Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Lundi 28 avril 2003.)

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 03.)

  3   (Audience publique.)

  4   (Questions relatives à la procédure.)

  5   M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord aborder des

  6   questions administratives ce matin, le reliquat de notre dernière

  7   audience.

  8   Monsieur Nice, il serait sans doute opportun de commencer par soulever les

  9   questions à régler ce matin. Moi, j'ai, de mon côté, la sélection finale

 10   des témoins relevant de l'Article 92bis pour la Croatie.

 11   M. Nice (interprétation): Mon confrère, M. McKeon, va en parler.

 12   M. le Président (interprétation): Puis, il y a les témoins par transcript

 13   de Foca, par compte rendu d'audience.

 14   M. Nice (interprétation): Oui, je peux en parler.

 15   M. le Président (interprétation): Avez-vous d'autres questions à soulever?

 16   M. Nice (interprétation): Quelques questions administratives, tout au

 17   plus.

 18   M. le Président (interprétation): Fort bien.

 19   Nous allons commencer par les témoins en application de l'Article 92bis.

 20   Maître Kay, êtes-vous prêt à intervenir?

 21   M. Kay (interprétation): Oui. Je pense que nous pouvons gagner du temps

 22   parce qu'en fait, ce qui a été la trame commune à toutes les dépositions

 23   précédentes, c'est la question de la JNA telle que mentionnée dans ces

 24   déclarations.

 25   M. le Président (interprétation): Oui.

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  1   M. Kay (interprétation): C'est ce qu'ont dit les amis de la Chambre au nom

  2   de l'accusé à propos du contre-interrogatoire.

  3   M. le Président (interprétation): Oui. Il serait sans doute utile que vous

  4   interveniez en premier lieu, Monsieur Kay, si vous êtes en mesure de le

  5   faire.

  6   M. Kay (interprétation): Ce n'est peut-être pas très commode, le temps de

  7   retrouver mes déclarations.

  8   M. le Président (interprétation): Je comprends. Je pensais que vous étiez

  9   prêt.

 10   Moi, j'ai certains chiffres ou numéros: 1055, 1086, 1089, 1136, 1162,

 11   1175, 1185, 1191, 1215, 1238.

 12   M. McKeon (interprétation): J'ai essayé de rassembler ces témoins par

 13   groupes. Ce sont tous des témoins factuels à propos de la base des crimes.

 14   Ce serait donc cumulatif par rapport aux dépositions de Grujic et de

 15   Strinovic.

 16   Le premier groupe commence par le témoin 1086; il y a également le 1136 et

 17   le 1191. Ce sont, dirais-je, des témoins à propos du nettoyage ethnique.

 18   Le témoin 1086 parle du nettoyage ethnique de la région d'Erdut. Quant au

 19   témoin 1136, il parle du nettoyage ethnique de Ilok. Le 1191 parle du

 20   nettoyage ethnique de Babska.

 21   Autant de témoins cumulatifs par rapport à la déposition de (expurgé) qui

 22   a parlé du nettoyage ethnique de Lovas. Je relève également qu'il y avait

 23   des témoins en application du 92bis déjà admis au dossier en application

 24   de cet Article; il s'agirait du témoin C-1126 qui a parlé du nettoyage

 25   ethnique d'un autre témoin. Je les regrouperai donc de cette sorte.

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  1   Quand aux témoins suivants de la liste, il y aurait le témoin 1238 qui

  2   parle de l'incident du champ de mines de Lovas et nous avons déjà entendu

  3   une déposition à propos de cet incident; elle venait de (expurgé).

  4   Les amis de la Chambre conviendront sans doute qu'il s'agit ici d'un

  5   témoignage cumulatif.

  6   Mon témoin suivant sera le témoin 1175. Il parlera de l'incident aux

  7   fermes de Lovas; c'est différent de l'incident du champ de mines. C'est

  8   une personne qui a transporté certains des corps trouvés sur ces lieux.

  9   En application du 92bis, nous avons déjà entendu la déposition du témoin

 10   C-1154 qui avait été admis en application du 92bis pour cet incident. Il y

 11   a aussi le témoin C-1071 admis en application du 92bis. En fait, le témoin

 12   C-1071 et celui-ci parlaient de la même victime; ils déposaient à propos

 13   de la même personne.

 14   Groupe suivant: il parlera des deux incidents survenus à Dalj; paragraphes

 15   50 et 51 de l'Acte d'accusation. Il s'agirait du témoin C-1185 et du

 16   témoin C-1215. S'agissant de cet incident, nous avons déjà entendu dans le

 17   prétoire le témoin C-025 et le témoin C-013. Et ont déjà été admis au

 18   dossier s'agissant de cet incident, en application du 92bis, les témoins

 19   C-1187 et 1140 pour le paragraphe 51, et le témoin 1052 pour le paragraphe

 20   50.

 21   Dernier groupe: il se composera de trois témoins: les témoins 1162, 1055

 22   et 1089. Ces trois témoins parlent de "Arkan" et des meurtres qui, d'après

 23   l'Acte d'accusation, auraient été commis par les "hommes d'Arkan". Le

 24   témoin 1162 a été arrêté par "Arkan" et identifiera d'autres prisonniers

 25   détenus par "Arkan", y compris certaines des victimes reprises dans l'Acte

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  1   d'accusation.

  2   Le témoin C-1055 nous dira qu'après l'arrestation d'une des victimes, dès

  3   le lendemain, on lui a dit d'emménager dans la maison de la victime; ce

  4   qui montrait qu'on savait que la victime n'allait pas rentrer chez elle.

  5   Enfin, nous avons le témoin C-1089 qui parle de Klisa. Il a été arrêté,

  6   mais relâché plus tard et pourra donner l'identité de certaines des

  7   victimes.

  8   Je pense que j'ai ainsi abordé tous les témoins de la liste.

  9   M. le Président (interprétation): Merci.

 10   M. Kay (interprétation): Oui, depuis le premier dépôt des écritures par

 11   les amis, nous avons évolué. Parce que maintenant certains de ces endroits

 12   sont connus, on ne peut pas contester le fait qu'ils représentent, en

 13   fait, un cumul des faits argumenté par le Bureau du Procureur.

 14   Le seul point qui reste encore à aborder, c'est celui du contre-

 15   interrogatoire. Nous estimons, pour notre part, que l'accusé devrait avoir

 16   le droit d'y procéder; il devrait pouvoir contre-interroger sur les points

 17   qui sont importants pour sa défense.

 18   Et, dans le cadre des questions pertinentes eu égard à l'Acte

 19   d'accusation, il y a la question de la JNA. Nous avons déjà formulé des

 20   objections à cet égard. Et la Chambre de première instance a déjà statué;

 21   elle a autorisé le contre-interrogatoire, ceci s'applique également à ce

 22   lot de témoins.

 23   M. le Président (interprétation): Mais à tous?

 24   M. Kay (interprétation): Je n'ai pas, en fait, mes documents sous les

 25   yeux, je m'en excuse; mais, si je me souviens bien, cela s'applique à tous

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  1   les témoins sauf deux, deux témoins qui, eux, n'avaient pas mentionné la

  2   JNA.

  3   M. le Président (interprétation): Je vois. Le 1089 et le 1162?

  4   M. Kay (interprétation): Oui, c'est bien ce dont je me souviens. Il

  5   s'agissait de deux témoins.

  6   M. le Président (interprétation): Il y a aussi le 1185; je ne sais pas si

  7   vous avez vos notes afin de vérifier pendant la pause.

  8   M. Kay (interprétation): Rappelez-vous, nous avions changé de prétoire, ce

  9   qui m'avait posé certains problèmes la dernière fois. Mais, si je me

 10   souviens bien, il s'agissait uniquement de deux témoins qui n'avaient pas

 11   mentionné la JNA. Et, de nouveau, en me basant sur ma mémoire, je dirais

 12   qu'il s'agissait de témoins tout à fait cumulatifs.

 13   M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

 14   (Les Juges se concertent sur le siège.)

 15   Monsieur Milosevic, à ce propos, avez-vous quelque chose à ajouter?

 16   M. Milosevic (interprétation): Mais vous savez, Monsieur May, vous

 17   connaissez vous-même mon objection fondamentale. Et je suppose que vous

 18   avez réussi à lire toutes les déclarations. Je ne sais pas combien de

 19   temps vous avez eu, mais je suppose -disais-je- que vous avez découvert

 20   que tout ce qui est dit par ces témoins n'avait rien à voir avec les

 21   autorités de Serbie ni avec moi-même.

 22   Je ne comprends pas pourquoi il nous faut entendre tous ces témoins venir

 23   nous parler des terreurs et des horreurs de la guerre, mais qui n'avaient

 24   rien à voir avec la Serbie. Mais, enfin, c'est la façon dont vous

 25   travaillez. C'est devenu une pratique courante. C'est à vous de décider.

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  1   M. le Président (interprétation): Fort bien.

  2   Nous allons maintenant examiner une question différente: il s'agit des

  3   témoins de Foca. Témoins qui ont déjà déposé dans d'autres affaires. Il y

  4   en a 11 en tout.

  5   Il y a eu d'abord un contre-interrogatoire de ces témoins. Et, bien sûr,

  6   ils ont déposé sous serment dans ces autres procès. Il se peut que des

  7   principes différents s'appliquent, mais la Chambre en vertu du Règlement,

  8   aura l'obligation de décider tout d'abord de la question de savoir si elle

  9   va admettre au dossier les comptes rendus de ces audiences-là; et si c'est

 10   le cas, elle devra voir s'il faut appeler à la barre ces témoins pour que

 11   soit procédé un contre-interrogatoire même s'il y a eu contre-

 12   interrogatoire dans ces autres procès déjà tenus. Sans nul doute la

 13   question sera de savoir s'il y a d'autres sujets à propos desquels ces

 14   témoins devraient être contre-interrogés.

 15   Nous avons pris connaissance des écritures déposées à ce propos, inutile

 16   de répéter leur contenu.

 17   Oui, Monsieur Groome, pourriez-vous nous donner une introduction générale?

 18   Ce sera sans doute utile.

 19   M. Groome (interprétation): Oui. Les 11 témoins mentionnés par

 20   l'accusation et mentionnés par la Chambre comme étant des témoins de Foca,

 21   sont des témoins qui ont déposé dans l'affaire Kunarac et dans l'affaire

 22   Krnojelac.

 23   Vous avez déjà statué à propos des 92bis pour des témoins similaires

 24   venant de l'affaire Dokmanovic. Moi, je vais parler des critères qui sont

 25   à la base de votre examen et de la décision que vous avez prise s'agissant

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  1   des témoins Dokmanovic, à savoir la proximité par rapport aux actes et au

  2   comportement de l'accusé; par conséquent, leur recevabilité en application

  3   du 92bis D).

  4   Il y a aussi la question de savoir s'il faut appeler à la barre ces

  5   témoins pour qu'ils soient contre-interrogés une fois de plus, mais cette

  6   fois-ci par l'accusé.

  7   Nous avons le témoin B-1542 et le témoin B-1543; tous deux ont déposé dans

  8   l'affaire Kunarac. Ils étaient connus comme étant le témoin FWS-75 et le

  9   témoin FWS-87, respectivement.

 10   Le témoin B-1542 fournit des éléments généraux quant à la prise de pouvoir

 11   à Foca, mais a elle-même fait l'objet, été victime de viols répétés sur

 12   une période de trois mois. Et elle parle d'actes similaires commis à

 13   l'encontre d'autres femmes et de jeunes filles. Le témoin B-1543 parle de

 14   la même façon de sa captivité et des viols répétés dont elle a été victime

 15   de la part de plusieurs hommes sur une période de deux mois.

 16   Pour ce qui est du premier critère -celui de la proximité-, on ne peut

 17   dire que la déposition de ces deux femmes soit proche des actes directs de

 18   l'accusé. L'accusation ne dit pas que l'accusé aurait eu une

 19   responsabilité directe pour ce qui est de la commission de ces crimes ou

 20   aurait eu une autorité sur ceux qui les ont commis. Il y a donc une

 21   distance considérable. La participation de l'accusé pour ce qui est d'une

 22   entreprise criminelle commune telle que définie dans l'Acte d'accusation,

 23   a facilité et a provoqué une situation où il était prévisible que des

 24   crimes de ce genre soient produits, soient commis.

 25   Pour ce qui est de la question de savoir si ces témoins doivent

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  1   comparaître afin de subir un nouvel interrogatoire de la part de l'accusé,

  2   c'est donc la question qui se pose. Mais, auparavant, j'aimerais vous

  3   présenter des arguments généraux sur cette question.

  4   L'accusation est tout à fait consciente du fait que… Bien sûr, le fait de

  5   pouvoir contre-interroger un témoin est un des droits fondamentaux de

  6   l'accusé et permet aussi d'assurer la légitimité et l'exactitude de toute

  7   décision finalement prise par la Chambre de première instance; ceci se

  8   trouve dans l'Article 21. Mais il y a, après l'Article 21 du Statut,

  9   l'Article 22 où l'on parle de la nécessité et de l'importance pour la

 10   Chambre de penser à l'effet qu'aurait la comparution d'un témoin pour ce

 11   qui est de témoins ayant subi beaucoup de préjudices. Nous avons ces

 12   témoins Dokmanovic et, là, il faut penser à l'effet qu'aurait une nouvelle

 13   comparution pour les témoins en question.

 14   L'accusation estime que si la Chambre met en comparaison la nécessité

 15   d'assurer la protection de ces témoins et la question de savoir si une

 16   telle protection lèse les intérêts de l'accusé, la Chambre devrait penser

 17   qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un nouveau contre-interrogatoire pour

 18   ces témoins.

 19   Nous avons le témoin B-1542 qui a déposé d'abord en interrogatoire

 20   principal, et puis fourni un contre-interrogatoire mené par trois conseils

 21   de la défense différents. Plus de 1550 pages ont été consacrées à sa

 22   déposition. Pareil pour le témoin B-1543 qui a été contre interrogé par

 23   quatre conseils différents, ce qui a fait plus de cent pages. Vous venez

 24   récemment d'entendre le témoignage du témoin B-1405 qui avait subi de

 25   telles violences également et dont le souvenir était tout à fait frais.

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  1   Nous estimons que si un nouveau contre-interrogatoire est considéré comme

  2   utile pour aider la Chambre, s'agissant de trancher une question

  3   importante dans ce procès, nous pensons effectivement qu'il faut demander

  4   la comparution de tels témoins. Inversement, si cette conviction n'existe

  5   pas, nous pensons, au Bureau du Procureur, qu'il faut respecter l'Article

  6   22 du Statut, à savoir ne pas demander à un témoin de ce genre de

  7   comparaître à nouveau.

  8   Il y a ces deux témoins et d'autres témoins et nous ne pensons pas, pour

  9   ce qui est de leur déposition, qu'un nouveau contre-interrogatoire risque

 10   d'être utile. Nous avons déposé des écritures dans ce sens mais, je le

 11   rappelle, le témoin B-1543 ne pense pas qu'elle pourrait supporter un

 12   nouveau contre-interrogatoire, et l'accusation n'a pas l'intention de

 13   demander qu'elle soit assignée à comparaître; nous ne voulons pas la

 14   forcer à comparaître. Nous pourrions la retirer en tant que témoin.

 15   En ce qui concerne ces deux femmes, je pense que l'accusé s'opposera à

 16   cette procédure, qui est pourtant conçue pour permettre une procédure

 17   correcte tout en protégeant ses droits et ses intérêts. Au cas où l'accusé

 18   n'indiquerait pas de quelle façon ce contre-interrogatoire ne serait pas

 19   adéquat ou dans quel domaine il faudrait poser des questions au témoin,

 20   nous faisons valoir les choses suivantes: nous avons déjà mené ce procès,

 21   nous menons ce procès depuis un an, et il apparaît des structures très

 22   claires dans le contre-interrogatoire. Et la Chambre devrait penser aux

 23   sujets de contre-interrogatoire régulièrement utilisés par l'accusé.

 24   M. le Président (interprétation): Réfléchissons à la question.

 25   Vous dites que si le Règlement ne fait pas expressément référence à cette

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  1   question, il n'en demeure pas moins qu'une Chambre, en se demandant s'il

  2   faut rappeler un témoin à la barre pour que soit procédé à nouveau contre-

  3   interrogatoire, la Chambre devrait penser à l'effet probable qu'aura une

  4   telle comparution sur un témoin qui a subi des événements traumatiques,

  5   comme ce fut le cas pour ces témoins. Il suffit pour s'en convaincre de

  6   lire le compte rendu d'audience.

  7   Par ailleurs, on peut comprendre qu'une Chambre voudra autoriser un

  8   contre-interrogatoire, s'il était possible de poser une question

  9   importante qui n'aurait pas été abordée précédemment.

 10   M. Groome (interprétation): Effectivement, il faut mettre des deux côtés

 11   de la balance ces deux impératifs. Et, si on ne s'attend pas à ce qu'un

 12   nouveau contre-interrogatoire ne jette pas davantage de lumière sur une

 13   question nouvelle ou une question qui n'aurait pas été correctement

 14   abordée précédemment, la Chambre aurait effectivement le droit de demander

 15   la comparution du témoin pour un nouveau contre-interrogatoire.

 16   M. le Président (interprétation): La tendance actuelle est de tenir compte

 17   de l'effet qu'a une nouvelle comparution d'un témoin qui doit venir

 18   relater une fois de plus les épreuves subies.

 19   M. Groome (interprétation): Surtout pour ce qui est de sévices et de

 20   violences sexuelles, d'autant plus si elles ont été commises sur une

 21   période très longue; comme ce fut le cas pour ces deux femmes.

 22   M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

 23   M. Groome (interprétation): J'allais vous donner un exemple. Je pense que

 24   la Chambre a le droit de voir comment s'est déroulée cette année de

 25   procès, pour voir le type de contre-interrogatoires menés en général par

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  1   l'accusé, au moment où la Chambre va se demander s'il serait utile

  2   d'entendre un témoignage mené de la même sorte. En général, l'accusé

  3   montre des incohérences qui apparaîtraient entre des déclarations

  4   préalables et la comparution à l'audience.

  5   Si la Chambre voit ce qu'ont dit le témoin B-1542 et le témoin B-1543, on

  6   voit que ceci a été fait par plusieurs avocats de la défense dans des

  7   procès différents. Rien ne porte à penser que l'accusé pourrait tirer

  8   meilleur parti des différences qui pourraient exister entre des

  9   déclarations préalables et la déposition à l'audience de ces témoins.

 10   M. le Président (interprétation): On pourrait arguer du fait que ceci

 11   pourrait se dire de pratiquement tous les témoins à qui on a montré des

 12   déclarations préalables, donc pas seulement à propos de ces deux témoins.

 13   Ceci vaut pour la plupart d'entre eux.

 14   M. Groome (interprétation): Nous adopterions la même position pour les

 15   autres témoins.

 16   M. le Président (interprétation): Et on peut se faire une idée générale du

 17   contre-interrogatoire, pas dans le détail bien sûr, parce qu'enfin c'est

 18   un critère assez approximatif, il suffit de voir le nombre de pages

 19   consacrées au contre-interrogatoire.

 20   Je vois pour ce qui est du dernier témoin que vous avez mentionné, 1543,

 21   je vois que le contre-interrogatoire a fait 102 pages, alors qu'il y avait

 22   67 pages qui avaient été consacrées à l'interrogatoire principal.

 23   M. Groome (interprétation): Si ceci peut vous aider, nous pourrions vous

 24   donner des références plus précises pour ce qui est de ces confrontations

 25   entre des déclarations préalables et les déclarations à l'audience.

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  1   M. le Président (interprétation): Oui.

  2   M. Groome (interprétation): Si vous me le permettez, je préparerai ceci

  3   d'ici à demain.

  4   M. le Président (interprétation): Oui, nous verrons ce que cela donne.

  5   M. Groome (interprétation): Autres questions régulièrement abordées par

  6   l'accusé: ce sont des parties de la déclaration préalable qui semblent

  7   improbables ou peu logiques. Et, si l'on examine les contre-

  8   interrogatoires de façon sommaire, on voit que ces questions ont été

  9   abordées profondément en profondeur par des avocats de la défense dans ces

 10   autres procès.

 11   En règle générale, l'accusé présente au témoin des faits dont il dispose

 12   et il espère que le témoin pourra confirmer de tels faits. La Chambre

 13   rappelle régulièrement à l'accusé que c'est une question qui doit être en

 14   fait évoquée au moment de la défense, au moment de la présentation des

 15   moyens à décharge. Il ne faudrait pas, à notre avis, rappeler un témoin

 16   dans l'espoir, nourri par l'accusé, de voir ce témoin confirmer ses dires.

 17   Dernière chose, nous n'avons pas pour ces témoins de document, en

 18   application de l'Article 68, qui tente à récuser ces témoins. Si la

 19   Chambre se livre à cette analyse, elle verra que les témoins B-1542 et B-

 20   1543 ne devraient pas être rappelés à la barre pour un nouveau contre-

 21   interrogatoire, à moins que l'accusé et les amis de la Chambre ne

 22   présentent des bases plus solides qui porteraient à faire croire à

 23   l'accusation que ces témoignages peuvent être utiles à la Chambre pour

 24   régler les grandes questions se posant dans ce procès. Si ce n'est pas le

 25   cas, nous estimons que les dépositions de ces témoins devraient être

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  1   admises sans nouveau contre-interrogatoire.

  2   Mesure suprême de précaution supplémentaire pour assurer la défense des

  3   droits de l'accusé, l'accusation ne s'opposerait pas à ce que l'accusé ou

  4   les amis de la Chambre, mais plus tard dans le procès, demandent à la

  5   Chambre de réexaminer cette question si, à un moment ultérieur de la

  6   procédure, il apparaissait que ces témoins auraient pu répondre à des

  7   questions importantes et si leur déposition risquait de jeter davantage de

  8   lumière sur la situation. A ce moment-là, nous ne nous opposerions pas à

  9   ce qu'il y ait rappel de ces personnes.

 10   J'ai passé pas mal de temps à l'examen du cas de ces deux témoins. Il en

 11   reste 9 que je vais aborder plus sommairement.

 12   Il y a, parmi les derniers témoins, le témoin B-1333, le témoin B-1618 et

 13   le témoin B-1120, ainsi que le témoin B-1015. Ce sont certains des témoins

 14   qui ont été protégés dans le procès de Foca; je vais donc utiliser leur

 15   pseudonyme. Il y avait FWS-104, 105, FWS-33 et FWS-111.

