Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 25 juin 2003

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, est-ce que je vais avoir un peu

7 plus de temps à ma disposition conformément à ce que j'ai demandé hier ?

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, vous aurez une heure et trois quarts

9 d'heure.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai beaucoup de documents et de questions à

11 poser; je vais essayer de faire le mieux.

12 LE TÉMOIN: MICHAEL CHARLES WILLIAMS [Reprise]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

15 Q. [interprétation] Monsieur Williams, vous nous avez dit que la situation

16 au fond de Sarajevo s'était détériorée de façon notable dans la deuxième

17 moitié de l'année 1994 et quand vous le dites vous le précisez également en

18 page tête de votre déclaration paragraphe 6. J'attire votre attention sur

19 ce fait pour que vous ayez la possibilité de suivre plus aisément mes

20 questions. Donc cette situation s'est détériorée de façon notable parce

21 que, comme vous le dites, les Serbes de Bosnie ont fermé la seule voie

22 terrestre passant par la montagne Igman en laissant passer seulement les

23 transports militaires des Nations unies. C'est ce que vous avez déclaré,

24 n'est-ce pas Monsieur ?

25 R. C'est exact.

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1 Q. Ma question est la suivante : Pourquoi dans votre déclaration avez-vous

2 omis d'expliquer pour quelle raison il y a eu fermeture de cette route

3 passant par le mont Igman ?

4 R. Je pense que cette route a été fermée pour plusieurs raisons. La raison

5 principale dont je me souviens cependant, c'est que cette route était

6 devenue de plus en plus dangereuse, de plus en plus difficile. J'attire

7 votre attention sur un incident qui s'est produit le 27 juillet : Ce jour-

8 là un convoi a essuyé des tirs nourris depuis des positions tenues par des

9 Serbes de Bosnie et un soldat britannique a péri.

10 Q. Et bien, je vais vous donner lecture seulement d'un passage. Le savez-

11 vous peut-être ? C'est ce qui a été rédigé par M. David Fraser dans sa

12 déclaration à lui. Il a dit :

13 "Que le matin le 6 octobre en 1994 une équipe de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine a procédé à une attaque au camp des Serbes de Bosnie sur le

15 mont Iman. ils ont laissé derrière eux 17 morts. Les Musulmans sont passés

16 pour une zone démilitarisée pour arriver là. Au fait, ils ont traversé un

17 terrain qui a été restitué par les Serbes au moment où il y a eu un accord

18 d'établi en février 1994."

19 En d'autres termes, est-ce que c'est là la bonne explication, l'explication

20 conforme à la vérité ou pas ? C'est ce qui figure dans la déclaration de

21 David Fraser, je précise ?

22 R. La déclaration de M. Fraser est une déclaration que je ne connais pas

23 mais vous faites allusion à un incident qui lui s'est produit le 6 octobre

24 et je me souviens m'être trouvé ce jour-là avec M. Akashi à Sarajevo. M.

25 Akashi est allé voir, M. le président Izetbegovic pour émettre de vives

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1 protestations suite à l'incident que vous mentionnez. Je crois que vous

2 avez raison de dire qu'il y avait des combats le long de cette route qui

3 impliquaient les deux parties belligérantes mais je dois vous dire

4 également des tirs, le harcèlement des convois des Nations unies ce sont

5 quelques choses qui venaient d'un seul coté.

6 Q. Bien. Cela est donc exact et cela n'est pas exact à la fois. Mais ne

7 perdons pas de temps puisqu'il y a eu des -- il y a des écrits.

8 Il y a des faits à ce sujet-là et comme vous avez disposé de cette

9 information en partant de ce que vous venez de nous expliquer, vous

10 disposiez d'information en question. Avez-vous délibérément omis

11 d'expliquer l'événement dans son intégralité ou est-ce que vous vous

12 efforcez de présenter les choses de façon aussi unilatérale que possible ?

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voyons la nature de cette question. Mais

14 quelle est la suggestion que vous faites, où il y a-t-il parti pris ?

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il a été question du fait d'avoir vu les Serbes

16 fermer cette voie routière en laissant passer l'ONU seulement mais en

17 expliquant pourquoi cela a été fait. On ne dit pas que cela s'est fait

18 parce qu'il y a eu l'événement dont a parlé Fraser, un officier des Nations

19 unies qui l'a précisé dans sa déclaration à lui.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. La question est de leur

21 adresser au témoin.

22 Monsieur Williams, vous n'avez pas mentionné cet incident dans votre

23 déclaration. Y a-t-il une raison précise à cela.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Aucune raison je le répète. Je pense que la

25 fermeture de cette route provient de diverses raisons. Monsieur Milosevic a

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1 raison d'attirer mon attention sur cet incident très grave qui s'est

2 produit le 6 octobre, mais je le répète, la raison primordiale pour

3 laquelle cette route a été fermée c'est qu'il y a eu des attaques répétées

4 dirigées sur des convois humanitaires des Nations unies.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Je n'arrive pas à le comprendre. Les Serbes ont fermé cette route,

7 pourquoi fermeraient ils cette route et, vous le dites vous-même, ils

8 laissaient passer les convois des Nations unies ce n'est que ces convois-là

9 qu'ils laissaient passer ? Il ne s'est passé les transports musulmans, vous

10 l'avez dit vous-même.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Y a-t-il quelque chose que vous êtes en

12 mesure de nous dire.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas que ce sera possible

14 malheureusement.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez fait valoir cet argument et le

16 témoin a marqué son accord avec ce que vous avez dit effectivement. Il y a

17 eu cet incident. Si vous consacrez davantage de temps sur ceci ce n'est pas

18 très utile. Ceci ne nous aide pas.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, bien Monsieur May.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Williams, savez-vous que les Musulmans ne se sont pas retirés

22 de cette partie là de la zone démilitarisée, pas même après les

23 protestations -- réunions qu'ils ont eues avec Delic, Divljak -- qu'ont eu

24 avec Delic, Divljak, le général Michael Rose et le général français

25 Gobillard. Ces deux généraux se sont entretenus avec eux et, en dépit de ce

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1 fait-là, ils ne se sont pas retirés quand même, vous le savez ou pas,

2 dites-moi oui ou non et puis qu'on aille de l'avant.

3 R. Oui.

4 Q. Alors est-il contesté ou pas que les forces musulmanes ce sont servies

5 de cet accord de paix de février 1994 pour s'emparer de positions qui se

6 trouvaient au sein de la zone démilitarisée, qui étaient placées sous le

7 contrôle des Serbes en vertu de l'accord. Et en vertu du même accord, ces

8 Serbes avaient rétrocédé cette zone démilitarisée pour qu'elle soit

9 contrôlée par la FORPRONU. Or, les Musulmans en profitent pour s'en emparer

10 et pour se créer, comment dirais-je, une espèce d'avantage militaire, le

11 savez-vous, dites-moi oui ou non seulement ?

12 R. Je serais d'accord avec vous pour dire qu'il y a eu beaucoup d'actions

13 destinées à faire des percées, à faire des infiltrations dans cette zone

14 démilitarisée et ceci a été menée par des forces du gouvernement de Bosnie.

15 Q. Bon. Alors dites-moi pourquoi vous déformez -- pourquoi déformez-vous

16 les événements en disant qu'il s'agit là d'actes agressifs de la part des

17 Serbes de Bosnie alors que vos employés à vous, vous offrent ou avancent

18 des démentis argumentés de ce que vous venez de dire d'après ce que je

19 viens de vous lire et, vous venez d'admettre vous-même que cela a été

20 exact ?

21 R. Il n'est pas possible de dissocier cet incident que vous venez de

22 décrire, et ce comportement systématique évoquer aussi.On peut pas

23 dissocier cela du fait que la ville était assiégée; on sait très bien

24 quelles étaient les forces qui avaient fait le siège de la ville. Et puis

25 vous n'avez pas dit pendant toute cette période à partir de 1994, les

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1 Nations unies ont eu des difficultés à faire fonctionner ce pont aérien

2 vers l'aéroport de Sarajevo, ces difficultés ont surgi du fait les

3 obstacles posés par les Serbes de Bosnie du fait des menaces fréquentes

4 lancées en direction des avions des Nations unies par les forces des Serbes

5 de Bosnie.

6 Q. Et ont-ils abattu un avion Monsieur Williams, ou pas ? Les Serbes ont-

7 ils abattu quelques avions que ce soient, avions des Nations unies ou

8 avions d'une autre organisation internationale ou d'une organisation

9 quelconque, quelle qu'elle soit ? En ont-ils abattu un ?

10 R. Je peux vous relater plusieurs incidents. Il n'y a pas d'avion qui a

11 été abattu heureusement mais le 17 avril 1994 par exemple, l'avion dans

12 lequel se trouvait le commandant des forces, en arrivant à Sarajevo, a

13 essuyé des tirs directs des forces des Serbes de Bosnie.

14 La question a été soulevée aussitôt auprès de M. Karadzic qui n'a pas nié

15 l'incident. Le 12 mars 1995, un avion dans lequel se trouvait M. Akashi qui

16 allait vers Sarajevo a essuyé des tirs directs des Serbes de Bosnie, des

17 positions qu'ils tenaient et un des gardes du corps a été grièvement

18 blessé. Si je me souviens bien, il a fallu évacuer cet officier vers les

19 Etats-Unis, ses blessures étaient à ce point grave.

20 Les menaces étaient souvent claires de la part de M. le général Mladic qui

21 disait qu'il n'allait plus assurer la sécurité des avions des Nations

22 unies. Et le commandant des forces a dû estimer qu'il était trop dangereux

23 d'aller en avion vers Sarajevo. J'indique également qu'à partir de la fin

24 de 1994, à partir de ce moment-là, surtout à partir du mois d'octobre, les

25 forces de défense aérienne serbes autour de Sarajevo ont été renforcées et

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1 ont représenté une menace plus grave à l'égard des avions des Nations

2 unies.

3 Q. Monsieur Williams, je vous ai posé la question de savoir si on avait

4 abattu un avion ou pas ? Et vous m'expliquez tout ce qui s'était passé. Les

5 incidents sont possibles dans le courant des guerres, mais d'après les

6 renseignements dont je dispose, aucun avion n'a été abattu. Est-ce vrai ou

7 faux ?

8 R. Je le confirme pas un seul avion n'a été abattu.

9 Q. Alors ces Serbes que vous désignez par agresseur, c'était également des

10 citoyens de Sarajevo, des citoyens des régions des environs qui résidaient-

11 là à Sarajevo où dans ses environs sur un territoire qui était les leur.

12 Donc, ils ne pouvaient pas assiéger leur propre ville. Ils se trouvaient-là

13 une ville de front indépendamment du fait que le pilonnage des parties ou

14 des constructions civiles ait été condamné. Nous l'avons condamné.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Posez une question. Mais,

16 est-ce qu'il est clair qu'il y avait-là une ligne de front ? Apparemment ce

17 que M. Milosevic veut dire c'est qu'il n'y avait pas de siège, enfin je ne

18 comprends pas tout à fait mais peut-être pourrez-vous éclairer notre

19 lanterne. Il y a peut-être des choses que je ne sais pas. Il est dont dit

20 que ce n'était pas un siège; que les gens défendaient leurs foyers, qu'on

21 ne peut pas qualifier la situation de siège. Je ne sais pas si vous pouvez

22 faire un commentaire utile à ce propos. Si ce n'est pas possible, dites-le

23 carrément ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Milosevic a tout à fait raison de dire que

25 bon nombre de Serbes vivaient du côté serbe, de la ligne de confrontation

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1 et je pense qu'il n'est pas inutile de mentionner qu'il y avait des Serbes

2 qui vivaient dans des zones contrôlées par le gouvernement bosniaque dans

3 cette ville. Et qu'il y avait même un conseil civique serbe à Sarajevo qui

4 a souvent fait des commentaires et des déclarations. Je pense qu'il y a une

5 telle de ces déclarations à l'intercalaire 21 de la pièce versée dans le

6 cadre de ma déposition hier.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Je voudrais justement vous poser la question suivante, Monsieur

9 Williams ? Les Serbes pouvaient-ils quitter Sarajevo en toute liberté, les

10 Serbes qui vivaient à Sarajevo dans la partie qui était sous le contrôle

11 des forces musulmanes; ces Serbes-là avaient-ils la possibilité de s'en

12 aller en toute liberté ?

13 R. C'est une question assez bizarre je trouve car tout le monde, qui que

14 ce soit, se trouvant dans la ville pendant ces trois ans, allant de 1992 à

15 l'automne 1995, avait des difficultés à sortir de la ville.

16 Q. Moi, je vous pose la question de savoir s'ils avaient la liberté, de

17 latitude de quitter Sarajevo compte tenu des positions prises par les

18 autorités musulmanes qui avaient exercé leur autorité sur ce territoire ?

19 C'est une autre question que de demander si c'était facile ou difficile de

20 s'en aller.

21 R. Je pense qu'à l'instar de la plupart des citoyens de Sarajevo pendant

22 toute cette période, il était pratiquement impossible de quitter la ville.

23 Q. Parce qu'on ne les laissait pas partir, les autorités musulmanes ne les

24 laissaient pas partir de Sarajevo. C'est bien cela, Monsieur Williams ?

25 R. Le souvenir que j'ai, c'est qu'il y avait des restrictions qui avaient

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1 été posées à tous les habitants de Sarajevo. Les difficultés étaient les

2 suivantes : il n'y avait pas pratiquement de voie d'accès de sortie ou

3 d'entrée dans la ville et c'était vrai pour tous les citoyens. Je ne pense

4 pas qu'il y ait eu des restrictions imposées aux habitants serbes de la

5 ville.

6 Q. Oui, mais vous savez que les commandants militaires serbes et les

7 autorités civiles serbes ont sans cesse répété que -- qu'ils demandaient à

8 ce que les citoyens souhaitant quitter la ville devaient pouvoir le faire

9 et qu'ils allaient leur garantir un libre passage pour ce faire. En est-il

10 été ainsi ou pas ?

11 R. Je pense effectivement que des déclarations étaient faites dans ce

12 sens.

13 Q. Bien. Et savez-vous que le général Michael Rose en date du 5 février

14 1994, donc vous aviez déjà occupé les fonctions dont vous avez parlées ont

15 proposé un plan de paix pour Sarajevo. Et d'après les notes dont je dispose

16 ici, ils se constituaient de quatre éléments fondamentaux : A) un cessez-

17 le-feu, au petit temps qui devait entrer en vigueur le 10 février; B) faire

18 en sorte que dans un rayon de 20 kilomètres, il y ait, il soit créé une

19 zone sans armes lourdes, armes lourdes étant placées sous le contrôle des

20 Nations unies; C) disposition des troupes de l'ONU entre les parties

21 belligérantes; et D) création d'une commission mixte constituée de Serbes,

22 de Musulmans et à la tête de laquelle il y aurait le commandement du

23 secteur de la Bosnie pour discuter des détails de ce plan de paix. Et on

24 avait mis en place des centres de collectes, de ces armements lourds. Le

25 saviez-vous tout cela ?

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1 R. Oui, je suis au courant, Monsieur Milosevic.

2 Q. Est-il exact de dire ce que dit Thomas Roy, dans sa déclaration

3 précisément à plusieurs endroits parce que vous parlez de pilonnage

4 permanent en 1994 et 1995 de la ville de Sarajevo. Ce plan de paix de

5 février 1994 avait, comme il l'a dit, une influence importante sur

6 Sarajevo. Et les Serbes de Bosnie ont cessé de pilonner et n'ont pas

7 poursuivi le pilonnage suivant une intensité analogue dans la période

8 précédente. Est-ce exact, avez-vous eu communication de ces informations ?

9 R. Je n'ai pas la moindre idée de qui ce Thomas Roy est. Mais vous lui

10 attribuez des informations, des renseignements et je pense que vous vous

11 trompez au moment où vous faites la synthèse de ce que j'aurais dit.

12 J'aurais dit qu'il y avait des pilonnages constants en 1994 et 1995.

13 J'espère avoir été prudent lorsque j'ai dit qu'il y avait eu une diminution

14 tout à fait spectaculaire des pilonnages après la crise de Sarajevo de

15 février 1994, précisément parce que beaucoup des armements lourds avaient

16 été retirés des alentours de la ville. Et ceci ne veut pas dire qu'il n'y a

17 pas eu occasionnellement des pilonnages, mais y en a eu beaucoup moins à

18 partir de février 1994.

19 Q. Vous êtes donc d'accord avec la constatation qui est faite ici ?

20 Je ne comprends pas dans ce cas d'où viennent les divergences d'entre ce

21 que vous avez fait -- déclaré dans votre déposition et ce que vous dites

22 actuellement.

23 Monsieur Williams, en page 4 de votre déposition, vous parlez des

24 entretiens du mois d'avril à Belgrade. Entretiens portant sur l'enclave de

25 Gorazde. C'est bien cela ?

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1 R. C'est bien cela.

2 Q. Vous souvenez-vous du fait qu'à ces négociations-là, dont vous parlez

3 vous-même, il y a eu avant ces négociations des réunions entre le 7 et 9

4 avril 1994, à l'aéroport de Sarajevo. Réunions entre un général de la

5 partie musulmane, Delic, puis le général Mladic et le général Rose aux fins

6 d'essayer de trouver une solution à la situation relative à Gorazde. Le

7 général Mike Rose a donc à l'aéroport de Sarajevo, lancé une initiative

8 pour les concertations des deux commandants de Delic et de Mladic et à eux

9 trois, entre le 7 et le 9 avril, ils se réunissaient à l'aéroport de

10 Sarajevo aux fins de résoudre le problème de Gorazde ?

11 R. C'est exact là aussi. Il y a aussi des réunions entre M. Akashi et le

12 Dr. Karadzic vers cette période-là et ces réunions se sont tenues à Pale.

13 Q. Bien. Mais savez-vous pourquoi ces entretiens, ces négociations n'ont

14 pas abouti à une solution. Pourquoi n'ont-ils pas trouvé de solution, le

15 savez-vous ?

16 R. J'ai un souvenir très précis de cela. Si ces pourparlers n'ont pas

17 abouti, c'est parce que les forces serbes de Bosnie n'ont eu de cesse

18 d'attaquer et de poursuivre leur attaque de la zone protégée de Gorazde. Je

19 pense que les rapports sont tout à fait clairs à ce propos.

20 Q. Bon. Mais, ne savez-vous pas qu'il n'y a pas eu de solution parce que

21 les représentants de l'armée de la Republika Srpska, ou plutôt le général

22 Mladic, avait insisté sur un cessez-le-feu. Non seulement à Gorazde, mais

23 il avait demandé un cessez-le-feu pour le territoire entier de la Bosnie-

24 Herzégovine. Et la partie musulmane, elle n'avait pas souhaité un cessez-

25 le-feu général. En est-il été ainsi ou pas. Est-ce que je viens de dire est

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1 exact, Monsieur Williams ou pas ?

2 R. Vous faites un résumé exact de la position du général Mladic et des

3 Serbes de Bosnie. Je dois dire que, à mon avis, c'est une tactique tout à

4 fait extraordinaire. Vous avez une partie belligérante qui poursuit des

5 attaques des plus brutales sur une zone déclarée protégée et prend

6 délibérément pour cible des civils, alors qu'elle est tout à fait en

7 situation de refus. Elle refuse d'arrêter ses attaques si la partie n'est

8 pas d'accord pour avoir un cessez-le-feu général s'appliquant à toute la

9 Bosnie.

10 Q. Et votre observateur militaire haut gradé dit que les Musulmans

11 n'avaient pas voulu le cessez-le-feu -- un cessez-le-feu général, pas avant

12 d'avoir consolider leur ligne de combat. C'est tout à fait une explication

13 autre que celle vous venez de faire. Est-ce exact, Monsieur Williams ? Est-

14 ce que les positions de votre observateur sont justes ou pas ?

15 R. Je ne suis pas du tout d'accord et je ne vois pas trop bien à qui vous

16 faites allusion.

17 Q. Serait-il exact de dire Monsieur Williams, que c'est précisément vous à

18 l'occasion d'un article publié dans le "Washington Post", dont l'auteur est

19 John Parfot [phon], un éminent journaliste en politique étrangère de ce

20 journal qui a fait un aperçu critique sur la politique des Etats-Unis et de

21 l'OTAN. Pour ce qui est de la guerre en Bosnie-Herzégovine, notamment à

22 proximité de Sarajevo, Pourriez-vous me répondre par un oui ou par un non,

23 je vous prie ?

24 R. J'essaie tout d'abord de comprendre votre question.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faudra que vous soyez précis dans la

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1 formulation de cette question, Monsieur Milosevic. Sur quoi votre question

2 porte-t-elle ?

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Ce que je demande c'est savoir si vous avez lancé ou entamé une enquête

5 au sujet d'un article publié dans le journal"Washington Post" qui avait de

6 façon critique du rôle de --

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, quand cet article a-

8 t-il été publié ? De cette façon nous saurons peut-être de quoi il s'agit.

9 M. KAY : [interprétation] Je pense qu'il s'agit de John Pomfritt et la date

10 est celle de -- du mois -- de l'année 1994, au mois d'avril.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que nous avons cet article ?

12 M. KAY : [interprétation] Je crois que ceci relève de documents communiqués

13 par l'Accusation. Je ne sais pas si elle les a retrouvés.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'ai ici un courrier confidentiel à

15 l'attention de M. Yasushi Akashi de la part de M. Michael Williams,

16 directeur chargé des informations et il s'agit de -- d'un courrier relatif

17 à cet article du "Washington Post", et c'est un document qui m'a été

18 communiqué par M. Groome.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Donc, serait-il exact de dire que dans le cadre de cette enquête et là,

21 je parle d'un document qui a émané de vous. Vous en souvenez-vous ?

22 M. GROOME : [interprétation] Nous sommes à la recherche de ce document. M.

23 Milosevic aurait-il le numéro ERN ? Et je pense qu'il faut attendre qu'une

24 copie soit remise au témoin avant de poursuivre l'examen de cette question.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur l'Huissier.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voyons comment ce -- voyons ce que ça va

2 donner. Donnez-nous le numéro ERN, Monsieur Milosevic.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] R0101447. C'est la première page.

4 M. GROOME : [interprétation] J'ai ce document en main. Des copies pourront

5 être faites.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Le témoin dispose d'un exemplaire.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation] Je dois gagner du temps. Les interprètes de

8 ne pas parler tous en même temps.

9 Q. Dites-moi, Monsieur le Témoin, dans le cadre de cette enquête, vous

10 avez eu un entretien avec le général Michael Rose, oui ou non ?

11 R. Oui.

12 Q. Penchez-vous maintenant sur le point 16, je vous prie.

13 R. Vous voulez dire paragraphe 16 ?

14 Q. Oui. Paragraphe 16 de votre rapport que vous avez soumis à l'intention

15 de M. Akashi. Et on dit, pendant l'interview :

16 "Le général Rose a exprimé des opinions générales sur le conflit. Il a

17 mentionné le fait qu'il était convaincu qu'avant les événements de Gorazde,

18 les Serbes étaient prêts ou disposés à un accord de cessez-le-feu général.

19 Et il croyait bien que les deux parties finiraient par aboutir à une table

20 de négociations. Cela devait être concordant avec les idées qui ont été

21 avancées dans l'article disant que ces forces serbes étaient disposées à

22 rétablir la paix, en dépit des attaques récentes sur Gorazde."

23 Cela est-il contesté ou pas, Monsieur Williams ?

24 R. Oui. Permettez-moi maintenant d'apporter un commentaire au document que

25 vous m'avez soumis.

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1 Ce document fait état d'un briefing non officiel fait par M. le général

2 Michael Rose aux journalistes se trouvant à Sarajevo. Et c'est souvent le

3 cas dans ce genre de briefing officieux fait par des officiers supérieurs.

4 Il y a quelque fois des éléments qui sont portés à la connaissance du

5 public. Et de temps à autre, le général Michael Rose a peut-être été moins

6 discret qu'il n'aurait pu l'être.

