Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 26 février 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 5.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice.

6 M. Nice (interprétation): Quatre points très rapides pour faire rapport de

7 la situation. Le témoin Vasiljkovic, qui a comparu la semaine dernière, a

8 proféré des allégations très sérieuses, très graves, à propos du Bureau du

9 Procureur, vous vous en souviendrez. Il les a répétées, en les exagérant,

10 dans la presse. Nous ne devrions pas faire de commentaires, ce serait

11 inapproprié, mais la Chambre devait savoir qu'après son départ, la semaine

12 dernière, lorsque nous avons pu établir où il se trouvait, il a été

13 informé d'une première chose, c'est qu'il ne serait plus contacté à propos

14 de sa déposition, mais qu'en outre, il y aurait une enquête à propos des

15 allégations qu'il a formulées, enquête à laquelle il serait invité à

16 participer. Voilà. Vous serez informé de l'état et de l'évolution de la

17 situation en temps utile. Et nous allons essayer de citer les témoins dont

18 j'ai parlé la semaine dernière.

19 Deuxième chose: je pense que nous attendons une décision s'agissant du

20 témoin C-032, un témoin en application de l'Article 92bis. Et je demande

21 humblement que cette décision soit rendue bientôt, puisque sa comparution

22 est prévue sous peu.

23 M. le Président (interprétation): Le témoin C-032, est-ce qu'il fait

24 partie du grand groupe de témoins dont nous avons parlé?

25 M. Nice (interprétation): Je crains d'avoir besoin d'aide à ce propos. Je

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1 ne suis pas trop sûr.

2 M. le Président (interprétation): Le Juriste de la Chambre me rappelle

3 gentiment qu'il fait partie de la dernière requête. Nous pourrons peut-

4 être examiner la question aujourd'hui.

5 M. Nice (interprétation): J'ai des questions de procédure à régler, je ne

6 serai pas toujours dans le prétoire, mais Mme Uertz-Retzlaff pourra s'en

7 charger si c'est nécessaire.

8 La requête relative à Vukovar sera déposée aujourd'hui; je sais que vous

9 voulez aborder cette question très rapidement.

10 Quatrième et dernier point: il s'agit d'un rapport supplémentaire à propos

11 d'outrages de la part d'un journal du Monténégro. Nous n'avons pas pu

12 poursuivre l'examen de la question, donc, si vous voulez, il n'y aura pas

13 de rapport fait à ce propos. C'est un rapport négatif pratiquement, ou

14 neutre, qui sera déposé aujourd'hui. Sinon sous peu.

15 M. le Président (interprétation): Fort bien. Je pense que j'ai des

16 problèmes d'écouteurs.

17 Oui, Monsieur Groome?

18 M. Groome (interprétation): L'accusation appelle à la barre M.

19 l'Ambassadeur Herbert Okun.

20 M. le Président (interprétation): Fort bien.

21 M. Groome (interprétation): En l'attente de l'arrivée du témoin,

22 permettez-moi de préciser qu'il y a 3 recueils de pièces dont je vais

23 traiter par le truchement de M. l'Ambassadeur. Il serait peut-être utile

24 de leur attribuer des cotes maintenant.

25 (Le témoin, M. Herbert Okun, est introduit dans le prétoire.)

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1 Le premier recueil c'est un groupe de documents des Nations Unies, ainsi

2 que des documents divers. C'est le classeur souple, bleu, que vous avez.

3 Puis, il y a 7 carnets de notes, qui parlent des missions en Yougoslavie,

4 à partir d'octobre 1991 jusqu'en mai 1992.

5 Le troisième recueil se compose de 9 carnets de notes, qui sont le journal

6 de l'ambassadeur Okun pour la Conférence internationale pour l'ex-

7 Yougoslavie, à partir de septembre 1992 jusqu'en mai 1993.

8 M. le Président (interprétation): Nous allons demander au témoin de

9 prononcer la déclaration solennelle. Après quoi, nous aborderons la

10 question des pièces et des cotes.

11 Monsieur l'Ambassadeur, veuillez prononcer la déclaration solennelle.

12 M. Okun (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

15 M. le Président (interprétation): Oui. Quelles sont les cotes à donner aux

16 documents?

17 Mme Anoya (interprétation): Le recueil n°1 sera la pièce de l'accusation

18 396. Le second, la pièce de l'accusation 397. Le troisième recueil ou

19 classeur sera la pièce de l'accusation 398.

20 M. le Président (interprétation): Je pense que le témoin dispose d'un

21 temps limité. Est-ce exact?

22 M. Groome (interprétation): Oui.

23 M. le Président (interprétation): Il doit avoir terminé avant vendredi

24 matin?

25 M. Groome (interprétation): Vendredi après-midi. Parce qu'il enseigne, il

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1 a des classes à donner lundi. Et il nous a informé du fait qu'il pourra

2 annuler cette classe (nous laisser le classeur?KIA), si c'était

3 nécessaire.

4 M. le Président (interprétation): Et nous devons aussi avoir un témoin en

5 "sandwich" demain?

6 M. Groome (interprétation): Oui.

7 M. le Président (interprétation): Ce qui veut dire que nous avons

8 pratiquement deux journées et quelque pour sa déposition. Gardez ceci à

9 l'esprit, bien entendu. Au moment où vous allez procéder à

10 l'interrogatoire principal, essayez d'être plus rapide possible.

11 M. Groome (interprétation): Oui. Pour accélérer l'interrogatoire

12 principal, il y a plusieurs réunions qui sont mentionnées dans le résumé

13 et pour lesquelles je ne vais pas poser de questions, ici à l'audience. Je

14 pense les rubriques des carnets se passent de commentaires, et je vous

15 renverrai à quelques rubriques spécifiques, mais je ne poserai pas de

16 questions précises au témoin à ce propos.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, si vous voulez

18 qu'on fasse une pause à un moment donné, dites-le-nous, et nous pourrons

19 suspendre l'audience.

20 M. Groome (interprétation): Avant de commencer l'interrogatoire principal,

21 j'aimerais vous informer du fait que nous allons utiliser le système des

22 sanctions ou des intercalaires. Oui, c'est ce système qui permet de faire

23 apparaître à l'écran par voie...

24 M. le Président (interprétation): Vous parlez d'un "système de sanctions",

25 ça veut dire quoi?

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1 (Interrogatoire principal du témoin, M. Herbert Okun, par M. Groome.)

2 M. Groome (interprétation): C'est un système par lequel on peut faire

3 afficher à l'écran certains documents et les examiner de plus près.

4 J'aimerais d'abord vous parler et vous demander quelques questions à

5 propos de votre carrière de diplomate. Pour aller plus vite, veuillez

6 examiner la pièce de l'accusation 396, intercalaire 1. Ceci va apparaître

7 à l'écran qui se trouve devant vous; je vais vous demander si vous pouvez

8 le lire, et je vais vous demander aussi si vous reconnaissez ce qui

9 apparaît à cet écran?

10 (Intervention de l'huissière.)

11 M. Okun (interprétation): Oui, je vois ce qui est affiché à l'écran.

12 Question: Reconnaissez-vous ce qui s'y trouve?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Qu'est-ce que c'est?

15 Réponse: C'est ma biographie ou du moins ce qui est dit à propos de moi

16 dans le "Who's who" des Etats-Unis.

17 Question: Est-ce exact?

18 Réponse: C'est exact, à une petite exception près.

19 Question: Et quelle est cette exception?

20 Réponse: C'est la rubrique pour l'année 2001. On dit -et c'est incorrect-

21 que je suis membre américain du Comité international de ce contrôle des

22 narcotiques, comité international, et mes fonctions se sont terminées en

23 2002. Je ne suis plus membre de ce Comité. A part cela, c'est correct.

24 Question: Je vais vous poser quelques questions rapides à partir des

25 éléments les plus saillants de votre carrière, et je vais vous demander si

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1 vous êtes d'accord ou si vous n'êtes pas d'accord avec ce que je vous ai

2 lu.

3 Est-il exact que vous avez une longue carrière diplomatique en diplomatie

4 internationale? Vous avez été au ministère des Affaires étrangères

5 américains de 1955 à 1991?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Début des années 60, vous étiez à l'ambassade américaine à

8 Moscou pendant la crise des missiles américains. En 1962, vous avez été la

9 personne qui était responsable de la traduction de la lettre adressée par

10 Kroutchev au Président Kennedy.

11 Fin des années 70, vous avez été vice-Président de la délégation

12 américaine aux pourparlers stratégiques nucléaires avec l'Union

13 soviétique, ce que l'on appelé "Salt-II"?

14 Réponse: C'est exact.

15 Question: Quand êtes-vous devenu ambassadeur?

16 Réponse: En 1980, j'étais ambassadeur auprès de la RDA.

17 Question: Pendant combien de temps?

18 Réponse: J'étais à Berlin de 1980 à 1983.

19 Question: J'attends que les interprètes aient terminé.

20 A partir de 1985 jusqu'en 1989, quelles fonctions avez-vous exercées?

21 Réponse: J'ai été vice-représentant permanent et ambassadeur des Nations

22 Unies auprès des Nations Unies.

23 Question: A partir de 1991 jusqu'en 1997, avez-vous été conseiller spécial

24 et envoyé personnel auprès du Secrétaire général des Nations Unies?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Sur quelles questions avez-vous travaillé?

2 Réponse: A partir de 1991 jusqu'en 1993, je me suis surtout intéressé à la

3 Croatie et à la Bosnie-Herzégovine. A partir de 1993 jusqu'en 1997, nous

4 avons surtout travaillé, et pratiquement exclusivement, au conflit

5 opposant la Grèce à l'ancienne République de Macédoine.

6 Question: De septembre 1992 jusqu'en mai 1993, avez-vous été vice-

7 président de la Conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie?

8 Réponse: Oui.

9 Question: De 1996 à 1997, avez-vous été conseiller spécial auprès de la

10 Commission internationale s'occupant des personnes portées disparues en

11 ex-Yougoslavie?

12 Réponse: C'est exact.

13 Question: Monsieur l'Ambassadeur, outre ce qui se trouve dans

14 l'intercalaire 1 de la pièce de l'accusation 396 et outre ce que j'ai

15 abordé maintenant, est-ce que vous avez enseigné?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Pourriez-vous nous parler des postes où vous avez enseigné?

18 Réponse: Pendant la plupart des années 1990, j'étais conférencier

19 itinérant en droit international à l'Université de Yale dans le

20 Connecticut, aux Etats-Unis. Et, pour le moment, j'enseigne, je suis

21 professeur en relations internationales et en droit international, ainsi

22 que sur les institutions internationales à l'Ecole des études avancées à

23 la Faculté John Hopkins, Washington DC.

24 Question: Pourriez-vous, maintenant, fournir davantage de détails aux

25 Juges quant aux responsabilités qui furent les vôtres en Yougoslavie au

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1 cours des années 1990?

2 Réponse: Le Secrétaire Vance et moi, nous avons été les représentants du

3 Secrétaire Général. Nos premières responsabilités ont commencé au mois

4 d'octobre 1991. A ce moment-là, il y avait des combats intenses en

5 Croatie. Au départ, nous voulions établir une appréciation, une évaluation

6 de la situation, établir les faits et faire des recommandations au

7 Secrétaire Général ainsi qu'au Conseil de sécurité des Nations Unies quant

8 à la marche à suivre.

9 En Bosnie, la situation était plus complexe, plus difficile mais ceci a

10 fait l'objet d'une conférence. Il s'agissait de faire une recommandation

11 quant à la politique. Cela revenait au même principe. Pour ce qui est de

12 la Grèce et de la Macédoine, là, il s'agissait d'éviter un conflit entre

13 ces deux entités, et nous avons réussi à trouver une situation pacifique à

14 ce contentieux.

15 Question: Est-ce qu'avant les années 90 vous aviez l'occasion d'être en

16 Yougoslavie ou d'avoir une fonction en rapport avec la Yougoslavie?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Veuillez nous donner des détails?

19 Réponse: Je suis d'abord allé comme touriste, en 1957, en Yougoslavie.

20 J'ai parcouru le pays. Vers le milieu des années 70, 73 et 74, j'étais

21 conseiller politique auprès du commandant suprême de l'OTAN pour la région

22 de la Méditerranée; la base se trouvant à Naples. J'avais pour attribution

23 précise d'observer la situation qui prévalait à l'époque en Yougoslavie et

24 de faire rapport à son propos.

25 Question: Qu'est-ce que vous connaissez M. Milosevic?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Quand l'avez-vous rencontré pour la première fois?

3 Réponse: C'était en décembre 1990.

4 Question: Pourriez-vous nous dire, en quelques mots, dans quelle

5 circonstance vous avez rencontré cette fois-là M. Milosevic?

6 Réponse: Oui. Je me déplaçais avec un groupe de hauts responsables

7 américains et des hommes d'affaires également. Il y avait parmi ces

8 personnes l'ancien Secrétaire d'Etat Vance, et ceci sous les hospices de

9 ce Corps de volontaires des services financiers. C'est une organisation

10 que nous avons fondée, sans but lucratif, qui travaillait à établir les

11 bases du libre-échange dans les anciens pays communistes. C'est à ce

12 moment-là que nous avons discuté de la situation politique en Yougoslavie.

13 Question: Vous avez rencontré M. Milosevic, mais est-ce que vous avez

14 rencontré d'autres responsables fédéraux et à l'échelon de la République?

15 Réponse: Oui, je crois que nous avons rencontré tout le monde.

16 Question: Quand s'est fait votre première mission en tant que vice-envoyé

17 spécial auprès du Secrétaire Général des Nations Unies? Pourriez-vous nous

18 donner très rapidement une idée dans le temps?

19 Réponse: Ceci a commencé début octobre 1991, et cette mission s'est

20 prolongée jusqu'en juin 1992. Notre participation la plus intense s'est

21 faite au cours de la période allant du mois d'octobre au mois de janvier.

22 C'est à ce moment-là que le Secrétaire d'Etat Vance est parvenu à obtenir

23 d'une cessation des hostilités en Croatie et a permis l'arrivée de forces

24 de maintien de la paix.

25 Question: Nous allons parler plus précisément de ceci, mais dites-nous

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1 d'abord: quel a été l'apogée de cette série de missions? Qu'est-ce que

2 cela a donné comme résultat le plus important?

3 Réponse: L'apogée, c'est au moment du 2 juillet 1992. C'est à ce moment-là

4 que nous avons un accord qui suivait toute une série de tentatives visant

5 à obtenir des cessez-le-feu. Et ceci a pratiquement mis fin aux hostilités

6 en Croatie, mis fin à la guerre.

7 Question: Vous avez donc effectué toutes ces séries de missions. Est-ce

8 qu'après, vous vous êtes lancé dans d'autres missions dans la région?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Pourriez-vous nous dire à quel moment ces missions se sont

11 effectuées et quel était leur mandat?

12 Réponse: Le Secrétaire d'Etat Vance et moi-même, nous sommes repartis tout

13 au début, au cours des premiers jours du mois d'octobre 1992, au moment où

14 l'on commençait les combats en Bosnie-Herzégovine. Et puis, il y a eu une

15 pause.

16 Mais août 1992, c'est le moment que se tient la conférence de Londres qui

17 devait déboucher sur la Conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie,

18 une semaine plus tard, au mois de septembre. Mais, pendant tout ce temps,

19 nous avons été impliqués de façon continue dans le conflit de Bosnie-

20 Herzégovine; et de façon un peu périphérique, nous avons travaillé aux

21 questions qui concernaient le fonctionnement des forces de maintien de la

22 paix en Croatie.

23 Question: Et quel a été l'apogée, le résultat final, de cette série-là de

24 missions?

25 Réponse: Je pense que… Vous parlez d'un apogée; je pense que c'était

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1 vraiment, au bout de ces conférences, la présentation aux parties d'un

2 règlement politique du conflit qui sévissait en Bosnie-Herzégovine, ce

3 qu'on a appelé "le plan de paix Vance-Owen".

4 Question: Et est-ce que ce plan de paix Vance-Owen a fini par être adopté

5 par toutes les parties?

6 Réponse: Non.

7 Question: Quelle est la partie au conflit qui l'a rejeté?

8 Réponse: Ça a été accepté par les Croates de Bosnie, par les Musulmans de

9 Bosnie, mais ça a fini par être rejeté par les Serbes de Bosnie.

10 Question: Au cours de ces deux séries de missions, est-ce que vous avez

11 pris des notes à propos des rendez-vous, des rencontres, plus précisément,

12 que vous avez eues avec les principaux protagonistes?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Et quelle méthode avez-vous utilisée pour consigner ces notes?

15 Réponse: Eh bien, j'ai pris note à toutes les réunions que nous avons

16 eues, au moment où se sont tenues ces réunions. J'ai ces carnets de notes,

17 ces journaux que j'ai ici près de mois. Et je l'ai fait de façon

18 régulière.

19 Question: Serait-il exact de dire qu'il y a un carnet de notes pour chaque

20 mission?

21 Réponse: C'est exact. C'est de cette façon-là que je me suis organisé.

22 Question: Est-ce que vous avez consigné chaque réunion?

23 Réponse: Oui, chaque réunion à laquelle j'ai assisté.

24 Question: Et est-ce que vous êtes le seul auteur de toutes ces notes qui

25 se trouvent dans ces carnets?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Et ces notes ont-elles été prises au moment où se faisaient ces

3 réunions?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Est-ce que ces carnets reflètent bien ce qu'ont dit les

6 principaux dirigeants politiques, militaires, au moment du démantèlement

7 de la Yougoslavie? Je pense notamment aux autorités légales de la RSFY.

8 Est-ce qu'il y a aussi ce qu'ont dit les dirigeants croates, musulmans,

9 serbes de Bosnie, ainsi que les dirigeants albanais du Kosovo et les

10 dirigeants de Macédoine, de l'Albanie et du Monténégro? Est-ce que tout

11 ceci est repris dans vos carnets?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Est-ce que, dans ces carnets, il y a aussi les notes relatives

14 au moment où vous et le Secrétaire d'Etat Vance avez parlé à ces

15 dirigeants des crimes commis par les personnes se trouvant de leur côté?

16 Réponse: Oui. Fréquemment.

17 Question: Au cours de ces réunions que vous avez eues, est-ce que les

18 autres parties à ces réunions, les autres participants avaient aussi des

19 personnes qui prenaient des notes?

20 Réponse: De façon intermittente. Il arrivait que certaines des parties à

21 ces réunions le fassent; ce n'était pas toujours le cas.

22 Question: Est-ce que ces notes reprises dans ces carnets constituent la

23 base du rapport qu'a fait le Secrétaire d'Etat Vance au Secrétaire des

24 Nations Unies?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Et qu'avez-vous fait de ces carnets une fois ces missions

2 effectuées?

3 Réponse: Je les ai gardés.

4 Question: Est-ce que ces notes ont été publiées ou ont fait l'objet

5 d'ouvrages qui auraient été publiés?

6 Réponse: Non.

7 Question: Est-ce que vous êtes prêt à les mettre à la disposition des

8 Juges, dans le cadre de ce procès ou d'autres procès intentés dans ce

9 Tribunal?

10 Réponse: Tout à fait.

11 Question: Monsieur l'Ambassadeur, afin d'aider la Chambre dans la lecture

12 de ces carnets de notes, est-ce que vous avez travaillé avec les membres

13 du Bureau du Procureur pour établir un glossaire, le terme que vous

14 utilisez dans ces carnets de notes?

15 Réponse: Oui, c'est exact.

16 M. Groome (interprétation): Je vais demander que l'on montre à M.

17 l'Ambassadeur la pièce à conviction de l'accusation 396, intercalaire 2.

18 Je relève, à l'intention des Juges, qu'il y a une note en bas de page,

19 dans le résumé du témoin, où l'on voit les corrections faites à la

20 dernière minute par M. l'Ambassadeur hier, après qu'on ait sorti ces

21 pages. Il y a simplement une petite erreur typographique; il faudra donc

22 tenir compte de cette note en bas de page.

23 Monsieur l'Ambassadeur, avez-vous aidé à l'établissement de ce glossaire

24 qui est censé aider les Juges pour comprendre les carnets de notes?

25 M. Kwon (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous parler de cette note

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1 qui se trouve dans le résumé?

