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1 Le mardi 15 juillet 2003
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Le témoin est dans le
8 prétoire. Nous allons donc commencer par lui demander de prononcer la
9 déclaration solennelle.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci, Monsieur Kljuic. Veuillez vous
13 asseoir.
14 LE TÉMOIN: STJEPAN KLJUIC [Assermenté]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Hier, avant la fin de la journée, M. Nice a
18 informé que nous allions être saisis de documents qui porteraient sur des
19 communications interceptées comme ici exprimées. Mais je n'ai rien obtenu
20 du tout de tout ceci. Et ce matin, sur ce banc, j'ai deux gros classeurs
21 dans lesquels je ne sais pas du tout ce qu'il y a. Et on m'a expliqué que
22 c'est ce qu'on nous a donné vendredi passé. Or, vendredi passé, je n'ai
23 rien reçu du tout.
24 Car, ce sont là des documents qui sont tout à fait nouveaux pour moi. Et la
25 dernière fois, à la pratique avait été celle qui a prévalu à savoir,
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1 lorsque Zoran Lilic, à une demi-heure avant le contre-interrogatoire, on
2 m'a confié deux classeurs. J'ai réussi à lire cela le jour donc, la veille.
3 Mais ce qu'on vient de me donner ce matin, je n'ai aucune possibilité
4 théorique de le lire. Je ne pense pas que l'on puisse se comporter de cette
5 façon, et je vous demande de faire en sorte que cette pratique-là soit
6 interrompue. Je crois que la moindre des choses c'est, de me communiquer
7 les documents afférents à un document une dizaine de jours avant la
8 comparution de celui-ci.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La manière la plus logique et raisonnable
10 de procéder est peut-être la suivante. Nous allons entendre
11 l'interrogatoire principal. Ensuite, nous réfléchirons au contre-
12 interrogatoire. C'est ce qui convient de faire.
13 Monsieur Nice.
14 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que cela ne
15 devrait pas poser de problème avec ce témoin comme je l'ai déjà expliqué
16 hier. Tous ces documents ont déjà été fournis à l'accusé la semaine
17 dernière, à l'accusé ainsi qu'à ses collaborateurs. Par ce support
18 électronique, sur quoi [sic] ils ont exprimé leur accord précédemment. Et
19 ceci comprenait les transcriptions des communications interceptées. Hier,
20 nous avons identifié les documents sur lesquels nous allons au maximum nous
21 appuyer. Si bien que l'accusé et ses collaborateurs pouvaient à ce moment-
22 là, parmi les documents qui leur ont été fournis la semaine dernière,
23 trouver les documents concernés.
24 D'ailleurs, dans le classeur qui a été considérablement réduit en volume,
25 il y a beaucoup de pièces qui ne vont pas être utilisées, s'agissant des
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1 écoutes des communications interceptées. Il est possible que nous en
2 écoutions une ou deux. Mais comme vous le savez, les écoutes, lorsqu'elles
3 sont produites, sont produites sous réserve d'argumentation et sous réserve
4 d'authentification, et sous réserve d'un exercice extérieur d'analyse de
5 ces écoutes, si elles sont versées au dossier.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une précision, s'il vous plaît, Monsieur
7 Nice.
8 M. NICE : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tous ces éléments, tous ces documents
10 ont été fournis sur support électronique à l'accusé et à ses collaborateurs
11 la semaine dernière.
12 M. NICE : [interprétation] Oui, sur CD-ROM.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En format Word ?
14 M. NICE : [interprétation] Sur un CD. C'est quelque chose que nous faisons
15 régulièrement. Nous fournissons des documents sur support électronique à
16 l'accusé et à ses collaborateurs. Et ils n'ont rien contre. D'ailleurs, je
17 pense que c'est préférable. C'est en Word, en format Word. Ce qui permet de
18 faire des recherches dans ces documents.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que vous avez l'intention de
20 produire l'ensemble de ces documents, de ces 36 documents, de ces 36
21 écoutes ?
22 M. NICE : [interprétation] Nous les présentons pour la raison suivante.
23 Comme vous l'avez pu le voir, dans la liste, il est en mesure d'identifier
24 les voix que l'on entend dans ces écoutes. Ça il va bien falloir le faire à
25 un moment ou à un autre. Nous n'avons pas l'intention de passer en revue
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1 toutes ces écoutes, parce qu'une fois que elles auront été identifiées, à
2 ce moment-là, on pourra les réserver pour un exercice ultérieur
3 d'authentification. Une authentification qui sera faite au moyen de la
4 preuve de l'origine de ces interceptions, de ces communications
5 interceptées. Ensuite, plus tard, il y aura une analyse plus approfondie
6 qui sera faite.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais est-ce qu'il y aura un témoin que
8 l'accusé pourra contre-interroger à ce sujet s'il le souhaite comme il l'a
9 fait avec d'autres ?
10 M. NICE : [interprétation] Oui. D'ailleurs, il peut
11 contre-interroger ce témoin au sujet des écoutes, s'il le souhaite. Nous
12 avons indiqué hier soir, les écoutes que nous allons utiliser aujourd'hui.
13 Et ces écoutes, je le répète, leurs transcriptions ont été fournies à
14 l'accusé et à ses collaborateurs sous support électronique la semaine
15 dernière. Mais il y aura également un autre témoin qui va nous parler de la
16 totalité des écoutes, et ceci plus tard.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La meilleure chose à faire c'est
18 d'entendre la déposition du témoin, l'interrogatoire principal et ensuite,
19 on décidera ce qu'il convient de faire une fois que cela sera terminé.
20 Interrogatoire principal par M. Nice :
21 Q. [interprétation] Pouvez-vous nous dire vos noms et prénoms, s'il vous
22 plaît.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, ce que j'ai dit
25 c'est, que nous prendrons une décision à la fin, une fois que nous aurons
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1 entendu le témoin. Nous prendrons une décision quant au contre-
2 interrogatoire.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, Monsieur May, je voulais juste dire une
4 fois de plus, je n'ai reçu cela sous quelque forme que ce soit. Ni sous
5 forme de papier, ni sous forme de support électronique comme s'exprimait M.
6 Nice. Deuxièmement, je voudrais dire que M. Nice avait bien de dire que le
7 témoin ici présent est sensé identifier des voix. Je ne sais pas comment il
8 serait susceptible d'identifier des voix --
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peu importe, peu importe. Un instant,
10 nous n'allons pas tout de suite les entendre. Tout ceci, nous allons
11 l'apprendre dans la déposition du témoin. Si vous avez des objections, à ce
12 moment-là, nous les écouterons. Mais ça ne sert à rien de parler de tout
13 cela maintenant. Comme je l'ai dit, si d'une manière ou d'une autre, vous
14 êtes lésé pour votre contre-interrogatoire, nous y réfléchirons et nous
15 réfléchirons à la meilleure manière de procéder.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je tiens à attirer votre attention
17 Monsieur May, sur une chose. Je tiens à attirer votre attention sur ce qui
18 suit. Si ce n'est sur rien d'autre, du moins sur les papiers que j'ai reçu
19 hier de la main de M. Nice, où il y a un tableau de communication
20 interceptée. Regardez ce qu'on dit. Le 8 juillet 1991 --
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, non, non. Je vous ai déjà
22 expliqué que nous allons commencer par entendre l'interrogatoire principal
23 du témoin. Si vous avez des objections, vous pouvez les présenter au moment
24 où vous estimez devant les présenter. Mais dans l'intervalle, nous allons
25 entendre le témoin et si vous êtes lésé d'une manière ou d'une autre
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1 s'agissant du contre-interrogatoire, nous réfléchissons de la manière de
2 procéder.
3 Oui, Monsieur Nice.
4 M. NICE : [interprétation]
5 Q. Vos noms et prénoms, s'il vous plaît.
6 R. Stjepan Kljuic.
7 Q. Monsieur Kljuic, en tant que membre du HDZ, dont vous êtes devenu
8 membre en 1990, est-ce que vous êtes devenu président du HDZ de Bosnie-
9 Herzégovine à Zagreb en septembre 1990 ? Et lors d'une convention en avril
10 1991, avez-vous été réélu au poste de président ? Vous avez ensuite été
11 membre de la présidence de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, qui
12 est devenu ensuite la République de Bosnie-Herzégovine, de novembre 1990
13 jusqu'à novembre 1992, avant d'octobre 1993 à 1996 à occuper ce poste ou
14 d'occuper ce poste à nouveau ?
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] On voit dans le transcript qu'il était
16 président de la république, qu'il était membre de la présidence serbe, ou
17 plutôt il était de la présidence de la République serbe de Bosnie-
18 Herzégovine.
19 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas dit ça.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, préciser la
21 chose.
22 M. NICE : [interprétation]
23 Q. Etiez-vous membre de la présidence de la République de Bosnie-
24 Herzégovine ?
25 R. Oui. A l'occasion des premières élections démocratiques en 1990, j'ai
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1 eu une majorité relative des votes pour faire partie de la présidence de la
2 République socialiste de Bosnie-Herzégovine.
3 Q. Ces détails ne sont pas nécessaires, Monsieur Kljuic. Si ma
4 présentation synthétique de votre parcours est exacte à l'exception de ce
5 mot de "serbe" à ce moment-là, il suffit de me dire oui.
6 R. Non. Dans la première phrase il est dit que, j'ai été élu à Zagreb aux
7 fonctions de président du HDZ. Or, ce n'est pas exact. C'est le 7 septembre
8 1990 que j'ai été élu à Sarajevo. Et le
9 23 avril 1991, j'ai remporté la convention du HDZ à Mostar. Donc, je n'ai
10 pas été élu à Zagreb mais à Sarajevo.
11 Q. Oui. Il y a une erreur de transcription. Excusez-moi.
12 Maintenant, passons au paragraphe 6 à 8. Etiez-vous membre de la commission
13 chargée de la protection de l'ordre constitutionnel ?
14 R. Oui.
15 Q. Paragraphe 8. Est-ce que Mme Plavsic a joué un rôle au sein de cette
16 commission ?
17 R. Elle avait été la présidente de celle-ci.
18 Q. Avez-vous reçu des bulletins d'information dans le cadre de vos travaux
19 au sein de cette commission ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que Mme Plavsic a également reçu ces documents et est-ce qu'elle
22 a fait quelque chose à votre avis pour réfuter ces informations qui étaient
23 transmises par ces bulletins ?
24 R. Mme Plavsic recevait ces bulletins et dans la première phase de notre
25 activité tout se passait correctement. Mais au fur et à mesure que la
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1 situation s'était compliquée en Bosnie-Herzégovine et en ex-Yougoslavie, il
2 y a eu manipulation et abus de fonction de président -- de cette fonction
3 de président.
4 M. NICE : [interprétation] Un exemple des documents qui vous ont été
5 communiqués à intercalaire 15, dans la liasse pour laquelle je souhaiterais
6 qu'on donne une cote, une cote unique pour la totalité de la liasse.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation,
8 503.
9 M. NICE : [interprétation]
10 Q. Page 1. En anglais, la version en anglais c'est la page 5, sur un total
11 de 44 pages et on vous voit parler. Et dans la version
12 B/C/S, en haut d'une page qui porte le numéro T1/7 et suivante. Et ici nous
13 avons un passage, également vous intervenez pour dire que la presse
14 mentionne beaucoup votre nom et ensuite on peut lire que : "C'est également
15 dans les journaux aujourd'hui." Un peu plus tard, page 6 en anglais, Alija
16 Delimustafic prend la parole, et puis ensuite à la page 7 sur un total de
17 44 pages en anglais, ce qui nous donne en B/C/S, à la page 10, on voit
18 qu'il fait référence à la page 7, il est fait référence à la chose,
19 "Suivante -- Skrba, Kujacic, Veselinovic, Bata sur les barricades, les
20 quatre pires criminels d'un côté." Et ensuite dans cette page, on parle
21 d'un certain nombre de crimes et de ceux qui figurent en haut de la page,
22 la page 8, on parle d'hommes d'Arkan, 7 à 8 hommes d'Arkan.
23 Nous ne voulons pas entrer dans les détails. Il s'agit tout simplement de
24 donner une idée générale de ce qu'il y avait dans ce document. Est-ce que
25 de telles informations, de tels rapports ont été communiqués à la
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1 commission chargée de l'ordre constitutionnel, et ces rapports contenaient-
2 ils une -- des informations sur ce qui se passait sur le terrain, notamment
3 sur les activités criminelles qui s'y déroulaient ?
4 R. J'ai précisé que dans une première phase, les rapports étaient tout à
5 fait corrects, et qu'au fur et à mesure que la situation s'était
6 compliquée, il y a eu des abus. Mais lorsqu'il s'agit de ma demande, à
7 savoir, la demande à Mme Plavsic et Zepinic d'émettre des réserves à cet
8 égard, il est devenu clair que d'un côté, ils représentaient des membres de
9 la commission d'état chargée de la sécurité et qu'ils avaient pris
10 profondément part à la mise en place de ces barrages routiers. Alors, ils
11 disaient on n'a pas besoin de barricades, mais au fait, ils auraient pu le
12 dire, mais ils n'ont pas dit, parce qu'ils auraient perdu les positions au
13 sein de la police et qui étaient des leurs. Donc ils ne pouvaient pas faire
14 partie de cette commission de l'état chargée de la sécurité et en même
15 temps appuyer l'érection de barrages routiers et tous ces troubles fomentés
16 à Sarajevo.
17 M. NICE : [interprétation] Paragraphes 10 et 11, qui permettent la
18 production normalement des pièces, 4, 5, 6, 7 et 8. Mais vu les contraintes
19 de temps qui sont les nôtres, je ne déciderai qu'à la fin de
20 l'interrogatoire principal, si je vais -- ce n'est qu'à la fin de
21 l'interrogatoire du témoin que je présenterai ces pièces.
22 Q. Paragraphe 12. Est-ce que vous avez des contacts réguliers avec
23 l'ancien président Tudjman ?
24 R. Oui.
25 Q. La fameuse rencontre de Karadjordjevo, maintenant est-ce que Tudjman
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1 vous n'a jamais parlé, a jamais fait allusion à la teneur même de cette
2 réunion ?
3 R. Non, à vrai dire en ma qualité de leader du HDZ pour la Bosnie-
4 Herzégovine, j'avais la réputation d'être un patriote pour la Bosnie et un
5 fervent adepte de l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine. Je n'avais donc pas
6 été favorable à un partage de cette dernière. Cependant, sans pour autant
7 dévoiler la source des informations, le président Tudjman m'a une fois dit
8 que le président Milosevic lui avait attribué ou rétrocédé la Krajina de
9 Cazin, c'était une région qui était habitée essentiellement de Musulmans.
10 Je lui ai
11 dit : "Monsieur le Président, c'est comme-ci je vous faisais cadeau de la
12 Sardaigne, de la Sicile, aujourd'hui, parce que cela ne vous appartient pas
13 ni à vous, ni à M. Milosevic."
14 Bien entendu, au fur et à mesure que ces idées afférentes au partage de la
15 Bosnie-Herzégovine se sont faites jour à des niveaux plus élevés, avec
16 participation d'un plus grand nombre d'intervenants, nos conflits pour ce
17 qui est du partage de ma patrie à moi, avait résulté par une scission et si
18 vous préférez, je vais -- je dirais que j'ai été éliminé de la présidence
19 de Bosnie-Herzégovine et ceci notamment au moment où j'étais censé en
20 devenir président.
21 Q. Très bien.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je souhaiterais que l'on précise quelques
23 éléments pour le compte rendu d'audience. Cette zone s'appelle la Krajina
24 de Cazin, n'est-ce pas ?
25 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est cela.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ou alors la Krajina de Bihac, si vous
2 préférez.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Autre chose, il est possible que je n'ai
4 pas bien entendu. Vous dites que le président Tudjman, cela figure au
5 compte rendu d'audience : "Le président Tudjman m'a dit qu'on lui avait
6 donné la Krajina de Cazin, qui était habitée essentiellement par des
7 Musulmans." Il me semble, mais je me trompe peut-être que le témoin a dit
8 que c'était Milosevic qui avait donné cela à Tudjman, la Krajina de Cazin.
9 M. NICE : [interprétation]
10 Q. Pouvez-vous nous donner des explications, s'il vous plait ?
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pouvez-vous nous donner des précisions au
12 sujet de ce qu'a dit M. Tudjman, Monsieur le Témoin.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Tudjman a dit que c'était
14 M. Milosevic qui lui avait accordé la Krajina de Cazin et c'est la raison
15 pour laquelle j'avais dit en réaction que c'était comme-ci il avait reçu en
16 cadeau le territoire de la Sardaigne, mais cela n'appartient ni à M.
17 Milosevic, ni à M. Tudjman.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
19 M. NICE : [interprétation]
20 Q. Au début 1991, est-ce qu'à votre connaissance, Izetbegovic et Milosevic
21 ont eu des entretiens au sujet des Musulmans qui restaient dans Yougoslavie
22 Rump et si -- si oui, quelle a été la nature de ces entretiens ?
23 R. Bien entendu, à plusieurs reprises, il y a eu des pourparlers à tous
24 les niveaux et entre Belgrade et Izetbegovic. A cette époque-là, Belgrade
25 s'efforçait à tout prix d'attirer les Musulmans pour qu'ils fassent partie
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1 de cette Yougoslavie. Ils concluent en affirmant qu'ils allaient constituer
2 le deuxième des peuples -- la deuxième des nations dans un tel état. Et
3 quand il n'a pas réussi à se faire avec Izetbegovic, il a -- ils ont
4 procédé à un accord soit disant historique, signé par un deuxième politique
5 musulmane qui n'avait pas bénéficié du soutien du peuple. Et cet homme-là
6 s'appelle Adil Zulfikarpasic.
7 Cet accord historique était sensé dissocier le combat conduit en commun par
8 les Croates et les Musulmans, scindé en deux ce combat. Mais il ne
9 s'agissait pas de passer par les institutions du système, donc par le biais
10 de la présidence, de l'assemblée, du gouvernement, en leur qualité
11 d'institutions légales. Mais on a procédé en contournant ces institutions
12 du système et on a essayé de faire cela avec un groupe de Musulmans qui
13 n'avaient pas bénéficié du soutien de la population, et du support de
14 celle-ci. Donc il s'agissait d'une astuce qui se visait à nous mener au
15 fait accompli, nous dire, par exemple, soit de sortir de la Bosnie-
16 Herzégovine ou alors y rester sans être sur pied d'égalité pour autant. Et,
17 si nous devions en sortir, on nous aurait attribué des territoires de
18 moindre importance en Bosnie-Herzégovine occidentale, qui ont toujours été
19 mentionnés lorsqu'il a été question de sécession de la part de la
20 population croate.
21 Q. Dans ce contexte particulier, avec-vous parlé de Izetbegovic à ce sujet
22 un jour et, si c'est le cas, pouvez-nous dire ce qu'il a répondu ?
23 R. Tout d'abord, M. Izetbegovic n'a pas été correct parce qu'il ne m'a pas
24 dit qu'il avait eu des entretiens de ce type. Et, deuxièmement, quand j'ai
25 appris la chose de par mes filières à moi, je lui ai dit ouvertement --
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1 parce qu'on avait proposé qu'il devienne président de l'assemblée, du
2 parlement de cette future Yougoslavie. Alors, je lui ai dit : "Bon, mais si
3 vous restez en Yougoslavie, vous serez le deuxième des peuples dans cette
4 communauté. Et qui est actuellement le deuxième des peuples en Serbie ?"
5 Alors, il m'a dit : "Les Albanais." Je lui ai dit alors : "Il vous propose
6 la position qui est celle des Albanais actuellement." Izetbegovic a enfin
7 dit : "Stjepan, ça ne donnera rien."
8 Q. Passons maintenant au début du mois de juillet ou plutôt au mois de
9 juin 1991, est-ce qu'il y a eu une réunion, une séance de ce que l'on
10 appelait le parlement de Krajina, à Bosanska Grahovo, le 27 juin 1991 ?
11 R. Oui. C'est la date du soulèvement populaire, ou plutôt, je me reprends
12 -- vous avez dit juin ou juillet ? Je n'ai pas bien entendu ?
13 Q. Juin.
14 R. Bon. A cette époque, il s'était déjà créé une Krajina serbe sur le
15 territoire de la Croatie et les Serbes de Bosnie s'efforçaient de créer
16 leur région SAO, région serbe autonome, pour faire en sorte que les régions
17 du territoire croate et les régions du territoire de la Bosnie-Herzégovine
18 soient réunifiées.
19 Q. Et lors de cette assemblée du parlement Krajina, y a-t-il eu une
20 déclaration dans ce sens ?
21 R. Oui. A un moment donné, ils ont adopté une déclaration portant
22 unification de ces deux Krajina. En qualité d'état première pour ce qui est
23 de l'unification de toutes les terres serbes. Cependant, cette unification-
24 là signifiait la destruction de la souveraineté de deux républiques et cela
25 était opposé tant à la constitution de la République de Croatie qu'à celle
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1 de la République de Bosnie-Herzégovine.
2 Q. Très bien. Pour vous, est-ce que cette déclaration et la politique
3 qu'elle traduisait peuvent expliquer le point de vue de Karadzic au sujet
4 de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine est le but qu'il recherchait ?
5 R. Cela a certainement été une partie intégrante d'une politique globale
6 qui visait à unifier tous les Serbes aux fins de faire en sorte qu'ils
7 vivent tous dans une seul et même état. Or, cette idée était en opposition
8 avec la situation de faits. Et, en définitif, cela était contraire à la
9 conférence de Helsinki dont les décisions par la suite vont se répercuter
10 de façon substantielle sur l'avenir de mon pays.
11 Q. Paragraphe 16. En République de Bosnie-Herzégovine, est-ce que le SDA a
12 proposé que l'acte d'unification des Krajina ou constituait une violation,
13 une infraction à l'ordre constitutionnel de la République socialiste
14 fédérale de Yougoslavie ?
15 R. Oui. Et pas seulement le SDA.
16 Q. On a voté à ce sujet, au sujet de cette proposition, et qu'est-ce que
17 cela a donné ce vote ? Qu'est-ce que cela a eu pour conséquence, s'agissant
18 des députés du SDS ?
19 R. Notre parlement, à l'occasion de sa session ordinaire, a condamné un
20 tel acte. Il a jugé qu'il s'agissait là d'une violation de l'intégrité
21 territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine. Et pour finir les
22 délégués -- les députés du SDS ont quitté, de façon démonstrative, les
23 travaux de cette session. Ils le faisaient d'ailleurs souvent aux fins de
24 dénigrer ou de désavouer les activités de cette assemblée, de ce parlement.
25 Nous pouvions continuer à travailler -- à fonctionner parce que nous avions
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1 toujours une majorité qualifiée, mais nous souhaitions pour que les
2 décisions soient valablement prises. Il y ait des représentants du peuple
3 serbe parce que le SDS avait obtenu la majorité des votes serbes. Mais il y
4 avait des représentants -- des députés serbes issus d'autres partis
5 politiques également.
6 Q. Paragraphe 17. En septembre 1991, avez-vous rencontré le président
7 Tudjman à Zagreb et au cours de cette rencontre, a-t-il dit que vous
8 devriez avoir des contacts avec le SDS ? Etes-vous retourné à Sarajevo,
9 avez-vous pris contact avec Karadzic le lendemain matin. Si c'est bien le
10 cas, est-ce qu'il a paru surpris de votre appel téléphonique ou non ?
11 R. J'ai eu souvent des réunions avec le président Tudjman, mais, à un
12 moment donné, à l'occasion d'une visite que j'effectuais à Zagreb, il a
13 insisté pour que je négocie également avec le SDS. Je tiens à dire que même
14 avant cela je m'étais entretenu avec Krajisnik, Karadzic, Koljevic et même
15 Mme Plavsic. Mais eux ne voulaient pas d'une Bosnie-Herzégovine et ils ne
16 reconnaissaient pas non plus la République de Croatie.
17 A cet effet, ils m'ont toujours critiqué en disant que j'étais infidèle à
18 Izetbegovic. Cela avait constitué une propagande assez réussi ma foi.
19 Q. Je sais que c'est très tentant, mais je vous serais très reconnaissant
20 de --
21 R. Oui. Je comprends, mais cette propagande, disais-je, était réussi,
22 mais pour la raison de l'existence de cette propagande, Tudjman m'a dit :
23 "Mais, Stjepan, tu ne peux pas négocier qu'avec les Musulmans. Il faut que
24 tu t'entretiennes également avec les Serbes et ce de façon sérieuse."
25 Et une fois arrivée, rentrée à Sarajevo, j'ai contacté au matin Karadzic.
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1 Il ne semblait pas surpris de m'avoir au téléphone et je crois pouvoir dire
2 que Tudjman et Milosevic avaient été en contact entre temps.
3 Q. Paragraphe 18. Plus tard en septembre 1991, est-ce que vous-même et
4 Stanic avez rencontré Krajisnik, Karadzic et Koljevic ? Et vous a-t-il
5 semblé que les représentants serbes voulaient obtenir le soutien des
6 Croates de Bosnie ?
7 R. Bien entendu, chacun était à la recherche d'alliés et ils intervenaient
8 en parallèle avec notamment Izetbegovic parce que cela leur permettait
9 d'accomplir le gros du travail. Mais il était évident que l'on voulait que
10 nous ayons des conversations entre nous. Stanic et moi avons visité la
11 délégation serbe où il y avait Krajisnik, Karadzic et Koljevic et, à
12 l'époque, à ce moment-là, la guerre avait déjà fait rage en Croatie.
13 Mais comme Tudjman, lui, avait insisté que je m'entretienne avec eux, j'ai
14 organisé une épreuve toute simple à leur intention. Je leur ai dit que :
15 "Mon peuple me tuerait s'il savait que j'étais en train de négocier avec
16 eux alors que la Croatie était à feu et à sang." Mais j'ai dit que : "Nous
17 étions des hommes politiques et qu'il nous fallait nous entretenir."
