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1 (Vendredi 23 mai 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)
3 (Audience publique avec mesures de protection.)
4 M. le Président (interprétation): A vous, Monsieur Milosevic.
5 (Contre-interrogatoire du témoin B-161 par l'accusé M. Milosevic.)
6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je me suis penché sur mes
7 notes et je vous demanderai de m'accorder un peu plus de temps pour
8 terminer le contre-interrogatoire de ce témoin, ne serait-ce que pour
9 cette première partie-là.
10 M. le Président (interprétation): Vous allez avoir une demi-heure.
11 M. Milosevic (interprétation): Je m'organiserai en conséquence.
12 Vous avez dit, concernant l'événement dont vous avez été informé et où il
13 était question de tueries… On s'était arrêté là hier. Vous avez dit que
14 vers la mi-juillet 1993…
15 Témoin B-161 (interprétation): 1995.
16 Question: Ah oui, 1995. Je fais toujours la même erreur.
17 Je vous ai demandé si vous aviez informé quelqu'un de la chose?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Qui avez-vous informé?
20 Réponse: J'ai déjà dit que j'étais parti à Mali Zvornik pour retrouver
21 l'homme que nous étions susceptibles d'interroger sur ce qui se passait.
22 Nous sommes donc allés ensemble au commandement de l'armée à Zvornik. Nous
23 connaissions, là-bas, le commandant de la brigade de Zvornik. Et l'homme
24 de permanence là-bas nous avait dit que cet homme-là était allé se faire
25 soigner, Dragan Obrenovic, mais qu'il était venu pour le week-end; qu'il
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1 était parti depuis trois jours et qu'il se trouvait quelque part sur les
2 lignes de front.
3 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)
4 M. le Président (interprétation): Nous avons besoin du micro.
5 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous allé à la police de Zvornik pour
6 informer quelqu'un d'un événement aussi important que l'est celui dont
7 vous avez parlé?
8 Le témoin attend que mon micro s'éteigne. Or mon micro ne s'éteint pas.
9 Témoin B-161 (interprétation): Nous sommes allés l'armée parce que nous
10 avons vu l'armée commettre ce type de crimes.
11 Question: Vous n'avez pas contacté la police?
12 Réponse: Non.
13 Question: Pardon?
14 Réponse: Non, nous n'avons pas contacté la police.
15 Question: C'est assez étrange que de ne pas aller à la police puisque vous
16 travailliez dans la police.
17 Réponse: J'ai dit que nous avions vu des soldats commettre des crimes. Et
18 comme nous connaissions l'homme qui était l'un de leurs commandants, nous
19 voulions nous informer sur ce qui se passait au juste, parce que cela
20 était perpétré sur un territoire que je connaissais très bien.
21 Question: Bien. Dites-moi, maintenant: qui avez-vous informé de ce que
22 vous avez appris? Qu'avez-vous appris, au juste? Vous avez précisé que cet
23 homme-là était allé se faire soigner. Vous n'avez vu qu'un autre homme. Et
24 qu'avez-vous appris par la suite, lorsque vous vous êtes retrouvé là-bas?
25 Réponse: J'ai appris qui le faisait et qui avait été le donneur d'ordres.
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1 Question: Vous avez reçu une information de la bouche d'un homme pour ce
2 qui est de savoir qui le faisait et qui l'avait ordonné?
3 Réponse: C'est cela.
4 Question: Et qu'avez-vous appris d'autre?
5 Réponse: Rien.
6 Question: Et qu'avez-vous fait? Avez-vous informé quiconque?
7 Réponse: Non, nous n'avions personne à informer. Ils étaient tous sur le
8 terrain.
9 Question: Et qu'est-ce que vous avez fait? Vous êtes retourné en Serbie,
10 après?
11 Réponse: Oui, j'ai continué vers Belgrade.
12 Question: Quand êtes-vous rentré en Serbie?
13 Réponse: Même soir.
14 Question: Et qui avez-vous informé en Serbie?
15 Réponse: Là-bas non plus, nous n'avions personne à informer.
16 Question: Attendez. Ce n'est pas une question de huis clos partiel ou pas.
17 Vous étiez responsable du ministère de l'Intérieur, vous étiez là-bas.
18 Vous avez été là-bas, vous avez appris quelque chose. Vous y avez été à
19 titre privé, il est vrai, mais vous avez eu communication d'une
20 information importante. N'avez-vous pas estimé qu'il serait nécessaire de
21 rédiger une information pour l'adresser à vos supérieurs au niveau du
22 ministère?
23 Réponse: Je pense que le service était très présent sur les lieux, et
24 c'était à eux d'informer. Il y avait là des responsables au sommet de la
25 police et du domaine politique.
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1 Question: Mais vous ne considériez pas que vous étiez compétent pour ce
2 qui était d'informer vos supérieurs suivant votre ligne de commandement?
3 Réponse: La direction de la police, suivant la ligne qui avait effectué
4 les choses, interdisait mon apparition là-bas, alors que j'avais
5 effectivement besoin d'être présent là-bas.
6 Question: Par conséquent, vous n'avez informé personne, suivant votre
7 verticale à vous, de la chaîne de commandement au ministère de
8 l'Intérieur?
9 Réponse: Non, je n'ai informé personne.
10 M. Milosevic (interprétation): Ne perdons donc pas de temps. Je voulais
11 que nous tirions la chose au clair et je voudrais maintenant passer à
12 quelques sujets brefs.
13 J'ai vérifié une fois de plus les renseignements dont je disposais, dans
14 le courant de la soirée d'hier. Et je tiens à préciser que vous avez
15 avancé ici plusieurs éléments qui ne sont absolument pas exacts. Je me
16 propose de le prouver. Je veux prouver que vous étiez censé savoir
17 certaines choses. Aussi me proposais-je de vous poser les questions
18 suivantes.
19 Vous avez indiqué qu'au QG au niveau du SDS, des gens étaient malmenés et
20 tués. D'après les renseignements qui m'ont été communiqués, personne,
21 absolument personne n'a été tué là-bas. Et il n'y a pas eu de témoins
22 musulmans à en témoigner non plus. Il y a eu des morts dans les combats à
23 Bijeljina; il y a un livre qui a été rédigé à ce sujet. Mais avez-vous…
24 M. le Président (interprétation): Juste un moment. Juste un moment. Vous
25 avez posé toute une série de questions.
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1 Tout d'abord, on laisse entendre que personne n'a été tué. Et si j'ai bien
2 compris, il s'agit de Bijeljina, au niveau du QG du SDS. En bref, dites-
3 nous si cela était vrai ou pas?
4 Témoin B-161 (interprétation): A Bijeljina, derrière l'immeuble du SDS il
5 a été tué plusieurs dizaines de personnes.
6 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)
7 Je veux d'abord dire que vous ne dites pas la vérité pour des raisons que
8 je ne puis qu'imaginer. Vous avez dit, au-delà de cela, que "Arkan" avait
9 fait venir 86 membres de la Garde de volontaires serbes à ce moment-là
10 dans les circonstances que vous avez expliquées, suite à une invitation
11 faite par les autorités locales. Vous avez mentionné le chiffre de 86
12 hommes.
13 Témoin B-161 (interprétation): Oui.
14 Question: D'après mes renseignements, vous devriez fort bien savoir
15 combien ils étaient à être emmenés. D'après ce que j'en sais, ils étaient
16 24. Et l'un d'entre eux qui avait pour surnom "Hans" était un proche à
17 vous, proche parent?
18 Réponse: Je n'ai jamais entendu parlé d'eux, et je n'ai aucun parent
19 portant ce surnom.
20 Question: Bien. Je vous indiquerai que cela n'est pas exact. Mais
21 auparavant, je vous demanderai ce qui suit. Avez-vous quoi que ce soit à
22 voir avec un assassinat?
23 Réponse: Je n'ai rien à voir avec un quelque assassinat que ce soit.
24 Question: Mais concernant un assassinat, n'étiez-vous pas censé vous
25 présenter devant un tribunal à Belgrade?
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1 Réponse: C'est un problème qui est celui de l'Etat et pas le mien.
2 M. Milosevic (interprétation): (expurgé)
3 (expurgé)
4 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président?
5 M. le Président (interprétation): Oui?
6 M. Groome (interprétation): Le témoin a dit, avant de commencer sa
7 déposition, que cette question allait sans doute révéler son identité.
8 Nous en avons parlé à huis clos partiel. Je demanderai qu'il y ait
9 expurgation du compte rendu d'audience.
10 M. le Président (interprétation): Passons à huis clos partiel
11 effectivement.
12 (Huis clos partiel à 9 heures 16.)
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8 (expurgé)
9 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 36.)
10 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
11 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin B-161.)
12 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Témoin, hier, un document vous
13 a été présenté, le document se trouvant à l'intercalaire 7. C'est un
14 document émanant des services de sécurité ou de sûreté de l'Etat. Il porte
15 la date du 23 mai 1992, n'est-ce pas?
16 Témoin B-161 (interprétation): Oui.
17 M. le Président (interprétation): Peut-on remettre ledit document au
18 témoin?
19 (Intervention de l'huissière.)
20 M. Tapuskovic (interprétation): Vous voyez bien la date?
21 Témoin B-161 (interprétation): Oui.
22 Question: Etait-ce la date qui avait été retenue comme point de repère
23 intervenant après la reconnaissance par l'Union européenne de la Slovénie
24 et la Croatie, mais intervenant avant d'autres éléments, avant d'autres
25 éléments, avant que ces entités soient reconnues par les Nations Unies et
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1 aussi avant la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas?
2 Réponse: Qui a reconnu quoi? Je ne sais vraiment pas, je n'ai pas suivi.
3 Question: Fort bien. Mais avez-vous examiné le document?
4 Réponse: Oui.
5 Question: J'appelle votre attention sur la page 2, paragraphe 2, l'avant-
6 dernier paragraphe plus exactement, en version anglaise. En fait, c'est le
7 dernier paragraphe de la page 2. Vous l'avez vu?
8 Réponse: Vous parlez de la deuxième page, dernier paragraphe?
9 Question: Avant-dernier paragraphe.
10 Réponse: Vous parlez de celui qui commence par les mots "la zone de
11 Bihac"?
12 Question: Oui. Pourriez-vous en donner lecture aux Juges?
13 Réponse: Oui. La zone de Bihac est sans aucun doute un des lieux les plus
14 significatifs, pour ce qui est de l'influence et de renseignements de
15 propagande de la part des services de sûreté de l'Etat croate, ainsi que
16 pour les services étrangers, notamment et surtout ceux d'Allemagne et
17 d'Autriche. A l'appui de cela, nous donnons l'exemple datant de 1991 où la
18 JNA, autour de l'aéroport de Bihac, a découvert cinq stations radio
19 illégales et des employés qui travaillaient pour la Croatie; et l'un
20 d'entre eux a été arrêté.
21 M. Tapuskovic (interprétation): Est-ce que nous pouvons passer à huis clos
22 partiel?
23 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.
24 (Huis clos partiel à 9 heures 40.)
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6 (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 42.)
7 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
8 M. Tapuskovic (interprétation): S'agissant de tous les autres documents,
9 il y en a deux qui m'intéressent. Et, d'après le procès-verbal ou le
10 compte rendu d'audience d'un autre procès, lorsque vous avez plutôt eu des
11 entretiens avec des enquêteurs, vous avez remis ces documents à
12 l'accusation?
13 Témoin B-161 (interprétation): J'aimerais voir ces documents en question.
14 M. Tapuskovic (interprétation): Mais ce sont les seuls documents que vous
15 avez remis. Mais je ne tiens pas à les préciser. Ils se trouvent aux
16 intercalaires 10 et 11.
17 M. Groome (interprétation): Peut-on repousser à plus tard, jusqu'après
18 l'obtention de cette dérogation, la question qu'il faudrait poser à propos
19 de ces documents?
20 M. le Président (interprétation): Oui.
21 M. Tapuskovic (interprétation): Je vais donc formuler ma question de la
22 façon suivante. Est-ce que, par hasard, vous êtes au courant du fait que
23 les autorités de la Republika Srpska, mais aussi les organes les plus
24 élevés de la structure militaire de l'armée de Yougoslavie –donc c'est
25 l'armée de la République fédérale de Yougoslavie-, que ces autorités et
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1 ces organes ont donné des ordres ayant pour effet de dire que les unités
2 paramilitaires ne devraient pas être autorisées à faire quoi que ce soit?
3 Témoin B-161 (interprétation): Oui.
4 Question: Et n'est-ce pas grâce à de telles décisions que des arrestations
5 ont été faites, arrestations de personnes qui auraient enfreint ces
6 ordres? Nous parlons ici de ceux qui étaient dans les "Guêpes jaunes".
7 Réponse: Oui.
8 Question: Hier, vous avez parlé du capitaine Dragan; j'ai ceci dans votre
9 déclaration préalable, celle que vous avez fournie en février 2003, tout
10 récemment. Inutile de répéter ce que vous avez déjà évoqué comme sujets,
11 mais vous avez dit notamment qu'après avoir été témoin de l'assassinat de
12 l'homme qui se trouvait près de la rivière, vous avez dit ceci: "J'ai
13 aussitôt pris mon véhicule, le véhicule du MUP de Serbie que j'utilisais,
14 où il y avait la plaque d'immatriculation commençant par 'M'. Et à
15 proximité du pont métallique, en passant par là, je suis allé à Zvornik.
16 J'ai vu le capitaine Dragan qui organisait une séance d'instruction".
17 Question: Quelle est la distance séparant l'endroit où cet homme a été tué
18 et l'endroit où vous avez vu le capitaine Dragan?
19 Réponse: Je dirai à peu près 700 mètres.
20 Question: Fort bien. Cependant, vous avez ajouté avoir appris par
21 quelqu'un, à peine un mois peu plus tard, les circonstances dans
22 lesquelles cet homme avait été tué?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Mais comment auriez-vous pu dire ceci au capitaine Dragan le
25 même jour? Comment auriez-vous pu le critiquer lui disant: "Mais fou,
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1 qu'est-ce que tu fais?"
2 Réponse: Mais je n'étais pas le seul à assister à tout ceci de mes propres
3 yeux, il y avait beaucoup d'autres habitants lorsqu'il y avait préparation
4 de cette séance de formation.
5 Question: Oui, mais c'était un mois plus tard. Au moment où vous avez
6 appris cela… vous ne le saviez pas au moment où vous avez vu Dragan.
7 Cependant, vous l'avez un peu agressé, comme si vous étiez au courant.
8 Réponse: Mais, vu la façon dont il se comportait, c'était peu logique.
9 Question: Mais à propos de quoi se comportait-il?
10 Témoin B-1237 (interprétation): Je parle de l'entraînement qu'il
11 dirigeait.
12 M. Tapuskovic (interprétation): Oui, mais vous l'avez accusé d'avoir tué
13 cet homme. Comment aurait-il pu être accusé, si cet homme a été tué
14 ailleurs?
15 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que le témoin ait jamais
16 dit qu'il accusait ou qu'il ait accusé à l'époque le capitaine Dragan
17 d'avoir tué cet homme. Peut-être que je me trompe mais, en tout cas, c'est
18 l'impression que j'ai eue.
19 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les
20 Juges…
21 M. le Président (interprétation): Demandons une précision à ce témoin.
22 Est-ce qu'à l'époque vous avez accusé Dragan d'avoir tué cet homme?
23 Témoin B-161 (interprétation): Messieurs les Juges, ça s'est passé tout
24 près, à proximité. Nous avons vu un groupe organisé d'hommes armés qui
25 avaient à sa tête le capitaine de Dragan, ces hommes se livraient à une
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1 espèce d'exercice, d'entraînement. Moi, je connais parfaitement toute la
2 région avoisinante et je trouve un peu logique que des terroristes qui
3 auraient pu rentrer dans une aussi petite ville que cela… -puisque ça fait
4 à peine 500 mètres de rayon et ça fait une largeur de quelques dizaines de
5 mètres-, je trouve peu logique qu'un terroriste quelconque aurait pu faire
6 ce genre de choses.
7 M. Tapuskovic (interprétation): Je ne vais pas insister. Nous avons un
8 compte rendu d'audience, vous pourrez le consulter. Moi, c'est comme ça
9 que j'ai compris le témoin. Cependant, vous pourrez vérifier pour vous-
10 même et statuer à l'avenant.
11 Hier, vous avez parlé de M. Sainovic?
12 Témoin B-161 (interprétation): Oui.
13 Question: Vous l'avez mentionné une seule fois dans vos deux déclarations.
14 Dans celle de février, vous ne parlez pas du tout de lui. Mais, dans la
15 première à la page 1, vous dites que vous saviez que Slobodan Milosevic
16 était le Chef en tant que Président de la Serbie et que Nikola Sainovic,
17 lui, était Premier ministre de la Serbie; c'est ce que vous dites. Jamais
18 auparavant vous n'avez mentionné Sainovic; pourquoi?
19 Réponse: J'ai fait mention de Sainovic dans la partie où je dis
20 qu'effectivement j'avais des contacts avec Tomica Raicevic; et je lui ai
21 parlé de ce qui se passait à la frontière entre la Serbie et la Bosnie-
22 Herzégovine, et c'est lui qui a suggéré que j'aille le voir chez lui parce
23 que ce soir-là Sainovic devait passer. Ils l'appelaient "Monsieur Saja".
24 Question: Nous avons entendu cela, nous ne voulons pas nous attarder là-
25 dessus. Je voulais simplement vous faire comprendre ceci: pourquoi ne
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1 l'avoir pas dit lorsque des questions vous ont été posées dans le cadre de
2 l'interrogatoire que vous avez eu en février 2003?
3 Réponse: Eh bien, s'ils m'ont posé des questions à propos de ce que je
4 savais, j'ai répondu.
5 Question: Vous dites l'avoir vu?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Et vous n'avez assisté qu'à un assassinat, n'est-ce pas? Celui
8 de la rivière, n'est-ce pas? Est-ce que vous avez dit cela?
9 Réponse: Non, parce que cet assassinat a eu lieu après 1995.
10 Question: Donc, après 1995, vous n'avez pas été en mesure de lui dire quoi
11 que ce soit que vous auriez vu personnellement?
12 Réponse: Je lui ai parlé de ce groupe d'habitants que j'ai vu fuir vers la
13 Serbie sur le pont.
14 Question: Vous n'avez rien pu lui dire du fait que vous auriez été témoin
15 oculaire d'un crime quelconque, vous-même?
16 Réponse: Je n'ai pas dit à Sainovic que j'avais assisté à un assassinat.
17 J'ai vu une situation où vous aviez un groupe d'habitants qui prenaient la
18 fuite et qui criaient en disant qu'il y avait des meurtres qui se
19 produisaient. Rien de plus.
20 Question: Merci. Ma dernière question sera celle-ci. Une question vous a
21 été posée par M. Groome, et vous avez dit, en réponse, qu'à Belgrade
22 devant le bâtiment où le Parti de "Arkan" avait son quartier général, il y
23 avait des hommes armés.
24 Réponse: La moitié de Belgrade l'a vu.
25 Question: Est-ce que la moitié de Belgrade a vu deux civils sans armes ou
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1 deux civils armés de mitraillettes, notamment?
2 Réponse: Pendant tout un temps, ils ont eu des mitraillettes, des armes.
3 Et puis, une réaction du service, et ces hommes ont été vêtus de vêtements
4 civils et ça s'est prolongé pendant des années.
5 Question: Mais quand est-ce qu'ils ont été en vêtements civils?
6 Réponse: Oui mais il y a une période où ils portaient des Heckler et des
7 uniformes.