 16   Tous ces témoins ont parlé des conditions qui avaient prévalu au moment de

 17   la prise de pouvoir de Foca et de la situation au KP Dom. L'accusation

 18   estime qu'aucun de ces témoignages n'est suffisamment proche des actes et

 19   comportement de l'accusé que pour les rendre irrecevables en application

 20   du 92bis D).

 21   Pour ce qui est du contre-interrogatoire, voici les arguments que

 22   j'avance. L'accusation a déposé cette requête avant toute décision prise

 23   par la Chambre. La Chambre a rendu des décisions établies sans le droit

 24   prévalant dans ce procès, et ceci au sens où les témoins peuvent présenter

 25   des arguments ou des moyens de preuve concernant la JNA; c'est donc une

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  1   question importante et ils devraient contre-interrogés. L'accusation admet

  2   que, si la Chambre est encline à suivre cette analyse, elles penseront que

  3   ces témoins viendront parler de la participation de la JNA ou de

  4   l'utilisation des installations de la JNA et devraient être contre-

  5   interrogés de façon limitée.

  6   Pour ce qui est des autres questions, nous estimons que le contre-

  7   interrogatoire ne devrait pas être autorisé. Les quatre témoins ont fait

  8   l'objet de contre-interrogatoires approfondis s'agissant d'éventuelles

  9   incohérences entre leurs déclarations préalables et leurs dépositions à

 10   l'audience. Nous estimons qu'un autre contre-interrogatoire n'apportera

 11   pas grand-chose.

 12   Pour ce qui est du témoin B-1618, ce témoin a été interrogé par chaque

 13   conseil des trois accusés.

 14   Pour ce qui est du témoin B-1536, nous avons une position analogue,

 15   puisque ce témoin parle des paramilitaires de Serbie qui ont participé à

 16   l'attaque menée sur Foca, dont les "hommes de Seselj" et les "Tigres

 17   d'Arkan". L'accusation admet que si la Chambre applique la même analyse

 18   que celle utilisée au moment de sa décision de mars, la présence de

 19   paramilitaires, forces de Serbie, risque de soulever des questions

 20   suffisamment analogues pour autoriser un contre-interrogatoire limité.

 21   L'accusation pense qu'un tel interrogatoire devrait se borner uniquement à

 22   l'examen de cette question. Ce témoin a été contre-interrogé par quatre

 23   conseils différents à l'occasion de deux procès.

 24   Dernier groupe de témoins: il s'agit du témoin B-1121, du témoin B-1537,

 25   du témoin B-1538 et du témoin B-1540 portant respectivement les

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  1   pseudonymes suivants dans le procès de Foca: FWS-111, 109, 69 et 54.

  2   De façon générale, ces témoins ont parlé du moment où éclate le conflit à

  3   Foca et décrivent les conditions qui prévalaient au KP-Dom. A voir leur

  4   déposition, il est difficile de croire qu'elles sont suffisamment proches

  5   du comportement et des actes de l'accusé, en application du 92bis D).

  6   S'agissant de la question du contre-interrogatoire, tous ces témoins ont

  7   fait l'objet de contre-interrogatoire approfondi. On a essayé de récuser

  8   certains d'entre eux en posant des questions à propos de leur

  9   participation au parti du SDA; l'un s'est vu poser des questions à propos

 10   d'un séjour ou des questions psychiatriques qui auraient pu avoir un effet

 11   délétère sur leurs souvenirs; et pour d'autres, d'autres questions ont été

 12   posées qui étaient importantes pour un juge des faits.

 13   L'accusation estime qu'aucun des témoins n'a été impliqué de façon directe

 14   dans une question importante concernant l'accusé. Je note entre parenthèse

 15   que, s'agissant du témoin B-1537, l'accusation n'a pas réussi à déterminer

 16   ses coordonnées de ces derniers mois. L'accusation demande donc

 17   l'autorisation de modifier sa requête aux fins d'admission de son

 18   témoignage qui devrait être examiné en application du 92bis C) davantage

 19   que du D). Nous allons continuer à rechercher ce témoin et nous vous en

 20   informerons.

 21   M. le Président (interprétation): Mais il faudrait qu'il y ait une

 22   déclaration sous les yeux, s'agissant du dernier témoin.

 23   M. Groome (interprétation): Oui.

 24   M. le Président (interprétation): Si vous vous voulez le faire, vous

 25   devrez agir de la sorte.

Page 19601

  1   M. Groome (interprétation): Oui, nous vous parlerons des tentatives

  2   déployées pour trouver ce témoin.

  3   Les dispositions de l'Article 22 s'appliquent tout à fait ici. Parce que,

  4   si un témoin comparait ici, il va inévitablement ressentir certains

  5   effets, surtout s'il a ressenti ces effets dans d'autres procès difficiles

  6   également.

  7   La Chambre devra voir ou considérer ce facteur, se demander si un nouveau

  8   contre-interrogatoire permettra de glaner de nouvelles informations, et

  9   verra si les droits fondamentaux de l'accusé ne sont pas lésés s'il n'y a

 10   pas un nouvel interrogatoire par l'accusé.

 11   S'agissant du témoin B-1542, du témoin B-1543, du témoin B-1121, du témoin

 12   B-1537, du témoin 1538 et du 1540, nous pensons que ces témoignages

 13   devraient être admis sans qu'il y ait un nouvel interrogatoire, ceci sans

 14   violer les droits qu'a l'accusé à un procès équitable ou au droit de

 15   procéder à un contre-interrogatoire. Nous estimons que la Chambre va, si

 16   elle emploie la même analyse que celle utilisée dans sa décision du 27

 17   mars 2003, cela voudrait dire que les témoins B-1015, 1120, 1533, 1618 et

 18   1536 devraient comparaître pour contre-interrogatoire limité. Cependant, à

 19   notre avis, ce contre-interrogatoire devrait se limiter uniquement aux

 20   questions soulevées par l'accusé, à savoir la présence...

 21   M. le Président (interprétation): Vous avez fait allusion à l'Article 20

 22   du Règlement. Je pense que vous semez la confusion, parce que vous parliez

 23   de l'Article 22 du Statut, n'est-ce pas?

 24   M. Groome (interprétation): Oui, excusez-moi. C'est l'Article 22 du

 25   Statut.

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  1   M. le Président (interprétation): Ceci concerne les droits de la victime,

  2   bien sûr?

  3   M. Groome (interprétation): Oui. Et il y a aussi ce que cela signifie pour

  4   un tel témoin de comparaître devant ce Tribunal, au niveau des coûts

  5   humains et autres. Nous estimons que, pour ces témoins, le contre-

  6   interrogatoire devrait être tout à fait limité. Et la Chambre, dans sa

  7   décision à leur propos, devrait le spécifier.

  8   M. le Président (interprétation): Veuillez nous accorder un moment, je

  9   vous prie.

 10   (Les Juges se concertent sur le siège.).

 11   Monsieur Groome, vous avez proposé de nous remettre un tableau dans lequel

 12   seraient reprises des questions qui seraient soulevées dans le cadre d'un

 13   contre-interrogatoire et qui mettraient en exergue tous les écarts. Je

 14   pense qu'il serait particulièrement utile de disposer de ce tableau.

 15   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, en fait, je propose de

 16   revenir sur ces questions. Il y a également d'autres aspects qui devraient

 17   être portés à l'attention de la Chambre. Est-ce que vous souhaitez que je

 18   précise cela également?

 19   M. le Président (interprétation): Non, je crois qu'il s'agit là des

 20   questions principales. Je vous remercie.

 21   Maître Kay, je vous en prie.

 22   M. Kay (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 23   L'accusé a fait remarquer à plusieurs reprises dans le cadre de son

 24   procès, son désir de pouvoir interroger les témoins. Il s'agit là d'une

 25   question qui relève directement de l'appréciation même des Juges de la

Page 19603

  1   Chambre de première instance; et j'invite la Chambre à tenir compte de la

  2   façon dont l'accusé a présenté sa thèse ainsi que les déclarations qu'il a

  3   formulées quant à la nécessité pour lui de veiller à ce que les éléments

  4   de preuve soient présentés en audience publique.

  5   Nous pensons qu'il s'agit là d'un aspect très important dans le cadre de

  6   n'importe quel procès lorsque l'on traite de la question de l'équité.

  7   Comme je l'ai déjà fait remarquer, l'accusé a droit à bénéficier à une

  8   procédure régulière conforme au droit en application de l'Article 21

  9   alinéa 2 du Statut de ce Tribunal.

 10   Dans le contexte même de ce procès, ces 11 témoins n'auraient pas été

 11   appliqués ou n'auraient pas été entendus dans le cadre d'une audience

 12   publique. En application de ce même Article -l'Article 21- l'accusé a le

 13   droit de se défendre en présence, de procéder au contre-interrogatoire et

 14   d'interroger directement ces témoins suite à la l'interrogatoire

 15   principal.

 16   Or si ces témoins ne sont pas présents, il n'aura pas pu vérifier le

 17   comportement ou prendre note des autres caractéristiques personnelles de

 18   ces témoins. Et, pour lui, l'importance de cette déposition ne peut pas

 19   être appréciée de façon adéquate à ses yeux comme cela était le cas dans

 20   le cadre d'autres affaires pour d'autres accusés qui se voyaient imputer

 21   d'autres accusations dans un contexte totalement différent.

 22   En application de ce même Article 21, l'accusé a le droit à interroger ou

 23   à faire interroger les témoins à décharge. Il s'agit là des éléments

 24   principaux que l'on peut retrouver dans le Statut et qui vise à une

 25   procédure conforme au droit dans l'intérêt de l'accusé.

Page 19604

  1   Ayant repris ces principes, il importe, dès à présent, de souligner les

  2   raisons pour lesquelles cette procédure se déroule en audience publique.

  3   Il faut donner la possibilité à l'accusé de présenter ses moyens, il faut

  4   qu'il puisse interroger les témoins et qu'il puisse entendre lui-même ce

  5   qui se dit dans le cadre de son procès qui est intenté contre lui.

  6   Les raisons qui ne seraient pas retenues dans le cadre d'affaires

  7   préalables, ne jouent plus en l'occurrence. En effet, il faut pouvoir

  8   procéder au contre-interrogatoire compte tenu des instructions qu'il

  9   donnera lui-même. Il importe d'accorder une valeur prépondérante au

 10   contre-interrogatoire, et ceci dépend toujours du contexte dans le cadre

 11   duquel l'individu à l'époque fait l'objet d'un procès.

 12   Ceci est dans l'intérêt des autres affaires qui seront instruites et dans

 13   le cadre desquelles on procédera au contre-interrogatoire. Et il ne faut

 14   pas poursuivre des intérêts ou envisager des séries de questions qui

 15   pourraient être importantes pour cet accusé, à savoir qu'il s'agit d'un

 16   processus qui vise à bénéficier les intérêts de l'accusé.

 17   En fait, dans le cadre d'affaires antérieures, on ne visait uniquement à

 18   servir les intérêts des personnes qui avaient été accusées et non pas les

 19   intérêts de M. Milosevic même. Il ne s'agit pas d'intérêts mutuels.

 20   M. le Président (interprétation): Vous êtes en train de dire, d'une façon

 21   générale, qu'on ne peut pas appliquer cet Article. Et par conséquent, ce

 22   que vous êtes en train de dire, c'est que nous devrons ignorer tout cela

 23   parce qu'en fait, ces observations, de caractère général, pourraient

 24   s'appliquer à n'importe quel procès?

 25   M. Kay (interprétation): Il s'agit, en fait, d'une règle d'appréciation

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  1   des Juges; et nous demandons à ce que cette règle soit utilisée de façon

  2   appropriée par les Juges. Il ne faut pas les utiliser de façon

  3   systématique, parce qu'en fait, elles peuvent diminuer l'importance d'un

  4   procès et, d'une certaine façon, elles peuvent diluer le procès faute de

  5   ne pas mettre en exergue les intérêts d'un accusé; dans le cas, en

  6   l'espèce, je parle de l'accusé dont il est question. Et il importe de

  7   noter que cet Article lui-même n'est pas un Article qui figurait au moment

  8   même de la création de ce Tribunal; il s'agit d'un Article qui a été

  9   rajouté par la suite. Et je pense que, pour ma part, il s'agirait là d'une

 10   des façons dont la procédure devrait être menée à bien.

 11   M. le Président (interprétation): Je tiens également à souligner que l'on

 12   ne pensait pas qu'un procès pouvait durer aussi longtemps, mais peut-être

 13   qu'il s'agit là d'un aspect totalement différent. Et en fait, que les

 14   fondateurs ou les auteurs mêmes de cette Convention n'aient pas envisagé

 15   ces problèmes souligne le point, du moins à mes yeux.

 16   M. Kay (interprétation): En fait, les auteurs travaillaient en ayant à

 17   l'esprit les principes mêmes qui sous-tendent le Statut. Et l'on peut

 18   envisager des situations dans lesquelles les Articles fondamentaux du

 19   Statut qui ont donné naissance au Tribunal pourraient devenir moins clairs

 20   simplement parce qu'il faut diligenter les procédures. Et, en fait, ainsi

 21   ils privent l'accusé de ses droits fondamentaux qui sous-tendent tout

 22   procès quel qu'il soit. Je parle ici, bien sûr, d'un procès équitable,

 23   conforme au droit.

 24   M. le Président (interprétation): Mais cela dépend du point de vue de… à

 25   savoir si les procès doivent se dérouler de façon orale. Et, en fait, il

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  1   ne fait aucun doute que cela figurait dans l'esprit même des pères

  2   fondateurs de ce Tribunal.

  3   A présent, nous traitons tous les éléments de preuve de façon équitable.

  4   Bien sûr, je comprends qu'il s'agisse de prendre ou de défendre une

  5   certaine position lorsqu'il s'agit d'examiner certains éléments de preuve,

  6   mais il faut tenir compte de la taille même d'une affaire, de la quantité

  7   des éléments de preuve dont est saisi le Tribunal. Et il s'agit, pour

  8   nous, d'essayer de diligenter toute la procédure. Et c'est la raison pour

  9   laquelle nous nous reposons de plus en plus sur les dépositions par écrit.

 10   M. Kay (interprétation): D'une façon générale, si l'on voit à la lumière

 11   du nombre de pages qu'une affaire a été ou non traitée, je pense, pour ma

 12   part, qu'il s'agit là d'une façon tout à fait inadéquate d'évaluer la

 13   possibilité que l'on ait contesté les éléments de preuve. Le nombre de

 14   pages n'importe pas, c'est plutôt la qualité qui importe; la quantité n'a

 15   pas sa place ici. Ceci nous permettrait de déterminer la façon dont on a

 16   mené à bien une tâche.

 17   Nous pensons, pour notre part, que le témoin B-1015, au début du contre-

 18   interrogatoire par le conseil de la défense, a refusé de collaborer, a

 19   refusé de répondre aux questions et, en fait, a adopté une attitude

 20   hostile. Par la suite, le conseil de la défense a dû revenir sur des faits

 21   qui n'étaient pas précis dans le cadre du contre-interrogatoire; et

 22   ensuite, ce conseil de la défense a été critiqué pour ce fait par les

 23   Juges de la Chambre de première instance. Ceci met en exergue toute la

 24   nature du problème si l'on utilise des éléments de preuves qui ont été

 25   présentés dans le cadre d'autres affaires où les intérêts des parties en

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  1   présence ne sont pas mutuels: les personnes qui s'acquittent de leurs

  2   tâches dans des procès différents ne sont pas animées des mêmes intérêts.

  3   Les stratégies, d'une affaire à l'autre, peuvent être totalement opposées.

  4   Chaque stratégie retenue dans une affaire pour un accusé doit être

  5   examinée sous l'optique d'un processus qui vise à défendre les intérêts de

  6   l'accusé. Il ne s'agit pas là d'une remarque désobligeante de ma part,

  7   mais il s'agit là tout simplement d'un fait, étant donné qu'ils doivent

  8   contester la procédure.

  9   J'ai pris note de l'observation formulée par les Juges de la Chambre de

 10   première instance et, en fait, je comprends que ces observations se

 11   réfèrent directement à cet Article. Toutefois, notre position à cet égard

 12   est la suivante: il s'agit ici d'un Article auquel il faut faire recours

 13   de façon parcimonieuse et non pas de façon systématique.

 14   M. Robinson (interprétation): Il me semble, pour ma part, Monsieur Kay,

 15   que vous dites ici qu'il s'agit d'un Article qui, s'il n'est pas utilisé

 16   avec soin, peut en fait dépasser le cadre des pouvoirs du Statut.

 17   M. Kay (interprétation): Oui, c'est en effet cela. Notre position est la

 18   suivante: étant donné qu'en fait, les principes qui sous-tendent, à

 19   l'heure actuelle, vont dans une direction qui va à l'encontre de nos

 20   intérêts, et il faut tenir compte du Règlement et du Statut de ce

 21   Tribunal.

 22   M. Kwon (interprétation): Monsieur Kay, soyons précis. Pourriez-vous

 23   formuler une observation plus précise s'agissant des deux témoins? Il

 24   s'agit des victimes de viol qui portent les références 1542 et 1543.

 25   Quelle est votre position?

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  1   M. Kay (interprétation): Ma position est très claire. S'agissant de ce

  2   crime, ces victimes doivent être traitées de façon égale. Et si l'on

  3   envisage à présent un procès dans lequel on autoriserait que certains

  4   types de crime soient prouvés à l'encontre d'un accusé plutôt que

  5   d'autres, une fois de plus, vous vous écartez des principe fondateurs

  6   mêmes de ce Tribunal qui parle d'une façon générale des victimes et qui

  7   bénéficie de mesures égalitaires sans introduire de distinction entre une

  8   classe et une autre.

  9   Cela étant, il n'y a pas d'élément de preuve de nature médicale qui puisse

 10   parler de dommages et qui devrait être pris en considération par les

 11   Juges. Ceci afin de déterminer si, oui ou non, il y a lieu de revenir sur

 12   la procédure usuelle retenue pour le recueil des dépositions.

 13   M. le Président (interprétation): Etes-vous en train de dire qu'il s'agit

 14   là d'une question qui ne relève pas de notre ressort? Et en deuxième lieu,

 15   êtes-vous en train de dire que vous avez besoin d'éléments de preuve de

 16   nature médicale pour juger des effets post traumatiques d'un viol

 17   lorsqu'une victime doit se présenter et venir déposer au sujet d'une série

 18   de viols dont elle aurait fait l'objet?

 19   Je ne pense pas que le Tribunal ait besoin de tels éléments de preuve. En

 20   dernier ressort, je pense qu'il ne s'agit pas ici de parler de catégories

 21   différentes. En fait, la question qu'il y a lieu de se poser est la

 22   suivante: un témoin qui est tenu de venir faire une déposition au sujet

 23   d'événements traumatiques qu'il a connus, et que cette personne serait par

 24   la suite contrainte de se déplacer à nouveau afin de subir un contre-

 25   interrogatoire, je pense que vous êtes en train en fait de parler des

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  1   principe égalitaires du contre-interrogatoire; et il est évident qu'il

  2   faut tenir compte de tous ces éléments.

  3   Mais, êtes-vous en train de dire que nous ne devons pas tenir compte de

  4   ces éléments lorsque nous devons statuer au sujet d'un contre-

  5   interrogatoire éventuel ou non?

  6   M. Kay (interprétation): Je pense pour ma part, Monsieur le Président, que

  7   toute victime qu'elle ait ou non souffert d'un crime -et je parle donc

  8   évidemment de victimes de violences sexuelles-, il est aisé de comprendre

  9   l'ampleur des traumatismes que ces victimes pourraient connaître dans le

 10   cadre d'un prétoire. Mais la question qui est posée est la suivante: à

 11   savoir l'accusé est jugé ici, il est question de sa liberté et, pour lui,

 12   la façon dont les éléments de preuve sont communiqués revêt une importance

 13   fondamentale.

 14   Il importe ici de noter de l'affaire dont le Tribunal est saisi

 15   actuellement, et l'accusé a précisé à maintes reprises, qu'il ne voulait

 16   pas d'une certaine manière cuisiner inutilement les témoins.

 17   Par conséquent, je ne veux pas que vous croyez qu'il s'agit des amis de la

 18   Chambre et, plus particulièrement, de moi-même qui imposons ce point de

 19   vue sur les victimes.

 20   Ce n'est pas là l'objet de mon intervention. J'essaie simplement de mettre

 21   en exergue les problèmes qui sous-tendent les dépositions qui ont été

 22   données dans différentes circonstances contre des accusés différents, qui

 23   sont animés d'intérêts différents dans un contexte différent d'une façon

 24   générale.

 25   Par conséquent, pour ma part, je ne tiens pas utiliser ceci comme un

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  1   exercice à l'encontre d'une victime. Nous avons examiné les Articles du

  2   Statut qui revêtent une importance fondamentale et qui concernent les

  3   droits des victimes, mais la question qui est posée ici a trait à la

  4   nature publique du procès.

  5   Or l'accusé a souligné à maintes reprises toute l'importance qu'il y a

  6   lieu d'accorder à cette question, non seulement en ce qui concerne le

  7   procès intenté contre lui, mais également toutes les personnes qui suivent

  8   ce procès qui pourraient devenir des témoins et auprès de qui il a fait

  9   remarquer à maintes reprises qu'il n'avait pas peur ou qu'il ne sentait

 10   pas la nécessité de falsifier les données à son encontre. On pourrait

 11   examiner cette question dans un contexte différent lorsqu'un autre accusé

 12   n'est pas aussi important ou n'a peut-être pas les feux de la rampe sur

 13   lui. Et lorsque s'agit de questions qui sont moins importantes, comme j'ai

 14   eu l'occasion de travailler dans le cadre d'une autre affaire, je peux

 15   vous dire que l'on peut fermer les yeux étant donné que cela n'a pas de

 16   répercussion directe sur l'Acte d'accusation, et compte tenu des intérêts

 17   qui sont les vôtres, parce qu'en fait, il faut veiller à ce que l'accusé

 18   réponde des charges qui sont portées à son encontre. Mais s'agissant de

 19   l'accusé en l'espèce, et compte tenu de sa stratégie, on peut voir dès à

 20   présent que son analyse, son interprétation du procès ainsi que les tâches

 21   qu'il doit accomplir sont totalement différentes de ses propres intérêts.

