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1 (Mardi 20 mai 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 02.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Nous allons commencer notre journée
6 aujourd'hui en formulant une décision orale, s'agissant de la requête
7 présentée par l'accusation, en application de l'Article 93bis, pour
8 modifier le nombre de témoins, et qui concerne également la durée
9 disponible pour présenter les moyens de preuve.
10 Le 10 avril 2002, la Chambre de première instance a donné pour instruction
11 à l'accusation de terminer la présentation de ses moyens à charge dans un
12 délai d'un an à partir de cette date-là, c'est-à-dire 14 mois à partir du
13 début du procès. Et la Chambre de première instance a exprimé son opinion
14 selon laquelle cette procédure ne devrait pas dépasser ce délai.
15 Le 25 avril, la Chambre d'appel a rejeté la demande présentée par
16 l'accusation afin d'obtenir l'autorisation d'interjeter un appel
17 interlocutoire contre l'ordonnance, en jugeant que la Chambre de première
18 instance n'avait pas commis d'erreur dans l'exercice de son pouvoir
19 discrétionnaire ni n'avait porté préjudice à l'accusation, mais a constaté
20 que la Chambre de première instance pouvait revenir sur sa décision lors
21 de la conférence préalable à l'ouverture du procès pour la Croatie et la
22 Bosnie, le 25 juillet 2002.
23 La Chambre de première instance, en application de l'Article 73bis-C), a
24 fixé le nombre total de témoins de l'accusation à 177; et, en application
25 de l'Article 73bis-E), le temps dont dispose l'accusation pour présenter
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1 ses moyens de preuve a été fixé à la date butoir du 16 mai de cette année.
2 Mais la Chambre de première instance a précisé que, si les circonstances
3 devaient se modifier au cours du procès, l'accusation pouvait demander à
4 modifier cette ordonnance, pour autant que des motifs valables soient
5 présentés.
6 L'accusation fait valoir que l'ordonnance d'origine a créé ce qu'ils ont
7 qualifié "d'anomalie" en fixant le nombre de témoins et en déterminant le
8 délai possible. Aucune anomalie n'est née. L'ordonnance était
9 particulièrement évidente: on pouvait citer à la barre 177 témoins, et le
10 délai disponible avait été fixé à la date du 16 mai 2003. Des jours
11 supplémentaires ont été ajoutés au délai imparti, compte tenu de l'état de
12 santé de l'accusé, le 2 mai de cette année; en fait, il s'agit de 54 jours
13 supplémentaires. Et si l'on procède à un nouveau calcul, on voit que la
14 date de clôture de la présentation des moyens à charge sera fixée au 5
15 septembre 2003.
16 A la date du 16 mai, l'accusation a cité 179 témoins à la barre, y compris
17 55 dans le volet "Bosnie" et dans le volet "Croatie". Il y a eu 192 jours
18 d'audience, dont 95 dans les volets "Bosnie" et "Croatie".
19 L'accusation demande à présent qu'une ordonnance soit prononcée, modifiant
20 celle du 25 juillet, afin de lui permettre de poursuivre la présentation
21 de ses moyens jusqu'à ce que la Chambre de première instance ait entendu
22 les dépositions de tous les témoins qui figurent dans la Liste B jointe à
23 sa requête, ou les témoins que la Chambre estime devoir être entendus.
24 Par ailleurs, la Chambre de première instance doit éviter de fixer une
25 date précise à laquelle l'accusation doit avoir terminé la présentation de
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1 ses moyens à charge.
2 Il reste encore 118 témoins dont les noms figurent à la Liste B, ce qui
3 représenterait environ 119 jours. L'accusation a également demandé à ce
4 qu'une période lui soit accordée pour citer des témoins en application de
5 l'Article 92bis, et estime qu'elle pourrait le faire d'ici au mois de
6 janvier de l'année prochaine.
7 Les fondements sur lesquels repose la thèse de l'accusation est qu'il
8 s'agit de l'intérêt de la justice de le faire, en application de l'Article
9 73bis-F), et les circonstances sont devenues de plus en plus manifestes au
10 fur et à mesure du déroulement du procès. Par conséquent, si la Chambre de
11 première instance n'a pu que faire une estimation en avril 2002, elle est
12 à présent mieux à même de formuler une évaluation.
13 L'accusation fait valoir qu'elle a tout mis en oeuvre pour respecter le
14 calendrier imparti et qu'elle ne peut pas régler les problèmes sans devoir
15 mettre de côté une partie importante de ce qu'elle appelle "ses moyens à
16 charge fondamentaux". L'accusation demande également à la Chambre de
17 pouvoir modifier le nombre de témoins et a précisé qu'elle continuera à
18 présenter des nouveaux témoins si ceci se présente.
19 Les amis de la Chambre ont fait valoir qu'il y a lieu de rejeter la
20 requête parce que, si on y faisait droit, la thèse de l'accusation serait
21 particulièrement longue pour un accusé qui doit faire face à une telle
22 ampleur.
23 Les amis de la Chambre font également valoir que la quantité des éléments
24 de preuve et les pièces à conviction ne pourraient pas être examinés comme
25 il se doit.
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1 Les amis de la Chambre font valoir que l'accusation n'a pas exposé de
2 motif valable justifiant une modification à ce stade de la procédure,
3 étant donné le délai qui lui avait été imparti par la Chambre de première
4 instance.
5 Par ailleurs, ils ont fait remarquer qu'il serait erroné pour la Chambre
6 de première instance d'indiquer quels témoins devraient être entendus,
7 étant donné que cela impliquerait la Chambre de première instance qui
8 devra à ce moment-là statuer au niveau de l'accusé.
9 L'accusation devrait également recevoir pour injonction de fournir une
10 liste définitive de témoins qu'elle appellera à la barre afin de permettre
11 à l'accusé de disposer du temps nécessaire pour préparer sa défense.
12 Le fondement de cette requête concerne l'Article 20, paragraphe 1 du
13 Statut, qui prévoit que "la Chambre de première instance veille à ce que
14 le procès soit équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule
15 conformément aux règles de procédure et de preuve, les droits de l'accusé
16 étant pleinement respectés..." (Fin de citation.)
17 Ceci signifie que le procès doit être équitable non seulement pour
18 l'accusation mais également pour la défense, et doit se dérouler de façon
19 rapide. Toutefois, il incombe à la Chambre de première instance de veiller
20 également que ce procès se déroule de façon diligente sans consommer, de
21 façon indue, le temps et les ressources internationales. Compte tenu de ce
22 contexte, l'Article 73bis-F) prévoit que: "En cours de procès, la Chambre
23 de première instance peut, dans l'intérêt de la justice, faire droit à la
24 requête du Procureur aux fins que lui soit accordé du temps supplémentaire
25 pour présenter ses moyens de preuve." (Fin de citation.)
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1 Par conséquent, en l'espèce, la Chambre de première instance doit être
2 convaincue qu'il est dans l'intérêt de la justice de s'écarter, d'annuler
3 l'ordonnance d'origine qu'elle a prononcée le 25 juillet. En d'autres
4 termes: est-ce que l'accusation a montré des motifs valables justifiant la
5 modification de l'ordonnance d'origine rendue par la Chambre de première
6 instance? A défaut, est-ce que les circonstances ont été modifiées de
7 telle façon que l'ordonnance doit être infirmée?
8 Il n'est pas possible de dire, comme le fait valoir l'accusation, que la
9 Chambre de première instance n'avait pas été pleinement informée
10 lorsqu'elle a statué. A cette époque, le procès avait déjà commencé, et ce
11 depuis cinq mois. L'accusation ne peut pas se plaindre s'il n'y a pas eu
12 de prorogation des délais, étant donné qu'elle a su -et ce depuis plus
13 d'une année- qu'il y aurait un délai imparti et connaissait également la
14 teneur de ce délai.
15 D'autre part, la Chambre de première instance doit juger s'il est dans
16 l'intérêt de la justice de restreindre la présentation des éléments de
17 preuve de l'accusation, à savoir que celle-ci ne soit pas en mesure de
18 citer le nombre de témoins requis concernant la présentation de ces moyens
19 à charge essentiels.
20 La Chambre de première instance a conclu qu'il serait dans l'intérêt de la
21 justice de permettre une prorogation du délai afin de permettre à
22 l'accusation de disposer d'un délai supplémentaire pour citer d'autres
23 témoins qu'elle considère comme essentiels.
24 Toutefois, la Chambre de première instance estime également que, si on
25 fait droit à cette demande, la présentation de moyens à charge serait trop
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1 longue pour toutes les parties concernées; plus particulièrement pour
2 l'accusé qui doit répondre à la présentation des moyens à charge et monter
3 sa défense.
4 Par conséquent, dans l'intérêt de la justice, il faut parvenir à un
5 équilibre. Ce faisant, la Chambre de première instance estime qu'au vu des
6 circonstances en l'espèce, il serait plus adéquat d'autoriser de modifier
7 le nombre de jours plutôt que de fixer un délai comme il était prévu dans
8 l'ordonnance initiale.
9 Par conséquent, l'ordonnance rendue le 25 juillet sera modifiée afin de
10 permettre à l'accusation de disposer de 100 jours à partir du 16 mai de
11 cette année comme étant le délai total qui lui est imparti pour présenter
12 ses moyens à charge.
13 Il n'y aura pas de modification s'agissant de l'ordonnance rendue
14 concernant le nombre de témoins.
15 Toutefois, la Chambre de première instance sait que l'accusation n'a pas
16 encore identifié l'ensemble de ses témoins et qu'en l'absence d'une telle
17 liste il est difficile pour l'accusé de préparer sa défense de façon
18 adéquate. L'accusation a fait remarquer qu'elle mettra la dernière main à
19 cette liste sous peu et la Chambre de première instance examinera cette
20 question de façon rapprochée.
21 J'aimerais encore traiter d'une autre question. Nous avons été saisis
22 d'une demande concernant le témoin B-24 concernant l'attribution de
23 mesures de protection.
24 M. Nice (interprétation): Merci. Avant de faire entrer le témoin dans le
25 prétoire j'aimerais encore soulever une autre question d'ordre
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1 administratif. Il se peut qu'il s'agisse de deux questions
2 administratives.
3 (Le banc de l'accusation se concerte.)
4 (Les Juges se concertent.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice, je vous en prie.
6 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)
7 Je vous prie d'accepter mes excuses. La question de l'Etat de la Croatie
8 est quelque chose que nous allions examiner dans le cadre d'un document
9 que nous allions présenter aux parties, et plus particulièrement
10 s'agissant du rôle de M. McCormack en tant qu'ami de la Chambre qui
11 s'occupe plus particulièrement de ces questions.
12 Nous proposons de procéder de la sorte et j'espère pouvoir le faire cette
13 semaine. La raison pour cela est qu'il s'agira d'un document qui sera
14 communiqué préalablement, et ce document émane d'un expert en constitution
15 qui présentera sa déposition.
16 Donc, à moins que la Chambre n'ait changé sa position quant à l'utilité de
17 disposer d'un tel document avant l'arrivée de M. McCormack -c'est ce que
18 nous proposons de faire-, puis-je à présent traiter d'une deuxième
19 question à huis clos?
20 M. le Président (interprétation): Nous passons à huis clos partiel.
21 (Huis clos partiel à 9 heures 20.)
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13 (Audience publique à 9 heures 25.)
14 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
15 M. le Président (interprétation): Peut-être que l'on pourrait faire
16 rentrer le témoin dans le prétoire? Et dans l'intervalle, pourriez-vous
17 nous présenter le programme de demain?
18 M. Nice (interprétation): Oui. Le témoin qui se présente demain est un
19 témoin qui devrait être examiné dans l'intervalle d'une seule journée.
20 (Le témoin, M. Renaud de la Brosse, est introduit dans le prétoire.)
21 M. le Président (interprétation): Mais il se peut que cette déposition ne
22 puisse pas être recueillie dans un délai d'une journée, auquel cas il sera
23 nécessaire de lui demander de revenir.
24 Bonjour, Monsieur de La Brosse. Je suis désolé de vous avoir fait
25 attendre. Nous avions à examiner un certain nombre de questions
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1 administratives.
2 (Interrogatoire principal du témoin, M. Renaud de la Brosse, par M.
3 Nice.)
4 M. Nice (interprétation): Monsieur le Témoin, hier -comme vous vous en
5 souviendrez- nous avions abordé votre rapport intitulé "Médias au coeur de
6 la guerre yougoslave". Et nous en étions arrivés à la page 59
7 approximativement de votre rapport. Nous en sommes à présent à la page 62
8 de ce rapport, et plus particulièrement à la note de bas de page 138 et à
9 la séquence n°11.
10 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
11 "Officier TO: J'ai dans ma main des dents en or. On m'a dit que ces dents
12 ont été arrachées au couteau sur des personnes quand elles étaient encore
13 en vie.
14 -Journaliste: Avez-vous des exemples disant que quelqu'un a été tué et
15 égorgé, ou autres exemples de crimes perpétrés?
16 -Vieil homme: Je suis parti avant mais, d'après ce que j'en sais, il y a
17 eu des tortures de cette nature.
18 -Journaliste: Que s'est-il passé?
19 -Vieil homme: Ils ont égorgé, ils ont coupé avec des couteaux, ils ont
20 arraché des ongles, ils ont voulu cuire des enfants. Dans des fourneaux,
21 nous avons trouvé des restes d'enfants sur les territoires... On a vu des
22 têtes coupées, des têtes… des cadavres, des corps décapités.
23 -Journaliste: Il n'y a donc pas de pitié à l'égard de qui que ce soit?
24 -Vieil homme: Il n'y a de pitié à l'égard de personne. Je ne sais pas ce
25 qui se passe. Je ne sais pas si ce sont vraiment des hommes."
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1 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
2 Bien. Monsieur le Témoin, il s'agit donc d'une séquence du 17 novembre
3 1991.
4 M. de La Brosse: Monsieur le Président, est-ce que vous me permettez de
5 faire deux observations avant de commenter cet extrait?
6 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.
7 M. de La Brosse: Merci bien. J'aimerais, si c'était possible, que l'on
8 fasse systématiquement référence, du fait du décalage entre les pages
9 entre les rapports français et anglais, aux numéros de paragraphes puisque
10 hier, à différentes reprises, j'ai eu du mal à retrouver dans mon texte le
11 passage concerné. Or, la réponse m'étant parallèlement posée, j'ai eu du
12 mal à… comment dirais-je? J'aurais nécessité davantage de temps pour
13 répondre. C'est assez stressant. Donc j'aimerais qu'on me donne le
14 paragraphe concerné de façon à ce que je le trouve rapidement et que je
15 puisse répondre en prenant le temps.
16 Par ailleurs, je souhaitais juste faire une observation, une précision à
17 la question qui m'a été posée hier par le Juge Robinson et sur laquelle je
18 n'ai peut-être pas été très clair dans la réponse. Je fais référence à
19 l'extrait vidéo sur l'excavation et la cérémonie d'enterrement durant
20 laquelle on a entendu M. Dobrica Cosic et à l'amalgame qui est fait entre
21 ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale et la situation du
22 début des années 1990 en Croatie.
23 Votre question était, si je l'ai bien comprise: "Peut-on parler à ce
24 propos de propagande licite… illicite -pardon- avant le début de la
25 guerre?"
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1 Si j'ai pu paraître hésiter, c'est parce que ceci renvoie à la question de
2 garde-fou et de textes juridiques, ce qui n'est pas ma spécialité; je ne
3 suis pas juriste. Néanmoins, cela m'apparaît être intimement lié à la
4 propagande.
5 Aussi, avec votre autorisation, je voulais juste répondre en soulignant
6 trois points. Le premier, c'est qu'il existe des textes internationaux
7 interdisant toute propagande haineuse, ethnique ou religieuse; et je pense
8 notamment au Pacte international relatif aux droits civil et politique de
9 1966 et à son article 20, qui a été ratifié par la Yougoslavie, à
10 l'époque. Et je pense également aux textes républicains et fédéraux
11 existants dans l'espace yougoslave. Donc à partir du moment où, à travers
12 ce type de cérémonie, on stigmatise une communauté -en l'occurrence, la
13 communauté croate dans son entier-, on peut parler de "propagande
14 illicite", que l'on soit dans un contexte de guerre ou non, en
15 l'occurrence. C'est ce que je voulais dire.
16 Et par ailleurs, vous me posiez la question, hier; je n'ai pas tout à fait
17 traitée, j'avoue. Je n'ai pas relevé que ce type de cérémonies a commencé
18 en Serbie dès 1987 et ont été retransmises à la télévision. Et là, je vous
19 renvoie et travail d'une sociologue française réputé, Véronique Nahoum-
20 Grappe; j'y fais référence dans la note 93 du rapport.
21 Je vous remercie.
22 M. Nice (interprétation): Je vous remercie et je vous présente mes excuses
23 pour ne pas avoir fait référence aux paragraphes; je vais veiller à le
24 faire dorénavant.
25 Si vous vous rappelez la séquence que nous venons de voir, s'agissant des
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1 dents, parlant notamment des doigts des enfants, etc., quelle est votre
2 observation et quelle est votre position, s'agissant particulièrement de
3 la propagande?
4 M. de La Brosse: Ce que je remarquerai d'entrée, c'est que
5 -professionnellement parlant- ce reportage n'est pas satisfaisant puisque
6 les témoignages de civils recueillis sur ces prétendus atrocités
7 n'apportent aucun élément de preuve à ces allégations, et les témoins ne
8 sont jamais des témoins directs.
9 Mon commentaire, c'est qu'à travers ce procédé, à travers un jugement
10 global dépeignant les Croates comme inhumains -je crois que cela figure
11 dans l'extrait-, cela permet de mieux justifier, finalement, leur
12 destruction et leur élimination.
13 Question: Je vous remercie. J'aimerais à présent me référer à la page 64;
14 il s'agit de la page 64 dans la version anglaise.
15 Pourrions-nous placer tout d'abord sur le rétroprojecteur l'intercalaire
16 n°60? Il s'agit d'une partie de votre rapport qui concerne plus
17 particulièrement les Oustachis. Il s'agit d'une partie de votre rapport
18 qui est intitulée "stigmatiser l'adversaire", en français.
19 Nous voyons ici un rapport daté du 25 septembre 1991, un ordre émanant du
20 commandant de l'état-major de la Défense territoriale régionale qui dit, à
21 l'article 1: "J'ordonne que toutes les forces armées de l'ennemi soient
22 appelées conformément à leur nom, à savoir "Oustachis".
23 Ensuite intercalaire 61, page 7, il s'agit d'un document qui émane de
24 l'armée, du 14 novembre 1991. Il s'agit d'un document qui émane de
25 l'armée, qui est adressé aux soldats d'une façon générale et qui précise
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1 ce qui suit -début de citation-: "La libération de Vukovar, de Borovo et
2 de Borovo Naselje se traduira par la liberté du peuple civil assiégé, et
3 plus particulièrement des Serbes qui sont maintenus là-bas en tant
4 qu'otages. Hier, quelque 60 personnes ont été sauvées de Vukovar, ces
5 personnes avaient survécu à toutes les horreurs des Oustachis ayant passé
6 plusieurs jours et semaines dans des cellules, sans disposer d'eau ni de
7 nourriture. Ces personnes ont été conduites en Vojvodine et elles se
8 remettent de leurs émotions". (Fin de citation.)
9 Je vous remercie. A présent, nous passons à l'intercalaire 63, je vous
10 prie, page 2 au début de la page. Une fois de plus, il s'agit d'un
11 bulletin qui émane de l'armée. Il s'agit du n°35. Il s'agit du 5 octobre
12 1991 et on voit ici une déclaration qui émane du secrétaire fédéral à la
13 Défense nationale, le général Kadijevic. Et le passage souligné se lit
14 comme suit: "En dépit de nos efforts, les événements se sont déroulés de
15 façon différente, essentiellement en raison des activités des forces
16 destructives internes, également en raison de l'influence significative de
17 certains facteurs étrangers qui sont profondément impliqués dans tout ce
18 qui se passe..." (Fin de citation.)
19 Si nous passons à la page 3, nous voyons comment il décrit la situation.
20 Il s'agit d'un passage qui se trouve tout au début de la page. Dans une
21 partie du pays, nous sommes qualifiés "d'occupants". Et par la suite, on
22 voit: "Agissant sur décision de la Présidence de la République fédérative
23 socialiste de Yougoslavie, notre objectif principal était d'empêcher les
24 conflits interethniques sanglants et d'éviter tout génocide à l'encontre
25 de la population serbe." (Fin de citation.)
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1 Passage suivant: "Ce qui se déroulait en République de Croatie peut être
2 qualifié de 'néonazisme'; à présent, ce néonazisme représente la menace la
3 plus grave pour le peuple serbe en Croatie et qui s'oppose diamétralement
4 aux intérêts vitaux du peuple croate et à tout autre peuple dans
5 l'environnement yougoslave. (Fin de citation.)
6 Enfin, toujours pour traiter de ce sujet, intercalaire 65, il s'agit d'un
7 ordre qui émane du colonel Cedomir Bulat qui est daté du 20 novembre 1991
8 et qui émane du Groupe tactique n°2. Le passage surligné de cet ordre
9 concerne les informations relatives aux objectifs de la guerre qui se
10 lisent comme suit: "Actuellement, l'objectif de nos peuples a été décidé
11 et nous ne devons pas permettre à d'autres de le déterminer, de nous
12 détruire et de nous assaillir."