18 Et j'ai dit qu'un geste de leur part renforcerait ma position politique et
19 confirmerait le souhait d'avoir une coopération sincère. Je leur avais donc
20 demandé de reconnaître la République de Croatie dans ses frontières de
21 l'Avnoj, l'Avnoj étant le conseil anti-fasciste de la guerre de libération
22 nationale.
23 Q. En une phrase, quelle a été leur réaction ?
24 R. Terrible. Ils ont dit qu'ils n'allaient jamais accepter une chose
25 pareille.
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1 Q. Et est-ce que ça eu pour conséquence que vous avez pris -- il y a eu
2 une distance qui s'est faite entre vous-même et les Serbes qui voulaient
3 chercher des Croates plus près à coopérer avec eux ?
4 R. Non. Non. Ils savaient qu'avec moi, il n'y avait pas moyen de faire un
5 accord contre la Bosnie-Herzégovine. Mais comme la situation se compliquait
6 davantage en Bosnie-Herzégovine, il y avait au sein du HDZ, un lobby pour
7 Serbes, avec lequel ils se sont mis à coopérer et lorsque l'agression sur
8 la Bosnie-Herzégovine a été lancée, la coopération en question était
9 arrivée à son apogée.
10 Q. Avez-vous signalé la réaction du SDS au président Tudjman et le fait
11 que le SDS ne souhaitait pas reconnaître la République de Croatie et ses
12 frontières ?
13 R. Oui.
14 Q. Quelle a été la réaction du président Tudjman ?
15 R. Oui. Oui. Sa réaction avait été aussi négative parce qu'il avait
16 compris que ce qu'il avait reproché à un niveau supérieur n'était pas
17 encore parvenu en tant qu'informations jusqu'aux oreilles des Serbes de
18 Bosnie.
19 Q. Paragraphe 20. Le 22 janvier 1991, avez-vous participé à des
20 pourparlers à Belgrade ? Au sein de la délégation de Bosnie, on trouvait
21 Izetbegovic, Koljevic et vous-même au sein de la délégation bosniaque
22 plutôt et, au sein de la délégation serbe, il y avait l'accusé, Trifunovic,
23 et un tiers dont le nom n'est pas bien orthographié, me semble-t-il, dans
24 le résumé. De qui s'agissait-il ?
25 R. Unkovic.
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1 Q. C'est bien ce que je pensais, Unkovic. Je ne vais insister sur cette
2 réunion sauf pour dire la chose suivante : cette réunion s'est terminée --
3 du moins la partie officielle de la réunion s'est terminée sur un accord,
4 selon lequel la future Yougoslavie devrait être un pays démocratique
5 constituée de peuples et de républiques égaux.
6 R. Je dois vous donner deux phrases d'introduction. M. Milosevic, en
7 octobre 1998, à la session du comité de la Ligue des communistes de
8 Yougoslavie, a déclaré ce qui suit : il a dit que la Serbie n'était pas
9 intéressé par les territoires des autres républiques et, à notre avis, cela
10 constituait l'un des arguments aux négociations qui sont tenues en date du
11 22 janvier 1991.
12 En Bosnie, les élections ont eu lieu en novembre, Serbie en décembre, et
13 nous nous sommes dépêchés de nous réunir avec la délégation serbe aux fins
14 de consolider les principes qui seront ceux de la future Yougoslavie. Or
15 eux, ces principes-là, insistaient notamment sur l'égalité en droit des
16 républiques. C'est la raison pour laquelle j'étais si satisfait de cette
17 réunion qui s'est tenue à Belgrade -- en date du 22 janvier, à Belgrade.
18 Q. Après la réunion et pendant le déjeuner, l'accusé vous a-t-il pris à
19 part et avez-vous eu une conversation privée avec lui ?
20 R. Je me dois de dire que M. Milosevic a fait d'une grande hospitalité à
21 mon égard. Je dirais et je parlerais même de sympathie. A un moment donné,
22 nous nous étions levés de table et il m'a dit à ce moment-là qu'il
23 comprenait les aspirations du peuple de cette Bosnie occidentale, qui était
24 celle de la Bosnie-Herzégovine à se joindre à la Croatie. Et c'était là une
25 astuce de la part du côté serbe qui visait à permettre à des petits
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1 segments de la population croate de Bosnie-Herzégovine de rejoindre les
2 territoires de la Croatie plutôt se réunir avec la Croatie. Et cela
3 comportait des conséquences énormes parce que cela signifiait qu'une partie
4 de notre peuple croyait que l'on pouvait se rattacher à la Croatie.
5 Alors, je lui ai dit : "Mais est-ce que nous comprenons bien de quoi l'on
6 parle lorsqu'il est question de la Herzégovine occidentale ?"
7 Et je dois dire que ce que mon interlocuteur a dit avec précision c'est que
8 la moitié de Mostar, 70 % de Capljina, Ljubuski, Posusje, Tomislavgrad,
9 Citluk, Siroki Brijeg, Grude, 70 % de Livno et il a dit, en riant, Prozor
10 toute entière. Mais Prozor c'était intéressant parce que jamais aucun Serbe
11 --
12 Q. Je vous interromps. Nous reviendrons à Prozor dans un instant.
13 Mais vous avez indiqué les détails de cette offre. Est-ce que vous avez sur
14 une carte qui va maintenant être versée au dossier, c'est la pièce 343,
15 intercalaire 5. C'est une carte qui a été annotée par le témoin. On
16 pourrait d'ailleurs la poser sur le rétroprojecteur.
17 Oui, Monsieur Kljuic, il s'agit de la carte que vous avez vous-même annotée
18 afin de montrer ce qu'à quoi faisait référence l'accusé.
19 R. Je ne vois pas la carte, mais ça ne pose pas de problèmes puisque je
20 sais exactement ce que j'ai annoté dessus.
21 Q. Vous pouvez voir sur votre gauche. Moi aussi sur mon écran, je ne vois
22 rien.
23 Pour revenir à Prozor, veuillez vous munir du pointeur et nous donner les
24 explications que vous souhaitez. L'huissier va vous remettre ce pointeur.
25 R. Je pense que c'était une phrase sympathique : "On vous donne même la
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1 ville de Prozor toute entière en Bosnie-Herzégovine," mais vous devez
2 savoir qu'à Prozor, c'était une municipalité et il n'y avait pas de Serbes.
3 Il y avait un seul policier qui était Serbe, qui n'a pas pu trouver une
4 épouse et il est parti. Donc, c'était un milieu compact, constitué de
5 Croates et de Musulmans qui s'appelle aujourd'hui Bosniens.
6 Je lui ai dit toutefois que nous n'étions pas d'accord sur ce que nous
7 entendions par la notion d'Herzégovine occidentale.
8 Q. Quel a été votre réaction à cette proposition ? Voulez-vous nous donner
9 des explications supplémentaires -- des précisions supplémentaires sur ce
10 que vous vous entendiez par Herzégovine occidentale ?
11 R. Oui. C'est sans doute la meilleure manière de procéder.
12 Q. Qu'est-ce que ça représentait pour vous ?
13 R. Moi, je sous-entendais un territoire bien plus important, mais cela n'a
14 aucune importance en l'occurrence. Ce qui importe c'est que j'ai dit à M.
15 Milosevic :
16 "Mais que faut-il vous laisser à vous ? Faut-il qu'on vous laisse tout le
17 reste de la Bosnie-Herzégovine ?"
18 Et comme il était en train de rire, qu'il avait fait preuve de beaucoup de
19 charme, à ce moment-là. J'ai eu recours à de l'humour bien bosniaque et je
20 lui ai montré les armoiries de la Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Inutile d'entrer dans les détails, nous allons passer au paragraphe 23.
22 Réunion de la présidence de Bosnie-Herzégovine le 19 décembre 1991, lors de
23 cette réunion, il y avait deux points à l'ordre du jour. Le premier c'était
24 la réélection du président, et est-ce que suite à un certain nombre de
25 difficultés, Izetbegovic a été réélu ? Mais je ne souhaite pas que vous
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1 nous donniez des explications détaillées sur la nature des difficultés
2 rencontrées.
3 R. Oui.
4 Q. [aucune interprétation]
5 R. En vertu de la constitution, Izetbegovic avait le droit d'exercer les
6 fonctions de président pendant encore un an. Et nous l'avons réélu.
7 Q. Je vais vous interrompre, Monsieur Kljuic. Si l'accusé ou les juges de
8 la Chambre ont besoin de plus de détails, vous pourrez leur donner. Il
9 suffit de dire qu'il a été réélu. C'est tout ce qui nous intéresse pour
10 l'instant.
11 Nous passons maintenant au deuxième point à l'ordre du jour, qui avait
12 trait à la demande faite par l'union Européenne qui avait demandé donc que
13 la Bosnie-Herzégovine finalise sa demande d'indépendance. Comment le
14 soutien pour cette proposition s'est-il manifesté ?
15 R. A ce moment, il était devenu clair que la Yougoslavie ne saurait
16 substituer au-delà de cela. Les séquelles de la guerre ont conduit la
17 Slovénie et la Croatie à prendre une décision définitive qui était celle de
18 quitter la Yougoslavie. Il y avait déjà des déclarations d'indépendance et
19 il y avait des référendums qui s'étaient tenus. Or, dans une Yougoslavie
20 telle quelle était devenue, les Croates et les Musulmans ne voulaient plus
21 y rester --
22 Q. Monsieur Kljuic, nous n'avons pas beaucoup de temps. Nous en sommes
23 déjà à plus de la moitié de votre interrogatoire principal. Je voudrais
24 simplement savoir ce qui s'est passé au niveau de la présidence, quel a été
25 la nature du votre ?
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1 R. Cinq membres de la présidence ont voté en faveur de l'indépendance et
2 en faveur de la tenue d'un référendum. Koljevic et Plavsic étaient contre.
3 Et ils ont gelé leur statut à compter de ce moment-là, donc cela signifiait
4 qu'ils venaient parfois ou qu'ils ne venaient pas, cela dépendait de
5 l'intérêt qu'ils avaient à être présent.
6 Q. Paragraphe 25. La demande d'indépendance devait être présentée à
7 l'assemblée. Est-ce que Krajisnik et le bloc serbe se sont prononcés en
8 faveur ou contre l'indépendance ?
9 R. Ils ont quitté le parlement. D'abord Krajisnik a fait obstruction aux
10 activités du parlement. Il nous a épuisé avec les débats. Et à 3 heures 30
11 du matin, nous avons quitté le parlement. Mais la majorité des députés
12 était resté à l'intérieur et il y avait là des députés serbes qui étaient
13 issu du Parti communiste, du Parti réformiste et quelques autres partis
14 encore aussi.
15 Q. Ce vote et la décision qui a été prise ont marqué le début des
16 difficultés de la Bosnie-Herzégovine. C'est bien votre point de vue, n'est-
17 ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Paragraphe 29. Je ne vais pas parler du contrôle de l'assemblée. Je
20 passe -- je vais simplement dire la chose suivante. Est-ce que les
21 présidents des partis parlementaires avaient le droit d'assister aux
22 séances de l'assemblée ? Est-ce que Karadzic l'a fait parfois et est-ce
23 qu'il a prononcé un discours au sujet de l'indépendance de la Bosnie-
24 Herzégovine ?
25 R. Les présidents des partis au pouvoir pouvaient prendre la parole sans
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1 attendre leur tour. Karadzic s'est servi de ce droit et c'est là son
2 discours si célèbre où il a dit :
3 "Si vous persévérez sur le chemin de l'indépendance, il n'y aura plus de
4 Bosnie-Herzégovine et le peuple musulman disparaîtra de la surface de la
5 terre."
6 Q. Intercalaire 8, de la pièce 503. Je vous demande, s'il vous plaît, de
7 regarder cette pièce. Est-ce qu'ici on voit l'attitude de Plavsic et
8 Koljevic qui se distinguaient de celle des autres membres de la
9 présidence ? Est-ce qu'ils ont, pour ce faire, pour indiquer qu'ils
10 n'étaient pas d'accord, est-ce qu'ils ont écrit une lettre à Vjelko
11 Kadijevic, qui était secrétaire fédéral à la Défense nationale le 7
12 septembre 1991 ? Une lettre relative aux décisions des différents organes
13 de Bosnie-Herzégovine concernant un système unifié de défense et qui avait
14 été -- des décisions qui avaient été prises sans tenir compte de la
15 position des représentants légitimes du peuple serbe au sein de ces
16 organes. De cette façon, de cette manière, l'opinion publique a une fausse
17 idée de l'image de la Bosnie-Herzégovine, son attitude envers l'armée et la
18 défense du pays. Cependant, il est également vrai que la totalité du peuple
19 serbe de Bosnie-Herzégovine, ainsi que la plupart des patriotes et des pro
20 yougoslaves, ainsi que les autres peuples, sont fidèles à l'idée de
21 maintenir la Yougoslavie et que l'armée est le seul moyen qui permettra de
22 garantir la paix et la sécurité. La présence de la JNA est une garantie
23 contre l'action de groupes armés illégaux.
24 Ensuite, je passe un certain nombre de passages, mais on peut lire :
25 "Qu'au nom du peuple serbe et tous les citoyens amoureux de la paix en
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1 Bosnie-Herzégovine, nous soutenons pleinement les forces armées unifiées de
2 la Yougoslavie dans l'exécution de leur rôle définie par la constitution."
3 Est-ce que vous estimez que cette lettre traduisait une différence entre
4 les Serbes et le reste de la présidence ?
5 R. Elle est très authentique, mais les informations sont erronées. A
6 l'époque et en raison de cette guerre terrible en Croatie et de tout ce qui
7 s'est fait de mal en Bosnie par les réservistes de la JNA, il y avait de
8 moins en moins de gens qui appuyaient l'armée parce qu'elle s'était
9 transformée en armée unie nationale et, dans tous les litiges, elle ne se
10 mettait que du côté serbe. Par conséquent, l'armée ne bénéficiait plus du
11 soutien des citoyens de Bosnie-Herzégovine et un grand nombre de personnes
12 voulait que l'armée quitte au plus vite la Bosnie-Herzégovine. Or, au sein
13 de la présidence, nous avions promis que la partie de l'armée qui était
14 stationnée en Bosnie-Herzégovine, une fois l'indépendance acquise, serait
15 considérée comme étant l'armée de la Bosnie-Herzégovine.
16 Q. Paragraphe 31. Est-ce que l'armée en Bosnie-Herzégovine a vu ses
17 membres -- a vu le nombre de ses effectifs augmentés avec l'arrivée de
18 réservistes serbes et du Monténégro, ainsi que l'arrivée de troupes qui se
19 retiraient de Slovénie et de Croatie ?
20 R. Oui. La Bosnie était la plus grande des casernes au monde, parce que
21 toutes les unités qui s'étaient retirées de la Slovénie et de la Croatie,
22 s'agissant de la JNA, se trouvaient là, puis y avait
23 des Corps de Titovo, Uzice, de Valjevo, de Podgorica et autres casernes du
24 Monténégro. Et je tiens à préciser que cela s'est fait soit indépendamment
25 du fait que la Serbie de Monténégro n'est pas été menacée, donc la Bosnie-
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1 Herzégovine avait la plus grande des concentrations des forces armées qu'il
2 puisse y avoir eu, vu que bon nombre de ces effectifs-là étaient venus de
3 l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine.
4 Q. Est-ce que la présidence a envoyé une délégation à Belgrade, afin
5 d'arriver à un accord avec Kadijevic au sujet du retrait de troupes de
6 Bosnie et au sujet des troupes qui pourraient rester en Bosnie ?
7 R. Nous avions une position, une attitude politique disant que, s'agissant
8 de la succession de la Yougoslavie, il convenait de prendre sur nous
9 l'armée régulière qui était celle de la Bosnie-Herzégovine. Nous étions
10 toutefois opposés à l'arrivée des autres unités de la JNA chez nous. Et à
11 cette époque-là, les parents déjà refusaient que de voir leurs fils
12 recruter dans les rangs de la JNA. Nous avons légalement essayé de nous
13 entretenir et nous avons envoyé une délégation de haut niveau à Belgrade,
14 mais exception faite de quelques phrases de courtoisie ou phrases
15 usuellement prononcées à l'époque, les résultats ont brillé par leur
16 absence.
17 Q. Le 24 décembre 1991, y a-t-il eu une réunion entre la présidence et les
18 généraux de la JNA, avec à leur tête Kadijevic, et tous les participants à
19 l'exception de l'amiral Brovet, étaient soit Serbes, soit Monténégrins ?
20 R. C'est exact. Brovet était un amiral.
21 Q. En effet, cette réunion c'est la seule chose qui m'intéresse. Est-ce
22 que Izetbegovic -- ou pendant la réunion, est-ce que Izetbegovic a parlé au
23 général Kadijevic au sujet d'unités paramilitaires actives en Bosnie et, si
24 c'est le cas, qu'a répondu Kadijevic ?
25 R. Kadijevic avait déjà pris des positions clairement pro serbe. Il a dit
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1 à vous :
2 "Faites la partie politique de la tâche et moi je m'occuperais du segment
3 militaire."
4 J'aimerais expliquer ici ce que cela voulait dire. Cela voulait dire :
5 rester en Yougoslavie et l'armée ne touchera pas à vous dans ce cas-là.
6 Cependant, Izetbegovic, quand bien même il l'aurait voulu, ne pouvait pas
7 conduire une politique de ce genre parce que -- et il ne voulait pas parce
8 que les citoyens de la Bosnie-Herzégovine, je tiens notamment à souligner,
9 qu'il y avait une grande partie des Serbes également, notamment ceux qui
10 vivaient dans les milieux urbains, étaient contre ce que l'armée était en
11 train de faire en Croatie et, le fait que cela soit exact, s'avèrera vrai
12 par le pourcentage -- ou du fait du pourcentage des citoyens qui ont voté
13 ultérieurement en faveur d'une Bosnie-Herzégovine indépendante.
14 Q. Paragraphe 34.
15 M. NICE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
16 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]
17 M. NICE : [interprétation]
18 Q. Paragraphe 34, à partir de la fin 1994, est-ce que vous êtes rendu
19 compte à partir de plusieurs rapports, qu'il y avait des activités
20 militaires tout autour de Sarajevo ?
21 R. Oui.
22 Q. De quoi faisait-on état ?
23 R. Vous devez savoir qu'à l'époque, c'était la première fois qu'on avait
24 un gouvernement démocratique, on avait un pouvoir civil, mise à part de
25 l'armée, c'était la première fois qu'on avait ça depuis le régime
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1 communiste, parce qu'avant dans ce régime, l'armée et le parti ne faisaient
2 qu'un. Par conséquent, nous nous voulions recevoir des renseignements
3 relatifs aux déplacements de l'armée sur le terrain. C'était un droit
4 constitutionnel qui nous était ainsi donné, mais nous avons eu besoin de
5 beaucoup de temps pour recevoir ces informations. L'armée ne cessait de
6 fournir, d'expédier des renseignements selon lesquels elle allait organiser
7 des manœuvres, de l'entraînement à l'extérieur de la ville. Mais nous
8 avions des observateurs sur place, le ministère l'a constaté, les civils
9 aussi. L'armée en fait encerclait la ville et fortifiait, construisait des
10 fortifications.
11 Q. Merci. Est-ce que des barrages ont été installés aussi bien par les
12 Serbes de Bosnie et après par les Musulmans de Bosnie au mois de mars
13 1992 ?
14 R. Nous avons organisé un referendum sur l'indépendance. Karadzic voulait
15 à tout prix empêcher que nous soyons reconnus internationalement. En effet,
16 il y avait beaucoup de préparatifs qui s'étaient déjà faits pour ce qui est
17 du siège même de Sarajevo et c'est lui qui a organisé ces barrages pour
18 mettre la ville à l'épreuve, pour voir dans quelle mesure la ville allait
19 opposer une résistance à ce genre de mesure. Et ceci a revêtu une
20 importance toute particulière dans le centre de la ville, dans un endroit
21 appelé Pofalici, ce qui permettait de scinder la ville de Sarajevo en deux.
22 Lorsque ces barrages ont été érigés, il est apparu que les forces
23 paramilitaires serbes n'étaient pas en mesure de diviser la ville de
24 Sarajevo.
25 Q. Je pense que vous avez déplacé vos effets personnels, vos biens, à la
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1 présidence même et que c'est là que vous avez résidé, est-ce que c'est
2 exact ?
3 R. Tout à fait, pendant toute la durée de la guerre, de l'agression, j'ai
4 vécu, j'ai habité dans le bâtiment de la présidence. Mais j'ai d'abord dû
5 m'y installer, parce qu'il y avait certaines parties, certains quartiers de
6 Sarajevo qui étaient bloqués, et moi je vivais à proximité de l'aéroport.
7 Et pendant plusieurs jours je n'ai même pas pu me rendre au travail.
8 Q. Vous avez passé combien de temps dans ce bâtiment de la présidence ?
9 R. Jusqu'au mois d'octobre 1992. Et une fois qu'on m'a écarté de la
10 présidence, j'ai bien dû déménager de mon bureau.
11 Q. Est-ce que c'est exact qu'à ce moment-là, la JNA voulait donner
12 l'apparence de la neutralité par rapport à la communauté internationale ?
13 R. Pas du tout. En fait, elle l'aurait voulu qu'on la prenne pour neutre,
14 c'est certain, cependant elle était vraiment impliquée, puisqu'elle a
15 permis aux gens de s'armer, elle leur a donné des armes, elle leur a fourni
16 un appui logistique et lorsqu'elle se trouvait dans cette situation où ces
17 personnes se trouvaient dans cette situation d'infériorité, la JNA
18 intervenait pour faire une zone de tampon.
19 Q. Et pour ce qui est des Aigles blancs, des hommes de Seselj, est-ce que
20 vous connaissez ce groupe ? Est-ce que vous savez s'ils étaient présents
21 et, si c'est le cas, que les avez-vous vu faire ou qu'avez-vous découvert à
22 propos de leurs activités ?
23 R. C'est la première fois au moment de ces barricades ou barrages au mois
24 de mars que je m'en suis rendu compte, les paramilitaires de Serbie ont
25 tout d'un coup fait leur apparition aussi et parmi ces hommes les plus
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1 agressifs, c'étaient des hommes d'Arkan, et ceux de Seselj.
2 Des hommes de Seselj, ces paramilitaires portaient une espèce de bandeau
3 autour de la tête. C'était un bandeau blanc et ils étaient réputés pour
4 leur brutalité et pour les actes de pillage de biens matériels. Nous
5 pouvons dire carrément qu'elles étaient à cet égard différentes des autres
6 formations.
7 Q. Est-ce que vous étiez au courant de la présence de forces venant de
8 Nis ? Nous sommes ici au paragraphe 35.
9 R. Oui. En ex-Yougoslavie, les unités spéciales de Nis étaient considérées
10 comme étant les forces de paracommandaux les plus réputées des forces
11 d'élites. Et elles se sont trouvées à Sarajevo en plusieurs endroits.
12 Q. Est-ce qu'il y a eu au courant du mois de mai, du pilonnage à
13 Sarajevo ? Est-ce qu'il y avait certains jours de ce mois de mai où les
14 pilonnages ont été particulièrement intensifs ? Nous sommes, ici, au
15 paragraphe 37.
16 R. Ça a été un pilonnage incessant, continu, mais ce fût vraiment l'enfer
17 au moment où Ratko Mladic est arrivé. Cet homme a organisé des opérations
18 de pilonnages les plus intensifs, le 14, le 27 et 28 mai ont été les
19 journées -- ainsi que le 29 aussi, ont été les journées les plus dures. Je
20 parle là de l'année 1992.
21 Q. Est-ce qu'au mois de mai, ce mois-là -- paragraphe 38 -- vous avez
22 participé à des réunions avec la FORPRONU ?
23 R. Nous voulions que l'armée quitte Sarajevo, quitte la Bosnie-Herzégovine
24 toute entière. Dans le cadre de la collaboration avec la FORPRONU, nous
25 avons eu des réunions régulières pour déterminer les conditions possibles
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1 du départ de l'armée.
2 Q. Les négociateurs du côté de la Bosnie, c'était vous-même, Abdic et
3 Doko ?
4 R. Oui. Doko, Fikret, Abdic, Pusina, ainsi que Siber.
5 Q. Et l'autre côté, qui avait-il ? Je veux dire du côté serbe, qui avait-
6 il ?
7 R. Mme Plavsic, le général Tolimir, le colonel Cadjo, il a toujours été
8 présent. Puis il est arrivé qu'il y ait aussi une permutation. Il y avait
9 un roulement avec des généraux qui venaient de Belgrade, tels que
10 Aksentijevic, Stojkovic et Boskovic, ainsi que d'autres officiers de grades
11 inférieurs.
12 Q. Est-ce que la JNA voulait emmener des armes au moment de partir et est-
13 ce que la JNA était autorisé à se faire ?
14 R. La JNA voulait effectivement emporter ses armes, mais nous nous y
15 sommes opposés. Apparemment pour sauver la face, pour sauver la face des
16 soldats serbes, il a fallu que ceux-ci puissent emmener leurs armes de
17 point, leurs armes légères. Mais au moment de l'évacuation, ils n'ont rien
18 emporté. Cependant auparavant, toutes les armes lourdes qui se trouvaient
19 dans les casernes avaient été mises hors de service.
20 Q. Intercalaire 18. Il s'agit d'un accord -- ou d'un des accords portant
21 sur le départ de commandement, d'unités et de différents organismes, des
22 garnisons de Sarajevo. On dit au paragraphe 1 -- on dit qu'on est d'accord
23 pour que la JNA remette ses munitions, les mines, les armes qui lui avaient
24 été confiées. Article 2, les quatre directeurs pour ce qui est du retrait
25 de ces forces, là on parle du retrait des commandements, des unités et tout
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1 ce qui reste après ceci appartiendra à la Défense territoriale. Donc, on
2 parle ici du matériel se trouvant dans les garnisons. Est-ce bien l'accord
3 qui a été conclu, Monsieur Kljuic ?
