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1 (Mercredi 12 mars 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 3.)
3 (Audience publique.)
4 (Mme Helena Ranta, le témoin de la Chambre est dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, le témoin, Mme le Docteur
6 Baca, est ici présent. C'est un témoin appelé par la Chambre; je pense que
7 c'est le premier témoin de ce type dans le cadre de ce procès.
8 Je vais, par conséquent, répéter la procédure afin que l'accusé en prenne
9 connaissance. Au moment où elle aura prononcé sa déclaration solennelle,
10 je l'inviterai à ajouter éventuellement quelque chose à sa déclaration, si
11 elle en a le souhait. Par la suite, l'accusation disposera d'une heure
12 maximum pour procéder à un premier interrogatoire, qui sera suivi par un
13 interrogatoire d'une heure et quelque par l'accusé; l'accusé disposera
14 tout au moins d'une heure, mais il n'a pas besoin de l'utiliser dans sa
15 totalité. Si les amis de la Chambre le souhaitent, ils peuvent par la
16 suite poser des questions. Et les Juges, s'ils ont des questions, les
17 poseront de façon à tirer tel ou tel point au clair.
18 Mais nous allons d'abord verser au dossier sa déclaration. Cela n'a pas
19 encore été le cas encore, bien entendu.
20 En même temps que les annexes à cette déclaration, je demanderai à Mme la
21 Greffière d'accorder une cote de la Chambre.
22 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de la Chambre n°1.
23 M. Nice (interprétation): Avant l'entrée du témoin...
24 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, ce sera donc la pièce C1.
25 Oui, Monsieur Nice?
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1 M. Nice (interprétation): Merci de nous rappeler la procédure à suivre.
2 Avant l'entrée du témoin, il n'est pas question ici de discuter de la
3 procédure adoptée pour les témoins de la Chambre, mais nous nous réservons
4 le droit de présenter d'autres arguments pour ce qui est de l'ordre à
5 respecter.
6 M. le Président (interprétation): Mais… excusez-moi, si vous voulez
7 soulever une objection, c'est le moment où jamais, puisque c'est la
8 procédure à suivre, la procédure que nous avons suivie dans d'autres
9 procès.
10 M. Nice (interprétation): Oui, je me réserve le droit de présenter des
11 arguments, soit s'agissant de ce témoin, si des problèmes se posent, ou
12 s'agissant d'autres témoins, si ces derniers présentent telle ou telle
13 caractéristique.
14 Je veux être tout à fait clair. Ce qui nous préoccupe c'est que,
15 s'agissant de ce témoin, s'il y a des sujets qui nécessiteraient des
16 questions supplémentaires; par exemple parce que tel ou tel point n'a pas
17 été pleinement expliqué, nous voudrions avoir cette possibilité.
18 Mais voici quelle est ma position: nous nous réservons de présenter des
19 arguments quant à l'ordre correct à respecter pour ce qui est des
20 questions à poser, surtout si d'autres témoins sont appelés par la
21 Chambre. Et je me réserve le droit de présenter des arguments, disais-je,
22 quant à la possibilité de présenter ou de poser des questions
23 supplémentaires après les questions posées par l'accusé, si nous avons le
24 sentiment que les choses n'ont pas été présentées en bonne et due forme.
25 M. le Président (interprétation): Eh bien, en règle générale, c'est
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1 d'abord l'accusation qui pose les questions, et l'accusé a le loisir de
2 procéder à un contre-interrogatoire; c'est là l'ordre qu'il faudrait
3 respecter, me semble-t-il. Si des questions n'ont pas été explorées et si
4 vous voulez, vous, le faire, vous pouvez bien sûr en faire la demande.
5 M. Nice (interprétation): Je vous remercie.
6 M. le Président (interprétation): Avez-vous quelque chose à dire à ce
7 propos, Monsieur Kay?
8 M. Kay (interprétation): Non, non. Je pense que c'est la bonne marche à
9 suivre, la bonne procédure à respecter.
10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Faites entrer le
11 témoin.
12 (Le témoin, Mme Helena Ranta, est introduit dans le prétoire.)
13 M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de prononcer
14 la déclaration solennelle.
15 Mme Ranta (interprétation): Je jure de dire la vérité, toute la vérité et
16 rien que la vérité.
17 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame. Veuillez vous
18 asseoir.
19 (Le témoin s'assoit.)
20 Merci, Madame Ranta, d'être venue déposer. Pourriez-vous, aux fins du
21 dossier de l'audience, décliner votre identité?
22 Mme Ranta (interprétation): Je m'appelle Mare Helena Ranta.
23 M. le Président (interprétation): Quelle est votre fonction actuelle, quel
24 est votre poste actuel?
25 Mme Ranta (interprétation): J'ai fait une formation de dentiste au départ
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1 et, en ce moment, je suis odontologue médico-légal à l'Université de
2 Helsinki. Je m'occupe aussi… je suis chef de l'équipe de recherche médico-
3 légale, je suis coordonnateur de ses missions internationales.
4 M. le Président (interprétation): Nous vous avons demandé de venir ici,
5 devant nous, pour tirer au clair certains documents. Je vais vous
6 expliquer comment va se présenter la procédure.
7 Si vous voulez ajouter quoi que ce soit à la déclaration que nous avons
8 déjà, au début de votre déposition, libre à vous de le faire, bien
9 entendu.
10 L'accusation va ensuite vous poser des questions; l'accusation sait
11 qu'elle dispose d'une heure maximum. Puis, c'est l'accusé qui vous posera
12 des questions; il va disposer du même temps. Et vous avez, à votre gauche,
13 les amis de la Chambre qui vont éventuellement avoir des questions à vous
14 poser également. Les Juges auront peut-être, eux aussi, des questions de
15 façon à préciser tel ou tel point qui n'aurait pas été tout à fait tiré au
16 clair.
17 Si, à un moment donné de la procédure, vous voulez nous renvoyer à
18 certains documents, faites-le.
19 Je constate que vous avez amené un classeur. Vous allez peut-être vouloir
20 nous dire à quel document vous nous renvoyez pour que ceci soit consigné
21 dans le dossier de l'audience?
22 Mme Ranta (interprétation): A ce stade-ci, je ne ferai référence qu'aux
23 documents qui m'ont été soumis par ce Tribunal en tant qu'annexes à
24 l'ordonnance qui avait été rendue fin du mois de janvier 2003.
25 M. le Président (interprétation): Fort bien. Il se peut que d'autres
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1 questions vous soient posées à propos de documents qui vous seront
2 présentés, mais sinon vous pourrez faire référence aux documents que vous
3 avez amenés.
4 Première chose: voulez-vous ajouter quoi que ce soit à votre déclaration?
5 Nous disposons chacun d'une copie de cette déclaration. Nous l'avons lue.
6 Quelquefois, les témoins souhaitent ajouter quelque chose. Ou vous voudrez
7 peut-être simplement commencer les interrogatoires?
8 Mme Ranta (interprétation): Je ne pense pas que j'ai quoi que ce soit
9 d'essentiel à ajouter à ce stade.
10 M. le Président (interprétation): Fort bien.
11 Monsieur Nice, vous avez la parole.
12 (Questions du Procureur, par M. Nice, au témoin, Mme Mare Helena Ranta.)
13 M. Nice (interprétation): Madame Ranta, je vais vous demander de nous
14 aider à dresser le cadre de cet interrogatoire. Nous allons procéder à
15 quelques vérifications s'agissant des documents qui vous sont disponibles
16 et par rapport à certaines choses que vous avez dites.
17 Vous êtes allée combien de jours après que se sont produits ces
18 assassinats allégués?
19 Mme Ranta (interprétation): Je ne suis pas allée à Racak en janvier 1999.
20 Je suis allée dans ce village ou à proximité de ce village pour la
21 première fois… Je suis passée en voiture par Racak fin janvier 1999, mais,
22 physiquement, je ne suis pas entrée dans ce village. Je n'ai pas été voir
23 le lieu où l'on avait exhumé les corps, le 16 janvier 1999.
24 J'ai travaillé pour la première fois dans ce village, j'y ai mené une
25 enquête pour la première fois en novembre 1999.
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1 J'ai dépêché une équipe d'enquêteurs médico-légaux de l'Union européenne
2 sur les lieux où on avait retrouvé ces corps le 30 janvier 1999, mais il
3 avait neigé au cours de la nuit précédente.
4 Question: Je crois qu'il nous faudra utiliser notre temps de façon un peu
5 plus efficace. Ce n'est pas tout à fait votre faute, mais je vous le
6 rappelle.
7 Et combien de jours s'était-il écoulé après ce qui s'était apparemment
8 commis?
9 Réponse: Six jours.
10 Question: Merci.
11 Réponse: Donc il s'agissait du moment où l'on avait retrouvé les corps.
12 Question: A ce stade, ils avaient déjà été examinés par d'autres?
13 Réponse: A ma connaissance, 16 d'entre eux avaient fait l'objet
14 d'autopsies par des experts locaux.
15 Question: Ce rapport a été préparé par d'autres experts, et c'est un
16 rapport que vous n'avez pas accepté de signer. C'est bien cela?
17 Réponse: Oui, nous n'étions pas prêts à signer ce rapport.
18 Question: Finalement, un rapport important a été préparé par vous et par
19 d'autres, et ceci fait partie des documents examinés par ce Tribunal, par
20 l'intermédiaire d'un autre témoin, le Dr Baccart. Vous le savez?
21 Réponse: Oui, je le sais.
22 Question: Et puis, on a dit que vous aviez fait l'une ou l'autre
23 déclaration significative concernant Racak. On a d'abord rapporté ce
24 qu'apparemment, vous auriez dit… Je vais essayer de retrouver le libellé
25 exact.
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1 Il a été dit qu'en une occasion, vous aviez dit la chose suivante: "On
2 pourrait dire que toute cette scène dans cette petite vallée avait été
3 montée de toutes pièces. J'en suis consciente parce que c'est
4 effectivement une possibilité. Les premiers résultats de notre enquête le
5 suggèrent; et c'est vrai aussi des examens médico-légaux que nous avons
6 effectués par la suite sur place, en novembre 1999. Et ceci a été transmis
7 immédiatement au Tribunal de La Haye". (Fin de citation.)
8 Vous rappelez-vous avoir tenu ce genre de propos dans le cadre d'une
9 interview télévisée?
10 Réponse: Oui, je me souviens d'avoir dit cela, je m'en souviens
11 parfaitement. J'ai dit qu'en tant qu'expert médico-légal, au début d'une
12 enquête, il faut avoir l'esprit ouvert à toutes les possibilités. Parmi
13 ces possibilités, il y a toujours celle qu'une scène ait été montée de
14 toutes pièces.
15 Je ne me souviens pas avoir dit que c'est une possibilité qui serait
16 demeurée après que l'enquête était vraiment engagée.
17 Question: Vous avez utilisé l'auxiliaire "pourrait", qu'en fait, tout ceci
18 aurait pu être un piège ou organisé. Est-ce que, en exprimant cela,
19 c'était davantage qu'une simple possibilité théorique, philosophique? Est-
20 ce que vous alliez plus loin que cela ou est-ce que vous pensiez que
21 c'était une probabilité?
22 Réponse: Je suis une personne de science; effectivement, je pense qu'il y
23 avait plusieurs hypothèses. Et il est important de garder toutes ces
24 possibilités à l'esprit. Quand j'ai dit "pourrait être", je ne pensais pas
25 à une quelconque probabilité.
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1 M. Nice (interprétation): Merci.
2 Ensuite, plus tard, un article a paru dans la presse et, apparemment, vous
3 auriez dit la chose suivante.
4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous avons une annexe à la
5 requête en fin de faire recevoir ce document.
6 M. le Président (interprétation): Soyons sûrs que nous avons ce document.
7 Apparemment, il n'y a pas de date. Moi, je n'ai pas cette annexe. Mais
8 c'est un article qui commence par les mots suivants: "Quelqu'un doit bien
9 faire ce travail".
10 M. Nice (interprétation): Effectivement. Et, si vous commencez là, vous
11 verrez, deux ou trois pages plus loin, une page qui porte le numéro ERN-
12 03052582. Et je pense qu'il y aura une copie supplémentaire que nous
13 pourrons transmettre au témoin.
14 M. le Président (interprétation): Oui.
15 Mme Ranta (interprétation): Pourriez-vous répéter ce numéro qui se trouve
16 en haut de la page?
17 M. Nice (interprétation): Oui, vous avez le numéro 03058902 (sic).
18 Réponse: Je vous remercie.
19 (Le témoin consulte le document.)
20 Monsieur le Procureur, je dispose de cette page.
21 Question: Merci. Un article a paru, dans lequel il est dit que vous auriez
22 tenu ce genre de propos. Grâce aux enquêtes menées sur les lieux et à
23 d'innombrables heures passées à l'ordinateur, Mme a obtenu… -Mme Ranta,
24 s'entend- a obtenu tous les faits. Elle sait maintenant d'où venaient les
25 balles; elles ont été tirées à bout portant, non pas comme l'affirme les
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1 gens de Serbie et de Biélorussie à partir d'une distance de 200 mètres.
2 Elle sait combien d'armes ont été utilisées, le type de balles utilisées.
3 Et elle sait également que les personnes ont été abattues dans les
4 vêtements dans lesquels elles ont été trouvées et non pas en uniforme de
5 l'UCK, et que ces balles ont été tirées là où les personnes ont été
6 retrouvées.
7 En dessous de la surface, les enquêteurs ont trouvé une balle qui se
8 trouvait dans des fragments humains. Ces deux fragments ont été constatés
9 comme étant manquant d'un corps qui se trouvait précisément à cet endroit-
10 là. Les résultats des analyses ADN sont identiques.
11 Vers le milieu de l'année 2001, Mme Ranta a reçu des preuves tout à fait
12 convaincantes selon lesquelles Racak n'avait pas été un piège montrant que
13 les médias français et allemands continuaient à lancer et entretenir la
14 thèse du complot. Vous pouvez imaginer ceci.
15 C'est bien vous, Madame, n'est-ce pas, qui avez tenu ces propos? Vous
16 n'avez jamais eu de contact avec une équipe du Bureau du Procureur
17 enquêtant à l'encontre de cet accusé? Vous n'avez jamais été contactée
18 comme ayant la possibilité de devenir un témoin de l'accusation?
19 Réponse: Non, pas du tout. J'ai soumis les résultats de nos autopsies,
20 j'ai transmis ceci à la présidence de l'Union européenne. Ainsi que les
21 résultats des enquêtes sur les lieux du crime ont été transmis à ce
22 Tribunal.
23 Question: Effectivement, ces éléments ont été utilisés et présentés, je
24 l'ai déjà dit.
25 Vous avez eu des contacts avec les enquêteurs enquêtant sur l'accusé mais
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1 ces contacts se sont limités, je pense, à un contact téléphonique et aussi
2 à quelques contacts écrits avec l'enquêteur Curtis, et ceci concernait cet
3 article dont je viens de lire un extrait.
4 Réponse: Monsieur le Procureur, Kevin Curtis, m'a contactée au cours de
5 l'été 2002 à propos de cet article. Et je tiens à apporter une correction.
6 Ce que j'ai déjà fait d'ailleurs dans la déclaration fournie au cours de
7 l'été 2002. Précisément à cette page que vous avez citée, "vers le milieu
8 de l'année 2001" est-il écrit, ce n'est pas l'année 2001 mais l'année
9 2000. Et j'ai apporté cette correction dans ma déclaration.
10 Question: Je vais vous aider davantage. Vous avez eu des contacts limités
11 par téléphone et par correspondance écrite. Monsieur Curtis vous a écrit
12 une lettre, il voulait savoir si cet article de presse était exact.
13 Vous avez répondu, vous avez envoyé une lettre à M. Curtis, le 9 août
14 2002. Je pense qu'on peut la montrer, ceci fait partie des documents de la
15 Chambre. Dans cette lettre, vous abordez la question de l'article, de
16 façon très détaillée. Vous faites effectivement référence à cette
17 correction qu'il faut apporter à l'encontre de la date qui n'est pas 2001.
18 J'ai lu le cinquième paragraphe assez long. Vous avez dit dans le corps de
19 ce paragraphe ceci: "L'expression de tous les faits", c'est au bas de la
20 page, Monsieur l'Huissier, "montre apparemment que la séquence complète
21 des événements qui se sont déroulés du 15 au 16 janvier 1999 aurait pu
22 être établie à partir des éléments de preuves recueillies à propos de
23 l'emplacement approximatif des balles retrouvées, ainsi que pour ce qui
24 est du nombre minimum d'armes utilisé".
25 Le paragraphe 6 se lit comme suit: "Il ne s'agit pas de l'année 2001 mais
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1 de l'année 2002. Et à partir des éléments recueillis, il est possible de
2 conclure qu'effectivement la petite vallée est le lieu où le massacre a eu
3 lieu".
4 Ce sont donc les seules réserves que vous apportez à cet article de
5 presse. Mais sous réserve de ces modifications, vous maintenez votre
6 position, n'est-ce pas?
7 Réponse: Je tiens à souligner que la première référence faite dans cette
8 déclaration précisait ceci: "L'enquête a porté uniquement sur la petite
9 vallée". C'est donc la limitation, la restriction qui se reflète dans ma
10 déclaration. Je ne parle pas de toutes les phases de l'affaire.
11 Question: Certes, mais pour ce qui est de cette petite vallée, sous
12 réserve des modifications que vous évoquez dans la lettre adressée à M.
13 Curtis, l'article est exact?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Pour éviter toute incertitude ou tout doute, mis à part cette
16 correspondance que vous avez eue avec l'équipe se chargeant de l'enquête
17 sur l'accusé, vous n'avez pas eu depuis de contact avec le Bureau du
18 Procureur; puisque vous êtes cité à comparaître non pas par le Bureau du
19 Procureur mais par la Chambre?
20 Réponse: Oui, je n'ai eu aucun contact.
21 Question: Par conséquent, vous n'avez pas eu de rencontre avec des
22 substituts du Procureur, ceux-ci n'ont pas eu la possibilité d'examiner
23 avec vous d'autres documents qui auraient pu conduire à d'autres
24 conclusions de votre part?
25 Réponse: Non.
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1 M. Nice (interprétation): Aidez-nous sur ce point. Avez-vous eu l'occasion
2 de voir des photos prises à l'époque des corps qu'on a retrouvés dans
3 cette petite vallée?
4 Mme Ranta (interprétation): L'équipe de l'Union européenne s'est servie de
5 la documentation de l'OSCE, c'est cette documentation qui a constitué la
6 base de ces recherches aussi de cette enquête sur les lieux. Les
7 résultats, leurs rapports se servent uniquement de la documentation
8 présentée par l'OSCE. J'ai vu bon nombre de photographies et je suppose
9 que tout le monde, ici, présent aura vu ces photos également. Je sais que
10 différentes parties ont produit beaucoup de documents des corps retrouvés
11 dans le vallon.
12 M. le Président (interprétation): Avant d'en terminer de cet article, je
13 pense qu'il faut suivre une procédure officielle pour le verser au dossier
14 de l'audience. Pourriez-vous nous dire quelle est son origine, pouvez-vous
15 nous la rappeler? Et donnez-nous la date de l'article également.
16 M. Nice (interprétation): Oui, je cherche la date de parution de cet
17 article. Cet article est paru le 7 juillet 2002, l'auteur en est Bernhard
18 Odenhal, il est paru dans le "Weltwocke". Bien sûr, ces journaux sont
19 disponibles aux Juges de cette Chambre en annexe de notre demande, mais je
20 pense qu'ils n'ont pas nécessité d'être versés au dossier séparément. Il
21 serait peut-être bon d'admettre au dossier la lettre du témoin adressée à
22 M. Curtis, ainsi que cet article.
23 M. le Président (interprétation): Nous allons faire ce qui suit: nous
24 allons fournir l'article qui deviendra le document C2 et le sigle C3
25 désignera la lettre.
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1 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, les Juges de cette
2 Chambre se souviendront qu'un certain nombre d'aides visuelles ont été
3 envisagées par la Chambre en rapport avec Racak; certaines étant
4 d'ailleurs aux mains de l'accusé pour le contre-interrogatoire. Il me
5 semble qu'il serait bon que le témoin ait la possibilité de voir au moins
6 certaines photographies qui ont été le plus examinées par nous-mêmes, afin
7 de vérifier si elle a d'autre à formuler à leur sujet, et si ces
8 photographies ont éventuellement la possibilité de lui faire modifier les
9 conclusions tirées par elle.
10 Donc, j'aimerais, puisqu'il ne nous est pas possible de nous approcher
11 davantage du témoin, indiquer que ces photographies se trouvent dans le
12 volume 1, sur un total de trois des volumes contenant les pièces à
13 conviction de Racak. Il s'agit de la pièce à conviction 156, intercalaire
14 5. Et si l'huissier peut m'aider, elle pourrait rapidement ces
15 photographies être mises sous les yeux du témoin.
16 M. le Président (interprétation): Avez-vous des exemplaires pour le témoin
17 ou est-ce que devrons nous appuyer...
18 M. Nice (interprétation): En voici une. Mais il nous faudra nous appuyer
19 sur les copies de la Chambre, en fait.
20 M. le Président (interprétation): Très bien. Docteur Ranta, des
21 photographies vont à présent vous être montrées. Vous avez déjà entendu de
22 quelles photographies il s'agit. On vous posera des questions à leur
23 sujet, j'imagine. On vous demandera votre avis. Vous n'avez pas vu ces
24 photographies jusqu'ici, donc cet exercice peut s'avérer un peu difficile
25 pour vous. Si vous ne pouvez pas mener à bien cette tâche, ne donnez pas
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1 votre avis, contentez-vous de dire que vous ne pouvez pas le faire, cela
2 nous permettra de gagner du temps. En revanche, si vous pouvez donner
3 votre avis, si vous pensez pouvoir le faire, faites-le.
4 M. Nice (interprétation): Intercalaire 5, de façon à établir une
5 corrélation au fil du temps.
6 Le premier classeur, intercalaire 5, je vous prie. Si vous avez un
7 problème, je pourrais vous fournir mes photographies.
8 (Intervention de l'huissier.)
9 Ce sont des photographies prises par M. Hendrie. Je dis cela à l'intention
10 des Juges, donc nous allons les placer sur le rétroprojecteur et les
11 regarder rapidement, ici une vue générale du vallon, encore une scène du
12 vallon.
13 M. le Président (interprétation): Docteur, si à quelque moment que ce
14 soit, vous souhaitez regarder une photographie plus longuement, dites-le.
15 De toute façon, c'est un peu bizarre de devoir regarder sur le côté.
16 M. Nice (interprétation): Oui, mais nous n'avons pas pu trouver d'autres
17 copies de ces photographies.
18 La position des corps ici… Docteur, je vous demanderai en fait de nous
19 dire quand vous souhaitez que nous passions à la photographie suivante.
20 Pendant que vous regardez ces photographies, je vous demande si vous vous
21 rappelez avoir déjà vu ces documents?
22 Réponse: J'ai vu environ 30.000 photographies.
23 Question: Très bien.
24 Réponse: Et je dois dire aux Juges de cette Chambre que je connais très
25 bien les visages de toutes ces personnes. Je connais également leurs
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1 vêtements. Donc, aujourd'hui, il m'est un peu difficile de dire si j'ai
2 effectivement vu la photographie que l'on est en train de me montrer. J'ai
3 vu des photographies très semblables. Je reconnais les visages, je
4 reconnais… y compris les points d'entrées et de sorties des balles, je
5 reconnais également les parties manquantes dans un visage humain. Mais
6 s'agissant de cette photographie en particulier, il m'est très difficile
7 de dire si je l'ai vue auparavant ou pas. Il m'est impossible de le dire.
8 Si vous me permettez de continuer, j'ai vu également des dessins traitants
9 du même sujet.
10 Question: Merci. Passons en revue la suite des photographies, si vous le
11 voulez bien.
12 Réponse: Mais si l'on attend de moi que je dise le cas échéant que je n'ai
13 pas vu telle ou telle photographie; s'agissant de la photographie
14 00732330, je peux dire que je ne l'ai jamais vue jusqu'au jour
15 d'aujourd'hui. Pas plus que la photographie qui se termine par les trois
16 chiffres 331, ainsi que la suivante 332. Je n'ai pas non plus vu encore la
17 photographie 333, 303333.
18 Je n'ai pas vu encore la photographie 339, pas plus que la photographie
19 340, ni celle d'en haut, ni le gros plan d'en bas. Eh bien, voilà, toutes
20 ces photographies, je ne me rappelle pas les avoir vues.