13 Puis, on fait un saut, et on continue plus loin: "Dans le cadre de cette
14 guerre, nous défendons le droit à la vie, à la survie, à la dignité, à
15 l'honneur, au droit de ces peuples qui vivent à assurer la poursuite d'une
16 coexistence mutuelle en Yougoslavie. (Fin de citation.)
17 Le paragraphe suivant fait référence aux partisans du néonazisme
18 autrichien et le paragraphe se termine par les mots suivants: "Liste de
19 l'armée de la JNA qui n'avait aucun choix que d'effectuer cette guerre qui
20 était imposée et qui faisait face avec forces. La JNA joue un rôle décisif
21 compte tenu de nos objectifs."
22 Puis, il y a une référence à la prévention des zones essentielles. Et puis
23 -si l'on tourne la page, Monsieur l'Huissier-: "Utilisation de cette
24 information lors de la préparation de l'exécution des tâches afin de
25 veiller à ce que tous les membres de l'unité comprennent exactement nos
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1 objectifs précis de la guerre en les adoptant de façon permanente en tant
2 que mobile d'un comportement courageux et d'auto sacrifice dans le cadre
3 d'un combat armé. (Fin de citation.)
4 Je vous remercie. Donc l'objet général était de singulariser les Croates
5 et les soldats et de les qualifier d'Oustachis ou de fascistes lorsqu'on
6 fait référence à la lutte en Allemagne. Quels sont vos observations,
7 compte tenu de ces documents? Qu'est-ce que vous aimeriez rajouter, je
8 vous prie?
9 Réponse: Ce que j'aimerais dire, c'est que l'on retrouve la même
10 terminologie employée dans les médias serbes pour stigmatiser l'ennemi;
11 j'en ai eu la confirmation par les journalistes que j'ai pu rencontrer.
12 Ceci étant, ces directives n'étaient pas des directives écrites, c'étaient
13 des directives orales, mais on demandait effectivement de parler à propos
14 des combattants croates de hordes oustachis ou de hordes fascistes
15 vaticanes.
16 Question: Dans la même partie de votre rapport, et à la fin du paragraphe,
17 votre paragraphe 64, il y a la note de bas de page n°143, et il serait bon
18 de faire défiler la séquence 12, datée du 9 septembre 1991.
19 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
20 "Il désigne les Serbes… (inaudible).
21 Ils ouvrent le feu sur nous. Et on apprend que sur le champ de bataille de
22 Banija il y avait une compagnie d'égorgeurs appelée "Les légions noires".
23 Ce sont des hordes de mercenaires assoiffés de sang serbe, et l'on se rend
24 compte de plus en plus que cette population a été rayée de la liste des
25 vivants."
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1 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
2 Monsieur le Témoin, avez-vous des observations au sujet de cette séquence,
3 je vous prie?
4 Réponse: Oui, c'est un exemple de ce que je viens de dire. A travers le
5 vocabulaire, la terminologie employée, on cherche à stigmatiser l'ennemi.
6 Et là, ce qui est frappant également, c'est qu'on fait référence à ce qui
7 s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale en parlant de "Black
8 legion", "Légion noire".
9 Question: Nous passons au paragraphe 65 de votre rapport qui traite
10 toujours de ce même thème. Il s'agit de la page 65 en anglais. Est-ce que
11 l'on pourrait voir l'intercalaire n°66, je vous prie? Il n'existe pas
12 d'intercalaire n°66, il s'agit d'une erreur de ma part.
13 Nous allons nous tourner à la note de bas de page 146 et projeter la
14 séquence n°13, datée du 20 novembre 1991.
15 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
16 "-…On sait que plusieurs dizaines d'enfants ont été tués, égorgés par des
17 égorgeurs croates. Les membres de la Défense territoriale serbe retrouvent
18 de nos jours encore des familles serbes tuées. Dans la ville de Vukovar,
19 il y a dans sa banlieue un énorme camp de concentration."
20 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
21 Que voulez-vous dire au sujet de cette séquence? Et, dans la mesure où
22 vous le pouvez, quelle est votre interprétation s'agissant de la précision
23 de cette séquence?
24 Réponse: Là encore, on a une pratique de l'amalgame historique qui est
25 fait entre un Croate fasciste de la Seconde Guerre mondiale et la Croatie
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1 de Franjo Tudjman. L'objectif de ce commentaire télévisuel, c'est la
2 stigmatisation de l'ennemi, on voit à la terminologie employée -les
3 couteaux oustachis- et le parallèle qui est fait entre la situation à
4 Vukovar, le fait que l'on parle de "camp de concentration" n'est pas
5 innocent et renvoie là aussi à ce qui s'est passé pendant la Seconde
6 Guerre mondiale. Implicitement, la comparaison est faite avec les camps de
7 concentration croate qui ont existé pendant la Seconde Guerre mondiale. La
8 clef de lecture de ce qui se passe à Vukovar, la couverture est une
9 lecture caricaturale -je dirais- de la situation.
10 Question: Nous passons à présent au paragraphe 65, page 66 en anglais,
11 l'intercalaire n°147, la séquence n°14 qui a été diffusée le 5 avril 1992.
12 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
13 "Après les négociations de paix, cinq minutes avant la prière du soir,
14 avant le Bajram, nous avons connu la plus grande diversion pendant cette
15 guerre. Cela a été réalisé par les Oustachis, selon les méthodes du Djihad
16 et de la même façon cruelle qui est propre aux uns et aux autres. C'est
17 une première manifestation évidente du Djihad sur le territoire de
18 l'Europe."
19 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
20 Je vous remercie. Quelles seraient vos observations au sujet de cette
21 séquence, je vous prie?
22 Réponse: Là encore, on insiste à un procédé visant à stigmatiser, à
23 diaboliser l'ennemi à travers un vocabulaire, une terminologie étudiée. Je
24 pensais faire un commentaire global sur les deux exemples que j'ai donnés
25 en note de bas de page, si vous le permettez.
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1 Donc, on retrouve là encore la pratique d'un amalgame historique à partir
2 de faits; on fait état d'un massacre de 200, de 300 Serbes en citant le
3 nom d'un village, et on lit directement la perpétration de ce massacre à
4 ce qui s'est passé durant la Seconde Guerre mondiale. Donc, là encore, on
5 a un exemple supplémentaire d'amalgame historique qui est systématiquement
6 pratiqué dans la couverture médiatique, qui est fait dans le conflit en
7 Bosnie-Herzégovine comme en Croatie.
8 Question: Il serait peut-être bon de revenir sur l'intercalaire 66, mais
9 j'aimerais obtenir vos observations au sujet de l'intercalaire n°2 de la
10 pièce à conviction 361. Je retire cette requête. Il se peut que je
11 revienne sur celle-ci plus tard, mais peut-être que non.
12 Nous allons poursuivre l'analyse de votre rapport. Nous allons passer à la
13 section qui suit. Il s'agit de votre segment intitulé "La paranoïa du
14 complot" à la page 74 de la version française. Et nous allons, à présent,
15 examiner le paragraphe 68 de votre rapport qui se trouve aux pages 67 et
16 68 dans la version anglaise.
17 J'aimerais que vous vous penchiez sur la note de bas de page numéro… Non,
18 je m'excuse. Je vous présente mes excuses, Monsieur le Président. Nous
19 allons nous attarder sur la page 68 de la version anglaise. Non, nous
20 allons revenir à la note de bas de page 147.
21 (L'interprète précise que dans la version française, cela se trouve à la
22 page 73.)
23 J'aimerais faire jouer l'intercalaire 15. Il s'agit du 26 mai 1992.
24 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
25 "Ce jour, au front de Mostar jusqu'à notre rapport de ce jour, nous avons
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1 eu un temps… enfin, une période de paix, sans provocation armée.
2 Toutefois, les Oustachis s'attaquent quotidiennement à nos forces, mais
3 ils n'ont pas la force d'effectuer une offensive générale. D'après les
4 informations dont nous vous informons, certains groupes ne renoncent pas
5 aux tentatives de faire des incursions sur le territoire de Roska Gora et
6 de Bogodol où, selon certaines informations émanant de sources militaires,
7 il y a eu massacre terrible de 200 ou 300 Serbes et destruction de leurs
8 propriétés complète. Il s'agit de crime à tous points de vue analogue à ce
9 que les Oustachis, avant d'être battus, ont perpétrés en 1944".
10 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
11 Souhaitez-vous rajouter quoi que ce soit de plus, compte tenu des
12 interventions que vous avez déjà faites à ce sujet?
13 M. de La Brosse: Oui, je crois que j'ai participé au trouble qui s'est
14 manifesté à travers vos hésitations concernant les pages. En fait, j'ai
15 commenté tout à l'heure les deux extraits; je vous ai devancé puisque je
16 citais les deux extraits dans la même note de bas de page.
17 Question: Bien. Nous allons à présent passer au paragraphe 68, qui se
18 trouve à la page 74 en langue française, il s'agit de la note de bas de
19 page 156. Il s'agit de la partie intitulée "La paranoïa du complot".
20 Et nous allons visionner une séquence du 22 octobre 1991 qui indique:
21 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
22 "Veljko Kadijevic: C'est avec impatience que l'Allemagne, pour la
23 troisième fois dans ce siècle, s'attaque à nous. Mais elle se sert de
24 méthodes adaptées à ce temps; ce ne sont plus les méthodes du fascisme de
25 la Deuxième Guerre mondiale. Avant, on s'était servi de la 5e colonne et
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1 maintenant, ce sont des méthodes de guerre spéciales, en préparant des
2 actions économiques et militaires.".
3 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
4 Quelles sont vos observations à ce sujet, Monsieur de La Brosse?
5 Réponse: Donc là, c'est un exemple de… une manifestation de ce prétendu
6 complot dont la Serbie serait victime. Cet exemple est important au sens
7 où ce n'est pas n'importe qui qui le véhicule, puisque c'est le ministre
8 fédéral de la Défense.
9 Ce que je voudrais dire, c'est que… si j'avais une observation à faire,
10 c'est que c'est un exemple pris parmi beaucoup d'autres. Et si j'ai une
11 observation à faire, c'est que la spécificité de la propagande serbe, elle
12 tient en fait à l'extrême diversité, à l'extrême variété des groupes
13 -Etat, institutions, etc.- qui en ont été la cible, c'est-à-dire qui ont
14 été désignés comme des ennemis ou des menaces potentielles contre les
15 Serbes.
16 Pour vous donner une idée de la variété de ces cibles, j'aimerais
17 simplement vous lister quelques exemples.
18 Parmi les cibles, donc, il y a les Albanais du Kosovo, les Slovènes, les
19 Croates, les Musulmans et Croates de Bosnie-Herzégovine, les
20 indépendantistes macédoniens, les minorités croates et hongroises de
21 Vojvodine. Parmi les pays qui feraient partie de ce prétendu complot, à
22 travers les exemples que j'ai pu avoir entre les mains, que ce soit dans
23 la presse écrite ou à la télévision et à la radio, vous avez les USA,
24 l'Allemagne, l'Albanie, la Turquie, l'Autriche, le Vatican, la France, la
25 Grande-Bretagne et l'Autriche. Parmi les organisations qui ont pu
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1 également être citées comme parties prenantes de ce complot, vous trouvez
2 les Nations Unies, la Communauté européenne, l'OTAN, l'OSCE. Vous trouvez
3 également des institutions de renseignement comme la CIA, le KGB et aussi
4 la DGSE française. Autres participants à ce prétendu complot, en Serbie
5 même: la presse indépendante, les ONG -je pourrais citer, par exemple, la
6 Fondation "Soros"-, le Comité Helsinki ou encore l'opposition serbe.
7 Donc c'est un exemple, parmi beaucoup d'autres, qui montre l'étendue des
8 cibles qui sont donc citées comme étant… comme complotant contre la
9 Serbie. En fait, là, on a affaire à un message qui est simple et qui est
10 décliné, répété inlassablement sous des formes différentes. L'idée, c'est
11 que le peuple serbe est menacé de toutes parts; et l'idée conséquente,
12 enfin, l'idée qui est implicitement suggérée, c'est que nous devons nous
13 réunir pour faire face à ces menaces.
14 Question: Toujours au sujet de ce même sujet, la dernière phrase de votre
15 paragraphe 69, qui se trouve à la page 80…, la page 76 en langue anglaise.
16 J'aimerais faire jouer la séquence 17, je vous prie.
17 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
18 "Il s'agit d'une guerre totale conduite à l'encontre de notre guerre; une
19 guerre totale. Et l'on procède à un génocide physique, à un génocide
20 spirituel à notre égard, et à un génocide moral. Alors, on cherche à
21 annihiler notre entité. Cela est conduit par les armées, les hommes
22 politiques, l'Eglise, les médias, et cela est conduit par un univers tout
23 entier qui s'est unifié pour gagner cette guerre et pour nous faire perdre
24 cette guerre.
25 Je crois bien que la première des choses à faire, c'est entreprendre tout
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1 ce qu'il est possible de faire pour défendre la vérité. Il faut que nous
2 disions au reste du monde que c'est un temps de honte, de mensonge et que,
3 dans ces temps-là, on ne choisit pas les moyens dont on se sert pour
4 annihiler spirituellement un peuple. Et ce génocide spirituel vise à
5 détruire une civilisation qui est la nôtre. On se sert des médias…"
6 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
7 Quelles sont vos observations au sujet de cette séquence, je vous prie?
8 Réponse: Il faut rappeler le contexte concernant cet extrait. On est à un
9 moment où la communauté internationale se fait plus ferme à l'endroit de
10 la Serbie et naît, à ce moment-là, l'idée selon laquelle la Serbie serait
11 victime d'un complot international génocidaire. Et ici, cette idée, elle
12 est relayée par Dobrica Cosic, qui est une figure historique du
13 nationalisme serbe et par ailleurs président de la République fédérale de
14 Yougoslavie, qui accrédite en personne cette idée. Cette idée de génocide
15 qui serait perpétrée par la communauté internationale contre le peuple
16 serbe, on la retrouve aussi dans un exemple que je cite plus haut.
17 Question: Nous allons poursuivre l'analyse de votre rapport, au paragraphe
18 71, page 79 de la version française, page 72 de la version anglaise, note
19 de bas de page 166.
20 Dans votre rapport, vous précisez qu'une des facettes de ce complot anti-
21 serbe était la notion d'une conspiration qui aurait été promulguée par
22 d'autres. Séquence 18, je vous prie.
23 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
24 "…répondre à leurs obligations et devoirs patriotiques de défense de la
25 patrie contre l'extermination du peuple serbe. Le peuple serbe a toujours
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1 su, dans son histoire, reconnaître ses ennemis et les éliminer. Nous
2 espérons bien qu'il réussira cette fois-ci encore."
3 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
4 Monsieur de La Brosse, quelles seraient vos observations à ce sujet?
5 Réponse: Dans cet exemple, on a une autre facette de la paranoïa du
6 complot; celui des traîtres de l'intérieur, la 5e colonne qui recevrait
7 ses ordres de l'étranger, donc traîtres de l'intérieur qu'il faut
8 éliminer. Le contexte est ici important, puisque c'est un contexte de
9 guerre et que la diffusion d'un tel communiqué peut être reçue comme la
10 porte ouverte au lynchage de tout opposant au régime et à la guerre.
11 Question: Je vous remercie. Nous passons à présent aux paragraphes 72 et
12 73, pages 81 et 82, qui portent comme titre "Triomphe de la
13 désinformation".
14 Dans le paragraphe 73, vous parlez de la façon dont l'information qui
15 contredit la propagande officielle est méthodiquement écartée; et vous
16 citez un des exemples les plus flagrants comme étant le bombardement par
17 les forces serbes des villes de Sarajevo et de Dubrovnik.
18 Pouvons-nous voir l'intercalaire 57, je vous prie? Il s'agit d'une
19 publication du "Monitor", qui a été publiée le 29 janvier 1993, et qui
20 porte comme intitulé "La vérité a été écrite il y a longtemps". Il s'agit
21 de la participation du Monténégro dans la lutte sur le front de Dubrovnik.
22 Si nous nous arrêtons à la page n°3 de la traduction de cet article, on
23 voit ici un extrait qui se lit comme suit: "Dans les jours à venir, le
24 journal le quotidien "Pobjeda" note que les éclaireurs courageux de la
25 Brigade Veljko Vlahovic ont tué quatre Oustachis dans la lutte pour le
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1 village de Dubravka. Tout en se retirant, les Oustachis ont pillé et
2 incendié des maisons du village."
3 Puis: "le 14 octobre 1991, nous avons libéré Plat et Kupari". Et puis,
4 plus loin encore, ils ont présenté des rapports selon lesquels "les
5 résistances avaient été écrasées par les forces oustachis près de Plat".
6 Puis, on saute quelques lignes: "Et les corps des mercenaires étrangers
7 ont été trouvés."
8 On saute encore un paragraphe: "Nous avons entendu beaucoup parler des
9 mercenaires étrangers au cours de ces quinze jours de guerre. La peur
10 régnait parmi les soldats. En fait, s'agissant de ces 15 mercenaires, nous
11 n'avons rencontré aucune formation militaire légale ni un mercenaire, en
12 dehors de ceux qui ont été pris en détention ou tués".
13 Paragraphe suivant qui commence: "Plat a été pris en effet, et ceci sans
14 devoir lutter."
15 Et dans le paragraphe suivant, on trouve les mots suivants: "Il s'agit
16 d'une tâche précise qui est confiée aux soldats. Rrien n'échappe à notre
17 attention".
18 Et puis, tout au bas, on voit que les choses se poursuivent.
19 Quelles seraient vos observations au sujet de cette campagne, d'une
20 manière générale?
21 Réponse: Je crois que c'est un exemple supplémentaire montrant les
22 techniques de désinformation qui ont été utilisées pour tromper l'opinion
23 publique sur ce qui se passait réellement sur le théâtre des opérations.
24 Ce qui est intéressant, c'est que c'est un témoignage de quelqu'un qui a
25 effectivement participé aux opérations et qui constate le décalage
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1 complet, la déconnexion totale entre les faits qu'il a vécus et les
2 commentaires, l'interprétation qui est faite de ces éléments par un média.
3 C'est un procès classique de désinformation.
4 Question: Intercalaire 58, s'il vous plaît. Dans le même contexte. Je vais
5 vous donner quelques minutes.
6 (Intervention de l'huissier.)
7 Monsieur l'Huissier, j'aimerais que nous puissions voir le haut de la
8 page. Oui, merci. Voilà.
9 Un article du "Monitor", en date du 17 décembre 1992, intitulé "Nous
10 gagnerons la guerre qui nous a été imposée." Il n'y a pas de surlignage
11 dans ce texte de la part de mes associés -je vous prie de m'en excuser-
12 mais nous pourrons suivre facilement, je crois.
13 En ligne 2, nous voyons par exemple le mot "libération" -entre
14 guillemets-. Donc premier paragraphe, ligne 2, il est question d'une
15 "marche de libération contre les Oustachis, les Kurdes, les mercenaires
16 profiteurs qui -comme les auditeurs en ont été informés- fourmillent à
17 Konavle, à Dubrovnik".
18 Et au deuxième paragraphe, nous voyons que "la vengeance est recherchée et
19 que l'opinion publique a été étonnée de façon très négative que les
20 ardeurs combattantes se sont éveillées".
21 Et ensuite, trois lignes sont consacrées au MUP et il est fait référence
22 au "ministère de l'Intérieur qui a subi 6 à 700 pertes humaines".
23 En page suivante, le paragraphe du haut, on voit un exemple de la nuance
24 dans cet article. En deuxième ligne à partir du haut, nous lisons -je
25 cite-: "A partir de la pratique…".
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1 Merci, Monsieur l'Huissier, très bien.
2 Donc: "Dans la pratique, le désarmement de toutes les formations
3 paramilitaires, que le gouvernement oustachi a accumulé pendant un certain
4 temps contre le territoire du Monténégro et de l'Herzégovine, s'est
5 achevé, l'objectif fondamental consistant à mener la guerre également dans
6 ces zones." (Fin de citation.)
7 Dernier paragraphe, il se lit comme suit, depuis le début -je cite-: "Dire
8 que les dirigeants du Monténégro ont averti à plusieurs reprises le
9 gouvernement oustachi".
10 Et puis, nous allons un peu plus loin. Je trouve des références
11 supplémentaires aux Oustachis dans ce même paragraphe, il y en a un
12 certain nombre. Et puis, une citation -je pense que c'est celle de Pavle
13 Strugar- au paragraphe suivant où nous voyons quatre lignes à partir du
14 bas -je cite-: "Ont exercé leurs connaissances approfondies du terrain."
15 (Fin de citation.)
16 Paragraphe suivant, il est fait référence au gouvernement oustachi. Et
17 pour gagner du temps, nous passerons rapidement à la page 3, premier
18 paragraphe entier de cette page où nous trouvons, à la quatrième ligne à
19 peu près, la proposition suivante -je cite-: "Il a été expliqué que les
20 fascistes reproduisent leurs actes regrettables du passé et refont la
21 tragédie de l'Histoire." (Fin de citation.)