4 R. Oui. Mais jamais il n'a été appliqué.
5 Q. Vous avez dit que Pofalici était un point stratégique pour ce qui est
6 de la division de Sarajevo ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Si la ville avait été scindée tout autour de Pofalici, qu'est-ce que
9 ceci aurait eu comme retombé pour la vieille ville de Sarajevo ? Nous
10 sommes ici à l'examen du paragraphe 39.
11 R. Et bien, la vieille ville n'aurait pas survécu au siège alors que la
12 ville toute entière avait réussi à le faire pendant 34 mois. Peut-être que
13 la vieille ville aurait tenu 15 jours, 10 ou 15 jours, mais soit la
14 population aurait commencé à mourir de faim et de soif, soit les forces de
15 l'agresseur, supérieur numériquement, aurait pénétré et investi la ville.
16 Q. Avant d'en terminer de ce sujet, est-ce que nous pouvons faire une
17 digression et parler des conversations que vous avez généralement
18 interceptées ?
19 Monsieur Kljuic, est-ce qu'ici à La Haye, vous avez eu l'occasion d'écouter
20 un nombre assez conséquent de conversations interceptées, d'écoute
21 téléphonique ? Ceci afin, dans la mesure du possible, de reconnaître les
22 voix et des personnes et donc les personnes qui intervenaient dans ces
23 conversations ?
24 R. Oui.
25 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 2, de la pièce 503, ce n'est pas le
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1 projet de traduction qui avait été fourni hier, mais la version définitive,
2 signée par le témoin. Vous le verrez, Messieurs les Juges, à la dernière
3 page.
4 Q. On voit sur cette pièce que vous avez signée, que bon nombre de ces
5 conversations se déroulent entre Karadzic et Milosevic. Qu'est-ce qui vous
6 avez permis de reconnaître la voix des intervenants, vu ce que l'accusé a
7 dit ce matin ? Dans quelle mesure avez-vous pu reconnaître ces voix ?
8 R. D'abord je connais Karadzic ou je le connaissais à ce moment-là depuis
9 30 ans et, même avant d'entrer dans le monde de la politique, j'avais des
10 contacts avec lui. La voix de M. Milosevic est tout à fait reconnaissable.
11 Je l'avais entendu pendant des années à la radio et à la télévision. Je
12 puis donc m'exprimer avec certitude.
13 Q. Il y a d'autres noms qui apparaissent dans la colonne de gauche de
14 cette pièce. Parmi ces noms se trouve celui de Koljevic, celui de Jovic,
15 Branko Kostic, ainsi de suite. Est-ce que ce sont là des voix que vous avez
16 pu reconnaître parce que vous avez reconnu les locuteurs personnellement.
17 Vous les avez rencontrés ou vous avez entendu ces voix à la télévision. On
18 voit, par exemple, le nom de Seselj ou est-ce que quelque fois, c'est pour
19 l'une ou l'autre, ou l'une et l'autre des raisons que je viens d'avancer ?
20 R. Permettez-moi, tout d'abord, de dire que je n'ai pu reconnaître les
21 voix dont j'étais certain, Karadzic, Mandic, Koljevic, Milosevic, ce sont
22 des hommes dont j'ai reconnu la voix, celle de Josic, Biljana Plavsic aussi
23 car j'ai eu des contacts avec la plupart de ces gens. Il est facile de
24 reconnaître Kostic parce qu'il parle ékavien avec l'accent du Monténégro.
25 Q. Même pièce, on voit à droite des commentaires. Quelquefois, en guise de
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1 simple résumé de la teneur de la discussion, par exemple, au numéro 3, on
2 parle du fait que Milan Martic leur pose problèmes. Parfois, le commentaire
3 est plus étoffé et replace le contexte dans lequel il faut cette
4 transcription.
5 Est-ce que sont des commentaires que vous avez faits, Monsieur Kljuic ?
6 R. Oui.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, vous dites que ce témoin
8 a écouté ces conversations interceptées pour reconnaître les voix.
9 M. NICE : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors pourquoi avoir fait des
11 commentaires aussi circonstancié pour chacune des interventions ?
12 M. NICE : [interprétation] Pour vous porter assistance. Et parce que ceci
13 pourrait s'avérer intéressant. Mais, en tout cas, pour pouvoir replacer ces
14 écoutes dans le contexte, de cette façon si l'accusé ou qui que ce soit
15 d'autre veut poser des questions, ils sauront ce que ceci représente.
16 Le résumé nous révèle au paragraphe 13. Je ne sais pas s'il faudrait que
17 nous écoutions l'écoute qui se trouve au regard du numéro 35 de cette
18 liste. Ceci pourrait être fort utile à ce
19 stade-ci.
20 Voici ce que nous avons fait de ces écoutes téléphoniques. Nous avons fait
21 la même chose que ce que nous avions fait il y quelques semaines avec M.
22 Williams. Des pièces avaient été produites par son truchement. A droite de
23 ces tableaux, vous aviez ses commentaires. Et il nous semblait que c'était
24 là tout à fait utile de vous aider. Hier, je vous ai dit que nous allions
25 présenter ces pièces sous cette forme, mais, maintenant, nous avons un peu
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1 élagué de tout ce qui a été dit hier.
2 Conformément, à la pratique que nous avons adoptée s'agissant des écoutes
3 téléphoniques, est-ce que vous acceptez ces pièces comme étant produites p
4 Puisque le témoin est en mesure de reconnaître les voix entendues dans ces
5 écoutes téléphoniques ? Vous avez, bien sûr, la transcription dans un
6 classeur séparé. Vous l'avez reçue, Messieurs les Juges. Pourriez-vous
7 adopter cette démarche ?
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous pouvons le faire. Ces documents
9 peuvent recevoir une cote provisoire d'identification sans être pour autant
10 versés au dossier puisque les moyens de preuve, permettant la production de
11 ce témoin, n'ont pas encore été présentés.
12 Mais avant d'arriver à ce stade, je suis préoccupé par les commentaires et
13 la façon dont on peut les considérés. Je pense qu'ils ne sont pas
14 recevables sous cette forme.
15 M. NICE : [interprétation] De toute façon, une pièce est considérée
16 recevable d'abord à des fins d'identification. Donc provisoirement, ceci
17 vaut également pour l'intercalaire 2. A défaut, on peut garder les
18 commentaires dans ce tableau sans considérer que ces commentaires sont
19 reçus au dossier.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est sans doute la meilleure marche à
21 suivre et, si vous voulez vous appuyer sur un quelconque de ces
22 commentaires, il faut que vous appeliez le témoin qui peut le faire à la
23 barre.
24 M. NICE : [interprétation] Oui, oui. Mais j'essaie d'agir au plus vite, de
25 ne pas perdre de temps, puisque nous faisons ce qui est demandé de nous à
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1 savoir, que quelqu'un reconnaît les voix.
2 Je demanderais simplement qu'on entende l'écoute numéro 35. Je pense qu'il
3 est possible d'entendre ceci aussitôt, une fois que nous aurons localisé
4 cette écoute, et que nous aurons trouvé cette transcription dans le
5 classeur.
6 [Diffusion de cassette vidéo]
7 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Allô" ?
8 "Bonjour."
9 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas ce qui se passe. Nous ne recevons
10 pas l'interprétation de la cabine anglaise.
11 L'INTERPRÈTE : Le contenu de l'intercalaire 35 ne correspond pas du tout
12 avec ce que vous avez indiqué.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Effectivement. Apparemment, c'est une
14 conversation entre Abdic et Mladic. Est-ce cela ce que nous sommes sensés
15 entendre ?
16 M. NICE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Oui, effectivement,
17 ça devient Mladic, mais plus tard. Si on tourne la page, ce n'est pas
18 précisé en tant que tel au début. Je crois que c'est à la page 3, la
19 troisième sur 6 pages.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pourquoi est-ce que vous nous demandez
21 d'entendre cet extrait particulier ?
22 M. NICE : [interprétation] Et bien, ceci est en rapport direct avec ce que
23 vient de dire le témoin à propos du pilonnage de Sarajevo, et de ce qui a
24 changé au moment où Mladic est apparu.
25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que l'extrait qui vient d'être
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1 entendu avait trait à l'aéroport.
2 M. NICE : [interprétation] Il y a manifestement un petit problème technique
3 pour ce qui est de cet enregistrement.
4 Permettez-moi d'y revenir après la pause.
5 Si le monde était parfait, j'aimerais que vous entendiez quelques extraits
6 de plus ou qu'en étudiez les transcriptions, mais je prendrai une décision
7 après la pause. Je voudrais avancer maintenant le plus vite possible,
8 puisque j'ai déjà consacré 70 minutes à mon interrogatoire principal.
9 Examinons maintenant la page 11 du résumé, si vous le voulez bien. Nous
10 sommes au paragraphe 43.
11 Q. Au mois d'avril 1992, est-ce que la présidence a constitué une
12 délégation pour voir ce qui s'était passé à Bijeljina ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous y êtes allé en personne ou est-ce que d'autres vous ont
15 relaté ce qu'ils y avaient découvert ?
16 R. Non. Mais Jerko Doko, le ministre de la Défense, y est allé. Et c'est
17 lui qui m'a dit ce qu'il avait vécu sur place.
18 Q. Et quelle a été son expérience d'après ses dires ?
19 R. Tout d'abord, il faut placer Bijeljina dans le contexte général. Le
20 premier crime en Bosnie-Herzégovine a été commis, à Ravno dans ce village,
21 par les effectifs de la JNA. C'était un village croate. Cependant, ni le
22 public, ni le SDA n'a été suffisamment solidaire avec les pertes. Et la JNA
23 ne voulait pas permettre qu'il y ait une délégation de l'état qui mène une
24 enquête sur ce crime de Ravno. Mais au moment où il y a eu ces crimes à
25 Bijeljina, le SDA et l'opinion publique de Bosnie a été ébranlée, a été
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1 sous le coup, sous le choc. Une délégation où il y avait M. Abdic, Mme
2 Plavsic, des membres de la présidence et Jerko Doko, le ministre de la
3 Défense. Cette délégation a effectué une visite à Bijeljina et c'était
4 Arkan qui avait la situation en main. Il y a ces images bien connues où
5 vous voyez Arkan et Plavsic qui s'embrassent, qui se font l'accolade. Mais
6 ceci n'a pas eu de conséquences pour Abdic car nous avons constaté plus
7 tard qu'Abdic était un de leurs hommes, qu'il était leur homme de contact.
8 Les seules répercussions ont concerné le ministre de la Défense. C'était un
9 Croate.
10 Q. Savez-vous ce qu'il lui est arrivé, et ce que ces personnes ont été
11 forcées de faire sur place ?
12 R. Les hommes d'Arkan l'ont obligé à s'allonger. Les hommes qui
13 l'escortaient lui-même ont été désarmés alors qu'Abdic se déplaçait comme
14 de façon triomphale, en parlant de lui comme étant "Babo," et en disant :
15 "Jamais personne ne me fera mettre genoux en terre." Il était clair
16 qu'Abdic et Mme Plavsic ont reçu un traitement privilégié dans la région.
17 Cependant, à leur retour, ils ont rédigé un rapport et Mme Plavsic a dit
18 que des jeunes hommes, ces costauds, ce n'était pas des forces organisées,
19 dit paramilitaires, mais des hommes qui avaient échappé à tout contrôle que
20 ces hommes avaient tué certains Musulmans.
21 Q. Paragraphe 46. Avez-vous surveillé les déplacements de Abdic ainsi que
22 ses conversations téléphoniques au début de 1992 car vous aviez peur qu'il
23 ne prenne la fuite et qu'il ne quitte la présidence sans en avoir le droit
24 légalement ?
25 R. Oui.
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1 Q. La Bosnie a été reconnue internationalement le 6 avril 1992. Après
2 cette date, qu'a fait Abdic et ces actes, qu'on-t-il eu comme
3 répercussions, comme incidence sur la présidence ?
4 R. A l'époque, Abdic était le seul autorisé à se déplacer dans les
5 territoires où se trouvait les forces serbes et la JNA. Ceci veut dire
6 qu'il est allé à Velika Kladusa et qu'il pouvait en revenir. Cependant,
7 pour lui, la Bosnie-Herzégovine n'était pas encore un état indépendant.
8 Vous savez que l'histoire de la collaboration d'Abdic avec Belgrade et
9 Zagreb est une longue histoire. Cependant plus tard, au fil des événements,
10 vous pourrez le constater à l'examen des accords séparés auxquels il a
11 abouti.
12 Q. De toute façon, en tout état de cause, est-ce qu'il a quitté la
13 présidence en avril ? Ce qui veut dire que le quorum n'était pas atteint au
14 sein de la présidence ?
15 R. Effectivement. Un peu plus tard, au moment où nous avons --où nous
16 avons remplacé Koljevic et Plavsic, tout à fait légalement, et nous les
17 avons remplacé par les personnes qui les suivaient sur la liste électorale.
18 Cependant, Abdic a quitté Sarajevo peu de temps après et il travaillait
19 contre la présidence légitime du pays au cours de toute la période qui a
20 suivi.
21 M. NICE : [interprétation] Est-ce que je peux encore poser une question
22 avant la pause au cours de laquelle je ferai le point.
23 Q. Vous avez parlé à quelques reprises de cette séparation de Sarajevo qui
24 aurait été possible. Vous avez parlé du pilonnage aussi de la ville. Vous
25 étiez sur place. De ce fait, pensez-vous que ceci risquait d'avoir une
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1 influence quelconque sur le déplacement, les mouvements de population ?
2 Dans l'affirmative, de quelle façon est-ce que ceci aurait pu se
3 manifester ?
4 R. Ça avait été calculé comme opération pour bien des raisons. L'une de
5 celle-ci était que des citoyens devaient en fait subir le contre coup de
6 ces difficultés puisque la ville manquait de vivres, de médicaments.
7 Et puis les pertes furent énormes. Il arrivait certains jours que des
8 dizaines de personnes soient tuées, que des centaines de personnes soient
9 blessées.
10 Troisième raison, toutes les voies d'approvisionnement étaient bloquées. Il
11 était impossible, par conséquent, d'apporter aussi du matériel militaire,
12 de l'équipement.
13 Dernière raison, dans ces premiers moments de l'agression, il était alors
14 très important qu'ils parviennent à bloquer les forces de la Défense
15 territoriale, empêchant de ce fait, celle-ci de quitter Sarajevo et d'aller
16 porter assistance à des villes proches de Sarajevo. De cette façon, pour la
17 violence, par la brutalité, ils ont pris le contrôle par le pillage et puis
18 est arrivé le nettoyage ethnique.
19 Q. Vous parlez du fait que ces unités de la Défense territoriale ont été
20 bloquées et n'ont pas pu aller aider ces villes voisines. Si elles avaient
21 pu y parvenir à ces villes, est-ce qu'à votre avis, on aurait pu éviter le
22 nettoyage ethnique ?
23 R. S'ils avaient été en mesure de quitter la ville, ils auraient empêché
24 l'arrivée de la JNA et d'effectifs serbes dans beaucoup de petites villes.
25 Ils auraient ainsi pu protéger la population et empêcher le nettoyage
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1 ethnique.
2 Q. Et ce qui est du déplacement du mouvement de population à l'intérieur
3 même de Sarajevo, est-ce qu'il y aurait eu ces déplacements de population
4 suite à ces efforts déployées pour diviser la ville ou même s'en emparer ?
5 R. Tout d'abord, ils ont essayé de faire sortir des Serbes de Sarajevo.
6 Ensuite, pour faire suite à l'intervention d'observateurs internationaux,
7 il a été autorisé que les personnes âgées, les invalides, les femmes et les
8 enfants quittent la ville. Mais c'était là aussi un stratagème, une astuce
9 puisque leur manière de combattre a été tout à fait différente. Je pense
10 que les habitants de Sarajevo se seraient défendus de façon tout à fait
11 différente si les familles étaient restées en ville. Si les familles
12 étaient parties de la ville, ils auraient essayé de les suivre et de
13 quitter Sarajevo, aussi.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Deux choses, Monsieur Nice. La première
15 concerne ce classeur d'écoutes téléphoniques. Si vous voulez verser ces
16 pièces au dossier, il faut leur donner une cote provisoire.
17 M. NICE : [interprétation] Le numéro 2, c'est le document qui permet
18 d'identifier l'intercalaire 2 de la pièce 503, est la pièce qui permet de
19 reconnaître les locuteurs puisque c'est le document signé par le témoin et
20 vous avez les références des écoutes elles-mêmes. Est-ce que le classeur
21 peut faire partie de l'intercalaire 2 ?
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je m'interroge sur l'utilité de ces
23 documents. Vous avez déjà produit les documents permettant d'identifier les
24 voix. Il me semble que ce témoin n'est pas vraiment en mesure de produire
25 le reste du classeur.
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1 M. NICE : [interprétation] Non uniquement à des fins d'identification et
2 c'est ce régime qui s'applique déjà pour le moment à toutes les écoutes
3 téléphoniques.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous verrons ce qu'il faut faire en temps
5 utile.
6 Soyons plus pragmatique. Nous avons la déclaration préalable du témoin
7 1010. Elle m'a été fournie hier, mais elle n'est pas complète. J'ai besoin
8 d'une déclaration complète. Si vous voulez appelez ces gens à la barre,
9 nous devons avoir le temps d'examiner leur déclaration préalable, si vous
10 voulez les appeler la semaine prochaine, par exemple.
11 M. NICE : [interprétation] Je suis désolé des problèmes que nous avons
12 ainsi causés.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est une question de temps.
14 Maître Kay, vous êtes ici demain et aujourd'hui ?
15 M. KAY : [interprétation] Oui. Pour la question des écoutes téléphoniques,
16 vu ce qui vient d'être dit, je pense qu'on peut aller beaucoup plus loin de
17 ce qu'on a fait pour l'intercalaire 2 et le classeur ne fait pas vraiment
18 partie de la déposition de ce témoin.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Tout à fait. Si on essaie d'incorporer
20 ces pièces à l'intercalaire 2, ça va causer des problèmes interminables. Il
21 est peut-être préférable de demander au témoin d'écouter comme il l'a déjà
22 fait et il pourra dire : "Voilà, je reconnais ces voix," mais c'est à peu
23 près tout. On ne peut pas aller plus loin.
24 M. KAY : [interprétation] Tout à fait.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce témoin ne peut pas permettre de
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1 produire ces écoutes téléphoniques lui-même. Pourquoi ne pas laissez ceux-
2 ci au soin du témoin qui a fait ces écoutes ?
3 M. NICE : [interprétation] Pour assurer la continuité, je vais voir ce que
4 nous prévoyons pour les autres témoins. Il sera peut-être pas nécessaire de
5 demander à ce témoin de le faire.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il semble que celui qui a fait
7 l'enregistrement est la personne qui devrait produire ces pièces. Nous
8 avons des témoins de ce genre, n'est-ce pas, bientôt ?
9 M. NICE : [interprétation] Pas nécessairement, pas forcément.
10 Si quelqu'un entend quelque chose qu'il peut reconnaître, ça peut devenir
11 une pièce. De cette seule façon, un témoin peut produire une écoute en
12 disant : "Voilà, je l'ai écouté, c'est x et y qui parlent." Mais si nous
13 demandons la production de ces pièces par le biais d'un autre témoin, il
14 faudra avoir ces questions peut-être un peu détournées de la recevabilité.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et peut-être que l'accusé pourra
16 interroger, contre-interroger quelqu'un d'autre à ce propos. Il ne faudra
17 pas nécessairement que M. Kljuic revienne pour ce genre de chose.
18 Monsieur Kljuic, nous allons faire une pause de 20 minutes. Rappelez-vous
19 qu'au cours de cette pause vous n'êtes sensé parler à personne de votre
20 déposition tant que celle-ci n'est pas terminée, et parmi ces personnes,
21 sont comprises également les personnes représentants le bureau du
22 Procureur.
23 Veuillez vous lever.
24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 39.
25 --- L'audience est reprise à 11 heures 08.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
2 M. NICE : [interprétation] Je souhaite qu'on passe le plus rapidement
3 possible au contre-interrogatoire, donc le temps nous est compté. Je ne
4 vais pas demander à produire de documents supplémentaires, ceci afin de
5 gagner du temps. Et je ne vais pas demander à ce que l'on écoute
6 l'enregistrement qui soit n'était pas le bon, soit était incorrect.
7 Mais je souhaiterais parler rapidement de la pièce qui se trouve à
8 l'intercalaire 2 de la pièce à Conviction 503. Et je souhaiterais que vous
9 acceptiez le versement au dossier de cette pièce, ainsi que du commentaire.
10 La colonne des commentaires, représente les commentaires du témoin qui a
11 apposé sa signature pour la totalité du document. On n'y trouve divers
12 thèmes de nature générale, certaines ont trait à la reconnaissance de la
13 voix, mais lorsqu'il dit qu'il estime que c'est peut-être la voix de M.
14 Milosevic, mais qu'il n'est pas sûr à ce moment-là, on dit qu'il y a non
15 identification.
16 Il parle de lui même au point 1 et 7, où il dit que les déclarations sont
17 exactes ou pas. Il lui arrive parfois d'ajouter un commentaire de nature
18 générale. Si je devais lire la colonne de droite sur ces 7 pages, j'aurais
19 besoin de 25 à 30 minutes, mais je ne souhaite pas utiliser autant de
20 temps. Si en temps utile, cette écoute ainsi que d'autres sont versées au
21 dossier, il faudra entreprendre un exercice de grande envergure et ce
22 témoin est en mesure de nous faire des observations au sujet de ces écoutes
23 parce que ça concernent les personnes qu'il reconnaît, mais ça aussi -- ça
24 concerne également des sujets qu'il connaît très bien. En particulier, sur
25 ce qui concerne Sarajevo.
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1 Je souhaiterais donc demander à la Chambre d'accepter le versement au
2 dossier de ces commentaires. Il est possible que l'accusé ne souhaite pas y
3 revenir, mais qu'il souhaite y faire référence en présentant des écoutes de
4 son côté. En faisant référence à autre chose, s'il ne fait pas référence à
5 ces commentaires, ça dépendra si du fait qu'ils ont été -- n'ont pas été
6 faits de vive voix, n'ont pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire. Mais
7 de toute façon, ces commentaires seront disponibles.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit que c'était le Dr
9 Williams qui s'était livré à cela, ou ça avait un trait, une relation avec
10 le Dr Williams ?
11 M. NICE : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et les commentaires également ?
13 M. NICE : [interprétation] Oui, mais si je devais rentrer dans les détails,
14 donner lecture de l'ensemble de ces commentaires, ça nous prendrait une
15 demie heure à peu près. Et je préférais que l'on passe au contre-
16 interrogatoire.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Kay.
19 M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est un exercice
20 fort difficile, réaliser de cette manière, car nous avons des observations,
21 des commentaires faits par le témoin qui figurent ici dans ce document sous
22 forme de tableau. Commentaires portant sur des documents qu'il n'a pas
23 contribué à créer. L'authenticité de tous ces éléments n'a pas été établie
24 et ceci fait reposer une charge très importante sur l'accusé. Si on traite
25 de ces documents de cette manière, il suffit de regarder le détail de cette
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1 liste qui peut faire l'objet de contestation. Puisqu'il s'agit uniquement
2 de l'interprétation faite par ce témoin d'enregistrement qu'on lui a fait
3 entendre.
4 Pour le Dr Williams, il en allait bien différemment puisqu'on lui a fourni
5 des documents, et il avait participé au processus de création de ces
6 documents. Si bien qu'il a été en mesure de dire à quoi avaient rapport ces
7 documents ici présentés. Hors nous avons ici des commentaires au sujet de
8 conversations, dont on nous dit qu'elles ont eu lieu entre Radovan Karadzic
9 et l'accusé ainsi que d'autres personnes.
10 C'est peut-être quelque chose que l'accusé pourrait évoquer lui même
11 d'ailleurs parce que je crois qu'il y a également une autre liste que nous
12 avons. Mais je n'ai pas pu encore retrouver, mais qui était un projet de
13 liste, mais il n'apparaît pas clairement qui sont les interlocuteurs en
14 question.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous ne pouvons accepter cette manière de
17 procéder. Je vais vous expliquer pourquoi en quelques mots.
18 Actuellement, ces enregistrements n'ont pas encore été versés au dossier.
19 Il est possible que ces enregistrements soient versés au dossier plus tard,
20 mais il appartiendra aux Juges d'en décider. Le témoin est en droit comme
21 il l'a fait d'écouter ces enregistrements et d'identifier les voix qu'il
22 entend. Il s'agit de point de fait, il est tout à fait en droit de le
23 faire, et on peut le contre-interroger à ce sujet. Même s'il vaudrait mieux
24 s'il y a contestations que cet exercice soit conclu plus tard.
25 Cependant, des observations au sujet d'enregistrements que personne n'a
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1 entendus, dont on ne dispose pas de la transcription dans son intégralité,
2 des observations qui peuvent certes, porter sur des éléments connus par le
3 témoin, et d'ailleurs, il s'agit pour la plupart de ces observation,
4 d'observations qui ne sont peut-être pas admissibles, recevables. Donc, vu
5 la nature de toutes observations, de tous ces commentaires, nous ne sommes
6 pas prêts à les accepter.
7 Nous allons le versement au dossier du résumé du tableau qui nous indique
8 quelles sont les voix identifiées par le témoin. C'est la colonne de gauche
9 sur le tableau, mais, s'agissant de la colonne de droite, nous ne sommes
10 pas prêts à l'accepter. Il sera peut-être bon en temps utile, une fois que
11 les enregistrements auront été versés au dossier, si preuve est apportée de
12 leur authenticité, il sera peut-être approprié, à ce moment-là, que M.