2 M. Groome (interprétation): Oui, il y a eu quelques petites erreurs qui

3 ont été corrigées. C'est la note de bas de page n°3.

4 M. Kwon (interprétation): Je l'ai trouvée.

5 M. Groome (interprétation): Excusez-moi. Le résumé du témoin va recevoir

6 une cote provisoire. Il se trouve à l'intercalaire 15.

7 M. le Président (interprétation): Et cette note de bas de page 3,

8 pourriez-vous nous dire où elle se trouve?

9 M. Groome (interprétation): A la page 4, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): Merci.

11 M. Groome (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous avez

12 aussi travaillé avec le personnel du Bureau du Procureur pour établir un

13 sommaire, si vous voulez, une table des matières reprenant les réunions

14 les plus importantes figurant dans vos carnets?

15 M. Okun (interprétation): Oui.

16 Question: Je vais vous demander d'examiner la pièce de l'accusation 396,

17 intercalaire 4… Excusez-moi, intercalaire 3. Est-ce là le sommaire ou la

18 table des matières reprenant les réunions les plus importantes, et avez-

19 vous aidé à l'établissement de ce sommaire?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais vous poser quelques

22 questions sur des réunions concrètes. Et vous remarquerez que je sauterai

23 la première des réunions du résumé pour passer au paragraphe 13 de ce

24 résumé.

25 Monsieur l'Ambassadeur, j'attire votre attention sur la réunion du 13

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1 octobre 1991. Avez-vous rencontré, à ce moment-là, M. Milosevic dans son

2 bureau?

3 Réponse: Oui.

4 Question: A l'occasion de vos rencontres avec M. Milosevic, pouvez-vous

5 nous dire quelle est la langue que vous utilisiez?

6 Réponse: Je crois qu'habituellement nous parlions l'anglais. Il parle très

7 bien anglais.

8 Question: Mais est-ce que, à quelque moment que ce soit, il y avait une

9 présence d'un interprète, pour autant que vous vous en souvenez?

10 Réponse: Je pense que non.

11 Question: Est-ce que M. Milosevic était en mesure de voir que vous preniez

12 des notes à l'occasion des rencontres que vous avez eues avec lui?

13 Réponse: Certainement.

14 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais que vous nous décriviez

15 brièvement ce qui s'est passé à l'occasion de cette première réunion?

16 Réponse: A cette première rencontre… Je dirai qu'il s'agissait là d'une

17 rencontre où il y avait le Premier ministre fédéral à l'époque, M. Ante

18 Markovic, ainsi que le général Kadijevic. A l'occasion de cette réunion,

19 M. Milosevic a bien sûr salué le Secrétaire Vance et moi-même de la façon

20 la plus courtoise, et nous avons parlé de la situation dans le pays.

21 Monsieur Vance avait des questions à poser, mais le Président Milosevic a

22 répondu à ses questions et, pour être concret, il nous a dit qu'il ne

23 voulait pas assumer de responsabilité pour ce qui est du contrôle exercé

24 au niveau de la JNA ou de cette présidence croupion. Il a longuement parlé

25 de crimes commis à l'encontre de Serbes en Croatie.

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1 Question: Mais est-ce que vous-même et le Secrétaire Vance avez essayé de

2 vérifier certaines des informations fournies par M. Milosevic à l'occasion

3 de cette réunion?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Est-ce que vous avez été en mesure de vérifier si ces

6 informations étaient véridiques ou pas?

7 Réponse: Eh bien, lorsqu'il s'agit du contrôle au niveau de la JNA et de

8 cette présidence croupion, le fait est que le Président Milosevic avait

9 été le facteur de contrôle, l'intervenant contrôlant de facto la JNA. Et

10 il avait exercé également un contrôle au niveau de cette présidence

11 croupion. Il s'agissait à ce moment-là, en fait, de la Serbie et du

12 Monténégro. C'était donc certainement, là, la personne qui avait toutes

13 choses en main.

14 Nous n'avons jamais été en mesure de vérifier les descriptions qu'il a

15 faites de tueries de milliers de Serbes. Bien sûr, il y a eu des Serbes

16 qui ont été tués en Croatie, mais le plus grand nombre de victimes étaient

17 des victimes croates tuées par des Serbes. La situation était, en réalité,

18 inverse à ce qui a été décrit par M. Milosevic.

19 Question: Après cette réunion avec M. Milosevic, avez-vous eu des

20 rencontres avec le général Veljko Kadijevic et le général Adzic, dans le

21 courant de la même journée?

22 Réponse: Oui.

23 M. Groome (interprétation): Messieurs les Juges, je ne vais pas poser de

24 questions concrètes à ce témoin, mais j'attire l'attention de la Chambre

25 sur les notes qui se rapportent à cette réunion.

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1 M. le Président (interprétation): Pour que ceci soit versé au dossier et

2 que nous nous retrouvions dans les documents en question, il serait peut-

3 être bon que vous nous indiquiez à chaque fois où se trouve le segment

4 dont vous parlez.

5 M. Groome (interprétation): Certainement, Monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation): Ah! Je vois, par exemple, que la

7 première réunion que vous avez mentionnée, oui, on voit qu'il s'agit du

8 journal 397, intercalaire 1.

9 M. Groome (interprétation): Oui, c'est cela, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): C'est bien cela?

11 M. Groome (interprétation): Oui. Et, suivant la pagination, il s'agit de

12 la page 47, comme cela est indiqué dans le journal.

13 M. le Président (interprétation): La page 47.

14 M. Groome (interprétation): La première partie de ce journal a été

15 numérotée par l'ambassadeur Okun lui-même; donc je parle là de la pièce

16 397, intercalaire 1, page 47.

17 M. le Président (interprétation): Merci.

18 M. Groome (interprétation): S'agissant de cette première réunion avec M.

19 le Premier ministre Ante Markovic, ce que j'ai mentionné tout à l'heure se

20 trouve dans la pièce 397, intercalaire 1, page 43.

21 Monsieur l'Ambassadeur, pouvez-vous nous aider? Lorsqu'il s'agit de cette

22 réunion que vous avez eue avec M. Veljko Kadijevic, le général Kadijevic,

23 en quelle page de votre journal cette rencontre est-elle mentionnée?

24 M. Okun (interprétation): Je crois que cela commençait à la page 54 du

25 journal et cela se termine en page 63. Donc de la page 54 à la page 63 du

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1 journal. Et il s'agit ici de ce carnet de notes concernant la mission de

2 M. Vance.

3 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je vous demande de vous pencher sur la

4 pièce à conviction 396, intercalaire 4. Est-ce que vous reconnaissez ce

5 qui figure sur cette photographie?

6 Je demanderai à Mme l'Huissière de placer la chose sur le rétroprojecteur.

7 (Intervention de l'huissière.)

8 Réponse: Oui, je reconnais cette photographie-ci.

9 Question: Que voit-on sur cette photographie?

10 Réponse: Sur cette photographie, on nous voit, le Président Milosevic et

11 moi-même, en train de nous entretenir.

12 Question: Où cela a-t-il été pris, comme vue?

13 Réponse: Cela a été photographié dans son bureau.

14 Question: Est-ce que cela a été une photographie prise pendant de vos

15 réunions avec M. Milosevic?

16 Réponse: Oui, très probablement. Et je pense qu'il s'agit probablement du

17 mois de décembre 1991.

18 Question: Merci. Je voudrais attirer votre attention à présent sur le

19 projet de la Convention Carrington, daté du 18 octobre 1991. Il s'agit là

20 d'un événement que vous avez noté dans vos notes en pièce 397,

21 intercalaire 1, page 131. Je voudrais que vous décriviez à l'intention de

22 la Chambre ce qu'était ce projet de Convention Carrington.

23 Réponse: Eh bien, ce projet de Convention Carrington ou d'Accord

24 Carrington constituait l'issue de la Conférence de la Communauté

25 européenne sur l'ex-Yougoslavie. Dans le courant de tous les conflits en

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1 Croatie et dans le courant des six premiers mois en Bosnie où, en d'autres

2 termes, à compter de l'été 1991 jusqu'en septembre 1992, les négociations

3 diplomatiques ont eu cours, qui visaient à trouver une solution sous

4 l'égide de la Communauté européenne. La Conférence qui a été convoquée par

5 le biais de ce mécanisme-là, que l'on a appelée "Conférence sur l'ex-

6 Yougoslavie" et qui a requis la participation de toutes les parties

7 yougoslaves, a été après appelée "Conférence sur la Yougoslavie", quoique

8 la presse l'ait nommée autrement. Et Lord Carrington, Premier ministre des

9 Affaires étrangères britanniques de l'époque, était le président de la

10 conférence.

11 En octobre, ou plutôt le 18 octobre, Lord Carrington, après consultation

12 des parties yougoslaves, a présenté un plan pour ce qui est d'un

13 arrangement global à apporter au conflit yougoslave. Et, si je ne me

14 trompe pas, cet accord avait été désigné par "Convention" ou "Accord

15 général".

16 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais que vous vous penchiez sur

17 la pièce à conviction 396, intercalaire 5. Je vous demanderai d'y jeter un

18 coup d'œil et de nous dire si vous reconnaissez le document en question?

19 (Intervention de l'huissière.)

20 Réponse: Oui. Il s'agit là d'un document daté du 18 octobre 1991, émanant

21 de Lord Carrington… Excusez-moi, je n'ai pas que correctement cité le nom

22 du document. Il ne s'agissait pas d'un accord mais il s'agissait d'un

23 arrangement d'aménagement général. En fait, c'était un accord cadre pour

24 la signature d'un traité de paix.

25 Question: Est-ce que toutes les parties en présence ont adopté

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1 l'arrangement?

2 Réponse: Cela a été adopté par toutes les Républiques yougoslaves, sauf

3 une.

4 Question: Quelle est la République qui l'a rejeté?

5 Réponse: La Serbie.

6 Question: Qu'a fait la délégation serbe en date du 18 octobre 1991?

7 Réponse: La délégation de Serbie a quitté la conférence. Ils se sont mis

8 debout, et ils ont physiquement quitté la salle de conférence.

9 Question: Avez-vous, à ce moment-là, eu une opinion concernant la

10 signification de ce qui s'est passé le 18 octobre?

11 Réponse: 1991?

12 M. Groome (interprétation): Oui. Dites-nous?

13 M. Okun (interprétation): A ce moment-là, j'ai estimé que le fait que les

14 Serbes aient quitté cette salle de conférence avait porté un coup sérieux

15 à cette conférence. Cela m'a indiqué que seule la Serbie, parmi les

16 Républiques yougoslaves, souhaitait une continuation de la guerre.

17 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous vous souvenez de

18 l'endroit où cette conférence s'est tenue, Monsieur l'Ambassadeur? Il y a

19 eu beaucoup de conférences à ce sujet-là et nous essayons de systématiser

20 la chose.

21 M. Okun (interprétation): Où cela s'est-il tenu?

22 M. le Président (interprétation): Oui, nous devons mettre de l'ordre.

23 M. Okun (interprétation): En effet, je vous demande un moment. Le nom de

24 la conférence était "Conférence sur la Yougoslavie" mais, très souvent, ce

25 type de conférence prenait le nom de la ville où elle se tenait. Et cette

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1 réunion particulière, tenue en octobre 1991, s'est tenue à La Haye. Aussi,

2 la presse l'a-t-elle désignée, dans la presse, comme étant "la Conférence

3 de paix de La Haye".

4 La raison pour laquelle cette conférence s'est tenue à La Haye est la

5 suivante: le gouvernement des Pays-Bas assumait, à ce moment-là, la

6 présidence de la Communauté européenne. Lorsque la présidence, en janvier

7 1992, a été confiée au Portugal, la Conférence sur la Yougoslavie a

8 déménagé vers Bruxelles. A ce moment-là, la presse en a parlé comme étant

9 "la Conférence de paix de Bruxelles"; mais cela a toujours été une

10 conférence relative à la Yougoslavie, c'est ainsi que nous l'avons

11 désignée. En d'autres termes, il s'agissait d'une conférence sponsorisée

12 par la Communauté européenne sous la présidence de Lord Carrington.

13 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà entendu des éléments de

14 témoignage à ce sujet, mais pas de façon aussi claire qu'à présent.

15 M. Groome (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, si les autres

16 conférences se sont vues attribuer des noms en fonction des villes où

17 elles se tenaient -et vous nous avez indiqué que cette Conférence de paix

18 de La Haye s'est donc tenue à La Haye, puis à Bruxelles-, y en a-t-il eu

19 d'autres de ces conférences sur la Yougoslavie?

20 M. Okun (interprétation): Oui.

21 Question: Pouvez-vous nous dire lesquelles?

22 Réponse: Il y a eu plusieurs autres. Lorsque les conflits en Bosnie-

23 Herzégovine ont éclaté, en mars 1992, Lord Carrington a nommé un diplomate

24 portugais de grande renommée, M. José Cutilheiro. Il lui a demandé de

25 tenir une petite conférence qui traiterait du conflit de Bosnie-

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1 Herzégovine. Vous vous souviendrez que la Conférence sur la Yougoslavie

2 avait un cadre général qui se rapportait à la Yougoslavie toute entière;

3 c'est la raison pour laquelle Lord Carrington avait demandé à

4 l'ambassadeur Cutilheiro de travailler à une conférence concrète sur la

5 Bosnie. Cette sous-conférence a été appelée "la Conférence de Cutilheiro"

6 ou "la Conférence de Lisbonne", en fonction de l'endroit où elle s'était

7 tenue. Il s'agissait d'une conférence annexe à la Conférence de Carrington

8 sur la Yougoslavie; c'était l'addendum bosnien, si vous préférez.

9 Question: Y a-t-il eu d'autres conférences qui faisaient partie de cette

10 Conférence sur la Yougoslavie?

11 Réponse: Eh bien, la dernière des conférences a été convoquée par le

12 gouvernement britannique en août 1992, lorsque la Présidence de la

13 Communauté européenne a été confiée aux Britanniques. Cela a été une

14 conférence finale sous l'égide de la Communauté européenne.

15 Question: Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que nous pouvons dire qu'à un

16 moment déterminé, une fois que la Conférence de la Yougoslavie a pris fin,

17 il y a eu des initiatives plus larges pour la tenue de conférences, non

18 pas maintenant sous l'initiative de la Communauté européenne, mais

19 d'autres nations également?

20 Réponse: Oui, il y en a eu. Les Nations Unies ont de plus en plus commencé

21 à traiter de la question.

22 Question: Et comment s'appelaient ces conférences qui ont commencé après

23 la fin des travaux de la Conférence sur la Yougoslavie?

24 Réponse: Comme je l'ai dit, tout de suite après la conférence de Londres

25 en août 1992, ou plutôt à l'occasion de cette conférence de Londres, il a

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1 été décidé de mettre un terme aux initiatives de la Communauté européenne.

2 Et, suite à cette conférence de Londres, il y a eu une initiative combinée

3 de la Communauté européenne et des Nations Unies; cela avait été la

4 Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie qui a commencé son

5 intervention ou ses activités en septembre 1992 et qui est les a

6 poursuivies jusqu'en 1995.

7 Question: Bien. A la différence de la Conférence sur la Yougoslavie, cette

8 Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie avait-elle eu, plus ou

9 moins, une base à partir de laquelle le gros des activités

10 s'accomplissaient?

11 Réponse: Oui. Cette conférence avait un quartier général où se tenait le

12 gros de ces activités.

13 Question: Cette conférence particulière a-t-elle été, oui ou non, la

14 conférence CIEY, conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie?

15 Réponse: C'est exact; et le quartier général se trouvait à Genève.

16 Question: Et le 6 novembre 1991, avez-vous eu une réunion avec l'ex-

17 Premier ministre fédéral, M. Ante Markovic?

18 Réponse: En effet.

19 Question: Je vous demanderai d'ouvrir votre carnet de notes à la page

20 appropriée. Pouvez-vous nous dire de quelle mission il s'est agi?

21 Réponse: C'était notre deuxième mission en Yougoslavie.

22 Question: Je pense qu'il convient de préciser qu'il s'agit de la pièce à

23 conviction de l'accusation 397, intercalaire 2, page 32.

24 Je vous demande de nous faire d'abord une description brève de ce qui

25 s'est passé à cette réunion avec le Premier ministre Ante Markovic?

Page 16902

1 Réponse: Bien sûr. Il a présenté des déclarations des commentaires

2 importants sur la situation. Nous avons estimé cela important. Il nous a

3 dit que l'armée populaire fédérale, la JNA, l'armée fédérale devenait de

4 plus en plus "serbisée" -c'était le terme utilisé- que cela devenait

5 l'armée de Serbie.

6 Il a également indiqué que les Serbes, en Bosnie-Herzégovine, se

7 comportaient de façon sécessionniste et que les Présidents Tudjman et

8 Milosevic avaient l'intention de se partager la Bosnie, de partager la

9 Bosnie entre la Serbie et la Croatie.

10 Il a précisé que la Communauté européenne croyait encore que le problème

11 pouvait être résolu rapidement, mais que son avis à lui disait qu'ils

12 avaient grandement tort et que le problème était bien plus complexe que ne

13 l'estimait la Communauté européenne.

14 Je pense qu'il a indiqué également que la JNA était en train d'armer les

15 Serbes, ou plutôt des unités paramilitaires ou des formations irrégulières

16 en Bosnie-Herzégovine.

17 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais attirer votre attention sur

18 la première moitié de la page 32. Je vous demanderai de nous expliquer la

19 nomenclature des abréviations que vous avez utilisées dans vos notes afin

20 que la Chambre sache interpréter à quoi se rapportent les notes.

21 Vous avez un "CRV" et vous: "Je suis préoccupé par la Serbie et la

22 Croatie". Qu'est-ce que ce "CRV" veut dire?

23 Réponse: "CRV", ce sont les initiales "Secrétaire Cyrus Vance". Et j'ai

24 utilisé ces initiales.

25 Question: Est-ce que le Secrétaire Vance est décédé depuis?

Page 16903

1 Réponse: Malheureusement, c'est le cas.

2 Question: Et en dessous, vous avez "Mark" souligné.

3 Réponse: "Mark" signifie: Premier ministre Markovic.

4 Question: Dans ce passage, on dit: "Ils ont déjà discuté de cela, du

5 partage de la Bosnie-Herzégovine". Puis, on dit "sécessionniste", entre

6 guillemets. Est-ce que vous pouvez expliquer à la Chambre la signification

7 de ce texte? Qu'est-ce que signifie le texte entre guillemets et que

8 signifie la partie qui n'est pas entre guillemets?

9 Réponse: Eh bien, dans toutes ces notes, dans tous ces journaux, je crois

10 qu'il convient d'abord de préciser que je notais pendant que les gens

11 intervenaient, ce qui fait que, dans le texte, lorsqu'il n'y a pas de

12 guillemets, c'est presque une citation ou une citation des plus exactes,

13 une façon précise de paraphraser de ce qui a été dit.

14 Très fréquemment, c'étaient les termes mêmes qui étaient utilisés. Mais

15 lorsque quelque chose était particulièrement important, lorsque je

16 reprenais les termes-mêmes qui étaient utilisés, je plaçais entre

17 guillemets ces termes-là. Et tout ce qui a été cité comme termes utilisés,

18 je l'ai placé entre guillemets. Si on dit "sécessionniste" entre

19 guillemets, cela signifie que l'intervenant a prononcé ces termes-là. Et

20 le reste de la phrase, est également exact, bien entendu.

21 Question: Bien. En résultante de vos réunions précédentes avec les

22 Présidents des Républiques, les chefs militaires, pouvez-vous nous dire si

23 le Secrétaire Vance et vous-même vous êtes fait une opinion concernant ce

24 qu'il convenait de faire pour aider le processus de paix ou les

25 négociations de paix sous la conduite de Lord Carrington?

Page 16904

1 Réponse: Oui, en effet.

2 Question: Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez estimé pouvoir vous

3 être utile?

4 Réponse: Certainement. Nous sommes rapidement arrivés à une conclusion aux

5 termes de laquelle la mise en place de forces de maintien de la paix… ou

6 plutôt le lancement d'une opération de maintien de la paix et

7 l'acheminement de forces de maintien de la paix vers la Croatie, seraient

8 grandement en mesure d'aider matériellement Lord Carrington dans ses

9 efforts pour l'aboutissement à un arrangement politique ou une solution

10 politique du conflit en Croatie.