21 Question: Très bien.
22 Réponse: Je n'ai pas non plus vu les photographies 341, 342, 348 avec la
23 ceinture. Et puis, il y a des agrandissements.
24 Question: S'agissant de celle qui se trouve à l'instant même sur l'écran,
25 l'avez-vous déjà vue?
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1 Réponse: J'ai vu des photographies de cette victime.
2 Question: J'aimerais que l'on place sur le rétroprojecteur la photographie
3 354, ainsi que la 355. Avez-vous déjà vu ces photographies ou des
4 photographies de cette victime par le passé?
5 Réponse: Oui, je m'en souviens.
6 Question: Et sur la photo suivante nous voyons, n'est-ce pas, une
7 photographie de la blessure infligée à cet homme au niveau du cou. Ce qui
8 a évidemment nécessité que son corps soit remué pour que la photo puisse
9 être prise, n'est-ce pas? J'aimerais également que nous revenions un peu
10 en arrière, 32356.
11 Docteur Ranta, afin de prendre cette photo de l'homme que l'on voyait sur
12 la photographie précédente, la photographie 354 -vous pouvez placer la 354
13 sur le rétroprojecteur-, il était nécessaire que le corps, ou plutôt la
14 tête de cet homme soit déplacée de quelques degrés afin que l'on découvre
15 bien son cou, n'est-ce pas?
16 Réponse: Je suppose.
17 Question: Oui?
18 Réponse: Mais je tiens à souligner que, selon l'impression qui est la
19 mienne et celle des membres de mon équipe, les corps ont dû être retournés
20 à un certain moment. D'ailleurs, c'est une réaction tout à fait naturelle
21 de la part de quelqu'un qui pénètre pour la première fois sur un lieu
22 comme celui-ci. Lorsque quelqu'un entre dans un endroit comme celui-là, il
23 a automatiquement et naturellement la tentation et la tendance de
24 retourner le corps de telle ou telle personne pour vérifier si il ou elle
25 connaît la femme ou l'homme allongé sur le sol.
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1 Question: Passons maintenant à la photographie 357. Essayons d'avancer
2 assez vite. Donc 358, 359, 360, 361.
3 Réponse: La photographie 359 est un gros plan que je n'avais pas encore
4 vu. Je n'ai pas non plus vu, jusqu'à ce jour, l'agrandissement 361.
5 Question: 362? Nous sommes ici au niveau de la photographie 363. La 364
6 est une autre photographie du même homme?
7 Réponse: Oui.
8 Question: 365, 366?
9 Réponse: Je n'ai pas vu la 366.
10 Question: Nous pouvons passer à la 367, 368?
11 Réponse: Je ne connais pas non plus la 369.
12 Question: Vous ne connaissez pas la 369?
13 Réponse: Non. Le gros plan que l'on voit à la photographie 369, je ne m'en
14 souviens pas, mais je me rappelle bien sûr les conclusions de l'autopsie
15 correspondant à cette personne.
16 Question: La 370 est actuellement sur l'écran. Ensuite, nous avons la 371,
17 372, un peu plus haut dans le vallon, si je me ne m'abuse; 373, 374, 375,
18 376, 377?
19 Réponse: Je ne me rappelle pas avoir vu la 376.
20 Question: 377 et 378, 379?
21 Réponse: Je les connais toutes.
22 Question: 380? Et puis, la 381, 383 qui montre différentes personnes?
23 Réponse: Je les connais toutes.
24 Question: 384, 385, 386, 387, 388, 389. Et puis, nous arrivons à des
25 photographies qui sont peut-être un peu moins importantes. Donc nous
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1 pouvons nous arrêter à ce stade.
2 Nous voyons, en effet, la première photographie d'une personne dont le
3 corps a été découvert dans une maison. Puisque nous sommes ici pour parler
4 du vallon, je pense que nous pouvons nous arrêter là.
5 Docteur Ranta, merci d'avoir examiné ces photographies. Je suis désolé du
6 temps que cela a pris, mais il s'ensuit que la majorité des photographies
7 sur lesquelles la Chambre s'est appuyée jusqu'à présent sont soit
8 identiques, soit très semblables aux photographies de ces victimes, que
9 vous avez vues vous-même, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui, en effet.
11 Question: Par conséquent, il est fort probable que, pour atteindre les
12 décisions qui ont été les vôtres, à savoir que le massacre a eu lieu dans
13 le vallon et que la scène que l'on voyait n'était pas une scène créée ou
14 montée de toutes pièces, ces photographies ont été prises en compte par
15 vous, n'est-ce pas?
16 Réponse: Les résultats du travail réalisé par l'équipe de l'Union
17 européenne, dont j'ai déjà parlé, s'appuient sur les investigations
18 réalisées par nous sur place et sur les rapports établis entre ça et les
19 autopsies.
20 Comme on l'a déjà dit, il importe de ne pas perdre de vue, au début d'une
21 enquête, la possibilité qu'il y ait eu montage. Donc nous avons adopté une
22 attitude tout à fait scientifique et systématique pour tester différentes
23 méthodes, en ne nous contentant pas de nous appuyer sur des photographies.
24 Question: Je comprends bien, Docteur, mais il n'y avait pas l'ombre d'une
25 critique dans mon propos.
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1 Je voudrais simplement être sûr que, dans le processus très précis que
2 nous avons suivi, il y a eu examen de certaines photographies qui sont
3 semblables, sinon identiques, aux photographies que vous venez de voir et
4 qui sont des photos de la Chambre, n'est-ce pas? Et la réponse a été que
5 vous avez eu effectivement sous les yeux de telles photographies?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Je serai bref, car le temps court.
8 Dans votre déclaration écrite -et nous n'avons pas besoin d'y revenir-,
9 vous décrivez un certain nombre de caractéristiques relatives à vos
10 conclusions, qui confirment bien que les corps des personnes tuées
11 figuraient sur ces photographies, n'est-ce pas?
12 Réponse: Exact.
13 Question: Et la Chambre ou d'autres personnes peuvent vous interroger plus
14 avant, le cas échéant, à ce sujet.
15 Mais revenons maintenant sur l'historique de cette enquête que j'ai
16 résumée à votre intention au début de l'audience. Au moment où vous êtes
17 arrivée sur place, la plupart des corps avaient déjà fait l'objet
18 d'autopsies réalisées par des représentants locaux, n'est-ce pas?
19 Réponse: Seize autopsies avaient déjà été réalisées avant notre arrivée à
20 Pristina.
21 Question: Vous savez, n'est-ce pas, que la plupart de ces cadavres ont
22 donné des résultats positifs à ce qu'il est convenu d'appeler "le test à
23 la paraffine"? Même si nous découvrons ensuite que les résultats n'ont pas
24 été enregistrés, à l'époque des faits, dans les registres; mais c'est une
25 autre question. Le test à la paraffine est un test ou un examen qui est
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1 désuet, n'est-ce pas, qui n'est plus en vigueur à l'heure actuelle?
2 Réponse: Monsieur le Procureur, c'était la première fois au cours de ma
3 carrière professionnelle que je voyais effectivement utiliser le test à la
4 paraffine pour détecter la présence de blessures par balles.
5 Question: Avez-vous examiné ces cadavres à l'aide de tests différents et
6 plus modernes?
7 Réponse: Des enquêteurs serbes nous ont fait savoir qu'ils avaient
8 pratiqué un test à la paraffine avant notre arrivée, et j'ai reçu cette
9 information alors que je me trouvais à Pristina.
10 Mais, en contradiction avec cette information, certains documents qui
11 m'ont été soumis par ce Tribunal indiquent que des tests à la paraffine
12 auraient été réalisés en notre présence et avec l'accord de l'équipe
13 représentant de l'Union européenne. Or, ceci n'est pas exact! Nous
14 n'étions pas présents au moment où ces tests à la paraffine ont été
15 réalisés et nous n'étions pas présents non plus lors de la prise des
16 empreintes digitales. Or, là encore, certains ont dit que ce travail avait
17 été réalisé en notre présence, ce qui est contraire à la vérité.
18 Question: Très bien. Suite à la question que je vous ai posée tout à
19 l'heure -et j'y reviens-, je vous demande de nous dire si vous avez bien
20 réalisé un test différent pour vérifier la présence de poudre ou de
21 produit explosif sur les mains ou ailleurs je ne sais pas exactement où?
22 Et votre test a été entièrement négatif, n'est-ce pas?
23 Réponse: Je le regrette, Monsieur le Procureur, mais il aurait été tout à
24 fait anti-professionnel de réaliser un autre test pour rechercher la
25 présence de poudre sur les mains après le premier test. Donc nous n'avons
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1 pas réalisé ce test sur les mains.
2 Question: Très bien.
3 Réponse: Nous avons recueilli des échantillons de vêtements et quelques
4 fragments osseux. Mais cela n'aurait été qu'une perte de temps et cela
5 aurait été se comporter d'une façon tout à fait anti-professionnelle si
6 notre test avait été pratiqué sur les mains également, avec examen aux
7 rayons X.
8 Question: Très bien. Ces tests doivent être réalisés entre trois et six
9 heures après le coup de feu présumé et pas une ou deux semaines après?
10 Très bien. Dans les documents, il y a une certaine ambiguïté quant aux
11 test réalisés par vous. Donc vous confirmez, n'est-ce pas, que vous avez
12 bien réalisé un certain nombre de tests portant sur les vêtements?
13 Réponse: Nous l'avons fait sur des fragments de tissus choisis par nous et
14 sur des os séparés du corps, donc sur des fragments osseux. Si je me
15 souviens bien, il s'agissait d'ailleurs de fragments de crâne.
16 Question: Et vous n'avez rien trouvé qui indique un contact similaire à
17 celui qui aurait été révélé par les tests précédents?
18 Réponse: Ces tests ont tous été négatifs. Et si vous me permettez de
19 poursuivre, je dirais qu'il est important de dire que nous avons réalisé
20 certains tests par nécessité de réaliser un travail tout à fait
21 transparent sur place.
22 Question: Dernière question sur le sujet. Le test à la paraffine, vous ne
23 l'avez jamais vu utilisé au cours de votre carrière, mais pouvez-vous nous
24 dire à quel point il est désuet?
25 Réponse: J'ai entendu qu'il aurait été réalisé dans les années 30, si je
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1 ne m'abuse. Mais, à titre d'information pour les Juges de cette Chambre,
2 je dirais que j'ai consulté des ouvrages scientifiques datant de 1950,
3 1985, 1997 et 2000, et ce test y est mentionné en raison de sa valeur
4 historique mais il a été abandonné après la rencontre Interpol de 1968.
5 Et, si je me souviens bien, il a été abandonné en raison de son absence
6 totale de valeur scientifique s'agissant d'indiquer, oui ou non, la
7 présence de poudre ou de résidu de poudre sur un corps humain.
8 Question: Eh bien, avançons de façon chronologique dans le résumé de votre
9 déposition. Sur la base de tous les éléments que vous avez découverts sur
10 le site, vous avez trouvé des douilles qui vous ont paru des éléments
11 importants, n'est-ce pas?
12 Réponse: Nous avons trouvé des douilles, des fragments de balles et de
13 cartouches au voisinage des corps.
14 Question: Des cartouches ou des douilles utilisées, cela peut faire penser
15 à des balles qui auraient été tirées de plusieurs endroits en même temps,
16 si j'ai bien compris?
17 Réponse: Oui, c'est exact.
18 Question: Une concentration de balles sous les corps, à l'endroit où les
19 corps ont été trouvés, c'est un élément important pour la raison tout à
20 fait claire que cela peut indiquer que les personnes en question ont été
21 tuées à cet endroit et sont tombées à l'endroit où elles ont été tuées?
22 Réponse: Je tiens à souligner, Monsieur le Procureur, que les balles et
23 les fragments de balles ont été récupérés sous la surface du sol où se
24 trouvaient les corps, donc ces éléments avaient pénétré dans la terre.
25 Nous avons utilisé un détecteur de métal pour inspecter le terrain à ce
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1 niveau-là. Ces détecteurs ne fonctionnaient que jusqu'à une profondeur de
2 30 centimètres. Compte tenu de la qualité du sol, la plupart des balles
3 ont été récupérées dans une couche de terre de 3 à 5 centimètres de
4 profondeur.
5 Question: Certaines de ces balles ont été découvertes accrochées à des
6 restes de tissus mous, n'est-ce pas?
7 Réponse: Il y avait des restes de tissus humains dégradés accrochés à ces
8 balles, effectivement.
9 Question: Et quelle est l'importance manifeste de ce fait?
10 Réponse: Nous avons utilisé des méthodes d'extraction associées à des
11 techniques à l'ADN, malheureusement dans ce cas-là nous avons échoué, il
12 n'y a aucune explication scientifique qui permette de justifier cet échec.
13 Question: Vous n'avez rien vu d'important dans les vêtements ou le type de
14 vêtements portés par les personnes que vous avez examinées?
15 Réponse: De façon générale, je dirais que ces personnes portaient
16 plusieurs pull-overs l'un sur l'autre; et je suppose que ceci est dû au
17 fait qu'il n'y avait pas de chauffage dans cette région. Il faisait froid,
18 c'était l'hiver, d'où la présence de ces pull-overs multiples.
19 Question: Pouvez-vous vous rappeler des corps de personnes âgées, hommes
20 ou femmes?
21 Réponse: Je n'ai pas d'éléments définitifs quant au nombre de personnes
22 tués le 15 janvier ou aux environs de cette date. Mais s'agissant des
23 commentaires que je formule, ils se limitent aux 40 personnes que j'ai
24 examinées. Et parmi les cadavres masculins, il y avait un garçon et
25 plusieurs hommes âgés.
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1 Question: Sur les vêtements, vous n'avez trouvé aucun emblème militaire ou
2 paramilitaire qui aurait été enlevé de ces vêtements?
3 Réponse: Nous n'avons trouvé aucune indication de cela.
4 Question: En bref, vous n'avez donc rien trouvé qui puisse vous permettre
5 de penser que ces civils étaient autre chose que des civils sans armes?
6 Réponse: A l'époque -j'insiste- à l'époque, il n'y avait rien qui
7 permettait de penser que ces personnes étaient autre chose que des civils
8 sans armes.
9 Question: Nous ne nous intéressons actuellement qu'aux cadavres trouvés
10 dans le vallon. Bien sûr, il y a d'autres éléments de preuve qui
11 concernent le village. Et dans le village, le corps d'un commandant de
12 l'UCK a été trouvé; des témoins se sont déjà exprimés sur ce point, nous
13 en avons entendu parler. Pour l'instant, nous nous intéressons qu'aux
14 cadavres du vallon.
15 Je pense que vous nous avez expliqué, mais peut-être pas tout à fait
16 clairement, que les balles ont donc été trouvées en dessous de la surface
17 du sol et que cela indique à quel endroit les personnes en question ont
18 été tuées. Les balles ont pénétré le sol situé sous les cadavres?
19 Réponse: C'est la conclusion que j'ai tirée effectivement.
20 Question: Les points d'entrée et de sortie des blessures par balles
21 correspondent, n'est-ce pas, avec l'idée que ces personnes ont été tuées à
22 bout portant ou en tout cas à une distance relativement faible?
23 Réponse: Je tiens à signaler que je ne suis pas expert en balistique, et
24 j'ai interrogé un certain nombre d'experts en balistique qui, eux,
25 considéraient comme étant "bout portant", bout touchant par exemple ou
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1 distance faible des corps. Et les réponses ont été très diverses. Donc je
2 pense qu'il convient que je m'abstienne de tout commentaire sur ce sujet
3 en m'en tenant aux rapports établis à la suite de la découverte des corps
4 dans le vallon.
5 Question: Il est toujours un peu difficile de s'exprimer sur ce sujet,
6 compte tenu du moment où vous avez vu les corps pour la première fois et
7 du moment où ces corps ont été déplacés. Mais je crois savoir que vous
8 pouvez, de façon générale, dire que ces personnes semblent avoir toutes
9 été tuées en même temps?
10 Réponse: Les pathologistes, qu'il s'agisse de pathologistes locaux ou de
11 pathologistes représentants l'Union européenne, en sont arrivés à la
12 conclusion que toutes ces personnes ont été tuées à peu près au même
13 moment.
14 Question: Et les conditions météorologiques, la température très basse
15 notamment à ce moment-là, permettent de tirer ce genre de conclusion mieux
16 que si la température avait été élevée?
17 Réponse: Je ne dirais pas les choses tout à fait comme cela. Ce que je
18 dirais, c'est que la température qui régnait dans le vallon, dans la
19 mosquée du village et dans l'Institut de médecine légal de Pristina, les
20 températures en ces trois lieux ont contribué à conserver les cadavres.
21 Donc il n'y a pas eu de modification post mortem importante -ce qui, pour
22 le pathologiste, lui facilite grandement la tâche évidemment-, pas
23 d'altération importante des corps après la mort.
24 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, je pense que je peux
25 conclure. Je n'ai pas d'autres questions pour ce témoin, et vous avez donc
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1 sa déposition sous les yeux.
2 Merci, Docteur Ranta.
3 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
4 (Questions de l'accusé, M. Slobodan Milosevic, au témoin, Mme Helena
5 Ranta.)
6 M. Milosevic (interprétation): Vous m'entendez bien?
7 Mme Ranta (interprétation): Oui, je vous entends.
8 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous poserai pas de questions, comme
9 on en a entendues tout à l'heure, au sujet de savoir si ces hommes étaient
10 tués ou pas, je crois que la chose n'est pas à contester.
11 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que la question fondamentale qui
12 se pose ici est celle de savoir s'il s'agit de personnes tuées au combat
13 ou s'il s'agissait là de civils, et de savoir également s'ils ont été tués
14 à cet endroit-là? Ou si, en partie ou dans l'ensemble, le groupe a été
15 transporté jusqu'à cet endroit?
16 M. le Président (interprétation): Il ne revient pas au témoin de dire
17 quelle est la question de fond qui se pose ici. Si vous voulez lui poser
18 des questions à ce propos, vous pouvez le faire bien sûr. Mais le témoin
19 n'aura pas à déterminer quelles sont les questions se posant. C'est à nous
20 que revient cette tâche.
21 Mme Ranta (interprétation): Je n'ai rien à ajouter pour le moment.
22 M. Milosevic (interprétation): Bien. En date du 17 mars 1999, le 17 mars
23 c'était une semaine avant le début de l'agression de l'OTAN contre la
24 Yougoslavie, et dans le rapport que vous avez distribué aux journalistes
25 présents à l'occasion d'une conférence de presse dans la salle du
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1 Parlement du Kosovo et Metohija, cela était fait. Donc étant donné que le
2 rapport avait été placé sous embargo jusqu'à ce jour-là, et jusqu'à 13
3 heures ce jour-là, et vous avez dit que c'était la façon dont vous aviez
4 vu les événements de Racak, c'est bien cela?
5 Mme Ranta (interprétation): J'aimerais tout d'abord apporter une
6 correction. Cette conférence de presse s'est tenue le 17 mars 1999 et pas
7 1990. La conférence de presse et le communiqué de presse ...
8 M. Milosevic (interprétation): J'ai dit "1999"; on vous a mal traduit la
9 chose.
10 M. le Président (interprétation): Une chose, Madame. Soyons sûrs que nous
11 avons tous ce document sous les yeux. Il y a un communiqué de presse, cela
12 devrait être l'annexe n°3 à votre déclaration qui porte la cote C1, placé
13 sous embargo jusqu'à 13 heures, Pristina 17 mars 1999. Je suppose que
14 c'est là le communiqué de presse auquel il est fait référence?
15 Mme Ranta (interprétation): Oui, je l'ai sous les yeux.
16 M. le Président (interprétation): Fort bien. Madame, vous alliez vous
17 exprimer à propos de cette conférence de presse et du communiqué de
18 presse?
19 Mme Ranta (interprétation): Effectivement. Ce communiqué de presse traduit
20 mon avis personnel au moment où ce communiqué de presse a été publié.
21 M. Milosevic (interprétation): Et à ce moment-là, étiez-vous consciente du
22 fait que votre déclaration serait prise en guise de justificatif pour
23 l'agression de l'OTAN qui allait être perpétré contre la Yougoslavie?
24 M. le Président (interprétation): Ceci sous-entend qu'effectivement on a
25 utilisé ce communiqué de presse. On pourrait simplement demander au témoin
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1 la chose suivante: est-ce que vous étiez consciente du fait qu'on allait
2 faire une utilisation quelconque de votre déclaration, Madame, tel qu'il
3 vous a été suggéré?
4 Mme Ranta (interprétation): Je ne suis qu'un expert en médecine légale, un
5 point c'est tout. Je ne suis pas du tout au courant de l'évolution
6 politique qui a pu se produire, à quelque niveau que ce soit.
7 M. Milosevic (interprétation): Oui mais, en votre qualité de médecin
8 légiste, vous vous trouviez à la tête d'une équipe, et j'imagine qu'on
9 aurait dû communiquer les constatations de cette équipe. Et me trompé-je
10 si je dis que vous ne pouviez pas avoir de rapport de l'équipe, que vous
11 n'aviez pas l'approbation de l'équipe qui corroborerait l'opinion formulée
12 par vos soins?
13 Réponse: Les résultats obtenus par les équipes, suite à leur travail, ont
14 été transmis en tant que rapports définitifs des autopsies. Tout ce qui se
15 trouve dans les rapports d'autopsie est répercuté également dans ce
16 communiqué de presse.
17 Question: Bien. Mais dites-moi, pourquoi avez-vous souligné à cette
18 occasion-là qu'il s'agissait là de votre opinion personnelle seulement?
19 Réponse: J'ai consulté des experts en droit international. Le conseiller
20 principal de l'équipe des médecins légistes de l'Union européenne m'a
21 conseillé d'ajouter ce commentaire ici, à l'époque. Je crois comprendre
22 que des communiqués de presse de ce genre contiennent généralement ce type
23 de référence.
24 Question: Bien. Mais dites-moi, Madame Ranta, qu'est-ce que cet aspect
25 politique que vous venez de mentionner a à voir avec la profession de
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1 médecin légiste à laquelle vous vous référez?
2 Réponse: Je suis médecin légiste, je n'ai aucune affiliation politique.
3 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais êtes-vous consciente, Madame
4 Ranta, que votre déclaration à vous, indépendamment des parenthèses, des
5 réserves que vous aviez formulées disant que c'est votre opinion
6 personnelle, a été utilisée comme prétexte pour agresser un pays?
7 M. le Président (interprétation): Il ne revient pas au témoin de se
8 prononcer, de répondre à cette question. C'est simplement une hypothèse
9 que vous lancez.
10 Poursuivez, posez des questions.
11 M. Milosevic (interprétation): Il lui appartient de répondre si elle
12 consciente de la chose ou pas.
13 M. le Président (interprétation): Non, parce que la question que vous
14 présentez n'est qu'une supposition de votre part, un élément de votre
15 moyen de défense. Il ne revient pas au témoin de se prononcer là-dessus.
16 M. Milosevic (interprétation): Si vous préférez, Monsieur May, je vais
17 vous interroger vous plutôt qu'elle.
18 Madame Ranta, dans votre rapport, vous avez dit que les constatations de
19 cette équipe de médecins légistes couvrent les résultats de ce qu'a fait
20 cette équipe de 40 victimes, n'est-ce pas, qui ont été apportées à
21 l'hôpital.
22 J'aimerais que l'on aille plus vite, si possible.
23 Mme Ranta (interprétation): Seulement 40 corps ont été transportés à
24 l'hôpital, d'après les informations que nous avons reçues de diverses
25 parts. Ces sources provenaient… Donc il y a eu transport de Racak à
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1 l'Institut médico-légal de l'Université de Pristina. Je ne sais pas
2 combien il y a eu de pertes au cours de la semaine précédant cela, à
3 savoir jeudi et vendredi. C'est seulement la semaine suivante que nous
4 sommes arrivés dans la région et que nous avons commencé à travailler avec
5 des experts de Serbie et de Biélorussie, cette semaine-là, donc après les
6 événements, le jeudi de cette semaine-là.
7 Question: Madame Ranta, mon temps est très limité, et j'ai posé une
8 question typique à laquelle vous étiez censée répondre par un "oui" ou par
9 un "non". Je voudrais que vous épargniez le temps mis à ma disposition.
