Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 2 juin 2003

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Groome.

6 M. GROOME : [interprétation] Je pense qu'il reste une partie du contre-

7 interrogatoire à terminer.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez raison. Monsieur Milosevic,

9 vous avez la parole.

10 LE TÉMOIN : TÉMOIN B-1455 [Reprise]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [Suite]

13 Q. Monsieur le Témoin 1455, vous souvenez-vous de ce conflit à Zvornik et

14 vous souvenez-vous du fait qui avait commencé à la même époque de celui de

15 Foca d'après les renseignements que je dispose. Donc, le même jour que la

16 présidence de la Bosnie-Herzégovine a pris la décision de constituer une

17 Défense territoriale, un QG de celle-ci. Vous en souvenez-vous ?

18 R. Je ne me souviens pas de la décision de la présidence pour ce qui est

19 de la constitution d'une Défense territoriale mais, ce que je sais, ce que

20 j'ai entendu dire --

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Apparemment, il y a des problèmes, les

22 interprètes ne vous entendent pas. Veuillez recommencer en parlant aussi

23 lentement et aussi clairement que possible.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas entendu de décision pour ce qui

25 est de la création d'une Défense territoriale à Zvornik

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1 -- à savoir à Zvornik -- mais ce que j'ai entendu dire c'est que Zvornik a

2 été le 8 avril, j'ai appris par les médias et j'ai entendu parler de cela

3 comme je l'ai dit par les médias rien de plus.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Je ne parle de la Défense territoriale de Zvornik mais je parle d'une

6 décision de la présidence de la Bosnie-Herzégovine. Si vous vous en

7 souvenez, c'est une décision prise par -- sans les membres serbes de la

8 présidence. Il s'agissait de mettre sur pied un QG de la Défense

9 territoriale.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce qu'on n'a pas

11 déjà évoqué ce sujet à maintes reprises ? A quoi sert-il de poser cette

12 question à un témoin qui vient d'une municipalité précise ? A quoi sert-il

13 de lui demander qui à assister à la réunion de la présidence ? De cette

14 façon on perd du temps, rien d'autre. Passons à quelque chose que le témoin

15 peut aborder.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce qui se passe ce sont des choses qui se

17 passent dans un contexte que l'on ne saurait isoler par rapport aux autres

18 événements survenus en Bosnie-Herzégovine. Et dans plusieurs villes il y a

19 eu des conflits à ce moment-là en conséquence de la décision prise par

20 cette présidence sans la participation des Serbes, aussi lui posais-je une

21 question à savoir si il savait quoique ce soit à ce sujet.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons des témoins qui parlent de

23 toutes sortes de sujets dans un procès de ce genre. Et inévitablement il y

24 aura des témoins qui pourront parler de cette décision. Ce témoin-ci est

25 présent ici pour parler d'une municipalité précise et pas parler de

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1 politique en général. Pas parler de la politique qui a été appliquée en

2 Bosnie à l'époque. Limitez votre contre-interrogatoire à ce dont peut

3 parler ce témoin. Or, il ne peut parler que de cette municipalité. C'est

4 là-dessus qu'à porter sa déposition. Si vous lui posez des questions

5 politiques d'ordre général, ce n'est utile pour personne. C'est une pure

6 perte de temps. Passez à autre chose.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je comprends les efforts déployés

8 par la partie adverse. A savoir, de prendre des cas isolés, de les arracher

9 du contexte qui est de l'heure et de les placer dans une situation

10 déformée. Ça je le comprends fort bien, mais je vais ramener mes questions

11 aux événements de là-bas.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Monsieur, saviez-vous que la cause ou la raison principale des conflits

14 à Zvornik avaient été la mobilisation de la Police musulmane ordonnée par

15 le président de l'Assemblée musulmane ordonnée par Avdula Pasic et Nedzid

16 Sabic qui étaient commandant de cette brigade Podrinje de l'armée de

17 Bosnie-Herzégovine ?

18 R. Je suis au courant de la chose, j'en ai entendu parler de la bouche

19 d'autrui mais je ne pense pas qu'il était la cause des conflits survenus à

20 Zvornik. Je ne pense que ce soit la création d'une formation de ce genre.

21 Je n'en sais d'ailleurs rien, je vivais à 15 kilomètres de Zvornik. J'étais

22 un citoyen ordinaire qui luttait pour survivre et pour nourrir sa famille.

23 La politique ne m'intéressait du tout. Je n'ai même jamais été membre de

24 quelque parti politique que ce soit. Et alors, je ne suis pas au courant du

25 fait que la raison en a été précisément cela. Donc, je ne sais vous

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1 répondre du tout à cette question.

2 Q. Mais vous parler des événements survenus en fin mai, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Mais vous souvenez-vous du fait que vers la mi-avril, il y a eu une

5 attaque des Musulmans extrémistes -- des extrémistes musulmans sur la

6 municipalité de Rastosnica, dans votre municipalité où des habitants de ce

7 village sont morts. Cela c'est passé à plus d'un mois avant les événements

8 que vous avez décrits. Vous souvenez-vous de cette attaque sur le village

9 serbe de Rastosnica le 17 avril ?

10 R. Monsieur Misolevic, ce que j'ai dit c'est que ça n'avait absolument

11 rien à voir avec les motifs de ma présence ici. J'ai entendu parler de

12 cela, mais parce que j'ai eu des amis là-bas, mais si vous avez des

13 informations concernant l'attaque de forces musulmanes contre ce village

14 vous avez des informations, moi je n'en ai pas. Je sais que l'agression sur

15 Zvornik a commencé le 8 avril et je sais que dans un délai de 20 minutes,

16 Zvornik s'est retrouvé entre les mains de l'armée populaire yougoslave avec

17 les unités paramilitaires. En 20 minutes seulement donc, il n'y a pas eu de

18 résistance du tout. J'ai entendu parler de cette attaque, j'ai entendu

19 parler du village du Rastosnica mais, s'agissant d'une attaque sur ce

20 village et de morts éventuellement survenues, je n'en sais rien.

21 Q. Donc, mais si vous ne savez rien, comment savez-vous dire que la JNA

22 s'était attaqué à Zvornik alors que la JNA ne s'était pas attaqué à

23 Zvornik ?

24 R. Et bien, ceux qui ont défendu Kulagrad, le savent le mieux et ils

25 savent quelles sont les formations qui les ont attaqués et ils savaient --

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1 savent à qui ils avaient affaire. Et on sait quel est le drapeau que l'on a

2 hissé à Kulagrad. C'est ce que j'ai entendu dire de leur bouche.

3 Q. Fort bien, fort bien. Nous n'avons à traiter davantage de la question.

4 Mais puisque vous parlez de Kulagrad, je tiens à dire qu'à Kulagrad vous

5 n'ignorez pas que les combats s'y sont déroulés pendant vingt jours ?

6 R. Oui, je sais qu'à Kulagrad, les combats ont duré vingt jours et les

7 détonations, les tireurs ont tiré s'attaquant à Kulagrad pouvaient être

8 entendues dans notre village aussi. Et j'ai appris que Kulagrad est tombée

9 entre les mains de la partie adverse le 26 avril et c'est tout ce que j'ai

10 entendu.

11 Q. Mais savez-vous nous dire que les Pigeons des Mosquées unité

12 paramilitaire qui avait été constituée, avait mise en place des barrages

13 routiers sur les ponts de la Drina ?

14 R. Non, je ne suis pas au courant de barrages routiers de ce genre et je

15 n'ai pas entendu parler de cette unité. Comment avez-vous dit Pigeons des

16 Mosquées, l'interprète précise en traduction que ce sont les Pigeons des

17 Mosquées. C'est étrange, jamais, non --

18 Q. Mais puisque vous avez entendu parler d'événements de Kulagrad, savez-

19 vous nous dire comment les combats se sont déroulés pendant vingt jours ?

20 Il est arrivé des groupes armés de Kalesija et de Zivinice ? Vous souvenez-

21 vous de cela et vous souvenez-vous des commandants de ces unités ?

22 R. Monsieur Misolevic, je ne sais rien vous dire sur la façon dont les

23 combats se sont déroulés et qui était venu là-bas. Je ne suis ni militaire,

24 ni analyste militaire. Je n'ai pas vécu à proximité de Kulagrad. J'étais à

25 15 kilomètres de là. Donc, j'ai entendu parler de certaines choses de la

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1 bouche de certaines personnes mais je ne peux pas parler devant le

2 Tribunal, les juges de cette Chambre de choses dont j'ai entendu parler ou

3 de rumeurs. Cela devrait être des informations précises et comme je n'en ai

4 pas, je ne peux pas en parler.

5 Q. Bon, alors soyons précis concernant des choses que vous mentionnez dans

6 votre déposition préalable, déclaration préalable, page 3, paragraphe 3. Je

7 voudrais vous demander s'il est exact de dire que suite à la prise de la

8 ville de Zvornik par les forces serbes il n'y a pas eu d'incidents

9 particuliers de survenu ?

10 R. Lorsque les forces serbes se sont emparées de Zvornik, il y a eu des

11 combats de mener à Kulagrad, pendant vingt jours. Dans mon village à moi, à

12 Kostjerevo, et à proximité de Drinjaca, il n'y a pas eu d'incident du tout.

13 Je crois avoir précisé que -- qu'après le 29 avril, après la chute de

14 Kulagrad donc, trois jours après les unités de la JNA et les unités

15 paramilitaires sont arrivées à Drinjaca, ont saisi les armes qui se

16 trouvaient en possession de membres du groupe ethnique musulman de Bosnien,

17 et il n'y a pas eu d'incident jusqu'à la date du 30 mai, date à laquelle

18 ils sont arrivés et ils ont fait ce que j'ai déjà relaté à l'occasion de

19 l'audience précédente.

20 Q. Bon, mais à la même page, page 3 paragraphe 7, vous parlez du fait que

21 suite au 29 avril, plus personne n'allait au travail et que toute personne

22 essayant d'aller au travail, était tabassée et renvoyée chez elle. Cela

23 n'est pas exact, quand même ?

24 R. Réponse aussi, c'est exact, après le 29 avril lorsque l'on a saisi les

25 armes, un commandant Pavlovic qui a surveillé la confiscation de ces armes

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1 a délivré des attestations aux gens qui ont restitué leurs armes de chasse,

2 leurs armes légales. Bien sûr, pour les armes illicitement possédées, il

3 n'a pas délivré d'attestation, il avait dit que les armes allaient être

4 restituées une fois la situation apaisée. Il a dit que nous étions des

5 citoyens loyaux et que nous étions libres de retourner à nos postes de

6 travail, que nous avions la liberté d'aller dans les magasins pour faire

7 nos courses, et cetera.

8 Mais lorsque certaines personnes ont essayé de se rendre à Karakaj, étant

9 donné que la plupart de la population travaillait dans la zone industrielle

10 de Karakaj et moi j'ai travaillé à Belgrade, je ne suis pas allé là-bas.

11 Mais les gens là-bas au barrage routier avaient -- étaient mal menés, on

12 les faisait sortir des véhicules et ont les renvoyé chez eux. J'ai entendu

13 parler de la chose, ce qui fait que plus personne n'avait osé retourner au

14 travail.

15 Q. Vous dites, que renvoyer au barrage routier, mais vous avez parlé de

16 passage à tabac ?

17 R. Oui, on les ramenait au barrage routier, il y en a eu qui ont été

18 battu, d'autres qui ont été juste injuriés, sans être battus, au niveau de

19 ces barrages routiers.

20 Q. Pouvez-vous nous donner le nom et le prénom d'une personne au moins,

21 qui aurait été passée à tabac ?

22 R. Je ne peux pas vous donner cet exemple parce que je ne m'en souviens

23 pas. Je sais que mon frère avait été renvoyé au niveau d'un barrage

24 routier. Ils ne l'ont pas battu, mais ils l'ont injurié. Alors, on lui a

25 dit de rentrer chez lui, qu'il n'y avait plus rien à faire pour lui et

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1 malheureusement, il n'est plus parmi les vivants de nos jours.

2 Q. Mais bon. Peut-être les gens ne sont-ils pas allés travailler en raison

3 d'appréhension, par peur de représailles de la part des Serbes pour ce que

4 les Musulmans avaient fait auparavant ?

5 R. Absolument pas, parce que dans mon village, comme je vous l'ai déjà

6 précisé, il n'a jamais eu d'incident, les gens ne redoutaient rien du tout,

7 ils n'étaient coupables de rien. Donc, ils pensaient retourner à leur poste

8 de travail comme on leur avait dit. Certains ont même réussi à parvenir,

9 jusqu'à leurs usines, mais les Serbes ne voulaient même pas leur dire

10 bonjour.

11 Alors, on leur demandait -- ils demandaient ce qui se passait et on leur

12 disait : "mais tu vois qu'on tire partout, on ne fait plus rien, il n'y a

13 pas de travail". Alors, les gens reprenaient leurs affaires et rentrer chez

14 eux.

15 Q. Savez-vous nous dire si dans ces circonstances dont vous venez de

16 parler que les gens ne pouvaient pas aller, mais que c'était paisible -- ne

17 pouvaient pas aller au travail, mais c'était paisible ? Mais ne savez-vous

18 pas que le 5 mai précisément, il y a eu une attaque de lancée par des

19 formations musulmanes armées sur le village de Boskovici, et il y a eu neuf

20 Serbes civils de tuer.

21 Alors pourquoi présentez-vous les choses en disant que vous étiez

22 paisiblement restés chez vous, que vous allez au travail ?

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin a répondu.

24 Non, laissez le témoin répondre. Monsieur le Témoin, savez-vous nous dire

25 quoi que ce soit au sujet de cette attaque -- cette prétendue attaque

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1 lancée contre le dit village, en date du 5 mai ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons été coupés de cette municipalité,

3 parce que Boskovici se trouve après pratiquement 30 kilomètres de mon

4 village. J'avais des camarades de classe qui venaient de ce village, mais à

5 ce moment-là je ne savais pas où les combats avaient lieu. Nous avons

6 continué à vivre ensemble avec les Serbes au village et il n'y a pas eu

7 d'incident. Nous avons restitué nos armes, celles qu'on avait, et jusqu'à

8 nous, il ne parvenait que fort peu d'information. Maintenant, pour ce qui

9 est du sud de la municipalité Zvornik, après la prise de Kulagrad et

10 d'autres villages, il nous parvenait pas de nouvelles de ce qui se passait

11 au-delà.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Mais avez-vous entendu parler du meurtre de ces neuf civils en date du 5

14 mai ?

15 R. Comment voulez-vous j'entende ? Comment voulez-vous que je sois au

16 courant de la chose, au courant du fait que on ait tué neuf civils ?

17 J'étais censé écouter la radio serbe de Zvornik, jusqu'à là c'était la

18 radio de Zvornik pour tous les citoyens. Mais c'était devenu la radio serbe

19 de Zvornik et dans cet état de guerre, les media étaient favorables à la

20 politique qui était conduite en ville. Je pouvais dire que telle chose se

21 serait passée, mais je ne peux pas l'affirmer, donc je ne veux pas --

22 comment voulez-vous que je raconte, que je sache ce qui s'est passé ?

23 Q. Oui, mais ça que je vous comprends, ça semble logique parce que moi, on

24 me dit que je devrais savoir forcément ce qui se passait dans un autre

25 état, alors que vous ne savez pas ce qui se passe dans la -- le village

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1 voisin.

2 Avez-vous entendu parler de Muminovic Semso, Spahic Dzemal, Hajrudin Mesic,

3 surnommé Labud et autres extrémistes musulmans qui ont tué des civils dans

4 les villages de la municipalité de Zvornik, vous souvenez-vous de ces gens-

5 là ?

6 R. J'ai entendu parler de ces noms, ce n'était pas des extrémistes,

7 Monsieur Milosevic. C'étaient des commandants des Défenses territoriales

8 sur leur territoire de municipalité respectif. Ils étaient en train de se

9 défendre contre les Serbes. Ils étaient attaqués. Ils ont été pilonnés tous

10 les jours. Ils avaient des femmes, des enfants, c'étaient des civils, donc

11 c'était des Défenses territoriales sur leur municipalité, ce n'étaient pas

12 des extrémistes. Ils ont donné tout ce qu'ils pouvaient donner pour la

13 liberté de la Bosnie-Herzégovine, je ne pense pas que vous puissiez les

14 qualifier d'extrémistes.

15 Q. Mais comment pensez-vous devoir qualifier, ceux qui le 9 mai, dans une

16 attaque sur Gornja Baljkovica ont tué 16 civils ?

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous a dit, Monsieur Milosevic, et

18 cette polémique était inutile. Il est inutile aussi de répéter cette

19 notion d'extrémiste. Le témoin a déjà répondu à votre question. Vous

20 pourrez présenter vos arguments en la matière en temps utile.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est précisément ce que je suis en train de

22 lui poser comme question.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Est-ce qu'il s'agira d'une défense de son peuple, de ses citoyens ?

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous a dit comment il qualifiait ces

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1 personnes. Vous avez posé une question au témoin à propos de ces gens, et

2 il vous a répondu. Inutile de polémiquer avec le témoin.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne fais pas ce que vous dites, si Monsieur

4 May, vous avez un groupe qui arrive dans un village serbe et tue seize

5 civils, est-ce que vous appelez cela légitime défense ?

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je le sais. Vous nous l'avez déjà dit,

7 mais en ce moment vous contre interrogez le témoin. Vous avez posé une

8 question à propos de certaines personnes que vous avez qualifiées d'une

9 certaine façon et il vous a répondu que vous aviez tort, en agissant de la

10 sorte. Inutile de poursuivre cette polémique.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis en train de parler d'attaques lancées

12 contre des villages serbes, Monsieur May. Je ne parle pas de la défense des

13 villages musulmans, mais je parle d'attaque contre, lancée contre des

14 villages serbes. Je parle de meurtres de dizaines de civils, je parle de

15 parle de villages incendiés.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Vous souvenez-vous qu'à partir du mois de mai 1992, il y a eu des

18 attaques contre le village de Rozanj et tous les Serbes de ce village ont

19 été, en fin de compte, chassés de là.

20 R. Monsieur Milosevic, vous êtes en train de poser à chaque fois des

21 questions qui n'ont rien à voir avec moi, qui a été coupé de tout cela

22 jusqu'au 15 juillet, date à laquelle en ma qualité de blesser, j'ai

23 traversé des territoires occupés, des villages musulmans incendiés. Je suis

24 arrivé à Tuzla. Ce n'est que là que j'ai pu recevoir des informations.

25 Mais je ne le considérais pas que ces informations devraient être prises en

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1 tant que tel ou considérées comme vrai si je n'avais pas assisté moi-même à

2 la chose. Je ne peux pas témoigner de choses qui se sont passées à 30

3 kilomètres de là où j'étais et où je n'ai pas pu mettre le pied.

4 Je ne pourrais pas m'entretenir avec vous de tout cela. Bon nombre de

5 personnes savent parler de la façon dont ont brûlé les villages musulmans.

6 On a parlé des femmes et des jeunes filles violées. On a parlé de

7 vieillards et de jeunes hommes qui ont été tués. Et, pourquoi voulez-vous

8 que je perde mon temps avec vous sur ces questions-là ? Je crois que tout à

9 chacun doit répondre devant ce Tribunal quelque soit le groupe ethnique qui

10 serait le sien en Bosnie-Herzégovine. Toutes personnes ayant perpétré des

11 crimes doivent se repentir et avouer qu'ils l'ont fait quelque soit leur

12 appartenance même si c'est des Bosniaques. Les Bosniaques qui ont commis

13 des crimes doivent certainement répondre de ces crimes. Je suis favorable

14 à ce fait.

15 Q. Toutes personnes ayant commis un crime doit en répondre. Je suis

16 d'accord avec vous, et doivent répondre de leurs crimes devant les

17 Tribunaux légaux. Mais vous êtes en train de parler d'événements dans les

18 circonstances que nous essayons de circonscrire.

19 L'incident survenu entre des personnes qui de part et d'autres ont perdu

20 des membres de leurs familles respectives. Alors, vous dites que le 30 mai

21 1992, à Drinjaca, là l'événement dont vous avez parlé, des membres d'unités

22 paramilitaires et des soldats de la JNA, vous auraient frappé, vous

23 auraient donné l'ordre d'aller devant la maison de Ziad Alic qui se trouve

24 au centre du village où l'on aurait arrêté la plupart des villageois. Vous

25 aussi on vous aurait donc battu, injurié, offensé et vous précisez qu'ils

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1 n'avaient pas porté d'insignes du tout. Est-ce qu'il est clair que cela ne

2 pouvait certainement pas être des soldats de la JNA ? La JNA avait des

3 insignes qui étaient aisément repérables sur les manches, sur les épaules,

4 au niveau des épaulettes.

5 Donc, serait-il exact de dire qu'en fait, vous ne pouvez pas le confirmer ?

6 Vous ne pouvez pas affirmer qu'il y ait eu là des membres de la JNA.

7 R. Je puis le confirmer qu'ils étaient là-bas. Moi aussi j'ai été membre

8 de la JNA. Je sais très bien qu'elles sont les uniformes portés par celles-

9 ci. Sur les uniformes de la JNA, alors que j'étais à l'armée, nous avions

10 une troisième branche sur notre couvre-chef. Ce jour-là, ils avaient mis

11 leur couvre-chef dans leurs poches ou ailleurs. Ils n'avaient pas leur

12 couvre-chef sur les têtes. Ils avaient à 100% des uniformes verts olive de

13 l'armée populaire yougoslave. Ils y avaient encore quelques personnes en

14 uniforme de camouflage qui fait que c'est ce qui me fait affirmer que

15 c'était ceux-là qui se trouvaient là.