8 Question: Est-ce qu'ils ont toujours été en civil?
9 Réponse: Non, Monsieur, il y a eu des périodes où ils se sont trouvés en
10 uniforme, et d'autres où ils étaient en vêtements civils.
11 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.
12 M. Groome (interprétation): ….
13 (Note de l'interprète: Il y a eu chevauchement avec les différents micros,
14 et M. Groome n'a pas été entendu.)
15 M. Tapuskovic (interprétation): Il est difficile de bien respecter cette
16 procédure de branchement et de débranchement de micro, mais je n'avais pas
17 de mauvaises intentions lorsque j'ai laissé mon micro ouvert.
18 M. le Président (interprétation): Il faudra tous prendre l'habitude de ce
19 régime.
20 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin B-161, par M. Groome.)
22 M. Groome (interprétation): Je n'aurais que quelques questions à vous
23 poser, Monsieur le Témoin. Revenons, si vous le voulez bien à la pièce de
24 l'accusation 450, intercalaire 7. Je crois que vous avez le document sous
25 les yeux. Vous nous avez dit à propos de ce document qu'il avait pour
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1 intitulé "Action de coopération". C'est le Secrétariat fédéral de
2 l'Intérieur, Service de sûreté de l'Etat qui en est l'auteur. Puis-je vous
3 demander de lire la première phrase dans votre langue maternelle
4 s'agissant des connaissances générales concernant toute la région?
5 Nous sommes ici à l'examen de l'intercalaire 7; et vous avez la version en
6 BCS… en serbe plus exactement après la version en anglais.
7 Témoin B-161 (interprétation): "Connaissances générales à propos de la
8 région dans sa totalité". C'est une évaluation clé que de dire que, si
9 l'on voit les rapports de force, le rapport de force est en faveur des
10 Musulmans, que ce soit au niveau du nombre de combattants qu'ils ont,
11 puisqu'ils en ont plus de 60.000, mais aussi pour ce qui est de la
12 quantité et de la qualité des armes qu'ils ont à leur disposition. Ce sont
13 des armes légères surtout, mais elles sont très modernes et, d'après les
14 derniers rapports, ils ont réussi à avoir jusqu'à 20 armes légères.
15 Question: Est-ce là une bonne lecture de la situation? Ici, on a un
16 document qui est intitulé "Coopération" où on essaie d'évaluer les forces
17 numériques musulmanes dans la région, au cas où il y aurait un conflit qui
18 éclaterait.
19 Réponse: Oui.
20 Question: Haut de la page 8, je pense, dans l'original, dans votre copie.
21 Pouvons-nous en parler? Le paragraphe commence par les mots suivants: "La
22 situation qui se présente dans la municipalité de Bosanska Krupa".
23 Réponse: Je vois.
24 Question: Examinez la fin du paragraphe. Je vous donne lecture de la
25 version en anglais du passage qui m'intéresse et pour lequel je demande
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1 votre commentaire. "Juste pour parer à toute éventualité, au cours des
2 derniers jours, ils sont prêts à bloquer les zones importantes de la ville
3 au cas où il serait décidé de rejoindre le secteur de Banja Luka, plus
4 exactement au cas où il y aurait activation du CSP de Banja Luka". Il faut
5 bien sûr replacer ceci dans son contexte.
6 Ma première question sera celle-ci: est-ce que ceci indique qu'au moment
7 où ce document a été produit, il y avait déjà un plan visant à diviser les
8 forces de police à Bosanska Krupa?
9 Réponse: Mais je ne connais pas ces documents; je ne sais pas ce qui se
10 passait précisément dans ces lieux.
11 Question: Autre domaine qui m'intéresse: M. Tapuskovic vous a posé des
12 questions à propos de votre déclaration préalable, à propos de ce
13 qu'apparemment, selon lui, vous n'auriez pas dit dans votre déclaration.
14 Je vais prendre une phrase de cette déclaration; je vous demande si vous
15 vous souvenez avoir dit cela aux enquêteurs -nous sommes ici à l'examen de
16 la déclaration de 2002-: "Je suis allé directement à la maison de Raicevic
17 parce que je savais que de cette façon, par l'intermédiaire de Sainovic,
18 Slobodan Milosevic allait apprendre cela". (Fin de citation.)
19 Vous souvenez-vous avoir dit cela aux enquêteurs du Bureau du Procureur?
20 Réponse: Je m'en souviens parfaitement.
21 Question: Des questions vous ont été posées sur le fait que les
22 dirigeants, les dirigeants des "Guêpes jaunes", les frères Vukovic,
23 avaient été poursuivis en justice.
24 Question de temps, d'abord. Vous avez dit avoir vu des voitures
25 appartenant aux "Hommes d'Arkan'"; vous les avez reconnues parce que
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1 l'emblème du tigre se trouvait sur ces voitures. Avez-vous vu ces voitures
2 avant ou après la réunion que vous avez eue avec Sainovic, au cours de
3 laquelle vous lui avez fait part de ce qui se passait à Zvornik?
4 Réponse: J'ai vu ces véhicules avant et après. Pendant un certain temps,
5 ces voitures étaient présentes dans la région. Pendant un bon bout de
6 temps.
7 Question: Saviez-vous qu'il y avait une enquête qui était menée ou s'il y
8 avait des poursuites concernant les "Hommes d'Arkan'" pour ce qui s'est
9 passé à Zvornik; tout comme on a poursuivi en justice les frères Vukovic
10 pour ce qui s'était passé à Zvornik?
11 Réponse: Jamais je n'ai entendu parler de poursuites engagées contre un
12 membre du "Groupe d'Arkan".
13 M. Groome (interprétation): Merci. Je n'ai plus d'autres questions sur ce
14 témoin.
15 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin B-161, ceci met
16 provisoirement fin à votre déposition. Merci d'être venu au Tribunal pénal
17 international en tant que témoin. En temps utile, vous serez rappelé à la
18 barre pour aborder d'autres domaines. Je vais vous demander de vous
19 retirer.
20 M. Nice (interprétation): Avant que le témoin quitte le prétoire, pouvons-
21 nous passer à huis clos partiel? Parce que ceci concerne le régime général
22 de prévision des témoins. Mais je voudrais intervenir juste avant la
23 sortie du témoin.
24 M. le Président (interprétation): Oui.
25 (Huis clos partiel à 9 heures 56.)
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15 (Audience publique à 10 heures 02.)
16 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique, Monsieur le
17 Président.
18 (Questions relatives à la procédure.)
19 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, s'agissant de la
20 déposition du Pr Kristan, les difficultés se présentent comme suit. Tout
21 d'abord il est Slovène, il préférerait déposer dans cette langue, bien
22 qu'il s'exprime extrêmement bien en bosniaque, en BCS. Je crois qu'il
23 serait peut-être plus facile pour lui de s'exprimer dans cette langue.
24 Les interprètes slovènes qui avaient été contactés cette semaine ne sont
25 pas disposés à se présenter aujourd'hui; est-ce que c'est exact? Est-ce
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1 que j'ai bien compris la position?
2 En fait, ces interprètes ont été prévus pour lundi et mardi prochain.
3 Malheureusement, le Pr Kristan doit être de retour à Ljubljana la semaine
4 prochaine. Par conséquent, si l'on commençait sa déposition lundi, on ne
5 pourrait pas l'achever mardi. Par conséquent, vient se greffer un problème
6 supplémentaire.
7 M. le Président (interprétation): J'avais déjà soulevé un aspect, à savoir
8 un problème soulevé par les amis de la Chambre et qui doit être réglé.
9 Nous pensons qu'effectivement il s'agit tout d'abord de statuer au sujet
10 de la recevabilité de sa déposition s'agissant plus particulièrement de la
11 partie qui le concernait.
12 M. Nice (interprétation): Oui, en effet, peut-être qu'effectivement nous
13 pourrions aborder cela aujourd'hui pour régler cette question. Donc vous
14 avez été informé des difficultés que le Procureur a avec le Pr Kristan.
15 Par ailleurs, je vous rappelle que la déposition de M. de la Brosse
16 n'était pas achevée. Il doit revenir lundi prochain à 9 heures pour mettre
17 un terme à sa déposition. Je pense que ce contre-interrogatoire durera
18 encore une heure, voire deux heures. Je ne sais pas quelle est sa
19 disponibilité pour le reste de la semaine. Je crois me souvenir que
20 mercredi il doit enseigner, étant donné les engagements qui sont les
21 siens.
22 Par conséquent, il n'est pas disponible mercredi ni jeudi, du moins
23 c'était la situation la semaine dernière. Par conséquent, il se peut qu'il
24 ne soit pas disponible pour poursuivre lundi et mardi. Mais nous n'avons
25 pas encore pris contact avec lui pour trancher cette question.
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1 Ensuite, si nous commençons avec un nouveau témoin, je ne sais pas dans
2 quelle mesure nous pourrons trancher tous les problèmes qui concernent le
3 témoin B-024 qui pourrait commencer aujourd'hui, mais je pense que ce
4 témoin devra poursuivre sa déposition lundi prochain. Par conséquent, si
5 nous ne pouvons pas commencer la déposition du témoin en droit
6 constitutionnel aujourd'hui, à ce moment-là la Chambre est confrontée à la
7 situation suivante: soit elle commence à présent la déposition du témoin
8 B-024, puis à ce moment-là, il faudrait poursuivre cet interrogatoire
9 lundi prochain; en marquant une interruption, étant donné qu'il faut
10 terminer le contre-interrogatoire de M. de La Brosse.
11 M. Robinson (interprétation): Je souhaitais prendre la parole compte tenu
12 des difficultés que vous venez de décrire. Je rappelle également que
13 l'accusé aura des problèmes à faire citer à la barre un certain nombre de
14 témoins. Il semble qu'il y ait un problème d'ordre logique, parce que les
15 témoins se trouvent ailleurs. Mais il me semble que lorsque l'on vient
16 déposer dans une instance telle que le Tribunal et lorsque j'entends les
17 raisons qui sont avancées, je me demande réellement dans quelle mesure on
18 comprend à sa juste valeur l'importance ce qu'il y a de déposer dans le
19 cadre du Tribunal.
20 Dans certains cas, je pense que les dépositions ont primauté par rapport
21 aux autres devoirs des uns et des autres. Je crois qu'il incombe au Bureau
22 du Procureur d'appeler l'attention des témoins sur ce fait. Je rappelle
23 que ce Tribunal a vu le jour suite à une décision qui a été prise par le
24 Conseil de sécurité. Et, comme vous le savez, nous ne pouvons pas adopter
25 notre horaire, notre calendrier d'après les exigences des différents
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1 témoins.
2 Et je vous invite à apporter ces faits à la connaissance des témoins. En
3 effet, il est particulièrement important de déposer devant le Tribunal et
4 ils doivent peser le pour et le contre lorsqu'ils s'engagent à venir
5 déposer. Par ailleurs, je vous rappelle également que certains témoins
6 sont de type tout à fait ordinaire.
7 M. Nice (interprétation): Bien évidemment, Monsieur le Juge, lorsque nous
8 abordons ces aspects avec les témoins et compte tenu des intérêts qui sont
9 les siens et compte tenu du calendrier qui prévaut, la plupart des témoins
10 rencontrent des difficultés et très souvent tranchent ces problèmes en
11 disant qu'ils viendront présenter leur déposition devant le Tribunal. Et
12 je vous rappelle, à cet égard, que Lord Ashdown a cessé toutes ses
13 activités d'ordre privé pour venir terminer sa déposition.
14 Bien évidemment nous prendrons compte de vos observations, mais je tiens à
15 vous dire qu'en fait les témoins essayent d'aider les Juges. Je vous
16 rappelle que ces témoins ont également des engagements et qu'il est
17 parfois difficile pour eux de faire abstraction de ces engagements.
18 S'agissant de l'expert en droit constitutionnel, je pense pour ma part
19 -mais je n'ai pas encore pu confirmer cela avec lui personnellement- je
20 pense qu'il doit recevoir une récompense, mardi prochain, de la part d'une
21 instance européenne; il s'agit d'un événement qui était programmé de
22 longue date et on ne peut pas changer cela à la dernière minute.
23 M. le Président (interprétation): Fort bien. Peut-être que l'on pourrait,
24 à ce stade, ne pas entendre ce témoin, s'agissant du témoin B-24. Mais
25 compte tenu du fait que nous devons terminer l'audition de la déposition
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1 de M. de La Brosse, je pense qu'il serait peut-être bon d'envisager la
2 position du Pr Kristan.
3 A présent que ces faits nous sont communiqués, je dois vous dire que je me
4 demande dans quelle mesure il s'agit d'un témoin approprié s'agissant plus
5 particulièrement de la question relative à l'autonomie au Kosovo. Peut-
6 être qu'il pourrait être un expert sur d'autres questions. Evidemment,
7 c'est une hypothèse que j'avance, tout à fait à titre privé. Mais
8 s'agissant des questions fédérales, il s'agit bien évidemment d'un expert
9 totalement impartial. La difficulté qui a été évoquée par les amis de la
10 Chambre me semble réelle, puisqu'il s'agit d'accorder le poids nécessaire
11 à la déposition du témoin.
12 M. Nice (interprétation): Oui, en effet. Mais je pense qu'il serait bon de
13 statuer le plus rapidement possible sur cette question, puisque nous avons
14 une tâche particulièrement ardue qui nous attend.
15 J'aimerais soulever trois aspects. Tout d'abord, il s'agit de la question
16 de la mise en accusation. Ensuite, je pense que ce témoin pourra conduire
17 les Juges de la Chambre de première instance dans les méandres de la
18 législation, soulevant les différents points qui pourraient avoir une
19 répercussion sur l'affaire dont nous sommes saisis. Et il se pourrait que
20 la Chambre elle-même éprouve la nécessité d'examiner la législation
21 pertinente pour savoir de quoi il s'agit avant de statuer.
22 Le dernier point concerne quelque chose que j'avais déjà évoqué. Comme
23 vous le savez, il est particulièrement difficile de trouver des personnes
24 qui soient disposées, dans l'Etat ou dans les Etats différents, au sujet
25 de la question du droit constitutionnel. Il s'agit d'un domaine
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1 particulièrement technique et il faut trouver des personnes hautement
2 qualifiées, hautement compétentes. Mais il est très difficile de trouver
3 des personnes qui puissent aider les Juges.
4 Ce témoin a consacré un délai important à la préparation de son rapport.
5 Bien évidemment, on pourrait soulever des allégations de partialité,
6 quelle que soit la nationalité de la personne, mais je pense, pour ma
7 part, qu'il serait particulièrement pertinent d'entendre ce témoin, étant
8 donné qu'il pourra exprimer sa position au sujet de différents éléments.
9 Bien évidemment, il est Slovène; et son intérêt, en qualité de Slovène,
10 est totalement différent d'une autre personne qui viendrait d'une autre
11 région.
12 Voilà certains des aspects que je souhaitais évoquer. Et nous aimerions
13 effectivement que vous nous donniez la possibilité d'entendre ce témoin,
14 étant donné qu'il s'agit d'un érudit dans ce domaine.
15 Ensuite, s'agissant du dernier témoin, comme nous sommes encore en
16 audience publique, je ne dirai rien de plus, s'agissant de date à laquelle
17 ce témoin pourrait revenir pour achever sa déposition. La Chambre me
18 demandera probablement de revenir sur cette question ultérieurement au
19 cours de cette matinée et je vous préciserai, à ce moment-là, la position
20 du Bureau du Procureur.
21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
22 (Les Juges se concertent sur le siège.)
23 Un moment, Monsieur Milosevic. Nous nous proposons de traiter les
24 questions qui ont été abordés par les amis de la Chambre, s'agissant de la
25 recevabilité de la déposition de ce témoin. J'aimerais pouvoir statuer à
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1 cet égard, dans la mesure de nos moyens. Je pense qu'il serait peut-être
2 bon de d'abord trancher cette question avant d'aller de l'avant avec
3 d'autres témoins. On pourrait s'occuper de ce témoin d'abord, et puis
4 écouter les autres témoins la semaine prochaine.
5 M. Milosevic (interprétation): Puis-je?
6 M. le Président (interprétation): Nous allons vous entendre sur ce point,
7 Monsieur Milosevic. Ce que nous étions sur le point de discuter, c'est que
8 nous avons vu le document; nous avons entendu l'intervention des amis de
9 la Chambre, s'agissant de la recevabilité de la déposition du Pr Kristan.
10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, vous allez de toute façon
11 faire citer à la barre un certain nombre de témoins et je procèderai
12 ensuite à leur contre-interrogatoire. Toutefois, j'aimerais appeler votre
13 attention sur le fait qu'il n'est pas approprié, à mes yeux du moins…, je
14 dirais même qu'il est impoli de continuer à inverser la séquence.
15 Hier, vous avez dit que le Pr Kristan viendrait déposer aujourd'hui. Hier
16 soir, après la fin de l'audience, on m'a remis un certain nombre de
17 dossiers, un classeur, m'invitant en fait à le lire au cours de l'après-
18 midi et de la soirée. Aujourd'hui, j'entends que ce n'est pas ce témoin-là
19 qui va venir déposer, mais qu'il s'agira du témoin B-024.
20 Je dois dire que j'ai du mal à suivre votre raisonnement si vous-même, sur
21 mon insistance, vous mettez en place une espèce de séquence; puisque vous
22 avez parlé d'une liste de témoins qui doit être présentée sept jours
23 auparavant. Comment pouvons-nous procéder?
24 J'ai quitté ce prétoire en pensant que le Pr Kristan allait être le
25 prochain témoin et… En fait, le Greffier m'a dit d'attendre. Puis, j'ai
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1 reçu ce classeur; j'ai passé toute la nuit à l'examiner. Et ce matin, je
2 viens d'entendre que ça ne sera pas le témoin Kristan. Je ne sais même pas
3 quand ce professeur va pouvoir venir déposer. Je viens d'entendre ce matin
4 qu'il s'agira du témoin B-024. Puis, lundi prochain, nous aurons également
5 le témoin M. de La Brosse.
6 Par conséquent, je pense qu'il serait bon de veiller à mettre un certain
7 ordre chronologique, un ordre de comparution. En fait, si on n'a pas la
8 possibilité de faire témoigner une personne à un moment donné, je ne pense
9 pas qu'on puisse envisager un programme dans lequel on n'arrête pas de
10 déplacer les pièces d'un puzzle. Je pense qu'il est tout à fait
11 inapproprié de procéder de la sorte.
12 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai bien pris note de votre
13 position.
14 M. Kay (interprétation): Est-ce que les Juges de la Chambre veulent
15 entendre l'argument qui est évoqué par les amis de la Chambre au sujet du
16 Pr Kristan?
17 M. le Président (interprétation): Oui, c'est le cas.
18 M. Kay (interprétation): Je pense que, pour notre part, il s'agit de
19 mettre en exergue le conflit tout à fait manifeste au niveau des intérêts
20 qu'il y a lorsqu'un juge -qui occupe une fonction judiciaire au niveau les
21 plus élevé de son pays, la plus haute instance- est en même temps impliqué
22 dans le processus de prise de décision, et qu'il est ensuite utilisé en
23 tant qu'expert au sujet du rôle qu'il pourrait jouer lorsqu'il donne des
24 instructions ou des informations aux Juges.
25 M. le Président (interprétation): Des instructions? Je ne pense pas qu'il
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1 s'agisse de cela. L'expert ne va pas donner d'instruction aux Juges de la
2 Chambre de première instance. En fait, il se contentera de déposer. Je
3 pense que le terme "instruction" va au delà du champ.