10 Dans votre rapport, vous avez constaté que vos constatations se basaient
11 sur des informations recueillies sur des cadavres dans la morgue, que vous
12 n'aviez exercé aucun contrôle sur les dépouilles mortelles. Et que, dans
13 le cas de l'affaire Racak on n'a pas fait ce qui était nécessaire, et que
14 ce qui a été fait n'a pas été fait correctement. Il s'agissait de
15 recueillir les éléments de preuve de prendre des échantillons, des résidus
16 de balles, d'installer les cadavres dans des sacs individuels et ainsi de
17 suite. Et que l'enquête médicale ne pouvait pas constater s'il y avait eu
18 combat ou pas. C'est ce que vous avez dit dans votre rapport, n'est-ce
19 pas?
20 Réponse: C'est ce qui se trouve dans le communiqué de presse et ceci se
21 trouve également dans les rapports d'autopsie. Les modes et circonstances
22 des décès, pour autant qu'il soit possible de les déterminer, sont
23 mentionnés dans chacun des rapports d'autopsie. Par conséquent, la cause
24 du décès est étayée, mais, à l'époque, nous n'avions pas d'autres
25 informations. Les circonstances entourant ces décès et du fait qu'il n'y
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1 avait pas eu d'enquête à proprement parler, les modalités de décès sont
2 restées assorties d'un point d'interrogation, elles n'ont pas été
3 franchement déterminées.
4 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous dites -je crois pouvoir me
5 référer à la page qui a été désignée par la partie d'en face comme étant
6 le 223380- et on dit que "l'enquête médicale ne peut apporter de
7 conclusion sur le fait de savoir s'il y a eu combat ou si les victimes
8 sont tombées dans des circonstances autres" (Fin de citation.)
9 Vous avez exprimé votre opinion personnelle, comme vous l'avez précisé, et
10 vous avez dit que l'enquête médico-légale n'a pas pu constater s'il y a eu
11 combat ou si les victimes sont tombées dans des circonstances autres.
12 C'est bien cela, Docteur Ranta?
13 Mme Ranta (interprétation): Est-ce que vous parlez maintenant du
14 communiqué de presse?
15 M. le Président (interprétation): A quoi faites-vous référence, Monsieur
16 Milosevic?
17 M. Milosevic (interprétation): Je crois que j'ai été suffisamment clair,
18 Monsieur May: je parle du rapport.
19 M. le Président (interprétation): Non, non, vous n'avez pas été clair, car
20 personne ne suit; par conséquent, vous n'avez pas été clair. Contentez-
21 vous de nous dire quel est ce document; nous allons le trouver.
22 M. Milosevic (interprétation): Sur le document que vous avez déjà
23 identifié en l'appelant "Communiqué de presse", on dit: "Rapport de
24 l'équipe de médecine légale de l'Union européenne sur l'incident à Racak".
25 Cela porte la date du 17 mars 1999, à la veille de l'agression.
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1 M. le Président (interprétation): D'accord. Et à quel passage faites-vous
2 référence, à quel extrait dans ce document?
3 M. Milosevic (interprétation): Chez moi, cela figure en page 4 du
4 document. Et la page de leur numérotation est 223380.
5 M. le Président (interprétation): Peut-être que c'est là la cote qu'a
6 l'accusation, mais ce n'est pas le cas pour nous.
7 M. Milosevic (interprétation): Je vais perdre beaucoup de temps avec ces
8 démarches, Monsieur May.
9 M. le Président (interprétation): Oui, mais si vous soumettez quelque
10 chose au témoin, un extrait quelconque, il faut lui donner le temps de le
11 lire. Moi, je vois la page 4 dans notre version, la dernière page; c'est
12 celle-là?
13 M. Milosevic (interprétation): Chez moi, il y a, il me semble, cinq pages.
14 On parle de détails de l'incident de Racak et tout y figure. Alors...
15 M. le Président (interprétation): Bien sûr, nous avons des versions
16 différentes. C'est sans doute ce qui se passe.
17 En tout cas, page 3 en anglais, Madame le Témoin, deuxième paragraphe,
18 celui-ci commence par les mots suivants: "Les événements de Racak ont été
19 décrits comme étant un massacre. Cependant, une telle conclusion ne cadre
20 pas, ou n'intervient pas dans le contexte de l'équipe. Etc." Et puis, il
21 est dit: "Une enquête médico-légale supplémentaire ne peut pas permettre
22 de donner de réponse concluante à la question de savoir s'il y a eu un
23 combat ou si les victimes sont tombées dans d'autres circonstances. Il est
24 donc adéquat de mener une enquête criminelle, d'interroger des témoins. Et
25 ceci doit être mené par les autorités compétentes de façon à jeter
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1 davantage de lumière sur la question", etc.
2 Apparemment, c'est le passage sur lequel porte la question.
3 Mme Ranta (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
4 M. le Président (interprétation): Que voulez-vous demander au témoin?
5 M. Milosevic (interprétation): Donc il faut préciser que vous n'avez vaqué
6 qu'à vos affaires de médecin légiste et à rien d'autre.
7 Vous avez bien indiqué ici quelle avait été votre position. Vous avez dit,
8 qui plus est, que "l'enquête médico-légale ne peut fournir de réponse
9 concluante sur le fait de savoir si ces personnes sont tombées en tant que
10 victimes de combat ou dans d'autres circonstances".
11 Est-ce que cette position, qui était la vôtre à l'époque, est maintenue de
12 nos jours?
13 Mme Ranta (interprétation): Je ne comprends pas, je ne vois pas quel est
14 l'aspect politique qu'on pourrait relier à cette phrase. Il n'y a aucune
15 politique dans tout ceci.
16 Question: Mais je ne parle pas de l'aspect politique du tout. Est-ce que
17 vous maintenez votre position en tant qu'expert médico-légal qui ne traite
18 de rien d'autre que de cela, vous présentez ici votre position de
19 professionnel, à savoir que "l'enquête médico-légale ne peut pas fournir
20 de rapport concluant sur le fait de savoir s'il y a eu combat ou si les
21 victimes sont tombées dans des circonstances autres".
22 C'était votre position à l'époque. Est-ce que la même position que vous
23 avez de nos jours encore?
24 Réponse: Une enquête médico-légale, telle que celle menée par les médecins
25 légistes de l'Union européenne, se limitait à l'époque aux conclusions
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1 médico-légales, suite aux autopsies et à tout ce qui a été recueilli au
2 moment des autopsies.
3 Mais, au moment où s'est fait ce communiqué de presse, nous n'avions
4 aucune information à propos de ces 40 victimes qui avaient fait l'objet
5 d'autopsies. Par conséquent, l'enquête médico-légale, à elle seule, ne
6 saurait fournir de réponse à des questions telles que celles-ci, comme
7 celle de savoir s'il y a eu un combat ou si ces personnes ont trouvé la
8 mort dans d'autres circonstances.
9 Il faut pour cela mener d'autres types d'enquête destinés à tirer ceci au
10 clair et à déterminer ce qu'il en est. Et il reviendra, à ce moment-là,
11 aux tribunaux de tirer les dernières conclusions qui s'imposeraient.
12 M. Milosevic (interprétation): Fort bien, Madame Ranta. En dépit de ce que
13 vous venez de dire tout à l'heure et en dépit du fait que vous ayez
14 exprimé la chose en disant que, du point de vue médico-légal, vous ne
15 pouviez pas constater qu'il y ait eu combat ou pas, en dépit de tout cela,
16 dans le rapport. Par la suite, il est précisé que vous ne pouviez pas
17 déterminer s'il y a eu des combats ou pas.
18 Et, par la suite, vous avez fait des qualifications, vous avez désigné ces
19 personnes comme étant des civils non armés. Comment avez-vous pu dire à
20 l'époque que c'étaient là des cas où des civils ont perdu la vie, alors
21 que vous ne pouviez pas le savoir et que vous ne vouliez pas vous
22 aventurer à déterminer cela?
23 Vous venez de le dire tout à l'heure vous-même. Est-ce que c'est, là, oui
24 ou non, un alibi pour l'agression de l'OTAN? Vous avez dit vous-même qu'il
25 s'agissait de civils non armés.
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1 M. le Président (interprétation): Non. Je vous l'ai dit: ce témoin est ici
2 en tant que personne de science, c'est à ce titre qu'elle intervient comme
3 témoin. Et vous, vous lui soumettez des suppositions, des hypothèses. Or
4 c'est hors de propos. Quelle est la question véritable que vous voulez
5 poser?
6 M. Milosevic (interprétation): La question, c'est ce que vous venez de
7 dire, Monsieur May. Partant de quelle science, Mme Ranta a pu déclarer
8 qu'il s'agissait là de civils non armés, et ce en date du 17 mars?
9 M. le Président (interprétation): D'accord.
10 M. Milosevic (interprétation): A partir de quelle science a-t-elle pu le
11 dire?
12 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de répondre.
13 Mme Ranta (interprétation): Je parle ici de mon communiqué de presse,
14 version anglaise, page 3. Là, je dis qu'il n'y avait aucune indication
15 semblant montrer que ces personnes auraient été autre chose que des civils
16 non armés; je n'ai rien dit de plus ou de moins. Il n'y avait aucune
17 indication quant à ces personnes.
18 M. Milosevic (interprétation): Bien. Madame Ranta, les choses sont tout à
19 fait claires. Pour ce qui est de l'opinion publique, à la conférence de
20 presse les gens ont compris qu'il s'agissait là de civils non armés et
21 c'est ce qui a servi d'alibi pour l'agression de l'OTAN.
22 M. le Président (interprétation): Si vous commencez à faire des discours,
23 je vous interromps et je vais écourter la procédure. Soit vous posez des
24 questions en bonne et due forme à ce témoin, soit nous allons carrément
25 arrêter. Avez-vous des questions à propos de sa déposition? Si c'est le
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1 cas, posez-les. Mais on n'arrivera à rien si vous faites des discours.
2 M. Milosevic (interprétation): Cette conclusion, Madame Ranta, vous l'avez
3 faite partant d'une chose -et je suis en train de lire votre rapport-,
4 vous avez dit que "les personnes tuées ne portaient pas d'uniforme, que,
5 dans leur poche, il n'y avait pas de munitions".
6 Bon nombre de vos collègues ont pu voir bon nombre de personnes tuées, qui
7 étaient membres de cette organisation terroriste de l'UCK, en civil, donc
8 portant des vêtements civils, sans uniforme, sans insigne de quelque
9 nature et sans insigne, très souvent, de l'UCK. Le saviez-vous ou pas?
10 Mme Ranta (interprétation): Je voudrais demander à l'accusé d'être plus
11 précis. Lorsque vous dites "vos collègues", est-ce que vous parlez là des
12 membres de l'équipe médico-légale de l'Union européenne?
13 M. le Président (interprétation): Oui, précisez votre pensée.
14 M. Milosevic (interprétation): Bon nombre de médecins, bon nombre
15 d'experts, observateurs de l'Union européenne et autres ont vu un grand
16 nombre de membres de l'UCK qui ont été tués sans porter d'uniforme. Or il
17 n'y avait pas de doute qu'il s'agissait là de membres de l'UCK, tout comme
18 ceux-ci ici. Vous estimez donc que, si l'on ne porte pas l'uniforme de
19 l'UCK, on n'est pas membre de l'UCK?
20 Mme Ranta (interprétation): J'ai demandé à l'accusé d'être plus précis...
21 M. le Président (interprétation): Voici comment nous allons faire.
22 Il dit, tout d'abord, qu'il y a eu des rapports établis vos collègues -ces
23 collègues ne sont pas précisés-, rapports selon lesquels des membres de
24 l'UCK ont été retrouvés alors qu'ils ne portaient pas l'uniforme. La
25 deuxième question revenait à dire ceci: pensez-vous que, si quelqu'un ne
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1 porte pas d'uniforme, il ne fait pas partie de l'UCK? Il y avait deux
2 questions.
3 Première question: êtes-vous au courant de rapports établis selon lesquels
4 des gens faisaient partie de l'UCK sans porter l'uniforme?
5 Mme Ranta (interprétation): Je tiens à préciser qu'au moment où l'équipe
6 médico-légale de l'Union européenne a été établie, il n'y avait pas dans
7 la région d'autres équipes d'experts. Jusqu'au 17 mars 1999, je n'étais au
8 courant de l'existence d'aucun collègue médecin légiste qui aurait
9 travaillé dans la région. Donc je réponds par la négative.
10 M. le Président (interprétation): Fort bien.
11 Question suivante. Pensez-vous que, si quelqu'un ne portait pas
12 d'uniforme, cette personne ne faisait partie de l'UCK? En d'autres termes,
13 faut-il porter l'uniforme pour être reconnu comme membre de l'UCK?
14 Mme Ranta (interprétation): Je ne suis pas expert en questions militaires.
15 Je ne suis donc pas à même de dire si quelqu'un fait partie de telle ou
16 telle organisation militaire sans, avant de me prononcer, disposer de
17 documents adéquats. C'est sans aucune valeur si l'on n'a pas de preuve;
18 tout est possible.
19 Mais je ne pense pas à cet aspect-là, si vous voulez, de l'appartenance
20 militaire. Moi, ce qui m'intéresse surtout, c'est de savoir si les
21 personnes, au moment où elles ont été tuées, remplissaient les conditions
22 permettant de les caractériser en tant que civils.
23 M. Milosevic (interprétation): C'est précisément de cela qu'il s'agit,
24 Madame Ranta! Comment avez-vous pu constater à ce moment-là qu'il
25 s'agissait là de civils? C'est partant du fait qu'ils n'aient pas porté
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1 d'uniforme, c'est bien cela?
2 Mme Ranta (interprétation): J'ai dit qu'il n'y avait pas d'indication qui
3 porterait à croire que ces personnes auraient été autre chose que des
4 civils non armés. Et ceci s'appuyait sur les conclusions tirées à partir
5 des vêtements portés par ces personnes et aussi des conclusions tirées à
6 partir de l'examen des points d'entrée et de sortie des balles, donc
7 l'examen des blessures sur les vêtements que ces personnes portaient.
8 M. Milosevic (interprétation): Dans votre rapport du mois de mars 1999,
9 vous dites que certains cadavres retrouvés dans la mosquée ne portaient
10 pas de chaussures. On laissait entendre que ces personnes s'étaient
11 déchaussées parce que la coutume l'exigeait, n'est-ce pas? Vous dites:
12 "Les chaussures de certaines victimes ont probablement été enlevées avant
13 que ces cadavres n'aient été portés à l'intérieur de la mosquée". Et ainsi
14 de suite et ainsi de suite.
15 M. Kwon (interprétation): Premier paragraphe de la page 3, s'il vous
16 plaît, Madame: "Les chaussures de certaines des victimes cependant avaient
17 été enlevées." (Fin de citation.)
18 Mme Ranta (interprétation): Oui, c'est exact, c'est bien ce que j'ai
19 déclaré.
20 M. Milosevic (interprétation): Mais pourquoi les chaussures ont-elles été
21 enlevées?
22 Réponse: Monsieur le Juge, je pourrais fournir plusieurs explications;
23 certaines plus plausibles que d'autres.
24 Je ne suis pas au courant des traditions religieuses de ces personnes. Si
25 je comprends bien, une raison pourrait être qu'il n'est pas autorisé
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1 d'entrer dans une mosquée chaussures aux pieds. Mais il y a aussi une
2 autre explication tout à fait compréhensible: c'est que les personnes
3 n'avaient pas suffisamment de vêtements ni de chaussures, ce qui veut dire
4 que l'on a peut-être pris les chaussures de personnes qui n'en avaient
5 plus besoin.
6 Question: Madame Ranta, ne serait-il pas logique de dire que, si tant est
7 que l'on puisse parler de coutumes religieuses à l'origine de ce fait-là,
8 de voir déchaussées toutes les personnes, tous les cadavres que l'on a
9 apportés là, et non pas seulement un certain nombre d'entre eux, mais ne
10 serait-il pas plus exact de dire qu'ils n'avaient pas de chaussures parce
11 qu'on leur avait enlevé leurs bottes militaires? Est-ce que cela vous
12 semble être une raison plausible?
13 Réponse: A mon avis, la question que pose l'accusé peut en fait trouver
14 une réponse si on examine des photos, les photos des corps retrouvés et
15 aussi en voyant les résultats de l'autopsie. Nous avons également pris des
16 photos à la mosquée, à partir de ces comparaisons de photos, ce qui est
17 chose aisée à faire. Il est possible de voir si l'explication suggérée par
18 l'accusé est exacte ou pas.
19 Pour autant que je m'en souvienne -et je tiens à souligner que je ne sais
20 pas s'il s'agit de bottines militaires-, mais moi, je ne me souviens pas
21 avoir vu de bottines militaires qui ressembleraient, disons, à celles que
22 j'ai vues en Finlande. Il y avait davantage des chaussures, des souliers
23 que les gens vivant à la campagne portent l'hiver, dans des conditions
24 climatiques difficiles.
25 M. Milosevic (interprétation): Madame Ranta, regardez: sur toutes ces
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1 photos-là, vous avez des gens qui portent des bottines militaires. Tenez,
2 regardez cela.
3 Et dans le rapport de l'expert médico-légal, le professeur Dunjic, et
4 d'autres experts encore, il est près précisé qu'ils portaient des insignes
5 "O", "O" disant qu'il s'agissait là d'une fabrication allemande. Et on
6 voit là, les photos de personnes qui ont été photographiées là-bas portant
7 des bottines militaires. Vous pouvez examiner la chose rapidement.
8 Mme Ranta (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si
9 je vois ces photographies, je ne saurais vous dire s'il s'agit de bottines
10 militaires ou pas.
11 M. le Président (interprétation): Aux fins du dossier de l'audience, il
12 faut préciser quelles sont ces photographies. Est-ce que l'accusation peut
13 nous aider sur ce point?
14 M. Nice (interprétation): Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
15 Président. Notre assistante va vous fournir ces données.
16 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez reçu ces photos
17 parmi la documentation remise par l'accusation? D'où viennent-elles, ces
18 photos?
19 M. Milosevic (interprétation): Tout ça, c'est des photos à eux. Ce sont
20 des photos à eux…
21 M. le Président (interprétation): Eh bien, reprenez-les. Le témoin dit que
22 ces photos ne l'aident pas. Nous allons voir si on va les verser au
23 dossier ou pas. Si vous voulez leur versement, nous verrons s'il va se
24 faire.
25 Mme Ranta (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que je peux
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1 ajouter quelque chose?
2 M. le Président (interprétation): Oui.
3 Mme Ranta (interprétation): Je me souviens de cette victime-là en
4 particulier, je me souviens bien qu'on a fait le relevé des vêtements et
5 aussi des chaussures; donc ceci devrait se trouver dans le rapport
6 d'autopsie, celui-ci devrait fournir suffisamment d'informations.
7 M. Nice (interprétation): Nous cherchons ces références photographiques.
8 Je précise que c'est la première fois que l'accusé fait référence à des
9 documents fournis par autrui. C'est quelque chose qui m'inquiétait dès le
10 début de l'audience d'aujourd'hui. On fait référence à un M. Dunjic.
11 Il est certain que le témoin n'a pas examiné ces documents pour les
12 raisons que j'ai avancées lorsque j'ai parlé des contacts très limités
13 qu'elle avait eus avec le Bureau du Procureur. Je n'insiste pas auprès de
14 la Chambre, en tout cas pas à ce moment-ci de la procédure. Mais si
15 l'accusé a l'intention de poser d'autres questions découlant de ces
16 rapports, est-ce qu'il faudrait donner l'occasion au témoin de les lire,
17 ces rapports?
18 M. le Président (interprétation): C'était un point mineur. Nous n'allons
19 pas demander le versement de ce rapport sur ce point; et l'accusé a le
20 droit de reposer des questions à ce propos.
21 (Les Juges se concertent sur le siège.)
22 M. Milosevic (interprétation): ...
23 M. le Président (interprétation): Un instant, Monsieur Milosevic.
24 (Les Juges se concertent sur le siège.)
25 M. Kwon (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez examiné
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1 toutes ces photos qui vous ont été montrées ou est-ce que vous n'avez
2 examiné que la première photo parmi celles-ci?
3 (Les Juges regardent les photos.)
4 M. le Président (interprétation): Nous allons verser ces pièces au
5 dossier, si elles n'ont pas encore été versées; on peut vérifier pendant
6 la pause.
7 M. Nice (interprétation): Je crois qu'elles ont été versées au dossier,
8 Monsieur le Président: intercalaire 7 du premier volume.
9 M. le Président (interprétation): Donc c'est la pièce 156, me dit la
10 Greffière d'audience. Elles ont donc été versées au dossier, on y a fait
11 référence maintenant. L'accusé peut les reprendre.
12 M. Nice (interprétation): Est-ce que je peux les examiner?
13 M. le Président (interprétation): Oui, mais les amis devraient pouvoir les
14 voir également. Le moment est venu de faire la pause.
15 Madame, aidez-nous sur ce point. On a fait référence à un rapport du 17
16 mars 1999, on a également fait référence à un communiqué de presse, est-ce
17 qu'en fait à l'époque il n'y avait qu'un communiqué de presse, mais est-ce
18 que ceci a été appelé votre rapport également?
19 Mme Ranta (interprétation): Une confusion considérable a régné sur ce
20 point. A mes yeux, un rapport au sens où j'entends rapport, ce sont les
21 rapports d'autopsie effectués sur 40 victimes, fouillées en partie; et le
22 communiqué de presse n'est rien d'autre qu'un communiqué de presse, il n'y
23 a pas d'autre rapport, pas de rapport secret, ni rien de ce genre.
24 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Nous allons faire une
25 pause de 20 minutes.
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1 Madame, n'oubliez pas que vous n'êtes censée parler à personne de cette
2 déposition tant que celle-ci n'est pas terminée.
3 (L'audience est suspendue à 10 heures 34, est reprise à 10 heures 56.)
4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?
5 M. Nice (interprétation): Ces photographies viennent de la pièce 156, 1er
6 classeur, intercalaire 7, ou encore classeur 2; c'est le rapport du témoin
7 qui présente aussi quelques photographies, Donc je parle ici du classeur
8 2, intercalaire 2, mais il s'agit d'une sélection de photos -je le
9 précise- et elles sont loin de montrer tous les pieds, toutes les
10 chaussures ou chaussettes de ces victimes. Mais voilà les cotes que vous
11 me demandiez.
12 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
13 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, avant que je ne continue, je
14 crois que vous devez comprendre qu'à cette vitesse ou plutôt à cette
15 lenteur, je ne peux pas terminer mon contre-interrogatoire dans les
16 limites du temps imparti. Aussi dois-je dire que j'espère me voir
17 attribuer un peu plus de temps.
18 M. le Président (interprétation): Pour autant que vous utilisiez bien le
19 temps qui vous a été donné.
20 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je vais continuer là où vous vous
21 étiez arrêté tout à l'heure, vous-même, Monsieur May, étant donné que vous
22 avez insisté sur des explications, explications en termes desquels le 17
23 mars ce n'était pas un rapport, mais juste un communiqué de presse; et le
24 témoin a dit que cela ne pouvait pas être un rapport à l'époque. Il n'est
25 pas contesté qu'elle l'ait dit. Elle a dit qu'elle a eu un conseiller
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1 juridique en provenance de l'Union européenne qui lui a suggéré de
2 préciser dans ce rapport qu'il s'agissait d'une opinion personnelle à
3 elle. Etant donné que ce n'était pas un rapport et étant donné que cela a
4 été rédigé avec attention avec l'assistance d'un conseiller juridique,
5 pourquoi est-il dit qu'il s'agit là du rapport de l'équipe d'experts de
6 l'Union européenne? Si cela ne pouvait pas être un rapport, pourquoi dit-
7 on que c'est là un rapport de l'équipe d'experts de l'Union européenne,
8 pour ce qui est de Racak?
9 M. le Président (interprétation): Oui, je saisis ce à quoi vous voulez en
10 venir.
11 Vous savez Madame, c'est l'intitulé de ce communiqué de presse; ce
12 communiqué de presse a pour titre "Rapport". Pouvez-vous nous aider sur ce
13 point?
14 Mme Ranta (interprétation): Monsieur le Président, avant de parler du
15 titre donné à ce communiqué de presse, je tiens à souligner ceci: aucun
16 conseiller juridique de l'Union européenne ne m'a donnée de conseil. C'est
17 le conseiller principal de l'équipe de médecins légistes de l'Union
18 européenne qui m'a prodigué ce conseil, or cette personne travaillait pour
19 l'équipe.
20 Maintenant, je reviens à la question posée au départ par l'accusé. Il a
21 demandé: pourquoi ce document portait le titre de rapport? Le rapport, il
22 a été soumis ce jour-là, le jour même avant la tenue de la conférence de
23 presse. Il a été transmis au Tribunal régional de Pristina, aux autorités
24 yougoslaves. Et c'est après cela que s'est tenue la conférence de presse.
