartenance

10 ethnique. Et en 1989 et jusqu'en 1991, l'accent avait été placé sur les

11 civils. On n'avait informé ni le secrétariat de l'Intérieur, ni les

12 services de sécurité, et vous avez même précisé que vous aviez établi des

13 réseaux d'informateurs et de collaborateurs au sein du service de sûreté

14 d'Etat et au sein de la police?

15 Réponse: Cela est exact. J'ai également précisé que nous avions établi des

16 réseaux au niveau de la sûreté d'Etat et de la police de Croatie, de la

17 Bosnie-Herzégovine et même de la Serbie.

18 Question: Je ne sais pas où ces réseaux ont été installés, mais je crois

19 que vous avez fait quelque chose de contraire à la loi pendant tout ce

20 temps-là. Mais dites-moi, je vous prie, combien d'hommes comptait ce

21 service de sécurité dont vous avez parlé; combien de personnes y avait-il

22 dans ce service?

23 Réponse: Là où je travaillais… Je vais d'abord répondre à la partie de la

24 question pour ce qui est du fonctionnent illicite. J'ai, dans mes dires,

25 précisé que ce que nous avions fait était illicite, mais que cela était

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1 conforme aux ordres que nous avions reçus et auxquels nous nous sommes

2 conformés. S'agissant de l'emplacement où je travaillais, le groupe

3 central de renseignements avait compté 37 personnes; il s'agissait de ce

4 groupe de contre-espionnage de Zemun, de l'aviation.

5 Question: Donc, avec tous ces différents groupes, le service à Zagreb et à

6 Sarajevo, combien étiez-vous? Vous avez dit trente…

7 Réponse: J'ai dit 37. Et j'ajouterai 15 hommes. Donc une cinquantaine, en

8 tout et pour tout, pour ce qui est de ce groupe de contre-espionnage, en

9 plus des organes de sûreté qui se trouvaient au sein des unités au niveau

10 des commandants adjoints chargés de la sécurité.

11 Question: Mais ces adjoints aux commandants, dans les unités, ne

12 traitaient pas de ces questions-là, ils ne s'infiltraient pas dans les

13 structures civiles; c'était vous qui vaquiez à ce type d'occupations?

14 Réponse: Exact.

15 Question: Donc vous étiez, en tout et pour tout, une cinquantaine?

16 Réponse: Exact.

17 Question: Comment une cinquantaine d'entre vous pouvait-elle s'infiltrer

18 dans toutes les structures possibles de la vie civile dans la moitié du

19 territoire yougoslave?

20 Réponse: Voilà, je vais vous répondre comment cela a été possible. J'ai

21 expliqué quelque chose qui était afférent aux segments de l'aviation et de

22 la défense antiaérienne. Nous étions une cinquantaine des groupes

23 d'espionnage. Mais, dans l'armée, dans la marine par exemple, il y avait

24 également des groupes chargés du contre-espionnage qui comptaient à peu

25 près autant d'hommes que je l'ai dit pour l'aviation de guerre. Et si l'on

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1 sait qu'il y avait trois groupes, trois types d'armes -il y avait

2 l'infanterie, l'aviation et la marine-, eh bien, je vous laisse faire le

3 calcul.

4 Question: Donc ça donne quelque 200 personnes?

5 Réponse: Un peu plus.

6 Question: Disons donc 150?

7 Réponse: Plutôt 300.

8 Question: Bien, 300. Donc vous, 300 personnes, organisez un réseau dans

9 toutes les sphères de la vie sociale, comme vous l'avez affirmé, à savoir

10 au niveau de la police, de la direction de l'Etat, des services de

11 renseignement, de l'éducation, des organes du pouvoir, des structures

12 civiles. C'est ce que vous affirmez?

13 Réponse: Oui, je l'affirme. Moi-même, comme je l'ai dit la fois passée,

14 j'avais pour ce qui est des membres de la sûreté d'Etat, j'en avais sous

15 moi.

16 Question: Que vous aviez vous-même incorporés dans le service?

17 Réponse: Oui que j'ai moi-même affiliés au service. Sans parler des

18 autres. Et je suis au courant des autres.

19 Question: Etant donné que vous avez constaté vous-même que ce que vous

20 faisiez était contraire à la loi, mais que vous aviez fait cela pour

21 répondre à des ordres qu'on vous avait donnés?

22 Réponse: Exact.

23 Question: Lorsqu'un ordre est donné à des officiers, on donne des

24 explications. Quel avait été l'objectif de ces activités? Est-ce que vous

25 étiez en train de préparer une espèce de coup d'Etat militaire, si tant

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1 est que vous vous infiltriez dans ces structures civiles?

2 Réponse: L'objectif fondamental, d'après ce que l'on nous avait dit, c'est

3 que le démantèlement de la Yougoslavie était imminent et que, dans ce

4 démantèlement de la Yougoslavie, il y avait la direction de la Serbie et

5 les services de renseignement de la République de Serbie qui étaient

6 impliqués. Et dans l'intérêt de la sauvegarde de la Yougoslavie, nous

7 avions obtenu des ordres de ce type.

8 Question: Est-ce que cela signifie que vous avez oeuvré contre les

9 services de sécurité de la Serbie et la direction de l'Etat au niveau de

10 la Serbie?

11 Réponse: Non, nous n'avons pas opéré contrairement ou contre la sûreté

12 d'Etat ou la direction de la Serbie. C'est vous qui aviez reçu des

13 rapports de ce genre. Et je vais être plus concret, plus précis.

14 Lorsque Rakocevic avait dit qu'à Belgrade il y avait une académie des arts

15 et des sciences serbe qui avait élaboré un document intitulé "le

16 Mémorandum" et que vous étiez là en train de tirer les fils dans ce cadre-

17 là, l'un des agents opérationnels avait enregistré cet entretien, avait

18 remis la cassette à l'un des membres de la sûreté d'Etat, et il y a vu par

19 la suite arrestation de Slobodan Rakocevic et procès de celui-ci. Parce

20 que vous aviez estimé qu'il était en train de préparer, avec Vasiljevic,

21 un coup d'Etat contre vous.

22 Question: Mais expliquez-moi, s'il vous plaît, étant donné que cela est

23 plutôt contradictoire pour ma part. D'une part, vous aviez des

24 affirmations disant que j'étais en train de contrôler l'armée et, d'autre

25 part, vous êtes en train de nous dire que l'armée, à savoir que les

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1 services de sécurité militaire s'efforçaient de me contrôler moi-même.

2 L'un ne va pas avec l'autre. Lequel de ces rapports était exact?

3 Réponse: Je vous ai dit ce qui est exact. Ce qui est exact, c'est que

4 l'armée populaire yougoslave a essayé de jouer le rôle du dernier facteur

5 de cohésion pour la sauvegarde de cette ex-Yougoslavie. Il est également

6 exact de dire ce que j'ai affirmé tout à l'heure, à savoir que les

7 services de sûreté d'Etat -parce que vous vous trouviez à la tête de ces

8 services de sûreté d'Etat, la police de la République de Serbie-, les

9 effectifs de réserve de la République de Serbie dont les effectifs ont été

10 tellement gonflés du point de vue du nombre et des personnes et, du point

11 de vue matériel, ils étaient capables de se confronter à l'armée populaire

12 yougoslave. Ils n'avaient pas de missile, mais, au niveau des chars et du

13 reste, ils avaient le même matériel que l'armée populaire yougoslave.

14 M. Milosevic (interprétation): Je dirai que vous n'avez aucune idée de ce

15 que vous racontez. Mais je ne vais pas vous poser des questions au sujet

16 de ce que vous ne savez pas, mais au sujet de questions dont vous avez

17 parlé.

18 M. le Président (interprétation): Un instant. Un instant. Vous dites que

19 cet homme ne sait pas ce dont il parle.

20 Vous avez entendu ce que vient d'être suggéré, Monsieur le Témoin:

21 pourriez-vous y répondre?

22 M. Candic (interprétation): J'essaie de tout temps de dire ce que je sais

23 et l'accusé, lui, s'efforce de dire que je ne sais pas ces choses-là. Je

24 ne peux pas parler de choses que j'ignore, mais ce dont je suis sûr, c'est

25 que les services de sûreté d'Etat de Serbie avaient, de tout temps, été

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1 placés au service de la mise en oeuvre de la teneur de mémorandum et de la

2 mise en place de cette Grande Serbie, au savoir de ce trognon de

3 Yougoslavie, façon dont on s'exprimait, à l'époque, au niveau de la

4 Yougoslavie tronquée.

5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez dit, dans le

6 cadre de votre témoignage que c'était moi qui avait tiré les fils de ce

7 mémorandum de l'Académie des sciences et des arts de Serbie, et que

8 c'était là aux fins de mettre en place une Grande Serbie.

9 M. Candic (interprétation): Je n'ai pas dit que c'était vous qui aviez

10 initié la rédaction du mémorandum au niveau de l'Académie des sciences et

11 des arts, mais j'ai dit que les académiciens de l'Académie des sciences et

12 des arts ont lancé l'idée que vous avez été l'initiateur de la réalisation

13 de ce projet et de la mise en oeuvre de ce projet.

14 Question: Donc j'avais été la force motrice de ce mémorandum et de la

15 réalisation du projet?

16 Réponse: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que vous aviez été la

17 personne qui avait cherché à ce que cela soit mis en oeuvre.

18 Question: Bien. Bien. Quand est-ce que cela a été adopté?

19 Réponse: Comment le saurais-je? En 1986.

20 Question: En 1984.

21 Réponse: Non! En 1986.

22 Question: Est-ce que j'ai raison quand je dis 1986?

23 Réponse: Non, non, vous n'avez certainement pas raison.

24 Question: Si, si, j'ai raison! Ça c'est une question de fait. Vous n'avez

25 pas à la répéter.

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1 Dites-moi, s'il vous plaît, Monsieur Candic, où avez-vous pu lire dans ce

2 mémorandum qu'il a été question de Grande Serbie, de démantèlement de la

3 Yougoslavie ou de quelque aspiration que ce soit à l'encontre de

4 populations autres en Yougoslavie, ou quoi que ce soit de ce qui vous

5 permettrait d'affirmer ce que vous affirmez?

6 Réponse: J'ai lu le mémorandum, et il exact de dire que, dans ce

7 mémorandum, il n'est pas question de la mise en place d'une Grande Serbie.

8 Mais dans certains chapitres de ce mémorandum, et notamment au premier

9 chapitre du mémorandum, il est question de la crise de l'ex-Yougoslavie

10 qui était apparente, et, dans le deuxième chapitre, il est question de la

11 position, du statut des Serbes en leur qualité de peuple le plus nombreux

12 de la Yougoslavie et en leur qualité de peuple le plus nombreux. A savoir,

13 ils étaient près de la moitié de la population.

14 Question: Mais ne perdons pas notre temps pour ce qui est de la

15 description.

16 Vous nous avez dit que vous avez lu?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Dites-nous où il est question de Grande Serbie? Dans ce

19 mémorandum, où se trouve être citées ces idées qui auraient été placées au

20 détriment de quelque autre peuple que ce soit de la Yougoslavie? Pouvez-

21 vous nous nous citer l'un quelconque des alinéas, sans nous donner

22 description de ce qui est dit en tout et pour tout?

23 Réponse: 1986, c'était il y a longtemps; je ne peux pas vous citer

24 d'alinéa ou de paragraphe. Mais s'agissant de ce qui figurait au

25 mémorandum pour ce qui est de la population serbe et du péril auquel cette

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1 population était exposée et sur ce qu'il convenait de faire, les

2 conclusions s'imposaient ou découlaient par elles-mêmes, pour ce qui est

3 de l'objectif final.

4 Question: Est-ce que c'est l'explication qui vous a été faite au niveau de

5 l'armée, pour ce qui est de la finalité du mémorandum?

6 Réponse: En effet.

7 Question: Donc il n'est point étonnant du tout de voir que vous ayez

8 diffusé des cassettes des services militaires à la télévision?

9 Réponse: Les cassettes dont j'ai parlé, s'agissant des crimes perpétrés

10 qui ont été ramenés par Katancic Ivica, n'ont pas été données à "Opera", à

11 savoir au département chargé de la guerre de propagande et de cette

12 opération, mais elles ont été fournies aux services de sûreté de l'Etat;

13 elles ont été fournies par les services de sûreté ou plutôt les personnes

14 qui avaient été engagées, recrutées par les services de sûreté d'Etat de

15 Serbie.

16 Question: Mais, Monsieur Candic, est-ce que vous vous souvenez du fait que

17 les cassettes relatives à l'importation d'armes en Croatie et au niveau de

18 ce qui avait été dit par Spegelj ont été diffusées à la télévision? Nous

19 avons tous été choqués. Et cela avait été du matériel filmé par les

20 services de renseignement militaires, recueilli par les services de

21 renseignement militaires et ce sont les instances militaires qui ont

22 décidé de présenter les choses en public?

23 Réponse: Je me souviens très bien de ces cassettes, à savoir du matériel

24 diffusé à la télévision vers la fin de 1990 et début 1991 pour ce qui est

25 de Martin Spegelj, de l'importation des armes et ainsi de suite, à savoir

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1 pour ce qui est du rôle de Franjo Tudjman, Président de la République de

2 Croatie; en plus, Gojko Susak et autres intervenants. Et il est exact de

3 dire que cela a été diffusé par les services de sécurité militaire, à

4 savoir le sommet militaire. Mais rien n'a été entrepris par le commandant

5 suprême de la Présidence pour que telle chose soit poursuivie sur le plan

6 pénal. Et qui devait empêcher cela? Ce n'était pas la JNA, mais c'était le

7 commandant suprême qui était censé mettre un terme à tout cela.

8 Question: Mais vous souvenez-vous, Monsieur Candic, que nous avions tous

9 critiqué l'armée, à l'époque, pour avoir traité ou vaqué à la diffusion

10 d'images afférentes à la violation de la loi, plutôt que de garder les

11 frontières, de confisquer ces armes et d'empêcher ce trafic d'armes?

12 Réponse: Cela était censé se passer ainsi. Ce que je sais, c'est qu'une

13 fois cette cassette diffusée, il s'est installé une peur, une grande peur,

14 même au sommet du pouvoir de la République de Croatie. Le Président

15 Tudjman lui-même, cette nuit-là, avait eu de la fièvre et il a été soulagé

16 lorsqu'on lui a dit depuis Belgrade que rien n'allait être entrepris. Et

17 je crois que quelqu'un avait pour objectif que rien ne soit fait,

18 justement.

19 Question: Donc l'armée ne voulait pas entreprendre ce qui avait été son

20 obligation constitutionnelle, mais elle a juste attendu qu'il y ait une

21 réaction du public s'agissant de violations évidentes de la loi, de

22 violations flagrantes de la loi; c'est bien ce que vous voulez dire? Mais

23 est-ce que vous avez eu une explication pour ce qui est du défaut de

24 réaction de l'armée, pour ce qui est de ces obligations

25 constitutionnelles?

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1 Réponse: L'armée aurait réagi si le commandement suprême lui avait donné

2 des ordres, mais il était évident que le commandement suprême, à savoir la

3 présidence du pays, ne le voulait pas, ne voulait pas faire quelque chose.

4 Si elle avait voulu faire quelque chose, l'armée aurait réalisé ces

5 ordres.

6 Question: Bien. Monsieur Candic, revenons-en… revenons-en au début même de

7 votre témoignage, parce qu'il est plutôt contradictoire de vous entendre

8 parler du fait d'avoir contrôlé de ce qui se faisait en Serbie et, d'autre

9 part, nous parler de la direction de la Serbie et de moi-même, comme quoi

10 nous contrôlions l'armée.

11 Expliquez-moi, je vous prie. Avez-vous, à quelque moment que ce soit,

12 exception faite de ce que vous êtes en train de nous raconter ici, donc

13 avez-vous, à quelque moment que ce soit, ouï dire qu'un quelconque des

14 officiers de la JNA ait été sollicité pour ce qui est de la signature d'un

15 acte d'allégeance à mon égard? Est-ce que vous avez pu entendre avait été

16 une provocation au niveau de ce service, ou est-ce que vous prêtez foi à

17 une invention de ce genre?

18 Réponse: D'abord, je vous demanderai de ne pas déformer mes propres

19 termes. A aucun moment, je n'ai dit –et je le répète- que nous étions en

20 train de contrôler ce qui se passait en Serbie. J'ai dit que nous avions

21 été critiqués et on nous a reproché de ne pas avoir d'information pour ce

22 qui se passait à Belgrade; cela signifie que nous ne contrôlions pas les

23 choses là-bas.

24 Pour ce qui est de la signature des actes d'allégeance, en effet, au

25 niveau du secrétariat fédéral à la Défense et au niveau de toutes les

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1 unités, les instances de sécurité avaient des collaborateurs, des

2 informateurs. Maintenant, les renseignements que s'est procurés Aleksandar

3 Vasiljevic, le général Aleksandar Vasiljevic, disant que certains généraux

4 allaient signer des actes d'allégeance à votre égard, c'étaient des

5 renseignements qui provenaient de collaborateurs ou informateurs fiables,

6 et peut-être cela lui est-il parvenu de la bouche de certains qu'ils ne

7 voulaient pas signer. Moi, personnellement, je n'ai pas été en position et

8 je n'ai pas eu le grade nécessaire pour être présent à une signature

9 d'acte d'allégeance à votre égard ou à un défaut de signature d'acte

10 d'allégeance à votre égard.

11 Question: Mais, Monsieur Candic, vous souvenez-vous du fait, étant donné

12 que nous avions soutenu la survie de la Yougoslavie en Serbie, nous avions

13 estimé que l'armée populaire yougoslave était les forces armées légitimes

14 de cette Yougoslavie? C'est une chose que vous devez avoir à l'esprit?

15 Réponse: Oui, c'est une chose que je sais.

16 M. Milosevic (interprétation): Donc pourquoi nous, qui reconnaissions la

17 légitimité de ces forces armées yougoslaves, irions-nous extirper des

18 individus pour leur demander de signer des actes d'allégeance? Est-ce que

19 vous ne savez pas que c'est tout à fait contraire…

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il ne peut pas

21 répondre à votre question, à savoir celle pour laquelle vous auriez fait

22 quelque chose ou pour quels motifs vous auriez fait quelque chose. Il peut

23 vous parler de ses observations ou de ses connaissances personnelles.

24 Posez une autre question.

25 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais attirer votre attention sur un

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1 phénomène, à savoir: s'agissant de certains témoins, on place un bout de

2 mosaïque qui se trouve être tout à fait contraire à ce qui se passait dans

3 la réalité. Le témoin précédent a dit ici…

4 M. le Président (interprétation): Oui, ce sont vos… C'est l'argumentation

5 qui est la vôtre. Si vous nous dites que ce témoin a inventé quelque chose

6 ou si vous affirmez que quelqu'un lui a dit d'inventer quelque chose,

7 dites de quoi il s'agit et laissez le témoin répondre, mais vous ne pouvez

8 pas lui poser de question pour ce que vous aviez à l'esprit à ce moment-

9 là. Il ne sait pas vous répondre à ce type de question.

10 Monsieur Candic, l'accusé est en train d'affirmer que vous avez incorporé

11 certains d'éléments de votre témoignage dans une mosaïque. En d'autres

12 termes, l'on cherche à suggérer que l'on vous a dit ce que vous étiez

13 censé raconter ici, à savoir concrètement ces signatures d'acte

14 d'allégeance. Est-ce que quelqu'un vous aurait suggéré une chose de ce

15 genre?

16 M. Candic (interprétation): Messieurs les Juges, avant de proférer quelque

17 mot que ce soit; dans mon témoignage, j'ai dit que je dirai la vérité et

18 rien que la vérité. Il n'est nulle personne au monde, et telle personne

19 n'est pas encore née, pour me dire: "Dis telle chose", si ce n'est pas une

20 chose dont j'ai connaissance. Donc un tel homme sur ce globe, sur cette

21 terre ne saurait exister.

22 M. Milosevic (interprétation): Je vous attrape au mot, Monsieur Candic,

23 étant donné que vous nous dites que vous ne diriez rien de que vous ne

24 savez pas. Vous dites que vous savez que certains généraux ont signé des

25 actes d'allégeance à mon égard?

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1 M. Candic (interprétation): J'ai dit que le général Aleksandar Vasiljevic

2 nous avait informés en nous disant que certains généraux avaient signé des

3 actes d'allégeance à votre égard. Parmi ces généraux, il a dit qu'il y

4 avait l'un de vos généraux, à savoir un des généraux de l'aviation, le

5 général Stevanovic, celui qui avait été surnommé "Mika Sprajc", le

6 commandant du 1er Corps d'armée de l'aviation.

7 Question: Mais vous a-t-il dit qu'il s'était renseigné sur le fait de

8 savoir de quoi avait l'air cet acte d'allégeance, quelle était sa

9 formulation, son énoncé, et ainsi de suite? Est-ce que vous avez quelque

10 connaissance que ce soit à ce sujet, je vous prie?