4 M. Kay (interprétation): Oui mais l'objectif de citer un témoin à la barre
5 et de le catégoriser en tant qu'expert ou non est une question sur
6 laquelle les Juges doivent statuer, étant donné qu'ils doivent reposer sur
7 l'opinion d'experts pour se former une opinion. D'après notre
8 interprétation…
9 M. Robinson (interprétation): Tout dépend de l'interprétation qui est la
10 vôtre du terme "instruction".
11 M. Kay (interprétation): Oui, en effet, je ne peux pas me plaindre de la
12 traduction de ce mot.
13 M. Robinson (interprétation): En fait, il s'agit d'un mot qui provient
14 d'une racine latine qui veut dire "guider", "diriger".
15 M. Kay (interprétation): Oui, en effet, je ne conteste pas la traduction
16 que vous venez d'en faire, mais il y a pour moi un conflit clair
17 d'intérêt. Parce qu'en effet, ce témoin se jugerait lui-même et déposerait
18 en même temps au sujet du rôle qui a été le sien dans le processus de
19 prise de décision.
20 A mes yeux, je pense que j'ai été en mesure d'examiner son rapport, et je
21 dois dire que je ne sais pas dans quelle mesure sa participation dans le
22 rôle du droit constitutionnel a été très large.
23 Il s'agit peut-être là d'un aspect qui sera soulevé dans le cadre du
24 contre-interrogatoire. Si tel est le cas, peut-être que nous serons
25 confrontés à un problème plus grand encore que celui que nous avons
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1 identifié. Il s'agit là d'un problème qui a été déjà été mis en exergue
2 par d'autres, et je me contente simplement de me faire l'écho de se
3 problème.
4 M. Robinson (interprétation): La question que vous avez soulevée, est-ce
5 qu'elle est directement liée à celle de l'autonomie?
6 M. Kay (interprétation): Oui.
7 M. Robinson (interprétation): Il y a également la question du droit à
8 l'autodétermination, droit à propos duquel le témoin a exprimé des
9 positions et à propos duquel il a fourni son opinion.
10 M. Kay (interprétation): Oui, c'est exact, il s'agit de propositions qui
11 sont les siennes.
12 M. Robinson (interprétation): Oui.
13 M. Kay (interprétation): Compte tenu de ses antécédents au niveau de la
14 Cour constitutionnelle, peut-être qu'il serait bon d'envisager le rôle
15 consultatif qu'il a joué en ex-Yougoslavie puisque les Juges doivent se
16 prononcer au sujet de toute une multitude de choses; les Juges doivent
17 donner un appui aux instances gouvernementales, prendre part ou plutôt
18 jouer de tel rôle. Je ne sais pas dans quelle mesure son champ de
19 compétence a été élargi lorsqu'il a rédigé ce rapport. Par conséquent, je
20 pense que les faits sont clairs; peut-être qu'il y a un problème d'une
21 magnitude plus grande. Je ne pense pas que nous ayons toute la portée de
22 la question de la problématique, mais un témoin expert se présente dans un
23 prétoire et, en tant que tel, il doit jouer et un rôle.
24 Or, il y a une différence à faire entre ce type de témoin: il y a une
25 différence qu'il y a lieu de faire entre un témoin qui parlerait
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1 d'affaires qui ont trait à la Cour constitutionnelle et une personne qui
2 aurait fait, par exemple, un alcotest. Je pense que dans ce cas, si vous
3 avez quelqu'un qui a inventé l'alcotest, il viendra vous parler du
4 processus de production. Or ici, vous avez un juge qui a un passé au cours
5 duquel il a fourni des opinions juridiques, opinions qui n'étaient pas
6 nécessairement celles de tout le monde puisqu'il a émis des avis séparés,
7 dissidents. En tant que juge, il devient un expert différent de celui qui
8 aurait été l'inventeur ou le créateur de quelque chose. Dans la catégorie
9 des inventeurs, vous allez peut-être penser qu'il serait utile d'entendre
10 cet homme en tant qu'expert.
11 M. Robinson (interprétation): Monsieur Kay, je vous donne deux scénarios
12 possibles. Est-ce qu'on peut comparer la situation en disant: un homme qui
13 est un éminent spécialiste de médecine, qui fait une intervention
14 chirurgicale au niveau du cœur, il y a un problème qui se présente et ceci
15 donne lieu à une affaire en justice. Cet homme va appeler à la barre un
16 expert s'agissant de l'acte chirurgical qu'il a fait, ce n'est peut-être
17 pas un exemple idéal parce qu'il se peut qu'il soit accusé en l'espèce.
18 Autre scénario -c'est celui-ci-: vous avez un éminent médecin qui fait une
19 opération du cœur à l'aide d'une technique précise. Quelques temps plus
20 tard se fait une autre opération avec la même technique, à ce moment-là se
21 présente un problème et ceci entraîne des poursuites judiciaires.
22 Le premier médecin est appelé à la barre pour déposer, il va déposer à
23 propos de la technique ou de la procédure utilisée par le deuxième médecin
24 mais aussi à propos de ce que lui-même a utilisé comme procédure, et ça
25 devient un des problèmes à régler dans ce procès.
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1 Et je dirai que la seconde hypothèse est analogue à celle du juge. Ici, on
2 appelle à la barre un juge pour qu'il dépose en tant qu'expert à propos
3 d'une question qui est une des questions qui se pose dans ce procès. Or,
4 il a été impliqué de façon active dans toute cette procédure. A-t-il le
5 recul nécessaire; recul qu'il faut lorsqu'on appelle un expert; recul
6 qu'il doit avoir par rapport aux questions se posant dans un procès? Ce
7 recul n'existerait pas en l'occurrence. Et mon impression, tout du moins
8 en ce qui concerne les questions circonscrites –ici, la question de
9 l'autonomie, là où il différait d'avis et le droit à l'autodétermination-,
10 ce sont des questions sur lesquelles il s'est prononcé en tant que juge.
11 M. Kay (interprétation): A mon avis, la distinction opérée entre ces deux
12 cas, c'est bien la route que vous avez empruntée en premier lieu, à savoir
13 que le premier médecin pourrait se retrouver accusé parce qu'il y aurait
14 eu négligence de sa part. On pourrait dire à ce moment-là qu'il ne peut
15 pas intervenir en tant qu'expert lorsqu'il y a un procès intenté contre un
16 autre médecin, il a davantage de recul. Par conséquent, il pourra faire
17 part aux Juges de ses connaissances d'expert, puisque, lui, il a effectué
18 un opération couronnée de succès.
19 S'agissant du Pr Kristan, il a été partie prenante, il a participé aux
20 délibérés, à des échanges d'écriture ou d'arguments, de notes entre les
21 juges. En d'autres termes, il n'a pas ce recul nécessaire.
22 Si vous aviez ici une question qui concernerait un autre Etat connaissant
23 la même situation ayant les mêmes problèmes d'ordre constitutionnel, mais
24 ailleurs que dans son propre pays, on pourrait comprendre l'argument. Et
25 si la question se présentait, si c'était une question qui avait surgi
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1 après qu'il eût exercé ses fonctions et si c'est une question impliquant
2 des questions constitutionnelles intervenant après 1992, dans ce cadre-là,
3 il fournirait ses connaissances d'expert. Or ici, c'est un domaine qui est
4 d'ordre intrinsèque et fondamental à ce procès. Cette question a beaucoup
5 été évoquée.
6 M. Kwon (interprétation): J'aimerais mieux comprendre. Vous affirmez non
7 pas que M. Kristan ne devrait pas du tout être entendu. Ce que vous dites,
8 c'est qu'il ne devrait pas être considéré comme expert. Vous ne vous
9 opposez pas à ce qu'il soit entendu comme témoin ordinaire; c'est bien
10 cela?
11 M. Kay (interprétation): Jamais je n'ai voulu entendre que son témoignage
12 n'allait pas être probant ou pertinent, comme l'entend l'Article 89. Ce
13 que j'ai laissé entendre cependant, c'est qu'en tant qu'expert -et là,
14 c'est un autre volet du Règlement, c'est l'Article 94 qui est confirmé-,
15 c'est que si on devient expert, ceci véhicule toutes les qualités requises
16 d'un témoin-expert aux yeux des Juges et des juristes. Aux yeux de ceux-
17 ci, c'est une catégorie qui est hors de propos ici, qui n'est pas
18 approprié. Nous faisons valoir que c'est une distinction qui n'est pas
19 sans intérêt.
20 M. le Président (interprétation): Mais s'il n'est pas expert, pourquoi
21 l'appeler à la barre?
22 M. Kwon (interprétation): Ça ne fera pas beaucoup de différence s'il vient
23 comme expert, du tout.
24 M. Kay (interprétation): Je peux reprendre les mots de quelqu'un d'autre:
25 "Ce ne sont pas mes oignons, ce n'est pas mon problème. A l'accusation de
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1 décider. Ce n'est pas à moi de me charger de ce problème".
2 Il faut faire face à ce problème effectivement, si on a l'intention de
3 l'appeler à la barre, et si ce qu'il dit en tant que témoin ordinaire peut
4 être mis en cause, peut être contesté. Mais c'est là une situation fort
5 peu usuelle. Il est rare d'avoir un témoin expert appelé à la barre pour
6 parler de son avis à lui à propos de l'avis séparé qu'il aurait eu en tant
7 qu'expert.
8 M. le Président (interprétation): Si c'était un témoin ordinaire, il ne
9 pourrait pas livrer son avis; c'est bien pour cela que l'on est expert,
10 c'est pour donner un avis que ne peut fournir un témoin ordinaire.
11 M. Kay (interprétation): Mais c'est bien là que le bât blesse, que se
12 trouve le risque parce qu'il va fournir un avis. Si on l'appelle pour vous
13 conseiller ou pour vous informer de questions constitutionnelles diverses
14 qui font partie de son rapport également, s'il peut vous renvoyer, vous,
15 Messieurs les Juges, aux passages pertinents, du document pertinent sans
16 livrer pour autant d'avis; à ce moment-là, en tant que témoin libre, à lui
17 de le faire.
18 M. Robinson (interprétation): Monsieur Kay, mais si on vous avance cet
19 argument suivant, comment allez-vous répondre? On peut dire que le poids
20 pourra résoudre la question, le poids donné à sa déposition pourra être la
21 clef, la solution.
22 M. Kay (interprétation): C'est là une voie très difficile à emprunter.
23 Difficile de juger et de jauger car, en effet, ça revient à dire que
24 l'avis qui va être donné…. Attendez! Je dois réfléchir, je dois réfléchir
25 à ce que vous dites.
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1 Ça revient à dire qu'il va venir ici en tant que témoin ordinaire.
2 M. le Président (interprétation): Non, non, supposons qu'il vienne à titre
3 d'expert, qu'il dépose en tant d'expert. Mais ce que M. Nice disait,
4 c'étaient des questions de récusation; le fait de le rejeter, ça dépend du
5 poids qu'on va donner à sa déposition. Il est traité en tant qu'expert: ce
6 qui se pose comme question, c'est uniquement la question du poids que l'on
7 va donner à sa déposition. Mais peut-on accorder à une telle déposition le
8 moindre poids; c'est bien la question qu'on est en droit de se poser?
9 M. Kay (interprétation): Effectivement, ce concept n'est en général pas
10 utilisé pour des experts. Cependant, on peut contester les questions
11 soulevées par cet expert. Mais si on peut mettre en doute ou on peut
12 mettre en question le statut, le rôle d'un témoin particulier, vu les
13 questions posées, puisqu'il a été partie prenante à tout ceci, se pose la
14 question du manque de fiabilité. Et ceci est sous-jacent. Et c'est bien
15 là-dessus que doit reposer la décision prise par les Juges.
16 M. le Président (interprétation): Je vois que l'heure passe. Voulez-vous
17 réfléchir davantage à la chose?
18 M. Kay (interprétation): Je sais que M. Tapuskovic voulait me demander
19 quelque chose. Nous devrons en discuter en français. Ce n'est pas facile,
20 dans le prétoire.
21 M. le Président (interprétation): Autant faire la pause. Pause de 20
22 minutes.
23 (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures.)
24 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Kay?
25 M. Kay (interprétation): Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je me suis
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1 entretenu avec M. Tapuskovic, mais je ne parlerai que du poids à accorder.
2 En fait, la Chambre pourrait considérer ce témoin comme étant un témoin
3 ordinaire, pour ce qui est des questions qu'il va aborder.
4 M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si l'accusé veut intervenir en
5 personne? Si ce n'est pas le cas, je pense qu'il y a beaucoup d'idées
6 reçues qu'il faut dissiper.
7 A notre avis, ce témoin devrait être entendu. Avant d'étoffer rapidement
8 mon propos, on pourrait peut-être vous renvoyer à une analogie qui
9 semblerait en être une sans l'être. Nous parlons ici de l'élection du
10 Président Bush. Vous savez qu'auparavant, avant sa désignation, il y a eu
11 une séance de la Cour suprême des Etats-Unis où les Juges étaient
12 partagés, à partir de motifs qui sembleraient politiques. Et il semblerait
13 que c'était donc une décision motivée politiquement.
14 Si les juges de la Cour suprême avaient dû déterminer la base juridique de
15 leur décision, toute la structure de l'appareil judiciaire américain, ses
16 tribunaux, ses procédés, il est certain que ces juges seraient des experts
17 éminents dans ce domaine potentiel de recherche; à notre avis, ce seraient
18 des experts.
19 Et est-ce que ceci permet de penser que ce témoin devrait être autorisé à
20 déposer sur ces documents à propos desquels il est manifestement un
21 expert? Nous estimons que c'est le cas.
22 Mais j'irai un peu plus loin parce que, à première vue, c'est un argument
23 massue que cette analogie, mais ce n'est pas vraiment le cas. Lorsqu'on
24 voit la différence entre les deux situations, le résultat serait plus
25 favorable à M. Kristan afin qu'on l'écoute.
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1 On pourrait s'attendre à ce qu'il y ait effectivement des divisions pour
2 des raisons politiques parmi les Juges, mais aucune décision n'a été
3 rendue; on le voit aux paragraphes 112 et suivants du rapport. On voit
4 qu'aucune décision, dans ces circonstances, n'a été rendue. Divers juges
5 avaient chacun leurs avis quant à la façon dont il fallait conclure le
6 dossier, mais aucune conclusion n'a jamais été tirée. Nous sommes ici au
7 paragraphe 121.
8 M. le Président (interprétation): Paragraphe 112. On trouve les
9 propositions faites par le témoin. Il y en a plusieurs, de ces
10 propositions faites aux juges sur la question. Les juges ont été… ou le
11 Tribunal a été saisi de cette question, la question de la révocation, ou
12 plus exactement l'amendement qu'il faudra apporter à la Constitution de
13 Serbie. Et, sujet connexe, la Cour constitutionnelle en a été saisie; je
14 mentionne ici la page 22. Et vous avez l'avis séparé du témoin à la page
15 23. Donc il était partie prenante.
16 M. Nice (interprétation): Oui. Mais nous examinons une question un peu
17 plus substantielle: celle de la révocation. Vous avez des experts ayant
18 des avis différents sur ces questions, et ce témoin a eu longtemps le même
19 avis. Et vous verrez que ceci n'a pas été suivi d'effet. Il a été en
20 mesure de circonscrire les différents avis.
21 M. Robinson (interprétation): J'ai examiné la question que vous venez
22 soulever car, comme vous le dites, le rapport indique qu'aucune décision
23 n'a été prise. Mais lui-même décrit son avis séparé, un avis dissident,
24 mais qui est donc différent des autres propositions?
25 M. Nice (interprétation): Et les autres propositions sont précisées
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1 également.
2 M. Robinson (interprétation): Mais peu importe… à mes yeux, peu importe de
3 savoir si une décision a effectivement été prise ou pas, puisque ce témoin
4 a manifestement manifesté son avis sur la question, avis qui était
5 différent de celui des autres. A mon avis, il doit se livrer à l'exercice
6 que vous lui demandez de réaliser. Et je pense qu'il va le faire, étant
7 très influencé par son avis personnel qui était séparé de celui des
8 autres.
9 M. Nice (interprétation): Permettez-moi de marquer un différent par
10 rapport à ce que vous venez de dire.
11 Revenons à ces exemples que nous avons examinés, à savoir lorsque vous
12 avez un procès pour négligence à l'encontre d'un médecin. Avant de trouver
13 ce témoin expert, vous verrez peut-être qu'un médecin s'est indigné de
14 l'acte chirurgical exécuté, et peut-être que ce médecin s'est adressé à la
15 presse pour dire que c'était vraiment une erreur professionnelle patente
16 de ce tel médecin X ou Y, et qu'il devrait en avoir honte. Et vous allez
17 peut-être vous adresser à lui et lui demander: "Voulez-vous être expert
18 dans ce procès?". Et sans doute, ce médecin va-t-il répondre: "Mais oui,
19 ça m'a toujours indigné et je tiens particulièrement à être témoin".
20 Ici, vous avez un homme qui a toujours eu un avis assez cohérent -et c'est
21 plutôt quelque chose qui milite en sa faveur- et il est peut-être mieux
22 placé que quiconque pour déposer, comme le révèle ce rapport, pour ce qui
23 est de son avis à lui, mais aussi des avis contraires. Comme cela aurait
24 été le cas pour les juges de la Cour suprême des Etats-Unis; ils auraient
25 pu déposer de façon neutre à propos de tous les documents à la base de
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1 leur décision.
2 M. Kwon (interprétation): Permettez-moi de commenter la comparaison avec
3 la Cour suprême des Etats-Unis, s'agissant des élections présidentielles.
4 Je pense que la Cour suprême des Etats-Unis n'offrirait pas ses services,
5 que ce soit en tant que témoin expert ou en tant que témoin ordinaire qui
6 va venir déposer à propos des décisions qu'il a personnellement prises. Ce
7 serait tout à fait inapproprié, à mon avis, qu'un juge dépose plus tard
8 pour faire part des décisions prises dans le cadre d'un délibéré.
9 M. Nice (interprétation): Mais la situation, la donne est tout à fait
10 différente. Ici, ce n'est pas un témoin inapproprié, parce que vous avez
11 un universitaire qui est en même temps juge. On connaît fort bien depuis
12 longtemps son avis et il va révéler uniquement des choses qui sont du
13 domaine public, donc là, il n'y a pas de gêne, si vous voulez; et on ne
14 devrait pas considérer qu'il y en a aucune.
15 Pour ce qui est de la Cour suprême, ce serait différent parce qu'à ce
16 moment-là, il parlerait d'une décision qui a été effectivement prise et
17 rendue par eux, par les juges de la Cour suprême. C'est peut-être peu
18 réaliste de s'attendre à ce que des juges d'une décision minoritaire ou
19 d'une décision majoritaire se prononcent sur une décision prise. Mais,
20 ici, nous parlons d'un pays différent.
21 Bien sûr, on pourrait s'attendre à ce qu'il y ait des avis différents à
22 partir de toutes sortes de principes, surtout en droit constitutionnel.
23 Mais la présente Chambre que veut-elle? Davantage qu'un avis, une opinion
24 quant à la légalité de telle ou telle chose. Les Juges de la Chambre
25 veulent peut-être prendre connaissance des documents et veulent savoir
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1 comment les différents protagonistes se sont servis de ces documents.
2 Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'examiner le tableau qui vous a
3 été fourni hier soir en même temps que le résumé de la déposition de ce
4 témoin. Ceci risque de vous aider.
5 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas reçu ce tableau, c'est
6 seulement ce matin qu'on l'a reçu.
7 M. Kwon (interprétation): Cela se trouvait sur le recueil?
8 M. Nice (interprétation): C'est maintenant qu'on va vous le distribuer.
9 Fort bien. Je crois que ceci vous aidera à mieux circonscrire les
10 questions. Moi aussi, j'ai perdu mon exemplaire en couleur.