25 Je suis désolée si une certaine confusion a été semée par le fait que l'on
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1 a intitulé ce communiqué de presse "Rapport".
2 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'est vous-même qui avez
3 écrit, rédigé ce communiqué de presse?
4 Mme Ranta (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
5 M. Robinson (interprétation): Comment se fait-il que vous ayez eu ce
6 conseil juridique? Est-ce que vous avez cherché à obtenir ces conseils?
7 Par quoi ceci a-t-il été motivé?
8 Mme Ranta (interprétation): Je tiens à souligner que pendant toute la
9 durée de notre mission dans la région, dès le milieu du mois d'octobre
10 1998, j'ai pensé qu'il était juste d'avoir parmi les membres de l'équipe
11 un conseiller juridique. Il ne s'est jamais rendu physiquement dans la
12 région, mais il a coopéré avec nous pendant toute la durée de la mission;
13 et je pense que c'est quelque chose de très important surtout quand on
14 essaie de déterminer le cadre juridique de missions de ce type…
15 M. Robinson (interprétation): J'aimerais que vous nous expliquiez dans
16 quel contexte vous avez obtenu ces conseils juridiques qui précisaient
17 qu'il fallait que vous disiez que c'était votre avis personnel. Comment la
18 discussion a-t-elle commencé? Est-ce vous qui avez soulevé la question ou
19 est-ce le conseil juridique qui l'a fait? Dans quel contexte cette
20 question s'est-elle posée?
21 Mme Ranta (interprétation): Elle s'est posée dans le cadre de nos
22 discussions. Je ne saurais vous dire si c'était mon idée à moi ou si
23 c'était une idée qui a surgi dans le cadre de la discussion.
24 M. Robinson (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
25 M. Milosevic (interprétation): Merci Monsieur Robinson.
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1 Expliquez-moi maintenant: si cela n'a été qu'un entretien avec des
2 journalistes, comme vous le dites maintenant, pourquoi ce texte porte
3 l'intitulé "Rapport", et pourquoi ce texte-là a-t-il été distribué juste
4 avant la conférence de presse? C'est le texte dont nous disposons tous
5 ici?
6 Mme Ranta (interprétation): Ce texte a été distribué au cours de la
7 conférence de presse. Le rapport, lui, il a été soumis avant la conférence
8 de presse. Quand je parle de "rapport", je veux dire rapport d'autopsie.
9 J'ai déjà expliqué que l'on avait sans doute fait un usage assez
10 malencontreux du terme de "rapport" pour ce communiqué de presse car ce
11 n'était qu'un communiqué de presse. En tout cas, ceci a été distribué au
12 cours de la conférence de presse.
13 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais êtes-vous consciente du fait ou
14 êtes-vous consciente du fait de voir dans quelle mesure cet intitulé
15 "Rapport de l'équipe de médecins légistes de l'Union européenne" a rendu
16 le texte même plus grave, plus sérieux, lui a donné davantage de poids
17 pour ce qui est des conclusions qui y figurent, et au niveau notamment de
18 la création d'une opinion publique?
19 M. le Président (interprétation): Si vous pensez être à même de répondre,
20 faites-le. Si ce n'est pas le cas, ne le faites pas. C'est peut-être
21 simplement un commentaire.
22 Mme Ranta (interprétation): J'aimerais vous fournir une explication
23 détaillée. Les membres de la communauté scientifique n'ont pas l'habitude
24 d'avoir des rapports avec les médias et les journalistes. C'est donc avec
25 beaucoup de réticences que j'ai participé à cette conférence de presse. A
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1 l'époque, je n'avais pas réalisé l'importance que pourrait revêtir le
2 titre donné à cet écrit. Je ne me disais pas que ceci pouvait jouer un
3 rôle quelconque; à mon avis, cela ne joue aucun rôle. Et je pense que
4 c'est bien trop simpliste que de relever un seul incident et de se
5 consacrer à celui-ci alors qu'on a affaire à toute une série d'incidents
6 et d'événements tragiques. Si on s'attache à un seul incident, en
7 l'occurrence l'incident de Racak, cela donne une impression erronée de
8 toute l'évolution d'une situation.
9 M. Milosevic (interprétation): Madame Ranta, comme vous venez de dire que
10 vous n'aviez pas coutume de faire des déclarations, admettriez-vous qu'il
11 y ait possibilité de manipulation de ce que vous avez dit, de ce que vous
12 avez présenté comme "rapport", et du fait d'avoir été placée dans une
13 situation dans laquelle vous avez présenté ledit rapport à une conférence
14 de presse en date du 17 mars?
15 Réponse: Je l'ai déjà déclaré. C'est moi qui ai rédigé ce communiqué de
16 presse, moi-même.
17 M. le Président (interprétation): Ce qu'on laisse entendre ici -et je
18 pense qu'il faut vous donner l'occasion de répondre à ce qui est entendu
19 parce que l'allégation est grave, lorsqu'elle est prononcée à l'encontre
20 d'une personne de science-, c'est que vous avez été manipulée. On ne
21 précise pas par qui, mais on laisse entendre que, d'une certaine façon,
22 vous avez été manipulée, qu'on vous a poussé à écrire ce communiqué de
23 presse. Y a-t-il la moindre vérité dans cela?
24 Mme Ranta (interprétation): A aucun moment de la préparation de ce
25 communiqué de presse, je n'ai été manipulée par qui que ce soit.
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pourrez peut-
2 être nous aider si vous laissez entendre que ce témoin a été manipulé. A
3 votre avis, qui aurait manipulé ce témoin? De cette façon, elle comprendra
4 tout à fait ce que vous voulez dire. Qui, d'après vous, a manipulé le
5 témoin?
6 M. Milosevic (interprétation): Eh bien voilà, vous souvenez-vous qu'à
7 cette conférence il y avait des représentants de l'Union européenne:
8 l'ambassadeur allemand Gruber, puis l'expert finlandais en Droits de
9 l'homme, puis William Walker, la personnalité principale de cet événement.
10 Vous en souvenez-vous? Par conséquent, est-ce que vous pensez ou
11 admettriez-vous la possibilité...
12 M. le Président (interprétation): Un instant, une chose à la fois.
13 Est-ce que ces personnes ont assisté à la conférence de presse?
14 Mme Ranta (interprétation): Ont assisté à cette conférence de presse,
15 l'ambassadeur Gruber qui représentait la présidence de l'Union européenne,
16 il y avait aussi Timo Lahelma qui représentait le ministère des Affaires
17 étrangères de Finlande, et moi-même j'étais présente. Nous étions assis
18 sur l'estrade, tous les trois.
19 Par la suite, il m'a été dit que l'ambassadeur William Walker était
20 également présent, mais je ne l'ai pas vu au cours de la conférence de
21 presse.
22 M. Milosevic (interprétation): On vous a dit qu'il était présent, mais
23 vous ne l'avez pas vu. Bien.
24 Mais pourquoi les experts en médecine légale yougoslave n'ont pas eu la
25 possibilité d'assister à cette conférence de presse? Je ne vois pas de
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1 raisons pour lesquelles, eux, se verraient interdire leur présence, leur
2 participation à cette conférence de presse.
3 Réponse: Monsieur le Président, je ne suis pas en mesure de répondre à ce
4 genre de question, parce que ce n'est pas moi qui ai organisé la
5 conférence de presse.
6 Question: Qui a organisé celle-ci?
7 Réponse: Cette conférence de presse s'est tenue au quartier général ou
8 siège de l'OSCE. Et d'après mes informations, elle avait été organisée par
9 la présidence de l'Union européenne, en collaboration avec l'OSCE.
10 Question: Très bien. A l'occasion de cet événement, il y a une conférence
11 de presse, il y a l'ambassadeur allemand M. Gruber; sans le juge
12 d'instruction, le Procureur et les autorités compétentes originaires de
13 Yougoslavie.
14 Comment se fait-il qu'étant à la tête de cette institution-là, vous n'avez
15 présenté aucun résultat, comme cela est habituel dans de telles
16 circonstances? Dans le rapport en question, il est fait davantage recours
17 à une terminologie politique plutôt qu'à une terminologie professionnelle;
18 pour quelle raison cela a-t-il été fait?
19 Réponse: Je pense qu'il y a plusieurs aspects qui ont été évoqués, et je
20 dois y faire référence. Je ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi le
21 juge d'instruction ou un autre représentant des experts yougoslaves ne se
22 trouvait pas à cette conférence de presse. Mais je tiens à souligner ceci:
23 ils ont été les premiers à recevoir le rapport avant la conférence de
24 presse. Le rapport a été présenté au juge d'instruction, Danica Marinkovic
25 du Tribunal régional de Pristina, et à M. Dobricanin qui était le chef de
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1 l'institut médico-légal, qui était là pour représenter cet institut; ils
2 ont été donc les premiers à recevoir ce rapport.
3 On m'a également demandé pourquoi j'utilisais plutôt un vocabulaire
4 politique qu'une terminologie scientifique dans ce rapport. Je répondrai
5 que jamais je n'avais pensé que les termes que j'utilisais auraient été
6 politiques; c'est la première fois que j'entends dire cela.
7 Je ne peux pas ajouter grand-chose. Je parlais des défaillances qui
8 avaient été relevées dans la procédure d'instruction. Et je ne suis pas
9 vraiment au courant de l'incidence politique de ce que j'ai dit.
10 M. Milosevic (interprétation): Donc vous n'aviez pas connaissance du fait
11 qu'après le rapport en question -qui, selon vous, ne devait pas être un
12 rapport-, sept jours à peine après, l'agression de l'OTAN sur la
13 Yougoslavie a démarré? Vous n'estimez pas que cela a une signification
14 politique?
15 M. le Président (interprétation): Il ne revient pas au témoin de répondre
16 à ce genre de questions. Elle ne peut pas vous parler de l'intervention de
17 l'OTAN, à moins que vous ne laissiez entendre qu'elle aurait eu quelque
18 chose à voir dans cette intervention?
19 M. Milosevic (interprétation): Mais cela est évident. Cela est évident,
20 Monsieur May, parce que c'est en corrélation l'un avec l'autre: cela a été
21 utilisé précisément pour entamer une intervention de l'OTAN.
22 M. le Président (interprétation): Mais vous ne voulez pas laisser entendre
23 que ce témoin aurait pris part, d'une façon ou d'une autre, dans
24 l'intervention de l'OTAN? Si c'est là une affirmation que vous voulez
25 faire, eh bien, dites-le-lui!
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1 M. Milosevic (interprétation): C'est précisément ce que j'affirme parce
2 que ceci fait partie intégrante...
3 M. le Président (interprétation): Eh bien, oui. Posons la question au
4 témoin.
5 Voici que ce que laisse entendre l'accusé: il dit que, d'une façon ou
6 d'une autre, vous auriez été impliquée dans l'intervention de l'OTAN qui
7 s'est produite un certain temps après la présentation de ce rapport. Il
8 semblerait qu'on laisse entendre qu'il y aurait eu un complot
9 -apparemment, c'est ce qui vous est présenté-, complot dans lequel vous
10 auriez trempé pour qu'il y ait intervention de l'OTAN. Y a-t-il la moindre
11 vérité dans tout cela?
12 Mme Ranta (interprétation): Pas du tout! Aucune vérité. J'insiste sur le
13 fait que l'équipe de l'Union européenne, que ses membres étaient tous de
14 Finlande. La Finlande n'est pas membre de l'OTAN.
15 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, c'est encore pire!
16 Penchez-vous sur le document que j'ai reçu ici dans la documentation et
17 qui est intitulé "Monitor", "Moniteur": "Nouveau doute concernant le
18 massacre de Racak…"
19 M. le Président (interprétation): Avant d'aller plus loin, précisons de
20 quoi il s'agit. Merci, Monsieur le Juge Kwon: vous avez ce document et
21 vous êtes en train de me le montrer.
22 Il s'agit d'un document en annexe au rapport, l'annexe n°4. Oui, nous
23 avons une traduction de ce texte quelque part. Remettons une copie de ce
24 document au témoin.
25 (Intervention de l'huissier.)
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1 M. Kwon (interprétation): Vous examinez en ce moment la traduction du
2 texte se trouvant en annexe 4, Madame.
3 Mme Ranta (interprétation): Oui.
4 M. le Président (interprétation): Vous l'avez ce texte?
5 Mme Ranta (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je l'ai sous les
6 yeux.
7 M. le Président (interprétation): Poursuivez, Monsieur Milosevic.
8 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, parlant de cette
9 corrélation qui a trait à l'agression de l'OTAN qui s'est ensuivie, je
10 montre ce que l'on cite ici -je me réfère notamment à la page 2, William
11 Walker- et on cite ce qu'il a dit. Il dit: "C'est ce qui a renforcé
12 l'opinion en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que dans le cadre de
13 l'OSCE et de l'Union européenne, aux termes de laquelle il fallait
14 entreprendre finalement quelque chose. Cela était le début d'un processus
15 qui a conduit au bombardement. " (Fin de citation.)
16 Il y a un commentaire du "Moniteur": "Tout cela a été utilisé pour servir
17 de prétexte ou d'alibi aux attaques de l'OTAN". On voit donc de quel type
18 de corrélation il s'agit ici.
19 M. le Président (interprétation): Vous pouvez faire un commentaire?
20 Mme Ranta (interprétation): Moi, je ne suis responsable que de ce que j'ai
21 fait comme enquête personnellement, de ce que j'ai dit personnellement. Je
22 ne suis pas à même de vous expliquer pourquoi M. Walker a fait ce
23 commentaire, pourquoi il a dit ce qu'il a dit. Je ne suis pas en mesure
24 d'apporter un commentaire sur l'intervention du journaliste non plus. Je
25 ne parle qu'en mon nom personnel.
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1 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais tout au début de la page, il est
2 dit: "Helena Ranta, médecin légiste en chef a dit -je cite-: 'Racak, à
3 l'époque, était une place forte de l'UCK; je suis convaincue qu'il existe
4 suffisamment d'informations qui indiquent qu'il y ait eu des combats entre
5 l'armée serbe et l'UCK dans le village. Il n'y a aucun doute à cela. On
6 m'a dit -et j'ai lu des rapports à ce sujet- que ce jour-là des
7 combattants de l'UCK ont été tués." (Fin de citation.)
8 C'est ce que vous avez dit, non?
9 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit.
10 M. Milosevic (interprétation): Ensuite, dans la même page, il y a une
11 déclaration de Zimer Lubovci (phon.), membre de l'UCK, qui dit: "Nous
12 avons vu les Serbes arriver. Nous avons pris position et nous avons ouvert
13 le feu. Nous savions déjà..."
14 M. le Président (interprétation): Le témoin n'est pas en mesure de
15 commenter les dires de quelqu'un d'autre, en l'occurrence ici d'un membre
16 de l'UCK, mais elle est, bien sûr, en mesure de faire un commentaire sur
17 les paroles qui lui sont attribuées à elle.
18 Vous reconnaissez, vous admettez que vous avez donné cette interview à
19 quelqu'un de la télévision allemande? Je pense que c'est bien le cas, je
20 ne pense pas me tromper.
21 Est-ce que l'on a ici la transcription de cette intervention ou est-ce que
22 ceci vient d'un journal?
23 Mme Ranta (interprétation): C'est la transcription de l'interview que j'ai
24 accordée en anglais.
25 M. le Président (interprétation): Oui.
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1 M. Milosevic (interprétation): Bien.
2 Quoique ceci n'a pas trait à vous-même et on dit, et vous venez de
3 confirmer vous-même que vous étiez au courant de la chose d'après ce que
4 vous avez raconté, à savoir que cela avait été une place forte de l'UCK.
5 Puis, on cite Wayne Merry qui était conseiller du gouvernement
6 américain; et il dit: "Il n'y a aucun doute que l'UCK avait calculé de
7 façon cynique avec les morts de leurs civils pour les présenter comme des
8 victimes tout autour du monde aux fins de créer un préalable à
9 l'intervention militaire de l'Occident."
10 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que vous voulez que le témoin
11 vous réponde? C'est précisément ce genre de questions auxquelles elle ne
12 saurait répondre. Il ne s'agit là que de polémiques ou d'arguments,
13 Monsieur Milosevic.
14 M. Milosevic (interprétation): Si on ne peut pas le faire, allons de
15 l'avant.
16 Dans vos constatations, vous parlez de l'expertise médico-légale réalisée
17 par l'équipe d'experts de l'Union européenne. Docteur Ranta, est-ce que la
18 vérité n'est pas tout à fait à l'opposé? Vous vous étiez jointe avec les
19 experts de Biélorussie à un groupe d'experts yougoslaves constitué
20 d'experts éminents de Yougoslavie, suite à instruction faite par le juge
21 d'instruction compétent de ces lieux, n'est-ce pas?
22 Mme Ranta (interprétation): L'expert de médecin légiste de l'Union
23 européenne, et moi j'étais leur chef; et c'est à ce titre que dès samedi,
24 dès le samedi 16 janvier 1999, j'avais reçu un appel téléphonique de
25 l'ambassadeur de Yougoslavie, M. Cernogorcevic à Helsinki. Il
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1 demandait à l'équipe de mener une enquête.
2 A notre arrivée, nous avons reçu une ordonnance du tribunal régional de
3 Pristina précisant les conditions et termes de notre mission: nous étions
4 censés enquêter sur les circonstances et modes de décès pour préciser les
5 facteurs qui avaient contribué à la mort ou l'avaient entourée, et il
6 s'agissait aussi d'identifier les victimes. Nous avons travaillé en tant
7 qu'équipe indépendante, mais en ayant de bons rapports de collaboration
8 avec nos collègues de Yougoslavie et de Biélorussie.
9 Question: Très bien. Donc, partant de ce que je peux voir ici, vous n'avez
10 pas fait de remarques concernant le travail fait par vos collègues de
11 Yougoslavie. Et après les autopsies des cadavres retrouvés à Racak, vous
12 avez dit qu'il n'y avait pas de divergence substantielle entre ce qu'ont
13 constaté les experts en médecine légale yougoslaves et les experts ou
14 leurs homologues finlandais, c'est bien cela?
15 Réponse: Je tiens à souligner que le travail d'expert fait sur le lieu
16 s'est fait sans aucune anicroche, sans aucun heurt, en dépit du caractère
17 international des membres de l'équipe. Nous avons pu effectuer les
18 autopsies sans aucun problème et dans un esprit de parfaite collaboration
19 professionnelle, et ceci s'applique donc à tous les membres de l'équipe
20 d'enquête scientifique.
21 Question: Donc, il n'y a pas eu de problèmes de coopération. S'il en est
22 ainsi, pourquoi à cette conférence n'avez-vous pas mentionné au moins, ou
23 dans le rapport, ce que vos collègues, membres de l'équipe ont indiqué et
24 ce que vous avez pu constater de concert, et qui est contraire à
25 l'affirmation que vous avez faite disant qu'il s'agissait là de civils?
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1 Parce que vos collègues ont eu l'occasion de voir des combattants de l'UCK
2 tués et ils ont rarement retrouvé des personnes en uniforme. Le plus
3 souvent, c'étaient des personnes qui ne portaient aucune sorte d'insigne
4 sur eux?
5 Réponse: L'accusé pourrait-il être plus précis lorsqu'il parle de l'état
6 des victimes?
7 Question: J'y viendrai, j'y viendrai. A ce sujet, d'abord je voudrais vous
8 demander si pendant les autopsies des personnes tuées à Racak, est-ce que
9 de tous temps, il y a eu un représentant des Droits de l'homme, de
10 l'organisation des Droits de l'homme de Finlande, le premier secrétaire de
11 l'ambassade allemande, un représentant de l'OSCE? Je parle donc de Tim
12 Lahelma, le premier secrétaire de l'ambassade d'Allemagne Ottman et
13 Michael Patterson, représentant de l'OSCE, c'est bien cela?
14 Mme Ranta (interprétation): Est-ce que nous parlons des 16 premières
15 autopsies effectuées avant notre arrivée? Dans la région, il m'est
16 impossible de vous dire qui a assisté à ces autopsies. Ce que je sais,
17 c'est que l'ambassadeur Ottman n'était pas présent. Et je ne suis pas au
18 courant…, je ne sais pas si le représentant… s'il y avait présent un
19 représentant de l'OSCE. Si je me souviens bien de ces 16 premières
20 autopsies, je pense qu'il y avait M. Smythe, c'était un représentant de
21 l'OSCE, je pense qu'il y a assisté.
22 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais au sujet de ce que vous venez de
23 dire, je voudrais détailler la question afférente aux assertions faites
24 par vos collègues. Donc c'étaient des personnes qui ont procédé avec vous
25 à des autopsies et qui ont affirmé quelque chose: partant de quoi la seule
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1 conclusion à ne pas pouvoir être tirée, c'est précisément celle qu'ils
2 s'agisse là de civils. Au contraire, la conclusion à tirer, c'était qu'il
3 s'agissait de membres de l'UCK; le professeur Dunjic par exemple, M.
4 Dobricanin, le professeur Tasic. Vous avez collaboré avec ces personnes-
5 là. Donc, partant des bottines militaires avec l'insigne "O" qui
6 signifiait "Autriche". que l'on a retrouvé sur 23 personnes, en passant
7 par des parties de sous-vêtements caractéristiques et identiques, et en
8 passant par les moules à la paraffine, il s'est avéré que 37 d'entre eux
9 s'étaient servis d'armes pour tirer, donc sur les 40, 37 avaient ouvert le
10 feu à partir d'une arme à feu. D'après les rapports dont je dispose ici et
11 il s'agit de rapports...
12 M. le Président (interprétation): Il faut que vous posiez une question,
13 sinon le témoin ne pourra pas suivre. Mais quelle est la question que vous
14 voulez poser à ce témoin?
15 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, partant de ces rapports-là,
16 partant de rapports émanant de personnes qui ont coopéré avec vous, qui on
17 collaboré avec vous, il était clair qu'il s'agissait précisément de
18 membres de l'UCK et non pas de civils. J'ai ici leurs rapports, tant pour
19 ce qui est du professeur Dunjic, de Dobricanin et de Tasic. Il s'agit de
20 leur déclaration faite auprès de la partie adverse. Ce ne sont pas là des
21 rapports privés; ce sont là des déclarations officielles qu'ils ont faites
22 à l'intention...
23 M. le Président (interprétation): Eh bien, sérions les questions.
24 Je demande d'abord ceci au témoin: êtes-vous au courant de l'existence de
25 ces rapports auxquels il est fait allusion?
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1 Mme Ranta (interprétation): J'ai sous les yeux 40 rapports d'autopsie.
2 Ceux-ci ont sans doute été présentés à Danica Marinkovic, juge
3 d'instruction auprès du Tribunal régional de Pristina. Nous avons le
4 numéro de référence KR1499, et je pense qu'en tout, il y a 40 rapports
5 d'autopsie. Je l'ai déjà déclaré auparavant, dans ma déclaration écrite,
6 avant ma déposition ici à l'audience: ce ne sont que des conclusions fort
7 générales. Et je suis désolée qu'on n'ait pas inclus davantage
8 d'informations dans ces rapports, qu'on n'ait pas notamment parlé de
9 l'analyse toxicologique, de l'analyse en balistique, qu'on n'ait pas non
10 plus repris une description détaillée des points d'accès et des points de
11 sortie des balles. Autant de conclusions que je n'ai pas eu le temps
12 d'examiner. Mais là, à première vue, si j'examine les deux ou trois
13 premiers rapports, je ne trouve aucune référence faite à la question de
14 savoir quel était le statut, l'état civil, pour ainsi dire, de ces
15 victimes: étaient-ce des militaires ou pas?
16 M. Milosevic (interprétation): Comme je vous l'ai dit, dans ces rapports,
17 on dit que "sur 23 personnes, il y avait des bottines militaires de
18 production autrichienne", puis "des sous-vêtements identiques" et "les
19 résultats...
20 M. le Président (interprétation): Vous l'avez déjà dit. Mais posons la
21 question au témoin.
22 Avez-vous vu ces rapports qui ont été établis par divers professeurs
23 -Dunjic, Dobricanin et Tasic-, rapports auxquels il est fait référence?
24 M. Nice (interprétation): Puis-je intervenir pour prêter assistance? Sans
25 doute, le témoin ne les a-t-elle pas vues. Des déclarations ont été
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1 recueillies de la part de ces personnes par des enquêteurs du Bureau du
2 Procureur; je pense que le témoin fait référence aux documents qui étaient
3 à la base des rapports préparés à l'époque. J'ai fait référence à ces
4 documents juste avant la pause, documents qui sont disponibles.