11 Réponse: Non, il ne nous a pas fourni ce type de détails.

12 Question: Eh bien, Monsieur Candic, puisque vous êtes un officier chargé

13 de la sécurité et officier de métier, dites-moi, est-ce que vous avez pu

14 croire une telle ineptie, qu'un Président de République -alors que la

15 Yougoslavie existe- donne aux généraux des actes d'allégeance à signer,

16 des officiers de l'armée populaire yougoslave? Donc lui, il n'a aucune

17 compétence vis-à-vis de cette armée populaire yougoslave et il leur offre

18 des actes d'allégeance à signer. Vous avez pu croire cela?

19 Réponse: Cela faisait assez longtemps, je dirai dans les dix ans, que je

20 connaissais le général Aleksandar Vasiljevic. Et ce qu'il m'a dit, je l'ai

21 accepté sans l'ombre d'un doute. Je considérais que ce n'était pas juste à

22 99% mais à 100%.

23 Question: Mais savez-vous qu'il était connu de tous, que c'est le

24 contraire qui s'est passé? C'est-à-dire que c'est en Croatie qu'on a

25 demandé aux généraux de quitter le JNA en signant là-bas un acte

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1 d'allégeance. On savait aussi qu'Izetbegovic avait demandé aussi de

2 quitter la JNA et de signer un acte d'allégeance là-bas. Nous, nous

3 n'avons demandé à personne de quitter la JNA; nous soutenions la JNA.

4 C'est un fait que je suis en train de vous citer en Croatie et en Bosnie.

5 Etiez-vous au courant de cela?

6 Réponse: Si vous parlez de la Croatie, oui, j'étais au courant de cela

7 également. Mais il s'agissait d'appels officiels aux officiers alors que

8 la guerre en République de Croatie avait déjà commencé; c'est-à-dire

9 qu'officiellement, on leur demandait de quitter la JNA pour rejoindre les

10 forces de la République de Croatie, les forces de défense.

11 S'agissant maintenant de la Bosnie-Herzégovine, le Président Izetbegovic

12 n'a pas demandé à quiconque de signer un acte d'allégeance. Ce que le

13 Président Izetbegovic a fait, y compris avant le début de la guerre en

14 Bosnie-Herzégovine, cela a été de proposer que l'armée populaire

15 yougoslave demeure en tant que force armée, ce qu'elle était à l'époque en

16 Bosnie-Herzégovine, en tant que force de défense de la Bosnie-Herzégovine,

17 qu'elle reste sur place, donc sans le moindre changement. Cependant,

18 Belgrade n'a pas admis, n'a pas accepté cela.

19 Question: Ça non plus, ça n'est pas vrai. Mais, enfin, dites-moi quand

20 Izetbegovic… Parce que l'autre jour, lors de votre témoignage, vous avez

21 dit qu'Izetbegovic avait invité les Musulmans et les Croates de Bosnie-

22 Herzégovine, qui faisaient partie de l'armée populaire yougoslave à

23 quitter la JNA, et avait demandé à ceux qui avaient été convoqués pour

24 participer des exercices militaires à ne pas répondre, à ne pas obtempérer

25 à cet appel. C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Encore une fois, et c'est la troisième fois, je vous demande de

2 ne pas déformer mes propos. Je n'ai jamais dit qu'Izetbegovic avait fait

3 appel aux membres de l'armée populaire yougoslave pour qu'ils quittent

4 cette armée. Ce que j'ai dit, c'est que le Président Izetbegovic avait

5 demandé aux réservistes -je parle bien des réservistes- de ne pas répondre

6 à la convocation qu'ils recevaient, à l'appel de mobilisation donc. Et

7 ceci a été fait, rendu public. Ce message était adressé aux Croates et aux

8 Musulmans mais pas aux officiers de la JNA; c'était un message réservé aux

9 réservistes et pas aux officiers d'active.

10 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur Candic, j'ai pris note

11 de cela. Je n'ai aucune intention de déformer vos propos. Vous pouvez

12 trouver cela au compte rendu d'audience.

13 Izetbegovic les a appelés, les Bosniens et les Croates, à ne pas répondre

14 -ce sont les termes que vous avez utilisés-, et à ceux qui avaient répondu

15 à la convocation, il leur a demandé de retourner chez eux. C'est bien ce

16 que vous avez dit, n'est-ce pas?

17 M. Candic (interprétation): J'ai partiellement dit ce que vous venez de

18 citer.

19 M. le Président (interprétation): Aucune utilité à polémiquer sur ce

20 point, nous pouvons lire le compte rendu d'audience en temps utile.

21 Passons à autre chose.

22 M. Milosevic (interprétation): J'aimerais vous poser une question en

23 rapport avec cela. N'avez-vous pas dit que ces hommes ne devaient pas

24 répondre à la convocation et que, s'ils l'avaient fait, ils devaient

25 rentrer chez eux?

Page 12763

1 M. Candic (interprétation): J'ai dit, s'agissant de ceux qui avaient été

2 convoqués parmi les réservistes, qu'ils devaient refuser de répondre à la

3 convocation et rentrer chez eux. Donc les réservistes qui avaient reçu des

4 affectations de guerre, c'était à eux que je pensais.

5 Question: Et vous avez bien dit qu'il fallait qu'ils rentrent chez eux?

6 Réponse: Ça, je l'ai dit également.

7 M. Milosevic (interprétation): Donc nous n'avons pas besoin de vérifier le

8 compte rendu d'audience.

9 M. le Président (interprétation): Oui, voilà, j'ai trouvé le passage. Ce

10 que le témoin a dit, c'est qu'ils ont été mobilisés; en tant que

11 réservistes, ils ont reçu des armes puisque Izetbegovic avait appelé les

12 Musulmans et les Croates à ne pas répondre à l'appel.

13 Bien. Passons à autre chose.

14 M. Milosevic (interprétation): Et puis, un peu plus loin, il est question

15 de ceux qui avaient répondu à l'appel, auxquels il était demandé de

16 rentrer chez eux.

17 M. le Président (interprétation): Oui. Avançons.

18 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Candic, vous avez dit -et je

19 suppose que vous retrouverez également la teneur de ce que vous avez dit,

20 assis sur cette chaise de témoin, l'autre jour dans le compte rendu

21 d'audience-, vous avez parlé du fait que les trois groupes avaient été

22 armés, les uns comme les autres; je veux dire qu'en Bosnie-Herzégovine, il

23 y a eu armement du SDS, du SDA et du HDZ. C'est bien vrai, n'est-ce pas?

24 M. Candic (interprétation): Oui, c'est exact.

25 Question: Et puisque vous avez rapidement parlé de l'armement des Serbes,

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1 j'aimerais vous demander ce que vous saviez également de l'armement du SDA

2 et du HDZ et ce que vous avez écrit à ce sujet?

3 Réponse: Je peux être très rapide sur ce sujet.

4 S'agissant de l'armement du SDA, ce que j'ai écrit à ce sujet portait

5 vraiment sur des chiffres tout à fait mineurs, d'éléments qui entraient

6 illégalement dans le coffre d'une voiture de luxe -par exemple, un

7 particulier faisait entrer quelques fusils illégalement en Bosnie-

8 Herzégovine-, armes qui provenaient de Slovénie ou de Croatie.

9 Voilà ce que j'ai écrit. Ce sont de ces personnes que j'ai parlé.

10 Question: Très bien. Enfin, cela n'a pas d'importance.

11 Vous travailliez bien, n'est-ce pas, au département de l'inimitié

12 intérieure, du contre-espionnage intérieur, c'est-à-dire que vous

13 travailliez dans le département qui s'occupait des personnes constituant

14 une menace pour l'ordre constitutionnel yougoslave; c'est bien cela,

15 n'est-ce pas?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Ces menaces contre l'Etat yougoslave étaient-elles le produit de

18 l'imagination de la sécurité d'Etat ou de la JNA, ou existaient-elles

19 réellement?

20 Réponse: S'agissant de ces menaces –et encore une fois, je dois préciser

21 la période-, les menaces contre l'ordre constitutionnel de l'ex-

22 Yougoslavie étaient des menaces réelles que nous prenions très au sérieux.

23 Mais plus tard, cette action n'a plus été réglementée légalement parce

24 qu'on ne savait pas qui constituait la menace, ou plutôt s'il y avait un

25 groupe ou un groupe ethnique en particulier qui se préparait à la débâcle,

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1 toute regrettable soit-elle.

2 Question: Je suppose qu'un officier des services de renseignement de haut

3 rang, comme vous, doit savoir qu'entre 1980 et 1987, donc avant tous ces

4 événements, la JNA a découvert 216 groupes illégaux de ce genre et, de

5 1987 à 1991, que 140 groupes supplémentaires de ce genre ont été

6 découverts de la même façon, qui avaient donc pour objectif de briser, de

7 démanteler la Yougoslavie et de détruire la JNA en tant que facteur

8 d'unité du pays? Est-ce vrai ou pas?

9 Réponse: Je ne me souviens pas des chiffres exacts. Je ne sais pas si le

10 chiffre était 260, mais en tout cas c'était un chiffre important. Jusqu'en

11 1987, et bien sûr par la suite, comme vous l'avez dit. Mais vraiment, je

12 ne pourrais pas vous dire le chiffre exact parce que… En tout cas, il

13 était très important, c'est exact.

14 Question: Vous ne connaissez pas tous les détails à ce sujet?

15 Réponse: Il y avait pour l'essentiel des groupes agissant à partir du

16 nationalisme et du séparatisme albanais et puis, un ou deux groupes qui se

17 fondaient sur des positions nationalistes croates. Il n'y avait pas un

18 seul groupe qui a été découvert et qui aurait défendu des positions

19 nationalistes grand-serbes. C'étaient surtout des groupes agissant sur

20 base de nationalisme albanais.

21 Question: Pas un seul groupe à base de nationalisme grand-serbe?

22 Réponse: Non.

23 Question: Les groupes dont vous venez de parler étaient-ils favorables au

24 terrorisme, à ce que, sur le territoire de la RSFY, la JNA mène des

25 actions terroristes?

Page 12766

1 Réponse: Certains groupes qui ont été découverts, comme par exemple au

2 cours de l'opération "Zlatar", "Zlatar-1" et "Zlatar-2", menées au niveau

3 fédéral, c'était un groupe de nationalistes séparatistes albanais qui

4 avaient des liens avec des membres de la JNA et des civils albanais. Leurs

5 intentions et leurs projets consistaient à lancer une opération

6 terroriste, aussi bien au sein de la JNA que dans les structures civiles,

7 bien entendu.

8 Question: Puisque vous étiez responsable du Kosovo et de 90 municipalités

9 au nord-est de la Bosnie également, je vous demande quels étaient les

10 éléments au Kosovo qui constituaient une menace pour l'ordre

11 constitutionnel yougoslave? Dites-nous cela, je vous prie.

12 Réponse: Eh bien, les éléments fondamentaux du désordre au Kosovo étaient

13 ceux qui s'efforçaient de créer le trouble, le désordre au Kosovo, et de

14 relier le Kosovo à l'Albanie. C'étaient ces éléments qui constituaient la

15 principale menace contre la République socialiste fédérative de

16 Yougoslavie à l'époque.

17 Question: Mais connaissez-vous également l'organisation séparatiste

18 illégale albanaise au Kosovo, qui portait comme dénomination "Mouvement

19 pour une République socialiste albanaise en RSFY"? Connaissiez-vous cette

20 organisation?

21 Réponse: Bien sûr! Comment est-ce que je la connaîtrais pas? Elle avait

22 pour sigle "PSARY" et j'ai lu son programme qui a été publié. J'ai vu

23 également comment ce mouvement a agi par la suite.

24 Question: Savez-vous qu'à l'époque, huit membres du comité central de

25 cette organisation agissaient hors du pays, donc à partir de l'étranger?

Page 12767

1 Réponse: Je ne sais pas combien d'entre eux se trouvaient à l'étranger; je

2 me concentrais sur les membres qui agissaient au sein de l'armée populaire

3 yougoslave et je sais qu'il y avait un grand nombre de ces personnes qui

4 venaient de Zagreb, Sarajevo, Ljubljana. Donc vous pouvez me parler de

5 l'opération liée à ces éléments qui faisaient partie des services de

6 sécurité de la Bosnie, de la Serbie, de la Croatie et de la Slovénie et

7 qui ont participé à une opération parmi les civils. Mais ceux qui

8 travaillaient à partir de l'étranger, je n'en sais pas grand-chose. C'est

9 tout ce que je peux dire.

10 Question: Bien. Savez-vous, avez-vous des renseignements au sujet du

11 comité militaire qu'utilisait ce mouvement albanais pour faire sa

12 publicité auprès des Nations Unies, donc promouvoir un mouvement pour une

13 République socialiste albanaise? Est-ce que vous êtes au courant de

14 l'existence de ce comité?

15 Réponse: Eh bien, ce n'était pas un comité officiel, mais une organisation

16 militaire créée un peu comme le mouvement albanais et ayant le même but, à

17 savoir la création d'une République socialiste albanaise en Yougoslavie?

18 Question: Avez-vous pu établir, au sein de votre service, quels officiers

19 de la JNA ont illégalement fait partie de ce comité militaire?

20 Réponse: Bien sûr, nous l'avons établi et nous les avons traduits en

21 justice. Des procès ont été lancés à leur encontre.

22 Question: Est-il également exact que, déjà en 1984, ce groupe avait prévu

23 de liquider les employés du ministère de l'Intérieur du Kosovo-Metohija en

24 mettant des explosifs à Gjakove et dans la centrale électrique de Obilic?

25 Vous rappelez-vous des informations allant dans ce sens?

Page 12768

1 Réponse: Je ne sais pas cela. Mais si vous avez des questions au sujet de

2 mon témoignage, posez-les-moi. Ne me posez pas de questions générales. Je

3 pense que vous m'interrogez de façon très générale et je ne voudrais pas

4 parler de choses qui n'ont aucun rapport avec mon témoignage.

5 Question: Monsieur Candic, tout a un rapport avec votre témoignage.

6 Avez-vous connaissance de Naim Maljoku, par exemple? Et ce nom, ainsi que

7 d'autres, vous rappelle-t-il quelque chose?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Que vous rappelle-t-il?

10 Réponse: Naim Maljoku était un capitaine, je pense qu'il était basé à

11 Lukavica. Je ne sais pas quel était l'autre homme dont vous avez parlé.

12 Question: Rahim Azdemi était l'autre homme. Etait-il membre de ce groupe

13 terroriste?

14 Réponse: Ils étaient membres du mouvement "PSARY", le sigle que j'ai donné

15 tout à l'heure. Ils étaient donc favorables aux idées défendues par ce

16 mouvement et se définissaient comme marxiste-léniniste du Kosovo.

17 Question: Très bien. Indépendamment de l'époque où ce terrorisme a été

18 purement favorable à un Etat albanais, avez-vous connaissance de la

19 tradition fasciste qui également était défendue par ce mouvement, donc une

20 tradition héritée de la Deuxième Guerre mondiale? Avez-vous connaissance

21 des liens entre ces organisations et les occupants allemands à l'époque,

22 et des liens qui existaient également avec les Italiens et le mouvement

23 marxiste-léniniste de Enver Hoxha? Est-ce que vous savez tout cela? Est-ce

24 que vous avez à votre disposition ce genre d'analyse, lorsque vous

25 analysez l'activité séparatiste de ce mouvement et ses caractéristiques?

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1 Réponse: Travailler sur les données disponibles, c'est que nous faisions

2 bien entendu. Et nous prenions en compte tous les éléments disponibles.

3 Nous ne laissions aucun détail nous échapper dans nos enquêtes destinées à

4 nous donner une idée réelle et précise des responsabilités et des liens

5 existants avec d'autres organismes, ainsi que l'origine de l'action de ces

6 mouvements.

7 Question: Avez-vous entendu parler de l'exode massif des Serbes du Kosovo

8 et Metohija sous la pression de ces organisations séparatistes agissant au

9 Kosovo et Metohija, au fil des ans, pendant toutes les années où vous avez

10 travaillé là-bas, où vous aviez des responsabilités au Kosovo?

11 Réponse: Alors que je travaillais au Kosovo, j'ai appris et entendu dire

12 qu'un exode ou plutôt une tentative d'exode avait été réalisée, les

13 directives venant de Belgrade et demandant aux Serbes du Kosovo de partir

14 parce qu'ils étaient censés être terrorisés et contraints à partir. Mais

15 tout cela n'a rien à voir avec la vérité. J'avais des collaborateurs

16 serbes et albanais, et je sais exactement ce qu'il en était. Des

17 tentatives ont été faites pour que des Roumains arrivent au Kosovo après

18 le meurtre de Ceausescu, donc des tentatives ont été faites pour amener

19 des Roumains au Kosovo et pour que le Kosovo soit habité par des Roumains

20 afin que la composition démographique du Kosovo entre Serbes et Albanais

21 soit modifiée. La population du Kosovo…

22 Question: Ecoutez, Monsieur Candic, combien aurait-il fallu amener de

23 Roumains sur place pour modifier la démographie du Kosovo? Allez! Allez!

24 Réponse: Je n'ai pas dit qu'un seul Roumain devait venir au Kosovo. J'ai

25 dit que des tentatives ont été faites et des offres d'achats et de ventes

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1 d'immobilier pour que des Roumains arrivent au Kosovo.

2 Question: Allons, Monsieur Candic, pour autant que je m'en souvienne, les

3 Roumains se sont installés en Serbie orientale de l'autre côté de la

4 frontière par rapport à la Roumanie où ils ont fait du commerce. Certains

5 réfugiés sont peut-être allés jusqu'au Kosovo mais aucun Roumain, le

6 savez-vous? Est-ce que vous êtes au courant de cela, Monsieur Candic?

7 Réponse: Je n'ai pas dit qu'ils y sont allés. J'ai simplement entendu dire

8 qu'on parlait de tentative pour les amener.

9 Question: Très bien. Qui voulait les amener?

10 Réponse: La direction de la Serbie.

11 Question: Rien à voir. Vous essayez de dire que je souhaitais faire aller

12 des Roumains au Kosovo?

13 Réponse: C'est ce que vous avez dit.

14 Question: Eh bien, j'étais le dirigeant de la Serbie à l'époque, j'ai

15 entendu toutes sortes de choses en rapport avec mon nom, mais pas encore

16 que j'avais prévu et planifié d'amener des Roumains au Kosovo! Mais,

17 avançons.

18 Est-ce qu'une partie de votre travail consistait à analyser la situation

19 et à prévoir les opérations planifiées par des éléments hostiles et de

20 prendre des mesures également pour nuire… pour empêcher ces tentatives de

21 devenir effectives?

22 Réponse: Oui. Une partie de mon travail quotidien, le travail des organes

23 de sécurité de l'Etat au sein de la JNA consistait à faire du contre-

24 espionnage constant et, bien entendu, dans le cadre de ce travail,

25 d'apprécier et d'évaluer tous les éléments requis et les conséquences de

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1 leur action. Notre travail était actualisé quotidiennement, donc ma

2 réponse est oui.

3 Question: Donc vous connaissez les pressions exercées sur les Serbes pour

4 qu'ils quittent la région. Par exemple, il y a un instant, vous avez dit

5 qu'une directive était venue de Belgrade pour que les Serbes quittent la

6 région. Quand cette directive est-elle arrivée?

7 Réponse: Eh bien, au cours des événements de Vlasi, lorsqu'il a été

8 arrêté, vous avez dit cela avant qu'Azem Vlasi soit placé en détention.

9 Question: Donc la directive devait dater, selon vous, de 1989-1990, n'est-

10 ce pas, directive destinée à appeler les Serbes à quitter, à déménager.

11 Savez-vous quel était l'avis de l'opinion publique à l'époque? Connaissez-

12 vous la propagande de l'époque, qui était exactement l'inverse, c'est-à-

13 dire qu'on disait aux Serbes qu'il ne fallait pas qu'ils quittent leurs

14 maisons, mais qu'ils restent sur place et qu'ils subissent les pressions

15 en retournant cependant dans leur village et leur domicile pour se battre

16 au jour le jour? Est-ce que vous rappelez-vous cela, Monsieur Candic?

17 Réponse: (Inaudible.)

18 Question: Vous rappelez-vous le nom de Mitar Balevic?

19 Réponse: Bien sûr, je me souviens de Mitar Balevic de Kosovo Polje.

20 Précisément, c'était sa belle-sœur qui m'a parlé de ce qui s'était passé à

21 l'époque.

22 Question: Lorsque vous parlez de 1990 ou 1989, savez-vous combien de

23 Serbes sont partis sous la pression, entre 1980 et 1989, alors que vous

24 dites qu'une directive est arrivée?