16 Q. Mais ne savez-vous pas que tous au niveau de la Défense territoriale de

17 Triglav à Djevdjelija, de Slovénie à la Macédoine, ils portaient tous les

18 mêmes uniformes de la JNA. En quoi, voyez-vous des différences entre les

19 uns et les autres ?

20 R. Pouvez-vous reprendre votre question ?

21 Q. Vous avez parlé d'uniformes de la JNA. Or, toute la Défense

22 territoriale tant en Slovénie, en Bosnie, en Croatie, en Macédoine, au

23 Monténégro, en Serbie, partout, ils portaient des uniformes qui étaient

24 analogues à ceux de l'armée populaire yougoslave de la JNA. Et vous dites

25 vous-même qu'ils n'avaient pas porté d'insignes.

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1 R. J'ai dit que l'armée populaire yougoslave où j'ai fait mon service

2 portait une étoile à cinq branches sur le couvre-chef. Mais, nous n'avions

3 pas d'insignes sur les épaulettes, aucun insigne. Donc, les gens avaient

4 enlevé leur couvre-chef, personne n'avait de couvre-chef sur la tête. Ils

5 avaient -- ils y en avaient qui portaient des couvre-chefs noirs.

6 Q. Mais vous avez fait votre service tout comme moi. Vous savez que vous

7 deviez forcément portés un couvre-chef avec des insignes qui étaient les

8 vôtres dans la JNA. C'était le règlement de service. Vous n'avez pas le

9 droit d'enlever votre couvre-chef exact. Ça faisait partie de l'uniforme

10 que vous étiez sensé porter.

11 R. Moi, j'ai fait mon service en temps de paix. J'ai fait mon service dans

12 l'armée populaire yougoslave. Je sais où l'on pouvait enlever son couvre-

13 chef et on ne pouvait pas le faire. Mais en condition de guerre, est-ce que

14 cela devait continuer être en vigueur pour le soldat alors que l'on tirait

15 de toutes parts et que l'on pouvait se faire tuer ? Je crois qu'ils avaient

16 pris certaines libertés qu'ils n'auraient pas pu prendre autrement.

17 Q. Mais qu'est-ce qui vous a fait conclure que c'était là des membres de

18 la JNA ?

19 R. Je l'ai dit. Ils portaient des uniformes de la JNA verts olive depuis

20 les bottes jusqu'à la chemise.

21 Q. Je ne vous poserai pas davantage de questions à ce sujet parce que cela

22 ne mène à rien. En quoi, voyez-vous une différence entre cet uniforme-là et

23 l'uniforme de la Défense territoriale. Indiquez-moi une différence au

24 moins. Ne serait-ce qu'une seule ?

25 R. Et bien, ce qui fait la différence.

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1 Q. La JNA et la Défense territoriale, pourquoi elles sont différentes.

2 R. Moi, je ne vois pas de différence.

3 Q. Mais, c'est bien ce que je vous dis.

4 R. Et bien, la JNA, la Défense territoriale portaient tous l'uniforme gris

5 vert olive.

6 Q. Dites-moi, ils vous ont emmené au centre de Drinjaca, la maison de la

7 culture. Et, vous dites avoir vu à la maison de la culture, vos voisins

8 armés en uniforme de la JNA. Vous avez même donné certains noms. Puisque

9 vous avez donné des numéros, je peux vous préciser à quels noms, je pense.

10 Ceci se trouve à la page 4, au paragraphe 9 et 10. Est-ce bien exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Et, vous avez vu vos voisins en arme.

13 R. J'ai vu quelques uns des mes voisins qui étaient armés, qui étaient en

14 uniforme des forces de réserve de la JNA. Et, certains portaient soient le

15 pantalon ou un autre vêtement qui n'était pas en rapport avec l'uniforme.

16 Mais j'ai vu certains de mes voisins en uniforme de la JNA. Sans doute,

17 ont-ils reçu cet uniforme et sans doute qu'ils les aidaient à rassembler

18 toutes ces personnes parce que ces soldats n'auraient pas pu connaître

19 notre village aussi bien que nos voisins. Ces soldats ne connaissaient pas

20 l'appartenance ethnique pour ainsi dire de ces hommes. Mes voisins

21 vivaient à 200 mètres de chez moi.

22 Q. Mais c'est précisément ce que vous dites. Ils portaient l'uniforme qui

23 autrefois était celui de la JNA. Mais, est-ce que ce n'est pas là un indice

24 très clair du fait qu'ils n'appartenaient pas à la JNA ?

25 R. Je vous dis ceci. Ils y avaient beaucoup d'effectifs de réserves de la

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1 JNA qui portaient le même uniforme gris vert olive. C'était vrai de mes

2 voisins qui avaient été recrutés dans les forces de réserves. Ils avaient

3 tous été mobilisés, la plupart d'entre eux portaient cet uniforme-là.

4 Q. Dans le cadre de la Défense territoriale, il y a aussi dans l'armée de

5 la Republika Srpska, si j'ai bien compris. Puis vous avez dit qu'un

6 officier était entré dans la maison de la culture et avait donné l'ordre

7 aux femmes et aux enfants de partir. Ils vous avaient dit de ne pas avoir

8 peur puisque vous n'avez dit et rien fait et si c'était le cas, vous iriez

9 en Zenica. Vous avez ajouté que cet homme était en uniforme d'officier.

10 C'était, avez-vous dit, un lieutenant ? Vous avez fait votre service

11 militaire, vous connaissez donc les grades et peut-être cet homme s'est-il

12 présenté en indiquant son grade celui de lieutenant ? Vous avez précisé

13 qu'il avait des cheveux bouclés, bruns, qu'il portait cet uniforme

14 d'officier, qu'il avait une quarantaine d'année à l'époque, c'est ce que

15 vous avez déclaré dans votre déclaration préalable.

16 Monsieur le Témoin B-1455, est-ce que vous comprenez que dans la JNA, il

17 n'y a pas de lieutenant qui aurait 40 ans ? Cela ça pouvait se produire que

18 dans la Défense territoriale dans ses directives de réserve, mais si un

19 homme à 40 ans était lieutenant, en fait, il aurait dû être là pendant 15

20 ans pour avoir ce grade.

21 A l'âge de 40 ans --

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je crois qu'il faut terminer ce discours

23 pour poser une question, Monsieur Milosevic. Je vous rappelle d'ailleurs,

24 qu'il vous reste une vingtaine de minutes. Ne perdez pas trop de temps.

25 Laissez le temps au témoin de répondre.

Page 21447

1 Monsieur le Témoin, il vous est dit que cet homme à l'âge de 40 ans était

2 trop âgé pour être lieutenant. S'il avait été dans la JNA, il n'aurait pas

3 eu cet âge en tant que lieutenant. Avez-vous un commentaire à faire à ce

4 propos ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déclaré que c'était l'apparence qu'il

6 avait. Moi, quand je vois l'apparence de quelqu'un, pour la déterminer, je

7 dois le regarder et voir son visage. Je me suis dit qu'il avait une petite

8 quarantaine, entre 35 ou 40 ans. En tout cas, c'est l'impression qu'il m'a

9 fait.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Fort bien. Etes-vous sûr qu'il n'était officier, que ce n'était pas un

12 officier de l'armée de la Republika Srpska ou d'une autre formation qui se

13 trouvait sur place ? En êtes-vous sûr ou pas ?

14 R. Je ne savais même pas à l'époque, qu'il existait une armée dans la

15 Republika Srpska.

16 Q. Bon. Est-il exact de dire que c'est précisément cet homme qui était

17 apparu à -- que cet homme était à l'hôpital de Zvornik ? Ceci a été montré

18 à la télévision. C'est bien la page 5 et il a montré un homme qui avait été

19 tué qui se trouvait dans une baignoire remplie de sang. Est-ce bien ce

20 qu'il a dit qui aurait fait d'après lui par les Musulmans ?

21 R. Oui. Ceci a été montré à la télévision. Je n'essaie pas de le nier,

22 mais ça c'était deux ou trois jours plus tard. Il a parlé de cela. Il a dit

23 que les Musulmans avaient tué cet homme quelque part. Mais, puis il y avait

24 aussi une explication. On disait que c'était "Branko Studen", lieutenant de

25 l'unité de la garniture de Zvornik.

Page 21448

1 Q. Vous dites Lieutenant de l'unité à Zvornik ?

2 R. La garnison de Zvornik.

3 Q. Et ça s'est passé quand ?

4 R. Deux ou trois jours. Je pense après les exécutions de Drinjaca.

5 Q. Je suppose qu'on était déjà au mois de juin ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous le savez à l'époque, il n'y avait pas de présence de la JNA sur le

8 territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

9 R. Je ne sais pas à quel moment la JNA est partie ou si elle est partie,

10 ça ne m'intéressait pas. Bien sûr, je faisais parti de l'armée. J'étais

11 handicapé. Les gens me protégeaient dans mon pays parce que j'étais un

12 survivant à une exécution en masse.

13 Je ne sais donc pas à quel moment la JNA a quitté la Bosnie-Herzégovine.

14 D'après les informations que vous venez de me donner, je ne sais pas si la

15 JNA a quitté ce territoire. Impossible de faire le moindre commentaire.

16 Q. Fort bien. Revenons à ce groupe de six hommes dont vous avez parlé.

17 Est-ce qu'il est apparu du moins clairement pour eux -- que eux ne

18 faisaient pas parti de la JNA ?

19 R. Et bien, à un juger par leur uniforme, je n'ai pas pu déterminer s'il

20 faisait parti de la JNA. D'après tout ce qu'ils portaient, à commencer par

21 l'uniforme et puis lorsque j'ai vu ce que des hommes de ce genre avaient

22 fait à Bijeljina. J'ai vu tout cela à la télévision. Ils avaient

23 l'apparence d'hommes d'Arkan, mais, je n'étais pas sûr. C'était peut-être

24 simplement l'image qu'ils essayaient de véhiculer en portant ce genre

25 d'uniformes. Car, à l'époque, Arkan était très célèbre en Bosnie.

Page 21449

1 Q. Ce n'était pas des membres de la JNA et vous n'êtes pas en mesure de

2 dire avec certitude, non plus, que c'était des hommes d'Arkan. Ils

3 portaient des -- ils arboraient des insignes, des écussons ?

4 R. Je n'en ai pas vu. Mais, j'ai fort bien décrit ces uniformes. Mais de

5 toute façon, qui pourrait me le dire ? Les gens ne diraient pas voilà nous

6 sommes des membres des unités d'Arkan. Nous sommes des tueurs. Nous semons

7 la terreur et ce genre de chose. Personne ne va se lever et affirmer ce

8 genre de chose et j'ai fais mes observations, j'ai tiré mes conclusions.

9 Mais, si je ne peux pas me prononcer quant à l'appartenance de ces hommes à

10 la JNA ou aux unités d'Arkan, est-ce que je peux dire qu'il y avait des

11 forces spéciales et qui portaient ce genre d'uniformes que portaient les

12 hommes d'Arkan ?

13 Q. Nous avons ici, plusieurs témoins qui ont dit que c'était des membres

14 de la Garde des volontaires serbes, l'unité de Zeljko Raznjatovic et que

15 c'était qu'ils portaient des insignes très claires. Vous n'avez pas vu

16 d'insignes ?

17 R. Monsieur Milosevic, si on dit de baisser la tête, de la placer entre

18 vos genoux pendant quinze minutes et puis si on vous donne une minute ou

19 deux pour relever la tête et regarder, est-ce vous le temps de voir ?

20 J'étais à ce point terrorisé que j'avais peur de les regarder en face.

21 J'avais peur qu'il ne me rude de coups, comme il l'avait fait pour les

22 autres personnes, ces 25 hommes qui étaient à ce point endommagé qu'il

23 aurait été impossible de faire le moindre mouvement. Ces hommes sont aidés

24 -- se sont évanouis. Les hommes les ont fait relever pour les passer de

25 nouveau un tabac. Les hommes pleuraient et criaient comme des enfants.

Page 21450

1 Q. Je peux bien comprendre que vous n'avez pas établi tout ceci, mais vous

2 avez pu voir que le commandant était barbu, portait la moustache et ce

3 genre de chose et je suppose que vous saviez que les gardes n'étaient pas

4 autorisés à porter la barbe. Ils devaient être rasés de près. On vous avait

5 dit que cet homme était barbu ?

6 R. Je ne sais qu'elles étaient les règles qui étaient de vigueur dans

7 cette unité. Je ne sais pas s'ils étaient autorisés de porter la barbe.

8 Mais comme celui qui nous a le plus tabassé, commis le plus d'exactions,

9 c'est bien sûr de lui qu'on avait le plus peur. Alors, on le tenait un peu

10 à l'œil. Maintenant, je ne sais pas si le règlement permet la barbe ou pas.

11 Q. Et vous dites qu'après, un groupe de soldats fait éruption et que ces

12 hommes portaient le signe de l'aigle blanc sur les couvre-chefs aussi. Ils

13 portaient la cocarde. Et savez-vous que c'était pas tellement protolagé(ph)

14 là non plus. Est-ce que vous comprenez cela ?

15 R. Oui. Cela je le comprends. Mais n'oubliez pas que j'ai dit qu'il y

16 avait là, une unité de la JNA et que si les autres hommes que j'ai vu

17 étaient aussi sur place et puis il y a eu une autre unité qui est arrivé en

18 uniforme de Chetnik. Sur certains de ces uniformes, j'ai vu une espèce

19 d'aigle. Je n'ai pas pu voir tous les soldats, mais j'ai quand même vu la

20 cocarde qu'ils arboraient aux couvre-chefs.

21 Il est certain que des hommes de ce genre n'étaient pas des membres de la

22 JNA. On s'avait bien qui s'était mais j'ai précisé qu'il y avait des unités

23 de soldats qui n'étaient pas barbus, qui portaient l'uniforme vert olive de

24 pied en cap à l'exception du couvre-chef, bien sûr. C'était là la seule

25 différence.

Page 21451

1 Q. Fort bien. Nous avons déjà tiré ceci au clair. Vous dites que votre

2 tour est arrivé et comme vous l'avez dit que les Chetniks vous avaient roué

3 de coups, de crosse de fusils, que cinq d'entre eux avaient ouvert le feu

4 sur vous et vous aviez été touché, que vous aviez reçu une balle à la

5 hanche gauche. Est-ce bien exact ?

6 R. Et bien j'étais assis --

7 Q. Je vous demandais simplement si ce récit que vous aviez fait était

8 exact ?

9 R. Oui. Ces Chetniks -- oui, oui, c'était des Chetniks. Je les ai vus,

10 bien sûr. C'était des Chetniks. Ils nous ont battu à coups de crosse de

11 fusils. Ils nous ont fait sortir et puis ils nous ont emmenés. Ils ont dit

12 qu'ils allaient nous emmener là où nous allions être exécutés. Ils nous ont

13 tirés dessus. Ces personnes étaient alignées et ils y en avaient qui

14 n'avaient pas de couvre-chefs. Je ne sais pas. Je les ai vu en l'espace de

15 quelques secondes pour le peu que j'ai pu voir et ils ont tiré sur moi. Ils

16 m'ont touché --

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Essayez d'être plus bref. Nous avons peu

18 de temps. N'oubliez pas non plus de tenir un œil sur le micro de l'accusé.

19 C'est seulement au moment où le micro est débranché que vous pouvez

20 répondre.

21 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Fort bien. Ceci est établi, n'est-ce pas ? Vous avez été touché à la

24 hanche gauche et puis vous avez dit que ces hommes avaient constaté que

25 vous étiez toujours en vie et que vous avez tiré une rafale de coups et que

Page 21452

1 vous aviez été touché à l'omoplate droite. Quelle était la distance qui

2 vous séparait de l'homme qui avait tiré sur vous ?

3 R. Oui, j'ai été touché à la hanche gauche, la balle m'a traversé le corps.

4 Je me suis effondré et eux ont commencé à passer autour de chacun pour voir

5 s'il y en avait encore qui étaient en vie. Un d'entre eux m'a donné un coup

6 dans le dos -- un coup de pied dans le dos et m'a celui-ci -- on dirait

7 qu'il était encore en vie. L'autre lui a répondu : " Mais qu'est-ce que tu

8 attends ?". Il m'ont tiré dessus dans le dos. Il y avait 11 orifices

9 provoqués par les armes depuis mon aisselle jusqu'à ce côté-ci de mon

10 corps. Il y en a un qui m'a touché une omoplate et la balle est sortie par

11 le ventre.

12 Q. S'ils vous tiraient dessus alors qu'ils étaient à un mètre de distance

13 de vous et vous dites que vous avez été blessé à l'épaule et qu'il y avait

14 11 orifices de balle dans vos vêtements, c'est ça ?

15 R. Oui.

16 Q. Puis, vous dites que vous vous êtes relevé, que vous êtes mis à courir

17 en direction de votre village, que vous avez entendu plusieurs rafales à

18 Drinjaca, et vous étiez convaincu que tous les Musulmans se trouvant à la

19 maison de la culture avaient été tués.

20 Expliquez-moi ceci : vous avez été blessé de la façon que vous avez

21 décrite, touché à la hanche, ils vous tirent une deuxième, vous dites que

22 vous êtes blessé à l'épaule. Comment pouvez-vous vous échapper tout d'abord

23 sans être vu si ces hommes ont poursuivi -- poursuivi cette tuerie, comme

24 vous l'avez dit, dans la maison de la culture ? Comment avez-vous réussi à

25 vous échapper ?

Page 21453

1 R. Eh bien, c'est le destin qui m'a sauvé. C'est ce qui devait se passer

2 lorsqu'ils m'ont tiré dans le dos. Ils ont dit qu'ils étaient à cours de

3 munitions, qu'il y avait plusieurs caisses de munitions à l'intérieur de la

4 maison mais, manifestement, c'est le destin qui m'a sauvé. Je ne sais pas

5 vous expliquer comment, c'est très difficile de vous l'expliquer. Mais, je

6 vous le répète la situation était telle que c'était sans doute mon destin

7 qui s'est prononcé, j'ai réussi à m'échapper. Ils sont allés chercher des

8 munitions. C'est comme ça que ça s'est passé.

9 Q. Vous avez été blessé à la hanche et puis vous avez été grièvement

10 blessé, avez-vous dit, à l'épaule. Pourtant, vous avez réussi à partir en

11 courant pour vous échapper.

12 R. Oui, mais je tenais le -- mon bras contre mon corps et finalement la

13 première balle ne m'a pas touché à l'os. Cette balle a traversé mes

14 muscles. Donc, je n'ai pas été touché à l'os. Si j'avais été touché à l'os,

15 je n'aurais pas pu me sauver en courant.

16 Q. Bon, les gens qui se trouvaient à la maison de la culture de Drinjaca,

17 vous mis à part, nous allons vous laisser de côté pour le moment. Vous

18 dites que vous n'aviez pas d'arme, que vous n'étiez pas du tout activiste.

19 Est-ce que ces hommes, qui se trouvaient à l'intérieur de la maison de la

20 culture, auraient pu être des Musulmans -- des soldats musulmans faits

21 prisonniers au moment de cette attaque déclenchée entre ces villages ? Est-

22 ce cela quelque chose ou pas ?

23 R. Bonne question que celle-là, parce que on parle là d'attaques par des

24 forces musulmanes.

25 Q. Je vous ai demandé si c'était peut-être des soldats musulmans qui

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1 avaient été arrêtés ?

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin, ne vous mettez pas en

3 colère, ça ne sert à rien. Essayez de répondre simplement à la question. Je

4 vous la répète : Y avait-il des soldats musulmans à l'intérieur de la

5 maison de la culture ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas du tout. C'était tous des civils. Certains

7 d'entre eux avaient des armes mais ils les ont données ce qui a fait d'eux

8 des civils.

9 M. MILOSEVIC :

10 Q. Ont été exécutés.

11 Vous venez de le dire, nous avons ce qu'a dit la -- l'agence de recherche

12 pour la Bosnie-Herzégovine, vous dites au moment que vous avez quitté la

13 salle, vous avez vu 50 Chetniks qui braquaient leurs armes sur vous.

14 Osmanvic Mehmed a crié : "Échappons-nous, sinon nous allons tous être

15 tués". vous vous êtes à courir dans tous les sens et les hommes ont

16 commencé à tirer sur vous. Il s'agit de la page 00444845, paragraphe 3.

17 C'est le procès verbal dressé le 2 novembre 1996. Là, vous dites dans cette

18 déclaration : on vous fait sortir en groupe du bâtiment de la maison de la

19 culture pour vous envoyer là où ils voulaient vous envoyer, puis ce Mehmed

20 Osmanvic dit : "Sauvons-nous, sinon nous nous allons être abattus.". Vous

21 commencez à vous disperser, eux se mettent à courir et certaines personnes

22 ont été tuées. Est-ce comme ça que ça s'est passé ?

23 R. Je dois apporter des précisions. Lorsque nous nous sommes trouvés à

24 deux ou trois mètres, lorsque nous avons vu les soldats qui étaient alignés

25 pour tirer sur nous, c'est à ce moment-là que cet homme nous a dit de

Page 21455

1 partir en courant. Mais parallèlement, ils ont donné l'ordre aux soldats de

2 tirer et c'est à ce moment-là que nous avons été abattus. A cette heure-là,

3 je ne sais pas si quelqu'un a réussi à s'échapper. Ce que je sais c'est que

4 les hommes qui se trouaient dans le même groupe que moi ont été sortis de

5 la fosse commune, ont été identifiés, ont été inhumés pas la suite

6 correctement.