5 M. le Président (interprétation): Est-ce que les déclarations sont
6 disponibles?
7 M. Nice (interprétation): Oui, mais je ne vous fais pas de suggestion
8 quant à la solution à trouver. Peut-être le témoin voudra-t-elle prendre
9 connaissance de la totalité de ces déclarations?
10 M. le Président (interprétation): Si on y fait référence, il faudrait que
11 le témoin puisse les consulter.
12 M. Kwon (interprétation): Est-ce qu'il y a un résumé de ces rapports qui
13 figure à la pièce de la défense n°2?
14 Mme Ranta (interprétation): Excusez-moi, je pense qu'il y a maintenant un
15 problème d'affichage à l'écran.
16 M. Nice (interprétation): Nous avons deux rapports qui sont en train de
17 vous parvenir. Nous avons la déclaration de Dobricanin et la déclaration
18 de Dunjic. Je ne conseille pas à la Chambre de les considérer comme pièces
19 à conviction; ce ne sont pas nécessairement des témoins sur lesquels nous
20 voulons nous appuyer. Nous n'avons pris aucune mesure pour essayer de les
21 citer à comparaître. Mais nous avons malgré tout recueilli des
22 déclarations et nous les avons signifiées à l'accusé, communiquées à
23 l'accusé conformément à nos obligations en matière de communication.
24 M. le Président (interprétation): Madame, veuillez examiner rapidement ces
25 deux documents.
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1 (Le témoin s'exécute.)
2 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, en attendant la fin d'examen
3 de ces rapports par le témoin, je mets à profit le temps que nous avons.
4 Monsieur Nice a dit qu'il n'avait pas eu l'intention de verser ces
5 rapports dans leurs pièces à conviction. Il est évident que cela est tout
6 à fait compréhensible parce que ces rapports précisent qu'il ne s'agissait
7 pas là de civils, mais de membres de l'UCK, de personnes qui s'étaient
8 servies d'armes à feu. Ce que je voudrais proposer, c'est que ces trois
9 déclarations, recueillies par la partie adverse, soient versées
10 effectivement au dossier. Et notamment pour ce qui concerne ce volet-ci.
11 M. le Président (interprétation): Nous avons pour règle habituelle -et je
12 pense qu'elle devrait s'appliquer ici-, c'est que nous ne déclarons pas
13 recevables les déclarations des témoins, à moins qu'elles ne tombent sous
14 le coup de tel ou tel Article. Mais si vous voulez citer ces témoins vous-
15 même, vous pourrez bien sûr le faire. Mais les documents qui n'ont pas
16 fait l'objet de contre-interrogatoire ne sont pas, en général, admis au
17 dossier de l'audience.
18 M. Milosevic (interprétation): Bien. Allons alors de l'avant. Dites-moi,
19 je vous prie...
20 (Les Juges se concertent sur le siège.)
21 M. Nice (interprétation): (Sans traduction.)
22 M. Milosevic (interprétation): Moi, j'ai ici les déclarations autant de
23 Dunjic, de Tasic et de Dobricanin, si vous en avez besoin.
24 Mme Ranta (interprétation): Monsieur le Président?
25 M. le Président (interprétation): Oui?
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1 Mme Ranta (interprétation): Je suis désolée, mais il me faudrait un temps
2 considérable pour parcourir ces feuillets d'information de témoins. Ils
3 ont repris beaucoup d'informations que je connais bien certes, mais, si je
4 dois répondre à des questions que pose l'accusé à partir de ces documents,
5 c'est là quelque chose qui m'est impossible après une lecture aussi
6 sommaire.
7 M. le Président (interprétation): Bien sûr. Voyons s'il y a d'autres
8 questions concernant ces documents. Nous verrons si vous êtes en mesure
9 d'y répondre ou pas.
10 Avez-vous d'autres questions à propos de ces déclarations, Monsieur
11 Milosevic?
12 M. Milosevic (interprétation): Mais tout y est contenu! Les déclarations
13 en disent suffisamment long par elles-mêmes. Maintenant, si je rentre dans
14 les détails, vous allez me raccourcir mon temps.
15 Dans le rapport de Dunjic, il est bien indiqué que ces bottines militaires
16 retrouvées sur 23 personnes… comme vous le voyez, ils n'ont pas déchaussé
17 ces personnes pour des raisons de coutume religieuse. Parce que si l'on
18 avait déchaussé toutes les personnes pour ces raisons-là, on aurait
19 déchaussé tout le monde. Mais on a déchaussé les personnes qui avaient des
20 chaussures qui indiquaient leur statut militaire, on n'a pas enlevé leurs
21 sous-vêtements qui étaient identiques. Par conséquent, dans ces
22 déclarations, il est bon nombre d'éléments...
23 M. le Président (interprétation): Fort bien, fort bien.
24 Nous n'allons pas verser ces déclarations au dossier, ce ne sont pas des
25 pièces à conviction, elles le deviendront si le témoin vient à la barre et
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1 fait l'objet d'un contre-interrogatoire. Voilà, ceci précise notre règle.
2 Ces documents ne seront recevables que s'ils tombent sous l'application du
3 92bis ou s'il y a un accord ou dispense donnée de part et d'autre pour
4 dire que ce document devrait être admis, et ceci n'a pas été le cas. Ces
5 documents ne seront donc pas versés au dossier. Vous aurez le loisir
6 d'appeler ces témoins au moment où vous présenterez votre défense.
7 Excusez-moi de vous interrompre, il faut voir le temps qu'il vous reste,
8 nous avons dépassé ce temps. Nous allons délibérer.
9 (Les Juges se concertent sur le siège.)
10 Vous disposerez de 20 minutes supplémentaires.
11 M. Milosevic (interprétation): Cela ne suffit pas, Monsieur May.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, concentrez-vous sur
13 les questions que vous voulez poser, sur les points qui vous paraissent
14 essentiels. Avançons.
15 M. Milosevic (interprétation): Mais ceci est le sujet capital. Le témoin
16 lui-même a dit, ici, ce qui est écrit dans les rapports. Vous ne voulez
17 pas prendre les rapports en considération, mais vous voulez prendre en
18 considération ce qu'elle dit. Elle a dit que les enquêteurs yougoslaves
19 ont affirmé avoir réalisé un test à la paraffine et que, sur les 40, 37
20 d'entre eux avaient utilisé des armes à feu.
21 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Elle a déjà
22 déposé à propos de ce test mais, bien sûr, posez-lui des questions à ce
23 propos.
24 M. Milosevic (interprétation): Madame Ranta, savez-vous que ce test à la
25 paraffine est utilisé à titre officiel en Yougoslavie? Mais pas seulement
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1 en Yougoslavie seulement, dans bon nombre d'autres pays encore ce test est
2 pratiqué.
3 Mme Ranta (interprétation): J'ai déjà déclaré, tout au début de ma
4 déposition d'aujourd'hui, que c'était la toute première fois que, moi, je
5 voyais que l'on avait utilisé dans les faits, dans la pratique ce test à
6 la paraffine. Je connaissais l'existence de ce test, mais uniquement en
7 tant que test historique, qu'on mentionne dans tous les manuels. Si ce
8 test est toujours utilisé en Yougoslavie, je recommande vivement aux
9 médecins légistes de recourir à des méthodes ou à des tests plus
10 spécifiques, plus fiables.
11 J'ajouterai également, je tiens à insister également qu'en vertu de
12 procédures agréées internationalement, les tests à résidu de poudre
13 devraient être effectués dans un délai allant de 36 heures après
14 l'utilisation d'armes à feu. Selon moi, si ces moules à paraffine avaient
15 été établis, il aurait pu être effectué le lundi, deux jours après la
16 récupération des corps; c'est déjà trop tard à ce moment-là.
17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, la valeur de ces constatations est
18 d'autant plus grande, elle indique qu'on a trouvé des résidus de poudre
19 sur les mains de 37 personnes sur les 40 victimes. C'est bien cela, Madame
20 Ranta?
21 M. Nice (interprétation): Pour être précis, Monsieur le Président, ceci ne
22 reflète pas la déclaration. Je ne sais pas si vous l'avez?
23 M. le Président (interprétation): Nous les avons rendues. Mais qu'est-ce
24 que cela disait?
25 M. Nice (interprétation): Cela disait que c'était une méthode non
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1 spécifique et désuète. Et on poursuit en disant que la présence de
2 nitrate, c'est ce que révèle ce test, c'est une méthode sans spécificité
3 et qui ne signifie pas qu'il y avait présence de poudre. Ceci se trouve
4 aux pages 9 à 14 dans la déclaration de Dobricanin et, à la lumière des
5 dires du témoin, il est aussi utile de préciser ce qu'elle disait, c'est
6 que ces conclusions n'ont pas été reprises dans leurs conclusions écrites;
7 il dit que c'est par manque de temps. Mais tout ceci se trouve dans ce
8 paragraphe.
9 M. le Président (interprétation): Fort bien. Il n'en demeure pas moins que
10 l'accusé a le droit de présenter sa thèse au témoin.
11 M. Milosevic (interprétation): Bien. Madame Ranta, vous dites donc que ce
12 test peu être de qualité douteuse parce que cela a été fait quelques jours
13 après, mais vous avez tiré vos conclusions, vous, partant de constatations
14 de ce qui a été réalisé l'un après 8 mois, et l'autre étant réalisé 14
15 mois après les événements de Racak. La place n'a pas été gardée entre-
16 temps. On ne sait pas ce qui s'était passé entre-temps. Parce que le
17 constat, le premier constat dont vous êtes au courant, n'a été réalisé que
18 8 mois après; et le suivant, quelques mois plus tard encore.
19 Mme Ranta (interprétation): Je suis désolée de dire que l'accusé fait une
20 confusion au niveau des questions qui n'ont aucun rapport l'une avec
21 l'autre. Si on parle de l'analyse par résidu de poudre -c'est par là que
22 l'accusé avait commencé-, je tiens à souligner, une fois de plus, que ce
23 test n'est pas spécifique pour ce qui est des résidus de poudre pour les
24 blessures par balle. Ceci ne montre pas la présence d'agent oxydant, mais
25 ceci n'est pas spécifique à la nitrocellulose. Tout agent oxydant peut
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1 donner une réaction positive au moment où l'on utilise la paraffine, et
2 puis la teinture de Diphenyle-Amine. Ça, c'est la première partie.
3 Maintenant, si nous parlons des enquêtes menées sur les lieux,
4 effectivement -comme le dit l'accusé- ceci s'est fait plusieurs mois après
5 la récupération des corps. Mais là, on parle d'un type d'enquête tout à
6 fait différent. D'abord, on fait une étude géométrique du terrain où ont
7 été retrouvés les corps et le terrain n'aura pas beaucoup changé. Mais
8 nous avons aussi affaire à des éléments médico-légaux détectés sous la
9 surface du sol. Il y a dans ces moyens: des balles, des fragments de
10 balles, des douilles, du matériel humain. Donc là, c'est tout à fait
11 différent d'une analyse des résidus de poudre.
12 M. Milosevic (interprétation): Je vous prie d'aller un peu plus vite, nous
13 y reviendrons.
14 Serez-vous d'accord avec l'avis de votre collègue Juha Rainino qui a
15 rédigé une dissertation de doctorat qui dit que, s'agissant de Racak, la
16 réponse à bon nombre de questions se trouve dans des eaux politiques, et
17 il ne peut être trouvé de réponse dans des constats des médecin légiste.
18 Je vais vous donner citation de ce qui est dit: "En dépit de certaines
19 attentes, la question politique clé de l'incident de Racak…"
20 M. le Président (interprétation): Qui est ce monsieur dont vous parlez: un
21 étudiant qui fait sa thèse de doctorat?
22 M. Milosevic (interprétation): Juha Rainino, département d'études de
23 médecine légale à l'Université d'Helsinki.
24 M. le Président (interprétation): Donnez-nous la date. Vous avez une date?
25 M. Milosevic (interprétation): Helsinki, an 2000. Dissertation
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1 d'académicien présentée par l'intéressé à l'Université de Helsinki pour
2 débat public, pour défense de thèse le 4 octobre 2002.
3 M. le Président (interprétation): Vous connaissez ces thèses, Madame?
4 Mme Ranta (interprétation): Oui, parfaitement, puisque le Dr Juha Rainino
5 était l'un des membres de l'équipe de médecins légistes experts de l'Union
6 européenne. Et je suis coauteur de la plupart des articles publiés dans
7 cette thèse. Donc je connais fort bien la question.
8 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, justement, je vous pose la
9 question de savoir ce qui suit: je voulais savoir si vous étiez d'accord
10 avec vous. Donc il n'est pas contesté que ce médecin, ce docteur ès
11 sciences ait fait cette thèse dont vous êtes au courant? Et il dit: "En
12 dépit de certaines attentes, la question-clé politique dans cet incident
13 de Racak ne saurait trouver de réponse en se basant uniquement sur les
14 conclusions des rapports d'autopsie. Toute tentative dans ce sens aurait
15 révélé une faiblesse au niveau du jugement apporté".
16 Mme Ranta (interprétation): Je crois que tout ceci a déjà été parfaitement
17 précisé dans le cadre de ce contre-interrogatoire, à savoir que la
18 médecine légale n'a rien à voir avec la politique.
19 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais les médecins de cette équipe
20 finlandaise ont publié un article professionnel en la matière. Je crois
21 que vous êtes au courant de l'existence de cet article: "Juha Rainino,
22 Kaisalalu et Penttila, département de médecine l'égale, Université de
23 Helsinki. 15 février 2001"?
24 Mme Ranta (interprétation): Je suis au courant. Si je me souviens bien,
25 c'est une des premières communications contenues dans la thèse.
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1 M. le Président (interprétation): Je pense que ceci a été produit. Est-ce
2 le même document? Je n'en suis pas sûr, mais c'est la pièce de la défense
3 D2, qui a reçu une cote provisoire auparavant.
4 M. Milosevic (interprétation): Je vais juste vous citer la page 8 de leur
5 article, où il dit ce qui suit: "Des décisions quant aux événements, à
6 leur signification politique et morale, ce sont des questions qui
7 dépassent le domaine de la médecine légale. Ceci, les autorités devraient
8 le comprendre et les médecins légistes, eux aussi, devraient le
9 comprendre". (Fin de citation.)
10 Donc j'espère que cela n'est pas contesté?
11 Mme Ranta (interprétation): Avant de poursuivre, la pièce de la défense
12 D2, ayant reçu une cote provisoire, c'est un article de la main du
13 professeur Dobricanin et de ses assistants.
14 M. le Président (interprétation): Il y a peut-être erreur. Il s'agit peut-
15 être d'un autre article auquel on fait référence.
16 Mme Ranta (interprétation): Les décisions tranchant des événements...
17 (Le témoin relit la mention précédente.)
18 M. le Président (interprétation): Oui. Vous avez donné lecture d'un
19 extrait. Quelle est la question que vous posez au témoin?
20 M. Milosevic (interprétation): Donc, d'après ce que j'ai pu comprendre de
21 ceci, partant de votre analyse, il n'est pas possible d'affirmer qu'il
22 s'agissait là, en effet, de civils?
23 Mme Ranta (interprétation): Je suis désolée, mais je n'ai pas l'article
24 sous les yeux, cet article auquel se rapporte l'accusé. Cependant, je
25 reconnais le libellé: "Les autorités et les médecins légistes eux-mêmes
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1 devraient le comprendre". Je reconnais ceci, car c'était une discussion
2 que nous avions eue dans notre service, à la faculté.
3 Question: Bien. Puisque votre affirmation principale est celle de dire que
4 ces personnes-là ont été exécutées à cet endroit-là, si j'ai bien compris
5 la chose… Ai-je bien compris la chose?
6 Réponse: Jamais je n'ai utilisé le terme "exécuté". Je n'ai eu de cesse de
7 dire que ces personnes ont très probablement été tuées là où on les a
8 trouvées; et c'était le contenu du communiqué de presse du 17 mars, me
9 semble-t-il.
10 Question: Bien, mais s'il y a eu...
11 (Les Juges se concertent sur le siège.)
12 Ecoutez, j'attire votre attention sur le même article, page 5.
13 Mme Ranta (interprétation): Excusez-moi, mais je n'ai pas cet article.
14 M. Milosevic (interprétation): Je vais vous donner lecture de la phrase et
15 vous allez certainement vous en souvenir. Je vous demanderai de confirmer
16 ou de nier ce que je vous lirai. Cela porte un intitulé, tableau n°4:
17 "Combinaison ou ensemble des blessures par balle. Le nombre de blessures
18 par balle…"
19 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il faudrait que le témoin
20 ait une copie.
21 M. Milosevic (interprétation): Je vais lui donner lecture de la phrase et
22 elle s'en souviendra puisqu'elle en a fait lecture déjà.
23 M. le Président (interprétation): Je sais, mais comment voulez-vous
24 qu'elle se souvienne de ce qu'elle a dit? Elle a quand même le droit
25 d'avoir le document sous les yeux. Vous pourrez en faire lecture à voix
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1 haute et puis, il vous faut lui présenter le document.
2 M. Milosevic (interprétation): Mais bien sûr, je voulais juste lire
3 d'abord, puis, je le donnerai ensuite au témoin sans problème.
4 On dit ici: nombre de blessures par balle fluctue entre 1 et 20. Une
5 blessure a été trouvée, il y a eu un cas d'une blessure dans six cas, et
6 dans deux des cas plus de 16 blessures.
7 Donc, est-ce que ceci indique, Madame Ranta, qu'il s'agit là de combats?
8 Certains ont été touchés par une balle et d'autres ont été touchés par 16
9 balles, il ne pouvait pas s'agir en aucune façon d'exécutions?
10 M. le Président (interprétation): Avant de répondre, je crois qu'il est
11 préférable que vous ayez le document sous les yeux.
12 Monsieur Milosevic, remettez ce document au témoin.
13 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais juste ajouter autre chose. On
14 dit encore l'analyse balistique détaillée n'a pas pu être réalisée par
15 l'EUFET; c'est votre équipe en fin de compte, l'abréviation de votre
16 équipe.
17 Tenez, voilà le document, le rapport en question. Penchez-vous dessus,
18 j'espère que vous allez le reconnaître. J'ai même noté ou surligné
19 certaines citations dont j'ai donné lecture; certaines autres, je n'ai pas
20 eu le temps de vous les lire, mais il faut que je fasse de mon mieux pour
21 gagner du temps.
22 (Intervention de l'huissier.)
23 Mme Ranta (interprétation): Vous me posez une question sur le nombre de
24 blessures par balle, c'est simplement une répétition de ce qui se trouvait
25 dans le rapport d'autopsie. Je l'ai déjà indiqué précédemment, ce rapport
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1 d'autopsie ou ces rapports ne donnent pas suffisamment de moyens
2 permettant de répondre à la question de savoir: quelles étaient les
3 circonstances entourant la mort de ces personnes? On indique seulement
4 dans ces rapports de quelle façon ces personnes sont mortes. Là où elles
5 ont été trouvées. Ce rapport ne précise pas les circonstances entourant le
6 décès de ces personnes.
7 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est là l'essentiel.
8 M. le Président (interprétation): Il y a un autre passage important où il
9 est dit que l'analyse n'a pas pu être effectuée par la l'équipe de l'Union
10 européenne. Je ne sais pas si ces passages sont surlignés. S'il ne vous
11 est pas possible de les trouver, dites-le-nous.
12 Mme Ranta (interprétation): Cet article se limite aux conclusions des
13 autopsies. Une analyse balistique détaillée n'a pas pu être effectuée par
14 l'équipe de médecins légistes de l'Union européenne, c'est vrai. Au cours
15 de l'autopsie, mes enquêteurs ont pu consulter les éléments de médecine
16 légale ou les éléments scientifiques repris pendant les autopsies, mais
17 c'était un accès limité puisque ceux-ci se trouvaient au Tribunal régional
18 de Pristina. Par conséquent, nous n'avons pu prendre de photographies de
19 très bonne qualité de toutes les balles notamment. Il était donc difficile
20 de faire une comparaison des photographies prises au cours des autopsies
21 et des photographies faites au cours de notre enquête. Mais -je l'ai déjà
22 dit dans ma déposition- il y a une photographie que l'on pourrait
23 comparer. Je parle ici d'une photographie faite au moment de l'autopsie,
24 photographie que l'on pourrait comparer avec certains repères déjà
25 identifiés.
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1 M. Milosevic (interprétation): Je vais vous poser la question suivante,
2 Madame Ranta. Je vous demanderai de jeter un regard sur un document -et je
3 voudrais qu'il soit placé sur le rétroprojecteur-; cela émane de la thèse
4 de votre collègue où l'on a présenté les angles d'impact...
5 M. le Président (interprétation): Remettez l'article au témoin, et nous
6 allons maintenant voir le point suivant.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 M. Milosevic (interprétation): Donc je vous demande de vous pencher: sous
9 quels angles, de quelles hauteurs, de bas en haut ou de haut en bas, ont
10 été touchés ces hommes-là? Est-ce que cela indique précisément que ces
11 personnes ont été touchées au combat ou, à votre avis, cela n'indique pas
12 telle chose?
13 M. le Président (interprétation): Oui, Madame?
14 Mme Ranta (interprétation): Inutile de me montrer ceci, car c'est moi-même
15 qui ai donné les instructions sur la façon de produire ces chiffres à
16 l'aide de programmes informatisés. Je connais ceci par cœur.
17 Quant à la question des angles, l'article le dit également et déjà très
18 bien: sans un complément d'information quant aux circonstances du décès,
19 il n'est pas possible de classifier le décès.
20 M. Milosevic (interprétation): Donc, cette catégorisation des
21 circonstances de décès n'est pas possible partant de votre analyse médico-
22 légale, c'est bien ce que j'ai compris?
23 Mme Ranta (interprétation): Il n'est pas possible de préciser la modalité
24 de décès telle qu'elle est définie par l'OMS.
25 M. Milosevic (interprétation): Bien.
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1 M. le Président (interprétation): Remettez ce document à l'accusé.
2 (Intervention de l'huissier.)
3 M. Milosevic (interprétation): Vous avez parlé de constats réalisés bon
4 nombre de mois par la suite, partant de quoi vous avez présenté un
5 rapport, le rapport final que vous avez rédigé. Est-ce que des
6 archéologues en médecine légale ont assisté à vos travaux pour voir si
7 l'on a changé le terrain, si l'on a excavé, modifié quoi que ce soit, la
8 configuration du terrain, et ainsi de suite?
9 Mme Ranta (interprétation): Cette enquête sur le terrain a été réalisée en
10 novembre 1999 et avait pour but de travailler sur diverses hypothèses
11 relatives à la mort des personnes dont nous sommes en train de discuter
12 ici. Pour nous, membres d'une équipe de scientifiques, le fait de trouver
13 quelque chose ou de rien trouver n'avait guère d'importance car l'absence
14 d'éléments de preuve est importante également. Mais le problème,
15 l'important pour nous, c'était d'avoir une démarche systématique qui
16 permettait donc d'exclure les hypothèses les unes après les autres. Je
17 n'ai pas pensé à des archéologues légistes à l'époque où cette enquête a
18 été menée sur le terrain, parce que nous travaillions encore dans le cadre
19 de l'équipe de médecins légistes de l'Union européenne, donc à l'époque,
20 nous n'avions pas dans notre équipe un archéologue légiste.
21 Question: Bien, bien. Merci. C'est ce que je vous avais demandé.
22 Je vous parlais de la scène de l'enquête, à savoir le lieu où l'incident
23 s'est produit en janvier; et l'enquête a été menée en novembre. Donc il y
24 a, entre ces deux dates, dix mois exactement. Savez-vous que personne n'a
25 assuré la sécurité de ce terrain pendant ces dix mois et que, par
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1 conséquent, personne ne peut garantir que le terrain sur lequel vous avez
2 mené votre enquête était identique à celui où les événements se sont
3 passés? Ceci est-il vrai ou pas, Madame Ranta?
4 Réponse: Nous avons eu la possibilité de comparer des photographies du
5 lieu où les cadavres ont été découverts en janvier 1999 et des
6 photographies du lieu où l'enquête a été menée au mois de novembre.
7 M. Milosevic (interprétation): Bien. Nous avons donc éclairci ce point.
8 Mais, dites-moi, je vous prie, parce qu'au point 9-J de votre déclaration,
9 vous parlez de "traces découvertes sur les lieux après examen du sol par
10 vos collègues", c'est-à-dire dix mois après les événements. Donc, dix mois
11 après, on découvre des choses que l'on n'a pas découvertes le premier
12 jour, parce que le premier jour, on n'a même pas découvert de cadavre.