11 Question: Est-ce qu'à l'occasion de l'une de ces missions… Ou plutôt, je

12 vais retirer la question que j'allais vous poser.

13 Dites-nous: est-ce que la finalité de l'une des missions en ex-Yougoslavie

14 n'avait pas été celle de présenter ces idées aux parties concernées?

15 Réponse: En effet, cela s'est passé en novembre 1991.

16 Question: Quelle avait été la première des personnes à laquelle vous avez

17 présenté ces idées?

18 Réponse: La première des personnes était le Président Milosevic.

19 Question: J'attire votre attention sur la réunion du 18 novembre 1991; et

20 cela figure dans votre troisième cahier, pièce à conviction de

21 l'accusation 397, intercalaire 3, page 40. C'est là que commencent les

22 notes relatives à cette réunion. Est-ce que c'est à cette réunion-là que

23 vous avez présenté ces idées pour la première fois au Président Milosevic?

24 Réponse: Oui, c'est cela.

25 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je vais vous demander de nous décrire ce

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1 qui s'est passé à cette réunion; et je noterai que les pages 42 et 43 sont

2 sur le moniteur. Pouvez-vous donc nous décrire ce qui s'est passé à cette

3 réunion, je vous prie?

4 Réponse: C'était une réunion importante et longue. Nous avons rencontré le

5 Président Milosevic et M. Jovanovic. La réunion a duré à peu près deux

6 heures. Le Secrétaire Vance et moi-même avons présenté les paramètres

7 d'une opération de maintien de la paix éventuelle.

8 Question: Ce plan présenté au Président Milosevic différait-il, de façon

9 considérable, des autres plans présentés par les Nations Unies?

10 Réponse: Oui.

11 Question: A quel point de vue?

12 Réponse: Il divergeait de façon considérable de tout ce qui a été organisé

13 comme opérations de maintien de la paix des Nations Unies, étant donné

14 qu'il ne s'agissait pas simplement de séparer les parties en conflit. Il

15 ne s'agissait donc pas de placer une ligne verte le long de la ligne de

16 front, mais il s'agissait plutôt de mettre en place une espèce de

17 technique appelée "tâche d'encre". Ce serait là une mise en place de zones

18 où se répartiraient les forces de maintien de la paix et qui se

19 trouveraient donc en Croatie, et qui avaient pour objectif de protéger la

20 population serbe et la population croate de tous les ravages de la guerre;

21 et cela deviendrait des zones protégées par les Nations Unies en Croatie,

22 des UNPA.

23 Question: Est-ce que c'est ce qu'on sous-entend par l'abréviation UNPA?

24 Réponse: Oui, c'est cela.

25 Question: Dans le courant de cette réunion, le plan a-t-il été pleinement

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1 présenté à M. Milosevic?

2 Réponse: En effet, le plan a été pleinement exposé.

3 Question: Et quelle avait été sa réaction?

4 Réponse: Sa réaction première avait été celle de dire que le plan était

5 complètement acceptable pour ce qui le concernait, pour ce qui était de la

6 Yougoslavie. J'ai pris note de ces termes-là en bas de page 40 de mon

7 journal; et j'ai cité, entre guillemets: "complètement convenable pour la

8 situation que nous avons en Yougoslavie". C'était la réaction immédiate du

9 Président Milosevic.

10 Question: Avez-vous demandé à M. Milosevic quelle serait la réaction du

11 général Veljko Kadijevic à cette proposition?

12 Réponse: Oui, c'est ce que M. Vance a posé comme question.

13 Question: Et quelle avait été la réponse apportée?

14 Réponse: Le Président a répondu que "le général Kadijevic sera d'accord

15 avec cette opération de maintien de la paix".

16 Question: Monsieur l'Ambassadeur, est-ce qu'à ce moment-là, le plan a déjà

17 été présenté au général Kadijevic ou à une personne autre qui était

18 susceptible de transmettre l'exposé du plan au général Kadijevic?

19 Réponse: Non.

20 Question: Pouvez-vous nous continuer à nous décrire le déroulement de la

21 réunion?

22 Réponse: Le Président Milosevic, comme je l'ai déjà dit, a déclaré que le

23 général Kadijevic accepterait le plan. Ensuite, il a été question, dans le

24 débat, du fait de savoir si l'ancienne présidence de la Yougoslavie

25 composée de 8 membres, à moins que ce ne soit la présidence croupion

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1 composée de 4 membres, était susceptible d'autoriser le recours à la

2 force. Mais c'était un faux problème. Et le Président Milosevic a repris

3 la parole pour dire qu'en Serbie, il n'autorisait pas la présence de

4 forces paramilitaires, mais il a reconnu qu'en Krajina Orientale il

5 existait -comme il les a désignés lui-même- des Serbes locaux qui

6 travaillaient aux côtés de la JNA pour l'aider.

7 Question: Monsieur l'Ambassadeur, nous voyons que vous avez écrit: "Nous,

8 en Serbie, nous n'autorisons pas l'existence de troupes paramilitaires ou

9 irrégulières". Est-ce que cela signifie que ce sont les mots prononcés par

10 le Président Milosevic?

11 Réponse: Oui.

12 Question: A un certain moment, est-ce qu'une question a été posée à M.

13 Milosevic au sujet de la structure commandement existant en Krajina?

14 Réponse: Oui, il a été interrogé au sujet de la structure de commandement

15 en Krajina croate.

16 Question: Pouvez-vous nous dire ce qu'il vous a dit à vous et au

17 Secrétaire Vance?

18 Réponse: Il a dit que Babic et Goran Hadzic étaient les dirigeants

19 politiques et militaires, respectivement, des Krajina croates, qu'ils

20 étaient les représentants politiques et militaires des Serbes locaux.

21 Question: A-t-il dit autre chose au sujet de ces deux hommes?

22 Réponse: Oui, il a parlé de leur attitude vis-à-vis des opérations de

23 maintien de la paix.

24 Question: Pourriez-vous être plus précis?

25 Réponse: Il a dit que ces deux hommes ne constituaient aucun problème. Il

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1 avait pleine confiance sur ce point; il a dit: "Croyez-moi, ces deux

2 hommes ne représentent aucun problème par rapport à l'opération de

3 maintien de la paix qui est proposée".

4 Question: Que s'est-il passé ensuite, au cours de cette réunion?

5 Réponse: Il a dit également que 20 villages serbes de Croatie avaient été

6 incendiés et, en fait, totalement détruits par le feu.

7 Question: Le Secrétaire Vance a-t-il demandé des informations

8 complémentaires au sujet de ces villages?

9 Réponse: Nous lui avons demandé s'il était possible de fournir une liste

10 de villages ou une carte géographique montrant ces villages.

11 Question: A-t-il jamais fourni ces cartes ou les noms de ces villages?

12 Réponse: Il a répondu qu'il allait fournir les cartes, mais nous les avons

13 jamais reçues.

14 Question: Le plan que vous soumettiez, ce jour-là, exigeait-il une

15 démilitarisation rapide des UNPA?

16 Réponse: Oui. C'était d'ailleurs un des aspects fondamentaux de ce plan

17 qui avait pour but de démilitariser les zones protégées par les Nations

18 Unies.

19 Question: Le problème de démilitarisation a-t-il été discuté avec M.

20 Milosevic?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Qu'a-t-il dit?

23 Réponse: Il a dit que la démilitarisation risquait de prendre plus de

24 temps que ce que nous prévoyions.

25 Question: Comment avez-vous interprété cette déclaration?

Page 16909

1 Réponse: Mon interprétation a consisté à penser -d'ailleurs, je remarque

2 que j'ai inscrit une étoile rouge à côté de ces propos et que j'ai

3 souligné cette phrase-, donc j'ai interprété cela comme indiquant

4 éventuellement une volonté de ne pas respecter les termes du plan de

5 maintien de la paix.

6 Question: Nous appelons à présent votre attention sur la page 48 du

7 document qui porte sur la fin de la réunion. A ce moment-là, M. Milosevic

8 a-t-il prononcé une déclaration finale au sujet de la position la partie

9 serbe et de la JNA?

10 Réponse: Oui. A la conclusion de la réunion, le Président Milosevic a dit

11 -et ce n'était pas la première fois- que la partie serbe et la JNA

12 accepteraient une opération de maintien de la paix.

13 Question: Que voulez-vous dire par les mots "partie serbe"? Quelles sont

14 les parties que vous avez à l'esprit, en utilisant cette expression?

15 Réponse: Eh bien, à notre avis, lorsque nous parlons de "partie serbe", il

16 s'agit exclusivement de la JNA, pour être tout à fait précis. D'ailleurs,

17 il l'a dit lui-même. Et les irréguliers paramilitaires serbes étaient

18 également compris dans cette expression, à savoir les hommes de "Arkan",

19 de Seselj, les Aigles blancs, ce genre d'hommes.

20 Question: Monsieur l'Ambassadeur, est-il permis de dire qu'une mise en

21 oeuvre fructueuse du plan que vous proposiez aurait exigé l'accord d'un

22 grand nombre d'autres parties?

23 Réponse: Eh bien, oui et non.

24 Question: Pouvez-vous vous expliquer sur ce point, je vous prie?

25 Réponse: Eh bien, il aurait fallu qu'il participe à un grand nombre

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1 d'autres parties, à savoir donc les unités irrégulières isolées, les

2 paramilitaires dont tout le monde parlait. Manifestement, il aurait fallu

3 que le plan soit également accepté par le gouvernement yougoslave, le

4 gouvernement serbe, le gouvernement croate, la JNA et les forces armées

5 croates.

6 Mais ce qui est tout à fait essentiel, c'est que ce plan exigeait sans

7 aucun doute l'approbation de la Croatie, c'est-à-dire du Président

8 Tudjman, et celle de la Serbie, c'est-à-dire du Président Milosevic.

9 Question: Au moment où la réunion s'est achevée, le Secrétaire Vance et

10 vous-même, estimiez-vous que M. Milosevic vous avait donné une garantie

11 d'acceptation du plan par d'autres parties que lui-même, personnellement?

12 Réponse: Oui, certainement.

13 Question: Pouvez-vous être plus précis et nous dire, selon vous, au nom de

14 quelles autres parties M. Milosevic avait pris un engagement?

15 Réponse: Nous estimions à l'époque, et je pense que nous avons raison, que

16 le Président s'était engagé lui-même, avait donc engagé le gouvernement

17 yougoslave également, la JNA, les paramilitaires et irréguliers, ainsi que

18 les dirigeants des Serbes locaux; je veux parler de Goran Hadzic et de

19 Milan Babic; donc qu'il avait donc engagé toutes ces personnes par rapport

20 à l'acceptation de l'opération de maintien de la paix.

21 Question: Vous nous avez dit que la réunion a duré longtemps. Y a-t-il eu,

22 à un quelconque moment, au cours de la réunion, une pause pendant laquelle

23 M. Milosevic aurait éventuellement pu ne plus être en votre présence et

24 utiliser un téléphone pour contacter différentes personnes?

25 Réponse: Non, je ne pense pas qu'il se soit absenté de la réunion à un

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1 quelconque moment pour téléphoner à qui que ce soit ou demander l'avis ou

2 le conseil de qui que ce soit.

3 Question: Est-ce qu'à tel ou tel moment, il vous a fait part de la

4 nécessité de discuter de la question avec d'autres parties ou peut-être de

5 la nécessité d'obtenir un certain délai avant de vous redonner son avis

6 sur la situation?

7 Réponse: Non.

8 Question: A-t-il conditionné les assurances qu'il vous a fournies en

9 disant, par exemple, que cela dépendait de négociations ou de discussions

10 futures avec d'autres parties?

11 Réponse: Non. Je dirai même que la réalité a été tout à fait opposée à ce

12 que vous venez de dire. Il était très confiant dans les propos qu'il a

13 tenus.

14 Question: Monsieur l'Ambassadeur, suite à cette réunion, à quelle autre

15 réunion avez-vous participé?

16 Réponse: La réunion suivante a été celle qui s'est tenue en présence du

17 ministre de la Défense, le général Kadijevic. Il était accompagné de

18 l'amiral Brovet et du colonel Obradovic.

19 Question: J'appellerai l'attention des Juges sur la pièce à conviction de

20 l'accusation 397, intercalaire 3, page 50.

21 Monsieur l'Ambassadeur, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé au cours

22 de cette réunion?

23 Réponse: Eh bien, nous avons encore une fois, par le biais du général

24 Kadijevic, insisté sur les grandes lignes de l'opération de maintien de la

25 paix qui était proposée. Et il a répondu très rapidement, en quelques mots

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1 d'ailleurs, sans mettre en cause un quelconque aspect de ce plan. Sa

2 question portait principalement sur le fait de savoir combien de temps il

3 faudrait attendre avant le déploiement des forces de maintien de la paix.

4 Par ces mots, il voulait dire combien de temps il allait se passer avant

5 que les forces de maintien de la paix soient composées et admises par

6 accord du Conseil de sécurité des Nations Unies, donc combien de temps

7 allait s'écouler avant l'arrivée de ces troupes sur le territoire croate;

8 c'est cela qui le préoccupait le plus.

9 Question: Durant cette rencontre, le général a-t-il exprimé des réserves

10 ou a-t-il minimisé l'importance des hommes qui étaient contrôlés par lui?

11 Réponse: Non. Il a dit que la JNA allait respecter le plan. Il avait

12 d'ailleurs déjà signalé que la JNA fonctionnait normalement et que ses

13 effectifs étaient au complet. Il a dit qu'il n'y aurait donc pas

14 d'éléments félons au sein de la JNA. Il nous l'avait d'ailleurs déjà dit à

15 plusieurs reprises auparavant. Il a donc répété, au cours de cette

16 discussion sur l'opération de maintien de la paix, que c'était bien le

17 cas.

18 Puis, il a dit autre chose qui, à mon avis, était très important: il a dit

19 que l'armée serait pleinement coopérative. Il l'a dit, et je l'ai noté en

20 page 54 de mon journal n°3. Il a donc dit que l'armée allait coopérer

21 pleinement et, ensuite, viennent des mots que j'ai notés entre guillemets

22 "dans les limites de sa compétence".

23 La note que j'ai écrite était destinée à moi et au Secrétaire Vance. J'ai

24 donc écrit, en nota bene, "échappatoire possible à surveiller".

25 Question: Et que vouliez-vous dire en utilisant les termes "échappatoire

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1 possible"? Vouliez-vous dire quelque chose de particulier au sujet des

2 propos tenus par lui?

3 Réponse: Oui. Eh bien, pour moi, il était tout à fait clair que par ces

4 propos, il se donnait, à l'avance, la possibilité de couvrir, de justifier

5 toute action future de la part des forces irrégulières et paramilitaires

6 serbes.

7 Question: Au cours de votre mission, le Secrétaire Vance et vous-même,

8 avez-vous décidé à un moment quelconque de vous rendre à Vukovar?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Pouvez-vous brièvement décrire à notre intention l'historique ou

11 les motifs qui vous ont poussé à aller à Vukovar?

12 Réponse: Eh bien, Vukovar est une ville de 50.000 à 60.000 d'habitants,

13 située au bord du Danube. C'est une grande ville qui était assiégée depuis

14 le 5 août. De nombreux reportages et articles de presse en traitaient.

15 Nous avons reçu tous ces reportages, mais également des rapports venant de

16 grandes organisations humanitaires qui agissaient en Croatie à l'époque.

17 Il y en avait deux qui étaient très actives: le Comité international de la

18 Croix-Rouge, le CICR, et le Haut Commissariat aux réfugiés. Et nous

19 recevions de ces organisations des rapports indiquant qu'il y avait des

20 destructions importantes et que la situation était grave à Vukovar; nous

21 avons donc décidé de nous y rendre pour voir de nos yeux ce qui s'y

22 passait.

23 Question: Comment vous êtes-vous rendus à Vukovar?

24 Réponse: Nous y sommes allés à bord de véhicules de la JNA. La JNA nous

25 ont transportés dans des blindés transports de troupes par voie terrestre

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1 jusqu'à Vukovar.

2 M. Groome (interprétation): Pouvez-vous décrire à l'intention de la

3 Chambre ce que vous avez vu à Vukovar?

4 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous donner une date plus

5 précise, je vous prie?

6 M. Groome (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président.

7 Monsieur l'Ambassadeur, quelle a été la date de votre visite à Vukovar?

8 M. Okun (interprétation): Il s'agissait du 19 novembre. Oui, c'est bien

9 cela, le 19 novembre 1991.

10 M. Groome (interprétation): Et par rapport à votre journal -c'est inscrit,

11 n'est-ce pas, dans la pièce à conviction de l'accusation 397, intercalaire

12 3, page 60-, pouvez-vous nous dire les observations que vous avez faites?

13 M. Okun (interprétation): Eh bien, en route vers la ville, nous avons vu

14 aux abords, autour de la route des canonniers de la JNA, à bord de leurs

15 pièces d'artilleries, donc des canons qui pilonnaient la ville. Je dois

16 dire d'emblée que la ville était tombée aux mains des forces de la JNA,

17 donc des forces serbes, la veille. Elle est tombée le 18 novembre. Nous

18 sommes donc arrivés dans cette ville immédiatement après sa capture. Nous

19 avons fait le tour de la ville.

20 Peut-être serait-il bon que je lise les notes consignées dans mon journal,

21 avec l'autorisation des Juges, il ne s'agit que de quatre lignes?

22 M. le Président (interprétation): Oui

23 M. Kwon (interprétation): Monsieur Groome, je pense qu'il s'agit de la

24 page 62, en fait, pour le compte rendu d'audience?

25 M. Groome (interprétation): Oui, oui, c'est bien cela.

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1 M. Okun (interprétation): Oui. J'ai écrit… Décrivant ce que je voyais,

2 j'ai écrit dans mon journal -je cite-: "Impossible de voir le centre-

3 ville, mais la plus grande partie de la ville a été visitée néanmoins.

4 Pratiquement chaque bâtiment, chaque structure est détruite ou touchée par

5 des obus. Quelques chars détruits. Les rues parsemées de détritus, des

6 destructions un peu partout." (Fin de citation.)

7 Question: Avant de vous rendre à Vukovar, le général Kadijevic vous avait-

8 il dit quel était l'objectif militaire du siège de Vukovar?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Que vous avait-il dit, s'agissant de cet objectif militaire?

11 Réponse: Le général Kadijevic avait dit que l'attaque de Vukovar avait

12 pour but de libérer une caserne encerclée dans la ville de Vukovar, une

13 caserne de la JNA. Je dois dire, et je vous prie de m'excuser de cet

14 aparté, mais je dois dire que le général Kadijevic insistait toujours sur

15 le siège des casernes de la JNA un peu partout en Croatie. Et je dois dire

16 que c'était pour lui, sans l'ombre d'un doute, l'un des soucis les plus

17 importants, à l'époque.

18 Question: En raison de cela, vous a-t-il demandé d'aller voir la caserne

19 qui était assiégée?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu lorsque vous êtes

22 arrivé au niveau de cette caserne?

23 Réponse: C'était une petite caserne, une petite garnison pratiquement

24 intacte. Et je dois dire, lorsqu'on compare cette petite caserne

25 pratiquement intacte aux destructions pratiquement complètes des bâtiments

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1 de la ville tout autour, l'idée est tout à fait choquante.

2 Question: Est-il arrivé un moment où le Secrétaire Vance a tenté de

3 pénétrer dans l'hôpital de Vukovar?

4 Réponse: Oui, c'était là l'objet principal de la visite car on nous avait

5 prévenus de l'éminence d'une tragédie. On nous avait dit que les patients

6 et les blessés soignés à l'hôpital de Vukovar, étaient maintenus

7 prisonniers dans cet hôpital.

8 Question: Etiez-vous présent lorsque le Secrétaire Vance a tenté de

9 pénétrer dans l'hôpital?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Pouvez-vous nous dire, en quelques mots, ce qui s'est passé

12 lorsque vous avez essayé d'entrer dans l'hôpital?