13 Kljuic revienne afin de nous faire par de ses observations. Mais pour
14 l'instant, cela ne serait pas acceptable. Cela rendrait les choses
15 complètement incompréhensibles si l'on procède de la manière qui nous est
16 proposée.
17 Si bien qu'il faudra attendre que les enregistrements,
18 eux-mêmes, soient versés au dossier, donc pas d'acceptation du versement au
19 dossier de ces enregistrements, nous acceptons simplement ce que le témoin
20 a à nous dire au sujet des voix, des voix qu'il a reconnues. Mais nous
21 n'irons pas plus loin pour l'instant. Cela signifie que l'accusé n'aura pas
22 à le contre-interroger au sujet des enregistrements. Il ne sera pas en
23 mesure de le faire à ce stade, bien qu'il puisse bien entendu contre-
24 interroger le témoin au sujet de la reconnaissance de ces voix.
25 M. NICE : [interprétation] Je ne vais pas poser de questions dans ces
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1 conditions au témoin au sujet des enregistrements. Les transcriptions sont
2 disponibles dans l'autre classeur afin de placer les passages choisis dans
3 leur contexte.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais le mieux, c'est encore que nous vous
5 rendions ces classeurs.
6 M. NICE : [interprétation] Maintenant ou peut-être à la fin de l'audition
7 du témoin. On ne sait pas si l'accusé va y faire référence.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous allons attendre. Nous allons
9 les garder pour l'instant. Il y a des documents auxquels vous avez fait
10 référence. Vous avez dit que vous les avez laissé tomber.
11 M. NICE : [interprétation] Je vais parler, si vous le permettez, du
12 classeur à la fin du contre-interrogatoire.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien.
14 M. NICE : [interprétation] Au début, j'avais calculé que j'en aurais besoin
15 d'une heure un quart pour ce témoin. Et j'en ai terminé maintenant. Je n'ai
16 plus de questions à lui poser.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez entendu ce
18 qui vient d'être dit. Les enregistrements ne vont pas être versés au
19 dossier, les enregistrements de ces communications interceptées. Si bien
20 que les seuls éléments sur lesquels vous pouvez contre-interroger le
21 témoin, c'est ce qui concerne les voix. Vous pouvez contre-interroger le
22 témoin sur la question de savoir dans quelle mesure il peut reconnaître
23 votre voix.
24 Si, en temps utile, vous souhaitez contester le fait qu'il s'agit des voix
25 qui sont présentées, à ce moment-là, vous pouvez citer vos témoins et nous
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1 pourrons décider de notre position. Il est possible qu'à ce moment-là, M.
2 Kljuic doive revenir, mais, pour l'instant, vous n'avez à vous occuper de
3 ce classeur dont vous vous plaigniez précédemment, puisque on n'en n'a pas
4 parlé dans le cas de l'interrogatoire principal en dehors de la question
5 d'identification. Et de toute manière, vous aviez été notifié à l'avance de
6 cela. Si bien que vous devriez limiter votre contre-interrogatoire à une
7 durée d'une heure et vingt, comme l'Accusation. Je pense que ça suffira
8 pour vous. En tout cas, il faut que vous vous limitiez aux éléments qui ont
9 été évoqués par le témoin aujourd'hui.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, c'est à vous.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur May, je ne vois pas du
13 tout comment il me serait possible de contre-interroger ce témoin en une
14 heure vingt seulement. Deuxièmement, entendons-nous que cela est bien
15 impossible.
16 Deuxièmement, s'agissant des enregistrements audio, je veux vous réitérer
17 ma position et j'espère avoir déjà été clair à plusieurs reprises
18 auparavant. Tous ces enregistrements, je les conteste avant que moyennant
19 expertise, l'on ne vienne confirmer que ce sont là des conversations
20 authentique.
21 Ma voix a été enregistrée depuis 15 ans, à des milliers d'occasions : à la
22 radio, télévision, notes enregistrées sur magnétophone, et cetera. Donc, on
23 peut dire que je me suis entretenu avec le Dali Lama, si l'on veut. Mais si
24 vous parlez de la colonne de gauche et des identifications afférentes, par
25 conséquent, ce que je veux dire c'est que toute conversation doit faire
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1 l'objet d'une expertise pour confirmer qu'il s'agit d'une conversation à
2 moi.
3 Maintenant, pour ce qui est de ces identifications, je vais me servir du
4 document qui nous a été confié hier, par M. Nice -- hier, à la fin de nos
5 travaux. C'est le seul papier où -- ou le seul document où il y une colonne
6 qui dit "voix identifiée".
7 Et on dit en haut : "Version brouillon pour ce qui est des conversations
8 interceptées avec Stjepan Kljuic."
9 Et on dit : "ID/0524T."
10 Vous l'avez reçu en même temps que moi. Donc, hier après-midi, on dit :
11 "Speaker -- donc, intervenant 1, Karadzic."
12 Puis on dit : "Intervenant 2, Milosevic Slobodan."
13 Et il s'agit du 8 juillet.
14 Puis on dit : "Karadzic Radovan."
15 Il y a une autre personne, qui serait soit un expert militaire ou un homme
16 politique de Belgrade qui s'entretient au sujet de la situation globale.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous n'avons pas ce document. Le document
18 dont nous disposons, c'est celui qui a été versé au dossier. Et c'est un
19 document qui figure à l'intercalaire numéro 2 du nouveau classeur. C'est la
20 pièce à conviction 503. Voilà le document dont nous parlons. Je pense que
21 vous faites référence à un document qui est projet de texte, et un document
22 qui n'a pas été versé au dossier.
23 M. NICE : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice.
25 M. NICE : [interprétation] Il y a un certain nombre d'éléments qui ont été
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1 éliminés de ce projet de documents parce qu'il y avait un certain nombre
2 d'incertitude au sujet de certaines voix. Si bien que nous avons -- nous
3 n'avons pas inclus ces enregistrements-là dans le document.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le document sur lequel il convient de
5 vous concentrer, c'est celui qui figure dans le classeur. Nous vous avons
6 bien entendu, mais vous avez entendu notre décision. Nous n'allons pas
7 accepter le versement au dossier de ces écoutes de ce classeur.
8 Mais le témoin est tout à fait en droit de dire :
9 "J'ai entendu ces voix, je les reconnais. Voici les voix que je reconnais."
10 Mais c'est là que ça s'arrête.
11 Maintenant, si vous voulez avoir plus de temps pour le contre-
12 interrogatoire, il faut tout de suite commencer votre contre-interrogatoire
13 parce que si vous perdez du temps, cela ne sera pas possible. Vous avez
14 entendu que le témoin ne pourra pas être là demain, donc vous avez entendu
15 ce qui a été décidé, inutile de vous lancer dans de grands débats
16 maintenant.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne tiens pas à perdre mon temps, mais vous
18 dites vous-même que cette colonne avec "une voix identifiée", cela n'existe
19 pas à l'intercalaire 2, cette colonne. Or, dans cette colonne, je vous ai
20 donné citation du premier alinéa.
21 Le deuxième, on dit : "On ne sait pas qui parle à Karadzic", et on dit que
22 c'est moi et Karadzic.
23 Et puis on dit : "Je n'ai pas identifié l'autre, ce n'est pas Milosevic."
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne sais pas à quel document vous êtes
25 en train de faire référence puisqu'il n'y a rien de tel ? Est-ce que vous
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1 avez l'intercalaire numéro 2 ? Mais pourquoi ne pas vous reportez au
2 classeur et à l'intercalaire numéro 2 du dit classeur ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ces intercalaires, je les ai reçus ce
4 matin seulement, Monsieur May.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, examinez ce qui figure à
6 l'intercalaire numéro 2 parce que c'est ce document-là, qui a été versé au
7 dossier, qui est non pas le document qui vous a été remis hier. Voilà
8 l'essentiel ici si bien que ces inexactitudes -- ces incertitudes que vous
9 indiquez, et avec raison, ont été éliminées de la version définitive du
10 document.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Il apparaît avec évidence qu'il serait
12 superflu de perdre davantage de temps là-dessus, mais vous pouvez vous
13 pencher sur le document qu'on m'a confié hier. C'est ce qu'on m'a donné
14 avant la session -- l'audience d'aujourd'hui.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander à l'Huissier de trouver
16 le document, c'est le document -- de chercher le document. C'est un
17 document qui nous a été donné, mais qui maintenant a été supprimé.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. NICE : [interprétation] Est-ce que je peux donner une nouvelle
21 explication pour que la situation soit éclairée -- précisée. Le document,
22 qui vous a été remis hier, vous a été remis dans un but positif, pour vous
23 prévenir. Il a été remis sous deux formats et ensuite, maintenant, nous
24 utilisons la version définitive.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Ce document prête à confusion. Ça
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1 c'est indéniable. Il n'est pas étonnant que l'accusé aussi soit un peu
2 perdu puisqu'il y a description de l'autre personne qui semble être un
3 expert militaire, et cetera.
4 Et bien, Monsieur Milosevic, tout ce que je peux vous dire, c'est la chose
5 suivante : Je vais vous remettre ce document. Il est indiqué que c'est un
6 projet de document, mais il est vrai que c'est un document qui porte à
7 confusion -- qui prête à confusion. Le document sur lequel il convient de
8 se concentrer aujourd'hui c'est le document qui figure à l'intercalaire
9 numéro 2 et dans lequel ne figure aucune de ces assertions des plus vagues
10 que vous venez de nous mentionner.
11 Bien. Entamons maintenant le contre-interrogatoire.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
13 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :
14 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, vous avez longtemps été à la
15 direction de la vie politique de Bosnie-Herzégovine, vous avez en effet
16 occupé des fonctions éminentes tant au niveau de la vie politique que de
17 l'activité de parti ?
18 R. Oui.
19 Q. Vous avez été un membre de la présidence -- un membre de la présidence
20 du HDZ pour la Bosnie-Herzégovine, membre de la commission chargé de la
21 sécurité, -- membre de la -- et président de la commission chargé de
22 l'établissement des crimes de guerre perpétrés sur le territoire de la
23 Bosnie-Herzégovine, et cetera ?
24 R. Oui.
25 Q. Et probablement avez-vous eu d'autres fonctions ? Ces informations sous
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1 entendent -- ces fonctions sous entendaient un degré d'information très
2 élevé pour ce qui est de ces événements troublés et mouvementés ?
3 R. En tant de paix, c'était des informations précieuses, mais au moment
4 des tensions qui ont précédé le démantèlement de la Yougoslavie, il n'a
5 plus été possible de disposer de toutes les informations que vous
6 mentionnez.
7 Q. Bien, Monsieur Kljuic. Nous allons revenir ultérieurement
8 sur ce sujet.
9 Je crois constater -- ou pouvoir constater que vous avez été favorable à
10 une solution pacifique de l'après -- après le crise yougoslave que cela se
11 fasse de cette façon ou d'une autre façon ?
12 R. Oui, absolument.
13 Q. Veuillez me préciser, je vous prie, compte tenu du fait qu'à l'époque
14 vous aviez félicité l'Herzégovine de l'éventualité de se réunifier de façon
15 pacifique avec la Croatie. Avez-vous considéré que cela était une solution
16 pacifique ?
17 R. Je n'ai jamais félicité de la sorte l'Herzégovine pour ce qui était de
18 rejoindre les rangs où le territoire de la Croatie. J'étais plutôt
19 favorable à l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine et j'estimais que
20 l'Herzégovine ou toute partie d'Herzégovine devait faire partie
21 intégralement de la Bosnie-Herzégovine.
22 Q. J'ai ici un document qui porte une référence ERN, qui est le B012809890
23 [sic]. Je ne parle pas de vous, c'est la référence de la partie adverse.
24 On dit : "Sarajevo, le 22 janvier, le Parti socialiste SDP de Bosnie-
25 Herzégovine, qui a critiqué le membre de la présidence de la Bosnie-
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1 Herzégovine, le chef du HDZ pour la Bosnie-Herzégovine…"
2 Il s'agit du : "Le Parti démocratique socialiste de Bosnie-Herzégovine,
3 qui a en ce jour critiqué violemment le comportement du membre de la
4 présidence et représentant du HDZ en Bosnie-Herzégovine, M. Stjepan Kljuic,
5 qui a félicité l'Herzégovine au cas où elle réussirait à s'unifier
6 pacifiquement avec la Croatie. Le SDP considère que cela serait une
7 contribution au commerce des peuples et des territoires."
8 Et on dit que : "Kljuic a également dit que la Banovina devait constituer
9 les limites des intérêts Croates dans cette région et il aurait flirter
10 avec ceux qui voyaient déjà la Bosnie-Herzégovine divisée entre deux états
11 extérieurs ou deux états hégémoniques."
12 Alors, ensuite : "Ce sont là les opinions qu'on exprime."
13 Est-ce que vous vous souvenez de ces événements ?
14 R. Le SDP, ou plutôt le Parti communiste de l'époque, avait été très
15 critique à mon égard étant donné que j'ai été l'un des rares à ne pas avoir
16 été membre de ce parti, alors que j'étais membre de la direction de l'état.
17 Or, là il s'agit d'insinuations pur et simple. On disait aussi que j'allais
18 à Zagreb pour y récolter ou y prendre mes opinions. J'avais eu une
19 coopération avec Zagreb cela est exact, mais c'est précisément parce que
20 j'avais des opinions qui étaient les miennes. Ma carrière politique a pris
21 fin lorsque j'ai interrompu mes relations avec Zagreb. Or, leurs critiques
22 à eux ne se sont pas fondés sur un quelque document que ce soit où l'on
23 pourrait constater de façon exacte que cela a été prononcé par moi-même.
24 Cela avait été une campagne conduite par ce parti politique, parti
25 communiste, ou ex-parti communiste, qui avait visé à mettre tous ces partis
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1 là dans le même panier.
2 Et on sait bien que sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et au-delà
3 de celle-ci, j'étais un combattant conséquent en faveur d'une Bosnie-
4 Herzégovine souveraine et de l'égalité en droit de ces peuples
5 constitutifs. Il est bon nombre de documents officiels qui l'illustrent
6 bien entendu.
7 Q. Bien. Monsieur Kljuic, j'ai ici dans ces intercalaires qu'on m'a
8 communiqués auparavant encore, et on m'a donné un extrait d'une page et on
9 lit A088292.
10 Et on dit, en note de bas page 2, ce qui suit :
11 "Ceux qui ont considéré que la Bosnie-Herzégovine devait être partagée fin
12 1991 ont commencé à procéder à une intégration institutionnalisée de la
13 Bosnie-Herzégovine de la Croatie et ceux employés en faveur d'un apport
14 public de soutien à l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, et en secret
15 dans la clandestinité, on oeuvrait pour l'unifier à la Croatie."
16 Et on dit que : "A Sarajevo, bon nombre de personnes -- de personnalités
17 officielles gardaient la liberté de s'employer en faveur d'une Bosnie-
18 Herzégovine intégrale, mais n'y devait et oeuvrait dans la clandestinité en
19 faveur de ce que j'ai indiqué."
20 Et cela figure dans la conclusion de la réunion entre Franjo Tudjman et une
21 délégation du HDZ de la Bosnie-Herzégovine.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous interromps car je souhaiterais
23 que vous nous donniez le numéro de l'intercalaire. L'ACCUSÉ :
24 [interprétation] Il s'agit d'une communication en vertu de l'Article 68,
25 document en corrélation avec le témoin, Stjepan Kljuic.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Est-ce que l'Accusation peut
2 trouver de quel document il s'agit ?
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Enchaînons. On dit : "Cela est confirmé par le témoignage de Stjepan
5 Kljuic, qui en sa qualité de président du HDZ, avait pris part aux travaux
6 de cette réunion."
7 On vous cite, par la suite : "Le plan disait que formellement on devait se
8 déclarer favorable à une Bosnie-Herzégovine souveraine et en substance ou
9 en réalité, il s'agissait de faire tout à fait le contraire parce que l'on
10 ne souhaite pas du tout cette Bosnie-Herzégovine intégral."
11 Est-ce qu'une citation ?
12 R. Cette citation est peut-être authentique, mais cela ne me concerne en
13 aucune façon, moi-même.
14 Q. Exact.
15 R. Je crois que vous n'ignorez pas du tout que j'avais été véritablement
16 favorable à la souveraineté d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine et
17 c'est ce qui m'a, aux finales, conduit à une sécession avec la politique
18 que vous mentionnez et qui était celle des autres. Je suis devenu victime
19 d'une telle politique.
20 Q. Vous concernant, vous savez qu'en page 8, paragraphe 4 de votre
21 déclaration, vous avez dit dans votre déclaration que"
22 "Milosevic avait inventé une stratégie que la Mme Plavsic a acceptée et
23 épousée automatiquement."
24 Et on disait que : "Les gens de toutes les nationalités vivaient bien en
25 Yougoslavie et que c'était là notre patrie. Ceux qui voulaient
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1 l'indépendance étaient en train de détruire notre patrie."
2 Moi, j'avais été favorable à la Yougoslavie. Je crois que les choses sont
3 claires.
4 R. Je dois dire que, formellement parlant, vous avez été favorable à la
5 sauvegarde de la Yougoslavie, mais, pratiquement, vous avez été tout à fait
6 contre la Yougoslavie et ce que je puis dire à présent, c'est encore vous
7 avancer quelques détails. D'abord, vous avez détruit la constitution de
8 1974 qui avait été au service de fondement --
9 Q. Ecoutez, je ne vous pose pas de questions à ce sujet. Il y a beaucoup
10 de témoins qui ont parlé de la chose.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut lui permettre de répondre. Vous
12 lui posez une question. Vous pouvez lui demander, par exemple, ce qu'il
13 prenait quant à lui. C'est ce que vous lui avez demandé.
14 Monsieur Kljuic, allez-y. Mais laissez-le finir. Oui, Monsieur Kljuic, si
15 vous pouvez ajouter quelque chose, mais rapidement, s'il vous plaît.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai très bref. La tragédie à nous c'est
17 le fait que M. Milosevic était employé officiellement en faveur de la
18 Yougoslavie. Il a tout fait pour qu'elle n'existe plus parce qu'il avait
19 peu de possibilité de voir certaines républiques faire sécession à l'égard
20 de la Yougoslavie. Mais l'évolution de la situation, l'agression en l'égard
21 de la Slovénie et de la Croatie est l'instrumentalisation que l'on fait de
22 la JNA au fait que la population de la partie occidentale de la Yougoslavie
23 s'est prononcée de façon résolue, opposée à une Yougoslavie de cette
24 nature.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Bien, Monsieur Kljuic, allons de l'avant. Moi, j'ai donné citations de
2 vos propos à vous. Vous avez estimé que les positions des Serbes disaient
3 que tout le monde vivait bien en Yougoslavie, que c'était là notre patrie
4 et ceux, qui y voulaient l'indépendance, détruisaient cette patrie qui
5 était la nôtre. Et quand vous parlez de ces positions-là, de Serbes, vous
6 parlez de Serbie ?
7 R. Oui. Mais les choses ont changé lorsque vous avez repris le contrôle au
8 niveau des votes au sein de la présidence pour ce qui est des votes de la
9 Vojvodine et du Kosovo et Metohija. Et ensuite, vous avez imposé d'autres
10 systèmes. Par exemple, vous avez fait éruption dans le système financier et
11 aux finales, vous avez exercé une influence prédominante sur l'armée
12 populaire yougoslave qui, à ce moment-là, est devenue pour le moins commune
13 et pour le moins que l'on puisse dire, yougoslave. Et les événements ne
14 feront que le confirmer.
15 Q. Ecoutez, je ne vais pas me consacrer à ces questions marginales. Et
16 cette éruption dans le système financier --
17 R. Cinq milliards de dollar américain.
18 Q. Non. Cinq milliards de dinars qui ont été mis dans la circulation par
19 la Banque centrale pour racheter le blé de la récolte parce que la Banque
20 centrale ne pouvait pas imprimer des dollars, mais des dinars. C'était
21 encore à l'époque où il y avait la Yougoslavie.
22 R. Mais nous avons vécu ainsi.
23 Q. Mais c'était des fonds qui ont été destinés au rachat de la récolte de
24 blés de cette saison-là et non pas de dollars. Mais ne nous attardons pas
25 sur ces points-là.
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1 En sus des fonctions qui ont été les vôtres et dont nous avons parlé dans
2 le courant de 1991, vous avez été président du conseil chargé de la
3 sécurité au niveau de HDZ de Bosnie-Herzégovine, est-ce exact ou pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Serait-il exact de dire que ce conseil-là, en date du 18 et là j'ai ici
6 la date du 18 septembre, qui a changé de nom en 1991, pour devenir cellule
7 de Crise de Bosnie-Herzégovine ?
8 R. Oui.
9 Q. Serait-il exact de dire donc, c'est le mois de septembre ?
10 R. Oui.
11 Q. Le 18 septembre 1991, en sus de ces décisions de ce conseil qui
12 s'appelait ainsi encore à l'époque, il a été adopté certaines conclusions.
13 R. Entendons les.
14 Q. On dit que cette cellule de Crise, nouvellement créé, est tenue de
15 diriger tout le système de la défense et assurer les approvisionnements en
16 armes. Il est question donc du mois de septembre 1991, n'est-ce pas ?
17 R. C'est exact. Il s'agissait de veiller au système de défense mais je ne
18 pense pas qu'on ait publiquement dit qu'il s'agissait de veiller à
19 l'armement. Mais je précise que la population, de façon spontanée, avait
20 déjà commencé à s'armer compte tenu des expériences tirées de ce qui s'est
21 passé en Croatie.
22 Q. Ecoutez. Je vais placer ce document sur le rétroprojecteur et, si vous
23 n'y croyez pas, vous pouvez vous pencher sur les passages surlignés.
24 On dit notamment ce qui suit : "Veillez à ce qu'il y ait approvisionnement
25 en armes.", en grosses lettres.
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1 Et c'est signé : "Président de la cellule de Crise, Stjepan Kljuic; vice-
2 président, Mate Boban."
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Montrez le document au témoin.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] On dit en haut :
5 "Conseil de sécurité du HDZ de Bosnie-Herzégovine:", et il y a le papier
6 en-tête de ce HDZ -- ce Parti du HDZ.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Le document est imprimé sur un papier en-tête
8 du HDZ, mais cela a été fait par le service technique parce qu'il n'y a pas
9 ma signature et il n'y a pas la signature de Mate Boban. C'est la raison
10 pour laquelle, peut-être, les choses sont rédigées comme elles le sont. Je
11 ne dis pas qu'il n'y a pas eu, à l'époque, des tentatives de se procurer
12 des armes.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Mais vous venez de le nier. Et c'est ce qui est écrit en grosses
15 lettres : "approvisionnement en armes".
16 R. Non. Non. Jamais officiellement on aurait inscrit quelque chose de
17 cette nature. C'est un document sans signature. Un document original
18 devrait comporter une formulation -- des formulations autres, en raison de
19 l'opinion publique. Mais il n'y a point à douter qu'il était question
20 d'armements parce qu'on avait l'expérience déjà vécue.
21 Q. Mais vous contestez la véracité de ce document.
22 R. Non. Il ne s'agit pas d'un original. C'est un document technique parce
23 qu'il n'y a pas de signature, mais la teneur semble être véridique.
24 Q. Bon. Si cela semble être véridique, il n'est point nécessaire de
25 confirmer cela par des signatures.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.
2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je me propose de vous aider. C'est un
3 document qui vient du bureau du Procureur et il n'y a qu'une première page,
4 en effet, ce qui fait que peut-être le bureau du Procureur devrait nous
5 fournir une explication pour ce qui est des pages manquantes parce que l'on
6 nous a communiqué que la première page. Je regarde et nous n'avons pas les
7 autres.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Inutile pour l'instant.
9 Question suivante, s'il vous plaît.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Bien. Soit dit en passant, je suppose que vous allez confirmer le fait
12 qu'en date du 26 juillet de cette même année, donc ceci ce que vous faites
13 c'est au mois de septembre, mais il a été déjà adopté des décisions portant
14 sur l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, c'est bien cela, n'est-
15 ce pas ?
16 R. Oui. Des déclarations afférentes à l'indépendance.
17 Q. Oui. Déclarations d'indépendance en 1991 ? Bien.
18 Serait-il exact de dire qu'à l'époque où nous avons constaté que ce
19 document a été élaboré, donc le 18 septembre 1991, il n'a nulle part été
20 question de conflits. Il n'y a pas eu du tout de conflits en Bosnie-
21 Herzégovine. Il n'y a pas eu d'incidents. Il n'y a pas eu d'intervention de
22 la JNA, quelle que soit et rien analogue à ce que vous avez dit,
23 aujourd'hui, dans le courant de votre témoignage, donc avant le fait
24 d'avoir pris des décisions concernant l'armement à cette cellule de Crise.
25 R. Je dois dire que si non, si on attendait le conflit ça aurait été trop
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1 tard, parce que les citoyens et les responsables suivaient ce qui se
2 passait à l'époque. A l'époque en Bosnie-Herzégovine, il vient un nombre
3 considérable d'effectifs de la JNA. Ils sont des réservistes qui ont occupé
4 des régions toute entière et qui ont créé des incidents. Il n'est pas vrai
5 de dire qu'il n'y a pas eu d'incident. Prenez le comportement du Corps de
6 Podgorica en Herzégovine occidentale y compris Stolac, vous devez constater
7 que la population avait redouté cette armée.
8 La deuxième de raison, c'était la situation en Croatie.
9 Q. Mais, Monsieur Kljuic, est-ce qu'en Bosnie-Herzégovine à la date qui
10 est celle du document que nous venons de citer ici, y a-t-il eu des
11 incidents quelconque en Bosnie-Herzégovine ?