22 Et puis, nous avons une explication de l'opération de Dubrovnik de la part
23 de Marovic. Et au paragraphe suivant, Milo Djukanovic, le premier ministre
24 monténégrin, est cité également comme "ayant eu des pourparlers avec la
25 partie croate, avec les Oustachis hypocrites, criminels, assoiffés de sang
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1 frénétique; en d'autres termes, des mercenaires dont le but consiste à
2 démanteler l'Etat yougoslave." (Fin de citation.)
3 Et il est question ensuite, un peu plus loin, de génocide.
4 Alors, peut-être que j'ai consacré trop de temps à cette lecture, mais
5 j'aimerais avoir votre commentaire, je vous prie.
6 Réponse: Je pense que c'est un exemple supplémentaire de la terminologie,
7 l'utilisation de certains procédés dont on a discuté… pardon, dont on a
8 cité quelques exemples auparavant. Je n'ai pas de commentaire particulier
9 supplémentaire à faire sur ce document.
10 Question: Pouvons-nous maintenant passer en note en bas de page 177, à la
11 fin du paragraphe 73. Donc, toujours le même paragraphe que tout à
12 l'heure, nous sommes dans le même sujet général. Note en bas de page 177
13 que l'on trouve en page 75 de la version anglaise, il s'agit de la
14 séquence vidéo 19 où il est question de l'incendie de la bibliothèque de
15 l'Université de Sarajevo.
16 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
17 "La bibliothèque universitaire a été mise à feu. C'est une circonstance
18 heureuse qu'un trésor inappréciable de ce patrimoine mondial ait été
19 déménagé deux mois ou trois mois avant. Il est difficile d'établir comment
20 le feu a été mis à cette bibliothèque. La vérité, c'est qu'à proximité de
21 Trebevic il y a eu des combats très rudes, et nous avons pu voir les
22 dommages occasionnés sur ce bâtiment à Sarajevo, mais nous n'avons pas pu
23 voir de dommages portés par des obus. Nous avons toutefois remarqué les
24 flammes, et qu'une fois on a pu voir plusieurs étages en flammes; et il
25 s'agit une fois de plus d'une manipulation musulmane ou des autorités
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1 musulmanes conformément à ce qui s'est passé à Dubrovnik comme nous avons
2 déjà pu le voir auparavant." (Fin de citation.)
3 Un commentaire, je vous prie, sur cette séquence?
4 Réponse: Ce que je dirais, c'est que l'information qui entre en
5 contraction avec la version officielle de se qui se passe est soit omise,
6 soit déformée pour mieux coller à la version officielle. Donc c'est un
7 exemple qui fait référence d'ailleurs à une autre manipulation.
8 Vous citiez tout à l'heure les bombardements sur la ville de Dubrovnik qui
9 ont été présentés aux téléviseurs serbes comme étant simplement un montage
10 fait par des cameramen de télévisions étrangères qui faisaient tout
11 simplement brûler un pneu de caoutchouc devant leur caméra pour faire
12 croire des bombardements. C'est donc un exemple de manipulation et de
13 désinformation qui vient après beaucoup d'autres, que ce soit Dubrovnik,
14 les zones de Sarajevo et quelques autres sur lesquelles je m'appuie dans
15 ce rapport. On cherche à faire porter la responsabilité de ce qui se passe
16 sur l'autre.
17 Question: Pour ceux qui regardent le sommaire de votre rapport, je dirais
18 que nous sommes passés de la deuxième partie intitulée "Les médias au
19 service de la guerre" à la troisième partie intitulée "Triomphe de la
20 désinformation" qui peut être placé, je vous prie, sur le rétroprojecteur.
21 Nous n'allons pas examiner le détail de ce document. Mais, en page 3, nous
22 voyons que des renseignements ou des avis différents sont la condition
23 préalable du travail d'un bureau de propagande.
24 Et vous avez trois chapitres sur ce sujet dans votre rapport. D'abord,
25 comment, de quelle façon la presse était-elle placée sous surveillance
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1 étroite? Et deuxièmement, comment la propagande de guerre et la cohésion
2 nationale fonctionnaient pendant la guerre du Kosovo? Troisièmement, il
3 est question des raisons qui expliquent l'impact de la propagande sur
4 l'opinion publique.
5 Alors, si nous commençons par la première partie de votre rapport, je
6 crois que nous avons quelques documents de référence à ce sujet et une
7 vidéo à diffuser. Donc vous parlez de la surveillance étroite exercée sur
8 la presse serbe à partir de la page 79, paragraphe 79 de votre rapport en
9 anglais. Vous parlez des pressions psychologiques imposées aux
10 journalistes récalcitrants du fait que les médias n'acceptent pas les
11 informations officielles, et vous parlez ensuite d'un plan d'action dont
12 vous dites qu'il est, à l'évidence, dirigé contre la presse indépendante.
13 Et puis, nous voyons au paragraphe 83, en page 81 de la version anglaise
14 de votre rapport… Deux documents, je crois, pourraient être utiles à ce
15 sujet.
16 Donc, l'un de ces documents, c'est l'intercalaire 22. Monsieur de La
17 Brosse, ce que nous avons là, c'est une décision spéciale, extraordinaire,
18 prise par la Commission des Droits de l'homme au sujet d'un certain nombre
19 de rapports émanant de différents Etats. La date du document que nous
20 avons ici sous les yeux est 1992, si je ne m'abuse. Et en dessous du texte
21 de la décision, en page 1, nous voyons un passage surligné…
22 Un peu plus bas, Monsieur l'Huissier. Voilà.
23 Donc il est dit que: "en application de l'article 14 du pacte pertinent,
24 des mesures ont été prises pour combattre la diffusion d'idées
25 nationalistes, raciales ou religieuses, qui incitent à la haine." (Fin de
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1 citation.)
2 Il s'agissait là de la Bosnie-Herzégovine. Et en page suivante, nous
3 voyons un passage assez semblable concernant la Croatie. Ensuite, sous
4 l'intitulé "C", la Commission des Droits de l'homme dit ses
5 préoccupations.
6 On passe ensuite à la page suivante et, "en application du pacte dont il
7 est question, des mesures ont été prises, etc., etc.". Il est d'abord
8 demandé au gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie de
9 soumettre un rapport, et ensuite, il est question des mesures destinées à
10 combattre la haine religieuse, nationale ou raciale.
11 Vos commentaires, je vous prie?
12 Réponse: Le commentaire, l'enseignement que je peux en tirer, c'est que
13 les autorités de la République serbe et monténégrine étaient au courant du
14 rôle néfaste de certains medias opérant sur leur territoire, véhiculant
15 des messages de haine nationale, raciale ou religieuses, incitant à la
16 discrimination, à l'hostilité ou la violence, et qu'au titre de la
17 législation en vigueur, elles devaient prendre les mesures nécessaires
18 pour la faire cesser.
19 Question: Et vous vous souvenez de la question que vous a posée le Juge
20 Robinson hier, au début de cet interrogatoire principal, en vous demandant
21 si votre commentaire s'appliquait directement… était en lien direct avec
22 cette question?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Nous avons déjà versé un document au dossier que j'aimerais que
25 nous revoyions maintenant; il s'agit de la pièce à conviction 359,
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1 intercalaire 3, pages 23 et 24. En fait, c'est la page 23 qui va nous
2 intéresser.
3 C'est un document qui vient de Human Rights Watch. Et, dans le passage
4 surligné, il est question des restrictions imposées à la presse. Nous
5 lisons ce qui suit –je cite-: "Helsinki Watch se préoccupe des rapports
6 que l'armée yougoslave impose aux journaux locaux à Kragujevac et dans
7 d'autres zones de l'intérieur de la Serbie, en exigeant que des listes de
8 noms dont la JNA prétend qu'il s'agit de déserteurs de l'armée soient
9 établies, déserteurs qui auraient fui les champs de bataille de Croatie.
10 Les autorités militaires ont, semble-t-il, l'intention de placarder ces
11 listes dans ces zones publiques. Lors de réunions publiques anti-guerre en
12 Serbie, des pétitions ont été signées pour protester contre de telles
13 actions de la part de l'armée yougoslave." (Fin de citation.)
14 Et un peu plus bas, nous lisons ce qui suit -je cite-: "Helsinki Watch se
15 préoccupe du fait que la divulgation publique des noms des déserteurs
16 présumés pourrait conduire à des représailles contre eux ou leurs familles
17 de la part de groupes paramilitaires ou d'extrémistes. Par ailleurs, en
18 exigeant que les journaux locaux publient ces listes, les autorités
19 militaires yougoslaves s'ingèrent et font obstacle à la liberté de la
20 presse." (Fin de citation.)
21 Donc je vous demanderai votre commentaire à ce sujet, et je vous
22 demanderai de dire si ce qui figure dans ces passages, concernant Human
23 Rights Watch, est, à votre avis, exact.
24 Réponse: Mon commentaire, c'est qu'il s'agit d'un avertissement
25 supplémentaire aux autorités à propos de pratiques illégales et
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1 dangereuses.
2 Je pense que ce document est intéressant. Je ne me rappelle pas avoir lu
3 l'ensemble du document. Ceci étant, ce passage montre clairement qu'on
4 cherche à désigner l'opinion publique, ce qui ne suit pas, ce que l'on
5 attend du comportement général.
6 Ce document me fait penser également, si je puis me permettre -je ne sais
7 pas s'il est prévu qu'on y fasse référence plus loin- aux listes de
8 journalistes déviants ou insuffisamment disciplinés qui ont été dressées
9 au début des années 1990. Je pense notamment à une liste qui était dressée
10 par Vojislav Seselj, qui a été lue à la télévision et qui appelait à
11 l'élimination de certains journalistes récalcitrants. J'en ai rencontré
12 certains à Belgrade. Donc c'est un procédé de vindicte. Merci.
13 Question: Nous avançons dans votre rapport. Nous sommes toujours dans ce
14 sujet général de la surveillance étroite exercée sur la Serbie par la
15 presse. et il est question de l'implication directe des époux Milosevic au
16 paragraphe page 86 en version anglaise. Je demanderai l'intercalaire 4
17 page 2 de cette pièce à conviction.
18 Monsieur l'Huissier, pouvez-vous le placer sur le rétroprojecteur, je vous
19 prie?
20 (Intervention de l'huissier.)
21 Nous voyons, là, d'abord un extrait du journal personnel de Jovic. Note en
22 bas de page 197. Dans cette partie du journal, nous lisons ce qui suit -je
23 cite-: "L'épouse de Milosevic s'est mise à publier des articles dans le
24 magazine 'Duga' se présentant comme des extraits de son journal intime. Et
25 elle aborde un certain nombre de questions politiques et sociales disant
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1 ce qui allait se passer dans l'avenir. Tout ce qu'elle a annoncé s'est
2 effectivement produit. Et ce à quoi elle s'opposait a fait l'objet
3 d'attaques publiques." (Fin de citation.)
4 Un peu plus loin, nous lisons: "Un fantôme capable de détruire tout un
5 peuple." (Fin de citation.)
6 Paragraphe suivant, séquence vidéo n°20:
7 (Début de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
8 "C'est de cette façon que cela marchait. Ce que vous avez vu sur la chaîne
9 officielle, la chaîne d'Etat, ce discours guerrier, ces pratiques
10 guerrières, nous sommes maintenant capables de les montrer dans toute leur
11 réalité, les fausses informations, rapports fabriqués de toute pièce.
12 Milosevic donnait ses ordres à la direction d'Etat et aux directeurs
13 directement.
14 C'est Dusan Mitrovic, ancien directeur de la RTS qui parle."
15 (Fin de l'interprétation de la diffusion vidéo.)
16 Vos commentaires avec ces deux pièces?
17 Réponse: J'ai quand même un problème avec la traduction, les noms ne sont
18 pas toujours corrects: c'est Dusan Mitevic et non pas Mitrovic.
19 Je crois que la citation de l'extrait omet le fait "des vocations de
20 pratiques, de fausses informations et de reportages fabriqués" dans la
21 traduction que j'ai eue.
22 (Note de l'interprète française: L'interprète a parlé de rapports
23 fabriqués de toutes pièces.)
24 Réponse: Donc mon commentaire, c'est que parmi même les plus proches
25 collaborateurs de Milosevic cette implication directe du Président
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1 Milosevic est étayée.
2 M. Nice (interprétation): Passage suivant de votre rapport.
3 M. Kwon (interprétation): Monsieur Nice, s'il vous plaît, quelle est la
4 source de cette dernière séquence?
5 M. Nice (interprétation): Je crois que le témoin pourra nous la donner. Il
6 s'agit d'une interview pour un documentaire intitulé: "Milosevic,
7 dictateur très moderne"; et c'est un reportage qui a été produit par la
8 BBC en association avec France-2 et France-5, deux chaînes de la
9 télévision française. C'est bien cela, n'est-ce pas, Monsieur de La
10 Brosse?
11 M. de La Brosse: Oui.
12 Question: Chapitre suivant -comme je l'ai expliqué- intitulé "Propagande
13 guerrière et cohésion nationale pendant la guerre du Kosovo".
14 Monsieur de La Brosse, il s'agit du paragraphe 96 en page 85 de la version
15 anglaise, en page 96 de la version française. Il existe un site Internet à
16 ce sujet, n'est-ce pas? Pouvez-vous nous dire quel est ce site Internet?
17 Réponse: Je crois qu'il s'agit du site B92. L'adresse est indiquée en haut
18 de la page à droite.
19 Question: Nous voyons dans ce passage surligné -que je demande de placer
20 sur le rétroprojecteur, merci-, que les interprètes ne peuvent pas lire,
21 car il est surligné en rouge-, donc le titre est "Ministère de
22 l'Information serbe". Sous ce titre, nous lisons "Instructions pour le
23 fonctionnement des agences de presse et des médias dans les circonstances
24 d'un danger de guerre imminent". Je vais lire une demi-douzaine de ces
25 paragraphes.
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1 Premièrement, je cite-: "Les médias doivent établir un suivi de 24 heures
2 sur 24 et garder un contact permanent avec les agences d'Etat." (Fin de
3 citation.)
4 Autre paragraphe: "Les rapports sur les pertes et les blessés de l'armée
5 yougoslave et de la police serbe sont strictement confidentiels."
6 Passage suivant: "Les intérêts de l'Etat participent au système de
7 reportage et d'information."
8 Paragraphe suivant: "La police et l'armée doivent agir et ces actions
9 doivent être écrites comme des activités de défense ou comme une lutte
10 destinée à maintenir l'intégrité du pays et à le défendre."
11 Passage suivant: "Les pertes de l'ennemi doivent être décrites en terme
12 neutre comme étant des personnes paralysées, qu'on a paralysées, rendues
13 incapables d'agir, et liquidées."
14 Ensuite, paragraphe suivant: "Aucune information ne doit diffuser le
15 défaitisme et la panique dans la population. Le rédacteur en chef doit
16 garder la haute main sur cet objectif."
17 Passage suivant: "Ce qu'on appelle 'l'armée de libération du Kosovo' doit
18 être qualifiée de gang de terroristes, de criminels."
19 Passage suivant: "Les forces de l'OTAN doivent être qualifiées
20 d'agresseurs."
21 Passage suivant: "Les responsables des médias doivent souligner le fait
22 que l'armée et la police combattent pour la liberté du pays."
23 Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de ce document, ce que vous en
24 savez, d'où viennent ces instructions et quels sont vos commentaires?
25 M. de La Brosse: Ces instructions émanent du ministère serbe de
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1 l'Information. Donc, on est à un moment où la guerre aérienne…
2 Excusez-moi, j'avais le retour des interprètes en français.
3 Donc, on est à un moment où la guerre aérienne est sur le point de
4 commencer ou a commencé. La date que j'ai pu distinguer est celle du 24
5 mars 1999. Ce que cela m'inspire, c'est qu'on a ici affaire à une grille
6 de lecture qui est imposée à la presse dans son ensemble où aucune
7 latitude dans le traitement de l'information n'est autorisée.
8 L'information est retenue à la source, le commentaire est dicté aux
9 journalistes, donc on a affaire à une censure de fait et à la suppression
10 de toute liberté de la presse.
11 M. Kwon (interprétation): Monsieur de La Brosse, ce document que nous
12 avons sur le rétroprojecteur en ce moment, cet intercalaire 20, est-il un
13 original ou une traduction de ce que l'on trouve sur le site Internet?
14 M. de La Brosse: Sur le site Internet, vous avez une version en serbo-
15 croate et une version anglaise. Donc il s'agit de la version anglaise, il
16 ne s'agit pas d'une traduction personnelle ou faite par quelqu'un d'autre.
17 M. Nice (interprétation): J'ai encore deux références à vous soumettre.
18 Madame Uertz-Retzlaff m'aide bien sûr à trouver les documents, et j'ai
19 retrouvé un intercalaire qui m'intéresse. Pièce à conviction 361,
20 intercalaire 2.
21 Monsieur de La Brosse, j'aimerais que nous examinions le paragraphe 65 qui
22 se trouve également en page 65 de ce document ou plutôt de votre rapport
23 en anglais. Il s'agit d'un chapitre du rapport qui est intitulé:
24 "Stigmatiser l'adversaire". Le chapitre commence en page 70 du rapport en
25 français.
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1 Quant au document, la pièce à conviction que nous avons sur le
2 rétroprojecteur, c'est un extrait de la publication intitulée "Narodna
3 armija" en date du 9 janvier 1992. Le titre est le suivant: "La vérité a
4 fait sauter toutes les barrières et nous avons des récits de soldats."
5 Dans cet article, si l'on passe à la page 3, on trouve une analyse de la
6 situation de la complexité de la tâche à accomplir. L'auteur de ce rapport
7 a donc "une tâche très complexe", dit-il. Nous voyons des passages
8 surlignés où il est question de la haine dont font preuve les membres de
9 la JNA.
10 Passage surligné suivant, un peu plus bas: "Les opérations de l'ennemi
11 sont difficiles à prévoir parce qu'il utilise toutes sortes de manœuvres
12 et de trucs insidieux."
13 Un peu plus loin: "Je me rends compte que cette guerre est une guerre
14 particulièrement sale étant donné l'ennemi qui est combattu, et puis des
15 efforts sont déployés" -un peu plus bas- "pour expliquer que nos soldats
16 ont été utilisés d'une façon particulièrement perfide de la part de
17 l'ennemi".
18 Page suivante, le courage des soldats est vanté. Il est question de cette
19 bravoure dont ils font preuve: "ils sont tous enthousiastes à l'idée
20 d'aller se battre, ils se conduisent avec un courage particulier aux
21 limites même de ce courage. Et il est question d'intrigue politique qui
22 crée la confusion parmi les troupes."
23 Passage suivant: "La population est endoctrinée, notamment les Musulmans
24 et les Croates. La terreur a été semée parmi eux par les soldats serbes et
25 monténégrins. Donc parfois, nous évacuons un village et le village suivant
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1 nous accueille avec terreur. Après un certain temps, cette peur disparaît
2 toutefois et la population se rend compte que les soldats ne sont pas des
3 occupants mais des libérateurs."
4 Plus tard, nous avons des rencontres amicales avec la population locale
5 qui apporte des fruits et des biscuits aux soldats et les traitent avec
6 aménité.
7 Et enfin, je crois que le plus grand succès est celui de Dubrovnik: "la
8 JNA n'a pas été pilonnée en dépit de ce que dit la propagande féroce qui a
9 été déployée".
10 Dans ce contexte de la stigmatisation de l'ennemi, j'aimerais avoir votre
11 commentaire.
12 Réponse: Je crois que la terminologie pour qualifier les Croates, de façon
13 générale, en parlant de "combattants oustachis" ou les combattants
14 musulmans en parlant de "Guerriers du Djihad", ce manichéisme, il se
15 retrouve également dans la description des combats. J'en parle page 71 du
16 rapport en français. Les reportages… généralement, les reportages montrant
17 les troupes serbes ne comportent aucune image de destruction de victimes
18 civiles. Lorsque ces troupes serbes s'attaquent à une ville, l'action est
19 présentée systématiquement comme un moyen de défense, comme la libération
20 d'une ville; on l'a vu à propos de la couverture médiatique des combats à
21 Vukovar; on l'a vu également à propos de ce qui s'est passé à Sarajevo.
22 Donc on a affaire, en quelque sorte, à la promotion du image d'Epinal du
23 combattant serbe brave et téméraire et, a contrario, la description des
24 actions menées par l'adversaire est systématiquement stigmatisée à la fois
25 par la terminologie employée pour les décrire et à la fois relativement
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1 aux atrocités qu'ils sont supposés systématiquement commettre.
2 M. Nice (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions pour ce témoin.
3 Merci beaucoup, Monsieur de La Brosse. Bien sûr, c'est votre rapport qui
4 résume l'ensemble de vos opinions, le rapport a été soumis aux Juges de
5 cette Chambre et qui constitue une pièce à conviction.
6 Monsieur le Président, je crois que j'en suis arrivé à la fin de mes
7 questions, mais je vais tout de même m'entretenir avec Mme Uertz-Retzlaff
8 pendant la pause.