 22   J'aimerais à présent revenir sur les pièces à conviction, les déclarations

 23   du témoin. Il me semble que dans ce procès, pour des raisons que je

 24   n'arrive pas à expliquer, du moins à la lecture du compte rendu, il me

 25   semble que ces déclarations de témoin ont été versées directement dans le

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  1   cadre de l'interrogatoire principal qui avait été mené à bien par

  2   l'accusation.

  3   M. le Président (interprétation): De quel procès s'agit-il?

  4   M. Kay (interprétation): Il s'agit du procès Foca. J'ai beaucoup de mal à

  5   prononcer les noms, mais il s'agit de Kunarac et de Krnojelac.

  6   M. le Président (interprétation): Vous dites pour ces deux procès?

  7   M. Kay (interprétation): Oui.

  8   M. le Président (interprétation): Et vous dites que ces déclarations ont

  9   été versées au dossier?

 10   M. Kay (interprétation): Oui, tout à fait. De façon routinière, les pièces

 11   versées sont donc consignées au dossier de l'audience, sont gravées dans

 12   le dossier de l'audience et peuvent être réutilisées. Or il y a dans ces

 13   déclarations beaucoup d'aspects, beaucoup de facettes qui ne sont pas

 14   contestés, que ce soit au niveau du contre-interrogatoire ou de

 15   l'interrogatoire principal.

 16   Mais la situation est tout à fait différente par rapport à une situation

 17   où vous avez un témoin qui produit un croquis, une carte, un plan dans le

 18   cadre de sa déposition, et où on comprend pourquoi le dépôt de ces pièces

 19   fait sens dans le contexte du compte rendu de l'audience. Mais si l'on

 20   verse de cette façon des déclarations préalables, c'est une façon

 21   détournée de faire admettre des déclarations préalables sans qu'il y ait

 22   de véritable audition et interrogatoire quant au contenu de ces

 23   déclarations.

 24   Nous le savons: nombreuses sont les inexactitudes. De quelle façon elles

 25   ont surgi, ce n'est pas une question qu'il me revient de trancher. C'est

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  1   un fait: il y a des écarts, il y a des inexactitudes qu'il faut mentionner

  2   parce qu'elles ont un effet certain sur la fiabilité de ces déclarations.

  3   Ici, la fiabilité de moyens de preuve est entamée; cela veut dire que la

  4   qualité d'un procès en diminue d'autant.

  5   Le deuxième élément de notre argumentaire, c'est que, de toute façon, il

  6   faut un contre-interrogatoire par l'accusé. Si la Chambre n'entend pas les

  7   arguments que nous présentons et permet le versement au dossier sur

  8   demande du Procureur d'un compte rendu d'audience, notre position de repli

  9   serait celle-ci: c'est qu'à ce moment-là, il faut qu'il y ait contre-

 10   interrogatoire.

 11   Je ne sais pas si je peux vous être utile davantage, Monsieur le

 12   Président.

 13   M. le Président (interprétation): Non. Merci beaucoup.

 14   Bien qu'il y ait encore une question: si nous avions l'intention de verser

 15   au dossier l'un quelconque de ces comptes rendus d'audience, il faudrait

 16   examiner les déclarations préalables pour voir si elles sont recevables ou

 17   pas et pour voir si elles doivent être reprises ou pas.

 18   M. Kay (interprétation): Cela devient une entreprise périlleuse. Parce que

 19   si l'on a autorisé le dépôt d'une déclaration préalable, s'il n'y a pas

 20   d'objection, il y a versement de la déclaration préalable presque en tant

 21   qu'outil, instrument de la procédure, davantage qu'en tant que moyen de

 22   preuve. Je ne sais pas si vous voyez la différence que je fais entre ces

 23   notions, de simplement utiliser quelque chose dans le cadre d'une

 24   procédure ou d'avoir vraiment un moyen de preuve.

 25   M. le Président (interprétation): Merci.

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  1   Monsieur Milosevic, avez-vous un avis particulier sur la question de ces

  2   comptes rendus d'audience?

  3   M. Milosevic (interprétation): Oui, c'est justement, Monsieur May, que

  4   j'ai quelque chose à dire au sujet de cette question toute spéciale, de

  5   même qu'au sujet du reste dont il a été traité ici.

  6   Il me semble qu'ici, on a présenté les choses en les établissant sens

  7   dessus dessous. Il ne s'agit pas de poser la question de voir si un

  8   contre-interrogatoire des témoins a été effectué; il s'agit, cette fois-

  9   ci, de présenter une inversion des thèses.

 10   La question qu'il convient de poser ici est de voir comment le contre-

 11   interrogatoire a été effectué et ce à quoi on visait par le contre-

 12   interrogatoire pour prouver tel ou tel fait. Il s'agit de parler d'une

 13   proposition portant admission de faits qui ont, prétendument, été déjà

 14   jugés par ce Tribunal. Encore que vous, Chambre de première instance

 15   illégale du Tribunal illégal, vous n'avez pas, d'ailleurs, porté jugement

 16   à l'encontre des faits, mais à des personnes plutôt.

 17   Il ne s'agit pas de parler de faits jugés au sujet desquels il a fallu

 18   tout simplement procéder en les portant à votre connaissance, mais il

 19   s'agissait de voir où, dans quelles circonstances et quand une personne a

 20   pu commettre un délit. Voilà ce dont vous vous êtes occupés pour en

 21   statuer lorsque vous voulez faire fourrer tout cela dans un procès qui

 22   est, de par sa nature, cumulatif et qui me semble être de la nature à

 23   présenter une pratique tout à fait nouvelle lorsqu'il s'agit de parler de

 24   chose jugée. Ce qui ne m'étonne pas lorsqu'il s'agit de parler du Tribunal

 25   de votre Chambre de première instance. Mais, d'après vous, au moins vous

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  1   qui vous considérez comme représentant du Tribunal, vous avez tout

  2   simplement jugé les personnes et non pas les faits; et cela sur la base

  3   des faits qui dans le cadre du procès à l'encontre desquelles personnes

  4   les procès ont été menés ont été considérées comme étant des faits

  5   établis. Cela dit, il ne s'agit pas de constater que les faits ont été

  6   établis lorsqu'on connaît la personne, on connaît le crime qui a été

  7   perpétré, où, quand et dans quelle circonstance.

  8   Voilà ce qu'il convient d'avoir en considération.

  9   Vous avez, Monsieur May, parlé aussi de principe d'économie. Lequel

 10   principe existe, je ne le conteste pas; je ne conteste pas son existence,

 11   mais je suppose pour ma part que vous n'allez pas vous permettre le

 12   plaisir de voir contester ici le principe d'économie, ne serait-ce que

 13   lorsqu'il s'agit de parler de tribunaux légaux, ce principe ne devrait pas

 14   aller à l'encontre de l'équité. Le plus souvent, vous scrutez l'horloge,

 15   vous êtes surtout intéressés au temps. Un tribunal légal devrait être

 16   surtout intéressé à l'équité du procès en cours.

 17   Et puis, je vous en prie, voyons ce que vous avez sous vos yeux. A savoir,

 18   lorsque les faits qui sont tout à fait suspects et sujets à des doutes

 19   apportés là-dessus, sont considérés comme étant des faits jugés. Or je

 20   crois que, sur ces faits-là, je devrais avoir voix au chapitre. Et puis

 21   après, grâce à des moyens, lesquels -j'espère- seront mis à ma

 22   disposition, je serais donc en mesure, étant donné ces moyens et le reste,

 23   de dire que les faits n'ont pas été établis, qu'ils sont plutôt le

 24   résultat d'une mauvaise compréhension, une mauvaise appréhension de la

 25   problématique; que certains faits ont été montés de toutes pièces. Et

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  1   puis, l'établissement et l'administration de la preuve ont été d'ailleurs

  2   le résultat de compromis avec la partie adverse, le soi-disant Procureur.

  3   Voilà la raison pour laquelle la partie adverse s'active ici, tel un tissu

  4   malin au sein de la pensée juridique et de la jurisprudence. Car il

  5   s'avère de plus en plus évident aux yeux de l'opinion publique tout

  6   entière, le nombre de compromis, de marchés passés avec tant de personnes

  7   qui sont ici jugées ou bien accusées pour que de telles ou telles choses

  8   leur soient pardonnées…

  9   (Interruption du Président.)

 10   M. le Président (interprétation): Nous nous sommes bien trop écartés du

 11   sujet que vous étiez censé aborder. Le sujet qui se pose ici, ce n'est pas

 12   celui des faits établis. Vos mains ne sont pas liées, vous le savez, pour

 13   ce qui est de la présentation des moyens de preuve. Si vos moyens sont

 14   pertinents, libre à vous de citer les personnes les présentant.

 15   Le sujet que nous devons régler ici et à propos duquel nous avons demandé

 16   votre intervention, c'est le sujet des comptes rendus d'audience admis

 17   dans les deux procès que nous avons mentionnés. Et le sujet qu'il faut

 18   trancher s'agissant de ces 11 comptes rendus, c'est celui de savoir s'il

 19   faut les admettre dans ce procès-ci avec ou sans contre-interrogatoire;

 20   c'est là dessus que vous devez intervenir.

 21   M. Milosevic (interprétation): C'est de cette question-là que je suis en

 22   train de parler. Je crois que j'ai été beaucoup plus bref que ne l'ont été

 23   la partie adverse non plus que l'amicus curiae.

 24   Je crois, Monsieur May, et vous autres, Messieurs les Juges, que vous

 25   n'allez pas contester le fait qu'il y a une différence d'intérêt absolu

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  1   lorsqu'il s'agit de personnes qui ont été jugées et dont les transcripts

  2   de ces jugements devraient être considérés comme admis, car il n'a pas été

  3   vraiment l'intérêt de la part de ces personnes-là de s'occuper de

  4   certaines questions plus en détail.

  5   Or, étant donné que nous avons ici à parler d'une culpabilité générale

  6   reprochée à la Serbie, à ses institutions, voire au peuple serbe dans

  7   l'ensemble du territoire de l'ex-Yougoslavie, nous sommes à traiter d'une

  8   approche tout à fait différente qu'il convient de retenir pour établir la

  9   vérité et faire la vérité.

 10   Moi, je n'ai qu'un seul l'objectif à poursuivre: établir la vérité,

 11   notamment en ce qui concerne le rôle joué par le peuple qui est le mien,

 12   notamment à la lumière des événements internationaux que l'on veut

 13   présenter, comme on les a présentés.

 14   Par conséquent, il était tout à fait logique que telle ou telle personne

 15   dans tel ou tel procès n'avait aucun intérêt d'entrer dans des détails

 16   pour parler de circonstances historiques ou autres.

 17   Je voudrais redire, une fois de plus, que cet Acte d'accusation est faux.

 18   Ces chefs d'accusation, je vais les contester, et je le ferai uniquement

 19   si mon droit n'est pas déchu, si vous ne me privez pas du temps qui me

 20   serait imparti pour mener à bien cette tâche-là. Voir si quelque chose

 21   serait substantielle ou pas, laissez-moi le soin d'en juger. Tout est

 22   substantiel et essentiel: ce qui s'était passé dans le territoire de l'ex-

 23   Yougoslavie, lié à la Serbie, aux institutions de la Serbie et à ma propre

 24   personne. Par conséquent, vous ne pouvez d'aucune manière procéder pour

 25   exclure telle ou telle chose en disant qu'elles ne sont pas importantes.

Page 19617

  1   Tout est important et substantiel, même les viols, tout, les pingres, les

  2   idiots, les ivres.

  3   Monsieur May ou Monsieur Robinson, dans votre pays en Jamaïque, vous

  4   pourriez en faire autant et vous n'iriez pas déférer au tribunal le Chef

  5   de l'Etat parce que tel ou tel criminel a perpétré un crime ou a commis un

  6   viol. Tout est à prendre en considération et tout est en jeu ici.

  7   Vous parlez ici d'un amas, d'ailleurs, de faits qui n'ont rien à voir avec

  8   la Serbie et la Yougoslavie. Et moi-même, pour parler de crimes…

  9   M. Robinson (interprétation): Je voudrais vous comprendre, Monsieur

 10   Milosevic, en ce qui concerne les viols. Ce n'est pas tellement que vous

 11   voulez interroger ces victimes quant aux viols. Vous pourriez vouloir

 12   savoir qui les a commis ces viols; est-ce que je vous ai bien compris?

 13   C'est cela ce que vous vouliez dire? Vous ne voulez pas nécessairement

 14   contester le fait qu'il y a eu viol, le fait que ces femmes aient été

 15   violées. Ce que vous voudrez peut-être faire, c'est vous pencher sur cette

 16   question qui consiste à savoir qui a commis ces crimes?

 17   M. Milosevic (interprétation): Peut-être serais-je en mesure de contester

 18   le fait même si, par exemple, nous parvenons à leur démontrer que telle ou

 19   telle déposition de témoins est fausse, Monsieur Robinson.

 20   Parce qu'il y a ici pas mal de faux témoins, Monsieur Robinson. Vous avez

 21   pu voir ici dans le prétoire un homme qui disait qu'il était un de mes

 22   proches collaborateurs, alors que je ne l'ai jamais vu de ma vie.

 23   Monsieur Robinson, vous avez admis, pour verser au dossier une pièce à

 24   conviction, telle la photo d'une chemise ayant été déchiquetée par trois

 25   balles; Miljazin Tachi l'a apportée en prétendant avoir été liquidé parce

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  1   que fusillé moyennant une mitrailleuse, et seul Dieu l'a préservé. Et

  2   voilà comment il vous a rapporté cette chemise-là.

  3   Il s'agit de choses bien incroyables. J'ai reçu une documentation assez

  4   ample portant sur proposition faite par l'accusation en vue de verser au

  5   dossier les faits admis, établis. Il s'agit de choses insensées. Il s'agit

  6   de parler d'individus qui ont été jugés dans des camps tout à fait

  7   différents. Or, pour parler de faits, il y a tant de choses saugrenues,

  8   des faits historiques, factuels, et tous autres, et pour lesquels il ne

  9   s'agit vraiment pas de faire le moindre effort pour les contester. Ces

 10   faits-là considèrent tout et rien.

 11   Il y a quelques siècles, les Serbes ont été incités à peupler la partie

 12   nord de Bosnie-Herzégovine, etc.; voilà ce que disait la partie adverse en

 13   s'occupant du remaniement de l'Histoire, en s'occupant de toutes choses et

 14   de rien. Ils ont dit: "Immédiatement après la Première Guerre mondiale,

 15   après le démantèlement et la dislocation de l'empire austro-hongrois, a

 16   été créé le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, par l'unification du

 17   Royaume de Serbie avec celui du Monténégro, avec la Croatie, la Slovénie

 18   et la Bosnie-Herzégovine". Or, la Croatie, la Slovénie et la Bosnie-

 19   Herzégovine n'avaient absolument pas existé à ce moment-là, parce qu'elles

 20   n'étaient que parties intégrantes de l'empire austro-hongrois.

 21   De quelle unification parlons-nous? Il s'agit de faits tout à fait

 22   insensés du point de vue historique. Il s'agit là de tout un volume, un

 23   volume contenant des faits de ce genre-là.

 24   M. Kwon (interprétation): Monsieur Milosevic, le Président de la Chambre

 25   vous l'a déjà dit: nous avons déjà épuisé la question des faits établis.

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  1   Ce n'est pas celle-là qui se pose aujourd'hui. Celle qui se pose

  2   maintenant, c'est celle des comptes rendus d'audience.

  3   Vous avez répondu à la question posée par mon collègue, le Juge Robinson;

  4   vous avez dit que vous alliez peut-être contester la question de savoir si

  5   les témoins avaient été violés ou pas. Allez-vous contester le fait que

  6   ces témoins B-1542 B-1543 ont été violés ou pas? Est-ce que vous pourriez

  7   être plus précis s'agissant de ces témoins?

  8   M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kwon, j'apprécie hautement votre

  9   bienveillance, mais je ne pourrai répondre à cette question que lorsque

 10   j'aurai pris connaissance de tous les faits ayant trait aux témoignages

 11   faits, chose qui ne m'a pas encore été permise. Car dans le cadre du temps

 12   qui m'est imparti, je ne fais que m'occuper de témoins courants, dirais

 13   je, dont l'ordre -comme vous avez pu le constater vous-même- ne fait que

 14   changer, et cela quotidiennement, au jour le jour. Et cette pratique

 15   -appelons-là ainsi- rend difficile la possibilité à quiconque, qui

 16   souhaite le faire, d'en prendre connaissance.

 17   Je ne veux évidemment pas insulter qui que ce soit ici, Monsieur Kwon, en

 18   parlant de la sorte, mais je crois que vous, pas plus que M. May, et pas

 19   plus que M. Robinson, vous n'avez pas réussi à lire ces 400.000 pages qui

 20   ont été communiquées. Car je ne vois pas vraiment comment se

 21   présenteraient les circonstances… le temps qui serait le vôtre, que vous

 22   avez à passer ici dans ce Tribunal… avec le repos et la récréation qui

 23   devraient être les vôtres, pourriez-vous faire… Aucun être humain ne

 24   pourrait le faire. D'ailleurs, même des gens qui en sont informés et qui

 25   ont écrit cela, ne pourraient le faire.

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  1   Regardez-moi ce qui est écrit ici: "La promulgation de la Constitution de

  2   1974 a permis à la population de Bosnie-Herzégovine..."

  3   (Interruption du Président.)

  4   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous ne saurions

  5   autoriser que le temps soit utilisé de cette façon-ci. La question dont

  6   nous discutons et pour laquelle nous demandons votre intervention, c'est

  7   celle des comptes rendus d'audience du procès Foca. Nous ne voulons pas

  8   refaire l'Histoire. Si vous voulez ajouter quelque chose, vous pourrez le

  9   faire. Nous allons voir si nous pouvons autoriser ces comptes rendus

 10   d'audience et autoriser le contre-interrogatoire. Avez quelque chose à

 11   dire à ce propos?

 12   M. Milosevic (interprétation): Je m'oppose, et cela fermement et

 13   absolument, à ce que quelque transcript que ce soit soit admis ici, parce

 14   que ces derniers sont tout à fait incompatibles avec le contenu de ce que

 15   ce faux Acte d'accusation m'impute. On voudrait faire en sorte que tout

 16   soit concocté sous forme de paquet, sous telle ou telle forme de procès ou

 17   jugement porté contre des personnes, même lorsque les conseils de la

 18   défense de ces personnes ont été prêts à des marchés. On voudrait faire

 19   rentrer tout cela dans une même corbeille pour que tout cela puisse

 20   représenter une base de données de nature parfaitement douteuse.

 21   Catégoriquement, fermement, je refuse fermement toute possibilité de la

 22   sorte. Je crois que j'ai été suffisamment clair pour me faire entendre là-

 23   dessus. C'est à vous de décider comme bon vous semblera. Je ne serai

 24   certainement surpris d'aucune décision qui vienne de votre côté.

 25   M. Kay (interprétation): Permettez-moi d'apporter une correction. En ce

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  1   qui concerne les déclarations préalables, je devais avoir cette fatigue

  2   due au transcript. Moi, je pensais au procès Dokmanovic; c'est là qu'on

  3   les versait de façon routinière. J'ai pu vérifier. Donc je m'étais trompé

  4   de procès.

  5   M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?

  6   M. Groome (interprétation): Rapidement. Je pense qu'il y a eu certaines

  7   déclarations préalables de témoins qui ont été autorisées dans ce procès-

  8   ci, et l'accusation ne s'y opposerait pas. Nous ne nous opposerons pas à

  9   ce que ceci soit la pratique.

 10   M. le Président (interprétation): Lorsque vous ferez vos sommes à propos

 11   du contre-interrogatoire, ou ce tableau que vous allez préparer, vous

 12   pourrez nous dire s'il y a eu des déclarations préalables?

 13   M. Groome (interprétation): Oui.

 14   M. le Président (interprétation): Et s'il y en a eu, il faudrait voir s'il

 15   y a eu des raisons particulières à leur exclusion. Pour raison d'écarts,

 16   par exemple.

 17   M. Groome (interprétation): Une question analogue a été soulevée en ce qui

 18   concerne le témoin B-1015 et, de façon générale, en ce qui concerne

 19   l'Article 92bis. L'accusation est aussi liée par un compte rendu

 20   d'audience; ce n'est pas qu'elle accepte ce qui est dit. Ici, nous parlons

 21   simplement de la présentation des moyens de preuve qui pourrait ici se

 22   faire par voie de compte rendu d'audience plutôt que par déposition de

 23   viva voce.

 24   Vous allez voir le compte rendu d'audience du témoin 1015. Vous penserez

 25   peut-être que ce témoin n'est pas crédible, vous pourrez conclure que les

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  1   déclarations préalables ne sont pas autorisables. Vous pourrez relire

  2   aussi, en matière de viol, la déposition de ce témoin, trouver qu'elle

  3   n'est pas digne de foi et n'y accorder aucun poids.

  4   Si l'accusé a des preuves de parjure de la part d'un témoin, nous ne nous

  5   opposerions à pas ce que ce témoin vienne déposer une fois de plus. Nous

  6   nous basons sur le 92bis uniquement pour présenter les moyens de preuve.

  7   Si l'accusé ou les amis de la Chambre sont en mesure qu'il y a tel ou tel

  8   domaine qu'ils voudraient présenter au témoin, domaines qui paraîtraient

  9   plausibles aux yeux des Juges aussi, nous ne nous opposerions pas à ce

 10   qu'on rappelle ce témoin, et la Chambre aurait ce droit, de toute façon.

 11   Mais le 92bis impose aussi quelques contraintes à l'accusé et à l'ami; il

 12   exige que ceux-ci expliquent à la Chambre pourquoi ils rejettent la forme

 13   du compte rendu d'audience et pourquoi ce témoin, selon eux, devrait être

 14   rappelé à la barre pour déposer, une fois de plus, viva voce.

 15   M. le Président (interprétation): Nous rendrons notre décision à l'issue

 16   de nos délibérations, mais nous attendons le dépôt de cette écriture par

 17   l'accusation demain.

 18   Monsieur Nice, le moment de la pause est venu. A moins que vous ayez

 19   quelque chose à dire en quelques mots?

 20   M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si vous avez déjà reçu le résumé

 21   concernant le témoin suivant.