11 (Intervention de l'huissière.)
12 M. Kwon (interprétation): Apparemment, personne…
13 (Les interprètes demandent à obtenir ce document puisque, apparemment, ils
14 ne l'ont pas reçu.)
15 M. Nice (interprétation): Mais évidemment.
16 Tout d'abord, pour vous expliquer pourquoi vous voulez entendre ce témoin.
17 Et, vous verrez, ses opinions différentes ne sont qu'une petite partie de
18 sa déposition. Sa déposition devrait vous être utile pour la raison
19 suivante. Vous aurez peut-être déjà vu des tableaux de ce genre de par le
20 passé.
21 Ce témoin devrait vous aider grâce aux connaissances qu'il a de tous les
22 documents. Pour le dire simplement, il va vous aider sur la façon dont la
23 Constitution de la RSFY fonctionnait. Ça, c'est le tableau n°1. Je suppose
24 que vous connaîtrez la plupart des éléments.
25 Il va vous dire aussi comment la Constitution fonctionnait pour ce qui est
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1 de la défense; ça c'est le tableau n°2.
2 Comment la Constitution fonctionnait pour ce qui est des forces de police;
3 tableau n°3.
4 Comment la Constitution a changé entre 1988 et avril 1992. Ici, dans la
5 légende, vous verrez deux des questions à propos desquels la question de
6 la légalité ou la façon dont il s'exprime sur la légalité peut être
7 conclue. L'autonomie du Kosovo, le n°2, et puis la décision sur l'état
8 imminent de guerre.
9 Mais, je le répète, les avis qu'il va fournir sont tout bonnement des avis
10 que vous, en tant que Juges chevronnés, hommes de loi d'expérience, vous
11 pourrez en fait retrouver vous-même si vous remontez à la source, à savoir
12 la législation dans la mesure ou ceci vous semble adéquat comme démarche.
13 Puis, vous avez, au n°5, la Constitution de 1990 de la Serbie. Une fois de
14 plus, ceci sert uniquement à vous montrer, dans certaines limites, comment
15 les choses fonctionnaient s'agissant des attributions de la police, des
16 forces armées et des volontaires. Vous verrez qu'à deux endroits, il y a
17 un point d'interrogation, ce qui vous montre la façon dont le témoin va
18 appeler votre attention sur le fait que la législation a peut-être laissé
19 dans l'ombre, dans l'incertitude, des questions qui risquent de vous
20 intéresser.
21 Puis, au tableau n°6, vous avez la Constitution de 1992 de la République
22 fédérale de Yougoslavie; y sont énumérées diverses instances. Puis, pour
23 vous aider, sont précisés les articles où sont énoncées les compétences.
24 Le tableau 7: ce n'est pas vraiment une pièce, c'est plutôt un aide-
25 mémoire pour ce qui est de la séquence des événements.
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1 M. Robinson (interprétation): J'espère que vous n'aurez pas compris mon
2 intervention comme signifiant que M. Kristan n'aurait pas de savoir-faire
3 dans un domaine, ce qui risquait de vicier la totalité du rapport.
4 M. Nice (interprétation): Je vous remercie de votre propos.
5 Ici, vous avez le cœur de sa déposition et -cela va de soi- nous allons
6 vouloir nous concentrer sur ces questions risquant de poser problème. Il
7 peut énoncer son avis, il peut vous montrer l'avis défendu par d'autres;
8 et il reviendra aux Juges de statuer, en temps utile, sur la question tout
9 d'abord de savoir s'il est nécessaire de prendre une décision finale sur
10 le droit prévalant dans un autre pays. Et je suppose que la Chambre sera
11 toujours prudente si elle le fait; mais si elle doit le faire, c'est elle
12 seule qui va prendre ce type de jugement.
13 Rappelez-vous, j'ai beaucoup insisté sur la question de l'Etat de Croatie,
14 sur la fonction étatique. Rappelez-vous, j'en avais parlé à l'ami de la
15 Chambre, M. McCormack. Et j'avais dit aux Juges que ce ne sont pas
16 nécessairement des experts qui devront intervenir pour régler la question,
17 mais que ce sont plutôt les Juges qui devront se prononcer puisque c'est
18 une question de droit, guidés en cela par des arguments présentés par M.
19 McCormack, par nous ou par M. Kristan. Même si on ne demande pas à ce
20 témoin d'en parler, ce n'est pas mentionné dans son rapport, mais c'est
21 une analogie qui est ici tout à fait adéquat.
22 Nous estimons qu'il faudrait prendre ce rapport et au moment de la
23 déposition de ce témoin, si à un moment donné on a l'impression qu'il
24 donne un avis d'expert définitif sur une question qui, de l'avis des
25 Juges, est une question où il était partie prenante, eh bien, comme le
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1 disait M. Kay, c'est simplement une question de fait. Il vous fournira son
2 avis, et c'est à vous, Messieurs les Juges, de statuer. Je pense que ceci
3 réglerait équitablement le problème.
4 Parce que, de toute façon, c'est vous qui jugez en droit, c'est vous qui
5 dites le droit. Monsieur Groome me l'a rappelé, mais je suis sûr que nous
6 avons tous gardé ceci à l'esprit: les témoins donnent des avis d'expert ou
7 sont des témoins purement factuels. Et je reprends l'analogie de M.
8 Groome: vous avez un policier qui parle de quelqu'un en état d'ivresse; eh
9 bien, ce policier, il va parler de faits mais aussi de son avis, il va
10 parler de moyens permettant d'évaluer le degré d'alcoolémie d'un
11 chauffeur. Je reprends l'analogie ou l'exemple fourni par M. le Juge
12 Robinson: celui d'un médecin qui risque de se retrouver à la barre des
13 accusés pour erreur professionnelle, et il va parler de ce qu'il a fait
14 lui-même ce médecin, son cas, c'est une question de faits, mais il peut à
15 tout moment dériver dans le domaine de l'expertise.
16 M. Robinson (interprétation): J'ai donné ces exemples pour m'en distancer
17 uniquement.
18 M. Nice (interprétation): D'accord.
19 M. le Président (interprétation): Oui, moi je me suis fondé plutôt sur le
20 deuxième exemple que j'ai fourni.
21 M. Nice (interprétation): Quoi qu'il en soit, il est tout à fait courant
22 que des témoins factuels deviennent en partie des témoins experts et que
23 des témoins experts soient en partie des témoins ordinaires.
24 M. le Président (interprétation): C'est assez rare pour un Juge, n'est-ce
25 pas?
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1 M. Nice (interprétation): Peut-être, mais ce n'est pas si sûr. Parce je
2 sais qu'il y a de plus en plus d'anciens juges qui sont appelés à exercer
3 d'autres fonctions. Révolus sont les jours où les juges britanniques
4 retombaient dans l'anonymat le plus absolu lorsqu'ils cessaient leurs
5 fonctions. Vous avez maintenant d'anciens juges qui ont recommencé leurs
6 fonctions judiciaires, notamment en tant qu'arbitres. Je ne peux pas
7 trouver ceci sur-le-champ, mais je pense que je me souviens qu'il y a des
8 juges anglais qui ont donné leur avis sur telle ou telle question. Mais
9 autant être prudent sur la question, même si c'est inhabituel, ce n'est
10 pas du tout inapproprié; ni l'accusé ni M. Kay n'ont laissé entendre qu'il
11 y aurait une quelconque malice aux activités de ce témoin.
12 M. le Président (interprétation): Je m'empresse de dire que le point de
13 départ dans cette discussion, c'est bien sûr la bonne foi, il ne faut pas
14 penser à autre chose?
15 M. Nice (interprétation): Je reviens à ce que je disais. Il s'est avéré
16 ardu, extrêmement ardu -et c'est peut-être dû au régime qui était en place
17 à l'époque, je ne sais pas- mais il s'est avéré extrêmement difficile de
18 trouver des hommes de loi, des juristes d'un niveau de connaissance et
19 d'expérience adéquat qui auraient été prêts à venir déposer à propos de
20 ces questions. Or il nous fallait à nous quelqu'un qui ratisse assez
21 large. Et je trouve que ce témoin est parfaitement placé pour évoquer
22 toutes les questions qui nous sont intéressantes, puisqu'il est érudit et
23 c'était aussi un homme de pratique. Il peut vous fournir une foison de
24 documents, une foison disais-je, et je pourrais toujours l'interrompre, il
25 faudra voir les conclusions qu'il tire afin de voir s'il faut modifier son
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1 rapport, on peut toujours l'interrompre au moment de l'avis des Juges.
2 Soit c'est une question qui devra être abordée sans aucun intérêt, soit le
3 traitement réservé à l'information serait le traitement suggéré par M.
4 Kay, à savoir que c'est un fait exprimé par l'expert.
5 Et je rappelle que ce n'est pas un jugement qui a été rendu, que c'est un
6 avis émis par ce témoin dans le cadre de procédures que nous connaissons
7 et qu'il n'y a pas eu d'acception ni rejet de cet avis par voie de
8 jugement; que c'est simplement un avis parmi tant d'autres présentés à
9 l'époque.
10 A notre humble avis, en temps utile -sans doute pas aujourd'hui…
11 certainement pas aujourd'hui- il serait possible d'entendre ce témoin à
12 partir de ses prémisses. J'ai oublié de demander au témoin, pendant la
13 pause, pourquoi il n'était pas disponible le mardi. Peut-être que j'ai
14 reçu un courrier électronique à ce propos.
15 M. le Président (interprétation): On reviendra peut-être à cela plus tard.
16 Réglons d'abord les questions essentielles.
17 M. Nice (interprétation): Je vérifie auprès de ma collègue si elle a des
18 questions à aborder. Ce n'est pas le cas, je vous remercie, Messieurs les
19 Juges.
20 (Les Juges se concertent sur le siège.)
21 M. le Président (interprétation): Le Juge Robinson va rendre la décision
22 au nom de la Chambre.
23 M. Robinson (interprétation): La Chambre est saisie d'une requête déposée
24 par le Procureur aux fins de verser au dossier un rapport préparé par M.
25 le Dr Ivan Kristan en application de l'Article 94 du Règlement. Il est
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1 proposé que cette personne intervienne en tant qu'expert. Je dirai
2 d'emblée que les qualifications du témoin ne sont pas mises en doute. Il
3 apparaît clairement à la lecture de son curriculum vitae que cette
4 personne est un éminent professeur hautement qualifié. Cependant, l'ami de
5 la Chambre a soulevé une question et la Chambre sait gré à l'ami de la
6 Chambre d'avoir soulevé cette question sur ce qui apparaît être au yeux
7 des amis de la Chambre un conflit d'intérêts. La qualification plus idoine
8 à donner serait le niveau de désintérêt ou le fait de ne pas être concerné
9 par les questions en cause dans un procès.
10 Voici comment se présente la problématique. Ce rapport est ventilé en
11 plusieurs parties. Première partie, elle a trait à la révocation de
12 l'autonomie du Kosovo. Le deuxième volet concerne le droit à
13 l'autodétermination et à la sécession de la République du Kosovo.
14 S'agissant du premier volet, M. Kristan était membre de la Cour
15 constitutionnelle, et pendant son mandat il y a eu des arguments présentés
16 sur précisément cette question. Plusieurs avis ont été exprimés par les
17 membres de la Cour constitutionnelle. Le témoin, lui-même, a dit de sa
18 propre opinion que c'était une opinion dissidente. Mais, comme le dit M.
19 Nice, le rapport indique qu'aucune décision n'a été prise par la Cour
20 constitutionnelle sur cette problématique.
21 S'agissant du droit à l'autodétermination, à la sécession, il y a eu
22 également une procédure engagée. Une fois de plus, M. Kristan a proposé
23 son avis. L'ami de la Chambre fait valoir -à nos yeux, à juste titre -que
24 le rôle joué par M. Kristan en tant que juge de la Cour constitutionnelle
25 le disqualifie, le récuse, pour ce qui est de cette partie précise du
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1 rapport.
2 Un témoin expert guide la Chambre. C'est la raison pour laquelle il est
3 important que la Chambre puisse se fonder sur la déposition d'un tel
4 témoin. La Chambre estime qu'étant donné le rôle joué par M. Kristan dans
5 les procédures engagées dans le contentieux engagé devant la Cour
6 constitutionnelle, il est inévitable que le témoin soit fortement
7 influencé par la participation qu'il a eue dans cette procédure.
8 Or cette procédure même est une question qui se pose dans notre procès à
9 nous. C'est un peu comme si on appelait à la barre un médecin en tant que
10 témoin expert, alors que certaines des questions en cause dans ce procès-
11 là ont trait à des procédures utilisées par ce même médecin dans telle ou
12 telle intervention chirurgicale.
13 La Chambre estime, dès lors, que la participation de M. Kristan à cette
14 procédure concernant les deux volets de son rapport susmentionné, le place
15 dans une position où les Juges de la présente Chambre ne peuvent pas être
16 convaincus que son absence d'intérêts personnels… -absence que doit
17 détenir tout expert présent devant nous-, nous ne sommes pas convaincus
18 que ce recul, cette distance soit présente. A notre avis, ce recul
19 n'existe pas, en l'occurrence.
20 Cependant, ceci ne signifie pas pour autant que M. Kristan ne puisse pas
21 être considéré comme témoin expert pour ce qui est des autres volets de
22 son rapport. La Chambre est d'avis qu'il est donc ici tout à fait adéquat
23 de faire une séparation entre les deux premières parties que j'ai
24 mentionnées, à savoir la révocation de l'autonomie du Kosovo et le droit à
25 l'autodétermination et à la sécession, de dissocier ces deux volets-là du
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1 reste. Notre décision revient donc à dire que le témoin… ou que la
2 déposition en tant que témoin expert de M. Kristan ne va pas inclure ces
3 deux volets et se limitera au reste du rapport.
4 M. Nice (interprétation): Me permettez-vous de parler du calendrier? Je
5 crois pouvoir parler au nom du témoin en disant que c'est une preuve de
6 ses connaissances que de recevoir un prix en Slovénie, lui qui vient d'un
7 autre… Cela veut dire qu'il y a des personnes qui viennent de l'étranger,
8 qui vont en Slovénie pour assister à cette cérémonie.
9 Nous avions prévu que sa déposition puisse se terminer cette semaine-ci et
10 nous avions espéré qu'il y aurait des interprètes qui seraient disponibles
11 pour le Slovène, mais il n'est jamais vraiment possible de déterminer la
12 durée d'un contre-interrogatoire à l'avance. Il n'a pas pu terminer sa
13 déposition; ce qui veut dire que je pense que les interprètes slovènes
14 sont rentrés chez eux, ils devraient revenir lundi et mardi. Le Greffe ne
15 savait pas que ce témoin devait partir lundi soir pour pouvoir assister à
16 la cérémonie mardi.
17 Et je me rappelle à moi-même ce que disait le Juge Robinson: des personnes
18 émérites qui reçoivent des récompenses ou des prix, cela montre le mérite
19 dont ils se sont couverts mais cela veut dire aussi que d'autres sont
20 concernés, et il serait difficile qu'il n'assiste pas à cette cérémonie.
21 M. le Président (interprétation): Le résultat est le suivant: M. Kristan
22 est disponible, mais il n'y a pas d'interprète pour le Slovène
23 aujourd'hui. Finalement, ce qu'on a dit à l'accusé n'était pas correct. On
24 lui avait demandé d'être prêt pour le contre-interrogatoire de ce témoin
25 aujourd'hui.
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1 Le témoin B-24, lui, est prêt à comparaître. Mais, de toute façon, sa
2 déposition débordera et devra se poursuivre lundi.
3 Quant à M. de La Brosse, il faut qu'il vienne au moins pour au moins une
4 demi-heure… une heure et demie -pardon- lundi. L'accusé n'a pas tort de
5 dire que les choses ne se déroulent pas comme elles le devraient.
6 M. Nice (interprétation): Je dirai d'emblée que j'endosse la
7 responsabilité pour n'avoir pas envisagé cette possibilité qu'on
8 renverrait pour cette semaine les interprètes slovènes; j'endosse toute la
9 responsabilité. Je pense que j'y ai pensé pour la première fois à 4 heures
10 du matin aujourd'hui lorsque, pour d'autres raisons, je me penchais sur le
11 rapport.
12 M. le Président (interprétation): 4 heures du matin?
13 M. Nice (interprétation): Oui. C'est à ce moment-là que je me suis rendu
14 compte que je n'avais pas pensé à cela.
15 M. le Président (interprétation): Je vois que la nuit a été très occupée,
16 consacrée à un événement qui, finalement, ne s'est pas produit. Nous
17 allons voir quelle est la démarche qui va poser le moins de problèmes à
18 tout le monde.
19 M. Nice (interprétation): Ce témoin ne peut vraiment pas être présent
20 mardi; autant le prévoir à une autre date. Au moins, nous pourrons faire
21 l'économie de tous ces frais lundi et mardi. Nous aurons le témoin 24,
22 nous aurons de La Brosse la semaine prochaine.
23 Pour éviter de reprendre la parole plus tard puisque j'y pense, je pense
24 qu'il serait utile de renvoyer les questions sur les deux domaines que ne
25 pourra pas aborder ce témoin, de les renvoyer à M. McCormack, parce qu'il
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1 pourra peut-être vous aider, un peu dans le droit fil de ce qu'il a été
2 invité à faire, pour ce qui est de l'indépendance de la Croatie.
3 M. Kwon (interprétation): Vu les difficultés auxquelles nous sommes
4 confrontés, pourrait-on demander au témoin de parler serbe?
5 M. Nice (interprétation): BCS.
6 M. Kwon (interprétation): BCS.
7 M. Nice (interprétation): Je lui ai posé la question ce matin. Il parle
8 effectivement le BCS; évidemment, pas aussi bien que le Slovène. Mais il
9 était assez hésitant ou réticent car il pense qu'en matière de droit, il
10 faut être le plus précis possible et il n'est pas tout à fait sûr qu'il
11 pourra véhiculer ses idées, vous les communiquer aussi bien qu'il le
12 ferait en slovène. Et puis, de toute façon, nous pourrions avoir lundi des
13 interprètes slovènes.
14 (Les Juges se concertent sur le siège.)
15 M. le Président (interprétation): J'ajouterai qu'il y a un autre problème
16 à ceux que nous avons déjà mentionnés, nous comprenons bien que le témoin,
17 M. Kristan, devra partir lundi. C'est ce que nous dit le Greffe.
18 M. Nice (interprétation): Apparemment, on nous a dit qu'il y avait un vol
19 le soir.
20 M. le Président (interprétation): Ça ne semble pas être le cas. La
21 meilleure chose à faire serait donc d'appeler à la barre le témoin B-024
22 et d'essayer de terminer sa déposition -cela ne sera peut-être pas
23 possible- si l'accusé veut avoir le temps de préparer son contre-
24 interrogatoire. Il est certain que nous allons l'écouter et l'entendre. On
25 pourrait déjà entendre l'interrogatoire principal.
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1 M. Nice (interprétation): Avant d'en terminer pour aujourd'hui, mais aussi
2 pour lundi et mardi, car je serai absent malheureusement, il m'incombe de
3 vous informer de ceci: l'accusé a sans doute travaillé à partir d'une
4 liste de témoins qu'il faudra modifier, nous allons envoyer une lettre
5 dans les meilleurs délais.
6 Audrey Bading, historienne; d'abord elle est malade, elle a été
7 hospitalisée, il faudra donc reporter sa déposition.