7 Vous faites référence au paragraphe 16, Monsieur Milosevic. Vous attirez

8 mon attention sur ce point. Et comme l'a dit M. Milosevic, général Rose a

9 dit qu'avant les événements de Gorazde, les Serbes étaient disposés à un

10 accord général de cessez-le-feu. Je crois que c'était là l'évaluation qu'il

11 faisait. Et il l'a fondé je pense, sur la conclusion de la crise de

12 Sarajevo en février 1994. Il l'a basée également sur le fait qu'en mars

13 1994, on était parvenu à un accord de paix entre les Musulmans et les

14 Croates de Bosnie. Il espérait que ceci pouvait être reproduit en peu de

15 temps et pouvait aboutir à un accord de paix entre les Musulmans et les

16 Serbes de Bosnie. Malheureusement, ça ne s'est pas produit. Pourquoi la

17 raison fondamentale de cet échec ? Et bien, la raison c'est l'attaque menée

18 sur Gorazde.

19 Q. Bien.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons recevoir une copie du texte.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que vous pouvez verser ceci au

22 dossier, Monsieur May. Je ne demande pas à ce que cela soit fait pour le

23 rapport entier de M. Williams, mais au moins pour ce qui est de cet article

24 ou ce paragraphe 16.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Bien, Monsieur Williams. Ce que vous venez de dire ne confirme-t-il pas

2 et d'ailleurs ce que dit le général Rose et que vous citez dans votre

3 rapport ? Vous ne citez pas seulement le général Rose mais vous donnez vos

4 opinions en disant que ces négociations à l'aéroport de Butmir sont tombées

5 à l'eau non pas à cause des Serbes mais à cause de la délégation musulmane

6 qui n'avait pas voulu accepter un cessez-le-feu général pour la

7 Bosnie-Herzégovine.

8 R. Je vous ai déjà livré l'évaluation que j'ai faite de ces pourparlers à

9 l'aéroport de Sarajevo et je crois n'avoir rien d'autre à dire.

10 Q. Mais à votre avis, le fait de voir les Musulmans rejetés ces

11 négociations sur le cessez-le-feu général pour la Bosnie-Herzégovine

12 proposé du reste par les Serbes a été dû à l'attente qu'ils avaient de voir

13 des frappes aériennes de l'OTAN sur les positions serbes survenir tôt ou

14 tard.

15 R. Non. Je dois dire vous insistez sur ce genre de questions. J'ai passé

16 le plus clair de ma carrière professionnelle à examiner des guerres dans le

17 monde, dans diverses parties du monde et je trouve tout à fait

18 extraordinaire que vous vouliez faire cette suggestion qui consiste à dire

19 ceci :

20 "La seule façon que les Serbes accepteraient pour arrêter de prendre

21 délibérément pour cibles des civils et d'attaquer une zone protégée".

22 Je pense, je dois le dire entre parenthèse, se sont des faits qui ne sont

23 pas du tout contestés et que vous disiez que la seule façon d'éviter cela

24 c'était d'appliquer un cessez-le-feu général ou de le demander de façon

25 générale pour toute la Bosnie. C'est une suggestion tout à fait

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1 extraordinaire et vu l'expérience que j'ai de tels conflits, je ne vois pas

2 que -- je ne crois pas que ceci pourrait marcher où que ce soit dans

3 quelque conflit que ce soit.

4 Q. Monsieur Williams, je ne l'affirme pas du tout. Vous savez que la

5 guerre se déroulait sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine en entier et

6 les Serbes avaient proposé un cessez-le-feu général. Vous n'allez tout de

7 même pas leur reprocher d'avoir fait une proposition de procéder à une

8 cessation généralisée des combats. Non pas seulement à Gorazde mais sur le

9 territoire de la Bosnie-Herzégovine toute entière, donc pas à Gorazde seul.

10 Gorazde n'avait pas fait exception. Je n'affirme pas que ce que vous venez

11 de dire en avait été la raison pour ce qui est de l'attaque sur Gorazde. Je

12 ne sais vraiment pas qu'elle avait été la raison de ces attaques pour vous

13 dire vrai. Donc, vous --

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne comprends pas votre question. Quel

15 est l'objet de votre question ? Dites-le clairement. Quelle est cette

16 question que vous voulez poser ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous allons nous pencher de façon isolée sur la

18 question de Gorazde et soit dit en passant, la question a été tranchée avec

19 mon assistance à moi. Mais je voulais demander à Monsieur Williams --

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, parlons de Gorazde plutôt que de

21 tourner autour du pot. Quelle est la question que vous voulez poser ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] On en vient à la question de Gorazde. On y

23 viendra. Mais je voulais auparavant demander à Monsieur Williams s'il était

24 conscient du fait que les combats se déroulaient non seulement à Gorazde

25 mais tout au large du territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

Page 23022

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais, je ne pense pas qu'il soit

2 nécessaire de l'importuner sur ce point. Je crois que ceci est accepté.

3 Passons à autre chose, s'il vous plaît.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Vous nous avez fait savoir, ou plutôt M. Groome nous a fait savoir

7 qu'il y avait un document daté du 17 avril et je crois que cela figurait à

8 l'intercalaire 14. Je ne vais pas m'attarder là-dessus. Il est question

9 d'Akashi qui écrit un courrier à Kofi Annan et à d'autres. Il les informe

10 d'une réunion avec Karadzic et d'une réunion avec Izetbegovic. Et, étant

11 donné qu'Akashi s'est entretenu avec les uns et les autres, à savoir avec

12 Karadzic et avec Izetbegovic, vous avez commenté le rapport en question en

13 disant que cela faisait ou constituait une évaluation plutôt sombre de la

14 situation. J'ai marqué cela en marge. Vous avez donc qualifié cela de

15 perspectives sombres. La situation était difficile, était grave, n'est-ce

16 pas ?

17 R. Oui, je confirme.

18 Q. Bon maintenant, Monsieur Williams, vous souvenez-vous que M. Akashi

19 s'était adressé à moi précisément en me demandant d'essayer d'aider pour

20 que le problème soit surmonté. Ou en d'autres termes, savez-vous que M.

21 Akashi de temps à autre, je dirais même assez souvent, étant donné qu'il

22 avait été aussi à Zagreb, qu'il avait été à Zagreb, il voulait me

23 rencontrer, entendre mes opinions, mes positions et venait me demander de

24 l'aide. Il demandait d'intervenir aux fins d'intercéder auprès de la

25 direction de la Republika Srpska ? Vous en souvenez-vous ?

Page 23023

1 R. Parfaitement.

2 Q. Maintenant, je vous demanderais de vous pencher sur le rapport du

3 Secrétaire général au sujet de la résolution 913 de l'année 1994 qui figure

4 ici également et je voudrais que nous parcourions cela rapidement. Au point

5 trois, il dit :

6 "Que le 22 et 23 avril, mon envoyé spécial," le Secrétaire général dit

7 cela, il dit : "Donc, mon envoyé spécial pour la Yougoslavie, M. Akashi, et

8 le commandant de la FORPRONU, le général Bertrand de Lapresle, ont

9 rencontrés à Belgrade les autorités civiles et militaires ainsi que la

10 direction des dirigeants des serbes de Bosnie suite à une invitation du

11 président, Slobodan Milosevic, président de la République de Serbie."

12 Puis, on dit de loin ce qui a été réalisé mais auparavant, je voudrais

13 attirer votre attention sur la page 10 de ce même rapport.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il s'agit de quel intercalaire, Monsieur

15 Groome ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 20, Monsieur le

17 Président.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. En page 10, point 19, étant donné que le Secrétaire général est en

21 train d'expliquer de façon assez ample la situation dans son ensemble.

22 Donc, à cet alinéa 19, on dit en mai 1994 :

23 "Mon envoyé spécial s'est entretenu avec le président Milosevic qui a aidé,

24 qui nous a apporté son assistance pour ce qui est de nous mettre d'accord

25 sur une réunion à Belgrade aux dates du 22 et 23 avril 1994."

Page 23024

1 Ensuite, je lui ai réitéré que j'allais faire tout ce que je pouvais faire

2 aux fins de faire en sorte que tout ceci soit fait de toute urgence. Donc,

3 à deux endroits, on voit clairement que mon rôle et mes efforts avaient

4 consisté à apporter de l'aide aux deux parties aux fins d'aboutir à un

5 accord, aux fins d'apporter une solution à ce foyer de crise qui avait

6 constitué un souci énorme pour tout le monde et ce souci s'appelait

7 Gorazde, n'est-ce pas Monsieur Williams ?

8 R. Oui, vous avez attiré notre attention sur le paragraphe 19. Se trouvant

9 à la page 10 de ce rapport, vous avez fait référence à cette partie où l'on

10 dit que :

11 "Mon représentant spécial s'était entretenu avec le président Milosevic."

12 Si M. Akashi vous a parlé ce jour-là, deux semaines après la réunion des 22

13 et 23 avril, c'est parce que M. Akashi était indigné, était attristé de

14 voir que les dispositions de cet accord n'avaient pas été mises en œuvre --

15 en bonne du forme par les Serbes de Bosnie. Il n'a parlé avec vous de

16 plusieurs points précis, notamment la poursuite du déploiement d'armements

17 lourds dans la zone de 20 km.

18 Q. Excusez moi de vous interrompre, Monsieur Williams. La chose que je

19 voulais souligner ici c'est que le Secrétaire général, en parlant de moi

20 dans ce paragraphe et cette phrase :

21 "Que l'on a placé entre deux virgules à savoir, qui a apporté son

22 assistance pour ce qui est de se mettre d'accord sur la tenue d'une réunion

23 aux dates du 22 et 23 avril 1994."

24 J'ai mentionné ce point-là parce que c'est en corrélation avec le

25 paragraphe 3. Parce que là on dit que c'est sur une invitation de ma part

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1 qu'ils sont venus les uns et les autres Akashi et de Lapresle avec vous,

2 ainsi que Karadzic Mladic et leurs collaborateurs à eux et on dit que j'ai

3 apporté mon aide pour que cette réunion se tienne et pour que la décision à

4 faire en Gorazde sera finalement prise. En t-il été ainsi ou pas Monsieur

5 Williams ? A la lecture de ce document c'est ce qui en découle de façon

6 tout à fait nette.

7 R. Certes, mais vous appelez mon attention et l'attention des Juges sur ce

8 paragraphe 19 où vous dites, à juste titre, que le Secrétaire général a dit

9 que vous avez aidé à l'organisation de cette réunion, mais implicitement ce

10 paragraphe montre aussi qu'à ce moment-là, M. Akashi était tout à fait

11 frustré de l'absence de mise en œuvre de cet accord par les Serbes de

12 Bosnie.

13 Q. Nous étions mécontents de la réalisation inadéquate. Les deux parties

14 ont été mécontentes mais la crise de Gorazde a pris fin en vertu de

15 l'accord que nous avons réalisé, en a-t-il été ainsi ou pas, Monsieur

16 Williams ?

17 R. L'attaque dirigée par les Serbes de Bosnie sur Gorazde a cessé mais

18 jamais, et j'insiste, je dis jamais il n'y a eu véritable mise en œuvre,

19 véritable application de cet accord auquel on était abouti--on avait abouti

20 à Belgrade les 22 et 23 avril. Je pense qu'il y a aussi une lettre qui

21 porte la date du 14 mai dans ce jeu de pièces et M. Akashi dit qu'il y a

22 sans arrêt des armes lourdes des Serbes dans la zone d'exclusion. Un convoi

23 des Nations unies avait été détenu pendant six jours alors qu'il se

24 dirigeait vers Gorazde. Il y a eu d'autres violations de cet accord.

25 Q. Monsieur Williams, je vous demande de vous pencher sur le point 6,

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1 paragraphe 6 de ce même rapport émanant du Secrétaire général.

2 Et on y dit : "En dépit du nombre de violations du cessez-le-feu qui

3 peuvent être attribué aux deux parties au cours de l'après midi du 23

4 avril, au cours de la matinée du 25 avril 1994, il y a généralement respect

5 du cessez-le-feu depuis cette date. Et il y a uniquement des tirs

6 sporadiques et isolés à l'arme légère.

7 Premier contingent qui comprenait 100 hommes --100 soldats de l'infanterie,

8 40 membres du personnel médical et quelque 15 chargés des affaires civiles

9 et de la police civile qui-- à la tête duquel se trouvait le chef de ces

10 affaires civiles de la FORPRONU, M. Sergio Vieira de Mello, et le

11 commandant du secteur Sarajevo de la force de la FORPRONU de Bosnie-

12 Herzégovine, le général de brigade, André Soubirou. Ils avaient un-- donc a

13 eu des effectifs au total de 432 hommes tout personnel compris."

14 Donc, en vertu de l'accord en question a été--cela a été appliqué, je ne

15 dis pas combien de temps cela a été --ce qui s'est passé par la suite, mais

16 je tiens à préciser que mon rôle s'était résumé à faire en sorte que la

17 crise soit surmontée. Et il découle clairement de tout ce qui est dit que

18 je ne pouvais rien ordonner aux dirigeants de la Republika Srpska, ni au

19 général Mladic. Ce que je pouvais faire c'est de mettre à profit tous les

20 arguments que j'avais en main pour qu'il y ait un accord entre eux et la

21 FORPRONU, n'était- ce pas là une position tout à fait clair de ma part,

22 Monsieur Williams ?

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense, qu'en fait, vous posez deux ou

24 trois questions.

25 La première est celle-ci : Quel fut le rôle joué par l'accusé ? L'accusé

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1 laisse entende qu'il essayait de trouver un moyen de surmonter cette crise.

2 Etes-vous d'accord avec ce qu'il dit, Monsieur le Témoin ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Manifestement cette réunion a été

4 organisée à la demande du président Milosevic et cette réunion a

5 effectivement abouti à un accord comme le dit le Secrétaire général dans

6 son rapport au paragraphe 6. Il indique tout à fait clairement que le

7 cessez-le-feu qui s'en suivit a été généralement respecté. Il est tout

8 aussi vrai qu'il est dit au paragraphe 17 du rapport du secrétaire général,

9 que plusieurs incidents sont survenus. Ils sont énumérés. Il y a eu

10 harcèlement de convois onusiens par les forces serbes de Bosnie. Mais je

11 suis d'accord avec ce qui est affirmé, à savoir que les attaques et les

12 assauts ont pris fin. La réunion qui a eu lieu à Belgrade et l'accord qui

13 fut conclu à Belgrade ont contribué largement à envoyer ces attaques.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La question suivante qui fut posée est

15 celle-ci. Je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre, à vous de

16 juger, c'est peut-être d'avantage une question de savoir quelles sont les

17 conclusions qu'on pourrait déduire, mais puisqu'il vous a été posé. C'est

18 d'y répondre. Est-ce que cet incident n'a pas montré que l'accusé n'était

19 pas en mesure de donner des ordres aux dirigeants de la Republika Srpska,

20 pas plus qu'au général Mladic ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait d'accord.

22 L'influence de Monsieur le président Milosevic à cette réunion était des

23 plus fortes. C'était un des principaux protagonistes de la réunion. Je me

24 souviens d'un incident précis. Je pense y avoir fait référence dans ma

25 déposition d'hier: Le président Milosevic a grondé Karadzic pour le fait

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1 qu'il avait maintenu un convoi des Nations unies qui se dirigeait vers

2 Gorazde, ce convoi avait été détenu à Rogatica; il avait dit trouvé une

3 solution tout de suite et si je me souviens bien, Karadzic est sorti pour

4 passer quelques coups de fil.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Williams, mais cette réunion a duré 18 heures, et s'est

7 composée de tentatives de persuader pour faire le nécessaire aux fins de

8 mettre un terme aux hostilités. Je dirais que cela a été une médiation

9 difficile, des plus difficiles pour aboutir à un résultat. Or, ce fait

10 démontre bien qu'il n'était pas question de possibilités pour ma part de

11 donner des ordres. Le fait d'avoir été critique à l'égard du fait d'avoir

12 arrêté certains convois, cela n'est pas contesté. J'ai été d'ailleurs

13 critique à cet égard ou à l'égard de bien d'autres choses dans mes

14 positions exprimées en public, dans les médias. J'ai insisté pour que l'on

15 libère les otages, que l'on libère les convois, pour qu'on libère les

16 pilotes. J'avais insisté sur la nécessité de sauver des réfugiés, de leur

17 faire parvenir une aide humanitaire, et cetera. Donc, si vous mettez, si

18 vous déployez tout cet éventail d'activités, cela n'a tout de même pas --

19 tout de même rien à voir avec une chaîne de commandement. Pourquoi voulez-

20 vous que je discute pendant 18 heures avec quelqu'un si je puis simplement

21 lui donner des ordres ?

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le temps au témoin de répondre.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Et il est incontestable que cette réunion a

24 duré 18 heures. Je m'en souviens moi-même parfaitement. Mais c'est en

25 général ce qui se passait lors des réunions qui se sont déroulées au cours

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1 de ce conflit, de cette guerre. Les Serbes de Bosnie étaient rétifs à

2 l'idée de parvenir à un accord à condition -- ils étaient d'accord à

3 condition qu'ils obtiennent les meilleurs termes possible.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Bien, mais l'accord a été acceptée par les uns et par les autres. Par

6 conséquent, je crois qu'il n'est pas contesté le fait que l'on ait trouvé

7 un compromis. L'on ne leur a pas imposé à quelque partie que ce soit.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous savez je pense que le témoin a

9 répondu mieux qu'il pouvait. Il vous a décrit la situation et il nous

10 revient à nous, les Juges, de déterminer le rôle joué par l'accusé dans ces

11 événements. Il nous revient à nous de déterminer qu'elle était l'étendue de

12 ses pouvoirs. C'est peut-être une question cruciale qu'il faudra trancher.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Fort bien, Monsieur May. Ce rapport

14 est assez long et je pense qu'il doit être lu si l'on veut se faire une

15 idée exacte de la situation.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Mais quoiqu'il en soit, un peu avant, vous trouvez une information

18 d'Akashi en date du 13 avril 1994. M. Groome a déjà soumis ce document à la

19 Chambre. Et j'aimerais donner lecture du point 6 de ce rapport envoyé par

20 Akashi. Nous y lisons, je cite :

21 "Le président Milosevic m'a encouragé à normaliser nos rapports avec les

22 Serbes de Bosnie dans les plus brefs délais", et cetera.

23 Et puis un peu plus loin, nous lisons, je cite :

24 "La teneur du communiqué publié par le bureau de Milosevic au sujet de

25 notre réunion et diffusé à la radio a été positive. Des négociations

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1 sérieuses ont menées à un cessez-le-feu global et durable."

2 Alors, je vous demande si on ne constate pas la lecture de ces passages que

3 les rapports entre les dirigeants de la Republika Srpska et les Nations

4 unies étaient en train de se normaliser et lorsque je parle de dirigeants,

5 je parle de dirigeants militaires et politiques de la Republika Srpska.

6 Donc, il y avait normalisation de ces relations qui était censé permettre

7 la conclusion d'autres accords par la suite avant d'atteindre le but

8 central, à savoir, la fin de la guerre.

9 N'est-il pas exact que d'un côté comme de l'autre, des efforts multiples

10 étaient effectués dans ce sens, c'est-à-dire dans le sens de la conclusion

11 d'un accord. C'est bien cela, Monsieur Williams ?

12 R. Et bien, je confirmerai votre récit de la réunion du 13 avril entre

13 vous-même et M. Akashi à Belgrade, mais je ne suis pas sûr d'avoir bien

14 compris la question que vous me posez.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il était fait référence à l'intercalaire

16 4, paragraphe 6.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. M. Akashi déclare que : "Le président Milosevic m'a encouragé à

19 normaliser nos relations avec les Serbes de Bosnie dès que possible et puis

20 il dit également dans ce document qu'un communiqué est parti de mon bureau

21 suite à cette réunion et que la teneur de ce communiqué était qu'il y avait

22 nécessité de réduire les tensions et de s'engager dans des négociations

23 sérieuses menant à un cessez-le-feu global et durable."

24 Donc, cela montrait bien que des efforts étaient accomplis de façon

25 généralisée et qu'Akashi venait me rencontrer, discuter avec moi, me

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1 consulter et demander de l'aide donc à une personne dont il estimait

2 qu'elle pouvait servir d'intermédiaire. Qu'elle pouvait être utile dans une

3 médiation, en fait. C'est bien cela, n'est-ce pas, Monsieur Williams ?

4 R. Oui.

5 Q. Et puis on y trouve également, on peut voir également en date du 23

6 avril 1994, des notes au sujet d'une réunion qui s'est tenue à Belgrade

7 avec les Serbes de Bosnie, représentants civils comme militaires.

8 L'intitulé même de ce document, indique qu'il s'agit d'une réunion à

9 Belgrade avec des autorités civiles et militaires des Serbes de Bosnie.

10 Donc, c'était une réunion entre vous-même et Michael Rose et des rapports

11 existent au sujet de cette réunion. Je présidais la réunion. Il est écrit

12 en effet, je cite :

13 "La réunion a été présidée par M. Milosevic et y ont participé, étaient

14 présents…" et ensuite suit la liste, Akashi, de Lapresle, Sergio de Mello.

15 Et vous avez cité ce document de façon très exact en disant que j'avais

16 proposé une normalisation des rapports entre la FORPRONU et les dirigeants

17 des Serbes de Bosnie. Qu'il convenait de rechercher une solution à la crise

18 bosniaque. En fait, les mots utilisés dans le document sont crise de

19 Gorazde et il est indiqué également qu'une fois la crise réglée, les

20 éléments d'un accord global destiné à mettre un terme définitif aux

21 hostilités doivent être discutés. C'est bien cela, Monsieur Williams ?

22 C'est bien ce que l'on trouve dans ces notes, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Point 6, je ne peux pas donner lecture de l'ensemble du texte car je

25 manque de temps, mais il serait toutefois très utile de lire la totalité du

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1 document. Enfin, point 6, M. Akashi a dit qu'il est mécontent de la

2 situation à Gorazde et ensuite nous trouvons la troisième phrase de ce

3 paragraphe 6 dont je vais donner lecture. Je cite :

4 "Indépendamment de ces complications, il a été satisfait de constater un

5 accord général quant au fait qu'il était souhaitable d'envoyer des troupes

6 à Gorazde et il a proposé que la proposition initiale de la FORPRONU

7 consistant à envoyer un bataillon à Gorazde soit reprise."

8 Ensuite dans le document, nous voyons la liste, la composition des forces

9 de la FORPRONU, des différents bataillons qui est donc internationale mais

10 ceci n'est pas le plus important.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il est impossible de suivre, Monsieur

12 Milosevic. Il faut absolument que vous nous disiez ce que vous citez

13 exactement.

14 Intercalaire 16, paragraphe 6.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] En effet. Il s'agit de l'intercalaire -- voyons

17 je ne sais pas exactement quel est le numéro de l'intercalaire. En tout

18 cas, c'est le 6e paragraphe et il est question d'une réunion à Belgrade.

19 J'ai suivi l'ordre de présentation des documents par la partie d'en face.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Ce que nous vous avons entendu dire, s'agissant de Rogatica il y a

22 quelques instants, est un peu différent de ce qu'on lit dans ce document.

23 Je vous demanderais de vous pencher sur le neuvième paragraphe de ce

24 document, si vous le voulez bien.

25 Je cite : "A ce moment-là le président Milosevic a demandé au commandant

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1 des forces donc, au général de Lapresle, au commandant des forces de

2 confirmer que le convoie bloqué à Rogatica avait été libéré. Le commandant

3 des forces a indiqué qu'il venait d'être informé que le convoi était

4 toujours empêché d'avancer et de son désir de retourner à Sarajevo. M.