9 M. le Président (interprétation): Suspension de 20 minutes.
10 (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures.)
11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice.
12 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si
13 vous me le permettez, j'aimerais ajouter une question qui découle d'une
14 question qui a été posée par le Juge Robinson hier matin, lorsqu'il a fait
15 allusion à un rapport dans lequel il y avait un parallèle qui a été
16 dessiné entre la rhétorique nationaliste et la perpétration d'atrocités
17 horribles. Et le Juge Robinson avait fait remarquer que le témoin aurait
18 dû pouvoir étayer quel était le lien qui existait entre la rhétorique
19 nationaliste et la commission de ces atrocités. Et j'avais dit que nous
20 reparlerions peut-être de cette question plus tard.
21 J'ai fait une référence à cette question lorsque j'ai abordé
22 l'intercalaire 22 -je pense que c'était ce matin- et je pense qu'il serait
23 bon de demander au témoin et aux Juges de se référer au paragraphe 4 de
24 son rapport et de placer cette section sur le rétroprojecteur. Il s'agit
25 du tout début et, en fait, au début de ce paragraphe, vous affirmez ce qui
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1 suit: vous dites que la propagande politique nationaliste, par médias
2 interposés, a préparé et conditionné l'opinion publique à la guerre,
3 favorisant de la sorte les pires atrocités perpétrées dans le cadre des
4 politiques ethniques.
5 Cette conclusion est peut-être une conclusion à laquelle parviendraient un
6 certain nombre d'hommes politiques, de scientifiques ou de sociologues.
7 Mais pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes parvenu
8 personnellement à cette conclusion?
9 M. de La Brosse: On est ici dans le domaine des sciences sociales, on
10 n'est pas dans le domaine des sciences dures. Il n'est pas toujours facile
11 de démontrer les effets que peut avoir sur le public la diffusion de tels
12 messages pleins de haine à travers la terminologie employée, le
13 vocabulaire pour décrire l'adversaire.
14 Ce que j'aimerais dire également, c'est que je me suis, moi, penché sur le
15 rôle des médias, c'est-à-dire j'ai essayé de montrer quels étaient les
16 mécanismes de propagande opérant à travers les médias. Ceci étant, les
17 médias ne sont qu'un des acteurs parmi d'autres, même si c'est vrai que
18 c'est le moyen le plus commode pour toucher le nombre le plus large de la
19 population, et donc l'opinion publique.
20 Ce que j'aimerais dire, c'est qu'à travers l'exploitation du ressentiment
21 serbe à l'endroit des autres groupes et la désignation de bouc émissaire,
22 donc à travers un vocabulaire étudié pour dénigrer tel ou tel groupe, au
23 point parfois de lui dénier toute qualité humaine -on a vu quelques
24 exemples-, on a pu faciliter la perpétration de crimes. Le vocabulaire qui
25 a été employé, on a vu qu'il a été employé à travers les médias, mais pas
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1 seulement. Vocabulaire que s'est réapproprié le public, et ça m'a frappé à
2 travers les entretiens que j'ai pu avoir avec les journalistes à Belgrade
3 qui m'ont expliqué que le public parlait comme à la télé. Il y a eu
4 réappropriation de ce vocabulaire. Donc ce vocabulaire employé, il n'est
5 jamais neutre.
6 Même si la propagande est une arme virtuelle -et en cela, elle est bien
7 sûr à distinguer avec ce qu'on a coutume d'appeler, en anglais, une
8 "smoking gun"-, cette propagande, elle désigne néanmoins le chemin
9 emprunté, le comportement à adopter, l'ennemi à éliminer.
10 Et j'aimerais peut-être revenir sur la définition même de ce qu'est la
11 propagande. Je donne une définition dans le rapport, mais je pense que
12 c'était peut-être important de le rappeler au sein de ce Tribunal. La
13 propagande, c'est ce qu'on appelle communément l'ensemble des techniques
14 d'influence politique. Et donc, cette propagande, elle a pour objectif
15 d'influencer le comportement du public ou de lui faire adopter certaines
16 idées. Le vocabulaire employé pour véhiculer cette propagande est un outil
17 qui permet d'expliquer, de mon point de vue, les conséquences de cette
18 propagande.
19 M. Nice (interprétation): Excusez-moi de vous avoir interrompu. Veuillez
20 terminer peut-être votre intervention.
21 M. de La Brosse: Ce que je voulais ajouter, c'est que, pour que cette
22 propagande soit pleinement efficace… c'est-à-dire, elle sera d'autant plus
23 efficace, cette propagande, que vous n'aurez pas, dans une société donnée,
24 parmi les médias, la possibilité de faire prévaloir des opinions
25 différentes, des contrepoints de vue. Elle sera d'autant plus efficiente
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1 qu'une seule vérité sera distillée à l'opinion publique. C'est ce que j'ai
2 essayé, avec mes moyens, de faire comprendre à travers ce rapport.
3 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, si j'éprouve une certaine
4 difficulté, c'est lié au fait que cette phrase est libellée de façon
5 extrêmement catégorique. Comme le témoin l'a fait remarquer, nous ne
6 traitons pas ici de sciences dures, mais de sciences sociales. Si cette
7 phrase avait été libellée de façon moins catégorique, par exemple en
8 parlant de possibilité de perpétrer des atrocités… Mais de cette manière
9 aussi catégorique, je me demande dans quelle mesure on peut étayer cette
10 assertion.
11 M. Nice (interprétation): Monsieur le Juge, il serait bon de savoir que
12 cette préoccupation -et celle que M. de La Brosse a fait remarquer- est la
13 première qui complète la question que je voulais lui poser.
14 Monsieur le Témoin, y a-t-il une observation supplémentaire que vous
15 souhaitez faire au sujet de la nature particulièrement catégorique de
16 votre affirmation au paragraphe 4 ou dans le rapport dont nous avons lu un
17 passage hier?
18 M. de La Brosse: J'aurais peut-être dû, à travers ce rapport, insister sur
19 le fait qu'on est dans le domaine des sciences sociales et que les choses
20 ne sont pas aussi faciles à montrer et à prouver que dans le domaine des
21 sciences dures. Ceci étant, peut-être la formulation est-elle excessive.
22 Je suis parvenu aux mêmes conclusions auxquelles est arrivé M. Tadeusz
23 Mazowiecki dans son rapport, et peut-être me suis-je laissé influencer
24 dans la formulation de cette phrase par des conclusions très fortes de ce
25 rapport.
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1 Question: Merci. J'aimerais encore vous poser une toute dernière question.
2 Pensez-vous qu'il serait bon que vous rajoutiez quoi que ce soit dans le
3 contexte des sciences sociales au sujet des autres éléments qui peuvent
4 avoir contribué, comme par exemple la nature du gouvernement ou
5 l'existence d'un conflit? Quels autres éléments ont pu contribuer à sous-
6 tendre la propagande et à en diffuser les répercussions. Que pouvez-vous
7 nous dire à ce sujet?
8 Réponse: Comme je l'ai dit tout à l'heure, les médias ne sont que des
9 instruments véhiculant cette propagande. Il y a d'autres agents de
10 socialisation qui ont également une influence sur la façon de voir du
11 public. Et parmi ces autres acteurs de la socialisation, il y a bien
12 évidemment les intellectuels, il y a bien évidemment l'église, il y a bien
13 évidemment les hommes politiques. Or il se trouve qu'au sein de ces
14 différents groupes était également relayée la thématique que l'on trouve
15 au sein des médias. Donc, les médias sont un acteur parmi d'autres. La
16 différence résidant dans ce fait, ils touchent… ils parviennent à toucher
17 le plus grand nombre de la population.
18 M. Nice (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions
19 à vous poser personnellement.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous allons vous
21 donner trois heures et demie pour contre-interroger ce témoin. Si vous ne
22 souhaitez pas utiliser tout ce temps qui vous est imparti, nous vous
23 laissons le choix. Nous avons tenu compte de la longueur de
24 l'interrogatoire principal mené par le Procureur. Il y a également tous
25 les documents qui ont été présentées par le truchement de ce témoin. Je
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1 vous invite à commencer.
2 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Renaud de La Brosse, par l'accusé, M.
3 Milosevic.)
4 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais d'abord que nous tirions au
5 clair la question de temps, Monsieur May.
6 En effet, M. Nice dès le départ a précisé qu'il allait passer rapidement
7 par le rapport pour traiter de sa structure pour l'essentiel, et qu'il ne
8 se référerait pour citer que certaines parties dudit rapport. En d'autres
9 termes, il s'est efforcé d'abréger le temps imparti au maximum en sous-
10 entendant que le rapport présenté par le témoin ici présent comporte une
11 centaine de pages.
12 Il y a en plus ces deux classeurs que j'ai ici; et c'est là quelque chose
13 qu'on m'a donné, soit dit en passant, hier seulement. Ces deux classeurs
14 cela semble être des faits connus. Il a indiqué lui-même qu'il allait
15 procéder rapidement en ne prenant, ça et là, que quelques exemples. Pour
16 ma part, j'estime qu'en sus des questions afférentes à la structure et aux
17 autres sujets soulevés par M. Nice, je me dois de m'aventurer dans des
18 questions qui sont afférentes à la teneur de ce rapport. Par conséquent,
19 j'ai certainement besoin de plus de temps que le temps que vous m'avez
20 imparti et qui est à peu près le temps attribué. Je pense même que c'est
21 le temps exactement pareil qui a été accordé à M. Nice. Or moi, je
22 m'attends à bénéficier de davantage de temps et j'estime que les arguments
23 que je viens d'avancer ne sauraient être réfutés.
24 M. le Président (interprétation): En fait, il n'est pas tout à fait exact
25 que le temps qui vous est attribué est égal à celui de l'accusation. Nous
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1 vous avons accordé une heure entière pour examiner le rapport. Mais, à la
2 fin du temps qui vous est imparti, nous verrons quelle est la situation;
3 et beaucoup dépendra de la façon dont vous utiliserez le temps qui vous
4 est imparti, beaucoup dépendra du rythme auquel vous procéderez.
5 Nous examinerons les choses à la fin, mais veuillez commencer, je vous
6 prie.
7 M. Milosevic (interprétation): Bien. Monsieur de La Brosse, commençons par
8 ce que vient de dire M. Robinson tout à l'heure, question à laquelle vous
9 avez apporté une réponse d'ordre général.
10 Le mot critique ici, c'est l'appréciation catégorique que vous faites dans
11 l'évaluation de certains événements. Vers la fin de votre témoignage de ce
12 jour, vous nous expliquez en parlant de "propagande", pour dire qu'il y a
13 la présentation déformée de la réalité et vous vous référez à une série
14 d'expressions. Il est sous-entendu par là que vous connaissez la vérité et
15 que vous ne faites que comparer ce que vous avez analysez avec la vérité.
16 C'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas, Monsieur de La Brosse?
17 M. de La Brosse: Je ne prétends pas qu'il y ait une vérité absolue. Je
18 prétends que la façon dont l'information a pu être traitée et commentée
19 n'était pas suffisamment variée, qu'elle était à sens unique.
20 Question: Je le contesterai un peu plus tard. Mais, avant cela, je
21 voudrais que nous touchions à plusieurs éléments que vous avez
22 caractérisés de "propagande déformant la vérité". Par exemple, vous avez
23 cité le fait que les forces de l'OTAN qui ont procédé à une agression, il
24 a été affirmé que le terme "d'agresseur" leur était réservé. Pensez-vous
25 que ce n'était pas là un agresseur?
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1 Réponse: Je ne pense pas que j'ai à qualifier l'OTAN "d'agresseur" ou pas.
2 C'est une intervention qui n'était pas dans le ressort de mes analyses. La
3 façon dont j'ai pu parler de cet événement auquel vous faites allusion,
4 concerne la façon dont les médias en ont rendu compte. Je ne me
5 prononcerai pas sur le bien-fondé ou non de l'intervention de l'OTAN à
6 laquelle vous faites allusion.
7 M. Milosevic (intervention): Bien, mais n'a-t-on pas conduit une guerre
8 contre la Yougoslavie?
9 M. le Président (interprétation): Non, non. C'est là, voyez-vous, que nous
10 perdons du temps avec des polémiques à l'égard du témoin. Le témoin parle
11 de "propagande" ici; il ne lui appartient pas de qualifier ce genre de
12 chose. C'est sans doute une question sur laquelle les Juges devront se
13 prononcer à la fin du procès, mais poser ce genre de question ne vous fera
14 pas marquer des points et ne vous fera pas avancer.
15 Donc passez à autre chose, je vous prie.
16 M. Milosevic (interprétation): Vous avez mentionné tout à l'heure l'UCK.
17 Et à ce propos, on disait qu'il s'agissait "d'organisation terroriste".
18 Pensez-vous que la vérité dont vous disposez permettrait d'affirmer que
19 l'UCK n'est pas une organisation terroriste?
20 M. de La Brosse: Je ne me souviens pas d'avoir prononcé le mot "UCK" tout
21 à l'heure. Est-ce que vous pouvez m'éclairer et me donner d'avantage
22 d'informations?
23 M. le Président (interprétation): C'est une référence tirée d'un document
24 produit par vous. Pouvez-vous nous rappeler le numéro de l'intercalaire,
25 je vous prie, Madame la Greffière?
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1 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, le document est pris comme un
2 exemple de propagande.
3 Et qu'advient-il si, par hasard, ce qui est cité comme exemple s'avère
4 être vrai?
5 M. Nice (interprétation): Je pense que c'est l'intercalaire 20.
6 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je n'ai pas entendu.
7 M. Nice (interprétation): Intercalaire 20. Un document que nous avons
8 examiné très récemment. Je pense que le témoin l'a encore à l'esprit. Il
9 s'agit du document émanant du ministère de l'Information serbe.
10 M. le Président (interprétation): Oui.
11 M. Nice (interprétation): C'est le point 13.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur de La Brosse, voilà donc la
13 référence.
14 (Intervention de l'huissier.)
15 Paragraphe 13, -je cite-: "Ce qu'il est convenu d'appeler 'l'UCK' doit
16 être qualifié de bandes de terroristes et de criminels." (Fin de
17 citation.)
18 M. de La Brosse: Je reviens sur la démarche qui a précédé à la réalisation
19 de ce rapport. Ce que j'ai tenté de faire -et j'espère y être parvenu-,
20 c'est de démonter les mécanismes de la propagande, de montrer comment ils
21 opéraient. Je ne suis pas un spécialiste des événements survenus en ex-
22 Yougoslavie. Que votre version soit avérée ou qu'elle ne le soit pas, ce
23 qui, moi, m'intéresse en tant qu'analyste de la propagande, c'est de voir
24 la façon, vraie ou fausse parfois, dont les faits sont présentés et sont
25 interprétés.
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1 M. Milosevic (interprétation): Oui mais...
2 M. de La Brosse: Est-ce que vous pouvez préciser davantage votre question,
3 s'il vous plaît?
4 Question: Il s'agit de la chose suivante. Vous vous servez de ce papier
5 que vous avez en main pour dire que c'est un exemple de propagande ou de
6 déformation erronée de la vérité. Mais qu'allons nous faire si, par un
7 hasard quelconque, cela se trouverait être vrai?
8 Pourquoi cela serait-il donc considéré comme étant inapproprié pour ce qui
9 est de l'information du public?
10 J'estime par contre que c'est un euphémisme que de dire qu'il s'agit de
11 bandes de criminels et de terroristes. Il y a une mafia de stupéfiants et
12 autres qualificatifs qui pourraient être attribués à ces terroristes de ce
13 qui s'appelait la soi-disant "UCK"?
14 Réponse: Bien. Je crois qu'il faut revenir à la signification de ce
15 document. Il s'agit d'une grille de lecture qui est imposée aux
16 journalistes sur la façon de traiter l'information, la latitude laissée
17 aux journalistes dans le traitement de l'information est absolument nulle,
18 je rappellerai que dans le contexte de l'époque, la plupart des médias
19 indépendants ou alternatifs sont soit interdits ou soit du fait même de
20 cette grille de lecture imposée, ont décidé de ne plus traiter de
21 l'information. Ce sur quoi j'ai voulu insister, c'est que la façon dont le
22 public serbe est informé de ce qui se passe au Kosovo est une information
23 à sens unique et qu'en ce sens, on se trouve face à un acte… enfin, à un
24 processus, à un procédé propagandiste. Je ne me prononce pas sur la
25 véracité ou la non véracité du fait que l'UCK soit ou non une organisation
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1 terroriste.
2 Question: Mais vous venez précisément de faire une appréciation disant que
3 les médias n'avaient aucune liberté, que les journalistes ne disposaient
4 d'aucune liberté. D'où tirez-vous l'idée pour affirmer que ces
5 journalistes n'avaient aucune liberté? Le savez-vous pour sûr? Dites-moi
6 seulement que vous l'affirmez pour sûr, et nous allons continuer, aller de
7 l'avant, et nous reviendrons sur ces questions par la suite.
8 Réponse: J'ai fourni une liste de… une typologie des moyens employés pour
9 limiter ou faire taire les journalistes et pour entraver la liberté
10 d'expression; je recense ces différentes catégories dans un document qui
11 vous a été communiqué et sur lequel je me base, sur ce point.
12 Question: Et donc, vous affirmez que les journalistes n'avaient à leur
13 disposition aucune forme de liberté? Fort bien. Je voudrais vous poser
14 quelques autres questions préliminaires.
15 Pourquoi pensez-vous, par exemple, que les rapports faits concernant des
16 crimes variés, des atrocités variées, sont de la propagande? Si ces
17 cruautés sont véridiques, pensez-vous que la presse devait les passer sous
18 silence? Et si on les passait sous silence, ce ne serait pas de la
19 propagande. Je parle ici d'une série d'exemples qui ont été avancés tout à
20 l'heure.
21 Réponse: Est-ce que vous pouvez être plus précis?
22 Question: Par exemple, il a été question d'un exemple tout à fait récent,
23 un enregistrement vidéo qu'on nous a passé où l'on a parlé de dents
24 arrachées, où l'on a parlé d'atrocités, de personnes massacrées et ainsi
25 de suite. Que ferons-nous, Monsieur de La Brosse, si cela était vraiment
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1 vrai? Est-ce qu'en votre qualité d'expert pour les médias, vous estimez
2 que les médias auraient dû passer cette vérité sous silence; par exemple,
3 lorsqu'il s'agirait d'atrocités perpétrées à l'égard des Serbes?
4 Réponse: L'exemple auquel vous faites allusion, je crois le situer; il
5 s'agit de ce passage où sont montrées des dents qui appartiendraient à des
6 Serbes et qui auraient été arrachées par des combattants croates. Et vous
7 faites également allusion, je pense, à cette interview du vieil homme en
8 uniforme. Est-ce que c'est cet exemple sur lequel vous vous appuyez?
9 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui, c'est de cela que je parle. J'ai
10 pris un exemple au hasard. Mais ma question est d'ordre général, elle
11 signifie ou elle veut dire: pourquoi, pour ce qui est des rapports
12 relatifs à cruautés et à des atrocités véritables, elles sont jugées par
13 vos soins comme étant de la propagande? Est-ce qu'en votre qualité
14 d'expert pour les médias, la chose aurait dû être passée sous silence pour
15 ne pas troubler, jeter le trouble dans l'opinion publique?
16 M. de La Brosse: Le problème avec l'exemple que vous citez, c'est que -et
17 je l'ai souligné lors de mon commentaire- la façon dont l'information est
18 livrée ne tient pas la route professionnellement; d'une part parce qu'on
19 ne cite à aucun moment de témoin direct et on ne fournit absolument aucune
20 preuve, dans ce témoignage, du bien-fondé des faits, avérés ou non. Je ne
21 prends pas position sur le fait que ce soit avéré ou non. Est-ce que vous
22 saisissez la nuance?
23 M. le Président (interprétation): Il vous pose une question. Et son avis
24 est clair.
25 M. Milosevic (interprétation): Oui, moi, je comprends la différence, la
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1 nuance. Votre témoignage est mis au service de la satanisation des Serbes
2 qui est effectuée depuis une dizaine ou plus d'une dizaine d'années déjà.
3 Je comprends parfaitement où est la nuance.
4 Je vous poserai une autre question, maintenant. Pourquoi...?
5 M. le Président (interprétation): Non, non. Non. Vous ne pouvez pas vous
6 en sortir en proférant de telles allégations.
7 Monsieur de La Brosse, ce qu'il vient de dire, c'est que d'après lui,
8 votre déposition est au service de la satanisation ou de la démonisation
9 des Serbes. Je crois qu'il faut que vous ayez suffisamment de temps pour
10 répondre à une allégation de ce genre. Est-ce que, réellement, votre
11 déposition est au service de ce qui vient d'être dit?
12 M. de La Brosse: Absolument pas, Monsieur le Président. Je me référais
13 simplement à ce que je vous disais tout à l'heure pour qualifier la
14 spécificité de la propagande serbe; c'est cette idée de paranoïa du
15 complot. Je vous ai cité une longue liste de gens, d'organisations, de
16 groupes qui ont été la cible de ce type de pratique. Et je crois que ça
17 rentre dans ce type de logique de me discréditer.