8 Un des témoins suivants, B-176: pour des raisons que je pourrais évoquer à
9 huis clos partiel, ce témoin ne sera pas disponible. J'ai peu
10 d'informations qui m'ont été transmises à son propos, mais ce sont les
11 mêmes raisons que celles qui ont empêché un autre témoin il y a peu de
12 temps de cela. J'essaye de vous en aviser, vous, Messieurs les Juges, et
13 l'accusé le plus rapidement possible.
14 Je serai absent lundi, mais c'est Mme Uertz-Retzlaff qui va procéder à
15 l'interrogatoire supplémentaire de M. de La Brosse.
16 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.
17 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais qu'à compter de lundi, je
18 puisse disposer de l'ordre de comparution. Je ne comprends plus rien. Je
19 sais qu'on aura M. de La Brosse. Pour tout le reste, il n'y a rien de
20 précis.
21 M. le Président (interprétation): Oui. Quand pourrions-nous disposer de
22 cette liste, je vous prie?
23 M. Nice (interprétation): Dans un délai d'une demi-heure.
24 M. le Président (interprétation): Fort bien. Veuillez faire entrer le
25 témoin dans le prétoire, je vous prie.
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1 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
2 l'accusation demande à ce que le témoin B-024 rentre dans le prétoire. Il
3 s'agira d'un témoin qui bénéficie de mesures de protection.
4 Dans l'intervalle, peut-être qu'il serait bon d'utiliser le temps pour
5 qu'on attribue une cote unique à la liasse des documents.
6 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, il s'agira de la pièce
7 de l'accusation 451.
8 M. Groome (interprétation): J'aimerais peut-être simplement apporter une
9 petite correction au feuillet du pseudonyme, au bas de cette page. En
10 fait, il y a trois noms qui y figurent, et je voulais simplement préciser
11 que le témoin B-024 a autorisé l'utilisation ou la référence à ces trois
12 noms en audience publique sans que cela ne divulgue pour autant son
13 identité.
14 (Audience publique avec mesures de protection à 11 heures 38.)
15 (Le témoin B-024 est introduit dans le prétoire.)
16 M. le Président (interprétation): Pourrions-nous inviter le témoin à
17 prononcer la déclaration solennelle?
18 Témoin B-024 (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. le Président (interprétation): Veuillez prendre place, je vous prie,
21 Monsieur le Témoin.
22 (Le témoin s'assoit.)
23 (Interrogatoire principal du témoin B-024 par Mr Groome.)
24 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Monsieur Groome.
25 M. Groome (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin. Je pense qu'il
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1 serait peut-être bon d'abord de remettre au témoin l'intercalaire n°1 de
2 la pièce 451. Monsieur le Témoin, je vous invite à jeter un coup d'œil sur
3 ce document et de nous dire si, effectivement, votre nom figure sur ce
4 feuillet.
5 Témoin B-024 (interprétation): Oui.
6 Question: Je demande le versement sous scellés de ce document, et je
7 demande également que ce feuillet reste à côté du témoin pendant toute sa
8 déposition.
9 Au début de votre déposition, je vais vous demander si vous connaissez un
10 certain nombre de personnes. Je voudrais tout d'abord vous demander si
11 vous connaissez un dénommé "Marko Pavlovic"?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Pourriez-vous nous décrire les circonstances dans lesquelles
14 vous l'avez connu?
15 Réponse: Je l'ai connu par le biais de Radoslav Kostic pendant les
16 conflits armés sur le territoire de la Croatie dans la Baranja.
17 Question: Avez-vous appris que "Marko Pavlovic" avait un pseudonyme?
18 Réponse: Oui, oui, je l'ai connu sous son nom véritable moi.
19 Question: Et quel était ce nom?
20 Réponse: Branko Popovic.
21 Question: Pourriez-vous nous décrire les circonstances dans lesquelles
22 vous avez rencontré M. Popovic pour la première fois?
23 Réponse: Je pense que c'était en 1991.
24 Question: Et combien de temps après l'avoir rencontré pour la première
25 fois avez-vous appris son identité réelle?
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1 Réponse: Je l'ai connu sous son nom véritable, Branko Popovic. J'ai appris
2 par la suite que, vers le début des conflits à Zvornik, il a commencé à se
3 présenter en avançant un autre nom.
4 M. Groome (interprétation): A-t-il jamais indiqué pourquoi il utilisait un
5 sobriquet à l'époque où les hostilités ont été déclenchées?
6 Témoin B-024 (interprétation): Nous n'avons jamais parlé de ça.
7 M. Kwon (interprétation): Est-ce qu'il a dit que son vrai nom était Branko
8 ou Brano?
9 Témoin B-024 (interprétation): Je pense, Branko.
10 M. Groome (interprétation): Lorsqu'il était ou lorsqu'il se trouvait à
11 Zvornik où restait-il, où séjournait-il?
12 Témoin B-024 (interprétation): Avant le début des conflits, c'était à
13 l'hôtel "Jezero" de Mali Zvornik. Et après le début des conflits, je crois
14 qu'il s'était servi de certains appartements dans Zvornik même.
15 Question: Avez-vous des connaissances quelconques quant aux rencontres
16 qu'il aurait faites dans cet hôtel avec des personnes membres de la JNA
17 pendant et après les débuts du conflit?
18 Réponse: Je ne l'ai jamais vu personnellement rencontré qui que ce soit,
19 mais il avait dit que ces contacts avec la JNA étaient bons.
20 Question: Est-ce qu'il a précisé au quartier général quels étaient les
21 noms des personnes avec qui il entretenait de bons contacts?
22 Réponse: Il mentionnait le commandant du Corps d'armée de Tuzla, le
23 général Savo Jankovic. Le lieutenant-colonel ou le colonel Dubajic et
24 quelques autres personnes dont je n'arrive plus à me resituer les noms.
25 Question: Pouvez-vous nous dire dans toute la mesure du possible, avec
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1 toutes les précisions, au cours de quelle période il a eu des bons
2 contacts avec le commandant Jankovic, celui qui était à la tête du Corps
3 de Tuzla?
4 Réponse: C'est une période qui s'étire sur six mois avant le début des
5 conflits à Zvornik.
6 Question: Et, à votre avis, quand est-ce que le conflit a été déclenché à
7 Zvornik?
8 Réponse: Eh bien, c'était entre le 6 et 8 ou 9 avril.
9 Question: Il s'agit bien de l'année 1992?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Connaissez-vous… ou est-ce que M. Pavlovic vous a jamais
12 communiqué les noms des contacts qu'il aurait eus avec un certain Dragan
13 Suka?
14 Réponse: Oui, il a eu des contacts avec le dénommé.
15 Question: Qui est ou qui était Dragan Suka à l'époque?
16 Réponse: Eh bien, comme je travaillais dans la police, je n'ignorais pas
17 qu'il était membre de la sûreté d'Etat à Loznica.
18 Question: Savez-vous quel était le poste qu'il occupait au niveau du
19 service de la sûreté d'Etat à Loznica?
20 Réponse: Je ne sais pas quel avait été le schéma organisationnel de cette
21 unité, mais je crois qu'il était chef de la sûreté d'Etat pour cette
22 municipalité et peut-être quelques municipalités environnantes.
23 Question: Est-ce que M. Pavlovic vous a dit à quelle fréquence et pendant
24 quelle période il a eu des contacts avec ce M. Suka?
25 Réponse: Nous n'en avons pas parlé souvent, mais je les ai vus à plusieurs
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1 reprises ensemble.
2 Question: Vous avez précisé avoir rencontré… ou plutôt on vous a fait
3 rencontrer M. Rade Kostic. Pouvez-vous nous décrire les relations qui
4 existaient entre Rade Kostic et Pavlovic?
5 Réponse: Ce que j'en sais, c'est que Pavlovic avait participé aux combats
6 dans la région de Baranja en Croatie. Je sais aussi qu'en quelque sorte,
7 et d'après l'impression que je me suis faite, il était aux ordres, placé
8 sous les ordres de Rade Kostic. Il avait l'air d'être son adjoint.
9 Question: Et pendant quelle période de temps avez-vous eu des contacts
10 avec Marko Pavlovic?
11 Réponse: Sur une période de quatre ou cinq mois avant les conflits, cela
12 était le cas à Zvornik.
13 Question: Et avez-vous continué à entretenir des contacts avec lui après
14 le début du conflit?
15 Réponse: Oui. Pendant que je me trouvais être membre de la cellule de
16 crise, oui. Après, j'ai été dans le département économique. Mais Zvornik,
17 c'est une petite localité et, de par la nature de nos tâches, nous étions
18 en contact quelconque, plus ou moins.
19 Question: Pouvez-vous nous donner une estimation du nombre de mois que
20 vous avez connu Marko Pavlovic? Est-ce qu'il s'agit d'une année ou est-ce
21 qu'il s'agit de quelques mois? Pouvez-vous répondre avec précision, je
22 cous prie?
23 Réponse: Je n'ai pas très bien compris votre question, mais je dirai que
24 je le connais depuis 1991. Je l'ai vu en 1992 aussi. Et je crois qu'il a
25 quitté le territoire en juillet 1992; et par la suite, je l'ai peut-être
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1 revu à deux reprises.
2 Question: Je vous place en 1991 et en 1992. D'après ce que vous avez pu
3 observer quant à lui et quant aux activités qu'il menait, avez-vous pu
4 vous forger une opinion s'agissant de la personne pour laquelle il
5 travaillait?
6 Réponse: Eh bien, d'après ce que j'en sais, ses contacts étaient les
7 meilleurs, s'agissant de la JNA.
8 Question: Avez-vous appris, à un stade quelconque… Je ne vous parle pas de
9 contacts qu'il a eus, mais savez-vous avec qui il travaillait, avec
10 quelles organisations il entretenait des relations?
11 Réponse: Je ne le sais pas.
12 Question: Avez-vous jamais été présent lorsque Marko Pavlovic a passé un
13 coup de fil suite à un événement important qui s'était déroulé dans la
14 municipalité de Zvornik?
15 Réponse: Oui. Monsieur Pavlovic, devant la cellule de crise toute entière,
16 a composé des numéros de téléphone que je ne connaissais pas; il a
17 contacté des officiers de la JNA. Et je sais que l'aboutissement en a été
18 l'arrivée de marchandises, de produits logistiques dont avait besoin de la
19 Défense territoriale de l'époque à Zvornik.
20 Question: Pourriez-vous être plus précis lorsque vous faites allusion à
21 des biens de type logistique?
22 Réponse: Il s'agissait… au début, notamment, il y avait pénurie de
23 munitions et d'armes, d'uniformes aussi.
24 Question: Et à l'époque où M. Pavlovic a passé ce coup de fil devant la
25 cellule de crise, est-ce qu'il représentait les personnes ou est-ce qu'il
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1 a dit à ces personnes qu'il pouvait assurer le matériel logistique, y
2 compris les munitions et les armes?
3 Réponse: Oui, il l'a dit de façon inéquivoque dans les entretiens. Et cela
4 avait persuadé la cellule de crise qu'ils avaient face à eux le bon homme
5 et le soutien véritable qui leur était nécessaire.
6 Question: Et quelle est la durée du temps qui s'est écoulée après le
7 moment où il a passé le coup de fil et où la première livraison de
8 matériel a été effectuée?
9 Réponse: Cela se faisait dans un délai de 24, voire de 48 heures.
10 Question: Et pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre de première
11 instance de quelle quantité de marchandises il est question? Pourriez-vous
12 peut-être décrire le nombre de camions, ou peut-être que vous pourriez
13 nous donner les quantités exactes de ces marchandises?
14 Réponse: Cela, je ne le sais vraiment pas. Je n'ai pas accompli ce type de
15 tâche et je ne le sais pas.
16 Question: Pourriez-vous peut-être vous rappeler du moment au cours duquel
17 ces livraisons ont eu lieu?
18 Réponse: Eh bien, ça se faisait entre le 6 avril 1992 et le 20 avril de la
19 même année. Par la suite, je ne suis pas au courant du déroulement de
20 l'organisation.
21 Question: J'aimerais à présent appeler votre attention sur ce dénommé Rade
22 Kostic. Pourriez-vous peut-être le décrire ou nous décrire les
23 circonstances dans lesquelles vous l'avez rencontré?
24 Réponse: Il est né à proximité immédiate de Zvornik, en Serbie, dans la
25 municipalité de Mali Zvornik. Et je le connaissais à titre privé, alors
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1 qu'il était encore chef du poste de police à Darda, en Croatie. Je sais,
2 par la suite, qu'il est passé à accomplir des fonctions officielles au
3 ministère de l'Intérieur en Serbie.
4 Question: Et s'agissant de la fonction qu'il a prise au niveau du
5 ministère de l'Intérieur serbe, est-ce que c'est parce que c'est ce qu'il
6 vous a dit?
7 Réponse: Il m'a seulement dit qu'il travaillait pour le ministère de
8 l'Intérieur; il n'a pas donné beaucoup de détails. Je sais qu'il a
9 travaillé pour le compte de la sûreté d'Etat, mais de là à savoir ce qu'il
10 faisait au juste, il n'en a jamais parlé.
11 Question: Est-ce qu'il est toujours vivant, de nos jours?
12 Réponse: Non. Rade Kostic est mort en 1995.
13 Question: Avez-vous assisté à ses funérailles?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Puis-je vous demander de donner le nom des personnes qui ont
16 assisté aux funérailles de Rade Kostic?
17 Réponse: Parmi ceux que je connaissais, il y avait MM. Stanisic,
18 Bogdanovic, "Arkan". Il y avait beaucoup de gens, beaucoup de gens qui
19 faisaient partie de la vie politique, de la vie publique, de la vie
20 culturelle.
21 Question: Je vais vous demander de regarder l'écran devant vous et je vais
22 demander à l'huissière de vous aider afin que vous puissiez voir cette
23 photo. Il s'agit là d'une photo; il s'agit de l'intercalaire n°6 de la
24 pièce à conviction 390. Il s'agit simplement d'une image. Est-ce que vous
25 reconnaissez ce monument commémoratif?
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1 Réponse: Oui. C'est feu Rade Kostic, en effet.
2 Question: Je vais à présent vous poser une question au sujet d'une
3 personne appelée Brano Grujic. Le connaissez-vous, et pouvez-vous nous
4 décrire les circonstances dans lesquelles vous l'avez rencontré?
5 Réponse: Je connais Grujic, Grujic travaillait à Zvornik; c'est une petite
6 localité et on se connaissait, mais nous deux, on se connaissait depuis
7 notre jeune âge.
8 Question: Je vous présente mes excuses, je voudrais revenir sur M. Rade
9 Kostic. Est-ce que vous avez jamais eu une discussion avec lui au sujet de
10 "Arkan"? Et dans l'affirmatif, pouvez-vous nous en dire la teneur?
11 Réponse: Eh bien, lorsqu'il y a eu ces conflits armés à Bijeljina, Kostic
12 m'a téléphoné et m'a dit qu'il devait se rendre à Bijeljina. Et il m'a dit
13 aussi de me rendre à la maison de la culture de Bijeljina pour assurer un
14 soutien logistique à son unité qui allait passer à Zvornik.
15 Question: A l'époque où M. Kostic vous a donné ses instructions, saviez-
16 vous s'il agissait à titre officiel ou est-ce qu'il agissait en tant que
17 membre de la sûreté d'Etat ou est-ce que c'était à titre privé?
18 Réponse: Je ne le savais pas. Je n'avais que des relations privées avec
19 Kostic, je n'ai que très peu collaboré sur le plan du service avec lui.
20 Question: Je voudrais à présent revenir sur M. Grujic. Est-ce que ce
21 dernier vous a jamais parlé des relations qu'il avait avec un dénommé
22 Jovica Stanisic?
23 Réponse: Eh bien, une fois seulement il m'a dit qu'il avait été avec lui à
24 une réunion à Mali Zvornik.
25 Question: Vous a-t-il précisé de quelle réunion il s'agissait?
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1 Réponse: Je pense que cela se passait en 1992, mais je ne sais pas vous
2 dire au juste quand.
3 Question: Et que pouvez-vous nous dire au sujet des relations de M. Grujic
4 avec les dirigeants de la Republika Srpska?
5 Réponse: Grujic se trouvait être le Président du parti démocratique serbe,
6 depuis sa création à Zvornik jusqu'à presque l'année 1995. Et de ce fait,
7 et par la nature de ses tâches, il avait des contacts avec la direction de
8 Pale. Mais je crois que c'est plutôt le député Mijatovic qui était chargé
9 de ces contacts-là.
10 Question: Monsieur Mijatovic est la personne à propos de laquelle je vais
11 vous poser des questions. Pouvez-vous nous décrire son rôle? Quelles
12 étaient ses attributions dans la municipalité de Zvornik?
13 Réponse: Jovo Mijatovic était député. Il a été élu aux élections de 1991.
14 Il a occupé pendant toute cette période-là les fonctions de député
15 national jusqu'en 1995. Et d'après la création des municipalités, en vertu
16 de la variante B du plan, il se trouvait occuper les fonctions de
17 Président parallèle de la municipalité de Zvornik.
18 Question: Avez-vous eu connaissance d'une réunion à laquelle il aurait
19 participé à l'hôtel "Jezero" à Mali Zvornik?
20 Réponse: Oui, je suis au courant. Nous, au Parti démocratique serbe, nous
21 avions pour objectif politique d'essayer de trouver un accord avec le SDA
22 qui est le parti représentant la population musulmane. Nous avons envoyé
23 Mijatovic et Ivanovic à une réunion à Mali Zvornik, parce que la situation
24 était devenue telle qu'elle interdisait l'arrivée des Musulmans à notre
25 quartier général à Karakaj et nous ne pouvions pas, nous-mêmes, aller à
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1 Zvornik. Donc nous avons essayé de faire cette réunion à Mali Zvornik aux
2 fins d'essayer de nous concerter, de convenir de quelque chose dans la
3 mesure du possible.
4 Question: Et savez-vous si, au cours de cette réunion, un accord est
5 intervenu entre les dirigeants locaux du SDS et du SDA?
6 Réponse: Eh bien, nous ne pouvions qu'essayer d'aboutir à un accord. Mais
7 après la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, il n'était de fait plus
8 possible d'aboutir à un accord quelconque. Mais au moins au niveau local,
9 nous essayions de convenir de quelque chose. Or la réunion de Mali Zvornik
10 a été interrompue -c'est ce que Mijatovic et Ivanovic nous ont raconté par
11 la suite- suite à une irruption de "Arkan" et de ses officiers qui ont
12 passé à tabac tous les négociateurs, plus les Serbes que les Musulmans
13 d'ailleurs. C'est ainsi que la réunion a pris fin.
14 Question: Et pourquoi est-ce que les négociateurs serbes ont été frappés
15 par "Arkan"?
16 Réponse: Probablement pour faire peur, pour intimider la partie bosnienne
17 musulmane. Et comme il l'a dit lui-même, il est venu au quartier général
18 chez nous, au bâtiment de "Alhos" à Karakaj et il a commencé à menacer:
19 "Qui vous a autorisé à partager, à vendre des terres serbes aux Musulmans
20 et à partager ces terres avec eux?". Il a commencé à donner des gifles aux
21 gens.
22 Question: Et quel était le sort… qu'est-il advenu de l'accord qui avait
23 été conclu entre le SDS et le SDA?
24 Réponse: Est-ce que vous pouvez répéter? Je ne vous ai pas bien compris.
25 Question: Vous nous avez dit qu'avant l'arrivée de "Arkan" un accord était
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1 intervenu entre les dirigeants des deux partis. Quel était le sort de cet
2 accord? Qu'est-il advenu de cet accord?