25 Réponse: Personne n'est parti.

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1 Question: Personne n'est parti; c'est ce que vous dites?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Très bien. Et quelle année étiez-vous responsable au Kosovo?

4 Réponse: 1989, 1990, 1991.

5 Question: Et jusqu'en 1989, vous n'étiez pas responsable au Kosovo?

6 Réponse: Non.

7 Question: Vous ne savez rien de l'exode des Serbes du Kosovo?

8 Réponse: Je ne me suis pas occupé de ces problèmes. J'avais mes unités

9 avec lesquelles je travaillais et je devais m'occuper de ces unités dont

10 j'étais responsable.

11 Question: Très bien, puisque vous aviez vos unités. Mais ne vous est-il

12 jamais venu un renseignement au sujet du fait que la direction de la JNA

13 était, d'une façon ou d'une autre, favorable au nationalisme serbe?

14 Réponse: Je dis que je faisais partie d'un organe de sécurité au sein des

15 unités de la JNA jusqu'en 1988 et, jusqu'à cette date, je ne sais pas

16 comment moi-même ou qui que ce soit d'autre aurait pu ressentir la moindre

17 influence de la part d'une République ou de quelqu'un de l'étranger,

18 influence qui se serait exercée sur l'armée populaire yougoslave.

19 Question: Vous avez dit, très précisément, que les Républiques n'avaient

20 aucune compétence ou aucune possibilité de donner des ordres à l'armée

21 populaire yougoslave. C'est bien cela, n'est-ce pas?

22 Réponse: Exactement cela. Je ne sais pas si j'ai dit que les Républiques

23 n'avaient pas une telle compétence, mais il est exact que les Républiques

24 n'ont pas compétence pour donner des ordres à l'armée populaire

25 yougoslave, car celle-ci est une institution fédérale qui ne reçoit ses

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1 ordres exclusivement que de la direction de la République fédérative

2 socialiste de Yougoslavie.

3 Question: Qui exerçait le commandement collectif, n'est-ce pas?

4 Réponse: C'est exactement cela.

5 Question: Est-ce que le point de vue officiel de votre service -point de

6 vue d'ailleurs diffusé, si je ne m'abuse, au cours de vos réunions

7 d'information régulières-, est-ce que votre position officielle consistait

8 à penser que la JNA devait préserver la cohésion de la Yougoslavie?

9 Réponse: C'est une expression très souvent utilisée, selon laquelle la JNA

10 était le seul facteur de cohésion ou d'unité qui restait en Yougoslavie.

11 Je répète donc: le seul facteur d'unité qui restait.

12 Question: Est-ce que vous partagiez cette opinion? Est-ce que vous pensiez

13 la même chose?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Très bien. Vous nous avez donné un exemple en nous disant qu'à

16 une certaine réunion, aucune information n'était venue de Belgrade. Alors

17 je vous pose la question suivante: de façon générale, votre service

18 recueillait-il des informations au sujet de la République de Serbie?

19 Réponse: Je ne sais pas. Mais revenons à l'organigramme qui a été montré

20 l'autre jour.

21 Selon cet organigramme, mon service, c'est-à-dire le service chargé du

22 contre-espionnage, ne s'occupait pas de cela; d'ailleurs, nous avons été

23 critiqués pour cela, pour le fait que nous n'avons rien fait en vue de

24 voir ce qui se passait à Belgrade et donc en Serbie.

25 Question: Bien. Puisque vous avez dit avoir participé à une réunion au

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1 cours de laquelle le général Vasiljevic a expliqué que des généraux, et

2 vous avez même dit que moi, j'avais demandé à de nombreux généraux, et pas

3 seulement à quelques-uns, de signer un acte d'allégeance -vous le dites en

4 page 4, quatrième paragraphe de votre déclaration préalable-, veuillez me

5 donner le nom des personnes qui étaient présentes à cette réunion en

6 dehors de vous-même et Vasiljevic?

7 Réponse: Il y avait les membres du groupe de contre-espionnage central, le

8 lieutenant-colonel Radakovic, le lieutenant-colonel Radakovic, le

9 commandant Ljuban, Ivica Katancic, Dragan Nesic Branislav, Lisica Darvin…

10 Enfin, je ne vais pas vous les citer tous.

11 Question: Vous dites que je ne me suis pas contenté de demander un acte

12 d'allégeance mais qu'un grand nombre de généraux ont signé cet acte,

13 n'est-ce pas?

14 Réponse: J'ai dit qu'un général avait signé; je n'ai pas parlé de grand

15 nombre parce que nous n'avons pas appris combien ils étaient. On ne nous

16 l'a pas dit. J'ai dit que l'un de vos généraux, selon ce que l'on m'a dit,

17 avait signé cet acte d'allégeance.

18 Question: L'un de mes généraux?

19 Réponse: L'un de vos généraux. Celui qui m'en a parlé parlait de l'un des

20 membres de l'armée aérienne.

21 Question: Ah, lorsque vous dites mon général, vous voulez dire un général

22 des forces armées de la Yougoslavie?

23 Réponse: Oui, un général de votre armée.

24 Question: Donc vous parlez, je suppose, du général Stevanovic, n'est-ce

25 pas?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Qu'était-il à l'époque?

3 Réponse: Il était chef d'une unité qui correspondait à Belgrade.

4 Question: Donc vous prétendez que le général Stevanovic a signé un acte

5 d'allégeance à mon égard?

6 Réponse: Oui, je le prétends et ceci s'est avéré exact par la suite.

7 Question: Comment est-ce que cela s'est avéré exact par la suite?

8 Réponse: Cela s'est avéré exact parce qu'il y avait des demandes

9 constantes venant de Slavonie orientale pour que les forces aériennes

10 entrent en action en Slavonie orientale, c'est-à-dire à Vukovar et en

11 d'autres endroits où des forces croates étaient déployées. Et, puisque de

12 telles demandes n'ont pas été satisfaites par le commandement de l'armée

13 aérienne, le commandant du 1er Corps d'armée, le général Stevanovic, à un

14 poste de stationnement de l'armée aérienne, s'est levé lors d'une réunion,

15 d'une façon très démonstrative, et a dit que les hommes qui étaient

16 d'accord avec lui devaient se lever et partir; et tous les commandants de

17 son escadrille se sont levés et ont quitté cette réunion qui était dirigée

18 par le commandant de la défense antiaérienne et le commandant des forces

19 aériennes.

20 M. Milosevic (interprétation): Mais veuillez me dire, Monsieur, en quoi

21 cela m'intéresse et en quoi cela intéresse l'armée de Serbie ce que vous

22 faisiez au sein des forces aériennes de la JNA?

23 M. Candic (interprétation): Je ne vais pas vous dire en quoi cela peut

24 vous intéresser. Vous m'avez posé la question et je vous ai répondu.

25 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Monsieur le Témoin, si vous

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1 souhaitez que nous tenions compte de votre réponse, vous devez nous dire

2 en quoi cela a un effet sur les positions que vous avez évoquées.

3 On vous a demandé comment il s'est avéré exact que le général Stevanovic

4 avait signé un acte d'allégeance et, pour le moment, si nous nous fondons

5 sur votre réponse, nous ne pouvons pas voir en quoi cela a permis de

6 prouver l'exactitude de ce fait. Alors, si vous vouliez, Monsieur Candic,

7 essayer de répondre, ce serait bien.

8 M. Candic (interprétation): Je vais essayer encore une fois.

9 Le commandant du 1er Corps de l'armée aérienne de Belgrade, le général

10 Stevanovic, insistait vraiment sans arrêt pour dire que l'aviation et les

11 unités d'aviation devraient bombarder les positions croates et des villes

12 en Slavonie orientale, c'est-à-dire dans la zone de responsabilité du 1er

13 Corps de l'armée aérienne. Et puisque les commandants de l'armée aérienne

14 ne l'ont pas autorisé à agir ainsi, lors d'une réunion qui s'est tenue

15 suite à toutes ces demandes et à laquelle participait le général

16 Stevanovic, ainsi que les commandants de l'escadrille qui aurait dû

17 intervenir sur le territoire croate, donc suite aux explications fournies

18 selon lesquelles la JNA ne pouvait pas se comporter de cette façon, en

19 bombardant une église ou d'autres bâtiments de ce genre, que ces cibles

20 étaient de nature tout à fait différente, le général Stevanovic, qui était

21 chef du 1er Corps de l'armée aérienne, s'est levée en dépit de cela.

22 M. le Président (interprétation): Vous nous avez déjà dit tout cela. Ce

23 que j'aimerais comprendre, c'est comment cela a prouvé que le général

24 avait bien signé un acte d'allégeance?

25 M. Candic (interprétation): Suite à ce que j'ai déjà dit dans ma

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1 déposition, s'agissant des exigences liées à "Proboj-2", opération armée

2 qui demandait qu'on arme les Serbes, le commandant Karan, en dehors des

3 informations qu'il recevait régulièrement des services de renseignement, a

4 envoyé des organigrammes sur les terrains où se menait la guerre, à

5 Batajnica, en leur disant quelles devaient être leurs cibles. Or le

6 colonel Slobodan Rakocevic n'était pas informé de cela, comme je l'ai déjà

7 dit l'autre jour.

8 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez...

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il faut nous arrêter

10 pour le moment, car l'heure de la pause est arrivée. Nous allons faire une

11 pause de 20 minutes.

12 Monsieur Candic, je vous demanderai de revenir ici dans 20 minutes et,

13 Monsieur Milosevic, vous aurez à ce moment-là une heure encore pour la fin

14 de votre contre-interrogatoire.

15 (L'audience, suspendue à 10 heures 32, est reprise à 10 heures 57.)

16 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Tapuskovic?

17 M. Milosevic (interprétation): Je crois comprendre…

18 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, le juriste de la

19 Chambre vient de m'informer il y a un instant du fait qu'après

20 l'interrogatoire de ce témoin, nous allions aborder des questions

21 relatives à la santé de M. Milosevic. Mais, en tant qu'ami de la Chambre,

22 je crois que nous avons le devoir d'attirer votre attention sur le fait

23 que, même si nous ne sommes pas cardiologues ou psychiatres ou médecins,

24 d'une quelconque façon que ce soit, nous remarquons qu'au début du contre-

25 interrogatoire, de l'interrogatoire…

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1 M. le Président (interprétation): Mais nous sommes en plein milieu de

2 l'interrogatoire d'un témoin. Nous voulons soulever une question, la

3 soumettre à M. Milosevic, mais nous le ferons en temps utile. Et vous,

4 vous aurez l'occasion d'apporter vos commentaires.

5 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai le devoir

6 d'attirer votre attention sur ce point: un médecin ne l'a pas vu depuis

7 trois jours.

8 M. le Président (interprétation): Vous le ferez le moment venu. Terminons

9 d'abord la déposition de ce témoin.

10 M. Tapuskovic (interprétation): (Hors micro.)

11 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.

12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Candic...

13 M. le Président (interprétation): Nous avons un problème technique. Nous

14 allons procéder à une interruption de trois minutes.

15 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 03.)

16 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.

17 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Candic, vu que le commandant du

18 1er Corps d'armée, comme vous l'avez dit, a eu une querelle avec le

19 commandant des forces aériennes à l'occasion de cette réunion et a quitté

20 cette réunion, vous avez tiré pour conclusion que c'était là la preuve

21 qu'il avait à signer un acte d'allégeance envers moi.

22 Est-ce là la preuve dont vous avez parlé?

23 M. Candic (interprétation): Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je n'ai pas dit

24 que c'était une preuve. La preuve, c'est qu'Aleksandar Vasiljevic a signé

25 l'acte d'allégeance. Ceci prouve seulement qu'il avait, en fait, qu'il

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1 s'était écarté de la ligne de commandement qui a été prescrite pour la

2 JNA.

3 Question: Fort bien. Dites-moi: d'après vos dires, il semblerait en effet

4 que le général Vasiljevic aurait formulé ce type d'accusation grave envers

5 moi. Comment se fait-il, dès lors, que le général Vasiljevic, comme vous

6 l'avez dit, a ordonné la distribution d'armes aux Serbes?

7 Réponse: Je ne sais pas dit qui a délivré un tel ordre. Moi, je me suis

8 contenté de vous dire ce que je savais à propos des opérations "Proboj 1

9 et 2". J'ai dit qu'Aleksandar Vasiljevic était informé de ces opérations.

10 Quant à savoir qui a donné l'ordre, je ne sais pas. Et je ne sais pas non

11 plus à qui ont été transmises des copies de ce rapport, mais à part

12 Vasiljevic; parce que lui, il était au bout de la ligne du commandement.

13 Je suppose que ces rapports ont été transmis à des autorités politiques,

14 mais je ne vais pas m'aventurer sur un terrain que je ne connais pas.

15 Question: D'accord. Mais est-ce que ceci vous dit quelque chose, à vous

16 qui étiez officier du renseignement? Vous l'avez vous-même expliqué et

17 j'aimerais vous le rappeler. D'abord, vous avez dit que des armes avaient

18 été distribuées en Bosnie occidentale, venant des dépôts de la Défense

19 territoriale?

20 Réponse: Oui, c'est bien ce que j'ai dit. J'ai dit que des armes provenant

21 des dépôts de la Défense territoriale avaient été distribuées en Bosnie-

22 Herzégovine.

23 Question: Précisément. Et puis, vous avez relaté et décrit un événement au

24 cours duquel un officier dont je n'ai pas retenu le grade, en tout cas,

25 c'était un officier qui s'appelait Knezevic: c'était en fait le témoin

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1 Knezevic?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Donc Cedo Knezevic parlait à Ljuban Karan; ce dernier se

4 plaignait du fait que la JNA ne leur donnait pas d'armes et il a dit: "Oh,

5 mais j'en ai beaucoup là-bas. Je vais vous en envoyer quelques-unes!"?

6 Réponse: Ce n'est pas comme ça que ça s'est passé.

7 Question: Alors, comment ça s'est passé?

8 Réponse: Je dois de nouveau faire une citation de mes propres dires. Le

9 commandant Ljuban Karan s'était plaint du fait que des Serbes de Slavonie

10 orientale n'étaient pas armés, n'avaient pas d'armes; il n'avait pas dit

11 que la JNA refusait de livrer des armes aux Serbes. Et c'est après cela

12 que Cedo Knezevic a dit -et je le cite-: "J'en ai beaucoup et je peux vous

13 en donner quelques-unes. Voici un de nos amis; il peut confirmer le fait

14 que je peux armer la moitié des Etats-Unis, si vous le voulez.".

15 Question: Mais est-ce que ceci intervient pour dire que des armes ont été

16 distribuées, à l'époque, sur la base d'anciennes amitiés et non pas sur

17 ordre de qui que ce soit?

18 Réponse: Non, ce n'est pas comme ça que ça s'est passé. En effet, cette

19 opération portait un nom; c'était l'Opération "Proboj-1", "Percée n°1". Ce

20 n'est pas quelque chose que quelqu'un aurait décidé de faire. En fait,

21 c'était en application d'ordres donnés. Et des rapports étaient faits

22 conformément à la procédure en vigueur.

23 Question: Qui était le supérieur de Cedo Knezevic?

24 Réponse: Le commandant Cedo Knezevic avait pour supérieur direct Tomislav

25 Cuk, chef du groupe de contre-espionnage, KOG. Et étant donné que le

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1 colonel Cuk avait un lien direct avec Slobodan Rakocevic, il avait donc

2 comme supérieur aussi Slobodan Rakocevic qui était le chef du service de

3 sécurité de la défense aérienne et des forces aériennes.

4 Question: Vous avez expliqué que, d'après cette chaîne de commandement,

5 Rakocevic était le supérieur de Knezevic. Et vous avez dit que Dragojevic

6 s'opposait à la distribution d'armes à qui que ce soit.

7 Réponse: Précisément!

8 Lorsque ces deux camions sont arrivés à Zemun, le colonel Rakocevic s'est

9 prononcé contre cette initiative. Il a dit: "Ce n'est pas comme cela qu'il

10 faut faire. Nous avons la JNA et, s'il y a quoi que ce soit à faire, il

11 faut que nous recevions d'abord des ordres. Et c'est la JNA qui devrait

12 intervenir plutôt que des unités de volontaires ou de formations

13 paramilitaires".

14 Question: Mais est-ce que ceci ne confirme pas le fait qu'il y avait une

15 absence d'ordres consistant à ordonner la distribution d'armes?

16 Réponse: Si vous vous souvenez ce que j'ai dit, j'ai dit que le commandant

17 Cedo Knezevic, en fait, avait sauté un des échelons de la chaîne de

18 commandement. Il avait contourné le chef des services de sécurité des

19 forces aériennes et de la défense aérienne et il s'était adressé

20 directement à la direction de la sécurité.

21 Question: Vous dites qu'il avait reçu des ordres directs de Vasiljevic

22 pour distribuer des armes, en contournant Jurjevic?

23 Réponse: Je ne sais pas vraiment.

24 Question: Ce général Vasiljevic que vous mentionnez, il a formulé cette

25 accusation contre moi à l'occasion de cette réunion. Il a dit que

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1 j'exigeais des officiers qu'ils signent un acte d'allégeance.

2 Réponse: Mais c'est comme ça que cela s'est passé! Il a dit que certains

3 généraux avaient été contraints de signer. Et ils l'avaient fait

4 d'ailleurs, avaient signé un acte d'allégeance envers vous.

5 Et vous n'avez de cesse d'utiliser ce terme: général ou généraux. Vous

6 dites "ce général-ci" comme si vous ne saviez pas de qui il s'agit,

7 puisque vous avez arrêté cet homme et vous l'avez traduit en justice.

8 Question: Moi, je n'ai arrêté personne, je n'ai traduit personne en

9 justice; vous le savez pertinemment. Je n'avais aucune autorité sur la JNA

10 ni sur l'armée de Yougoslavie jusqu'en 1997. Après cette date,

11 effectivement, j'avais cette autorité en ma qualité de Président de la

12 Yougoslavie.

13 Mais passons à autre chose. Comment expliquez-vous dès lors que des ordres

14 sont arrivés, ont fini par arriver, si vous dites que des ordres n'ont pas

15 été donnés par Vasiljevic? Rakocevic qui se trouve dans cette ligne de

16 commandement s'est opposé à cette idée, avez-vous dit. Knezevic, comme

17 vous l'affirmez, a distribué des armes en appliquant les ordres de

18 quelqu'un. Mais de qui?

19 Réponse: Lorsque j'ai fait ma déclaration et dans le cadre de ma

20 déposition ici, devant vous, Messieurs les Juges, j'ai dit que Cedo

21 Knezevic était un adjoint de l'Opération "Proboj-1", alors que le chef

22 même de l'opération était le lieutenant-colonel Smiljanic du 5e District

23 de l'armée.

24 En d'autres termes, les ordres n'auraient pu être reçus par le lieutenant-

25 colonel Smiljanic, mais de qui venaient-ils, je ne sais pas! Et d'après

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1 ces ordres et la chaîne de responsabilité, je suppose que c'était pour

2 cette raison que les services de sécurité des forces aériennes et de la

3 défense aérienne avaient été contournés.

4 Question: Mais est-ce que ceci ne prouve pas que c'est là le comportement

5 arbitraire de quelqu'un, l'initiative personnelle de quelqu'un?

6 Réponse: Si on a donné un nom à cette opération, cela veut dire que cela a

7 dû venir de plus haut. Donc cela n'a pas pu être une conduite arbitraire,

8 une initiative personnelle, c'était intentionnel.

9 Question: Mais il se peut qu'on ait donné un nom à cette opération, un nom

10 qui était tout à fait à l'inverse de la nature de l'opération, que ceci

11 avait pour but de contrôler la distribution d'armes, pas pour distribuer

12 des armes?

13 Réponse: Je ne sais pas quelle est la nature exacte de ces ordres, mais je

14 sais qu'il y a eu distribution d'armes.

15 Ceci ne concernait pas le contrôle ou la supervision de la distribution

16 d'armes. Je vous ai même donné un chiffre s'agissant du nombre d'armes

17 déjà distribuées au moment où j'ai appris l'existence de cette opération.

18 Question: Fort bien.

19 Attardons-nous sur une chose que vous avez mentionnée. Vous venez de

20 parler du lieutenant-colonel Smiljanic. Est-ce lui qui a écrit une lettre

21 adressée au général Mladic, lettre versée au dossier ici?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Fort bien.

24 Quel commentaire auriez-vous à faire maintenant sur certains extraits de

25 cette lettre?

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1 Vers la fin de la page 1, il a dit ceci: "Avant le début de la guerre,

2 j'étais chef des services de sécurité dans le 9e Corps de Zagreb. J'étais

3 au courant de l'origine du mouvement oustachi qui s'est développé après

4 mon arrivée de Plitvice. Sur les ordres de mes supérieurs, j'ai dû rester

5 sur le territoire de la Krajina jusqu'au début de l'année 1991".