5 Akashi a déclaré que si des garanties pleines et entières pouvaient être

6 données quant au fait que le convoi ne serait pas confronté à de nouveaux

7 problèmes et jouirait d'une totale liberté de circulation. Donc si ces

8 garanties pouvaient être fournies par la FORPRONU et les autres

9 institutions internationales, ils pouvaient être fournis à la FORPRONU et

10 autres institutions internationales, se reprend l'interprète. Il serait

11 garanti qu'un autre convoi important serait envoyé à Gorazde le lendemain.

12 Cependant, l'armée serbe de Bosnie serait tenue de respecter un accord de

13 cessez-le-feu dans l'enclave qui, dans l'idéale, devrait être conclu avant

14 l'envoi du convoi. Par ailleurs, les modalités de déploiement des troupes

15 de la FORPRONU dans l'enclave doivent dépendre des décisions de la

16 FORPRONU."

17 Donc, je demande à M. de Lapresle ce qu'il en est de ce convoi car un

18 rapport annonçait que le convoi était bloqué. Je lui demande si le convoi

19 était libéré. Il dit que ce n'est pas le cas et Akashi à ce moment-là

20 déclare que c'est seulement lorsque des garanties pleines et entières

21 auront été fournies qu'un autre convoi pourra être envoyé le lendemain.

22 Après quoi le Dr Karadzic fournit des assurances quant au fait que le

23 convoi ne subira plus aucun problème. Ceci figure au paragraphe 10. Mais il

24 est également d'accord pour la conclusion d'un cessez-le-feu.

25 Je cite : "Il a insisté quant au fait que ceci -- que cet accord ne

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1 pourrait être établi qu'en présence des Nations unies -- qu'avec une

2 présence des Nations unies dans l'enclave. Et un peu plus loin, nous lisons

3 la partie qui a le plus intérêt à un cessez-le-feu du côté bosniaque. Il

4 recommande un certain nombre de modalités détaillées s'agissant du

5 déploiement des forces, modalités qui doivent être établies par la FORPRONU

6 et l'armée des Serbes de Bosnie et par leurs représentants militaires."

7 C'est la fin du texte.

8 Alors, examinez maintenant le paragraphe 11,

9 Je cite : "Le président Milosevic a proposé que la réunion soit levée."

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Vous ne pouvez pas lire des

11 parties aussi longues de telles déclarations, articles de presse ou autres

12 documents sans poser une question au témoin.

13 Dr Williams, vous avez entendu ce qui vient d'être lu, est-ce un récit

14 exact de ce qui s'est passé ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est un récit raisonnablement exact.

16 J'appellerais l'attention des juges de la Chambre sur le paragraphe 10 que

17 M. Milosevic vient de lire et sur la déclaration du Dr Karadzic,

18 Je cite : "Alors qu'il était d'accord sur la nécessité d'un cessez- le-

19 feu, il ajouta que celui-ci ne pourrait être établi qu'avec une présence

20 des Nations unies dans l'enclave".

21 Mais bien entendu, c'était la partie serbe de Bosnie qui empêchait que les

22 Nations unies se présentent dans l'enclave et qui ont immobilisé ce convoi

23 en Rogatica.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. C'est la raison pour laquelle je souhaitais vous donner lecture du

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1 paragraphe 11, car on y voit de quelle façon la conversation s'est

2 déroulée. On constate que la réunion était effectivement difficile mais

3 également dynamique et destinée à aboutir à une solution. Et au paragraphe

4 11, nous lisons ce qui

5 Suit :

6 "Le président Milosevic propose que la réunion soit levée afin de permettre

7 au commandant des forces et au général Mladic de mettre au point les

8 détails du déploiement de l'unité de la FORPRONU à Gorazde et ajoute qu'une

9 décision sur ce sujet doit être prise aujourd'hui. Car il ne faut pas

10 attendre l'organisation d'une autre réunion alors que les gens sont en

11 train de mourir."

12 Vous vous souviendrez que diverses propositions avaient été faites. Il

13 avait été proposé de remettre la réunion à une date ultérieure, de

14 réfléchir à tout cela entre temps, de voir comment la situation évoluerait,

15 et j'ai déclaré que nous pouvions faire une courte pose afin que les

16 commandants parviennent à un accord. Et j'ai dit qu'il convenait d'en finir

17 rapidement car les gens étaient en train de mourir. C'est ce qui est écrit

18 dans ces notes, dans ce document, ce n'est pas moi qui suit l'auteur de ce

19 texte, je cite :

20 "Il s'est dit déçu quant à la décision de renvoyer le convoi à Rogatica

21 déclarant qu'une telle décision serait interprétée comme le résultat de

22 l'intransigeance de l'armée des Serbes de Bosnie. Alors qu'en fait, tous

23 les obstacles à la circulation du convoi avaient été levés."

24 Tous les obstacles avaient été levés, c'est bien ce dont on nous avait

25 informés, n'est-ce pas ?On nous a informé de cela à cette réunion, vous

Page 23036

1 comme moi. On nous a dit que tous les obstacles avaient été levés et par la

2 suite, il est écrit ce qui suit.

3 "Il a recommandé fermement que le convoi ne retourne pas à Sarajevo mais

4 passe la nuit à Rogatica afin d'être appuyé le lendemain matin par des

5 hommes supplémentaires. Il a proposé également que la réunion entre de

6 Mello et Mladic traite des propositions de définition d'une zone de 3

7 kilomètres autour de Gorazde pour le retrait des armes lourdes en dehors de

8 ce cercle," et troisièmement, "que l'on surveille le cessez-le-feu et les

9 accords y afférant de la part de -- que la FORPRONU surveille l'application

10 du cessez-le-feu et les accords y afférant."

11 Et puis au paragraphe suivant, c'est bien ce qui est écrit n'est-ce pas

12 Monsieur Williams ? C'est bien ce qui est dit au sujet de cette réunion et

13 c'est exact. Regardez le paragraphe suivant, le paragraphe 12,

14 Je cite : "Suite au rejet des propositions --"

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais proposez d'abord au Témoin de

16 répondre à ce qui est dit dans le paragraphe 11.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je pense que le paragraphe 11 rend

18 exactement et fidèlement compte de ce qui s'est dit à la réunion.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Je cite : "Suite au rejet de la proposition du général Mladic lors de

21 la réunion avec le général de Lapresle, le président Milosevic a demandé à

22 Akashi de faire une proposition de la part -- au nom de la FORPRONU pour la

23 rédaction d'une résolution -- pour la recherche d'une solution à la crise

24 de Gorazde. Ces propositions ont été acceptées le 22 avril et affinées le

25 23. Elles sont annexées au document."

Page 23037

1 Donc j'ai insisté pour qu'Akashi soumette une proposition et que cette

2 proposition soit acceptée. Ceci est clair, j'espère au moins. C'est ce qui

3 est écrit dans ce rapport ?

4 R. Oui. Je peux confirmer cela.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais il y a un sigle dans ce texte

6 Docteur Williams, SRSG. Que veut dire ce sigle ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, il s'agit du représentant spécial du

8 Secrétaire général.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. SRSG c'est l'abréviation qui désigne M. Akashi, c'est-à-dire le

11 représentant personnel du Secrétaire général des Nations unies,

12 représentant spécial du Secrétaire général.

13 Mais quoi qu'il en soit Monsieur Williams, il s'agit donc d'une déclaration

14 de presse émanant de vous en date du 23 avril dans laquelle vous annoncez

15 que le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, M.

16 Akashi, ainsi que le général Bertrand de Lapresle se sont rencontrés à

17 Belgrade avec des dirigeants des Serbes de Bosnie dont Karadzic et le

18 commandant de l'armée Ratko Mladic. Et vous dites à la fin du paragraphe,

19 je cite :

20 "Ces pourparlers qui ont été organisés sous l'égide du président Milosevic

21 avaient pour but de -- d'élaborer immédiatement un cessez-le-feu pour

22 Gorazde et de déployer en urgence des troupes de la FORPRONU dans cette

23 ville."

24 Donc, vous confirmez dans la pratique que ce qui a déjà été convenu. Vous

25 faites référence au bataillon nordique à ce qui a été accepté donc, la

Page 23038

1 présence du bataillon nordique a été accepté par la Republika Srpska. Et je

2 crois que cela n'est pas contesté, n'est-ce pas ? Il s'agit d'un communiqué

3 de presse émanant de vous qui confirme tout cela. C'est bien cela, Monsieur

4 Williams, n'est-ce

5 pas ?

6 R. C'est exact. Je ne trouve pas cette déclaration dans l'immédiat mais je

7 pense que vous avez lu de façon tout à fait fidèle, ce document.

8 Q. Je peux vous en faire passer un exemplaire si vous le souhaitez.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est en première page du document.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je l'ai sous les yeux à présent.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Et puis vous avez ensuite un autre rapport adressé à M. Kofi Annan de

13 la part du général de Lapresle en date du 25 avril 1994 qui confirme le

14 succès de l'accord conclus. Au paragraphe 1, nous lisons ce qui suit, je

15 cite :

16 "La situation à Gorazde s'est stabilisée et les forces des Serbes de Bosnie

17 ont achevé leur retrait dans un périmètre de trois kilomètres, selon

18 l'accord conclu entre le Dr Karadzic et M. Akashi à Belgrade. Cette phase

19 de l'opération est achevée."

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Intercalaire 17.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Bien sûr, je n'ai pas le temps de détailler la teneur de tous ces

24 documents, mais j'aimerais tout de même appeler votre attention sur le fait

25 que même lorsque M. Akashi se plaint en m'envoyant une lettre adressée par

Page 23039

1 lui à M. Karadzic. Donc, il m'envoie une copie de cette lettre et il

2 s'adresse à moi pour dire, je cite :

3 "Comme vous le savez-vous peut-être, la situation dans les environs de

4 Gorazde continue à être difficile. L'application de l'accord conclu à

5 Belgrade sous votre direction remarquable s'est heurtée à des difficultés

6 insurmontables. Je prends la liberté de joindre la lettre que j'ai adressée

7 au Dr Karadzic," et cetera.

8 Ce que je tiens à souligner ici, c'est que M. Akashi admet et reconnaît le

9 succès de l'accord conclu qui par la suite s'est heurté à des difficultés.

10 Donc, il s'agit dans l'évolution de la guerre en Bosnie d'un tournant

11 important.

12 Et puis voyez-vous, Monsieur Williams, nous venons n'est-ce pas, d'établir

13 que lorsqu'il y a eu des difficultés, Akashi en a été informé. Akashi a

14 écrit à Karadzic. Karadzic répond qu'il s'agit d'hommes en uniforme mais

15 que personne ne tire un coup de feu. Enfin, je ne vais pas rentrer dans ces

16 détails. Mais en tout cas, les problèmes provoqués par les forces de

17 l'armée de la Republika Srpska sont immédiatement communiqués au sommet,

18 c'est-à-dire à M. Akashi, même s'il n'y a pas de victimes, mais simplement

19 une présence d'hommes en uniforme. C'est bien cela, n'est-ce pas ?

20 Alors maintenant, regardons le rapport de la FORPRONU, secteur Sarajevo,

21 émanant du commandant de ce secteur.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voyons si le témoin est d'accord avec ce

23 que vous venez de dire. Nous sommes en intercalaire 18, n'est-ce pas ? Je

24 le dis pour le compte rendu d'audience.

25 Docteur Williams, êtes-vous d'accord avec ce que l'accusé vient de dire ?

Page 23040

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, malheureusement pas du tout, Monsieur le

2 président. En fait, ce n'est simplement, il n'est pas question uniquement

3 de la présence d'hommes en uniforme. Si vous regardez d'un peu plus près la

4 lettre de M. Akashi le dit. Mais vous constaterez qu'il énumère toute une

5 série de violations graves du cessez-le-feu de la part des forces serbes de

6 Bosnie. Et notamment, la présence d'artillerie lourde et de convois qui

7 sont immobilisés pendant six jours d'affilée. Donc, il n'est pas question

8 ici, d'un problème anodin ou simplement la présence d'hommes en uniforme à

9 des endroits où ils ne devraient pas se trouver. Ceci -- ce dont il est

10 question ici, ce sont des violations graves.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Williams, je -- j'ai ce texte sous les yeux. J'ai repris cette

13 lettre que j'étais sur le point de mettre de côté. Bien, vous dites qu'il

14 s'agit de violations graves et je discute avec M. Akashi, je dis que je

15 suis d'accord au sujet des violations dues à des hommes de la milice comme

16 il l'appelle. Mais le dimanche 8 mai, les hommes de l'infanterie sont

17 toujours présents et il est signalé qu'ils continueront à être présents

18 dans un rayon de trois kilomètres autour de Gorazde. Ceci figure au

19 paragraphe a) du texte. Cela étant, il n'y a pas de combat. Il n'y a pas de

20 coup de feu. Il est dit simplement que les hommes vont demeurer à cet

21 endroit. Alors, je suis d'accord que c'est peut-être grave mais il n'y a

22 pas coup de feu, il n'y a pas combat.

23 Et puis au paragraphe b), nous lisons ce qui suit, je cite :

24 "Le 8 mai, deux canons anti-aériens de calibre 20 millimètres, et ensuite

25 suivent les numéros d'enregistrement des canons ont été découverts dans un

Page 23041

1 périmètre de 20 kilomètres de la zone d'exclusion."

2 Donc, suite aux inspections qui ont été menées, deux canons ont été

3 découverts dont les numéros d'enregistrement sont fournis. Les canons

4 étaient sous une bâche. Ils étaient donc recouverts et ils ont été -- et

5 ils étaient destinés à Gorazde en provenance de Rogatica. Maintenant, est-

6 ce que ces canons ont été saisis, cela n'a guère d'importance. De toute

7 façon, ils n'auraient pas dû se trouver là. Et il est dit dans le texte,

8 je cite :

9 "Il s'agit d'une violation du paragraphe 2 de notre accord de Belgrade."

10 Donc, ceci figure dans la lettre à Karadzic, et cetera, et cetera. Je saute

11 certains passages qui ensuite indiquent un certain nombre de détails

12 relatifs à la présence des troupes et des armes qui n'ont pas encore été

13 retirées. Mais là, nous arrivons à un point tout à fait important. Je cite

14 :

15 "Je ne fais pas objection à ce que M. Akashi a fait."

16 Alors regardez ce rapport envoyé par le chef d'état major, le colonel

17 Sonnic. C'est le numéro de page 00552739, numéro ERN. J'ai reçu ce document

18 en application de l'Article 68 du Règlement de procédures et de preuves de

19 ce Tribunal. Je pense qu'il ne figure pas dans vos intercalaires. Il est

20 possible qu'il y figure, mais je n'en suis pas sûr. En tout cas, c'est un

21 document adressé au général Karavelic, 1er Corps d'armée de l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine et nous y lisons ce qui suit :

23 "Monsieur, à environ 4 heures du matin, la patrouille bosniaque a lancé une

24 attaque délibérée sur deux postes d'observation serbes déployés à la cote

25 803738." Donc, il s'agit de la cote indiquant de quel endroit il est

Page 23042

1 question. "Trois soldats ont été tués et cinq blessés du côté des Serbes de

2 Bosnie. La -- du côté de l'armée de Bosnie-Herzégovine, un homme a été tué.

3 Notre enquête a démontré que cette attaque était délibérée et préparée à

4 l'avance. Je proteste fermement contre cet acte d'agression à l'encontre de

5 la partie serbe que je considère comme une violation flagrante de l'accord

6 de cessez-le-feu, et comme une provocation aussi bien des Serbes de Bosnie

7 qu'à l'égard de la FORPRONU."

8 Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas de -- d'objection à ce qu'a fait M.

9 Akashi ou aux protestations venant de lui quant à la présence constatée --

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, non. Nous n'allons pas

11 poursuivre ainsi. Je ne sais pas depuis combien de temps vous parlez.

12 Donnez la parole au témoin. Si vous souhaitez verser ce document au

13 dossier, il faut que le témoin le voie.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Et bien, jetez un coup d'œil à ce document.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Williams, jetez un coup d'œil au

17 document et dites-nous si vous êtes d'accord avec ce que l'accusé vient de

18 dire à son sujet.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Je n'ai fait que lire un passage du document.

21 R. Ce n'est pas un document très clair, je le crains. Ce que je veux dire

22 c'est qu'il y a ici une cote géographique et à moins que je ne dispose

23 d'une carte géographique, je ne vois pas très bien comment je peux vérifier

24 si les questions de Gorazde, Monsieur Milosevic. On parle ici d'un incident

25 survenu à Sarajevo, n'est-ce pas ?

Page 23043

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, un instant. Est-ce que vous

2 pouvez nous donner une date, Monsieur Williams ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois une date sur le document. Le 31

4 mars.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] 1994 ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] 1994.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Donc, c'est à peu près dans la

8 période dont nous parlons.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avant cette série de pourparlers ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais il n'est pas indiqué à quel endroit

13 cette violation a eu lieu ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui est suggéré c'est que cela se passe

15 dans le secteur Sarajevo. Alors très manifestement l'incident est grave

16 comme M. Milosevic vient de le dire. C'est une attaque qui a été lancée par

17 les forces gouvernementales bosniaques. Trois soldats serbes ont été tués.

18 Un bosniaque également. Je ne conteste pas ceci de quelque façon que ce

19 soit. Je suis certain que ce qui est écrit ici rend fidèlement compte de la

20 gravité de l'incident. Mais c'est un incident que l'on ne peut pas comparer

21 à l'attaque, qui à ce moment-là, visait la zone protégée des Nations unies

22 de Gorazde. Ce que je veux dire c'est qu'il est question ici de quatre

23 morts et à votre avis, combien de personnes ont été tués à Gorazde ? Donc,

24 nous avons ici un incident isolé dans le secteur de Sarajevo mais je ne nie

25 pas que cet incident ait eu lieu, pas une seconde.

Page 23044

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons admettre ce document au

2 dossier. Il s'agira d'une pièce à conviction de la Défense. Le document de

3 la FORPRONU dont il a été question du 11 mai qui traite de l'accord de

4 Washington et de l'enquête. Ce sera la première cote.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de la Défense 148,

6 Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et le dernier document dont le versement

8 est demandé, quelle sera sa cote ?

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de la Défense 149.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il est 10 heures 30. Nous allons

11 suspendre.

12 Monsieur Williams, j'aimerais que vous discutiez avec M. Groome de façon à

13 lui expliquer quelle est votre situation et nous en reparlerons, je

14 suppose.

15 Les amici ont-ils des questions ?

16 M. KAY : [interprétation] Oui, 15 minutes environ, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

18 Monsieur Groome, j'aimerais que vous discutiez quelques minutes avec le

19 témoin. Il faudra mettre au point un emploi du temps. Nous avons une note

20 quant au fait qu'il doit participer à une réunion. Alors il serait peut

21 être bon de savoir s'il peut rester ici ou s'il doit vraiment partir. Dans

22 les deux cas, nous devrons voir combien de temps nous le retiendrons encore

23 ici et à quelle heure il pourra partir.

24 M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ou s'il peut rester.

Page 23045

1 Monsieur Williams, je pense que vous avez des obligations importantes en

2 quel cas vous devrez partir. Vous aurez notre autorisation pour le faire

3 mais il vous faudra revenir. C'est ça le problème.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien. Je ferai de mon mieux pour voir si

5 je peux rester un peu plus longtemps aujourd'hui.

6 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] On nous dit qu'un vol a été réservé déjà

8 mais peut-être les choses peuvent-elles modifiées. Merci beaucoup.

9 Vingt minutes de pause.

10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

11 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome, vous avez trouvé une

13 solution si j'ai bien compris.

14 M. GROOME : [interprétation] Nous avons réservé un vol à 15 heures et je

15 pense que moi je n'aurais besoin que de cinq minutes pour mon

16 interrogatoire supplémentaire. Je pense que le témoin a dit qu'il avait une

17 réunion importante mais il est possible qu'il parte tard à 15 heures.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A quelle heure doit-il partir ?

19 M. GROOME : [interprétation] Peut-être à 11h45, à midi mais tout devrait

20 marché.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur May, car beaucoup

23 de mes questions resteront sans réponse.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Cependant, je vais tenter d'en présenter quelques unes au témoin. Il y

Page 23046

1 a un instant, je vous ai montré rapport d'attestation envoyé par la

2 FORPRONU aux Musulmans. Mais voici la question que je voulais vous poser.

3 Étant donné que vous, personnellement du fait des fonctions qui étaient les

4 vôtres, puisque vous aviez fourni au monde entier des informations

5 relatives aux événements qui se produisaient, s'agissant de ces violations

6 et de façon plus générale, s'agissant du comportement affiché par les

7 Musulmans. Est-ce que vous avez donné des informations au monde entier ?

8 Est-ce que vous avez relaté les mêmes choses pour les Musulmans que ce que

9 vous avez dit pour les Serbes ? Est-ce que vous pouvez dire maintenant que

10 vous l'avez fait sans aucun parti pris et comment dire, sur un pied

11 d'égalité, que vous avez agi de la même façon pour les deux parties ?

12 R. Je pense pouvoir le dire sans aucune ambiguïté de façon catégorique.

13 Vous avez fait par exemple référence à un incident. Je suis sûr que mon

14 porte-parole à Sarajevo a effectivement rendu public ce document que vous

15 avez mentionné.

16 Q. Monsieur Williams, vous n'ignorez j'espère pas que le général Michael

17 Rose a publié un livre qui est intitulé "Mission en Bosnie."

18 R. Oui.

19 Q. Je le sais que vous ne contestez pas sa renommée, la considération dont

20 il bénéficie pas plus que le fait qu'il s'est efforcé, en sa qualité

21 d'homme honorable, de présenter les choses de la façon la plus objective

22 qui soit.

23 R. C'est vrai.

24 Q. Par exemple, dans son livre il dit, et je me réfère à une traduction

25 serbe de la page 297 :

Page 23047

1 "L'offensive aéroportée de l'OTAN n'a pas signifié aux Serbes que la

2 mission de paix a été rejetée et que l'occident se préparait à appliquer, à

3 recourir dans une mesure plus grande, plus importante à la force, pour ce

4 qui est de faire participer les forces des Amériques à la solution du

5 conflit."

6 Donc, est-ce que s'agissant de cela constituait une conséquence de la

7 formation que vous aviez fournie ?

8 R. Il m'est impossible de répondre à cette question par oui ou pour non,

9 parce que je ne vois pas tout d'abord en quoi consiste la question. Je dois

10 malheureusement vous demander de la reformuler.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Commençons par la chose suivante : Il y a

12 d'abord une citation de ce livre. Pourriez-vous apporter un commentaire à

13 cette citation telle qu'elle apparaît à l'écran ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous le savez, Messieurs les Juges, il s'agit

15 de mémoire rédigé quelques années après le conflit. Il est vrai que

16 l'occident, et si vous pensez à l'OTAN lorsque vous dites occident, c'est

17 vrai que l'occident avait un engagement plus fort à partir de 1994. Mais je

18 rappelle aux juges qu'il y avait un ultimatum adressé par l'OTAN en février

19 1994 et que c'est cela qui a provoqué le cessez-le-feu de Sarajevo. Et en

20 dépit de l'importance des pourparlers qui avaient lieu à Belgrade en avril

21 1994, il est vrai qu'une fois de plus il y a eu un ultimatum de l'OTAN,

22 sans lequel franchement, je pense qu'il n'y aurait jamais eu d'accord de la

23 part des forces musulmanes en ce qui concerne un cessez-le-feu. A cet

24 égard, il y a donc une grande vérité dans ce qu'écrit le général Rose.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 23048

1 Q. Et bien, c'est précisément de cela que je parle, compte tenu de votre

2 profession à l'époque et de vos fonctions de l'époque. Votre mission était

3 celle d'informer et je vais vous donner citation de ce qui est dit en page

4 333. Dans la version serbe on dit :

5 "Qu'il n'était pas en mesure de convaincre les grands noms des médias

6 mondiaux pour faire savoir que ces propagandes à outrance n'étaient qu'une

7 entrée en matière pour des exagérations ou une détérioration de la

8 situation sur le terrain. Donc, cette critique non objective et permanente

9 avait eu des effets dévastateurs pour ce qui est de la situation à Gorazde,

10 à Bihac et Sarajevo pour ce qui est notamment de relever le recours à la

11 force."