13 Réponse: Eh bien, le Secrétaire Vance a été physiquement empêché par un

14 commandant de la JNA qui contrôlait les troupes présentes à cet endroit

15 ainsi que les gens qui l'entouraient, de pénétrer dans l'hôpital. Et,

16 suite à cela, il y a eu un affrontement tout à fait désagréable entre le

17 Secrétaire Vance et ce commandant.

18 Question: Vous rappelez-vous le nom du commandant?

19 Réponse: Oui, il s'agissait du commandant Sljivancanin.

20 Question: Vous avez déclaré que l'on vous avait empêché physiquement de

21 pénétrer dans l'hôpital. Pouvez-vous dire de quelle façon on vous a

22 physiquement empêché de le faire?

23 Réponse: Eh bien, le Secrétaire Vance -qui, d'ailleurs, je le signale au

24 passage, était ancien ministre de l'Armée et avait pas mal d'expérience

25 avec les soldats- a pensé que ses souhaits seraient satisfaits. Mais

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1 Sljivancanin s'est opposé à lui physiquement, lui a barré la route en

2 levant son fusil en l'air et en refusant de le laisser passer.

3 Ceci s'est passé suite à une conversation anodine avec Sljivancanin qui a

4 prononcé un certain nombre de déclarations manifestement contraires à la

5 réalité au sujet du fait que des mines auraient été posées sur le pont, un

6 peu plus loin. Et c'était manifestement contraire à la réalité puisque

7 l'hôpital est à côté d'un pont, un tout petit pont, et nous avons vu par

8 exemple que le pont était tout à fait intact, alors que le commandant

9 Sljivancanin nous disait qu'il était détruit.

10 Question: Les Juges de cette Chambre ont vu un certain nombre de fois une

11 cassette vidéo très bien connue; il s'agit de la pièce à conviction de

12 l'accusation 342, intercalaire 10, qui montre le Secrétaire Vance en

13 discussion animée avec le commandant Sljivancanin à Vukovar. Connaissez-

14 vous cette séquence vidéo?

15 Réponse: J'ai vu plusieurs séquences vidéo; je pense qu'il y en a eu

16 plusieurs qui ont été tournées. En effet, le Secrétaire Vance et le

17 commandant Sljivancanin étaient en débat permanent, en querelle

18 permanente. Et je ne suis pas sûr de la séquence précise dont vous parlez

19 mais, de façon générale, je dirais que je connais ces vidéos. J'étais

20 présent à l'époque, je sais ce qui s'est passé.

21 Question: Pendant votre séjour à Vukovar, avez-vous observé ou consigné

22 des observations relatives aux paramilitaires serbes de Vukovar?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Pouvez-vous nous faire part des observations que vous avez

25 faites ce jour-là?

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1 Réponse: Eh bien, je vois que nous avons déjà lu un passage en page 62 de

2 mon journal. Je me permettrai de lire ce qui suit, c'est tout à fait court

3 -je cite-:"Visite au centre d'accueil". Et puis, un peu plus loin –je

4 cite-: "De nombreuses scènes impressionnantes, civils en pleurs, familles

5 réunies, etc., etc. Le Secrétaire Vance parle aux personnes déplacées.

6 Nombreux journalistes étrangers présents. Le centre est plein de soldats

7 de la JNA et de nombreux clients bruyants, des irréguliers armés et ce

8 genre de personnes". (Fin de citation.)

9 Il y avait en effet des irréguliers, des paramilitaires…, des irréguliers

10 armés et des paramilitaires mêlés aux soldats de la JNA. Ils étaient

11 debout, ils bavardaient avec eux, fumaient des cigarettes.

12 Question: Ces paramilitaires étaient-ils armés, quand vous les avez vus

13 mêlés aux soldats de la JNA?

14 Réponse: Oh oui, bien sûr!

15 Question: Monsieur l'Ambassadeur Okun, êtes-vous retourné à Belgrade après

16 votre visite à Vukovar?

17 Réponse: Nous ne sommes pas retournés à Belgrade immédiatement, nous

18 sommes allés d'abord à Zagreb; c'est ce que je constate à la lecture de

19 mon journal. Mais, par la suite, nous sommes effectivement retournés à

20 Belgrade, deux jours plus tard, le 21 novembre. Le 21 novembre, nous

21 étions de retour à Belgrade, en effet.

22 Question: Vous nous avez dit que vous aviez voyagé à bord d'un véhicule de

23 la JNA par voie terrestre jusqu'à Vukovar, n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Etes-vous retourné en Serbie par voie terrestre, si vous vous en

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1 souvenez?

2 (Le témoin cherche dans son carnet.)

3 Réponse: Non, non, comme je l'ai déjà dit. Mais tout cela figure dans mon

4 journal. Je ne pense pas qu'il soit utile d'abuser du temps des Juges.

5 Nous sommes d'abord allés à Zagreb, ensuite à Sarajevo; et, de Sarajevo,

6 nous avons pris l'avion pour Belgrade.

7 Question: Au moment où vous avez fait le trajet de Belgrade jusqu'à

8 Vukovar, avez-vous, à un certain moment, franchi un poste de contrôle à la

9 frontière serbe?

10 Réponse: Oui. Il fallait le faire pour passer de Yougoslavie en Croatie,

11 en effet.

12 Question: Pouvez-vous dire aux Juges quels étaient les contrôles qui

13 étaient effectués, au niveau serbe, à la frontière, à ce moment-là?

14 Réponse: Oui, c'était une frontière où patrouillaient de nombreux hommes;

15 on y voyait des soldats de la JNA ainsi que des policiers serbes revêtus

16 d'un uniforme bleu qui diffère de l'uniforme kaki des soldats de la JNA.

17 On les distingue immédiatement. C'était un poste-frontière comme tous les

18 postes-frontières.

19 Question: Vous est-il apparu que ce poste de contrôle -tel qu'il existait-

20 était capable de contrôler les personnes qui le franchissaient dans un

21 sens ou dans l'autre?

22 Réponse: Certainement.

23 Question: Une fois revenu à Belgrade, avez-vous rencontré le général

24 Veljko Kadijevic?

25 (Le témoin cherche dans son carnet.)

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1 J'appelle votre attention à la page 92 de votre journal.

2 Réponse: Oui, en effet.

3 Question: A quelle date s'est tenue cette rencontre?

4 Réponse: Le 21 novembre 1991 à 14 heures.

5 Question: Il s'agit de la pièce à conviction de l'accusation 397,

6 intercalaire 3, page 92. Pouvez-vous résumer, à l'intention des Juges, ce

7 qui s'est passé au cours de cette réunion, je vous prie?

8 Réponse: Le Secrétaire Vance avait un certain nombre de points importants

9 dont il souhaitait discuter avec le général Kadijevic au cours de cette

10 rencontre. D'abord, la disproportion des dommages constatés à Vukovar,

11 avec ces dommages énormes imposés à la ville dans le but ostentatoire de

12 libérer quelques hommes dans une petite caserne.

13 Le deuxième point dont le Secrétaire Vance souhaitait discuter, c'était la

14 visite à la caserne assiégée du maréchal Tito à Zagreb, où de nombreux

15 officiers de la JNA et leurs familles étaient, en fait, maintenus en

16 otages par les Croates. Nous leurs avions rendu visite, nous avions eu un

17 entretien avec les officiers, et le Secrétaire Vance souhaitait relater

18 cela au général Kadijevic également.

19 Question: Le général Kadijevic a-t-il discuté avec vous ou vous a-t-il dit

20 que la caserne de Vukovar était désormais privée de vivres et d'eau?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Est-il arrivé un moment, plus tard, où vous avez lu un récit au

23 sujet de ces événements qui contredisaient les propos tenus par le général

24 Kadijevic à votre attention ce jour-là?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Qui était l'auteur de ce récit?

2 Réponse: C'était Borislav Jovic.

3 Question: Pouvez-vous décrire ce que Borislav Jovic a déclaré sur ce sujet

4 qui était en contradiction avec les propos tenus par le général Kadijevic

5 au sujet de Vukovar?

6 Réponse: Oui, cela se trouve dans les mémoires qu'il a écrits au sujet de

7 la dissolution de la Yougoslavie. Ce sont des mémoires très amers,

8 d'ailleurs.

9 Jovic était membre de la Présidence, un dirigeant très important des

10 Serbes. Et il disait que la caserne de Vukovar avait été libérée avant la

11 fin du mois de septembre; donc que c'était en septembre que le siège de la

12 caserne de Vukovar avait pris fin. C'est ce qu'il a écrit dans ses

13 mémoires.

14 Question: En utilisant le mot "mémoires" parlez-vous de l'ouvrage dont il

15 est l'auteur qui s'intitule "Derniers jours de la République fédérative

16 socialiste de Yougoslavie"?

17 Réponse: Oui, je crois que c'est bien le titre de cet ouvrage.

18 M. Groome (interprétation): Avez-vous, vous-même et le secrétaire Vance, à

19 ce sujet…

20 M. le Président (interprétation): Rappelez-moi, je vous prie, qui est

21 Borislav Jovic?

22 M. Groome (interprétation): C'est le Président de la République socialiste

23 fédérative de Yougoslavie.

24 M. le Président (interprétation): A quelle date? A peu près à cette

25 période?

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1 M. Groome (interprétation): Oui, à peu près à cette période, Monsieur le

2 Président.

3 Monsieur l'Ambassadeur, dans ce même ouvrage, dans ces mémoires, est-il

4 question de négociations que vous-même et le Secrétaire Vance avez menées?

5 Parle-t-il de ces négociations de son point de vue?

6 M. Okun (interprétation): Oui.

7 Question: Avez-vous lu ce qu'il a écrit?

8 Réponse: Oui, j'ai lu cet ouvrage.

9 Question: Ses remarques sont-elles inexactes, objectivement, à votre avis?

10 Réponse: Non, je ne dirais pas qu'il y a une quelconque erreur matérielle

11 dans ce qu'il écrit. Il dit des choses plutôt désagréables; il était

12 emprunt d'amertume lorsqu'il a écrit ce livre, mais c'était un homme qui

13 jouissait d'un pouvoir très important en tant que président du pays

14 pendant une certaine période. C'était un dirigeant important de la Serbie

15 et il connaissait la situation. Donc ce qu'il dit est exact.

16 Question: Ce même jour, le 21 novembre 1991, avez-vous également rencontré

17 M. Milosevic? J'appelle votre attention sur la page 97 de votre journal;

18 pièce à conviction de l'accusation 397, intercalaire 3, page 97. Je le dis

19 à l'intention des Juges de cette Chambre.

20 Réponse: Oui.

21 Question: Pouvez-vous résumer cette rencontre, à l'intention des Juges?

22 Réponse: Le Secrétaire Vance a rendu compte au Président de la situation

23 horrible que nous avions constatée à Vukovar. Il était très ému de

24 l'aspect disproportionné des dommages infligés à la ville et à la

25 population civile résidant dans cette ville par rapport à l'objet, au

Page 16923

1 motif de ces destructions. Et il a également évoqué le problème de la

2 levée du siège des casernes. Il en a donc parlé avec le Président

3 Milosevic, ainsi que d'un certain nombre d'autres points.

4 Question: Qu'a dit le Président Milosevic au sujet du siège de Vukovar ou,

5 en tout cas, en réponse à ce que vous venez de nous décrire comme étant

6 les observations que vous aviez faites de la situation de Vukovar?

7 Réponse: Il a dit que le monde entier comprendrait pourquoi ces

8 destructions avaient été imposées.

9 Question: A un certain moment, a-t-il changé de sujet pour parler d'une

10 personne qui était incarcérée en Serbie, à ce moment-là?

11 Réponse: Il a parlé de Goran Hadzic. Je ne crois pas savoir que ce dernier

12 était en prison.

13 M. Groome (interprétation): Non, je ne sous-entendais pas qu'il l'était.

14 Pouvez-vous nous dire ce qu'il a dit au sujet de M. Hadzic?

15 M. Okun (interprétation): Il a dit que M. Hadzic, dont il avait déjà parlé

16 auparavant, était un jeune homme tout à fait charmant, qu'il dirigeait la

17 Slavonie orientale ou la "Krajina orientale" -comme on l'appelait à

18 l'époque-, qu'il accueillerait favorablement une force de maintien de la

19 paix et que nous n'aurions aucun problème avec lui.

20 M. Kwon (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, à la même page de votre

21 journal, je remarque que M. Milosevic a parlé de la situation de Vukovar

22 comme étant une "situation spéciale"; c'est entre guillemets dans votre

23 journal. Pouvez-vous vous expliquer sur ce point?

24 M. Okun (interprétation): Eh bien…

25 M. Kwon (interprétation): Avez-vous trouvé le passage?

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1 M. Okun (interprétation): Oui, oui, j'ai trouvé. Eh bien, à mon avis, ce

2 qu'il pensait, si je puis me permettre d'interpréter ses propos, c'est que

3 les destructions étaient exceptionnellement importantes, que Vukovar était

4 la ville la plus gravement détruite durant les combats en Croatie, durant

5 tous les combats en Croatie. Je pense que c'est à cela qu'il pensait en

6 parlant de "situation spéciale". Et je pense qu'il pensait également -ce

7 qui ne fait pas l'ombre d'un doute non plus- qu'il y avait des civils

8 serbes dans cette ville. Mais, avant tout, je pense qu'il parlait de la

9 disproportion des destructions visibles dans la ville par rapport à

10 l'objet invoqué pour ces destructions.

11 M. Kwon (interprétation): Merci.

12 M. Groome (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, à ce moment-là, en

13 novembre 1991, aviez-vous, vous-même et le Secrétaire Vance, reçu un

14 quelconque rapport traitant d'une éventuelle activité paramilitaire serbe

15 en Bosnie?

16 M. Okun (interprétation): Oui.

17 Question: Le Secrétaire Vance a-t-il parlé de cela avec M. Milosevic?

18 Réponse: Oui. J'ai noté ici qu'il a été question de la Bosnie-Herzégovine.

19 Je cite: "J'ai entendu des récits inquiétants au sujet d'activités de la

20 part d'irréguliers serbes"; cela se trouve en page 98 de mes journaux

21 personnels.

22 Question: Je vous demanderai de lire l'intégralité de ce passage de

23 l'entretien avec M. Milosevic et de vous expliquer ensuite.

24 Réponse: Oui. Immédiatement après avoir déclaré qu'il avait entendu des

25 récits inquiétants, Cyrus Vance poursuit dans les termes suivants, selon

Page 16925

1 ce que j'ai consigné dans mon journal: "Milosevic feint la surprise."

2 Question: Etait-ce bien l'impression que vous avez eue de la réaction de

3 M. Milosevic lorsqu'on lui a dit cela?

4 Réponse: Oui, oui, en effet.

5 Question: Pouvez-vous décrire plus en détails ce que vous vouliez dire

6 lorsque vous avez écrit les mots "feint la surprise"?

7 Réponse: Eh bien, il était tout à fait clair à mes yeux… En tout cas,

8 j'avais l'impression que c'était clair, à l'époque, qu'il savait ce qui se

9 passait. Je ne pouvais pas imaginer qu'il n'était pas informé de ce qui se

10 passait. Il prétendait être surpris en entendant ce récit de la bouche de

11 M. Vance.

12 Question: J'aimerais maintenant vous poser une question avant la première

13 pause de la matinée.

14 Avant la fin de cet entretien, M. Milosevic a-t-il encore dit quelque

15 chose au Secrétaire Vance et à vous-même au sujet de la JNA et au sujet

16 des irréguliers serbes?

17 Réponse: Oui. Dans ses remarques de conclusion de cette rencontre, il a

18 dit qu'une fois que les casernes seraient libérées, ce qui était le

19 principal souci du général Kadijevic, donc cette libération des soldats de

20 la JNA, les forces de maintien de la paix pourraient commencer à agir. Et

21 il a déclaré qu'il n'y aurait pas de problèmes avec la JNA ou les

22 irréguliers serbes, s'agissant des forces de maintien de la paix.

23 Question: Est-ce que cela figure dans les notes littérales que vous avez

24 consignées dans votre journal suite à l'entretien avec M. Milosevic?

25 Réponse: Cela ne figure pas dans les notes de mon journal, mais j'ai écrit

Page 16926

1 un certain nombre de mots. Je cite: "Bien, vous n'aurez pas de problèmes

2 avec la JNA ou les irréguliers serbes."

3 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, si c'est l'heure

4 opportune pour la pause…

5 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons suspendre une demi-

6 heure.

7 Monsieur l'Ambassadeur, je vous rappelle -car c'est mon obligation

8 officielle- de ne parler à personne pendant les suspensions d'audience, du

9 contenu de votre déposition, pas même aux membres du Bureau du Procureur.

10 Merci beaucoup.

11 Retour dans ce prétoire dans une demi-heure.

12 (L'audience, suspendue à 10 heures 36, est reprise à 11 heures 10.)

13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Groome, vous pouvez

14 poursuivre.

15 M. Groome (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, en début de matinée

16 vous nous avez dit que l'apogée de ces premières missions en Yougoslavie,

17 ça a été la signature d'un accord de cessez-le-feu qui a pratiquement mis

18 fin aux hostilités qui avaient lieu en Croatie. Est-ce bien cela?

19 M. Okun (interprétation):Oui.

20 Question: Je vais maintenant vous demander d'examiner un document qui va

21 vous être montré; c'est l'intercalaire 6 de la pièce de l'accusation 396.

22 En fait, il s'agit d'une pièce se composant de trois pages; je vais vous

23 en montrer la dernière. Reconnaissez-vous ce document que vous avez entre

24 les mains?

25 Réponse: Oui.

Page 16927

1 Question: Qu'est-ce qu'il représente?

2 Réponse: C'est l'accord de Genève du mois de novembre, du 23 novembre

3 1991, lequel a posé les conditions en vue d'une cessation des hostilités

4 en Croatie. Il y avait quatre points, vous le voyez: les points allant de

5 A à D.

6 Question: Avant d'aborder dans le détail ce document afin que le dossier

7 de l'audience soit complet, est-ce que vous avez eu l'occasion auparavant

8 de consulter les deux premières pages?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Pourriez-vous nous dire en quoi elles consistent?

11 Réponse: Ce sont les notes de transmission du Secrétaire général au

12 Conseil de Sécurité.

13 Question: Fournissant au Conseil de Sécurité cet accord signé?

14 Réponse: Exactement. Elles disaient simplement: "Voici l'accord de M.

15 Vance, à titre d'information.".

16 Question: Vu l'importance que revêt ce document, je vais vous demander de

17 le lire. Je précise aux parties à ce procès et aux Juges que ceci apparaît

18 à l'écran.

19 Monsieur l'Ambassadeur, ayez l'obligeance de lire la totalité du document.

20 Réponse: Est-ce que je peux d'abord dire qui l'a signé?

21 Question: Oui.

22 Réponse: C'est signé par le Président Tudjman, par le Président Milosevic

23 et par le général Kadijevic, ainsi que par M. Vance. Voici ce qu'il dit:

24 "Les signataires conviennent de ceci:

25 A- que la Croatie, avec effet immédiat, va lever le blocus de toutes les

Page 16928

1 casernes de la JNA et de toutes les installations de la JNA en Croatie.

2 B- que la JNA, avec effet immédiat, va commencer le retrait de la Croatie

3 du personnel, des armes et de matériel militaire se trouvant dans ces

4 casernes et installations, et terminera ce processus dans le respect du

5 calendrier déjà convenu par les parties.

6 C- qu'elles donneront immédiatement des instructions à toutes les unités

7 se trouvant sous leur commandement, leur contrôle ou leur influence

8 politique, afin que celles-ci respectent un cessez-le-feu inconditionnel

9 prenant effet dès demain, 24 novembre, et veilleront à ce que toute unité

10 paramilitaire ou irrégulière ne se trouvant pas formellement sous leur

11 commandement, leur contrôle ou leur influence politique, respecte

12 également, à partir de cette date, le cessez-le-feu.

13 D- qu'elle contribueront à l'acheminement et à la fourniture d'assistance

14 humanitaire aux personnes touchées par les hostilités récentes.".

15 Nouveau paragraphe: "Lord Carrington cherchera à veiller à ce que la

16 mission internationale de contrôle fasse tout ce qui est dans le cadre de

17 ses responsabilités et de son mandat pour assurer le maintien du cessez-

18 le-feu.".