 22   M. le Président (interprétation): Oui. Je pense que oui.

 23   M. Nice (interprétation): Il me faudra peut-être trois ou quatre minutes

 24   consacrées à des questions administratives après la pause, et puis

 25   quelques minutes concernant le témoin.

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  1   M. le Président (interprétation): Si ça fait cinq minutes, on peut les

  2   aborder maintenant.

  3   M. Nice (interprétation): La première chose avait trait à la liste des

  4   témoins présentée la semaine dernière; j'espère qu'elle se passe de

  5   commentaires.

  6   M. le Président (interprétation): Nous ne l'avons pas encore reçue.

  7   M. Nice (interprétation): La requête, vous l'avez reçue, mais pas la liste

  8   des témoins. Rappelez-vous, nous avons été chassés du bâtiment pour des

  9   raisons techniques à 15 heures vendredi, ce qui veut dire que nous n'avons

 10   pas pu vous faire parvenir cette liste. Je parlerai de la liste une fois

 11   que vous l'aurez reçue. Sinon, c'est inutile. Et l'accusé pourra suivre le

 12   format utilisé, qui pourrait être utile à l'accusé.

 13   Nous avions aussi ce témoin, Patrick Ball; c'est un expert que nous avons

 14   cité dans le volet "Kosovo" du procès. Il revient cette semaine, car il

 15   veut apporter un correctif à son rapport. Il n'y a pas d'embargo pour ce

 16   qui est de l'entretien entre lui et l'accusation, mais je voulais vous

 17   dire que nous avions l'intention de nous entretenir avec lui rapidement,

 18   sans doute pas de façon approfondie, mais je voulais le présenter à la

 19   Chambre. Et la Chambre pourrait peut-être nous autoriser à présenter ces

 20   moyens en le guidant, ou il pourra en parler lui-même.

 21   S'agissant du témoin suivant, je ne sais pas si vous avez reçu son résumé;

 22   il est utile, mais les pièces sont très utiles aussi. Ce témoin bénéficie

 23   de mesures de protection. Il a tenu un journal; lorsqu'il a rencontré

 24   l'enquêteur, il a remis à ce dernier des notes qui étaient des extraits de

 25   son journal. Il ne dispose plus de ce journal, mais il dispose encore de

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  1   ces extraits. Et je pense que toutes ces pages, à l'exception d'une, ont

  2   déjà été fournies à l'accusé. Le témoin sera en mesure de parler de trois

  3   réunions. Les rubriques de son journal parlaient de ces réunions et les

  4   notes fournies à l'enquêteur sont, de façon générale, la transcription de

  5   ces rubriques initiales du journal. Les notes fournies ont été annotées en

  6   marge, en rouge ou en bleu. Les passages en rouge sont des reproductions

  7   directes de ces rubriques établies à l'époque; et en bleu, vous avez les

  8   notes apportées par le témoin en vue de sa rencontre avec l'enquêteur.

  9   Je vous propose ceci: au moment où le témoin va parler de ces réunions, de

 10   ces trois réunions en particulier, la meilleure marche à suivre serait de

 11   demander au témoin de parcourir ces notes annotées en rouge, et puis de

 12   lui poser simplement quelques questions supplémentaires. Ceci nous

 13   permettra de gagner du temps, mais ce sera aussi la façon la plus exacte

 14   d'entendre sa déposition. Je pensais qu'il était utile de vous prévenir de

 15   la technique que j'allais utiliser.

 16   M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Nous pourrons ainsi

 17   entendre aussitôt le témoin après la pause.

 18   M. Nice (interprétation): Oui, il n'y aura qu'un paragraphe ou deux dont

 19   il aimerait parler à huis clos partiel. Et à ce moment-là, je vous

 20   demanderai si je peux lui poser des questions de nature à le guider.

 21   M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons maintenant faire

 22   une pause de 20 minutes.

 23   (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures.)

 24   (Audience publique avec mesures de protection.)

 25   (Le témoin C-048 est dans le prétoire.)

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   1   M. le Président (interprétation): Bien. J'aimerais inviter à présent le

  2   témoin à prononcer la déclaration solennelle. Veuillez vous lever pour ce

  3   faire.

  4   Témoin C-048 (interprétation): Je jure de dire la vérité, toute la vérité

  5   et rien que la vérité.

  6   M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas eu l'interprétation de

  7   vos propos. Pourriez-vous nous en refaire lecture, je vous prie?

  8   Témoin C-048 (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   M. le Président (interprétation): Veuillez prendre place.

 11   (Le témoin s'assoit.)

 12   M. Nice (interprétation): Avant de commencer l'interrogatoire de ce

 13   témoin, la Chambre notera que la première page de ce résumé fait

 14   apparaître un certain nombre de pièces à conviction, il y a également

 15   certaines corrections qui ont été apportées et qui seront traitées dans le

 16   cadre de l'audience publique. Il s'agit simplement d'une indication de ma

 17   part.

 18   La Chambre de première instance verra également qu'aux pages 2 et 3, il

 19   est fait mention d'une erreur s'agissant de la dernière entrée. A la page

 20   2, on voit qu'il est fait mention d'un chiffre correspondant au MUP et au

 21   service de sécurité d'Etat. Il s'agit donc de la deuxième partie du hall

 22   Backa Palanka qui doit être supprimée.

 23   M. le Président (interprétation): Bien. Pour que les choses soient

 24   particulièrement claires, quel est le pseudonyme que l'on va attribuer à

 25   ce témoin?

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   1   M. Nice (interprétation): Pour ce témoin, en particulier, nous

  2   l'appellerons le témoin C-048.

  3   M. le Président (interprétation): Bien.

  4   (Interrogatoire principal du Témoin C-048 par M. Nice.)

  5   M. Nice (interprétation): J'aimerais à présent revenir sur les antécédents

  6   de ce témoin, et plus particulièrement vous renvoyer au bas de la page 4.

  7   En fait, il s'agit du début de la page n°5.

  8   J'aimerais que l'on passe à huis clos partiel peut-être pendant quelques

  9   minutes.

 10   M. le Président (interprétation): Oui.

 11   (Huis clos partiel à 11 heures 03.)

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 10   (Audience publique avec mesures de protection à 11 heures 10.)

 11   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à présent en audience publique.

 12   M. Nice (interprétation): Monsieur le Témoin C-048, comment avez-vous

 13   pris, pour la première fois, contact avec les responsables du Bureau du

 14   Procureur de ce Tribunal?

 15   Témoin C-048 (interprétation): Au début du mois de mai 2000, j'ai établi

 16   ces contacts avec ces gens-là sur ma propre initiative, estimant que je

 17   connaissais pas mal de données, de circonstances qui pourraient être

 18   utiles à ce procès-ci.

 19   Question: Avez-vous essayé d'obtenir une rémunération quelconque de la

 20   part du Bureau du Procureur pour ce faire?

 21   Réponse: Je n'ai jamais demandé aucune rétribution, je n'ai jamais pensé

 22   avoir pu obtenir quelque bénéfice que ce soit du côté du Procureur. Je

 23   présume, pour ma part, qu'il est de la tâche de tout homme honnête de

 24   venir témoigner ici contre la criminalité.

 25   Question: Monsieur le Témoin C-048, en mai 1992, avez-vous eu un emploi à

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   1   Belgrade à un endroit que l'on appelle le "MP Royal"; il s'agissait d'un

  2   casino, d'un restaurant qui faisait partie du casino? En fait, il ne se

  3   situe pas à Belgrade, mais à Novi Sad.

  4   Réponse: Oui mais… Excusez-moi, je dois vous corriger: il s'agit de

  5   Belgrade ici, mais c'est à Novi Sad que cette firme se trouvait.

  6   Question: Est-ce que cet hôtel se trouvait de l'autre côté du conseil

  7   régional du parti SPS?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Qui était le propriétaire de cette entreprise?

 10   Réponse: Veselin Vesko Vukotic.

 11   Question: Est-ce que "Vesko" est le sobriquet qui lui a été attribué?

 12   Réponse: (Pas d'interprétation.)

 13   Question: Est-ce que "Vesko" Vukotic vous a dit ce qu'il a fait dans les

 14   années 1980, s'agissant des immigrants albanais en Europe?

 15   Réponse: Oui, il en a parlé; M. Vukotic m'a parlé de ces différentes

 16   liquidations d'Albanais en Europe, précisant qu'il l'a fait sur ordre des

 17   services secrets yougoslaves. Il a été très précis en cette matière-là

 18   pour parler du tout dernier crime, à savoir de l'assassinat d'un émigré

 19   albanais, quelqu'un qui était un grand activiste en matière de Droits de

 20   l'homme, Enver Hadriu, tué à Bruxelles au mois de février 1990. Il m'a

 21   parlé également -et cela, à plusieurs reprises- pour dire que c'était un

 22   premier assassinat politique perpétré par les services de sûreté de l'Etat

 23   de Serbie et -tout à fait à sa propre initiative, sans consulter les

 24   services fédéraux- que ceci devait présager, en quelque sorte, le

 25   démantèlement des services de système de sûreté de l'Etat yougoslave.

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  1   A plusieurs reprises, il m'a avoué l'avoir perpétré, ce crime, avec la

  2   complicité de Andrija Lakonic avec la logistique de Darko Asanin.

  3   Question: Si l'on reste toujours dans les années 80, et toujours sur la

  4   question des liquidations, est-ce que Vukotic vous a parlé de la politique

  5   générale qui visait à se débarrasser d'Albanais, et est-ce qu'il vous a

  6   expliqué les raisons pour lesquelles cette politique a été mise en place?

  7   Réponse: Vukotic m'a dit que dans les années 1980, la politique générale

  8   des services secrets consistait à liquider des intellectuels albanais. Je

  9   voulais dire évidemment, sans insulter les Albanais, que le taux de

 10   représentativité des intellectuels parmi les Albanais était très bas, et

 11   étant donné que ces Albanais étaient quelque chose qui était un élément

 12   gênant, M. Vukotic disait -telles étaient ses paroles-: "Les mauvaises

 13   herbes devraient attendre quelque temps pour repousser". Parlant de

 14   "mauvaises herbes", il se référait à des intellectuels albanais.

 15   Et dans les années 1990, très précisément vers le milieu des années 1990,

 16   M. Vukotic a critiqué la politique pratiquée par la personne accusée ici

 17   et par sa police à lui, qui consistait à exercer une pression en masse

 18   contre la population albanaise du Kosovo.

 19   Monsieur Vukotic, quant à lui, considérait que les méthodes pratiquées

 20   auparavant étaient de loin plus efficaces, du simple fait qu'elles

 21   n'étaient pas source d'animosité, surtout pas source de colère de la part

 22   de la communauté internationale.

 23   Question: J'aimerais à présent revenir sur un point précis, plus

 24   particulièrement le meurtre de Enver Hadriu qui était le premier qu'on a

 25   pu mettre sur le compte de la sûreté d'Etat et non pas sur les organes

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  1   fédéraux.

  2   Pour que les choses soient particulièrement claires, est-ce que Vukotic

  3   vous a dit exactement qui avait commis cet assassinat?

  4   Réponse: Il m'a dit -et cela en des termes fort clairs- qu'il a perpétré

  5   ce crime lui-même.

  6   Question: Est-ce qu'il y a eu une enquête qui a été menée à cet effet à

  7   Bruxelles? Est-ce qu'il y a eu des arrestations? Comment s'est déroulée

  8   cette enquête?

  9   Réponse: Je sais que la police belge avait mené une enquête et que lui a

 10   fait l'objet d'un avis de recherche établi et lancé par la police belge.

 11   Monsieur Vukotic, jusqu'au 16 novembre 1997, ne pouvait même pas se rendre

 12   à l'étranger, pour des raisons que je viens d'évoquer. Mais, à ce moment-

 13   là, il s'était rendu au Monténégro, dans la localité de Brcan où il a

 14   commis un autre crime, un autre assassinat.

 15   Je sais qu'en septembre 1995, en Grèce, Darko Asanin a été incarcéré,

 16   suspecté d'avoir pris part à ces opérations de liquidation. Mais les

 17   sommités du pouvoir, tant policières et politiques, de la Yougoslavie de

 18   cette époque-là se sont levées pour faire sortir de la prison Darko

 19   Asanin. Marion, l'épouse de Darko Asanin, a fait une fausse déposition

 20   pour dire qu'à cette époque-là, Darko se tenait près d'elle, pour que

 21   celui-ci sorte de prison.

 22   Question: Je pense que vous nous avez répondu de façon suffisamment

 23   détaillée. Je vous en remercie.

 24   Ensuite, s'agissant de l'homme dénommé Lakonic, quel est le sort qui lui a

 25   été réservé? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

Page 19633

  1   Réponse: Quant à Lakonic, lui a été liquidé fin mars 1990 à la discothèque

  2   "Nana", club discothèque "Nana" de Belgrade, pour la simple raison qu'il

  3   était dépendant d'héroïne, un toxicomane, et du fait qu'il s'était trop

  4   vanté des actes commis par lui pour les services, pour le compte des

  5   services. "Vesko" Vukotic a dû réagir, mais voilà qu'il a pu réussir.

  6   Question: Merci. Je crois que cela suffit en guise de réponse. Ce que vous

  7   nous avez dit nous a permis de dresser le contexte général concernant des

  8   dires qui ont été prononcés par M. Vukotic lui-même.

  9   J'aimerais à présent passer, en chronologie, aux événements qui se sont

 10   déroulés dans ce casino "Royal". Lorsque vous vous êtes rendu là-bas pour

 11   la première fois, quelle était votre tâche?

 12   Réponse: Mon premier travail consistait à exercer un contrôle de toutes

 13   les entrées dans les caisses du casino, notamment parce que Vukotic, le

 14   chef, lui, avait le sentiment qu'il a été volé par les services.

 15   Question: Et quel succès avez-vous remporté lorsque vous avez commencé à

 16   superviser le personnel? Est-ce que vous avez eu une promotion?

 17   Réponse: Le succès se voit dans le fait que nos entrées ont augmenté de 50

 18   à 60%. Le chef a été fort content. Ensuite, il m'a donné certainement des

 19   recommandations fortes positives en vue de mes études où j'ai pu obtenir

 20   de bonnes notes -10 sur 10- (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé).

 23   Question: Et la promotion dont vous parlez est celle de responsables

 24   principal?

 25   Bien que vos données vous concernant soient protégées et sans pour autant

Page 19634

  1   vouloir les divulguer, vous êtes, en fait, devenu responsable principal à

  2   un âge très jeune, n'est-ce pas?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Paragraphe 17 de votre déposition. Peu de temps après cela, est-

  5   ce que Vukotic a pris contact avec vous en vous soumettant une

  6   proposition?

  7   Réponse: Oui.

  8   Question: A quel moment est-ce que cela s'est produit et en quoi

  9   consistait la proposition?

 10   Réponse: C'était en juin 1002. Il m'a proposé de commencer à coopérer avec

 11   les services de la sûreté d'Etat. Il m'a dit que Milovan Popivoda devait

 12   me rencontrer pour m'en parler. Il a également évoqué le nom d'une autre

 13   personne en disant que Milovan Popivoda était chef du centre de la sûreté

 14   de l'Etat de Novi Sad, me disant que c'était une personne puissante,

 15   influente, l'homme fort très proche de Jovica Stanisic.

 16   Question: Lorsque cette réunion a eu lieu, pouvez-vous nous dire où cela

 17   était et qui d'autre, outre Milovan Popivoda, a assisté à cette réunion?

 18   Réponse: Il y avait encore Milutin Popivoda, Veselin Dakovic qui, lui,

 19   était au département de la sûreté d'Etat de Novi Sad pour s'occuper des

 20   extrémistes nationaux; il traitait entre autres de l'extrémisme croate,

 21   ils l'ont intitulé ainsi d'une façon officielle.

 22   Ils étaient venus à la cafétéria du casino "Royal", hors les horaires de

 23   travail parce que le club ne travaillait que le soir. Ils se sont

 24   présentés en faisant état de la proposition qui était la leur portant sur

 25   ma coopération avec les services de la sûreté d'Etat.

Page 19635

  1   Question: Nous avons déjà reçu des dépositions quant à la façon dont les

  2   services de la sûreté d'Etat jouaient un rôle à tous les niveaux de la

  3   vie. Pourriez-vous nous préciser, puisqu'à l'époque vous étiez jeune,

  4   comment vous avez interprété ces choses? Est-ce qu'il s'agissait pour vous

  5   d'une approche complètement normale? Est-ce qu'il s'agissait d'un

  6   événement qui sortait d'un cadre routinier? Quelle était votre

  7   interprétation de cette situation?

  8   Réponse: Il s'agissait d'une affaire usuelle. C'étaient les casinos, les

  9   clubs de nuit, des clubs spéciaux, des boîtes de jeux qui étaient

 10   intéressants, où il y avait tant de gens de sphères différentes, les gens

 11   dit du milieu, demi-monde pour ainsi dire.

 12   Question: Nous allons entendre par la suite comment vous avez été amené à

 13   participer aux travaux des services de la sûreté d'Etat. Mais, auparavant,

 14   pouvez-vous nous dire, s'il y avait eu une restructuration du MUP, suite

 15   aux changements de la constitution en Serbie? Et, dans l'affirmative,

 16   quelles en ont été les conséquences sur les centres de Novi Sad?

 17   Réponse: Après ce putsch dans les rues, d'octobre 68, anticonstitutionnel,

 18   lorsque les dirigeants de Vojvodine ont été limogés, putsch qui devait se

 19   répéter au Kosovo, des amendements constitutionnels ont été effectués, de

 20   même qu'une restructuration des services du MUP de Serbie. Jusqu'alors,

 21   dans le cadre des conseils exécutifs des deux provinces, il existait

 22   respectivement un ministère des Affaires intérieures qui se chargeait,

 23   entre autres choses, de coordonner ses activités avec celle du ministère

 24   de l'Intérieur de Belgrade.

 25   Après ces amendements constitutionnels, après promulgation des lois

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  1   correspondantes, il n'y avait plus de ministère de l'Intérieur des

  2   provinces. Les chefs des services de sécurité publique et de la sûreté de

  3   l'Etat devaient être nommés par Belgrade. Ces fonctions de ministre de

  4   l'Intérieur des provinces ont été, pour ainsi dire, supprimées, à côté de

  5   quelques autres ministères qui ont été également supprimés.

  6   Question: Par conséquent, quelle est l'importance de la position qui était

  7   occupée par M. Popivoda compte tenu de ses fonctions à Novi Sad?

  8   Réponse: Etant donné que le centre de la sûreté d'Etat de Novi Sad était

  9   l'un des plus importants de la province -après le service de Belgrade,

 10   c'étaient les services les plus importants de la Serbie-, étant donné que

 11   les circonstances et l'environnement -il s'agissait de la Slavonie de

 12   l'Est, de la Baranja et du Srem occidental-, étant donné les contacts

 13   personnel que Popivoda entretenaient avec le lobby de Backa Palanka, étant

 14   donné leurs relations personnelles et d'amitié, Milovan Popivoda était

 15   pratiquement le chef informel de la sûreté de l'Etat de Baranja, de

 16   Vojvodine, de Slavonie orientale et ami de Jovica Stanisic et de quelques

 17   autres personnes dont je vous parlerai par la suite.

 18   Question: Pour préciser les choses au cas où je l'oublierais par la suite,

 19   en juillet 1996 est-ce que Popivoda vous a précisé ce qu'il s'est passé au

 20   niveau des centres de la sécurité d'Etat à Vukovar et à Belima Nastir

 21   après la signature de l'accord d'Erdut?

 22   Réponse: Oui, M. Popivoda m'a dit que jusqu'à la fin juin, étant donné que

 23   c'est en juillet 1996 que ces entretiens ont eu lieu, de cette même année

 24   ont été délogés les services de Belima Nastir et de Vukovar en direction

 25   de la Vojvodine. En disant cela, il a évoqué l'équipement et la majeure

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  1   partie des personnels, pour dire tout simplement, laconiquement: "Mais

  2   nous n'allons pas céder tous ces domaines aux Croates!". Sans ambiguïté,

  3   M. Popovida a dit: "Bien entendu que nous ne le permettrons pas! Nos

  4   personnels, nos gens resteront sur le terrain pour travailler dans

  5   d'autres circonstances qu'eux!".

  6   Question: Bien. Mais ceci reviendra plus tard dans votre compte rendu. Je

  7   propose, à présent, de revenir au début.

  8   Quelle était la relation que vous aviez avec un homme dénommé Veselin

  9   Dakovic? Qui était-il?

 10   Réponse: C'était un des officiers chargés d'opérations dans les services

 11   de la sûreté de l'Etat. Je crois qu'il devait être né en 1959 ou 1960, je

 12   ne peux pas être précis. Lui travaillait dans le département chargé des

 13   extrémistes nationaux. Suivant la ligne monténégrine à laquelle il

 14   appartenait, il a été très proche de Popivoda et de quelques autres

 15   personnes que je ne peux pas évidemment mentionner ici.

 16   Question: En temps utile, Monsieur le Témoin C-048, vous nous parlerez de

 17   réunions auxquelles vous avez participé et auxquelles avaient également

 18   participé des hauts fonctionnaires. Il s'agissait de la première rencontre

 19   que vous avez effectuée avec Popivoda et Dakovic. Est-ce qu'il est

 20   important de revenir sur la façon dont ces personnes ont pris contact avec

 21   vous et comment vous avez répondu, à cette époque?

 22   Réponse: Oui. Comme je viens de vous le dire, ils étaient venus au

 23   "Royal". C'était d'abord M. Popivoda qui a pris la parole pour parler

 24   généralement de la situation historique, du temps qui était le nôtre, dans

 25   un sens historique, et du reste.

Page 19638

  1   Ensuite, il s'est mis à faire l'éloge de moi-même, parlant que j'étais un

  2   brave type, un bon étudiant, que je travaillais dans une bonne compagnie,

  3   dans une bonne firme dont le boss, le chef était un brave homme lui aussi.

