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1 Le jeudi 24 juillet 2003
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Apparemment, nous n'avons pas réussi à
7 obtenir la thèse du doctorat du témoin. Il faudra donc s'en passer dans la
8 mesure du possible.
9 M. NICE : [interprétation] Hier, nous avions cru comprendre que les
10 associés de l'accusé pourraient la fournir. Et puis, ils se sont heurtés à
11 des difficultés et se sont trouvés dans l'impossibilité de la fournir. Il
12 se peut qu'il y ait un site Internet par lequel on pourra obtenir cette
13 thèse. Nous sommes en train d'essayer de le faire.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Monsieur Milosevic, vous avez
15 la parole.
16 LE TÉMOIN: AUDREY BUDDING [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mes collaborateurs se procureront le document
19 en question dans le courant de la journée. Je voudrais que cette
20 dissertation de doctorat soit versée au dossier également pour ce qui est
21 du contre-interrogatoire du présent témoin, parce que sans aucun doute il
22 s'agit d'un document important.
23 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :
24 Q. [interprétation] Madame Budding, dans la recherche des racines
25 historiques du nationalisme serbe dans le 20e siècle, vous rendez
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1 contemporain le passé. Vous accusez, par exemple, les nationalistes serbes
2 depuis le Garasanin de "Nacertanije," jusqu'à la Deuxième guerre mondiale
3 ils ont compté les Monténégrins, les Serbes et d'autres parmi les Serbes.
4 Et vous accusez les populations parlant le stokavien disant que ce sont-là
5 des Serbes.
6 R. Non, ce n'est pas bien là représenté ce que je dis dans le rapport. Je
7 fais effectivement état de Karadzic et de Nacertanije, mais je représente
8 leur point de vue dans le contexte de leur époque. Pour ce qui est de Vuk
9 Karadzic, "Srbi Svi i Suda," "Les Serbes sont partout," j'ai précisé que
10 c'était compréhensible en tant que démarche linguistique à la question
11 nationale dans le contexte de son époque, mais qu'en fin de compte c'était-
12 là quelque chose qui n'était pas tenable parce qu'on affirmait qui étaient
13 Serbes. Beaucoup de gens qui ne se considéraient pas comme tel.
14 Q. Bien, cela signifierait que mes impressions pour ce qui est de votre
15 recherche des racines du nationalisme serbe au 20e siècle disant que vous
16 rendez contemporain le passé. Ce serait à votre avis une conclusion erronée
17 de ma part, n'est-ce pas ?
18 R. Non, ce n'est pas comme ça non plus que je le dirais. Il est certain
19 que les racines de tout nationalisme du 20e siècle peuvent être recherchées
20 dans le passé. Pour la plupart des nationalismes ce sera au 19e siècle, car
21 c'est à ce moment-là qu'il y a l'éveil du nationalisme, le moment du
22 romantisme national.
23 Q. Mais si on brosse un tableau concernant une situation valide dans un
24 siècle, et on la transpose dans un autre siècle, est-ce que, à votre avis
25 d'historien, vous pensez ou vous ne pensez pas que l'on commet l'une des
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1 plus graves erreurs dans les sciences méthodologiques que l'on puisse
2 faire ? Dites-moi -- répondez-moi, je vous prie, par un oui ou par un non ?
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] : Je veux dire ce que j'ai dit, Monsieur May.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, ce n'est pas clair du tout. Moi, je
6 ne suis pas. Qu'est-ce que vous voulez dire ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si l'on transpose par exemple une situation
8 historique de la fin du 20e siècle pour la reporter à la première moitié du
9 19e, est-ce que ce phénomène de transposition de situation constitue ou ne
10 constitue t-il pas ? Et je pense être clair. Je pose la question à Mme
11 Budding qui est historienne. Je demande donc si dans les sciences de
12 l'histoire cela est oui ou non considéré comme étant l'une des plus graves
13 des erreurs méthodologiques ?
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. C'est tout à fait dépourvu de
15 sens. C'est absurde. Expliquez ce que vous voulez dire de façon concrète.