19 Je répète: les signatures sont celles du Président Tudjman, du Président

20 Milosevic, du général Kadijevic et de Cyrus Vance, et le document porte la

21 date du 23 novembre 1991.

22 Question: Est-ce que quelqu'un faisant partie de la Présidence fédérale,

23 la Présidence complète se composant de huit personnes, ou quelqu'un de la

24 Présidence tronquée aurait signé ce document?

25 Réponse: Non, les seules signatures sont celles figurant sur ce document.

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1 Question: Voyons chacun de ces signataires.

2 Commençons par le Président Tudjman. Quelles personnes engageait-il par sa

3 signature? Ceci s'adressait à qui?

4 Réponse: Le Président Tudjman était le Président de la République de

5 Croatie. Il engageait, ce faisant, en signant ce document, la République

6 qui devait s'engager à lever le siège des garnisons et des casernes de la

7 JNA et à permettre la poursuite de la fourniture de l'assistance

8 humanitaire. Il s'agit ici des paragraphes A et D du document.

9 Question: La signature du général Kadijevic, qui devait-elle engager et

10 quel était l'engagement pris?

11 Réponse: Au fond, le général Kadijevic s'engageait à faire appliquer le

12 paragraphe B et, dans une moindre mesure, aussi le paragraphe C. Mais

13 c'était surtout le paragraphe B qui était concerné, puisqu'il s'agit

14 d'assurer le retrait des effectifs de la JNA du pays.

15 Question: Et pour ce qui est de M. Milosevic, quel était l'engagement pris

16 et quelles étaient les personnes concernées par cet engagement?

17 Réponse: La signature du Président Milosevic engageait le Président en

18 personne, la partie yougoslave, à l'application des paragraphes B, C, et

19 D; à savoir le retrait de la JNA, le fait que toutes les unités politiques

20 et militaires reçoivent les instructions –on parle aussi des unités

21 paramilitaires et irrégulières, celles du paragraphe C-, et engageait ces

22 personnes à ce qu'elles respectent le cessez-le-feu. Mais ceci concernait

23 aussi le paragraphe D, l'alinéa D qui était la fourniture d'assistance

24 humanitaire.

25 M. Groome (interprétation): Est-ce que ceci a fait l'objet de discussions

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1 avec M. Milosevic avant qu'il ne signe cet accord?

2 M. Okun (interprétation): Tout à fait. Sans nul doute.

3 M. Kwon (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, est-ce là votre

4 interprétation de ce document ou bien est-ce que M. Milosevic aurait dit

5 quelque chose allant dans ce sens, à l'époque?

6 M. Okun (interprétation): Ce n'est pas une interprétation de ma part.

7 C'est la connaissance sûre que nous avions, M. Vance et moi, que M.

8 Milosevic comprenait bien les termes de cet accord de Genève. Il y a eu

9 une réunion à Genève qui a duré plusieurs heures. Et je crois que ce

10 document est concis, mais clair.

11 M. Kwon (interprétation): Je pensais à ce commentaire que vous aviez fait,

12 à savoir que M. Milosevic s'engageait à l'application de l'alinéa B.

13 M. Okun (interprétation): Vous avez dit "D" ou…

14 M. Kwon (interprétation): Non, non, je parle de l'alinéa B.

15 M. Okun (interprétation): Il l'avait dit à plusieurs reprises, il nous

16 l'avait dit et nous avions compris que les signatures, surtout la

17 signature de M. Milosevic et la signature du Président Tudjman, étaient

18 les signatures décisives, puisque c'étaient les chefs d'Etat de leurs pays

19 respectifs. Tout le monde, tous les protagonistes l'ont compris

20 clairement.

21 M. Kwon (interprétation): Merci.

22 M. Groome (interprétation): Etiez-vous présent au moment où ce document a

23 été signé?

24 M. Okun (interprétation): J'étais présent avant et après, mais je pense

25 qu'à ce moment-là, j'ai veillé à ce que l'on fasse des copies de ce

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1 document. Je ne suis pas trop sûr que j'étais présent à ce moment-là.

2 Question: Pourriez-vous dire, aux Juges aujourd'hui, quelle est la

3 signature de M. Milosevic?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Pourriez-vous nous la décrire. Où se trouve-t-elle?

6 Réponse: C'est la signature du milieu. Si l'on voit les trois qui sont

7 alignées sur une même ligne, au-dessus de celle de Cyrus Vance, vous avez

8 celle de Cyrus Vance qui figure en-dessous de la signature du Président

9 Tudjman.

10 Question: Parlons, si vous le voulez bien, d'une réunion que vous avez eue

11 avec M. Milosevic le 2 décembre 1991. Veuillez examiner vos notes; je

12 pense que celles-ci se trouvent dans le carnet n°4. Pourriez-vous

13 confirmer si, ce jour-là, vous avez effectivement eu une réunion avec M.

14 Milosevic?

15 Messieurs les Juges, il s'agit ici de la pièce 397, intercalaire 4, page

16 30.

17 Réponse: Effectivement, nous nous sommes rencontrés le 2 décembre, et la

18 réunion a duré plus de trois heures.

19 Question: Pourriez-vous nous dire quel était l'objet de cette réunion?

20 Réponse: Oui. Nous sommes rentrés à New York pour faire rapport au

21 Secrétaire général du Conseil de sécurité, après la signature de l'Accord

22 de Genève, le 23 novembre. Et nous sommes repartis pour la Yougoslavie une

23 semaine plus tard, le 1er décembre.

24 Nous avons vu le Président Milosevic après notre retour. Nous voulions le

25 rencontrer pour discuter de la situation qui se présentait sur le terrain

Page 16932

1 en Croatie, puisque les combats se poursuivaient. Il fallait poursuivre

2 les discussions sérieuses que nous avions à ce propos.

3 Question: Est-ce que M. Milosevic vous a indiqué qu'il avait eu des

4 contacts avec quelqu'un le lendemain du jour où il a signé lui cet Accord

5 de Genève?

6 Réponse: Oui, il nous a dit que, le lendemain de la signature de l'Accord

7 de Genève, il avait contacté Hadzic et Babic. Il a poursuivi; il a précisé

8 que ces hommes allaient respecter l'accord et qu'il avait obtenu leur

9 consentement. Il a dit: "Voilà, j'ai promis et j'ai tenu cette promesse.

10 Vous, M. Vance, en d'autres termes, je vous ai promis d'obtenir leur

11 consentement, et je l'ai obtenu effectivement".

12 Question: Est-ce qu'à un moment donné au cours de cette réunion avec M.

13 Milosevic, le Secrétaire Vance a parlé du sujet de la côte dalmate?

14 Réponse: Oui, c'est exact, il l'a fait. Il a demandé au Président ce qui

15 se passait en Dalmatie, parce qu'il y avait des combats le long de la côte

16 dalmate, et surtout autour de Dubrovnik, mais aussi de Zadar et d'autres

17 cités croates.

18 Question: Qu'est-ce que M. Milosevic a dit au Secrétaire d'Etat Vance?

19 Réponse: Il a dit que les Serbes n'avaient aucun rapport, aucun lien avec

20 la Dalmatie, et qu'après la levée du siège des casernes de la JNA en

21 Croatie, l'armée allait laisser tranquille Dubrovnik.

22 Question: Est-ce qu'à ce moment-là, M. Vance a parlé avec M. Milosevic des

23 rapports selon lesquels il y avait des activités paramilitaires serbes en

24 Krajina?

25 Réponse: Oui.

Page 16933

1 Question: Est-ce que M. Milosevic a dit quelque chose à ce propos?

2 Réponse: Il a changé de sujet.

3 Question: Il a changé de sujet pour parler de quoi?

4 Réponse: Il nous a dit que, peu de temps auparavant, des effectifs croates

5 étaient entrés dans Pakrac -c'est une ville de Slavonie occidentale- et

6 que ces effectifs étaient en uniforme de la JNA, qu'ils avaient tué les

7 gens de Pakrac et s'étaient livrés à des exactions, avaient provoqué le

8 chaos.

9 Question: Est-ce qu'à un moment donné, M. Vance a discuté avec M.

10 Milosevic de la possibilité qu'il y ait poursuite des violences de la part

11 de Serbes armés, à savoir de forces locales ou de paramilitaires de la

12 JNA? Est-ce qu'il a discuté de cela?

13 Réponse: Oui, M. Vance était surtout préoccupé par les paramilitaires et

14 par les forces serbes irrégulières.

15 Question: Pourriez-vous nous lire le passage relatif à ce point qui se

16 trouve dans vos notes?

17 Réponse: Page 32, cette question est posée. Ensuite, M. Milosevic dit,

18 s'agissant des paramilitaires et des forces irrégulières, il dit que le

19 problème du contrôle "n'existera pas après la mise en vigueur d'une

20 opération de maintien de la paix. Que Goran Hadzic et Milan Babic vont

21 respecter les engagements pris.".

22 Vance dit, à ce moment-là, qu'il fait confiance au Président et qu'il

23 attend de lui, il attend du Président Milosevic qu'il veille à ce que

24 Babic et Hadzic se conforment aux conditions de l'opération de maintien de

25 paix. Et M. Milosevic répond: "Je vais utiliser mon influence. Je ne suis

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1 pas leur maître, mais je suis sûr qu'ils vont remplir ou tenir les

2 promesses qu'ils ont faites.".

3 M. Groome (interprétation): Excusez-moi...

4 M. Okun (interprétation): Ce sur quoi M. Vance a de nouveau lu la partie

5 de l'Accord de Genève qui portait sur les paramilitaires, car il savait

6 que M. Milosevic avait le contrôle et la responsabilité des

7 paramilitaires. Vous remarquez, à la page 93,...

8 M. Kwon (interprétation): Vous parlez de la page 33, c'est ça?

9 M. Okun (interprétation): Excusez-moi, j'ai dit 93, mais c'est la page 33.

10 Monsieur Vance dit, entre parenthèses, il lit une partie de l'Accord de

11 Genève à propos des paramilitaires, etc., etc. C'était pour consigner

12 quelque part la connaissance qu'il avait, pour redire à M. Milosevic qu'il

13 savait qu'il contrôlait les paramilitaires.

14 M. Groome (interprétation): Et qu'a dit M. Milosevic après la lecture

15 faite par M. Vance de cette partie-là de l'accord de Genève?

16 M. Okun (interprétation): Le Président Milosevic a prétendu qu'il

17 respectait l'accord de cessez-le-feu et "qu'un petit groupe sans aucun

18 danger", a-t-il dit, "s'opposait au cessez-le-feu". Il a aussi dit que

19 personne n'attaquait Osijek. Il a déclaré que des Serbes avaient été

20 abattus à Vukovar et qu'il y avait des fosses communes, ce qu'il appelait

21 des "tombes collectives", qui venaient d'être trouvées. Cela se trouve à

22 la page 33.

23 Question: Est-ce que M. Milosevic a précisé où se trouvaient ces fosses

24 communes ou ces tombes collectives où se trouveraient des victimes serbes?

25 Réponse: Non, il ne nous l'a pas dit.

Page 16935

1 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais appeler votre attention…

2 Excusez-moi.

3 Est-ce qu'ensuite, M. Milosevic a fait des déclarations à propos du

4 contrôle qu'avait Hadzic sur les paramilitaires?

5 Réponse: Oui. Il a dit que Hadzic les contrôlait bien, avait la maîtrise

6 de ses hommes.

7 Question: Est-ce qu'il a donné le pourcentage des paramilitaires qui se

8 trouvaient sous le contrôle de Hadzic?

9 Réponse: Il a dit, s'agissant des membres de la Défense territoriale et

10 des paramilitaires, que 95% étaient des gens locaux, de la territoriale,

11 qu'ils étaient bien organisés mais que Hadzic les contrôlait.

12 Question: Au cours de cette réunion, est-ce que la question de la Bosnie-

13 Herzégovine s'est posée?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Qui a fait que l'on a changé de sujet pour évoquer la Bosnie-

16 Herzégovine?

17 Réponse: A l'occasion de cette réunion, le sujet de la Bosnie-Herzégovine

18 a été lancé par le Président Milosevic.

19 Question: Pourriez-vous nous dire ce qu'il a dit à ce propos, à propos de

20 la Bosnie-Herzégovine?

21 Réponse: Oui. Il a dit qu'en ce qui concernait la Bosnie-Herzégovine, il

22 n'était pas juste de n'écouter que le Président Izetbegovic; qu'il était

23 important, pour aboutir, pour résoudre le problème qui se posait en

24 Bosnie-Herzégovine… -entre parenthèses, il faut se souvenir qu'à l'époque,

25 il n'y avait pas encore de combats en Bosnie-Herzégovine-, il a dit que

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1 pour aboutir, il fallait parler à toutes les parties concernées.

2 Monsieur Vance lui a demandé son aide afin de pouvoir rencontrer l'autre

3 partie, manifestement les Serbes de Bosnie. Ce sont là les premiers

4 échanges concernant la Bosnie.

5 Question: Est-ce que M. Milosevic a nommé une personne en particulier à

6 qui, d'après lui, il fallait parler?

7 Réponse: Oui. Il a dit qu'il était important de parler aux dirigeants

8 serbes; en l'occurrence, le Dr Radovan Karadzic.

9 Question: Etait-ce la première fois que vous entendiez prononcer le nom de

10 Radovan Karadzic?

11 Réponse: Je pense que oui. Excusez-moi, je dois me corriger.

12 Non, ce n'était pas la première fois que j'avais entendu le nom. Je

13 n'avais jamais écrit moi-même ce nom. Mais j'avais entendu prononcer le

14 nom, effectivement en octobre 1991, deux mois plus tôt, puisque je me

15 trouvais à Sarajevo à ce moment-là, au cours d'une réunion du Parlement,

16 au moment où les Serbes de Bosnie ont quitté le Parlement. Et on a

17 mentionné le nom de Karadzic.

18 Question: Outre le Secrétaire d'Etat Vance, le Président Milosevic et

19 vous-même, y avait-il quelqu'un d'autre qui assistait à cette réunion?

20 Réponse: Oui, M. Milosevic était accompagné de M. Jovanovic, le ministre

21 des Affaires étrangères.

22 Question: Et est-ce que quelqu'un a noté le nom de Radovan Karadzic dans

23 votre carnet?

24 Réponse: Oui, je vois cela à la page 40. On a écrit… Je vois, en

25 écriture…, en alphabet latin, le nom de M. Karadzic, mais ce n'est pas moi

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1 qui l'ai écrit.

2 Question: Vous souvenez-vous de la personne qui a écrit cela dans votre

3 carnet?

4 Réponse: C'est soit le Président Milosevic, soit Jovanovic. C'est sans

5 doute Jovanovic.

6 Question: Est-ce que M. Milosevic a marqué son accord pour la tenue d'une

7 réunion réunissant vous-même, MM. Vance et Karadzic?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Est-ce qu'il a organisé une telle réunion?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Combien de temps a-t-il fallu pour organiser cette réunion?

12 Réponse: Pratiquement pas de temps du tout. Nous avons terminé notre

13 réunion avec le Président Milosevic et Jovanovic au moment du déjeuner

14 -déjeuner agréable, d'ailleurs-, à 15 heures 30; et à 17 heures 30, nous

15 avons rencontré Karadzic. Donc c'était pratiquement immédiat, il y avait à

16 peine quelques heures qui s'étaient écoulées.

17 Question: Où avez-vous rencontré M. Karadzic?

18 Réponse: Dans une maison des faubourgs de Belgrade.

19 Question: Vous rappelez-vous de quelle façon vous êtes arrivés à cette

20 maison?

21 Réponse: On nous y a emmenés, si je me souviens bien, dans une voiture du

22 gouvernement.

23 Question: Je voudrais vous poser une question à propos de cette réunion

24 avec le Dr Karadzic.

25 Je renvoie Messieurs les Juges à la pièce de l'accusation 397,

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1 intercalaire 4, page 44.

2 Pourriez-vous nous résumer ce qui s'est passé au cours de cette réunion

3 avec le Dr Karadzic?

4 Réponse: C'était la première fois que nous nous rencontrions Radovan

5 Karadzic. Nous voulions l'entendre, nous voulions un peu sonder la vision

6 qu'il avait de la situation, savoir comment il voyait ce qui se passait en

7 Bosnie-Herzégovine. En fait, prendre sa mesure, puisque c'était la

8 première fois que nous le voyions en tête-à-tête, de visu. Et, de façon

9 générale, nous voulions lui expliquer comment pourrait se dérouler

10 l'opération de maintien de la paix qui était prévue pour la Croatie. Je

11 répète: à ce moment-là, il n'y avait pas de combats en Bosnie.

12 Question: Est-ce que le sujet de la Slovénie a été évoqué au cours de

13 cette réunion?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Quand, à l'occasion de cette réunion, a-t-on entamé le sujet de

16 la Slovénie?

17 Réponse: Dès le début, dès les premiers sujets soulevés par Karadzic, il y

18 a eu la question de la reconnaissance de la Slovénie.

19 Question: Qu'a-t-il dit au sujet de la reconnaissance de la Slovénie?

20 Réponse: Il a déclaré qu'à son avis c'était une bonne idée, et que cela

21 lui était égal de voir la Slovénie quitter la Yougoslavie.

22 Question: A-t-il fait une allusion quelconque au sujet des actions

23 concrètes qu'il se proposait d'entreprendre à ce sujet?

24 Réponse: Oui. Il a dit qu'il présenterait cette idée au Parlement serbe

25 -il entendait par là le Parlement des Serbes de Bosnie- aux fins de faire

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1 en sorte de reconnaître la Slovénie.

2 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais que nous mettions de côté

3 pour quelques instants cette réunion-là, et je voudrais vous poser des

4 questions au sujet du 3 décembre 1991. Etes-vous allé avec le Secrétaire

5 Vance à Osijek?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Pouvez-vous nous décrire par où vous êtes passés pour ce voyage?

8 Réponse: Une fois de plus, nous y sommes allés avec un véhicule de la JNA,

9 un véhicule militaire, par voie terrestre. Nous sommes passés par Novi

10 Sad. Nous avons traversé le Danube. Nous sommes entrés en Croatie. Nous

11 sommes arrivés jusqu'à Dalj; et c'était là une place forte de la JNA en

12 Croatie pour ce qui est de la région concernée, c'est là que se trouvait

13 le siège du commandement du corps d'armée. Le commandant de ce corps

14 chargé des troupes de la JNA qui avaient encerclé Osijek qui s'étaient

15 attaqués à la ville, eh bien, ce commandement se trouvait à Dalj?

16 Question: Oui, mais avant de faire le voyage en question, avez-vous reçu

17 des rapports émanant de la JNA et des autres autorités serbes concernant

18 les conditions et activités prévalant à Dalj?

19 Réponse: Oui. On nous a dit que les Croates avaient détruit cette ville,

20 que c'était quelque chose de terrible.

21 Question: Quelles sont les observations que vous avez faites?

22 Réponse: Cela n'était pas vrai du tout. La ville était intacte, les

23 conditions étaient tout à fait normales.

24 Question: Est-ce que vous avez quitté Dalj pour aller vers Osijek?

25 Réponse: Oui, nous avons traversé la ligne de front avec l'accord des deux

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1 armées en présence. Il nous fallait traverser ces lignes de front. Nous

2 sommes arrivés à un endroit où la JNA nous a confiés aux Croates. Et il y

3 a eu là un incident, à l'occasion de ce passage. Mais nous sommes

4 pratiquement passés entre deux armées belligérantes par voie terrestre, je

5 pourrais même ajouter à pied.

6 Question: Monsieur l'Ambassadeur, j'ai omis de vous poser une question.

7 Avant de quitter Dalj, avez-vous eu une conversation avec le commandant de

8 la JNA pour savoir qui était en train de pilonner Osijek?

9 Réponse: Oui. Il nous a informés de façon assez ample. La chose a duré

10 presque une heure. Il nous a informés de la façon militaire, et il a dit

11 qu'il n'y avait pas d'artillerie de la JNA, à savoir que l'artillerie de

12 la JNA ne pilonnait pas, et qu'il n'y avait pas eu d'incident depuis

13 l'accord de cessez-le-feu du 23 novembre. Il a dit, puisque la ville était

14 pilonnée de façon évidente, que c'étaient des forces territoriales serbes

15 de la Baranja, donc du côté serbe du Danube, qui étaient en train de

16 pilonner Osijek.