18 M. Milosevic (interprétation): Bien. Répondez-moi à quelques questions
19 préliminaires encore, et nous pourrons passer au reste.
20 Vous avez cité plusieurs exemples, ici. Nous avons pu visionner des
21 enregistrements vidéo où on dit, par exemple, que des extrémistes
22 musulmans ont commis telle ou telle chose; que des Oustachis, des
23 combattants oustachis -et chose analogue- ont fait ceci ou cela, ont fait
24 ce type ou tel type de crime.
25 Vous affirmez, pour votre part, que lorsqu'on dit "extrémistes musulmans",
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1 on a à l'esprit tous les Musulmans, quand on dit "combattants oustachis",
2 on a à l'esprit la population croate. Or, ni l'un ni l'autre ne se
3 trouvent être vrais.
4 N'avez-vous pas, tout à l'heure, dans les déclarations de Kadijevic -que
5 vous avez citées ici à partir de nombreux enregistrements vidéo- entendu
6 qu'il était en train de parler de tous les peuples, et il a parlé du
7 peuple croate en disant que cela se faisait… que ces crimes survenus se
8 faisaient au détriment du peuple croate également, et toutes ces
9 violences-là?
10 Donc, comment pouvez-vous, compte tenu des exemples que vous avez avancés,
11 affirmer qu'en parlant "d'extrémistes musulmans" on avait à l'esprit la
12 totalité des Musulmans, et que lorsqu'on disait "les criminels croates ou
13 extrémistes", on avait à l'esprit tous les Croates? Est-ce que, par
14 exemple, le fait de condamner les événements du 11 septembre qui ont été
15 l'œuvre d'extrémistes musulmans consiste en une condamnation de tous...
16 M. le Président (interprétation): Non, non, non, votre question dure
17 depuis deux minutes. Je ne vois vraiment pas comment cela pourrait être
18 considéré comme une question. Essayons de la construire un peu mieux. Un
19 instant, un instant. Puisque vous n'avez pas l'intention de poser une
20 question, je vais la poser à votre place.
21 Le premier argument avancé, Monsieur le Témoin, consiste à dire que la
22 référence aux "extrémistes musulmans" et aux "combattants oustachis" n'est
23 pas, en réalité, une façon de se référer à l'ensemble des Musulmans et des
24 Croates respectivement. Je suppose donc que ce que cela veut dire, c'est
25 que de nombreux autres exemples y compris les propos de Kadijevic se
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1 rapportent de façon générale au peuple croate et au peuple musulman. Donc
2 je suppose que l'on peut vous poser la question de façon suivante: est-ce
3 que votre description qui utilise les termes "extrémistes" et "Oustachis"
4 constitue une exagération de ce qui était réellement diffusé ou écrit par
5 les médias?
6 M. de La Brosse: Ce que je dois dire, c'est que les exemples qui ont été
7 visionnés et discutés depuis hier sont des exemples qui ont été extraits
8 du rapport, il y en a un certain nombre. Le moins que je puisse dire, avec
9 le recul et les exemples auxquels j'ai pu avoir accès et dont tous ne
10 figurent pas dans ce rapport, c'est que la plupart du temps, même s'il
11 peut y avoir des contre-exemples, on présente implicitement ou
12 explicitement… comment dirai-je? Systématiquement, on généralise, on
13 applique à l'ensemble d'une communauté un qualificatif qui est extrêmement
14 péjoratif.
15 Le fait de parler par exemple des Croates comme des combattants oustachis
16 lorsque vous êtes public serbe et que vous avez connaissance du contexte
17 historique de la Seconde Guerre mondiale, je pense que le lien se fait
18 dans l'esprit des gens, c'est-à-dire que les Oustachis d'aujourd'hui sont
19 ceux qui ont perpétré les atrocités d'hier et dont nous devons nous
20 méfier. Il y a quantité d'exemples dans ce rapport que je n'ai pas tous en
21 mémoire, on en a visionné un certain nombre; comprenez que je ne peux pas
22 forcément, à l'instant, vous donner un exemple précis. Là, je préfère vous
23 renvoyer au rapport.
24 M. Milosevic (interprétation): Moi, je vous avais demandé, Monsieur de La
25 Brosse, de nous dire comment vous pouviez, s'agissant de l'expression
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1 "extrémistes musulmans", identifier cela avec la totalité des Croates… ou
2 plutôt les "combattants oustachis" identifier à la totalité des Croates,
3 et les "extrémistes musulmans" identifiés à la totalité des Musulmans.
4 Quand on dit "extrémistes musulmans", j'imagine que l'on ne parle pas de
5 la totalité des Musulmans. Si l'on parle maintenant de "combattants
6 oustachis", je pense qu'il n'est pas là question de la totalité des
7 Croates.
8 Partant de quoi tirez-vous la conclusion qu'implicitement on avait à
9 l'esprit la totalité des Croates, voire des Musulmans? Partant de quoi
10 tirez-vous une conclusion de ce type?
11 M. de La Brosse: Il faut mettre en parallèle ce processus de
12 généralisation avec le fait qu'à travers les médias étaient diffusées un
13 certain nombre de déclarations de responsables politiques de mouvements
14 serbes qui, eux, faisaient ce lien de façon beaucoup plus explicite.
15 Lorsque vous entendez quelqu'un comme… Je m'excuse, je maîtrise très mal
16 les noms et l'orthographe en serbo-croate. Madame Plavsic déclarait que
17 les Musulmans ont un patrimoine génétique inférieur et dégénéré. Lorsque
18 vous pouvez entendre les déclarations d'un leader… -de mémoire, d'un
19 dirigeant des Serbes de Bosnie de Bosanska Krajina- a déclaré que "les
20 enfants issus de mariages mixtes" -est fait référence ici de mémoire, je
21 m'excuse, je ne cite pas cet exemple dans mon rapport- "sont tous justes
22 bons à faire du savon". C'est tout un contexte général qui fait que le
23 lien, la généralisation de mon point de vue s'opère au sein du public.
24 Je pourrais citer également des déclarations, il y a quantité dans le
25 rapport en notes de bas de page de quelqu'un comme Vojislav Seselj à
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1 propos des Croates. C'est tout un contexte qui fait que, dans l'esprit du
2 public, en rappelant les atrocités commises de part et d'autres durant la
3 Seconde Guerre mondiale, s'opère ce lien.
4 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais ayez l'amabilité, étant donné
5 que vous venez de citer plusieurs autres exemples, de nous dire si vous
6 avez eu vous-même un exemple quelconque où il vous serait possible de me
7 citer moi-même ou l'un quelconque des représentants des autorités de la
8 Serbie, voire de la Yougoslavie?
9 Je ne sais plus de quel Serbe local dans la Krajina vous avez parlé… Je ne
10 suis pas du tout intéressé par la déclaration de Mme Plavsic, qui n'était
11 ni responsable de la Serbie ni responsable de la Yougoslavie. Avez-vous
12 donc un exemple analogue prononcé par un représentant quelconque des
13 autorités de la Serbie, voire de la Yougoslavie? Je ne crois d'ailleurs
14 pas à la possibilité de voir Mme Plavsic prononcer quelque chose de ce
15 genre.
16 Réponse: Sauf les déclarations que je viens de citer, elles étaient
17 relayées par les médias serbes. Ceci étant, puisque vous me posez la
18 question de savoir si un leader politique d'importance a pu utiliser une
19 terminologie qui fait référence au contexte historique de la Seconde
20 Guerre mondiale et qui utilise des termes péjoratifs pour désigner une
21 communauté, je crois qu'on peut peut-être se reporter à l'extrait vidéo
22 n°3, donc un discours par vous-même. Je crois qu'il s'agit de la table…
23 c'est la table 36.
24 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.
25 M. de La Brosse: …dans lequel vous employez des termes généralisateurs en
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1 désignant les Albanais du Kosovo. Vous parlez… J'essaye de retrouver la
2 note. Si quelqu'un peut m'aider? La citation était en anglais.
3 M. Nice (interprétation): Je suis désolé de ne pas être en mesure de vous
4 apporter une aide immédiate, parce que j'ai une liste des séquences vidéo
5 séparée de la liste des notes en bas de page. Mais l'extrait dont vous
6 parlez vient après la note de bas de page 47, et avant la note 114.
7 M. le Président (interprétation): Plutôt que de perdre du temps à
8 rechercher cette note, nous pourrons peut-être revenir sur ce sujet après
9 la pause. Quelqu'un trouvera sans doute le numéro.
10 Nous reviendrons sur cette question plus tard, Monsieur Milosevic.
11 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je crois que la partie adverse n'a
12 pas beaucoup de chance avec les citations de mes discours, même quand elle
13 les arrache de leur contexte. J'ai sous les yeux l'intercalaire 36, j'ai
14 sous les yeux l'apparence ou plutôt l'original photocopié du journal où
15 l'on reprend mon discours. Ayez donc l'amabilité de prêter attention à ce
16 qui est dit. On dit en intitulé: "Le souhait du peuple serbe de vivre en
17 Yougoslavie se trouve être légitime."
18 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de trouver ce
19 passage.
20 Vous avez trouvé le passage en question, Monsieur de La Brosse,
21 l'intercalaire 36?
22 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse a dit qu'il
23 s'agissait de l'intercalaire 36.
24 M. le Président (interprétation): Attendez un instant.
25 M. de La Brosse: La traduction de l'extrait diffusé…
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1 M. le Président (interprétation): C'est l'intercalaire 36 qui nous
2 intéresse en ce moment. Vous avez cette pièce sous les yeux? Sinon, en
3 voici un exemplaire.
4 (Intervention de l'huissier.)
5 Monsieur Milosevic, vous pouvez poursuivre.
6 M. Milosevic (interprétation): Où voyez-vous -je veux dire dans mon
7 discours- quoi que ce soit d'orienté contre quelque population que ce
8 soit? Parce que, en sous-titré, on dit que: "Les peuples souhaitant
9 quitter la Yougoslavie peuvent le faire de façon légale et sans violence
10 aucune. La République de Serbie garantit la paix à tous les citoyens et à
11 tous les peuples qui y vivent. Mais elle exige la même chose de la part
12 des autres."
13 Puis un autre sous-titré: "Nous sommes fiers de dire que la Serbie ne
14 conduit pas une politique nationaliste."
15 En page 1 également, il y a cinq propositions afférentes à l'avenir qui
16 découlent de la chose. On dit que toutes les institutions politiques, y
17 compris la JNA, étaient là pour garantir la paix. On demande à adopter
18 tout de suite une loi constitutionnelle pour ce qui est de la réalisation
19 de peuple à l'autodétermination, la mise en œuvre d'un référendum en même
20 date partant d'une décision de l'assemblée de la RSFY, à savoir de la
21 Yougoslavie entière.
22 Après ce référendum, procédez à la réalisation de la volonté prononcée par
23 les peuples. Donc proclamer et tenir des élections pluripartites libres
24 pour le Parlement de la Yougoslavie.
25 Par voie de conséquence, je ne vois pas -puisque vous avez parlé de cet
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1 intercalaire 36- où vous vous référiez à un discours que j'aurais
2 prononcé. Et je parlais de "prises de décision sans faire prévaloir les
3 voix des uns par rapport aux voix des autres, la survie de la Yougoslavie
4 conformément à l'esprit européen, etc., etc.". Donc c'est ce que j'ai dit.
5 Vous avez, vous, affirmé qu'il y aurait là une pensée émanant de ma part
6 qui à, cet effet, aurait été teintée de haine raciale. Je vous demande
7 d'avoir l'amabilité de nous en donner lecture. Ce n'est pas moi qui me
8 suis référé à cet intercalaire 36, c'est vous.
9 M. de La Brosse: En fait, je fais référence au paragraphe 53 du rapport et
10 à l'extrait vidéo qui a été diffusé et qui concerne donc la note… excusez-
11 moi, 111 et 112. Et donc, dans ces extraits de discours que l'on nous a
12 diffusés tout à l'heure, vous parlez, vous employez un vocabulaire de
13 généralisation en parlant "d'assassins des Serbes". Pardon! Excusez-moi,
14 vous employez l'expression "to put an end to the murders of Serbs…",
15 "mettre un terme au meurtre de Serbes et de Monténégrins au Kosovo"…
16 Plus loin … et d'établir, pardon, "an establishement, an albanian State on
17 serbian… ", "établissement d'un Etat albanais sur territoire serbe".
18 Plus loin dans le discours -et là, je fais référence à la note 112-, vous
19 employez le qualificatif…
20 (Coupure due au problème de changement des canaux d'interprétariat.)
21 "the adjective 'pro-facist'.
22 Vous faites référence à un contexte historique qui vous renvoie aux
23 fascistes qui se sont rendus…
24 M. Kwon (interprétation): Peut-on recevoir l'interprétation en anglais?
25 Nous n'avons pas de traduction anglaise.
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1 M. de La Brosse: Donc vous-même, dans ce discours, vous employez un
2 commentaire connoté historiquement, en parlant de profascistes, en parlant
3 à propos de la situation du Kosovo, de meurtres de Serbes et de
4 Monténégrins. D'une certaine façon, vous employez la même terminologie qui
5 est employée dans les médias.
6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse, et alors? Mais
7 n'est-il pas le devoir de l'Etat de mettre un terme à tout cela? Estimez-
8 vous qu'il n'y a pas eu de meurtres de Serbes et de Monténégrins au
9 Kosovo, à l'époque? Et ne pensez-vous pas que l'Etat était censé réagir?
10 Pourquoi -j'entends, pensez-vous ce que j'ai dit, à savoir qu'il fallait
11 faire mettre un terme aux meurtres de Serbes et de Monténégrins au Kosovo-
12 cela serait orienté à l'encontre de la minorité nationale albanaise vivant
13 au Kosovo, ou cela voulait-il simplement dire qu'il fallait faire mettre
14 un terme à l'expulsion, au meurtre de Serbes et de Monténégro? N'était-ce
15 pas là le rôle de l'Etat? Où voyez-vous qu'il y ait là de la propagande?
16 Et alors, s'il est vrai que ces meurtres ont existé, ont eu lieu…
17 M. le Président (interprétation): Laissez-le répondre à la question.
18 M. de La Brosse: L'objet du paragraphe qui concerne ce discours est de
19 montrer, indépendamment de la véracité ou non des événements, que vous
20 participez vous-même à la stigmatisation de l'une et l'autre communautés
21 en utilisant des termes qui sont, par ailleurs, repris d'une terminologie
22 -qui est parallèlement utilisée dans les médias- et qui consiste à dire
23 que les Croates… à substituer le terme "d'Oustachis" pour désigner les
24 Croates, à substituer le terme de… comment dire… de "terroristes" pour
25 désigner les Kosovars; cela participe à cet effort des stigmatisation et
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1 de généralisation abusif dans un contexte où, parallèlement, on retrouvait
2 une terminologie similaire, à la fois dans les médias et au sein d'autres
3 institutions. On a vu, par exemple, tout à l'heure, le cas de la
4 terminologie qui était imposée au sein des forces armées pour désigner
5 l'ennemi.
6 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur de La Brosse, très
7 bien. Et ceci, nonobstant la lecture que je vous ai donnée du sous-titre,
8 en disant que nous étions fiers de voir que la Serbie ne conduisait pas
9 une politique nationaliste. Je disais également… et vous avez le sous-
10 titre qui dit que la Serbie est l'Etat de tous ses citoyens, et qu'en
11 Serbie il fallait qu'il y ait une égalité en droit de tous ses citoyens,
12 de tous ses groupes ethniques.
13 Mais puisque vous affirmez que ces médias s'étaient servis de ce type de
14 chose, avez-vous lu le "New York Times", par exemple daté du mois de
15 novembre 1993 où il est dit -et c'est tout à fait par hasard que je m'en
16 souviens-, c'est David Binder qui est correspondant américain du "New York
17 Times" qui parle de 10.000 maisons qu'on a fait sauter à la dynamite en
18 Croatie. Est-ce que vous estimez que lui aussi devrait être rangé parmi
19 les propagandistes ou les soi-disant propagandistes serbes? Avez-vous lu
20 cet article-là?
21 M. de La Brosse: Je n'ai pas lu cet article et vous me donnez
22 insuffisamment d'informations pour que je puisse me prononcer dessus. Vous
23 parlez de 10.000 maisons qui ont été…
24 Question: Recherchez donc cela! Il a écrit, lui, un texte sur 10.000
25 maisons serbes qu'on a fait sauter à la dynamite en Croatie; et il conclut
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1 que la Croatie à l'extérieur des régions qui étaient protégées par les
2 Nations Unies était ethniquement purifiée de nos jours. Il parle de ces
3 10.000 maisons dynamitées, cela aussi fait partie de la propagande et
4 probablement de la propagande serbe qui a influé sur le "New York Times".
5 Or la vérité est tout à fait contraire. Ne voyez-vous pas que vous avez
6 mis sens dessus dessous toutes les choses.
7 Réponse: Non, absolument pas. Je reviens sur l'objectif du rapport qui est
8 de démontrer les mécanismes opérants. J'ai bien conscience du fait que je
9 ne maîtrise pas parfaitement -loin de là!- l'histoire et la chronologie du
10 conflit. Il y a un certain nombre d'exemples que je donne à travers ce
11 rapport, faisant référence à des faits pour lesquels je ne peux pas être
12 certain de leur occurrence ou non.
13 Ce qui, en l'occurrence, m'a intéressé, moi, ce qui était l'objet de ce
14 travail, c'est de montrer l'interprétation qui a été faite de ces faits.
15 Ce n'est pas me prononcer sur l'occurrence ou la non occurrence, la
16 véracité ou non véracité de certains faits. Ceci étant, il est tout à fait
17 possible que l'article, auquel vous faites allusion et que je n'ai pas eu
18 entre les mains, puisse comporter certains messages de propagande. Ce
19 n'est pas l'objet de mon travail que de confirmer ou non la survenue de
20 certains faits.
21 Question: Oui mais, vous prenez position à ce sujet-là, Monsieur de La
22 Brosse, en laissant entendre qu'il s'agit de propagande pure et simple; ce
23 qui signifierait que ces événements n'ont pu avoir lieu. Or, moi je vous
24 cite, en contrepartie, un exemple ou un journal qui n'était pas très
25 enclin à la Serbie et relate des événements qui sont survenus.
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1 Et qu'allons-nous faire si ces événements sont réellement survenus,
2 Monsieur de La Brosse? Est-ce que cela est placé au service de la
3 propagation de la haine? Ou est-ce que cela fait partie d'informations
4 diffusées concernant les événements survenus? Ou pensez-vous, à l'opposé,
5 que la presse n'était pas censée réagir à ces événements?
6 Réponse: Est-ce que l'on peut examiner l'exemple plus précisément auquel
7 vous faites allusion?
8 Question: De quel exemple parlez-vous maintenant?
9 Réponse: Je fais référence à un exemple.
10 Question: Oui, je vous ai donné l'exemple par le "New York Times". Ce
11 n'est pas un exemple. Il s'agit de 10.000 maisons que l'on a dynamitées en
12 Croatie, une grande majorité de ces maisons étaient des maisons serbes, on
13 parle de "purification ethnique de ce territoire à l'encontre de Serbes et
14 que ces territoires croates étaient des territoires ethniquement les plus
15 purs en Europe à ce moment-là". Est-ce que vous estimez que c'est là aussi
16 une propagande serbe dictée par le gouvernement de Belgrade et par moi-
17 même, en qualité de Président de la Serbie, à l'époque, donc qui serait
18 repris par les dires ou les écrits du "New York Times" à ce moment-là?
19 M. de La Brosse: Est-ce que je peux avoir le temps de lire cette partie du
20 "New York Times"? Est-ce que c'est vraiment en relation ...
21 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)
22 Il est certain qu'il existe des reportages émanant de la partie d'en face.
23 Je crois que vous avez d'ailleurs fait référence à des reportages
24 provenant de Croates et de Musulmans. C'est bien exact, n'est-ce pas? Je
25 suppose que vous l'admettez?
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1 M. de La Brosse: Oui, oui.
2 M. Milosevic (interprétation): Bien, Monsieur de La Brosse.
3 Voilà, Monsieur May, moi, j'ai reçu dans la quantité de boîtes qui m'a été
4 transmise avec tous ces papiers. J'ai une liasse assez épaisse de papiers
5 qui est intitulée "Annexes"; c'est la partie adverse qui me l'a fournie,
6 ce n'est pas moi qui l'ai apportée. Donc c'est l'appareil à la disposition
7 de M. Nice qui me l'a communiqué. Cela part du 00499598, où il est fait
8 état d'affirmations émanant de plusieurs personnes qui pourraient être
9 considérées comme étant de la propagande anti-musulmane et anti-croate.
10 Or, il s'agit uniquement de représentants politiques de pays étrangers qui
11 ont pris la parole; et c'est la partie adverse qui nous l'a communiquée.
12 En page 00495264, il y a une déclaration d'Alfred Sherman, qui était
13 conseiller à l'époque de Margaret Thatcher. C'est daté de 1994 au mois de
14 septembre.