16 Qu'êtes-vous en train de dire qu'aurait fait cette historienne qui serait,
17 selon vos termes, une erreur méthodologique grave ? Quelle est cette
18 erreur ? Dites-nous le nous pour que nous comprenions.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je viens de dire que l'erreur consistait à
20 transposer une situation historique de la fin du 20e siècle vers la
21 première moitié --
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous arrête. Vous parlez de quelle
23 situation historique ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, j'ai donné un exemple -- je viens
25 de donner un exemple. Une historienne accuse le nationalisme serbe d'avoir
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1 repris dans le Nacertanije de Garasanin, Nacertanije signifie un projet,
2 donc elle dit dans son rapport que dans jusqu'à la Deuxième guerre
3 mondiale, ce Nacertanije avait compté les Monténégrins et les Musulmans
4 parmi les Serbes, ou faut-il accuser Vuk Karadzic qui avait compté que tous
5 les Slaves parlant le dialecte stokavien étaient des Serbes. Donc, ils ont
6 transposé une situation, et dans les sciences historiques cela est
7 considéré comme étant une erreur méthodologique. Je lui demande, je lui
8 pose la question de savoir si cela est bien vrai ou pas. Si vous ne
9 comprenez pas vous, je n'ai pas d'autre moyen de le faire que de passer à
10 une autre question.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, parce que ce sont des bêtises.
12 Je ne vois pas de quoi vous parlez. Si vous n'énoncez pas clairement votre
13 question, comment voulez-vous que le témoin y répondre. Est-ce que vous
14 êtes en train de faire valoir cet argument-là ? C'est ça vous voulez dire ?
15 A cela vous voulez en venir : Au cours de cette période des historiens se
16 servent par exemple de Vuk Karadzic comme exemple de nationalisme serbe ?
17 Vous dites que c'est sans pertinence aujourd'hui ? Qu'est-ce que vous
18 dites ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je souhaite dire, c'est que ces
20 transpositions d'une situation historique de la fin d'un siècle, vers la
21 deuxième moitié du 2e siècle, c'est une erreur dans les sciences
22 historiques, et c'est la question que je pose à une historienne, et elle
23 qui sait ce dont --
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Essayons de donner un sens à tout ceci,
25 Madame le témoin. Je vais essayer de dire cela plus simplement. Est-ce
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1 qu'on peut se servir d'une situation qui est intervenue disons au 19e
2 siècle lorsqu'on essaie de comprendre une situation qui elle est survenue
3 au 20e siècle. Est-ce qu'il est possible d'établir un parallèle entre de
4 telles situations, ou est-ce que c'est là une erreur ? Etes-vous en mesure
5 de le dire ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] A mon avis, dans certains cas il peut-être
7 tout à fait correct d'établir des parallèles entre diverses ères
8 historiques. Manifestement, on peut le faire mais il faut être très précis.
9 Cependant, je ne comprends pas ce que veut dire
10 M. Milosevic, comment à ses yeux j'aurais utilisé ce concept de
11 Nacertanije, dans mon rapport.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Mais précisément, dans la recherche des racines du nationalisme serbe,
14 vous procédez à cette méthode de -- ce procédé- là.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce qui semble être avancé c'est que ce
16 serait une erreur d'aller chercher les racines de ce qui s'est passé fin du
17 20e siècle, dans le 19e siècle. Je pense que c'est l'idée qui est avancée.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi d'aborder la question de façon
19 un peu plus générale, et je pourrais vous dire comment à mon avis le
20 nationalisme serbe peut du 19e siècle, nationalisme serbe du 19e siècle,
21 peut avoir un lien avec celui du 20e siècle. Permettez-moi d'y consacrer
22 trois ou quatre minutes pour le faire.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, oui. Puisqu'ici on met en cause
24 votre méthode, on dit de cette méthode qu'elle est tout à fait erronée.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le dis dans mon rapport et aussi je l'ai
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1 dit hier dans ma déposition. C'est la caractéristique de tous les
2 nationalismes ou de tous les nationalistes qu'ils essaient de rassembler
3 tous les membres de cette nation, telle qu'on en donne la définition à
4 l'intérieur d'un étage. Je l'ai déjà dit pour moi ce n'est pas là quelque
5 chose de spécifique au nationalisme serbe. Puisque c'est pratiquement la
6 marque de fabrique de tous les nationalismes.
7 Même si dans mon rapport je m'attache surtout au 20e siècle et plus
8 précisément dans la seconde moitié du 20e siècle, je suis remontée au 19e
9 siècle afin de voir comment les hommes politiques serbes du 19e siècle
10 voyaient ce projet qui consistait à rassembler tous les Serbes dans un seul
11 état. Dans ce cadre, je mentionne qu'il y a Garasanin, et c'était un homme
12 d'état très connu au 19e siècle. Et je parle de son Nacertanije, parce que
13 c'est un document des plus connus même si c'était un document secret au
14 moment où il a été écrit.