12 Vous êtes d'accord ?

13 R. Non. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce commentaire au fond.

14 Q. Bien, on peut aller de l'avant.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Il faut quand même laisser la

16 possibilité au témoin de répondre, si vous lui avez posé une question.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. A mon

18 avis, il a toujours été impératif chaque fois qu'il y a un conflit, une

19 guerre, impérative disais-je que ces conflits soient portés à la

20 connaissance de la communauté internationale toute entière. Je pense que

21 les médias, la presse ont un rôle capital à jouer à cet égard. Par

22 conséquent, je dis non, un non catégorique à cette déclaration que vous

23 venez de faire.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Bien. Serez-vous d'accord avec ce que dit, ce qu'il dit en page 304. On

Page 23049

1 dit, je cite :

2 "J'étais notamment fâché contre les journalistes en raison de leur approche

3 partielle, inobjective et pleine de parti pris pour ce qui est des

4 événements en Bosnie. La plupart des commentaires des journalistes de la

5 côte est des Etats-Unis pour ce qui est des combats autour de Gorazde en

6 1994 n'ont pas parlé du malheur et de la situation économique difficile de

7 la population, mais ils ont parlé de maisons détruites et pillées. La

8 vérité était toute fois autre.

9 Ces maisons qui ont été filmé par les avions de reconnaissance américain,

10 alors des attaques aériennes contre les Serbes ont été -- ces maisons ont

11 été pour la plupart démolies en 1992 déjà, lorsque les Serbes et les

12 Musulmans se sont battus pour savoir qui l'emporterait dans la ville et

13 lorsque les Musulmans ont repoussé les Serbes. C'étaient des maisons

14 serbes, celles qui étaient sans toits, sans fenêtres et sans portes,

15 pillées complètement par les Musulmans et vider par ceux-ci. Il était tout

16 à fait évident que ces maisons n'ont pas été détruites cette année-là, dans

17 le courant des combats qui ont eu lieu au niveau de Gorazde."

18 Ma question est la suivante : Se peut-il que pendant votre mission, vous

19 n'avez pas su cela, Monsieur Williams ?

20 R. Su quoi ? Qu'il y avait eu des destructions subies par les Serbes

21 aussi ? Bien sûr, que je le savais. Il m'est difficile d'apporter un

22 commentaire sur cette citation que vous venez de faire, venant d'un ouvrage

23 du général Rose. Je ne pense n'avoir rien ajouté.

24 Q. Mais il est en train de nous dire qu'il était notamment en colère à

25 l'égard des journalistes en raison de leur approche partiale inobjective et

Page 23050

1 pleine de parti pris.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Faites une pause.

3 Arrêtez-vous.

4 A votre avis Monsieur le Témoin, au moment vous êtes trouvé en Bosnie, et

5 que vous vous acquittiez de votre tâche, avez-vous pensé que la façon dont

6 les journalistes relataient les événements était partiale, subjective ?

7 R. Oui, je peux vous dire mon avis sur la question. Je pense être qualifié

8 pour le faire. Les journalistes étaient des plus divers et je trouve que de

9 façon générale, ils se sont livrés à une évaluation objective. Bon nombreux

10 ont été les journalistes qui ont relaté les événements de guerre de façon

11 excellente. Hier, par exemple, j'ai vu un document venant de Kurt Schork,

12 correspondant de Reuters, un éminent correspondant de guerre qui

13 malheureusement a trouvé la mort dans des conditions tragiques, dans le

14 conflit de Sierra Leone, il y a deux ou trois ans. Le général Rose ne

15 s'entendait pas bien avec les journalistes. Il avait des rapports

16 difficiles avec. Et cette citation révèle, à mon avis, une évaluation très

17 subjective de sa part.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Fort bien. Peut-être cela avait-il été une évaluation subjective de la

20 part du général Rose et semble toute, vous n'êtes pas d'accord avec.

21 Mais seriez-vous d'accord pour dire -- pour abonder dans le sens de ce

22 qu'il dit :

23 "Dans le courant des trois premières années de cette guerre civile, toutes

24 les zones protégées y compris celle de Sarajevo ont été maintenues et les

25 Serbes ne se sont pas emparés d'elles, quoique pouvant le faire. Si les

Page 23051

1 Serbes avaient voulu les prendre, l'état de Bosnie aurait cessé d'exister.

2 Et pas même la force aéroportée de l'OTAN n'aurait pu l'empêcher."

3 Donc, estimez-vous que cette évaluation faite par le commandant des forces

4 de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine comme étant exacte ou pas ? Et or,

5 cela étant en opposition avec ce que vous affirmez vous-même.

6 R. Je pense que la première partie de cette déclaration est exacte. A

7 savoir, que les forces serbes de Bosnie auraient pu s'emparer de la plupart

8 des déclarations déclarées protégées. Je fais allusion à cela dans ma

9 déclaration. Je parle de cette inégalité entre les deux partis au conflit,

10 le fait que les Serbes avaient autant d'artillerie lourde, d'armement

11 lourd.

12 Et s'agissant de la deuxième partie de la déclaration du général Rose, je

13 ne suis pas du tout d'accord. A mon avis, les forces de l'OTAN auraient pu

14 intervenir par la force à tout moment, et auraient pu enrayer cet assaut.

15 Q. Bien. J'ai juste voulu souligner les divergences entre ce que vous

16 disiez vous-même et ce que disait le commandant de la FORPRONU de l'époque,

17 M. Michael Rose.

18 Mais maintenant, puisque vous avez dit que l'on avait entamé les

19 approvisionnements et que tout ceci était dû au comportement de la partie

20 serbe, lui dit à la même page :

21 "Tout de même, les Serbes n'ont jamais de façon insolente et calculée,

22 entravé le passage des convois pour rendre inévitable une riposte de la

23 FORPRONU, pas même en 1994, à l'époque où les Serbes ont été accusés

24 d'avoir étranglés, étouffés, et le mot étouffés, étranglés est mis entre

25 guillemets par lui-même, les entrepôts dans la ville n'ont jamais été

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1 véritablement vidés. Le gaz et l'eau ont été fournis dans des quantités

2 moindres, certes, mais est suffisante tout de même. Il en va de même pour

3 ce qui est de l'électricité."

4 Donc, est-ce que cela est exact ou est-ce que le général Rose est en train

5 de nous dire des contrevérités ?

6 R. Difficile de dire quoi de plus de sortir un passage de son contexte. Et

7 pour moi, il est difficile de savoir à quelle période il pense. Mais je

8 pense qu'hier nous avons vu suffisamment de documents et je pense plus

9 précisément -- je ne me souviens plus de l'intercalaire. Mais il y avait

10 une lettre envoyée par M. Eagleton au représentant officiel des Nations

11 unies à Sarajevo en date du 15 septembre. Il se plaint du fait que le gaz

12 avait été coupé par les Serbes de Bosnie au niveau plutôt anecdotique ou

13 subjectif. Je peux relater au Juge les nombreuses visites que j'ai

14 effectuées à Sarajevo. Il m'est apparu clairement qu'il n'y avait pas

15 d'eau, qu'il n'y avait pas d'électricité, pas de gaz. C'était un fait tout

16 simplement.

17 M. GROOME : [interprétation] Monsieur Williams fait référence à

18 l'intercalaire 24.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Vous nous avez dit que vous ne saviez pas à quelle période cela se

21 référait. Mais moi j'ai cité le général Rose qui dit :

22 "Que pas même en 1994, lorsqu'on accusait les Serbes d'étrangler Sarajevo,

23 les entrepôts de la ville n'ont pas été complètement vidées." Ainsi de

24 suite.

25 Donc cela se rapporte à cette année 1994 qui est si critique et dont vous

Page 23053

1 avez tant parlé.

2 Mais seriez-vous d'accord avec moi pour dire ou plutôt seriez-vous d'accord

3 avec la citation suivante :

4 "En 1994, d'après les sources américaines, le nombre de morts et notamment

5 de soldats n'a pas dépassé 3,000. Ce qui est bien moins que les récits

6 qu'on a fait circuler concernant le génocide véritable qui était en cours

7 ce qui avait notamment été mis à profit par bon nombre de propagandistes."

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A quoi faites-vous référence. Vous dites

9 1994. Vous parlez du nombre de tuer. Un instant, s'il vous plaît, surtout

10 des soldats. Il n'y a pas plus -- eu plus de 3,000 tués. Mais ça fait

11 référence à quelle zone, à quelle région ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me réfère à la Bosnie-Herzégovine dans son

13 ensemble et ceci figure dans la postface du livre de Michael Rose qui dit à

14 la fin de son livre, page 309 :

15 "D'après les sources américaines, le nombre de soldats tués n'a pas excédé

16 3,000, ce qui est contraire aux rumeurs qu'on a fait courir au sujet d'un

17 grand génocide mis à profit par les propagandistes de l'époque."

18 C'est de cela que je parle. Donc il se réfère ici à l'année 1994.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Difficile d'apporter un commentaire face à ce

20 chiffre. Je rappelle que le général Rose ne fait référence qu'aux soldats

21 tués et ne parle pas du tout du nombre de civils tués en 1994. Là, il est

22 difficile d'évaluer le nombre.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Au contraire, au contraire. Il dit, il dit en tout et pour tout 3,000.

25 La plupart de ces 3,000 étant des soldats. Donc cela comporte aussi le

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1 nombre de civils morts. Cela découle de la citation même, Monsieur

2 Williams.

3 Mais étant donné que vous vaquiez à des activités d'informations et de

4 propagandes. Et je me propose d'en finir ainsi avec les citations de

5 passages dans ce livre du général Michael Rose. Je tiens à dire qu'il a

6 décrit la visite du général John Galvin, conseiller spécial du Président

7 Clinton, qui est venu à Sarajevo et je voulais vous donner lecture de ce

8 paragraphe qui figure à la page 107 de son livre.Et je vais le lire avec

9 précision.

10 Et on lit :

11 "Il était tôt le matin lorsque nous nous sommes retrouvés à proximité de

12 Tuzla. Notre accompagnatrice de l'ambassade américaine nous a montré d'un

13 coup, montré du doigt certaines maisons incendiées et détruites qui se

14 trouvaient sur les hauteurs et elle a dit à Galvin, 'Regardez ce que ces

15 criminels de Serbes ont fait.' A chaque fois Simeon Shadbolt [phon] devait

16 expliquer à Galvin pourquoi telle mosquée, pourquoi --"

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais vous arrêter. Quel est le rapport

18 entre cela et le témoin. Il s'agit d'une visite effectuée par un jeune

19 homme américain à Tuzla et jusqu'à présent, on a fait référence à des

20 personnes faisant partie de l'ambassade américaine et moi je ne vois pas le

21 moindre rapport avec le témoin. Quel est ce rapport d'après vous ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je parle de propagande et je veux poser

23 une question à M. Williams pour savoir s'il serait d'accord avec ce que M.

24 Rose -- le général Rose, a écrit ici. L'événement en question est très

25 court. Si vous ne m'aviez pas interrompu, j'aurais déjà terminé cette

Page 23055

1 citation.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. "Il devait donc expliquer à Galvin pourquoi telle mosquée était restée

4 intacte alors que les églises étaient détruites. Il était donc évident que

5 les forces musulmanes se trouvaient être responsables d'un nettoyage

6 ethnique dans cette partie-là de la Bosnie. Et Galvin a compris que cette

7 femme de l'ambassade employé par le State Department --"

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je veux vous interrompre. Ça semble être

9 tout à fait dénué d'intérêt.

10 Le témoin peut bien apporter un commentaire à certaines des choses que dit

11 le général Rose dans son ouvrage mais il lui est impossible d'apporter un

12 commentaire par rapport à cette visite.

13 Cependant, vous pourriez à ce que dit M. Milosevic tout au début. Vous

14 étiez responsable de l'information de la propagande. Est-ce là bien

15 qualifier ou décrire vos activités ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je n'accepte pas une telle qualification.

17 Moi-même et mon équipe, nous avons fait de notre mieux pour présenter au

18 monde le conflit tel qu'il se présentait objectivement. M. Milosevic a

19 parlé déjà des représentants de la presse à Sarajevo. Si vous examinez des

20 journaux tels que le "Washington Post" ou le "New York Times", vous

21 constaterez souvent qu'ils émettaient des critiques à l'égard des Nations

22 unies. Parce que d'après ces journaux, les Nations unies essayaient trop de

23 faire preuve d'objectivité et on les accusait d'un certain parti pris

24 envers les Musulmans ou le gouvernement bosniaque. Et ceci a été dit plus

25 d'une fois.

Page 23056

1 Nous avons rencontré beaucoup de difficultés. La plus grande étant

2 franchement l'absence d'informations à propos des Serbes de Bosnie, à

3 propos de la Republika Srpska. Et s'il y avait absence d'informations,

4 c'est parce que les autorités serbes de Bosnie avaient interdit aux Nations

5 unies et aux journalistes qui travaillaient dans la région, accès à la

6 région qu'ils administraient.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Mais moi, je vous ai cité un exemple. Je ne veux plus perdre de temps

9 là-dessus.

10 On a donné ici, je veux dire M. Groome nous a communiqué ici et je crois

11 que vous en avez parlé également vous-même, à savoir de l'expulsion de non-

12 Serbes de la région de Bijeljina. C'est la date du 6 septembre 1994. Cela

13 émane d'Akashi. Cela a été adressé à M. Annan et on y dit :

14 "L'époque où le Docteur Karadzic avait compris le problème aux certains

15 criminels y avaient décidé de démettre de ses fonctions le chef de police.

16 Il avait voulu le faire parce qu'il se rendait compte que la situation tout

17 à fait difficile et insatisfaisante pour ce qui est de la sécurité de la

18 criminalité."

19 Et Akashi dit ceci : "J'ai appris par la suite que le chef de la police

20 avait effectivement été remplacé."

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous sommes à quel intercalaire ?

22 Monsieur Milosevic, à l'avenir, tenez compte du numéro de l'intercalaire.

23 Comment voulez-vous qu'on s'y retrouve dans un contre-interrogatoire mené

24 de la sorte ?

25 M. GROOME : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 27, Monsieur le

Page 23057

1 Président.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Dernier paragraphe, où il est dit :

4 "Après avoir parlé de la révocation du chef de la police, et il dit à la

5 fin, j'ai téléphoné aujourd'hui au Dr Karadzic pour m'assurer qu'il était

6 au courant des événements de Bijeljina pour lui exprimer la préoccupation

7 très forte qui était la nôtre. Le Dr Karadzic m'a conseillé de prendre des

8 mesures pour identifier, arrêter et poursuivre en justice, a dit qu'il

9 avait entrepris des mesures pour arrêter, poursuivre en justice et

10 identifier les responsables de la chose."

11 Donc, est-ce que ce document nous montre bien que M. Akashi confirme la

12 révocation d'un chef de la police ? Mais dans ce cahot-là, la direction de

13 la Republika Srpska ne pouvait tout garder sous contrôle. Elle prenait des

14 mesures aux fins de protéger la population du groupe ethnique non serbe qui

15 était exposée à des pressions, à des crimes ou à tout ce que vous voulez

16 désigner, tout ce que voulez dire pour désigner cela. Mais Karadzic est

17 donc intervenu pour venir en leur protection, en leur aide, pour les aider.

18 Cela découle du document qui a été envoyé par les bons soins d'Akashi ?

19 R. Non. Je ne pense pas que ce soit clair. M. Akashi espérait que le Dr

20 Karadzic prenne des mesures.

21 Mais j'aimerais vous renvoyer à un autre document qui se trouve au même

22 intercalaire. Il s'agit d'une lettre envoyée le 20 septembre deux semaines

23 plus tard. M. Akashi envoie une autre lettre, à ce moment-là, au Dr

24 Karadzic, où il dit qu'il y a poursuite des expulsions, qu'en ce jour il y

25 avait eu 700 expulsions dans l'occurrence le 17 septembre et, de l'avis de

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1 M. Akashi, les circonstances et conditions étaient à ce point alarmantes

2 que pour la première fois il appelle l'attention du Dr Karadzic sur le fait

3 que ces actes risquent de faire l'objet de poursuites par ce tribunal-ci.

4 Q. Je voulais que nous commentions ce document-ci, mais il n'en découle

5 pas que Karadzic avait attribué la chose à des criminels et il avait fait

6 révoquer le chef de la police. Il avait donc réagi à l'égard des criminels,

7 il avait pris des mesures énergiques pour faire arrêter et poursuivre en

8 justice les personnes qui ont fait cela. Est-ce que c'est bien ce qui a été

9 écrit dans le document que M. Akashi a envoyé ?

10 R. Je pense que M. Akashi espérait que Karadzic prenne des mesures

11 manifestement, il n'y a pas qu'un seul policier qui soit responsable de

12 l'expulsion de 700 personnes au cours de cette période-là à savoir en

13 septembre 1994. De surcroît, il est bien possible que cet homme -- ce chef

14 de police ait été démis de ses fonctions. Mais ce qui est encore plus

15 manifeste, c'est qu'il n'y a jamais eu de poursuites en justice contre

16 quelques officiers que ce soit pour manquements graves.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce sera maintenant votre dernière

18 question, Monsieur Milosevic. Votre temps est dépassé, mais nous vous

19 donnons l'autorisation de poser une question supplémentaire.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais vraiment je voulais que nous commentions à

21 présent les rencontres de Karadjordjevo avec Akashi où il a dit que nous

22 avons discuté de façon informée -- informelle.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Mais s'il n'est pas possible de parcourir cela, je dirais ce qui suit,

25 Monsieur Williams. J'ai ici une lettre de M. Akashi qu'a été envoyée le 29

Page 23059

1 décembre 1994, je me propose de donner lecture du 1er paragraphe seulement :

2 "Cher Monsieur le Président, comme j'en viens à la fin de ma première année

3 de mandat, en ma qualité de représentant spécial du secrétaire général pour

4 l'ex-Yougoslavie, je voudrais exprimer en cette occasion mes termes de

5 considération -- mes assurances de considération pour la coopération que --

6 dont vous avez faits preuve et les efforts déployés pour votre part pour ce

7 qui est de la solution de cette crise est terrible, survenue dans ce beau

8 pays-ci."

9 Je ne vais pas donner davantage lecture de ce que l'on dit vous voyez-là

10 qu'il s'agit d'une lettre adressée à moi-même de la part de M. Akashi. Si

11 vous voulez, Monsieur May, vous pouvez la verser au dossier ou pas.

12 Mais, Monsieur Williams, est-ce que cela ne fait que confirmer et

13 s'intégrer dans le contexte des explications des activités qui ont été

14 destinées à surmonter les problèmes de Gorazde et surmonter d'autres

15 problèmes également ? Je tiens à parler -- à mentionner ici les problèmes

16 en corrélation avec la Krajina à l'occasion de quoi les activités déployées

17 par la Serbie et par moi-même ont porté notamment sur l'aboutissement à la

18 paix. Je viens de vous donner lecture d'une première phrase seulement pour

19 l'illustrer.

20 R. Oui. Je vois maintenant le contenu de cette lettre. Je vous rappelle et

21 je rappelle aux juges que l'accord passé à Belgrade en 1994 comportait six

22 points et un des points le cessez-le-feu a été appliqué. Il y a cette

23 lettre de salutations adressée par M. Akashi à l'occasion du nouvel An, il

24 faut la replacer dans le contexte d'efforts diplomatiques et du souhait

25 qu'il avait de voir -- mettre -- de voir la fin de ce conflit horrible et à

Page 23060

1 ses yeux vous jouiez un rôle clé, ceci est incontestable.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous allons demander une cote

3 pour ce document.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation] Puis-je poser encore une question, Monsieur

5 May ?

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, mais il faut d'abord une cote pour

7 ce document.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de la Défense 150.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez maintenant poser votre

10 question.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Vous êtes un expert, Monsieur Williams. Vous avez dit dans

13 l'interrogatoire principal que les Serbes ne faisaient pas de distinction

14 ou non pas réussi à le faire -- à faire une distinction entre les objectifs

15 civils et les objectifs militaires. Est-ce bien ce que vous avez déclaré ?

16 R. Oui. Je pense m'être exprimé dans ce sens.

17 Q. Bien. Alors, si vous ne perdez pas de vue les dernières expériences que

18 nous avons connues, la pression de l'OTAN sur la Yougoslavie où l'on a

19 essentiellement visé les -- des cibles civils, est-ce que l'OTAN a pu -- a

20 réussi à faire la distinction entre des cibles civils et des cibles

21 militaires ?

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est pas une question qu'il faut

23 poser au témoin. Ce n'est qu'un commentaire qu'il faudra examiner en temps

24 utile.

25 Maître Kay, vous avez la parole.

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1 Questions de l'Amicus Curiae, M. Kay :

2 Q. [interprétation] Monsieur Williams, j'aimerais tout d'abord que nous

3 revenions à l'avant dernière question qui vous a été posée en ce qui

4 concerne l'influence qu'avait M. Milosevic. Vous avez dressé une situation

5 où vous aviez des parties et je pense surtout aux dirigeants des Serbes de

6 Bosnie à qui ils arrivaient de façon régulière et périodique de se

7 retrouver à Belgrade devant M. Milosevic, en sa qualité de président de la

8 république de la Serbie, et que c'était là une occasion pour lui d'essayer

9 de faire valoir ses bons offices afin d'exercer une pression politique sur

10 les dirigeants serbes de Bosnie. Est-ce que c'est là une représentation

11 fidèle de la situation ?

12 R. Je pense que oui. Mais j'aimerais indiquer une chose. Pendant que j'ai

13 travaillé en tant que fonctionnaire des Nations unie en ex-Yougoslavie,

14 nous avons eu des réunions -- nous avons notamment parlé de la réunion

15 d'avril 1994. Et à mon avis, ce fut-là la seule fois où la totalité des

16 dirigeants serbes de Bosnie ont rencontré le président Milosevic. Et les

17 Nations unies en règle générale, c'était des réunions bilatérales à Pale et

18 il y a eu une réunion de ce genre à Genève. Mais je crois que pour

19 l'essentiel vous avez raison.

20 Q. Ce n'était surprenant n'est-ce pas, puisque la Serbie était une des

21 puissances intervenant dans la région?

22 R. Tout à fait.

23 Q. Et je prends ceci comme point de départ. Nous l'avons vu à l'aide des

24 documents assez limités en nombre que vous avez présenté. On peut dire que

25 l'essentiel des négociations était des négociations bilatérales directes

Page 23062

1 avec Pale. Je veux dire par là avec le général Mladic ou M. Karadzic ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous estimiez que le général Mladic tenait bien ses effectifs en main

4 et qu'il était à la tête d'une structure militaire disciplinée ?

5 R. Exact.

6 Q. Structure militaire discipliné sur laquelle il avait un contrôle ferme

7 et décisif ?

8 R. Oui.

9 Q. Des documents ont été produits par votre truchement. Il y a eu des

10 déclarations ou des notes que vous aviez prises pendant votre mandat. Ceci

11 montre qu'à plusieurs reprises, vous avez pu constater qu'il y a eu des

12 réponses assez intempestives du général Mladic à des situations où il y

13 avait une provocation -- à la moindre provocation de la partie adverse ?

14 R. Oui.

15 Q. Quelque part, on trouve une citation que vous faites qui revient à dire

16 qu'à son avis, il ne pensait -- il ne pensait pas que les Musulmans

17 auraient la témérité de tirer sur les forces serbes et qu'il allait

18 répondre de façon dévastatrice à toute provocation de ce genre ?

19 R. Oui.

20 Q. Et je suppose que lorsque vous avez eu affaire à la partie adverse,

21 vous vous êtes rendu compte que toute provocation aussi minime fut-elle

22 pouvait provoquer une réponse de ce genre toute disproportionnée qu'elle

23 soit de sa part ?