15 Au point 23, il est dit: "La guerre qui est conduite de nos jours sur le
16 territoire de la Republika Srpska a été soulignée ou initiée par
17 l'Allemagne pour réaliser ses objectifs dans les Balkans. Il ne s'agit pas
18 seulement de vaincre les Serbes dans les Balkans et la Republika Srpska
19 ainsi que la RSK, mais de séparer le Kosovo et la Metohija ainsi que le
20 Sandzak de la Serbie pour établir le contrôle sur la vallée du Danube et
21 sur les Balkans".
22 Cela figure dans leurs documents.
23 M. le Président (interprétation): Réfléchissons un peu pour savoir ce que
24 nous pouvons faire de ces documents. Un instant, je poursuis. Est-ce que
25 vous souhaitez que le témoin qui se trouve ici fasse des commentaires sur
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1 les documents produits par vous et que vous pourrez éventuellement verser
2 au dossier?
3 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui, Monsieur May. Nous avons entendu
4 M. Nice citer certains éléments pour demander des commentaires.
5 M. le Président (interprétation): Il faut que nous réfléchissions à la
6 façon de procéder.
7 En effet, il y a deux possibilités. Soit le document est placé sous les
8 yeux du témoin, et donc le témoin peut examiner le document et faire ses
9 commentaires. Mais il y a une autre manière qui est sans doute plus
10 rapide, à savoir que le témoin pourrait être autorisé à emporter ces
11 documents après la suspension d'audience d'aujourd'hui pour les lire en
12 dehors du prétoire. Car nous ne terminerons pas le contre-interrogatoire
13 d'aujourd'hui, donc cela pourrait donner davantage de temps au témoin pour
14 former son commentaire.
15 Mais, si vous le souhaitez, nous pouvons lui soumettre ces documents un
16 par un aujourd'hui, dans le prétoire. Mais, dans ce cas-là, il faudra lire
17 des portions de ces documents ou des petits passages de paragraphes avant
18 d'obtenir le commentaire du témoin. Que préférez-vous?
19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, le fait d'avoir cité Sherman
20 et tout ce qui a été cité, émanant du document provenant de la partie
21 adverse -je n'ai arraché aucun élément, pour ma part-, je voulais
22 justement demander à ce témoin-ci, étant donné que ces positions qu'il a
23 citées sont attribuées à une propagande serbe, je voudrais savoir
24 maintenant si l'on met de côté le "New York Times", qu'il le prenne et
25 qu'il le lise, cet article-là. Mais comment commenterait-il ce que dit
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1 Sherman au sujet de ce qu'il a affirmé lui-même, au sujet d'une quelconque
2 paranoïa de la part des Serbes, disant qu'il y a complot contre la
3 Yougoslavie? Est-ce là paranoïa ou réalité? Est-ce que la guerre a été
4 conduite…
5 (Interruption du Président.)
6 M. le Président (interprétation): Non, non, je vous arrête. Je vous
7 interromps car le témoin ne peut faire aucun commentaire s'il n'a pas, au
8 préalable, vu le document. Donc si vous lui soumettez le document, il
9 pourra vous dire quel commentaire il a à faire. Mais si vous souhaitez
10 obtenir cela de lui, il faut d'abord que le témoin puisse voir le
11 document. Sinon, rien ne sert à rien.
12 M. Milosevic (interprétation): Qu'ils aient donc l'amabilité de lui
13 donner! Moi, je n'ai que la version serbe, donc j'ai la version traduite
14 en serbe. J'ai dit "0045988" et il y a… ça se termine par… je vais vous
15 dire maintenant… ça se termine donc par la page 00495286. Cela émane de la
16 partie adverse, c'est leur numéro de référence. Qu'ils lui fournissent
17 cela en langue anglaise, qu'il lise, qu'il examine la chose. Et, par la
18 suite, je me proposerai de lui donner quelques exemples qui en
19 découleraient. Il n'est pas en mesure de lire la centaine de pages que
20 cela constitue. Mais je voudrais savoir si, par voie de conséquence, ce
21 qui est dit par Sherman concernant les plans de l'Allemagne…
22 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. Il ne sert à
23 rien de poursuivre dans ce sens.
24 Monsieur Nice, vous pouvez nous aider?
25 M. Nice (interprétation): Nous ne pouvons pas le faire immédiatement. Nous
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1 avons réussi à trouver l'article du "New York Times", ça, oui; il est en
2 cours de photocopie. Mais pour ces autres documents qui constituent tout
3 de même une partie importante des pièces communiquées, c'est tout
4 simplement impossible de le faire rapidement.
5 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela pourrait se faire avant
6 le retour du témoin dans le prétoire, à savoir jeudi?
7 M. Nice (interprétation): Si nous obtenons une liste, oui, nous pourrons
8 le faire d'ici là.
9 M. le Président (interprétation): Donc nous pourrons voir le "New York
10 Times", l'article du "New York Times" après la pause. Et si cela est
11 possible, nous aimerions pouvoir disposer des autres documents jeudi
12 matin.
13 M. Nice (interprétation): Oui, après la suspension d'audience.
14 Mais j'aimerais dire, de façon générale, que nous ne saurions vous dire
15 immédiatement dans quelle catégorie précise entre la déclaration qui vient
16 d'être mentionnée, celle de Sherman. Mais s'il s'agit d'une déclaration
17 privée, il est peu probable que cette déclaration ait la moindre
18 pertinence lorsqu'il est question de propagande, notamment s'il s'agit
19 uniquement d'un extrait, à moins qu'il soit question d'un sujet
20 particulier dont nous traitons ici. Mais il faut garder cela à l'esprit,
21 n'est-ce pas?
22 M. le Président (interprétation): Eh bien, voyons le document. Recevons
23 d'abord les documents et nous verrons ensuite.
24 M. Milosevic (interprétation): Prenez ce document, un article de John Rose
25 qui est intitulé: "Les Serbes, les Juifs et la Bosnie". Il s'agit
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1 du"Jewish week" du mois d'août 1993.
2 Je vais vous la faire courte, parce qu'il y a trois pages. On dit: "La
3 campagne réalisée par nos médias en Amérique contre le peuple serbe est
4 purement et simplement incroyable. Les Serbes se sont battus contre les
5 Nazis, ils ont payé un prix très fort pour s'être battus du côté des
6 Alliés dans la guerre contre Hitler. Nous qui avons survécu à
7 l'Holocauste, nous les comprenons parfaitement; ils ont connu le même sort
8 que nous. Ils ont été des milliers et des milliers…"
9 (Interruption du Président.)
10 M. le Président (interprétation): Je vais arrêter cette lecture. Nous
11 reviendrons sur ce sujet lorsque nous disposerons des originaux. Lorsque
12 nous aurons les originaux, nous reparlerons de cela. Le témoin ne peut
13 faire aucun commentaire s'il n'a pas le texte sous les yeux.
14 Monsieur Nice, pouvez-vous nous aider sur ce deuxième sujet? Est-ce que la
15 référence est suffisante pour que vous retrouviez le document?
16 M. Nice (interprétation): La date…le mois d'août- nous aidera. Sinon, il
17 serait bon que nous ayons le numéro de référence ERN. Est-ce que l'accusé
18 en dispose?
19 M. le Président (interprétation): Vous avez ce numéro? Peut-être la date
20 exacte, le jour du mois d'août, et puis le numéro de référence?
21 M. Milosevic (interprétation): On dit que c'est août 1993, le "Jewish
22 week" de New York. Et le numéro ERN de M. Nice, qui est imprimé sur la
23 page, est 00495192. Si c'est bien le numéro que vous voulez?
24 M. Nice (interprétation): Merci.
25 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous avons compris. Y a-t-il
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1 d'autres documents que vous aimeriez soumettre au témoin et que vous avez
2 actuellement entre les mains?
3 M. Milosevic (interprétation): Oui, j'ai bon nombre de documents ici. Par
4 exemple, 00495196; c'est le "Die Zeit". C'est Michael Tuman, l'auteur; "La
5 guerre des reporters de guerre". Hambourg 1994, septembre 1994.
6 On dit que ce journalisme d'incitation à la guerre a grossi les chiffres
7 et a choisi unilatéralement les faits pour encourager les différents
8 gouvernements à intervenir contre les Serbes.
9 Puis, à la même page, avec la même cote ERN, on entend "Rapport" -"Report"
10 en anglais- qui dit que "des sources Nations Unies ont avancé cela pour
11 inciter à l'intervention internationale". Et on dit que "la partie
12 bosnienne a suscité, a incité les Serbes à les attaquer, à provoquer les
13 Serbes". Sans parler d'autres attaques ou soi-disant attaques réalisées
14 par le camp adverse qui ont été réalisées par la partie concernée contre
15 sa propre population. Ainsi de suite.
16 J'estime donc qu'il serait utile de se pencher sur le "International
17 Herald Tribune", Barry James, l'auteur qui dit: "Musulmans préparant une
18 offensive", Paris, 5 septembre 1994. D'après les médias français il s'agit
19 d'une quantité énorme de désinformations en provenance de sources
20 musulmanes, le 3 mai 1995.
21 M. le Président (interprétation): Numéro ERN, je vous prie?
22 M. Milosevic (interprétation): 00495205. Puis, vous avez l'Occident contre
23 la Yougoslavie, Jérusalem, où on dit nos impressions, ceux qui ne font pas
24 preuve de haine raciale.
25 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. La Greffière a
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1 apparemment retrouvé certains de ces documents.
2 Bien, nous avons actuellement sous les yeux l'article du "New York Times".
3 Mais, de façon à travailler là-dessus sans interruption, nous allons
4 poursuivre quelques instants au-delà de l'heure de la pause pour entendre
5 la liste complète des documents que vous souhaitez soumettre au témoin.
6 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, par exemple, 00495208, vous avez
7 "Die Welt Woche", Tomas Meiner, "Satanisation des peuples inadmissibles",
8 Zurich 1994, où il dit: "Ceux qui n'ont pas vu de leurs propres yeux les
9 souffrances des Chrétiens ne peuvent se douter de ce que cela signifie
10 être membres de cette population qui est considérée comme étant pire que
11 des bêtes. Et les hommes ne sont pas nés pour être soumis à l'esclavage."
12 A la page suivante, donc numéro suivant, propagande anti-serbe et pro-
13 musulmane qui est censée laisser croire à toute personne prêtant foi à la
14 liberté et à la démocratie de s'inquiéter de façon sérieuse. Je n'ai pas
15 le temps de citer tout cela et tout le reste, mais je voudrais maintenant
16 en revenir à des questions essentielles.
17 M. le Président (interprétation): Avant cela, nous disposons désormais de
18 l'article du "New York Times", une photocopie de cet article que vous
19 souhaitez soumettre au témoin. Il serait sans doute opportun de lever
20 l'audience maintenant pour la pause. Pendant la pause, le témoin aura la
21 possibilité de lire cet article du "New York Times", et vous pourrez
22 ensuite l'interroger à ce sujet.
23 M. Milosevic (interprétation): Je ne veux pas gaspiller mon temps sur le
24 "New York Times", parce que cet article; je vous l'ai déjà versé, vous
25 l'avez.
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1 M. le Président (interprétation): Non, non.
2 M. Milosevic (interprétation): Mais le témoin…
3 (Micro coupé. Le micro se rallume)
4 Est-ce que cela entre également dans la propagande organisée par le
5 gouvernement serbe et par moi en personne?
6 M. le Président (interprétation): Non, non, je donnerai le temps au témoin
7 de lire l'article pendant la pause; après quoi nous reviendrons dans le
8 prétoire, et il pourra le commenter et nous passerons à autre chose.
9 Monsieur de La Brosse, je vous demanderai de bien vouloir prendre cet
10 article du "New York Times" avec vous pour sortir du prétoire. Après quoi,
11 vous répondrez à des questions qui vous seront posées à ce sujet lorsque
12 nous reviendrons dans ce prétoire.
13 Suspension de 20 minutes.
14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, avant la pause, je vous prie…
15 avant la pause; j'ai quelque chose à dire.
16 Vous demandez que l'on retrouve les documents, Monsieur de La Brosse. Vous
17 avez également utilisé un certain nombre de livres, n'est-ce pas?
18 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)
19 Avez-vous eu la possibilité de lire le livre de Emil Vlajki, intitulé "La
20 démonisation des Serbes", publié au Canada, Ontario, en l'an 2000?
21 M. de La Brosse: Non.
22 M. Milosevic (interprétation): Pensez-vous qu'il pourrait vous être utile
23 de lire ce livre puisque vous vous occupez…
24 (Interruption du Président.)
25 M. le Président (interprétation): Nous réfléchirons à la question de
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1 savoir si le témoin doit lire ce livre, nous en reparlerons après la
2 pause. Suspension de 20 minutes.
3 (L'audience, suspendue à 12 heures 13, est reprise 12 heures 40.)
4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice, vous avez la parole.
5 M. Nice (interprétation): Apparemment, l'article du "New York Times" que
6 nous avons photocopié n'est pas celui qui correspond, mais je crois que
7 nous avons retrouvé le bon et nous l'aurons dans l'ensemble des documents
8 dans quelques instants. Nous essayons également de mettre la main ou de
9 retrouver les autres documents dont il a été question, de les faire
10 photocopier mais à ce stade du procès nous ne pouvons pas les avoir
11 immédiatement.
12 M. le Président (interprétation): Je crois savoir que le témoin ne pourra
13 pas être ici, jeudi, il a d'autres engagements.
14 M. Nice (interprétation): Oui, je viens de l'apprendre. Je ne le savais
15 pas tout à l'heure.
16 M. le Président (interprétation): Donc les choses étant ce qu'elles sont,
17 nous allons trouver un moment opportun. Je pense que lundi matin pourrait
18 convenir.
19 M. Nice (interprétation): Lundi matin ne sera pas le meilleur moment, je
20 pense. Je n'ai pas encore parlé à M. de La Brosse pour voir si cela lui
21 convient, mais lundi matin peut-être.
22 M. le Président (interprétation): Monsieur de La Brosse, est-ce que lundi
23 matin vous conviendrait pour la fin de votre déposition?
24 M. de La Brosse: En ce qui me concerne, oui.
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous attendons les
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1 autres documents. Il a également été fait référence à un livre, n'est-ce
2 pas, Monsieur Nice? Peut-être pourriez-vous nous dire ce qu'il en est de
3 ce livre intitulé "La démonisation des Serbes"? Est-ce que vous avez
4 retrouvé au moins la version anglaise de cet ouvrage?
5 M. Nice (interprétation): Pour l'instant, nous ne disposons que d'un
6 résumé sur bande audio. Peut-être pourrons-nous obtenir un meilleur
7 résultat un peu plus tard, mais peut-être pas.
8 M. le Président (interprétation): Très bien.
9 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
10 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dans ce livre… Monsieur May,
11 j'aimerais que nous nous comprenions bien; les citations que j'ai faites
12 tout à l'heure, les références que j'ai indiquées ne concernent que
13 certains documents car je ne peux pas traiter de tous les documents, faute
14 de temps.
15 Il s'agit, en tout état de cause, depuis la page 004951188 jusqu'à la page
16 004951288. Donc j'ai fait une sélection de 100 pages parmi les documents
17 qui m'ont été fournis par la partie adverse. Quant aux documents émanant
18 de moi, je les aborderai plus tard. Lorsque nous arriverons à ces
19 documents émanant de moi, nous aurons une vision beaucoup plus claire de
20 la situation car il y a de nombreux pays y compris les Etats-Unis,
21 l'Allemagne, la France, etc., sans parler des autres pays où des
22 publications et des articles sont parus, relatifs à la guerre contre les
23 Serbes.
24 Mais je vous demande en tout cas de prendre note des références que je
25 viens de donner au sujet de cette centaine de pages dont je dispose, qui
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1 m'ont été données par la partie adverse. J'y inclus également cet ouvrage
2 du Pr Vlajki qui a écrit un livre au sujet de la démonisation des Serbes.
3 C'est un professeur qui a enseigné à Zagreb.
4 Mais, Monsieur de La Brosse, Jacques Merlinot, un de vos compatriotes, un
5 journaliste a écrit un ouvrage intitulé: "Les vérités yougoslaves ne sont
6 pas toutes bonnes à dire", ouvrage publié à Paris en 1994. Avez-vous eu le
7 temps ou la possibilité de lire au moins ce livre?
8 M. de La Brosse: Non.
9 Question: Puisque vous êtes français, vous aurez la plus grande facilité à
10 avoir ce livre. J'aimerais que vous regardiez au moins ce que dit M.
11 Merlinot, auteur de cet ouvrage en collaboration avec M. James Hoffs.
12 "Newsday" a publié le reportage de Roy Gutman au sujet de ce qu'il est
13 convenu d'appeler "les camps de concentration imputés aux Serbes". Après
14 cette publication, un certain nombre de personnes ont pu mobiliser des
15 organisations juives qui se sont exprimées sur ce sujet également.
16 Dans cet article relatif à cet ouvrage de Merlinot, vous trouverez
17 l'opinion des organisations juives quant à cet aspect des choses
18 impliquant les Bosniens musulmans -je cite-: "Nous avons pu identifier
19 facilement les Serbes aux Nazis dans les yeux de l'opinion publique.
20 Personne ne comprend ce qui se passe en Yougoslavie, mais un mot a été dit
21 à ce sujet qui correspond à la réalité et, bien sûr, cette histoire
22 impliquant des bons et des mauvais va se poursuivre, ce qui résultera avec
23 un changement de vocabulaire dans la presse en une description d'une
24 situation d'une façon différente.
25 Des mots très émotifs ont été utilisés, tels que "nettoyage ethnique",
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1 "camps de concentration" qui ont fait revivre les images des chambres à
2 gaz d'Auschwitz. Et Merlinot se demande comment vous aviez réussi à faire
3 cela, et il demande que des preuves soient apportées de la véracité de ces
4 reportages. Nous disposons de deux articles de "Newsday". Et la réponse
5 est apportée par Hoffs qui demande une vérification de ces informations.
6 Il dit: "Notre travail consiste à transformer les informations. Nous
7 sommes des professionnels, nous avons une tâche particulière à accomplir,
8 nous ne sommes pas payés pour moraliser."
9 "Il ne vous appartient pas", dit Merlinot, "de dire ce qui correspond à la
10 vérité mais simplement de suivre l'application, l'argumentation au sujet
11 des médias par certains professionnels lorsqu'ils examinent la situation
12 politique en tel ou tel endroit". Donc il s'agirait d'un travail technique
13 et, à cet égard, un certain vocabulaire serait utilisé. Mais la vérité,
14 semble-t-il, n'a aucune pertinence dans tout cela?
15 M. de La Brosse: Vous me demandez de commenter l'extrait de ce livre?
16 M. le Président (interprétation): Ne lui posez pas d'autres questions,
17 Monsieur Milosevic.
18 Monsieur de La Brosse, pouvez-vous, oui ou non, faire un commentaire à ce
19 sujet ou souhaiteriez-vous avoir l'article sous les yeux d'abord? C'est la
20 première question que je vous poserai.
21 M. de La Brosse: Je souhaiterais effectivement avoir l'article sous les
22 yeux.
23 M. le Président (interprétation): Fort bien.
24 Un instant, Monsieur Milosevic.
25 D'un point de vue générale, l'argumentation consiste à dire que la
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1 propagande est utilisée par toutes les parties à un conflit, n'est-ce pas,
2 Monsieur de La Brosse. Je suppose que vous serez d'accord avec moi?
3 M. de La Brosse: Oui, absolument, je l'ai développé dans l'article que
4 j'ai fait sur la Yougoslavie dans le livre: "Les médias de la haine" où je
5 montre que la propagande anti-serbe a été aussi utilisée par les médias
6 croates et bosniaques.
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pourriez
8 transmettre un exemplaire de ce que vous avez cité au témoin de façon à ce
9 qu'il puisse l'examiner, si vous en disposez en français, bien sûr.
10 M. Milosevic (interprétation): Je ne l'ai pas en français, mais la
11 citation que je viens de faire se retrouve dans l'ouvrage de Michael
12 Parenti, que je vous ai transmis il y a déjà longtemps en version
13 anglaise. Il n'aura aucune difficulté à trouver ce passage de Merlinot. Il
14 existe également une note de bas de page qui fait référence à l'ouvrage de
15 Merlinot, et qui existe en lange française et en langue anglaise.
16 M. le Président (interprétation): Très bien. Dans l'ouvrage de Parenti, où
17 se trouve ce passage? Pouvez-vous nous donner le chapitre ou une référence
18 plus précise, de façon à ce que l'accusation puisse retrouver cet extrait?
19 M. Milosevic (interprétation): Dans l'ouvrage de Parenti, j'ai entre les
20 mains son ouvrage en traduction serbe, chapitre 9 intitulé "La
21 démonisation des Serbes", sept à huit pages après le début. Vous trouverez
22 donc cela dans l'ouvrage de Parenti.
23 Quant à l'ouvrage de Merlinot, j'ai déjà cité son titre. J'ai dit qu'il
24 avait été publié à Paris en 1994. Et en anglais, il existe sous la version
25 "Il n'est pas rendu compte honnêtement de la vérité yougoslave", donc
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1 reportage sans honnêteté. Pages 128 à 156 dans le livre de Sarah Flanders
2 "La tragédie bosniaque", on trouve le même passage, tragédies bosniaques,
3 le rôle du Pentagone. Et puis, dans l'ouvrage de l'OTAN sur les Balkans,
4 pages 54 à 56.