12 R. Il y a eu des petits incidents, des incidents mineurs, mais il ne s'est
13 pas passé ce qui se passera dans la deuxième moitié.
14 Q. Mais je parle moi -- est-ce qu'il y a eu des meurtres ? Est-ce qu'il y
15 a eu des passages à tabac ? Est-ce que qu'il y a eu des incidents de cette
16 nature en Bosnie-Herzégovine ?
17 R. Il y en a eu, je n'arrive pas à me souvenir de tous les détails. Il y
18 avait eu des petits incidents, mais ce qui nous préoccupait, c'était ce
19 regroupement des effectifs de la JNA en Bosnie-Herzégovine.
20 Q. Mais y avait-il une intervention de la JNA en Bosnie-Herzégovine ?
21 R. Pas encore, mais il y en aura une bientôt à Ravno.
22 Q. Il n'y en a pas eu, allons de l'avant. Est-il contesté le fait que vous
23 affirmez ce que vous dites dans votre deuxième déclaration page 3,
24 paragraphe 7.
25 Et je vous cite : "Il convient de se souvenir du fait qu'à l'époque la
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1 Bosnie n'était pas encore devenue indépendante et que la JNA avait
2 constitué les forces armées légales de la Yougoslavie, et la Bosnie en
3 faisait techniquement partie. La résistance armée n'avait pas constitué une
4 possibilité réaliste à l'époque."
5 C'est bien ce que vous avez déclaré ?
6 R. Monsieur Milosevic, pensez-vous qu'en notre qualité de citoyens de
7 Bosnie-Herzégovine, il fallait que nous subissions les comportements
8 illégaux de la JNA, des -- à l'époque, elle était déjà compromise,
9 profondément compromise parce qu'elle avait exercé des violences à l'égard
10 de la population musulmane et de la population croate ?
11 En octobre 1992, l'image devient tout à fait claire après les incidents de
12 Ravno. L'armée est devenue uni nationale, mono ethnique et c'est lorsque la
13 délégation de la JNA est venue à Sarajevo le 24 décembre et c'est la raison
14 pour laquelle la population avait eu des appréciations à l'égard -- des
15 appréhensions à l'égard de cette armée et c'est la raison pour laquelle les
16 populations avaient refusé d'envoyer les enfants -- ses enfants dans cette
17 armée.
18 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] On vous demande à tous deux de ralentir.
20 Il s'agit d'une demande qui vient des interprètes. Il convient également
21 que vous observiez une pause entre les questions et les réponses.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Etant donné que vous veniez de mentionner Ravno, je dirais qu'au point
24 3 de votre déclaration du 24 et 26 --
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, il faut remettre au témoin un
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1 exemplaire de ces deux déclarations.
2 Oui, Monsieur Milosevic, de quel passage s'agissait-il du point 3 de la
3 déclaration du 20 août ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, le point 3, c'est 20, 24 et 26 août de
5 l'an 2000, c'est la déclaration de M. Kljuic.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Vous dites là : "En juillet et octobre 1999, j'ai témoigné sur ordre de
8 Tribunal, en qualité de témoin de l'Accusation, à une audience publique au
9 procès de Dario Kordic. Dans le courant de mon témoignage, la Défense n'a
10 soulevé aucune question me concernant et au sujet des convois de la JNA en
11 Bosnie centrale et à Sarajevo en 1991, voir avec les réaction du
12 gouvernement l'attaque de la JNA sur Ravno. Le convoi de la JNA, à
13 proximité de Busovaca en 1991, doit être pris dans le contexte d'un
14 événement analogue comme quand par exemple le moment où 160 chars se sont
15 arrêtés entre le 7 et le 9 mai 1991, dans le village de Prolog à proximité
16 de Mostar".
17 Alors, dites-nous maintenant, Monsieur Kljuic, quelle est l'attaque sur
18 Ravno qui aurait été perpétrée par la JNA ? De quelle attaque parlez-vous
19 de façon générale ?
20 R. Le crime perpétré par la JNA, à l'encontre de Ravno, s'est passé en
21 automne 1991, et cela a été le premier incident de taille à avoir été créé
22 par la JNA en Bosnie-Herzégovine. En effet, Ravno c'est une localité, une
23 petite localité croate non loin de Trebinje, et cela se trouvait sur
24 l'itinéraire ferroviaire entre Mostar et Dubrovnik, et la JNA est entrée
25 dans Ravno et elle a tué une dizaine de vieillards et de femmes âgées. Nous
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1 avons mis sur pied une commission d'état de la Bosnie-Herzégovine dont a
2 fait partie d'un membre de la présidence, M. Ganic, un membre du
3 gouvernement,
4 M. Lasic, et quelques hauts gradés de la police qui étaient censés faire
5 une enquête un constat pour ce qui est de déterminer les événements de
6 Ravno.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que cela suffit pour l'instant.
8 Pouvez-vous nous donner la date Monsieur Kljuic, si vous vous en souvenez ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de la date exacte, j'ai
10 cela dans mes notes chez moi.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que c'était en octobre 1992 à peu
12 près.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas en 1992, en 1991.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci.
15 Oui, Monsieur Milosevic.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Etant donné que vous avez ces déclarations sous les yeux, Monsieur
18 Kljuic, je tiens à dire au point 4, vous parlez de convoi de la JNA en mai
19 et octobre 1991, et au point 5, vous tirez des conclusions et vous dites
20 que :
21 "A l'époque, Gojko Susak originaire de Croatie, s'était efforcé de susciter
22 des conflits de la JNA en Bosnie pour détourner la JNA de la Croatie, et
23 ménager à la Croatie le temps de se préparer à un conflit inévitable avec
24 la JNA et vous dites que la JNA avait déjà cherché des justificatifs, pour
25 ce qui est de recourir à la force contre des civils sur le territoire
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1 bosniaque."
2 C'est bien ce que vous dites ?
3 R. L'armée populaire yougoslave avait réalisé de façon organisée un
4 programme de conquête de territoire qui rentre dans le cadre de votre
5 opération à Ram.
6 Q. Ecoutez, Monsieur Kljuic, n'entrons pas dans tout ceci, l'opération Ram
7 n'existe pas. C'était un code pour passer en conversation codée, donc je ne
8 sais pas d'où vous sortez cette opération Ram, R-A-M, peut-être dans le --
9 quelconque courant de notre contre-interrogatoire par la suite, ils
10 viendront à nous, mais pas avec vous, parce que vous ne semblez pas en
11 savoir très long là-dessus.
12 R. Bien, je crois avoir entendu une conversation entre vous et Karadzic.
13 Q. Je ne sais pas si vous avez écouté moi-même, ce que je disais moi-même
14 ou est-ce que je disais à quelqu'un d'autre.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Simplifions, Messieurs les Juges, l'armée
16 était censée prendre ou s'emparer des positions à l'égard desquelles
17 Belgrade avait eu des aspirations territoriales.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Kljuic, vous savez très bien que Belgrade n'avait aucune
20 aspiration territoriale. Je vous l'ai d'ailleurs dit à vous-même, à
21 Izetbegovic aussi, lorsqu'à une réunion nous avons --
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien, l'accusé fait des allégations.
23 Il convient que vous ayez la possibilité de répondre, Monsieur le Témoin,
24 est-ce que lors d'une réunion, il vous a dit, une réunion où il avait
25 Izetbegovic, est-ce qu'il vous a dit à ce moment-là que Belgrade n'avait
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1 aucune prétention territoriale ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit, Messieurs les Juges, qu'en octobre
3 1998, à la session du comité central de la Ligue des communistes de
4 Yougoslavie, il avait fait cette déclaration-là, mais le 22 janvier 1991,
5 il a confirmé cette déclaration dans une conversation avec la délégation de
6 la Bosnie-Herzégovine, chose qui nous avait d'ailleurs rendu tous très
7 contents.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Continuons, maintenant, Monsieur Kljuic, avec ce que vous avez déclaré
10 au sujet de Susak qui était forcé de générer des conflits et vous vous
11 étiez efforcé de faire en sorte qu'il n'y en ait pas.
12 Et au point 6, vous dites qu'en octobre 1991, il y a encore un problème
13 avec un convoi. Zoran Maric, président de l'époque de la municipalité de
14 Busovaca, s'était entretenu avec vous au téléphone. Et vous lui auriez dit
15 que la JNA allait envoyer des troupes. Et que convenait-il de faire en ce
16 cas-là ? Et vous avez dit qu'il n'y ait pas blocage.
17 Est-ce que ces événements ne font que confirmer que la JNA n'est nulle part
18 entrée en conflit avec la population ? Lorsque la population des armées
19 s'interposait devant une colonne, vous alliez intervenir à plusieurs
20 reprises. Mais jamais, à ces occasions-là, la JNA n'a eu recours à la force
21 contre des personnes qui bloquaient son passage, alors qu'elle pouvait
22 passer en forçant le passage ?
23 R. C'est exact, mais la JNA se rendait sans justificatif aucun vers ses
24 régions avec des formations assez puissantes. Cela avait occasionné la
25 révolte des citoyens.
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1 Q. Ecoutez, n'entrons pas dans ces sujets-là. C'est une question qui
2 concerne la JNA. N'est-il pas évident que la JNA n'a pas recouru à la force
3 pour passer, alors que les citoyens lui bloquaient le passage ? Alors, à un
4 certain moment, ils ont négocié pendant trois jours pour qu'on les laisse
5 passer, pour qu'ils puissent se déplacer parce que c'était comme vous le
6 confirmez, la seule force armée légale de la Yougoslavie à l'époque. Ils se
7 déplaçaient sur leur propre territoire. Vrai ou faux ?
8 R. La question qui se pose, c'est de savoir si c'était à ce moment-là leur
9 territoire. Il faut que nous tirions au clair quel avait été le rôle de la
10 JNA à cette période. Il est vrai qu'il y avait sur le terrain des
11 structures moins importantes qui avaient pensé qu'elles pouvaient s'opposer
12 à l'armée populaire yougoslave. Personnellement, moi-même, et d'autres ne
13 voulions pas qu'il y ait des incidents. Mais lorsque les unités de l'armée
14 yougoslave se sont dirigées vers tous les points stratégiques pour qu'elles
15 se voient permises de nous occuper le moment venu, la population s'est
16 révoltée. Lorsque 166 chars se sont dirigés vers Kupres et la population,
17 de façon spontanée, avait stoppé ce déplacement, parce qu'elle avait
18 redouté ces chars-là.
19 Et mon souhait avait été celui de ne pas avoir d'incident parce qu'à ce
20 moment, à l'époque, il y a eu un moment où j'ai été arrêté et on m'a amené
21 vers une base aéroportée de Jasenica. Et on m'y a dit que la JNA devait
22 forcément pouvoir passer. Alors, j'ai dit mais comment voulez-vous passer,
23 il y a une population qui s'est interposée à ce passage ? Il y a eu par la
24 suite, des pourparlers pénibles. Ce qui fait qu'au bout de trois jours, on
25 a laissé passer ces chars et je suis très fier du fait d'avoir vu cet
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1 incident surmonté sans victimes, sans qu'il y ait de victimes.
2 Q. Mais en octobre 1995, là où vous vous êtes entretenu avec le dénommé
3 Maric, cela ne vient-il pas démentir ce que vous avez dit, à savoir, que la
4 JNA a commis des violences ? Alors, on négocie pendant trois jours le
5 passage de 166 chars qui ne veulent pas passer par la force. C'est clair.
6 Vous le dites vous-même dans votre déclaration. Il y a eu trois jours de
7 négociations.
8 R. Bien sûr, oui. Mais les citoyens -- la population n'avait pas confiance
9 en voyant ces chars. Ils savaient que c'était très stratégique qu'ils
10 s'installent sur les élévations au-dessus de Kupres.
11 Q. Bon. Je ne vais pas m'appesantir là-dessus et perdre du temps. Tout ce
12 que je voulais déterminer, c'était qu'ils n'avaient pas eu recours à la
13 force. Ils n'avaient pas eu recours à la force. Et vous, vous avez passé
14 trois jours en négociations, pour permettre à la JNA de passer dans un
15 climat de paix?
16 R. Oui. Et, Monsieur Milosevic, vous savez que l'armée a agi en dehors des
17 accords passés avec les autorités légales de Bosnie-Herzégovine, à
18 l'époque.
19 Q. Je ne sais rien de la sorte. Ils n'ont pas agi en dehors des accords
20 conclus avec les autorités légales là ou ailleurs car cette armée, comme
21 vous le dites, c'était la seule force armée légale à l'époque. Elle se
22 déplaçait --
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Je m'assure simplement que
24 vous faites une pause entre les questions et les réponses. D'autre part, il
25 semble qu'il y ait un petit problème pour ce qui est du compte rendu
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1 d'audience.
2 Apparemment, c'est simplement un problème au niveau des moniteurs, mais le
3 compte rendu d'audience continue à être enregistré.
4 Monsieur Milosevic, peut-être -- pourriez-vous simplement répété la
5 question et le témoin pourra y répondre :
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je poursuis.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur Kljuic, il faut vraiment que nous nous dépêchions, parce que
9 le temps qui m'est imparti, va bientôt s'écouler. Est-il incontesté que le
10 HDZ, le 19 août 1990, a organisé un meeting à Skenderija, à Sarajevo -- et
11 ceci en 1 août 1990 -- et que le président, Davor Perinovic, le président
12 du comité de Création de ce parti, s'est adressé aux personnes rassemblées
13 avec les mots
14 suivants :
15 "Les ennemis des Croates et des Musulmans ne sont jamais au repos, mais
16 notre message à eux, c'est que nous ne leur donnerons pas la Bosnie."
17 Les ennemis des Croates et des Musulmans, n'est-ce pas ?
18 R. Oui. Oui. Oui, c'était une convention du HDZ, et il faut bien se rendre
19 compte de l'atmosphère qui régnait pour la première fois. Au bout de 45
20 ans, on a joué l'hymne national croate, on a hissé le drapeau croate. Il y
21 avait beaucoup de gens qui étaient là et qui venaient de l'étranger aussi.
22 Le discours du président de ce comité de Création n'ait pas à tenir, à
23 prendre en compte parce que c'était un amateur de la chose politique du
24 moins, à cette époque. Et une fois que nous nous sommes défaits du joug du
25 régime communiste, les gens ont profité de cette liberté pour exprimer
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1 leurs émotions avec beaucoup plus d'énergie que l'on ne pouvait s'y
2 attendre.
3 Q. Mais est-il contesté qu'ils ont dit que les ennemis des Croates et des
4 Musulmans n'étaient jamais au repos. Il ne fait pas référence au SUP,
5 n'est-ce pas ? Et non seulement ça, mais il est manifeste qu'il les décrit
6 -- les définit comme un ennemi commun. Ceci c'était en août 1990 ?
7 R. Il ne faut prendre ces déclarations au pied de la lettre. Ne parlons
8 pas de ses origines, mais vous savez tout cela pertinemment, Monsieur
9 Milosevic.
10 Q. Mais, Monsieur Kljuic, il s'agissait là d'une convention du HDZ. Est-ce
11 que le message n'était pas très clair pour les Musulmans et pour les
12 Serbes ? Il y avait des parties qui étaient traitées comme un ennemi et
13 l'autre comme un ami, et ceci c'était en 1990. Il s'agissait d'un meeting
14 pour la Bosnie ?
15 R. Oui. C'était la première fois qu'on pouvait organiser une manifestation
16 de ce type en toute liberté. C'est pourquoi les émotions sont arrivées à la
17 surface de manière assez violente.
18 Q. Est-ce qu'on peut considérer que c'était anti-Serbe ?
19 R. Non.
20 Q. Donc déjà en 1990, les Serbes étaient définis comme un ennemi commun en
21 Bosnie-Herzégovine ?
22 R. Je ne dirais pas cela.
23 Q. Bien. Dans le cadre de votre interrogatoire principal, en page 5,
24 paragraphe 4 de votre déclaration, vous avez dit qu'il était manifeste que
25 la véritable intention du Parti démocratique serbe et des Serbes, vous
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1 entendez sans doute par là les Serbes de Serbie. Leur intention donc
2 c'était d'unifier la Serbie avez la Krajina serbe. Et là, vous parliez de
3 l'unification de la Krajina de Cazin Krajina et de la SAO de la Krajina ?
4 R. Oui. La SAO et la Krajina de Knin.
5 Q. La SAO de la Krajina, mais laquelle ?
6 R. Glamoc, Drvar.
7 Q. Donc vous nous parlez de la Krajina en Bosnie-Herzégovine ?
8 R. Oui.
9 Q. Et, Monsieur Kljuic, est-ce que vous vous souvenez que la position
10 officielle de la Serbie à l'époque était la suivante. C'était quelque chose
11 d'illégale qui ne tenait pas de bout, qui était inacceptable ?
12 R. Oui. Je me souviens que vous avez condamné cela, mais je ne sais pas si
13 vous l'avez fait en toute sincérité. Ils ont pris des mesures que l'on
14 n'attendait pas. C'était des amateurs.
15 Q. Est-ce que vous vous souvenez que c'était impossible à l'époque ?
16 R. [aucune interprétation]
17 Q. Donc vous dites que c'était une politique, mais vous saviez que ceci
18 entraînait une réaction négative, vous le dites vous-même que nous avons
19 condamné cette démarche.
20 R. Oui. Mais, Monsieur Milosevic, c'était prématuré, ça devait venir plus
21 tard.
22 Q. Ça c'est ce que vous pensez. C'est votre interprétation.
23 Page 5, paragraphe 5, vous dites qu'en juillet 1991, vous étiez à Zagreb.
24 Vous avez assisté à une réunion avec Tudjman. Il vous a proposé d'avoir des
25 pourparlers avec les dirigeants du Parti démocratique serbe ?
Page 24457
1 R. Oui.
2 Q. Et à votre retour à Sarajevo, vous avez appelé Karadzic et il vous a
3 dit qu'il attendait justement votre appel ?
4 R. Oui.
5 Q. Ensuite vous en arrivez avec la conclusion suivante. Vous dites que
6 Tudjman et moi, on était en contact téléphonique permanent, je reprends vos
7 propos. Et vous en arrivez à la conclusion que Tudjman m'avait dit la
8 chose, que moi ensuite je l'ai dit à Karadzic, j'ai dit que vous alliez
9 l'appeler.
10 R. C'est l'impression que j'ai eue au début mais après avoir lu l'ouvrage
11 de Sarinic où il parle des réunions qu'il a eues avec vous, j'ai appris que
12 vous étiez effectivement en contact.
13 Q. Ne parlons pas de l'ouvrage de Sarinic. Il va venir déposer au sujet de
14 son livre lui-même. Mais est-ce que le président Tudjman vous a donné des
15 indications, vous a fait des suggestions au sujet de cette réunion avec le
16 Parti serbe démocratique ?
17 R. Non.
18 Q. Mais est-ce qu'il n'aura pas été logique qu'il vous donne des
19 instructions, des orientations, si votre supposition au sujet de notre
20 accord commun s'était avérée ?
21 R. Non. Je vais vous dire pourquoi. Toute cette campagne à mon encontre
22 existait véritablement. Je gênais certaines personnes. Et l'objectif de
23 cette campagne c'était de me présenter comme quelqu'un qui avait été
24 acheté, soudoyé par les Musulmans. Comment se fait-il que je ne soutienne
25 aucune des positions des Serbes au parlement ?
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1 Q. Oui, justement. Puisque vous en parlez, je vous demande de vous
2 rapporter au compte rendu d'une réunion de travail qui a eu lieu au palais
3 présidentiel. Une réponse à la déposition de Mesic. Donc la totalité de la
4 transcription m'intéresse. Discussion le président dit, je cite : "En fait,
5 j'ai rencontré Milosevic 48 fois au sujet de la division de la Bosnie."
6 Page suivante, on peut lire la chose suivante, je cite : "Et plus tard, il
7 a reconnu que je l'avais rencontré sur son initiative. J'ai rencontré
8 Milosevic deux fois, une fois avec Alija Izetbegovic également. Et à Genève
9 ou ailleurs, nous avons décidé ensemble parce que toutes ces choses étaient
10 répétées -- on ne cessait de répéter qu'on était en train de diviser la
11 Bosnie lors de cette réunion. Or, ce que nous avons dit, c'est que nous
12 n'avions jamais parlé de la division de la Bosnie mais nous avons parlé à
13 Alija au cours du printemps 1992. La guerre en Croatie c'était interrompue
14 mais Alija voulait rester en Yougoslavie ou dans la Yougoslavie," et
15 cetera.
16 Si bien que je vous demande de vous référer à ce compte rendu. Tudjman
17 parle à ses collaborateurs. Il s'agit-là de notes sténographiques.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Un instant. Où voulez-vous en
19 venir. Le témoin n'était pas présent. Il s'agit là d'une réunion -- à
20 laquelle il n'a pas participée. Où voulez-vous en venir, Monsieur
21 Milosevic ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite contester les déclarations de M.
23 Kljuic qui ont été réitérées à plusieurs reprises, lorsqu'il nous a dit
24 qu'apparemment Tudjman et moi, nous étions en train de diviser la Bosnie
25 lors d'une réunion à Karadjordjevo. Tudjman l'a nié, l'a nié en compagnie
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1 de ses propres collaborateurs en 1997.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous avez des éléments de preuve, il
3 conviendrait que vous les produisiez à ce sujet. Le témoin a simplement dit
4 ce qu'il a vu et ce qu'il a entendu. Il a rapporté ce que lui avait dit
5 Tudjman. Il est possible que Tudjman ait tenu d'autres propos à l'intention
6 d'autres personnes, ça il faudra le déterminer. Le témoin ne peut pas vous
7 donner d'observations au sujet de ce qui s'est passé lors d'une autre
8 réunion.
9 Mais, Monsieur Kljuic, vous voulez ajouter quelque chose. Allez-y.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, très vite. Jamais, je
11 n'ai dit que le président Tudjman avait déclaré qu'il se trouvait à
12 Karadjordjevo avec M. Milosevic. J'ai dit qu'un jour, il m'avait dit tel et
13 tel chose au sujet de la Krajina de Cazin.
14 Deuxièmement, je n'ai pas dit que j'étais sûr que Milosevic et Tudjman
15 étaient constamment en contact. Mais j'ai dit que j'avais été surpris du
16 fait que Karadzic savait que j'allais l'appeler au téléphone, et étant
17 donné qu'il a dit qu'il attendait mon appel. Donc voilà la conclusion
18 logique à laquelle je suis arrivée.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Un instant. Je vous prie, de m'excuser de cette interruption. Si vous
21 souhaitez ajouter encore quelque chose d'important, mais je souhaiterais
22 attirer votre attention sur le paragraphe 10 de votre déclaration. Lorsque
23 vous déclarez qu'en mai 1992, ceci figure au paragraphe 10 de votre
24 déclaration : "En mai 1990, Boban a réuni -- a rencontré secrètement
25 Karadzic à Graz." Qu'est-ce que j'ai à voir avec une réunion entre Karadzic
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1 et Boban à Graz ?
2 R. Je n'ai jamais affirmé la chose. On en a parlé et Sarinic l'a confirmé
3 dans son ouvrage, mais ça c'est quelque chose qu'il conviendra d'aborder un
4 autre jour. Cependant, vous -- il est possible que vous ayez eu un rôle à
5 jouer dans la représentation des Serbes de Bosnie dans les pourparlers avec
6 les Croates. Il y avait M. Koljevic qui était avec Manolic, et cetera. Ils
7 ont parlé de Shakespeare au déjeuner. Et ceci avait lieu non seulement au
8 moment où avait commencé les hostilités en Bosnie, mais ce sont des
9 contacts qui se sont poursuivis pendant très longtemps au dépend de mon
10 propre peuple, du peuple serbe et au dépend de la Bosnie-Herzégovine.
11 Q. Et au dépend de toute la Yougoslavie, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
13 Q. Ensuite, vous nous dites que Tudjman vous a affirmé -- et je ne pense
14 pas d'ailleurs que vous puissiez vous souvenir de cela -- je ne pense pas
15 que vous inventiez la chose délibérément. Vous
16 dites : "Je lui ai donné la Krajina de Cazin et il vous a répondu c'est
17 comme si moi, je lui donnais la Sicile ou la Sardaigne." Et je suis
18 d'accord avec vous. Comment aurais-je pu lui donner la Krajina de Cazin ?
19 Vous ne vous souvenez pas de ce leitmotiv que selon lequel la Croatie
20 n'était pas -- pouvait perdurer du point de vue territorial, du fait sa
21 forme de croissant, qu'il convenait d'apporter un certain nombre de
22 modifications au territoire. Est-ce que ce n'était pas la position de
23 Zagreb ?
24 R. Je ne sais pas si c'était véritablement la position continue, mais il
25 est exact que dans la politique de la Croatie, on n'a pu trouver
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1 effectivement certains éléments que vous venez d'évoquer.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Kljuic, soyons précis au cas où
3 cela soit contesté. Ça c'est ce que l'accusé vous a dit quand il vous a
4 parlé de la Krajina de Cazin, c'est cela ? Si je vous ai bien compris, vous
5 en avez discuté avec lui.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non. J'ai dit que c'est Tudjman lui a dit.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Apparemment, c'est ce que m'aurait dit M.
8 Tudjman.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
10 Nous allons faire une pause de 20 minutes.
11 Veuillez vous lever.
12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.
13 --- L'audience est reprise à 12 heures 39.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, manifestement, nous ne
15 pourrons pas être saisi de la requête en application du 92 bis,
16 aujourd'hui. Nous essaierons de le faire demain. Mais puisque c'est vous
17 qui déposez la demande et qu'il s'agit de votre témoin, vous devez réserver
18 du temps pour ce faire. On essaiera de le faire au cours des débats de
19 demain matin.