6 C'est bien ce qui est dit dans cette lettre, n'est-ce pas?

7 (Les interprètes ne disposent pas de copie et ne savent pas sur quoi se

8 base l'accusé pour faire cette lecture.)

9 Puis, deux pages plus loin, avec l'arrivée de ce télégramme bien connu qui

10 disait que "les officiers et les soldats nés sur le territoire de la

11 République fédérale de Yougoslavie devraient se retirer, ceci après

12 l'approbation du plan Vance-Owen qui visait au retrait de l'armée du

13 territoire de la Krajina serbe", il dit ceci: "Avec l'arrivée de ce

14 télégramme, les soldats et les officiers nés sur le territoire de la

15 République fédérale de Yougoslavie devraient se retirer. La JNA reste

16 composée des hommes nés en Serbie et au Monténégro. Il y a un pourcentage

17 important d'officiers et de soldats d'active qui sont censés se retirer de

18 Bosnie-Herzégovine sur la Republika Srpska alors que vous, Palestiniens de

19 la RSK, vous pouvez aller à Nis ou ailleurs. Tous ceux qui ne sont pas du

20 territoire de la Yougoslavie ou ne veulent pas participer peuvent aller où

21 ils veulent".

22 Je continue la citation: "Moi, en tant que Palestinien, je suis allé à

23 Knin, mais je n'ai pas déserté comme certains le disent. En partant, j'ai

24 dit aux officiers qu'ils devraient avoir à l'œil Klisko, le lieutenant-

25 colonel, un Musulman, parce qu'il est sans doute passé du côté des

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1 Musulmans. Malheureusement, c'est ce qui s'est passé puisqu'il y a eu une

2 désertion de sa part avec un BOV".

3 Vous présentez ceci comme une pièce à conviction. Est-ce que cela veut

4 dire que la direction de la Yougoslavie s'est conformée au plan Vance-Owen

5 et a retiré la JNA du territoire de la Krajina serbe, parce que c'est

6 effectivement cet événement qui est décrit ici?

7 Réponse: Première chose: je n'ai pas fourni cette lettre, je ne l'ai pas

8 non plus présentée; c'est la première fois que j'en entends parler.

9 Deuxième chose: vous venez de faire une citation de cette lettre et tout

10 ce que peux dire, c'est que c'est précisément de cette façon-là que ça

11 s'est passé. J'étais au courant de certaines choses, je savais notamment

12 que certains officiers de Bosnie-Herzégovine avaient reçu pour mission de

13 rester en Bosnie-Herzégovine; des officiers de Croatie avaient reçu pour

14 consigne de rester en Croatie. Mais tous, tous faisaient partie des

15 personnes payées par Belgrade avant la guerre, même après.

16 M. Milosevic (interprétation): Mais comment expliquez-vous cette partie,

17 cet extrait où il dit que "ceux de Bosnie-Herzégovine devraient aller en

18 Republika Srpska et vous, Palestiniens de la RSK, pouvez aller à Nis ou

19 ailleurs si vous voulez"?

20 M. Candic (interprétation): Je ne sais pas ce que Smiljanin voulait dire

21 par cela, ou quelle était son intention quand il a dit que c'était un

22 Palestinien. Il était sans doute blessé par quelque chose qui lui avait

23 été dit lorsqu'il avait communiqué avec Ratko Mladic. Je ne voudrais pas

24 faire de commentaire à ce propos.

25 Je connais bien le plan Vance-Owen, mais je ne dirais pas qu'il soit exact

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1 que ceci aurait été respecté à la lettre. Tout le matériel et le personnel

2 de la JNA sont restés dans les zones où ils avaient été déployés et seuls

3 ceux qui étaient nés en République fédérale de Yougoslavie pouvaient,

4 s'ils le voulaient, rentrer. Certains l'ont fait, mais beaucoup sont

5 restés.

6 M. Nice (interprétation): Je pense qu'il faudrait fournir la lettre au

7 témoin, au Bureau du Procureur, puisque le témoin a dit qu'il y avait une

8 partie qui était exacte, de cette lettre.

9 M. le Président (interprétation): Où se trouve cette lettre? Je ne l'ai

10 pas.

11 M. Nice (interprétation): L'accusé l'a.

12 M. le Président (interprétation): Intercalaire 3. Remettons ceci au

13 témoin.

14 M. Kwon (interprétation): En version anglaise, c'est la page 4, troisième

15 paragraphe.

16 M. Candic (interprétation): C'est votre pièce. Ce n'est pas moi qui

17 demande le versement de cette pièce, c'est vous qui disposez de cette

18 pièce.

19 M. le Président (interprétation): Prenons-en une copie.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Monsieur Candic, avez-vous cette lettre dans une langue que vous

22 comprenez?

23 M. Candic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

24 M. Milosevic (interprétation): Veuillez examiner l'avant-dernière page de

25 cette lettre.

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1 (Le témoin lit la lettre.)

2 Le numéro ERN est 72, 472.

3 Deuxième paragraphe. Il dit dans ce paragraphe que "les attaques contre

4 l'armée serbe de Krajina sont très arrogantes et des méthodes de toutes

5 sortes sont appliquées; il n'y a que les auteurs qui changent. Ce sont des

6 temps différents. Parmi les ennemis de la République de Serbie ou de

7 Krajina serbe, il y a le reste du communisme, il y a les ennemis de la

8 République de Srpska Krajina, il y a aussi l'armée de Yougoslavie et puis,

9 l'armée de Bosnie-Herzégovine et le 5e Corps qui se trouve dans le

10 voisinage, en Krajina de Bosnie; et puis -quatrième tiret-, l'armée de la

11 République de Croatie." (Fin de citation).

12 Pouvez-vous m'expliquer comment il se fait que l'armée de Yougoslavie soit

13 présentée comme étant un ennemi de la RSK alors que, parallèlement, on

14 allègue que l'armée de la Krajina serbe, de la RSK, était une partie

15 intégrale de l'armée de Yougoslavie? Pouvez-vous m'expliquer ceci, puisque

16 c'est la pièce que vous, vous avez présentée?

17 M. Candic (interprétation): Je le répète: ce n'est pas moi qui ai amené

18 cette lettre, je ne l'ai pas non plus remise au Bureau du Procureur ni aux

19 enquêteurs. C'est ici que j'ai vu cette lettre.

20 Ce que veut dire l'auteur de cette lettre lorsqu'il énumère ces éléments…

21 Ecoutez, je ne voudrais pas faire de commentaires à ce propos.

22 Question: Mais vous avez également dit que ce n'étaient pas les officiers

23 qui avaient distribué les armes, comme ceci transparaît de la conversation

24 entre Ljuban et Knezevic, mais ils avaient un ordre dont vous ne

25 connaissez pas la provenance?

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1 Réponse: Cet ordre n'aurait pas pu venir d'un échelon inférieur que la

2 direction chargée du renseignement. Donc il fallait inévitablement que cet

3 ordre émane du commandement suprême du secrétariat fédéral.

4 Question: Mais vous n'êtes pas au courant de quoi que ce soit, n'est-ce

5 pas?

6 Réponse: Non, je n'ai pas dit que j'étais au courant.

7 Question: Fort bien. Je voulais simplement le relever.

8 Dites-moi: à la page 4 de votre déclaration préalable, vous dites qu'après

9 la guerre en Slovénie, la JNA s'était retirée sur la ligne établie par

10 Milosevic comme étant la frontière d'une Grande Serbie; c'est bien ce que

11 vous avez dit?

12 Réponse: Oui. Je n'ai pas dit que c'était une ligne établie ou déterminée

13 par Milosevic; j'ai dit que c'était une ligne imaginée par cette

14 Yougoslavie tronquée ou par ce qu'on appelait aussi la "Grande Serbie". Et

15 il y avait une bonne partie de la Bosnie-Herzégovine qui était comprise.

16 Question: Là, je donne lecture… Vous dites que ce ne sont pas là vos

17 propos. Or je lis votre déclaration, vers le milieu de la page 4 de votre

18 déclaration: "Vers le milieu de la guerre, la JNA -de la guerre en

19 Slovénie-, la JNA s'était retirée de cet endroit sur une ligne qui avait

20 été établie par Milosevic comme étant un des confins de la Grande

21 Serbie.".

22 C'est bien ce qui est dans votre déclaration préalable? Dites-moi ci ce

23 n'est pas ça que vous avez dit.

24 Réponse: Je ne pense pas avoir dit ceci. Il se peut que ça ait été lapsus

25 linguae et si c'était un lapsus, je tiens à le corriger. Et je dis ici que

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1 je n'ai pas dit que c'était Milosevic qui avait déterminé la frontière de

2 la Grande Serbie. Je n'ai pas la transcription.

3 M. Milosevic (interprétation): Mais ce n'est pas une transcription, un

4 compte rendu; c'est une déclaration que vous avez signée, précisément à la

5 page 4.

6 M. Nice (interprétation): Il serait peut-être utile que les Juges

7 disposent d'une copie de la déclaration préalable.

8 M. le Président (interprétation): Oui, nous n'avons pas de copie. Il nous

9 faut un exemplaire de cette déclaration préalable et il faut que le témoin

10 en dispose aussi.

11 M. Milosevic (interprétation): Ne perdons pas de temps. J'ai fait une

12 citation exacte de la teneur de la déclaration préalable.

13 M. le Président (interprétation): Si vous posez une question au témoin à

14 propos d'une déclaration préalable ou de tout autre document, le témoin a

15 le droit d'en disposer afin qu'il puisse répondre à votre question. Pour

16 autant, bien sûr, que le document soit disponible.

17 (Intervention de l'huissier.)

18 M. Nice (interprétation): Vous allez bientôt recevoir une copie, Messieurs

19 les Juges.

20 Je vais vous donner lecture de l'intégralité de ce paragraphe. Je ne dis

21 pas par là que l'accusé a mal cité, mais il faut replacer cette partie

22 dans son contexte, surtout à la lumière des réponses antérieurement

23 données par le témoin, à la suite des échanges entre le témoin et

24 l'accusé.

25 Voici le paragraphe: "Lorsque la guerre s'est terminée en Slovénie, la JNA

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1 s'est retirée de Slovénie et s'est retirée sur une ligne déterminée par M.

2 Milosevic comme étant la frontière d'une Grande Serbie. Cette idée d'une

3 frontière pour une Yougoslavie en partie, tronquée, avait été consignée

4 dans le mémorandum de l'Académie serbe des sciences et des arts, et

5 c'était l'objectif poursuivi par M. Milosevic. Et comme ceci avait été

6 publié, il était notoire que c'était là le plan de Milosevic".

7 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Dans cette deuxième partie, on

8 retrouve la même chose et c'était bien là-dessus que portait ma question.

9 Je vous ai demandé si c'était mon plan et vous avez dit que non, alors

10 qu'ici, il est dit et vous affirmez que ce mémorandum était en fait ma

11 propre concoction, mon plan?

12 M. Candic (interprétation): Mais j'ai déjà répondu à cette question. Je

13 pense qu'effectivement… Si vous êtes d'accord avec moi, je dirai que j'ai

14 déjà répondu à cette question.

15 Question: Dites-moi: vous êtes un ancien officier de renseignement.

16 Informez-moi aussi afin que je sois au courant. Quand ai-je dit ceci et où

17 ai-je déterminé les frontières d'une Grande Serbie?

18 Réponse: Ce n'est jamais ce que j'ai dit.

19 Question: Il y a un instant, on vous a remis votre déclaration préalable

20 afin que vous vérifiiez l'exactitude de ces propos.

21 Réponse: Si vous voulez que je vous dise à quel moment vous avez déterminé

22 ou arrêté les frontières d'une Yougoslavie tronquée, je dirai ceci: vous

23 l'avez fait au moment où vous êtes devenu, en fait, Président de la

24 République fédérale de Yougoslavie. Bien sûr, vous êtes l'auteur de la

25 Constitution de la République fédérale de Yougoslavie. Et dans un

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1 paragraphe de cette Constitution, il est dit que la République fédérale de

2 Yougoslavie se compose de la Serbie et du Monténégro et de tous ceux qui

3 veulent se rallier à elle.

4 Question: Merci, Monsieur Candic. Vous vous souvenez qu'à cette époque,

5 nous avions déclaré de façon très claire que nous n'avions aucune

6 prétention territoriale, eu égard à d'autres anciennes Républiques de

7 Yougoslavie.

8 Mais dites-moi ceci: s'agissant de la période sur laquelle porte votre

9 témoignage, l'amiral Brovet, Grubisic, Jurinovski, Agotic, Tumanov, toutes

10 ces personnalités, de quelle appartenance ethnique étaient-elles?

11 C'étaient là les hauts cadres de la JNA, à l'époque.

12 Réponse: J'aimerais d'abord fournir cette explication s'agissant de ce

13 commentaire selon laquelle la République fédérale de Yougoslavie n'avait

14 aucune aspiration territoriale s'agissant des anciennes Républiques de la

15 RSFY, à savoir la Croatie.

16 Si l'on regarde la loi qui détermine ce qu'est un acte classique

17 d'agression, un tel acte a été commis à l'encontre de ces deux

18 Républiques, et il y a aussi comme introduction la guerre spéciale. Et

19 puis, vous m'avez posé une question à propos du nom de certaines

20 personnalités; vous m'avez demandé si je les connaissais. Je connais ces

21 hommes, ce sont les généraux; et, pour être plus précis, s'agissant du

22 général Tumanov, le second du général Aleksandar Vasiljevic, chef de la

23 direction chargée du renseignement.

24 Fin février ou peut-être était-ce début mars 1992, après avoir été battu

25 par les unités de volontaires en Serbie, j'étais à l'hôpital, à l'académie

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1 militaire et j'ai rencontré le général Simeon Tumanov; en fait, il a été

2 opéré des polypes. Il m'a dit à l'époque que je n'avais aucune raison de

3 quitter la JNA parce que la Bosnie-Herzégovine allait rejoindre la

4 Yougoslavie tronquée, ou "croupion", pour reprendre le terme qu'il a

5 utilisé. Donc ici, je parle de la période que j'ai passée à l'académie

6 militaire, au treizième étage du bâtiment.

7 Je lui ai demandé comment ça se faisait? Il a dit qu'avec la Macédoine, la

8 situation avait déjà changé, que lui en tant que homme de Macédoine il

9 devrait rentrer en Macédoine, alors que moi, je n'aurai aucun problème. Je

10 devrais rester à la JNA parce que la Bosnie-Herzégovine allait devenir une

11 partie de cette Yougoslavie tronquée. Je me suis contenté de le regarder

12 et je me suis dit en moi-même qu'il était inutile que je formule un

13 quelconque commentaire. Je voulais simplement lui faire savoir qu'il se

14 trompait.

15 Question: Vous vouliez le lui dire, mais vous ne l'avez pas fait?

16 Réponse: C'est exact, je ne le lui ai pas dit.

17 Question: Mais qu'est-ce que ça peut me faire de savoir ce que vous avez

18 dit à un de vos collègues, le fait que vous vous étiez de Bosnie et lui de

19 Macédoine? Qu'est-ce que ça à voir avec tout le problème?

20 Réponse: Eh bien, je lui ai parlé du projet de la création d'une

21 Yougoslavie tronquée, à savoir une Grande Serbie.

22 Question: Bon, ce que vous appelez "une Yougoslavie tronquée", à savoir la

23 République de Yougoslavie qui se composait de la Serbie et du Monténégro,

24 mais ceci c'était le produit du fait que des mouvements séparatistes en

25 Bosnie, en Slovénie, en Macédoine avaient provoqué une séparation d'avec

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1 la Yougoslavie et non pas parce qu'il y aurait eu une sécession du

2 Monténégro et de la Yougoslavie. C'est bien claire pour vous, n'est-ce

3 pas?

4 Réponse: Vous n'avez pas l'air de comprendre que, s'agissant de la

5 séparation de la Slovénie à l'égard de la Yougoslavie, cela s'est fait de

6 façon à ce que l'on ait vu la JNA se retirer non pas en trois ans, mais en

7 trois mois, parce qu'on n'avait pas intérêt pour la Slovénie à la faire

8 rester dans la composition de la Yougoslavie telle qu'elle l'avait été

9 auparavant.

10 Question: Moi, j'ai une opinion qui est tout à fait contraire: je pense

11 que tous avaient intérêt à conserver, à préserver la Yougoslavie parce

12 qu'il n'y avait pas de pays plus beau que cela. Malheureusement, les

13 puissances qui l'ont démantelée avaient eu des objectifs différents et je

14 crois avoir compris que vous étiez favorable à cette Yougoslavie?

15 Réponse: Bien sûr que j'étais favorable à cette Yougoslavie! Mais je ne

16 suis pas d'accord avec vous pour ce qui est des puissances que vous

17 mentionnez. Je ne sais pas ce que vous sous-entendez par ces puissances.

18 Moi, j'entends une chose, et vous entendez probablement tout à fait autre

19 chose.

20 Question: Très bien. Je vous ai parlé de tous ces officiers hauts placés,

21 hauts gradés, l'amiral Brovet et Grubisic, et Jurjevic et Jurinovski et

22 tous, et d'autres. Est-ce que, s'agissant de ces gens-là et de vous-même,

23 est-ce que quelqu'un les a expulsés de la JNA? Est-ce que ces noms serbes

24 ont été expulsés de la JNA? Est-ce que vous avez été expulsé vous-même?

25 Réponse: Je vais vous rectifier. Imra Agotic, le colonel Imra Agotic

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1 n'était pas Serbe, il était Croate. Moi, Musulman.

2 Question: Tous ceux que je vous ai cités tout à l'heure n'étaient pas

3 Serbes. Je vous ai donc posé la question de savoir s'ils avaient été

4 expulsés de la JNA?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Et vous aussi?

7 Réponse: Non, pas moi. Moi, je me suis expulsé moi-même.

8 Question: Mais qui a expulsé ces autres personnes de la JNA?

9 Réponse: Imra Agotic a été expulsé par le colonel Slobodan Rakocevic parce

10 qu'il n'avait pas voulu établir de position d'informateur au sommet des

11 autorités de la Croatie de l'époque, parce qu'il avait été agent du

12 renseignement et, très éduqué; il s'était trouvé à la tête du 5e Corps du

13 renseignement de l'aviation. Il a été révoqué et cet homme n'avait plus de

14 bureau à lui. Il venait au travail et s'asseyait dans les bureaux de ses

15 collègues pour continuer à travailler.

16 Question: Mais ne vous semble-t-il pas qu'au bout de tant d'années, cette

17 idée, soi-disant idée de la Grande Serbie avait été un paravent pour la

18 réalisation des idées séparatistes dans les Républiques qui voulaient se

19 séparer de la Yougoslavie, y compris le séparatisme et le nationalisme

20 albanais?

21 Réponse: Je ne sais pas en quoi importerait mon opinion à moi. Il s'est

22 passé ce qui s'est passé et, bien entendu, la plupart de ces événements ne

23 m'ont pas plu. S'agissant des appréciations et évaluations, je céderais

24 plutôt l'opportunité de faire des commentaires à ce sujet aux sciences de

25 l'histoire.

Page 12795

1 Question: Dites-moi, je vous prie, ces choses que vous devez certainement

2 savoir. Dans laquelle de ces ex-Républiques de la RSFY y avait-il eu le

3 plus grand nombre de minorités nationales: était-ce la Serbie ou une autre

4 République?

5 Réponse: En effet, la Serbie est la République où il y avait eu le plus de

6 minorités nationales; c'est clair.

7 Question: Mais savez-vous qu'il n'y a qu'en Serbie, la structure

8 nationale, la structure ethnique n'a pas été modifiée depuis toutes ces

9 années de crise, donc depuis 1990 à ce jour?

10 Réponse: Ce que je sais, c'est que la question clé qui a secoué la Serbie

11 est bien la Constitution de 1974. Et la crise qui est survenue dans toute

12 l'ex-Yougoslavie tire ses origines précisément de 1974, de cette

13 Constitution, étant donné que les Albanais du Kosovo ont reçu une

14 autonomie; ou plutôt, on a accordé l'autonomie à ces Albanais et à la

15 Voïvodine, ce qui fait que la Serbie a été amenée dans une situation dans

16 laquelle, en sa qualité d'Etat, c'était une Serbie au sens restreint.

17 Parce qu'au Parlement de Serbie, il y avait un des représentants de l'une

18 ou de l'autre des provinces et ils pouvaient l'emporter à l'occasion des

19 votes, pour ce qui est des décisions politiques.

20 Question: Je ne vais pas débattre avec vous des questions

21 constitutionnelles. Mais je voudrais vous demander si votre expérience… A

22 l'époque où vous étiez au service de la JNA, est-ce que l'on a chassé

23 quelque Hongrois, quelque Bulgare, quelque Musulman du Sandjak, quelque

24 Ruthène, quelque Slovaque, quelque Albanais que ce soit au sein des

25 effectifs de la JNA?