5 J'aimerais que l'on place sur le rétroprojecteur…
6 M. le Président (interprétation): Un instant, Monsieur Nice. Je suppose
7 que vous avez sûrement l'ouvrage de Parenti? Vous devriez pouvoir le
8 retrouver. Je ne sais pas ce qu'il en est des autres ouvrages cités.
9 M. Nice (interprétation): Nous allons faire de notre mieux pour trouver
10 ces ouvrages et, bien sûr, nous nous efforcerons de les remettre au témoin
11 avant son départ aujourd'hui, ce qui risque d'être plus difficile à faire.
12 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez la parole, Monsieur
13 Milosevic.
14 M. Milosevic (interprétation): Je l'ai entre les mains et je vous le
15 montre le rapport de M. de La Brosse. J'aimerais qu'on le place sur le
16 rétroprojecteur. J'ai un commentaire à faire au sujet de la page de garde.
17 (Intervention de l'huissier.)
18 Je vous demanderai un commentaire, Monsieur de La Brosse. L'intitulé de
19 votre rapport se lit comme suit -je cite-: "Propagandes politiques et
20 projets d'Etat pour tous les Serbes. Conséquences de l'instrumentalisation
21 des médias à des fins ultranationalistes".
22 En bas de page, nous lisons que ce rapport a été rédigé par vous à la
23 demande du Bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-
24 Yougoslavie, et donc il est indiqué que vous êtes l'auteur de ce rapport.
25 Donc ce projet a été commandé par la partie d'en face… enfin ce qu'il est
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1 convenu d'appeler "l'accusation". Et il est intitulé, ce rapport:
2 "Propagande politique et projets d'Etat pour tous les Serbes".
3 Veuillez me dire, je vous prie, de quel projet vous parlez? Quand a été
4 élaboré ce projet?
5 M. de La Brosse: Je tiens à souligner que le titre a été choisi par moi,
6 qu'il découle de ce que j'ai considéré être la spécificité de
7 l'utilisation des médias par la propagande serbe visant à distiller un
8 message principal: celui selon lequel les Serbes seraient menacés.
9 J'ai cité tout à l'heure la liste des groupes cibles qui menacerait ces
10 Serbes. Et ces différentes allégations ont eu pour objectif de distiller
11 la peur au sein de la communauté serbe et de l'inciter à se regrouper au
12 sein d'un même Etat. Et, dans le choix du titre, j'ai certainement aussi
13 été influencé par les très nombreuses déclarations de politiciens serbes
14 que je cite tout au long de ce rapport…
15 Question: Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur de La Brosse, nous
16 devons nous efforcer de ne pas perdre de temps.
17 Vous avez dans votre titre parlé d'un projet. Et puis, ensuite viennent
18 des guillemets: "d'Etat pour tous les Serbes". Je vous ai demandé de quand
19 datait ce projet et de quel projet il s'agit, puisque vous établissez
20 vous-même qu'il existe un projet d'Etat pour tous les Serbes. Donc qui a
21 élaboré ce projet? Quand ce projet a-t-il été élaboré? Ou comment est-ce
22 que vous avez des notions à ce sujet puisque cela fait l'objet même de vos
23 recherches?
24 Réponse: J'ai utilisé à escient les guillemets pour signifier le fait que
25 le titre que j'ai choisi me semblait correspondre à ce qui, à travers les
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1 exemples auxquels j'ai eu accès -que ce soit dans la presse écrite ou dans
2 les médias- correspondait finalement assez bien à cette propagation du
3 sentiment de peur qui a gagné la population serbe qu'on a présenté comme
4 menacée par ses voisins par la communauté internationale, par certains
5 groupes de l'opposition, par certains services secrets.
6 Et j'ai dit tout à l'heure que la conclusion implicite que je retirais de
7 ce très grand nombre d'exemples qui renvoient donc à mon chapitre sur la
8 paranoïa du complot, vise à faire prendre conscience au peuple serbe qu'il
9 est menacé de toutes parts et que c'est son intérêt que de se regrouper au
10 sein d'un même Etat.
11 Et en ce sens, la systématisation de ces attaques me laisse penser qu'à
12 travers le contenu des médias auxquels j'ai eu accès, on peut penser qu'il
13 y a, derrière cette systématisation, la volonté de distiller des messages
14 de peur pour pousser à ce regroupement. C'est une déduction que j'ai faite
15 de ce que j'ai tiré de ces différents contenus médiatiques.
16 Je ne fais pas référence ici à d'autres éléments qui auraient été en ma
17 possession, relatifs à un projet d'Etat pour tous les Serbes, mis à part
18 les citations que j'ai pu introduire dans ce rapport et qui figurent en
19 notes de bas de page.
20 Question: Fort bien, Monsieur de La Brosse. C'est vous qui êtes donc
21 l'auteur de ce titre et c'est vous qui avez qualifié cela de "projet
22 d'Etat pour tous les Serbes".
23 Alors, la question que je vous pose est la suivante: savez-vous que hormis
24 la diaspora évidemment, parce qu'il y a des Serbes qui vivent aux Etats-
25 Unis, en Australie, en France et un peu partout dans le monde, mais donc
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1 savez-vous que pratiquement tout le peuple serbe, à l'exclusion de la
2 diaspora, résidait à l'intérieur des frontières de la République
3 socialiste fédérative de Yougoslavie?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Vous êtes au courant de cela, n'est-ce pas? Mais dans ces
6 conditions, savez-vous que l'intérêt des Serbes consistait entre autres à
7 obtenir le maintien de l'existence de cet Etat, et nous considérions que
8 cet Etat pouvait être celui de tous les autres, en tout cas de tous ceux
9 qui souhaitaient également y vivre?
10 Réponse: Oui, je crois que c'est la position officielle de la Serbie.
11 Question: Pas seulement la position officielle de la Serbie, mais un fait
12 historique également. La Yougoslavie était un pays où tous les Serbes
13 résidaient dans le même Etat, à savoir la Yougoslavie, et c'était valable
14 également pour les Croates, pour les Slovènes et aussi pour les Musulmans.
15 D'ailleurs, entre nous, je ne sais pas si vous avez la moindre idée du
16 nombre de Musulmans qui résident en Serbie.
17 Mais dites-moi, je vous prie, de quelle création "d'Etat pour tous les
18 Serbes" vous parlez, puisqu'un Etat identique à cela, un Etat
19 correspondant à ces mots, existe depuis plus de 70 ans: la Yougoslavie, un
20 Etat reconnu internationalement, dans lequel habitaient tous les Serbes,
21 tous les Musulmans -et je ne vous dirai pas encore qui sont tous les
22 autres habitants de cette Yougoslavie- mais un Etat, en tout cas, qui
23 existait depuis 70 bonnes années. Alors, quel est ce projet dont vous
24 découvrez tout d'un coup l'existence, 70 ans plus tard, alors qu'un Etat
25 correspondant à ces mots, aux mots que vous utilisez dans votre titre,
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1 existe déjà depuis plus de 70 ans?
2 Réponse: Ce que je serai amené à répondre, c'est que la situation qui
3 était celle de la République serbe au sein de l'espace yougoslave n'était
4 pas -loin de là- présentée comme satisfaisante dans les médias de la
5 télévision et de la presse écrite. Je pense notamment à un média comme
6 "Politika" qui a systématiquement mis en avant un certain nombre de griefs
7 qui ont été faits à l'endroit de la situation de la Serbie dans cet espace
8 yougoslave.
9 Parmi les principaux griefs qui ont été avancés dans les médias, il y a,
10 d'une part, le fait que la situation, le statut constitutionnel de la
11 République serbe dans l'espace yougoslave était inférieure à celle
12 d'autres Républiques.
13 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse…
14 M. le Président (interprétation): Laissez-le finir. Laissez-le finir! Vous
15 posez des questions très longues; il ne peut pas répondre. Laissez-le
16 répondre.
17 Si vous voulez ajouter quelque chose, Monsieur de La Brosse…
18 M. de La Brosse: Un second thème qui était systématiquement développé dans
19 la presse, est le génocide dont serait victime la population serbe du
20 Kosovo et qui découlerait en partie du fait que la Serbie n'aurait pas la
21 totale souveraineté sur les territoires autonomes. Là, je renvoie au
22 premier argument que je viens de citer.
23 Par ailleurs, on trouve également dans la presse, à l'époque, un nombre
24 très important d'articles qui parlent également des risques d'assimilation
25 de génocide de la communauté croate… de la communauté, excusez-moi, serbe
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1 en Croatie.
2 Un quatrième sujet ou thème de griefs concerne par ailleurs la situation
3 économique de la République serbe au sein de l'espace yougoslave et
4 renvoie aux griefs contre la Slovénie notamment et la Croatie qui se
5 seraient octroyées l'essentiel des richesses au sein de l'espace
6 yougoslave. Donc dans cette presse, on trouve exprimés, à travers
7 notamment la rubrique "Echo et réactions", ces différents griefs.
8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse, je comprends que
9 vous souhaitiez fournir les explications qui vous viennent tout d'un coup
10 à l'esprit ici, en cet instant. Mais, si nous nous situons dans une
11 honnêteté intellectuelle de base, je vous prierai de bien vouloir répondre
12 à mes questions plutôt que de répondre à autre chose. Je vous interrogerai
13 au sujet de ce que vous venez d'évoquer un peu plus tard, ne vous
14 inquiétez pas au sujet de ces "Echos et réactions".
15 M. le Président (interprétation): Si ce n'est pas pertinent, le témoin
16 sera interrompu, sera arrêté. Mais ce n'était pas le cas, notamment au
17 regard des questions qui sont posées. Si vous posiez des questions plus
18 précises et plus pertinentes, vous pourriez peut-être obtenir une réponse.
19 M. Milosevic (interprétation): J'ai posé une question très précise,
20 Monsieur May, et elle était très brève.
21 De quelle création d'Etat pour tous les Serbes vous parlez, Monsieur de La
22 Brosse, alors que cet Etat existait déjà depuis 70 ans; il s'appelait la
23 Yougoslavie?
24 M. le Président (interprétation): Il a répondu. Il a déjà répondu et ce,
25 très longuement, en parlant des griefs des Serbes et du ressentiment qui
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1 existait à l'époque. Tout cela figure dans son rapport.
2 M. Milosevic (interprétation): Ceci est une réponse absolument inexacte,
3 Monsieur May.
4 C'est la raison pour laquelle, Monsieur de La Brosse, je vous pose ma
5 question suivante. Savez-vous que ce sont précisément les Serbes qui se
6 sont engagés en faveur du maintien de la Yougoslavie, car la division de
7 la Yougoslavie entraînait pour eux un éparpillement, alors que les Croates
8 et les Slovènes et, un peu plus tard, les Macédoniens et les Musulmans,
9 eux, se sont engagés dans la voie de la division? Est-ce que vous êtes au
10 courant de ce fait, de cet engagement des Serbes en faveur du maintien de
11 la Yougoslavie?
12 M. de La Brosse: Je suis au courant de la divergence de positions sur
13 l'avenir donné à l'espace yougoslave.
14 M. le Président (interprétation): Supposons qu'il soit affirmé qu'il
15 n'existait aucun plan destiné à créer un Etat pour les Serbes, mais qu'il
16 existait un plan destiné à créer une Yougoslavie ou en tout cas à
17 maintenir la Yougoslavie dans sa réalité, et que ce plan n'allait pas plus
18 loin que cela, quelle serait votre réponse en matière de propagande? Et
19 sur la base des documents que vous avez étudiés à ce sujet, seriez-vous
20 d'accord avec cela ou pas?
21 M. de La Brosse: Ce que je souhaiterais dire, c'est qu'à travers l'étude
22 du contenu des médias serbes à l'époque, la situation présente au sein de
23 l'espace yougoslave n'était absolument pas satisfaisante au regard des
24 aspirations qui étaient celles de la Serbie. Ce que je souhaite également
25 ajouter, c'est que ce ressentiment est constamment présent dans les
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1 médias. Le fait que la Croatie ou la Slovénie, par exemple, ne souhaite
2 pas poursuivre l'expérience yougoslave, souhaite accéder à l'indépendance,
3 a posé le problème de l'avenir des communautés. Pour la Croatie en tout
4 cas, puisque qu'en Slovénie la population serbe était marginale, a posé le
5 problème du statut de cette minorité.
6 Ce que j'ai tenté de montrer dans ce rapport, c'est que les médias ont
7 travaillé de concert avec une minorité serbe pour lui faire comprendre, à
8 travers le rappel d'événements historiques passés, qu'elle n'avait
9 absolument aucun avenir au sein de la Croatie.
10 Donc quand j'emploie l'expression "d'Etat pour tous les Serbes", je ne
11 fais pas référence à des documents sur un projet d'Etat de tous les Serbes
12 auxquels j'aurais eu accès, je déduis simplement de l'analyse du contenu
13 des articles et des émissions que j'ai pu avoir, en tenant compte de
14 l'évolution historique à l'époque, de la volonté de diffuser un sentiment
15 de peur au sein de la communauté serbe pour que celle-ci se réunisse, vive
16 ensemble au sein d'un Etat. L'expérience yougoslave n'étant plus possible
17 dans les conditions qui étaient celles du début des années 1990, il m'a
18 semblé en déduire, pouvoir déduire de ces différents exemples
19 qu'implicitement il y avait la volonté de réunir au sein d'un seul Etat la
20 communauté serbe; et pour ce faire, il s'agissait donc de réunir à la
21 Serbie des terres présentées comme historiquement serbes, à la fois en
22 Croatie mais aussi en Bosnie-Herzégovine.
23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, compte tenu des réponses très
24 longues du témoin, réellement très longues, qui ne servent qu'à contourner
25 les questions que je lui pose, je vous demanderai, je vous en prie, de
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1 tenir compte de ce problème du temps qui m'est affecté. Ne serait-ce que
2 de ce point de vue technique.
3 Monsieur de La Brosse, vous dites que vous avez analysé les médias. Savez-
4 vous que la sécession des anciennes Républiques de la Yougoslavie s'est
5 faite à l'encontre du droit international ainsi que du droit interne
6 yougoslave? Puisque vous dites que vous êtes au courant, vous pouvez sans
7 doute répondre à cette question par "oui" ou "non".
8 M. de La Brosse: Je ne suis pas juriste international, donc j'aurais du
9 mal à répondre précisément à cette question.
10 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais puisque vous vous occupez de ces
11 questions très précisément, bien que n'étant pas juriste, je suppose…
12 M. le Président (interprétation): Non, non, non. Le témoin a dit qu'il ne
13 pouvait pas répondre à cette question, passez à autre chose! C'est peut-
14 être une question qu'il nous appartiendra de trancher en temps utile.
15 M. Milosevic (interprétation): Vous trancherez, mais moi j'ai encore une
16 autre question à poser au témoin.
17 Le témoin a-t-il peut-être lu, puisqu'il est question de vous, n'est-ce
18 pas Monsieur de La Brosse, qui avez réalisé une étude pour le compte de ce
19 qu'il est convenu d'appeler "l'accusation"… donc avez-vous éventuellement
20 jugé nécessaire de lire y compris l'ouvrage dont l'auteur est M. Antonio
21 Cassese qui a précisé à cette institution -illégale du reste- l'ouvrage
22 intitulé "L'autodétermination des peuples"?
23 M. le Président (interprétation): Non, non, non. A moins que vous ayez une
24 question à poser en rapport avec la propagande, tout le reste se situe
25 hors des compétences du témoin. Lui demander ce qu'a dit le Pr Cassese
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1 n'est pas utile.
2 M. Milosevic (interprétation): Il est témoin, il travaille pour la partie
3 d'en face, donc je lui demande s'il a pris la peine de lire ce qu'a écrit
4 -et je me répète- l'ancien Président de cette institution où nous nous
5 trouvons, qui du reste est une institution illégale.
6 Monsieur Cassese qui a dit -je cite-: "Comme dans le cas des 12
7 Républiques soviétiques, dans le cadre du droit international, les 6
8 Républiques yougoslaves…"
9 M. le Président (interprétation): Non, je ne vous autoriserai pas à
10 poursuivre. Vous avez déjà posé cette question à plusieurs reprises, vous
11 perdez votre temps. Il ne sert à rien d'interroger le témoin au sujet du
12 droit international. Si vous avez des questions pertinentes, je vous en
13 prie, pertinentes par rapport à la déposition.
14 M. Milosevic (interprétation): Donc vous considérez qu'il n'est pas
15 pertinent d'interroger un expert, un professionnel qui a rendu un rapport
16 sur une question particulière, donc vous jugez qu'il n'est pas pertinent
17 de lui demander s'il est informé au sujet d'aspect juridique lié à cette
18 question particulière?
19 M. le Président (interprétation): Nous ne parlons pas de droit ici.
20 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous utilisez très souvent le mot
21 "implicite", Monsieur de La Brosse. Alors, connaissez-vous au moins le
22 principe selon lequel les Serbes se battaient pour vivre ensemble au sein
23 d'un même Etat qui recouvrait tous ces habitants et ce, sur la base
24 d'aspirations correspondant au droit international et au droit national de
25 leur Etat; contrairement à ceux qui se sont battus pour faire sécession et
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1 qui ont donc agi en contradiction avec la loi, avec le droit. Est-ce que
2 vous êtes au courant de ces deux faits? Quelle est votre démarche, votre
3 optique par rapport à cela?
4 M. de La Brosse: Est-ce que vous pouvez préciser votre question?
5 M. Milosevic (interprétation): Je viens de le dire.
6 M. le Président (interprétation): C'est moi qui vais m'occuper de cela et
7 ce sera la dernière question sur ce sujet du droit.
8 Ce qui est allégué, Monsieur le Témoin, c'est que les Serbes dans leur
9 aspiration de vivre dans un même Etat, se fondaient sur l'application du
10 droit international. Ceci est une allégation de la part de l'accusé.
11 Un instant, Monsieur Milosevic, un instant!
12 Monsieur le Témoin, est-ce un point que vous avez pris en considération
13 dans la rédaction de votre rapport? Si c'est non, dites-le, et nous
14 pourrons passer à autre chose.
15 Ceci n'a rien à voir avec le témoin. Le témoin s'intéresse à la
16 propagande, Monsieur Milosevic.
17 Ce que les gens ont écrit et dit, vous pouvez le lui demander. D'ailleurs,
18 nous sommes dans une situation assez rare, parce que vous pouvez poser ce
19 genre de questions au témoin. Mais, plutôt que de vous complaire à lui
20 demander si ceci est légal ou pas légal, pourquoi est-ce que vous ne
21 l'interrogez pas au sujet de ce qu'il a écrit dans son rapport?
22 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je constate que vous me
23 coupez sans arrêt le micro. Ce que je vais dire maintenant ne porte pas
24 sur le témoin mais vous concerne vous, car vous avez posé une question de
25 façon erronée. Le problème était que les Serbes se sont engagés en faveur
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1 du maintien de la Yougoslavie et que cet engagement était légal; il
2 s'appuyait aussi bien sur le droit international que sur le droit interne.
3 M. le Président (interprétation): Vous avez déjà avancé cet argument, et à
4 plusieurs reprises d'ailleurs. Il ne sert à rien de continuer. C'est un
5 élément que je prendrai très certainement en compte lorsque je m'occuperai
6 avec mes collègues du temps qui vous est imparti, car nous considérons que
7 le fait que vous ne cessez de traiter du même sujet est une perte de
8 temps. Alors passez à autre chose!
9 M. Milosevic (interprétation): Je ne me suis pas rendu compte que je
10 répétais tout le temps la même chose, mais enfin, je vais revenir sur ce
11 qu'affirme votre expert.
12 Dans votre rapport, Monsieur de La Brosse, vous prétendez citer ce que
13 j'aurais dit. Bien que tout cela soit sorti du contexte, cela peut tout de
14 même être utile car toutes mes allocutions peuvent servir à cette fin.
15 Notes en bas de page 45, n°22, n°23, notes en bas de page 28, n°13 et
16 n°14, on voit qu'il est question d'un engagement en faveur du maintien de
17 la Yougoslavie.
18 J'appelle votre attention, Monsieur de La Brosse, sur ce fait. Vous-même,
19 dans la note en bas de la page 45, au bas de la page 22, avant de citer
20 "Nin" et des propos qui émanent de moi, vous dites qu'il est question
21 d'efforts de propagande mis en œuvre, dites-vous, dans le but de menacer,
22 -je cite-: "Pour s'efforcer de pousser les Musulmans à sortir de la
23 Fédération yougoslave." (Fin de citation.)
24 Donc, Monsieur de La Brosse, est-ce que nous sommes tout à fait clairs ici
25 sur le fait que, compte tenu du titre que vous avez choisi vous-même, il
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1 n'est pas question de menaces de quelque façon que ce soit et que nous
2 nous sommes efforcés…, nous nous sommes investis pour les convaincre de
3 rester au sein de la Fédération yougoslave? Est-ce que ceci n'est pas une
4 expression éloquente du fait que nous avions pour seul désir de préserver
5 la Fédération yougoslave; est-ce que ce n'est pas le sens à donner à ces
6 termes?
7 M. le Président (interprétation): Non. Vous devez poser une question, vous
8 ne pouvez pas continuer à parler.