7 Lorsque moi je suis sorti de cet endroit quelques secondes plus tard, j'ai

8 vu des tas de corps empilés à quelque six ou sept mètres de l'endroit où il

9 y avait eu ces exécutions massives. J'ai peine à croire que qui que soit

10 aurait réussi à partir en courant parce que sinon ils auraient tiré sur ces

11 personnes aussitôt.

12 Q. Mais ils ont commencé au moment où vous vous êtes mis à courir ou est-

13 ce que -- qu'ils ont tiré. Là je lis votre déclaration, Monsieur le Témoin,

14 et j'essaie d'établir les faits parce que ce que vous dites ne s'est pas

15 passé, je n'ai pas le moindre élément de preuves --

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Recommençons si vous le voulez bien. Où

17 sommes-nous, à quelle page de cette déclaration nous trouvons-nous ? De

18 cette façon, le témoin pourra peut-être comprendre votre question. Je ne

19 sais pas si quelqu'un peut me donner le numéro du paragraphe. Je ne trouve

20 pas la référence qui aurait été faite à savoir que cet homme dit :

21 "Échappons-nous, sauvons-nous".

22 Ceci ce trouve à quelle page, la déclaration, Monsieur Milosevic ?

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, c'est à la page 00444845, paragraphe 3.

24 Procès verbal du 2 novembre 1996.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Apparemment, l'accusé fait référence à

Page 21456

1 notre document, n'est-ce pas ?

2 M. GROOME : [interprétation] Oui, c'est une déclaration donnée par le

3 témoin aux autorités de Bosnie, et nous essayons d'obtenir une copie.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien, ne perdons plus de temps.

5 Quelle était la question précise que vous vouliez poser, Monsieur

6 Milosevic ?

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Et bien, ce témoin dit qu'au moment où ils sont sortis de la salle, je

9 le cite : J'ai vu une cinquantaine de Chetniks, le fusil braqué sur nous et

10 cet homme Mehmed Osmanvic a dit : "Sauvons-nous en courant sinon on va tous

11 être tués".

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Cernons les problèmes. Monsieur le

13 Témoin, est-ce que ce Mehmed Osmanvic a -- vous a crié cette chose-là,

14 comme l'accusé l'a dit ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il a lancé cette remarque mais pas au

16 moment où nous avons quitté la salle, pas comme l'accusé l'a dit. C'est

17 plutôt à deux ou trois mètres du lieu de l'exécution. Et c'est vrai que ces

18 soldats se trouvaient là dans le nombre que j'ai indiqué. Ils étaient un

19 peu en contre bas de la maison de la culture et lorsque nous nous sommes

20 trouvés à deux ou trois mètres de ces soldats et -- on a vu les victimes et

21 cet homme savait que la même chose allait nous arriver. C'est pour ça qu'il

22 nous a dit : "Mettons-nous à couvert sinon on est foutu". Et personne n'a

23 pu courir parce qu'il y a eu des rafales de tirs, tirés par des soldats qui

24 étaient à six ou sept mètres de nous. Mais pas au moment où nous avons

25 quitté la salle. Je vous ai relaté les faits précis et je ne veux plus en

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1 dire davantage parce qu'il peut être trouvé par l'accusé et je dis qu'on

2 était à deux ou trois mètres du lieu d'exécution et ces hommes, ces soldats

3 se sont mis à tirer tout de suite.

4 Que quelqu'un ait essayé de partir en courant ou pas, je ne sais pas. Je

5 sais que nous avons été abattu. Je suis tombé directement parce que nous

6 étions tous la cible de ces tirs et je vous rappelle que tous ces hommes

7 ont été retrouvés dans la fosse commune. Ils ont été tués sur place. Ils

8 n'ont pas eu le temps de se sauver.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que de toute façon le temps qui

10 vous avait été appartis est dépassé. Vous avez quand même la possibilité de

11 poser une ou deux questions.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Nous vérifierons ces faits en temps utile mais je vais vous demander

14 ceci : Puisque apparemment le déroulement des événements est entouré de

15 beaucoup de confusion, est-ce ceci aurait pu être un acte de représailles

16 de la part des habitants des villages environnants du fait des crimes qui

17 auraient été commis auparavant parce qu'il est impossible que quelqu'un ait

18 vraiment donné l'ordre d'exécuter de façon organisée tous ces civils ?

19 J'essaie vraiment d'établir ce qui s'est passé, Monsieur le Témoin.

20 R. Disons ceci. Moi, je n'ai pas vu un seul de mes voisins. Un seul de mes

21 voisins qui se serait livré physiquement à des exactions contre des

22 personnes ou qui aurait tiré, abattu qui que ce soit. Je ne pense donc pas

23 que c'était là un acte de représailles. Je dis que dans ma région, les

24 rapports entre citoyens étaient tellement bons, qu'il était difficile

25 d'imaginer de meilleurs rapports ou que ce soit en Bosnie-Herzégovine. Le

Page 21458

1 rapport était excellent. Je rejette cette idée que s'aurait été un acte de

2 vengeance. L'idée s'était de tuer tous les Musulmans, de transférer les

3 femmes et les enfants à Tuzla, de détruire leurs maisons, et d'effacer

4 toutes traces de leur présence.

5 Q. Vous nous dites que vous êtes resté dans la maison d'un Serbe et

6 ensuite vous êtes allé jusqu'à Mijatovo où vous avez trouvé une vingtaine

7 de Serbes qui portaient l'uniforme de l'ex-JNA, les gens qui étaient

8 armés ?

9 R. Oui.

10 Q. Donc, vous avez rencontré vingt Serbes de ce village qui n'était pas

11 membres de la JNA, j'imagine ?

12 R. Oui, mais ils portaient ce type d'uniforme et puis Radovan Mladjenovic

13 était là, qui était à Drinjaca ce jour-là. Il était dans la grande salle du

14 centre culturel. Je l'ai vu avec les membres de l'autre groupe. Vous dire

15 s'il s'agissait de voisins, vous dire s'il s'agissait de membres de la JNA,

16 des forces de réserves. Je ne peux pas vous le dire. Je ne veux pas entrer

17 dans la discussion que vous essayez de m'entraîner. Tout ce que je peux

18 vous dire, c'est qu'ils portaient des uniformes verts olive.

19

20 Q. Oui. J'ai bien compris, vous nous dites que vous leur avez expliqué ce

21 qui vous était arrivé et qu'ils ont été scandalisés. Vous leur avez dit que

22 des gens avaient été tués. C'est bien ça, n'est-ce pas ? C'est ce que vous

23 affirmé et qu'ils vous ont donné à manger. Ils vous ont apporté des soins,

24 n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 21459

1 Q. Et s'ils ont été scandalisés par ce qui vous était arrivé, s'ils vous

2 ont soigné, s'ils vous ont donné à manger, est-ce qu'à ce moment-là vous

3 diriez qu'ils ont participé à ces événements puisque vous dites qu'ils

4 étaient avec quelqu'un qui était dans le hall avec eux ?

5 R. Oui. Il y avait Radovan Mladjenonic qui était quelqu'un avec qui

6 j'étais allé à l'école et qui était -- et qui avait été un de mes meilleurs

7 amis d'enfance jusqu'aujourd'hui service et jusqu'à la guerre. Il était

8 dans cette grande salle et il est parti juste au moment où ces hommes sont

9 partis faire ce que l'on sait. Et il m'a dit que : "Il était désolé de ce

10 qui m'était arrivé, dans l'état dans lequel je me trouvais, mais je suis

11 parti avant tout ça." Bien entendu qu'ils m'ont donné à manger. Je leur en

12 suis reconnaissant. Ils m'ont soigné aussi. Mais, j'ai fini par payer un

13 prix très cher pour tout cela.

14 Q. Il faut que je me détache, car bientôt on va interrompre mon contre-

15 interrogatoire. Vous dites que Milan Ignjatovic s'est approché de vous et

16 s'est assis à vos côtés. Il vous a dit : "N'ait pas peur, je vais t'emmener

17 à Paljevici", et un kilomètre avant Paljevici il vous -- il a braqué votre

18 arme dans votre dos. C'est ce que vous avez dit. Vous avez entendu cela.

19 Vous avez commencé à tirer. Il a ouvert le feu. Il était à un mètre de

20 vous. Il est clair qu'il n'avait pas l'intention de vous tuer dans ces

21 conditions.

22 R. Ecoutez. Je vais vous dire une chose. Il m'a effectivement accompagné,

23 mais, j'étais toujours deux ou trois pas avant lui et effectivement, il

24 portait un fusil. Il m'a dit qu'il allait m'emmener jusqu'au village

25 musulman de Paljevici qui n'avait pas encore été occupé. Et comme nous

Page 21460

1 sommes arrivés à un kilomètre de ce village, on se trouvait dans les

2 champs. Je marchais, je regardais vers le village devant moi. Il s'est

3 arrêté. Il était environ sept ou huit mètres derrière moi. Il a armé mon

4 arme. J'étais terrorisé. J'ai hurlé : "Non, Mico." Il s'apprêtait à tirer

5 sur moi. Je me suis jeté sur le sol. Il a ouvert le feu. Il a ouvert le feu

6 et il a tiré sur moi.

7 S'il avait eu l'intention de me rendre un service, comme ancien voisin, il

8 aurait pu me dire : "Ecoute. On m'a donné l'ordre de te tuer parce que tu

9 as assisté à ces exécutions. Je vais tirer en l'air et à ce moment-là, tu

10 t'enfuiras en courant." Il aurait pu me dire cela. C'est ce qu'il aurait dû

11 me dire au lieu de me poursuivre dans les bois. Et j'étais blessé et malgré

12 tout, j'ai couru. Soudain, j'ai été -- j'avais une force presque

13 surnaturelle parce que je courais pour essayer de sauver ma peau.

14 Q. Mais comment aurait-il pu vous dire qu'il avait reçu ces ordres s'il

15 n'avait reçu cet ordre ? Et pourquoi aurait-il voulu vous tuer puisqu'il ne

16 vous a même pas tiré dessus ?

17 R. Il m'a tiré dessus à plusieurs reprises. Mais chaque fois, il a manqué

18 son coup.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dernière question.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore plusieurs questions.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Vous dites que Murat Sabanovic et Alija Ahmetovic ont été tué à

23 Kostjerevo. Donc, ils n'ont pas été tués au Dom. Page 7, paragraphe 9,

24 donc, ils n'ont pas été tués au centre culturel ?

25 R. Oui, c'est exact. Ils n'ont pas été tués à cet endroit. J'ai dit qu'ils

Page 21461

1 avaient été tués ce jour-là alors qu'ils résistaient d'après les

2 informations de ceux qui observaient la scène depuis les bois. Ils ont

3 résisté aux tentatives pour les arrêter. Ils se sont enfuis. On a ouvert le

4 feu sur eux. Ils ont été tués. Ces hommes ont été retrouvés quelques jours

5 plus tard et on les a enterrés.

6 Q. Dans une déclaration à TV Sarajevo, vous avez dit que les seules

7 personnes qui avaient survécues étaient Dautovic et Alic Hasan. Et

8 maintenant, dans le cadre de votre déclaration à la partie adverse, vous

9 donnez une liste des personnes tuées et vous dites que Hasan Alic a été

10 tué. Il figure au numéro 14. Quand avez-vous dit la vérité ?

11 R. C'est son grand-père. Hasan Alic c'est son grand-père.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Chacun son tour. Laissez le témoin

13 continuer.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est vrai. Sur la liste, il y a deux

15 hommes qui portent le même nom, Hasan Alic. Il y en a un qui était le

16 grand-père de l'autre. Dans nos régions, il est habituel de voir un père

17 donné à son fils, le nom de son propre père. Ceci peut donc avoir été une

18 source de malentendu. Vous avez deux Hasan Alic, le grand-père et le petit-

19 fils.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dernière question. Vous avez dépassé de

21 beaucoup le temps qui vous était accordé de dix minutes. Dernière question.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Je souhaiterais simplement insister sur un point : Dans la déclaration

24 vous avez faites à la partie adverse, vous donnez le nom des personnes

25 tuées. Mais, dans votre déclaration à l'agence d'aide en Bosnie-

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1 Herzégovine, vous dites que vous connaissez les noms et les prénoms de

2 personnes tuées mais uniquement pour les personnes venant de Kostjerevo

3 tandis que, la liste des autres personnes vous a été communiquée par des

4 tiers. Donc, il ne s'agisse pas de personnes que vous connaissiez mais de

5 quelque chose qu'on vous a dit. Le rapport que j'ai déjà donné tout à

6 l'heure en 2 novembre.

7 Et dans votre déclaration à TV Sarajevo, vous dites qu'il faisait nuit,

8 vous n'étiez pas en mesure de reconnaître qui que ce soit. D'où avez-vous

9 tiré ces noms ?

10 R. Je peux répondre à cette question, monsieur. J'ai donné la plupart des

11 noms des personnes qui étaient de mon village en donnant leur nom et le

12 prénom. Mais, il y a des gens de mon village dont je ne connais pas les

13 noms de famille parce que c'est quand même un grand village. Tout le monde

14 se connaît de vue, mais tout le monde ne connaît pas forcément le nom et

15 les prénoms de tout le monde. Il y avait aussi pas mal de gens qui étaient

16 plus vieux que moi. Mais il est vrai que j'ai donné uniquement le nom et le

17 prénom des personnes pour qui j'étais certain à 100%. Tandis que les noms

18 des autres personnes, ils m'ont été fournis par les membres de leurs

19 familles. J'ai donné à la commission les noms et les prénoms des personnes

20 dont j'étais sûr. Et ensuite, pour ceux dont je n'étais pas sûr, je me

21 suis renseigné auprès de leurs familles.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez dépassé le temps qui vous était

23 imparti.

24 Est-ce qu'on est terminé, Maître Tapuskovic ?

25 M. TAPUSKOVIIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

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1 Juges, je n'ai pas de questions à poser au Témoin 1455.

2 Nouvel interrogatoire par M. Groome :

3 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai que quelques questions à vous poser,

4 Monsieur le Témoin, en tout combien de temps avez-vous passé au Dom Kulture

5 du moment où on vous y a emmené jusqu'au moment où on vous a fait sortir

6 pour vous abattre ?

7 R. En tout, j'y ai passé neuf à dix heures.

8 Q. Au cours de ces neuf, dix heures, est-ce que des membres de la

9 communauté serbe locale sont entrés dans cette salle et ont parlé de

10 mesures de représailles, de la nécessité de lancer des opérations de

11 représailles à l'encontre des 91 hommes suite au crime qui soit disant

12 avait été commis par des musulmans.

13 R. J'ai déjà déclaré que dans cette grande salle, il y avait plusieurs de

14 nos voisins. Mais, je n'ai entendu à aucun moment l'un d'entre eux dire,

15 il faut abattre tout ce monde-là. Je n'ai jamais entendu dire cela.

16 Q. Est-ce que l'exécution de ces 90 hommes placés dans cette pièce, dont

17 vous avez parlée, aurait possible sans la participation de ceux dont vous

18 n'avez dit que c'était des membres de la JNA, des hommes d'Arkan ou des

19 Chetniks. Est-ce que cette exécution aurait été possible sans la

20 participation de toutes ces personnes-là ?

21 R. Bien sûr que non. J'ai toujours dit que nous étions en bon terme avec

22 nos voisins et donc rien ne justifiait un tel acte. Ceci est confirmé par

23 le fait que les nôtres rentrent dans ces villages pour recommencer à y

24 vivre. Et de nouveau, ils entretiennent de bonnes relations avec leurs

25 voisins. J'espère que vous comprenez ce que je veux dire par là.

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1 M. GROOME : [interprétation] [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin 1455, vous en êtes

3 arrivé au terme de votre déposition. Vous pouvez quitter ce prétoire. Je

4 souhaiterais cependant auparavant vous remercier d'être venu déposer ici au

5 Tribunal pénal international. Je regrette que vous ayez du passer le week-

6 end ici mais vous pouvez maintenant rentrer chez-vous. Veuillez cependant

7 attendre que l'on baisse les rideaux.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi aussi, je vous remercie et je vous

9 présente tous mes voeux de réussite dans la poursuite de vos travaux.

10 [Le témoin se retire]

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons laisser les rideaux baissés

12 pour le témoin suivant.

13 M. NICE : [interprétation] Est-ce que je pourrais avoir un -- quelques

14 instants à huis clos partiel avant de faire entrer le témoin suivant.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

16 [Audience à huis clos partiel]

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20 [Audience publique]

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. Témoin B-1098, est-ce que, vers le 4 avril 1992, vous êtes revenu de

24 l'endroit où vous habitiez, vous travailliez pour vous rendre dans une

25 région se trouvant dans la municipalité de Zvornik ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et vers la fin du mois d'avril 1992, ou au début de mai, est-ce que des

3 soldats de la garnison de Tuzla, des soldats de la JNA, ont participé aux

4 opérations de désarmement des musulmans dans votre zone ?

5 R. Oui.

6 Q. Comment s'y sont-ils pris et qu'ont-ils dit ?

7 R. Ils sont venus confisquer les armes, et ils ont dit qu'il n'arriverait

8 rien du tout, qu'il n'y aurait pas de guerre, qu'il fallait leur donner les

9 armes, qu'ils prendraient également les armes des Serbes. Nous avons donné

10 toutes les fusils -- les armes de chasse que nous avions, cependant ils

11 n'ont jamais pris les armes aux Serbes. Ils nous ont seulement pris nos

12 armes à nous.

13 Q. Les soldats qui menaient cette opération, d'où venaient-ils ? Je pense

14 particulièrement à celui qui dirigeait cette opération. D'où a-t-il dit

15 qu'il était ?

16 R. Ce soldat était de Valjevo. Je le sais parce que lorsqu'une femme a

17 donné le pistolet de son mari, son mari travaillait en Allemagne, elle a

18 dit : "mais qu'est-ce que je vais faire maintenant ? Je n'ai pas de

19 pistolet, je n'ai pas de mari." Et il lui a dit : "ben tu as qu'à venir

20 avec moi à Valjejo et il ne t'arrivera rien."

21 Q. Valjevo se trouve en Serbie. Le 29 mai 1992, avez-vous reçu une mise en

22 garde, et si c'est le cas de la part de qui, et dans quel sens ?

23 R. Oui, apparemment, d'après ce qu'on disait des paramilitaires s'étaient

24 approchés de notre village et ils valaient mieux que nous allions à Klisa,

25 c'est-à-dire nous tous qui étions de ce treize villages musulmans, il

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1 valait mieux que nous allions à Klisa. C'est ce qui s'est passé d'ailleurs

2 et cette information nous a été donnée par Vlado. Il a donné cette

3 information à un de mes oncles, c'est pour cela qu'on est tous allé à

4 Klisa.

5 Q. À ce moment-là, est-ce que vous avez pu observer la présence de

6 formation militaire dans les collines environnantes ?

7 R. Oui.

8 Q. Avez-vous pu voir de quel type de formation militaire il s'agissait ?

9 R. Pour être tout à fait franc, non. Je ne pouvais pas parce que c'était

10 assez loin mais on pouvait quand même les voir.

11 Q. Est-ce que vous avez remarqué une voiture traversant un village, une

12 voiture transportant des hommes en uniforme militaire ? Si c'est le cas,

13 pouvez-vous nous parler des uniformes de ces hommes et de ce qui était

14 écrit ou de ce qu'on pouvait voir sur cette voiture ?

15 R. Sur ce véhicule, il y avait la mention CPO, et ces hommes avaient des

16 uniformes MSB, des uniformes vert olive.

17 Q. Est-ce que une fois vous avez tous été réunis à Klisa, les Serbes vous

18 ont fait savoir ce que vous deviez faire ?

19 R. Quand on était à Klisa, on nous a promis que NCR des Nations Unies

20 allait venir, et puis on a parlé également d'autres organisations

21 internationales, et on nous a dit que les gens seraient escortés en

22 direction du village Medjedje qui trouve en direction de Tuzla.

23 M. NICE : [interprétation] À l'intercalaire no 2, Monsieur le Président,

24 Messieurs les Juges, Medjedje est un lieu qui figure sous la mention Mededa

25 à gauche de la partie soulignée de la carte, juste au-dessous de Klisa à

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1 gauche, Medjda.

2 Q. Témoin 1098, le 1er juin, qu'avez-vous découvert dans le village où vous

3 étiez tous réunis ?

4 R. On pensait que la Croix Rouge allait venir, ainsi que les représentants

5 de la communauté internationale, cependant c'est les soldats portant des

6 uniformes MSB, des tenues de camouflage qu'on a vus, il y avait même des

7 soldats qui avaient des masques. Sûrs, qu'on a vu, ils ont commencé à tirer

8 en l'air dans le village.

9 Q. Combien, y avait-il environ de réfugiés dans ce village -- dans ce

10 petit village de Klisa ?

11 R. A peu près 4 000.

12 Q. Vous nous avez parlé des uniformes que vous avez vus, et sur la base de

13 ces uniformes, qu'avez-vous pu déduire sur la nature des unités présentes à

14 Klisa ?

15 R. Vu leurs uniformes, on pouvait dire qu'il s'agissait des soldats de la

16 JNA, des Serbes de l'endroit, de la région, et puis je ne sais pas qui

17 d'autres. Ça aurait pu bien être parce qu'ils portaient des -- ils étaient

18 masqués.