Page 12796

1 Réponse: Je ne… Pas à ma connaissance.

2 Question: Et savez-vous que la Serbie, d'après sa Constitution, est un

3 Etat, l'Etat de tous ses citoyens, que c'est ainsi que ça se définit?

4 Réponse: Il est vrai que la Constitution, non seulement de la Serbie mais,

5 pour autant que je le sache, de la République fédérale de Yougoslavie… Il

6 est précisé que cette République fédérale de Yougoslavie… Non, non, non,

7 excusez-moi.

8 Oui, la République fédérale de Yougoslavie est l'Etat constitué par les

9 citoyens qui y résident; c'est ce qui figure dans la Constitution.

10 Question: En effet. Cela figure également dans cette Constitution-là et

11 dans la Constitution de la Serbie?

12 Réponse: Je ne sais pas, pour la Constitution de Serbie. Je ne sais

13 vraiment pas. Mais pour celle-ci, je sais.

14 Question: Mais savez-vous ce qui s'est passé après les solutions

15 constitutionnelles en Croatie et les élections pluripartites en 1990,

16 s'agissant su statut des Serbes en Croatie?

17 Réponse: Ce que je sais, c'est que non seulement les Serbes, mais

18 également les Musulmans de Croatie ont été transformés en minorité

19 nationale.

20 Question: Etant donné que vos services vaquaient à la collecte

21 d'informations concernant l'immigration oustachie croate, avez-vous eu des

22 connaissances concernant leurs plans et leurs idées, s'agissant de l'Etat

23 yougoslave?

24 Réponse: En effet, en ma qualité d'agent opérationnel au service de

25 renseignement, j'avais à ma disposition des informations qui concernaient

Page 12797

1 les activités ennemies de l'émigration oustachie à l'étranger. Et toutes

2 ces connaissances indiquaient bien qu'il y avait une aspiration des

3 tendances de ces milieux immigrés oustachis pour ce qui était de mettre en

4 place, de créer une Grande Croatie.

5 Question: Mais savez-vous que, ni à l'époque ni avant ni après cela, la

6 Serbie n'a remis en question le droit du peuple croate à

7 l'autodétermination, mais que la Croatie ethniquement pure avait été

8 inacceptable pour des centaines de milliers de Serbes qui se sont vus

9 chasser de là-bas?

10 Réponse: Je ne suis pas au courant de ce projet de Croatie ethniquement

11 pure; je n'ai jamais entendu parler d'un tel projet. Je n'ai retrouvé nul

12 écrit au sujet de la Croatie ethniquement pure.

13 Question: Et vous n'êtes pas au courant du tiers qui devait être converti

14 au catholicisme, du tiers qui devait être chassé et du tiers qui devait

15 être tué?

16 Réponse: Je suis au courant. S'agissant maintenant de l'immigration, il

17 est vrai que ces extrémistes, dans leurs plans, dans ces milieux-là,

18 avaient fait des déclarations concernant le tiers, le tiers et le tiers,

19 comme vous l'avez dit. Mais cela n'était pas les autorités officielles de

20 la République de Croatie.

21 Question: Bien. Je ne vais pas vous donner, à présent, citation de telle

22 chose parce que cela ne figure pas dans votre déposition préalable, mais

23 savez-vous nous dire quels avaient été les représentants de cette

24 émigration extrémiste, émigration oustachie, qui sont venus rejoindre les

25 rangs des officiels de l'Etat croate?

Page 12798

1 Réponse: L'un d'entre eux était Gojko Susak.

2 Question: Qui était-ce?

3 Réponse: Gojko Susak était, à mon avis, arrivé du Canada et il est rentré

4 en Croatie juste avant le début… ou plutôt, tout de suite après les

5 élections pluripartites, et juste avant le début de la guerre en

6 République de Croatie.

7 Question: Et qu'avait-il été, lui, en Croatie?

8 Réponse: Il a été ministre de la Défense.

9 Question: Et dans votre déposition, il est dit que vous étiez chargé de la

10 région de la Krajina?

11 Réponse: J'étais chargé de quoi?

12 Question: Vous avez été chargé de la région de la Krajina?

13 Réponse: Non, je n'étais pas chargé de la région de la Krajina. Et je ne

14 l'ai pas dit.

15 Question: Eh bien, on dit au début du paragraphe 3, en page 4 –je vais

16 vous donner lecture de toute la page-: "J'ai été chargé de la région du

17 Kosovo et de la Bosnie du Nord-est, et j'étais également chargé de la

18 Krajina.". C'est ce qui figure dans cotre déposition préalable. Je vous

19 demande donc de savoir si vous étiez chargé, oui ou non, de la région de

20 Krajina. Vous me dites que non?

21 Réponse: Je ne sais pas qui a rédigé ceci. Je répète que je n'ai jamais

22 dit que j'avais été chargé de la région de la Krajina.

23 Question: Très bien, merci. Je ne vais pas vous poser davantage de

24 questions, étant donné que vous ne savez pas qui a rédigé cette

25 déclaration qui est censée être la vôtre!

Page 12799

1 Réponse: Il se peut… Je ne sais pas qui a fait la traduction. J'ai dit que

2 j'étais chargé du Kosovo et de la Bosnie du Nord-est. J'ai également

3 précisé que, d'office, j'ai dû voyager vers la Croatie, vers la Slovénie,

4 vers la Macédoine et que sais-je encore, en Bosnie-Herzégovine; non

5 seulement en Bosnie du Nord-est, mais vers la Bosnie centrale aussi bien,

6 lorsque les besoins du service l'exigeaient, lorsque j'obtenais des

7 ordres.

8 Question: Donc vous n'avez pas fait de séjour dans la région de Banja Luka

9 et Kordun, en votre qualité d'officier de la sécurité?

10 Réponse: Je n'ai pas séjourné dans ces régions, mais j'ai dit que j'ai

11 séjourné dans la région de la Krajina de Bosnie, à Bihac et la région où

12 il y avait l'aéroport de Bihac.

13 Question: Fort bien. Vous nous avez dit que la JNA était devenue

14 l'expression même de la politique serbe, et ce, de façon assez étrange

15 étant donné qu'en 1991, on vous avait envoyé, vous, à Bihac en votre

16 qualité d'officier musulman, n'est-ce pas? A quel effet alors ou dans

17 quelle mesure cela coïncide-t-il avec votre assertion disant que nous nous

18 étions fait l'expression de la politique serbe?

19 Réponse: Je n'ai pas été envoyé à Bihac par l'armée yougoslave; j'ai été

20 envoyé à Bihac par le colonel Slobodan Rakocevic. Et en répondant à la

21 question de savoir pourquoi j'avais été la personne envoyée, j'ai répondu

22 qu'il avait probablement confiance en moi. Et le fait confiance qu'il ait

23 eu confiance en moi est illustré par le fait que j'avais été un officier

24 très consciencieux. Et il avait mentionné ou relevé qu'en fonction du

25 travail consciencieux, j'avais été promu au rang de commandant de

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1 l'aviation au sein de l'armée populaire yougoslave.

2 Question: Donc je le vois, cela ne fait donc que confirmer qu'il n'y avait

3 pas eu de discrimination mais qu'au contraire, vous avez été avantagé ou

4 favorisé en fonction des résultats au travail?

5 Réponse: En effet. J'ai dit dans ma déposition d'aujourd'hui qu'il n'y

6 avait pas eu de discrimination quelconque et que personnellement, je n'ai

7 ressenti aucune forme de pression à mon encontre. Les gens, jusqu'en 1987,

8 jusqu'en 1988 et même 1989, voire 1990, ont été classés en fonction des

9 résultats de leur travail et non pas en fonction de leur appartenance

10 ethnique.

11 Question: Très bien. Lorsque vous avez été envoyé, pour ce qui est de

12 cette mission relative à cet émetteur-récepteur, est-ce que vous avez

13 accompli cette mission?

14 Réponse: Je ne suis pas un expert pour ce qui est de découvrir les

15 émetteurs-récepteurs. J'avais été envoyé là-bas pour faire passer une

16 colonne de véhicules de reconnaissance radio avec leurs équipages; c'est

17 la raison pour laquelle je suis resté trois ou quatre jours pour attendre

18 qu'ils retrouvent l'émetteur-récepteur. De là à savoir s'ils l'ont

19 retrouvé ou pas, je ne m'aventurais pas à leur poser des questions. Eux,

20 ils étaient censés faire des rapports à leurs supérieurs directs. Je

21 n'avais pas été mandaté pour ce qui est de procéder à des recherches en ce

22 sens.

23 M. Milosevic (interprétation): Bien.

24 Dites-moi maintenant, après les événements que vous décrivez, suite à des

25 coups de feux qui ont été tirés en direction de certains réservistes, on

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1 avait jeté des bombes sur un village. Vous ne savez pas si c'était Zegar

2 ou Vaganac le village en question. Vous constatez plus loin que c'était un

3 village incendié.

4 Avez-vous des renseignements disant qu'il y ait eu des morts à l'occasion

5 de cette opération? Si oui, combien de gens sont morts? Et qu'est-il

6 arrivé?

7 M. Candic (interprétation): Je n'ai pas eu l'opportunité de parler en

8 détail de ce segment-là.

9 Lorsque je me déplaçais vers Bihac, j'ai remarqué d'énormes flammes

10 d'incendie et beaucoup de nuages de fumée.

11 Et lorsque je suis arrivé à l'aéroport de Bihac, j'ai rencontré le colonel

12 Topalovic Jovo qui hurlait en ma direction, qui injuriait tout le monde à

13 Belgrade, tous les généraux de Belgrade, et qui demandait: "Mais qu'est-ce

14 que vous êtes en train de fiche? Regardez: tout ce village est incendié,

15 tout l'aéroport est debout, toute l'aviation est en branle-bas de combat.

16 Les avions ont rasé tel village".

17 Je ne sais pas vous dire combien de gens ont péri en cette occasion-là.

18 Mais, d'après les réactions de ce colonel Jovo Topalovic, qui a remplacé

19 Imra Agotic en sa qualité de directeur du secteur de la sécurité au niveau

20 du 5e Corps de l'aviation, il était mécontent et il avait dit que cela

21 avait été une mise en place aux termes de laquelle on avait délibérément

22 ouvert le feu en direction de ce véhicule de la part des unités

23 paramilitaires.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Candic, je vous prie de vous

25 concentrer sur la question qui vous a été posée.

Page 12802

1 Vous avez dit, à un moment donné, vous ne saviez pas combien de personnes

2 ont péri. Continuez dans ce sens.

3 Monsieur Milosevic, allez-y.

4 M. Candic (interprétation): Je n'ai pas entendu la question.

5 M. Milosevic (interprétation): Vous ne savez pas de quel village il

6 s'agit?

7 Réponse: Vaganac.

8 Question: Et combien de morts il y avait eus, vous ne savez pas nous le

9 dire! Et vous ne savez pas dire non plus qui a donné l'ordre de bombardé

10 le village!

11 Réponse: D'après ce que le colonel Topalovic m'a transmis, le colonel

12 Topalovic Jovo, l'ordre de faire décoller les avions à l'aéroport de Bihac

13 et de lancer des bombes incendiaires avait été donné par le commandant

14 Mahmud Skadrac et Slobodan Jeremic, qui séjournait très souvent à

15 l'aéroport de Bihac et il se trouvait être chef du soutien aéroporté.

16 Question: De quel groupe ethnique était le commandant que vous avez

17 mentionné?

18 Réponse: Il était issu d'un couple mixte. Je ne sais plus si son père ou

19 sa mère était Serbe.

20 Question: Comment s'appelait-il?

21 Réponse: Mahmud.

22 Question: Ah oui, Mahmud.

23 Vous avez dit par la suite que vous avez vu des officiers en train de

24 boire et de fêter à la cantine des officiers.

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Dans quelle cantine a-t-on jamais servi de l'alcool?

2 Réponse: Dans les cantines, on ne sert pas d'alcool. Mais ce soir-là, au

3 mess des officiers, à savoir au restaurant où les pilotes avaient leur

4 repas, il y avait de l'alcool en quantité supérieure à quelque restaurant

5 que ce soit, là où l'on sert de l'alcool.

6 Question: Mais donnez-moi au moins l'un des noms des officiers présents?

7 Réponse: Eh bien, il y avait des gens de ma génération, Cavka Ivan,

8 Balaban Mirko, et je ne vais pas en donner d'autres.

9 Question: A Bihac, vous avez rencontré Cedomir Knezevic; c'est ce qui est

10 dit dans votre déposition. Quelle avait été la raison de cette rencontre?

11 Réponse: Eh bien, la raison c'est que je devais passer la nuit, je devais

12 donc séjourner là-bas, à l'aéroport, pendant trois ou quatre jours, pour

13 ramener la colonne en question vers Belgrade par la suite.

14 Comme j'avais vu que Jovan Topalovic était saoul et que je ne pouvais pas

15 m'entretenir avec lui -j'étais en très bons termes avec Cedo-, je lui

16 avais d'ailleurs demandé où se trouvait Cedo Knezevic. Je savais qu'il se

17 trouvait à l'aéroport de Bihac, il m'avait dit qu'il était à la "maison

18 des chasseurs". J'ai été emmené jusque là-bas et c'est là que je me suis

19 installé.

20 Question: Bien.

21 Mais ces armes qui servaient à l'armement des Serbes par la JNA, est-ce

22 que cela provenait des dépôts de la défense nationale ou de la défense

23 territoriale?

24 Réponse: Pour la seizième fois, je dis que ces armes provenaient des

25 dépôts de la défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine.

Page 12804

1 Question: Bien.

2 Mais pourquoi, dans cette action d'armement des Serbes de Croatie, il y

3 aurait eu des Croates qui y prendraient part? Est-ce que vous pourriez-

4 nous expliquer? Vous avez mentionné Miroslav Jarun comme étant un des

5 Croates.

6 Réponse: Je n'ai pas parlé de Miroslav Jarun mais de Miroslav Juran.

7 Question: Bien, Miroslav Juran.

8 Réponse: Miroslav Juran n'était pas à Bihac, il avait été à Dvorna Uni

9 avec Slavoje Ljubisa, et il n'a pas pris part à la répartition des armes.

10 C'est avec Cedo Knezevic qui se trouvait dans la "maison de chasse".

11 Question: Mais il a fait partie de l'opération, c'est ce que vous avez

12 cité. D'après votre déposition, il a participé à cette opération?

13 Réponse: Juran avait été membre du 2e Détachement du contre-espionnage de

14 Zagreb, qui avait déménagé de là-bas par peur de se voir arrêté. Une

15 partie est passé à Bihac, l'autre partie est allée à Dvorna Uni, la

16 troisième partie du détachement est allé vers Glina, voire Petrinja, et

17 chacun avait pour tâche d'établir des raisons d'informateurs et

18 collaborateurs, à savoir ces agents opérationnels à Glina, à Dvorna Uni et

19 à Bosanski Novi avaient établi des réseaux d'informateurs en sus du

20 segment qui avait été réalisé dans le cadre de Proboj-1, à savoir la

21 répartition, la distribution des armes aux Serbes s'agissant de Lika,

22 Banja, Kordun.

23 Question: Mais tout ce que vous avez appris au sujet de ces opérations,

24 vous l'avez entendu de la bouche de Knezevic, si j'ai bien compris?

25 Réponse: Bien sûr, je l'ai entendu de sa bouche et je l'ai vu de mes yeux.

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1 Question: Vous dites que vous avez vu de vos yeux qu'il avait rédigé un

2 rapport.

3 Réponse: J'ai vu aussi les armes. J'ai vu aussi le transport des armes.

4 Question: Mais s'agissant de tout ce que vous avez appris, avez-vous fait

5 des rapports à l'intention de vos supérieurs?

6 Réponse: Je n'ai informé personne. Cela n'avait pas été ma mission. Ma

7 mission avait consisté là-bas à attendre que ceux qui étaient venus là-bas

8 pour retrouver un émetteur-récepteur, d'attendre qu'ils finissent et les

9 ramener à Belgrade.

10 M. Milosevic (interprétation): Mais vous avez dit que vous voyiez tous les

11 jours au moins trois ou quatre camions chargés d'armes en train d'être

12 conduits par des soldats de la JNA et, en compagnie de la police

13 militaire, ils quittaient les entrepôts. C'est ce que vous dites en page

14 6, paragraphe 4.

15 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, nous avons maintenant le

16 texte de ces dépositions.

17 M. le Président (interprétation): Donnez-nous le numéro de cette pièce à

18 conviction, je vous prie.

19 Attendez! Attendez qu'on nous donne une cote.

20 Mme Anoya (interprétation): Ce serait 350, intercalaire 4.

21 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que je peux poser ma question

22 maintenant?

23 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y.

24 M. Milosevic (interprétation): Donc vous dites que cela, c'est ce qui

25 figure donc, je disais, paragraphe 4, page 6: "que vous voyiez au moins

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1 trois ou quatre camions chargés d'armes en train de quitter l'entrepôt".

2 Ma question est la suivante: pourquoi en page 5 alors, paragraphe 5, vous

3 affirmez -je cite-: "Ces armes n'étaient pas passées en contrebande vers

4 les civils serbes. Mais les représentants serbes venaient avec des listes

5 d'individus qui soutenaient l'insurrection serbe et qu'il fallait armer.

6 Les Serbes venaient avec leurs camions vers Bihac pour prendre possession

7 des armes pour leurs villages". (Fin de citation.)

8 Qu'est-ce qui est exact, Monsieur Candic, de ces deux affirmations-là?

9 M. Candic (interprétation): J'ai dit que, tous les jours, il y avait trois

10 ou quatre camions de garés à proximité, sur cette espèce de plateau à

11 proximité de la maison de chasse. J'ai dit également que j'ai pu voir un

12 jour deux camions s'en aller à l'occasion de l'arrivée de représentants,

13 de Serbes qui étaient venus avec une liste de besoins.

14 Je n'ai pas dit que "tous les jours"… Peut-être a-t-on fait quelque lapsus

15 linguae à l'occasion de l'interprétation ou de la traduction. Je n'ai pas

16 dit que tous les jours l'on emmenait trois ou quatre camions.

17 Mais, s'agissant de contrebande, j'ai dit que le commandant Cedo Knezevic

18 m'a dit qu'ayant appris que certains Serbes auxquels on avait distribué

19 des armes, eh bien, qu'il fusillerait personnellement les gens qui leur

20 avaient distribué les armes.

21 Je ne sais pas qui a fait cette traduction. C'est ce que j'ai dit.

22 Question: Pour ce qui est de la traduction ici, les interprètes sont

23 excellents. Et pour ce qui est des arguments concernant la traduction,

24 j'en ai entendu en quantité innombrable.

25 Mais "tous les jours"… Ici, on dit: "Tous les jours, je voyais au moins

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1 trois ou quatre camions chargés d'armes en train de quitter le dépôt". Et

2 vous dites maintenant, tout à l'heure, que vous avez vu "un jour, deux

3 camions de garés"?

4 Réponse: Je n'ai pas vu deux camions garés. J'ai vu deux camions chargés

5 s'en aller avec des armes. C'est ce que je viens de dire tout à l'heure. A

6 l'instant même.

7 Question: Mais comment saviez-vous où ces camions s'en allaient?

8 Réponse: Je n'ai jamais dit que je savais où ils s'en allaient.

9 Question: Mais lorsque vous étiez à Bihac, est-ce que vous avez eu des

10 contacts, exception faite de Cedo Knezevic?

11 Réponse: Il y avait Slobodan Jeremic en permanence pendant ces trois ou

12 quatre jours. Il était présent ces jours-là, lui aussi. Et j'ai pu voir

13 qu'il faisait partie de la situation, qu'il était au courant de toute

14 chose. Slobodan Jeremic était colonel; il était chef de l'appui ou du

15 soutien aérien au niveau du département de Zemun.

16 Question: Mais s'agissant de ces deux camions chargés d'armes que vous

17 venez de mentionner, ils sont arrivés au QG de Zemun, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Et alors, Rakocevic avait protesté et il ne pouvait pas être

20 l'organisateur de "Proboj-1". Ou alors, cette action "Proboj-1" se

21 trouvait être l'action qui devait s'opposer à cette contrebande d'armes.

22 Où en est-on au juste?

23 Réponse: Je ne sais pas où l'on en est au juste. Je sais que Rakocevic

24 avait protesté parce que l'on avait fait quelque chose sans sa

25 connaissance. C'est ce que j'ai dit.

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1 Question: Mais vous avez, par la suite, affirmé qu'il avait autorisé la

2 distribution d'armes.

3 Réponse: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il avait dit que l'on

4 ne pouvait les distribuer qu'aux bons collaborateurs, qu'à ceux qui

5 méritaient qu'on leur donne un exemplaire, à savoir une arme à chacun. Et

6 je sais que Ljuban Karan avait réussi à obtenir une dizaine d'armes pour

7 les distribuer à ce type de personnes en Slavonie orientale.