9 Monsieur de La Brosse, la référence est faite aux notes en bas de page 28
10 et 45; j'espère que vous les avez sous les yeux. L'accusé vous dit que
11 ceci manifeste la volonté de maintenir la Fédération yougoslave. Peut-être
12 pourriez-vous traiter de cette question?
13 M. de La Brosse: Pour ce qui concerne l'article 45, je cite un certain
14 nombre d'extraits pris dans la presse, de discours. Donc je cite Slobodan
15 Milosevic, je cite Biljana Plavsic, je cite Vojislav Seselj qui font état
16 de menaces à l'endroit de la communauté musulmane. Et je crois que je
17 cite, page suivante, d'autres personnes: une nouvelle fois Biljana
18 Plavsic, une nouvelle fois Biljana Plavsic, une nouvelle fois Biljana
19 Plavsic… Ce sont des exemples où, clairement, on menace effectivement la
20 communauté musulmane, on la dissuade de sortir de l'espace yougoslave et
21 de déclarer son indépendance.
22 M. Milosevic (interprétation): Bien. Monsieur de La Brosse, dans cette
23 note de bas de page 45, en guise d'illustration pour les efforts de faire
24 usage de menaces pour dissuader les Musulmans de quitter cette Fédération
25 yougoslave, vous avez cité des mots qui auraient été les miens, publiés
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1 dans le journal "Nin" du mois d'avril 1991. Et vous me citez, donc.
2 Vous dites -je cite-: "Il est exact d'affirmer que les Slovènes et les
3 Croates ont la volonté de sécession. Je pense quant à moi que les
4 Musulmans n'ont pas intérêt à faire sécession de la Yougoslavie. Pour ce
5 qui est des Musulmans, j'estime qu'il y a une grande partie
6 d'endoctrinement, mais nous estimons que la plupart des Musulmans
7 souhaitent un rapport bon, tolérant et cultivé, civilisé, amical,
8 caractérisé par des relations de bon voisinage avec les Serbes et avec les
9 autres peuples de le Yougoslavie. Donc, eux non plus ne tiennent pas à ce
10 que la Yougoslavie soit démantelée. Sans parler des racines très
11 profondes, des liens de sang, des liens familiaux et de tout le reste qui
12 existe." (Fin de citation.)
13 Donc je viens de vous donner lecture de la citation que vous faites de
14 moi-même. Il est donc tout à fait exact de dire qu'au travers de ces
15 propos et au travers de tous les autres propos que j'ai tenus, je m'étais
16 dit favorable au fait de voir les Musulmans -et non pas seulement les
17 Musulmans, mais les autres peuples aussi- rester dans la même Fédération
18 yougoslave.
19 Mais dans tout ce que vous venez de citer, où voyez-vous des menaces? Au
20 contraire! Les constatations que je fais au sujet des Musulmans, je dis,
21 je précise bien qu'eux non plus ne tiennent pas à ce que la Yougoslavie
22 soit démantelée; et que nous, Serbes, ne tenions pas à ce qu'elle soit
23 démantelée non plus.
24 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre. Je dois vous
25 interrompre. Il est grand temps que vous posiez une question pour que le
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1 témoin puisse y répondre.
2 L'accusé affirme que dans votre citation reprise dans votre note de bas de
3 page, il n'est pas question de menaces à l'encontre de Musulmans.
4 Souhaitez-vous dire quoi que ce soit à ce propos? Dans la négative, nous
5 passerons à autre chose.
6 M. de La Brosse: Le commentaire de la note 45 renvoie également aux autres
7 citations qui suivent celle de Slobodan Milosevic. Dans le contexte,
8 l'ensemble de ces citations doit être pris dans leur contexte. La
9 déclaration, la citation de l'extrait du discours de Slobodan Milosevic
10 que l'on vient de lire, parallèlement aux menaces très explicites qui sont
11 adressées à la communauté musulmane si elle choisit de se séparer, de
12 voter pour l'indépendance de leur République, constitue -de mon point de
13 vue- un effort de propagande au sens où on essaie d'influencer cette
14 population pour ne pas choisir l'accession à l'indépendance. Ceci étant, à
15 travers la citation, la première citation citée, effectivement, il n'y a
16 pas de menaces à proprement parler exprimées dans cette première citation.
17 Par contre,…
18 M. Milosevic (interprétation): Vous dites qu'il n'y a pas de menaces
19 directes. Mais y a-t-il des menaces indirectes? Si je dis qu'à mon avis,
20 la plupart des Musulmans souhaitaient avoir des relations bonnes,
21 civilisées, de bon voisinage etc. etc. avec le peuple serbe et les autres
22 peuples dans le cadre de la Yougoslavie.
23 M. le Président (interprétation): Il y a une objection qui est soulevée
24 par M. Nice.
25 M. Nice (interprétation): Je voulais simplement à votre endroit, Messieurs
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1 les Juges, préciser qu'il s'agissait de l'intercalaire 34 pour ce texte,
2 si vous souhaitez vous y référer.
3 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je pense que nous
4 avons épuisé l'examen de cette question.
5 M. Milosevic (interprétation): Bien. Alors, il me reste à vous poser
6 encore quelques questions. Puisque vous rattachez le Kosovo et la Bosnie
7 et le reste, savez-vous que pendant moins d'un an ou suite au décès de
8 Josip Broz Tito, ex-Président de la RSFY, et à bien des occasions
9 auparavant de son vivant, encore en 1965 jusqu'à 1968, etc. -mais la
10 question que je vous pose concerne la période à moins d'un an de sa mort-
11 au Kosovo et dans la Metohija, il y a eu de grandes manifestations des
12 séparatistes albanais voulant faire une République distincte du Kosovo et
13 faire en sorte le Kosovo rejoigne le giron de l'Albanie? Moi, je n'avais
14 aucune fonction politique à l'époque. Le saviez-vous cela?
15 M. de La Brosse: Non.
16 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous au courant des tensions?
17 M. le Président (interprétation): Veuillez donner la possibilité au témoin
18 de répondre à cette question.
19 M. Milosevic (interprétation): Il a dit "non". Moi, on m'a dit "non". J'ai
20 reçu une réponse qui est "non" dans mes écouteurs.
21 M. le Président (interprétation): Mais cela n'a pas été consigné. Très
22 bien, veuillez poser la question suivante, je vous prie.
23 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais savez-vous quoi que ce soit des
24 tensions au fil des ans qui ont existé, ont été présentes au Kosovo? Ce
25 sont là des faits notoirement connus au sujet desquels s'est prononcé à
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1 maintes reprises non pas la direction serbe, mais la direction yougoslave,
2 donc les instances au sommet de la Yougoslavie de l'époque; là où les
3 Serbes n'avaient aucune espèce de prédominance. Est-ce que cela devrait
4 également être attribué à des manipulations médiatiques de ma part, si
5 l'on sait de plus que je n'étais pas dans la vie politique du tout? Et
6 tout ce récit que vous avez fait au sujet du Kosovo ne tient que sur des
7 espèces de piliers en verre, mais je ne sais comment m'exprimer… Savez-
8 vous, êtes-vous au courant, Monsieur de La Brosse, de ces faits dont je
9 viens de parler?
10 M. de La Brosse: Je suis au courant qu'il y a eu un certain nombre
11 d'événements au Kosovo qui ont entraîné des affrontements.
12 Question: Bien. Revenons alors, Monsieur de La Brosse, à ce que vous avez
13 la prétention de désigner par un terme "d'expertise". Est-ce que vous
14 estimez que vous avez eu recours à une méthodologie scientifique dans ce
15 que vous avez rédigé? Je vous prie de me donner une réponse par "oui" ou
16 "non", je vous prie.
17 Réponse: Oui.
18 Question: Donc on peut conclure que votre rapport est une espèce de
19 travail d'étude scientifique réalisé pour les besoins de la tâche assignée
20 ici, n'est-ce pas?
21 Réponse: J'aimerais rappeler les conditions de réalisation de ce rapport.
22 On m'a demandé d'exposer les mécanismes de propagande à l'œuvre dans les
23 médias opérant en Serbie. Ce travail souffre certaines limites sur
24 lesquelles je me dois d'insister. Un tel travail supposerait l'étude, sur
25 l'espace d'une quinzaine d'années, de l'ensemble des programmes télévisés
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1 des différentes chaînes yougoslaves, supposerait l'écoute de l'ensemble
2 des programmes radiophoniques de la radio serbe, supposerait également la
3 lecture et l'analyse de l'ensemble de la production littéraire des
4 différents médias écrits serbes; ce qui est absolument impossible à
5 réaliser pour une personne seule, y compris par une petite équipe.
6 Ce travail d'exhaustivité, il est matériellement impossible à faire pour
7 une personne seule. Donc ce que j'ai pu faire, c'est à partir de la
8 définition de ce que c'est que la propagande, à partir de la définition de
9 ce que sont les principes et les techniques employées pour l'utilisation
10 de cette propagande, j'ai eu l'aide d'une équipe de chercheurs à Belgrade
11 qui ont effectué pour moi -parallèlement aux articles dont je pouvais
12 disposer, puisque je vous rappelle que je me suis intéressé à ce sujet en
13 1994-, donc qui ont fait ce travail de compilation, de lecture, d'analyse
14 des articles produits dans la presse serbe, et dans lesquels on voit
15 clairement que ces mécanismes que je décris… -je vous renvoie aux petits 2
16 de la première partie- dans lequel ces mécanismes sont à l'œuvre.
17 Premier constat: donc ce travail, c'est un travail immense à faire, et il
18 a donc fallu choisir un certain nombre d'exemples.
19 Deuxième limite à ce travail: outre la question du temps que prendrait un
20 tel travail, ce rapport a été réalisé dans un espace de temps très court,
21 il avait une vocation à démonter les mécanismes et non pas à
22 l'exhaustivité dans l'analyse des sources.
23 Autre limite qui découle de ce travail et qui explique le fait que j'ai eu
24 besoin d'une assistance sur place, le fait que je ne parle pas le serbo-
25 croate. De mon point de vue, c'est peut-être une limite assurément. Ceci
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1 étant, je n'ai pas l'impression que ce soit un grand handicap. La non-
2 possession de la langue des référents culturels, des ressorts culturels
3 propres au langage serbo-croate ne m'a sans doute pas permis de décrire,
4 d'identifier et de voir toutes les facettes de cette propagande à l'œuvre,
5 ni sans doute d'en restituer toute l'ampleur et la complexité.
6 Donc ce travail se veut une série d'indicateurs montrant les mécanismes
7 propagandistes à l'œuvre dans la presse serbe de l'époque et ne se veut
8 pas une étude exhaustive.
9 Par ailleurs, pour ce qui est des sources utilisées, je les ai indiquées
10 dans un document qui, je crois, figure dans la liste des pièces. Donc je
11 vous renvoie à cette liste.
12 La méthode a consisté à analyser les articles dans lesquels étaient à
13 l'œuvre de tels mécanismes, également à visionner des extraits de
14 programmes télévisés dans lesquels on trouve ce type de mécanismes.
15 Cette analyse a été complétée par la tenue, la réalisation d'entretiens,
16 d'entretiens semi directifs que j'ai pu avoir avec des journalistes et des
17 intellectuels sur place à Belgrade ou ailleurs. L'objectif qui a été le
18 mien dans ce rapport, avec donc une assistance sur place, ç'a été vraiment
19 de faire ressortir les mécanismes de propagande à l'œuvre à travers les
20 médias étudiés en partant d'une définition de ce qu'est la propagande et
21 des mécanismes qui ont été utilisés par le passé, puisque la propagande
22 c'est quelque chose qui ne date pas bien sûr de la presse yougoslave qui
23 est ancienne et auquel tout pouvoir politique a recourt, qu'il soit un
24 régime qu'on peut qualifier de "démocratique" ou de "totalitaire".
25 J'aborde ces différents points dans la première partie de mon rapport.
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1 Question: Mais ne pensez-vous pas, Monsieur de La Brosse, que vous venez
2 de citer précisément les raisons qui disqualifient complètement le bien-
3 fondé de ce rapport qui est le vôtre? Donc, partant du fait que vous
4 n'avez pas lu les articles en passant par l'assertion qu'il s'agissait là
5 d'un travail énorme, qu'on ne serait pas censé pouvoir faire, que le temps
6 imparti était trop court, en passant par le fait aussi que d'autres vous
7 avaient préparé les sources qu'il fallait utiliser, et ainsi de suite,
8 donc avez-vous une idée du fait que vous avez tiré de tout ceci des
9 conclusions tout à fait erronées?
10 Vous n'aviez pas les fondements nécessaires pour tirer les conclusions que
11 vous avez tirées et vous venez de nous expliquer que la chose vous avez
12 été impossible. En est-il ainsi ou pas, Monsieur de La Brosse?
13 Réponse: Non, pas du tout. Il s'agit d'illustrer des mécanismes à l'œuvre
14 à partir d'une sélection d'articles et de vidéos représentatifs de ce que
15 l'on trouvait à l'époque dans les médias serbes.
16 Question: Mais, comment saviez-vous, Monsieur de La Brosse, choisir entre
17 ce qui était représentatif et ce qui ne l'était pas? Qui est-ce qui s'est
18 chargé de faire cette sélection?
19 Réponse: Cette sélection s'est opérée de concert avec l'équipe qui m'a
20 suppléé à Belgrade et a consisté à travers l'étude de mémoire à l'équipe à
21 Belgrade à travailler sur plus de 20.000 pages, à exploiter la production
22 discursive des médias écrits les plus représentatifs publiés en Serbie. En
23 ce sens, je rappelais hier que le journal "Politika" a été un des médias
24 étudiés parce que c'est -comme je le disais hier- un média qui jouissait
25 d'une grande renommée, y compris internationale. C'est un média qui tirait
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1 près de 200.000 exemplaires en 1994. On a également travaillé sur la
2 production discursive littéraire de "Politika Ekspres" qui avoisinait les
3 100.000 extraits en 1994, de "Vecernje Novosti" qui faisait 100 000
4 exemplaires en 1994.
5 Pour ce qui est de l'analyse de l'exploitation des sources télévisuelles,
6 les extraits sélectionnés sont issus essentiellement du principal journal
7 télévisé diffusé à la RTS à la télévision de Belgrade, c'est-à-dire le
8 journal de 19 heures 30, qui était l'émission télévisée faisant la plus
9 grande audience.
10 Je rappelle que la TV et la télévision constituent le média par lequel
11 l'essentiel de ce que la population reçoit comme information, que la
12 télévision serbe est le seul média télévisé à atteindre l'ensemble du
13 territoire, à couvrir l'ensemble du territoire de la République serbe.
14 Ces chiffres sont à mettre en parallèle.
15 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse, Monsieur de La
16 Brosse…
17 Je ne sais pas, Monsieur May, si vous estimez véritablement approprié
18 d'écouter à chaque fois des explications aussi longues que cela pour ce
19 qui est des raisons avancées, pour ce qui est du pourquoi et du comment a
20 été établie cette analyse.
21 M. le Président (interprétation): En premier lieu, le témoin est habilité
22 à répondre aux questions que vous posez. Il peut également expliquer la
23 procédure qu'il a employée, de même préciser les sources qu'il a
24 employées.
25 Monsieur de La Brosse, veuillez poursuivre.
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1 M. de La Brosse: Vous me posiez la question de savoir quel était le corpus
2 qui a servi à la réalisation de ce rapport, donc je vous réponds.
3 M. Milosevic (interprétation): …
4 M. le Président (interprétation): Veuillez lui donner la possibilité de
5 terminer.
6 M. de La Brosse: On a donc travaillé essentiellement sur les actualités
7 télévisées du principal journal regardé en Serbie, c'est-à-dire celui de
8 19 heures 30. Ceci étant, il y a d'autres domaines ou supports à travers
9 lesquels la propagande a pu être diffusée à la télévision et qui ne sont
10 pas couverts par ce rapport. Je pense aux programmes culturels au sens
11 large: divertissements, musique, astrologie. La propagande est
12 multifacettes.
13 Le support qui a été étudié est en fait le principal journal d'information
14 regardé dont l'audience était la plus forte au sein de la télévision.
15 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais que vous me répondiez avec
16 précision, Monsieur de La Brosse, aux fins de nous épargner ces
17 explications évasives qui n'en disent pas long.
18 Avez-vous fait, oui ou non, une analyse de ce qu'ont publié les médias
19 yougoslaves ou pas? Vous savez, dans une enquête de cette nature, ce que
20 doit être une analyse en sa qualité de procédure méthodologique. Avez-vous
21 donc procédé à ce qu'il fallait pour rédiger une analyse ou pas?
22 M. de La Brosse: La nature des articles publiés dans la presse a été faite
23 par l'équipe sur place à Belgrade.
24 M. Milosevic (interprétation): Allez-vous nous dire par là que vous n'avez
25 pas vous-même procédé à l'analyse de la teneur de ce qui était publié par
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1 les médias yougoslaves?
2 M. le Président (interprétation): Mais le témoin a répondu à cette
3 question, il vous a décrit sa procédure.
4 M. Milosevic (interprétation): Pour que ce soit tout à fait clair à mon
5 intention?
6 M. le Président (interprétation): Quelle est votre question plus précise?
7 Est-ce que le témoin a lu chacun des articles qui a été publié dans la
8 presse? Il a répondu par la négative. Vous lui avez demandé s'il avait
9 analysé tous les programmes de télévision; il a répondu par la négative.
10 Il vous a expliqué quelles étaient ses sources, quel était son corpus. Il
11 a répondu à vos questions.
12 M. Milosevic (interprétation): Tout d'abord, je ne lui ai pas posé de
13 questions sur le fait de savoir s'il avait lu chacun de ces articles.
14 Dans ce type de recherche scientifique, c'est avec exactitude et précision
15 que dans les sciences d'une manière générale et dans la méthodologie mise
16 en œuvre, l'on sait ce que signifie la notion d'analyse du contenu.
17 Donc, il y a une analyse du contenu que je ne vais pas vous élaborer plus
18 en avant. Mais je pose la question au Professeur… Docteur de la Brosse qui
19 sait parfaitement bien ce que signifie ma question.
20 Ma question est de savoir s'il a fait une analyse de la teneur des médias
21 en Yougoslavie? Qu'il me réponde par un "oui" ou par un "non", rien
22 d'autre.
23 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que vous voulez dire par cela?
24 Est-ce que vous voulez lui poser la question de savoir s'il a lu chaque
25 article? Il a répondu que non.
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1 Est-ce qu'il a vu chacun des programmes de télévision? Il a répondu non.
2 Par conséquent, quel est l'objet de votre question?
3 M. Milosevic (interprétation): Vous voulez dire que nous allons lever la
4 séance pour aujourd'hui! Je voulais dire ce que j'ai posé comme question,
5 Monsieur May.
6 M. le Président (interprétation): Je ne vous suis pas, je ne comprends pas
7 votre raisonnement. Et si les Juges de la Chambre de première instance ne
8 peuvent pas suivre votre raisonnement, nous allons lever l'audience. Nul
9 besoin de s'appesantir sur cela.
10 Monsieur Nice, vous avez la parole.
11 M. Nice (interprétation): Nous avons un extrait de la presse dans lequel
12 on retrouve les différents passages qui ont été évoqués dans le cadre du
13 contre-interrogatoire. Dans la plupart des cas, il y a la traduction en
14 langue anglaise. Je peux remettre directement ces extraits au témoin.
15 Je pense qu'on pourrait également faire des photocopies à l'intention des
16 Juges et peut-être que, pendant ce temps, les Juges et le témoin pourront
17 lire ces articles. S'agissant de l'ouvrage, je ne peux pas vous donner de
18 réponse.
19 Je ne sais pas si j'ai le droit de prendre contact avec le témoin à cet
20 égard d'ici à lundi prochain. Je m'en remets à vous.
21 M. le Président (interprétation): Bien.
22 Monsieur de La Brosse, je vous invite à consulter ces documents ainsi que
23 les autres que vous pourriez éventuellement recevoir, et également à vous
24 préparer pour répondre aux questions qui vous seront posées.
25 Monsieur Milosevic, nous allons lever l'audience. Oui?
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1 M. Milosevic (interprétation): Je comprends que vous ne me laissez pas
2 poser davantage de questions pour aujourd'hui.
3 Mais, Monsieur de La Brosse, vous avez indiqué que vous aviez fourni une
4 liste des sources partant desquelles vous avez…
5 M. le Président (interprétation): Mais où voulez-vous en venir?
6 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais obtenir cette liste de sources
7 partant desquelles il a établi son analyse. Je voudrais avoir cette liste.
8 M. le Président (interprétation): Mais avons-nous cette liste? Il s'agit
9 de l'intercalaire 3, n'est-ce pas? C'est ça? Je crois que vous pourrez
10 retrouver cette liste à l'intercalaire 3.
11 Nous allons lever l'audience. Une autre affaire se déroule dans ce
12 prétoire cette après-midi.
13 Monsieur de La Brosse, je vous invite à revenir lundi prochain afin de
14 mettre un terme à votre interrogatoire.
15 Nous reprendrons nos travaux à 9 heures demain matin.
16 (L'audience est levée à 13 heures 50.)
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