19 Q. Au carrefour de Klisa, quel type d'arme avez-vous pu observer ?

20 R. Au carrefour, j'ai vu deux chars.

21 Q. Des chars qui appartenaient à quelle armée ?

22 R. L'armée populaire yougoslave.

23 Q. Quelle était la nature des armes des soldats ? Etaient-ils bien armés ?

24 Quel type d'armes avaient-ils ?

25 R. Ils avaient des fusils automatiques, ils avaient des mitraillettes,

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1 certains avaient des lance-roquettes portables, des Zoljas, comme on les

2 appelle, et des Osas.

3 Q. Vous souvenez-vous avoir observé des insignes sur les tenues de ces

4 hommes ?

5 R. Non, non, je n'en ai pas vu mais je n'ai pas eu le temps vraiment de

6 voir quoi que ce soit.

7 Q. Ces soldats ont donc tiré en l'air à ce moment-là, qu'ont fait

8 certaines personnes et qu'avez-vous tous été contraints de faire ?

9 R. Nous tous, et puis les gens qui étaient dans les maisons, tout le monde

10 donc est sorti dans la rue. Et on nous a escortés jusqu'au carrefour où se

11 trouvaient les deux chars.

12 Q. Et ensuite que vous -- qu'ont fait les soldats ? Que vous ont-ils forcé

13 à faire ?

14 R. Ensuite, ils ont commencé à nous fouiller. Il a d'abord fallu que nous

15 laissions nos voitures sur place. On nous avait dit qu'ont pouvait prendre

16 nos tracteurs, nos équipements agricoles parce que le HSR allait s'occuper

17 de nous. Mais, on a du tout laisser sur place. On nous a simplement

18 autorisé à transporter des -- des sacs, des bagages mais même cela on -- ça

19 été fouillé.

20 Q. Et dans quelle direction vous a-t-on contraint à vous diriger ?

21 R. On est parti de Klisa vers Djulici.

22 Q. Sur les quatre mille personnes qui se trouvaient à Klisa, combien ont

23 été forcé de prendre ce chemin ? Est-ce que ça concernait tout le monde ou

24 seulement une partie de ces gens ?

25 R. Ça concernait tout le monde.

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1 Q. Est-ce que vous avez été surveillés, gardés au cours de ce -- sur cet

2 itinéraire ? Quelle était la nature de votre escorte, et combien de temps

3 avez-vous ainsi marché ?

4 R. On a suivi la route, on marchait sur la route et eux ils étaient des

5 côtés avec leurs armes. Des deux côtés de la route, ceci -- il a fallu

6 environ une ou deux heures avant qu'on atteigne Djulici.

7 Q. Vous avez parlé de deux chars qui se trouvaient positionnés au

8 carrefour. Est-ce que vous avez revu ces chars ou est-ce que vous avez vu

9 d'autres chars le long de la route menant à Djulici?

10 R. Non.

11 Q. Paragraphe 11, vous avez donc été fouillé. A quel endroit ? Et quel

12 type d'armement se trouvait à cet endroit ?

13 R. Des armes automatiques.

14 Q. À votre connaissance, que vous ayez pu le voir ou non ? A votre

15 connaissance, est-ce que des personnes ont été tuées entre Klisa et

16 Djulici ?

17 R. Plus tard, j'ai entendu dire que deux personnes avaient été tuées.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, quand vous arriverez à un

19 moment opportun, nous pourrons faire une pause.

20 M. NICE : [interprétation] Le moment est bien choisi. J'allais entamer le

21 paragraphe 12, un nouveau sujet.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pause.

23 Donc, témoin B-1098, nous allons faire une pause de 20 minutes et, pendant

24 cette pause, comme dans toutes -- au cours de toutes celles qui suivront,

25 je vous demande de ne parler à personne de votre déposition, et par

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1 personne, j'entends également les membres de l'équipe du Procureur.

2 Suspension d'audience de vingt minutes.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

4 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. Monsieur le Témoin, au moment où vous êtes arrivé à Djulici, quelles

8 étaient les forces que vous avez vues sur place ?

9 R. Et lorsque nous sommes arrives à Djulici, j'ai vu des gens en uniforme

10 de camouflage, uniforme de la JNA, uniforme de la police. Et certain de ces

11 humains portaient aussi des masques ou avaient le visage masqué.

12 Q. Qu'est-ce qui vous a poussé à déterminer quelles étaient les personnes

13 portant un masque ?

14 R. Et bien, voyez-vous, ils portaient des masques et à mon avis des

15 Serbes de la région. Ils le faisaient pour ne pas que l'on dévoile leurs

16 identités.

17 Q. Même si notre carte ne le montre pas. Est-ce qu'il y a un autre

18 village, celui de Bijeli Potok qui est à proximité de Djulici et qui est

19 d'ailleurs relié à ce dernier ?

20 R. Oui c'est relié au village de Djulici.

21 Q. Est-ce que vous avez tous été rassemblés dans la région se trouvant

22 entre Djulici et Bijeli Potok et est-ce là que les hommes ont été séparés

23 des femmes et des enfants ?

24 R. Au fur et à mesure de l'arrivée de la colonne en provenance du village

25 de Klisa, et nous on venait par la route de Djulici, on nous a donné

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1 l'ordre de lever les mains en l'air, de les passer derrière, sur la nuque

2 et on a emmené les femmes, les enfants et les hommes âgés dans un pré.

3 Q. Qu'est-il advenu des autres, des hommes ?

4 R. On les a fait monter à bord de camions. Il y en avait qui avait seize

5 ans et il y avait aussi un homme qui avait plus de 70 ans. On l'a fait

6 monter sur ce camion aussi.

7 Q. Avant de parler de ce qui est arrivé aux hommes qui sont montés à bord

8 d'un camion, pourriez-vous nous dire, en quelques mots, ce qui est arrivé

9 aux villageois ? Nous sommes au paragraphe 15, il s'agit du village de

10 Klisa, de celui de Setici, aussi Luga et Djulici. Est-ce que dans notamment

11 ces villages il y a eu évacuation ?

12 R. Il n'y a pas eu que ces villages-là. Il y a eu 13 villages musulmans

13 qui ont été évacués.

14 Q. Merci. Dans les villages de Setici et de Klisa, est-ce que les maisons

15 ont été détruites ? Alors, qu'à Djulici et à Luga, qu'on ne voit pas sur

16 notre carte, ces villages figurent sous un autre nom. Est-ce que là les

17 maisons sont restées intactes, ce qui a permis aux Serbes de s'y

18 installer ?

19 R. À Djulici, on n'a touché aucune maison, mais il y a eu des maisons de

20 détruites mais les autres villages ont une population serbe.

21 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Luga figure peut-être

22 sous le nom de Lupici sur la carte. Un peu à l'est, sud-est de Djulici.

23 Q. Monsieur le Témoin 1098, à Djulici, est-ce que les maisons des musulmans

24 ont été occupées par des Serbes venant d'un village particulier à

25 Zivinice ? Pourriez-vous nous donner le nom précis de ce village ?

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1 R. Dans ces villages, Djulici et Rakoda, Lupici, Mrkodo, Musici, ce sont

2 des gens qui sont venus de Brnci à proximité de Zivinice.

3 Q. Je passe maintenant au paragraphe 16. Des hommes ont dû monter dans

4 des camions qui, je pense, étaient garés à Bijeli Potok. En tant que vous

5 vous approchiez de ces camions, est-ce que les hommes ont été fouillés une

6 fois de plus ?

7 R. On m'a pris mon passeport et mon livret d'épargnes en monnaie

8 étrangère. Certains ont continué plus loin pour être acheminés vers

9 Karakaj.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur, pourriez-vous répéter votre

11 deuxième phrase. Vous dites qu'ils vous ont confisqué ce livret en devises

12 étrangères ainsi que votre passeport. Mais, y a-t-il eu autre chose ?

13 R. Non, pas à ce moment-là.

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Combien de camions y avaient-ils ? Et, est-ce qu'il y avait beaucoup

16 d'hommes placés dans ces camions ?

17 R. J'ai vu trois camions pour ma part et je crois qu'on a entassé tous les

18 hommes dans ces camions comme des sardines. Et, il y avait un soldat dans

19 la cabine et on faisait en sorte qu'ils en montent le plus possible, comme

20 des sardines, entassés comme des sardines. Et, on a fait tout ce que l'on

21 pouvait pour qu'ils ne sautent pas de ces camions, chemin faisant.

22 Q. Est-ce que ces camions ont pris la direction de Karakaj ? Dans

23 l'affirmative, quel a été la vitesse de ces camions et pourquoi ont-ils été

24 à ce rythme-là ?

25 R. Les camions roulaient en direction de Karakaj le plus vite possible.

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1 Je crois que c'était surtout pour que personne ne saute du camion et à

2 cette vitesse-là, il était difficile de se décider à sauter.

3 Q. Vous souvenez vous aujourd'hui de l'uniforme porté par les soldats qui

4 faisaient monter ces hommes dans les camions et qui les surveillaient en

5 route vers Karakaj ?

6 R. J'ai dit tout à l'heure qu'ils portaient des uniformes verts olive, des

7 uniformes de camouflage et qu'ils avaient des visages masqués.

8 Q. À Karakaj, les camions se sont-ils arrêtés devant l'école technique de

9 Karakaj ?

10 R. Oui.

11 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 3, Messieurs les Juges. Vous

12 verrez, en notant la route selon la gauche avec Bijeljina et Zvornik, en

13 bas et en haut respectivement. Vous verrez que cette carte n'a pas pour

14 orientation le nord-sud, mais le sud nord, et la version affichée par le

15 système électronique, qui devrait être expurgée, ne contient pas assez de

16 détails. Je tenais à le préciser parce que ce qui apparaît dans le coin

17 inférieur droit sera déposé, conservé sous pli scellé.

18 Q. Monsieur le Témoin, vous examinez cette carte avec nous, peu importe où

19 des camions se sont arrêtés précisément. En tout cas, ils se sont arrêtés

20 sur cette route qui va de Bijeljina à Zvornik. C'est bien cela ?

21 R. Ils ont bufferqué un peu à gauche. Depuis cette route, il y avait là-

22 bas un point de vente, un petit magasin, je ne sais plus si ça existe

23 encore et on a suivi le chemin comme présenté sur le schéma.

24 Q. Qu'est-il advenu des hommes se trouvant dans le camion ?

25 R. On a donné l'ordre de sauter les camions et le soldat s'était aligné et

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1 il y a avait toute sorte d'uniformes là-bas. Alors, ils ont indiqué par où

2 pouvait passer. On voit ici au dessin, la porte où on a été acheminés vers

3 une grande salle et pendant que les gens sautaient des camions ceux qui

4 pouvaient esquiver les coups en ont reçu moins, mais, ceux qui en ont reçu

5 le plus, c'était les personnes âgées et malades.

6 Q. Est-ce qu'il y avait des femmes serbes dans le voisinage ?

7 R. Dans l'affirmatif.

8 Q. Que faisait ces femmes ?

9 R. Elles se trouvaient du côté gauche de la route en allant vers Zvornik

10 et elles criaient : "Abattez tous ces balijas."

11 Q. Le croquis expurgé, que l'on voit à l'intercalaire 3, nous montre cette

12 école technique, le hangar où vous avez tous été placés. Pourriez-vous nous

13 dire combien d'hommes se sont retrouvés entassés dans ce bâtiment ?

14 R. Tous les 700 hommes qui étaient là.

15 Q. Vous avez tracé ce croquis qui présente trois pièces -- trois endroits;

16 une salle -- une pièce numéro 3 puis vers la droite numéro 1 et au-dessus,

17 un numéro 2. Soyons assez bref, est-ce qu'il y avait une division, une

18 séparation en tôle entre la salle 2 et la salle 1. Est-ce que vous avez

19 essayé de vous débarrasser de cette séparation afin d'avoir plus d'espace ?

20 R. Oui, c'est ça et on a fait tombé cela pour aller boire de l'eau.

21 Q. Et il n'y avait de l'eau que dans la salle 2, c'est cela ?

22 R. Oui. Dans la pièce numéro 2.

23 Q. Vous n'êtes pas en mesure de nous donner les noms de tous ces 700

24 hommes, bien sûr, mais vous avez réussi à vous souvenir de certains noms.

25 Avez-vous signé une liste qui va devenir la pièce 456, intercalaire 7, je

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1 crois ?

2 Sous pli scellé, s'il vous plait, Messieurs les Juges.

3 Vous avez examiné cette liste. Vous l'avez signée ce matin et retrouve-t-on

4 certains noms -- 39, je pense -- noms de personnes qui se trouvaient avec

5 vous dans ces lieux ?

6 R. Oui. Il y a cette liste avec tous les noms.

7 Q. Avez-vous passé cinq jours dans ce hangar, du 1er au 5 juin ?

8 R. Oui, cinq jours. Moi, j'ai passé cinq jours.

9 Q. Au cours de la première nuit, est-ce qu'il y a des hommes qui sont

10 morts simplement d'asphyxie -- de suffocation parce qu'ils étaient entassés

11 dans une pièce exiguë et, de toute façon, il faisait très chaud.

12 R. Et bien, ce premier, lorsqu'on est arrivé, on nous a enfermé et j'avais

13 l'impression qu'ils avaient mis le chauffage tellement, il faisait chaud.

14 On a fait tomber le clôture métallique et on a bu de l'eau et, le lendemain

15 lorsqu'on nous a fait passer vers une autre pièce, j'ai vu une vingtaine

16 d'hommes morts. Ils sont tombés -- ils sont tombés -- ils sont morts de

17 chaleur, de suffocation.

18 Q. Vous avez notamment deux noms, le nom de deux hommes qui d'après vous

19 sont morts du fait de la chaleur. Pourriez-vous nous donner ces deux noms ?

20 Nous sommes ici à l'examen du paragraphe 25.

21 R. Avdic Hrustan et Hamzic Nesad.

22 Q. C'est quelqu'un d'autre qui vous a donné ces noms, n'est-ce pas ? Je ne

23 vais pas demander le nom de cette tierce personne. Vous pourrez peut-être

24 le fournir à huis clos partiel si quelqu'un a besoin de ce renseignement.

25 Nous sommes maintenant en train d'examiner le paragraphe 26. Le lendemain -

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1 - le lendemain de votre arrivée dans ce hangar, vous a-t-on transférer dans

2 la pièce ou salle 3 ? Vous êtes passé de la salle 2 à la salle 3 et est-ce

3 que vous avez dû, se faisant, passer par un bureau que vous avez indiqué

4 comme étant le bureau où se faisait les interrogatoires ?

5 R. Oui, le matin on nous a fait passer de la pièce numéro 1 à la pièce

6 numéro 3. Il n'y avait une table près de la porte et les autres s'étaient

7 alignés. Lorsqu'ils sortaient -- et on s'approchait de la table et on

8 demandait aux gens s'ils avaient donné toutes leurs pièces d'identité, tous

9 les objets en or, leur argent. Alors moi je leur ai dit, une fois arrivé

10 là-bas, que tout ce que j'avais et bien, ils l'avaient déjà saisi. Alors,

11 il s'était levé. Il a bondi pour me frapper et moi j'ai esquivé mais, il y

12 avait un derrière. Il m'a tapé dans -- il m'a frappé dans la colonne

13 vertébrale et il m'a fait rentré dans cette haie d'hommes et là, ils m'ont

14 frappé avec des matraques, des manches de je ne sais quoi et, une fois que

15 j'étais évanoui, on m'a porté à demi conscient vers une pièce qui porte ici

16 la lettre "A". Mais je crois que les autres ont subi le même sort.

17 M. NICE : [interprétation] Je pense que le témoin fait allusion à la

18 notation "A" dans le coin inférieur gauche du croquis ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Monsieur Le Témoin 1098, excusez-moi de vous poser une question qui

22 vous semblera peut-être une répétition mais c'est quelque fois nécessaire.

23 Vous avez des gardes ou gardiens qui menaient des interrogatoires, qui

24 confisquaient des biens et qui vous frappaient. Quel était l'uniforme --

25 quels étaient les vêtements portés par ces hommes ?

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1 R. Ils portaient des uniformes de camouflages. J'en ai vu un avec un

2 uniforme vert olive. Mais, croyez moi bien qu'on n'avait pas trop le temps

3 de regarder. On ne faisait que crier, pleurer, gémir de toutes ces

4 horreurs, de toutes ces souffrances qu'on nous faisait subir parce qu'on

5 voulait parler, on recevait des coups dans la tête et on baissait la tête

6 justement pour ne pas recevoir de coups -- pour ne plus en recevoir. Alors,

7 on me disait quand on avait le droit de relever la tête. On le faisait

8 seulement lorsqu'on nous le disait.

9 Q. Combien de soldats armés y avaient-ils dans cette pièce 3 ? Et quelles

10 étaient leurs armes ?

11 R. Les soldats en armes se trouvaient là-haut, au coin et au-dessus de

12 cette haie d'hommes plus haut, j'ai vu un nid de mitrailleuses et les

13 autres avaient des armes automatiques. Ils étaient à peu près quatre ou

14 cinq.

15 Q. Étiez-vous blessé ? Y avait-il chez vous des séquelles permanentes ou

16 pas du fait des coups que vous aviez reçus ?

17 R. J'avais du côté gauche, une côte fellée et j'ai reçu un coup dans la

18 tête très fort. Je me suis évanoui.

19 Q. Êtes-vous ensuite passé quatre jours dans cette pièce ?

20 R. Et bien, nous avons passé trois jours dans l'autre pièce et au fait,

21 non, quatre jours. Parce que c'est le lendemain qu'on a été transféré vers

22 l'autre pièce.

23 Q. Pendant le temps que vous avez passé dans cette pièce numéro 3, y a-t-

24 il eu de temps à autre, sélection de personnes qui ont dû sortir ?

25 R. De temps en temps, on interpellait les personnes aisées et on les

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1 emmenait. Certaines personnes étaient tuées tout de suite. D'autres étaient

2 ramenées vers la pièce numéro 1. On entendait des coups de feu, puis on

3 voyait les mêmes hommes revenir et puis ils disaient : toi, toi et toi.

4 Ils en prenaient trois ou quatre pour sortir des cadavres là-bas. Je ne

5 sais plus où ils les emmenaient. Puis ces quatre prisonniers étaient

6 ramenés jusqu'à nous et on -- on chuchotait entre nous, on apprenait ainsi

7 que les gens qu'on avait fait sortir étaient tués dehors.

8 Q. Ces personnes, ces hommes et détenus qui ont été sélectionnés, ont-ils

9 été interrogés avant d'être tués ?

10 R. Et bien, ils demandaient que l'on avoue quelque chose. Mais il n'y

11 avait pas grand-chose à avouer. On prenait de l'argent, des objets en or et

12 on faisait sortir des gens qui étaient lésés, qui avaient des restaurants

13 ou qui avaient travaillé à l'étranger. On leur demandait de l'argent, des

14 objets en or.

15 Q. Avez-vous pu retrouver les noms de certaines de ces personnes qu'on a

16 fait sortir et qu'on a tuées ?

17 Nous sommes ici, qu'on a fait sortir de la salle numéro 3. M. NICE :

18 [interprétation] Nous sommes au paragraphe 31, Messieurs les Juges.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je puis citer Avdic Hasan, Sinanovic Ramiz,

20 Jasarevic Nurija, Jasarevic Avdo. C'est ceux que j'ai pu voir -- c'est ceux

21 que j'ai pu voir lorsqu'on les a fait sortir.

22 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Paragraphe 29. Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît. Savez-vous

25 qu'un homme a dû sortir du bâtiment et qu'on l'a ramené chez lui dans son

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1 village d'origine afin qu'il puisse remettre des biens aux soldats ?

2 Répondez pour le moment par un simple oui ou par non.

3 R. Oui.

4 Q. Les biens qu'il a remis consistaient-ils en un fusil de chasse, oui ou

5 non ?

6 R. Oui.

7 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, une fois de plus, je

8 précise que ce nom pourrait être fourni à huis clos partiel. Il pourra être

9 demandé en tant que de besoin. Inutile de mentionner pour ma part ce nom.

10 Q. Paragraphe 32. Avez-vous été témoin de meurtres commis dans cette pièce

11 numéro 3 ? Si c'est le cas, pourriez-vous nous donner quelques noms ?

12 R. Dans la pièce numéro 3, ils ont tué Smajlovic Osman. Ils ont demandé

13 qui c'est -- "qui construisait des mosquées ?" Quelqu'un leur a dit :

14 "C'est celui-là." Il s'est approché, il lui a tiré quelques balles de

15 revolver dessus.

16 Et il avait un père et un fils qu'on a tués. Et ils avaient essayé de

17 passer vers une petite pièce et à l'extérieur et on leur a tiré dessus,

18 derrière le coin de l'immeuble. Ils ont tué les deux mais, je -- ne connais

19 pas leurs noms.

20 Q. D'après vos calculs, quel est le nombre total d'hommes qui ont été tués

21 au cours de quatre ou cinq jours passés dans le hangar ?

22 R. Et bien, à vue de nez, 180 personnes plus 25 qui avaient été amenées

23 soit disant pour être échangées à Sarajevo.

24 Q. Parlons immédiatement de ces personnes. Paragraphe 33. Est-ce que ceci

25 s'est produit le 3 juin ? Pourriez-vous nous expliquer ce qui s'est passé

Page 21483

1 Monsieur ?

2 R. Ils sont venus une fois. Ils ont dit : "qu'ils avaient besoin de 25

3 hommes pour être échangés à Sarajevo". On n'a interpellé personne. Les

4 premiers qui étaient proche de la barrière sont sortis un par un. Et j'ai

5 vu Ismet Ahmetovic, originaire de Klisa.