  4   Il a fait mention de mon traitement qui, à cette époque-là, était de

  5   l'ordre de 1.000 deutschemarks, ce qui, étant donné les réalités de la

  6   Serbie, était un traitement fantastique.

  7   Il a dit également que je n'étais pas sans connaître certaines personnes

  8   qui n'ont pas été sans être intéressantes à leurs yeux en matière de

  9   sécurité, et qu'il était bon que je travaille pour eux, c'est-à-dire que

 10   je m'occupe d'une observation de ces deux personnes-là. Or il s'agissait

 11   de parler de Marko Kljajic -pour parler de leurs noms- qui, lui, a été à

 12   la tête de la paroisse de Petrovaradin. Qui dit Petrovaradin parle de

 13   l'une des régions de quartier de Novi Sad qui a été suspectée d'avoir

 14   coopéré avec les services de renseignement de Croatie.

 15   La seconde personne était l'un de mes meilleurs amis; étant donné l'âge

 16   qui est le nôtre, il m'a été fort proche. Il s'appelait Robert Coban, à

 17   cette époque-là rédacteur d'un hebdomadaire indépendant s'intitulant

 18   "Nezavisni Svijet"; en traduction: "Le Monde indépendant."

 19   Question: Nous allons nous arrêter là un moment. En fait, on vous

 20   demandait, ni plus ni moins, de communiquer des informations au sujet de

 21   deux de vos amis. Je crois qu'il s'agissait d'un de vos amis qui a le même

 22   âge que vous, à savoir Robert Coban, ainsi qu'un prêtre un peu plus âgé

 23   que vous qui s'appelle Kljajic.

 24   Réponse: Cela est exact.

 25   Question: Très bien. Nous allons encore nous arrêter sur quelques phrases

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  1   supplémentaires. Mais, d'une manière très brève, pouvez-vous nous dire ce

  2   qu'il vous a demandé?

  3   Réponse: Que je devais accepter cette coopération.

  4   Question: Et, comme je vous l'ai déjà demandé, quelle était votre

  5   réaction? Et, en fait, pour quelle raison, pour autant que vous puissiez

  6   le dire, pourquoi avez-vous accepté de travailler pour les services de la

  7   sûreté d'Etat et communiqué des informations au sujet de vos deux amis?

  8   Réponse: Pour être sincère, au moment où j'ai accepté cette offre, je

  9   m'étais dit que je ne devais faire autre chose que de fournir des

 10   informations d'ordre général. Mais voilà que très bientôt, après, je me

 11   suis occupé de tâches assez concrètes, et cela pour des raisons non pas

 12   politiques, surtout pas idéologiques, qui étaient parfaitement contraires

 13   à tout ce qui devait être l'objet de mes opérations et ce dont j'ai honte,

 14   en toute sincérité, aujourd'hui.

 15   Je dirais que c'était cette espèce de pragmatisme que la vie apportait.

 16   Toute homme, toute personne jeune comme je l'ai été, devait être fière

 17   d'avoir un traitement si exorbitant lorsque la majeure partie des jeunes

 18   de mon âge devait avoir tant de problèmes existentiels.

 19   Question: Y a-t-il eu une deuxième réunion après la première? Et, dans

 20   l'affirmative, où s'est-elle réunie et à quelle date?

 21   Réponse: Oui. Par la suite, très vite après, peut-être une semaine ou dix

 22   jours au maximum après la première rencontre, une seconde rencontre a eu

 23   lieu dans le bâtiment du centre de la sûreté d'Etat de Novi Sad; lequel se

 24   trouve rue Bulevar Oslobodjenje, tout près de l'ancien bâtiment

 25   administratif de "Nafta-Gas" où j'ai dû rencontrer Milovan Popivoda et

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  1   Veselin Dakovic une fois de plus.

  2   Question: Et que s'est-il passé? Qu'avez-vous dit, à ce moment-là?

  3   Réponse: A cette occasion-là, je devais tout d'abord leur fournir une

  4   liste de personnes qui se rendaient chez M. Kljajic, de même que la liste

  5   des gens en contact avec Robert Coban. Il se sont rendus compte du fait

  6   que je me suis mis à coopérer en toute sincérité, car les informations

  7   qu'ils détenaient jusqu'alors correspondaient à ce que je devais leur

  8   remettre et leur relater lors de notre rencontre pour leur dire qui j'ai

  9   dû observer, rencontrer, etc.

 10   Après quoi, M. Popovida, en premier, s'était mis à parler de ce temps

 11   historique qui était le nôtre, disant qu'il était dans nos objectifs

 12   poursuivis de voir le plus de Croates possible sortir de Vojvodine pour

 13   que l'on puisse créer -comme il l'a dit lui-même- une frontière stable

 14   délimitant la Croatie et la Vojvodine; c'est-à-dire, il a fallu délimiter

 15   tout cela avec les Serbes de Krajina.

 16   Sa bête noire semble être le très révérend père Marko Kljajic qui, lui,

 17   voulait dissuader les gens qui voulaient partir en Croatie pour les

 18   inciter à demeurer dans leur foyer et en les invitant à sauvegarder leur

 19   nationalité et leur identité nationale.

 20   Question: Est-ce que Popivoda vous a expliqué comment ce plan allait être

 21   traduit dans les faits, à savoir quelles étaient les méthodes qui allaient

 22   être utilisées pour que les gens quittent cet endroit?

 23   Réponse: Lors de cette première rencontre, ou plutôt lors de cette seconde

 24   rencontre -mais j'ai dit "première" parce que, pour une première fois, on

 25   évoquait des choses concrètes-, il a dit qu'il a fallu emprunter des

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  1   méthodes d'intimidation à l'encontre des gens les plus en vue dans les

  2   villages où les Croates étaient en majorité et, une fois que l'on se

  3   rendra compte que les hommes les mieux rangés, les plus nantis et les plus

  4   en vue partaient, les autres ne feraient que les suivre.

  5   Il disait notamment qu'en Vojvodine il ne fallait pas emprunter des

  6   méthodes de violence ou de liquidation. Il a parlé de cela en parlant de

  7   Vojvodine. Il a parlé entre autres choses d'un village de Srem à Mirkovci

  8   pour parler d'un crime qui a eu lieu ce jour-là en 1992 en disant: "T'as

  9   vu ce que ces idiots ont fait dans Mirkovci?". Cela dit, il ne s'occupait

 10   pas du vieillard qui était la victime, mais sachant parfaitement que ceci

 11   ne pouvait pas ne pas causer de problème auprès de la communauté

 12   internationale.

 13   Question: Est-ce qu'il a expliqué de façon plus détaillée pourquoi on ne

 14   pouvait pas accepter de liquidation en Vojvodine? Est-ce qu'il a comparé

 15   les situations qui prévalaient en Vojvodine avec d'autres endroits

 16   ailleurs sur le territoire de l'ex-Yougoslavie?

 17   Réponse: Il a dit que de telles méthodes n'étaient pas acceptables parce

 18   que la Vojvodine ne faisait pas partie du territoire où il y avait une

 19   guerre. Et du fait que, comme je viens de le dire, ceci n'était pas sans

 20   causer de problèmes avec la communauté internationale et si cela se passe

 21   en Baranja et en Slavonie orientale, on pouvait imputer tout cela au

 22   tourbillon de la guerre et à des circonstances de ce genre-là qui se

 23   produisent en temps de guerre.

 24   Question: Y a-t-il eu une troisième réunion? Et, dans l'affirmative, à

 25   quelle date a-t-elle eu lieu? Qui étaient les participants de cette

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  1   réunion?

  2   Réponse: Fort vite après cette rencontre, il y avait une troisième

  3   rencontre où, outre MM. Popivoda et Dakovic, il y avait aussi Djordje

  4   Banjac; lui, était à la tête des services techniques qui devaient

  5   s'occuper de suivi de personnes ou peut-être de mise sur écoute. Je ne

  6   sais pas comment il fallait l'appeler d'une manière technique. On m'a

  7   demandé de poser des micros des locaux d'habitation et de travail du très

  8   révérend père Kljajic et Robert Coban respectivement. Chose faite par moi,

  9   d'ailleurs.

 10   Question: Et où s'est déroulée cette réunion à laquelle ont participé

 11   Popivoda, Dakovic et Banjac?

 12   Réponse: Dans le bâtiment du centre de la sûreté de l'Etat.

 13   Question: Et il s'agissait du même bureau qui a été utilisé pour la

 14   deuxième réunion, n'est-ce pas?

 15   Réponse: Oui.

 16   Question: Dans le résumé, vous avez précisé les moyens que vous avez

 17   utilisés pour placer sur écoute les deux appartements des personnes qui

 18   étaient vos amis. Est-ce qu'il suffit de dire que vous avez placé des

 19   micros dans les locaux?

 20   Réponse: Pour être très précis, j'ai rendu possible au personnel des

 21   services de pénétrer dans ces locaux pour que leurs techniciens posent

 22   tous ces micros et autres équipements d'écoute là où cela devait se faire.

 23   Et je crois que j'ai, ainsi faisant, abusé de la confiance de mes amis

 24   très proches jusqu'alors.

 25   Question: Avez-vous su si leur téléphone avait également été mis sur

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  1   écoute?

  2   Réponse: Oui, ce sont les personnels des services qui l'ont fait par le

  3   biais du standard du central de PTT.

  4   Question: Avez-vous reçu des instructions s'agissant du comportement que

  5   vous deviez avoir avec ces deux anciens amis?

  6   Réponse: Il m'a été dit qu'obligatoirement je devais leur parler de ce

  7   qu'ils voulaient entendre. C'est-à-dire de la façon dont on procédait lors

  8   des rencontres d'information. Milovan Popivoda a dit: "Ne pose jamais de

  9   questions dans la foulée au cours des entretiens, ils finiront par te dire

 10   ce qu'ils ont envie de te dire eux-mêmes."

 11   Question: Y a-t-il eu un incident dans la maison de Kljajic dans lequel

 12   vous avez participé et à propos duquel vous pouvez nous formuler une

 13   opinion, une opinion plus personnelle?

 14   Réponse: Oui. Vers la fin du mois de décembre 1992, Milovan Popivoda m'a

 15   dit qu'il a fallu -et je le cite-: "Il a fallu presser le curé pour qu'il

 16   quitte la Vojvodine". 

 17   Ils m'ont demandé d'apprendre en quels termes Marko Kljajic se rendait en

 18   Croatie pour des voyages à lui. J'ai fait tout cela, en précisant que

 19   c'était début janvier. Je suis incapable de vous dire la date exacte, mais

 20   ceci devait être vers Noël orthodoxe, peut-être deux ou trois jours après.

 21   Deux réfugiés avaient pris, en partie, sa maison à lui en attaquant

 22   d'abord sa mère à lui; une vieille femme de 80 ans. Il faut dire qu'elle

 23   aussi, malgré son âge, elle a été assez coriace; elle a résisté pour se

 24   défendre, et les deux autres ont pris la fuite.

 25   Question: (Hors micro.)

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  1   Est-ce que cet événement a été répercuté au niveau de la presse?

  2   Réponse: Oui, il y a eu un écho de tout cela dans la presse.

  3   Question: Et quelles étaient les répercussions de cet événement sur les

  4   autres Croates?

  5   Réponse: Ceci devait avoir un effet sur les Croates, et il y en avait bien

  6   eu un. Il a fallu intimider les autres Croates pour qu'ils réfléchissent

  7   comme quoi, une fois que le curé s'est vu attaquer, alors que serait-il

  8   advenu de nous autres? Popivoda m'a dit que les services ont tout fait

  9   pour inciter la presse à en rapporter amplement.

 10   Bien entendu, rien n'a été fait d'une façon affirmative ou laudative, mais

 11   le message qui devait en découler a été assez clair; le message a découlé

 12   de ces articles.

 13   Question: Est-ce qu'il est arrivé quelque chose à l'homme qui avait

 14   procédé à cette attaque?

 15   Réponse: Ces gens-là ont été appréhendés, emmenés par la police. Un procès

 16   a dû être mené contre eux, mais sans jamais prendre fin. Je crois qu'ils

 17   étaient plutôt acquittés ou plutôt condamnés avec sursis. Ils ne devaient

 18   certainement pas occuper aucune peine de prison, ils ne devaient pas la

 19   purger.

 20   Question: Nous en sommes toujours aux premiers mois pendant lesquels vous

 21   travailliez pour le service de la sûreté d'Etat. Est-ce que vous étiez

 22   titulaire d'une carte d'identité?

 23   Réponse: Je n'ai jamais été titulaire d'une carte d'identité, mais j'avais

 24   toujours le numéro de téléphone en cas d'urgence 2-2-8-6-2. Lequel

 25   téléphone, je devais composer en cas d'urgence. Il faut dire que

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  1   l'indicatif de Novi Sad; c'est 021. A cette époque-là, il n'y avait pas

  2   encore de téléphone portable.

  3   Une fois que M. Popivoda a été doté d'un portable, il m'a donné son

  4   téléphone à lui: 0632021481.

  5   Question: Alors que vos relations avec M. Popivoda se développaient, à

  6   quelle fréquence rencontriez-vous cette personne? A quel endroit étiez-

  7   vous amené à le rencontrer? Qui élaborait le rapport? Est-ce que la

  8   situation a évolué s'agissant de l'évolution des rapports?

  9   Réponse: Allons-y lentement, pas à pas. Une ou deux fois par mois, je

 10   devais le rencontrer soit dans les locaux du "Royal", soit dans les locaux

 11   des services de sécurité. Quelquefois il était seul, parfois il y avait

 12   Veselin Dakovic à ses côtés.

 13   Je devais faire rapport concernant les personnes se rendant chez le

 14   Révérend père Makro Kljajic. C'était surtout Ivo Beslic, le curé de

 15   Sremska Kamenica, qui l'a intéressé. Ensuite, Branko Melvinger l'a

 16   intéressé également, celui-là étant chef de la succursale de Petro Varadin

 17   de l'Alliance croate de Vojvodine. Ensuite, Niko Kraljevic, curé de

 18   Hrtkovci. Zeljko Garmaz, à cette époque-là journaliste, actuellement un

 19   des rédacteur du Vjesnik, qui lui aussi se rendait tant à Belgrade qu'à

 20   Novi Sad pour passer toujours par les locaux du Révérend Marko Kljajic.

 21   Ensuite, Tomislav Basic, un militaire mis à la retraite l'a intéressé

 22   également.

 23   Question: (Hors micro.)

 24   Je crois que cela suffit s'agissant de certaines cibles qui sont précisées

 25   au paragraphe 32.

Page 19646

  1   Réponse: Oui, au début, Popovida et Dakovic m'ont demandé que je relate

  2   vraiment, avec tous les détails, le temps qui m'a été nécessaire pour que

  3   je sois rôdé. Etant donné que Dakovic était plus jeune de par son grade et

  4   de par son âge, il prenait note. Etant donné qu'il m'a fallu un certain

  5   temps pour être rodé -outre ces rapports, nous nous occupions d'autres

  6   affaires-, nous ne perdions pas trop de temps pour élaborer des rapports.

  7   Je devais donc remettre également moi-même une partie du rapport par

  8   récrit.

  9   Question: Est-ce que vous gardiez un exemplaire des rapports ou est-ce que

 10   vous leur remettiez l'ensemble des rapports?

 11   Réponse: Je leur remettais tout, à eux.

 12   Question: Avez-vous reçu des instructions par écrit, ou étaient-elles

 13   orales?

 14   Réponse: Toujours orales.

 15   Question: Pendant toute la période au cours de laquelle vous avez

 16   travaillé pour la sûreté d'Etat, est-ce que vous continuiez à travailler

 17   au casino "Royal"?

 18   Réponse: oui.

 19   Question: Quand avez-vous terminé vos fonctions pour le service de la

 20   sûreté d'Etat?

 21   Réponse: Vers l'an 2000 j'ai arrêté tous ces contacts. Mais déjà vers la

 22   fin de l'année 1998, les contacts n'ont pas été si fréquents que ça.

 23   Question: Bien. Nous allons, à présent, revenir sur le casino lui-même.

 24   Est-ce qu'il y a eu de nombreuses visites de personnes relativement

 25   connues, de personnalités?

Page 19647

  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Pourriez-vous nous donner la liste de ces noms, en précisant la

  3   fréquence de leurs visites, en commençant par les personnes qui se

  4   déplaçaient très fréquemment? Parmi les personnes qui se présentaient

  5   régulièrement, pouvez-vous nous donner leur nom et quel était le rôle joué

  6   par ces personnes?

  7   Réponse: Ces gens-là se rendaient soit à la cafétéria, soit aux

  8   restaurants du casino. Le plus souvent, c'était Milorad Vucelic qui y

  9   venait. A cette époque-là, il était directeur général de la Radio

 10   Télévision de Serbie. Il avait également à remplir une fonction du parti,

 11   je ne sais pas quelle était très exactement cette fonction à cette époque-

 12   là. Ensuite, il y avait à ses côtés Milovan Popivoda, chef du centre de la

 13   sûreté d'Etat de Novi Sad, son frère Milutin Popivoda, directeur du

 14   département de marketing affaires commerciales de Radio Télévision de

 15   Serbie. Ensuite, il y avait Mihalj Kertes; jusqu'en août 1992 il était

 16   ministre fédéral adjoint des Affaires intérieures, ce qui représentait sa

 17   fonction officielle. Ensuite, il y avait Radovan Pankov, un des vice-

 18   présidents, devenu par la suite président du comité de la province du

 19   Parti socialiste de Serbie, dont le président était la personne accusée

 20   ici. Il y avait ensuite à leur côté Jovica Stanisic, chef des services de

 21   la sûreté d'Etat du MUP de Serbie Il y avait ensuite Franko Simatovic,

 22   très exactement "Frenki" Simatovic, commandant des unités chargées de

 23   missions spéciales du MUP de Serbie. Il y avait Marko Kekovic, directeur

 24   de la télévision de Novi Sad. De même que tant d'autres dirigeants qui

 25   étaient aux rangs moyens. Peut-être Jovo Barosevic pourrait être nommé; il

Page 19648

  1   a été directeur chargé de la gestion des locaux du travail et du commerce

  2   de Novi Sad, qui lui servait de tant d'opérations illégitimes, c'est-à-

  3   dire des opérations qui se faisaient plutôt en étant pistonné par

  4   différentes personnes.

  5   Question: Vous avez fourni plusieurs noms. Peut-être pourrez-vous nous

  6   aider s'agissant de quelques autres noms. Est-ce qu'il y a des gens que

  7   vous n'auriez rencontré que très rarement, voire une seule fois, au

  8   casino?

  9   Réponse: Effectivement! L'accusé, ici présent, Slobodan Milosevic.

 10   Question: Il est venu une fois ou plusieurs fois?

 11   Réponse: Une seule fois.

 12   Question: Nous allons reparler plus tard des circonstances de cette visite

 13   qu'il a effectuée. Dites-nous si vous connaissiez l'une ou l'autre de ces

 14   deux personnes, ou si vous avez des informations à leur propos? Je parle

 15   ici de Goran Hadzic et d'un homme appelé "Arkan"?

 16   Réponse: Oui, je les ai vus.

 17   Question: Que saviez-vous de Hadzic? Dites-le nous en quelques mots. Et

 18   qu'en fut-il de ses visites au casino?

 19   Réponse: Goran Hadzic avant la guerre, et ceci est de notoriété publique,

 20   c'était un magasinier. C'était une personne de quotient intellectuel

 21   limité, de capacité intellectuelle et humaine très limitée. C'était un

 22   individu qui s'est souvent servi de son poste, le soi-disant Président de

 23   ladite République de la Krajina serbe, la RSK; et un de ses objectifs

 24   principaux, il faut bien le dire, c'était de pouvoir consommer et de se

 25   restaurer sans payer.

Page 19649

  1   A l'occasion des réunions dont je vais parler, il se tenait coi, c'était

  2   le fantoche parfait et ça ne le dérangeait pas de se trouver dans cette

  3   situation, parce que je suppose qu'il était conscient de ses capacités

  4   morales intellectuelles et humaines très bornées.

  5   Question: Hadzic, avec qui a-t-il eu affaire en premier lieu surtout? Je

  6   ne sais pas si vous êtes en mesure de le dire. Et si ce n'est pas le cas,

  7   nous poursuivrons.

  8   Réponse: Il a surtout eu des contacts avec Simatovic, Kertes, Milovan

  9   Popivoda.

 10   Question: Je vous ai également posé cette question en ce qui concernait

 11   "Arkan". Que savez-vous à son propos? Et savez-vous, éventuellement, avec

 12   qui il avait des contacts?

 13   Réponse: Il avait coutume de venir souvent à la cafétéria à titre privé,

 14   il venait rencontrer Vukotic, Veselin Vukotic, car ils étaient déjà amis

 15   depuis les années 80. Ils faisaient le même genre de travail et ils

 16   étaient eux-mêmes des personnalités de ce demi-monde, de ces tueurs

 17   classiques.

 18   Question: Est-ce que vous parlez des contacts "Arkan" avec les dirigeants

 19   politiques?

 20   Réponse: Pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question?

 21   Question: Vous avez parlé des personnes qui fréquentaient le casino,

 22   savez-vous si "Arkan" a eu des contacts avec l'une ou l'autre de ces

 23   personnes? Si vous ne le savez pas, dites-nous le simplement?

 24   Réponse: Oui, oui, je sais qu'il a eu des contacts avec "Frenki"

 25   Simatovic, Mihalj Kertes; surtout avec ces deux hommes-là.

Page 19650

  1   Question: Si l'on met de côté l'accusé en la présente affaire; de toutes

  2   les autres personnes dont vous avez parlé, qui semblait être la personne

  3   la plus haut placée, la personne supérieure?

  4   Réponse: Milorad Vucelic, ainsi que Jovica Stanisic.

  5   Question: Est-ce que vous avez eu des conversations avec ces deux hommes,

  6   du fait de votre emploi au casino? Est-ce que vous les avez vus simplement

  7   de loin?

  8   Réponse: A plusieurs reprises j'ai parlé directement avec… pas tellement

  9   avec Stanisic, mais avec Milorad Vucelic. Je l'ai fait au cours de ces

 10   années jusqu'il y a deux ou trois ans; date à laquelle je les ai vus pour

 11   la dernière fois. Je les ai rencontré au moins deux ou trois fois par

 12   mois, parce que ces hommes venaient au "Royal", c'étaient des amis proches

 13   de Vukotic. Et c'était un ami, il demeure un ami et il conserve toujours

 14   des contacts avec ces personnes qui font partie de la liste des hommes

 15   recherchés par Interpole.

 16   Question: Est-ce que Stanisic ou Vucelic vous ont parlé de l'accusé

 17   lorsqu'ils se sont entretenus avec vous? Et, si c'est le cas, dans quel

 18   contexte l'ont-ils fait?