24 R. Oui.

25 Q. N'était-ce pas là une caractéristique du conflit, qu'on comprenait

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1 bien. N'était-ce pas des caractéristiques dont pouvait tirer parti, la

2 partie adverse dans un sens politique. Quand je parle de partie adverse, je

3 parle de la partie opposée au général Mladic ?

4 R. Oui.

5 Q. N'avez-vous pas consigné quelque part la réunion de Belgrade à laquelle

6 cet homme a participé. Réunion au cours de laquelle on a discuté ou on

7 s'est servi de menace de frappes aériennes de l'OTAN. Et ceci a été utilisé

8 contre les Serbes de Bosnie. Spontanément, il a dit :

9 "Vous avez intérêt à tenir votre parole. S'il y a des bombardements de

10 l'OTAN, nous allons vous attaquer vous et les Musulmans."

11 R. C'est exact. Ceci a été dit dans la matinée du samedi 23 avril. Je m'en

12 rappelle parfaitement. Il devait être 11 heures, à peu près. C'était vers

13 la fin de la réunion.

14 Q. Et vous avez surtout eu affaire avec les Serbes de Bosnie. Vous vous

15 tourniez dès lors vers M. le président Milosevic lorsque se présentait une

16 situation de ce genre afin qu'il fasse valoir son influence. Tout de moins

17 sur cette partie-là au conflit ?

18 R. Évaluation juste qu'est la vôtre.

19 Q. Vous avez compris que dans une telle situation, il pouvait exercer une

20 certaine influence mais pas de contrôle ?

21 R. Oui. Il pouvait effectivement au moins exercer une certaine influence.

22 Q. Mais il ne pouvait pas maîtriser, contrôler la situation telle qu'elle

23 se présentait en Bosnie-Herzégovine. Cette situation, elle était contrôlée

24 par Karadzic et Mladic ?

25 R. Ces hommes, le Dr Karadzic était le principal dirigeant politique des

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1 Serbes de Bosnie, c'est vrai. Quant à Mladic lui, il était commandant de la

2 VRS, l'armée des Serbes de Bosnie. Et je pense que cette armée avait des

3 liens très étroits avec l'armée yougoslave.

4 Q. Revenons très rapidement sur l'une ou l'autre question. D'abord

5 l'Article -- l'intercalaire 34, paragraphe 11. Il s'agit là d'une réunion

6 avec M. de Mello le 11 août 1994. Il rencontre le président Milosevic.

7 C'est à cette réunion qu'une déclaration à été faite à propos du Brésil et

8 des frontières, puisqu'on était en phase d'essayer d'assurer la sécurité

9 des frontières, vu l'imposition de sanctions. Sanctions qui furent du moins

10 à vos yeux étaient considérées par quelque chose pris très au sérieux par

11 la République fédérale de Yougoslavie à l'encontre des dirigeants serbes de

12 Bosnie ?

13 R. Oui. C'était des mesures bienvenues qui avaient été imposées par M.

14 Milosevic si je me souviens bien le 4 août. Donc, on était le 11 août et il

15 était un peu tôt pour voir quelle était l'efficacité de ces mesures.

16 Q. C'était un dispositif qu'il avait utilisé pour essayer d'exercer une

17 influence sur les dirigeants de Bosnie afin que ceux-ci aient un rôle plus

18 constructif de paix.

19 R. Oui. Il essayait plus précisément de les faire participer ou d'accepter

20 le plan préparé par le groupe de contacts.

21 Q. Il s'agissait-là de toute une série de tentatives destinées à essayer

22 de les maîtriser, de maîtriser leurs actions et de les faire accepter la

23 philosophie que lui avait, s'agissant de ce processus de paix ?

24 R. Oui.

25 Q. Là, je me contente d'examiner le paragraphe 11 de ce document. Le

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1 président Milosevic a assuré qu'il avait exercé l'influence qu'il avait,

2 qu'il allait continuer à le faire pour apporter son appui au processus de

3 négociations.

4 R. C'est ce qu'il a dit, effectivement.

5 Q. Il a aussi ajouté au paragraphe 13, "en conclusion qu'il avait lui,

6 opté pour la paix."

7 R. C'est ce qu'il déclare une fois de plus.

8 Q. Bien sûr, à d'autres de juger si c'est exact ou pas. Mais c'est bien le

9 contexte dans lequel il faut replacer ces remarques.

10 R. Oui.

11 Q. Revenons un peu en arrière si vous le voulez bien. Plus exactement, à

12 l'intercalaire 4. Là nous sommes un peu plus avant dans le temps puisqu'il

13 s'agit du 13 avril 1994. C'est une réunion du président Milosevic à

14 Belgrade avec M. Akashi. C'est au paragraphe 2 que l'Accusation a appelé

15 votre attention sur une déclaration faite par le président Milosevic à

16 propos de l'attaque menée par les Serbes sur Gorazde.

17 R. Oui.

18 Q. Il a fait une remarque. Et je pense que vous conviendrez avec moi de

19 ceci. Il n'était pas sur le terrain, pour ainsi dire, à Gorazde à ce

20 moment-là. A ce moment-là quand nous sommes en avril 1994.

21 R. Non, non. Mais je m'attends à ce que le président Milosevic soit

22 parfaitement informé des événements. Je rappelle Messieurs les Juges, que

23 Gorazde est à peu près 30 minutes en voiture de la frontière avec la

24 Serbie.

25 Q. "L'information," c'est le maître mot précisément qui va faire l'objet

Page 23066

1 de ma question suivante. Pour lui, les informations pouvaient tout aussi

2 bien venir de Radovan Karadzic ou du général Karadzic mais de qui que ce

3 soit d'autre, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Toute déclaration qu'il eut faite n'aurait pas son propre évaluation et

6 sincèrement étaient des évaluations que lui il faisait en personne, c'est-

7 à-dire il n'a pas nécessairement vu ou entendu ce qui lui était rapporté,

8 mais il a reçu des informations et c'est là-dessus qu'il se base.

9 R. Oui.

10 Q. Si vous vous remémorez ces pourparlers tout ce processus de négociation

11 politique que vous avez décrit c'est manifestement une situation où vous

12 trouvez en but à une situation où la partie avec qui vous négociez a un

13 ordre du jour qui est quand même objectif qui n'est pas intéressé tout

14 comme c'est le cas pour vous.

15 R. Oui.

16 Q. Ce qui est dit au paragraphe 2 et par la suite montre

17 qu'incontestablement le président Milosevic insisté sur la nécessité de

18 parvenir à la paix de trouver une solution aux conflits, ceci apparaît

19 clairement au paragraphe 4 :

20 Je cite : "Le président Milosevic a souligné le fait qu'à son avis la seule

21 façon raisonnable de parvenir à la paix c'est de trouver -- de parvenir à

22 une cessation générale des hostilités."

23 R. Oui, C'est ce qu'il pensait.

24 Q. Il y a donc eu là toute une série de manœuvres qui ont eu lieu par la

25 suite qui vous ont engagé vous pour ainsi dire M. Milosevic et d'autres

Page 23067

1 protagonistes afin d'essayer de poser des bases de leur processus de paix.

2 R. Oui.

3 Q. Plusieurs initiatives ont été prises dans ce cas inutile de les

4 parcourir toutes nous n'avons pas le temps, mais ceci faisait partie de ce

5 processus, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous le voyez au paragraphe 6, à ce moment-là M. Milosevic. Estimez-

8 vous, sans doute aussi, qu'il y avait un rapport une relation assez étrange

9 entre la communauté internationale et les dirigeants serbes de Bosnie.

10 R. Tout à fait, tout à fait, puisqu'ils détenaient nos convois empêcher

11 que nous nous déployons à Gorazde et les relations étaient très tendues.

12 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige la question précédente : c'était

13 pas étrange mais tendue -- relation tendue.

14 M. KAY : [interprétation]

15 Q. Et on essayait de les faire changer d'avis pour ce qui est de leur

16 comportement de leurs agissements.

17 R. Oui.

18 Q. Abandonnons ce document qui porte la date du 13 avril pour passer à

19 l'intercalaire 16, là où nous trouvons un document en date du 23 avril, à

20 la première page qui m'intéresse pour le moment, on voit la date du 23

21 avril. Donc, c'est la page où qui suivre votre déclaration faite à la

22 presse. Cette lettre est envoyée par M. Akashi à Kofi Annan, et on voit

23 apparemment au premier paragraphe. La personne qui a dactylographié ceci

24 semblait présenter le document comme étant un procès verbal de la réunion

25 qui avait eu à Belgrade avec le Dr. Karadzic et le général Mladic et puis

Page 23068

1 on semble avoir ajouté en dernier instant la présence de M. Milosevic parce

2 qu'il aurait pu avoir une influence sur ces deux hommes.

3 R. Oui.

4 Q. La réunion commence par une proposition d'ordre du jour faite par M.

5 Milosevic qui veut s'attacher à la normalisation des relations avec la

6 FORRPONU. Nous venons de parler de ce sujet et puis il y a la solution

7 qu'il faut trouver à la crise de Gorazde et en fin la cessation des

8 hostilités et puis celle de Dr Karadzic qui invente un produit ou présente

9 toute une série de raisons s'opposant aux propositions que fait le

10 président Milosevic. Il suffit de lire ce document, mais nous n'avons pas

11 le temps, donc je vous fais valoir cet argument de façon générale. Mais il

12 est manifeste qu'il y a toute une série de raisons qu'il présente

13 expliquant pourquoi ceci ne peut pas marcher et il précise ces

14 revendications.

15 R. Oui je suis d'accord avec vous.

16 Q. Et après cette réunion-là, nous passons à l'intercalaire 17, nous avons

17 la date du 25 avril 1994 et nous voyons ici que c'est un télégramme crypté

18 codé qui s'inscrit dans les tentatives déployées pour avoir un cessez-le-

19 feu à Gorazde et aux alentours et qui visent à normaliser les relations.

20 R. C'est exact.

21 Q. Par la suite il y a des infractions ou des violations de ce cessez-le-

22 feu. Nous passons maintenant à l'intercalaire 18, quelques jours plus tard

23 surviennent des violations, il y a détérioration de la situation et je ne

24 dirais pas qu'on est de retour à la case de départ mais que c'est un

25 renversement de la situation.

Page 23069

1 Ces objections, ces arguments étaient présentés à M. Karadzic, vus les

2 échecs enregistrés par rapport à ce qui se passait.

3 R. Oui.

4 Q. Nous avons surtout parlé des Serbes de Bosnie, mais il y avait une

5 autre question concomitante, il y avait Martic, et Babic en Krajina.

6 R. Oui.

7 Q. Je dispose ici d'une lettre envoyée au président Milosevic par M.

8 Akashi, elle porte la date du 7 décembre 1994.

9 Pourriez-vous l'examiner brièvement, puisque ce sera là le seul -- le

10 dernier point ?

11 M. KAY : [interprétation] Que je vais évoquer il y a une copie pour le

12 greffe et une autre pour le témoin. C'est un document qui a été communiqué

13 dans le cadre de l'Article 68 qu'il porte la date du 7 décembre 1994.

14 Q. Est-ce bien là, Monsieur le Témoin, la signature de M. Akashi et ce que

15 même que vous vous souvenez de cette lettre ?

16 R. Je pense que oui, je m'en souviens.

17 Q. J'ai indiqué les deux premiers paragraphes. Je ne vais parler que de

18 cela une fois de plus vous avez le même rôle qu'on demande à M. le

19 président Milosevic. On lui demande de faire valoir son influence sur

20 Martic, est-ce que exact ? Pourriez-vous nous dire, parce que là vous

21 opinez de chef, mais pourriez-vous dire oui ou non ?

22 R. C'est vrai je pense que, de l'avis de M. Akashi, M. Milosevic pouvait

23 exercer une influence tout à fait considérable sur M. Martic. Souvenez-vous

24 de ce que j'ai dit hier dans ma déposition ? Nous parlions à ce moment-là

25 d'élection qui avait eu lieu en janvier 1994 en RSK manifestement. On

Page 23070

1 voyait que Martic était le candidat privilégié par Monsieur Milosevic, nous

2 estimions par conséquent que Monsieur Milosevic pouvait avoir une influence

3 considérable sur M. Martic.

4 Q. Mais il faut replacer ceci dans le contexte d'une rivalité et d'un

5 combat politique, se déroulant entre M. Babic et M. Martic, ainsi que M.

6 Babovic. M. Babic qui avait réussi à prendre l'initiative politique par

7 rapport à M. Martic, n'est-ce pas ?

8 R. Pas tout à fait, mais il était une personnalité politique importante,

9 il était contrôlé par l'assemblée aussi.

10 Q. Mais il était considéré comme étant le plus extrémiste des durs ?

11 R. Exact.

12 Q. Et il était considéré comme échappant au contrôle du président

13 Milosevic.

14 R. Je crois que vous faites là une évaluation correcte de la situation.

15 Q. A l'époque, cet homme avait plus d'influence que M. Martic.

16 R. Officiellement, Martic était président de la RSK. Là, les avis sont

17 partagés quant au degré d'influence exercé par l'un et l'autre. Mais je

18 suis d'accord avec vous.

19 Q. Oui, mais politiquement parlant, il avait été un peu sapé par Babic

20 puisque Babic avait lui-même montré qu'il était tout à fait capable de

21 manœuvrer politiquement.

22 R. C'est exact.

23 Q. Merci.

24 M. KAY : [interprétation] Je ne plus de questions à poser au témoin.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome. Tenez compte du temps.

Page 23071

1 Nouvel interrogatoire par M. Groome :

2 Q. [interprétation] On a parlé de la cessation générale des hostilités que

3 prenait M. Milosevic en 1994. Mais c'était, bien sûr, postérieur à la

4 grande campagne d'épuration ethnique de 1992. Voici la question que je vous

5 pose. S'il y avait eu une cessation générale des hostilités ici, ceci avait

6 été adopté à l'époque. Est-ce que la ligne de confrontation et si la

7 confrontation avait été limitée au territoire que vous occupez jusqu'à

8 présent. Est-ce qu'il y aura un avantage pour l'une ou l'autre des

9 parties ?

10 R. Une fois de plus, je pense que les autorités serbes de Bosnie auraient

11 eu un avantage considérable si le cessez-le-feu s'était passé sur la ligne

12 de confrontation. Rappelez-vous, trois des enclaves étaient tout à fait

13 encerclées par les forces serbes de Bosnie. Je pense à Gorazde, Zepa,

14 Srebrenica. Quant à Sarajevo, elle était assiégée. Ce qui veut dire que

15 manifestement, ces lignes de front, si elles avaient été retenues, auraient

16 été négatives pour les Musulmans de Bosnie.

17 Q. Vous avez parlé du rôle de négociateur, l'intermédiaire, de simple

18 intermédiaire, joué par M. Milosevic à ce moment-là. On dit qu'il n'était

19 pas intéressé personnellement. Mais je vous renvoie à l'intercalaire 4 de

20 la pièce 470 de l'Accusation. Vous allez voir afficher à l'écran, dans tous

21 les écrans du prétoire, cette partie. Je vais vous donner lecture de la

22 première phrase :

23 "Le président Milosevic a insisté sur le fait que les sanctions économiques

24 imposées actuellement à la Serbie devraient être levées dans le contexte

25 d'une cessation des hostilités."

Page 23072

1 Je vous pose la question suivante : Est-ce que le président Milosevic

2 établit un lien entre les sanctions imposées à la Serbie et la cessation

3 des hostilités en Bosnie ?

4 R. Oui. Il l'a fait très clairement à cette réunion du 13 avril. Donc il

5 n'était pas du tout désintéressé en tant qu'intermédiaire, que médiateur.

6 Q. Est-ce que c'est la seule fois où il établit ce lien entre les

7 sanctions et l'affaire Bosnie ?

8 R. Je ne pense pas que ce fut là la seule fois. Mais je ne peux pas, au

9 débotté, vous donner une autre date, une autre réunion.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, la question n'est pas correcte

12 parce que dans les documents -- les documents montrent précisément que

13 j'avais parlé de la nécessité de supprimer les sanctions, de faire mettre

14 un terme à celles-ci, compte tenu de notre politique de paix constante,

15 permanente et que cela constituerait --

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Mais la question n'est pas

17 incorrecte. Vous pourrez faire valoir vos arguments en temps utile.

18 M. GROOME : [interprétation]

19 Q. Lorsque M. Milosevic a participé aux négociations et je pense ici à

20 toutes les négociations, pas seulement celles qui étaient portées sur

21 Gorazde. Est-ce qu'il y avait poursuite des violations de ces frontières

22 qui étaient pourtant fermées entre la Serbie et la Bosnie ? Et nous avons

23 vu à l'intercalaire 34 que M. Milosevic avait apporté lui-même l'assurance

24 que ces frontières étaient fermées.

25 R. Oui. Il y a eu encore des violations de ces dispositions de fermeture

Page 23073

1 des frontières et ceci a été prouvé par bien des documents.

2 Q. Ma dernière question sera celle-ci : Pourquoi a-t-on demandé l'aide de

3 M. Milosevic et pas celle de celui qui était à ce moment-là le président de

4 la république, M. Lilic, ou plutôt du ministère des Affaires Étrangères,

5 qui étaient tous deux Serbes et qui auraient été un choix logique ?

6 R. M. Milosevic était peut-être quelqu'un qui a été mais ce n'était pas un

7 intermédiaire. Il était clair que c'était lui la figure politique de proue

8 dominante en Serbie et qu'il avait une influence profonde sur les

9 dirigeants serbes, sur les autorités politiques serbes de Bosnie mais aussi

10 sur les autorités militaires serbes de Bosnie. Vous avez parlé d'autres

11 personnes, Jovanovic, ministre des Affaires Étrangères et vous avez parlé

12 du président Lilic, mais tous deux étaient considérés à juste titre, me

13 semble-t-il, comme n'ayant aucune influence sur les événements se

14 produisant en Bosnie.

15 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

16 Je vous remercie.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci met fin à votre déposition, Monsieur

18 Williams. Merci d'être venu déposer devant le Tribunal pénal international.

19 Vous pouvez désormais disposer.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons un document qui a été soumis

22 au témoin par les amis de la Chambre.

23 Vous voulez en demander le versement, Me Kay, dans la mesure du possible,

24 bien sûr ?

25 M. KAY : [interprétation] Oui.

Page 23074

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une cote.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de la Chambre numéro

3 7.

4 [Le témoin se retire]

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice. Il y a eu un problème

6 d'horaire de vol en ce qui concerne ce témoin que nous venons d'entendre.

7 Je crois qu'il est préférable de savoir d'emblée quelles sont les

8 contraintes de temps. Et il est préférable qu'on explique au témoin qu'il

9 faudra peut-être qu'il reste un certain temps sans préciser la durée de

10 leur séjour à La Haye.

11 M. NICE : [interprétation] Nous en avons tenu compte, Monsieur le

12 Président. Dans la mesure du possible, nous essayons de tenir compte des

13 intérêts de chacun. Difficile de prévoir exactement la durée d'un contre-

14 interrogatoire. Nous ne pouvons faire que des prévisions et nous sommes en

15 butte à certaines contraintes. Nous ne pouvons pas toujours garder des gens

16 ici. Permettez-moi d'en parler de façon un peu corrélaire lorsque je vais

17 aborder une question administrative.

18 La semaine prochaine, nous espérons pouvoir avoir plusieurs témoins,

19 l'application de l'Article 92 bis pour lesquelles il n'y aura pratiquement

20 qu'un contre-interrogatoire. Ce sont des témoins factuels. Ceux qui

21 agencent les déplacements des témoins qui sont chargés de leur séjour ici

22 tiennent beaucoup à ce qu'il y en est pas trop car il faudra, s'ils sont

23 trop nombreux, les renvoyer. Et nous nous ne voulons pas qu'il y en ait

24 trop peu car ça pourrait vouloir dire que le temps d'audience n'est pas

25 pleinement utilisé.

Page 23075

1 Lors du volet Kosovo du procès, il y a eu une certaine systématique qui

2 s'est instaurée. On donnait un certain temps à l'accusé s'il voulait

3 procéder au contre-interrogatoire de témoin, l'application de 92 bis. En

4 général, il a utilisé à quelques exceptions près, la totalité de ce temps.

5 Il était possible de se faire une idée du nombre de témoins que nous

6 aurions pour un jour donné. Il a maintenant acquis une certaine expérience

7 en matière de contre-interrogatoire. Peut-être pourra-t-il ainsi être plus

8 concis.

9 Il y a éventuellement d'autres facteurs qui auront pour effet que la

10 Chambre va lui accorder un temps d'interrogatoire différent. Nous aimerions

11 avoir une idée de la durée maximale du contre-interrogatoire de chaque

12 témoin. De cette façon, nous pourrons faire venir le bon nombre de témoins

13 sans perdre de ressources et d'argent en en faisant venir trop. Il se peut

14 aussi que l'accusé nous dit qu'il ne veut pas procéder à un long

15 interrogatoire de tel ou tel témoin. Ce serait très utile car de cette

16 façon, nous n'aurions pas à faire venir autant de témoins pour cette

17 semaine-ci.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

19 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Vous vouliez

21 dire quelque chose.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais dire que cette insistance manifestée

23 par M. Nice a manifestement pour but de réduire le temps qui m'est imparti.

24 C'est une pratique constante ici que de réduire le temps qui m'est imparti.

25 Par exemple, s'agissant du témoin qui vient d'être entendu, vous avez

Page 23076

1 compté le temps imparti à M. Groome et vous l'avez comparé au temps qui m'a

2 été imparti. Mais en fait ce témoin a soumis à la Chambre une pile très

3 importante de documents sur lesquels je n'ai absolument pas pu

4 l'interroger. Donc, du point de vue de l'équité, le droit qui est le mien à

5 contre-interroger le témoin est sans cesse bafoué.

6 Et si M. Nice insiste pour qu'on réduise encore le temps qui m'est accordé,

7 cela fera disparaître, cela éliminera complètement un quelconque sens du

8 contre-interrogatoire dont on peut se demander à quoi il servira dans ce

9 cas.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez été autorisé à interroger le

11 témoin qui vient d'être entendu plus longtemps que l'Accusation beaucoup

12 plus longtemps. Vous avez eu la possibilité de lui soumettre les documents

13 de votre choix. Vous avez décidé de ne pas agir de cette façon et en fait

14 ce que vous avez choisi de faire c'est de discuter de polémique avec le

15 témoin au sujet de questions relativement non pertinentes.

16 Bien sûr, nous ne perdons pas de vue le droit qui est le vôtre de contre-

17 interroger lorsque nous parlons de temps. Il est inexact de dire que

18 l'Accusation a pour but de réduire le temps qui vous est imparti. Ce que

19 fait l'Accusation dans la présente affaire, c'est de signaler la pratique

20 qui a été en vigueur pendant la partie Kosovo du procès et de demander aux

21 juges leur avis au sujet des témoins entendus en application de l'article

22 92 bis qui témoigneront la semaine prochaine. Nous y réfléchirons.

23 Monsieur Nice vous avez la parole.

24 M. NICE : [interprétation] Quelques questions administratives avant

25 l'entrée du témoin suivant. Puis-je demander un huis clos partiel pour une

Page 23077

1 minute.

2 [Audience à huis clos partiel]

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 23078

1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 [Audience publique]

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience

5 publique.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peut-on faire entrer le témoin.

7 M. NICE : [interprétation] Pendant que le témoin et ceux qui l'accompagnent

8 pénètrent dans le prétoire, je puis dire que je suis au regret de devoir

9 vous annoncer un léger retard. Je m'expliquerai sur ce point en temps

10 utile. J'espère que mes explications suffiront à montrer quel travail

11 important est accompli par nous. Mais compte tenu de ce que le témoin a

12 dit, il y a déjà pas mal de temps. Je tiens à signaler nous ne faisons rien

13 pour réduire le temps qui lui est imparti bien au contraire. Nous espérons

14 finir la présentation des éléments de preuve de l'Accusation très

15 rapidement. Et lorsque ce sera fait, vous constaterez que nous avons

16 supprimé un grand nombre de témoins.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la

19 déclaration solennelle.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 LE TÉMOIN: PETER WOODARD GALBRAITH [Assermenté]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

25 Interrogatoire principal par M. Nice :

Page 23079

1 Q. [interprétation] Votre nom, je vous prie. Pourriez-vous décliner votre

2 identité.