6 Q. Est-ce qu'on l'a revu depuis ?

7 R. Non, on n'a plus jamais entendu parler d'aucun d'entre eux.

8 Q. Pendant que vous vous êtes trouvés dans cette salle numéro 3, avez-vous

9 appris quelles étaient les différentes relèves de soldats, et avez-vous

10 appris combien il y avait de soldats par équipe ?

11 R. Il y avait trois équipes et huit soldats dans chaque équipe.

12 Q. Vous a-t-on donné à manger. Si c'est le cas, qu'est-ce que vous avez

13 reçu ?

14 R. Parfois, ils nous jetaient plusieurs pains. Ils nous jetaient des

15 boîtes de conserve mais on n'avait pas avec quoi les ouvrir ces boîtes de

16 conserve.

17 Q. Paragraphe 36. Je voudrais en l'espace de quelques phrases passer à huis

18 clos partiel.

19 [Audience à huis clos partiel]

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9 (expurgé)

10 [Audience publique]

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. En ce qui vous concerne Monsieur le Témoin B-1098, est-ce que les

14 gardes présents dans ce hangar ont participé au fait de tuer les personnes

15 qui s'y trouvaient où est-ce que seulement certains d'entre eux l'ont

16 fait ? Ou encore n'êtes-vous pas en mesure de le dire ?

17 R. Je pense que tous y ont pris part.

18 Q. Le 5 juin, est-ce que ce jour-là les gardes vous ont dit que la

19 situation allait changer ? Si c'est le cas, que vous utilisiez

20 précisément ?

21 R. On nous a dit d'y aller et qu'il y aurait des autocars de Drina à Odzak

22 et que nous allions être échangés vers la localité de Odzaci. Je n'y suis

23 jamais allé dans cette localité et nous ne sommes pas arrivés à Odzaci,

24 nous sommes arrivés jusqu'à Pilica seulement.

25 Q. Odzak est un village du côté de Brcko, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous êtes déplacés dans des autobus qui appartenait à quelle société ?

3 R. Les autocars appartenaient à l'entreprise Drinatrans.

4 Q. Vous êtes arrivés à Pilica. Je pense que les juges savent où se trouve

5 Pilica, dans la partie supérieure de la carte où l'on voit la notation

6 Donja Pilica. Une fois arrivée à Pilica, savez-vous ce qui s'y est passé ?

7 R. Ils ont arrêté les autocars et comme cette maison se trouve sur la

8 gauche, ils s'y sont arrêtés. On a contourné tout cela. Il y avait une

9 porte -- on a contourné et nous sommes restés vivants, on nous a tous

10 entassés dans la même salle.

11 Q. Etiez-vous surveillé et quels uniformes portaient les hommes qui vous

12 surveillaient ?

13 R. Et bien, on a été surveillé par personne. La porte a été refermée et ce

14 n'est que là-haut, là où on a montré sur le film des orifices, il y en

15 avait qui venaient, qui nous jetaient quelque chose et c'est d'en haut là-

16 bas de -- à partir de ces orifices qu'on nous jetaient du pain et des

17 boîtes de conserves parfois.

18 Q. Ceux qui vous regardaient ou jetaient de la nourriture par ces

19 orifices, par ces ouvertures, vous ont-ils dit quoi que ce soit ?

20 R. Mais je me souviens qu'une femme nous avait menacés d'en haut, qu'elle

21 avait dit que si son frère mourrait, elle allait tous nous abattre.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce bâtiment où les hommes ont été placés,

23 qu'est-ce que c'était ?

24 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas été très clair.

25 Q. Quelle était la nature du bâtiment dans lequel vous avez été placé à

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1 Pilica ?

2 R. C'est la salle de cinéma.

3 Q. Vous venez de décrire cet endroit où ces ouvertures par lesquelles les

4 gens vous jetaient du pain, c'était une salle de projection, c'est ça ?

5 R. Oui.

6 Q. Nous allons bientôt passer à un autre sujet, mais auparavant, Messieurs

7 les Juges, veuillez consulter l'intercalaire 4 de la pièce 456. Vous y

8 trouverez les relevés d'itinéraires de cette entreprise de transport

9 Drinatrans. Le témoin dispose de l'original et je pense qu'il est possible

10 de placer celui-ci sur le rétroprojecteur où l'on voit qu'il a été

11 répertorié les différentes activités.

12 Il y a deux rubriques qui nous intéressent. La première concerne le 3 juin.

13 Il est fait mention du trajet Zvornik-Djulici et retour. On parle de

14 l'installation de réfugiés et puis vous avez le 5 juin, une autre rubrique

15 pour le trajet Zvornik-Djulici et retour, de nouveau installation de

16 réfugiés. Il s'agissait là du 5 juin dit-- puis nous voyions au cour de la

17 journée du 5 juin, Zvornik-Pilica et retour - transport de prisonniers.

18 C'est seulement récemment que vous avez vu cet extrait, ce texte.

19 Pourriez-vous nous dire s'il s'accorde bien avec ce que vous avez observé

20 en tant que déplacements ?

21 R. Voyez-vous ce que vous avez mentionné comme date le 3 juin, Zvornik-

22 Djulici et vice versa - installation de réfugiés. Bien cela ne peut être

23 que des réfugiés originaires de Zivinice. Puis, le 5 juin, Zvornik-Djulici

24 et vice versa - installation de réfugiés, c'était les mêmes mais on les

25 installait par étape successive et pour ce qui est du 5 juin 1992 -

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1 Zvornik-Pilica, c'était nous. C'est nous qui avons été emmenés vers Pilica.

2 Q. Paragraphe 43, au cours de la troisième journée de détention à Pilica,

3 les gardes sont-ils venus vous dire que la situation avait une fois de plus

4 changé pour vous ?

5 R. Oui.

6 Q. Ces hommes que vous ont-ils dit et qu'est-ce qui s'est passé ?

7 R. Et bien, qu'est-ce qui s'est passé, c'est qu'ils ont ouvert la porte,

8 ils nous ont dit de nous aligner en une colonne vers le fond de la salle et

9 de sortir un par un chacun son tour parce qu'il y avait un camion qui

10 attendait dehors. Puis, il y avait une table qui -- où allait un homme

11 d'attablé qui notait les noms, les prénoms et les noms de nos pères aussi.

12 Q. Et d'après ce qu'il y a été dit, qu'allait-il vous arriver ?

13 R. On nous a dit que nous allions être échangés à Zivinice.

14 Q. Pourriez-vous nous dire combien d'hommes sont montés à bord de ce

15 camion ?

16 R. Dans le premier camion, il y avait moi et j'étais l'un des derniers. Je

17 sais qu'il a clôturé la liste au chiffre 64 et il a dit 64 ça suffit.

18 M. NICE : [interprétation] Il est sans doute préférable que ces noms

19 mentionnés à la fin du paragraphe 44 soient, avec votre autorisation,

20 mentionnés à huis clos partiel.

21 [Audience à huis clos partiel]

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4 (expurgé)

5 [Audience publique]

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. La bâche de ce camion -- je crois que c'était un camion civil de deux

9 tonnes, est-ce la bâche avait été repliée et est-ce qu'en fait ce camion

10 s'est dirigé vers Karakaj alors que ce n'était pas du tout l'endroit où

11 l'échange était sensé avoir lieu ?

12 R. Oui, en allant de Karakaj, on peut aller à Zivinice. C'est la même

13 direction et le camion c'est un camion de deux tonnes. C'est ainsi que je

14 l'appelle et il y avait eu une vache, alors, ils ont bouclé les petites

15 boucles -- les petites ceintures à boucles qui, pour fermer la bâche et il

16 était resté un trou où on n'a pas fait passer la ceinture par la boucle et

17 on pouvait regarder, il y avait donc cette espèce d'oeillet et on pouvait

18 regarder et voir dans quelle direction le déplacement se faisait.

19 M. NICE : [interprétation] Si j'ai bien compris, Zivinice se trouve du côté

20 gauche de la carte, je ne voulais pas induire le témoin en erreur. Il se

21 peut que la première partie du voyage se soit fait dans la même direction

22 mais c'est une question de détail. Nous allons bientôt parler de ce qui

23 s'est passé à Karakaj.

24 Q. Est-ce que le camion a été escorté sur la route qui menait à Karakaj ?

25 Quelle était cette escorte ?

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1 R. La police, et ils avaient cette espèce de lumière de gyrophare.

2 Q. De retour à Karakaj, vous a-t-on envoyé ou amené à l'endroit où vous

3 étiez trouvé auparavant à l'école technique.

4 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 5.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] [aucune interprétation]

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. Je ne parle pas de l'endroit précis, mais de façon générale, dans le

8 même endroit.

9 R. Non, on était amené à Karakaj.

10 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, veuillez examiner

11 l'intercalaire 5. L'original devra être placé sous pli scellé, mais une

12 version expurgée va être montrée au témoin par le système d'affichage

13 électronique, de nouveau l'orientation. Le sens n'est pas le même, il y a

14 une différence de 90 degré mais vous alliez retrouver le même tracé de

15 route. Il suffit de regarder le côté droit de cette carte et le côté gauche

16 de l'intercalaire droit et vous pouvez établir une concordance.

17 Q. Vous êtes donc arrivé à Karakaj. Ce camion vous a emmené vers quel

18 bâtiment.

19 R. On a été transporté vers un abattoir. Après ma fuite j'ai appris de la

20 bouche des gens qui connaissaient les lieux, que d'après ma description,

21 ils ont dit que c'était l'abattoir à Gero.

22 Q. Ce croquis que vous avez tracé, qui est devenu l'intercalaire 5 de la

23 pièce 456, montre que ce lieu se trouve de l'autre côté de la route par

24 rapport au hangar de l'école technique et qu'à côté il y a les garages ou

25 entrepôts de la société de transport Drinatrans.

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1 R. Oui, c'est cela.

2 Q. Ce camion qui vous transportait, a-t-il été garé près ou loin de ce

3 bâtiment ? Pourriez-vous nous dire de quelle façon cette bâche était fixée

4 et pourquoi ceci vous a permis et comment ceci vous a permis de passer du

5 camion au bâtiment ?

6 R. Lorsqu'il voulait garer ce camion, ils ont tourné pour faire une marche

7 arrière en direction de la porte du bâtiment et par la suite, l'un de ceux

8 qui avait été des prisonniers a dit : "Joe, ils sont tous tués". Ils ont

9 rapproché le camion, à l'arrière du camion. A la porte on pouvait sortir et

10 on sortait directement vers un couloir. Le premier groupe aléatoire tient

11 les autres à gauche et je ne sais s'ils ont emmené encore dans une pièce

12 plus éloignée des gens, mais moi j'étais dans la pièce de droite.

13 Q. En sortant directement du camion dans ce bâtiment dont nous allons voir

14 le plan dans un instant, est-ce que cela veut dire que vous n'avez pas

15 vraiment pu voir la zone qui se trouvait tout juste à l'extérieur du

16 bâtiment ?

17 R. Non.

18 Q. Est-ce que d'une façon ou d'une autre, vous avez appris ou à partir de

19 ce que vous avez vu ? Ou de ce d'autres vous ont dit, est-ce que vous avez

20 appris ce qui se trouvait en dehors, et ce que vous n'avez pas pu voir,

21 puisqu'on vous a dirigé directement du camion dans le bâtiment et que la

22 vue vous était dissimulée par cette bâche ?

23 R. J'ai dit tout à l'heure qu'il y avait des gens tués pendant que le

24 camion faisait sa marche arrière, et l'un des détenus -- des prisonniers

25 avaient dit : "mais ils sont tous tués dehors", et là nous avons su que

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1 nous aussi allions être tués.

2 Q. Et vous avez à noter ceci par la lettre "A". Vous avez précisé que ceci

3 se trouvait à proximité d'un quartier musulman.

4 Examinons maintenant l'intercalaire 6 de la pièce 456, une fois de plus

5 l'original sera conservé sous pli scellé mais une version expurgée va être

6 affichée à l'écran.

7 Examinez la partie gauche de ce croquis, est-ce que ceci montre le bout du

8 bâtiment dans lequel on vous a fait entrer ? Est-ce qu'il y a en dessous un

9 mur de séparation en béton et est-ce qu'à droite on voit l'intérieur ? Le

10 plan montrant l'intérieur de ce bâtiment avec au milieu cette pièce un peu

11 oblongue avec deux salles, salle 1 à droite et la salle 2 à gauche.

12 R. Oui.

13 Q. Vous êtes rentré dans la pièce no 1. Dites-nous ce qui s'est passé et

14 dites-nous si vous avez reconnu l'uniforme des soldats qui participaient à

15 cette action. Pourriez-vous nous décrire cet uniforme ?

16 R. Je suis rentré dans la pièce no 1, les autres sont allés vers la pièce

17 2, et je vous ai dit que je ne savais pas si quelqu'un est encore allé se

18 diriger vers la pièce A. Alors, on nous a dit d'un coup qu'il fallait nous

19 tourner le visage contre le mur. Nous l'avons fait et on a commencé à tirer

20 des rafales vers nous, les gens tombaient, je suis tombé avec les autres et

21 ils ont abattu les autres dans la pièce no 2.

22 Je sais que dans la pièce no 1, il y avait un homme qui était blessé au bas

23 du corps, il avait supplié qu'on l'achève. Ils ne voulaient pas l'achever.

24 L'un d'entre eux disait : "mais tu as des munitions au tant que t'en veux -

25 - tue". Et l'autre dit : "je ne veux pas le tuer, je veux laisser le balija

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1 à souffrir". J'étais encore conscient, j'ai entendu cette conversation.

2 Pour ce qui est des uniformes, je dirais qu'il y avait un soldat de 19-20

3 ans, un jeune homme qui avait l'air bien, un soldat de l'armée populaire

4 yougoslave, qui avait les cheveux un peu bouclés, qui devrait faire à peu

5 près 170 à 175 cm de taille.

6 Q. Que son couvre-chef vous a frappé, est-ce que vous avez remarqué le

7 type d'insigne qu'il avait ?

8 R. Il portait un couvre-chef, qui est celui de la JNA avec une étoile à

9 cinq branches sur le front.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pourrons-nous apprendre qui est cet

11 homme ?

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Vous dites que cet homme était un garde se trouvant dans la pièce.

14 Est-ce que lui a participé au meurtre ou pas ?

15 R. Je n'ai pas compris votre question. Quel gardien ?

16 Q. Ce gardien que vous venez de décrire.

17 R. Non, ils n'étaient pas des gardiens. Ils nous ont emmené là pour nous

18 exécuter sur place.

19 Q. Essayez de répondre à la question posée par M.le Juge. Cet homme jeune,

20 aux cheveux bouclés, que vous avez décrit, qui portait un couvre-chef avec

21 l'étoile à cinq branches, est-ce que lui a tué personnellement ?

22 R. Il a personnellement tué les autres là-bas mais je sais qu'il a tué des

23 gens là où j'étais. Il était à la porte. Il nous a donné l'ordre de nous

24 tourner vers lui. Ce n'est que lorsqu'il nous a donné l'ordre de nous

25 retourner vers le mur. J'ai gardé son image, son aspect dans la rétine et

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1 il m'est resté dans la mémoire.

2 Q. Vous êtes tombé, vous êtes affaissé mais vous n'aviez pas été abattu,

3 c'est exact ?

4 R. À ce moment-là, je n'ai pas été touché.

5 Q. Avez-vous pu entendre ce qui se passait dans la pièce numéro 2.

6 R. J'ai entendu des gémissements, des pleurs, des espèces de gargouillis

7 et des coups de feu.

8 Q. Vous avez mentionné ce qu'avait dit ce garde qui avait refusé de tuer

9 cet homme dont il avait dit que c'était un balija et qu'il devait souffrir.

10 Après que cela ce fut passé, les gardes qu'ont-ils fait ou sont-ils allés ?

11 R. Étant donné que j'étais encore conscient, j'ai entendu ce qu'ils ont

12 dit. Ils ont dit : "allume le moteur de camion, on va charger les

13 suivants". Ils ont mis le moteur en marche et ils sont partis.

14 Q. Avez-vous vérifié autour de vous pour voir si des gens étaient restés.

15 R. J'ai dit tout à l'heure que celui, qui suppliait d'être tué, m'a fait

16 un signe de la tête pour me signifier : où est-ce que tu vas ? Et moi je

17 lui ai montré des doigts que je m'en allais. Je suis sorti dans le couloir.

18 J'ai jeté un coup d'œil à gauche et à droite. Il n'y avait personne. Il y

19 avait une espèce de clôture en béton. J'ai sauté, je me souviens qu'il y

20 avait du blé. J'ai traversé le champ de blé et je suis allé dans une espèce

21 de pré avec de l'herbe et je me suis caché.

22 Q. En sortant de ce bâtiment et en passant par-dessus le mur, est-ce que

23 vous avez pu voir s'il y avait des corps aux alentours ?

24 R. Oui.

25 Q. Et le camion dans lequel vous étiez, le camion de personnes qui sont

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1 entrées dans ce bâtiment, est-ce que c'était le premier camion à venir du

2 cinéma où vous aviez été maintenu en détention ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous êtes enfui. Vous avez -- êtes-vous passé par-dessus le mur ? Vous

5 êtes parvenu à vous cacher dans une prairie. Avez-vous entendu -- avez-vous

6 vu ce camion revenir à plusieurs reprises ou une seule fois au bâtiment ?

7 R. Deux ou beaucoup de fois encore dans la même journée.

8 Q. Et à chacune de ces reprises, qu'avez-vous vu, qu'avez-vous entendu ?

9 R. Je n'ai entendu que des rafales provenant de ce même bâtiment.

10 Q. Et, étant donné si on part du principe, qu'à chaque fois il y avait le

11 même nombre de personnes dans le camion, combien d'après vous a-t-on emmené

12 de personnes pendant cette journée pour les tuer ?

13 R. À raison de 64, ça vous fait 192.

14 Q. Si ce chiffre est exact. S'agissant des personnes qu'on a fait venir

15 dans ce bâtiment pour les tuer, cela signifie d'après vos calculs qu'il

16 restait combien de personnes dans le cinéma de Pilica ?R. Trois cents,

17 environ.

18 Q. À votre connaissance, est-ce que l'on a depuis déterminé ce qu'il était

19 advenu de ces personnes ?

20 R. J'ai appris de source pas trop sûre qu'ils avaient été abattus à

21 Branjevo le 11 juin. C'était la fête du Bajram musulman.

22 Q. Parmi les personnes qui sont restées au cinéma de Pilica, et répondez,

23 s'il vous plaît, par oui ou par non, est-ce qu'il y avait, parmi ces

24 personnes, des membres de votre famille, votre frère et votre père ?

25 R. Oui.

Page 21496

1 Q. En partant du principe que ce camion qui est venu à deux reprises avait

2 des personnes venant du cinéma, vous n'êtes cependant pas en mesure de nous

3 dire si votre frère et votre père se sont trouvés à bord de ce camion lors

4 de ces deux venues du camion ?

5 R. Non.

6 Q. Mais est-ce qu'il est exact que depuis on ne sait pas ce qu'il est

7 advenu de votre frère, ni de votre père ?

8 R. On ne sait pas pour eux, ni pour les autres d'ailleurs.

9 Q. Est-ce que vous avez ensuite appris qu'un autre homme avait survécu

10 lors d'une attaque ayant eu lieu dans l'abattoir et, si c'est le cas,

11 comment s'appelait-il ?

12 R. Oui. Dans la troisième tournée, il y en a eu encore un qui a survécu.

13 Il est par la suite mort au cours de la guerre. Son nom est Vejsil Hamzic.

14 Q. Paragraphe 54. Et ici nous allons peut-être pouvoir aller un petit

15 plus rapidement que pour le reste de votre déposition.

16 Témoin B-1098, avez-vous quitté le lieu où vous vous cachiez ? Vous êtes

17 vous dirigé vers le nord ? Avez-vous vu des personnes travaillant dans les

18 champs si bien qu'en fait, vous vous déplaciez pendant la nuit et vous

19 cachiez pendant la journée ?

20 R. Et bien, je me suis dirigé en direction du pont sur rivière Drina, où

21 il y a la voie ferrée en direction de la Serbie. Et il y avait des

22 sentinelles sur le pont. Je me suis caché dans les buissons en contre bas

23 et j'ai attendu la tombée de la nuit. Lorsqu'il a fait nuit, j'ai traversé

24 la voie ferrée là où c'était sur du sol, sur terre ferme et je suis allé

25 vers le coin où la rivière Sapna se déverse dans la rivière Drina.

Page 21497

1 Q. Je vous interromps un instant car nous n'avons pas besoin de déterminer

2 avec trop de précision la nature exacte de vos déplacements. Mais à cet

3 endroit, là où l'une des rivières se jette dans l'autre, avez-vous vu un

4 char ?

5 R. Oui. Comme j'étais en train d'errer dans la nuit, je suis tombé sur une

6 espèce de kiosque. C'était éclairé et je me trouvais peut-être à une

7 dizaine de mètres de ce char. Quand j'ai vu ce char, j'ai glissé vers la

8 gauche. Et, lorsque je me suis dirigé vers la rivière, j'y ai vu un

9 cadavre. C'était quelqu'un de vêtu en jeans, en haut et en bas. Il était

10 allongé là. Je me suis enfui des lieux et je me suis caché dans un tas de

11 foin parce qu'il commençait déjà à se faire jour.

12 Q. Vous avez passé une journée dans une meule de foin. Vous y êtes caché.

13 Et, au cours de cette journée, avez-vous vu à plusieurs reprises, un homme

14 venir accompagné de différentes personnes mais différentes personnes à qui

15 cet homme a raconté la même chose ?