8 Question: Donc cette dizaine d'armes, c'est l'action "Proboj-2", n'est-ce

9 pas?

10 Réponse: Je n'ai pas dit que cette dizaine d'armes se ramenait à l'action

11 "Proboj-2" dans mes dires. Par la suite, j'ai dit que Karan Ljuban se

12 tournait de plus en plus vers Goran Hadzic, et que très souvent il allait

13 vers Novi Sad. Et il se tournait de plus en plus vers les services de

14 sécurité, aussi bien que vers "Arkan".

15 Question: Mais vous dites que, dans cette action-là, il a été distribué…

16 vous avez dit: "Sept ou huit armes ont été distribuées". Maintenant, vous

17 dites: "Une dizaine. Disons, même une dizaine".

18 Réponse: Non, j'ai dit: pas plus d'une dizaine.

19 Question: Bien. Cette action "Proboj-2", c'est ce que vous savez nous dire

20 à son sujet, n'est-ce pas?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Bien. Et ces sept, huit armes qui ont été distribuées, ont été

23 distribuées à des amis principalement. Disons que ce sont des

24 collaborateurs qui avaient du mérite et qui ont reçu cela à titre de

25 cadeau?

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1 Réponse: Oui, à des collaborateurs.

2 Question: Mais est-ce qu'on peut appeler cela ou qualifier cela d'armement

3 des Serbes?

4 Réponse: Je n'ai pas dit pour ma part qu'il s'agissait là d'un armement

5 des Serbes.

6 Question: Fort bien, Monsieur Candic.

7 En page 8, paragraphe 4, vous dites que, dans le QG, il est arrivé des

8 photographies de Serbes massacrés, mutilés par les formations

9 paramilitaires croates; et vous avez émis une opinion disant que c'étaient

10 des Serbes qui avaient massacré ces gens-là. Pourquoi?

11 Réponse: J'ai expliqué la chose dans cette première partie.

12 Question: Vous avez dit que cela ne vous semblait pas logique.

13 Réponse: C'est exact.

14 Question: Mais vous n'avez aucune connaissance à ce sujet. Vous avez

15 estimé que cela n'était pas logique. Qu'est-ce que cela signifie si

16 c'étaient des civils qui ont été massacrés, puis ceux qui les ont

17 massacrés s'étaient retirés, puis les nôtres les avaient retrouvés? Et

18 vous avez trouvé illogique que ceux qui les avaient massacrés ne les aient

19 pas emportés.

20 Réponse: C'est ce que je voulais dire.

21 Question: Donc ce qui vous avait semblé illogique, c'est qu'on les ait

22 laissés gisant là?

23 Réponse: Je ne vais pas vous donner de leçon pour ce qui est de la façon

24 dont je conçois les choses logiques ou pas.

25 M. Milosevic (interprétation): Mais vous affirmez que cela ne pouvait pas

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1 arriver aux unités paramilitaires croates, de massacrer des gens et de les

2 laisser sur place?

3 M. Candic (interprétation): Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que cela

4 pouvait arriver une fois, mais j'ai émis l'opinion aux termes de laquelle

5 que cela se fasse systématiquement, ce n'était pas possible.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je crois qu'il

7 faudrait que vous conduisiez à terme ce contre-interrogatoire. Vous avez

8 deux minutes.

9 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas vraiment pas…

10 M. le Président (interprétation): Vous avez bénéficié de pas mal de temps,

11 mais vous allez donc bénéficier d'encore cinq minutes.

12 M. Milosevic (interprétation): Il m'est très difficile de faire un tri sur

13 tout ce que j'ai, parce que j'ai encore une cinquantaine de questions à

14 poser.

15 Dites-moi maintenant, s'il vous plaît: est-il exact de dire que, pendant

16 votre service à Tuzla, vous avez accompagné ou suivi la formation et

17 l'armement des unités paramilitaires des Bérets verts et de la Ligue

18 patriotique?

19 M. Candic (interprétation): Dans ma déposition, j'ai dit que j'ai suivi

20 l'armement de tous les groupes ethniques, des trois groupes ethniques en

21 présence. Je n'ai jamais mentionné les Bérets verts ni la Ligue

22 patriotique. Bien entendu, j'ai maintenant l'opportunité de le dire. Je

23 sais pour sûr qu'en Bosnie du Nord-est, il n'y avait pas de Bérets verts

24 et qu'il n'y avait pas eu de formation appartenant à la Ligue patriotique.

25 Question: Est-ce que vous savez qui est Vahid Karavelic?

Page 12811

1 Réponse: Bien sûr que oui.

2 Question: Savez-vous qu'il avait été capitaine de la JNA et commandant de

3 la Ligue patriotique pour la Bosnie du Nord-est?

4 Réponse: L'intéressé, en Bosnie du Nord-est, à savoir à Zivinice, s'est

5 fait arrêter et il a été emmené à Sremska Mitrovica vers la prison; par la

6 suite, il a été échangé. Il est exact de dire qu'il avait été capitaine de

7 la JNA et il avait pour mission d'être le coordinateur de la Ligue

8 patriotique. Par contre, il ne s'agissait que de coordination et pas

9 d'action dans le sens d'un armement quelconque ou de l'organisation

10 quelconque de formations militaires.

11 Question: Donc vous affirmez qu'il n'y avait pas eu de Ligue patriotique

12 en Bosnie du Nord-est et vous confirmez que Vahid Karavelic, capitaine de

13 la JNA, avait été coordinateur de la Ligue patriotique pour la Bosnie du

14 Nord-est? Moi, je dis commandant de la Ligue pour le Nord-est de la

15 Bosnie.

16 Réponse: J'affirme que Vahid Karavelic n'était pas commandant de la Ligue

17 patriotique. Il avait été partie intégrante de ce schéma avec d'autres

18 personnes qui se trouvaient dans cette Ligue patriotique. L'une de ces

19 personnes était M. Redjuc Hariz et ce dernier a fourni abri au capitaine

20 Vahid Karavelic qui a, pendant un certain temps, séjourné chez ce premier.

21 Question: Mais est-il exact d'affirmer que Vahid avait empêché

22 l'approvisionnement en vivres du village de Ljubas?

23 Réponse: C'est inexact.

24 Question: Est-il exact de dire qu'à l'occasion d'une opération qui était

25 commandée par vos soins, il y a eu conflit avec les gens de Karavelic, à

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1 l'occasion de quoi un lieutenant de la JNA a été battu, un Albanais?

2 Réponse: Je sais que Miftari Raif a été tué, mais je n'ai jamais commandé

3 quelque opération que ce soit. Et lorsque ce lieutenant, Miftari Raif, a

4 été tué; moi, je me trouvais à Belgrade. Je n'ai appris que par la suite

5 qu'il avait été tué à proximité de Zivinice, et ce, par son propre

6 commandant, le commandant du corps d'artillerie et de missiles.

7 Réponse: Mais serait-il exact de dire que vous avez arrêté Karavelic lui-

8 même et que vous l'avez transféré vers la prison de Sremska Mitrovica?

9 Réponse: Il est exact que je n'ai jamais vu Vahid Karavelic là-bas. Et je

10 ne suis pas pilote d'hélicoptère pour avoir pu opérer un transfert de ce

11 type. Je n'ai pas été présent, je n'étais pas sur le territoire en

12 question.

13 Question: Mais Sremska Mitrovica ne se trouve pas au nord-est de la

14 Bosnie. N'a-t-on pas retrouvé chez lui des documents concernant l'armement

15 de la 108e Brigade de la garde nationale?

16 Réponse: Je n'ai aucune idée de ce qu'on a retrouvé sur lui. Peut-être le

17 savez-vous mieux que moi-même.

18 Question: Et s'agissant des informations qui étaient en votre possession

19 grâce à votre grade et à votre position, les avez-vous communiquées à des

20 services de renseignement autres, suite à votre départ de la JNA?

21 Réponse: Pour ce qui est des informations concernant mon grade et ma

22 position, ces informations ont été mises à la disposition non pas de

23 certains services, mais à un service. Non, seulement le service chargé de

24 la défense de la protection de l'ordre constitutionnel de la République de

25 Croatie, et ce, dans un procès contre Radenko Radojcic.

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1 Question: Quand avez-vous quitté la Croatie pour rejoindre les rangs de

2 l'armée de Bosnie-Herzégovine?

3 Réponse: J'ai été le premier commandant du QG de la Défense territoriale

4 de Brcko, de la municipalité de Brcko.

5 Question: Mais n'est-il pas exact de dire qu'ayant quitté la JNA, vous

6 avez séjourné en Autriche et en Italie pendant un certain temps?

7 Réponse: Oui, je suis resté peu de temps en Autriche.

8 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous entré en contact avec l'un

9 quelconque de services secrets étrangers?

10 M. Candic (interprétation): Non.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, passez à votre

12 dernière question.

13 M. Milosevic (interprétation): Il restera beaucoup de questions que je

14 n'aurai pas pu poser, Monsieur May.

15 Mais savez-vous nous dire, Monsieur, qui est Fikret Muslimovic?

16 M. Candic (interprétation): Fikret Muslimovic est un officier, au niveau

17 des organes de sécurité de l'ex-JNA. Et, bien entendu, il est devenu

18 officier de l'armée de Bosnie-Herzégovine à l'occasion de l'agression

19 contre la Bosnie-Herzégovine.

20 M. Milosevic (interprétation): Mais serait-il exact de dire qu'en sa

21 qualité d'officier chargé de la sécurité, il avait été chargé de suivre

22 les clérico-nationalistes sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et

23 que, dans ce sens-là, il avait établi un réseau d'informateurs parmi les

24 imams et les autres religieux?

25 M. Candic (interprétation): Tous les organes de sécurité… A savoir, Fikret

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1 Muslimovic avait été chargé… Enfin, il n'a jamais été membre de ce groupe

2 de contre-espionnage. En d'autres termes, dans le domaine de son niveau

3 d'activité dans cette unité, il travaillait au niveau de l'immigration, au

4 niveau des agences de renseignement étrangères et au niveau des

5 nationalistes. Et il pouvait faire des réseaux d'informateurs parmi les

6 gens qui faisaient partie de ces unités-là.

7 M. le Président (interprétation): Très bien. Monsieur Milosevic, vous avez

8 utilisé le temps qui vous était imparti.

9 Je demande aux amici curiae s'ils ont des questions à poser.

10 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Mustafa

11 Candic.)

12 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. J'aurai

13 effectivement un certain nombre de questions à poser.

14 Et pour ne pas y revenir plus tard, compte tenu de ce qu'a dit aujourd'hui

15 M. Candic, j'aimerais commencer par l'interroger sur son propos

16 d'aujourd'hui, et notamment l'interroger sur le sujet qui a été abordé

17 dans le contre-interrogatoire il y a quelques instants, à savoir ces

18 photographies, ces clichés qui ont été vus lors des massacres de civils.

19 Le témoin a déjà donné son explication à ce sujet.

20 Mais dans votre déclaration, Monsieur Candic, page 9 de la version

21 anglaise, trois phrases avant la fin; c'est en page 8 dans votre version,

22 paragraphe 4.

23 Vous disiez que vous n'étiez jamais au courant de l'appartenance ethnique

24 de ces personnes, n'est-ce pas?

25 M. Candic (interprétation): J'ai dit que je ne voulais pas accepter cette

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1 information selon laquelle il s'agissait de Serbes, même si Karan et les

2 autres m'ont dit qu'il s'agissait de Serbes.

3 Question: Mais vous n'étiez pas sûr de leur appartenance ethnique; c'est

4 ce que vous avez dit.

5 Est-il vrai que vous n'étiez pas au courant?

6 Réponse: Eh bien, cela ne m'intéresse pas. Je n'ai pas recueilli cette

7 donnée.

8 Question: Mais alors, pourquoi est-ce que vous avez pu vous laisser aller

9 à donner votre opinion?

10 Réponse: Je n'ai pas donné d'opinion, j'ai simplement dit que cela ne me

11 semblait pas logique.

12 Question: Très bien. Mais puisqu'il a été présenté au tribunal, j'aimerais

13 revenir à votre déclaration, -enfin, ce n'est pas une pièce à conviction,

14 je ne vais sans doute pas l'utiliser abondamment-, mais vous avez parlé de

15 cet officier ou de ce soldat qui a exécuté quatre personnes en leur tirant

16 dans le dos. C'est quelque chose de tout à fait terrible. Si cet événement

17 a réellement eu lieu, alors comment se fait-il que vous ne l'ayez pas

18 mentionné lors de votre premier interrogatoire par le Bureau du Procureur?

19 Réponse: Je ne l'ai pas dit parce que personne ne m'a interrogé à ce

20 sujet. J'en ai parlé aujourd'hui parce qu'on m'a interrogé à ce sujet.

21 Question: Très bien. Lorsque vous avez vu que Radakovic, qui est le soldat

22 ou l'officier qui a fait cela, lorsque vous avez appris son nom, pourquoi

23 ne l'avez-vous pas dit à l'un de vos supérieurs ou au Tribunal, au Bureau

24 du Procureur?

25 Réponse: J'étais inférieur en grade au sous-lieutenant Radakovic qui lui-

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1 même était le suppléant du chef du groupe central de contre-espionnage.

2 Donc, quand le chef n'était pas là, c'est lui qui le remplaçait. Mais,

3 moi, personnellement, j'ai eu une discussion très intense avec lui sur ce

4 sujet, mais c'était une discussion personnelle et je n'ai pas considéré

5 que j'aurais dû transmettre cette information à des supérieurs.

6 Officiellement, je pensais que cela risquait de me mettre dans une

7 situation encore plus difficile.

8 Question: Lorsque vous avez parlé de l'opération "Labrador" et des

9 écoutes, vous faisiez donc partie du service qui était responsable de ce

10 genre de choses. Est-ce que vous vous êtes occupé principalement de tâches

11 qui étaient censées empêcher le démantèlement de la Yougoslavie?

12 Réponse: Lorsque j'ai parlé de l'opération "Opera", son objet principal

13 était d'agir sur la plan de la propagande pour obtenir par la voie

14 psychologique une influence sur les prises de position, les expressions de

15 position et les comportements de certaines personnes situées à certain

16 niveau.

17 Question: Mais n'était-il pas manifeste à vos yeux que c'est ce service

18 qui… Puisque le transfert de 70 avions avait été organisé vers la partie

19 croate, est-ce que vous savez que ce service qui l'a empêché? Si vous le

20 savez, dites simplement oui ou non?

21 Réponse: Non.

22 Question: Savez-vous qu'en 1992, le procureur militaire de la JNA a été

23 arrêté et traduit en justice?

24 Réponse: Je ne sais pas ce qui s'est passé à ce moment-là. J'ai dit moi-

25 même que j'avais quitté l'armée en 1992. Donc je ne sais pas ce dont vous

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1 parlez.

2 Question: Vous avez dit vous-même qu'ils avaient tous été arrêtés?

3 Réponse: Qui? Qui?

4 Question: Vous avez dit qu'ils avaient été arrêtés et traduits en justice?

5 Réponse: Mais qui? Qui?

6 Question: Vasiljevic?

7 Réponse: J'ai dit que Vasiljevic et Rakocevic ainsi que le groupe "Opera"

8 avaient été arrêtés et pas que 70 pilotes qui se préparaient à déserter

9 avec leur avion en Croatie avaient été arrêtés.

10 Question: J'ai cru comprendre que vous aviez dit que ce groupe avait été

11 arrêté, comme proposé par le procureur militaire de la JNA et traduit en

12 justice?

13 Réponse: C'était un procès, j'ai été témoin à ce procès et tout ce que

14 j'ai dit au sujet des deux camions, au sujet du groupe "Opera" et tout ce

15 que j'ai dit par la suite, je l'avais déjà dit à Belgrade. Et il existe

16 sans doute des comptes rendus de ma déclaration. Je ne savais pas à

17 l'époque que je viendrais ici aujourd'hui pour parler de ce genre de

18 choses, mais ce que je dis aujourd'hui, je l'ai dit à l'identique à

19 l'époque, ne sachant pas que je viendrais plus tard ici. J'ai relaté

20 exactement la même chose en tant que témoin à Zagreb, dans le procès

21 intenté contre Radenko Radojcic.

22 Question: Je vous demande de répondre court, parce que je n'ai pas

23 beaucoup de temps. Je vous demande simplement s'ils ont été arrêtés?

24 Réponse: Oui, ils ont été arrêtés.

25 Question: J'ai encore trois sujets à aborder, Monsieur le Président, que

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1 le témoin a déjà abordés précédemment.

2 D'abord, Monsieur, vous avez dit que l'armée avait fait intrusion dans les

3 structures civiles en 1989; c'est bien cela?

4 Réponse: Je n'ai pas dit que l'armée s'était infiltrée dans les structures

5 civiles, j'ai dit que des membres des services de renseignement avaient

6 créé des positions au sein des civils en 1989, 1990.

7 Question: Bien. Mais est-ce qu'il était possible à quelqu'un de travailler

8 30 ans au sein de votre organisation, qui s'appelle la KOG, en ne sachant

9 pas que cette organisation s'appelle KOG et en pensant qu'elle s'appelle

10 KOS?

11 Réponse: Jamais personne qui appartenait à la structure à laquelle

12 j'appartenais moi-même n'a utilisé le terme de KOS. Tout le monde parlait

13 de KOG.

14 Question: Mais était-il possible que quelqu'un soit employé du KOG sans

15 savoir que cet organisme s'appelle KOG?

16 Réponse: Quelqu'un qui est employé dans une organisation sait qu'il est

17 employé dans l'organisation où nous travaillons parce qu'il a une relation

18 avec une seule personne. Mais, pour le reste, il ne connaît personne

19 d'autre que cet agent.

20 Question: Et pendant 30 ans, il ne connaît que cet agent-là et personne

21 d'autre, un seul et unique agent?

22 Réponse: C'est une condition de base.

23 Question: Merci. Dans ces structures, vous avez mené des enquêtes, vous

24 avez suivi des gens, vous avez fait des filatures, vous avez procédé à des

25 écoutes?

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1 Réponse: Recueil de renseignements.

2 Question: Vous n'avez jamais procédé à des enquêtes, vous avez simplement

3 recueilli des informations?

4 Réponse: Oui, recueil d'informations uniquement.

5 Question: J'aimerais vous demander, à l'intention des Juges, de fournir

6 quelques explications. L'armée est composée principalement des officiers,

7 à savoir des officiers supérieurs et sous-officiers?

8 Réponse: Il y a deux composantes qui constituent l'armée: l'armée

9 populaire yougoslave, composée d'officiers, de sous-officiers, de soldats

10 d'active, avec leurs armements sont une composante, et les réservistes la

11 seconde composante.

12 Question: Moi, ce qui m'intéresse, c'est le corps des soldats et

13 officiers.

14 Combien de soldats étaient-ils membres de la JNA? Ou bien est-il exact que

15 90% à 95% de la JNA étaient composés de conscrits qui faisaient leur

16 service militaire?

17 Réponse: Tout le monde sait bien que le service militaire durait 12 mois.

18 M. Tapuskovic (interprétation): Donc il y avait des conscrits?

19 M. Candic (interprétation): Avant d'entrer dans l'armée, c'étaient des

20 civils et, lorsqu'ils avaient fini leur service militaire, ils

21 redevenaient civils.

22 M. le Président (interprétation): L'heure de la pause est arrivée. Vingt

23 minutes.

24 (L'audience, suspendue à 12 heures 18, est reprise à 12 heures 43.)

25 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Tapuskovic. Vous avez à

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1 nouveau la parole.

2 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

3 Monsieur Candic, vraiment je vous prie de répondre uniquement par oui ou

4 non, ou, en tout cas, le plus brièvement possible.

5 Nous parlions donc du fait que des civils, les habitants qui avaient entre

6 18 et 20 ans, passaient un an au sein de l'armée et ensuite rentraient

7 dans leur vie civile. C'est bien cela?

8 M. Candic (interprétation): Oui.

9 Question: Le principe qui régissait le service militaire à l'époque était-

10 il qu'un Croate faisait son service en Serbie, un Macédonien en Slovénie,

11 un Serbe en Slovénie, un Monténégrin en Bosnie? Etait-ce un principe de

12 base?

13 Réponse: Il n'y avait pas de principe particulier. En tout cas, il n'y

14 avait pas de système de répartition particulier pour les conscrits qui

15 faisaient leur service militaire. Mais, en tout état de cause, on

16 s'efforçait de faire en sorte que le jeune homme ne fasse pas son service

17 tout près de chez lui, mais plus loin et, en général, dans une autre

18 République. Maintenant, dans quelle République de l'ex-Yougoslavie…

19 Question: Merci. Merci. Donc, dans cette situation, étant donné que vous

20 étiez officier et que vous connaissiez bien la vie à l'intérieur de cette

21 armée, je vous demande si l'une quelconque des populations qui résidaient

22 en Yougoslavie pouvait se sentir occupée par une autre population, si un

23 peuple de l'ex-Yougoslavie pouvait se sentir occupé par un autre peuple?