15 Comment vois-je le processus de l'unification ou des aspirations du
16 nationalisme serbe au 19e siècle. Pour la plupart du temps au 19e siècle, on
17 le voyait ce nationalisme par rapport au déclin de l'Empire ottoman. Et
18 tous les observateurs européens et sans nul doute, tous les hommes d'état
19 serbes savaient que l'Empire ottoman ne pourrait maintenir ces possessions
20 européennes éternellement. On se demandait ce qui allait venir après ?
21 Garasanin et d'autres ont présenté des projets qui consistaient à
22 rassembler les terres serbes qui s'étaient trouvées sous l'Empire ottoman.
23 Et Garasanin voyait un état semi indépendant de Serbie comme il existait en
24 1844. Il voyait la Macédoine, la Serbie qui étaient à ses yeux, des terres
25 serbes. Et je pense que c'est la forme prédominante de cette idée
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1 nationaliste serbe vers la fin du 19e siècle. Il s'agit de rassembler les
2 Serbes qui s'étaient trouvés sous le régime ottoman. Parce qu'à ce moment-
3 là, l'Empire Habsburg est beaucoup plus puissant et est une cible moins
4 probable avec les réserves que j'exprime dans mon rapport. A savoir que la
5 Bosnie-Herzégovine est restée une partie du projet d'état serbe.
6 Quant à savoir si celle-ci a une pertinence directe pour le nationalisme
7 serbe du 20e siècle, je pense que ce qui apparaît le plus clairement, c'est
8 que les mêmes terres sont concernées. Mais je n'affirmerais pas qu'il y ait
9 une identité de motifs ou de motivation entre les hommes politiques serbes
10 de la fin ou du milieu du 19e siècle et ceux du 20e siècle. Je pense que la
11 situation historique, ici et là, est tout à fait différente. Et je
12 préférerais étudier chacune des situations en tant que telles sans établir
13 de liens entre elles.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Malheureusement, nous n'avons pas assez de temps. Mais il n'est point
16 de doute que dans la recherche des racines historiques du nationalisme
17 serbe du 20e siècle, vous rendez contemporain le passé. C'est ce que vous
18 faites dans votre ouvrage, n'est-ce pas ?
19 R. Oui. Je pense que c'est la définition même de la recherche des racines
20 historiques de tout phénomène historique. Il faut remonter dans le passé.
21 Q. Bon. C'est précisément de cette transposition de la situation d'un cas
22 vers l'autre que je pense qu'il y a là, une erreur méthodologique pour ce
23 qui est de la science historienne. Mais si vous n'êtes pas d'accord, nous
24 allons aller de l'avant.
25 Madame Budding, vous parlez dans la partie introductive une première et une
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1 deuxième Yougoslavie. Mais ne savez-vous pas que ce sont des termes qui ne
2 sont pas légitimement utilisés dans aucun ouvrage historique. Parce que
3 l'utilisation de cette terminologie-là, remet en question la continuité de
4 l'état yougoslave dans le courant du 20e siècle. Vous le faites précisément
5 lorsque vous parlez d'une première et d'une deuxième Yougoslavie ?
6 R. Lorsque je parle d'une première et d'une seconde Yougoslavie, je suis
7 de façon générale, l'esquisse tracée par des historiens, qu'ils soient de
8 Yougoslavie ou d'ailleurs. Je ne fais aucune affirmation quant à une
9 éventuelle continuité juridique ou autre, ou internationale de l'état
10 yougoslave.
11 Q. Dans la dernière phrase de votre avant-propos, vous parlez des
12 tendances politiques et économiques sur lesquelles se fonde la pensée
13 nationale serbe. Alors, parlez-moi je vous prie, de ces tendances
14 politiques et économiques sur un plan plus vaste qui ont influé sur la
15 formation, la constitution de cette pensée nationale serbe.
16 R. Là je réfléchis à vive voix, qu'est-ce que je voulais dire quand je
17 parlais de tendances générales politiques. Je pensais plus précisément au
18 développement général de la Yougoslavie. Et ce qu'il faut retirer surtout
19 de mon rapport, c'est la décentralisation de la Yougoslavie par rapport à
20 Tito et des réactions de la Serbie. Pour ce qui est des réactions
21 d'évolution économique, j'y accorde moins d'importance. Mais aux fins de
22 mon rapport, ce qui me semble important, c'est la crise économique en
23 Yougoslavie dans les années 1980 et l'apparition de programmes politiques
24 en rivalité pour essayer de répondre à cette crise.
25 Q. Dites-moi Madame Budding, quels sont les critères que vous avez
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1 utilisés à l'occasion du choix de la littérature pour traiter du sujet qui
2 a été le vôtre ?