16 R. À vrai dire, je ne l'ai pas vu. Comme j'étais caché dans le foin,

17 j'avais juste un petit peu d'air. Et il venait deux, trois et même peut-

18 être quatre fois. Il a emmené des gens et il a dit : "moi, j'étais là et

19 lui était là-bas, j'ai tiré, je l'ai frappé d'une balle et l'autre, lui a

20 dit : "Mais pourquoi tu ne l'as pas égorgé ?" Alors, celui-ci a répondu :

21 "Qu'une fois qu'il s'était approché, l'autre était mort. Donc, il n'y avait

22 pas de raison de l'égorger ?"

23 Q. Dans le cadre de vos déplacements, est-ce que vous avez constaté qu'en

24 fait, vous marchiez, vous tourniez quelque peu en rond, si bien, que vous

25 vous êtes retrouvé près de l'endroit où vous aviez pratiquement été

Page 21498

1 exécuté ? Est-ce que vous vous êtes caché à cet endroit ? Avez-vous alors

2 remarqué deux véhicules ?

3 R. Oui. Je suis revenu, je suis retourné dans la nuit, je me suis perdu.

4 Je croyais que j'étais parti vers Sapna. En réalité, je suis allé vers

5 Kozluk. Et je suis retourné à -- tout près de l'endroit où l'on a été

6 fusillé.

7 Q. Et ces deux véhicules que vous avez vus à cet endroit, de quel type de

8 véhicule s'agissait-il ?

9 R. Il y avait une chargeuse et un camion de garer là-bas. A ce moment-là,

10 j'ai vu que l'on passait des toiles cirées par-dessus les côtés et je ne

11 sais pas du tout où est-ce qu'on les emmenait. Ils étaient en train de

12 charger des cadavres.

13 Q. Et ce véhicule dont vous nous dites que c'était une chargeuse ou plutôt

14 une pelleteuse, est-ce que c'est un véhicule équipé d'un mécanisme qui

15 permet de charger, de déplacer un volume important de terre ?

16 R. Oui, ça peut charger, ça peut pousser des amas de terres et ça peut

17 permettre aussi de décharger.

18 Q. D'après vos calculs, le jour où vous avez vu cet engin et ce camion

19 avec cette bâche, quel jour était-ce en juin ?

20 R. Ca devait être le 10 juin.

21 Q. Est-ce qu'en suite, vous êtes allé vers un pont non loin de là ? Que

22 vous vous êtes caché dans un fourré et de là avez-vous entendu des soldats

23 qui étaient accompagnés d'un chien ? Avez-vous entendu ces soldats de

24 femmes et d'hommes musulmans ?

25 R. Oui, je me suis dirigé une fois de plus là-bas et j'ai attendu qu'il

Page 21499

1 fasse nuit. J'ai vu deux soldats. Le pont était éclairé. On ne pouvait pas

2 traverser. Ils éclairaient de toute part. J'ai vu deux soldats avec un

3 chien et j'ai entendu - j'ai intercepté leur conversation. Alors, il a dit

4 : "Mais si tu savais tous ces Musulmans, toutes ces Musulmanes, alors pour

5 les femmes à propos des Musulmans." Ils ont dit : " on aura de quoi."

6 Alors, je crois que vous avez compris ce que je voulais dire. Je n'aime pas

7 utiliser le terme.

8 Q. Est-ce que vous avez passé cette même nuit dans une forêt ? Est-ce que

9 le lendemain, vous vous êtes retrouvés dans des territoires qui

10 précédemment étaient musulmans mais qui avaient été depuis nettoyés et est-

11 ce que vous avez donc estimé que vous étiez suffisamment en sécurité pour

12 pouvoir vous déplacer à cet endroit ? Et ensuite, est-ce que dans une des

13 clairières dans la forêt, vous avez vu deux hommes ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous vous êtes constitués prisonnier puisque ces deux hommes

16 vous ont ordonné de vous rendre et où vous ont-ils ensuite emmenés ?

17 R. Il y a peut-être une erreur là. J'ai été attrapé par un homme, mais

18 j'avais vu auparavant deux hommes. Je mettais caché pour qu'ils ne me

19 voient pas ces deux-là et j'ai traversé la forêt. Puis tout à coup, il en

20 est survenu un autre. Il avait un fusil automatique. Il m'a dit : "Haut les

21 mains" Et puis, il m'a emmené vers les deux hommes que j'ai mentionnés tout

22 à l'heure. Il y avait là-bas aussi trois femmes qui leur donnaient à

23 manger.

24 Q. Au bout du compte, vous êtes parvenu à vous enfuir en lançant sur ces

25 hommes un sac et en profitant de la confusion pour vous enfuir en courant ?

Page 21500

1 R. C'est cela.

2 Q. À ce moment-là, est-ce que l'un des hommes était parti pour aller

3 prendre contact avec une organisation locale ?

4 R. Oui. Il y avait un petit metteur récepteur du type Motorola. Il ne

5 pouvait joindre le QG et il devait aller vers une colline pour se faire et

6 moi j'avais demandé qu'on me laisse partir. Une fois que l'un d'entre eux

7 était parti, j'avais jeté mon sac vers eux et j'ai fui. J'ai peut-être

8 couru pendant 300 ou 500 mètres et j'ai entendu deux ou trois coups de feu

9 mais je n'ai pas entendu les balles sifflées autour de moi.

10 Q. Et savez-vous quelle cellule de crise exactement il s'apprêtait à

11 contacter ?

12 R. Celle de Celopek.

13 Q. Ensuite, vous êtes parti, j'en suis au paragraphe 60, et vous avez vu

14 deux soldats serbes qui se trouvaient à proximité, me semble-t-il ?

15 R. C'est exact. J'avais très faim. Je n'ai pas mangé pendant des jours et

16 je suis allé vers un cerisier pour cueillir des cerises et comme le terrain

17 était nettoyé de Musulmans, je m'étais dit qu'il n'y avait personne.

18 Alors, je connaissais bien la région, le coin, et je me suis un peu relâché

19 et je suis allé manger des cerises. J'ai entendu une branche se brisée

20 derrière moi. J'ai vu deux hommes en uniforme de camouflage et ils ont tiré

21 après moi. Et c'est là que j'ai été blessé. Je me suis enfui vers un

22 ruisseau par la suite et je suis revenu sur mes pas puis à droite, mais une

23 fois de plus vers eux. Pas par le même chemin, mais en sur élévation à dix

24 ou quinze mètres en surélévation par rapport au même emplacement et à la

25 même direction.

Page 21501

1 Q. Pour aller vite, au bout du compte, vous êtes parvenu à retrouver le

2 territoire libre et vous êtes arrivé à Tuzla, où l'hôpital de Tuzla où on a

3 extrait la balle que vous aviez reçue ?

4 R. Oui. Ces deux-là avaient probablement le souhait de m'égorger mais,

5 grâce à Dieu, je suis arrivé jusqu'au territoire libre et j'ai passé à

6 Tuzla un mois à me faire soigner.

7 Q. Merci. On va maintenant vous poser des questions supplémentaires.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, avez-vous des

9 éléments de preuve au sujet des personnes abattues dans la salle où se

10 trouvait également le témoin ? Avez-vous des éléments de preuve permettant

11 de déterminer si leurs corps ont été retrouvés et si on a réalisé des

12 examens médicaux légaux sur ces corps ?

13 M. NICE : [interprétation] Un instant, je vous prie.

14 [Le Conseil de l'Accusation délibère]

15 M. NICE : [interprétation] Je pense que vous faites référence à des

16 éléments de preuve que nous avons obtenus dans d'autres cas où on est

17 parvenu à faire le lien entre des fosses communes, des charniers et des

18 meurtres. Or, la réponse à votre question spécifique est que non. Pour

19 l'instant, nous n'avons pas encore d'éléments de preuve de ce genre. Nous

20 sommes en train de procéder à de nouvelles enquêtes.

21 Nous avons également un autre témoin qui pourra non pas de cette manière

22 mais d'une autre manière évoquer cette exécution.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Parce que j'estime, quant à

24 moi, que la méthode qui a été utilisée dans ces meurtres doit être prise en

25 compte pour examiner ce crime. Je souhaiterais maintenant me tourner vers

Page 21502

1 le témoin.

2 Témoin, vous avez perdu connaissance. Vous n'avez pas été abattu, mais,

3 est-ce que vous aviez été touché par une balle ? Est-ce que je dois bien

4 comprendre que vous avez reçu une balle dans le dos ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je n'ai été touché à aucun endroit à ce

6 moment-là.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je sais bien que vous n'avez

8 pas été touché mais, si vous aviez été touché, auriez pu -- pourriez-vous

9 dire où vous auriez été touché ? Auriez-vous reçu cette balle dans le dos

10 ou devant ou sur le devant du corps ? Parce que vous avez dit précédemment

11 qu'on vous a ordonné de vous aligner et de faire face au mur, il me semble

12 que vous avoir également dit que dès que vous avez tourné le dos aux

13 gardes, ils ont commencé à tirer. Si bien, ce que j'aimerais que vous me

14 disiez, c'est la chose suivante : quand les tirs ont commencé, que

15 regardiez-vous ? Est-ce que vous faisiez face au mur avec les autres hommes

16 qui se trouvaient là ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous faisions face au mur.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bon, c'est tout ce que je peux

19 attendre pour l'instant du témoin.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons maintenant faire une pause et

21 le contre-interrogatoire débutera après la pause de 20 minutes.

22 --- L'audience est suspendue à 12 heures 09.

23 --- L'audience est reprise à 12 heures 33.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous disposez d'une

25 heure et demie pour procéder au contre-interrogatoire de ce témoin.

Page 21503

1 L'ACCUSE : [interprétation] Je ne suis pas sûr que cela suffira mais nous

2 verrons plus tard, Monsieur May.

3 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

4 Q. Monsieur 1098, commençons donc par ce où vous vous étiez arrêté et on

5 reviendra par la suite au début de votre témoignage.

6 Tout à l'heure, vous avez en effet expliqué à l'intention du Juge Robinson

7 que vous étiez tous tournés face vers le mur, qu'on vous avait donné

8 l'ordre de le faire. N'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous étiez alignés dans une file ?

11 R. Oui, nous étions tous autour en fait, le long du mur, face contre le

12 mur.

13 Q. Pouvez-vous décrire la chose ?

14 R. J'ai décrit en disant que nous étions tous le long du mur et que nous

15 avions le visage tourné vers le mur.

16 Q. Et vous étiez au total 64 à être venu. En d'autres termes, vous étiez

17 la moitié dans cette pièce-là à peu près ?

18 R. A peu près.

19 Q. Donc, vous étiez à peu près 32 ?

20 R. Je ne sais pas pour la troisième pièce. J'ai dit que pour la troisième

21 pièce, je ne savais pas combien ils étaient. Et s'il y en avait, et je ne

22 sais pas vous dire non plus combien nous étions dans la pièce où j'étais.

23 Q. Bon, combien de soldats est-il entré après vous dans cette pièce ?

24 R. Il n'est pas entré un seul soldat. Ils étaient à la porte, dans

25 l'encoignure.

Page 21504

1 Q. Bien. Ayez l'amabilité de replacer ce schéma sur le rétroprojecteur,

2 schéma qui a été montré par le témoin pour représenter les deux pièces où

3 on dit que cette soi disant exécution a eu lieu. Veuillez le placer sur le

4 rétroprojecteur, je vous prie.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Excusez-moi, il n'est pas possible de

6 placer ce document sur le rétroprojecteur mais nous allons utiliser le

7 système d'affichage électronique et nous allons maintenant ce croquis à

8 l'écran.

9 L'ACCUSE : [interprétation] Ce n'est pas ce schéma. C'est le schéma où nous

10 montre deux pièces.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, pourriez-vous nous

12 aider. De quoi parle l'accusé ?

13 M. NICE : [interprétation] Je pense qu'il s'agit de l'intercalaire 3.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Incision d'intercalaire 3.

15 L'ACCUSE : [interprétation] Oui, il y a une place -- une pièce à gauche et

16 une à droite. Je me souviens de l'apparence que cela avait sur le

17 rétroprojecteur.

18 M. NICE : [interprétation] L'intercalaire 6 alors.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, c'est celui là. C'est là que le

20 crime a eu lieu, l'autre croquis nous montrait Karakaj, le lieu de

21 détention du témoin.

22 L'ACCUSE : [interprétation] Lui il avait montré un schéma dans la pièce

23 qu'on avait appelé "Gero's". Sur un rétroprojecteur, il y avait un schéma

24 où l'on a représenté ces pièces là.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Regardez l'écran, vous allez le voir.

Page 21505

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Là où il y a le "A", c'est les pièces à gauche et à droite, n'est-ce

3 pas, réponse exacte ?

4 R. [aucune interprétation]

5 L'ACCUSE : [interprétation] Je demanderais à la cabine technique de nous

6 grossir un peu ce schéma, de nous l'agrandir.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Bien, penchez-vous maintenant sur ce schéma. Vous étiez dans la pièce

9 numéro 1, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Et c'est là une pièce de 3X3 mètres.

12 R. A peu près, oui.

13 Q. Expliquez-moi comment peut-on, dans une pièce de 3X3 mètres, aligner 30

14 et quelques personnes le long des murs.

15 R. Pour autant que je m'en souvienne, Monsieur Milosevic, j'ai expliqué

16 des choses autrement.

17 Q. Mais ayez l'amabilité de nous dire comment vous avez expliqué cela ?

18 Parce que nous supposons à juste tire sur trois mètres de long et trois

19 mètres de large. Si on aligne les gens qui sont une trentaine, comment se

20 peut-il qu'autant de gens rentrent dans une pièce de ces dimensions qui ne

21 fait que 3X3 mètres ?

22 R. J'ai dit qu'un groupe était allé dans la pièce 1 où je me trouvais moi-

23 même, et que les autres étaient partis dans la pièce de gauche et delà à

24 savoir que combien il en avait, qui était parti au-delà, donc dans la pièce

25 "A", je n'en sais rien.

Page 21506

1 Q. Ce que vous êtes en train de nous relater est impossible.

2 R. [aucune interprétation]

3 Q. Il se peut que vous ayez été une trentaine. Etiez-vous une trentaine

4 ou pas dans cette pièce ?

5 R. Je n'ai pas compté.

6 Q. Vous n'avez pas compté mais tout à l'heure vous avez répondu à ma

7 question.

8 R. Je n'ai pas répondu comme vous avez dit -- comme vous vous l'avez dit.

9 Q. Bien, mais expliquez-moi alors parce que ce que vous avez dessiné et

10 décrit ici est impossible. C'est vous qui avez dessiné ce schéma ?

11 R. Oui c'est moi.

12 Q. C'est votre écriture ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous avez écrit en anglais ?

15 R. Moi, j'ai dessiné d'abord. Et maintenant pour ce qui est des

16 instructions en anglais, je ne sais -- ce n'est pas moi.

17 Q. Donc, vous vous avez dessiné les lignes ? Les tracés et le texte c'est

18 quelqu'un d'autre qui l'a marqué.

19 R. Le "A", le "3X3", le "3X3" au niveau du "numéro 2", c'est moi qui l'ai

20 fait à la Bosniaque.

21 Q. C'est là qu'on vous a exécuté avec 30 autres personnes dans cette pièce

22 puis vous avez expliqué que vous avez fui de là-bas parce que lorsque les

23 soldats sont partis, ce bâtiment n'a pu été gardé par personne.

24 R. Non.

25 Q. Il y avait plus personnes.

Page 21507

1 R. Dehors, il y avait des morts.

2 Q. Oui, mais il n'y avait pas de gardiens, il n'y avait personne, ils ont

3 abandonné les lieux, en attendant de ramener quelqu'un d'autre, c'est bien

4 cela ?

5 R. Ils ont mis le moteur du camion en marche et je les ai entendu dire,

6 qu'ils allaient chercher les suivants. Quand je suis sorti, il n'y avait

7 pas de gardien.

8 Q. Bien, puis vous dites que vous vous êtes retourné et que vous avez vu

9 derrière le mur qu'à deux reprises, le camion est allé et venu.

10 R. Je n'ai pas dit derrière le mur mais de très loin, là où je m'étais

11 caché.

12 Q. Que vous avez revu deux fois le camion revenir et faire la même chose.

13 R. Oui, le camion est venu et à deux reprises on a entendu des rafales de

14 tirer.

15 Q. Bien, mais entre temps comme personne n'était plus là-bas, cela

16 signifie qu'ils se sont servis trois fois de la même pièce, qui fait trois

17 fois 3X3 mètres, on a fait entrer tous ces gens là et ils s'avèrent vrai

18 que dans une pièce 3 sur 3, ils ont exécuté une centaine de personnes.

19 R. Ce n'est pas forcément à l'intérieur, ils ont peut-être fait dehors.

20 Q. Donc, s'ils faisaient de la même chose, s'ils procédaient de la même

21 façon.

22 R. Je n'ai pas dit qu'on les avait fait entrer dans la même pièce. J'ai

23 entendu le camion revenir et j'ai entendu des rafales.

24 Q. Bien, c'est maintenant vous le dites ça, tout à l'heure vous disiez

25 autre chose.

Page 21508

1 R. Non.

2 Q. Dites-moi maintenant, vous vous trouviez dans le premier camion, puis

3 on a fait venir encore deux camions, ce camion là, celui où vous avez dit

4 que vous étiez 64, c'est bien ce que vous avez dit ?

5 R. Oui.

6 Q. C'est -- d'après vos dires, c'était un camion deux tonnes.

7 R. Oui.

8 Q. Mais comprenez-vous qu'il n'y a aucune possibilité de faire monter 64

9 hommes sur un camion deux tonnes, même s'ils se mettaient l'un sur la tête

10 de l'autre. Est-ce que vous savez ce que c'est un camion de deux tonnes de

11 porter. Est-ce que vous savez quel est l'espace disponible ? C'est juste de

12 quoi placer deux mètres cube de marchandise. Pourquoi avez-vous inventé

13 cela, je vous prie.

14 R. Posez-moi la question concrète.

15 Q. Où vous voulez-vous en venir à quoi ceci sert-il, un --

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, le type de camion est-ce là

17 quelque chose d'important, parce que ici on parle d'évènements d'une

18 importance extraordinaire. On parle du massacre de centaines de personnes.

19 Ces personnes sont-elles parties dans un camion de deux tonnes ou un camion

20 de trois tonnes ? Ce détail ne nous aide pas. Il n'est pas pertinent. Vous

21 ne voulez pas laisser entendre, je suppose, que le témoin a concocté tout

22 ceci.

23 L'ACCUSE : [interprétation] Monsieur May, ce verre-ci vous ne pouvez pas

24 mettre dedans un litre d'eau. Dans un camion qui ne fait que deux tonnes de

25 porter, et il y a des dimensions qu'il est facile de déterminer, et il

Page 21509

1 n'est pas absolument pas possible de faire monter à bord d'un camion pareil

2 64 hommes, c'est de cela que je parle et je ne dis pas que cet homme a

3 inventé ce qu'il est en train de nous raconter.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas vrai.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Bon, allons de l'avant. Avez-vous dit qu'on vous a tout pris la

7 première fois et que la deuxième fois, on vous avait redemandé à vous

8 prendre encore des choses.

9 R. Oui, et même ma femme et mes enfants, Milosevic.

10 Q. Vous n'avez donc rien sur vous ?

11 R. Rien on a séparé ma femme et mes enfants et moi on m'a fusillé.

12 Q. Étant donné qu'à deux reprises, on vous a tout confisqué, comment se

13 fait-il que vous ayez un sac à la main, que vous avez jeté sur les soldats

14 pour les faire peur par la suite.

15 R. Ce n'était pas un sac en toile, c'était un sac en plastic que je

16 trouvais à Karakaj, et j'ai mis mes chaussures et mon blouson. Et je

17 portais cela avec moi parce qu'il pleuvait et je portais cela pour changer

18 de chaussures.

19 Q. Pour changer de chaussures.

20 R. Oui, oui, j'avais mis de gros souliers sur mes pieds parce qu'il

21 pleuvait.

22 Q. Je comprends mais vous n'avez rien sur vous.

23 R. J'ai dit que j'ai trouvé à Karakaj et dans une maison musulmane, un

24 blouson et des gros souliers, des espèces de bottes coupées, et j'ai mis

25 tout cela dans un sac. Et j'ai mis mes chaussures dans ce sac.

Page 21510

1 Q. Bien, en page 2 paragraphes 4 de votre déclaration, vous indiquez en

2 votre qualité d'ouvrier, vous avez travaillé dans une entreprise de

3 Belgrade, ou plutôt deux entreprises. Je ne veux pas les citer ainsi, et

4 ceci entre 1975 et 92, c'est bien cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Donc, pendant dix sept ans tout plein.

7 R. Oui.

8 Q. A Belgrade.

9 R. À Belgrade, pas peut-être tout à Belgrade, j'ai un peu travaillé en

10 Russie.

11 L'INTERPRÈTE : Au micro.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

13 Q. Donc, pratiquement parlant vous avez --

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] On vous demande de ralentir la cadence.

15 De cette façon, il est possible de brancher et débrancher des micros.

16 Veuillez pour chacun d'entre vous attendre que se termine l'intervention de

17 l'autre. Monsieur le Témoin, assurez-vous que vous ne commenciez pas à

18 parler avant que le micro de l'accusé soit débranché.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Donc, vous avez séjourné pendant 17 ans à Belgrade ?

21 R. Oui.

22 Q. Pendant tout ce temps-là, dites-moi, en travaillant dans des

23 entreprises de Belgrade, pendant 17 ans, avez-vous eu des problèmes du fait

24 d'être Musulman ?