3 R. Peter Woodard Galbraith.

4 Q. Monsieur Galbraith. Vous avez le rôle d'ambassadeur après des études à

5 Harvard, à Oxford et à l'université de Georgetown, et après avoir été

6 conseillé juridique des Etats-Unis, vous êtes devenu ambassadeur des Etats-

7 Unis en Croatie à partir de juin 1993 et jusqu'à janvier 1998.

8 R. C'est exact.

9 Q. Vers la fin des fonctions qui étaient les vôtres en tant que conseiller

10 auprès du Sénat en matière d'Affaires étrangères, avez-vous rendu visite,

11 ou vous êtes vous rendu en ex-Yougoslavie ?

12 R. Je suis allé en ex-Yougoslavie à quatre reprises en 1991 et 1992.

13 Q. Avez-vous préparé en août 1992 avec l'aide d'un collègue un rapport

14 destiné au comité des Affaires étrangères du Sénat qui traitait du

15 nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine ?

16 R. Oui.

17 M. NICE : [interprétation] Ce rapport n'a pas été communiqué officiellement

18 à l'accusé mais c'est tout de même un document public. Donc, je souhaite

19 l'ajouter au document qui constitue des pièces à conviction et ce pour les

20 raisons suivantes. On y trouve en effet une analyse de ce que le témoin et

21 son collègue -- ses collègues ont découvert lors de leurs visites en ex-

22 Yougoslavie et ce document a été mis à la disposition de l'accusé en 1992

23 et de ce fait, il constitue une notification de ce que détient, c'est-à-

24 dire les auteurs du rapport français à l'époque.

25 Je demande donc que ce document soit versé au dossier intercalaire 5, dans

Page 23080

1 la liasse de documents.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce document a été mis à la disposition de

3 l'accusé en 1992 ?

4 M. NICE : [interprétation] Oui. Le témoin apportera des explications

5 complémentaires à ce sujet dans une minute.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

7 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 5. Peut-on donner une cote générale

8 à la liasse de pièces à conviction ?

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

10 pièce à conviction de l'Accusation 471.

11 M. NICE : [interprétation] Je demanderais qu'une -- qu'un exemplaire de ce

12 document soit remis au témoin également.

13 Monsieur le Témoin, je vous demanderais de jeter un coup d'œil rapide à ce

14 document et que l'huissier place ce document sur le rétroprojecteur si un

15 exemple supplémentaire est disponible. Nous n'avons pas beaucoup de temps.

16 Q. Mais je vous réfère à la page dont le numéro est grand V, la date 15

17 août 1992 et au milieu de la page, Monsieur l'ambassadeur Galbraith, je

18 vous demande si ce qu'on lit dans ce rapport qui a été établi après que

19 vous ayez parlé avec de très nombreux réfugiés qui étaient témoins

20 oculaires et survivants des atrocités en Bosnie-Herzégovine ? Je vous

21 demande si c'est ce qui est écrit dans le document ?

22 R. Oui.

23 Q. Nous pouvons maintenant passer à des pages qui sont numérotées à l'aide

24 de numéros courants, donc 2, 3, et cetera. Vous les trouvez en haut de la

25 page. Vous avez déjà dit quelles étaient les découvertes faites par vous

Page 23081

1 sur le plan des faits en Bosnie-Herzégovine. Cela se retrouve en page 2,

2 premier tiret du document où nous lisons ce qui suit :

3 "Alors que ni les gouvernements de la République de Serbie ou du

4 Monténégro, ni le gouvernement fédéral de ce qu'il est convenu d'appeler la

5 Yougoslavie ne contrôle directement les actions des Serbes de Bosnie. La

6 Serbie et le Monténégro partagent la responsabilité des meurtres qui se

7 déroulent actuellement en Bosnie-Herzégovine. En mai 1992 la Serbie a

8 retiré les forces de la JNA de la Bosnie mais a laissé sur place 85 pour

9 cent de ses hommes et une grande partie du matériel de la JNA sous le

10 contrôle des Serbes de Bosnie."

11 Et puis, vous poursuivez sur ce thème dans le reste du paragraphe.

12 Au tiret suivant, nous lisons ce qui suit, je cite :

13 "Les groupes paramilitaires Serbes notamment ceux qui sont associés à des

14 personnalités politiques serbes importantes opèrent dans l'impunité en

15 Bosnie-Herzégovine." Je ne citerai pas davantage ce document.

16 C'était bien l'expression de votre avis à l'époque, Votre Excellence ?

17 R. Oui, en effet.

18 Q. Page 3, au milieu de la page, nous voyons :

19 "Que compte tenu du succès rapporté par la Serbie comme vous le dites, dans

20 ses opérations de nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine, la même

21 politique est envisagée dans d'autres zones sous contrôle serbe notamment,

22 au Kosovo et en Vojvodina. Des signes indiquent déjà que la Serbie envisage

23 d'agir ainsi et peut se lancer dans ce genre d'opération."

24 C'était peut-être une expression prophétique de la situation. Mais pouvez-

25 vous aujourd'hui nous dire quelle est la source qui vous a permis

Page 23082

1 d'exprimer cet avis ?

2 R. Oui. A l'époque, un processus d'expulsion des Croates de Vojvodine et

3 de représentants d'autres minorités de Vojvodina était en cours et une

4 répression importante frappait les Albanais du Kosovo.

5 Q. Deux pages plus loin dans ce document donc, page 6, huit lignes à

6 partir du haut, nous voyons le commentaire suivant,

7 Je cite :

8 "Le dirigeant serbe Slobodan Milosevic est un tenant -- est un fervent

9 tenant du nettoyage ethnique, mais avec les sanctions et le recours et la

10 menace de recours à la force militaire, il aimerait se dissocier des

11 conséquences éventuelles de ce nettoyage ethnique."

12 Vous avez écrit cela dans votre rapport, il y déjà quelque temps. Pouvez-

13 vous nous dire quelle déclaration particulière, quelle observation de

14 l'accusé justifie la conclusion que vous tirez ou le point de vue que vous

15 exprimez à son sujet, en disant qu'il est un tenant du nettoyage ethnique ?

16 R. Oui. Nous estimions que ce Slobodan Milosevic était l'architecte,

17 l'auteur de la politique destinée à créer une grande Serbie et que très peu

18 de choses se passait sans qu'il soit au courant ou impliqué. Dans le cas

19 précis, dont il est question ici, nous avions remarqué que l'armée des

20 Serbes de Bosnie avait été créée en mai 1992 à l'époque où l'armée

21 yougoslave avait été démantelée, et qu'elle était soutenue et

22 approvisionnée par la Serbie. Que c'était la Serbie qui payait les soldes

23 des troupes. Que les soldats -- que les Serbes de Bosnie en général étaient

24 approvisionnés sur le plan économique à partir de la Serbie.

25 Q. Mais s'agissant d'une observation ou d'une déclaration particulière de

Page 23083

1 l'accusé, pouvez-vous nous citer l'une ou l'autre ?

2 R. Non. En fait, pour autant que je m'en souvienne, le propos qui figure

3 dans le document se fondait sur le comportement de l'accusé.

4 Q. Passons à la page 8, partie gauche de la page, 4 lignes à partir du

5 haut.

6 Je cite : "Le plan serbe consistait à relier les régions de la Krajina, de

7 Croatie et de Bosnie à la Serbie par le billet d'un corridor ethniquement

8 serbe. Des interviews de réfugiés nous permettent de reconstituer ce qui

9 s'est passé dans une ville de ce corridor."

10 Donc, le point de vue selon lequel ce plan existait est un point de vue que

11 vous vous étiez fait sur la base de documents dont vous disposiez, n'est-ce

12 pas ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Afin que les Juges de cette Chambre et l'accusé se rendent bien compte

15 de quoi nous parlons, il conviendrait que les Juges connaissent la

16 structure de votre rapport. Donc, en page 11, il y a un sous-titre dans le

17 paragraphe E où vous critiquez la réaction internationale trop lente.

18 R. Oui.

19 Q. Tant de la part des Nations unies que des Etats-Unis ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Et en haut de la page 12, vous poursuivez, nous pouvons peut-être lire

22 ce passage en détail.

23 Un peu plus loin, vous avez en page 15 de votre déclaration écrite, un

24 paragraphe dont nous n'avons pas encore parlé. En tout cas, vous avez

25 interviewé un certain nombre de témoins oculaires. N'est-ce pas ?

Page 23084

1 R. Nous avons parlé à tous les témoins dont les témoignages sont cités

2 dans le rapport.

3 Q. Passons à la page 26, en haut à droite de la page, sous le titre

4 "Questions politiques, rôle de la Serbie" vous détaillez de façon plus fine

5 le passage que j'ai déjà cité au sujet des gouvernements de Serbie et de

6 Monténégro et de leur responsabilité. Donc, je ne me répèterai pas sur ce

7 point.

8 Au deuxième paragraphe, vous abordez la question des groupes paramilitaires

9 mais à la dernière phrase de ce paragraphe, nous lisons ce qui suit.

10 Je cite : "Cependant, des éléments démontrent que les Serbes de Bosnie

11 reçoivent un soutien financier direct de la Serbie."

12 Vous rappelez-vous qu'elle est la source de ce commentaire ?

13 R. Oui. Il s'agissait des informations mises à la disposition du

14 gouvernement américain. Nous avons fait remarquer dans le rapport que nous

15 avions eu des discussions à l'Ambassade de Belgrade et à l'Ambassade de

16 Zagreb. Et la source était également des observations faites par des

17 représentants des Nations unies avec lesquels nous avions parlé, des

18 représentants du gouvernement croate également avec lequel nous avons

19 parlé, ainsi que des journalistes.

20 Q. Enfin, pour en finir avec ce rapport, sous le titre "Sanctions" vous

21 parlez de la réalité des sanctions. Et il y a un point qu'il peut être de

22 remarquer, au milieu de la page où nous voyons les mots suivants, je cite :

23 "Le plus coupable," au milieu du premier paragraphe, "la partie la plus

24 coupable dans ce conflit a accès légalement au marchés internationaux et

25 aux approvisionnements internationaux y compris en pétrole".

Page 23085

1 Et donc, il est fait observé que les sanctions décidées par le Conseil de

2 sécurité dans sa résolution autorise explicitement le transit commercial

3 par la Serbie y compris par la partie serbe de la Bosnie-Herzégovine.

4 Pouvez-vous expliquer qu'elle était la réalité parfois assez ironique des

5 sanctions, à savoir que les Serbes pouvaient assurer le transport des biens

6 alors que ceci était interdit au titre des sanctions ?

7 R. La Serbie et le Monténégro étaient, bien entendu, soumis aux sanctions.

8 Mais les parties contrôlées par les Serbes et en Croatie étaient,

9 légalement parlant, des parties d'états souverains à savoir, l'état de la

10 Bosnie-Herzégovine et l'état de la Croatie. Et par conséquent, n'étaient

11 pas soumises aux sanctions. Et en 1992, il y avait donc importation d'un

12 certain nombre de produits par le billet de la Serbie avec transit en

13 Serbie de produits destinés à la Croatie ou à la Bosnie mais, uniquement

14 aux zones serbes de la Croatie et de la Bosnie. Puis réimportation en

15 Serbie par la suite.

16 Q. Il est peut-être utile de faire remarquer, nous le trouvons en page 35

17 de votre rapport, que vous établissiez une liste des camps et des prisons.

18 Votre Excellence, pouvez-vous nous aider sur ce point, je vous prie. Ce

19 rapport, je crois, a été communiqué à l'accusé en octobre 1992, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Et bien, le rapport a été publié en août 1992 par le comité des

22 Affaires Étrangères du Sénat. Il a bénéficié d'une attention importante de

23 la part de la presse, compte tenu de sa nature même, et a été lu dans un

24 certain nombre d'ambassades et des copies ont certainement été envoyées à

25 l'Ambassade yougoslave de Washington.

Page 23086

1 Puis en octobre 1992, j'étais en ex-Yougoslavie, je m'y suis rendu avec le

2 co-auteur de ce rapport. Nous nous sommes trouvés à Belgrade. Nous avions

3 des exemplaires du rapport sur nous et j'en ai distribué à un certain

4 nombre de responsables. Je me souviens en avoir remis un exemplaire au

5 premier ministre de Yougoslavie, Milan Panic, et j'ai rencontré l'accusé à

6 l'époque. Il est possible que je lui aie remis un exemplaire du rapport

7 mais je ne m'en souviens pas avec précision.

8 Q. Nous passons maintenant à un autre sujet --

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est donc un moment opportun pour la

10 pause.

11 Votre Excellence, nous allons suspendre l'audience pendant 20 minutes. Et

12 comme je le fais à l'égard de tous les témoins, je suis tenu de vous

13 demander de ne parler à personne de votre déposition tant que celle-ci

14 n'est pas terminée. Et lorsque je dis personne, cela concerne également les

15 membres du bureau du Procureur. Vingt minutes de suspension.

16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

17 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez la parole.

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. En tant qu'ambassadeur à Zagreb, aviez vous des contacts avec le

21 président Tudjman ?

22 R. Oui.

23 Q. Régulièrement, pouvez-vous nous dire à quelle fréquence ?

24 R. Extrêmement fréquemment. Notamment pendant les années de guerre, je le

25 rencontrais plusieurs fois par semaine et parfois plusieurs fois par jour

Page 23087

1 selon les événements en cours et notamment en cas de crise ce qui était

2 très courant.

3 Q. Qu'en t-il de vos contacts avec les Serbes de Croatie, Matic, Babic, et

4 cetera ? Quelle était la nature de vos contacts ? A quelle fréquence aviez-

5 vous des contacts avec eux ?

6 R. Lorsque je me suis trouvé impliquer dans le processus de paix en

7 Croatie, à partir de mars 1994, la fréquence de ces contacts était en

8 moyenne d'une rencontre par mois, quelque fois même moins. Mais à partir de

9 septembre 1995, donc dans la période où nous travaillions sur le processus

10 de paix de Slavonie orientale, ces contacts sont devenus très, très

11 fréquents.

12 Q. Sous la base de ces contacts et d'autres sources à votre disposition,

13 vous avez pu vous former un point de vue quant à l'importance de

14 l'influence exercée par l'accusé sur les Serbes de Krajina, paragraphe 1 du

15 résumé de votre déposition. Pouvez-vous nous expliquer quel est votre avis

16 sur l'influence exercée par lui ?

17 R. Et bien, pour commencer, je dirais qu'il était, apparemment à mes yeux

18 comme d'ailleurs aux yeux de tous les autres médiateurs internationaux, que

19 l'accusé était la pièce centrale de tout règlement de paix. Il était

20 manifeste que les dirigeants de la Krajina serbe ne prendraient aucune

21 décision importante eu égard à un accord de paix sans l'accord de l'accusé.

22 Il était manifeste qu'il le consultait régulièrement et, en fait,

23 s'agissant des dirigeants avec lesquels j'ai négocié. Je veux parler de

24 Milan Babic, Milan Milanovic et bien ces hommes me disaient qu'ils

25 consultaient régulièrement l'accusé.

Page 23088

1 Par ailleurs, ce qu'il est convenu d'appeler la république serbe de Krajina

2 était totalement dépendante de la Serbie. Le gouvernement de Serbie ou le

3 gouvernement de Yougoslavie payait la solde des militaires serbes et

4 d'autres responsables, si je ne m'abuse en tout cas les soldes de

5 policiers. En effet la région était totalement appauvri et n'aurait pas pu

6 subsister sans l'appui financier fourni par la Serbie et les

7 approvisionnements venant de Serbie. L'armée de la Republika Srpska a subi

8 une défaite importante en mai 1995, et Martic a lancé des missiles sur

9 Zagreb à ce moment-là. C'est la Serbie qui a révoqué le dirigeant de

10 l'armée de la république serbe de Krajina en mettant à sa place un nouveau

11 commandant.

12 Q. Nous discuterons de ces détails dans quelques secondes, mais je vous

13 demande d'abord de parler des approvisionnements. Lorsque vous dites

14 "approvisionnements", cela inclut le pétrole ?

15 R. Oui.

16 Q. Quel était le degré de dépendance des Serbes de Krajina par rapport à

17 la Serbie sur le plan des approvisionnements en pétrole ?

18 R. Et bien, nous parlons ici de la Krajina occidentale, donc de la partie

19 ouest de la république serbe de Krajina. Celle-ci dépendait totalement de

20 la Serbie et s'agissant du carburant, il y avait bien sûr une certaine

21 production de pétrole en Slavonie orientale, c'est-à-dire, dans la partie

22 tenue par les Serbes de la Slavonie orientale.

23 Q. Vous avez parlé d'une révocation à la direction de l'armée de la RSK.

24 Sur quoi vous fondez-vous ou sur les propos de qui pour dire qu'il

25 s'agissait d'une décision contrôlée par l'accusé ?

Page 23089

1 R. C'est le général Mrksic qui a subi cette mesure qui a eu lieu en mai

2 1995. Comme je l'ai déjà dit à mon avis un certain nombre de raisons ont

3 motivé cette décision et notamment le fait qu'il n'y a pu de résistance

4 importante à ce qui s'est passé, donc un commandant plus efficace devait

5 être mis en place en provenance de l'armée Yougoslave et c'est de là qu'est

6 devenu le nouveau chef des forces armées de la RSK.

7 Je pense également que l'accusé ne souhaitait pas que d'autres missiles

8 soient lancées sur Zagreb et qu'il voulait à ce poste quelqu'un dont

9 l'autorité serait suffisante pour empêcher que de telles missiles soient

10 lancées.

11 Q. Un sujet corollaire de celui-ci je veux parler de l'élection de Martic

12 au poste de président de la RSK en 1994, pouvez-vous nous relater ces

13 élections en quelques phrases et nous dire quelles sont vos conclusions à

14 ce sujet ?

15 R. C'étaient des élections assez particulières car au premier tour Milan

16 Babic a obtenu 49% des voix environ et Martic un pourcentage qui tournait

17 autour de 20% et au deuxième tour Martic obtient 53% et Babic 47%. C'était

18 des élections sans précédentes dans un système démocratique. Nous pensions

19 sur la base de source du gouvernement américain que les élections avaient

20 été truquées de façon à veiller à ce que Martic l'emporte et Babic lui même

21 m'a dit le 23 janvier 1995, qu'il estimait qu'il y avait truquage des

22 élections et que l'accusé avait participé à ce truquage, notamment en

23 Slavonie orientale, manipulation des urnes.

24 Q. Je pense maintenant au processus 24. Les juges ont déjà entendu parler

25 de cela de la part d'un certain nombre de témoins, et notamment de la part

Page 23090

1 de Babic. Ce processus s'appelle "Z-4", le "Z" représentant Zagreb, et il a

2 impliqué la participation des États-Unis de la Russie, l'Union européenne

3 et des Nations unies. Dans quelle période a-t-il été appliqué ?

4 R. Et bien, du 23 mars 1994 jusqu'à l'opération Tempête, c'est-à-dire,

5 jusqu'au 4 août 1995.

6 Q. Quelle a été la structure prévue pour ce processus ?

7 R. Il s'agissait d'un processus en trois étapes, qui commençait par la

8 négociation d'un cessez-le-feu en Croatie, entre le gouvernement et la

9 partie serbe. Après quoi la deuxième phase devait être celle d'une relance

10 économique et de la restauration de la confiance sur le plan économique,

11 donc adoption de mesure de confiance et puis troisième étape, il devait

12 s'agir d'un règlement politique avec la Croatie.

13 Q. Jusqu'où ce processus a-t-il été appliqué ?

14 R. Nous avons pu négocier un accord de cessez-le-feu. Celui-ci a été signé

15 aux premières heures du 30 mars. Et après pas mal de temps, nous sommes

16 parvenus à mettre en place un accord économique et un accord de

17 rétablissement de la confiance économique, signés le 2 décembre 1994 mais

18 qui n'a été appliqué que partiellement. Quant à la troisième étape, le plan

19 politique, nous n'avons pas été en mesure de l'élaborer et de lancer des

20 négociations sérieuses à ce sujet.

21 Q. J'en viendrai à votre appréciation globale de ce qui s'est passé dans

22 quelques minutes. Mais je vous demande maintenant si Martic a montré un

23 quelconque enthousiasme par rapport à ce processus ?

24 R. A mon avis, il soutenait l'idée d'un cessez-le-feu. Mais je pense

25 également qu'il était particulièrement réticent par rapport à l'adoption de

Page 23091

1 mesures économiques ou de mesures de confiance, et qu'il rejetait l'idée

2 d'un règlement politique.

3 Q. A votre avis, sa position était-elle le fruit de son jugement personnel

4 ou était-elle guidée par un tiers à ce sujet ?

5 R. Je crois qu'il était lourdement influencé par l'accusé.

6 Q. Quelle était l'attitude de l'accusé par rapport au processus Z-4 et

7 notamment, par rapport aux mesures économiques et mesures de confiance ?

8 Cet avis vous a-t-il été révélé et si oui, par qui et quand ?

9 R. L'accusé était fortement impliqué dans l'élaboration des mesures

10 économiques et des mesures de confiance. Mais je m'empresse de dire qu'il

11 s'agissait de mesures élaborées par Lord Owen et Stoltenberg. L'accusé a

12 émis un certain nombre de points de vue. Il estimait notamment, qu'il

13 fallait éviter un quelconque contrôle des frontières entre la Serbie et la

14 Slovanie orientale ou entre la Krajina et le territoire tenu par les Serbes

15 de Bosnie. Il fallait éviter que ce contrôle soit exercé par les Croates.

16 C'était une de ses plus grandes préoccupations. Et finalement, il a accepté

17 la conclusion de l'accord et c'est la raison pour laquelle celui-ci a été

18 conclu.

19 Q. Babic, l'avez-vous rencontré en 1994 ?

20 R. Non.

21 Q. Savez-vous qu'elle était son attitude ou sa réaction par rapport au

22 processus Z-4 ?

23 R. Oui. Je l'ai rencontré pour la première fois, le 23 janvier 1995 --

24 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Mais durant l'année 1994, avez-vous

25 appris qu'elle était son opinion à ce sujet ?

Page 23092

1 R. Oui. C'était un dirigeant au parlement de la RSK. Il était le

2 représentant d'un des plus grands partis politiques de la RSK et il

3 s'opposait très souvent à l'application de mesures économiques et de

4 mesures de confiance. Je pense qu'il voyait en cela la possibilité d'agir

5 politiquement dans le cadre d'un club contre Martic.

6 Q. Vous l'avez donc rencontré le 23 janvier 1995. C'était votre première

7 rencontre. Il en est question au paragraphe 4 du résumé de votre déposition

8 et je crois que vous avez quelque chose à dire à ce sujet.

9 R. Oui.

10 Q. Que s'est-il passé ?

11 R. Je suis allé à Knin pour l'informer au sujet de ce plan politique Z-4

12 que nous projetions de mettre en œuvre et de soumettre la semaine suivante.

13 Nous avons déjeuné ensemble. Nous avons discuté de façon très animée. Il

14 était très intrigué par ce plan. Il a dit que ce plan comportait un certain

15 nombre de dispositions particulièrement intéressantes. Il a dit que, bien

16 sûr, il pouvait également être améliorées mais de façon générale. Il

17 s'intéressait à ce plan et estimait qu'il convenait de l'appliquer.

18 Q. J'aimerais maintenant que nous jetions un coup d'œil à l'intercalaire

19 1. Votre excellence, je vous demande si ce document décrit la structure du

20 plan Z-4 ?