13 C'est seulement quand Walker est arrivé, accompagné d'une trentaine de
14 journalistes, qu'ils ont été découverts. Mais ça, ce dont nous parlons
15 ici, cela n'a pas été découvert le premier jour, mais dix mois plus tard.
16 Donc est-il exact que, s'agissant de ces traces, vous étiez dans un
17 domaine pour lequel vous n'étiez pas compétente? Parce que ce travail
18 était en fait un travail réservé à des experts en balistique et à des
19 archéologues légistes de profession, n'est-ce pas, ou à d'autres
20 professionnels travaillant à peu près dans le même domaine?
21 Mme Ranta (interprétation): Excusez-moi, mais je n'ai pas bien saisi ce
22 que vous vouliez dire. J'aurais voulu… Je voudrais vous renvoyer à ce
23 rapport des enquêteurs sur le terrain, page 9 de ce rapport.
24 Et j'indique aux Juges que ce rapport a été déposé auprès du Tribunal et
25 qu'il s'agit désormais d'une pièce à conviction dans la présente affaire,
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1 n'est-ce pas, Monsieur le Procureur?
2 (Signe affirmatif de la tête de l'assistant de M. Nice.)
3 M. Nice (interprétation): Ce document a été déposé. Nous allons le
4 retrouver.
5 M. Milosevic (interprétation): Ma question est la suivante: ce n'était
6 donc pas votre travail, c'était le travail des experts en balistique et
7 des archéologues légistes. Alors, comment se fait-il que vous pouvez
8 prétendre qu'il s'agit de civils? Qui vous a donné liberté de vous
9 exprimer de la sorte et d'aller jusqu'à dire que le lieu où les personnes
10 ont été tuées n'est, en fait, pas le vallon? Vous allez jusqu'à déclarer
11 que ces personnes ont été tuées non loin du vallon, mais pas dans le
12 vallon et à bout portant: comment pouvez-vous prétendre cela?
13 M. le Président (interprétation): Je pense que le témoin a déjà répondu à
14 cette question. Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez ajouter? Nous
15 avons déjà parlé de cela.
16 Mme Ranta (interprétation): J'espère que M. le Procureur pourra produire
17 le document auquel je souhaite me référer, car il a été versé au dossier
18 de la présente affaire et c'est désormais une pièce à conviction.
19 M. Nice (interprétation): Je pense qu'il s'agit de l'intercalaire 12, du
20 classeur 2 de la pièce à conviction 156. Mais, puisque le témoin n'a pas
21 encore indiqué avec une grande précision ce qu'elle souhaitait...
22 Mme Ranta (interprétation): Je parlais de la page 9 de ce document:
23 "Enquête sur le terrain en novembre 1999".
24 M. Nice (interprétation): Oui, c'est le bon document.
25 M. le Président (interprétation): Est-ce que le témoin a entendu?
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1 Mme Ranta (interprétation): Oui, en effet, et j'ai maintenant la copie de
2 ce document.
3 M. le Président (interprétation): Vous l'avez? Très bien.
4 Mme Ranta (interprétation): Oui, j'ai ma propre copie à moi.
5 M. le Président (interprétation): Nous en avons d'autres exemplaires, si
6 vous voulez.
7 Mme Ranta (interprétation): Je souhaite me référer aux personnes qui
8 participaient à cette enquête. Il y avait donc moi-même, qui étais chef
9 d'équipe. Et le travail s'est effectué en présence de six enquêteurs
10 légistes au total, un chef enquêteur et cinq autres enquêteurs; leurs
11 compétences particulières sont énumérées dans ce document. Donc nous avons
12 là un expert en documentation, un expert en topographie qui fait l'étude
13 du terrain; nous avons enfin un expert en balistique et deux autres
14 experts en documentation. Donc voilà de quels membres se composait
15 l'équipe dont nous estimions qu'elle avait compétence pour procéder à ce
16 travail de recherche sur le terrain. Inclure à cette équipe un archéologue
17 légiste n'aurait pas, à mon avis, accru la qualité de cette enquête.
18 Notamment, au vu d'un fait que j'ai totalement oublié d'inclure dans mon
19 curriculum vitae, à savoir que trois années de suite, pendant l'été, j'ai
20 participé à des enquêtes réalisées en Finlande en tant qu'archéologue.
21 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Madame Ranta, mais veuillez
22 répondre à la question que je vous pose à présent.
23 Lorsque des projectiles sont découverts -bien que je doute de cette
24 possibilité- dix mois après des événements… mais, enfin, admettons que
25 l'on trouve des projectiles tout près d'un cadavre ou directement sous un
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1 cadavre, est-ce que ceci permet de penser que les cadavres en question
2 étaient allongés sur le sol et donc que ces personnes ont été tuées au
3 combat? Parce que, sinon, comment est-ce qu'on pourrait trouver des
4 projectiles sous un cadavre, directement sous un cadavre? Ça, c'est
5 impossible alors, lorsqu'une personne est tuée, qu'elle se tient debout:
6 parce que, dans ce cas-là, les projectiles traversent le corps et se
7 retrouvent loin du corps, loin du cadavre et même d'ailleurs assez loin du
8 cadavre. Parce qu'il arrive souvent que les balles en question ne soient
9 arrêtées que par un obstacle physique, n'est-ce pas?
10 Réponse: La question que vous venez de poser, il faudrait quatre à cinq
11 heures pour y répondre de façon complète. Mais ce que je dis -et je le
12 souligne encore une fois-: c'est que nous n'avons pas trouvé les balles et
13 les fragments de balles sous les cadavres parce que nous n'étions pas
14 présents lorsque cette découverte a été faite.
15 Lorsque nous parlons de balles et de fragments de balles, nous parlons de
16 balles et de fragments de balles découverts sous la surface du sol, donc
17 en profondeur dans le sol. Certaines de ces balles et de ces fragments de
18 balles avaient emporté avec eux des morceaux de tissus humains. Je pense
19 qu'il est très difficile de s'imaginer que ces balles et fragments de
20 balles auraient pu pénétrer à l'intérieur du sol si elles avaient été
21 tirées à une distance de 200 mètres; cela me paraît impossible.
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez
23 pratiquement épuisé le temps qui vous était imparti. Vous avez d'ailleurs
24 bénéficié de près de trois-quarts d'heure de plus que le temps qui vous
25 avait été imparti au départ; vous devez donc terminer dans les deux
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1 minutes qui suivent. Après quoi, nous entendrons les amici curiae, et nous
2 lèverons l'audience.
3 M. Milosevic (interprétation): Il m'est absolument impossible de conclure
4 mon contre-interrogatoire en deux minutes.
5 M. le Président (interprétation): Vous disposez de deux minutes.
6 M. Milosevic (interprétation): J'ai encore un certain nombre de questions
7 très importantes!
8 M. le Président (interprétation): Très bien. Eh bien, posez-en deux.
9 M. Milosevic (interprétation): Regardez. Je vais vous dire, j'ai encore 30
10 questions à poser en fait.
11 M. le Président (interprétation): Très bien. Eh bien, choisissez les deux
12 plus importantes.
13 M. Milosevic (interprétation): Je ne peux pas les choisir, Monsieur May.
14 Je prendrai les deux premières parce que je ne peux pas agir comme vous me
15 le demandez.
16 Vous avez parlé, Madame, d'un certain nombre de cartouches découvertes
17 près des cadavres et attribuées aux agresseurs. N'est-il pas plus réaliste
18 de penser que ces cartouches auraient pu appartenir aux gens qui eux-mêmes
19 combattaient, qui se trouvaient dans le vallon ou sur les flancs du vallon
20 -le vallon constituant lui-même une espèce de tranchée- et qui donc
21 étaient en attendre en embuscade? N'est-ce pas plus logique de penser que
22 ces balles, ces cartouches auraient appartenu aux combattants qui se
23 trouvaient là et qui ont été tués sur place?
24 Mme Ranta (interprétation): Je n'ai jamais parlé de ceux qui étaient à
25 l'origine des balles tirées. Tout ce que j'ai dit c'est que nous avons
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1 trouvé: il s'agit donc d'éléments de preuve de médecine légale, ces balles
2 et fragments de balles ou cartouches ou douilles dont nous pouvons dire
3 qu'il s'agissait à l'origine de munitions et, en outre, il y avait du
4 tissu humain attaché à certaines de ces balles.
5 M. Milosevic (interprétation): Madame Ranta, vous savez très bien que le
6 tissu humain, une fois que la balle pénètre dans le sol, s'accroche au sol
7 et se sépare de la balle, donc ce que vous dites -d'autant plus qu'il
8 s'agirait d'une découverte faite huit mois plus tard- n'a absolument aucun
9 sens. Mais je vais vous poser la question suivante.
10 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. Si vous dites
11 qu'il s'agit d'un non-sens scientifique, vous devez le dire clairement au
12 témoin.
13 Madame Ranta, ce qui vous est dit, c'est que vos propos, les propos que
14 vous avez formulés à l'instant, sont un non-sens. Aimeriez-vous répondre à
15 cette question?
16 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, Monsieur May.
17 M. le Président (interprétation): Non, laissez le témoin répondre. Vous
18 poserez ensuite votre question suivante; ne vous inquiétez pas de cela.
19 Mme Ranta (interprétation): J'aimerais me référer à ma déclaration qui a
20 été soumise aux parties présentes ici, le 20 février 2003; et je fais
21 référence plus particulièrement à la page 11 de ce document où je décris
22 en détail la découverte de tissus humains identifiables sous la forme de
23 deux molaires de la mâchoire inférieure en présence de deux balles situées
24 sur la surface du sol dans la position où la victime A24/7021F a été
25 découverte en janvier. Je parle également de l'enquête effectuée après la
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1 mort de la victime où l'on obtient une représentation graphique du point
2 d'entrée et du point de sortie de la balle grâce à des photographies
3 prises par les vérificateurs de l'OSCE. Nous avons pu également extraire
4 de l'ADN identifiable de l'une des victimes et le comparer à des profils
5 qui correspondaient.
6 L'autre type de tissu humain que j'ai mentionné était du tissu mou. Nous
7 avons donc appliqué une analyse à l'ADN pour tenter d'identifier ces
8 personnes sur la base de ces tissus. J'en parle dans ma déclaration et je
9 dis que malheureusement ceci n'a pas été possible. J'ajoute d'ailleurs,
10 dans le document, un certain nombre d'explications susceptibles
11 d'expliquer la chose. A ma connaissance, c'est la toute première fois
12 qu'une tentative de ce genre a été faite.
13 Poser la question de savoir s'il s'agit sur le plan scientifique d'un non-
14 sens ne me semble pas justifié. A mon avis, lorsqu'on dit
15 "scientifiquement" cela signifie qu'un scientifique est dans l'obligation
16 de tout essayer, d'essayer tout ce qu'il est en son pouvoir de faire pour
17 accomplir le travail qui lui a été confié et c'est exactement ce que nous
18 avons fait dans cette affaire.
19 Nous savions parfaitement bien que la dégradation des tissus humains
20 dépend d'un certain nombre de facteurs, notamment de l'humidité, de la
21 variation de température, du PH, donc de l'acidité du sol, etc. Mais
22 j'estime qu'il était justifié de faire les tentatives que nous avons
23 faites, y compris en présence de ces restes de tissus mous partiellement
24 dégradés. Il était tout à fait justifié d'essayer néanmoins d'en extraire
25 l'ADN.
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1 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous parlez finalement d'une
2 tentative qui a échouée, n'est-ce pas, Madame Ranta?
3 Réponse: Elle n'a pas été couronnée de succès dans ce cas précis. Et
4 d'ailleurs, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles éventuellement cette
5 tentative à échoué. Les raisons que j'ai citées pour expliquer cet échec
6 sont toutes des faits scientifiques. J'ai parlé de la présence
7 d'inhibiteur d'enzyme dans les balles. J'ai parlé de la possibilité que
8 l'ADN ait été détruite par les variations de température. En troisième
9 lieu, j'ai parlé de l'activité enzymatique et bactérienne du sol. Tout
10 cela, ce sont des facteurs scientifiques.
11 Question: Nous ne sommes pas en train de discuter science ici. Mais,
12 Monsieur May, il existe des documents relatifs à un procès mené à Pristina
13 auquel ont participé, le juge Kyavan (phon.), le président de la Chambre
14 Besim Kelmendi, le président du conseil Dobricanin, etc., c'était une
15 espèce de montage international. Je peux vous soumettre ce document,
16 Madame Ranta.
17 Mais je vous demande si le Dr Peter Markenstein, vous dit quelque chose?
18 C'est un médecin légiste qui a soumis un rapport au cours de ce procès, un
19 rapport très précis où l'on trouve au paragraphe 133 que la distance
20 précise d'un tir ne peut pas être déterminée. Je vais vous citer les mots
21 précis utilisés dans le rapport -je cite-: "La distance précise de
22 l'origine d'un tir ne peut pas être précisée sur la base d'une autopsie."
23 (Fin de citation.)
24 Il poursuit au paragraphe 165 du jugement en disant que le Tribunal de
25 Pristina qui, comme je viens de vous le rappeler, était constitué de juges
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1 de nationalités différentes; donc il y avait Hajriz Bajrami (phon.), il y
2 avait Mehmed (l'interprète n'a pas saisi le nom), trois hommes d'origines
3 différentes. Ce Tribunal a estimé que les balles ont été tirées par un
4 groupe de policiers depuis le haut d'une colline, c'est-à-dire depuis une
5 distance assez importante. Alors ce Dr Petar, je ne sais pas si vous le
6 connaissez...
7 M. le Président (interprétation): C'est très difficile à suivre, est-ce
8 que ceci à quelque chose à voir avec Racak?
9 M. Milosevic (interprétation): Ceci a quelque chose à voir avec Racak
10 parce que Mme Ranta affirme que ces personnes ont été tuées à faible
11 distance. Or cet expert Peter Markenstein, en particulier, affirme avec
12 précision qu'il est impossible de déterminer la distance de provenance
13 d'un tir. Quant aux trois autres hommes dont j'ai parlé, ils disent dans
14 leur jugement qu'il a été avéré qu'un groupe de policiers est l'auteur des
15 tirs, qu'ils se trouvaient au somment d'une colline, etc. etc. Donc je
16 présente au témoin cette réfutation de ses dires, à elle, relative à un
17 tir à bout portant ou à faible distance…
18 M. le Président (interprétation): Ecoutez, un instant, je vous prie. Tout
19 ceci a un rapport avec les meurtres de Racak; c'est ce que nous devons
20 comprendre?
21 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr, puisqu'il est question ici d'un
22 jugement prononcé par le Tribunal régional de Pristina dans une affaire
23 qui avait un rapport direct avec Racak.
24 M. le Président (interprétation): Très bien.
25 Madame le Témoin, avez-vous la moindre connaissance à ce sujet?
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1 Mme Ranta (interprétation): La question initiale de l'accusé consistait à
2 me demander si j'avais connaissance de l'existence de ce rapport de
3 légistes. Eh bien, je ne l'ai jamais vu. Je savais qu'un procès avait lieu
4 devant le Tribunal régional de Pristina. Et s'agissant de l'expert
5 légiste, dont le nom vient d'être cité ici, j'ajouterai également que je
6 l'ai rencontré effectivement à Pristina.
7 (Les Juges se concertent sur le siège.)
8 M. le Président (interprétation): Je suppose que vous n'avez pas cette
9 citation en anglais, vous l'avez uniquement en serbe, n'est-ce pas?
10 M. Milosevic (interprétation): Je ne l'ai qu'en serbe, mais elle doit
11 exister également dans une langue étrangère parce qu'il y avait des
12 étrangers parmi les juges, et aucun de ces étrangers ne connaissaient le
13 serbe, donc ce texte doit exister également en anglais.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous pouvez nous aider
15 là-dessus?
16 M. Nice (interprétation): Pas immédiatement, mais je me renseignerai.
17 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre 20 minutes.
18 Monsieur Milosevic, nous vous donnerons un temps suffisant pour tirer
19 cette question au clair et, si possible, nous nous procurerons ce jugement
20 et nous verrons s'il peut être versé au dossier. Je ne vois pas
21 d'objection à ce qu'il soit versé au dossier, et nous vous accorderons dix
22 minutes de plus compte tenu de l'importance de cette question pour vous,
23 mais pas une minute de plus.
24 Monsieur Tapuskovic, vous aurez quelque chose à ajouter ensuite?
25 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je pense en toute
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1 modestie que je peux être utile à la Chambre grâce à quelques questions
2 que j'aurais à poser. Donc je vous demanderai de bien vouloir m'accorder
3 quelque temps par la suite et je m'efforcerai d'être aussi bref que
4 possible.
5 M. le Président (interprétation): Très bien, suspension de 20 minutes.
6 (L'audience est suspendue à 12 heures 24, est reprise à 12 heures 45.)
7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?
8 M. Nice (interprétation): Le compte rendu du procès a été trouvé, nous
9 l'avons trouvé, c'est un texte en anglais. J'aimerais vous dire quelle est
10 notre position par rapport à une pièce à conviction dont il a déjà été
11 question, la pièce 94 intercalaire 73. Je pense que vous comprendrez
12 immédiatement ce que je veux dire si ce document est placé sur le
13 rétroprojecteur.
14 Donc, ce procès concernait les morts; et vous vous rappellerez que le
15 général Drewienkiewicz -je crois bien que c'était son nom- a montré la
16 pièce à conviction que je vous montre ici aujourd'hui. J'ai placé un
17 "sticker" rouge sur ce document qui identifie l'endroit où se trouve le
18 vallon et la victime dans cette affaire pour meurtre. Vous vous
19 rappellerez que cette carte avait joué un rôle tout à fait capital dans le
20 procès. On voit également sur le document le nom de la victime, l'endroit
21 où elle a été tuée, mais on ne voit pas le vallon qui se trouve un peu
22 plus bas par rapport à la photo au niveau du n°2 qui est annoté, et peut-
23 être même au niveau du n°3.
24 Donc, ce dont l'accusé a parlé tout à l'heure ne peut pas se rapporter au
25 vallon en tout état de cause. Et puis, pour être tout à fait précis, les
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1 gens qui m'ont aidé ont, très rapidement et efficacement, trouvé non
2 seulement le compte rendu de ce procès de Peter Markenstein, mais
3 également celui d'une autre personne qui nous intéresse. Je n'ai pas
4 encore trouvé le rapport que j'aimerais vous montrer. Pour le moment, nous
5 examinons les comptes rendus des audiences de ce procès, mais je cherche
6 un passage particulier qui a un rapport avec la question posée par
7 l'accusé. Je vais continuer à chercher.
8 M. le Président (interprétation): Très bien.
9 Monsieur Milosevic, vous avez la parole dix minutes encore et nous
10 examinerons le compte rendu donc de ce procès et le jugement.
11 M. Milosevic (interprétation): J'ai cité le paragraphe 133 du jugement où
12 il est dit que la distance exacte ne peut pas être déterminée à l'aide
13 d'une autopsie, la distance à partir de laquelle un coup de feu a été
14 tiré. Donc, ce dont M. Nice parle à un rapport avec le paragraphe 165 où
15 il est dit que c'est à partir de la colline que les coups de feu ont été
16 tirés, de la colline de Vrelo.
17 Madame Ranta, puisque vous parlez de tirs à bout portant et que vos
18 collègues déclarent que la distance ne peut pas être déterminée… je vois,
19 en page 13 de votre rapport, s'agissant des munitions découvertes au cours
20 de l'enquête… sous-paragraphe 8 si je ne m'abuse, page 13 de votre
21 déclaration, vous dites que les usines yougoslaves, vous parlez notamment
22 de Igman Zavod de Konjic, donc d'un certain nombre d'usines. Mais savez-
23 vous que Konjic se trouve en Bosnie-Herzégovine et n'était pas sous le
24 contrôle de la Republika Srpska pendant la guerre, pendant tous ces
25 conflits?
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1 Et deuxièmement, savez-vous d'une ou de plusieurs façons que les membres
2 d'organisations terroristes utilisaient le pillage et autres activités de
3 ce genre, je parle de l'UCK, donc utilisaient pillages et autres activités
4 de ce genre pour se fournir en munitions produites par des usines en
5 Yougoslavie?
6 Donc est-ce que, sur la base de tout ce qui est dit dans ces documents,
7 nous pouvons déterminer que les coups de feu ont été tirés, que les balles
8 ont été tirées par des policiers yougoslaves ou plus précisément des
9 policiers serbes, puisque c'est ce que vous dites, et que les fabricants
10 de ces munitions découvertes sur le site était l'usine "Prvi Partizan" de
11 Titovo Uzice, Zavod Konjic?
12 Mme Ranta (interprétation): A ce stade, je dis simplement que les
13 fabricants de ces munitions découvertes sur place étaient ces deux usines.
14 Si nous regardons le détail des autres éléments à notre disposition qui
15 sont évoqués, au niveau des inscriptions figurant sur chaque douille ou
16 chaque cartouche, cela apporte pas mal d'informations. Donc je ne parle
17 pas de ce qui s'est passé pendant la guerre ou après la guerre ou quoi que
18 ce soit de genre; je dis simplement que la façon dont les experts en
19 balistique s'exprimaient dans leur rapport figure également dans le
20 document donné en annexe au Tribunal et où sont cités les résultats de
21 notre enquête.
22 Quant aux lieux précis où se trouvent ces usines, je n'ai fait aucun
23 effort pour le localiser et je ne tire aucune conclusion par rapport à ce
24 lieu quant à la façon dont les coups de feu ont été tirés. Je n'ai jamais
25 indiqué que les auteurs de ces actes aient agi à telle ou telle distance,
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1 parce que cela aurait été inopportun puisque nous n'avions pas mandat pour
2 enquêter sur la question de la culpabilité. Nous n'étions mandatés que
3 pour enquêter sur la mort des personnes dont les cadavres ont été
4 découverts.
5 Question: Très bien. Dites-moi -en fait, ceci est une question qui a un
6 rapport direct avec votre spécialité-: comment expliquez-vous le phénomène
7 que les cadavres découverts dans ce vallon, le vallon dont vous parlez,
8 aient été pour certains découverts avec le dos au sol, et les mains, les
9 bras et les jambes partiellement relevés, relevés en l'air? Alors, comment
10 est-ce que vous expliquez cela? Est-ce que cela n'indique pas que les
11 corps ont été apportés à cet endroit en provenance d'un autre endroit, oui
12 ou non?
13 Réponse: Je ne parle que des éléments de preuve photographiques et
14 documentaires fournis par l'OSCE le jour où les cadavres ont été
15 découverts. C'est la base de la documentation que nous discutons. Je n'ai
16 aucun commentaire à faire sur la position des cadavres par rapport au fait
17 que leur corps aient été retournés ou pas. J'ai indiqué tout à l'heure que
18 les corps avaient sans doute été retournés, mais c'est tout ce que je peux
19 dire et rien de plus.
20 Question: Très bien. Mais le fait découvert sur place et les projectiles
21 découverts sur place, ainsi que les comparaisons photographiques réalisées
22 par les experts finnois pendant l'autopsie, tout cela est utilisé en même
23 temps, n'est-ce pas?
24 Réponse: Nous avons combiné les photographies de l'OSCE le jour de
25 l'enquête sur le terrain et nous disposions également de nos rapports
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1 d'autopsie et donc les fragments de balles ont pu être comparés par
2 rapport à ces photographies et à ces rapports, c'est tout.
3 Question: Mais puisque vous êtes expert en médecine légale, je suppose que
4 vous savez qu'aucune photographie ne peut être utilisée à des fins de
5 comparaison balistique ou d'identification de projectiles ou d'armes?
6 Réponse: Les photographies fournies par l'OSCE ont servi à déterminer la
7 localisation approximative de chacun des cadavres au moment où ces
8 derniers ont été découverts. Et lorsque nous avons mené notre enquête sur
9 le terrain, la zone que nous avons soumise à une détection par détecteur
10 de métal et à une étude d'un topographe était beaucoup plus vaste puisque
11 cette zone couvrait 170 mètres de long.
12 Et s'agissant des corps découverts dans le vallon, je crois que la zone
13 avait une longueur de 65 mètres. Quant à la largeur de la zone concernée
14 par notre enquête de terrain; elle était de 30 à 60 mètres, selon les
15 niveaux du vallon.