20 M. NICE : [interprétation] Comme vous en déciderez. Je suppose aussi que le
21 contre-interrogatoire devra être poursuivi et est-ce que vous voulez le
22 terminer aujourd'hui, sous réserve d'autres impératifs ?
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez le reste de l'après-midi, 55
24 minutes et malheureusement, ceci va faire que les amis de la Chambre ne
25 pourront s'exprimer que brièvement.
Page 24462
1 Poursuivez.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, il m'est absolument impossible de
3 terminer le contre-interrogatoire de ce témoin en cinquante cinq minutes.
4 Tenez en compte, s'il vous plaît.
5 Sinon, dans l'intervalle, dans la pause on m'a rendu ce document comprenant
6 les conclusions que nous avons commentées, Monsieur Kljuic et moi, pour ce
7 qui est de l'achat d'armes. J'aimerais demander le versement de ce dossier.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous allons donner une cote.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce de la Défense
10 D163, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Poursuivez, Monsieur Milosevic.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Monsieur Kljuic, essayez de répondre brièvement pour gagner du temps.
14 Vous voyez, je dispose de très peu de temps.
15 R. Je ferai de mon mieux.
16 Q. Page 6, 5e paragraphe de votre déclaration, vous dites que la clé de
17 tous les problèmes qui ont commencé c'est la réunion prise le 19 décembre
18 1991, n'est-ce pas ? A la réunion du président ?
19 R. Oui.
20 Q. Et est-ce que ce n'était pas la communauté internationale qui avait
21 demandé que la Bosnie-Herzégovine mette un point final à cette demande
22 d'indépendance ?
23 R. Oui.
24 Q. Donc je suppose que vous aussi on vous a demandé d'exiger
25 l'indépendance ?
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1 R. Non. C'est ce qu'on voulait nous-même.
2 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire "nous," simplement les représentants de
3 deux peuples ?
4 R. L'écrasante majorité de la population comme le prouvait le référendum.
5 Q. Est-il vrai de dire que Plavsic et Koljevic n'étaient pas d'accord et
6 ont quitté la réunion ?
7 R. Oui.
8 Q. Et après ils n'ont pu participé aux réunions de la présidence ?
9 R. Oui. Mais ceci était anticonstitutionnel. Soit ils demandaient leur
10 démission ou ils restaient dans la présidence. Ils ont fait quelque chose
11 qui n'était pas constitutionnel car en vertu de la constitution, chaque
12 membre de la présidence devrait demander sa démission, c'est sur quoi il
13 est remplacé par celui qui lui succède sur la liste électorale.
14 Q. Fort bien. Donc ils n'ont pas demandé ou présenté leur démission et
15 vous dites à la page 7 que c'est Plavsic et Koljevic qui avaient pour tâche
16 d'arrêter, d'enrayer le fonctionnement des réunions de la présidence ?
17 R. Tout à fait exact.
18 Q. Les interprètes me demande de ralentir le débit.
19 Comment peut-on parler d'un siège lorsqu'ils ont paralysé leur position,
20 gelé leur position et qu'ils n'ont pas participé au niveau de la
21 présidence ? Comment auraient-ils pu bloquer ce travail ?
22 R. Officiellement, ils n'étaient pas en droit de le faire car nous
23 représentions la majorité. Mais nous voulions parvenir à un consensus pour
24 ce qui est de l'issu final. Donc, ils allaient se demander s'il était
25 possible de permettre la façon d'agir de représentants du peuple serbe.
Page 24464
1 Nous voulions qu'ils travaillent à la présidence.
2 Q. Donc, vous excluez ce principe généralement connu qui valait aussi pour
3 la Bosnie-Herzégovine selon lequel les décisions se font par consensus par
4 les représentant des trois groupes ethniques.
5 R. Je n'exclus pas ça. Mais si la Bosnie-Herzégovine avait reçu le même
6 traitement que le reste des républiques de la Yougoslavie, et si ceci avait
7 été offert comme solution à toutes les autres républiques, vous connaissiez
8 les travaux de la commission Badinter, à un moment donné, le Monténégro
9 avait accepté. Ça veut dire que ceci aurait représenté une violation des
10 intérêts des citoyens de cette république.
11 Q. C'est la raison pour laquelle vous poursuivez en disant que Krajisnik a
12 quitté la réunion de l'assemblée et vous poursuivez en disant que la
13 réunion a duré jusqu'à 3 heures 30 du matin.
14 R. Oui.
15 Q. Moi, je n'étais pas présent aux réunions de la présidence, ça été votre
16 cas. Est-ce que vous êtes en mesure de confirmer ou d'infirmer
17 l'information que j'ai selon laquelle vu que le temps passait, Krajisnik a
18 dit qu'il arrêtait les travaux de la réunion et que la réunion devait se
19 poursuivre le lendemain matin ?
20 R. Je ne sais si c'est ce qu'il a dit mais à l'évidence, les représentants
21 du SDS ne voulaient pas que la réunion se termine. Tout était limité, les
22 dates étaient posées. Et c'était des questions d'une importance capitale.
23 Le départ de ces deux personnes a fait qu'il y a eu obstruction à l'impact
24 de l'indépendance.
25 Q. Cette séance, ça durée jusqu'à l'aube pratiquement, de 13 heures
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1 jusqu'à 3 heures 30 le lendemain matin ?
2 R. Oui, sans pause, sans interruptions.
3 Q. Et est-ce que Krajisnik a dit qu'il discutait depuis déjà longtemps,
4 que le temps passait. Il ne semblait donc pas logique à ses yeux, d'arrêter
5 et de recommencer le lendemain matin ?
6 R. Oui. Mais c'est la réunion des cadres supérieurs qui a pris cette
7 décision. Il n'a pas promis de revenir. Pourquoi pas attendre encore
8 quelques heures. Mais manifestement, ils avaient d'autres plans.
9 Q. Un instant. Vous dites qu'il est apparut clairement par cette action
10 qu'ils n'étaient pas favorables à l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.
11 R. Tout à fait.
12 Q. Est-ce que vous n'avez pas dit vous-même que ces personnes vous
13 l'avaient dit vous-même sans aucune ambiguïté ? Alors pourquoi fallait-il
14 avoir cette chronologie des événements pour comprendre cela ? Ils n'étaient
15 pas en faveur de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.
16 R. C'est devenu apparent après une longue discussion.
17 Q. C'est eux-mêmes qui vous ont dit qu'ils ne voulaient pas
18 l'indépendance ?
19 R. Oui, mais est-ce que cela veut dire pour autant que nous tous, nous
20 devrions pas demander une Bosnie-Herzégovine indépendante et notre
21 position.
22 Q. Je ne sais pas quelle devrait être vos solutions de rechange. Tout ce
23 que je sais c'est que, jusqu'à ce moment-là, vous tous, vous y compris,
24 vous preniez comment dire un principe plus ethnique, une démarche plus
25 ethnique. Vous vouliez que les décisions se fassent par consensus, par les
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1 trois groupes ethniques ?
2 R. Bien sûr. Mais le cadre de cette indépendance pour la Bosnie-
3 Herzégovine, c'était normal si on compare la situation dans les autres
4 républiques.
5 Q. Fort bien. Page 8, 1er paragraphe, vous dites que la propagande est
6 fondamentale des Serbes de Bosnie. C'était qu'il fallait armer les
7 Musulmans et les Croates. Et que beaucoup de Mujahedin était prêt à venir
8 en Bosnie-Herzégovine pour attaquer les Serbes. C'est bien ce que vous avez
9 dit ?
10 R. Oui.
11 Q. Et n'est-ce pas ce qui s'est passé. Si ce n'est que non seulement, ils
12 ont attaqué les Serbes mais aussi les Croates, Monsieur Kljuic ?
13 R. Ce n'est pas tant que les Mujahedin, à l'époque se trouvaient déjà en
14 Bosnie-Herzégovine. Et je dois ajouter que l'armement des Croates comme des
15 Musulmans, c'était un jeu d'enfants par rapport à ce qu'avaient les Serbes.
16 Les Serbes et la JNA avec eux. Puisque la JNA a armé de façon systématique
17 les Serbes de Bosnie-Herzégovine.
18 Q. Fort bien. Nous avons fourni un document relatif à l'armement qui
19 remonte à la date du mois de septembre 1991, mais nous avons des documents
20 qui attestent du fait que, des Musulmans aient été eux aussi, armés en
21 1991. Ce qui veut dire que les trois partis ont acheté des armes ou en ont
22 fournies. Ce n'est pas contesté, n'est-ce pas ?
23 R. Oui. Mais dans une conversation avec Radic, au moment où il essaie
24 d'attiser les tensions, il disait que tout le monde s'armait en Bosnie. Et
25 il vous avait dit que ça n'allait pas les aider. Donc, vous à l'inverse de
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1 Karadzic, vous saviez que tous ces armements se faisaient. Et que ce
2 qu'avaient les Croates et les Musulmans, c'était des amateurs par rapport à
3 ce qu'avaient les Serbes et la JNA.
4 Q. Vous dites qu'il n'y avait pas de Mujahedin. Et bien, j'ai ici sous les
5 yeux, un document 010911941 [sic] c'est le numéro ERN. On a une liste d'
6 Mujahedin. C'est un document en anglais. Mujahedin emprisonné par le HVO.
7 Sont énumérés 11 hommes d'Algérie, Tunisie, Arabie Saoudite, Qatar, Turquie
8 et --
9 L'INTERPRÈTE : Aussi d'un autre pays que n'a pas saisi l'interprète.
10 R. C'est bien possible, mais bien plus tard.
11 Q. Mais c'était en avril 1993.
12 R. Donc, c'est à une date tout à fait différente de celle que nous
13 mentionnons maintenant. Alors, que votre propagande, elle parlait d'un
14 armement massif des Croates et des Musulmans.
15 Q. Est-ce qu'ils sont venus ces Mujahedin, du fait de la propagande serbe
16 ou pour d'autres raisons ?
17 R. Impossible de vous le dire. Je n'étais pas membre de la présidence. Et
18 j'ai cessé d'être dans la présidence, à partir du mois d'octobre 1992 ou
19 plutôt d'octobre 1992 à 1993. Or, c'est à ce
20 moment-là qu'intervient ceci.
21 Q. Moi, je parle d'avril 1993.
22 R. Précisément.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander le versement de ce document.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, parce que pour le moment il est
25 dénué de pertinence. Le témoin a déjà dit ce qui est à même de dire.
Page 24468
1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. La partie d'en face, M. Nice en occurrence, m'a donné la transcription
3 d'une conversation entre Abdul Aziz et Andrew Hogg, j'en ai la traduction
4 03019700. Hogg a posé une question. Pouvez-vous nous parler des soldats,
5 des Mujahedin qui sont venus ici dit-il. Il lui demande s'il y a des gens
6 qui sont déjà aguerris au combat. Il répond par l'affirmative s'agissant de
7 l'expérience au combat et dit la plupart sont d'Afghanistan, mais il y en a
8 d'autres pays également. Et pour certains, c'est la première fois qu'ils
9 font partie de la jihad, et ainsi de suite. Je ne vais pas m'appesantir sur
10 ce document.
11 Et puis, Aziz répond une fois de plus. Je vous cite sa
12 réponse :
13 "Les Mujahedin et les méthodes utilisées par la jihad, c'est celle de la
14 victoire ou de la mort pour l'Islam, la shadar [phon]. C'est comme ça qu'on
15 l'appelle. Donc, c'est soit la victoire ou la défaite. Shadar, ça veut dire
16 que nous sommes prêts à perdre la vie dans ce combat."
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais vous arrêter car vous disposez
18 d'un temps limité. Il y a aussi certaines bornes à ce que peut dire ce
19 témoin dans ses réponses s'agissant d'une écoute téléphonique concernant
20 deux autres intervenants.
21 Il a convenu avec vous du fait que plus tard, il y a peut-être eu présence
22 de Mujahedin. Mais il est inutile à mes yeux, d'aller lus loin et de
23 répéter la même chose sans arrêt. Laissez cela pour d'autres témoins que
24 vous pourrez appeler à la barre pour leur parler de la présence de ces
25 Mujahedin.
Page 24469
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il dit notamment qu'il sont nombreux.
2 Impossible d'en faire le décompte précis tellement ils sont nombreux venant
3 de plusieurs pays. C'est ce que dit notamment, cet Aziz. Il s'agit alors
4 d'un document qui m'a été communiqué par M. Nice. Je voudrais en demander
5 le versement.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Aucune raison pour ce faire maintenant.
7 Vous pouvez tout au plus demander au témoin ce qu'il sait à propos de la
8 présence des Mujahedin. Posez-lui une question générale. Mais il ne peut
9 pas vraiment déposer à propos de ce document.
10 M. NICE : [interprétation] S'agissant des écoutes téléphoniques, il y a
11 peut-être le même problème de l'authentification de ces documents qui se
12 pose. Nous avons simplement fourni ces documents.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas une écoute téléphonique, c'est un
15 entretien entre Andrew Hogg, un journaliste et Abdul Aziz. Peut-être M.
16 Kljuic, peut-il l'examiner, peut-être a-t-il vu cet entretien qui a dû être
17 publié quelque part.
18 R. Je ne suis pas au courant.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Mais savez-vous combien il y avait de milliers de Mujahedin en Bosnie-
21 Herzégovine ?
22 R. Les Mujahedin ont fait leur apparition en 1993. Ils ont infligé des
23 dégâts considérables, au processus d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.
24 Q. Parlons du moment où vous avez été président de la commission d'état,
25 pour juger les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine.
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous avez ici aux yeux de l'opinion publique générale, je
3 pense à l'opinion publique croate ou de Bosnie-Herzégovine, savez-vous dans
4 quelle circonstance, selon quelle modalité ces crimes ont été commis. Quels
5 sont les auteurs de ces crimes commis contre des Croates par exemple, en
6 Bosnie centrale ?
7 R. Je dois dire que j'étais président de cette commission, et que j'étais
8 une personnalité politique. Mais que sinon, dans cette commission vous
9 aviez des juristes de proue de l'époque. C'était une commission composée de
10 plusieurs personnalités d'appartenance ethnique différente, des jeunes
11 personnes qui s'y connaissaient bien en informatique. Et nous avons
12 travaillé selon une formule déterminée par Simon Weisenthal. Et cette
13 commission a travaillé avec beaucoup d'objectivité, de façon très assidue.
14 Et elle a essayé de consigner tous les délits ou les faits portés à notre
15 connaissance, à l'appui de documents divers tels qu'enregistrements vidéo,
16 de cassettes fournies par les victimes de ces événements.
17 Il y a eu deux inspections importantes menées par M. Mazowiecki et Cherif
18 Bassiouni, professeur de droit international de l'université d'Illinois à
19 Chicago. Ils sont venus voir le travail que nous faisions et nous ont
20 félicités pour notre objectivité, pour la façon professionnelle dont nous
21 travaillions, et aussi pour notre objectivité. Malheureusement, la durée à
22 l'activité de la présidence a été limitée, puisqu'il y a eu -- moi j'ai
23 travaillé que peu de temps. J'ai été relevé de mes fonctions en automne
24 plus exactement en octobre 1993. Et je l'ai appris par la radio locale. Et
25 après moi, ces représentants éminents de la communauté internationale se
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1 sont retirés, ont démissionné. Ce sont maintenant des jeunes qui
2 travaillent dans cette commission. Et malheureusement cette commission est
3 devenue très monolithique avec représentation d'un seul parti.
4 Q. Donc, vous n'êtes même pas à même de nous parler des crimes commis
5 contre les Croates ?
6 R. Non. Je ne peux pas parce que le conflit qui a sévi entre les Musulmans
7 et les Croates de Bosnie s'est intensifié en 1993. A ce moment-là, je ne
8 faisais plus partie de cette commission. Mais il est certain que cette
9 commission a des informations sur ces événements-là, aussi.
10 Q. Fort bien, Monsieur Kljuic. Connaissez-vous Stjepan Siber ?
11 R. Oui.
12 Q. Il était l'adjoint du commandant du corps ?
13 R. Enfin pas du corps, d'abord c'est à la Défense territoriale et après
14 c'est devenue l'armée de Bosnie-Herzégovine.
15 Q. L'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai une lettre qu'il a écrit qui a pour
16 titre "Apprécié au président de la présidence en personne et aux chefs
17 d'état-major de l'armée de Bosnie-Herzégovine", ce sont des destinataires.
18 Alors qu'il s'adresse de façon personnellement, il dit ceci : Le 8 juin, 35
19 Croates ont été exécutés dans le village de Bikos et quatre témoins ont été
20 blessés, mais sont toujours en vie. Puis il dit que le 22 juin, des membres
21 de la commission chargés de libération des détenus, ont appris que la
22 veille, à proximité du village de Mehurici, des Mujahedin avaient abattu
23 environ 50 civils au Mont Vlasic et que 34 Croates avaient été tués le 10
24 juin 1993. --
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quelle est la pertinence de tout ceci ?
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1 C'est ce que je vous demande s'agissant de l'acte d'accusation porté contre
2 vous. Quelle est la pertinence de tout ceci ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien --
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que c'est parce que ce sont des
5 Serbes qui sont responsables de ces crimes commis contre les Croates ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au contraire, c'est les Mujahedin qui en sont
7 responsables.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Les Mujahedin. Mais quelle est la
9 pertinence au regard de cet acte d'accusation-ci ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien cela est pertinent pour la vérité,
11 Monsieur May. Et moi, je vous ai déjà dit --
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est pas une réponse. Ce n'est pas
13 une réponse. Quelle est la pertinence au regard de l'acte d'accusation et
14 des événements qui sont mentionnés dans celui-ci ?
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je crois avoir déjà dit que cet acte
16 d'accusation était un acte faux, un acte d'accusation faux, et ceci abonde
17 dans le sens des allégations qui y sont faites. Alors comme cela ne semble
18 pas être pertinent, à vos yeux, je ne vais pas insister outre mesure. Je
19 crois avoir compris, partant des questions que vous aviez posées, vous
20 n'aviez pas compris ce que c'était que la Krajina de Cazin. C'est la partie
21 nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine qui est peuplée essentiellement par des
22 Musulmans. Il faudrait que vous le sachiez puisqu'il en a déjà été
23 question.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. N'est-ce pas, Monsieur Kljuic ?
Page 24473
1 R. Oui.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Cela a été expliqué. On nous a dit
3 que c'était Bihac. Continuez.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc, il s'agit du nord-ouest de la Bosnie-
5 Herzégovine, c'est une poche.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Serait-il exact de dire, Monsieur Kljuic, ou alors avez-vous eu
8 connaissance de ce qui suit, à savoir, les services de renseignements du
9 HVO se sont procurés des renseignements concernant l'existence de plusieurs
10 milliers de Mujahedin avec des renseignements précis à leur sujet, les
11 numéros de passeports et les pays dont ils sont originaires ? Et même ceux
12 qui se trouvaient en Bosnie-Herzégovine et même le département d'état
13 américain et les agences de renseignements ont traité de cette liste. Avez-
14 vous vu cette liste ?
15 R. Non. Je n'ai pas connaissance du fait que les services de sécurité de
16 Croatie avaient ce fichier, mais je pense qu'il convient de supposer que la
17 plupart de ces gens-là sont arrivés en Bosnie en passant par la Croatie.
18 Q. Fort bien. Mais la peur des Mujahedin n'était-elle pas seulement
19 réaliste, mais est-ce que les événements par la suite se sont avérés être
20 aller au-delà des appréhensions ?
21 R. Oui, absolument. L'arrivée des Mujahedin est venue détériorer le milieu
22 multiethnique de la Bosnie-Herzégovine et cela a été à l'origine de
23 l'existence à la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine et de ses
24 structures militaires.
25 Q. Bien. Dans vos déclarations, vous avez dit à plusieurs reprises que le
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1 HDZ de Bosnie-Herzégovine était un parti politique tout à fait indépendant
2 et qu'il avait pour sœur le HDZ de Croatie.
3 R. Alors que j'étais en Croatie, il en a été véritablement ainsi.
4 Q. Bien. Je voudrais seulement attirer votre attention sur ce fait-là.
5 Voilà de ce qu'en a dit le président de la République de Croatie, M.
6 Stjepan Mesic, quand il a témoigné ici à La Haye, dans une affaire
7 d'ailleurs :
8 "Sur le plan formel, je me dois de dire que pour la vérité que le HDZ en
9 Croatie était dissocié du HDZ de Bosnie-Herzégovine. Cela s'est fait pour
10 la forme mais en réalité toutes les décisions étaient prises à Zagreb, et
11 je pense qu'il n'y a aucun doute à cela. Je ne pense pas qu'il y ait eu des
12 questions qui se seraient posées au sujet de savoir si le HDZ en Bosnie-
13 Herzégovine aurait été un parti indépendant. Pour la forme, oui, mais en
14 réalité, non."
15 Maintenant de là, à savoir, si Mesic dit la vérité ou si c'est vous qui
16 dites la vérité.
17 R. Non. Je me dois de vous dire que j'ai été le premier homme, le premier
18 Croate à avoir formulé les intérêts de la population croate en Bosnie-
19 Herzégovine, suite à la chute du communisme. La substance de ma doctrine
20 avait été celle de dire que la Bosnie-Herzégovine devait être souveraine,
21 ce qui par la suite, devenir une Bosnie-Herzégovine indépendante. Et, dans
22 le cadre de cette Bosnie-Herzégovine, il s'agissait d'une égalité en droit
23 du peuple croate, ce qui, suite à bon nombre d'années monarchiques et
24 républicaines en Yougoslavie communiste, n'a pas été vrai.
25 Q. Donc, Mesic ne nous dit pas la vérité, Monsieur Kljuic. C'est très
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1 bien.
2 Je vois dans votre déclaration que vous étiez un grand adepte de cette
3 Bosnie-Herzégovine indépendante et unifiée.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il s'agit d'un commentaire quand vous
5 dites que Mesic ne disait pas la vérité. Ce n'est pas ce que le témoin a
6 dit. Il a simplement relaté les événements, à sa façon, et M. Mesic, quant
7 à lui, a fait de même. S'il y a une différence entre ces deux versions, et
8 bien il appartiendra à la Chambre de première instance de décider s'il
9 convient d'y accorder une quelconque importance.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, permettez-moi d'ajouter
11 que ce que M. Milosevic a dit concernant la déclaration de Mesic, c'est une
12 position qui est la sienne.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais bien sûr.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Mais moi, j'ai parlé de Mesic.
16 R. Mais moi, je parle de vos positions.
17 Q. Mais, j'ai cité Mesic.
18 R. Vous me demandez de faire une appréciation générale sur un fragment
19 extrait de son contexte.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne nous lançons pas dans une discussion,
21 Monsieur Milosevic. Merci de passer à un autre sujet.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Vous avez été donc fervent adepte de cette Bosnie-Herzégovine
24 indépendante et autonome ?
25 R. Oui.
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1 Q. Vous l'avez donc toujours affirmé ?
2 R. Oui.
3 Q. A l'occasion des entretiens des leaders yougoslaves pour ce qui est de
4 l'avenir de l'état fédéral, aux noms des Croates de Bosnie, vous aviez
5 demandé à Tudjman de se faire représentant de vos intérêts à vous aussi,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Il faut que je vous apporte des explications concernant le contexte.
8 Karadzic vous avait donné le droit de représenter au niveau fédéral les
9 intérêts des Serbes de Bosnie. Bien entendu, Zagreb avait demandé les mêmes
10 droits de ma part. Je ne les ai pas communiqué sous forme explicite ou de
11 documents, mais aux réunions, où il n'y avait pas de représentants des
12 Croates de Bosnie, cela était sous entendu.
13 Q. Donc vous ne faisiez pas confiance à Alija Izetbegovic, en sa qualité
14 de président de la présidence de Bosnie-Herzégovine ?
15 R. Sur les points où nous étions concernés avant les réunions et cela a
16 souvent été le cas, il était tenu de présenter que c'était là des positions
17 présentées par les Croates de Bosnie-Herzégovine.
18 Q. Bon. Mais n'est-il pas quelque peu étrange, Monsieur Kljuic, de voir
19 que vous vous étiez battu pour la Bosnie-Herzégovine indépendante et vous
20 ne faisiez toutefois pas confiance au président de la présidence de ce même
21 état ?
22 R. J'avais fait confiance à ce qui était convenu. Je n'ai jamais donné à
23 personne carte blanche pour négocier en mon nom et aux noms des Croates de
24 Bosnie, et pour parler en notre absence, sans que nous ayons connaissance
25 du sujet de la réunion.
Page 24477
1 Q. Bien. Vous m'avez suffisamment répondu à cette question. Vous en avez
2 dit suffisamment long. Maintenant, pour ce qui est de la réélection
3 d'Izetbegovic, vous dites que Karadzic a proposé, puisque Izetbegovic avait
4 déjà eu un mandat et qu'il était Musulman. Il faudrait que le suivant de --
5 à la présidence -- au poste de président à la présidence soit un Croate et
6 il avait proposé que vous soyez élu aux fonctions de président de la
7 présidence. N'était-il pas logique de voir se relever mutuellement des
8 représentants des trois peuples en présence à la tête de cette présidence
9 de Bosnie-Herzégovine ?
10 R. C'était logique mais la constitution permettait d'avoir un an de mandat
11 plus un an supplémentaire.
12 Q. Vous dites que Karadzic avait proposé cela parce que, une telle
13 solution lui aurait convenu. Parce qu'un Croate à cette fonction n'aurait
14 pas bénéficié du soutien de Zagreb. C'est bien ce que vous avez déclaré ?