17 Osijek se trouve en rive occidentale du Danube, et ce Danube constitue une

18 frontière naturelle entre la Serbie et la Croatie. C'est une grande ville.

19 C'est la capitale de la Slavonie orientale. C'est là une cible aisée pour

20 le côté serbe puisque se trouvait juste de l'autre côté du fleuve.

21 Question: Pour que les choses soient tout à fait claires au compte rendu

22 d'audience, quand vous dites "partie serbe", est-ce que vous pensez que le

23 commandant de la JNA voulait dire que les pilonnages venaient du

24 territoire de la République de Serbie?

25 Réponse: Il l'a dit clairement. Il s'est servi du terme de "Baranja ".

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1 Mais, il n'y avait doute ni dans sa tête ni dans la nôtre au sujet de quoi

2 il parlait.

3 M. Groome (interprétation): Je vous avais interrompu parce que vous alliez

4 parler d'un incident lors de votre déplacement vers Osijek. Pouvez-vous

5 nous dire de quel incident il s'agissait?

6 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin finir sa réponse.

7 M. Okun (interprétation): Comme je l'ai précisé, on nous a conduits entre

8 deux parties au conflit. A ce moment-là, nous nous trouvions dans un

9 véhicule des observateurs de la Mission d'observation de la Communauté

10 européenne. Nous avions un chauffeur danois et un observateur italien.

11 Nous étions assis à l'arrière d'une petite fourgonnette, et nous nous

12 déplacions lentement sur la route. Et l'homme qui se trouvait au siège à

13 côté du conducteur a dit "Arrête!". Le chauffeur a arrêté. Il a vu que le

14 long de la route, il y avait un fil très mince de tendue qui conduisait

15 vers une mine. Quelqu'un avait miné cette route, nous n'avons jamais su

16 qui. Nous sommes sortis du véhicule, nous avons inspecté ce fil, c'était

17 un fil très fin. L'un des observateurs de la Communauté européenne -je ne

18 sais plus si c'était le Danois ou l'Italien- a détruit la chose, mais pas

19 en coupant le fil, parce qu'il avait redouté que cela ne fasse sauter la

20 mine; il a inspecté la route, il a vu que des deux côtés il y avait des

21 mines, il a brûlé le fil avec son briquet pour ne pas créer de vibration

22 quelconque, il a ôté le fil. Nous avons traversé le reste du chemin à

23 pied, cela faisait un peu plus d'un kilomètre, et nous sommes arrivés à

24 Osijek sains et saufs. C'était un moment intéressant.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous voulez dire

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1 quelque chose?

2 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais aider M. Okun pour ce qui est

3 de ces questions géographiques. La Baranja ne se trouve pas en Serbie. Et

4 le gentleman d'en face lui a demandé: "Est-ce que cela se trouvait du côté

5 serbe?".

6 Je précise que Baranja ne se trouve pas en Serbie. Vous vous souviendrez

7 que Maslenica, il l'a montré sur l'île de Solta. Il serait bon que vous

8 voyiez une carte, que vous voyiez où se trouve Osijek, qui pouvait

9 pilonner, et que pouvait apporter comme explication cet officier de la

10 JNA. Je crois que M. Groome est en train d'induire en erreur M. le Témoin.

11 M. le Président (interprétation): Oui. Il ne l'a pas fait. Nous avons une

12 carte et nous pouvons la consulter.

13 Continuez, Monsieur Groome.

14 M. Groome (interprétation): Je vais apporter une carte moi-même et je

15 demanderai à M. l'Ambassadeur de nous montrer avec précision à quoi il

16 faisait référence.

17 Monsieur l'Ambassadeur, avez-vous eu l'occasion de rencontrer une personne

18 dont vous avez, par la suite, connu l'identité: il s'agissait de "Arkan"?

19 M. Okun (interprétation): Oui, je l'ai vu.

20 Question: Pouvez-vous nous décrire les circonstances de cette rencontre?

21 Réponse: Eh bien, lorsque nous avons quitté ce briefing que nous avons eu

22 avec le commandant du corps d'armée de la JNA à Dalj, nous quittions donc

23 son QG qui se trouvait en fait dans une église, et dans la cour de

24 l'église, tout autour, il y avait des journalistes et des soldats. Et l'un

25 des journalistes occidentaux s'était approché de moi pour me dire que

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1 "Arkan" se trouvait à quelques dizaines, douzaines de pieds de là où

2 j'étais, comme à une distance qui est celle qui nous sépare tous les deux.

3 Il m'a demandé si M. Vance et moi-même voulions le rencontrer. Alors, nous

4 avons décliné l'invitation, mais nous avons vu ses troupes.

5 Question: Pouvez-vous nous dire s'il était armé?

6 Réponse: Oui, il avait un armement personnel et il avait un canon long, un

7 fusil. Et il figurait parmi des soldats de la JNA; ils étaient là, debout,

8 en train de bavarder, de fumer.

9 Question: Mais est-ce qu'il différait des soldats de la JNA?

10 Réponse: La plupart d'entre eux, pour autant que je m'en souvienne,

11 portaient des uniformes, mais ils n'étaient pas proprement vêtus.

12 Question: Je vous demanderai de vous pencher sur une pièce à conviction de

13 l'accusation qui est la pièce 336, page 3. Et cela sera placé sur le

14 rétroprojecteur. Il s'agit, en effet, d'une carte. Nous vous demanderons

15 de vous servir du pointeur pour montrer à la Chambre, d'abord Dalj.

16 Penchez-vous à votre gauche sur l'original… Donc sur le rétroprojecteur.

17 Réponse: En effet, Dalj, comme vous le voyez, se trouve au bord du fleuve,

18 au sud-est d'Osijek.

19 Question: Et pouvez-vous nous montrer Osijek?

20 Réponse: Osijek se trouve un peu plus bas, le long de la route.

21 Question: Lorsque le commandant du Corps d'armée à Dalj vous a dit

22 qu'Osijek était pilonné du côté serbe, pouvez-vous nous indiquer comment

23 vous avez compris la chose? Où cela se trouvait-il sur la carte?

24 Réponse: Eh bien, vous voyez, cette ligne, c'est celle du Danube. Je suis,

25 avec mon pointeur, le fleuve, le Danube, et vous voyez une ville du côté

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1 serbe; c'est la ville de Apatin. Et à l'est d'Osijek, entre Dalj et

2 Osijek, vous voyez une ville qui s'appelle Sarvas. Nous avons traversé là

3 la ligne du front; je crois bien que cela figure dans mon journal.

4 Alors, la ville d'Osijek se trouve physiquement sur une rivière qui

5 s'appelle Drava, c'est une petite région. Et voilà la région dont nous

6 avons parlé tout à l'heure.

7 Question: Mais pouvez-vous nous indiquer à quelle région se référait le

8 commandant de la JNA, pour indiquer que c'est de là que venaient les

9 pilonnages d'Osijek?

10 Réponse: Il a dit que cela venait des forces territoriales serbes. Cela

11 pourrait se trouver à Darda, donc au nord de la ville même. Je n'y étais

12 pas. Ou alors, cela pouvait se trouver de l'autre côté du Danube, parce

13 que la distance séparant ces deux endroits n'est pas très grande; c'est à

14 peu près à 10 ou 12 kilomètres d'Osijek. Osijek se trouve à 6 miles, à

15 savoir 10, 11 kilomètres de la frontière. Cela fait partie… Enfin, cela

16 rentre dans la portée d'une pièce d'artillerie. Ce sont là des distances

17 très petites.

18 En tout état de cause, nous avons vu une artillerie de la JNA. Et… Je

19 crois l'avoir noté dans mon journal, en bas de page 52, je ne vais pas

20 trop m'attarder sur ces questions d'artillerie, mais je voudrais attirer

21 votre attention sur le bas de la page 52 où j'ai noté dans mon journal ce

22 qui suit –je cite-: "La route, là où nous avons traversé la ligne de

23 front, à l'ouest de Sarvas", on y dit: "La route traverse un champ de

24 maïs. On passe par des prés et des fermes, des champs autour des maisons.

25 L'artillerie de la JNA se trouvait dans les champs de maïs. Et tout autour

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1 de la ville, il y avait des pièces d'artillerie".

2 Question: Mais lorsque vous êtes allés à Osijek, êtes-vous allés à

3 l'hôpital, là-bas?

4 Réponse: Oui. Nous y sommes allés tous les deux, le Secrétaire Vance et

5 moi. Et à un moment, le Secrétaire Vance a été un peu en retrait, mais

6 nous sommes allés tous les deux là-bas. A ma demande, j'ai fait une visite

7 de la ville entière.

8 Question: Pouvez-vous nous décrire la situation à l'hôpital d'Osijek?

9 Réponse: L'hôpital se trouvait en situation très mauvaise, très grave.

10 Cela était à côté de la rivière et c'était pilonné de façon importante.

11 L'hôpital était moderne, il y avait cinq ou six étages, mais chaque étage

12 était endommagé. Il y avait plein d'éclats d'obus, des vitres cassées

13 partout. Et il y avait des installations en sous-sol, deux ou trois étages

14 en sous-sol. L'hôpital avait été construit de façon à résister aux

15 attaques en cas d'invasion sur la Yougoslavie en provenance du nord-est,

16 disons l'armée soviétique, en passant par la Hongrie. L'hôpital avait des

17 installations souterraines qui étaient en état de fonctionnement.

18 Nous avons visité une maternité où des bébés avaient vu le jour

19 dernièrement. Mais au-dessus du rez-de-chaussée, l'hôpital était

20 pratiquement complètement détruit.

21 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais attirer votre attention sur

22 le 31 décembre 1991. Avez-vous eu une rencontre avec le Président

23 Milosevic et le ministre des Affaires étrangères, M. Jovanovic, dans le

24 courant de cette journée-là? J'attire votre attention sur votre carnet de

25 notes n°5; et, à l'intention de la Chambre, je précise qu'il s'agit de la

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1 pièce à conviction 397, intercalaire 5.

2 Réponse: Oui, le 31, nous nous sommes rencontrés le matin, et la réunion a

3 duré deux heures.

4 Question: Où avait eu cette réunion?

5 Réponse: Dans le bureau du Président Milosevic.

6 M. Groome (interprétation): Pouvez-vous nous résumer ce qui s'est dit à

7 cette réunion?

8 M. Okun (interprétation): La réunion a commencé par un résumé présenté par

9 le Président lui-même, au sujet de la situation. Il a fait état de la mise

10 en place éventuelle d'une opération de maintien de la paix et il a dit que

11 tous les représentants serbes, y compris Babic, se mettraient d'accord par

12 écrit avec le plan des opérations de maintien de la paix, parce que nous

13 avions déjà formalisé et couché sur papier l'énoncé de cet accord pour les

14 Croates et les Serbes.

15 Il a annoncé qu'un comité d'Etat présidé par M. Borislav Jovic -c'était un

16 comité d'Etat chargé de ces forces de maintien de la paix- donc, ce comité

17 devait avoir une réunion dans le courant de la journée, et accepterait la

18 proposition du Secrétaire Vance pour le lancement de cette opération de

19 maintien de la paix.

20 Lorsque nous lui avons demandé ce qu'il se passerait si un autre Babic

21 faisait son apparition, ou une formation paramilitaire faisait son

22 apparition pour s'opposer aux forces des Nations Unies, le Président

23 Milosevic a dit que cela n'arriverait pas, et il a assuré à M. Vance que

24 telle personne ne ferait pas apparition pour sûr.

25 M. Kwon (interprétation): Je voudrais indiquer pour le compte rendu

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1 d'audience qu'il s'agit de la page 59 au lieu de la page 61, comme vous

2 l'avez dit.

3 M. Groome (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Juge.

4 M. Okun (interprétation): Merci, Monsieur le Juge. Je suis désolé, je

5 crois que je devrais mettre mes lunettes.

6 Question: Monsieur l'Ambassadeur, après la signature de cet Accord de

7 Genève concernant la cessation des hostilités, le gros des efforts du

8 Secrétaire Vance et de vous-même, visait à la mise en place d'un plan

9 détaillé pour l'envoi des forces de maintien de la paix et l'application

10 du plan en question?

11 Réponse: En effet, cela avait été l'un des efforts déployés. L'autre

12 effort d'importance qui était plus difficile à réaliser, comme je dois le

13 dire, était celui d'aboutir à une acceptation de la part des Croates, pour

14 ce qui était de débloquer finalement, ou définitivement les casernes de la

15 JNA en Croatie. C'était là, le gros des efforts que nous avons déployés

16 après le 23 novembre 1991; d'une part, il s'agissait de s'assurer la

17 coopération et l'acceptation de ce plan de maintien de la paix, et d'autre

18 part, assurer l'acceptation des Croates pour ce qui est du déblocage des

19 casernes de la JNA.

20 Question: Serait-il juste de dire qu'avant la réalisation véritable de ce

21 plan de maintien de la paix, le Secrétaire Vance et vous-même avez

22 inspecté la réalisation de l'accord de cessez-le-feu signé le 23 novembre.

23 En d'autres termes, je voudrais savoir si les parties qui ont signé cet

24 accord, le Président Tudjman, le Président Milosevic et Kadijevic ont

25 réalisé ce qu'ils ont signé?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Quelle est la personne que vous avez désignée pour ce qui est de

3 la représentation du côté serbe? Quelle était donc la personne qui devait

4 confirmer l'application des obligations de cette partie-là concernant le

5 cessez-le-feu?

6 Réponse: C'était le Président Milosevic.

7 Question: Revenons à la réunion du 31 décembre.

8 Est-ce qu'à un moment donné à l'occasion de cette réunion, le Président

9 Milosevic a, une fois de plus, entamé le sujet des droits des minorités,

10 tel que décrit dans le projet initial de l'Accord Carrington, de la

11 Convention Carrington; celle que nous avons citée déjà et qui date

12 d'octobre 1991?

13 Réponse: Oui. Cela s'est fait en corrélation avec les débats au sujet des

14 problèmes au Kosovo.

15 Question: Pouvez-vous nous faire un résumé de cet entretien entre le

16 Président Milosevic et le Secrétaire Vance à ce sujet-là?

17 Réponse: C'était un entretien assez long d'après ce que j'ai noté dans mon

18 journal. En substance, et cela n'était pas la première fois que l'on en

19 parlait, la substance c'était l'attitude à l'égard de l'ethnie albanaise

20 au Kosovo.

21 La position, prise à ce moment-là par le Secrétaire Vance, par Lord

22 Carrington et les autres, disait que si le deuxième chapitre du document

23 de Carrington portant accord sur l'ex-Yougoslavie -accord daté du 18

24 octobre- donc document aux termes duquel le peuple serbe devait bénéficier

25 d'un statut spécial en Croatie, alors il serait juste que la Serbie

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1 accorde le même statut aux groupes ethniques albanais au Kosovo. Le

2 Président Milosevic n'a pas été d'accord, en disant que le peuple serbe

3 était une nation constitutive aux termes de la Constitution, et non pas

4 une minorité nationale.

5 La Constitution yougoslave, ainsi que la pratique historique sur le

6 territoire de l'ex-Yougoslavie, accordait des droits particuliers aux

7 peuples constitutifs qui ne sauraient être considérés comme étant des

8 minorités nationales.

9 Je dois ajouter qu'il a présenté la chose de façon correcte, dans sa

10 déclaration, parce que les peuples constitutifs avaient des droits

11 particuliers aux termes de la Constitution de 1974. Ceci, toutefois, ne

12 devait pas signifier que d'autres peuples ou d'autres groupes ethniques

13 seraient traités de façon humaine.

14 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais attirer votre attention sur

15 la date du 2 janvier 1992. Que s'est-il passé ce jour-là?

16 Réponse: Ce jour-là, l'accord portant application du cessez-le-feu,

17 l'accord d'application de cessez-le-feu a été signé à Sarajevo. C'est ce

18 qui a apporté une cessation des hostilités en Croatie.

19 Question: Monsieur l'Ambassadeur, un certain nombre de témoins ont déjà

20 comparu devant ce Tribunal et ont parlé du plan Vance. Serait-il exact,

21 pour ma part, si je disais qu'il n'y a pas de document que l'on pourrait

22 désigner comme étant un plan Vance?

23 Réponse: Ce serait tout à fait erroné.

24 Question: Pouvez-vous nous décrire quels sont les documents qui, ensemble,

25 sous-entendent ce à quoi on se réfère en disant "Plan Vance"?

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1 Réponse: C'est un sujet compliqué, mais je vais essayer brièvement.

2 Les gens, lorsqu'ils parlent de plan Vance, pensent de l'opération de

3 maintien de la paix en Croatie. Les quatre documents qui ont établi ce que

4 l'on appelle "le plan Vance" existent. Mais le Secrétaire Vance, lui-même,

5 n'a jamais considéré qu'il y avait quatre documents.

6 L'accord de cessez-le-feu du 23 novembre 1991, est un des documents dont

7 nous parlons, ainsi que l'accord de mise en oeuvre du 2 janvier 1992. Ces

8 deux documents sont significatifs de la situation sur le terrain et

9 déterminent la fin des hostilités.

10 Quant aux deux autres documents, il s'agissait de documents théoriques,

11 relatifs à l'opération de maintien de la paix, contenant des détails

12 techniques de cette opération décrivant l'emplacement des UNPA, ce genre

13 de choses, et la façon dont la surveillance de cette mise en œuvre serait

14 effectuée. Il s'agit du document théorique du 3 décembre, et enfin du

15 dernier document qui est la Résolution de Conseil de sécurité créant

16 l'opération de maintien de la paix, à savoir la Résolution 743 du 21

17 février.

18 Donc il y le document du 23 novembre; celui du 1er janvier, l'accord de

19 fin des hostilités; celui du 3 décembre concernant les détails de

20 l'opération de maintien de la paix; celui du 21 février 1992, à savoir la

21 Résolution du Conseil de sécurité qui met en place l'opération. Ces quatre

22 documents, ensemble, constituent le plan Vance.

23 M. Groome (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, vous avez déjà parlé

24 de la fin des hostilités, de l'accord de cessez-le-feu. Je vais maintenant

25 demander que l'on vous soumette trois autres documents. Madame l'Huissière

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1 pourrait vous apporter les trois documents ensemble pour gagner du temps.

2 Je veux parler de l'intercalaire 7 de la pièce à conviction de

3 l'accusation 396, que je vous demanderai d'examiner et d'identifier.

4 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai que cinq intercalaires pour cette

5 pièce à conviction 396. On ne m'a pas communiqué l'intercalaire 6. Et

6 maintenant, je découvre qu'il y en a même un septième, et peut-être même

7 un huitième!

8 M. Groome (interprétation): Madame la Greffière va s'approcher de vous

9 pour voir ce qui se passe.

10 Je peux remettre mon exemplaire à l'accusé, Monsieur le Président, si vous

11 le souhaitez.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 Je peux faire remettre à M. Milosevic une autre série de documents.

14 M. le Président (interprétation): Il s'agit bien de la pièce 396?

15 M. Groome (interprétation): Pièce 396, en effet, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pouvez examiner

17 les documents qui viennent de vous être remis. Pièce 396, intercalaire 7.

18 Nous avons sous les yeux le document théorique, n'est-ce pas?

19 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui, mais j'ai reçu la première partie

20 de cette pièce qui ne contenait que cinq intercalaires. Et maintenant, on

21 nous parle d'intercalaires 6, 7 et 8.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, c'est bien le document

23 théorique?

24 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

25 M. Okun (interprétation): Oui, Monsieur le Président, il s'agit du

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1 document théorique relatif à l'opération de maintien de la paix.

2 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je vous ai fait soumettre l'intercalaire

3 8. Pouvez-vous identifier que document à l'intention de la Chambre?

4 Réponse: Oui. Intercalaire 8. Je vois sur le document, le n°147, la date

5 est celle du 2 janvier 1992. C'est le texte de mise en oeuvre annexé à

6 l'accord.

7 Question: Enfin, je vous demanderai de jeter un coup d'œil à

8 l'intercalaire 9 de la pièce à conviction de l'accusation 396.