16 Question: Très bien. Mais connaissez-vous les conclusions des spécialistes
17 en balistique cités dans le jugement que j'ai déjà cité tout à l'heure, à
18 l'Article 140? Cela vous facilitera la tâche.
19 Donc il est dit à cet endroit que les blessures individuelles auraient
20 même pu être produites par des balles ayant ricoché et provoqué donc des
21 blessures du type de celles qui ont été découvertes sur les cadavres?
22 Réponse: Si nous pensons à la qualité du sol, du terrain dans le vallon,
23 il est vrai que des balles auraient pu ricocher à cet endroit. Mais
24 s'agissant des résultats de l'enquête de terrain, je tiens à signaler que
25 nous ne parlons que de balles et de fragments de balles qui ont été
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1 découverts en dessous de la surface du sol; parfois avec du tissu humain
2 attaché à ces balles ou fragments de balles. Et je ne pense pas, dans ces
3 conditions, qu'il aurait pu y avoir ricochet des balles.
4 M. Milosevic (interprétation): Mais, tout à l'heure, j'ai cru comprendre
5 que vous n'aviez pas confirmé qu'il s'agissait de tissu humain, mais qu'en
6 tant que scientifique, vous avez effectué une tentative scientifique
7 d'atteindre à ce résultat et que, nonobstant ces efforts, ce résultat
8 était impossible à atteindre. C'est bien cela ou pas?
9 Mme Ranta (interprétation): La tentative d'extraction d'ADN amplifiable,
10 et donc utilisable à des fins d'identification a échoué.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pouvez
12 maintenant mettre un terme à votre contre-interrogatoire avec deux
13 questions encore.
14 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, Monsieur May, c'est à vous que je
15 poserai l'une de ces questions, car Mme Ranta a encastré dans son rapport
16 les conclusions ultérieures de cette enquête de terrain, qui s'est donc
17 déroulée quelque 14 mois après les faits. Quant à moi, je n'ai pas reçu le
18 rapport relatif à cette enquête. Donc je vous demande, Monsieur May, à
19 quel moment je pourrai avoir la possibilité d'interroger Mme Ranta au
20 sujet de son rapport et des résultats qu'elle a encastrés dans ce rapport.
21 Ou si je ne dois pas contre-interroger Mme Ranta, je vous demande qui
22 d'autre je peux contre-interroger au sujet des résultats de cette enquête,
23 bien ultérieure aux faits, puisqu'elle a été menée plusieurs mois, une
24 dizaine de mois, sinon 14 mois après les faits.
25 M. le Président (interprétation): Madame Ranta, est-ce que nous avons tous
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1 reçu le rapport dont vous êtes l'auteur? Est-ce que ce rapport a été
2 communiqué?
3 Mme Ranta (interprétation): J'ai remis le rapport de l'enquête de terrain
4 et le rapport de mars 2000. Ce sont les résultats dont je fais état dans
5 ma déclaration préalable par écrit à ce Tribunal.
6 M. le Président (interprétation): Oui, mais tous ces documents ont-ils été
7 versés au dossier ou communiqués?
8 M. Nice (interprétation): Novembre 1999, classeur 12, intercalaire 12. On
9 trouve le rapport intitulé "Rapport d'enquête de terrain" et il y a
10 également le "Rapport de l'an 2002".
11 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction 156;
12 elle a été versée au dossier. Elle est donc admise en tant que pièce à
13 conviction.
14 Monsieur Milosevic, si vous souhaitez interroger le témoin en lui posant
15 quelques questions supplémentaires, vous pouvez le faire. Vous avez,
16 jusqu'à présent, disposé de deux heures et davantage de contre-
17 interrogatoire.
18 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais le témoin n'a pas participé à
19 cette enquête de terrain. Alors, je demande qui je dois contre-interroger
20 à ce sujet?
21 M. le Président (interprétation): S'il y a quelqu'un que vous souhaitez
22 contre-interroger, vous pouvez nous présenter une requête dans ce sens;
23 nous l'examinerons. Mais mettez un terme au contre-interrogatoire de ce
24 témoin.
25 M. Milosevic (interprétation): Madame Ranta, dans votre rapport, vous
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1 dites que les personnes dont les corps ont été retrouvés étaient des
2 civils. J'ai une photographie ici sous les yeux.
3 Savez-vous que l'UCK inscrivait une marque spéciale sur la tombe de ceux
4 qui étaient des civils. Ici, sur la photo que j'ai sous les yeux, on voit
5 très clairement qu'il s'agissait d'un membre de l'UCK et la pierre tombale
6 correspondant à la tombe de cette personne montre qu'elle a été tuée?
7 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut pas répondre à cela, à
8 moins que…
9 Madame le Témoin, est-ce que vous êtes allée au cimetière?
10 Mme Ranta (interprétation): Monsieur le Président, je suis allée au
11 cimetière de Racak, le cimetière qui se trouve tout près du village.
12 C'était en 2001, si je ne m'abuse.
13 M. le Président (interprétation): Montrez la photo dont vous parliez?
14 M. Milosevic (interprétation): Vous pouvez l'avoir, vous aussi, et le
15 témoin peut l'avoir également. On peut la placer sur le rétroprojecteur.
16 M. le Président (interprétation): Mais que représente cette photo? Qu'est-
17 elle censée représenter? Nous aimerions comprendre.
18 M. Milosevic (interprétation): Elle représente la tombe de ce membre de
19 l'UCK qui a été tué à Racak, et sur la tombe duquel l'UCK a mis très en
20 évidence la date de la mort: 15 janvier 1999, ainsi que le nom et le
21 prénom de cet homme. C'est l'UCK qui fait ces inscriptions sur la pierre
22 tombale. Or c'est l'un de ces hommes dont on prétend qu'il s'agissait de
23 civils ou plutôt de personnes sans arme.
24 M. le Président (interprétation): Je n'ai aucun doute que nous pourrons
25 trouver la trace de tout cela parce qu'il n'est pas contesté qu'il y avait
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1 des membres de l'UCK qui étaient tués. Mais, bien sûr, ils ne se
2 trouvaient pas dans ce vallon. Alors, nous verrons ce que le témoin a à
3 dire. Pouvez-vous nous aider sur ce point, Docteur Ranta?
4 Mme Ranta (interprétation): Je n'ai pas vu la photographie.
5 M. le Président (interprétation): Vous ne l'avez pas vue?
6 Mme Ranta (interprétation): Non. Mais, Monsieur le Président, puis-je
7 ajouter quelque chose? L'accusé déclare que, puisque je n'ai pas participé
8 à l'enquête de terrain, il ne peut pas me contre interroger. Mais j'ai
9 participé aussi bien à l'enquête sur place menée en novembre 1999 qu'en
10 mars 2000 et j'ai organisé ces deux enquêtes avec mes enquêteurs.
11 M. le Président (interprétation): Très bien merci. Peut-on remettre les
12 photographies?
13 Monsieur Tapuskovic, vous avez la parole.
14 (Questions des amici curiae, par M. Tapuskovic, au témoin, Mme Helena
15 Ranta.)
16 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, je vais… Il m'est difficile de me
17 concentrer et de traiter de ces questions très professionnelles, très
18 techniques, mais je vais essayer.
19 Madame Ranta, dans la biographie que vous avez fournie pour ce qui est de
20 votre carrière professionnelle, vous avez présenté des éléments en
21 corrélation avec vos connaissances professionnelles et on dit que vous
22 êtes docteur es stomatologie, que vous avez supervisé cinq thèses de
23 doctorat en science de…, en génétique, en microbiologie et santé publique.
24 Mme Ranta (interprétation): Oui.
25 Question: Pouvez-vous nous dire si vous avez des connaissances
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1 professionnelles en matière de criminologie, de balistique et de médecine
2 légale?
3 Réponse: J'ai fait des publications aussi bien en odontologie légiste
4 qu'en balistique, sans être expert en balistique. J'étais coauteur de
5 certaines publications dans le domaine de la médecine. J'ai déjà dit: ceci
6 a fait l'objet de discussions dans ce prétoire aujourd'hui. Mais, ceci
7 dit, je suis l'auteur d'autres communications scientifiques qui relèvent
8 de mon domaine de connaissances microbiologie, biologie moléculaire,
9 microscopie et aussi pour certaines maladies des tissus conjonctifs et
10 pour ce qui est du droit international humanitaire.
11 Question: Merci. D'après la déclaration qui est la vôtre et que nous
12 étudions aujourd'hui ici, sur laquelle vous vous prononcez d'ailleurs, à
13 présent, il en découle que vous avez participé au fonctionnement de
14 l'équipe et que vous avez pris part à la nécessité d'assurer des mesures
15 indispensables afférentes à la sécurité?
16 Réponse: En tant que chef d'équipe, j'avais beaucoup de tâches à remplir
17 dans le cadre de cette mission.
18 Question: C'est ce que j'ai compris. Je vois dans votre rapport,
19 concrètement parlant, que vous avez dit que la représentation de la
20 mission de l'Union européenne n'a, à aucun moment, donné des instructions
21 ou des attributions pour ce qui était de procéder à des enquêtes en
22 matière judiciaire, n'est-ce pas?
23 Réponse: Exact.
24 Question: Et le 30 janvier 1999, 15 jours après l'événement même, vous
25 avez demandé, n'est-ce pas, l'autorisation aux autorités yougoslaves de
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1 vous rendre sur place, et c'est la neige qui vous a empêché de le faire.
2 Ce ne sont pas des obstacles d'autre nature qui ont mis une entrave à
3 votre déplacement à ce moment-là, n'est-ce pas?
4 Réponse: Les membres de l'équipe se sont rendus au village de Racak, le
5 samedi. Ça devait être le 30 effectivement, le 30 janvier en 1999; je l'ai
6 déjà dit. Effectivement, il avait neigé.
7 Question: Et c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas pu accomplir
8 votre tâche?
9 Réponse: Oui, c'était physiquement impossible de le faire.
10 Question: Merci. Dans votre rapport du 17 mars 1999, dont il a déjà été
11 question ici, il est précisé par vos soins ce qui suit, et serez-vous
12 d'accord avec moi pour dire que c'est bien ce que vous avez déclaré?
13 La première des choses à faire que l'on doit…, à laquelle on doit
14 s'attendre, quel que soit le lieu du crime, est précisément la nécessité
15 d'isoler le site et de rendre impossible l'accès à toutes personnes non
16 autorisées. Les lieux doivent être photographiés, filmés à la caméra
17 vidéo, on doit collecter les éléments de preuve éventuels et on doit
18 situer les victimes par emplacement. Et cela est nécessaire pour ce qui
19 est de la prise des échantillons, pour analyse post-mortem.
20 Etant donné que cela a été omis ou qu'on a omis de le faire, il se peut
21 que des informations importantes n'aient pas été incluses dans les
22 analyses pour ce qui est du site du crime. Est-il exact dans ce que vous
23 dites ici, à savoir que les carences dans la collecte de ces informations
24 et de ces éléments ont peut-être influé sur l'évolution de votre travail?
25 Réponse: C'est ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il se pouvait que des
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1 informations aient été perdues, informations importantes, et je m'en tiens
2 à mes déclarations d'alors.
3 Question: Je vous demanderai, étant donné cette position-là, de vous
4 pencher sur ce qui suit et j'ai très peu de temps. Il y a une liste du
5 Bureau du Procureur, on dit: Racak, liste de victimes, intercalaires 6 où
6 on voit la liste de 12 personnes qui ont perdu la vie, là-bas.
7 Je voudrais que vous vous penchiez sur cette photo-là et je me propose,
8 par la suite, de vous poser quelques questions à ce sujet.
9 (Intervention de l'huissier.).
10 (Le témoin examine la photo.)
11 Avez-vous déjà vu cette photo auparavant?
12 Réponse: Je le répète, je tiens à souligner que j'ai vu tellement de
13 photographies prises sur ces lieux qu'il m'est impossible de dire si j'ai
14 vu celle-ci.
15 Cependant, je reconnais tous les corps qui se trouvent ici, qui ont été
16 découverts dans le vallon. Il me semble que je n'ai pas vu les personnes
17 qui se trouvent à l'arrière-plan, vers le haut de la photo. Sans doute,
18 n'ai-je vu que les jambes de ces personnes sur une autre photo. Mais,
19 effectivement, je reconnais les lieux.
20 Question: J'ai bien compris ce que vous avez dit. Ce que je voudrais vous
21 demander, c'est de savoir si c'est les cadavres qu'on a photographiés sur
22 le site, ce jour-là?
23 Par la suite, on a soulevé ces corps. Et le site qui a été photographié,
24 la surface du sol, est-ce que nous pourrions dire, compte tenu des traces
25 de sang, qu'il s'agit avec certitude de sang perdu par ces gens-là sur
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1 place? Et vous constaterez vous-même que, sur les personnes allongées à
2 même le sol, on ne voit aucune trace de sang.
3 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au seul examen d'une
4 photo de cette qualité, je ne veux tirer aucune conclusion ni présenter
5 d'hypothèse quant à la présence ou l'absence de sang.
6 Question: Peut-être ne m'avez-vous pas bien compris? Ce que je voulais
7 dire, c'est la seule chose suivante: c'est que cette photographie est un
8 élément nous permettant de conclure que c'est à cet endroit-là que 12
9 personnes ont perdu la vie. Une fois qu'on a soulevé ces cadavres par la
10 suite, une fois que les représentants de l'OSCE sont passés, on a
11 photographié la surface du sol, étant donné qu'ils ont tous été touchés
12 par au moins quatre ou cinq balles, est-ce qu'on devait pouvoir trouver en
13 dessous des traces de sang? Et c'est ce qui n'a pas été fait, c'est ce
14 qu'on a omis de faire.
15 Réponse: Nous parlons maintenant des défaillances ou carences des
16 premières phases de l'enquête. J'ai déjà indiqué le problème, à savoir que
17 les corps n'ont pas été répertoriés ni numérotés sur les lieux. Ils n'ont
18 pas été placés dans des housses individuelles. S'il y avait eu un
19 représentant de la police sur les lieux, si on avait interdit l'accès à
20 des personnes qui n'y avaient pas droit, effectivement, je pourrais peut-
21 être vous dire ici, aujourd'hui, ce qu'il en est, mais aujourd'hui, je ne
22 peux pas vous le dire.
23 Ce que j'aimerais dire à cet égard, c'est qu'il ne s'agit ici que d'une
24 seule photographie. Or il y en a plusieurs susceptibles d'être examinées;
25 ce sont des photos de meilleure qualité. Et sur celles-ci, il est possible
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1 de confirmer la présence ou l'absence de sang.
2 Si j'ai envoyé mes enquêteurs à Racak, après avoir terminé les autopsies,
3 c'était précisément pour qu'ils aillent dans ce vallon et pour qu'ils
4 essaient de prélever des échantillons du sol. Il faut se rappeler qu'à
5 l'époque, il faisait froid et ces échantillons de sol auraient peut-être
6 pu être utilisés pour essayer d'obtenir des échantillons, les amplifier et
7 les comparer avec l'ADN qui avait été prélevé au moment des autopsies.
8 Question: Encore une question à ce sujet, si vous êtes en mesure de
9 répondre; si vous n'êtes pas en mesure, dites-le-nous.
10 Ces 12 cadavres de personnes qui ont perdu la vie ce jour-là, vous voyez
11 qu'il n'y a pas de sang, vous savez que, dans de telles circonstances,
12 lorsque ces personnes auraient été touchées par un grand nombre de balles,
13 on devrait retrouver des traces de sang. Et, dans des circonstances telles
14 quelles, on devrait trouver des traces de sang partout.
15 Est-ce que vous êtes en mesure de nous répondre à cette question-là?
16 Réponse: Monsieur, je vous renvoie aux rapports d'autopsie. Vous trouverez
17 dans ceux-ci une liste détaillée des pièces de vêtement de ces personnes
18 qui montrent qu'il y a beaucoup de sang coagulé sur ces vêtements. Nous
19 revenons ainsi au fait que ces personnes portaient plusieurs couches de
20 vêtements, des vestes épaisses: l'absence de sang déversé me semble ici
21 tout à fait naturelle. Et ceci peut être vérifié à l'examen de chacun des
22 protocoles d'autopsie concernant ces 12 personnes.
23 Question: Merci. Peut-être ne m'avez-vous pas bien compris, mais je vous
24 remercie tout de même.
25 Ce que nous pourrions ou ce que je voudrais souligner par les questions
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1 que je pose -et j'estime que cela serait utile à l'intention de la
2 Chambre-, c'est ce qui figure au point 1-L de votre rapport, où l'on
3 énumère huit alinéas. Et, par la suite, vous avez déduit que ce sont là
4 des questions en corrélation avec des faits. Si nous démarrons par le
5 point 1, ce n'est que là que vous avez déterminé l'existence d'une
6 corrélation entre les balles et la personne qui a perdu la vie à cet
7 endroit-là. C'est ce que vous dites vous-même, n'est-ce pas?
8 Réponse: Vous commencez par le point 1. Vous faites état de la page 11 de
9 ma déclaration, je suppose?
10 Question: Oui.
11 Réponse: J'y dis que deux molaires de la mâchoire avaient été découvertes
12 à proximité de trois balles.
13 Question: Je suis tout à fait d'accord. Ce que vous avez déterminé est
14 déterminé avec exactitude. Je tiens à préciser que, dans ce cas-là, vous
15 avez établi, preuve à l'appui, que cet homme-là avait perdu la vie à
16 l'endroit même.
17 Réponse: C'est indiqué plus tard dans ce rapport. J'essaie de retrouver le
18 libellé exact.
19 Question: Non. Moi, je vous demande de me confirmer si cela est bien exact
20 ou pas. Je ne conteste pas ce que vous avez écrit ici. Je voudrais que
21 vous me confirmiez l'exactitude de ce qui y est dit.
22 Réponse: J'ai déclaré que cette victime-ci avait été abattue dans ce
23 vallon. Rappelez-vous, ses blessures ont été infligées au moment où ces
24 personnes étaient encore en vie ou à un moment proche du moment de la
25 mort.
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1 Question: Mais, déjà au point 2, vous émettez des hypothèses, vous
2 établissez des comparaisons entre les balles trouvées dans le corps, dans
3 le corps de l'homme qui a perdu la vie, et des balles que l'on a
4 retrouvées ultérieurement lors du constat.
5 Il n'a donc pas été établi un lien direct entre la balle trouvée dans le
6 corps et la balle ou les balles retrouvées bien plus tard. On a donc
7 trouvé que cette balle-là était semblable à des balles que l'on a
8 retrouvées ultérieurement.
9 Réponse: Ces renseignements détaillés se retrouvent dans le rapport de
10 l'enquête effectuée sur les lieux, document versé au dossier de
11 l'audience. Ceci se trouve à l'annexe 6; le titre est "Etudes balistiques
12 comparées".
13 Je l'ai déjà dit, la chaîne de conservation des balles au cours de
14 l'autopsie était réservée aux Juges d'instruction, ou plutôt aux
15 enquêteurs légistes de son bureau. Nous, nous avons tout juste pu
16 photographier ces balles.
17 Question: Madame Ranta, je ne conteste pas ce que vous avez déterminé. Il
18 faut que nous prenions en considération le temps que j'ai à ma
19 disposition.
20 Je veux juste dire que vous n'avez pas établi de corrélation directe entre
21 les balles qui ont été retrouvées ultérieurement sur les lieux et les
22 balles dans le corps. Ce n'est que de façon indirecte qu'on a établi une
23 concordance entre les balles dans le corps et les balles qui ont été
24 retrouvées ultérieurement sur le site.
25 Réponse: Les balles présentaient des caractéristiques analogues,
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1 identifiables. Ce sont des experts en balistique qui ont procédé à cette
2 comparaison.
3 Question: Mais c'est précisément ce que je vous demande. Je vous demande
4 seulement de me confirmer, je ne conteste rien. Donc, dans deux cas, vous
5 avez procédé à des comparaisons de ce type.
6 Puis, on passe aux points 3, 4, et 5, où on ne fait état que d'hypothèses
7 de votre part. Donc nous avons deux personnes jusque-là et, par la suite,
8 nous ne pouvons plus dire que vous avez établi une corrélation directe
9 entre les balles retrouvées dans les cadavres et des balles qui ont été
10 retrouvées ultérieurement sur le site.
11 Réponse: Excusez-moi, mais est-ce qu'ici, vous mentionnez le point 3? On
12 parle ici de la vitalité de la blessure.
13 Question: Bien sûr, je ne conteste pas, mais on ne voit pas, partant de
14 là, qu'il y ait quoi que ce soit de concret disant que cela est en
15 corrélation avec la personne qui a perdu la vie. On voit que les blessures
16 sont des blessures que la personne a subies pendant qu'elle était encore
17 vivante.
18 Réponse: C'est une conclusion générale tirée suite aux autopsies. Ceci
19 renvoie à une des hypothèses dont nous avons discuté aujourd'hui, à savoir
20 la possibilité qu'il y ait eu un montage, que la scène ait été montée de
21 toutes pièces.
22 Question: Je n'ai pas de traduction.
23 Et aux points 4 et 5, c'est encore quelque chose en corrélation avec des
24 hypothèses de votre part, n'est-ce pas?
25 Réponse: Les points 4 et 5? Il y est dit simplement qu'on peut examiner la
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1 répartition des balles et des fragments de balles découverts en novembre
2 1999. Et au point 5, on peut voir la répartition, la distribution des
3 douilles découvertes dans ce vallon. Vous y voyez ici les résultats de
4 notre enquête.
5 Question: Toutes ces questions, je les ai posées en raison de ce que je
6 voudrais vous demander au sujet des dires des points 6 et 7. Il s'agit là
7 de personnes qui ont perdu la vie dans le village, n'est-ce pas? Ils n'ont
8 rien à voir avec le vallon dont nous avons parlé.
9 Réponse: C'est exact.
10 Question: Sont-ce là les trois personnes que l'on voit sur cette photo-ci?
11 (Intervention de l'huissier.)
12 (Le témoin examine la photo.)
13 Ces trois personnes sont ensemble?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Je vous demande maintenant de vous pencher sur l'autre photo. La
16 deuxième photo porte des insignes ou des marquages qui figurent dans votre
17 rapport; et ces personnes se trouvent à assez grande distance les unes des
18 autres. Sont-ce les trois mêmes personnes?
19 (Intervention de l'huissier.)
20 Réponse: Je pense que oui.
21 M. Tapuskovic (interprétation): Comment expliquez-vous un tel déplacement?
22 Vous avez dit, dans votre rapport, qu'il n'y a pas eu de traces qui
23 laisseraient entendre qu'il y ait eu montage de quelque nature que ce
24 soit. C'est bien ce que vous avez dit?
25 Mme Ranta (interprétation): Monsieur le Président, on m'a montré une
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1 première photographie, celle-ci. C'est celle que nous avons utilisée dans
2 notre documentation et dans nos recherches ultérieures. Et, en principe,
3 ce même site est présenté ici. On y trouve les trois victimes avec, comme
4 point de référence, le sternum. Ces personnes sont présentées comme étant
5 exactement ici.
6 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y aurait eu montage? Est-ce
7 que l'on a essayé de monter ceci de toutes pièces?
8 Mme Ranta (interprétation): Il est très clair que le corps qui se trouve
9 au-dessus, il a dû être déplacé à un moment donné. Je ne sais pas qui a
10 pris cette photographie. Je vous l'ai dit: nous, nous avons utilisé cette
11 autre, la première qui m'a été montrée; c'était là notre document de
12 référence puisque ceci faisait partie des documents qui nous ont été
13 remis.
14 M. le Président (interprétation): En tout état de cause, ici, on ne parle
15 pas du vallon; c'est un autre lieu se trouvant dans le village.
16 Mme Ranta (interprétation): En fait, c'est tout près du village, mais ce
17 n'est pas à l'intérieur même du village.
18 M. Tapuskovic (interprétation): La chose suivante, expliquée par vos soins
19 ici, concerne le moment où ces personnes ont probablement perdu la vie.
20 Vous avez indiqué que c'est probablement au même moment. Mais dans votre
21 rapport -votre rapport, j'entends, daté du 17 mars 1999-, il est dit que
22 ce qu'on peut dire au plus, c'est qu'il semblerait que ces personnes-là
23 sont décédées à peu près au même moment.
24 Réponse: Oui.
25 Question: Si c'est bien ce que vous avez déclaré… Est-ce que vous pouvez
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1 répondre à ma question? Compte tenu du moment où les autopsies ont été
2 faites, ce qui est dit ici, donc le plus qu'on puisse dire, c'est que "ces
3 personnes sont décédées à peu près au même moment". Quand vous dites "au
4 même moment", c'est dans le cadre d'une même journée, dans un intervalle
5 de quelques heures rapprochées les unes des autres? Est-ce que vous pouvez
6 concrétiser un peu?