 19   Réponse: Ils l'ont mentionné souvent. Ils disaient que c'était le chef de

 20   ceci ou le chef de cela. C'est de cette façon-là qu'ils ont parlé de lui

 21   dans leur conversation.

 22   Question: Est-ce que l'un ou l'autre de ces hommes a dit s'il était facile

 23   d'établir des contacts avec l'accusé?

 24   Réponse: Jusqu'en 1995, surtout au moment où ils voulaient obtenir

 25   l'accusé, ils étaient très proches de lui, ils avaient des rapports

Page 19651

   1   cordiaux avec l'accusé. Vers le milieu des années 1990, ils ont dit qu'ils

  2   en avaient été empêchés par l'épouse de l'accusé.

  3   M. Nice (interprétation): Je voudrais vous soumettre quelques

  4   photographies, Messieurs les Juges, même si j'avais dit qu'il ne serait

  5   pas nécessaire de passer à huis clos partiel, je vais le demander l'espace

  6   de deux photographies. Nous avons eu très peu de moments à huis clos

  7   partiel, mais je pense qu'il sera nécessaire de le faire, ne serait-ce

  8   qu'une minute.

  9   (Huis clos partiel à 12 heures.)

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 17   (Audience publique avec mesures de protection à 12 heures 04.)

 18   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.

 19   M. Nice (interprétation): Nous pourrons montrer les autres photos avec

 20   notre propre système d'affichage.

 21   Que représente cette photographie, Monsieur le Témoin?

 22   Témoin C-048 (interprétation): On voit le club, la cafétéria et le casino

 23   "Royal" de l'extérieur, au premier étage de l'hôtel "Putnik".

 24   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

 25   M. Milosevic (interprétation): Objection. Je ne comprends pas pourquoi une

Page 19653

  1   photo montrant un chanteur et une autre personne mentionnée est présentée

  2   à huis clos partiel, comme si c'était une photographie clandestine.

  3   M. le Président (interprétation): Nous allons revenir à huis clos partiel.

  4   M. Kwon (interprétation): C'est parce qu'on voit figurer le témoin sur

  5   cette photographie.

  6   (Huis clos partiel à 12 heures 05.)

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 19   (Audience publique avec mesures de protection à 12 heures 05.)

 20   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes audience publique.

 21   M. Nice (interprétation): Photographie suivante. Qui figure sur cette

 22   photo?

 23   Témoin C-048 (interprétation): On voit sur cette photo, de gauche à

 24   droite, un tueur professionnel, Veselin Vukotic; il y a une personne au

 25   milieu dont je ne connais pas l'identité. Et puis, à côté, vous avez

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   1   Milovan Popivoda qui est le chef du centre de sécurité d'Etat de Novi Sad.

  2   Question: La photographie suivante, s'il vous plaît. Qui voit-on sur cette

  3   photo?

  4   Réponse: De gauche à droite, vous avez Vesko Vukotic et Milutin Popivoda,

  5   directeur de marketing à la RTS, Radio Télévision Serbe, et frère de

  6   Milovan Popivoda.

  7   Question: Est-ce que cette photo a été prise elle aussi au club "Royal"?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Paragraphe 55 du résumé. Le sujet consiste à savoir s'il y a des

 10   personnes qui avaient des rapports criminels qui venaient au club. Pouvez-

 11   vous donner aux Juges une idée plus complète de liens éventuels ou de la

 12   visite éventuelle au club de personnes qui risquaient d'avoir des

 13   activités criminelles et des personnes qui venaient d'autres milieux, dont

 14   des hommes politiques?

 15   Première question: est-ce que vous avez eu, au club, des personnes qui

 16   avait des antécédents criminels notoires?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: L'un ou l'autre nom en particulier… Je vais vous les citer un

 19   par un et dites-nous ce que vous savez des activités et des antécédents

 20   criminels de ces personnes.

 21   Réponse: Il y avait Darko Asanin, Andrija Draskovic qui venaient de temps

 22   à autre. "Arkan" venait au club. Je dirais que ces trois hommes étaient

 23   les plus hauts en couleurs.

 24   Question: Parlons d'abord de Darko Asanin. Qu'avez-vous à nous dire à son

 25   propos? Et est-ce que vous pouvez nous parler en particulier d'une

Page 19655

  1   activité à laquelle il se livrait et qui vous faisait avoir un avis assez

  2   arrêté à son propos?

  3   Réponse: Il est né, Darko Asanin, en 1958 à Belgrade. C'était un criminel.

  4   C'était un homme qui venait d'un milieu criminel et c'était un associé des

  5   services de la sûreté de l'Etat. Il était connu pour le fait qu'il avait

  6   liquidé les immigrés politiques au nom de la police secrète. C'était un

  7   cousin de Pavle Bulatovic, qui était le ministre fédéral de la Justice. Il

  8   avait des contacts avec tous ceux qui fréquentaient la cafétéria et le

  9   casino "Royal".

 10   S'agissant de ses activités, Darko Asanin, en octobre 1997, a organisé un

 11   groupe de jeunes hommes qui avaient à leur tête Divljak, Pero Divljakovic,

 12   qui avait pour objectif principal de causer des troubles au Monténégro

 13   avant les élections imminentes. Darko Asanin s'était mis résolument du

 14   côté de Momir Bulatovic dans le cadre de ces élections, puisque c'était là

 15   en fait la solution prônée et soutenue par l'accusé.

 16   Ces garçons se sont rendus au Monténégro pour y provoquer des troubles,

 17   mais ils ont été attrapés assez rapidement parce que Pero Divljakovic est

 18   un homme peu intelligent, il n'a pas réussi à bien s'y prendre; ils ont

 19   été arrêtés aussitôt, mais lui a réussi à se cacher. Les gens et les

 20   hommes qui ont été attrapés au Monténégro ont donné les raisons de leur

 21   venue au Monténégro et les objectifs qu'ils étaient censés poursuivre. Et

 22   ceci m'a été relaté en personne par Darko Asanin.

 23   Question: Ce passage se trouve au paragraphe 69; nous n'y reviendrons

 24   plus. Mais nous sommes maintenant toujours au 57. Nous parlons toujours de

 25   Darko Asanin. S'est-il livré à d'autres activités par rapport à la

Page 19656

  1   Croatie, activités dont vous pourriez nous parler?

  2   Réponse: Oui. Au cours de l'année 1993, j'ai effectué deux voyages avec

  3   lui en direction du territoire qui était alors occupé en République de

  4   Croatie, à Erdut. Ce territoire occupé s'appelait la "RSK, République de

  5   Krajina serbe"; même si, en fait, c'était une occupation classique d'après

  6   ce qu'on savait de la situation à l'époque. C'était un ami personnel -je

  7   l'ai déjà dit- de "Frenki" Simatovic et de Mihalj Kertes, ainsi que

  8   d'autres.

  9   Question: Que s'est-il passé d'après ce que vous avez appris? Qu'est-ce

 10   qui se tramait?

 11   Réponse: Vous voulez parler des voyages effectués à Erdut?

 12   Question: Nous reviendrons à Erdut un peu plus tard. Je voudrais revenir

 13   sur un incident. Je pense ici à l'utilisation qu'on a fait d'un poste de

 14   contrôle à Orasje. Que savez-vous à propos d'une activité concernant

 15   Asanin?

 16   Réponse: Oui, c'était vraiment la chose la plus horrible dont j'ai entendu

 17   parler dans le cadre de ma collaboration avec les services et pendant les

 18   contacts que j'ai eus avec ces gens.

 19   Darko Asanin, il me l'a avoué personnellement -et ceci m'a été corroboré

 20   ailleurs, j'en parlerai plus tard-, il avait pour tâche d'organiser le

 21   transfert de grosses quantités d'héroïnes en Croatie. Ceci devait être une

 22   guerre menée de façon à affaiblir le moral des jeunes croates, de façon à

 23   créer des problèmes en Croatie. Il est, en effet, bien connu que la

 24   toxicomanie entraîne d'autres formes de crimes. Darko Asanin m'a dit très

 25   clairement que ceci se faisait en passant par le poste de contrôle de

Page 19657

  1   Orasje. Ils avaient un homme à Zagreb qui distribuait dans toute la

  2   Croatie d'énormes quantités d'héroïnes; cet homme s'appelait Zeljko Sobot;

  3   il a été tué plus tard dans le cadre d'un affrontement à Zagreb entre ce

  4   qu'on appelait la mafia serbe et la mafia albanaise. Ceci m'a été confirmé

  5   par quelqu'un de Zagreb plus tard, notamment quelqu'un que j'ai rencontré

  6   dans le bureau du maire, Zlatko Canjuga. Mais d'autres gens du milieu

  7   criminel m'ont confirmé ceci et, si vous voulez, je peux vous donner le

  8   nom de toutes ces personnes qui m'ont apporté cette confirmation.

  9   Maintenant, je reviens en 1993, c'est ce que j'ai entendu dans la maison

 10   de Darko Asanin. Moi, j'étais horrifié, j'étais bouche bée, car c'était

 11   une activité monstrueuse qui avait des relents de nazisme. J'ai demandé à

 12   Milovan Popivoda si ceci était possible. D'abord, il a sursauté; il s'est

 13   levé en colère en me disant -je m'excuse auprès des Juges, mais je dois

 14   citer ce qu'il a dit- "Merde, j'espère que ce n'est pas ce qu'il raconte."

 15   Puis, Milovan Popivoda m'a dit que c'était une idée qu'avait eue Jovica,

 16   il m'a dit: "Mais vous savez les Siptar, les Albanais de Belgrade nous

 17   font la même chose." Ce qui -il faut bien le dire- était vrai. Et à leur

 18   avis, c'était une des façons les plus efficaces de mener cette guerre

 19   spéciale.

 20   Question: On a dit que les Albanais leur faisaient la même chose. A quel

 21   endroit ceci a-t-il été dit? Et vous semblez être d'accord avec ce que

 22   vous relatiez apparemment. Ces stupéfiants ou est-ce qu'ils étaient

 23   amenés?

 24   Réponse: Dans ce même contexte dans la conversation que nous avons eue en

 25   1993, c'est ce qui m'a été relaté; et ceci renvoie au début des années

Page 19658

  1   1990, au moment où il y a eu une chute spectaculaire du prix de l'héroïne

  2   dans la rue de Belgrade ou de Zagreb. Et il était pratiquement possible de

  3   trouver de l'héroïne pour rien, tout le monde pouvait s'en procurer, et il

  4   était patent que ceci a eu un effet financier et matériel, mais aussi un

  5   effet politique. Et ceux qui faisaient partie de ce circuit depuis le

  6   milieu du circuit vers le bas du circuit s'occupaient uniquement du

  7   transfert, ne savaient pas de quoi ceci retournait, mais je pourrais vous

  8   parler des activités, du lobby albanais ou de l'émigration albanaise, quel

  9   que soit le nom qu'on leur donne. Moi, je parle de ce qu'ont fait les

 10   services de sûreté d'Etat serbe par l'intermédiaire de criminels en

 11   Croatie ou par cette guerre spéciale qui était menée par eux. Je sais

 12   également…

 13   M. Nice (interprétation): Oui, poursuivez.

 14   Témoin C-048 (interprétation): Je sais également qu'en février 2001 dans

 15   le coffre de la banque "Komercijalna", à Belgrade, on a trouvé 600 kilos

 16   d'héroïnes pures qui remontaient à ces années. Il n'y avait aucun accusé

 17   de réception attestant de l'origine de cette héroïne de la raison de sa

 18   présence dans ce coffre. Il est établi également que les services de

 19   sûreté de l'Etat ne sont pas responsables de la lutte contre les

 20   stupéfiants, contre les narcotiques. Ces produits, et ceci apparaît

 21   clairement à la lecture des documents…

 22   (Interruption du Président.)

 23   M. le Président (interprétation): Je crois que nous allons nous en tenir

 24   uniquement ce que sait directement personnellement le témoin.

 25   M. Nice (interprétation): Permettez-moi de poser encore une question. Je

Page 19659

  1   ne sais pas si vous avez l'heure en tête, Messieurs les Juges, pour ce qui

  2   est de la pause suivante.

  3   J'ai encore une question à poser à propos de Asanin. Est-ce que Asanin

  4   fréquentait fréquemment ou rarement le casino? Et est-ce qu'il avait des

  5   contacts avec ces autres personnes dont vous avez parlées qui avaient

  6   plutôt des antécédents politiques?

  7   Témoin C-048 (interprétation): Ils venaient souvent au casino puisque

  8   c'était le meilleur ami de "Vesko"; et puis ces gens se retrouvaient chez

  9   lui, dans sa maison de Krnjesevci. Ils allaient aussi dans un club tout à

 10   fait chic, exclusif, "Legat", qu'on trouve juste à côté de l'ambassade

 11   libyenne à Dedinje. Les gens qui venaient lui rendre visite étaient

 12   Kertes, "Frenki", Milovan Popivoda. Bosko Ubojevic venait lui aussi, lui

 13   c'était un fonctionnaire de la sûreté d'Etat. Et il y avait bien sûr

 14   Milorad Vucelic; lui, il a obtenu une Rolex en or qui valait 150.000

 15   deutschemarks, il l'a obtenue de Darko Asanin. Et l'accusé lui a posé

 16   directement une question à Vucelic, s'agissant de la façon dont il avait

 17   obtenu cette montre.

 18   M. Nice (interprétation): Je pense que je devrais poser mes autres

 19   questions après la pause.

 20   M. le Président (interprétation): Oui.

 21   Pendant votre déposition, vous n'êtes autorisé à parler à personne de ce

 22   que vous dites dans le cadre de votre témoignage, et personne ne doit

 23   s'adresser à vous. Ceci vaut également pour le représentant du Bureau du

 24   Procureur. N'en parlez à personne tant que votre déposition n'est pas

 25   terminée.

Page 19660

  1   Nous faisons maintenant une pause de 20 minutes.

  2   (L'audience, suspendue à 12 heures 20, est reprise à 12 heures 40.)

  3   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice, veuillez poursuivre.

  4   M. Nice (interprétation): Page 12 de votre témoignage, paragraphe 60, vous

  5   avez fait allusion à une Rolex en or. Pouvez-vous peut-être formuler

  6   quelques observations à ce sujet?

  7   Témoin C-048 (interprétation): Oui. Il s'agit en effet d'un cadeau que M.

  8   Vucelic a reçu de ce criminel, Darko Asanin. Il s'agit de cette montre

  9   Rolex d'une valeur de 150.000 deutschemarks. L'accusé, à entendre cela,

 10   s'est mis en colère contre Milorad Vucelic, en lui disant que c'est ainsi

 11   faisant que les fonctionnaires d'Etat se mettent à travailler pour le

 12   compte des criminels au lieu de faire le contraire. Vucelic me l'a dit

 13   également. Darko Asanin a, lui, été fâché d'entendre que l'autre a répondu

 14   à Milosevic comme quoi il a reçu ce cadeau de Darko Asanin. Il aurait pu

 15   parler de Pero, de Djoko et de quelqu'un d'entre sans évoquer mon nom.

 16   Question: Bien. Nous revenons à présent au paragraphe 55 de votre

 17   déposition. Lorsque nous avons parlé des criminels qui se sont déplacés au

 18   club, vous avez parlé de Darko Asanin, de Veselin Vlahovic. Nous n'avons

 19   pas encore parlé de lui dans ce résumé mais, avant de parler de lui, est-

 20   ce qu'il y avait également quelqu'un qui répondait au nom de Vukotic qui

 21   avait des associations avec la pègre?

 22   Réponse: Il s'agit de Veselin Vlahovic, surnommé "Batica" ou "Batko".

 23   "Batica" a été marié à la soeur de Vesko. Vers la fin de 1980, il l'a

 24   emmené à Sarajevo en sa qualité de boxeur. Mais il s'agit de quelqu'un

 25   dont les capacités intellectuelles n'étaient pas seulement moyennes; mais

Page 19661

  1   c'est une question que de voir dans quelle mesure ses capacités de

  2   discernement étaient suffisantes. Ce boxeur, à Sarajevo, s'est occupé

  3   d'actions criminelles. D'abord, il a rejoint les unités paramilitaires du

  4   SDS; il était le garde du corps de Momcilo Mendic. Il a commis tant de

  5   crimes, il a reçu beaucoup d'argent pour venir à Novi Sad ensuite.

  6   M. le Président (interprétation): Je vous invite à faire attention et à

  7   écouter la question qui vous est posée.

  8   M. Nice (interprétation): Comment avez-vous obtenu les informations

  9   concernant les activités de Veselin Vlahovic?

 10   Témoin C-048 (interprétation): Etant donné qu'il s'agit de quelqu'un dont

 11   -en parlant en toute franchise- je peux dire qu'il était vraiment douteux

 12   du point de vue de ses capacités de discernement, c'est quelqu'un qui s'en

 13   est vanté. Et il a gaspillé beaucoup d'argent au casino également.

 14   Question: Je vais vous interrompre là. Est-ce que vous lui avez parlé, et

 15   est-ce que lui vous parlait sur une base régulière?

 16   Réponse: Il nous est arrivé de nous rencontrer à plusieurs reprises. Ce

 17   n'étaient pas vraiment des conversations parce que lui, en général,

 18   parlait; nous autres qui étions là-bas, nous n'osions pas nous y opposer.

 19   Tout le monde ne faisait qu'acquiescer pour dire: "Oui, oui, tout va

 20   bien.". Lui se vantait de ces crimes.

 21   Question: Une fois de plus, je vais vous interrompre là. Est-ce qu'il

 22   s'agissait d'une personne qui était connue dans la presse de Sarajevo et

 23   qu'on avait affublée d'un sobriquet?

 24   Réponse: Oui. C'est surtout la presse de Sarajevo en 2001 qui a écrit

 25   lorsque "lui s'était évadé" de la prison de Spuz, et il me semble qu'une

Page 19662

  1   enquête a été menée par ce Tribunal également à son encontre. Si vous

  2   voulez, je peux vous expliquer les guillemets en parlant de la prison de

  3   Spuz; guillemets lorsque j'ai dit "évadé".

  4   Question: Non. J'aimerais simplement que vous nous communiquiez son

  5   surnom.

  6   Réponse: Quant à nous autres, au "Royal", nous le savions son surnom de

  7   "Batica". Les gens de Sarajevo le connaissaient comme portant le surnom de

  8   "Batko".

  9   Question: Enfin, vous avez parlé d'Andrija Draskovic, bien que son nom ne

 10   figure pas dans le compte rendu de votre déposition. En une seule phrase,

 11   pouvez-vous nous dire s'il effectuait des visites régulières? Et est-ce

 12   qu'il avait été sanctionné pour quoi que ce soit?

 13   Réponse: Il visitait ces locaux d'une manière régulière et il s'occupait

 14   de ces opérations criminelles.

 15   Question: Vous nous avez parlé de la participation de "Frenki" lorsqu'il

 16   se déplaçait à la maison de Asanin. Est-ce qu'il était accompagné de

 17   péripatéticiennes? En quelques mots, que pouvez-vous nous dire à ce se

 18   sujet?

 19   Réponse: Si vous vous y référez, pour parler du "Royal", oui, nous avons

 20   été dotés d'une telle agence. Formellement, pour l'opinion publique,

 21   c'était une agence qui devait s'occuper de mode.

 22   Question: Est-ce que des jeunes femmes étaient mises à la disposition des

 23   hommes? Et dans l'affirmative, où est-ce que cela se passait?

 24   Réponse: Oui, il s'agissait de mannequins, mais de personnes, de femmes

 25   qui ont été désignées pour accompagner des gens; qui servaient, pour

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  1   m'exprimer ainsi, à satisfaire certains besoins de politiciens ou d'autres

  2   personnes qui s'y rendaient. Comme nous n'avions pas de locaux appropriés,

  3   c'est là qu'ils se sont retrouvés toujours. Les contacts, une fois

  4   établis, ils partaient ailleurs.

  5   Question: Très bien. Cela me suffit, en guise de réponse. Je suis désolé,

  6   mais je ne peux pas vous autoriser à poursuivre à donner des réponses.

  7   J'aimerais à présent revenir sur la question des drogues et de la

  8   toxicomanie. Y avait-il circulation de drogue au "Royal"?

  9   Réponse: Non, on ne s'en est jamais occupé; ni Vesko Vukotic ni moi. Mais

 10   il nous a bien fallu assurer des stupéfiants à l'intention de certains

 11   personnels des services de sécurité. Je pense notamment à Vesalin Dakovic

 12   qui était un homme plutôt jeune. Nous étions également en contact avec

 13   Nenad Opacic, actuellement en prison en Serbie pour avoir commis un délit,

 14   qui lui aussi se rendait au casino à ces séances de relaxation.

 15   Question: Très bien. S'agissant de l'accusé, je sais que vous avez précisé

 16   que vous ne l'avez rencontré qu'à une seule reprise. Mais que pouvez-vous

 17   nous dire au sujet des connaissances qui étaient les siennes, s'agissant

 18   des déplacements qui étaient effectués par ses collaborateurs, lorsque

 19   ceux-ci se déplaçaient en cet endroit?

 20   Réponse: Etant donné qu'il devait connaître toutes les circonstances,

 21   l'accusé Slobodan Milosevic ne pouvait pas ne pas savoir que ces personnes

 22   se rendaient dans les locaux pré-cités pour tenir compagnie à Darko

 23   Asanin, à Vukotic et à d'autres. Bien entendu, il ne pouvait pas connaître

 24   tous les détails, pour parler de leurs rencontres, mais il devait savoir,

 25   d'une manière générale, où ils circulaient, avec qui, qui ils

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  1   fréquentaient et quelles étaient leurs opérations.

  2   Question: Et avez-vous eu connaissance des déplacements qu'il a effectués

  3   personnellement, qu'il soit ou non accompagné de sa famille?

  4   Réponse: Son fils à lui, Marko Milosevic, en date du 15 avril 1994,

  5   s'était rendu dans notre discothèque lors de ce lancement, cette promotion

  6   de l'album du chanteur Zdravko Colic. J'ai pu voir quelques photos où on

  7   pouvait voir Veselin Vukotic avec Marija et Marko Milosevic.