15 R. Il n'aurait peut-être pas bénéficié du soutien de Zagreb, mais il
16 n'aurait pas pu exercer institutionnellement le pouvoir de la Bosnie-
17 Herzégovine.
18 Q. Pourquoi pas s'il était déjà élu président de la présidence. Est-ce que
19 cela devait forcément être réservé pour un représentant issu du rang des
20 Musulmans ?
21 R. Non, ce n'était pas forcément le cas dans une situation normale. S'il
22 n'y avait pas eu de guerre en Croatie, s'il n'y avait pas eu désintégration
23 de la Yougoslavie, s'il n'y avait pas eu instrumentalisation de l'armée
24 populaire Yougoslave qui avait déjà d'ores et déjà, occupé la Bosnie. La
25 rotation aurait pu se faire de façon tout à fait simple. Et ce un an avant
Page 24478
1 même la période accordée au maximum à l'intention de M. Izetbegovic.
2 Mais en cette situation, dans la situation telle qu'elle se présentait, je
3 pense que je ne pourrais que faire figure dans cette présidence sans avoir
4 l'autorité nécessaire. Peut-être aurais-je pu tenir des conférences de
5 presse à l'intention de journalistes étrangers. Mais je ne suis pas certain
6 d'avoir pu à avoir bénéficié d'un plein soutien pour ce qui est de la
7 défense de la Bosnie-Herzégovine.
8 Q. Mais qu'est-ce que vous nous expliquez maintenant, est-ce que cela
9 signifie que la Croatie officielle ne voyait pas d'un bon œil la Bosnie-
10 Herzégovine indépendante. Et en votre qualité de président, vous auriez dû
11 vous battre pour ce que vous aviez promis à vos électeurs; à savoir, cet
12 état de Bosnie-Herzégovine indépendant ?
13 R. La Croatie officielle modifiait de temps à autre les formes de son
14 intervention politique à l'égard ou vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine.
15 Mais dans mes entretiens, dans mes contacts, j'ai toujours parlé de la
16 nécessité d'avoir une Bosnie-Herzégovine indépendante. Et ceci même, à
17 l'occasion de rencontre où il y a eu manifestation ou expression d'opinions
18 contraires.
19 Q. Bien. Mais pensez-vous que les Serbes, étant donné que Karadzic au nom
20 de la partie serbe vous avait proposé, étant donné que l'ordre était venu
21 de mettre là un Croate et que vous aviez obtenu plus de votes que les deux
22 autres Croates qui avaient été élus à la présidence, n'aurait-il pas donc
23 été normal pour rester dans cette Bosnie-Herzégovine unifiée de s'en tenir
24 à cette proposition et de procéder à cette rotation pour faire montre de
25 légalité en droit des trois peuples en présence ?
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1 R. Non les motivations de Karadzic étaient tout à fait autres.
2 Q. Bon. Mais par la suite, Karadzic a été celui qui a signé avec les
3 représentants des Croates et à Alija Izetbegovic le plan de Cutileiro, qui
4 parlait d'une Bosnie-Herzégovine unifiée. Et la signature a été retirée
5 précisément par Izetbegovic. En est-il été ainsi ou pas ?
6 R. Je le sais par les journaux. Parce qu'à l'époque, j'étais gravement
7 malade et pendant les concertations à Lisbonne je me trouvais moi, à
8 l'hôpital de Sarajevo. J'étais en soins intensifs.
9 Q. Mais vous êtes au courant de l'événement. C'est la raison pour laquelle
10 j'évoque la question ?
11 R. Je suis au courant de l'événement. Et je sais qu'il y a eu retrait de
12 la signature qui a été expliquée par retrait de son accord, de son
13 approbation pour le partage de la Bosnie-Herzégovine.
14 Q. Très bien. Dans le même passage, dans lequel vous parlez de votre
15 élection suite aux propositions de Karadzic; vous dites avoir rejeté les
16 propositions de Karadzic, parce que vous saviez qu'il allait y avoir une
17 guerre. Comment cela se fait-il ?
18 R. Monsieur Milosevic, tout homme normal à l'époque, devait savoir
19 forcément que, vous et l'armée populaire Yougoslave, n'alliez pas renoncer
20 à la force, au recours à la force. Et nous étions constamment exposés pour
21 ne pas -- à des menaces de la part de la JNA. C'est dans ces circonstances
22 que l'on nous demandait de négocier.
23 Q. Donc, Monsieur Kljuic, vous vous êtes armés. Les Musulmans se sont
24 armés. Et pendant cinq mois entiers avant l'éclatement de la guerre, vous
25 saviez qu'il allait y avoir une guerre.
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1 R. Ecoutez je vous en prie, c'était tout à fait normal de s'attendre à
2 cela après ce qui s'était déjà passé en Slovénie, en tant qu'entrée en
3 matière et en Croatie, en sa qualité de tragédie de la plus grande des
4 envergures.
5 Q. Bien, Monsieur Kljuic. Je ne vais pas vous poser davantage de questions
6 à ce sujet. Parce qu'il apparaît avec évidence que le processus se déroule
7 et que ce processus nous conduit vers la guerre. Et que ce processus vient
8 précisément de la substance de ce qui avait occasionné la désintégration de
9 l'ex-Yougoslavie. Je pense que vous serez d'accord avec moi ?
10 R. Vous devez savoir que le 19 décembre 1991, la Croatie et la Slovénie se
11 trouvent pratiquement à l'extérieur de la Yougoslavie et qu'il y a des
12 troupes en quantité énorme en Bosnie-Herzégovine. Notre objectif à nous,
13 avait été de ne pas rester dans cette Yougoslavie croupion.
14 Pour ce qui est de la politique bosniaque, elle avait été la plus souple
15 des politiques en présence. Et vous n'ignorez pas qu'à un moment donné, il
16 y a eu une initiative entre Gligorov et Izetbegovic, visant à faire, à
17 mettre en œuvre une confédération yougoslave des plus souples.
18 Q. Bien. Mais ne vous souvenez-vous pas du fait que cette initiative
19 d'Izetbegovic et de Gligorov avait été présentée à l'occasion d'une réunion
20 des six présidents de la république, réunion qui s'est d'ailleurs tenue à
21 Sarajevo ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous souvenez-vous du fait que j'avais accepté cette proposition faite
24 par Izetbegovic et Gligorov à l'époque ?
25 R. Oui, mais les autres ne l'ont pas acceptée.
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1 Q. Mais quels sont ces autres. Izetbegovic et Gligorov proposent, la
2 Serbie accepte.
3 R. La Slovénie et la Croatie.
4 Q. La Croatie et la Slovénie, ont refusé, ont rejeté cette construction
5 souple ?
6 R. Oui, mais il faut connaître le contexte. Il y a eu beaucoup de dégâts
7 en Croatie, beaucoup de victimes. Et la population croate en Croatie dès
8 lors, ne voulait plus --
9 Q. Mais, attendez vous ne témoignez pas au sujet de la Croatie. Ne perdez
10 pas mon temps. N'est-il pas exact de dire qu'en page 4, de votre
11 déclaration, vous avez dit que la propagande disait que les Serbes ne
12 voulaient pas permettre qu'il leur arrive ce qui s'est passé pendant la
13 Deuxième guerre mondiale ?
14 R. Cela ne devait pas être forcément ma déclaration. C'était
15 quotidiennement à la radio, à la télévision, dans la presse.
16 Q. Bien, bien. Ce n'est pas contesté donc. Bien. Nous allons ralentir
17 comme on nous le demande de faire.
18 Qu'est-il arrivé aux Serbes pendant la Deuxième guerre mondiale au fait,
19 Monsieur Kljuic ?
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, non, non, je vous en prie, je
21 vous en prie. Question suivante, s'il vous plaît, nous n'allons pas aborder
22 ce sujet.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Monsieur Kljuic, dites-moi je vous prie, étant donné que vous nous avez
25 parlé des raisons pour lesquelles vous avez été en conflit avec les Serbes;
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1 dites-moi alors comment il y a eu conflit entre Musulmans et Croates.
2 Comment ce conflit a-t-il pris naissance ?
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une fois encore, je pense que cette
4 question-là ne nous intéresse pas, à moins qu'il n'y ait un point
5 particulier que vous souhaitiez mettre en évidence et qui vous concerne.
6 Mais je ne pense pas que cette question ait quoi que ce soit à voir avec
7 l'acte d'accusation vous concernant.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je pense qu'il y a énormément de
9 pertinence. Parce que le fait est que les forces croates et musulmanes
10 étaient reliées par une idée qui était celle de désintégrer la Yougoslavie.
11 Et par la suite, elles se sont confrontées les unes aux autres, parce
12 qu'elles ne pouvaient pas se mettre d'accord pour ce qui est de la
13 coordination de leurs intérêts respectifs.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas une personne suffisamment
15 compétente pour apporter une réponse à cette question, parce que je n'étais
16 déjà plus le leader des Croates en Bosnie-Herzégovine à ce moment-là.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Bien. Mais vous nous avez précisé que la JNA avait été la seule force
19 armée légalement reconnue et légale sur tout le territoire de la Bosnie-
20 Herzégovine en 1991 ?
21 R. Jusqu'à ce que la constitution --
22 Q. Mais elle était chez elle ?
23 R. Oui, pendant qu'elle se comportait de façon conforme à la constitution.
24 Q. Bien. Dites-moi alors, si officiellement les unités de l'armée croate
25 se battaient officiellement sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Non
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1 seulement en 1992, mais même plus tard en 1993 et en 1994. Est-ce exact ou
2 pas ?
3 R. Je n'ai pas d'information à ce sujet. Mais il est fort probable que des
4 unités étaient présentes. Mais je dois vous dire que c'était
5 essentiellement des unités composées de Croates, originaires de Bosnie-
6 Herzégovine, parce que les Croates des autres régions n'étaient pas très
7 portés sur la guerre en faveur de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.
8 Q. Ecoutez Monsieur Kljuic, j'ai ici une lettre, puisque je vous pose des
9 questions à ce sujet, une lettre que le président de la présidence de la
10 république, de la république de Bosnie-Herzégovine, M. Alija Izetbegovic et
11 il y a sa signature qui y est portée et qui est envoyée à Klaus Kinkel et à
12 Petar Kooijmans.
13 Il dit :
14 "Messieurs" et ainsi de suite.
15 Puis au troisième paragraphe, il dit :
16 "L'offensive musulmane est un terme qui n'est pas approprié car quoi que
17 dans l'armée de Bosnie-Herzégovine il y a une majorité de Musulmans, ce
18 n'est pas une armée musulmane, et ce n'est par conséquent, pas une
19 offensive musulmane. Et on dit, les villes croates, ce n'est pas un terme
20 approprié non plus, parce qu'il y a une majorité minimum de Croates et
21 notamment une population mixte. Mais ce sont des villes qui sont nettoyées
22 des Musulmans qui y résidaient. Et il précise que la Croatie a déjà six
23 brigades d'engager en Bosnie-Herzégovine, trois unités à affectation
24 spéciale, des chars, des hélicoptères et de l'artillerie, et les officiers
25 de l'armée croate occupent des fonctions de commandement au sein du HVO. Le
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1 commandant Ante Roso est le commandant du HVO en Bosnie-Herzégovine et il
2 se plaint."
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous interromps. Quelle est la date,
4 la date de cette lettre ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et justement, c'est précisément une chose que
6 je voulais vous demander à vous, Monsieur May, parce qu'ici il s'agit sans
7 aucun doute d'une lettre originale. Je reconnais la signature de Alija
8 Izetbegovic. Elle m'a été communiquée par M. Nice sous le 01284630 [sic],
9 mais de façon évidente, on l'a photocopié de manière à ce que cela ne porte
10 pas de date. Et cela vient de la partie adverse.
11 Et je voudrais que cela soit versé au dossier comme élément de preuve, et
12 tant au niveau des allégations qui y figurent mais aussi pour ce qui est de
13 déterminer pour quelle raison la partie adverse procède à des expurgations
14 du document aux fins de biffer les dates de ce dernier.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons procéder de la manière
16 suivante : En premier lieu, Monsieur Kljuic, avez-vous des informations
17 quelconque au sujet de ce qui vous a été lu par l'accusé ? Il s'agit d'une
18 lettre qui ne porte pas de date ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que la lettre doit être datée de
20 1993, époque à laquelle je n'étais plus à des fonctions politiques. Mais
21 s'agissant des relations entre les Croates et les Musulmans, -- appelez
22 Bosniens aujourd'hui -- doivent être vues dans le contexte de réunions
23 secrètes clandestines très nombreuses qu'ont tenu le président de la
24 république de Croatie, M. Franjo Tudjman et le président de la présidence
25 de Bosnie-Herzégovine, M. Alija Izetbegovic. Ce n'est que suite à l'examen
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1 de ces documents-là, qu'il serait possible de faire des appréciations au
2 niveau de la situation globale.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A la fin de la présentation des éléments
4 de preuve, nous nous pencherons sur ce document. Nous n'allons pas tout de
5 suite décider s'il convient de le verser au dossier ou pas. Nous entendrons
6 ensuite les arguments de l'Accusation.
7 M. NICE : [interprétation] Pouvons-nous jeter un coup d'œil sur ce
8 document ?
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Veuillez remettre le document à M.
10 Nice.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Dites-moi, je vous prie, Monsieur Kljuic -- ça se passe à l'époque que
13 vous étiez là-bas en 1992 -- qui est-ce qui a procédé aux premiers
14 pilonnages des villages serbes de la Posavina de Bosnie et par la suite au-
15 delà. Est-ce que c'était l'armée croate de l'autre côté de la Sava ?
16 R. Je n'en sais rien.
17 Q. Vous ne savez rien du tout concernant cet acte d'agression depuis
18 l'autre côté de la Sava ?
19 R. Ecoutez, je vous en prie, en 1992 ?
20 Q. Oui.
21 R. Ce que je sais c'est qu'en 1991, à partir du territoire de la Bosnie-
22 Herzégovine, où nous n'avions pas exercé le contrôle nous-même, il a été
23 ouvert le feu en direction de la République de Croatie.
24 Q. Mais est-il exact de dire ce que je viens de vous lire, à savoir, ce
25 qu'Izetbegovic a précisé dans sa lettre. Donc, que certaines villes de la
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1 Bosnie centrale ont déjà été ethniquement nettoyées par l'armée de la
2 République de Croatie ?
3 R. Cela n'est pas exact dans cette forme-là. Mais qu'il y ait eu nettoyage
4 ethnique du côté croate également, cela est incontestable.
5 Q. Mais serait-il exact de dire que les Mujahedin dont j'ai parlé tout à
6 l'heure et comme vous avez l'air d'en connaître très peu à ce sujet, n'est-
7 il pas exact de dire que l'armée du côté musulman avait procédé à un
8 nettoyage ethnique de la Bosnie centrale de ses citoyens croates ?
9 R. Il est exact de dire que les Mujahedin ont été utilisés uniquement
10 contre les effectifs croates.
11 Q. Bien. Je vous prie de nous dire si vous savez nous le dire -- tenez
12 penchez-vous sur ces deux documents-ci. Sarajevo le 29 mai 1992, ces deux
13 documents nous parlent de spécifications ou d'inventaires des besoins à
14 l'intention de la Bosnie-Herzégovine, préparés par Azim Karamehmedovic et
15 approuvés par Alija Izetbegovic, avec sa signature à l'appui. Il y est
16 question de deux millions de cartouches, je ne sais combien de fusils, et
17 cetera, et cetera. Il y a là tout un inventaire avec des positions bien
18 précises. Il s'agit notamment du mois de mai 1992.
19 Sont cela -- je voudrais avoir votre opinion : Des documents authentiques
20 ou on demande ce que l'on ne demande pour, en passant par la Slovénie.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Montrez les documents au témoin.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Alija Izetbegovic demande donc des approvisionnements en provenance de
24 la Slovénie. La lettre porte également sur Jansa [phon].
25 R. Cela n'a rien de contre nature. Mais vous n'allez pas tout de même pas
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1 penser que nous allions à attendre d'être exterminé par la JNA et ne pas
2 chercher une issue.
3 Q. Donc cela est donc exact ?
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Cessez de l'interrompre. Quand vous lui
5 présentez ces allégations extrêmement graves, il faut lui laisser la
6 possibilité de répondre.
7 Allez-y, Monsieur Kljuic.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, si j'avais eu l'occasion,
9 j'aurais pris des armes des mains du diable, lui-même, pour pouvoir me
10 défendre.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Très bien. Là, il est question lorsqu'il s'agit de Croates et de
13 Musulmans, il s'agit d'une défense. Mais entre -- pendant cette guerre,
14 entre les Croates et les Musulmans, qui se défendaient contre qui, est-ce
15 que vous vous défendiez enfin contre les Serbes ou est-ce que vous vous
16 défendiez des Musulmans ?
17 R. Si vous me posez des questions au sujet de ce qui a constitué le moment
18 le plus pénible de l'histoire de la Bosnie-Herzégovine, cette guerre entre
19 les Croates et les Musulmans a le plus profité à vos idées à vous. J'ai été
20 le plus heureux des hommes, le 18 mars 1994, date à laquelle un cessez-le-
21 feu a été négocié.
22 Q. Vous êtes en train de me répondre à côté de la question que je viens de
23 vous poser. En votre qualité de membre de la présidence, vous étiez au
24 courant de ces approvisionnements, et ainsi de suite ?
25 R. Je n'étais pas au courant parce que ça ne s'est passé au niveau de la
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1 présidence. Tout d'abord, je me dois de dire que c'était pas parce qu'Alija
2 Izetbegovic avait enfreint la constitution de la République de Bosnie-
3 Herzégovine et en termes pratiques, il gérait tant l'argent que l'armement.
4 Q. Bien, Monsieur Kljuic. Serait-il exact de dire que vous, de votre côté,
5 quand je dis vous, je pense à vous-même, vous parlez d'un extrémiste du HDZ
6 et vous avez nommé Mate Boban pour l'Herzégovine et Iko Stanic pour la
7 région de la Posavina pour ce qui est d'organiser tout le reste, ce qui
8 s'est ensuivi.
9 R. C'est normal. J'étais un leader un politique du HDZ. Je ne traitais pas
10 de ces questions pratiques et, étant donné que nous avions deux régions où
11 la population croate a été majoritaire, il est normal que Stanic soit
12 chargé de ces questions opérationnelles dans la Posavina et que Mate Boban
13 se charge de la même chose en Herzégovine.
14 Q. Mais est-ce que cela signifie, étant donné que cela s'est passé au
15 moment où l'armée de Bosnie-Herzégovine a déjà été créée ? Donc, est-ce que
16 pendant toute cette guerre en Bosnie-Herzégovine, il y a eu deux armées au
17 sein de cette même Bosnie-Herzégovine ? Et sentant l'armée de la partie
18 croate et de la partie musulmane.
19 R. Il y avait des forces armées de la Bosnie-Herzégovine. C'était
20 l'appellation officielle pour toutes les unités qui s'étaient opposées à
21 l'agression.
22 Q. Bon. Mais le HVO faisait-il partie de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
23 R. Il faisait partie des forces armées, et les forces armées c'était
24 toutes les unités de la Bosnie-Herzégovine, qui se défendaient, le HVO, HOS
25 et la Défense territoriale, qui se sont transformées en armée de Bosnie-
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1 Herzégovine.
2 Q. Et alors que le HVO a eu des conflits lorsqu'il a défendu les cités
3 croates contre les attaques des Musulmans, il faisait partie de l'armée de
4 Bosnie-Herzégovine également, n'est-ce pas ?
5 R. Formellement, oui, mais il y a eu conflit.
6 Q. Un conflit donc au sein d'une armée, si je vous entends bien, un
7 conflit qui s'est déclenchée au sein d'une armée ?
8 R. On peut présenter les choses de cette manière, mais il y a eu des
9 relations différentes. Suivant les époques en 1995, par exemple, ils ont de
10 nouveau unis tous leurs efforts.
11 Q. Oui. Mais ceci sous la pression de l'extérieur -- sous l'effet d'une
12 pression extérieure.
13 R. Mais je n'en sais rien. Je n'étais ni à Londres, ni à Dayton, ni à
14 Genève. Vous ne m'y avez jamais vu. Moi j'étais pour l'intégrité de la
15 Bosnie-Herzégovine. Je m'opposais donc à beaucoup de personnes, si bien
16 qu'on m'a éliminé de l'équipe des négociateurs.
17 Q. Fort bien. Veuillez maintenant me dire la chose suivante : Est-ce que
18 vous, en tant que dirigeant des Croates de Bosnie, avez-vous fait quoi que
19 ce soit pour empêcher l'éruption du conflit ou est-il manifeste, est-il
20 clair que le conflit s'est déclenché du fait des pressions dues à
21 l'intégrisme musulman et aux crimes qui ont été commis à l'encontre des
22 Croates pendant cette période ?
23 R. Le conflit s'est déclaré sans mon accord. Bien, je n'avais pas de
24 fonctions officielles, mais j'ai fait tout ce que j'ai pu pour essayer
25 d'apaiser les tensions. Malheureusement, je n'ai pas vu mes efforts être
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1 couronnés de succès.
2 Q. Bien. Et vous affirmez qu'en tant de président du HDZ, vous avez été
3 mis à pied parce que vous n'étiez pas assez extrémiste s'agissant du destin
4 des Croates au sein de la Bosnie-Herzégovine.
5 R. Oui. On peut présenter les choses de cette manière effectivement.
6 Q. Ici, j'ai une déclaration que vous avez faite. En fait, c'est une
7 déclaration que vous avez faite à la presse. Numéro REN 01819856. C'est une
8 interview.
9 Et vous dites que :
10 "Izetbegovic ne vous avait pas informé en juillet 1991 que le SDA avait mis
11 en place un conseil chargé de la défense des Musulmans et ils affirment que
12 je me prononce en faveur de la division de la Bosnie."
13 Vous ajoutez que :
14 "Vous avez dû reconnaître la Herceg-Bosna pour que ceux qui défendaient la
15 Herceg-Bosna reconnaissent la Bosnie-Herzégovine de leur côté."
16 Est-ce bien exact, Monsieur Kljuic ?
17 R. Il faut que j'explicite ce que j'ai dit dans cette déclaration, une
18 déclaration fort concise, mais qui porte conséquence. Il est vrai,
19 effectivement, qu'Izetbegovic ne m'a pas informé qu'il avait mis en place
20 une sorte de conseil militaire. Une partie des dirigeants politiques
21 musulmans extrémistes ne cessaient de m'accuser de vouloir la division de
22 la Bosnie-Herzégovine alors que le 18 novembre 1991, sans mon accord, sans
23 mon autorisation et alors que j'étais absent, la Herceg-Bosna a été mis en
24 place pour faire contrepoids aux régions autonomes de la Krajina qui
25 avaient déjà été constitués à l'époque.
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1 Et les Croates -- tout simplement, les Croates -- surtout en Herzégovine où
2 ils étaient les plus forts, les Croates voulaient la même chose que les
3 Serbes, si bien qu'ils ont décidé d'appliquer la même formule pour parvenir
4 à cet objectif. Cependant, nous avons présenté cette organisation comme
5 étant dépourvue de toute aspect militaire. Il s'agissait d'une association
6 qui s'occupait de la vie de la population dans cette région.
7 Q. Je ne parle pas de ça. Je parle d'une organisation musulmane secrète
8 parce que, si l'on voit la transcription de votre déposition, on constate
9 que l'avocat -- je ne sais pas qui s'est, mais on voit dans ce rapport --
10 donc, au sujet de votre déposition que Nomauvski, un avocat, a parlé de
11 l'armement de la Bosnie-Herzégovine. Il a demandé -- je cite -- à Kljuic
12 s'il savait que, le 10 juin 1991, les Musulmans avaient mis en place un
13 conseil de la Défense musulmane. Et la réponse de Kljuic a été qu'il n'en
14 savait rien -- qu'il ne savait rien au sujet de la mise en place de cette
15 institution et l'avocat lui a présenté un document du SDA qui confirmait
16 ces propos. Ce document avait été signé par Hasan Cengic. Le conseil de la
17 Défense a noté qu'il s'agissait de la première organisation militaire
18 secrète sur le territoire de Bosnie-Herzégovine. Est-ce exact, Monsieur
19 Kljuic ?
20 R. Est-ce que je peux donner des explications au sujet de cela ? On m'a
21 interrompu et je voudrais parler de la manière dont nous avons connu la
22 Herceg-Bosna pour qu'eux ils reconnaissent la Bosnie-Herzégovine.
23 S'agissant de cette association, et bien à l'époque, elle n'avait aucun
24 caractère sécessionniste. Elle ne voulait pas la sécession, donc la
25 division de la Bosnie-Herzégovine, et moi, en tant que président. Et tout
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1 ceci, bien entendu, se faisait derrière mon dos.
2 Moi, en tant que président, j'ai dit la chose suivante :
3 "Si vous créez ceci au sein de la Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là, je
4 peux donner mon aval à la mise en place de cette organisation."
5 Et on m'a dit que tout se faisait au sein de la Bosnie-Herzégovine.
6 Maintenant, pour ce qui est du document qui est mentionné par M. Milosevic,
7 j'ignorais tout de cette organisation, vraiment, et je ne pense pas que
8 cela soit un crime de ma part.
9 Q. Bien. Bien entendu, ce n'est pas un péché, ce n'est pas un crime que
10 vous n'ayez pas su cela, Monsieur Kljuic. J'essaie simplement d'établir les
11 faits. Je ne cherche nullement de vous accuser de quoi que ce soit. Je ne
12 veux pas me lancer des accusations contre vous parce que vous ne saviez pas
13 telle ou telle chose.
14 Maintenant, sur la base des documents qui m'ont été communiqués, je vois
15 ici un extrait des notes sténographiques d'une réunion de la présidence de
16 la Bosnie-Herzégovine, Stjepan Kljuic, numéro 018243838, paragraphe 2. La
17 partie adverse ne se contente de nous donner des extraits de documents,
18 mais il est manifeste qu'il s'agit là d'un extrait des notes
19 sténographiques originales. On voit Stjepan Kljuic, paragraphe 2, où il dit
20 :
21 "Doko m'a dit --", et Doko c'est le ministre de la Défense ?