24 Réponse: En tant qu'officier, je puis dire que je n'ai jamais eu

25 connaissance du fait qu'un peuple de l'ex-Yougoslavie se serait senti

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1 occupé par un autre.

2 Question: Merci. Et une nécessité de base était-elle, pour les cadres de

3 l'armée, de développer chez les conscrits la tolérance à l'égard des

4 autres groupes ethniques culturellement, religieusement, nationalement,

5 etc.?

6 Réponse: C'était un principe de base.

7 Question: Etait-ce la politique des cadres de l'armée?

8 Réponse: C'est ce que je voulais dire, c'était sous-entendu.

9 Question: Je vous demande maintenant si l'armée, à l'époque, se mêlait des

10 affaires civiles -je parle de 1989-, hormis lorsqu'il est question

11 d'actions humanitaires?

12 Réponse: J'ai essayé d'expliquer que l'armée s'occupait des affaires

13 civiles lorsqu'il s'agissait d'une opération de très grande importance,

14 qui avait de l'importance sur le plan de la sécurité, lorsque la sécurité

15 était appliquée tant sur le plan civil que militaire, par les mêmes

16 instances.

17 Question: Mais je vous pose la question au sujet des 50 à 60 dernières

18 années: était-il exact que, dans ces 50 ou 60 années, l'armée ne

19 s'intéressait aux affaires civiles que lorsqu'il y avait des catastrophes

20 naturelles, ou lorsqu'il fallait construire un pont ou une route, mais en

21 d'autres occasions l'armée ne se mêlait pas de questions civiles? Est-ce

22 exact?

23 Réponse: En effet.

24 Question: Merci. Un autre sujet dont j'aimerais que nous parlions, c'est

25 celui que vous avez déjà abordé lorsque vous avez traité du mémorandum.

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1 Vous avez peut-être raison, je ne suis pas un expert en la matière, mais

2 en tout cas il me semble que vous avez raison de dire que le mémorandum a

3 paru en 1986, et je crois que c'était dans le journal "Vecernje Novosti".

4 Réponse: Je ne sais pas dans quel journal il a été publié. Mais en tant

5 que document, c'est un document en tant que tel, ce n'est pas un document

6 qui a paru uniquement dans les journaux.

7 Question: Etes-vous certain que ce document a été signé et mis au point

8 par les auteurs de ce document?

9 Réponse: Je sais que c'est l'Académie des sciences et des lettres,

10 l'Académie serbe qui l'a élaboré.

11 Question: Vous en êtes certain?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Pouvez-vous nous dire, s'agissant de 1986, quelles étaient les

14 positions officielles de Milosevic, à l'époque, de Slobodan Milosevic?

15 Réponse: En 1986, je crois qu'il était Président de la Ligue des

16 communistes de Serbie.

17 Question: Avait-il une fonction au sein de l'Etat?

18 Réponse: Non.

19 Question: Merci. Hier, ou plutôt non, ce n'était pas hier, mais lors de

20 l'interrogatoire principal -et vous l'avez repris il y a quelques instants

21 aujourd'hui-, et j'ai sous les yeux la version française du compte rendu

22 d'audience de ce que vous avez dit lors de cet interrogatoire principal,

23 page 12701 de la version française du compte rendu d'audience -je crois

24 que la numérotation est la même pour le compte rendu en anglais-, vous

25 dites à ce niveau que l'initiateur principal de ce projet baptisé

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1 "Mémorandum" était Milosevic?

2 Réponse: J'ai dit aujourd'hui à plusieurs reprises -en tout cas, j'ai

3 essayé- qu'il n'avait pas été l'auteur de ce document, mais que celui qui

4 a permis, en partie, que ce projet soit mené à bien, j'ai dit que c'était

5 lui et qu'il avait joué un rôle important à cet égard.

6 Question: Vous avez dit qu'il était le principal initiateur, ce qui

7 signifie qu'il a incité l'Académie des sciences à faire ce qu'elle a fait.

8 Réponse: Je n'ai pas dit qu'il était l'initiateur du projet. J'ai dit que

9 c'était l'Académie des sciences serbe qui l'avait fait.

10 Question: Bien. Page 12702, ligne 10 du compte rendu d'audience en

11 français… Je dois le lire en français. Excusez-moi, si je fais des

12 erreurs.

13 (en français): "Mémorandum:… …et dans ce que Slobodan Milosevic était en

14 train de faire,… …désintégration de cette RSFY et une mise en place d'un

15 projet de Grande Serbie".

16 (avec interprétation): Est-ce que c'est bien ce qui est écrit dans le

17 "Mémorandum"?

18 Réponse: Ce n'est pas écrit dans le mémorandum. Ça, c'est moi qui l'ai

19 dit.

20 Question: Mais vous affirmez que le mémorandum s'occupe de la

21 désintégration de la Yougoslavie et que c'était le souhait de Milosevic

22 depuis la date de parution du "Mémorandum"?

23 Réponse: J'ai dit que c'était le souhait de Milosevic. Quant aux questions

24 dont traite le "Mémorandum", c'était la situation, la position des Serbes

25 en Yougoslavie qui était le peuple le plus nombreux en Yougoslavie.

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1 Question: Avez-vous également dit ce qui est écrit dans votre déclaration

2 préalable, page 4, paragraphe 9, version anglaise -je cite-: "Au sujet de

3 cette idée de la Yougoslavie tronquée, il en est question dans le

4 "Mémorandum" de l'Académie des sciences serbe." (Fin de citation).

5 Est-il exact que, dans le mémorandum, il soit question de cela? Et je vous

6 demande si vous avez bien lu le mémorandum?

7 Réponse: Lorsqu'il est question de la situation du peuple serbe, il est

8 permis de tirer la conclusion que les territoires sur lesquels habitent

9 des Serbes doivent appartenir au peuple le plus nombreux.

10 Question: Et dans le mémorandum, il est question de la désintégration de

11 la Yougoslavie? Si vous l'avez dit, vous dites que c'est bien ce qui y est

12 traité?

13 Réponse: Dans le mémorandum, il est indiqué qu'il faut dépasser la thèse

14 selon laquelle la Serbie serait faible et la Yougoslavie forte. Et donc,

15 si on traduit cela, on comprend qu'il faut renforcer la Serbie pour

16 renforcer la Yougoslavie.

17 Question: Ça, c'est votre interprétation. Je vous demande si c'est écrit

18 en toutes lettres dans le mémorandum?

19 Réponse: Ce n'est pas écrit en toutes lettres.

20 Question: Merci. J'en arrive maintenant à mon sujet suivant; je crois que

21 nous en terminerons sur ce sujet.

22 La dernière fois, vous avez dit que vous vous rendiez compte que la JNA

23 était favorable à un groupe ethnique après les événements de Slovénie et

24 de Croatie?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Pouvez-vous me dire si, à l'époque, la Slovénie était vraiment

2 une République yougoslave dans laquelle il n'y avait aucune tension

3 ethnique et que le niveau de vie dans cette République était le plus

4 élevé? Est-ce exact?

5 Réponse: Le niveau de vie dans la République de Slovénie était

6 effectivement le plus élevé.

7 Question: Y a-t-il jamais eu des tensions ethniques dans cette République?

8 Réponse: Il n'y a pas eu de tensions ethniques en Slovénie.

9 Question: Puisque vous avez parlé du mémorandum et comme vous appartenez

10 au service auquel vous apparteniez, je vous demande si vous êtes au

11 courant des événements liés à Mladina?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Vous les avez suivis, n'est-ce pas? Et dans ce cas, vous savez

14 qu'ils se sont déroulés en 1988?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Vous savez que l'idée qui circulait, dans le cadre de cette

17 question Mladina, c'était que le service militaire devait être effectué

18 par les civils; en d'autres termes, que le pays devait être démilitarisé,

19 désarmé, et le budget de la JNA réduit?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Est-ce que c'était bien l'une des principales idées avancées à

22 ce moment-là?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que, plus tard, est-ce que Mladina est devenu plus tard

25 ministre de la Défense, lorsque le désarmement a été préconisé? Est-ce que

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1 les gens ont été désarmés?

2 Réponse: Non, il n'y a pas eu désarmement complet.

3 Question: Est-ce que des armes ont été distribuées, à ce moment-là?

4 Réponse: A un certain moment, lorsque les postes frontaliers ont dû être

5 repris en 1991 en Slovénie, lorsque le conflit a donc éclaté en Slovénie,

6 des individus sont entrés par effraction dans des entrepôts, dans des

7 arsenaux et se sont emparés des armes de la Défense territoriale.

8 Question: Les casernes étaient encerclées, en Slovénie, et des attaques

9 ont été lancées contre la JNA, n'est-ce pas?

10 Réponse: Eh bien, ça, c'est un sujet assez vaste; on pourrait en discuter

11 longtemps pour savoir si les casernes ont été encerclées ou pas. Quant au

12 scénario qui a été mis en place et qui l'a organisé, j'ai mon avis sur la

13 question, mais je n'aimerais pas en parler ici.

14 Question: Est-il vrai que, sur une période de dix jours, il n'y a eu de

15 conflit nulle part en Slovénie et que, pourtant, 40 à 50 jeunes gens ont

16 été tués après avoir levé les bras en l'air pour se rendre?

17 Réponse: Je ne connais pas le chiffre exact des personnes qui ont été

18 tuées.

19 Question: Et dans votre service, est-ce que vous avez vu une vidéo qui

20 montre 40 à 50 jeunes gens, les bras en l'air? Ils ont entre 18 et 20; ils

21 sont debout, donc, les bras en l'air et on tire sur eux et on les tue?

22 Réponse: Moi, en tant que personne, j'appelle le conflit en Slovénie une

23 guerre de cinéma.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Mais en tout cas, ces jeunes gens se sont

25 rendus, n'est-ce pas? Ils ne voulaient pas se battre?

Page 12827

1 M. Candic (interprétation): Je n'en sais rien. Après tout cela, la

2 présidence de la Slovénie a parlé d'agression de la part de la JNA contre

3 la Slovénie indépendante et a appelé la population à résister.

4 M. le Président (interprétation): Notre temps est limité, Maître

5 Tapuskovic. Je ne suis pas sûr que ce témoin soit le mieux à même de

6 répondre aux questions que vous lui posez, si elles sont pertinentes.

7 Est-ce que vous en aurez fini bientôt?

8 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Monsieur le Juge

9 May, j'en ai terminé dans une seconde.

10 Monsieur le Témoin, ce que j'essaie de dire, c'est qu'après les événements

11 de Slovénie, après ce qui s'est passé en Slovénie, c'est seulement après

12 que les opérations "Proboj-1", "Proboj-2" et "Proboj-3" se sont déroulées

13 en octobre: parce que le moment où ces soldats ont été tués, c'était en

14 juin et "Proboj-1, 2 et 3" ont eu lieu en octobre 1991? C'est bien ça?

15 M. Candic (interprétation): Non, ce n'est pas cela.

16 Question: Eh bien, expliquez-vous.

17 Réponse: Parce que je n'ai entendu parler qu'au mois de septembre de

18 "Proboj-1". Et à lire le document qui m'a été montré ici, on voit bien que

19 le lieutenant-colonel Smiljanic a mené l'opération "Proboj-1" en juillet,

20 donc avant que la guerre n'éclate en Slovénie.

21 Question: Vous avez parlé de "Proboj-1, 2 et 3"?

22 Réponse: "Proboj-2" a été la suite de "Proboj-1" et a concerné la Slavonie

23 orientale.

24 Question: En tout état de cause, il y a eu trois opérations, "Proboj-1, 2

25 et 3", qui se sont déroulées après les événements de Slovénie?

Page 12828

1 Réponse: C'était avant octobre 1991.

2 Question: Mais dans ce cas-là, ce que vous dites dans votre déclaration

3 préalable est inexact parce que, dans votre témoignage, vous avez parlé de

4 la période allant d'octobre à décembre?

5 Réponse: Mais je n'avais pas eu sous les yeux le document qu'on m'a montré

6 ici. En tout cas, cela a commencé avant.

7 Question: En tout état de cause, la distribution d'armes ne s'est pas

8 produite après la publication du mémorandum?

9 Réponse: Le mémorandum a été publié en 1986.

10 Question: Est-ce qu'il y a eu distribution d'armes, à l'époque?

11 Réponse: Non, il n'y en a pas eu.

12 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.

13 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Mustafa Candic, par

14 M. Nice.)

15 M. Nice (interprétation): Je crois qu'il y a trois passages de votre

16 déclaration sur lesquels j'aimerais revenir. Et les Juges de cette Chambre

17 se rendront bien compte que la numérotation, la pagination est différente

18 dans la version que vous avez et dans celle dont dispose l'accusé. Moi,

19 j'ai la même pagination que celle des Juges?

20 Donc, bas de la page 4: à cet endroit, l'accusé, dans une question, a

21 laissé entendre que le témoin avait des responsabilité reconnues,

22 s'agissant des événements en Krajina.

23 Monsieur Candic, je vous demande d'écouter ce que je vais maintenant lire

24 et me dire si c'est exact -je cite-: "Mes responsabilité se situaient au

25 Kosovo et dans le Nord-est de la Bosnie, mais j'avais des tâches, des

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1 affectations liées à la Krajina."

2 Ceci est-il exact ou pas?

3 M. Candic (interprétation): Non.

4 Question: Dans ce cas, je vous demanderai d'expliquer quelles était votre

5 situation eu égard à la Krajina.

6 Réponse: Ma situation, s'agissant de la Krajina, est que je n'ai eu aucune

7 participation, je n'ai eu aucune mission, aucune responsabilité vis-à-vis

8 de la Krajina, à quelque moment que ce soit, en tant que membre du groupe

9 central de contre-espionnage.

10 Je me suis efforcé d'expliquer aux Juges de cette Chambre qu'à plusieurs

11 reprises, j'ai participé aux phases finales d'opérations à Sarajevo,

12 Tuzla, Zagreb, donc dans d'autres régions que les deux zones de

13 responsabilités qui étaient les miennes; c'est cela que j'ai essayé

14 d'expliquer.

15 Question: Page 7, bas de la page, Me Tapuskovic a laissé entendre que dans

16 vos déclarations préalables, il n'y avait pas de référence à l'exécution

17 de quatre civils croates. Or, dans ce dernier paragraphe nous voyons que

18 vous y avez fait référence.

19 Page 9, maintenant, je vous prie.

20 S'agissant de l'opération "Proboj-2" et de la possibilité que des cadavres

21 aient été filmés et qu'ils aient eu une appartenance ethnique

22 particulière, dans votre déclaration, vous dites à cet égard ce qui suit

23 -je cite-: "Les cadavres de civils filmés venaient des villages de Nustar,

24 Borovo Naselje; Vinkovci et du centre ferroviaire d'Osijek." (Fin de

25 citation).

Page 12830

1 Pouvez-vous nous dire ce que vous savez de la domination ethnique dans ces

2 villages, si vous la connaissez?

3 Réponse: Eh bien, la composition était à peu près égale, 50-50.

4 Question: Merci. Quelques petites questions encore, à l'inverse de l'ordre

5 chronologique.

6 Maître Tapuskovic vous a interrogé au sujet des personnes qui

7 travaillaient pour les services de renseignement, et vous avez expliqué

8 que ces personnes, même si ces personnes n'étaient pas censées savoir y

9 compris où travaillait leur contact direct, l'agent avec lequel ils

10 étaient en contact opérationnel direct. Vous avez travaillé dans le

11 renseignement: saviez-vous, oui ou non, quels étaient les agences ou les

12 services de renseignement qui existaient à l'époque et qui auraient pu

13 impliquer de travailler à l'étranger?

14 Réponse: Oui.

15 Question: L'organe pour lequel vous travailliez comportait-il un élément

16 de renseignement actif dans ce domaine ou pas?

17 Réponse: L'organe pour lequel je travaillais -c'est-à-dire le secteur des

18 services de renseignement étranger et le secteur chargé de l'émigration-

19 avait bien sûr des collaborateurs à l'étranger. Et il arrivait que ces

20 personnes participent à des réunions à l'étranger donc pour obtenir des

21 renseignements de la part des collaborateurs qui travaillaient à

22 l'étranger.

23 Question: Aviez-vous connaissance, oui ou non, de l'existence d'autres

24 unités ou d'autres organes agissant activement dans le renseignement? Et

25 avez-vous jamais entendu parler en particulier de ce qu'il était convenu

Page 12831

1 d'appeler "la deuxième direction" ou "la deuxième administration"?

2 Réponse: Cela s'appelle des "administrations de renseignement". Et cette

3 administration avait pour responsabilité exclusive de ce qui se passait à

4 l'étranger, autrement dit de recueillir des renseignements principalement

5 politiques et militaires; c'est-à-dire, par exemple, de se préparer à

6 réagir éventuellement si des menaces existaient contre la Yougoslavie.

7 C'était la tâche du service de renseignement qui s'appelait "la deuxième

8 administration" et qui travaillait à l'étranger, mais elle n'avait pas de

9 lien très fort avec l'administration de la sécurité.

10 Question: J'ai encore deux questions à vous poser. Finalement, le sigle

11 "KOS" est-il un sigle qui n'est plus officiellement en utilisation depuis

12 plusieurs décennies, mais est-il néanmoins utilisé de façon officieuse

13 pour couvrir l'ensemble des services de renseignement?

14 Réponse: C'est un sigle qui a officiellement cessé d'exister il y a

15 plusieurs décennies. Le sigle officiel, c'est "Service de sécurité de

16 l'armée populaire yougoslave". Et au sein de ce service, les groupes de

17 contre-espionnage.

18 Quant au sigle "KOS", il a continué à être utilisé dans la population; les

19 gens qui frayaient autour de ces milieux parlaient entre eux "des membres

20 du KOS". C'était un terme assez vague.

21 Question: Très bien. Quelques questions encore qui nous ramènent au début

22 du contre-interrogatoire par l'accusé. Pouvez-vous d'abord nous donner

23 quelques exemples de discrimination contre les Albanais au sein de la JNA?

24 En quelques mots, je vous prie.

25 Réponse: Un exemple de discrimination à l'égard des Albanais dans la JNA

Page 12832

1 ou plutôt à l'égard d'une catégorie de soldats ou d'officiers étant

2 d'appartenance ethnique. Vous savez, cela a toujours été une priorité de

3 premier ordre dans les exercices, dans les services de contre-espionnage.

4 C'est toujours ce que nous avons fait en premier lieu pour voir quels

5 étaient les dangers en matière de séparatisme ou au Kosovo.

6 Question: Fort bien. Parlons de la participation de la JNA dans ce qu'on a

7 appelé "la révolution des troncs d'arbre"? Donnez-nous quelques exemples

8 qui montrent ce qu'ont fait les membres de la JNA dans le cadre de cette

9 révolution appelée "des troncs d'arbre"?

10 Réponse: Il n'y a pas eu de participation concrète de la JNA à cette

11 révolution. Mais… comment dire? Disons qu'elle a apporté un soutien moral,

12 disons qu'il y a eu des contacts, il y a eu des conseils qui ont été

13 dispensés pour veiller à la continuation du processus.

14 Question: Beaucoup de questions étaient posées à propos du mémorandum, et

15 vous avez dit comment vous aviez vu l'application ou les ramifications de

16 ce mémorandum. Pensez-vous que votre façon de voir les choses était

17 partagée par beaucoup de personnes ou est-ce que c'était vraiment un avis

18 personnel?

19 Réponse: Cet avis qui est le mien, je dirais qu'il est partagé par la

20 majorité des gens.

21 Question: On vous a posé une question à propos de cette intention d'amener

22 des Roumains au Kosovo et l'accusé a dit qu'un tel plan n'a jamais existé.

23 Quand avez-vous entendu parler de l'existence de ce plan? Et où ceci

24 s'est-il passé?

25 Réponse: J'en ai entendu parler en 1989, en 1990 au Kosovo. C'est Lilja

Page 12833

1 Balevic qui en a parlé. Je pense que c'était la belle-fille ou plutôt la

2 femme de Mitar Balevic. C'est pour ça que j'ai demandé à l'accusé s'il

3 connaissait Mitar Balevic, parce que c'était un militant, un Serbe de

4 Kosovo Polje.

5 Question: J'ai encore deux questions à vous poser. Une question vous a été

6 posée à propos de l'exode qui a suivi cette directive. S'agissant de cette

7 directive, est-ce que vous en avez pris connaissance? D'où venait-elle? Et

8 comment en étiez-vous informé?

9 Réponse: Je n'ai pas vu cette directive. Cependant, au Kosovo, outre

10 l'intervention de Lilja Balevic, il y avait d'autres Serbes, des associés

11 qui ont parlé de cette directive, qui ont dit que les Serbes étaient

12 censés être déplacés pour montrer l'ampleur du danger qui pesait sur eux

13 au Kosovo. Mais ils n'avaient pas du tout l'intention de partir du Kosovo,

14 de déménager.