21 R. Oui.

22 Q. Je ne souhaite pas rentrer dans le détail mais vous pourriez peut-être

23 nous dire si vous estimez que c'est un plan généreux ?

24 R. Il prévoyait une part très importante de gestions gouvernementales de

25 la part des Serbes de Krajina, en effet, et établissait un gouvernement

Page 23093

1 totalement autonome sur le territoire de la Croatie où les Serbes étaient

2 majoritaires selon le recensement de 1991. Donc, oui, oui. C'était un plan

3 extrêmement généreux.

4 Q. Pour ces zones, pour ces secteurs particuliers ?

5 R. Oui. Dans ces secteurs.

6 Q. Nous pourrions maintenant en page 6, vous demandez de quoi il s'agit.

7 On y voit n'est-ce pas des drapeaux et des emblèmes ?

8 R. C'est exact. Ils étaient autorisés à posséder leurs propres drapeaux et

9 leurs propres emblèmes.

10 Q. Page 10, en haut de la page, il est question de la fiscalité, n'est-ce

11 pas ?

12 R. Oui. La question de la monnaie était une question très importante car

13 les Serbes de Croatie étaient réticents à utiliser la kuna croate dont ils

14 estimaient qu'elle était identique à la monnaie utilisée par l'état

15 fasciste de Croatie au cours de la Seconde guerre mondiale et ils

16 souhaitaient donc avoir leurs propres billets, leur propre monnaie qu'ils

17 souhaitaient baptiser le dinar ou en tout cas baptisé du nom choisi par

18 eux. Ils avaient des projets à cet égard et même si sur le plan monétaire

19 cette devise aurait été égal à la kuna, elle n'aurait pas -- et qu'elle

20 aurait été contrôlée par la Banque centrale de Croatie, elle aurait

21 toutefois été différente.

22 Q. Je vois. Page 12, un Président différent, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Cette rencontre avec Babic du 23 janvier, est-ce que vous aviez prévu

25 de rencontrer Martic après avoir rencontré Babic ?

Page 23094

1 R. Oui.

2 J'ajouterais autre chose au sujet de la réaction Babic. En fait à un moment

3 dans la réunion du 23 janvier, il a exprimé son inquiétude quant au fait

4 que le plan proposait une autonomie trop grande, qu'il était trop généreux

5 parce qu'il rendait l'entité autonome serbe de Krajina totalement

6 responsable des retraites, notamment et d'autres dispositifs de ce genre et

7 il espérait que le gouvernement central de Zagreb s'en chargerait. J'ai dit

8 que cela ne poserait aucun problème que de réduire le degré d'autonomie.

9 Et nous devions rencontrer Milan Martic, enfin je devais le rencontrer dans

10 l'après-midi, c'est Martic qui a annulé cette rencontre. Il a dit qu'il

11 n'était pas opportun d'un point de vue protocolaire, un ambassadeur

12 rencontre un ministre des Affaires étrangères avant de rencontrer le

13 président.

14 Q. Parlons maintenant des réunions qui se sont déroulées à l'époque avant

15 de vous demander votre appréciation générale.

16 Le 30 janvier, avez-vous avec d'autres défenseurs du plan Z-4 rencontré

17 Martic, Babic et Nikolic ?

18 R. Oui.

19 Q. Pouvez-vous nous en dire, nous parler de cette rencontre en une phrase

20 ou deux ?

21 R. Nous avions présenté le plan en tant que base de négociations. Ce

22 n'était pas encore un document définitif et nous l'avions donc soumis au

23 président Tudjman dans la matinée en lui disant que c'était à prendre ou à

24 laisser. Dans l'après-midi, nous avons pris l'avion pour Knin où nous

25 devions rencontrer les dirigeants serbes de Krajina dans un château et

Page 23095

1 notamment Martic, Babic et Nikolic. Nous avons essayé de leur remettre le

2 plan et Martic a refusé de le recevoir. Il ne voulait même pas toucher le

3 document.

4 Q. Comment s'est achevée cette réunion ?

5 R. Et bien, nous étions choqués de voir qu'il ne voulait même pas toucher

6 physiquement le document et également déçus de voir qu'il refusait de

7 négocier sur cette base. Nous avons essayé de le convaincre que ce n'était

8 pas dans son intérêt. Nous avons tout fait pour le persuader. Nous lui

9 avons dit que s'il y avait refus de négociations, cela ne ferait que rendre

10 plus vraisemblable une opération militaire de la part des Croates et que la

11 communauté internationale aurait plus de difficultés à empêcher un conflit

12 armé. Mais aucun de ces arguments n'a eu d'effet.

13 Et à la fin de la rencontre, Nikolic qui s'intitulait Premier ministre,

14 nous a dit :

15 "Vous devriez travailler en tant que diplomates professionnels. Vous faites

16 une grave erreur."

17 Et j'ai répondu : "Une grave erreur a été faite mais nous verrons plus tard

18 par qui."

19 Q. Je pense que vous avez fait une remarque au sujet de Babic et de son

20 optique -- de cette position ?

21 R. Oui. Au moment où nous partions, Babic s'est approché de moi, et il a

22 dit en anglais, "Je regrette."

23 Q. Vous avez rencontré Tudjman dans la matinée. Est-ce que Tudjman était

24 prêt à accepter le plan ?

25 R. Il était d'accord de négocier mais manifestait une certaine réticence.

Page 23096

1 Cependant, compte tenu du refus de la partie Serbe, ne serait-ce que de

2 toucher le document, la Croatie a simplement décidé en toute bonne foi de

3 ne pas tester leur résistance.

4 Q. Et quant était-il de l'accusé ?

5 R. Et bien, une partie du plan avait été présenté à Tudjman d'abord, puis

6 aux Serbes de Krajina et ensuite nous voulions aller à Belgrade. L'accusé a

7 refusé de nous rencontrer.

8 Q. Le 9 mars, avez-vous de nouveau rencontré Babic ?

9 R. Oui.

10 Q. Quel était l'objet de la réunion ce jour-là ?

11 R. Nous avions travaillé sur un accord à Copenhague dans le cadre destiné

12 donc à proroger le mandat des Nations unies et qui devait être soumis à

13 Tudjman. Et le mandat de la FORPRONU serait donc modifié pour devenir

14 mandat de la -- de l'UNCRO et cela permettait de maintenir les troupes des

15 Nations unies là où elles se trouvaient. Je suis allé convaincre Babic de

16 se montrer coopératif et ceci nous a donné une nouvelle occasion de

17 discuter du plan Z-4.

18 Q. Qu'a-t-il dit à ce sujet ce jour-là ?

19 R. Et bien, il a accepté de prendre un exemplaire du plan et il a

20 manifesté son intérêt de diverses façons.

21 Q. Nous parlerons plus tard de quelque chose qu'il a dit au sujet de ce

22 plan et de ses réactions précises. Mais pour avancer chronologiquement,

23 parlons de l'Opération tempête. Quand avez-vous appris que les Croates

24 prévoyaient une opération militaire ?

25 R. Le 21 juillet 1995 ou à peu près à cette date.

Page 23097

1 Q. Quel en était le motif apparent ?

2 R. Le motif s'était qu'il y avait eu attaque combinée de la part des

3 Serbes de Krajina et des Serbes de Bosnie sur l'enclave de Bihac. Ceci

4 s'est passé après l'attaque réussie sur Srebrenica qui avait coûtée 7 000

5 vies humaines. C'était donc un succès et il devait s'ensuivre une attaque

6 sur Zepa. Les Croates étaient très inquiets car en cas de chute de Bihac,

7 leur position stratégique serait largement affaiblie et la partie serbe

8 n'aurait plus besoin de maintenir un front intérieur pour se défendre

9 contre le 5e Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine qui se trouvait à Bihac.

10 Donc, ceci risquait de permettre la création d'un état serbe à l'ouest,

11 donc d'un état serbe occidental regroupant les Serbes de Bosnie et les

12 Serbes de Krajina.

13 Et puis deuxième motif, leurs inquiétudes étaient dues au fait que les

14 survivants de Bihac risquaient d'affluer en Croatie. Et bien sûr, il y

15 avait déjà de très nombreux réfugiés qui se trouvaient en Croatie pendant

16 ces années de guerre.

17 Enfin ils craignaient qu'il y ait très peu de chance qu'une solution

18 pacifique soit trouvée pour régler le problème de la Krajina. Ils

19 estimaient que le moment était venu de reprendre la région car les

20 événements survenus à Srebrenica risquaient de provoquer au sein de la

21 communauté internationale une -- très peu d'intérêt à se lancer dans une

22 action destinée à sauver Bihac.

23 Q. L'échec du plan Z-4 qui a donc été discuté et appliqué pendant huit

24 mois à peu près, a-t-il joué un rôle important ?

25 R. Il a joué un rôle très important. Le président croate M. Tudjman et ses

Page 23098

1 collègues au gouvernement ont estimé qu'il n'y avait plus de possibilités

2 de discuter d'un plan de paix susceptible de faire revenir sur le

3 territoire les Croates qui l'avaient quitté. Et ils ont eu le sentiment que

4 l'option militaire était la seule qui demeurait disponible. Je pense qu'ils

5 prévoyaient de lancer une attaque -- une opération plus tard dans l'année,

6 donc en décembre 1995, à la fin du mandat du UNCRO. Mais avec les

7 événements de Srebrenica et l'attaque de Bihac qui leur ont donné un

8 créneau, ils ont estimé que le moment était venu de lancer l'attaque, de

9 lancer l'opération.

10 Q. Quel était l'attitude, enfin, l'attitude manifestée par l'accusé à

11 l'égard du plan Z-4 et d'un règlement pacifique de façon générale. Etait-

12 elle discutée à l'époque ?

13 R. Elle était discutée, elle était connue. En tout cas, elle était

14 discutée par ceux qui étaient impliqués dans la recherche d'un plan de

15 paix. Je pense que le gouvernement croate considérait que l'accusé avait un

16 rôle central à jouer dans quelques règlements pacifiques que ce soit et ils

17 estimaient qu'ils n'avaient guère de chance de donner son accord à un tel

18 plan, ce qui a été un facteur important dans la décision prise par eux de

19 leurs inactions militaires.

20 Q. Le 25 juillet, un télégramme a-t-il été envoyé au secrétaire d'Etat des

21 Etats-Unis qui traitait de la situation des survivants de Srebrenica

22 d'après les récits que vous en aviez faits ?

23 R. Oui.

24 Q. Et nous n'avons pas le temps de rentrer dans les détails. Mais il y a

25 un point intéressant je pense, que des documents vous avaient été fournis

Page 23099

1 par votre épouse, n'est-ce pas, ou par un ami ?

2 R. Par ma femme. Par celle qui aujourd'hui est ma femme.

3 Q. Et il s'agissait donc du récit fait par un survivant, un témoin

4 oculaire des événements ?

5 R. C'est exact. Quelqu'un qui faisait partie d'un groupe d'hommes. Tous

6 les autres membres du groupe ont été exécutés. Il était le seul survivant

7 donc d'une exécution de masse.

8 Q. Le récit qui vous a été fait et que vous avez pu retransmettre dans

9 votre télégramme aux Etats-Unis, était-il un récit détaillé quant aux

10 personnes concernées par ce massacre ?

11 R. Oui. Il y était dit très précisément que le général Mladic s'était

12 adressé à ce groupe d'hommes, qu'en leur disant de n'attendre aucun

13 réconfort, aucun aide d'Alija, à savoir donc du président de la Bosnie-

14 Herzégovine.

15 Q. Et qu'en est-il d'une quelconque unité ou de militaires qui auraient

16 été des témoins oculaires de tout cela ?

17 R. Oui. Cet homme a dit que les soldats présents étaient des membres de

18 l'armée Serbe de Bosnie et je ne crois pas qu'il est mentionné une unité

19 particulière dans le récit qu'il m'a fait. Mais je devrais vérifier dans le

20 télégramme.

21 Q. Est-ce que le président Tudjman vous a consulté s'agissant de la

22 position qui sera adoptée en cas d'attaques militaires après que vous avez

23 envoyé ce télégramme ?

24 R. Oui.

25 Q. Avez-vous répondu et qu'avez-vous dit si c'est le cas ?

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1 R. J'ai dit que nous avions déjà donné une marge de plusieurs jours aux

2 Croates. Les Croates s'inquiétaient car ils pensaient que s'ils prenaient

3 des mesures d'ordre militaire, ils risquaient d'être sanctionnés par le

4 conseil de Sécurité des Nations unies pour avoir élargi le champ de la

5 guerre. Et nous avons répondu en disant que nous comprenions la situation

6 dans laquelle ils se trouvaient. Que nous comprenions le fait qu'ils

7 étaient prêts à tout faire pour sauver Bihac.

8 Nous avions peur que Bihac ne tombe, que Bihac ne devienne une autre

9 Srebrenica puisque la population était quatre fois plus importante. On

10 pouvait penser à un massacre de vingt à trente mille personnes si Mladic et

11 les Serbes de Bosnie faisaient la même chose à Bihac qu'à Srebrenica. Nous

12 n'étions pas en faveur d'opérations militaires quelles qu'elles soient et

13 nous avons indiqué qu'une action, une opération militaire étaient toujours

14 un risque. Et que si la Croatie se trouvait en difficulté, elle n'avait pas

15 d'aide à escompter des Etats-Unis.

16 J'ai mis en garde M. le président Tudjman de la façon la plus claire

17 possible en cas d'actions militaires qu'il serait tenu responsable lui et

18 la Croatie pour -- quand il serait responsable de la protection des civils

19 serbes, de la population civile et devait aussi veiller à ce que le

20 personnel de maintien de la paix des Nations unies ne soit pas mis en

21 péril.

22 Q. Même si -- est-ce que vous avez dit que vous étiez opposé ou est-ce que

23 vous resté neutre ?

24 R. Nous sommes restés neutres.

25 Q. En dépit de ce qui semblait être une guerre inévitable, avez-vous fait

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1 une dernière tentative pour l'éviter ?

2 R. L'attitude adoptée par le gouvernement américain était très influencée,

3 je tiens à le répéter par ce qui s'était à Bihac. Nous comprenions que la

4 guerre aurait d'énormes conséquences sur le plan humanitaire, mais qu'il y

5 avait peut-être un moindre mal. Que le massacre sans doute probable de

6 milliers de civils si on appliquait la règle de Srebrenica à Bihac, il n'en

7 demeure pas moins que nous avons essayé de faire l'impossible pour parvenir

8 à une solution pacifique.

9 Par conséquent, lorsque je me suis adressé au président Tudjman, le 1er août

10 à Brioni, sur instruction donnée par le ministère américain des Affaires

11 étrangères, j'ai dit qu'il serait possible qu'il rencontre Babic à la fin

12 de la semaine à Zagreb -- à Belgrade. Préface à tout ceci, le week-end

13 précédent, j'avais été en contact avec Babic par le truchement des Nations

14 unies. J'avais proposé une réunion pour voir s'il était possible d'éviter

15 la guerre. Il m'avait dit que je n'étais pas le bienvenu à Knin, mais qu'il

16 était prêt à me rencontrer à Belgrade.

17 Q. Et qui ne voulait pas que vous alliez à Knin ?

18 R. Martic.

19 Q. Nous y reviendrons plus tard. Mais Babic vous avait dit quoi

20 exactement ?

21 R. Que je ne serais pas le bienvenu à Knin, mais qu'il était prêt à me

22 rencontrer à Belgrade.

23 Au départ, Tudjman a trouvé l'idée bonne, intéressante. Mais il m'a dit

24 n'attendez pas la fin de la semaine. Agissez sur le champ. Et soit dit en

25 passant, quelques heures plus tard, l'adjoint au responsable de la presse

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1 m'a appelé pour dire finalement que l'idée n'était peut-être pas si bonne

2 que cela. Mais le gouvernement américain tenait à voir vraiment s'il était

3 possible de parvenir à la paix. J'ai reçu pour instruction d'aller à

4 Belgrade. J'y suis allé dans la matinée du 2 et le soir j'ai rencontré

5 Babic.

6 Q. Nous sommes à ce moment-là le 2 août 1995, vous rencontrez Babic. Que

7 lui avez-vous dit ?

8 R. Je lui ai dit que finalement une catastrophe allait arriver aux Serbes

9 de la Krajina, que le gouvernement croate se préparait à une opération

10 militaire et qu'étant donné l'attaque à laquelle avait participé les Serbes

11 de Bosnie sur Bihac, pratiquement la communauté internationale n'avait

12 aucune sympathie pour l'armée des Serbes de Krajina. Les Serbes de Krajina

13 avaient donc accueilli la communauté internationale et qu'il fallait se

14 mettre d'accord avec le président Tudjman pour éviter une opération

15 militaire. Il fallait pour cela le retrait des forces de la RSK de Bihac.

16 Il fallait également rouvrir un aéroduc qui avait rouvert par l'accord

17 économique, mais qui avait été fermé par les Serbes de Krajina. Il fallait

18 rouvrir les voies d'accès routières vers Knin et la condition la plus

19 importante était le début immédiat en vue d'un règlement politique en

20 Croatie.

21 Q. Est-ce que vous vous souvenez approximativement du nombre de conditions

22 posées. Peu importe mais le savez-vous encore ?

23 R. Sept, je pense.

24 Q. Quelle fut la réaction générale de Babic face à cette proposition ?

25 R. Babic s'est rendu à cette réunion qui s'est tenue à l'ambassade

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1 américaine à Belgrade. Son comportement était des plus sérieux. Il

2 apprêtait le plus grand soin à chacun de mes propos et voici comment il m'a

3 répondu. Tout d'abord, il a présenté ses excuses pour ce qui s'était passé

4 le 30 janvier. Il ne comprenait pas que le gouvernement serbe de Krajina

5 ait reçu les représentants des pays ou du pays le plus -- des pays les plus

6 puissants du monde, les Etats-Unis, la Russie, l'Union européenne, et puis

7 avait refusé le plan. Il a ajouté que la décision avait été prise par des

8 gens qui étaient à un échelon supérieur au sien.

9 Il pensait manifestement à Martic et à Milosevic. Il a poursuivi en disant

10 qu'il comprenait parfaitement les raisons de l'attaque des Croates à

11 Grahovo et à Glamoc. C'était des endroits qui se trouvaient dans la vallée

12 de la Livno, des points dont il s'était emparé et pourquoi les Croates se

13 préparaient à attaquer la région de la Krajina. Et il ne comprenait pas

14 pourquoi son gouvernement avait déclanché une offensive sur Bihac.

15 Il était prêt à accepter a-t-il dit toutes les conditions à l'exception de

16 la dernière. Nous avons davantage discuté de cette condition d'ordre

17 politique.

18 A son avis, il n'était pas en mesure d'accepter un règlement qui s'appuyait

19 sur une réintégration de la région en Croatie. Il a dit :

20 "J'y réfléchi, mais aucun des dirigeants politiques ne serait le faire."

21 Alors je lui ai dit : "Peut-être qu'une solution de rechange se serait de

22 marquer votre accord à une négociation, basée sur le plan Z-4, qui vise

23 effectivement à réintégrer la Krajina en Croatie."

24 Là, on a discuté assez longuement à propos de la Slavonie orientale et j'ai

25 dit :

Page 23104

1 "Qu'il était impossible d'aller plus loin que ce que prévoyait le plan Z-4

2 pour la Slavonie. Ce n'était pas une région où il y avait une majorité

3 serbe. Ce qui veut dire qu'il ne pouvait pas y avoir d'autonomie spéciale."

4 Q. Vous venez de dire beaucoup de choses. Arrêtons-nous un instant. Vous

5 avez déjà expliqué que ce plan Z-4 devait accorder l'autonomie aux régions

6 où il y avait une majorité serbe telle qu'elle s'était dégagée au moment du

7 recensement. Et ceci ne valait pas pour la Slavonie orientale ?

8 R. Non.

9 Q. D'autres parties le faisait, mais pas celle-ci ?

10 R. C'est vrai. Pas non plus les secteurs Nord et Sud, outre la Slavonie

11 orientale.

12 Q. Babic a-t-il dit quoi que ce soit à ce moment-là s'agissant des raisons

13 qui poussaient l'accusé à s'opposer à ce plan. Et si ce n'est pas le cas,

14 avez-vous appris par une autre source pourquoi il avait marqué cette

15 opposition ?

16 R. Permettez-moi de vous fournir une explication brève. L'issue de cette

17 réunion fut celle-ci. C'était un désaccord. Il allait dire en public qu'il

18 acceptait tous ces points. Mais au lieu de dire qu'il allait prendre comme

19 base de négociation la réintégration en Croatie, il prendrait comme base le

20 plan Z-4.

21 J'ai ajouté que ce plan Z-4 était irréalisable, à ce moment-là. Tudjman

22 avait le dessus, il n'accepterait jamais un tel degré d'autonomie. Et au

23 maximum les Serbes de Krajina pouvaient espérer quelque chose qui se

24 baserait sur la constitution de la Croatie. Il a accepté cette idée.

25 Et j'ai dit : "Que j'allais transmettre ceci comme étant une missive privée

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1 destinée à Tudjman. Pour lui faire comprendre que vous vous comprenez que

2 vous n'alliez jamais obtenir les conditions du plan Z-4."

3 Il était tout à fait d'accord.

4 Puis il s'est posé la question de savoir -- de se qu'on pouvait vendre pour

5 ainsi dire aux dirigeants de Knin, de ce qu'on pouvait faire passer. Il a

6 répondu ceci :

7 "Mon parti a la majorité à l'assemblée, je pourrais les gagner à ma cause."

8 Mais ce qu'il se posait s'était de savoir si Martic allait être d'accord

9 lui aussi. Et il a dit une seule phrase de Milosevic :

10 "Et nous pourrons boucler l'accord pour Knin."

11 Q. Il avait tout à fait raison à ce propos, n'est-ce pas ? Et est-ce que

12 la séquence des événements l'a prouvé ?

13 R. Tout à fait. A mon avis, on aurait pu éviter la guerre. Et 180 000

14 Serbes ne seraient pas devenus des réfugiés.

15 Q. Si Babic avait dit quoi que ce soit à propos des efforts qu'il avait

16 déployés à l'époque pour voir l'accusé. Est-ce qu'il a fait ça ?

17 R. Oui. Mais l'accusé a refusé.

18 Q. Mais précisément à l'occasion de cette visite à Belgrade ou à un autre

19 moment ?

20 R. Au moment de cette visite à Belgrade.

21 Q. Et ce récit cadre-t-il bien avec les efforts déployés par le chargé

22 d'affaire des Etats-Unis ?

23 R. Effectivement. Après conclusion de cet accord et puis ce que Babic

24 avait dit à propos du rôle déterminant joué par l'accusé et vu ce que nous

25 comprenions effectivement, vu la façon dont nous voyions son rôle tout à

Page 23106

1 fait déterminant, les Etats-Unis ont essayé de présenter une démarche à

2 l'accusé. Le chargé d'affaires a essayé de le voir le lendemain, le 3 août,

3 afin que M. Milosevic marque son appui déclaré à cette idée mais il a

4 refusé de voir le chargé d'affaires.

5 Q. Parce que ce chargé d'affaires c'était le diplomate le plus élevé à

6 l'époque. Il n'y avait pas d'ambassadeur occupant ce poste ?

7 R. C'est exact.

8 Q. Fort bien. Babic a fait une déclaration publique ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que ceci a permis de recueillir un appui considérable ou pas ?