3 R. Je me suis servie de ce qui était pour moi les meilleures sources
4 historiques dans les langues qui étaient à ma disposition pour chacun des
5 sujets. J'ai lu à cette fin, pour établir mon rapport le serbe, le
6 français, l'anglais et l'allemand, un peu de slovène également de façon
7 plus limitée. A l'évidence, dans chacun de ces cas, j'ai toujours préféré
8 les sources qui évoquaient de façon plus détaillée des sujets qui
9 m'intéressaient. J'ai privilégié des sources qui étaient des archives que
10 je pouvais consulter ou des récits de témoins oculaires.
11 Q. J'aime bien informer Madame Budding, vous parlez très bien le serbe,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Je le parle, je lis beaucoup mieux le serbe que je ne le parle, mais je
14 le parle.
15 Q. Très bien. Ne savez-vous pas que, pour ce qui est de l'histoire de
16 Yougoslavie dans l'hystérographie serbe et yougoslave, il a été publié plus
17 de 10 000 unités bibliographiques.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je demander l'assistance des Juges. J'ai
19 déjà dit à un représentant du Tribunal que parfois j'ai du mal à entendre
20 Monsieur Milosevic, car il est assez loin de moi. Et on a mis le canal sur
21 le B/C/S pour que je l'entende mieux. Je n'ai pas du mal à l'entendre, mais
22 maintenant je ne sais pas trop à quel moment la traduction est terminée et
23 à quel moment je dois répondre. Est-ce qu'on peut revenir sur le canal
24 anglais.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une des solutions serait peut-être que
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1 vous utilisiez les écouteurs.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais le faire, Monsieur le Président,
3 mais je ne sais pas si j'attends trop longtemps pour répondre. Parce que je
4 me sers de l'écran pour voir à quel moment l'interprétation est terminée.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pourriez chausser les écouteurs ou
6 les avoir autour du cou; de cette façon, vous devriez pouvoir entendre les
7 interprètes si vous avez l'un ou l'autre canal.
8 Le compte rendu d'audience sème un peu la confusion. Parce qu'il n'est pas
9 -- il ne suit pas la même séquence de temps que l'interprétation entendue
10 de vive voix.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je ne connais pas le nombre exact de ces
12 unités bibliographiques, mais je sais que beaucoup, énormément de choses,
13 ont été écrites surtout en serbe. Ça été surtout publié à Belgrade et en
14 ex-Yougoslavie. Mais examinez les sources que je cite dans mon rapport. La
15 grande majorité de ces sources viennent de la Serbie pour ce qui est de
16 l'ex-Yougoslavie; puisque c'est en général, ce sont des historiens serbes
17 qui se sont penchés sur le -- de la façon la plus détaillée sur le sujet
18 qui m'intéressait.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Bien. Et en votre qualité d'historien, pensez-vous que ceux que vous
21 citez parmi les historiens tels Malcolm, Behschnitt, Ivo Banac, se trouvent
22 être objectifs dans la présentation de la réalité yougoslave ou pas ?
23 R. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec le moindre des mots écrits
24 par ces historiens dont vous venez de donner le nom. Je les ai utilisés
25 parmi d'autres pour étayer mon propos. Mais ce sont sans aucun doute
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1 d'excellents historiens qui pratiquent des méthodes tout à fait acceptées.
2 Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Ce sont -- ce ne sont pas les seuls
3 historiens que je cite, loin de là. Je cite Pavlovic, Stankovic, beaucoup
4 d'autres historiens dans le cadre de mon rapport.
5 Q. C'est précisément ce que j'ai mentionné, ce que vous venez de citer.
6 Mais dites-moi, à l'occasion de la rédaction de votre rapport, vous êtes-
7 vous servi ou avez-vous consulté et là, je vais vous citer un certain
8 nombre d'auteurs Peut-être pourriez-vous me dire si oui ou non vous les
9 avez consultés. Ce sont des historiens qui ont écrit sur les Nacertanije,
10 les guerres balkaniques, la création de la Yougoslavie, sur la Deuxième
11 guerre mondiale. Par exemple, les académiciens Viktor Novak, dans son
12 livre, "Magnum Crimen" publié à Zagreb, 1948; Milorad Ekmecic, "Les
13 objectifs de guerre de la Serbie en 1914", publication de Belgrade 73 --
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Si vous
15 donnez une liste trop longue, le témoin n'est pas à même de répondre.