  8   Question: Bien. Je vous remercie. Nous avons déjà parlé du paragraphe 69

  9   qui concerne les Bérets rouges, mais je vais tout d'abord passer au

 10   paragraphe 71 avant de revenir sur le paragraphe n°64; cela me semble plus

 11   logique. Quand est-ce que c'est pour la première fois que vous avez

 12   entendu parler des Bérets rouges, et dans quel contexte?

 13   Réponse: Une première fois où j'ai entendu ces deux termes-là, "Bérets

 14   rouges", eh bien, ce fut en juillet 1992, lorsque Jovica Stanisic et

 15   Milovan Popivoda s'étaient rendus au casino "Royal" où nous étions déjà

 16   assis, Veselin Vukotic et moi. Ils nous ont parlé de la formation de cette

 17   unité-là. C'est la première fois que je les ai entendu prononcer ces deux

 18   mots: "Bérets rouges". Mais pour ce qui est l'unité en tant que telle,

 19   j'en ai entendu parler auparavant.

 20   Question: Mais qui vous a dit quoi que ce soit?

 21   Réponse: J'ai pu l'entendre de la part de Milovan Popivoda qui, lui, me

 22   disait que, vers la fin de 1991, une décision politique a été prise

 23   portant formation d'une unité chargée d'opérations et missions spéciales,

 24   du fait que dans le théâtre de guerre de Croatie il y avait beaucoup

 25   d'unités qui opéraient sans être soumises à aucun contrôle ou bien il

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  1   s'agissait de parler d'unités qui n'étaient pas pleinement contrôlées.

  2   Il voulait donc posséder une organisation bien structurée du point de vue

  3   militaire avec une chaîne de commandement claire, suivant le principe de

  4   subordination, commandements et unités dans lesquels il devait avoir

  5   pleine confiance.

  6   Parlant de cela, il a dit que seule l'unité de "Arkan" a pu être

  7   considérée comme confidentielle, que Seselj -comme il l'a dit à cette

  8   époque-là- travaillait pour la même cause, et que dans les casernes de

  9   Bubanj Potok, une localité non loin de Belgrade, on procédait à

 10   l'entraînement des volontaires de Seselj. "De même", a-t-il dit, "il y

 11   avait d'autres et différents groupes paramilitaires mais que les services

 12   de la sûreté d'Etat devaient avoir un contrôle de tout cela".

 13   Question: Avant de poursuivre, pourriez-vous nous préciser certaines

 14   choses concernant les notes? C'est la première fois, je pense, qu'il

 15   serait bon que les Juges consultent ces notes.

 16   Est-ce que vous avez tenu une espèce de journal?

 17   Réponse: Oui, j'ai dû tenir une espèce de journal, mais où l'on a que des

 18   choses strictement privées je crois.

 19   Question: Lorsque vous avez rencontré pour la première fois l'enquêteur

 20   qui a consigné votre déclaration, est-ce que vous lui avez remis des

 21   extraits de votre journal?

 22   Réponse: Excusez-moi, voulez-vous dire que j'ai fourni aux enquêteurs ce

 23   journal?

 24   Question: Oui, c'est cela.

 25   Réponse: Messieurs les enquêteurs ont pu se rendre compte de l'existence

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  1   de ce journal chez moi, mais ils ne l'ont pas pris sur eux.

  2   Question: Et par la suite, lui avez-vous remis des notes d'une façon

  3   générale?

  4   Réponse: Oui, par la suite j'ai remis ces notes.

  5   Question: Dans le cadre de la préparation de votre déposition, est-ce que

  6   un exemplaire de votre journal a été émargé -au moyen d'un feutre rouge ou

  7   bleu- permettant d'indiquer certaines choses; à savoir que la couleur

  8   rouge était utilisée pour reprendre les passages non pas mot à mot, mais

  9   qui concernaient directement votre journal et la couleur bleue pour les

 10   passages correspondant aux passages qui étaient simplement des notes que

 11   vous avez élaborées pour préparer votre entretien avec l'enquêteur?

 12   Réponse: Oui.

 13   M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il

 14   soit nécessaire pour le témoin de revenir sur certaines pages de son

 15   journal, mais pour vous venir en aide, et si vous souhaitez suivre mon

 16   raisonnement, je vous rappelle qu'il s'agit de la page 11 de la version en

 17   langue anglaise. Et si l'accusé souhaite suivre ce passage, il s'agit des

 18   quatre derniers chiffres: 6472.

 19   Je n'invite pas le témoin à consulter ce passage dès à présents, je

 20   reviendrai un peu plus tard sur cet exemplaire, s'il le souhaite.

 21   Bien. Monsieur le Témoin C-048, lorsque vous avez entendu pour la première

 22   fois parler de ce groupe, qui a été qualifié ultérieurement de "Bérets

 23   rouges", est-ce que ce groupe avait déjà un nom, et qui était responsable

 24   de celui-ci?

 25   Témoin C-048 (interprétation): Des noms concrets n'ont pas été cités.

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  1   Milovan Popivoda disait que, pour les besoins et le compte des Bérets

  2   rouges, une partie des criminels ont été soit remis en liberté, acquittés,

  3   soit ils ont été tout simplement acquittés pour une partie de leur peine

  4   qui leur a fallu purger.

  5   Question: Et qui était responsable de ce groupe?

  6   Réponse: A la tête de l'unité se trouvait "Frenki" Simatovic.

  7   Question: Vous nous avez peut-être déjà répondu à cela -je ne peux plus

  8   vérifier- mais pouvez-vous me dire s'il y a une raison politique qui

  9   explique la constitution de ce groupe?

 10   Réponse: Bien entendu qu'une décision politique a été adoptée à cette fin-

 11   là, à savoir portant formation d'une unité. C'est fin 1991 que cette

 12   décision politique a été prise sur la formation d'une unité qui fera

 13   partie intégrante des services de la sûreté d'Etat et qui devrait opérer

 14   dans le théâtre de guerre d'abord en Croatie, et par la suite en Bosnie-

 15   Herzégovine.

 16   Question: A-t-on dit quoi que ce soit au sujet d'un homme dénommé

 17   "Seselj"? Y avait-il un groupe qui était associé, lié à ce nom? Dans

 18   l'affirmative, qui a parlé de cela?

 19   Réponse: Milovan Popivoda en a parlé dans un contexte positif, mais il a

 20   dit qu'on ne devrait tout de même pas lui permettre d'avoir une unité à

 21   lui, précisant qu'à cette époque-là, il était vrai qu'il travaillait pour

 22   la cause commune mais qu'on devait tout de même pouvoir exercer un plein

 23   contrôle sur cette unité. Il a dit aussi que les membres de l'unité de

 24   Seselj devraient être entraînés dans les casernes de Bubanj Potok; mais il

 25   a dit aussi qu'avec Seselj on n'était jamais certain, il ne pouvait jamais

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  1   être certain de ces actes girouettes.

  2   Question: Dans votre compte rendu il n'est pas fait mention de cela, mais

  3   savez-vous s'il existe un autre groupe similaire? Dans l'affirmative,

  4   pouvez-vous donner le nom de cette unité paramilitaire?

  5   Réponse: Mention a été faite également de l'unité des "Aigles blancs" où

  6   plutôt Dusan "Crni" de Mirko Jovic; on a évoqué également les Aigles

  7   blancs, "Beli Orlovi", de Bokan, toujours évidemment parlant en terme

  8   d'anarchie. Mention a été faite aussi de l'unité de "Arkan".

  9   Question: A-t-on dit quoi que ce soit quant à la personne qui fournissait

 10   ces groupes en arme?

 11   Réponse: On mentionnait, et cela à plusieurs reprises, que c'était

 12   "Frenki" qui était le principal en matière de distribution des armes à

 13   l'intention de l'unité de "Arkan". Or, pour ce qui est de Seselj et de ses

 14   unités de volontaires, il disait que l'instruction fut donnée dans les

 15   casernes. Par conséquent, dans le cadre d'une institution militaire de

 16   Bubanj Potok et que les armes leur furent procurées par le régime.

 17   Question: Nous revenons à présent à la page 13, au paragraphe 64. Est-ce

 18   que vous avez jamais vu quiconque de cette unité présent au "Royal"? Et

 19   dans l'affirmative, pouvez-vous nous donner leur nom et que faisaient-ils?

 20   Réponse: J'ai pu voir des gens notamment Zivoje "Zika" Ivanovic, davantage

 21   connu sous son surnom de "Zika Crnogorac", qui était le plus fréquent là-

 22   bas parce que lui, auparavant, il connaissait le patron et il était

 23   monténégrin, tout comme Vesko. Ensuite, il y avait Petar Devljakovic,

 24   mieux connu sous son surnom de "Pero Divljak". Une fois, j'ai pu croiser

 25   Mijovic Dragan, que j'ai connu lors de mon service militaire régulier

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  1   accompli avec lui ensemble.

  2   Question: Et est-ce que ces hommes parlaient des activités qui étaient les

  3   leurs au sein des Bérets rouges? Et dans l'affirmative, qu'avez-vous pu

  4   apprendre?

  5   Réponse: Oui, tout le monde en parlait. Zika Ivanovic parlait de la

  6   participation qui était la sienne au sein des Bérets rouges. Pero Divljak,

  7   lui, se vantait de ses crimes lui aussi encore. Je dirai quelqu'un qui

  8   était incapable de discernement lui aussi. Et pour vous dire, Messieurs

  9   les Juges, il a terminé non pas dans un asile de fous, mais dans un

 10   monastère de Fruska Gora. Lui aussi se vantait de ses crimes, et il

 11   exagérait à mon sens en parlant de cela, car étant donné l'ambiance qui

 12   prévalait en Serbie à cette époque-là, notamment dans l'environnement qui

 13   était le nôtre les crimes perpétrés contre les Croates et Musulmans

 14   étaient considérés comme de véritables titres de gloire.

 15   Question: Pouvez-vous nous préciser de façon plus détaillée ce qu'un

 16   membre des Bérets rouges aurait pu vous dire au sujet des activités qui,

 17   d'après vous, concernaient une personne qui exagérait les actes qu'il

 18   aurait commis?

 19   Réponse: Petar Divljakovic a été le plus concret pour en parler, pour

 20   parler d'un massacre perpétré contre les policiers croates -que, lui,

 21   intitulait comme étant des Oustachis- fin novembre, près de Borovo Selo où

 22   ils ont tué plus d'une vingtaine de personnes pour jeter leurs cadavres

 23   dans le Danube. Il a dit avoir fait cela avec des amis de son unité à lui;

 24   il y avait un de ses camarades avec lui, Ivan Andrica. A mon sens, parlant

 25   de cela, il n'a pas fait d'exagération, mais je crois qu'il a exagéré en

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  1   parlant d'un massacre perpétré près de Mostar où il aurait tué plus d'une

  2   centaine d'Oustachis et de "Balija" -terme outrageux et injurieux pour

  3   parler de Musulmans-. De même, Petar Divljakovic, dans le contexte des

  4   Croates qui se maintenaient encore en Croatie de l'Est, c'est-à-dire cette

  5   Krajina serbe; d'après lui, il a fallu tout tuer, mais c'est "Frenki" qui

  6   l'en a empêché.

  7   Question: J'aimerais à présent aborder la question des réunions. Y a-t-il

  8   eu une réunion en août 1992 dont vous vous souviendrez et à propos de

  9   laquelle vous avez pris des notes?

 10   Réponse: Oui, si vous permettez.

 11   Question: Oui, je vous invite à poursuivre.

 12   Réponse: Je crois qu'il fallait expliquer la raison de la réunion et

 13   expliquer également la façon dont fonctionnait ce groupe informel. C'est

 14   ce que nous avons sauté lorsqu'il fallait parler de ce lobby de Backa

 15   Palanka pour être plus concret.

 16   M. Nice (interprétation): Bien. Je vous remercie, mais j'aimerais tout

 17   d'abord appeler l'attention des Juges sur un aspect. Les Juges de la

 18   Chambre de première instance trouveront les notes correspondantes à la

 19   page 5. Si l'accusé souhaite suivre cela, il trouvera ces passages aux

 20   pages 6455 à 6458. Je demande que le témoin puisse consulter ce document

 21   soit pour qu'il puisse s'y référer, voire le lire, si cela nous permet

 22   d'aller de façon plus diligente.

 23   (Intervention de l'huissier.)

 24   M. le Président (interprétation): Pour que les choses soient

 25   particulièrement limpides bien qu'il s'agisse d'un journal, il s'agit en

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   1   fait de notes qui ont été compulsées à partir de ce journal.

  2   M. Nice (interprétation): C'est exact.

  3   M. le Président (interprétation): Bien. Par conséquent, il sait de quoi il

  4   s'agit?

  5   M. Nice (interprétation): Oui, mais les passages rouges concernent

  6   simplement une explication du compte rendu, alors que les passages

  7   indiqués en bleu sont des notes qui concernent des souvenirs qu'il a eus

  8   par la suite. Par conséquent, si vous consultez la page 5...

  9   M. Kwon (interprétation): Mais peut-être qu'il serait bon de préciser où

 10   se trouve ce journal actuellement?

 11   M. Nice (interprétation): Oui, en effet, j'aurais dû poser cette question.

 12   Je vous remercie.

 13   Monsieur le Témoin C-048, que pouvez-vous nous dire au sujet de ce

 14   journal? Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois?

 15   Témoin C-048 (interprétation): Le journal se trouvait chez moi dans ma

 16   maison. Les enquêteurs ont eu l'occasion de le voir quand ils s'étaient

 17   rendus chez moi.

 18   M. Nice (interprétation): Quand vous avez quitté votre domicile est-ce que

 19   vous avez laissé votre journal derrière vous?

 20   Témoin C-048 (interprétation): Je m'excuse. Peut-on en parler à huis clos

 21   pour exprimer la raison pour laquelle...

 22   M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie.

 23   (Huis clos partiel à 13 heures 06.)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

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   1   (Audience publique avec mesures de protection à 13 heures 12.)

  2   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à présent en audience publique.

  3   M. Nice (interprétation): Pourrait-on présenter au témoin les notes qui

  4   commencent à la page 6455?

  5   (Intervention de l'huissier.)

  6   Monsieur le Témoin C-048, vous pouvez vous référer à ces notes, mais il

  7   serait peut-être bon que vous fassiez défiler ces passages au fur et à

  8   mesure et, si vous le pensez nécessaire, vous pourrez apporter des

  9   précisions.

 10   Avant de parler des notes elles-mêmes, vous vouliez dire quelques mots au

 11   sujet du groupe de pression de Backa Palanka. Que vouliez-vous dire à ce

 12   sujet?

 13   Témoin C-048 (interprétation): Je suis en train de parler de ce groupe de

 14   pression, de ce lobby. Je me réfère à ce lobby composé de personnes qui

 15   appartenaient à la police, à la police secrète, à des milieux

 16   d'information et de propagande, à l'appareil dit politique, mais aussi de

 17   criminels qui faisaient tous en sorte que leurs activités soient en

 18   quelque sorte concertées pour que les ordres de l'accusé, ici présent,

 19   soient traduits en acte. Et ils ont, entre autres, témoigné d'une

 20   solidarité entre eux en présentant maints exemples.

 21   Question: D'après vous, quels sont les membres de ce groupe de lobby?

 22   Réponse: Les membres de ce lobby de Backa Palanka sont les suivants:

 23   Mihalj Kertes, Radovan Pankov, Jovica Stanisic, Milorad Vucelic, Marko

 24   Kekovic, Milorad Popivoda, Milutin Popivoda, "Frenki" Simatovic. Et il y

 25   avait encore un écrivain qui leur était fort proche, du nom de Brana

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  1   Crncevic. Ensuite, il y avait des criminels aux noms de Vesko Vukotic et

  2   Darko Asanin. Cela dit, Darko Asanin devait se démarquer un petit peu de

  3   ce groupe d'hommes-là.

  4   Si vous me le permettez, je voudrais reprendre, il s'agissait vraiment

  5   d'une convergence des gens de la police, de la police secrète et...

  6   Question: Veuillez poursuivre.

  7   Réponse: …de la police, de la police secrète, des gens de la propagande

  8   politique du parti et des gens qui étaient de simples criminels.

  9   Question: Cette première réunion qui s'est déroulée en août 1992 a vu la

 10   participation d'un certain nombre de personnes. Pourriez-vous nous en

 11   donner les noms?

 12   Réponse: Il y avait là, parmi les présents, Jovica Stanisic, Milorad

 13   Vucelic, Milovan Popivoda, Mihalj Kertes, Goran Hadzic et Veselin Vesko

 14   Vukotic.

 15   Question: Avant de revenir au paragraphe 99 de votre résumé, comment

 16   expliquez-vous qu'un homme de votre âge ait pu participer à cette réunion?

 17   Réponse: Comme je viens de le dire, lors et après quelques actions

 18   concrètes, j'ai pu gagner leur confiance. Ils savaient aussi que, tout

 19   comme Vesko, le premier homme du groupe, ils pouvaient tous avoir

 20   confiance en moi. Bien entendu, je n'intervenais pas lors de ces réunions,

 21   je n'entrais pas dans le détail. Moi, je devais servir à réglementer en

 22   quelque sorte tout ce qui devait être comme choses à leur servir. Je

 23   n'étais pas seulement un simple serveur, mais tout simplement, je devais

 24   tout de même être là pour être présent, mais aussi pour servir du whisky

 25   du label Chivas Regal.

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  1   Question: Et avez-vous jamais reçu des conseils? Et dans l'affirmative,

  2   qui vous a donné ces conseils? Et dans quelle mesure avez-vous pu entendre

  3   les propos qui ont été échangés dans le cadre de cette réunion?

  4   Réponse: C'est d'abord Veselin Vukotic qui me l'a dit, Milovan Popivoda

  5   également, et cela, de façon tout à fait bienveillante. C'est-à-dire que

  6   je ne devais pas jouer avec ma tête pour parler de quoi que ce soit de ce

  7   qui faisait l'objet de sa réunion. Bien entendu, je n'en avais aucune

  8   idée, parce que Lakonic avait été déjà tué par Veselin Kukotic; et alors,

  9   je devais savoir qu'ils étaient copains.

 10   M. Nice (interprétation): Cela suffit. Je vous remercie.

 11   (Hors micro.)

 12   Nous revenons au paragraphe 83, à la page 15. Pouvez-vous, Monsieur le

 13   Témoin, nous dire ce qui a eu lieu? En utilisant vos notes qui ont été

 14   traduites, que pouvez-vous nous dire? Et je vous rappelle qu'il est

 15   beaucoup plus facile de lire rapidement, mais ceci est un rythme trop

 16   soutenu pour que les interprètes puissent vous suivre. Par conséquent,

 17   pouvez-vous nous dire l'essentiel des interventions qui ont été prononcées

 18   lors de cette réunion?

 19   Témoin C-048 (interprétation): Cette réunion informelle, disais-je, se

 20   tenait sans quelqu'un qui devait tenir un procès-verbal, mais la réunion

 21   avait bien des objectifs et des intentions concrètes. Il s'agissait de

 22   choses concrètes.

 23   Jovica Stanisic a été le premier à entamer une histoire disant qu'il

 24   arrivait directement du chef. Qui dit "chef" fait référence à l'accusé ici

 25   présent. Il a dit, entre autres, que lors de la conférence de Londres qui

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  1   devait avoir lieu prochainement, entre autres -je cite Jovica Stanisic-:

  2   "il sera traité de nos territoires en République serbe de Krajina"; ce qui

  3   devait évidemment considérer les territoires occupés, à cette époque-là,

  4   de la République de Croatie.

  5   Mihalj Kertes lui a dit en réponse -comme il s'est exprimé- que "pas mal

  6   d'Oustachis étaient déjà partis". Sur ce, Jovica Stanisic a mis l'accent

  7   sur le fait que ceci devait être important, en vue de positions lors de

  8   pourparlers à prendre à la conférence de Londres qui devait avoir lieu

  9   prochainement, pour que, moyennant une politique de fait accompli, ces

 10   territoires susnommés soient rattachés à la République de Serbie.

 11   Jovica Stanisic, quant à lui -en se tournant vers Mihalj Kertes- a dit

 12   qu'il devait travailler avec souplesse et délicatesse pour ne pas qu'il y

 13   ait de victimes humaines, et qu'il a fallu tout d'abord procéder par

 14   intimider un certain groupe de gens dans une région donnée, après quoi les

 15   autres gens finiront par les suivre. Il a notamment voulu faire une

 16   distinction à faire entre les méthodes empruntées en Voïvodine et les

 17   méthodes pratiquées en Croatie de l'Est, dans les zones UNPA, et que,

 18   disait-il, aucune trace ne devait rester. De même, lui, a-t-il dit, qu'on

 19   ne devait pas opter à miner les biens et les propriétés de tous ces gens-

 20   là dans le territoire de Serbie.

 21   Kertes, en réponse, a dit qu'il était en consultation permanente avec

 22   "Frenki" Simatovic. Il a été également évoqué l'exécution d'un vieillard

 23   du village de Hrtkovci, fin juin 1992, comme étant un exemple négatif de

 24   ce qu'il ne convenait pas de faire.

 25   A cette occasion-là, j'ai pu entendre également que la politique ainsi

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  1   pratiquée, la politique du fait accompli, devait aboutir à la création du

  2   territoire, mais que certaines portions de ce territoire dans le domaine

  3   de la Krajina serbe existaient déjà, qu'ils étaient négociables mais que

  4   "cette partie de l'Est -comme ils disaient, eux- devait toujours être à

  5   nous", à eux, comme ils disaient.

  6   Milorad Vucelic, quant à lui, lançant une série de phrases d'ordre

  7   politique, a dit que cette propagande était de nature patriotique, que

  8   tout devait être fait par lui dans la sphère de la propagande. Et il a

  9   dit: "Il y a toujours eu de sales types et des ordures, tel mon ancien

 10   'kum' Mile Isakov".

 11   Pour m'expliquer devant vous, Messieurs les Juges, Mile Isakov était à la

 12   tête de l'association indépendante de Voïvodine, à cette époque-là, dans

 13   les milieux de journalistes.

 14   M. le Président (interprétation): Difficile de tout bien appréhender

 15   lorsqu'il y a un tel récit. Il serait peut-être plus utile de diviser ceci

 16   afin que ce soit un peu plus digestible.