11 R. Il a fait cette déclaration. Il y avait une réunion qui s'est tenue le

12 3 août à Genève qui réunissait une délégation du gouvernement de Croatie et

13 une délégation des Serbes de Krajina. L'idée était la suivante : La

14 délégation des Serbes de Krajina recevrait pour instructions d'accepter la

15 totalité de ce que Babic avait accepté mais leur déclaration n'était pas

16 très claire. Elle était assez ambiguë. Ce n'était pas une acceptation

17 inconditionnelle des propositions. Pourquoi ? Parce que Babic, il n'était à

18 l'époque que premier ministre de la RSK. Il n'avait pas l'autorité voulue

19 pour déterminer l'avis de la délégation à Genève. Quant à Milosevic, bien

20 sûr, il a gardé le silence. Moi, je suis rentré à Zagreb où j'ai été voir

21 M. Tudjman.

22 Cette réunion s'est tenue à 17 heures 45, le 3 août. Je l'ai exhorté à

23 repousser ou à retarder toute action militaire parce que c'était une

24 affaire de jour et je lui ai dit que les Serbes de Krajina étaient peut-

25 être sérieux. Il fallait voir si c'était le cas parce qu'il y avait des

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1 mesures concrètes qu'ils devaient prendre très rapidement. Et il fallait

2 voir s'ils étaient vraiment au sérieux parce que les conséquences qu'aurait

3 une guerre étaient désastreuses, notamment pour eux, puisqu'ils vivaient

4 dans la région de Krajina.

5 Tudjman n'était pas d'avis que Babic avait le pouvoir nécessaire pour faire

6 changer d'avis les Serbes de Krajina mais finalement, il m'a écouté. Il a

7 décidé quand même de partir en guerre.

8 Q. Examinons rapidement l'intercalaire 104 de la pièce 352. Ici nous avons

9 un télégramme codé du mois d'août 1995 et qui porte sur ces questions.

10 M. NICE : [interprétation] J'espère que vous en disposez, Messieurs les

11 Juges.

12 Q. Avez-vous examiné ce document, Monsieur le Témoin, qui vient de votre

13 homologue britannique ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que c'est exact, des sources sur réserve de ce qui est dit au

16 paragraphe 8 ?

17 R. Oui. C'est tout à fait exact. C'était un diplomate chevronné, très

18 compétent.

19 Q. Paragraphe numéro 8,

20 Il dit ceci : "Il apporte un commentaire sur ces discussions -- faisant un

21 commentaire sur ces discussions. Galbraith a compris que Babic n'avait

22 peut-être pas l'autorité nécessaire pour parvenir à un tel accord. Et il

23 peut être désavoué par ses collègues de la RSK à Knin par l'assemblée. Mais

24 c'était la dernière possibilité d'avoir la paix. Galbraith doit voir

25 Tudjman à 5 heures 45 ce soir pour faire état de l'issue des pourparlers de

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1 Belgrade. Milosevic, lui, est informé par l'Ambassade américaine à

2 Belgrade."

3 Un commentaire, s'il vous plaît ?

4 R. A l'époque, bien entendu, j'avais des espoirs. J'avais espéré que notre

5 chargé d'affaires serait en mesure d'avoir un entretien avec M. Milosevic.

6 Vu l'éminence de la guerre, vu l'ampleur de l'opération militaire qui

7 devait être l'opération, l'offensive militaire la plus importante du

8 conflit depuis 1992. Du coup, j'espérais bien sûr, que M. Milosevic allait

9 voir le représentant américain mais je ne savais au moment où j'ai donné

10 des instructions où que j'ai informé mes collègues diplomatiques, je ne

11 savais pas que ça n'allait pas se passer. L'ambassadeur Hewitt a bien

12 retransmis ce que j'avais dit. Mais bien sûr, mes espoirs et mes attentes

13 ne se sont pas réalisés.

14 Q. Le document se termine avant qu'on ait la liste des destinataires par

15 un espoir; l'espoir c'est que M. Roberts soit chargé d'avoir un entretien

16 avec M. Milosevic. C'est le chargé d'affaires britannique. Est-ce qu'il

17 avait plus de facilité pour ce qui est de contact avec M. Milosevic ?

18 R. Oui. Je pense qu'il entretenait de bons rapports avec des autorités

19 belgradoises.

20 Q. Donc il aurait dû être possible de faire part à l'accusé de la

21 situation s'il avait été prêt à l'attendre ?

22 R. Oui. Normalement oui.

23 Q. Fort bien. A la suite de ces tentatives, l'attaque a commencé ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez déjà fait la synthèse auparavant des conséquences.

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1 Le moment se prête peut-être à l'évaluation que vous voudrez bien donner de

2 deux ou de trois chiffres. Vous parlez de renseignements, des capacités des

3 dirigeants. Parlons tout d'abord de Martic, mais parlons aussi de

4 l'influence exercée par autrui -- par d'autres. Mais parlons d'abord de

5 Martic, disais-je.

6 R. Martic était un ancien policier. Je pense que c'était un homme d'une

7 intelligence très limitée. Même s'il était président de ce que l'on

8 appelait la RSK, je ne pense qu'il s'intéressait véritablement aux gens qui

9 habitaient dans cette région et je pense qu'il n'était vraiment pas à la

10 hauteur.

11 Q. Il était influencé par qui ?

12 R. Par l'accusé, par le gouvernement de Serbie, par l'aide militaire serbe

13 ou yougoslave. Je pense qu'il n'était pas du tout prêt à intervenir de son

14 propre chef sur des questions-clés sans l'aval de Belgrade.

15 Q. Et s'agissant de Babic ?

16 R. Lui aussi était nationaliste et je ne veux pas ici donner l'impression

17 qu'il n'y a pas de saints dans ce processus. Il était nationaliste. Il a

18 participé à la création de la RSK et à l'expulsion de la population croate.

19 Néanmoins, je pense que c'est lui qui avait le plus de charisme parmi tous

20 ces hommes politiques et puis je pense qu'il avait à l'esprit les intérêts

21 de la population croate. A mon avis, c'était le seul qui ait un quelconque

22 intérêt pour la population locale. J'ai pensé de lui qu'il était facile de

23 l'intimider. Que Martic et Milosevic n'avaient aucun mal à l'intimider,

24 tant de la part de Martic que de la part de Milosevic.

25 Q. Pour ce qui est de ces deux-là, y avait-il eu cohabitation ou

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1 possibilité de cohabitation ?

2 R. Et bien cohabitation, la cohabitation de l'un avec l'autre aurait été

3 très difficile en tout état de cause.

4 Q. Je ne pense pas à cela. Je pense à la vie conjointe des groupes

5 ethniques ?

6 R. Pour ce qui est de Martic, cela était absolument exclu. A plusieurs

7 reprises, il a précisé que les Serbes et les Croates ne pourraient plus

8 jamais vivre ensemble et que si cette région venait à être réintégrée,

9 qu'il ne resterait pas là. Pour ce qui est de Babic maintenant, je pense

10 qu'il était plus ouvert à l'idée de cette possibilité de voir des Serbes et

11 des Croates coexistés, cohabités.

12 Q. Etait-il populaire parmi la population de la Krajina ?

13 R. C'était l'homme politique le plus populaire, notamment dans les

14 secteurs nord et sud. Il se trouvait être maire de Knin et d'après moi,

15 bien sûr, il avait été l'homme qui avait gagné et remporté les élections en

16 1994.

17 Q. Mais avait-il exercé quelque contrôle que ce soit à l'égard de

18 l'armée ?

19 R. Non, aucun. Et c'est précisément la raison pour laquelle on pouvait

20 l'intimider aisément.

21 Q. Nous allons aller de l'avant. Dans le courant de cette Opération

22 Tempête, avez-vous pris position publiquement au sujet des violations des

23 droits de l'homme commises par les membres de l'armée croate ?

24 R. Oui. Moi-même et le Département de l'état des Etats-Unis avons parlé de

25 façon critique de ces violations des droits de l'homme par les Croates.

Page 23111

1 Chose qui n'était ni justifiée ni excusable.

2 Q. Avez vous mentionné la chose à Tudjman et si oui à combien de reprises ?

3 R. Et bien je sais que je l'ai rencontré, plusieurs fois au cours de cette

4 période ainsi que son chef du cabinet, M Hrvoje Sarinic, ainsi que d'autres

5 responsables du gouvernement croate et, à chaque fois, j'attirais leur

6 attention sur ce qui se passait au niveau de la population de la Krajina et

7 au niveau de la violation des droits de l'homme.

8 Q. Avez vous vous aussi été sur -- monté sur tracteur pour essayer

9 d'empêcher une telle violation. Pourriez vous me dire quelque chose à ce

10 sujet ?

11 R. En effet, il y avait eu un groupe de 40,000 réfugiés serbes qui n'ont

12 pas pu s'enfuir vers la Bosnie. Ils ont été encerclés par les forces serbes

13 en Topusko dans le secteur nord. Il a été réalisé un cessez-le-feu qui leur

14 a permis d'arriver à Sisak pour rejoindre la route en direction de la

15 Slavonie de l'est et par la suite vers la Serbie, lorsqu'un premier groupe

16 s'en est allé et à traverser la ville de Sisak. Ils ont été attaqués par la

17 population croate -- une foule de croates qui étaient là-bas. Et il y avait

18 eu là-bas un journaliste de l'agence AP, "Associated Press," je crois que

19 c'était le soir le 9 août.

20 Et le lendemain matin, j'ai pu lire le récit de cette attaque. En effet,

21 une mère a vu la fenêtre de sa voiture brisée et elle a dû tirer les bouts

22 de verre de la couverture qui avait été passée par-dessus son bébé. Et les

23 policiers qui étaient autour riaient et disaient plus ou moins que ces

24 gens-là avaient reçu ce qu'ils méritaient. C'était honteux. J'ai lui ce

25 récit à Hrvoje Sarinic. Au téléphone, c'était le chef de cabinet de Tudjman

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1 et je lui ai dit que s'il ne faisait rien à ce sujet, j'irai là-bas et je

2 me joindrai moi-même au convoi. Et j'ai pris rendez vous avec Tudjman à

3 12h30. Je lui ai lu le récit en question je lui ai dit qu'il fallait mettre

4 un terme à cela absolument et que cela aurait des effets terribles sur les

5 relations de la Croatie avec les Etats-Unis. Et je lui ai dit que dans tout

6 pays démocratique le ministre de l'Intérieur aurait été révoqué de ses

7 fonctions ou aurait dû démissionner de ses fonctions. Tudjman était tout à

8 fait en colère j'ai décidé de me rendre là-bas pour rejoindre le convoi.

9 Q. Vous êtes allé dans un véhicule blindé ?

10 R. Je suis allé dans un véhicule blindé jusqu'à Petrinje. Le convoi

11 militaire est -- le convoi civil se trouvait déjà sur la route. J'ai

12 traversé ce convoi et mon plan était celui de passer au travers de cette

13 foule -- de ces gens, de me mettre à la tête, je suis tombé sur un véhicule

14 d'éboueur qui venait de Karlovac et qui avait traversé la ligne de conflit

15 pour aller du coté serbe. Le chauffeur m'a reconnu. Il m'a reconnu parce

16 qu'il m'avait vu à la télévision. Il a été tout à fait amical. Il m'a

17 invité à monter sur son tracteur à coté de sa femme et de ses deux enfants

18 et j'ai décidé de le faire. Ce qui fait que j'ai traversé la ville de Sisak

19 sur un tracteur. J'avais vu une foule qui s'était rassemblée, qui criait

20 des insultes à l'intention de ces gens-là et à 10 m de là il y avait des

21 policiers croates mais qui se tenaient debout tout simplement, mais il n'y

22 a pas eu d'incidents.

23 Q. Autre détail de la période en question, je crois que vous avez fait

24 votre apparition temps en temps sur les écrans de télévision. Vous avez

25 accordé une interview pour commenter les nettoyages ethniques et peut-être

Page 23113

1 aurions nous besoin d'une interprétation de votre part ?

2 R. En effet cela s'est passé pour ce qui est de la BBC, la télévision

3 britannique. J'ai dit que les Croates n'ont pas pris part au nettoyage

4 ethnique de la Krajina quoiqu'il ait eu de leur part des violations des

5 abus sérieux pour ce qui est des droits de l'homme. Mais l'accent de ma

6 part avait été mis sur le fait que le nettoyage ethnique a--s'est fait là-

7 bas, lorsque les paramilitaires sont entrés dans la ville. Ils avaient été

8 soutenus par l'armée mais ils avaient terrorisé la population, tué des

9 gens, violé des femmes et forcé la population à s'en aller. La population

10 dans cette situation concrète avait quitté les lieux avant l'arrivée des

11 Croates et ce probablement parce qu'ils avaient à juste titre redouté ce

12 que les Croates pouvaient leur faire. En tout état de cause, ils ne se

13 trouvaient pas sur les lieux, lorsque les Croates sont arrivés, donc, il

14 n'y a pas eu de nettoyage ethnique. L'analogie est peut-être la suivante :

15 si vous entrez dans une pièce avec l'intention de commettre un crime mais

16 la personne que vous aviez l'intention de tuer ne se trouvait plus là était

17 déjà parti et donc votre intention en tant que tel ne constitue pas,

18 probablement pas un crime.

19 Q. Avant de passer aux accords de Dayton, je voudrais que vous nous

20 parliez de ce -- des conclusions que vous avez tirées des entretiens avec

21 Tudjman en sa qualité de stratège, de tacticien et de responsable à

22 l'époque ?

23 R. Je pense que Tudjman était un leader efficace du point de vue du fait,

24 au terme duquel, il savait où conduire la Croatie. Il s'était entouré de

25 gens capables de collaborateurs capables tels que le ministre des Affaires

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1 Étrangères, M. Granic ou le ministre de la Défense, M. Susak. Il avait

2 délégué certains pouvoirs vers eux et ils étaient en mesure de conduire des

3 négociations en son nom. Et il allait continuer à exercer le pouvoir et le

4 commandement.

5 Quand je dis que c'était qu'il était un leader efficace, cela ne signifie

6 pas que ces motifs étaient toujours bons. Il était nationaliste également;

7 il avait une vision de la Croatie qui était à mes yeux une vision du 19e

8 siècle et, ce que l'on pourrait dire c'est qu'il avait très peu d'égard

9 pour ce qui est des droits de l'homme fondamentaux.

10 Q. Intercalaires 3, 4 et 5 peut-être que l'ordre suivi n'est pas le bon.

11 Je vous demanderais donc de vous pencher d'abord sur l'intercalaire no 3.

12 Nous partons du mois d'août et nous allons vers le mois d'octobre 1995. Il

13 s'agit d'une déclaration conjointe de votre part et de la part de M

14 Stoltenberg concernant une réunion qui s'était tenue ce jour-là. Pouvez-

15 vous nous dire quelque chose à ce sujet ?

16 R. En effet, après l'opération Tempête, des États-Unis ont pris sur eux le

17 processus de paix à l'initiative du président Clinton et l'une des parties

18 intégrantes de cette initiative avait été le règlement de la situation en

19 Slavonie de l'est et j'ai été chargé de traiter de cette question-là. J'ai

20 commencé donc à voyager entre Zagreb et la Slavonie de l'est. A la fin du

21 mois, j'ai été rejoint par un représentant des Nations unies, M Thorvald

22 Stoltenberg qui fait que nous sommes -- nous avons fait équipe. Nous avons

23 décidé que la meilleure des façons d'aborder la question, enfin nous avions

24 toute une série de propositions mais vers la fin septembre nous avons

25 décidé qu'il s'agissait de rapprocher les deux partis, l'une de l'autre, et

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1 les amener à se concerter concernant des principes de base. La solution à

2 adopter et une première réunion de ce type s'est tenue en date du 1er

3 octobre à Erdut et ils sont tombés d'accord sur 11 principes qui ont été

4 déterminés d'avance plutôt -- 10 principes préparés d'avance et un autre

5 ajouté par M. Hrvoje Sarinic, représentant de la Croatie, de la partie

6 croate. Et un autre principe qui avait été proposé par la partie Serbie.

7 Q. Intercalaire 3, l'intercalaire 3, est-ce dont vous nous avez parlé tout

8 à l'heure, à l'instant, et l'intercalaire 4 nous fait état de ces 11

9 principes, n'est-ce pas ? Nous pouvons nous en prendre lecture et point

10 n'est besoin de perdre notre temps là-dessus, la démarche suivante a été

11 une réunion à Zagreb le l novembre ?

12 R. Et bien, peut-être pourrions-nous traverser cette thématique plus

13 rapidement ?

14 Q. Et dites nous donc. Une première --une réunion suivante s'est tenue le

15 1er novembre.

16 R. Oui, il y toute une série de réunions tout au long du mois d'octobre --

17 en conclusion.

18 Et Erdut, tant le gouvernement croate que la délégation locale serbe ont

19 accepté les onze points ou onze principes en question. Les -- en présence

20 de cette délégation serbe et croate, Stoltenberg et moi-même avons tenu une

21 conférence de presse où nous avons annoncé l'aboutissement à un accord. Et

22 il y a eu beaucoup de félicitations. Le jour d'après le 3 octobre, Richard

23 Holbrooke, qui avait conduit des activités diplomatiques à un niveau plus

24 élevé, s'est rendu à Belgrade. Nous nous sommes entretenus au téléphone de

25 tout ce qui se passait. Et lui a rencontré l'accusé à Belgrade. L'accusé

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1 lui a dit là-bas qu'il était surpris par cet accord qu'il n'en savait rien

2 du tout. Et par la suite, il a déclaré à Holbrooke que tel accord n'a pas

3 été réalisé.

4 Q. 1er novembre ?

5 R. Je me trouvais à ce moment-là à Dayton. C'est ce matin-là qu'il y a eu

6 ouverture de la Conférence de paix à Dayton.

7 Q. Et vous étiez chargé vous de vous occuper de la Slovénie orientale ?

8 R. Exact.

9 Q. Dites-nous quelle -- quelle fut l'évolution ce jour-là ?

10 R. Holbrooke avait décidé que la Slovénie orientale allait constituer le

11 premier point à l'ordre du jour, en partie parce que le président Tudjman

12 n'allait rester que pour le début de la conférence. Il était sensé rentrer

13 en Croatie pour contribuer à la création d'un nouveau gouvernement puisque

14 des élections venaient de se tenir en Croatie. De plus, Holbrooke se disait

15 que si on parvenait à un accord sur la Slovénie orientale, ceci donnerait

16 un certain élan à la conférence.

17 Mais moi, j'avais préparé une déclaration qui posait les jalons permettant

18 une normalisation des rapports entre la Croatie et la République fédérale

19 de Yougoslavie. Cette déclaration disait que la question de la Slovénie

20 orientale devait connaître une résolution pacifique conformément aux

21 principes arrêtés à Erdut. Le secrétaire d'Etat Christopher a pris mon

22 document. Il avait eu des réunions bilatérales le matin avec Milosevic et

23 Tudjman. Et Tudjman était d'accord sur les termes que j'avais retenus pour

24 la rédaction de cette lettre. Quant à Milosevic, lui, il a biffé la mention

25 aux principes d'Erdut.

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1 Au cours de l'après-midi, à 17 heures, dans la maison de Dayton, il y a eu

2 une première réunion conjointe réunissant l'accusé, le président Tudjman,

3 Warren Christopher. Le président Tudjman est arrivé à l'heure, à 17 heures.

4 Il avait avec lui Susak, Granic et Sarinic. Du côté américain, j'étais là

5 bien sûr, ainsi que M. Holbrooke et notamment le secrétaire d'Etat

6 Christopher Warren. Et le président Milosevic est arrivé avec à peu près

7 cinq -- 35 minutes de retard. Le secrétaire d'Etat a dit qu'il voulait

8 parler de la Slovénie orientale. Il m'a demandé de faire le point sur

9 l'état des négociations, ce que j'ai fait. Tudjman était à l'écoute peut-

10 être était-il impatient. Il a dit :

11 "Mais ce n'est pas la question clé. La question clé c'est de savoir si le

12 président Milosevic est prêt à accepter que soit réintégrer ce territoire

13 en Croatie."

14 Milosevic a dit : "Mais il faudrait qu'il y ait un référendum."

15 Il n'a pas précisé sur quoi porterait ce référendum, simplement qu'il

16 fallait une administration des Nations unies et un référendum.

17 La réaction de Tudjman à cette idée fut bien sûr vive. Il a expliqué qu'au

18 fond, s'il n'y a pas de raisons, de résolutions pacifiques, la solution

19 sera trouvée militairement. Milosevic lui a dit :

20 "Mais vous êtes un brave homme cependant je vois que vous êtes influencé

21 par vos généraux."

22 A ce moment-là, le débat devenait très animé.

23 Susak a dit : "C'est tout à fait faux".

24 Milosevic s'est tourné vers Susak, il a dit : "Gojko, est-ce que tu es un

25 général ?" Et puis, tout d'un coup, Milosevic a dit : "Voilà. Je comprends.

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1 Il n'y aura pas de référendum".

2 Q. Un instant. Permettez-moi d'interrompre votre récit. Est-ce que

3 l'accusé avait une autorité complète pour négocier ces questions-réponses ?

4 R. Apparemment, et il était un négociateur très actif de ces questions.

5 Q. Mais, est-ce qu'à ce moment-là il n'y avait pas quelqu'un qui devait

6 parler plutôt que lui au nom des Serbes de Croatie ?

7 R. De Krajina - selon l'interprète. Il n'a eu de cesse de dire

8 qu'effectivement c'était une question qui devait être résolue par les

9 Serbes de Krajina. Les Serbes de la Slovénie orientale mais parallèlement

10 c'était lui qui négociait l'accord.

11 Q. Et la question du référendum, elle a été soulevée. Elle est retombée

12 comme ça sans aucun préavis, avertissement ?

13 R. La question du référendum avait été soulevée auparavant par les Serbes

14 de la région au début des pourparlers. Et moi, je leur avais dit que,

15 "c'était impossible." Cette question avait été soulevée par l'accuser en

16 septembre 1995 aussi tard que cela au cours d'une réunion qu'il avait eu à

17 Belgrade avec Hrvoje Sarinic et il avait proposé ce référendum et puis un

18 échange de territoire. C'était donc une position constante de la part des

19 Serbes. Mais ce qui est certain c'est qu'on avait abandonné l'idée au

20 moment où il y avait eu accord sur les principes du 3 octobre, accord

21 établi par les Serbes locaux.

22 Q. Comment c'est terminé la partie officielle de cette réunion ? Dites-le

23 nous rapidement et que c'est-il passé dans les 45 minutes qui ont suivi ?

24 R. Le secrétaire d'Etat Christopher est parti avec Holbrooke et les autres

25 américains. Moi, je suis resté. Le président Tudjman et le président

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1 Milosevic ont signé cette déclaration qui exhortait M. Christopher --

2 Stoltenberg et moi-même à rentrer dans la région. Le groupe de Tudjman est

3 parti avec lui. J'ai pu parler avec l'accusé pendant quelques 45 minutes.

4 Nous avons abordé le fond de la question de la Slovénie orientale. Il a

5 insisté pour dire que la Croatie n'aurait pas l'audace de recourir à la

6 force militaire et qu'il n'aurait pas d'issue. Je pensais qu'il avait tort.

7 Puis, il m'a dit que je n'arriverais à rien si je repartais en Slovénie

8 orientale dans cette mission de médiation, même si lui-même et Tudjman

9 avaient demandé à nous deux, à M. Stoltenberg et à moi-même, de repartir en

10 Slovénie orientale et que je ferais mieux de prendre des vacances en

11 Dubrovnik.

12 Q. Comment avez-vous compris ce qu'il disait ? A votre avis, qu'est-ce que

13 ceci révélait ?

14 R. Pour moi, cela voulait dire qu'un règlement de la question de la

15 Slovénie orientale ne serait pas résolu par ces efforts diplomatiques, par

16 les Serbes à Erdut, mais que la décision serait prise à Dayton quand le

17 moment conviendrait à Milosevic pour lui et les finalités ultimes qu'ils

18 poursuivaient pour arriver à une résolution de la question.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le moment est venu de lever l'audience.

20 Vous aurez encore besoin de beaucoup de temps, Monsieur Nice ?

21 M. NICE : [interprétation] Peut-être une dizaine de minutes, demain matin

22 j'espère.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur l'ambassadeur, je vous

24 demanderais d'être de retour à l'audience demain matin, 9 heures.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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1 Veuillez vous lever.

2 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le jeudi 26 juin 2003,

3 à 9 heures.

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