22 R. Oui.
23 Q. C'est un homme qui était à Bijeljina.
24 R. Oui.
25 Q. Vous dites :
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1 Je cite :
2 "Doko m'a parlé de ces conversations avec Arkan. Il ne reconnaît ni
3 Karadzic, ni Milosevic, mais dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine,
4 c'est-à-dire, dans la partie occidentale, vous avez Kupres, Tomislavgrad,
5 et cetera. Je crois que ces gens sont toujours subordonnés aux dirigeants
6 des partis."
7 Ensuite, vous continuez :
8 Vous dites que :
9 "Nous souhaitions le reconnaître ou pas, il faut que nous parlions à Arkan
10 parce qu'il a du pouvoir."
11 Il est donc manifeste que vous avez été informé du fait que la Serbie
12 n'avait absolument rien à voir avec ce qui se passait là-bas.
13 R. Et bien, j'accepterais de reconnaître cela si vous arriviez à me
14 convaincre qu'Arkan n'agissait pas sur vos ordres ou sur ordres d'une
15 formation militaire ou autre qui existait au sein de la Yougoslavie de
16 l'époque.
17 Q. Mais, vous-même, vous l'avez dit -- vous venez de le dire à l'instant
18 et dans cette même note sténographique, Plavsic intervient et demande qui
19 commande la Défense territoriale. Izetbegovic dit que c'est Vukosavljevic
20 qui commande la Défense territoriale et ensuite Ejub Ganic prend la parole
21 et puis ils ont eu les questions d'une carte de la fourniture d'arme, et
22 Vucurevic voit que tout est en Krajina. Il y a un quota d'arme qui n'a pas
23 été utilisé. L'idée de Nikola est une bonne idée -- Nikola Koljevic -- on
24 parle ici de Nikola Koljevic qui était lors de cette réunion -- a proposé
25 que les armes soient retirées de toutes -- de la possession de toutes les
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1 trois parties -- de la partie en présence, si certains se sont emparés des
2 armes de la Défense territoriale effectivement.
3 R. Et vous devez savoir que la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ont connu
4 un groupe malheur, le fait que les communistes aient accepté que les armes
5 de Défense territoriale soient remises à la JNA.
6 Et vous constaterez, que, si on regarde la situation en matière de sécurité
7 en Yougoslavie, il y avait une part les troupes officielles de la JNA et
8 les armes que les habitants s'étaient procurés d'eux-mêmes, d'autre part
9 pour les utiliser le moment venu et en premier lieu, si la Yougoslavie
10 devait faire l'objet d'une agression.
11 Cependant à part d'une décision de réorganisation de l'armée, on a décidé
12 que Sarajevo n'était plus une région militaire, le problème, c'est qu'il y
13 a un groupe nombre d'armes de la Défense territoriale qui ont été remises à
14 l'armée populaire Yougoslavie.
15 Et avec l'augmentation des tensions et la multiplication des incidents,
16 l'armée a profité de la situation pour distribuer, de manière tout à fait
17 sélective, une partie des armes de la Défense territoriale, donc
18 essentiellement aux Serbes. Il s'agissait de restituer ces armes, bien
19 entendu, ils n'ont rien fait de tel s'agissant de la partie croate et de la
20 partie musulmane. Et ceci a été un danger supplémentaire, un péril
21 supplémentaire pour la paix dans notre région.
22 Q. Fort bien, Monsieur Kljuic. Puisque vous nous dites que ces volontaires
23 de Serbie relevaient de quelqu'un, et vous-même vous dites ce que Doko vous
24 a dit, j'ai ici dans un classeur un document qui malheureusement ne porte
25 pas de numéro, c'est un document qui m'a été communiqué par la partie
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1 adverse. Il s'agit d'un document qui émane de la présidence du HDZ, pour la
2 cellule de Crise de la république, du 8 octobre 1991. Dans les conclusions,
3 point numéro 10, on voit :
4 "Dans les municipalités avec des volontaires, il convient d'établir des
5 listes de volontaires, de les fournir aux cellules de Crise de la
6 république, pour les envoyer dans les régions qui sont frappées par la
7 crise."
8 Donc vous organisez l'envoi de volontaires en Croatie, n'est-ce pas ?
9 R. Non, non, pas du tout. Il ne s'agissait pas là d'une question
10 politique, d'une question de base. Les volontaires de Bosnie-Herzégovine
11 sont allés en grand nombre en Croatie. Il était inutile de mobiliser qui
12 que ce soit.
13 Q. Mais est-ce que cela ne vaut pas également pour la Serbie ? Est-ce
14 qu'il est exact que ce n'était pas une décision politique, une décision du
15 gouvernement, des institutions, mais qu'il y a des gens qui se sont tout
16 simplement portés volontaires.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai ici un numéro -- les numéros 00577980
18 [sic], page suivante sur le document
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Ici il n'y a rien qui permet d'identifier cette page. Enfin on parle de
21 la responsabilité du supérieur hiérarchique, il s'agit d'un article qui
22 figure sur dans ce classeur vous en souviendrez indéniablement, la
23 présidence de la république de Bosnie-Herzégovine:
24 Je cite :
25 "Durakovic, Mirko Mijatovic [phon], Ivo Komsic, et Stjepan Kljuic ont signé
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1 une proclamation mettant en garde contre l'instrumentalisation de la
2 religion à des fins politiques, et contre l'islamisation de la l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine."
4 Avez-vous signé cette proclamation en même temps que les autres membres de
5 la présidence, pour protester contre l'islamisation de la Bosnie-
6 Herzégovine ? Est-ce que c'est bien exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Dans ces conditions, il est inutile que je m'appesantisse sur cette
9 question. Je souhaiterais simplement vous demander, Monsieur Kljuic, ce que
10 vous savez au sujet des camps en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire, sur le
11 territoire contrôlé par les Musulmans, et un territoire qui, à un moment
12 donné, a été contrôlé par vous-même et par les Musulmans ?
13 R. Si on parle des camps, je ne peux parler que Sarajevo. Il est arrivé
14 que l'on mobilise des gens par la force, ceci afin de faire des travaux
15 physiques, des travaux manuels; et d'autre part, il y a des groupes qui
16 illégalement ont procédé à l'arrestation de certains habitants. De telles
17 pratiques se sont poursuivies en particulier au cours de l'année 1993. Et
18 l'une des conditions que j'ai posée pour revenir au sein de la présidence
19 en octobre 1993, l'une des conditions donc c'était que tous les groupes
20 armés qui ne s'inscrivaient pas dans le système de l'armée soient arrêtés.
21 Q. Un instant, Monsieur Kljuic, moi c'est une autre question que je vous
22 pose ici, j'ai les notes sténographiques au sujet d'une réunion de la
23 présidence de Bosnie-Herzégovine à laquelle vous avez participé. Ceci n'a
24 pas été communiqué par la partie adverse. Je vais donc vous remettre ce
25 document afin que vous puissiez l'identifier, il est manifeste que vous
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1 étiez présent lors de cette réunion. Je ne souhaite contester aucun de vos
2 propos, il est manifeste que vous étiez là. Il s'agit d'un compte rendu
3 d'une transcription d'une réunion de la présidence qui a eu lieu le 26
4 avril 1994, et il est fait référence à l'arrestation d'un certain nombre de
5 personnes, à leur détention. Etant donné que le temps qui m'est imparti est
6 limité, je vais vous donner l'intégralité des notes sténographiques, ceci
7 afin d'être lu et que ce soit lu et versé au dossier parce que vous étiez
8 présent.
9 Alija Izetbegovic, le président dis-je :
10 Je cite :
11 "Je ne pense pas que ce soit leur faute."
12 Il parle là de gens qui ont été arrêtés illégalement : Pazaric, Konjic,
13 Tarcin, Hrasnica, tout ceci a été mentionné lors d'une réunion de la
14 présidence et il s'agissait de camp qui était entre les mains des autorités
15 de Bosnie-Herzégovine.
16 Et il déclare :
17 "Je ne suis pas sûr qu'ils soient coupables au sens juridique du terme.
18 Ceux de Tarcin, ils ont été maintenus pour faire contre poids de ce qui
19 s'était passé à Hadzici."
20 Et à Hadzici, il y avait une prison contrôlée par les Serbes, n'est-ce pas
21 ?
22 R. Oui.
23 Q. Donc, il s'agit en fait d'un camp de concentration ou d'un camp de
24 regroupement, donc c'est quelque chose de différent. Ils ne sont pas
25 coupables au sens légal, au sens -- c'est une mesure, c'est une réponse,
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1 c'est la réponse du berger à la bergère, comme on dit. Il n'est pas
2 possible de libérer ces gens. Est-il clair que lors d'une réunion de la
3 présidence, on a évoqué cette question, ce qui signifie qu'ils étaient au
4 courant. On parle de gens qui ont été détenus pendant une période pouvant
5 aller jusqu'à deux ans sans avoir pu être jugés. Le président dit :
6 Hrasnica, Konjic, Tarcin et autres endroits sont mentionnés et, si nous
7 libérons ces hommes eux, ils ne libéreront pas ceux de Kule. En fait, ces
8 gens agissent en dehors de la loi. Et il dit en fait c'est un camp de
9 concentration alors que c'était un centre de rassemblement. Est-ce que vous
10 avez donc ce qui a été débattu, même si ce n'était pas la question la plus
11 importante, puisque le premier point à l'ordre du jour c'était la
12 nomination des ambassadeurs ?
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous interromps un instant. Veuillez,
14 je vous prie, montrer au témoin un exemplaire de ces notes pour qu'il
15 puisse au moins les identifier.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'un enregistrement et d'une
17 transcription faite à partir d'un enregistrement, je conserve simplement la
18 dernière partie de cette note sténographique, je vous remets le reste.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaiterais en finir avec ce que je disais
20 avant d'être interrompu. J'ai posé une condition pour mon retour à la
21 présidence. J'ai dit qu'il fallait éliminé les troupes irrégulières qui
22 procédaient à l'arrestation d'un certain nombre d'habitants. Et je dois
23 vous dire que ça était fait effectivement. Et c'était la première fois dans
24 cette région que les autorités légales réagissaient aux activités de
25 certains groupes qui agissaient de manière illégale. Et même aujourd'hui,
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1 je ne pense pas que les mesures prises ont été suffisantes. Mais ce qu'on a
2 fait à Sarajevo à l'époque, a permis de restaurer la confiance dans --
3 parmi les citoyens s'agissant de leur sécurité.
4 Maintenant, si on regarde les notes sténographiques qui sont fournies par
5 M. Milosevic, ont voit qu'elles datent d'avril 1994.
6 A l'époque, il apparaissait déjà clairement et à moi en particulier, parce
7 que c'était une -- parce qu'il y a déjà plusieurs mois que j'avais de
8 nouveau retrouvé mon poste à la présidence. Et nous recevions des
9 informations de diverses intervenants sur l'existence de camps de prison.
10 Enfin, peu importe la désignation que l'on choisit, en tout cas, il y avait
11 ces informations au sujet de ces installations dans lesquelles des Serbes
12 étaient détenus. Et il ne s'agissait pas uniquement de soldats qui avaient
13 été faits prisonniers, il s'agissait d'habitants, de citoyens serbes. Il
14 est donc indéniable que moi-même et les membres de la présidence étions
15 opposés à cela.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que l'objectif est de nous
17 communiquer ces notes. Merci d'avoir clairement fait connaître votre
18 position.
19 Est-ce que vous avez encore des questions à poser au témoin, Monsieur
20 Milosevic ? Vous avez bénéficié de plus de temps; beaucoup plus de temps
21 d'ailleurs que prévu.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. J'entends bien et je comprends l'étendue
23 de votre générosité, Monsieur May. Mais vraiment, j'ai d'autres témoins --
24 j'ai bien d'autres questions à poser à ce témoin.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Kljuic, vous souvenez-vous que lors de cette même réunion, et
2 ceci figure dans la dernière partie des notes sténographiques que je
3 souhaite verser au dossier. On parle de Sefer Halilovic, de son grade.
4 D'abord, il a été à la tête de l'armée ensuite, il a été remplacé à cause
5 d'un conflit qui l'opposait à Izetbegovic. Ensuite, il y a des discussions
6 au sujet du grade qui doit lui être conféré. Est-ce que vous vous souvenez
7 qu'on a parlé également de cela lors de cette réunion ?
8 R. Il y avait un problème. On se demandait comment maintenir, comment
9 préserver la dignité de cet homme qui avait été remplacé, alors qu'il
10 occupait un poste de dirigeant. Mais ce n'était pas une question d'ordre
11 général. Il s'agissait des relations entre Halilovic et Izetbegovic.
12 Q. Je vais me contenter de lire un extrait des propos de Izetbegovic pour
13 que vous puissiez nous confirmer la teneur de ses propos étant donné que
14 lui aussi parle de ce qu'il appelle les arguments en faveur et contre cette
15 nomination. Il dit, je cite : "Cependant, à cause de cette première période
16 de temps pendant laquelle il a fait beaucoup pour l'armée, et en
17 particulier avant la guerre pour organiser l'armée. Moi, du moins, je le
18 connaissais au moins six mois avant la guerre, au moins depuis octobre. Je
19 sais que c'est un de ceux qui ont joué un des rôles les plus importants
20 pour organiser la résistance en 1991." Et que je pourrais confirmer. Il y
21 a, bien entendu, des fautes de frappe et des fautes de grammaire. Mais on
22 comprend bien de quoi il s'agit.
23 Il a travaillé au sein de l'armée jusqu'en mai 1993, et cetera, et cetera.
24 Si bien que Izetbegovic confirme que six mois avant le déclanchement de la
25 guerre, l'armée était en train d'être organisée. Et il en attribue tout le
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1 mérite ou une partie du mérite à Sefer Halilovic. C'est un argument pour
2 qu'on le fasse bénéficier d'un traitement de faveur, et cetera.
3 Ma question est la suivante : Est-ce que ceci ne montre pas clairement que
4 six mois avant le déclanchement de la guerre, on était en train d'organiser
5 l'armée musulmane en Bosnie-Herzégovine ?
6 R. Moi, je pense qu'il se vantait, il n'y avait pas d'armée, croyez-moi.
7 S'il y en avait eu une, à ce moment-là, on aurait mieux défendu Sarajevo.
8 Il y aurait eu moins de victimes. Vous savez comment sont les gens. Quand
9 on a dit qu'on reconnaîtrait les années de service au sein de l'armée, il y
10 a des gens qui se sont mis à affirmer qu'ils servaient de l'armée depuis
11 des années. Mais ceci ne vaut pas, si on compare les effectifs de notre
12 armée par rapport à l'armée de Yougoslavie.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci sera votre dernière question car,
14 nous devons lever l'audience avant 14 heures. Je vous demande de passer à
15 votre dernière question.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Vous avez parlé d'une lettre que Koljevic et Mme Plavsic, en tant que
18 membres de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, ont envoyée au
19 secrétariat fédéral à la Défense nationale. Lettre dans laquelle ils font
20 part de leur position, ils disent qu'il est absolument essentiel de
21 préserver la Yougoslavie.
22 R. Oui.
23 Q. Malheureusement, on ne m'a pas remis cette lettre. Si bien que je ne
24 peux en citer que les passages qui ont été cités par M. Nice quand il vous
25 a interrogé. Est-ce que vous connaissez cette lettre ?
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1 R. Oui. Elle a été publiée dans les journaux cette lettre. En fait, ce qui
2 cela revenait pour eux à faire pression sur le général Kadijevic afin que
3 l'armée agisse avec plus de détermination, parce qu'elle était soutenue par
4 tous ceux qui avaient la Yougoslavie à cœur, ce qui n'était pas vrai parce
5 qu'au moins, si on regarde les trois républiques occidentales, on peut dire
6 qu'il n'y avait pas uniquement là des citoyens pro Yougoslaves; sauf les
7 Serbes de Bosnie-Herzégovine qui considéraient que la Bosnie était à eux.
8 Q. Donc, vous estimez que les pro Yougoslaves n'étaient pas en faveur de
9 la JNA ?
10 R. Ce n'est pas ce que je dis, mais il y en avait de moins en moins. Il
11 faut bien se rendre compte du moment où tout ceci se passait. C'était à
12 l'époque où il est apparu clairement à tout le monde, que la Yougoslavie
13 telle que vous la dirigiez, la Yougoslavie ne pouvait pas être conservé.
14 Q. Après cette lettre, dont vous nous dites qu'elle a été écrite en
15 septembre, ce qui est sans doute exact, mais je ne dispose pas de cette
16 carte. Le 24 décembre 1991 donc, vous dites vous être rendu à une réunion
17 ou plutôt vous dites qu'ils sont allés à une réunion avec vous à Sarajevo.
18 Il s'agissait des dirigeants de l'armée, notamment. Et vous dites qu'on a
19 évoqué un certain nombre de problèmes avec les principaux dirigeants de la
20 présidence de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
21 R. On a évoqué deux questions : D'abord, à quoi ressemblerait la
22 Yougoslavie car la Slovénie et la Croatie n'avaient pas encore fait
23 sécession. Ceci s'est passé le 15 janvier 1992.
24 Deuxièmement, on a discuté pour savoir comment la Bosnie-Herzégovine en
25 tant qu'état indépendant, organiserait ces relations avec l'armée. Parce
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1 qu'il faut qu'à l'époque, nous étions prêts à accepter toutes les unités
2 qui, d'après l'organisation de l'armée, relevaient de la Bosnie-
3 Herzégovine. Nous étions simplement à l'idée que des détachements de
4 l'armée viennent d'autres parties de Bosnie-Herzégovine. Mais si on
5 regardait les troupes qui étaient stationnées en Bosnie-Herzégovine en
6 temps normal et bien, nous considérions et nous les acceptions comme
7 faisant partie de notre armée, comme constituant notre armée.
8 Q. Mais vous parlez des trois républiques occidentales. Vous vous
9 souviendrez, mais je n'ai pas le temps de trouver l'endroit exact, mais
10 vous vous souviendrez que dans votre déclaration, vous avez dit que ces
11 trois républiques occidentales ont pris la position suivante. On dit
12 qu'elles étaient lésées du point de vue économique dans l'ex-Yougoslavie.
13 R. C'est exact.
14 Q. Comment pouvez-vous affirmer cela pour la Bosnie-Herzégovine alors
15 qu'on sait pertinemment que la Bosnie-Herzégovine en tant que république
16 globalement était considérée comme une région sous-développée et de par ce
17 fait, a reçu la part du lion des fonds
18 consacrés à l'aide aux régions sous développées?
19 R. C'est exact. Une moitié de ces fonds était utilisé dans ce sens.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'était la dernière question. Ce sera
21 votre dernière réponse. Allez-y, Monsieur Kljuic.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut que je vous explique, Monsieur le
23 Président, qu'on se trouvait là dans un système socialiste, dans une
24 économie socialiste planifiée. La Bosnie-Herzégovine avait le plus
25 d'industries d'armements, d'industries militaires, une industrie qui ne
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1 réalisait pas à des exportations en tant que tel, mais par l'intermédiaire
2 du ministère de la Défense de Yougoslavie. On fabriquait des chars pour
3 vraiment pas chers et eux ils revendaient ceux-ci aux pays non alignés pour
4 beaucoup plus chers. Nous avions des ressources énergétiques, nous avions
5 du bois, et tous les prix qui nous étaient payés étaient minimes, étaient
6 limités à cause des relations internes qui existaient entre les différentes
7 composantes de la Yougoslavie.
8 On peut donc considérer à tous points de vue que déjà à l'époque la Bosnie-
9 Herzégovine aurait pu subsister indépendamment, mais, étant donné que le
10 prix des Bosniens, des produits de la Bosnie-Herzégovine étaient diminués
11 intentionnellement, délibérément, je pense, par exemple, aux produits, aux
12 équipements militaires, au charbon, au bois, aux produits énergétiques, et
13 cetera. De ce fait, la fédération yougoslave et les fonds chargés de l'aide
14 aux pays et aux provinces en développement ont effectivement fait des
15 versements à la Bosnie-Herzégovine. C'est tout à fait exact.
16 Q. Comment pouvez-vous dire cela au sujet des prix alors que la moitié de
17 l'énergie électrique de la Yougoslavie provenait de Serbie ?
18 R. Je n'ai pas dit que c'était la politique serbe, j'ai dit que c'était la
19 politique de l'état yougoslave.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense qu'il va falloir mettre un terme
21 à nos débats et nous réfléchirons en temps utile à notre position.
22 M. NICE : [interprétation] Le témoin ne peut pas revenir demain, est-ce
23 bien cela ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May --
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, je vous prie. Je veux
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1 simplement m'informer.
2 M. NICE : [interprétation] -- je ne serai pas ici c'est ça ce que je
3 voulais dire. Mais ce n'est pas nécessairement vrai du témoin. Je pense
4 qu'il s'attend -- s'agissant du témoin à rentrer demain. Il y a des besoins
5 qui sont les siens, mais une question plus fondamentale, le temps pris pour
6 l'interrogatoire d'un témoin. Je sais que c'est une question qui tient fort
7 à cœur aux juges de la Chambre, vous le comprendrez, Messieurs. Maintenant,
8 il faudra couper pratiquement de moitié le nombre des témoins prévus pour
9 finir dans les temps. Donc, il faut procéder à une sélection de témoins.
10 J'ai pris peu de temps pour l'interrogatoire principal de ce témoin. J'ai
11 produit peu de pièces par son truchement pour diverses raisons, je pense
12 que le contre-interrogatoire a pratiquement duré deux fois plus longtemps.
13 Je voudrais vous expliquer mon autre problème --
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne suis pas sûr que ce soit le moment
15 idéal pour cela.
16 M. NICE : [interprétation] Mais --
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je sais qu'il y a problème, mais parlons
18 de cette question précise.
19 M. NICE : [interprétation] Certainement.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maître Tapuskovic, je crains fort que
22 pour des raisons de temps, vous n'aurez pas le temps.
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Deux minutes, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, même pas deux minutes, même pas deux
25 minutes.
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pas même deux minutes.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je sais que c'est important, mais nous
3 n'avons pas le temps. Vous savez que nous avons d'autres engagements.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je voulais poser une seule question à
5 propos d'une réunion précise pour savoir s'il était au courant ou pas. Une
6 question, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non.
8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May --
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Il y a des documents à verser au
11 dossier. Nous allons nous en occuper. Je pense qu'il s'agissait de trois
12 documents, est-ce bien cela, Madame la Greffière ? Il y a ce document qui
13 ne porte pas de date présenté au début du contre-interrogatoire.
14 Monsieur Nice, vous avez vu ce document qui n'est pas daté.
15 M. NICE : [aucune interprétation]
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est quelque chose que vous avez
17 communiqué, n'est-ce pas ?
18 M. NICE : [interprétation] Je ne pense pas qu'on l'ait déjà retrouvé ?
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donnez-lui une cote provisoire.
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce D164, cote
21 provisoire ID.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] -- les autres documents étaient les
23 suivants -- je ne peux pas les reconnaître s'ils sont en B/C/S. Il y a la
24 lettre envoyée par Alija Izetbegovic. Je m'en souviens effectivement. On a
25 fait référence à Alija Izetbegovic. Donnez-lui une cote provisoire.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce de la Défense D-165ID.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et puis les notes sténographiques que
3 l'on peut verser au dossier.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]
5 M. NICE : [interprétation] Et puis je dois vous parler des intercalaires
6 qui vont être versés.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendons la dernière cote de la Défense.
8 M. NICE : [aucune interprétation]
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce de la Défense
10 166.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice. Faites pareil.
12 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas demandé la production officielle du
13 résumé concernant ce témoin. C'est l'intercalaire 1. Mais je demande la
14 production de l'intercalaire 2, 8, 15, 18 et 20. Je demande donc que soit
15 ajouté l'intercalaire numéro 1 à ceux dont le versement a déjà été demandé.
16 Tout à fait, il n'y a pas d'intercalaire 20 puisque la carte bénéficie
17 d'une cote distincte. Je devrais le savoir.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, seuls les intercalaires sont -- les
19 intercalaires 1, 2, 8, 15 et 18, puisque la carte est déjà versée.
20 M. NICE : [interprétation] Exact.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais simplement demander de versement du
23 reste de ces notes sténographiques puisque M. Kljuic a confirmer cela. Il
24 leur est apparu clairement qu'il y avait aussi des civils serbes qui
25 étaient en détention.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Et demain matin, nous allons nous
2 occuper des déclarations et de la requête aux fins de leur versement, en
3 application du 92 bis et en temps utile, vous pourrez nous parler de la
4 question du temps.
5 M. NICE : [interprétation] En une phrase, et vous comprendrez aussitôt :
6 lorsqu'il y a des contre-interrogatoires de cette durée, pour ce genre de
7 témoin, ceci nous pousse à faire une sélection contre ou en des faveurs des
8 témoins plus intéressants. C'est le problème auquel nous nous heurtons
9 chaque jour, puisque nous essayons de faire des couperets dans cette liste.
10 Il est difficile de prévoir le temps réservé au contre-interrogatoire face
11 à ce type de témoin. Ça nous pose énormes problèmes. Je voulais simplement
12 le dire.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Le président s'adressant au
14 témoin, désolez de vous avoir gardé ici dans ce prétoire. De toute façon,
15 votre déposition est terminée. Nous vous remercions d'être venu témoigné au
16 Tribunal pénal international. Vous pouvez désormais disposer.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et l'audience est levée. Mais auparavant,
19 nous allons remettre les gros classeurs.
20 [Le témoin se retire]
21 --- L'audience est levée à 14 heures 08 et reprendra le mercredi 16 juillet
22 2003, à 9 heures.
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