9 Réponse: Oui, l'intercalaire 9 est la Résolution 743 du Conseil de

10 sécurité, datée du 21 février 1992.

11 Question: Monsieur l'Ambassadeur, pour gagner du temps, je vous demanderai

12 de faire un saut dans le temps, jusqu'au 15 avril 1992. Une réunion a eu

13 lieu, ce jour-là; je crois qu'elle est mentionnée dans le volume 7 de vos

14 journaux personnels. Et j'appelle l'attention de la Chambre sur la pièce à

15 conviction de l'accusation 397, intercalaire 7, page 39. La date est celle

16 du 15 avril, et la page est la page 39.

17 Avez-vous rencontré M. Milosevic, ce jour-là?

18 Réponse: Oui, je vois que nous l'avons rencontré, M. Vance et moi-même.

19 Nous avons rencontré le Président Milosevic ainsi que M. Jovanovic pendant

20 presque trois heures.

21 Question: Pouvez-vous, je vous prie, nous dire rapidement ce qui s'est

22 passé pendant cette réunion?

23 Réponse: A ce moment-là, le conflit s'était étendu à la Bosnie-Herzégovine

24 où des combats avaient commencé au mois de mars, suite à la tenue d'un

25 référendum. Nous étions très inquiets au sujet de la situation sur le

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1 terrain en Bosnie-Herzégovine.

2 La conférence de Lord Carrington sur la Yougoslavie continuait à se

3 battre, mais sans grand succès, à ce moment-là, s'agissant de l'obtention

4 d'un accord. Et le Secrétaire Vance était très inquiet des rapports que

5 nous recevions au sujet de l'action des paramilitaires et irréguliers

6 serbes en Bosnie, le long de la frontière orientale avec la Serbie, à

7 savoir le long de la Drina.

8 Question: Ce sujet a-t-il été discuté en détail avec le Président

9 Milosevic?

10 Réponse: Oui, le Secrétaire Vance a évoqué la question; cela figure en

11 page 41 de mon journal. Il a demandé ce qu'il en était de "Arkan" sur la

12 Drina. Le général Adzic a dit qu'il était là-bas. Et lorsqu'on parle de

13 "Arkan", on parle de présence de "Arkan" du côté bosniaque de la Drina.

14 Question: Qu'a répondu le Président Milosevic?

15 Réponse: Il a dit que ce n'était pas le cas. Il a dit: "Non, non, il y a

16 peut-être quelqu'un d'autre là-bas". Il a dit qu'il était complètement

17 interdit de sortir de Serbie et que "Arkan" avait lui-même, à la

18 télévision, fait sa propre publicité en disant qu'il s'était rendu à

19 Bijeljina en privé -j'insiste: en privé-. Donc à Bijeljina, dans le nord-

20 est de la Bosnie.

21 Question: Cette déclaration de sa part, l'avez-vous considérée comme une

22 admission de la part du Président Milosevic qu'il était au courant de la

23 présence de "Arkan" dans la municipalité de Bijeljina, en Bosnie?

24 Réponse: Oui, c'est ce qu'il a dit.

25 Question: D'après vous, que voulait-il dire lorsqu'il a déclaré que

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1 "Arkan" s'était rendu là-bas en privé?

2 Réponse: Eh bien, le bon sens pousserait chacun à penser que cela signifie

3 qu'il s'était rendu là-bas sur son initiative personnelle et que personne

4 n'était responsable de sa venue, de son arrivée là-bas, en dehors de

5 "Arkan".

6 Question: Pouvez-vous continuer à commenter cette partie de votre journal

7 en nous disant ce qui s'est passé ensuite?

8 Réponse: Eh bien, il est clair, à partir de ce qui est écrit dans le

9 journal, que le Secrétaire Vance n'a pas cru ce qui lui a été dit. Mais

10 les mots qui sont inscrits ensuite sont les suivants –je cite-"Non, cela

11 ne le lavera pas." (Fin de citation.) C'est ce que Vance a dit au

12 Président. Et le Président Milosevic a répondu -je cite-: "Seulement au

13 début"; ce qui voulait dire que "Arkan" n'avait été présent qu'au début

14 des combats.

15 Je poursuis la citation -je cite-: "Le reste du temps, il était à

16 Belgrade." (Fin de citation.)

17 Et Vance -cela apparaît clairement à la lecture du journal, puisque les

18 échanges y sont consignés- n'a pas beaucoup apprécié cette réponse,

19 puisqu'il rétorque -je cite-: "Je serai franc. Des gens en qui j'ai pleine

20 confiance ont vu "Arkan" et d'autres Serbes lourdement équipés." (Fin de

21 citation.) Ce qui voulait dire qu'ils avaient été vus le long de la Drina,

22 en Bosnie.

23 Je cite la suite: "Que se passe-t-il?" (Fin de citation.) C'est ce que je

24 lis dans le journal.

25 Le Président Milosevic répond -je cite-: "Il y a seulement quelques

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1 individus, là-bas, qui échappent au contrôle des autorités serbes. Nous

2 interdisons l'existence de paramilitaires." (Fin de citation.)

3 Le Président Milosevic poursuit en disant ce qui suit -je cite-: "Arkan

4 n'était à Bijeljina qu'au début." (Fin de citation.)

5 Vance montre qu'il ne croit pas beaucoup à ce qui qu'il entend en

6 rétorquant –je cite-: "Pour être parfaitement franc, vous et la Serbie

7 êtes touchés. Si ceci continue, cela aura un effet très négatif sur la

8 reconnaissance des Serbes, à savoir la reconnaissance de la Serbie par les

9 Nations Unies. Et cet effet négatif se produira si vous ne déclarez pas

10 ces hommes hors-la-loi."

11 Le Président Milosevic consent. Il déclare –je cite-: "Je vois bien que

12 nous sommes touchés." (Fin de citation.) Et puis, il plaide pour obtenir

13 de la compréhension, en poursuivant –je cite-: "On ne peut pas vérifier ce

14 que fait chacun des Serbes" (Fin de citation.)

15 Et le Secrétaire Vance poursuit cette discussion difficile en déclarant –

16 je cite-: "Vous avez un vrai problème. Il faut que vous fassiez le

17 ménage." (Fin de citation.)

18 Et vous remarquerez, Monsieur le Président, que j'ai inscrit ça en lettres

19 majuscules dans le journal, les mots "faire le ménage".

20 Après quoi, le Secrétaire Vance, qui est gentleman, dit au Président: "Je

21 vous parle en tant qu'ami." (Fin de citation.)

22 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je vous demanderais de poursuivre la

23 page suivante de votre journal et de nous relater le reste de la

24 conversation qui a eu lieu entre le Secrétaire Vance et M. Milosevic.

25 Réponse: Eh bien, le Secrétaire déclare au Président –je cite-: "Il faudra

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1 que vous enfonciez le clou"; à savoir que vous mettiez en oeuvre l'accord

2 Cutilheiro. Ceci figure en page 43. Et nous voyons bien que lorsqu'il est

3 question de mise en oeuvre, il s'agit de la lettre et de l'esprit de

4 l'accord.

5 Comme je l'ai déjà dit, l'Ambassadeur Cutilheiro travaillait à la

6 réalisation d'un plan de paix en Bosnie, sous la direction de Lord

7 Carrington. Donc voilà ce que sous-entendent les mots "accord Cutilheiro".

8 Il s'agissait en fait d'un réel plan de paix.

9 Le Président Milosevic répond –je cite-: "Aucun représentant de Serbie ne

10 se trouve en Bosnie-Herzégovine" (Fin de citation.)

11 Ce à quoi le Secrétaire Vance, lisant des éléments qu'il a consignés à

12 l'avance sur papier avant le début de la rencontre, dit à M. Milosevic -je

13 cite-: "La Serbie n'a aucune chance de l'emporter militairement en Bosnie,

14 soit directement, soit par un autre biais." A savoir qu'elle ne peut pas

15 l'emporter, soit par intervention de la JNA, soit par intervention des

16 paramilitaires et des irréguliers.

17 Comme vous le voyez, le Secrétaire Vance était tout à fait au courant de

18 l'intervention des paramilitaires et des irréguliers qui agissaient en

19 parallèle, mais sous le contrôle des autorités, même si c'était de façon

20 dissimulée.

21 Et le Président Milosevic exprime son accord en déclarant –je cite-:

22 "C'est exact." (Fin de citation.) Et pour la forme, il nous demande –je

23 cite-: "Pensez-vous que je veux une guerre en Bosnie-Herzégovine?" (Fin de

24 citation.)

25 Ce à quoi le Secrétaire Vance répond –je cite-: "Cela a tout l'air d'une

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1 guerre" (Fin de citation.)

2 Le Président Milosevic répond que l'armée croate a commencé, est à

3 l'origine des combats en Bosnie. Vous voyez les lettres "CA" inscrites

4 dans le journal, signifiant "armée croate" qui a commencé en envahissant

5 un pont, le pont de Bosanski Brod. Et il reprend ce qu'il a déjà dit, à

6 savoir que personne n'aurait pu pousser les Serbes à entrer dans ce qu'il

7 appelle lui-même "ce bourbier".

8 Vance répond en disant –je cite-: "Chacun sait que 'Arkan' était là-bas"

9 (Fin de citation.)

10 Et le Président Milosevic admet cela en disant –je cite-: "Oui, mais il y

11 en a d'autres aussi en Bosnie." (Fin de citation.)

12 Question: Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais appeler maintenant votre

13 attention sur le lendemain, le 16 avril 1992. Avez-vous rencontré Radovan

14 Karadzic et M. Koljevic? Et, au cours de cette rencontre, le sujet de

15 Sarajevo a-t-il été abordé?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Puisque je fais référence à la pièce à conviction 397,

18 intercalaire 7, page 69, pouvez-vous brièvement synthétiser, en une phrase

19 ou deux, ce qui a été dit lors de cette rencontre à Sarajevo?.

20 Réponse: Oui. Koljevic, Nikola Koljevic, donc, a dit que, ce jour-là

21 précisément, le 16 avril 1992, lui-même et Karadzic étaient convenus d'une

22 division de Sarajevo; ce qui voulait dire que les Serbes de Bosnie étaient

23 appelés à diviser Sarajevo en une zone serbe et une zone musulmane.

24 Question: Koljevic a-t-il donc dit, ce jour-là, le 16 avril, que la

25 division de Sarajevo avait été décidée entre lui-même et Karadzic?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: J'aimerais maintenant appeler votre attention sur la journée du

3 6 mai 1992. Avez-vous, ce jour-là, rencontré M. Milosevic et M. Bulatovic?

4 Il s'agit de la pièce à conviction de l'accusation 397, intercalaire 7,

5 page 140.

6 Réponse: Oui, nous avons rencontré le Président ainsi que le Président

7 Bulatovic, président du Monténégro, qui étaient accompagnés par leurs

8 ministres des Affaires étrangères, M. Jovanovic et M. Samardzic.

9 Question: Au cours de cette rencontre, Lord Carrington a-t-il confronté le

10 Président Milosevic à des rapports au sujet de ce que faisaient les Serbes

11 en Bosnie?

12 Réponse: Oui, en effet. D'ailleurs, il ne s'agissait pas que de la Bosnie,

13 mais également de ce qu'il faisait en Krajina, en Croatie ainsi que dans

14 la province serbe du Kosovo. Ceci est écrit en page 140 de mon journal.

15 Question: Pouvez-vous nous dire si vous vous rappelez la réponse qu'a

16 faite M. Milosevic en réponse aux questions de Lord Carrington?

17 Réponse: Oui. Le Président Milosevic a répondu en déclarant -je cite-:

18 "Tous les Serbes ainsi que la JNA seront sortis de Bosnie-Herzégovine dans

19 un délai de deux semaines. Et la Bosnie n'est pas du ressort de la

20 République fédérale de Yougoslavie".

21 Il a ajouté que lui-même, à savoir donc le Président Milosevic, appuie les

22 pourparlers au sujet de la Bosnie-Herzégovine, ce qui se rapportait aux

23 pourparlers menés par Cutilheiro.

24 Question: Lorsque M. Milosevic utilise l'expression "tous les Serbes ainsi

25 que la JNA", d'après vous, à quoi faisait-il référence?

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1 Réponse: Eh bien, très manifestement, il parlait des paramilitaires et des

2 irréguliers.

3 Question: Est-ce que…

4 Réponse: Si tel n'était pas le cas, il aurait simplement utilisé

5 l'expression "la JNA". Je pense qu'il ne parlait pas des civils serbes ou

6 des touristes; il n'était pas question de cela, voyez-vous. Il n'était pas

7 question des centaines de milliers de Serbes qui ne s'apprêtaient pas à

8 quitter la Bosnie. Donc il parlait bien des irréguliers.

9 Question: Monsieur Cutilheiro a-t-il continué en décrivant, à l'intention

10 de M. Milosevic, des rapports précis évoquant une activité paramilitaire

11 dans la municipalité bosniaque de Foca?

12 Réponse: Oui, Cutilheiro a dit qu'à Foca, des irréguliers serbes avaient

13 commis des actions abominables.

14 M. Groome (interprétation): Quelle a été la réponse de M. Milosevic?

15 M. Okun( interprétation): Il a déclaré –je cite-: "Cela ne relève pas de

16 nous." (Fin de citation.)

17 Il a dit, pour être précis –je cite-: "Nous souhaitons simplement en

18 arriver à la fin des pourparlers." (Fin de citation.)

19 Je crois que c'est là une façon tout à fait courante de rejeter la

20 responsabilité; et cela figure en page 141 de mon rapport.

21 M. Kwon (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, poursuivez, je vous

22 prie.

23 M. Okun (interprétation): Je cite: "Nous souhaitons en arriver à la fin

24 des pourparlers sur la Bosnie-Herzégovine. Cela ne relève pas de nous."

25 (Fin de citation.) C'est une façon tout à fait courante de ne pas assumer

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1 la responsabilité.

2 M. Kwon (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, en page 140, je remarque

3 une phrase dite par M. Milosevic –je cite-: "Nous sommes une délégation

4 unie, ceci est un fait." (Fin de citation.)

5 Pouvez-vous faire une observation au sujet de cette phrase?

6 M. Okun (interprétation): Oui, il évoquait le fait qu'il était présent aux

7 côtés du Président du Monténégro, le Monténégro étant une République. Mais

8 il souhaitait insister sur le fait qu'il convenait de considérer cette

9 délégation comme une seule et unique délégation, comme celle d'un seul

10 pays et pas de deux. Ceci, d'ailleurs, était également la façon dont nous

11 voyions les choses, s'agissant de la Serbie et du Monténégro. Nous

12 estimions que c'était une seule et unique délégation.

13 Mais, Monsieur le Juge, ceci est dû au fait que, dix jours avant, la

14 République fédérative de Yougoslavie, donc la RSFY, la Yougoslavie de

15 Tito, avait officiellement cessé d'exister. Et la République fédérale de

16 Yougoslavie, donc la RFY était née; la RFY consistant de la Serbie et du

17 Monténégro. Et M. Milosevic revenait à notre intention sur ce fait.

18 M. Kwon (interprétation): Merci.

19 M. Groome (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, est-il permis de dire

20 qu'aux environs de cette même période, votre travail au sein de la mission

21 Vance était proche de sa fin et que votre travail au sein de l'ICFY allait

22 commencer?

23 M. Okun (interprétation): Oui, parce que la guerre en Bosnie avait

24 commencé.

25 Question: J'aimerais appeler votre attention sur quelques éléments

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1 consignés dans votre journal ou dans vos journaux, le premier étant celui

2 qui concerne une rencontre qui a eu lieu le 9 octobre 1992; pièce à

3 conviction de l'accusation 398, intercalaire 1.

4 Monsieur le Président, l'ambassadeur Okun n'a pas numéroté les pages de

5 ces journaux relatifs à l'ICFY, comme il l'a fait pour les journaux

6 relatifs à la mission Vance, donc les seuls éléments de référence sont la

7 date et l'heure.

8 J'appelle votre attention sur la date du 9 octobre 1992, l'heure étant

9 celle de 18 heures 10. Et, Monsieur l'Ambassadeur, je vous demande si une

10 réunion avec Radovan Karadzic a eu lieu ce jour-là?

11 Réponse: Excusez-moi, mais de quel jour parlez-vous?

12 Question: Octobre. Excusez-moi, je confonds le système européen et le

13 système américain de libellé des dates. Donc il s'agissait de la date du

14 10 septembre 1992, excusez-moi.

15 Réponse: Ah, 10 septembre 1992? Oui, ce jour-là, nous avons rencontré

16 Karadzic ainsi qu'un colonel des Serbes de Bosnie, le colonel Zarkovic. Et

17 j'ai inscrit ici qu'il était accompagné d'un associé qui prenait des

18 notes.

19 Karadzic, oui. Octobre… Ah! non, non, excusez-moi, le 10 septembre 1992.

20 Question: Sarajevo a-t-il été discuté en détail au cours de cette

21 rencontre?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Radovan Karadzic a-t-il expliqué à votre intention et à celle du

24 Secrétaire Vance quelle était sa logique s'agissant de ce qui était en

25 train de se passer à Sarajevo à ce moment-là?

Page 16962

1 Réponse: Excusez-moi, mais lorsque vous dites "ce qui était en train de se

2 passer", vous parlez du pilonnage de la ville?

3 Question: Oui.

4 Réponse: Oui, il l'a fait.

5 Question: Pouvez-vous nous dire de quelle façon l'échange s'est déroulé

6 entre vous?

7 Réponse: Eh bien, il a dit pas mal de choses au sujet de Sarajevo. Il a

8 dit entre autres qu'il y avait le plus grand camp de concentration de

9 Bosnie à Sarajevo, que 60.000 à 80.000 Serbes y étaient détenus. Et, comme

10 d'habitude, il a déliré sur le sujet pendant très longtemps.

11 Il nous a donné également son explication au sujet de ce qu'il considérait

12 comme ses raisons personnelles justifiant le pilonnage de la ville. Il a

13 dit cela très clairement, sans détour.

14 Question: Avez-vous inscrit cela dans votre journal?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Pouvez-vous nous dire ce qu'il a dit?

17 Réponse: Il a dit, s'agissant toujours de Sarajevo, comme je viens de

18 l'indiquer, qu'il y avait là le plus grand camp de concentration. Et je

19 crois qu'il a dit… oui, oui, en effet, il l'a dit, je le vois ici. Il a

20 dit qu'ils -au pluriel, et il parlait du gouvernement bosniaque- avaient

21 avait commencé la guerre "en m'expulsant -a-t-il dit- de mon appartement

22 de Sarajevo", et qu'ils avaient torturé 80.000 Serbes.

23 Je vais maintenant vous citer ce que je lis dans mon journal –je cite-:

24 "Ils ont commencé la guerre en m'expulsant de mon appartement de Sarajevo

25 et ils ont torturé 80.000 Serbes." (Fin de citation.)

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1 Question: Lord Owen a-t-il répondu sur ce point?

2 Réponse: Oui, il l'a fait taire.

3 Question: A-t-il ensuite expliqué quelle était la logique qui était la

4 sienne pour justifier la situation militaire à Sarajevo?

5 Réponse: Oui. Il était très sérieux, et il a dit –je cite-: "Ecoutez, nous

6 sommes 35%". Ce qui voulait dire que les Serbes constituaient 35% de la

7 population bosniaque". Je poursuis la citation –je cite-: "Eux sont 65%.

8 Nous avons des armes, ils ont des hommes. Si nous abandonnons nos armes et

9 qu'ils n'abandonnent pas leurs hommes, nous sommes fichus"; voilà les mots

10 qu'il a utilisés.

11 Et il nous a indiqué de cette façon qu'il n'avait aucunement l'intention

12 d'abandonner les armes, pas plus qu'il n'avait l'intention de mettre un

13 terme au pilonnage de la ville. Et, malheureusement, c'est bien ce qui

14 s'est passé jusqu'à ce qu'il soit arrêté par la force.

15 Question: Monsieur l'Ambassadeur, est-il permis de dire que vous passiez

16 une grande partie de votre temps, lors des rencontres et discussions de

17 l'ISFY, à parler de Sarajevo qui était au cœur de la plupart de vos

18 rencontres?