3 Réponse: Eh bien, nous avons essayé au niveau local d'aboutir à un accord
4 aux fins d'éviter toutes bêtises et d'attendre pour voir qu'elle va être
5 la solution trouvée pour la Bosnie toute entière. Mais l'accord est tombé
6 à l'eau et la cellule de crise s'est vue interdire, par "Arkan", tout
7 contact avec la partie musulmane.
8 Question: Puis-je vous demander de résumer en une ou deux phrases quelles
9 étaient les relations entre la communauté serbe et la communauté musulmane
10 avant le déclenchement d'un conflit entre les deux communautés?
11 Réponse: A partir des élections où il y a eu victoire des partis
12 nationaux, les relations sont devenues complexes et sont devenues très
13 tendues. Mais les choses ont culminé lorsque la Bosnie a été reconnue, et
14 plus rien n'avait été en mesure de concilier les peuples en présence.
15 Question: Je vais vous inviter à vous pencher sur l'intercalaire n°2 de la
16 pièce à conviction 451.
17 (Intervention de l'huissière.)
18 Je vous demande si vous reconnaissez ce document.
19 Réponse: En effet.
20 Question: Pourriez-vous nous décrire en quelques mots de quoi il s'agit?
21 Réponse: Il s'agit d'une décision interdisant les ventes et achats de
22 biens immobiliers; cela a été adopté par l'assemblée municipale de Zvornik
23 en date du 15 mars 1992. Cela interdit aux Serbes de vendre leurs terres
24 et leurs biens à des personnes qui ne sont pas du groupe ethnique serbe.
25 Question: Puis-je vous inviter à donner lecture de la phrase qui commence,
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1 au début, du côté droit de la page?
2 Réponse: "Les biens immobiliers qui relèvent de la propriété de membres du
3 groupe ethnique serbe sur le territoire de la municipalité ne sauraient
4 être vendus ou rétrocédés à l'intention de membres d'autres groupes
5 ethniques."
6 Question: Est-ce que cet ordre s'est traduit dans les faits?
7 Réponse: La décision a été prise par les autorités parallèles de la
8 municipalité serbe de Zvornik. Mais je ne pense pas que, jusqu'au début de
9 la guerre, il y ait eu des ventes de biens immobiliers serbes parce qu'il
10 ne s'est passé que 15 jours entre cette date-là et le début de la guerre.
11 Question: Avez-vous eu connaissance d'une télécopie qui a été envoyée par
12 Momcilo Mandic vers la date du 4 avril?
13 Réponse: Oui. Je me trouvais être chef du poste de police, à l'époque. Et
14 nous avons reçu, en effet, une dépêche.
15 Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire quelle était la teneur
16 de cette télécopie?
17 Réponse: En substance, on disait dans cette dépêche qu'il avait été
18 convenu ou arrêté un plan que l'on appelait "plan de Cutilheiro".
19 Izetbegovic et Karadzic se seraient entendus sur un partage de la Bosnie.
20 Et, dans la dépêche, il était donné ordre à tous les membres du groupe
21 ethnique serbe se trouvant dans les rangs de la police de passer vers les
22 rangs de la police serbe qui s'était organisée suivant un schéma qui nous
23 avait été communiqué, d'ailleurs. On nous a présenté…, on nous a informés
24 que cela serait financé par les moyens de l'assemblée du peuple serbe en
25 Bosnie-Herzégovine. Et c'est ainsi que cela s'est fait.
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1 Question: A l'époque où vous avez vu cette dépêche, avez-vous pensé qu'il
2 s'agissait d'un événement qui allait se produire?
3 Réponse: La situation était déjà très compliquée, très tendue sur le plan
4 ethnique, jusqu'à une échelle très grande. Et ce partage du MUP, ça avait
5 été comme une vitre brisée; une fois brisée, il n'y a plus moyen de
6 recoller les bouts.
7 Question: Et qu'est-il advenu des membres serbes du MUP local à Zvornik,
8 après la réception de cette dépêche?
9 Réponse: Eh bien, j'étais le représentant les plus éminent des Serbes dans
10 la police. Ils se sont donc rassemblés dans mon bureau. Et de l'autre
11 côté, chez le chef du poste, il y a eu tous les Musulmans. Donc, de fait,
12 il s'est fait un partage.
13 Question: Et vers où se sont dirigés les membres serbes, ou plutôt la
14 police serbe?
15 Réponse: Nous sommes partis avec la cellule de crise vers le bâtiment de
16 "Alhos", à Karakaj, qui se trouve à quelque 5 kilomètres de Zvornik.
17 Question: Et où se trouvait le quartier général de la partie serbe de la
18 Défense territoriale?
19 Réponse: Au tout début, la TO, la cellule de crise et la police, nous nous
20 trouvions tous dans le bâtiment de "Alhos".
21 Question: J'aimerais à présent vous montrer la pièce à conviction 451,
22 intercalaire 3. Je vous demande de vous pencher sur ce document. Est-ce
23 que vous le reconnaissez?
24 (Intervention de l'huissière.)
25 Réponse: Oui, c'est la dépêche qui nous est parvenue le 31 mars 1992, qui
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1 a été signée par l'adjoint au ministre de l'Intérieur, M. Momcilo Mandic.
2 Question: J'aimerais à présent appeler votre attention sur les livraisons
3 d'armes, de munitions, dans la municipalité de Zvornik. Est-ce que vous
4 pourriez nous faire une description très brève de la situation? Pourriez-
5 vous nous décrire comment ces armes étaient livrées à la municipalité?
6 Réponse: Oui. Les armes arrivaient à la municipalité, et il y avait
7 maintes façons de faire bon nombre de canaux par lesquels cela pouvait se
8 passer. Parce que les conflits pouvaient être vus à l'oeil nu à chaque
9 pas.
10 Question: Est-ce que certains des moyens utilisés pour armer la
11 population, est-ce que vous avez estimé qu'il s'agissait là de moyens
12 licites ou non?
13 Réponse: Eh bien, en sus de cet armement légal, je dirai que les Musulmans
14 s'achetaient des armes, pour l'essentiel, en Croatie; alors que nous
15 recevions nos armes en provenance de la JNA.
16 Question: Et les armes que vous aviez reçues par le truchement de la JNA,
17 pourriez-vous nous dire dans quelle condition vous les receviez, comment
18 est-ce que vous en faisiez la demande, etc.?
19 Réponse: Ce que je sais, c'est que dans la municipalité de Zvornik, il y a
20 eu plusieurs filières. Les Musulmans ne voulaient pas aller à la JNA et ce
21 sont les Serbes qui ont complété les effectifs de réserve; et c'est ainsi
22 qu'ils ont reçu des armes. Mais cela est tout à fait légal.
23 Maintenant, quand il est question des filières illégales, en notre qualité
24 de minorité, nous avons eu peur dans cet environnement-là. Nous sommes
25 allés voir le Président du Comité de l'assemblée nationale chargé des
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1 relations avec les Serbes à l'extérieur de la Serbie, et nous avons
2 demandé à ce que l'on nous vienne en aide en armes parce que nous nous
3 sentions menacés.
4 Question: Et qui est le Président de cette Commission?
5 Réponse: C'était M. Bogdanovic.
6 Question: Connaissez-vous son prénom?
7 Réponse: Oui, Radmilo Bogdanovic.
8 Question: Pourriez-vous nous décrire ce qui s'est produit après la réunion
9 que vous avez eue avec lui?
10 Réponse: Nous avons présenté la situation qui était la nôtre. Nous lui
11 avons, en fait, demandé de nous aider. Et il m'a dit que dans les dix
12 jours à venir, Kostic allait nous contacter pour organiser tout cela.
13 Question: Et est-ce que M. Kostic a pris contact avec vous après cette
14 réunion?
15 Réponse: Oui. Six ou sept jours après, il m'a appelé et il m'a donné des
16 instructions pour la façon de procéder; et cela se rapportait à ce qui
17 suit. Nous avons emmené un camion jusqu'au parking de la Foire de
18 Belgrade; nous l'avons laissé là-bas avec un plein de carburant et les
19 clefs sur le tableau de bord. L'après-midi, nous retrouvions ce même
20 camion chargé de farine et nous avions un bordereau d'expédition fictive
21 parce que tout se passait encore dans le cadre d'un seul et même Etat, il
22 n'y avait pas de contrôle aux frontières. Nous acheminions cela à Zvornik,
23 et nous ne savions pas ce qu'il y avait, mais nous procédions au
24 décomptage, décomptage des armes qui se trouvaient là; et la cellule de
25 crise convenait de la distribution dans les villages serbes selon les
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1 évaluations du degré de menace qui pesait dans les différents villages, et
2 cette évaluation était la nôtre à l'époque.
3 Question: Combien de fois avez-vous personnellement participé à
4 l'importation d'armes dans la municipalité de Zvornik en ayant recours à
5 ces filières?
6 Réponse: J'y ai pris part deux fois.
7 Question: Et pourriez-vous nous donner une estimation du nombre des armes
8 qui ont été importés au cours de ces deux occasions?
9 Réponse: Dans ces deux fois, je crois qu'il y avait entre 200 et 300
10 armes.
11 Question: Et, dans toute la mesure du possible, pourriez-vous nous dire
12 quand ces deux événements ont eu lieu?
13 Réponse: Quand j'ai pris part, je crois que c'était au début de l'année
14 1992.
15 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
16 est-ce qu'il serait peut-être bon de marquer une suspension.
17 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons marquer une
18 suspension.
19 Monsieur le Témoin B-024, nous allons lever l'audience pendant 20 minutes.
20 Je vous rappelle simplement que pendant toute la durée de votre
21 déposition, vous ne pouvez pas parler à quiconque de votre déposition et
22 que ceci s'applique également aux membres du Bureau du Procureur. Je vous
23 remercie.
24 Suspension de l'audience.
25 (L'audience, suspendue à 12 heures 16, est reprise à 12 heures 40.)
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, veuillez poursuivre.
2 M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, j'aimerais vous poser
3 encore quelques questions au sujet de l'importation des armes dans
4 Zvornik. Pouvez-vous nous dire si Brano Grujic a eu son mot à dire au
5 sujet de ces importations?
6 Témoin B-024 (interprétation): Je suis au courant de la chose. La première
7 quantité qui est arrivée, est arrivée par le biais d'un contact à lui.
8 Question: Pourriez-vous nous dire la date à laquelle cette livraison a été
9 effectuée?
10 Réponse: Je ne me souviens pas exactement, mais c'était en automne 1991.
11 Question: Et pouvez-vous nous dire quelle était la teneur de cette
12 livraison, et d'où provenait-elle?
13 Réponse: Grujic m'a dit que cela avait été organisé avec certaines
14 personnes de Serbie. Il y avait là une trentaine d'armes automatiques.
15 Question: Connaissez-vous un colonel dénommé "Milosevic" qui faisait
16 partie de la JNA?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et quelle était sa participation aux activités d'importation
19 d'armes dans Zvornik?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Pourriez-vous nous en faire la description? Quelles étaient ses
22 contributions? Dans quelle mesure peut-on parler de "participation"?
23 Réponse: Je crois que c'était un membre de la cellule de crise qui avait
24 des contacts étroits avec lui, et il avait envoyé une certaine quantité
25 d'armes. Il devait être dans une unité dans la Romanija, et il a fait
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1 venir une quantité d'armes par le biais de la cellule de crise et du SDS
2 de Zvornik pour que celle-ci soit distribuée.
3 Question: Pour autant que vous vous en souveniez, à partir de quel moment
4 est-ce qu'on peut parler "d'importation illégale d'armes" à Zvornik?
5 Réponse: C'est cette première quantité d'armes organisée dont la
6 fourniture a été organisée par Grujic.
7 Question: Et c'est celle-là dont vous avez parlé lorsque vous avez fait
8 allusion à l'automne 1991?
9 Réponse: Oui.
10 Question: S'agissant de toutes les armes qui ont été importées à Zvornik
11 par le truchement des différentes filières que vous avez décrites, pouvez-
12 vous nous donner le pourcentage d'armes qui appartenaient à la JNA?
13 Réponse: Eh bien, la majeure partie venait des entrepôts des arsenaux de
14 la JNA. Je pense pouvoir parler d'au moins deux tiers de celle-ci.
15 Question: J'aimerais à présent vous demander de parler de la distribution
16 de ces armes. Pouvez-vous nous décrire ce qui se passait sur place lorsque
17 ces armes étaient arrivées dans la municipalité de Zvornik?
18 Réponse: Eh bien, cela était installé dans une communauté locale purement
19 serbe, ethniquement pure de ce côté-là; et la cellule de crises procédait
20 ensuite à une distribution pour savoir où cela devait aller, suivant une
21 évaluation du degré de menace qui pesait sur tel ou tel autre village.
22 Question: Et une fois cette évaluation accomplie, quel était le sort de
23 ces armes?
24 Réponse: Eh bien, partant de ces bases d'installation ou de ces centres
25 d'installation, il y avait des représentants des communautés locales -en
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1 général, c'étaient des présidents de la cellule du SDS- et ils prenaient
2 sur eux le soin d'acheminer ces armées, de les distribuer dans leurs
3 communautés locales respectives.
4 Question: Devaient-ils signer un document quelconque attestant de leur
5 réception de ces telles armes?
6 Réponse: Nous avions tenu à jour un registre, et tous signaient en effet.
7 Question: Pourriez-vous nous dire quand vous avez personnellement eu
8 connaissance pour la première fois de la distribution des armes telles que
9 vous nous avez fait la description?
10 Réponse: Il s'agit de l'automne 1991.
11 Question: J'aimerais à présent appeler votre attention sur la couverture
12 médiatique. Pourriez-vous nous décrire la couverture médiatique que vous
13 avez pu constater, dont la provenance était Belgrade, et ceci au cours de
14 l'automne 1991 et au début de l'année 1992?
15 Réponse: Les médias… Comme il y avait déjà des combats en Croatie -et vous
16 n'ignorez pas quelle était la structure de la population en Croatie-, les
17 médias étaient partagés; chacun se faisait supporter de son propre groupe
18 ethnique.
19 Question: Et savez-vous s'il y a eu des couvertures médiatiques en
20 provenance de la Serbie au sujet de Zvornik, et à propos desquels vous
21 avez pu dire que de telles allégations étaient erronées?
22 Réponse: Non.
23 Question: Par conséquent, d'après vous, les événements qui se sont
24 déroulés à Zvornik, dans la mesure ou ceux-ci étaient reproduits dans la
25 presse, dans les médias, avaient été décrits de façon exacte; n'est-ce
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1 pas?
2 Réponse: Est-ce que vous parlez du début de la guerre ou de la période
3 précédent le début de la guerre?
4 Question: Nous allons examiner les deux situations, donc avant le conflit
5 et pendant le conflit. Par conséquent, s'agissant de la phase antérieure,
6 est-ce que les événements ont été correctement reproduits dans la presse,
7 dans les médias, à la télévision?
8 Réponse: Jusqu'au début des conflits, Zvornik n'a pas fait l'objet de
9 l'attention médiatique. Je ne me souviens pas du tout qu'il ait eu une
10 attention médiatique, quelle qu'elle soit.
11 Question: Bien. Nous allons passer à présent à la période qui a suivi le
12 déclenchement des conflits. Est-ce que la situation était décrite de façon
13 correcte à vos yeux?
14 Réponse: Eh bien, les médias informaient régulièrement de tous les
15 événements sur les lignes de front et, à cette époque-là, il y avait des
16 choses dont on parlait et il y avait des choses que les médias passaient
17 sous silence et qui, de façon évidente, survenaient sur le terrain.
18 Question: Pourriez-vous nous donner ou nous faire la description d'un de
19 ces événements concernant Zvornik?
20 Réponse: Eh bien, je sais par exemple que, dans les médias de Belgrade, il
21 n'a jamais été dit qu'il y avait des prisons pour les Musulmans, qu'il y a
22 eu des tueries civiles; alors que cela a été chose notoire.
23 Question: J'aimerais à présent appeler votre attention sur l'automne 1991.
24 Est-ce qu'à un moment donné quelconque vous avez participé à un
25 rassemblement qui s'est déroulé à Sarajevo, rassemblement du SDS?
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1 Réponse: Oui, j'ai assisté à une grande réunion du SDS à l'hôtel "Holiday
2 Inn" à Sarajevo.
3 Question: Et quand est-ce que cette réunion s'est déroulée?
4 Réponse: Je pense que cela a dû se faire vers le 19-20 décembre 1991.
5 Question: Pourriez-vous peut-être préciser quels étaient les dirigeants du
6 SDS qui étaient présents lors de cette réunion?
7 Réponse: Je me souviens qu'il y avait Karadzic, Krajisnik, Mme Plavsic, le
8 Pr Leovac, et peut-être certaines autres personnalités.
9 Question: Et au cours de cette réunion, a-t-on procédé à la distribution
10 d'un document quelconque parmi les personnes qui étaient présentes à cette
11 réunion?
12 Réponse: Oui, les présidents des cellules municipales du Parti ont reçu
13 des instructions, un document d'instructions leur disant comment il
14 convenait de se comporter en cas de situation de crise éventuelle.
15 Question: Comment pourriez-vous décrire ce document? Comment était-il
16 décrit par d'autres également? Est-ce que ce document portait un nom?
17 Réponse: Il y avait une appellation assez longue, mais nous appelions
18 cela, en abrégé, "Plan A" et "Plan B."
19 Question: Est-ce que qu'il s'agissait du "plan A" et du "plan B" parce
20 qu'il y avait deux scénarios? Est-ce que tel était le cas?
21 Réponse: Oui. Le "plan A", c'était le plan à l'intention des municipalités
22 où la population était majoritairement serbe. Et le "plan B" concernait la
23 municipalité où les Serbes étaient en minorité.
24 Question: Et est-ce que les Présidents des cellules de crise avaient reçu
25 pour instructions de traduire dans les faits le "plan A" ou le "plan B" en
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1 fonction de la composition ethnique de leur municipalité?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Je vais demander à ce que l'on montre au témoin l'intercalaire 4
4 de la pièce à conviction 4334. Je pense que des exemplaires de ces
5 documents ont déjà été remis à la Chambre.
6 (Intervention de l'huissière.)
7 Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous ce document?
8 Réponse: Oui, c'est le document au sujet duquel vous m'avez posé des
9 questions.
10 Question: Et est-ce qu'il s'agit du document que le Président de la
11 cellule de crise a reçu en 1991, en décembre 1991?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Un autre témoin a examiné ce plan de façon détaillée. Mais
14 j'aimerais peut-être vous inviter à nous dire si ce plan a été appliqué à
15 Zvornik même?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Et de quelle variante parlait-on là?
18 Réponse: Nous étions une municipalité où la population serbe était
19 minoritaire, donc il s'agissait du "plan B".
20 M. Groome (interprétation): Après le mois de décembre 1991, à quelle
21 fréquence est-ce que les membres du SDS et de la cellule de crise se
22 rencontraient?
23 Mme Anoya (interprétation): Il s'agit de l'intercalaire 3 de la pièce à
24 conviction 434 et non pas 4.
25 M. Groome (interprétation): Je vous présente mes excuses. Je voulais
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1 simplement dire qu'à l'époque on avait demandé à identifier ce document et
2 qu'on n'avait donc pas attribué une cote définitive à ce document. C'est
3 ce que nous faisons à présent. Je vous remercie.
4 M. le Président (interprétation): Oui, ce document peut être versé au
5 dossier.
6 M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, après la réception de ce
7 document, à quelle fréquence faisait-on allusion à ce document, s'agissant
8 des instructions qui permettraient l'implication des instructions au
9 niveau de la municipalité de Zvornik?