25 R. Non.

Page 21511

1 Q. Vous nous indiquez en page 2, paragraphe 6, que lorsque la guerre a

2 commencé en 1992, vous êtes venu dans votre village en arrivant de

3 Belgrade. Je ne vais pas mentionner le nom du village parce qu'au début la

4 question a été posée à huis clos partiel et que vous étiez arrivé là-bas

5 pour fêter le Bajram, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Quand êtes-vous arrivé exactement au village ?

8 R. Je crois que c'était le 3 avril -- à peu près le 3 avril.

9 Q. Bien. Donc, vous n'êtes pas rentré de Belgrade parce que la guerre a

10 commencé mais vous êtes allé là-bas pour fêter le Bajram avec votre

11 famille ? C'est bien cela ?

12 R. Oui. La vérité, c'est que je suis allé fêter le Bajram.

13 Q. Serait-il exact de dire que vous avez avancé auprès de vos supérieurs

14 au niveau de l'entreprise. Vous avez précisé que vous rentriez pendant

15 quelques jours chez vous pour fêter cette fête du Bajram, c'est bien cela ?

16 R. Mais, nous jamais à l'entreprise, nous ne disions -- je crois que

17 c'était un jeudi ou un vendredi et c'est ainsi que les week-ends, nous

18 partions -- nous rentions chez nous.

19 Q. Donc, vous avez indiqué, je rentre à la maison pour la fête du Bajram

20 mais c'est la raison que vous avez avancé, c'est bien cela ?

21 R. Je vous ai dit tout à l'heure que tous les week-ends, ou plus ou moins,

22 nous rentrions chez nous.

23 Q. Mais, est-ce quiconque vous a fait des problèmes pour ce qui est

24 d'aller chez vous et fêter cette fête. Est-ce que quelqu'un vous a fait une

25 observation quelconque à ce sujet ?

Page 21512

1 R. Des observations nous ont été faites ce jour où nous avons quitté

2 Belgrade. On a renvoyé les autocars depuis les douanes sur l'autoroute vers

3 Belgrade.

4 Q. Renvoyez ?

5 R. Oui. Au niveau du contrôle douanier, on renvoyait les autocars vers

6 Belgrade.

7 Q. Entendez, je n'ai pas remarqué la chose. Comment êtes-vous allé là-bas

8 si on a renvoyé les cars ?

9 R. Nous avons pris un car de l'entreprise Lasta et nous sommes passés par

10 Obrenovac.

11 Q. Bon. Parce que puisque vous affirmez être rentré lorsque la guerre a

12 commencé, vos voisins, les Serbes vous ont prévenu semble-t-il du danger

13 qui se faisait menaçant d'après ce que dit votre déclaration préalable.

14 Et partant de ces avertissements au niveau de danger qui était éminent,

15 vous êtes allé à Klisa, c'est bien cela ?

16 R. Oui.

17 Q. En réalité, cela signifie qu'au moment où vous étiez dirigé vers Klisa,

18 dans votre village, il n'y avait aucun conflit et aucune opération de

19 combat ?

20 R. Il y a eu des coups de feu isolés, mais il n'y a pas eu de tirs vers

21 l'étable, au village.

22 Q. Mais quels sont les Serbes locaux qui vous ont prévenu de l'imminence

23 de certains dangers ? Pouvez-vous nous l'indiquer ?

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous le souhaitez, nous pourrons pour

25 se faire passer à huis clos partiel.

Page 21513

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, s'il sait me répondre, je veux bien.

2 Mais, s'il ne sait pas me répondre, c'est pas la peine de passer à huis

3 clos partiel.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois l'avoir indiqué une fois.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

6 [Audience à huis clos partiel]

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

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17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 [Audience publique]

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Page 2, paragraphe 6, vous déclarez ceci : "La plupart des Musulmans de

25 mon village ont pris la fuite en direction de Klisa et je faisais parti de

Page 21514

1 ce groupe ainsi que les membres de ma famille." Est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Dites-moi. Puisque vous -- vos voisins serbes vous ont averti de

4 l'imminence de certains dangers, vous avez tenu compte de ces

5 avertissements. Vous avez quitté le village. Vous n'avez pas dû fuir devant

6 qui que ce soit ?

7 R. Monsieur Milosevic, on nous a dit d'emmener nos voitures, ce qu'on

8 avait comme nourriture et quiconque avait un tracteur ou un autre véhicule

9 de prendre de quoi manger et d'aller à Klisa parce que la Croix Rouge et le

10 Haut commissariat aux réfugiés allaient venir et nous accompagner jusqu'à

11 Medjedje.

12 Q. Mais est-ce quiconque vous a chassé de votre village ?

13 R. C'était que cet ordre a été donné, ça voulait dire que nous étions

14 chassé.

15 Q. Mais, moi j'ai eu l'impression que quelqu'un vous a dit qu'il y avait

16 un certain danger et vous n'avez pas vérifié ? Vous êtes parti. Ce n'est

17 pas que quelqu'un serait venu, qu'il vous aurait dit de quitter le

18 village ?

19 R. C'est vrai, monsieur, mais on nous a dit que nous allions être tués car

20 il y avait l'unité paramilitaire qui était arrivée.

21 Q. Oui, mais ça je n'ai pas constaté la présence cela dans votre

22 déclaration préalable non plus. Je n'ai pas été en mesure d'établir dès

23 lors, de quelle façon vous avez quitté votre village.

24 Vous affirmez que le 1 juin 1992, à votre grande surprise, vous vous étiez

25 rendu compte que les unités paramilitaires et la JNA avaient tout à fait

Page 21515

1 encerclé le village de Klisa. Vous avez précisé que si vous aviez été au

2 courant, vous auriez essayé de passer en territoire libre. C'est de cette

3 façon là que vous êtes exprimé, plutôt que d'attendre la capture par les

4 Chetniks. Est-ce bien ce que vous avez déclaré ?

5 R. J'ai dit, il y a un instant, qu'on nous avait dit que le HCR et la

6 Croix Rouge allaient arriver. Mais c'est vrai que les Chetniks sont arrivés

7 eux, et, ont cerclé le village.

8 Q. Bon. Première chose. Qui sont ces Chetniks ? Vous pensez à des

9 effectifs précis, des membres d'une unité ou est-ce que vous référez par là

10 aux Serbes de la localité ?

11 R. Je pense à tous ceux qui ont tué des innocents.

12 Q. Bon. Page 3, paragraphe 1, vous expliquez quels sont les protagonistes.

13 Et là, je vous cite : "Je pense que les soldats en uniforme gris olive

14 étaient des paramilitaires serbes à la JNA, alors que ceux qui étaient en

15 uniforme de camouflages étaient des Chetniks de la localité."

16 C'est bien cela ?

17 R. Je pense franchement pour moi, les deux c'était des Chetniks.

18 Q. Tous les Serbes ?

19 R. Non, non, pas tous les Serbes, il y a aussi des bons Serbes.

20 Q. Ah, il y a des bons Serbes. Mais dans la phrase qui précède dans votre

21 déclaration que je vous ai citée, vous dites n'avoir pas reconnu un seul

22 soldat, ni aucun membre des formations paramilitaires. Pourtant, vous

23 parlez des Chetniks en uniforme de camouflage et vous dites d'eux que

24 c'étaient des gens de la localité.

25 R. Je l'affirme parce qu'ils avaient le visage masqué.

Page 21516

1 Q. Et ce qui vous permet de conclure que c'étaient des gens de la

2 localité ?

3 R. Précisément, c'est comme ça que j'ai tiré cette conclusion.

4 Q. Mais ces habitants locaux où ont-ils été chercher ces masques ?

5 R. Il ne s'agit uniquement de masques. Il y avait aussi des chaussettes,

6 là où on avait un trou pour les yeux seulement, en noir.

7 Q. Mais vous dites que c'était des membres de la JNA ?

8 R. C'est ce que j'affirme.

9 Q. Je constate à la lecture de votre déclaration que vous avez fait aussi

10 votre service militaire obligatoire dans la JNA, plus de dix ans avant tous

11 ces événements ?

12 R. J'ai fait mon service dans la JNA mais, j'ai servi dans l'armée de

13 Tito.

14 Q. Cette année-là en 1992, vous faisiez partie des effectifs de réserve de

15 la JNA aussi, n'est-ce pas ?

16 R. Jamais je n'ai été convoqué dans les forces de réserve.

17 Q. On ne vous a pas donné de missions mais, il y a en d'autres qui -- pour

18 qui ce fut le cas. C'était aussi des Musulmans, tout comme vous. Et ces

19 hommes avaient aussi chez eux l'uniforme vert olive qu'on leur avait donné

20 au départ. L'uniforme de la JNA, non ?

21 R. Moi, je parle en mon nom personnel. Je ne sais pas qui donnait quel

22 uniforme à qui. Je sais tout simplement que la police ou que les policiers

23 avaient des armes automatiques qui leur ont été confisquées.

24 Q. Et vous n'êtes pas au courant du fait que les réservistes avaient un

25 uniforme qui ressemblait beaucoup, qui était le même en fait que l'uniforme

Page 21517

1 de la JNA. Que c'était des réservistes de la Yougoslavie avant l'éclatement

2 de la guerre et que tout le monde avait cet uniforme; qu'ils soient Serbes,

3 Musulmans, Slovènes ou de Macédoine. Vous êtes au courant de cela ?

4 R. Je sais que avant le début de la guerre, tous les uniformes étaient les

5 mêmes.

6 Q. Et sur quoi vous basez-vous pour dire que les gens en uniforme vert

7 olive étaient de la JNA. Ils auraient pu être des membres de la Défense

8 territoriale, des réservistes. Quiconque possédait ce type d'uniforme ou

9 quiconque avait reçu ce type d'uniforme ?

10 R. Si j'affirmais cela, c'est parce que ces hommes étaient des hommes très

11 jeunes.

12 Q. Et il n'y avait pas de jeunes dans l'armée de Republika Srpska, dans

13 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ces armées étaient-elles uniquement

14 composées de vieillards ?

15 R. Je crois que l'armée de Bosnie-Herzégovine n'existait même pas à

16 l'époque, n'existait que la JNA. Il y avait bien sûr aussi les forces de

17 réserve que vous avez mentionnées, il y a un instant.

18 Q. Je vous en prie, ces événements dont vous parlez dans votre déposition

19 se sont produits quand ? Ils se sont bien produits début juin, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Oui, début juin, pas simplement le début -- en début juin, le 1 juin.

22 Q. Vous donnez des dates, celles qui vont du 1 au 10 juin. C'est bien sur

23 cette période-là que porte votre déposition ?

24 R. Je pense à la période qui va du 1 au 12 juin.

25 Q. Du 1 au 12 juin. Savez-vous que les unités de la JNA se sont retirées

Page 21518

1 du territoire de la Bosnie-Herzégovine avant le 19 mai 1992 ou qu'à cette

2 date-là elles s'étaient déjà retirées ?

3 R. Je ne suis pas au courant.

4 Q. A une question que je vous avez posée auparavant, vous avez répondu que

5 vous vous étiez échappé de Klisa -- ou seriez échappé de Klisa et que vous

6 seriez passé en territoire libre si vous aviez su comme vous l'avez dit

7 c'était les Serbes -- les forces serbes qui allaient arriver plutôt que la

8 Croix-Rouge ou le UNHCR ?

9 R. C'est vrai que j'aurais pris la fuite. Mais il y avait un barrage

10 routier en contre bas. Beaucoup de gens de Klisa ont réussi à passer en

11 territoire en passant par les bois.

12 Q. Mais ce territoire libre qu'était -- qu'est-ce que c'était en 1992.

13 Pourriez-vous me le préciser puisque maintenant, vous parlez de ce que vous

14 appelez de territoire libre ?

15 R. Pour moi, c'est un territoire libre ou libéré. J'entends par là ce

16 territoire où les formations paramilitaires ne s'avançaient pas ou je ne

17 pense pas qu'il y avait des paramilitaires ni l'armée, mais pas seulement

18 les hommes de Seselj, les hommes d'Arkan, mais uniquement là où les gens se

19 défendaient quand ils comprenaient ce qui se passait dans toute autre

20 partie du village.

21 Q. Et qui contrôlait ce, militairement -- ce territoire que vous appelez

22 territoire libre, ce fameux territoire qui est le vôtre. Au sens militaire

23 comme dans d'autres sens, qui le contrôlait ?

24 R. Ce territoire était contrôlé par les habitants des autres villages.

25 Q. Les habitants locaux ?

Page 21519

1 R. Oui.

2 Q. Bon. Vous parlez de territoire libre, vous parlez d'un territoire sans

3 Serbes ? C'est ce que vous appeliez un territoire libre ?

4 R. Je n'ai jamais dit une chose pareille.

5 Q. Mais vous, Musulman qui avait passé 17 ans à Belgrade, vous étiez

6 rentré chez vous pour fêter Bajram, pas à cause de la guerre. C'est ce que

7 nous avons établi, puisque ce sont là vos propres termes. Et maintenant,

8 vous parlez d'un territoire libre. En d'autres termes, un territoire se

9 trouvant sous contrôle musulman. C'est bien ce que vous voulez dire quand

10 vous parlez de "territoire libre" ?

11 R. J'ai dit est arrivé le 3 avril, à ce moment-là il n'y avait pas de

12 guerre en Bosnie.

13 Q. Et après ça, vous êtes venu en territoire libre. C'est la raison pour

14 laquelle je vous pose cette question ?

15 R. J'ai parlé de territoire libre pour indiquer des régions où les

16 habitants locaux ont posé une résistance.

17 Q. Fort bien. Connaissez-vous un seul endroit de Podrinje, Podrinje en

18 Bosnie-Herzégovine. Je ne parle ici du Prodrinje qui se trouve en Serbie.

19 Connaissez-vous un seul endroit de Prodrinje où il n'y aurait pas eu de

20 Serbes, un seul endroit où il n'y avait pas d'habitants serbes ?

21 R. Pourriez-vous répéter cette question.

22 Q. À Prodrinje, en Bosnie-Herzégovine y a-t-il un seul endroit où il n'y

23 aurait pas d'habitants serbes ?

24 R. Oui, il y a en a pas mal, d'ailleurs.

25 Q. Vous voulez dire villages individuels, isolés ?

Page 21520

1 R. Oui, des villages isolés, certains villages.

2 Q. Est-ce que ça veut dire que les Serbes qui habitaient dans ce

3 territoire dit libre ont été chassés vers un autre territoire par quelqu'un

4 qui estimait que le territoire en question était un territoire ou libéré.

5 Donc, quelqu'un est devenu d'un territoire que l'autre tenait pour libre ?

6 R. Je ne sais pas qui a expulsé qui. Mais c'est vrai que la situation

7 était -- existait déjà. J'étais en train d'être fusillé à l'époque.

8 Q. Mais qui aurait pu les chasser de ce territoire ?

9 R. J'ai dit à l'instant car moi à ce moment-là, monsieur, j'étais dans un

10 camp.

11 Q. Bien mais vous disiez que il y avait des réfugiés serbes, de la région

12 de Zivinice, qui étaient venues pour la plupart dans votre région. Je

13 parle de ceux qui s'étaient échappés, qui avaient quitté la région de

14 Zivinice. Mais à quoi voulaient-ils échapper ?

15 R. Et bien, il faudrait poser la question à quelqu'un de Zivinice.

16 Q. Mais dites-moi. Et là je parle de votre vécu à vous. Vous avez

17 mentionné Zivinice et les réfugiés serbes, qui venaient de là et ainsi de

18 suite. Est-il vrai de dire que c'est à cause de ces affrontements, de

19 cette guerre civile, que les Serbes et les Musulmans, qui essayaient de

20 sauver leur peau, et aussi une partie de leurs biens, allaient vers des

21 territoires voisins, plus ou moins voisins, territoires qui se trouvaient

22 être contrôlés par leurs compatriotes ? C'est votre vécu à vous mais c'est

23 aussi manifestement ce qu'ont vécu ces autres réfugiés, en l'occurrence

24 ceux de Zivinice.

25 R. A l'époque, je ne me trouvais pas moi à Zivinice mais je sais à coup

Page 21521

1 sûr que ce sont des gens de Bijeli Potok, de Brnci, de Bijeli Potok, que ce

2 soit des gens de Brnci jusqu'à Zivinice, qui sont venus s'installés dans

3 ces villages de Bijeli Potok, Lupici et autres villages voisins.

4 Q. Donc, personne ne les a capturés, ne les a tués à cet endroit

5 d'ailleurs, n'est-ce pas ? Donc, ces personnes ne se sont enfuies de ces

6 endroits-là ?

7 R. Je ne sais pas comment ça s'est passé.

8 Q. Fort bien. Vous ne savez pas mais je suis sûr que vous pouvez faire des

9 suppositions qu'elle était la raison. Il ne peut pas y avoir d'autres

10 raisons, n'est-ce pas ? Vous donnez des chiffres. Savez-vous ceci

11 s'agissant de votre village ? (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 M. NICE : [interprétation] Je crois qu'il est préférable de ne pas donner

15 de chiffre car ceci risque de dévoiler le nom du village ou était né le

16 témoin.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Passons à huis clos partiel.

18 [Audience à huis clos partiel]

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

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1 (expurgé)

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14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 [Audience publique]

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Page 3, paragraphe 2, vous dites la chose suivante : vous affirmez qu'à

21 Klisa, le 1er juin, se trouvait quelques 4 000 réfugiés musulmans. Est-ce

22 exact ?

23 R. Oui.

24 Q. Etes-vous au courant du fait qu'à Klisa, lieu surtout musulman, d'après

25 le recensement que j'ai cité, il y a un instant --il y avait 615 Musulmans,

Page 21523

1 c'est donc un tout petit endroit ?

2 R. Je ne sais pas exactement combien il y a d'habitants mais ce chiffre

3 est plausible.

4 Q. S'agissant du village de Djulici, là aussi un village surtout Musulman,

5 il y avait 1 029 habitants. Ce qui ne veut pas dire que tous les habitants

6 étaient présents sur les lieux à ce moment-là. Certains se trouvaient à

7 l'étranger d'autres -- dans d'autres lieux. Vous le savez ce recensement

8 reprend la totalité des habitants qu'ils vivent sur place ou pas, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Monsieur Milosevic, je vais vous dire ceci. A Klisa, sur 13 villages

11 musulmans, vous aviez des réfugiés aussi. Vous n'avez pas ces informations

12 pour tous les villages.

13 Q. C'est vrai. Mais d'où tenez-vous ce chiffre de 4 000 réfugiés ?

14 R. Du fait que les personnes ont été recensées à leur arrivée à Klisa et

15 nous savions qu'il y avait beaucoup de gens à Klisa.

16 Q. Donc, on a fait le décompte de ces gens ? Quelqu'un vous l'a dit ?

17 Quelqu'un vous a donné ce chiffre de 4 000 ? Ce n'est pas vous qui aurait

18 fait le décompte, n'est-ce pas ?

19 R. Si c'est moi qui en avais eu la responsabilité, peut-être que je les

20 aurais compté mais ce n'était pas le cas. Donc, c'est d'autres personnes

21 qui s'en sont chargées.

22 Q. Et ce sont ces autres personnes qui vous ont donné ce chiffre, n'est-ce

23 pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous ajoutez qu'aucun d'entre vous qui aviez cherché refuge à Klisa,

Page 21524

1 aucun d'entre vous n'était armé ? Ce n'est pas mêmes les Musulmans qui

2 habitaient Klisa, c'est bien cela ?

3 R. Tous ceux qui se sont retrouvés par hasard à Klisa n'avaient pas

4 d'armes. Si quelqu'un avait eu des armes. Et bien, ils s'en seraient

5 servis.

6 Q. Fort bien. Et vous affirmez que ce sont les Serbes qui ont tiré en

7 l'air. Vous dites qu'ils vous ont terrorisé mais que ces tirs n'ont pas

8 duré très longtemps et que personne n'a été blessé du coup. C'est bien

9 cela ?

10 R. Oui, c'est exact. J'ai dit qu'ils avaient tiré en l'air, qu'ils avaient

11 encerclé Klisa, que des chars étaient arrivés à Klisa, qu'ils y avaient

12 beaucoup de soldats dans les environs et après m'être échappé, j'ai aussi

13 appris que deux personnes avaient trouvé la mort à Klisa, avaient été

14 tuées. Il s'agissait d'un homme âgé et d'une femme.

15 Q. Mais, est-ce que l'inverse n'est pas vrai ? A savoir qu'il y a eu des

16 combats ce jour-là à Klisa et dans les environs, qu'il a eu des échanges de

17 tirs pour utiliser un euphémisme, des changes de tirs ? N'est-il pas vrai

18 que des membres de formation musulmane armée, quand je pense à des

19 paramilitaires, que ces hommes ont réussi à s'échapper, à sortir de Klisa,

20 précisément, à ce moment-là, au cours de la période que vous vous

21 décrivez ?

22 R. Il se peut que vos informations ne soient pas exactes. Moi, je ne suis

23 pas au courant.

24 Q. Est-ce que ceci expliquerait la fouille qu'ont effectué les Serbes afin

25 de trouver des armes ?

Page 21525

1 R. Ils n'ont pas fouillé les maisons pour trouver des armes. Ils sont

2 venus pour se livrer à des actes de pillage et de destructions des maisons.

3 Q. Mais vous avez dit, il y a un instant, qu'au moment où vous avez été

4 capturé, ils avaient emmenés un homme chez lui afin qu'il leur donne les

5 armes qu'il avait dans sa maison. La fouille, l'enquête qui a été menée,

6 avait donc pour objet de confisquer des armes. Armes utilisées pour tirer

7 et pour tuer, n'est-ce pas ? Êtes-vous au courant de cela ?