19 Réponse: Oui, c'était très certainement le cas.

20 Question: Avez-vous suivi les rapports relatifs au pilonnage de Sarajevo?

21 Réponse: Oui, parce que, lorsque nous étions à Genève, je recevais tous

22 les jours le décompte des obus que faisaient les observateurs des Nations

23 Unies postés un peu partout à l'intérieur de la ville de Sarajevo et aux

24 alentours. Ce qui veut dire qu'ils dénombraient les obus entrants, donc

25 des obus lancés par des pièces d'artillerie et touchant la ville, ainsi

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1 que les obus sortants tirés par la partie musulmane à partir de la ville.

2 Question: Et est-ce que vous avez consigné ces rapports quotidiens qui

3 vous parvenaient, pour ce qui était du nombre d'obus tirés?

4 Réponse: Oui, j'avais un graphique que j'avais au mur de mon bureau à

5 Genève.

6 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il en est du rapport

7 entre les tirs entrant à Sarajevo et les tirs sortants de Sarajevo?

8 Réponse: Pour les tirs entrants chaque jour tirés par l'artillerie serbe

9 qui était dirigée sur la ville, ça pouvait faire de 4 à 5.000 obus par

10 jour. Pour ce qui est des tirs de riposte venant du gouvernement de

11 Bosnie, cela faisait quelque 300 ou 400 obus; obus de calibre bien plus

12 petit, il faut le relever. Donc, le rapport, si vous voulez, c'était de 10

13 à 1, à peu près.

14 Question: Au cours des discussions que vous avez eues avec les différentes

15 parties à propos de Sarajevo, est-ce que vous vous êtes fait une opinion

16 pour ce qui est des objectifs poursuivis par les Serbes dans le cadre du

17 siège de Sarajevo?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Pourriez-vous résumer ceci à l'intention des Juges?

20 Réponse: Je me suis dit que les Serbes de Bosnie avaient trois objectifs

21 principaux en pilonnant Sarajevo. Ils voulaient tout d'abord forcer

22 l'armée de Bosnie à se limiter à la défense de sa capitale. Le deuxième

23 objectif était en fait d'exécuter le plan des Serbes de Bosnie qui

24 consistait à faire une division physique de la ville, en établissant une

25 espèce de mur de feu établi par le pilonnage de la population. Le

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1 troisième objectif étant, à mes yeux, d'apeurer le gouvernement de Bosnie

2 qui était dans la ville, de les apeurer, de les décourager, afin qu'ils

3 acceptent une paix établie suivant les conditions posées par les Serbes de

4 Bosnie.

5 Question: Il y a quelques instants, vous avez fait référence au fait que

6 Radovan Karadzic avait commencé à parler de 80.000 Serbes torturés. Etait-

7 ce un des objectifs manifestes, ostensibles, qu'exprimaient les dirigeants

8 serbes de Bosnie en ce qui concerne le siège de Sarajevo? Est-ce qu'ils

9 voulaient –disaient-ils- protéger les Serbes qui habitaient à Sarajevo?

10 Réponse: Oui, c'était un des thèmes constants manifestés par Karadzic, par

11 Koljevic et, lorsque nous l'avons vu aussi, par Krajisnik.

12 Question: Est-ce que vous et M. Vance, vous avez essayé de vérifier ce

13 qu'il en est en vous adressant à des organisations humanitaires pour

14 savoir dans quel état, dans quelles conditions se trouvaient les Serbes

15 qui étaient restés dans la ville?

16 Réponse: Oui. Et nous nous sommes tout de même trouvés à Sarajevo. Nous

17 avons rendu visite à la ville.

18 Question: Pourriez-vous nous dire ce que vous avez appris, s'agissant de

19 la situation dans laquelle se trouvaient les Serbes de Sarajevo?

20 Réponse: Eh bien, ils n'étaient pas plus mal logés que les autres. De

21 toute façon, tout le monde, tous les autres aussi se trouvaient sous des

22 tirs, des pilonnages constants. C'était une situation particulièrement

23 difficile; ceci a fait l'objet de beaucoup de reportages de la presse, de

24 la télévision. Le monde entier le savait. Mais il n'y avait pas de mauvais

25 traitements massifs infligés à la population serbe.

Page 16966

1 M. Groome (interprétation): Maintenant, je voudrais que vous nous parliez

2 d'une réunion qui s'est tenue le 17 septembre 1992, réunion avec Radovan

3 Karadzic. J'appelle l'attention des Juges de la Chambre sur la pièce de

4 l'accusation 398. Je vais vous donner le numéro de référence; je pense que

5 c'est la meilleure référence possible pour le moment. Il s'agit de la

6 pièce R0163952.

7 Monsieur l'Ambassadeur, veuillez examiner une partie de cette réunion.

8 Est-ce que le Secrétaire d'Etat, M. Vance, a discuté avec M. Radovan

9 Karadzic des irréguliers serbes de Bosnie?

10 M. Kwon (interprétation): Est-ce que ça s'est passé à Genève?

11 M. Groome (interprétation): Excusez-moi, Monsieur l'Ambassadeur. Pourriez-

12 vous d'abord nous dire où s'est faite cette réunion?

13 M. Okun (interprétation): Oui, c'est une réunion qui s'est tenue le 17

14 septembre à Genève. Elle a commencé à 9 heures 10 le soir et s'est

15 terminée à 10 heures 05, à Genève.

16 Question: Et qu'a-t-on dit à propos des paramilitaires serbes?

17 Réponse: Oui. Monsieur Vance a soulevé la question et a demandé ce qu'il

18 en était de ses troupes irrégulières à M. Karadzic: "Qui les contrôle?".

19 Là-dessus, Karadzic a répliqué que peut-être 5% de ces hommes ne se

20 trouvent pas sous son contrôle, mais que, lui, il contrôlait le reste, à

21 savoir qu'il contrôlait 80% des éléments irréguliers serbes de Bosnie.

22 Il poursuit en disant –et là, je le cite dans mes notes, je lis mes

23 notes-: "Nous pouvons faire tout ce que nous voulons. L'armée a le

24 commandement unifié mais moi, j'ai plein pouvoir"; c'est ce qu'a dit

25 Radovan Karadzic.

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1 Question: Est-ce que, plus tard au cours de la réunion, il a suggéré à M.

2 Vance ce qu'il fallait faire pour terminer le conflit dans toute la

3 Yougoslavie, dans toute l'ex-Yougoslavie plus exactement?

4 Réponse: Oui. Il a dit que la guerre ne pouvait pas être arrêtée tant que

5 la partie adverse -il voulait parler des Musulmans et des Croates de

6 Bosnie-, tant que cette partie adverse ne céderait pas à la pression et

7 n'arrêterait pas de ce fait les combats. Il a dit que ce qu'il fallait,

8 c'étaient des sanctions à l'encontre des Croates de Bosnie, et qu'il était

9 nécessaire de revenir sur la reconnaissance que l'on avait faite des

10 Musulmans. Nous le savons, à ce moment-là -nous le savons tous- la

11 République de Bosnie-Herzégovine avait fait l'objet d'une reconnaissance

12 officielle de la part de la communauté internationale. A ce moment-là, M.

13 Karadzic exige que la communauté internationale revienne sur la

14 reconnaissance qu'elle a faite du gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

15 Manifestement, c'était là chose impossible, vous me permettrez d'exprimer

16 mon avis.

17 Question: Est-ce qu'il a fait référence aux parties qu'il nous faudrait

18 réunir autour d'une table pour trouver une solution au conflit et y mettre

19 fin?

20 Réponse: Oui. Il a dit que M. Vance et Lord Owen pouvaient mettre fin à la

21 guerre s'ils parvenaient à réunir autour d'une table M. le Président

22 Milosevic, Hadzic de Croatie et Radovan Karadzic, le dirigeant serbe de

23 Bosnie, si eux se trouvaient d'un côté de la table et si de l'autre côté,

24 il y avait le Président Tudjman de la Croatie ainsi que Mate Boban qui

25 était le dirigeant des Croates de Bosnie, et que, tous ensemble, ils

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1 pourraient trouver une solution au problème.

2 Question: En fait, il s'est livré à une mission assez remarquable pour ce

3 qui est des personnes qu'il faudrait selon lui réunir autour d'une table.

4 Réponse: Mais il n'y avait pas de Musulmans.

5 Question: Pour gagner du temps, je vais sauter la mention de plusieurs

6 réunions. Mais je voudrais quand même attirer l'attention des Juges sur

7 ces réunions. Je pense que celles-ci se passent de commentaire si les

8 Juges lisent ce qui s'est passé.

9 Réunion du 2 octobre 1992, avec Radovan Karadzic. Une réunion le 11

10 octobre 1992 aussi, avec M. Karadzic, et une fois de plus, une réunion le

11 6 janvier 1993 avec M. Milosevic. Je fournirais les cotes de référence le

12 plus vite possible pour ce qui est de ces rubriques-là, en particulier.

13 J'aimerais maintenant que nous parlions d'une réunion que vous avez eu

14 avec Momcilo Krajisnik, le 11 janvier 1993. Pourriez-vous consulter votre

15 carnet pour parler de cette réunion?

16 Il s'agira de la pièce de l'accusation 398, rubrique dans votre carnet du

17 11 janvier 1993.

18 Réponse: Oui.

19 Question: Au cours de cette réunion que vous avez eue avec M. Krajisnik,

20 est-ce que ce dernier a mentionné trois caractéristiques indispensables à

21 tout plan pour que celui-ci soit accepté par les dirigeants serbes de

22 Bosnie?

23 Réponse: Effectivement. Permettez-moi d'ajouter que le général Mladic et

24 Karadzic étaient également présents à cette réunion.

25 Question: Pourriez-vous nous dire quelles étaient les trois conditions

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1 qu'ils posaient?

2 Réponse: Oui. Il a dit qu'il fallait tout d'abord que la Bosnie-

3 Herzégovine soit un Etat composite, à savoir un Etat se composant de

4 différentes entités, que c'était une condition indispensable, que cela ne

5 pouvait pas être Etat unitaire.

6 Deuxième condition: Il a déclaré qu'il était important aux yeux des Serbes

7 de Bosnie, aux yeux de l'entité des Serbes de Bosnie d'avoir des relations

8 avec les autres Etats. Et lui et nous aussi nous avons compris qu'il

9 pensait surtout à la Serbie.

10 Troisième condition qu'il posait, c'était que l'entité serbe de Bosnie,

11 cet Etat dans un Etat, un Etat serbe de Bosnie dans l'Etat ait une

12 continuité territoriale, en d'autres termes, ça ne pouvait pas être

13 saucissonné en plusieurs parties, qu'il fallait que ce soit un seul

14 territoire cohérent. C'étaient les trois conditions qu'il posait.

15 Question: Outre cette conversation que vous avez eue avec M. Krajisnik,

16 est-ce qu'au cours de vos négociations avec les dirigeants serbes de

17 Bosnie, ces conditions ainsi que d'autres conditions objectives se sont

18 présentées comme étant les objectifs essentiels, les objectifs

19 primordiaux, les conditions qu'ils posaient à la fin du combat et des

20 hostilités?

21 Réponse: Oui, il y avait six objectifs supplémentaires des Serbes de

22 Bosnie, objectifs de guerre, qui s'ajoutaient à ces trois que j'ai

23 mentionnés, mais tout à fait dans le droit fil de ceux-ci. Tout le monde

24 le savait, de façon privée pour nous, mais aussi tous ceux qui suivaient

25 les événements de près.

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1 Question: Pourriez-vous mentionner chacun de ces six objectifs de guerre?

2 Réponse: Chacun de ces six objectifs de guerre des Serbes de Bosnie était

3 les suivants.

4 D'abord, la création de la Republika Srpska; en d'autres termes, une

5 entité serbe de Bosnie séparée, qu'ils ont intitulé "Republika Srpska",

6 "République serbe".

7 Deuxième objectif, c'était que cette Republika Srpska ait une intégrité

8 territoriale continue, je viens d'en parler; que ce soit un Etat

9 géographiquement cohérent.

10 Troisième condition, que ce soit pratiquement exclusivement serbe, au

11 niveau l'appartenance ethnique. C'est bien sûr ce qui a expliqué le

12 nettoyage ethnique.

13 Quatrième point, c'était que cet Etat des Serbes de Bosnie, cette

14 Republika Srpska ait des rapports spéciaux avec la Serbie, comme l'a dit

15 de façon explicite M. Krajisnik à l'occasion de cette réunion. Ce qu'il

16 entendait ou ce qui était compris par cette expression de "relations

17 spéciales", c'est qu'il pouvait y avoir des échanges, une reconnaissance

18 mutuelle. Les diplomates occidentaux ont quelquefois compris ceci comme

19 étant un rapport ou relation parallèle -ce n'était pas incorrect comme

20 expression-, mais ce que ceci impliquait c'est qu'il y avait des relations

21 parallèles ou privilégiées qui seraient indépendantes des relations que le

22 gouvernement central de Sarajevo pouvait avoir avec d'autres pays de par

23 le monde. Donc c'était des rapports indépendants.

24 Et puis l'autre condition, la cinquième condition: c'est que les Serbes de

25 Bosnie voulaient avoir un pouvoir de veto sur toute décision importante

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1 prise par le gouvernement central résiduel de Sarajevo. Ils savaient bien

2 que, tôt ou tard, il y aurait un gouvernement central à Sarajevo.

3 Le sixième point, c'était qu'ils voulaient diviser la ville de Sarajevo.

4 Question: Monsieur l'Ambassadeur, vous venez de nous décrire ces

5 objectifs, est-ce qu'il serait juste de dire qu'ils ont surgi dans le

6 contexte suivant où l'on essayait de mettre au point ce plan de paix

7 Vance-Owen pour la Bosnie?

8 Réponse: Oui, ils ont émergé au cours de la conférence. On les connaissait

9 déjà au moment du plan de Cutilheiro, au moment du plan de Cutilheiro, au

10 moment du plan de Carrington. Mais ces objectifs sont devenus tout à fait

11 clairs pour Lord Owen et M. Vance au moment où ceux-ci essayaient de

12 trouver un règlement pacifique au conflit.

13 Question: Est-ce que l'apogée de cette Conférence internationale pour

14 l'ex-Yougoslavie a été la présentation aux parties d'un plan de paix

15 Vance-Owen pour la Bosnie?

16 Réponse: Cela s'est fait officiellement à l'occasion d'une conférence à

17 Genève, conférence qui a duré plusieurs jours en janvier 1993.

18 Question: Est-ce que ce plan de paix accordé aux Serbes de Bosnie est

19 l'une quelconque des conditions que vous avez mentionnées ici?

20 Réponse: En fait, ce ne fut pas le cas. Ce plan rejetait les six exigences

21 des Serbes de Bosnie; et ceci, de façon explicite.

22 M. Groome (interprétation): Pourriez-vous, en quelques mots, décrire à

23 l'intention des Juges ce plan de Vance-Owen et ce qu'il en est advenu

24 finalement?

25 M. Okun (interprétation): Ce plan voulait qu'il y ait un seul Etat de

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1 Bosnie, reconnu internationalement au sein de ses frontières, reconnu à

2 partir d'un plan décentralisé. Il y aurait dix provinces dans ce pays. Il

3 n'y aurait pas de Republika Srpska.

4 Ce plan exigeait une démilitarisation totale du pays, demandait le plein

5 respect des Droits de l'homme dans le pays, établissait un appareil

6 judiciaire qui serait surveillé par des juges n'étant pas de Bosnie pour

7 ce qui est des décisions définitives à prendre en matière de respect des

8 Droits de l'homme. Et puis, il y avait toute une série de mesures

9 militaires qui étaient assorties à ce plan.

10 Les provinces avaient été délibérément établies sans tenir compte d'une

11 base ethnique. Sur six provinces, il y en avait six qui n'avaient pas de

12 majorité ethnique. Ces négociateurs parlaient d'un véritable pays. Ils ne

13 parlaient pas simplement de quelque chose…, ils ne tiraient pas des plans

14 sur la comète. Il y avait certaines provinces qui avaient plus de Serbes,

15 d'autres plus de Musulmans ou plus de Croates. Ils essayaient de parvenir

16 à un "équilibrage" ethnique. Effectivement, ce qui a indigné les Serbes de

17 Bosnie, c'est qu'en vertu de ce plan Vance-Owen, la plupart des Serbes de

18 Bosnie se seraient trouvés en dehors de provinces où il y avait une

19 majorité de Serbes de Bosnie. Je pense que cela a été vraiment un point de

20 discorde, un point qui les a beaucoup ennuyés.

21 Pour ce qui est de l'acceptation de ce plan Vance-Owen, les Croates de

22 Bosnie ont aussitôt accepté ce plan, une fois présenté. Les Musulmans ont

23 un peu attendu, l'ont accepté uniquement après que des modifications aient

24 été apportées à la carte, et les dispositions à prendre pour une

25 administration provisoire intervenant entre l'adoption du plan et le

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1 moment où il entrerait en vigueur aussi, parce qu'ils voulaient être sûrs

2 qu'ils allaient contrôler le gouvernement central, ce dont ont convenu

3 Vance et Owen.

4 Les Serbes de Bosnie n'ont jamais accepté ce plan, si ce n'est qu'à la

5 suite de pressions extrêmes exercées sur lui, Karadzic a accepté ce plan

6 en mai 1990, à une réunion qui s'est tenue à Athènes. Il l'a signé, mais

7 sous réserve de l'approbation qu'en ferait, comme il l'a dit, le Parlement

8 des Serbes de Bosnie. Mais il est rentré en Bosnie quelques semaines plus

9 tard et le Parlement des Serbes de Bosnie -on pouvait s'y attendre- a

10 rejeté ce plan.

11 Somme toute, ce plan a été accepté par les Croates de Bosnie, par les

12 Musulmans de Bosnie, mais il a été rejeté par les Serbes de Bosnie.

13 M. le Président (interprétation): Je dois vous interrompre. Il nous faut

14 lever l'audience. Nous devons quitter à une heure moins le quart précise.

15 Pourriez-vous nous donner une cote pour la fois prochaine? Pour le plan

16 Vance-Owen, je pense qu'il est déjà versé au dossier.

17 M. Groome (interprétation): Oui, c'est l'intercalaire 6, ainsi que les

18 intercalaires 7, 8 et 9 de la pièce de l'accusation 396. Oh, excusez-moi,

19 excusez-moi!

20 M. le Président (interprétation): C'est déjà versé au dossier.

21 M. Groome (interprétation): Oui, c'est l'intercalaire 10 de la pièce 396.

22 J'ai ici les numéros de référence des réunions que j'ai mentionnées. Je

23 peux les fournir au Greffe.

24 M. le Président (interprétation): Oui, faites-le.

25 Alors, demain, est-ce qu'on s'attend à la comparution du général Mangan?

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1 M. Groome (interprétation): Oui. Et puis, j'aurai encore une demi-heure

2 vendredi pour ce qui est des questions que j'ai encore à poser à M.

3 l'Ambassadeur. Après ça, j'en aurai terminé.

4 M. le Président (interprétation): Ce témoin, demain, va prendre toute la

5 journée ou est-ce que l'on peut demander au présent témoin de revenir en

6 fin de matinée pour essayer de terminer sa déposition.

7 M. Nice (interprétation): Je n'en suis pas sûr, mais je pense qu'il est

8 préférable que le témoin soit à disposition. On pourrait lui passer un

9 coup de fil pour, peut-être, la dernière des séances. Il serait

10 souhaitable de terminer effectivement l'interrogatoire principal demain.

11 M. le Président (interprétation): Oui. Ce serait souhaitable si nous

12 voulons en terminer vendredi.

13 M. Nice (interprétation): Relevons que nous aurons une audience un peu

14 plus longue qu'aujourd'hui, mais pas tellement.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, vous venez

16 d'entendre ce qui vient d'être dit? Veuillez être disponible demain matin,

17 du moins au bout d'un fil de téléphone. Nous verrons ce que donne la

18 comparution de l'autre témoin. Nous verrons si nous pouvons poursuivre

19 votre déposition demain.

20 Nous levons l'audience. Elle reprendra demain matin à 9 heures.

21 (L'audience est levée à 13 heures 45.)

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