10 Témoin B-024 (interprétation): Entre autres, ce plan prévoyait des
11 permanences quotidiennes au siège du Parti démocratique serbe et des
12 réunions de la cellule de crise; et c'est plus ou moins quotidiennement
13 que nous avons débattu de ces questions.
14 Question: Abstraction faite de Zvornik, savez-vous que le plan a également
15 été utilisé et traduit dans les faits dans d'autres municipalités?
16 Réponse: Oui. Cela a été distribué à toutes les municipalités de la
17 Bosnie-Herzégovine.
18 Question: Est-ce que ce plan envisageait la création de cellules de crise?
19 Réponse: Oui, ce plan a mis sur pied une cellule de crise au niveau de la
20 Bosnie-Herzégovine ainsi que des cellules de crise aux niveaux municipaux,
21 avec des instructions détaillées disant quels sont les membres ex officio,
22 d'office, et quels sont ceux des membres du SDS qui feraient, en sus,
23 partie de ces cellules.
24 Question: Et qui était le dirigeant de la cellule de crise? Qui était à la
25 tête de la cellule de crise au niveau de la Bosnie?
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1 Réponse: Au niveau de la Bosnie, je ne suis pas au courant. Mais à
2 Zvornik, c'était M. Grujic.
3 Question: Et pouvez-vous nous dire qui était à la tête de la cellule de
4 crise au niveau régional?
5 Réponse: Je ne suis pas sûr. Je pense que, lorsque l'on a mis sur pied la
6 Région autonome serbe de Semberija et Majevica, je crois que Dzojo
7 Arsenovic.
8 Question: Pourriez-vous répéter ce nom à l'intention des interprètes?
9 Réponse: Je pense que c'était Dzojo Arsenovic.
10 Question: Pourriez-vous nous décrire la cellule de crise à Zvornik? Tout
11 d'abord, pouvez-vous nous dire combien de membres constituaient cette
12 cellule de crise?
13 Réponse: Eh bien, c'était sujet à des modifications chez nous, parce que
14 le plan a été réalisé de façon variée dans les différentes municipalités.
15 Mais il y avait entre 10 et 15 membres de la cellule de crise, et il y
16 avait parmi eux 7 ou 8 membres qui étaient des permanents.
17 Question: Au niveau de la cellule de crise de Zvornik, pourriez-vous peut-
18 être me communiquer les noms des personnes qui étaient les plus
19 importantes au niveau de cette cellule de crise?
20 Réponse: C'étaient, de toute manière, Grujic, Stevan Ivanovic, Jovo
21 Ivanovic, Jovo Mijatovic, Stevo Radic, moi-même et quelques autres
22 personnes.
23 Question: Et est-ce que la cellule de crise se réunissait quotidiennement
24 au cours du printemps 1992?
25 Réponse: Eh bien, pas quotidiennement, vraiment, mais très souvent, en
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1 tout état de cause.
2 Question: Pourriez-vous peut-être nous dire quelle était la nature des
3 questions qui étaient débattues dans le cadre des réunions de la cellule
4 de crise?
5 Réponse: En général, nous suivions la situation politique et celle sur le
6 plan de la sécurité au sein de notre municipalité. Et puis, nous étudiions
7 ce qui avait été réalisé dans le sens de l'application du plan en vertu de
8 la variante "B".
9 Question: Et après les discussions qui se sont déroulées à Zvornik au
10 sujet de l'application de ce plan, est-ce que les résultats de vos
11 discussions étaient transmis à un échelon supérieur au niveau de la
12 République?
13 Réponse: Eh bien, en vertu du plan en question, nous avions pour
14 obligation de les informer s'il y avait des événements de taille sur le
15 plan sécuritaire. Et ce n'était pas moi qui étais chargé des contacts à
16 l'égard du QG au niveau de la République, ce qui fait que je ne sais pas
17 au juste comment cela se passait.
18 Question: Et est-ce qu'en avril, à un moment quelconque, la cellule de
19 crise a été transformée en gouvernement temporaire?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Et serait-il adéquat de dire que tous les membres de la cellule
22 de crise appartenaient au groupe ethnique serbe?
23 Réponse: Oui. Je pense qu'il y avait une spécificité à Zvornik. Parce
24 qu'au début, il y avait pour membres de la cellule de crise et du
25 gouvernement provisoire un cardiologue éminent, M. Vjelkic Mohamed; mais
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1 je le voyais au QG et je pense qu'il se trouvait parce qu'il était
2 contraint de s'y trouver.
3 Question: Je vais vous inviter à consulter l'intercalaire 4 de la pièce
4 451. Reconnaissez-vous ce document?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et de quoi parle ce document, je vous prie?
7 Réponse: Ce sont des conclusions datées du 22 décembre 1991. Entre autres,
8 on voit ici les noms des personnes qui ont été élues membres de la cellule
9 de crise.
10 Question: Vous avez parlé de Mme Biljana Plavsic; vous avez fait allusion
11 à son nom au début de votre déposition. Est-ce qu'à un moment quelconque
12 du printemps 1992, vous l'avez rencontrée dans la municipalité de Zvornik?
13 Réponse: Oui. En réalité, au bâtiment de la cellule de crise, dans le
14 bâtiment de "Alhos" à Zvornik.
15 Question: Et à quelle date précisément l'avez-vous rencontrée?
16 Réponse: Cela s'est fait deux fois. Une fois, un ou deux jours avant le
17 début des conflits à Zvornik. Et la deuxième fois, c'était deux ou trois
18 jours après l'éclatement des conflits.
19 Question: A ce stade, j'aimerais à présent me concentrer sur la réunion
20 qui a eu lieu avant le déclenchement du conflit, et j'aimerais que vous
21 nous décriviez les autres personnes qui étaient présentes à l'époque,
22 personnes qui faisaient partie de la cellule de crise.
23 Réponse: Eh bien, il y avait pour présents la plupart des membres de la
24 cellule de crise. Il y avait Pejic aussi, un officier de "Arkan"; il avait
25 pour grade celui de commandant et nous l'appelions "commandant Pejic".
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1 Question: Si l'on prend toutes les personnes ensemble, de combien de
2 personnes parlons-nous?
3 Réponse: Eh bien, dans le quartier général entier il y avait un grand
4 nombre de personnes. Mais dans le bureau en question, il devait y avoir
5 sept ou huit hommes.
6 Question: Etiez-vous présent lors des pourparlers qui se sont déroulés
7 dans ce bureau?
8 Réponse: Oui, en partie.
9 Question: Pourriez-vous peut-être nous faire le résumé des discussions qui
10 se sont déroulées lorsque vous étiez dans ce bureau?
11 Réponse: Eh bien, nous avions présenté la situation politique et celle au
12 niveau de la sécurité à Zvornik. Ils nous ont demandé si nous avions
13 procédé à tous les préparatifs prévus par le "plan B" pour ce qui est des
14 situations de crise.
15 Question: Vous souvenez-vous de ce qu'elle a dit?
16 Réponse: Eh bien, nous voulions peut-être un peu nous vanter devant un
17 membre de la présidence en disant que nous avions réalisé tous les
18 préparatifs prévus par ce "plan B".
19 Question: Et qu'a-t-elle dit après avoir entendu la présentation orale de
20 ce rapport?
21 Réponse: Eh bien, la situation était assez confuse encore. Elle était
22 encore membre de la Présidence à Sarajevo avec les autres membres de cette
23 présidence, et elle a dit que nous resterions en contact et que l'on
24 suivrait la situation de près.
25 Question: J'aimerais appeler votre attention une fois de plus sur la
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1 réunion qui a eu lieu à l'hôtel "Jezero". Vous nous en avez déjà parlé;
2 vous avez dit que "Arkan" était présent. Puis-je vous demander de préciser
3 le nom de toutes les autres personnes qui étaient présentes à cette
4 réunion dans la mesure où vous vous en souvenez?
5 Réponse: A l'hôtel "Jezero", il y a eu deux réunions. L'une des deux, j'y
6 étais présent. Ça avait été une tentative de se mettre d'accord avec les
7 Musulmans.
8 Et du côté serbe, cette fois-là, il y avait Grujic, Radic, Ivanovic… les
9 deux Ivanovic, moi, et je pense qu'il y avait un officier de la JNA, le
10 capitaine de l'époque Dragan Obrenovic. Du côté bosnien, musulman, il y
11 avait le président du SDA, il y avait le chef du MUP, Osman Mustafic, il y
12 avait Alija Kapidcic, chef de la TO, il y avait Izet Mehinagic, et peut-
13 être encore certaines autres personnes. Je ne suis plus très sûr.
14 Question: Est-ce que Marko Pavlovic était présent?
15 Réponse: Non, Marko Pavlovic n'a pas assisté à cette réunion.
16 Question: Je vais vous poser un certain nombre de questions au sujet de
17 "Arkan". Est-ce que vous l'aviez rencontré avant qu'il n'arrive à Zvornik?
18 Réponse: Non, j'ai entendu parler de lui pour la première fois deux ou
19 trois jours avant, dans les journaux qui ont relaté les événements
20 survenus à Bijeljina.
21 Question: J'aimerais à présent que vous nous disiez ce que vous savez au
22 sujet de la présence de "Arkan" à Bijeljina, dans la mesure où vous pouvez
23 le faire?
24 Réponse: Je ne sais vraiment rien à ce sujet.
25 Question: Est-ce qu'à un moment quelconque lors de la prise de pouvoir de
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1 Bijeljina, est-ce que vous vous êtes rendu dans cette ville?
2 Réponse: Oui, je suis allé là-bas pour rencontrer "Arkan" à la maison de
3 la culture de Bijeljina. Il y avait déjà eu des conflits. Là-bas, on
4 pouvait entendre des tirs dans la ville. Je suis allé à la maison de la
5 culture, j'y ai attendu une heure, une heure et demie, et ce n'est qu'à ce
6 moment-là qu'il avait fait son apparition.
7 Question: Lorsque vous parlez de "il" entre guillemets, vous parlez de
8 "Arkan", n'est-ce pas?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Il était accompagné avec d'autres personnes?
11 Réponse: Il y avait avec lui un groupe de ces combattants. Et j'ai vu que
12 dans la maison de la culture, où il y avait un déjeuner de préparé,
13 d'organisé, à l'attention des combattants, tout le monde s'est mis
14 brusquement au garde-à-vous.
15 Question: Comment avez-vous su que vous deviez vous rendre à la maison de
16 la culture pour pouvoir rencontrer "Arkan"?
17 Réponse: J'ai déjà dit, auparavant, que Kostic m'avait informé par
18 téléphone qu'il fallait aller à Bijeljina établir le contact pour assurer
19 un appui logistique, parce que son unité devait se rendre à Zvornik et
20 avait besoin de s'installer.
21 Question: Pouvez-vous nous dire ce qui a été dit à l'occasion de cette
22 réunion à la maison de la culture?
23 Réponse: Eh bien, en fait, j'ai dit qui m'envoyait. Il m'a brièvement
24 demandé comment la situation se présentait à Zvornik, et il a appelé un
25 homme de petite taille. Il m'a dit que c'était le commandant Pejic et que
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1 c'est lui qui se trouverait à la tête du groupe d'hommes qui devaient se
2 rendre à Zvornik. Ça n'a pas duré plus de deux ou trois minutes cette
3 rencontre-là.
4 Question: A-t-il dit qui avait donné l'ordre aux "Hommes d'Arkan" d'aller
5 à Zvornik?
6 Réponse: Non, nous n'avons pas parlé de cela.
7 Question: Avez-vous vu les plaques d'immatriculation des véhicules
8 utilisés par "Arkan" pour se rendre à cette réunion?
9 Réponse: Oui, il est passé de Mali Zvornik à Karakaj. Dans notre quartier
10 général, il y avait des plaques d'immatriculation du SUP fédéral. Je ne le
11 savais pas à l'époque. Mais par la suite, j'ai appris que c'étaient des
12 plaques qui commençaient par un "M" et juste après, il y avait un n°9.
13 Question: Pour que tout soit clair: vous avez vu "Arkan" dans un véhicule
14 à Zvornik et pas à Bijeljina. C'est bien cela?
15 Réponse: J'ai vu son véhicule pour la première fois à Zvornik. Et à
16 Bijeljina, je n'ai pas vu avec quel véhicule il est arrivé à Bijeljina.
17 Question: Que s'est-il passé, à l'issue de la réunion?
18 Réponse: Une unité est passée par le bac qu'il y avait au niveau de
19 Badovinci pour aller en Serbie. Puis, on est allés à une station thermale
20 à Radalj où il y avait un hôtel qui se trouvait à une dizaine de
21 kilomètres de Zvornik.
22 Question: Pourriez-vous nous donner une idée approximative du nombre
23 d'"Hommes d'Arkan" qui sont passés de Bijeljina en Serbie, et avec combien
24 d'hommes vous êtes parti?
25 Réponse: C'était un petit groupe d'une vingtaine d'hommes.
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1 Question: Et est-ce qu'ils étaient armés au moment de passer en Serbie?
2 Réponse: Oui, ils avaient des canons longs.
3 Question: Vous avez parlé, je pense, de Banja Radalj, l'endroit où vous
4 avez attendu. Vous avez pénétré jusqu'à quelle distance en Serbie, pour
5 arriver à cet endroit?
6 Réponse: Eh bien, depuis l'endroit où nous avons traversé par bac jusqu'à
7 Radalj, il devait y avoir une dizaine de kilomètres. Non, cinq à six
8 kilomètres.
9 Question: Au cours de ces déplacements, que ce soit pour arriver en
10 Serbie, donc au moment de franchir la Serbie et lorsque vous vous êtes
11 déplacé à l'intérieur de la Serbie, est-ce que vous avez vu des policiers
12 serbes en uniforme?
13 Réponse: Non, il faisait déjà nuit. Le trajet, nous l'avons fait la nuit
14 et je n'ai vu aucun membre de la police.
15 Question: Que s'est-il passé à votre arrivée à Banja Radalj?
16 Réponse: Eux, ils sont restés et moi, je suis allé à Zvornik. Et le
17 lendemain, à une réunion conjointe, il nous a informé, il a dit qu'il y
18 avait un groupe de 20 hommes de "Arkan", et qu'au cas où il y aurait
19 conflit, ils seraient là pour aider la population serbe, dans le cas où
20 conflit il y aurait.
21 Question: Vous avez eu une réunion, le lendemain. S'est-elle tenue à Banja
22 Radalj ou à Zvornik?
23 Réponse: Cela s'est passé à Zvornik.
24 Question: Une question supplémentaire à propos de ce que vous avez
25 constaté à Bijeljina. Pendant votre séjour à Bijeljina, avez-vous vu un
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1 certain "Mauzer"?
2 Réponse: A Bijeljina, je n'ai pas vu cette personne que l'on appelait
3 "Mauzer". Je ne savais même pas qu'il y avait quelqu'un répondant à ce
4 surnom.
5 Question: Que s'est-il passé après la réunion que vous avez eue à Banja
6 Radalj avec les "Tigres d'Arkan"?
7 Réponse: Je n'ai pas eu de réunion avec eux à Radalj, ils sont restés là.
8 Mais, par la suite, c'est M. Pejic qui allait aux réunions de la cellule
9 de crise à Zvornik.
10 Question: Quels ont été les sujets évoqués au cours de ces réunions avec
11 M. Pejic?
12 Réponse: Lorsqu'ils se sont installés à Radalj, il y a eu un conflit à
13 Capna; il a été tué, à l'occasion, plusieurs soldats. Il avait déjà
14 commencé à être question de préparatifs pour la défense et pour un conflit
15 armé possible.
16 Question: Pourriez-vous nous dire qui, parmi les membres de la cellule de
17 crise, était présent au cours de cette réunion avec M. le commandant
18 Pejic?
19 Réponse: Eh bien, il y avait presque tous les membres de la cellule de
20 crise qui figurent sur cette liste.
21 Question: Vous avez décrit cet incident au cours duquel plusieurs soldats
22 ont été tués. La cellule de crise l'a appris. Que s'est-il passé, par la
23 suite?
24 Réponse: Eh bien, ces morts de soldats sont arrivées, et je crois que ça
25 coïncidait avec la proclamation d'une Bosnie-Herzégovine indépendante et
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1 souveraine. Et à nos yeux, cela était, à l'époque, tout à fait
2 inacceptable. En vertu du "plan B", nous nous sommes dissociés, nous avons
3 mis sur pied une autorité parallèle à Karakaj dans les locaux de l'usine
4 "Alhos".
5 Question: Que s'est-il passé après que vous ayez constitué ce gouvernement
6 ou cette unité parallèle?
7 Réponse: Eh bien, aussitôt après, il est arrivé l'incident où les
8 négociations sont tombées à l'eau –je parle de la réunion à Mali Zvornik-
9 et on a décidé de s'emparer de Zvornik par des moyens militaires.
10 Question: Cette décision de prendre la municipalité de Zvornik par la
11 force, où a-t-elle été prise?
12 Réponse: Eh bien, c'est "Arkan". Et Pejic qui était là, son adjoint ou son
13 représentant, avait donné l'ordre de faire démarrer cette opération.
14 Question: Avez-vous été présent au moment de la prise de cette décision?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Où cette décision a-t-elle été prise?
17 Réponse: Dans les locaux de ce bâtiment de "Alhos", dans le bureau utilisé
18 par le directeur.
19 Question: A quel moment a-t-elle été prise?
20 Réponse: Eh bien, je pense qu'il devait s'agir du 7 avril 1992.
21 Question: Que s'est-il passé après la prise de cette décision? Est-ce
22 qu'il y a eu d'autres discussions à propos de la mise en œuvre de la
23 décision?
24 Réponse: Eh bien, on commençait à voir arriver des volontaires de toutes
25 sortes. On nous a donné l'ordre de rassembler le plus possible d'hommes
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1 des effectifs de la réserve. Et le jour d'après –je pense que c'était le 8
2 avril- au matin, vers 6 heures et 9 heures du matin, la décision a été
3 mise en oeuvre.
4 Question: La décision a donc été prise le 7 avril; il a été décidé
5 d'occuper militairement Zvornik. L'application de cette mesure, elle a
6 débuté le lendemain à 6 heures, le 8 avril; c'est bien cela?
7 Réponse: A peu près, d'après les informations que j'ai recueillies.
8 J'étais blessé, à ce moment-là; je me trouvais au QG en pantoufles. Donc
9 j'étais dans le bureau, je n'étais pas sur le terrain.
10 Question: Vous avez dit que des volontaires ont commencé à affluer. D'où
11 venaient-ils?
12 Réponse: Pour l'essentiel, ils venaient de Serbie. Je pense qu'une partie
13 était venue de Bijeljina parce c'est là, pour la première fois, que j'ai
14 vu ce monsieur que vous avez mentionné tout à l'heure, le dénommé
15 "Mauzer".
16 Question: Pourriez-vous nous donner une idée approximative du nombre de
17 volontaires venus de Serbie?
18 Réponse: L'afflux n'était pas contrôlé, vraiment pas. D'après les
19 informations dont je dispose, ils étaient plus d'une centaine.
20 Question: Vous dites de ces hommes que c'étaient des volontaires. Mais
21 est-ce qu'ils étaient liés à tel ou tel groupe, à telle ou telle
22 association ou organisation connue?
23 Réponse: D'après ce que j'en sais, je savais que seul "Arkan" avait un
24 groupe; les autres n'en n'avaient pas. Il y avait essentiellement des cas
25 individuels.
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1 Question: Au moment de l'arrivée de ces personnes à Zvornik, savez-vous si
2 ces personnes sont venues avec leurs armes ou si on leur a donné des armes
3 à leur arrivée?