8 R. Monsieur Milosevic, j'ai dit très clairement qu'on a emmené un homme.

9 C'était un chasseur. Il avait un permis de port d'armes pour son fusil de

10 chasse mais il a refusé de le donner. Et les gens --- les habitants

11 savaient parfaitement qui avait -- tenait ces armes ou pas. Si bien, qu'il

12 l'ont emmené chez lui. Ensuite, ils nous l'ont ramené.

13 Q. Donc, ils l'ont emmené chez lui pour qu'il puisse leur donner son arme.

14 Si bien que l'objectif de cette opération, c'était de trouver les armes,

15 les armes que possédaient les habitants qui avaient été faits prisonniers.

16 R. L'idée, c'était -- vous pouvez répéter cela, si vous voulez, mais ce

17 n'est pas vrai. Ils ont emmené des gens innocents et ils les ont tués,

18 Milosevic. C'est ça qui s'est passé. Ce n'était pas pour chercher des

19 armes.

20 Q. Mais, je ne vois pas vraiment la logique dans ce que vous nous dites.

21 Quand on vous a dit qu'il valait mieux pour vous que vous avouiez, savez-

22 vous combien de crimes avaient été commis à partir du mois de juin dans

23 cette région ? Donc, qu'est-ce qu'ils voulaient que vous confessiez, que

24 vous avouiez ? Ils ne voulaient pas que vous disiez votre nom. Alors,

25 qu'est-ce qu'on vous demandait de reconnaître, d'admettre ?

Page 21526

1 R. Ces régions ont donné les armes qu'elles possédaient. Ce n'était pas

2 une région où il y avait des combats, c'était une région qui avait été

3 évitée. Ils sont allés plus tard mais nous nous habitions à cet endroit et

4 il n'y avait pas de combats. Les combats avaient lieu dans d'autres

5 villages plus loin.

6 Q. Pourtant, il me semble vous avoir entendu dire qu'il y avait des

7 combats au-dessus de votre village, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Donc, il y a eu des affrontements, il y a eu des combats. Et je

10 reprends une fois de plus ce que vous nous avez dit. Vous avez dit que l'un

11 des Serbes qui se trouvait là avait demandé s'il y avait quelqu'un de

12 Kovacevici parmi les prisonniers, n'est-ce pas ? Et là, je reprends ce que

13 vous nous avez dit. Vous avez dit quelqu'un nous a demandé s'il y avait

14 quelqu'un du village de Kovacevici parmi les prisonniers, n'est-ce pas ?

15 C'est vous-même qui l'avez dit. Vous avez rapporté les propos d'un soldat

16 serbe. Vous dites qu'il vous a posé cette question.

17 R. Oui.

18 Q. C'est exact. Et j'ai dit qu'il y a eu des combats à Kovacevici et au

19 village de Kovacevici et cet homme -- et cet homme avait été blessé à la

20 jambe et il voulait savoir s'il y avait quelqu'un de Kovacevici pour les

21 égorger éventuellement.

22 Q. Mais ça je n'en sais rien. Mais en tout cas, il a demandé s'il y avait

23 des prisonniers de Kovacevici, n'est-ce pas ? Là, je reprends les mots que

24 vous avez vous-même prononcé. C'est bien vrai, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 21527

1 Q. Donc, il y avait des prisonniers, des gens qui avaient été faits

2 prisonniers pendant ces combats-là, n'est-ce pas exact Monsieur 1098?

3 R. Monsieur Milosevic, c'est complètement faux. Ce dont vous parlez, ce

4 sont des endroits qui ont lieu très loin de ces villages. C'était là des

5 citoyens tout à fait loyaux de Republika Srpska.

6 Q. J'imagine que lorsqu'il a interrogé ces détenus, il a estimé que

7 c'était des prisonniers, des détenus ?

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il a dit qu'il s'agissait de civils.

9 L'ACCUSE : [interprétation] Je reprenais les propos mêmes du témoin.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez parfaitement entendu ce que le

11 témoin a déclaré.

12 L'ACCUSE : [interprétation] Fort bien.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur 1098, ce jour-là qui vous a fait prisonnier, qui vous a emmené

15 au hangar à Karakaj ?

16 R. Vous voulez que je répète tout ce que j'ai dit. La JNA, les gens du

17 coin qui avaient des masques pour pas qu'on ne les reconnaissent, des gens

18 qui portaient des uniformes, voilà, les gens qui nous ont fait prisonnier.

19 Nous tous, pas comme moi, nous étions 700.

20 Q. Mais à l'époque, il n'y avait pas de membres de la JNA dans la région

21 mais vous pouvez continuer à l'affirmer, peu importe. Paragraphe 7 à la

22 page 3, vous dites, ce que vous avez d'ailleurs répété ce matin, vous dites

23 que vous avez été transporté dans trois camions civils. C'est bien ce que

24 vous avez dit, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, c'est exact.

Page 21528

1 Q. Donc, vous étiez 720 et vous avez tous été transportés dans ces trois

2 camions, c'est bien cela ?

3 R. J'ai dit que j'avais vu trois camions mais savoir combien de personnes

4 ont été transportés s'il y a des camions supplémentaires qui sont arrivés,

5 ça je n'en sais rien, Monsieur.

6 Q. Monsieur 1098, c'est exactement ce que vous avez dit. C'est pour cela

7 que je vous pose la question. Si nous avons trois camions avec 720

8 personnes dans un camion, est-ce que ça ne vous semble pas légèrement

9 impossible ? Quelque soit la dimension du camion concerné.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin, il a répondu. Il a dit qu'il

11 était possible qu'il y ait eu d'autres camions.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Bien. Mais physiquement c'est impossible. Cependant, affirmez-vous

14 qu'il y avait trois -- étant donné que vous dites qu'il y avait trois

15 camions de civils, est-ce que vous vous affirmez ? Est-ce que vous pensez

16 que la JNA utilise des camions civils ?

17 R. Je ne sais pas qui a envoyé ces camions. Si c'est la JNA qui a donné

18 des ordres dans ce sens ou bien les responsables -- les responsables de la

19 municipalité de Zvornik, je n'en sais rien.

20 Q. Ah, je suis content d'apprendre que vous ne le savez pas parce que

21 jusqu'au 1er juin en fait, vous n'aviez vu aucun membre de la JNA à Djulici,

22 Karakaj ou Klisa. Pourquoi ? Parce que la JNA n'était pas dans la région à

23 cette époque-là.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous en avons déjà parlé. Si vous

25 souhaitez ajouter quelque chose, vous pouvez le faire.

Page 21529

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaiterais répondre à la question. Je

2 n'ai jamais dit que la JNA n'était pas à Klisa, Djulici et Karakaj. J'ai

3 dit qu'ils étaient dans ces trois localités.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Moi, j'affirme que vous inventez la chose et je vais essayer de le

6 prouver mais vous ne cessez de dire que la JNA était là.

7 R. Vous pouvez l'affirmer, c'est vous qui donniez les ordres.

8 Q. Page 3, cinquième paragraphe, vous nous dites qu'on a emmené 720 hommes

9 à Karakaj ce jour-là et ensuite à la page 4, paragraphes 4 et 6, vous nous

10 dites qu'on vous a tous enfermé dans deux salles de petites dimensions.

11 R. C'est tout à fait ça. Sept cents personnes. Il y avait une salle qui

12 était petite et l'autre y était un peu plus grande. L'autre était peut-être

13 un peu plus petite que le prétoire où nous sommes.

14 Q. Vous affirmez ensuite que l'on vous a entassé dans ces pièces et qu'en

15 conséquence, vingt personnes ont suffoqué.

16 R. J'affirme avec certitude à 1 000% qu'il y en a même eu plus de 20.

17 Q. Est-ce qu'on a lancé des gaz asphyxiants pour vous étouffer ?

18 R. Ils n'ont pas lancé des gaz asphyxiants mais j'ai eu l'impression

19 qu'ils avaient mis en marche le chauffage central.

20 Q. Sans doute pour vous étouffer ?

21 R. Pour nous torturer, pour nous faire souffrir.

22 Q. Et à Karakaj, c'était quel type de bâtiment ?

23 R. C'était l'atelier du centre de formation technique -- du centre

24 technique.

25 Q. Dans ces circonstances, donc entassés comme vous étiez, après la façon

Page 21530

1 dont on vous a transporté, comment êtes vous arrivé à déterminer combien

2 vous étiez ? Etes vous à déterminer que vous étiez 750 ?

3 R. On ne s'est pas compté, monsieur, mais on a fait une estimation, qu'on

4 était environ 700 et cela était confirmé ultérieurement.

5 Q. Comment cela a-t-il été confirmé ?

6 R. Des listes ont été établies, la liste des personnes qui avaient été

7 faites prisonnières.

8 Q. Mais vous parlez de personnes qui ont été exécutées. Savez-vous si les

9 corps de ces personnes exécutées ont été retrouvés ? Combien ont été

10 retrouvés ? Pour combien on a établi que ces personnes avaient été tuées ?

11 Combien des personnes dont vous nous parlez, ont été retrouvées pour

12 combien d'entre elles, a-t-on établi qu'elles avaient été tuées dans les

13 circonstances que vous nous décrivez.

14 R. On n'en a pas trouvé un seul, mais les familles sont venues se

15 présenter à la Croix Rouge à Tuzla pour signaler la chose et vous pouvez

16 obtenir là les documents nécessaires et pour voir combien de personnes ont

17 été tuées. Aucun document, aucune de ces personnes plutôt, n'a jamais été

18 retrouvée.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. May, M. Nice est en train d'interroger un

20 témoin qui dépose sur un crime pour lequel il n'existe aucun élément de

21 preuve scientifique ou médicolégal, quel qu'il soit, pour lesquels on a

22 trouvé aucun cadavre.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons les éléments de preuve qu'il

24 apporte lui, est-ce que vous avez encore des questions à lui poser ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, bien sûr. Vous m'avez donné une heure et

Page 21531

1 demie donc je vais au moins utiliser cette heure et demie. J'espère

2 d'ailleurs que vous m'accorderez un peu plus de temps.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux ajouter quelque chose ?

4 J'ai oublié de dire quelque chose. Est-ce que je peux ajouter quelque

5 chose ?

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Milosevic m'a demandé si on avait trouvé

8 des corps. J'avais oublié de dire que c'est vrai, qu'on n'en a trouvé

9 certains, mais je ne sais pas exactement. Combien ça, je l'avais oublié,

10 mais il y a des corps qui ont été retrouvés, mais je ne sais pas combien.

11 Voilà tout.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Sur une liste de 64 hommes, vous n'avez donné le nom que de quatre

14 d'entre eux et vous ignorez même jusqu'au nom des autres personnes, est-ce

15 que c'est bien le cas ?

16 R. Vous me l'avez demandé vous-même et je vous l'ai dit, je travaillais à

17 Belgrade, mais je connaissais au moins les gens de mon village.

18 Q. Vous avez donné le nom de quatre hommes.

19 L'INTERPRÈTE : Je m'excuse, nous ne pouvons pas entendre --

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Vous ne pouvez donc pas les identifier, vous ne pouvez pas affirmer

22 combien de personnes ont été tuées.

23 R. J'ai pu donner le nom d'une soixantaine de personnes. Il y a une liste

24 là des gens de mon village, des gens de Klisa.

25 Q. Mais les gens qui ont été tués à Klisa, les gens de votre village qui

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1 ont été tués, on ne les a pas retrouvés.

2 R. Non. On n'a pas trouvé les corps des personnes qui étaient de mon

3 village, mais on a retrouvé les corps de certaines personnes qui étaient de

4 Klisa.

5 Q. Et on ne sait pas dans quelle circonstance, ces personnes ont péri. On

6 ne sait pas si c'était pendant la guerre. On ne sait pas si ces personnes

7 étaient des membres de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, si elles ont été

8 exécutées ? On n'en sait pas.

9 R. Les corps des personnes qu'on a trouvés étaient les corps des personnes

10 qui ont été exécutées à Karakaj.

11 Q. Mais dans ces conditions, pourquoi étant donné que vous nous avez dit

12 que entre vous, vous étiez là entassés à tel point que 20 personnes sont

13 mortes d'asphyxie, vous avez donc déterminé exactement combien vous étiez.

14 Pourquoi déclarez-vous ce que vous êtes en train de nous déclarer ? Est-ce

15 qu'il existe une raison logique, qui vous permet de savoir combien vous

16 étiez -- avec qui -- combien de personnes pouviez-vous communiquer, étant

17 donné que vous étiez entassés comme des sardines ?

18 R. Monsieur Milosevic, je sais exactement combien de personnes avaient été

19 faites prisonnières dans mon village, ceux qui venaient d'autres villages

20 le savaient également pour leur village respectif. Donc, ce n'était pas

21 très difficile à ce moment là de faire l'addition. Une addition simple deux

22 et deux.

23 Q. Moi-même je ne suis pas très bon en mathématique, en calcul, mais bon,

24 vous nous avez dit que la première nuit, 20 personnes sont mortes

25 asphyxiées dans la salle où vous vous trouviez et qu'ensuite un membre de

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1 votre famille, je ne vais pas être plus précis en audience publique, je ne

2 vais pas expliquer ou donner exactement la nature de vos liens de parenté,

3 vous nous avez donné son nom. Vous avez donc déclaré que sur ces 20 hommes,

4 il y en avait deux dont vous avez donné le nom. Comment est-il possible que

5 vous n'ayez pas vu vous-même ces deux hommes qui étaient morts asphyxiés ?

6 Vous dites que c'est votre parenté, vous l'a rapporté plus tard, comment ce

7 fait que vous ne l'avez pas vu vous-même.

8 R. Je les connaissais très bien, mais je ne les ai pas vus.

9 Q. Justement, c'est pour cela je vous pose la question. Vous me dites que

10 vous avez vu les hommes qui étaient morts asphyxiés, suite à la pression

11 qui s'exerçait, suite au manque de place et vous dites maintenant vous le

12 confirmez que vous connaissiez très bien ces deux hommes, mais vous dites

13 que vous ne les aviez pas vus. Alors, comment est-il possible que vous ayez

14 vu les gens qui étaient morts asphyxiés, sauf les deux, mais pas les deux

15 que vous connaissiez très bien ?

16 R. À ce moment-là je ne pouvais pas. Je n'ai pas pu regarder ces hommes

17 morts, ces cadavres, ça me rendait malade.

18 Q. Très bien, Monsieur 1098. Vous affirmez à la page 5, paragraphe 4 sur

19 cette page -- vous affirmez qu'en quatre jours à Karakaj, les Serbes

20 d'après ce que vous dites, ont tué 160 hommes et que vous vous souvenez,

21 mais du nom de seulement cinq d'entre eux, sur ces 160. Vous ne vous

22 souvenez pas du nom des autres personnes, parce que vous avez quitté la

23 région à l'age de 17 ans pour aller à Belgrade, est-ce bien exact ? C'est

24 ce que vous avez d'ailleurs confirmé, il y a encore quelques instants.

25 R. Pendant ces cinq jours et je l'affirme encore aujourd'hui, je ne peux

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1 pas dire que je sois sûr à 1000 % ou à 100 % du chiffre, mais 50 à 60 de

2 personnes de Tsic ont été tués et l'homme de -- cet homme de Trsic a tué

3 tous les gens de Trsic à Karakaj. Donc, rien pour eux il y avait 50

4 personnes. Ensuite, il y avait 20 autres personnes, 25 personnes qu'on

5 emmenait soit disant à Sarajevo pour être échangées.

6 Q. Donc vous avez vous-même fait le calcul. Vous dites qu'il y a eu des

7 gens capturés à Trsic. Il y avait-il eu des combats, des affrontements à

8 Trsic ?

9 R. Eux aussi, ils ont pris la fuite pour se rendre à Klisa.

10 Q. Moi, ce que je vous demande, c'est s'il y avait eu des combats à

11 Trsic ?

12 R. Malheureusement, je ne peux pas vous le dire, c'est assez loin de chez

13 moi.

14 L'INTERPRÈTE : Inaudible.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Vous n'avez connaissance d'aucune -- d'aucun combat à Trsic ?

17 R. J'ai dit, il y a quelques instants, que c'était loin de chez moi, à 15

18 kilomètres. Comment puis-je savoir ce qui se passe là-bas ?

19 Q. Mais il y a quelques instants vous avez dit que 50 personnes de Trsic

20 avaient été faites prisonnières. Est-ce qu'il s'agissait de civils, de 50

21 civils de Trsic ?

22 R. Civils.

23 Q. Ou bien est-ce que c'était des gens qui avaient été capturés dans le

24 cadre de combats les opposant à des forces serbes. Est-ce que vous affirmez

25 qu'il s'agit de civils qui ont ainsi été fait prisonniers ?

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1 R. Oui, des civils.

2 Q. Bien, étant donné que vous affirmez que les personnes tuées ont été

3 amenées au cours de plusieurs journées parfois en groupe, parfois un par

4 un. Quel type de calcul avez-vous employé pour arriver à ce chiffre de

5 160 ? Je reprends que vous avez dit il y a un instant le nombre de

6 personnes faites prisonnières à Trsic ensuite 20 ou 30 personnes de plus.

7 Comment et sur la base de quoi pouvez-vous nous donner de tels chiffres ?

8 R. Et bien, on nous -- quand on nous a emmenés à Pilica dans les autocars

9 de la Drinatrans, il y a en déjà un tiers qui avait été tué.

10 Q. Comment le savez-vous ?

11 R. Je le sais parce que, quand on nous a emmenés à Pilica pour nous y

12 enfermer, il n'y avait pas ma -- beaucoup de gens qui avaient disparu. Il y

13 en avait un tiers, voir même plus d'un tiers qui n'était déjà plus là.

14 Q. Mais on les a peut-être ramenés dans une autre direction. Ces gens

15 n'étaient plus avec eux, c'est tout. Mais vous ne savez pas ce qu'il leur

16 est arrivé ?

17 R. Si on pouvait me redonner le croquis, je pourrais donner une

18 explication, dire comment les gens ont été tués, où, dans quelle manière,

19 et cetera.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander qu'on présente le

21 croquis à nouveau au témoin ou plutôt qu'on le fasse passer à l'écran.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Milosevic, la pièce qui est indiquée

23 par le numéro 3, avec le "A" et on voit une -- pour laquelle -- dans

24 laquelle on voit une sorte de clôture. Et bien là, ils ont emmené les gens

25 dans l'autre pièce où on était quelque 700 et de là, ils faisaient sortir

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1 les gens, sélectionnaient les gens les plus riches qui avaient un commerce,

2 un café, les hommes d'affaires. C'est eux qu'on a fait sortir en premier

3 pour les tuer et pour exiger qu'ils donnent de l'argent, des bijoux, et

4 cetera. Et ceci tous les jours et plusieurs fois par jour. Donc, les

5 calculs n'étaient pas difficiles à faire si on voulait vraiment savoir ce

6 qui se passait. Ce n'était pas difficile à calculer.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Alors, comment les avez-vous compté ?

9 R. Moi, je ne les ai pas tous comptés. Moi-même, j'ignorais que j'allais

10 survivre. Ça m'a porté peu finalement. Tout ce que je sais c'est que quand

11 on est arrivé à Pilica, on s'est rendu compte qu'il y avait plein de gens

12 qui avaient disparu, qui n'étaient plus là.

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 M. NICE : [interprétation] Il va falloir expurger.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, expurgation.

22 Encore quelques questions et nous suspendrons l'audience, Monsieur

23 Milosevic.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes toujours en audience

25 publique.

Page 21537

1 M. NICE : [interprétation] Avant de laisser le contre-interrogatoire,

2 permettez-moi de faire une observation. Il est difficile de savoir, en

3 écoutant l'accusé, s'il est en train de présenter une thèse qui est la

4 sienne, une thèse qui s'appuie sur les éléments, ou il essaie simplement de

5 déstabiliser le témoin, de contester ce que dit le témoin. Je ne veux pas

6 me priver d'éléments supplémentaires que je pourrais vous présenter lors de

7 l'interrogatoire supplémentaire, mais vous serez peut-être intéressé de

8 savoir que ce témoin a fait une première cinq jours après les incidents

9 dont -- qu'il nous relate. Je vais donc lui poser des questions

10 supplémentaires au sujet de ce document, des documents qui ont été

11 communiqués à des organisations internationales et, que nous présenterons

12 pour évoquer la disparition de toutes ces personnes.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez encore deux minutes et ensuite

14 nous suspendrons, Monsieur Milosevic.

15 L'ACCUSE : [interprétation] Très bien, Monsieur May.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Donc, pendant ces quatre -- pour ces quatre jours, vous connaissez le

18 nom de cinq personnes qui ont été tuées et ensuite parmi les vingt-quatre

19 gardes, soldats ou quelque soit la dénomination que vous leur attribuiez,

20 parmi ces Serbes, vous en connaissiez quatre. Vous en connaissiez quatre de

21 nom ?

22 R. J'ignore où ceci a été dit.

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience

Page 21538

1 maintenant. L'heure de suspendre est arrivée. La dernière question doit

2 être expurgée du compte rendu d'audience.

3 Il vous reste 20 minutes pour en terminer de votre contre-interrogatoire

4 demain.

5 Témoin B-1098, je vous demande de nous rejoindre demain dans ce même

6 prétoire à 9 heures pour conclure votre déposition.

7 --- L'audience est suspendue à 1 heures 45 et reprendra le mardi 3 juin

8 2003, à 9 heures.

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