7 Réponse: Non, Monsieur le Président, je ne le peux pas.
8 Question: Messieurs les Juges, je me propose d'en finir rapidement. Je
9 dois revenir toutefois à une question et je vous demande l'autorisation de
10 dire ici quelque chose en corrélation avec la pratique en matière
11 judiciaire, notamment lorsqu'il s'agit de meurtres. Etant donné que cela
12 fait 40 ans que j'ai travaillé en tant qu'avocat, pendant 40 ans, et
13 auprès des tribunaux yougoslaves, je sais que nous n'avons jamais procédé
14 à l'établissement de ces moules à la paraffine. Et quand ce test à la
15 paraffine est fait, on considère que cela est un élément de preuve
16 indiscutable pour ce qui est de la perpétration d'un meurtre. Peut-être
17 ailleurs ne se sert-on plus de ce test à la paraffine.
18 Mais, si les plus grands experts en matière de médecine légale yougoslaves
19 vous disent qu'ils ont procédé à ce test à la paraffine, et que, sur les
20 40, il y a eu 37 cas de traces de poudre sur les mains des intéressés,
21 pourquoi n'avez-vous pas traité de la question et pourquoi n'avez-vous pas
22 inséré cela dans vos rapports? Parce que cela a été affirmé par des
23 personnes qui sont des experts médicaux légistes assermentés?
24 Mme Ranta (interprétation): Nous avons parlé de l'analyse des résidus de
25 poudre assez longuement. Je vous ai fait mention de manuels et je vous ai
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1 dit que j'avais été surprise de rencontrer des gens, de m'entendre dire
2 que les moules de paraffine étaient utilisés, comme vous venez de le
3 rappeler.
4 Ils sont utilisés, ils le sont encore en Yougoslavie. Je l'ai dit, c'est
5 une méthode sans valeur scientifique; je pense ici et je vous renvoie à
6 des manuels modernes. Interpol a abandonné ce test, l'utilisation de ce
7 test dès 1968, si je ne m'abuse. Par conséquent, je recommande vivement
8 que soit réévaluée la méthode utilisée dans votre pays et qu'on passe à
9 l'analyse des résidus de poudre.
10 M. Nice (interprétation): Il y a quelquefois des risques qui proviennent
11 du fait qu'un conseil exprime des questions de faits et d'avis. Je pense
12 qu'il nous serait utile d'avoir l'avis d'un expert. Une demande
13 d'assistance avait été envoyée à la République de Yougoslavie l'année
14 dernière, s'agissant de l'utilisation de tests à la paraffine, et j'ai
15 maintenant une réponse qui fait trois pages. Peut-être faudrait-il que M.
16 Tapuskovic en prenne connaissance?
17 Parmi les réponses fournies, il y a celle-ci: à savoir que, s'agissant de
18 ce qui s'est passé à Racak, il n'était pas possible de vérifier s'il y
19 avait eu contamination, puisque les résultats étaient positifs. Et ce qui
20 est plus important dans cette réponse, on nous dit ceci: "Le test a été
21 exécuté, effectué conformément aux critères appliqués dans tous les
22 manuels, utilisés dans le monde entier". Et il est mis l'accent sur le
23 fait "qu'il est seulement indicatif, qu'il n'a pas de valeur de preuve".
24 M. le Président (interprétation): S'il veut déposer, M. Tapuskovic devra
25 s'asseoir à la place réservée au témoin. Nous ne pouvons pas tenir compte
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1 de ce qui est dit, mais bien sûr, s'il tient à présenter des affirmations,
2 de quelque nature quelles soient, libre à lui de le faire. Et il affirme
3 que c'est un test qui est utilisé dans les tribunaux yougoslaves. Vous
4 pourrez peut-être vouloir utiliser ce document et nous le présenter à un
5 moment donné?
6 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)
7 M. le Président (interprétation): Essayons d'avancer. Il nous faut
8 terminer la déposition de ce témoin aujourd'hui.
9 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, ce n'est pas moi qui
10 l'affirme. Moi, j'ai posé la question de savoir pourquoi les experts de
11 l'équipe finlandaise, s'agissant d'une telle information, n'ont pas pris
12 cela en considération. Je n'ai pas dit que j'avais raison. Je n'affirme
13 rien d'autre.
14 M. le Président (interprétation): Vous avez reçu réponse.
15 M. Tapuskovic (interprétation): Je me propose de terminer en posant une
16 question liée à ce qui a trait au rapport du 17 mars, où l'on dit qu'il
17 n'y avait pas d'insignes, d'emblèmes ou d'autres choses qui indiqueraient
18 qu'il s'agissait là de personnes ayant pris part à des combats et qu'il
19 n'y avait pas de signes témoignant d'autre chose, si ce n'est de civils
20 non armés.
21 Eh bien, j'ai, Messieurs les Juges, une demande à formuler auprès de Mme
22 Ranta. Etant donné qu'elle a tout bien examiné, je dirai que j'ai des
23 renseignements en disant que, pour 24 personnes, il y avait des éléments
24 de preuve disant comment ils étaient habillés. Ils avaient trois ou quatre
25 couches de vêtements en haut et en bas du corps. J'ai choisi un exemple au
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1 hasard, mais il s'agit de 24 personnes, je le précise une fois plus de
2 plus.
3 Je voudrais que Mme Ranta se penche sur le cas en question. Je dirai qu'il
4 s'agit de la pièce à conviction RA37004F, où l'on peut constater comment
5 la personne en question était habillée. Je voudrais savoir si cela a
6 suscité des doutes. Il y avait une chaîne avec un emblème de l'UCK, est-ce
7 qu'elle a vu cela au moment même? Et pouvait-elle constater, partant de
8 là, qu'il s'agissait d'un membre de cette organisation?
9 Je voudrais qu'elle examine ces photos où l'on voit quatre ou cinq
10 éléments vestimentaires pour le haut du corps et pour le bas du corps
11 également.
12 (Intervention de l'huissier.)
13 Cela signifie que ces personnes sont longtemps restées à l'extérieur, ont
14 dormi à l'extérieur et devaient forcément s'habiller de la sorte, étant
15 donné les circonstances dans lesquelles ils se trouvaient logés. Ils
16 avaient des lignées de balles, des bandes de chargeurs de balles?
17 Réponse: Vous parlez d'espèces de chargeurs?
18 Question: Oui, en effet. Et puis, vous voyez les insignes de l'UCK.
19 Réponse: Monsieur le Président, je ne connais pas les attributs portés par
20 des membres de l'UCK ou par d'autres personnes. Ceci ne m'indique rien;
21 c'est simplement utilisé en guise d'ornement. Si c'est ceci que vous
22 décrivez comme étant un chargeur?
23 M. Tapuskovic (interprétation): Moi, je ne vous fais pas de commentaires.
24 Je vous demande ce que vous voyez. Vous voyez que l'homme en question
25 portait cinq éléments vestimentaires en haut du corps et cinq autres en
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1 bas. Est-ce que c'est ainsi que s'habille une personne qui vit dans une
2 maison et qui sort d'une maison jusqu'au moment où il en vient à connaître
3 le sort qu'il a connu sur le site même?
4 M. le Président (interprétation): Je pense que c'est une question à
5 laquelle l'expert ne saurait répondre. C'est nous qui devrons trancher la
6 question. Et ceci fait partie du dossier. Nous l'examinerons en temps
7 voulu.
8 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, vous vous rappellerez
9 que, s'agissant des deux derniers témoins afférents à Racak, je leur ai
10 demandé comment ils étaient sortis de chez eux. Ils ont répondu qu'ils
11 étaient sortis comme ils étaient arrivés dans ce prétoire.
12 Donc est-ce que le fait de s'habiller ainsi ne témoigne pas du fait que
13 c'est une personne qui est sortie de chez elle longtemps, qui séjourne
14 dans des tranchées, qui séjourne dans la montagne? Est-ce que cela n'est
15 pas quelque chose nous indiquant ce type de situation, oui ou non?
16 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Tapuskovic. Nous avons
17 entendu l'argument que vous faites valoir; nous y réfléchirons en temps
18 utile.
19 Je vous remercie, Madame. Je pense que le Juge Kwon voulait vous poser
20 quelques questions.
21 (Questions de M. le Juge Kwon, au témoin, Mme Helena Ranta.)
22 M. Kwon (interprétation): Oui, Madame Ranta. Vous avez déjà confirmé avoir
23 déclaré à la télévision allemande que Racak était, à l'époque, une plate-
24 forme de l'UCK. Je vous cite: "Il y a suffisamment d'informations qui
25 confirment qu'il y a eu des combats entre l'UCK et l'armée serbe dans ce
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1 village. Ceci m'a également été relaté." (Fin de citation.)
2 Dans quelles circonstances avez-vous appris cela? Qui vous l'a dit? Quand?
3 Mme Ranta (interprétation): Au moment où sont survenus les événements à
4 Racak, je me trouvais à Helsinki. Plusieurs personnes m'ont contactée et
5 transmis des informations. Je me souviens de m'être souvenue des pertes de
6 vies humaines à Racak, le vendredi 15. Et, si je ne m'abuse, il y avait eu
7 auparavant des rapports de l'OSCE, mais aussi des rapports parvenant du
8 bureau d'information. Je ne pourrais pas vous donner l'intitulé exact de
9 ces renseignements, mais je sais que c'est un bureau officiel des
10 autorités yougoslaves à Pristina qui a fait état de perte de vies humaines
11 à Racak.
12 Question: Merci. Vous aviez auparavant fait le commentaire suivant -je
13 vous cite-: "Je comprends qu'on pourrait dire que toute cette scène avait
14 été montée de toutes pièces dans ce vallon; j'en suis consciente parce
15 que, effectivement, c'est une possibilité se présentant". (Fin de
16 citation.)
17 Vous avez dit -je vous cite-: "Les premiers résultats de l'enquête le
18 suggèrent; je parle ici de l'enquête médico-légale". (Fin de citation.)
19 Pourquoi avez-vous tenu ces propos?
20 Réponse: Ce n'est pas exact; je ne me souviens pas avoir déclaré cela. En
21 effet, nos enquêtes médico-légales n'indiquaient pas qu'il y avait eu
22 montage dans ce vallon, que le contraire.
23 M. Kwon (interprétation): C'est tout ce que j'ai en guise de questions. Je
24 vous remercie, Madame.
25 M. Robinson (interprétation): Je voudrais poser une question à M. Nice.
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1 Vous venez de nous remettre un document provenant du ministère général de
2 la Justice. Dans certaines parties de ce document, on semble fournir une
3 réponse générale, alors que d'autres portent précisément sur Racak. Vous,
4 vous avez cité une réponse particulière; et on a toujours insisté que ce
5 recours à ce test ne donne pas une valeur concluante, mais qui est
6 seulement indicative.
7 Je ne comprends pas. Est-ce que ceci fait référence à Racak, quand on dit
8 "à chaque fois"? Ça fait référence à quoi?
9 M. Nice (interprétation): Je ne peux pas vous en dire davantage. Vous
10 connaissez le système assez formel utilisé pour ces requêtes d'assistance.
11 Vous voyez ce document, vous voyez que le ministère a divisé la question
12 que nous avions posée pour pouvoir y répondre.
13 Et pour ce qui est de Racak, ceci n'apparaît nulle part dans la question.
14 Mais dans la réponse, en haut de la page 2, on voit apparaître le nom de
15 Racak pour la première fois. Plus loin, on pose une question concernant
16 Racak, vers le troisième tiers de la page. Et moi, je suis enclin à penser
17 que les réponses se concentrent sur Racak.
18 Mais si vous voyez le nombre global de tests effectués au Kosovo en 1998
19 et en 1999, on fait référence à l'impossibilité de donner une réponse
20 précise à cause des bombardements.
21 M. Robinson (interprétation): Cette lettre est en fait une réponse à une
22 lettre envoyée par le Bureau du Procureur?
23 M. Nice (interprétation): Oui.
24 M. Robinson (interprétation): Il y a une cote de référence particulière;
25 peut-être qu'il aurait été utile de voir cette lettre pour voir ce qui a
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1 été demandé par le Bureau du Procureur.
2 M. Nice (interprétation): Oui, mais si vous examinez le milieu de la
3 deuxième page, effectivement, vous avez une réponse générale qui se
4 précise et se concentre sur Racak au moment où l'auteur de cette lettre le
5 pensait opportun, ou au moment où il y avait une question qui portait plus
6 précisément sur Racak.
7 Mais nous allons retrouver le questionnaire initial et nous verrons si
8 nous pouvons vous expliquer davantage ce qu'il en est.
9 (Les Juges se concertent sur le siège.)
10 M. le Président (interprétation): Parlons d'abord de cette lettre. A
11 l'évidence, il nous faut la lettre originale au regard des questions et
12 nous verrons s'il faut verser au dossier les deux documents ou pas.
13 Désolé de vous garder dans le prétoire alors qu'on parle de questions
14 techniques.
15 L'autre question, c'est ce jugement.
16 M. Nice (interprétation): Oui. Nous pouvons trouver des décisions, mais
17 qui ne sont pas en correspondance, en concordance avec le jugement évoqué
18 par l'accusé, à cause du numérotage des paragraphes. D'où la confusion qui
19 subsiste encore.
20 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous y reviendrons. Examinez la
21 question avant demain.
22 M. Nice (interprétation): Mon collègue pourra évoquer la question demain.
23 Je ne veux pas garder le témoin dans le prétoire, mais je pense que nous
24 allons peut-être être à court de témoins cette semaine.
25 M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord remercier le témoin
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1 d'être venu déposer. Vous pouvez vous retirer, Madame le Témoin; votre
2 déposition est terminée.
3 Je précise aux fins du dossier de l'audience que la Greffière a retrouvé
4 la dernière photographie soumise au témoin; il s'agit de la pièce 156,
5 intercalaire 9.
6 Mme Anoya (interprétation): Classeur n°1.
7 (Le témoin, Mme Helena Ranta, est reconduit hors du prétoire.)
8 (Questions relatives à la procédure.)
9 M. Nice (interprétation): Le temps passe, je me rends compte. Je parle
10 pendant que le témoin se prépare à se retirer.
11 Nous avons du mal à remplir les audiences de demain et d'après-demain. Je
12 ne sais pas qui l'avait dit -ce n'était sûrement pas nous- mais on avait
13 pensé que le témoin allait occuper deux journées d'audience. Nous avions
14 prévu un témoin vendredi, mais ce dernier s'est désisté à la dernière
15 minute. Nous n'avons plus tellement de témoins factuels à ce stade de la
16 procédure que nous pouvons toujours appeler au dernier moment. Nous avons
17 certains témoins susceptibles d'intervenir, notamment certains qui font
18 l'objet du 92bis pour lesquels il faudra un contre-interrogatoire.
19 M. le Président (interprétation): Quel est le témoin qui s'est désisté?
20 M. Nice (interprétation): Rousseau, il ne viendra pas vendredi, il viendra
21 peut-être plus tard, nous l'espérons du moins.
22 M. le Président (interprétation): Mais nous avons encore le reste du
23 témoin actuel qui ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
24 M. Nice (interprétation): Non. Et puis un témoin de plus demain. Et à
25 moins que la situation ait encore évolué depuis le dernier bilan, Mme
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1 Uertz-Retzlaff dit qu'il serait inapproprié d'être trop optimiste, je
2 pense que nous pourrons consacrer un certain temps de l'audience à la
3 question du 92bis. Madame Uertz-Retzlaff est parfaitement au courant et
4 elle pourra le faire à ma place.
5 M. le Président (interprétation): Je vous interromps. Monsieur Kay sera
6 présent à l'audience demain, mais pas vendredi. Est-ce que nous ne
7 pourrions nous pas d'abord entendre le témoin, examiner le plus grand
8 nombre de témoins en application du 92bis demain donc, et nous aurions les
9 témoins qui restent vendredi? Est-ce que c'est possible?
10 (Signe affirmatif de Mme Uertz-Retzlaff.)
11 M. Nice (interprétation): Oui.
12 M. le Président (interprétation): Pour autant qu'il reste du temps pour ce
13 témoin vendredi, on pourra voir ce qu'il en est et faire le point. Mais
14 voilà l'idée.
15 M. Nice (interprétation): Oui, le témoin actuel a des jeunes enfants, il
16 faudrait en tenir compte. Monsieur Groome me demande de vous parler de
17 ceci. Il y a une requête aux fins d'ajout de témoins à la liste; le
18 problème, c'est que nous avons une liste de ces trois témoins; nous avons
19 prévu un temps de comparution, mais si nous devons nous acquitter de nos
20 obligations en matière de communication, il faut les ajouter à la liste.
21 Il faut d'abord une décision pour l'ajout, et puis il faut communication
22 des documents.
23 M. le Président (interprétation): Peut-être pourrez-vous faire parvenir
24 ceci au juriste de la Chambre? Je suis au courant, cela concerne un grand
25 nombre de témoins, mais si vous nous donnez les noms.
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1 M. Nice (interprétation): Tout à fait, il s'agit de six témoins dont je
2 communiquerai aussitôt les noms à votre personnel.
3 Depuis le 5 février, il y a encore une requête en souffrance s'agissant
4 des faits établis.
5 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas encore réglé la
6 question, ceci concerne la Bosnie
7 M. Nice (interprétation): Je vous exhorte à examiner ceci pour la raison
8 suivante. Il y a une requête similaire mais pas identique à laquelle il a
9 été fait droit dans un autre procès; il y a peut-être des documents en
10 corrélation avec ceux-ci dont vous allez peut-être vouloir vous saisir.
11 S'il est fait droit en tout ou en partie à cette requête, ceci aura peut-
12 être une incidence sur le nombre de témoins en application du 92bis qui
13 seront appelés. Pour ne pas mettre la charrette avant les bœufs, je pense
14 qu'il serait utile d'avoir une décision; de cette sorte, nous saurons s'il
15 est nécessaire de vous importuner par une autre requête en application
16 92bis concernant la Bosnie.
17 M. le Président (interprétation): Mais vous parlez de la Bosnie? On essaie
18 d'en terminer par la Croatie.
19 M. Nice (interprétation): Oui, il y a encore deux témoins pour la Croatie
20 qui sont concernées par cette requête. Je sais que Mme Uertz-Retzlaff
21 s'inquiète aussi du nombre de témoins en application du 92bis pour
22 Dubrovnik. Je crois qu'il est préférable qu'elle s'exprime à ce propos
23 demain elle-même. On peut en laisser tomber quatre, mais il y a d'autres
24 témoins du 92bis pour lesquels il n'y a pas d'objection de la part des
25 amis de la Chambre afin qu'ils tombent sous l'application complète du
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1 92bis, mais je crois que nous serons davantage en mesure de faire des
2 concessions, disons, de biffer des noms de la liste demain.
3 M. le Président (interprétation): Nous allons nous occuper de tout cela
4 demain. Est-ce qu'il y a un autre procès cet après-midi?
5 Un instant, Monsieur Milosevic. Je parle à la Greffière d'audience. Il
6 nous reste un peu de temps, puisque l'audience commence seulement à 15
7 heures, mais enfin on a terminé aujourd'hui.
8 Vous aurez la parole dans un instant, Monsieur Milosevic.
9 Nous allons régler ces questions demain, tout ce qui a trait également à
10 l'Article 92bis. Nous allons examiner la question des faits établis dans
11 les meilleurs délais. Vous nous donnerez le nom de ces trois témoins et
12 nous verrons s'il est possible de rendre une décision orale à ce propos.
13 M. Nice (interprétation): Il s'agit de six témoins.
14 M. le Président (interprétation): Six?
15 Monsieur Kay?
16 M. Kay (interprétation): Je pourrais terminer le dépôt des écritures en
17 application du procès Dokmanovic et de transcriptions de dépositions
18 faites dans le procès Dokmanovic. Ceci pourra être fait demain si la
19 Chambre dispose de suffisamment de temps pour prendre connaissance des
20 écritures.
21 M. le Président (interprétation): Nous allons examiner la question. Ce
22 n'est peut-être pas très raisonnable. Nous venons juste de recevoir vos
23 écritures; difficile de les traiter toutes.
24 Monsieur Milosevic, vous allez avoir la parole dans un instant.
25 Mais, puisque nous traitons des questions administratives, il faut
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1 mentionner les questions concernant la semaine prochaine. Lundi, il y aura
2 visioconférence, il faudra que cela se passe à 9 heures; je pense que le
3 Greffe prendra des dispositions, nous devrons commencer à 9 heures,
4 s'agissant de la déposition du témoin en question.
5 M. Nice (interprétation): J'avais déjà dit qu'il serait sans doute utile
6 de lire les documents à l'avance et d'avoir les cartes. Difficile de
7 manipuler des pièces lorsqu'il y a visioconférence.
8 La déclaration fait 29 pages, il est préférable d'en avoir pris
9 connaissance au préalable. La lecture devrait être facile, me disent les
10 enquêteurs qui l'ont recueillie. C'est un récit assez intéressant qui est
11 contenu dans cette déclaration.
12 M. le Président (interprétation): Merci. Mardi… Je pense qu'il est
13 préférable de passer rapidement à huis clos partiel.
14 (Huis clos partiel à 13 heures 50.)
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6 (Audience publique à 13 heures 53.)
7 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
8 M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si l'accusé et tout le monde a
9 une liste des témoins pour la semaine prochaine, quatre journées
10 d'audience. Nous allons peut-être déposer une requête afin de réaménager
11 l'horaire prévu.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?
13 M. Milosevic (interprétation): Ce que je voulais seulement faire, c'était
14 commenter ce que M. Nice a dit tout à l'heure. Il a parlé d'une
15 proposition quelconque de leur part, comme il l'a dit, au sujet de faits
16 admis. Moi, je dois dire que c'est la première fois de ma vie que je vois
17 quelque chose d'aussi dépourvu de sens parce que tout tribunal légal au
18 monde juge des personnes et non pas des faits. Et quoique votre Tribunal
19 soit bien illégal, je crois comprendre que vous aussi, vous vaquez à ce
20 type d'activité à l'égard de personnes et non pas à l'égard de faits. Et
21 je ne pense pas qu'on puisse admet des faits comme étant admis partant
22 d'affaires où l'on peut douter de l'intérêt de ce dont il s'agit pour ce
23 qui est de déterminer...
24 M. le Président (interprétation): Je vous interromps pour les raisons
25 suivantes: ce n'est pas de cela qu'on traite maintenant. Nous vous
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1 donnerons l'occasion de vous adresser à nous; lorsque nous allons nous
2 saisir de la requête, une audience y sera consacrée.
3 Est-ce que vous pourriez le faire la semaine prochaine? Vous serez ici,
4 Monsieur Kay?
5 M. Kay (interprétation): Oui, la seule journée où je ne serais pas à La
6 Haye, c'est lundi.
7 M. le Président (interprétation): Donc ça ne sera pas lundi, mais on s'en
8 occupera la semaine prochaine et vous aurez la parole à ce propos la
9 semaine prochaine.
10 M. Milosevic (interprétation): Une question encore, je vous prie. Je viens
11 d'apprendre qu'on allait encore modifier l'ordre de comparution des
12 témoins. Je voudrais aujourd'hui disposer d'une information me disant quel
13 va être l'ordre de comparution des témoins pour demain, après-demain et la
14 semaine prochaine; parce que, pour le moment, ce que je sais c'est qu'on
15 va continuer un témoin déjà entamé. Cela ne pose pas de problème et
16 prendra très peu de temps. Mais qu'en est-il du reste?
17 M. le Président (interprétation): Par la suite, nous entendrons les
18 arguments juridiques portant sur les témoins déposant en application du
19 92bis. Il y en a beaucoup pour la Croatie, surtout pour les témoins de
20 Dubrovnik. J'ai déjà cité les numéros les concernant hier.
21 M. Nice (interprétation): J'ai l'intention de respecter cette liste, à
22 moins qu'il ne soit nécessaire de prendre en premier lieu tel ou tel
23 témoin. Et si le besoin s'en fait sentir, j'informerai la Chambre lundi.
24 Je me trompe toujours dans les chiffres… C'est lequel? Je me tourne vers
25 mon assistante.
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1 Peu importe, j'en informerai votre personnel. Il se peut qu'on fasse
2 avancer d'une place un des témoins.
3 M. le Président (interprétation): L'audience est levée, elle reprendra
4 demain matin.
5 (L'audience est levée à 13 heures 57.)
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