4 Réponse: Je sais qu'on leur a distribué des armes au QG de la TO à
5 "Alhos".
6 Question: La décision a été prise le 7 avril. Combien de temps s'est-il
7 écoulé entre la prise de la décision et l'arrivée de ces volontaires dans
8 la municipalité de Zvornik?
9 Réponse: Certains groupes se trouvaient là déjà dès le début des conflits.
10 Mais ce n'est qu'après les conflits, dans un délai de 48 heures, ou 24 à
11 48 heures, qu'ils ont commencé à affluer.
12 Question: Pourriez-vous expliquer aux Juges comment s'est faite la prise
13 de Zvornik par les militaires?
14 Réponse: Ce que je puis dire, c'est que cette matinée, je l'ai passée au
15 QG; j'étais blessé, je me trouvais en pantoufles. Mais on pouvait
16 entendre, parce que c'est tout près. Et on m'a informé du fait que les
17 unités de la Défense territoriale et les unités de volontaires s'étaient
18 emparées de Zvornik et l'avaient placée sous le contrôle des Serbes.
19 Question: La JNA a-t-elle bénéficié d'un appui ou d'une quelconque… a-t-
20 elle eu une participation quelconque dans cette prise, dans cette
21 occupation militaire?
22 Réponse: Alors, pour ce qui est de cette opération, je n'ai pas
23 d'information sur la participation de la JNA dans l'attaque sur Zvornik ce
24 jour-là.
25 Question: Après la première journée, est-ce que la JNA a commencé à
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1 participer à l'assaut sur Zvornik?
2 Réponse: Ce que je sais, c'est que plus tard, une vingtaine de jours, la
3 prise de Kula, localité qui se trouve sur les auteurs de la centrale
4 hydroélectrique de Mali Zvornik… Il y avait une unité venue de Yougoslavie
5 qui avait pris part à la prise de Kula.
6 Question: Vous avez dit de certaines personnes que c'étaient des
7 volontaires. Après la première phase de la prise de contrôle de Zvornik,
8 est-ce que ces volontaires ont commencé à s'organiser et à prendre des
9 noms connus et que vous pouvez nous donner?
10 Réponse: Oui. On sait que, par la suite, ils s'étaient regroupés pour
11 constituer des formations qui portaient les noms des hommes qui se
12 trouvaient à leur tête. Et on sait que certains de ces groupes ont rejoint
13 les rangs de la police, et d'autres ont rejoint les rangs de la TO.
14 Question: Pourriez-vous nous donner le nom de ces groupes, de ceux dont
15 vous vous souvenez?
16 Réponse: J'ai entendu plusieurs noms mentionnés, mais il était de
17 notoriété publique qu'à la TO, il y avait l'unité de "Zuca", les "Hommes
18 de Niski"; alors que dans la police, il y avait l'Unité de Gogic. Toujours
19 dans la Défense territoriale, il y avait "les Aigles blancs" et quelques
20 autres.
21 Question: Pour ce qui est de "Zuca", connaissez-vous son nom complet?
22 Réponse: J'ai lu quelque chose à ce propos dans la presse, plus tard. Je
23 ne le savais pas à l'époque, mais j'ai appris plus tard qu'il s'appelait
24 Vojin Vuckovic.
25 Question: Ces personnes qui ont participé à l'attaque dirigée sur Zvornik,
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1 où est-ce qu'elles ont été logées?
2 Réponse: A plusieurs endroits. Je sais que certains ont été installés à
3 Karakaj; il y avait là une caserne vide. Plus tard, d'autres se sont
4 emparés des maisons musulmanes qui avaient été vidées de leurs occupants.
5 Mais c'est la Défense territoriale, en général, qui s'est occupée de leur
6 logement.
7 Question: Y a-t-il eu une liaison par autocar qui a été organisée à partir
8 de la Serbie vers Zvornik?
9 Réponse: De toute façon, la ligne a toujours existé, elle n'a jamais été
10 interrompue. Elle partait de Mali Zvornik vers Belgrade et Uzice, et ce
11 territoire n'était pas concerné par la guerre.
12 Question: Qui payait ces autocars assurant le transport de ces
13 volontaires?
14 (L'interprète précise que c'étaient des autocars ou des autobus.)
15 Réponse: Je sais que c'est le gouvernement provisoire qui a payé la note
16 pour les véhicules utilisés pour transporter ces volontaires.
17 Question: Ces personnes que vous appelez "des volontaires" ont-ils reçu
18 une solde de la part de la municipalité pour leur participation à la prise
19 de contrôle de la ville?
20 Réponse: Oui, ils recevaient des sommes régulières comme c'était le cas
21 des autres membres de la TO et de la police.
22 Question: Veuillez maintenant examiner l'intercalaire 5 de la pièce 451.
23 En fait, Dans ce document, il y en a plusieurs. Et je vais vous demander
24 de passer en revue ce lot de documents; je vous demande si vous les
25 reconnaissez?
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1 Réponse: Tout à fait. C'est un document qui reprend les salaires payés par
2 le gouvernement provisoire aux membres de l'unité de la TO actifs au sein
3 de l'unité de "Zuca".
4 Question: Veuillez examiner l'écran devant vos yeux. Un de ces documents
5 va être affiché à l'écran; je vais vous demander de lire les noms qui se
6 trouvent au regard du trait rouge.
7 Réponse: Je ne vois pas d'annotation en rouge.
8 Question: Je vous demande de regarder les numéros 41 et 44.
9 Réponse: Ah! Oui, je vois! Au regard du n°41 on a le nom de "Zuca", Vojin
10 Vuckovic. Et pour le 44, on a Dusko Vuckovic.
11 Question: Avez-vous parlé d'un de ces deux hommes dans votre déposition?
12 Réponse: Effectivement, j'ai parlé du n°41.
13 Question: Nous avons terminé l'examen de ces documents, mais je demanderai
14 que soit présenté au témoin l'intercalaire 6 de la pièce 451.
15 On est en train de vous présenter ce document, mais je vais vous demander
16 ceci dans l'intervalle. Vous avez mentionné le capitaine Dragan Obrenovic.
17 Ce monsieur a-t-il jamais assisté à des réunions de la cellule de crise?
18 Réponse: Le capitaine Dragan Obrenovic n'assistait pas aux réunions de la
19 cellule de crise, en tout cas, pas jusqu'au début de la guerre. Cependant,
20 lorsque la guerre a commencé, moi, je faisais partie de la cellule de
21 crise et je peux vous dire qu'il a assisté aux réunions.
22 Question: Quand il a assisté à ces réunions, était-il toujours membre de
23 la JNA?
24 Réponse: Oui, Dragan Obrenovic a toujours fait partie de la JNA; en tout
25 cas, jusqu'au moment où on a formé l'armée de la Republika Srpska.
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1 Question: A-t-il été présent à ces réunions de la cellule lorsque la
2 discussion a porté sur la mise en œuvre de la variante B du plan?
3 Réponse: Je vous le disais à l'instant. Dès le début de la guerre, il a
4 assisté à ces réunions, jusqu'au moment où, moi, j'étais membre de la
5 cellule de crise lorsque la discussion a porté sur la mise en œuvre du
6 "plan B".
7 Question: Est-ce qu'il était payé par la municipalité de Zvornik?
8 Réponse: Oui, ça se voit d'ailleurs à l'examen de ce document. On constate
9 que Dragan Obrenovic était payé en tant que membre de la TO de Zvornik.
10 Question: Intercalaire 6, pièce 451, pourriez-vous nous dire quelle est la
11 teneur de ce document?
12 Réponse: Il s'agit du salaire payé pour le mois de mai à Dragan Obrenovic.
13 Ce document a été avalisé par Marko Pavlovic, au nom de la Défense
14 territoriale.
15 Question: Monsieur, que savez-vous des rapports existants entre "Arkan" et
16 la JNA? Dites-nous ce que vous avez pu observer à ce propos pendant la
17 prise de contrôle de Zvornik?
18 Réponse: Tous ceux qui faisaient partie de la cellule de crise -dont
19 Dragan Obrenovic officier de la JNA- se mettaient au garde-à-vous à
20 l'arrivée de "Arkan" avec Pejic, son officier qui commandait Zvornik. Il y
21 avait d'autres officiers de l'armée, mais nous avons été surpris de voir
22 que tous se mettaient au garde-à-vous chaque fois que "Arkan" entrait dans
23 la pièce où on sortait.
24 Question: Vous est-il arrivé de converser avec Brano Grujic à propos d'un
25 incident qui s'est produit entre le colonel Milosevic et "Arkan"?
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1 Réponse: Oui, il est arrivé que Grujic dise que "Arkan" avait giflé le
2 colonel Milosevic.
3 Question: Est-ce qu'à un moment donné, "Arkan" a quitté la municipalité de
4 Zvornik?
5 Réponse: Il se trouvait à deux reprises à Zvornik et chaque visite ne
6 durait qu'une heure ou deux.
7 Question: Il a quitté Zvornik. Est-ce qu'ensuite c'est Marko Pavlovic qui
8 a hérité des attributions du chef de la Défense territoriale?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Je vais demander que soit présentée au témoin l'intercalaire 7
11 de la pièce de l'accusation 451.
12 Il s'agit de trois documents, Madame l'Huissière. Je vais vous demander de
13 rester à proximité du témoin.
14 Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous le document se trouvant à
15 l'intercalaire 7 de la pièce 451?
16 Réponse: Oui. C'est une décision portant formation du commandement de la
17 Défense territoriale de la municipalité serbe de Zvornik. Pavlovic est
18 nommé au poste de commandant; il est nommé par Grujic en sa qualité de
19 chef du gouvernement provisoire.
20 Question: Je vais demander que soit maintenant montrée au témoin
21 l'intercalaire 8 de la même pièce.
22 Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous ce document?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Quelle est la teneur de ce document?
25 Réponse: Il concerne la formation d'un commandement unifié, commandement
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1 militaire et territorial unifié de la municipalité serbe de Zvornik. A
2 l'article 3, Marko Pavlovic est nommé commandant du commandement de la
3 Défense territoriale militaire; et c'est Brano Grujic, chef du
4 gouvernement provisoire, qui le nomme à ce poste.
5 Question: Enfin, regardons l'intercalaire 9. Je vous demande si vous
6 reconnaissez cette pièce?
7 Réponse: Oui, tous ces documents ont paru au Journal officiel. Il s'agit
8 d'une décision interdisant d'emporter de la nourriture du QG du
9 gouvernement provisoire. Outre le gouvernement, seul Marko Pavlovic était
10 autorisé à approuver le fait d'emporter de la nourriture. C'est un
11 document qui porte la date du 14 avril 1992, date de l'adoption de cette
12 décision.
13 Question: Merci. J'en ai terminé de ces documents, de ces pièces.
14 Monsieur, connaissez-vous une unité appelée la "Brigade de Zvornik"?
15 Réponse: Oui.
16 Question: A quel moment cette unité a-t-elle été constituée?
17 Réponse: En fait, au moment où l'armée de la Republika Srpska a été
18 formée; donc 20 mai 1992, dirais-je.
19 Question: Qui était le premier commandant de cette unité?
20 Réponse: Il y a eu plusieurs commandants. Il y a eu Blagojevic, je pense.
21 Puis Dragan Petkovic. Bosansic aussi. Ce qui veut dire qu'en 1992, il y a
22 eu plusieurs commandants qui se sont succédés.
23 Question: Y a-t-il un homme qui est resté à ce poste de commandant pendant
24 assez longtemps après y avoir été nommé?
25 Réponse: Oui. A partir de la fin 1992 jusqu'à la fin de la guerre, le
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1 commandant de la Brigade de Zvornik a été Vinko Pandurevic.
2 Question: Vous venez de reconnaître plusieurs documents qui donnaient à
3 Marko Pavlovic une autorité de commandement sur la Défense territoriale de
4 Zvornik. Combien de temps a duré la période où il a été commandant?
5 Réponse: "Arkan" est parti de Zvornik. C'est après que cet homme est
6 devenu commandant de la TO jusqu'à son arrestation; arrestation qui, je
7 crois, a eu lieu en juillet 1992.
8 Question: Qui a procédé à son arrestation?
9 Réponse: Une unité de la police spéciale de la Republika Srpska.
10 Question: Et savez-vous, finalement, quels ont été les chefs d'accusation
11 portés contre lui?
12 Réponse: Je ne suis pas au courant. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'a
13 passé que deux ou trois jours en détention à la prison de Bijeljina, et
14 puis, il a été relâché.
15 Question: Pendant la prise de pouvoir militaire de Zvornik, y avait-il des
16 membres de la Défense territoriale qui n'étaient pas de Zvornik mais qui
17 étaient de Serbie?
18 Réponse: Oui, il y a eu des volontaires venus de Serbie.
19 Question: Je ne parle pas de volontaires. Vous en avez parlé, auparavant,
20 des volontaires. Je parle ici de membres officiels de la Défense
21 territoriale ou d'unités de la Défense territoriale de Serbie.
22 Réponse: Je ne sais pas s'il y a eu des participants actifs; si ce n'est
23 peut-être pour la collaboration logistique que nous avons eue avec l'état-
24 major de la TO à Mali Zvornik.
25 Question: Veuillez maintenant examiner la pièce de l'accusation 251,
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1 intercalaire 10. Reconnaissez-vous ce document?
2 Réponse: Oui. Il apparaît qu'il s'agit là des salaires distribués en
3 avril… pour le mois d'avril, aux membres de l'Unité de Gogic, de Loznica.
4 Question: Loznica en Serbie?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Ces personnes dont vous dites que ce sont des volontaires…
7 l'Unité de Gogic fait-elle partie de la Défense territoriale?
8 Réponse: Oui, l'Unité de Gogic… Pendant un certain temps, elle faisait
9 partie de la police de la Republika Srpska.
10 Question: Marko Pavlovic a été arrêté au mois de juillet. Mais outre cette
11 personne, y a-t-il eu d'autres personnes arrêtées à Zvornik?
12 Réponse: Oui. D'autres chefs d'unités ont été arrêtés: donc "Zuca" qui
13 avait une unité, Niski et son unité aussi, et certains autres.
14 Question: Qui était à la tête de cette unité de la police spéciale qui les
15 a arrêtés?
16 Réponse: Il s'appelait Milenko Krajisnik.
17 Question: Pourquoi ces personnes ont-elles été arrêtées?
18 Réponse: Parce que c'étaient des fauteurs de troubles en ville et qu'il
19 n'était plus possible de les maîtriser, de les contrôler.
20 Question: Veuillez examiner l'intercalaire 11 de la pièce de l'accusation
21 451. Reconnaissez-vous ce document? En quoi consiste-t-il?
22 Réponse: Oui, je le reconnais, c'est une facture. Le gouvernement
23 provisoire paie une certaine somme à une société de transport privé de
24 Sopot en Serbie pour le transport des volontaires.
25 Question: Est-ce qu'on voit, d'après le reçu ou cette facture, d'où ces
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1 personnes étaient transportées?
2 Réponse: Oui, ces personnes auraient été transportées de Belgrade à
3 Zvornik.
4 Question: Quel était le montant de la facture due à la société de
5 transport?
6 Réponse: On voit la somme ici de 80.000 dinars. Mais vous savez qu'il y
7 avait une inflation, je ne sais pas dans quelle mesure cette somme est
8 réaliste.
9 Question: Quelle serait la valeur équivalente de 80.000 dinars en marks
10 allemands?
11 Réponse: Personne n'est en mesure de le dire. Vous savez, il y avait une
12 inflation galopante, impossible de vous donner ce montant équivalent.
13 Question: Vous avez dit que Mme Plavsic s'était rendue à deux reprises à
14 Zvornik. A quel moment au cours du printemps 1992 a eu lieu cette seconde
15 visite?
16 Réponse: Deux ou trois après la prise de contrôle par les Serbes de
17 Zvornik.
18 Question: D'où venait-elle? De quel bâtiment plus précisément?
19 Réponse: Elle est venue dans le bâtiment "Alhos" où était logée la cellule
20 de crise. Il se fait que j'étais le seul présent; j'étais toujours en
21 pantoufles, impossible de sortir. Elle était accompagnée de la princesse
22 Jelisaveta Karadjordjevic.
23 Question: Que s'est-il passé au moment où ces personnes sont arrivées à
24 l'usine "Alhos"?
25 Réponse: On attendait l'arrivée de membres de la cellule de crise. Nous
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1 sommes partis déjeuner en attendant leur arrivée.
2 Question: Et est-ce que vous avez parlé pendant le déjeuner de ce qui
3 s'était passé, des événements qui s'étaient produits à Zvornik?
4 Réponse: Oui, je lui ai dit ce que je savais de la situation qui prévalait
5 à Zvornik une fois que les Serbes avaient pris le contrôle de Zvornik.
6 Elle nous a demandé dans quelle mesure nous avions appliqué le plan, quel
7 était notre degré d'organisation. C'était en principe, entre nous, un
8 simple échange d'informations.
9 Question: Vous a-t-elle donné des renseignements quant à ce qui se passait
10 dans d'autres municipalités de Bosnie?
11 Réponse: C'était une situation assez anarchique; on a parlé un peu de
12 tout, mais aucun sujet n'a été abordé à fond.
13 Question: Y a-t-il eu un moment où vous étiez toujours avec ces personnes,
14 mais où le commandant Pejic s'est joint à vous?
15 Réponse: Oui, nous sommes repartis en direction du quartier général. Je
16 l'ai raccompagnée jusqu'au bureau de la cellule de crise. Pejic et cette
17 personne se sont salués chaleureusement. Elle a organisé une réunion avec
18 une partie de la cellule de crise, moi je n'ai pas assisté à cette
19 réunion.
20 Question: Vous dites que les salutations entre ces deux personnes furent
21 assez chaleureuses. Pourriez-vous être plus précis?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Pourriez-vous nous dire comment ces personnes se sont saluées?
24 Témoin B-024 (interprétation): Eh bien, comme le voulait la tradition de
25 deux personnes qui se connaissent fort bien, elles se sont embrassées.
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1 M. Groome (interprétation): Je vais passer à un sujet tout à fait
2 différent. Le moment est peut-être venu...
3 M. le Président (interprétation): Tout à fait. Il faut penser aux
4 dispositions à prendre pour lundi. Vous aurez besoin de combien de temps
5 encore, Monsieur Groome, pour terminer l'interrogatoire principal de ce
6 témoin?
7 M. Groome (interprétation): 30 à 40 minutes, Monsieur le Président.
8 M. le Président (interprétation): Vous aurez eu en tout deux heures à peu
9 près. Vous savez, nous avons ce témoin qui va revenir. Est-ce qu'il faut
10 l'entendre d'abord? Qu'en pensez-vous? Avez-vous une idée précise?
11 M. Groome (interprétation): Non, je m'en remets à vous, Messieurs les
12 Juges.
13 (Les Juges se concertent sur le siège.)
14 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons d'abord entendre
15 M. de La Brosse pour le reste du contre-interrogatoire. Si je ne m'abuse,
16 cela devrait donner une heure et demie; ça représentera le premier volet
17 de la matinée. Ensuite, nous reprendrons la déposition du présent témoin.
18 Monsieur Milosevic, lundi matin, sous réserve d'imprévu, sachez que vous
19 allez d'abord terminer le contre-interrogatoire de M. de La Brosse, et
20 puis nous poursuivrons l'audition de ce témoin-ci.
21 Monsieur le Témoin B-024, veillez à être de retour à l'audience lundi
22 matin, nous espérons pouvoir terminer votre déposition.
23 Nous reprendrons lundi matin.
24 (L'audience est levée à 13 heures 50.)
25