 17   M. Nice (interprétation): Tout à fait. Il y a une notion manuscrite, une

 18   mention manuscrite plus exactement; elle est de la main du témoin, donc il

 19   peut suivre. Puis, il y a des annotations en couleurs qui sont un peu plus

 20   difficiles à lire. Je pense que vous avez l'original pour lui. Nous avons

 21   la page 5 des notes. Tout cela se poursuit. Je crois que nous avons

 22   couvert tous les sujets jusqu'à dix lignes à partir de la fin. Et le

 23   témoin est un peu plus libre dans son style, dans le style qu'il utilise.

 24   Je reviens et je vais poser la question au témoin.

 25   Vous avez parlé de ce que Kertes vous avait rapporté: il avait dit qu'il

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  1   aurait fallu qu'il soit en contact constant avec "Frenki". Et puis, vous

  2   avez dit qu'il avait dit de quelle façon l'accusé s'était exprimé.

  3   Excusez-moi, il avait dit qu'il y avait des liquidations qu'il ne fallait

  4   pas exécuter en Serbie. Dites-nous qui a dit que les liquidations ne

  5   devraient pas se faire?

  6   Témoin C-048 (interprétation): Oui. C'est Jovica Stanisic qui l'a dit.

  7   Lorsque Kertes a répondu à Jovica, auparavant, il avait dit qu'il était en

  8   contact constant avec "Frenki".

  9   Question: Fort bien. Vous avez parlé de la propagande?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Qui a dit quoi que ce soit à propos de la propagande, par

 12   contraste avec la liquidation?

 13   Réponse: Milorad Vucelic a parlé, lui, de la propagande. En effet, c'était

 14   lui qui avait la responsabilité de la propagande tout en étant directeur

 15   de la chaîne nationale de télévision. Il était responsable de la

 16   propagande patriotique, c'est lui qui s'occupait de tout en matière

 17   d'information. Et puis, il a mentionné –là, je m'excuse auprès des Juges-

 18   "des voyous de la KB de Mile Isakov sont toujours dans les parages".

 19   Question: Je vous arrête. Vous avez fait mention des provinces orientales.

 20   Réponse: Oui.

 21   Question: De la façon dont on devrait s'en occuper -veuillez consulter vos

 22   notes puisque vous les avez devant vous-, est-ce qu'on a fait référence à

 23   la Slavonie orientale, au Srem occidental et à la Baranja? Je crois que

 24   ceci est ramassé dans un sigle, dans l'original. Mais dites-nous ce qui

 25   s'est dit dans le premier passage entre guillemets, et dites-nous

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  1   éventuellement qui a tenu ces propos.

  2   Réponse: Lorsqu'on parle des régions de l'Est, je pense à la zone appelée

  3   officiellement "Slavonie orientale, Baranja et Srem occidental", c'est

  4   l'Est de la République de Croatie.

  5   Question: Examinez vos notes et dites-nous précisément qui a dit quoi. Qui

  6   a dit qu'il fallait nettoyer cette région des Oustachis?

  7   Réponse: Jovica Stanisic a été le premier à en parler. Il a dit qu'il

  8   avait été voir le boss, le chef comme il l'a dit, et qu'à la conférence de

  9   Londres il y aurait des discussions à propos -je cite-…

 10   (Interruption de M. Nice.)

 11   Question: Examinez vos propres notes. Je sais que ce n'est pas facile de

 12   retrouver le passage concerné, mais je vais faire de mon mieux.

 13   Directement après un passage où vous faites référence à l'incident qui

 14   s'est produit à Hrtkovci, fin juin 1992, si vous voyez cet endroit, gardez

 15   le doigt dessus. Puis, vous allez suivre ce que vous-même vous avez écrit,

 16   et je pense que nous pourrons procéder avec un certain ordre. Est-ce que

 17   vous avez retrouvé cette note?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Ayez l'obligeance de voir la phrase qui suit, la fin de cette

 20   phrase parle de la "Voïvodine, l'intimidation, propagande." Et puis, on

 21   dit dans la phrase suivante que "la Slavonie orientale, le Srem occidental

 22   et la Baranja doivent se voir libérer ou nettoyer des Oustachis".

 23   Pourriez-vous nous dire qui a parlé à ce moment, qui a tenu ces propos?

 24   Réponse: C'est Jovica Stanisic. Il a insisté sur les méthodes utilisées

 25   dans les activités en Croatie orientale et en Voïvodine même. Il a dit que

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  1   cette région qu'on appelait "la Slavonie orientale, le Srem occidental, la

  2   Baranja" devraient être nettoyés des Oustachis et qu'après les Croates

  3   allaient peut-être vouloir obtenir cette région sans pour autant jamais

  4   l'obtenir.

  5   Mais je l'ai déjà dit au début de ma déposition, il avait été mentionné

  6   que dans la région limitrophe ou frontalière de la Voïvodine, il faut

  7   créer une majorité serbe solide avec -comme il le disait- des Serbes

  8   résistants. Et c'est quelque chose que j'ai entendu dire par Milovan

  9   Popivoda à l'occasion de la deuxième réunion.

 10   Question: Parlons toujours de la première réunion. Est-ce que c'est à ce

 11   moment-là que Vucelic a parlé d'une mission patriotique? Examinez la

 12   phrase suivante et dites-nous ce que cet homme a dit.

 13   Réponse: Oui, Vucelic a dit que nous étions tous engagés dans une grande

 14   mission patriotique, qu'il nous fallait créer un Etat serbe fort contenant

 15   le moins d'éléments hostiles possibles, que lui faisait tout ce qui était

 16   en son pouvoir dans le domaine de l'information et qu'à son avis la

 17   propagande diffusée par la RTS était de nature patriotique et que -je

 18   cite-: "Des voyous comme mon ancien 'kum', Mile Isakov sont toujours dans

 19   les parages".

 20   Question: Gardez toujours le doigt sur cette partie de vos notes. Est-ce

 21   que c'est Milovan Popivoda qui, selon vos souvenirs, est intervenu à ce

 22   moment-là dans la discussion? Si c'est le cas -nous sommes maintenant en

 23   haut de la page 6 en version en anglais-, pourriez-vous nous dire ce qui a

 24   été dit précisément?

 25   Réponse: Milovan Popivoda est intervenu dans la discussion. Il a dit qu'un

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  1   réseau de renseignements de centre chargé de recueillir des renseignements

  2   était formé dans la région qu'il appelait de Slavonie orientale, Srem

  3   occidental et Baranja et que lui assurait le contrôle de ces centres de

  4   renseignements. C'est la première fois que je l'entendais dire directement

  5   de la part de cet homme même, en personne, qu'il était pratiquement le

  6   véritable chef des services de renseignements ce qui était appelé "la RSK"

  7   dans la partie orientale.

  8   Question: Et est-ce que vos notes parlent à ce moment-là d'une

  9   intervention faite ou d'une observation formulée par Jovica Stanisic?

 10   Réponse: Oui, Jovica lui avait dit que le boss avait dit qu'il n'avait pas

 11   à se préoccuper d'argent puisqu'il faut toujours qu'il y ait des fonds

 12   pour répondre au besoin du service pour ce genre de chose.

 13   Question: A-t-on discuté de Milan Panic? Si c'est le cas qu'a-t-on dit à

 14   propos de cet homme?

 15   Réponse: Oui, ils ont parlé de Milan Panic. Il était Premier ministre

 16   fédéral à l'époque et ils ont dit que Slobodan Milosevic regrettait

 17   l'avoir nommé à ce poste de Premier ministre, mais ils ont aussi dit que

 18   l'objectif de l'accusé s'agissant de la désignation de Milan Panic, c'est

 19   qu'il devait se servir de ses connexions avec l'administration américaine

 20   pour mettre fin à l'imposition de sanctions, et qu'il croyait que Milan

 21   Panic n'allait pas s'immiscer dans la gestion véritable des affaires. Mais

 22   que ceci ne s'était pas avéré, que Milan Panic n'avait pas accepté d'être

 23   simplement un fantoche, que c'était un homme intègre, et que c'est la

 24   raison pour laquelle il allait bientôt être démis de ses fonctions.

 25   Question: Est-ce qu'à un moment donné, Hadzic a quitté la réunion? Et est-

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  1   ce que Stanisic et Kertes ont demandé quelque chose?

  2   Réponse: Oui, Goran Hadzic est allé aux toilettes et Jovica Stanisic a

  3   demandé à Kertes s'ils avaient toujours lui et "Frenki" la maîtrise de cet

  4   homme.

  5   Là-dessus, Kertes a répondu "qu'il n'avait pas à s'en faire", et Jovica

  6   lui a dit: "Bien, bien, je ne veux pas vraiment penser qu'il soit

  7   véritablement le président, qu'il pense lui qu'il est vraiment le

  8   président."

  9   Question: La réunion suivante a eu lieu, c'est bien cela, n'est-ce pas, en

 10   septembre 1992? Et je crois que vous l'avez une fois de plus consignée

 11   dans vos notes?

 12   Réponse: C'est exact. Il y avait les mêmes personnes présentes, mais cette

 13   fois-ci, "Frenki" Simatovic était présent également Radovan Pankov. Je

 14   tiens simplement à dire que Vukotic lui il était toujours présent. Nous

 15   parlons ici de Veselin Vukotic.

 16   Question: Gardez le doigt sur cette partie de vos notes afin que nous

 17   puissions bien vous suivre chaque fois que nous recevons l'interprétation

 18   de vos propos s'agissant de ces notes manuscrites. Je suppose que, là,

 19   cette réunion s'est passée, une fois de plus, au club du casino?

 20   Réponse: Oui.

 21   Question: Et elle commence par le fait que Mihalj Kertes a été démis de

 22   certaines fonctions du poste qu'il occupait?

 23   Réponse: Oui. Oui, au cours de la Conférence de Londres, Mihalj Kertes,

 24   qui était ministre adjoint de l'Intérieur, a été démis de ses fonctions

 25   sur instruction de Milan Panic, et ceci à cause du nettoyage ethnique

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  1   qu'il avait commis. C'était une décision officielle prise par Milan Panic

  2   et ceci a été la raison affichée, déclarée. On avait critiqué la décision

  3   de Milan Panic. Et ils se moquaient un peu de Kertes en disant que

  4   maintenant il était au chômage; ils ont dit que Panic était un traître,

  5   qu'il fallait empêcher qu'il poursuive ses activités. Cependant, ils ont

  6   également ajouté que, heureusement, on leur avait demandé de ne rien

  7   faire.

  8   Question: Est-ce que Stanisic a parlé avec "Frenki" et, si c'est le cas,

  9   qu'a-t-il dit à "Frenki"?

 10   Réponse: Oui, Jovica Stanisic s'est adressé à "Frenki" en disant: "Le boss

 11   m'a dit, aujourd'hui, de renforcer les actions en Slavonie, Baranja et

 12   Srem occidental parce que j'ai entendu dire que les Croates allaient

 13   essayer d'entrer par la force en Krajina". Et d'ici au 1er novembre, il a

 14   dit que la Forpronu était présente mais qu'il n'était surpris de rien.

 15   "Frenki" a répondu: "Ne t'en fais pas Jovica, tout est bien, nous avons la

 16   situation en main".

 17   Est-ce que Jovica Stanisic a de nouveau adressé la parole à "Frenki"?

 18   Réponse: Oui, il lui a dit sans ambages de se calmer et de veiller à ce

 19   que Pera Divlja parle moins. Je cite: "Qu'est-ce que je peux vous dire

 20   puisque ceci est même parvenu jusqu'à moi?". Il parlait ici de Petar

 21   Divljakovic membre des Bérets rouges, dont nous avons déjà parlé qui, lui,

 22   détonnait par sa brutalité. Il était en permission mais sous l'effet de

 23   narcotique et d'alcool il avait coutume de dire toutes sortes de choses.

 24   "Frenki" a dit : "Ne t'en fais pas, je vais m'en occuper mais tu dois les

 25   comprendre, ce sont des hommes jeunes et si on ne les avait pas on ne

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  1   parviendrait à rien faire"; il a tenu ces propos pour essayer de faire

  2   contrepoids à ce qui avait été dit précédemment. Jovica lui a répondu en

  3   disant: "Je comprends mais tu dois quand même t'en occuper". Il a répété

  4   qu'il ne fallait pas se faire de souci à propos des sources de

  5   financement.

  6   Question: Est-ce que la conversation est revenue sur Milan Panic?

  7   Réponse: Oui.

  8   Question: C'était une conversation avec un des Popivoda. Peut-être que vos

  9   notes indiquent lequel des deux frères Popivoda il s'agit, ce n'est peut-

 10   être pas très clair. D'après vous, il n'y avait que Milovan qui était

 11   présent?

 12   Réponse: C'est exact. Bien sûr!

 13   Question: Gardez toujours bien le doigt sur l'endroit où vous étiez.

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: C'est ainsi que se termine cette conversation, n'est-ce pas? A

 16   moins qu'à la lecture de ces notes le témoin ne se soit souvenu de choses

 17   dont il n'aurait pas encore parlé. Outre ce que vous avez déjà déclaré à

 18   propos de cette conversation, y a-t-il autre chose d'important que vous

 19   n'auriez pas encore mentionné?

 20   Réponse: Pour autant que j'ai pu suivre ce que j'ai dit jusqu'à présent

 21   dans ma déposition, j'ai dit tout ce qu'il fallait dire.

 22   Popivoda était présent mais il n'a pas participé à ce point à la

 23   conversation, du moins à un point tel que je m'en serais souvenu.

 24   Question: Dites-moi dans quelle partie du club, à quel moment de la

 25   journée, ces deux réunions se sont-elles tenues? Parlons d'abord de la

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  1   première de ces deux réunions: où et quand?

  2   Réponse: Dans la partie du club qui était zone privée, donc une partie du

  3   restaurant, et cela a dû se tenir au début de l'après-midi, entre midi et

  4   13 heures. Si la réunion a eu lieu dans cette partie-là du club, c'était

  5   quelque chose d'ordinaire. On était en été, et c'est là qu'il était le

  6   plus confortable d'être assis parce qu'à ce moment-là on reste à l'ombre.

  7   Question: Ceci concernait la première réunion. Qu'en est-il de la seconde?

  8   Où et quand a-t-elle eu lieu?

  9   Réponse: Même endroit, même temps à peu près. On était à ce moment-là vers

 10   le milieu du mois de septembre 1992.

 11   Question: Nous en arrivons ainsi, Messieurs les Juges, à la troisième

 12   réunion. Mention manuscrite de l'accusé au n° 6451, en version anglaise,

 13   nous sommes aux pages 8 sur 12.

 14   Monsieur le Témoin C-048, y a-t-il eu une réunion en mars 1993 dont vous

 15   vous seriez souvenue?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Où a-t-elle eu lieu et à quel moment de la journée?

 18   Réponse: Au club "Royal", vers midi.

 19   Question: Qui assistait à cette réunion?

 20   Réponse: L'accusé, Slobodan Milosevic, Mihajl Kertes, Milorad Vucelic,

 21   Radovan Pankov, Jovica Stanisic, Milovan Popivoda,

 22   Popivoda, Marko Kakovic. Veselin Vukotic était présent tout du long. Et

 23   moi, j'avais la même fonction, le même rôle que j'avais lors des deux

 24   premières réunions.

 25   Question: Apparemment, d'après ce que vous avez pu comprendre, d'où

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  1   venaient les participants à cette réunion?

  2   Réponse: C'est ce que j'ai compris, mais aussi je l'ai vu de mes propres

  3   yeux parce que depuis l'endroit où Vukotic et moi on était auparavant, on

  4   a pu voir clairement ces personnes que j'ai nommées arriver du conseil

  5   provincial du Parti socialiste de Serbie où se trouvait l'accusé ici

  6   présent, en visite de travail.

  7   Milorad Vuvcelic, deux ou trois jours auparavant, avait dit à Vesko qu'il

  8   allait voir s'il lui était possible de faire venir le boss, le chef.

  9   Evidemment, il ne pouvait pas en faire la promesse, car personne ne

 10   pouvait donner d'ordre à l'accusé d'aller où que ce soit. N'empêche,

 11   Milorad a réussi à le faire venir.

 12   Question: Nous allons utiliser la même méthode: vous allez suivre du doigt

 13   la partie du texte qui est numéroté. Nous avons une page qui commence par

 14   les chiffres 6462.

 15   "Ils se sont assis", est-il dit dans le texte. Et puis, que dit Pankov?

 16   Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé au début de la réunion, au

 17   moment où Radovan Pankov a pris la parole?

 18   Réponse: Radovan Pankov a été le premier intervenant. C'était normal

 19   puisqu'à l'époque, il était l'homme n°1 de Slobodan Milosevic en

 20   Voïvodine. Il est intervenu avec beaucoup de modestie. Il a dit: "Voilà,

 21   Boss, comme je vous l'ai dit, nous avons la situation en main". L'accusé a

 22   répondu: "Formidable, Raso. Je voulais simplement que tu saches que c'est

 23   une zone très sensible; il y a beaucoup de groupes minoritaires et

 24   beaucoup d'éléments hostiles parmi ces groupes".

 25   Question: Que s'est-il ensuite passé? Qui a pris la parole?

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  1   Réponse: C'est l'accusé qui a regardé du côté de Jovica Stanisic et lui a

  2   demandé comment se présentait la situation en Baranja, en Slavonie

  3   orientale. Jovica a dit que tout marchait comme prévu, qu'il y avait eu

  4   nettoyage du terrain des Croates et que la situation sur le terrain était

  5   stable.

  6   Ce sur quoi, l'accusé a dit: "Fort bien. Donc nous avons exécuté la partie

  7   principale du travail. Continuez sur votre lancée". Mais de façon subtile

  8   et avec un certain plaisir, il a dit: "Mais je me réjouis de voir comment

  9   les Croates vont demander la Krajina puisque maintenant, la majorité de la

 10   population est serbe".

 11   (L'interprète a raté la dernière phrase prononcée par le témoin.)

 12   Jovica lui a serré la main et a dit: "Oui, oui, très bien."

 13   Question: Les interprètes n'ont pas saisi la dernière phrase de votre

 14   intervention. Pourriez-vous revenir à vos notes? Après avoir dit :"Voilà,

 15   nous avons fait le plus gros du travail", quelle a été la phrase prononcée

 16   ensuite?

 17   Réponse: Oui, je vais poursuivre. Il a dit: "Mais continuez de cette

 18   façon, mais de façon subtile". Puis, il a dit, avec un certain plaisir:

 19   "Et maintenant, j'aimerais vraiment voir comment les Croates vont me

 20   demander d'avoir la Krajina, puisque maintenant, ce sont uniquement des

 21   Serbes qui habitent en Krajina. Surtout en Slavonie orientale et en

 22   Baranja. Quant au reste, on pourra encore en discuter.

 23   Question: Est-ce à ce moment-là que Jovica a secoué la tête et a dit "Oui,

 24   oui, très bien."?

 25   Réponse: Oui.

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  1   M. Nice (interprétation): A qui a parlé l'accusé ensuite?

  2   M. le Président (interprétation): Apparemment, il y a une audience prévue

  3   dans ce prétoire à 14 heures 30. Je pense que nous pouvons encore

  4   poursuivre encore quelques minutes, mais gardez ce fait à l'esprit.

  5   M. Nice (interprétation): (Hors micro.)

  6   J'ai encore toute une page pour ce volet-ci de l'audition du témoin. Nous

  7   allons en tout cas commencer.

  8   A qui s'est alors adressé l'accusé?

  9   Témoin C-048 (interprétation): Il s'est adressé à Mihalj Kertes en

 10   utilisant le sobriquet de celui-ci, "Bracika".

 11   Il a dit: "'Bracika', toi et 'Frenki', continuez, comme vous l'avez fait.

 12   Vous vous en êtes bien sortis jusqu'à présent. Et pour ce qui est du

 13   matériel, tu n'as qu'à demander à Jovica tout ce dont tu as besoin. Pour

 14   ce qui est des finances, tu n'as qu'à demander à Jovica et il vous donnera

 15   tout ce dont vous avez besoin. Il y a aussi Milovan qui est disponible.

 16   Mais continuez.". Il pensait sans doute à Milovan Popivoda.

 17   Puis, il a demandé à Kertes si "Arkan" était sous contrôle. Kertes a

 18   répondu: "Oui, chef, il l'est". Et l'accusé a dit: "Bien. Gardez bien le

 19   contrôle de cet homme. Il ne faut pas que ce soit lui qui vous monte sur

 20   la tête. Nous avons besoin de gens comme lui pour le moment, mais personne

 21   ne doit croire qu'il est plus puissant que l'Etat".

 22   Question: Qu'est-ce qui a ensuite été dit?

 23   Réponse: C'est alors que l'accusé a dit: "Il faut garder la pression

 24   partout et il faut composer un Etat unifié serbe se composant de la

 25   République de Serbie, du Monténégro, de la Republika Srpska et de la

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  1   République de Srpska Krajina, la RSK."

  2   C'est la raison pour laquelle il était important de maintenir toutes les

  3   pressions, parce que comme cela le monde allait connaître ce qu'il en

  4   était en réalité.

  5   Il a poursuivi son explication en disant que les Croates qui étaient allés

  6   à Zagreb ou dans un autre pays européen s'étaient installés, avaient

  7   obtenu un appartement, et par conséquent ne voulaient plus repartir,

  8   rentrer dans leur région d'origine. Il a aussi souligné le fait qu'en

  9   utilisant la Republika Srpska et la RSK, il aurait plus de facilités à

 10   maîtriser la situation au Monténégro au cas où le Monténégro commencerait

 11   à vouloir faire des vagues. Ce sont les termes qu'il a utilisés.

 12   M. Nice (interprétation): Est-ce que le moment se prête bien à la

 13   suspension?

 14   M. le Président (interprétation): Oui.

 15   M. Nice (interprétation): J'espère que vous allez pouvoir disposer de la

 16   liste des témoins. Je pourrai peut-être en parler plus précisément demain.

 17   M. le Président (interprétation): Fort bien. Il faudra peut-être aborder

 18   certaines questions concernant le témoin suivant et les modalités de sa

 19   déposition.

 20   M. Nice (interprétation): Nous garderons ce problème en tête, à l'esprit.

 21   Mais je peux vous dire d'emblée que le témoin n'a pas changé d'avis par

 22   rapport à la dernière fois.

 23   M. le Président (interprétation): Fort bien.

 24   Nous reprendrons l'audience demain matin à 9 heures.

 25   (L'audience est levée à 13 heures 50.)