15 Question: Enfin, l'accusé vous a posé une question portant sur ce qu'on a

16 appelé des groupes illégaux au sein de la JNA. Selon l'accusé, il y en

17 avait quelque 216. Vous, vous avez dit ne pas connaître ce chiffre, mais

18 vous avez reconnu qu'il existait de tels groupes illégaux au sein de la

19 JNA. Mais nous parlons de quel ordre de grandeur, si l'on parle de ces

20 groupes illégaux? Pour vous, ils comptaient, ces groupes, combien de

21 participants pour chacun d'entre eux?

22 Réponse: Il y avait beaucoup de groupes illégaux de ce genre. Est-ce que

23 c'était 260 ou un peu moins, je ne sais pas. En tout cas, ils étaient

24 nombreux. Et en général, pour la plupart d'entre eux, ils se composaient

25 de 6, de 9, de 12, de 15 membres. Nous parlons ici d'organisations

Page 12834

1 clandestines.

2 M. Nice (interprétation): Je n'ai plus de question à poser à ce témoin.

3 M. Candic (interprétation): Merci.

4 M. le Président (interprétation): Ceci met un terme à votre déposition.

5 Vous pouvez désormais disposer. Monsieur Candic. Merci d'être venu déposer

6 devant le Tribunal pénal international.

7 M. Candic (interprétation): C'est moi qui vous remercie, je vous remercie

8 de m'avoir écouté.

9 (Le témoin Mustafa Candic est reconduit hors du prétoire.)

10 M. Nice (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff va procéder à

11 l'interrogatoire principal du témoin suivant.

12 Sûrement une des questions d'intendance, n'est-ce pas?

13 (Questions relatives aux mesures de protection du témoin.)

14 M. le Président (interprétation): Oui, des questions d'intendance.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, en votre absence due

16 à des problèmes de santé, le 1er novembre, nous avons soulevé une question

17 relative à votre état de santé et à la suite du procès. Nous avons soumis

18 cette question au Bureau du Procureur ainsi qu'aux amis de la Chambre.

19 Nous allons maintenant parler de votre santé. Voudriez-vous que nous

20 passions à huis clos partiel pour ce faire?

21 M. Milosevic (interprétation): Cela vous regarde, Monsieur May.

22 (Les Juges se consultent sur le siège.)

23 M. le Président (interprétation): Fort bien. Monsieur Milosevic, je le

24 répète, la Chambre a manifesté son inquiétude vu l'incidence qu'a sur la

25 procédure votre santé, apparemment défaillante. Et nous avons demandé aux

Page 12835

1 parties de présenter des écritures quant à la suite du procès, comme elles

2 le voient; je pense ici à l'accusation et aussi aux amis de la Chambre.

3 Nous avons reçu ces conclusions. Nous ne voulons pas les aborder

4 maintenant, mais sachez que nous avons ajouté ceci: si vous vouliez

5 présenter vos arguments quant à la suite à donner au procès, vu votre état

6 de santé, nous vous donnons la possibilité de le faire.

7 Voulez-vous intervenir aujourd'hui sur ce point? Vous pouvez le faire si

8 vous le souhaitez, ou vous voudrez peut-être réfléchir à la question pour

9 intervenir plus tard? Et nous pourrons vous entendre lorsque nous nous

10 saisirons des conclusions présentées par les amis de la Chambre et par

11 l'accusation, puisqu'il nous faut étudier ces arguments soumis par écrit

12 avant de poursuivre la discussion à l'audience.

13 Voulez-vous intervenir sur ce point dès aujourd'hui?

14 M. Milosevic (interprétation): Tout d'abord, je dois vous vous dire que

15 j'en sais fort peu au sujet de ces idées-là. Mais, pour autant que j'aie

16 pu le comprendre, la partie adverse s'efforce de me retirer la possibilité

17 de parler ici et d'imposer une sorte d'avocat, chose qu'elle n'a pas le

18 droit de faire. Par conséquent, je tiens à vous rappeler qu'en vertu du

19 Pacte international des droits civiques et politiques -je me réfère

20 notamment à l'article 14.3D)- et en vertu de la Convention américaine

21 -article 8.2D)- et en vertu de la Convention européenne -article.6-3C)- et

22 en vertu du Tribunal de Rome -article 68.1D)-, personne ne saurait être

23 privé du droit de se défendre lui-même. Et vous-mêmes l'avez prévu dans

24 votre Règlement, en dépit du fait que je continue à considérer votre

25 Tribunal comme étant illégal, quoique vous le considériez comme tout à

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1 fait légitime étant donné que vous vous en tenez à une réglementation, à

2 des règlements que vous avez adoptés vous-mêmes.

3 D'autre part, j'estime que cette tentative de la partie adverse est tout à

4 fait illégale, absurde et mal intentionnée. Je pense que cela ne mérite

5 aucunement des explications plus grandes. Je pense que cela ne saurait

6 être admis.

7 Maintenant, pour ce qui est de la position formulée que j'ai pu examiner

8 de façon assez brève, et d'après ce qui figure dans la lettre remise par

9 M. Kay pour ce qui est de l'avis des amis de la Chambre, j'ai déjà émis un

10 avis, Messieurs les Juges: à savoir qu'à aucun prix, je ne voudrais

11 m'échapper ou éviter cette bataille qui se déroule ici et ce procès

12 politique monté de toutes pièces.

13 J'estime donc qu'ils ont, à très juste titre, souligné qu'il faudrait me

14 laisser en liberté, me fournir le temps nécessaire pour ce qui est

15 d'assainir mon état de santé "lege artis" et me donner suffisamment de

16 temps pour me pencher sur ces quelque 200.000 pages qui se sont accumulées

17 et un millier de cassettes concernant tous ces sujets variés. Vous

18 n'ignorez pas vous-mêmes que je ne m'échapperai certainement pas.

19 Maintenant et par conséquent, si vous voulez parler d'un traitement

20 équitable, je crois que c'est l'approche qu'il faudrait adopter, parce

21 qu'il n'y a aucun doute concernant le fait que les circonstances actuelles

22 ne me permettent en aucun cas d'assainir la situation de la façon qui

23 pourrait être considérée comme étant appropriée.

24 Maintenant, je me réserve le droit, bien entendu, de faire quelque autre

25 commentaire au cas où j'estimerais cela nécessaire.

Page 12837

1 M. le Président (interprétation): Nous allons étudier ce qui a déjà été

2 soumis, mais M. le Juge Kwon voudrait poser une question supplémentaire ou

3 ajouter quelque chose.

4 M. Kwon (interprétation): Monsieur Milosevic, il va peut-être se présenter

5 un moment où vous devrez préparer votre défense; vous devrez préparer les

6 interrogatoires principaux et présenter vos témoins à la Chambre. Comment

7 allez-vous vous en sortir sans l'aide d'avocats dans le prétoire? Je pense

8 que vous aurez beaucoup de peine à rencontrer à l'avance les témoins, à

9 préparer les interrogatoires principaux.

10 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est vous qui me placez dans cette

11 position-là, Monsieur le Juge, pour que les choses me soient rendues

12 difficiles. Ce n'est pas à moi que cela tient, mais c'est à vous que ça

13 tient. Au cas où il y aurait des circonstances qui me permettraient de

14 régler mon état de santé dans des circonstances normales et me préparer

15 pour ces amas…

16 Regardez ce qu'on m'a apporté pour le témoin suivant, seulement pour le

17 témoin suivant! Là, il y a sept classeurs, sept groupes de documents

18 reliés. Donc s'il y avait des circonstances et des conditions qui me

19 fourniraient le temps nécessaire de le faire, cela ne me poserait pas de

20 problème du tout, tant pour ce qui est des difficultés au niveau de la

21 santé qu'au niveau des difficultés pour ce qui est des avocats. Du reste,

22 ces avocats sont censés en savoir bien moins que moi. Et personne n'a

23 d'ailleurs été soigné par des avocats et personne n'a su placer dans la

24 tête d'un avocat ce qu'il sait lui-même.

25 Et il y a une attitude de principe. Etant donné que je ne reconnais pas ce

Page 12838

1 Tribunal-là, c'est une question de principe: je ne veux pas avoir d'avocat

2 nommé officiellement devant un Tribunal que je ne reconnais pas; je crois

3 vous l'avoir déjà expliqué.

4 M. Kwon (interprétation): Mais une idée a été émise, à savoir que vos

5 associés soient présents à l'audience, vous aident à préparer les

6 interrogatoires, à classer, à trier les documents, ce genre de choses. Que

7 pensez-vous de cette idée?

8 M. Milosevic (interprétation): Je n'en ai pas besoin; je n'ai pas besoin

9 d'assistants pour leur demander d'être assis à mes côtés et de m'aider.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, veuillez réfléchir à

11 cette possibilité, puisque vous avez entrepris une défense qui va

12 inévitablement être très longue et difficile. Nous savons que vous n'êtes

13 pas en bonne santé. Réfléchissez sérieusement à la chose, dans votre

14 propre intérêt. Vu votre santé, est-ce que, comme le Juge Kwon le suppose,

15 vous ne seriez pas aidé si vous aviez quelqu'un qui soit présent dans le

16 prétoire pour vous aider?

17 Vous avez bien sûr une certaine difficulté. Il n'est pas facile de

18 procéder à des contre-interrogatoires dans un procès de ce genre, vu la

19 quantité de documents qui vous sont remis et dont vous devez traiter. Il y

20 a, en plus de ça, le nombre de témoins qui devront encore être contre-

21 interrogés. A cela s'ajoute ce que disait le Juge Kwon: vous aurez votre

22 propre défense à mener, il faut y réfléchir, y penser. Vous allez vouloir

23 citer des témoins; vous devrez voir quelles seront les modalités pratiques

24 de ces comparutions.

25 La suggestion est toute simple; elle se résume à ceci: vous allez bien sûr

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1 examiner les propositions faites par le Bureau du Procureur, à savoir

2 qu'on vous assigne un conseil de la défense. Vous vous y opposez; nous

3 allons tenir compte de votre refus. On vous suggère simplement ceci: que

4 vous ayez quelqu'un présent dans le prétoire et qui pourra vous aider pour

5 toute chose, y compris les documents.

6 Nous ne nous attendons pas à ce que vous répondiez immédiatement, mais

7 vous allez peut-être vouloir y réfléchir comme étant une façon de

8 progresser. Dans votre propre intérêt, et pas dans l'intérêt d'autrui,

9 dans votre propre intérêt, afin que votre défense soit la plus efficace

10 possible, et aussi pour veiller à préserver votre santé.

11 M. Robinson (interprétation): Permettez-moi de dire ceci: l'ampleur,

12 l'ampleur de la tâche que vous avez entreprise, Monsieur Milosevic,

13 s'illustre de façon frappante quand on voit le nombre de personnes

14 utilisées dans l'équipe de l'accusation. J'ai fait le décompte -je serai

15 peut-être corrigé par M. Nice-, mais jusqu'à présent, le Bureau du

16 Procureur a utilisé sept ou huit Procureurs, substituts, pour présenter sa

17 thèse et vous, vous êtes tout seul. C'est la raison pour laquelle je me

18 rallie à ce qu'ont dit mes collègues, et j'espère que vous tiendrez compte

19 de nos inquiétudes.

20 M. Nice (interprétation): A la lumière de l'observation faite par le Juge

21 Kwon, il ne serait peut-être pas inutile que je soumette à la Chambre, à

22 l'accusé et aux amis de la Chambre une affaire bien connue, l'affaire

23 McKenzie, qui a fait qu'on en est arrivé à utiliser ce qu'on a appelé "un

24 ami McKenzie". Je pense que cette jurisprudence ne serait pas inutile et

25 je propose de la soumettre, ainsi que le second jugement rendu par un

Page 12840

1 autre juge.

2 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons demander à l'huissier

3 de nous le remettre.

4 Monsieur Milosevic, veuillez réfléchir à cette question.

5 Oui, bien sûr, il faudra transmettre les exemplaires à l'accusé ainsi

6 qu'aux amis de la Chambre. Vous pourrez prendre connaissance des termes de

7 cette jurisprudence.

8 M. Milosevic (interprétation): Etant donné qu'en dépit de la référence que

9 j'ai faite aux pactes et conventions internationales, tant au niveau de

10 l'Europe, des Etats-Unis, au niveau de Rome et ainsi de suite, la partie

11 adverse se réfère à une pratique juridique quelconque et nous propose ici

12 un cas, une affaire, "McKenzie contre McKenzie".

13 Je me propose de vous fournir, pour ma part, un autre exemple émanant de

14 la pratique judiciaire, et là, il y a bon nombre d'exemples: c'est

15 "Faretta vs Californie", un tribunal américain contre la Californie, où

16 l'on exclut absolument la possibilité d'imposer un avocat si celui-ci ne

17 le désire pas.

18 Donc il n'est pas question de priver quiconque du droit de se défendre

19 lui-même et je crois que ce débat est tout à fait insensé.

20 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons veiller à ce que

21 cette jurisprudence soit diffusée; nous allons demander au Greffe de s'en

22 charger. Et puis, nous reviendrons en temps utile sur ce sujet.

23 M. Robinson (interprétation): Ce qui compte, c'est ceci: c'est qu'en fin

24 de compte, c'est la Chambre qui va statuer sur la meilleure procédure à

25 adopter. Vous le constaterez, il y a conflit dans la pratique entre le

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1 droit romano- germanique et la common law.

2 Cette même convention européenne que vous avez évoquée a reçu une

3 interprétation particulière par la Cour européenne de justice. C'est une

4 façon qui est contraire à la façon dont le Pacte international a été

5 interprété. Il faudra que la Chambre examine l'ensemble de ces questions

6 pour finir par trancher.

7 Ce que je veux faire valoir ici, c'est qu'il n'y a pas de ligne de

8 démarcation bien claire ou de réponse juridique claire à la question qui a

9 été soulevée.

10 M. le Président (interprétation): Poursuivons. Nous devons examiner trois

11 questions.

12 Soyez bref, Maître Tapuskovic, si vous voulez intervenir. Mais, je le

13 répète, nous n'allons pas maintenant nous pencher sur cette question. Nous

14 n'allons pas rendre de décision, quelle qu'elle soit, faite en temps

15 utile. Nous reviendrons à cette question pour entendre un complément

16 d'argumentation avant de rendre une décision quelle qu'elle soit. Mais

17 vous vous vouliez ajouter quelque chose, Maître Tapuskovic?

18 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges, je me suis efforcé d'être très bref. Je le serai encore plus bref

20 peut-être maintenant. Lorsqu'on débattra de tout ceci ultérieurement, à la

21 lumière des propositions qui ont été émises jusque-là, il demeure un fait

22 qui, à mon avis, devrait devenir prédominant. C'est ce qui figure dans le

23 Statut de ce Tribunal-ci, à savoir Article 21, point 4D).

24 Non tant le fait de savoir si M. Slobodan Milosevic va se défendre seul ou

25 pas et si cela sera surmonté, mais c'est sa situation de santé, son état

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1 de santé; c'est une question autre, à savoir la nécessité de le juger en

2 sa présence. Qu'il soit en bonne santé ou malade, nous ne saurions

3 continuer à travailler s'il n'est pas en mesure d'être présent. Et c'est

4 là le problème à résoudre. C'est donc là le point essentiel sur lequel

5 devrait se situer votre réflexion, parce que sans sa présence dans aucune

6 des variantes nous ne saurions continuer à fonctionner. C'est tout ce que

7 je voulais dire.

8 M. le Président (interprétation): Fort bien. Passons à autre chose.

9 Avant l'arrivée du témoin suivant, nous devons évoquer une question, et

10 ceci sera fait à huis clos partiel. Passons à huis clos partiel.

11 (Huis clos partiel à 13 heures 27.)

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8 (Audience publique avec mesures de protection à 13 heures 37.)

9 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes de nouveau en audience publique.

10 M. le Président (interprétation): On nous dit que les microphones ne sont

11 pas adaptés à la mesure de protection particulière appliquée pour ce

12 témoin.

13 Je m'adresse maintenant au témoin. Je pense que nous ne pourrons pas

14 commencer votre déposition aujourd'hui. J'en suis désolé. Mais il faudra

15 de cinq à dix minutes pour l'installation de ces mesures de protection. Et

16 puisque nous sommes censés terminer l'audience sous peu, je ne pense pas

17 qu'il soit très utile de commencer.

18 Mais vous aviez deux questions à aborder, Madame Uertz-Retzlaff?

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ce sont deux questions techniques,

20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

21 Voici la première: le fait que je devrai, au cours de la déposition de ce

22 témoin, passer à plusieurs fois à huis clos partiel, étant donné la

23 participation particulière de ce témoin aux événements. Et je demanderai

24 ceci le moment venu.

25 L'autre question porte sur les pièces à conviction. Monsieur Milosevic

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1 nous l'a déjà dit, il y a plusieurs classeurs; sept plus précisément.

2 Mais, en fait, il s'agit là de trois jeux particuliers de documents.

3 Nous avons d'abord deux classeurs portant sur les écoutes téléphoniques,

4 les messages interceptés; c'est comme ça qu'il sont appelés. Vous n'y

5 trouverez dans ces classeurs que des écoutes transcrites aussi bien en

6 serbe qu'en anglais.

7 Ensuite, nous avons deux classeurs de documents qui sont présentés comme

8 étant des documents relevant du 92bis; ce sont, en fait, les documents

9 mentionnés dans les déclarations qui sont censé relever de l'Article

10 92bis. C'est comme ça qu'ils sont désignés ces deux classeurs; on voit:

11 "Pièces supplémentaires refusées en application de l'Article 92bis".

12 Et puis, nous avons trois autres classeurs de pièces. Ce sont les pièces

13 que nous avions prévues dès le début. Nous voulions les soumettre par le

14 biais de ce témoin-ci.

15 Et chacun de ces jeux doit recevoir une cote distincte, séparée. En effet,

16 nous avons utilisé la procédure des intercalaires, mais nous avons trois

17 séries de documents.

18 M. le Président (interprétation): Eh bien, réglons la question maintenant.

19 Donc il y aura trois cotes distinctes?

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

21 M. le Président (interprétation): Je propose qu'on donne la troisième cote

22 aux écoutes. Ou voulez-vous qu'il y ait une séparation, une priorité

23 particulière s'agissant des pièces relevant du 92bis ou des autres

24 documents?

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non.

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1 M. le Président (interprétation): Nous pourrons peut-être donner la cote

2 suivante au 92bis?

3 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce 351, ceci concerne les deux

4 classeurs de l'Article 92bis. Les trois classeurs des pièces effectives

5 que voulait présenter l'accusation, ce sera la pièce P352. Les deux autres

6 classeurs qui concernant les messages interceptés, les écoutes, ce sera la

7 pièce 353.

8 M. le Président (interprétation): Merci.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ce sera tout.

10 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, nous venons de

11 recevoir le dernier résumé en date. Il reste assez conséquent, mais nous

12 pensons que vous devriez bénéficier de trois journées pour

13 l'interrogatoire principal. Pensez-vous pouvoir vous acquitter de la tâche

14 en l'espace de trois jours?

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je ferai de mon mieux, mais je doute.

16 Moi, je pense que cela fera plutôt trois jours et demi, vu la quantité

17 énorme de pièces.

18 Cependant, je n'ai pas l'intention de discuter de chacune de ces pièces

19 avec le témoin. Je pense que nous pourrons les présenter pour certaines en

20 bloc, mais nous avons beaucoup de sujets à évoquer, et puis nous allons

21 parler de beaucoup de messages interceptés, de beaucoup d'écoutes avec ce

22 témoin.

23 M. le Président (interprétation): Et aussi, aux fins du compte rendu

24 d'audience, nous devons préciser que M. Mueller est le conseil

25 représentant le témoin. Il a été autorisé à comparaître.

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1 Si vous appuyez sur le bouton vert, vous pourrez être entendu.

2 M. Mueller (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

3 Mme Higgins (interprétation): Puis-je évoquer une question s'agissant des

4 écoutes?

5 Je vous informe que les amis de la Chambre sont en train de terminer la

6 préparation de leurs écritures à ce propos. Ceci devrait aider les Juges.

7 Je sais qu'au départ, vous aviez demandé des écritures et aussi une date

8 qui serait réservée pour les arguments présentés à l'audience.

9 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons nous saisir de

10 ces écritures.

11 Monsieur le Témoin, veuillez être de retour à l'audience demain à 9

12 heures. C'est à ce moment-là que nous commencerons votre déposition.

13 Vous devez attendre un instant avant de vous lever et de quitter le

14 prétoire.

15 L'audience est levée. Elle reprendra demain matin à 9 heures.

16 (L'audience est levée à 13 heures 44.)

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