16 Donnez ces noms un à la fois.
17 Vous venez d'en entendre certains, Madame le Témoin, pouvez-vous nous
18 aider ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas eu l'occasion de voir ce qu'a
20 écrit Viktor Novak. Je parle du régime Oustachi et j'ai bien dit que
21 c'était un régime génocidaire. Mais j'en parle très peu. Il y a beaucoup
22 d'œuvres consacrées aux Oustachis que je n'ai pas utilisées. Pour ce qui
23 est de Milorad Ekmecic, lorsqu'on parle des objectifs de guerre de la
24 Serbie, ce qu'il a écrit, je l'ai lu mais je ne sais si j'en parle
25 expressément dans mon rapport.
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1 S'agissant de concept de Nacertanije, si je me souviens bien, mes sources
2 principales ont été en fait, des historiens serbes. Parce qu'ils en ont
3 parlé dans leurs ouvrages et c'est eux qui l'ont fait de la façon la plus
4 détaillée. Il y a notamment Radovan Samardzic, qui présente son avis et
5 puis par rapport à ce que ce dit Garasanin sur l'Empire de Dusan.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Fort bien. Avez-vous tenu compte également du livre de Ekmecic, "La
8 création de la Yougoslavie en 1780-1918," et de Vasilije Krestic, "Histoire
9 des Serbes en Croatie de 1848 à 1918," ou alors encore --
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] J'ai débranché votre micro. Inutile de
11 lire toute une liste. Vous le savez. Vous l'avez appris maintenant, depuis
12 le temps.
13 Est-ce que vous avez entendu le premier nom ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai effectivement
15 consulté ce travail en deux volumes de Ekmecic s'agissant "De la création
16 de la Yougoslavie," mais je ne l'ai pas relu pour les besoins de ce
17 rapport. De façon générale, je sais ce qu'a écrit le professeur Krestic,
18 mais je ne m'en suis pas servi non plus, pour préparer ce rapport.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Mais vous n'ignorez pas que l'académicien Ekmecic est l'un des plus
21 grands historiens serbes encore vivant, n'est-ce pas ?
22 R. Ça c'est incontestable.
23 Q. Bien. Avez-vous tenu compte des livres de l'académicien Vasilije
24 Krestic, puis de l'académicien Cedomir Popov et je ne vais pas en citer
25 d'autres, mais Vladimir Stojancevic aussi.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. S'agissant de ces trois
2 historiens ou académiciens.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'il me serait beaucoup plus facile
4 d'aborder la question des sources. Je pouvais faire référence à certaines
5 questions ou de l'avis de l'accusé. Je n'ai pas été équitable dans la
6 présentation du sujet, parce que je n'aurais pas inclus telle ou telle
7 source. Il m'est difficile de répondre à ces questions à ce niveau de
8 généralité. Est-ce que je connais ce qu'a écrit tel ou tel homme. Bien sûr,
9 je sais ce qu'on écrit la plupart des personnes citées. Mais je ne sais pas
10 trop comment établir un lien entre cela et la question de savoir pourquoi
11 j'ai sélectionné telle ou telle source pour telle ou telle partie du
12 rapport.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. La question a quelque chose à voir quand même. Parce que, tenez je vais
15 vous poser la question de façon tout à fait concrète. On a impression et à
16 vous de dire que je me trompe dans mes impressions, que c'est que votre
17 choix de la littérature consultée est des plus sélectif et qu'il est placé
18 au service de la démonstration d'une thèse fondamentale, à savoir, celle de
19 l'hégémonisme grand serbe. En est-il été ainsi ou pas ?
20 R. Il n'en est pas ainsi. Je ne vois pas comment on pourrait lire mon
21 rapport et dire que là, on essaie de dire qu'il y a eu hégémonisme grand
22 serbe. Dois-je défendre mon choix de sources. Branko Petranovic, par
23 exemple, il est mort en 1994. Je ne peux pas dire que c'était un plus grand
24 historien vivant comme l'est Ekmecic. Mais c'est sans aucun doute un des
25 plus grands historiens serbe du 20e siècle. Le professeur Stefan Pavlovic,
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1 je me suis servi de ses écrits et c'était aussi un très grand historien.
2 Mais permettez-moi de revenir à ce qui me semble être votre argument
3 massue. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit dans mon rapport qui
4 soit à l'appui de cette allégation qui est la vôtre. A savoir que j'essaie
5 de démontrer qu'il y aurait eu existence d'un hégémonisme serbe.
6 Q. Bien. Je vous remercie. En page 2, vous parlez de l'état serbe du temps
7 de l'empereur Dusan, puis vous parlez de l'état serbe au 19e siècle. Ma
8 question est la suivante : Pourquoi avez-vous sauté l'histoire de la
9 création de l'état serbe médiéval Nemanjic, et pourquoi avez-vous omis les
10 valeurs de cette civilisation, de cette culture, de ce droit, des arts de
11 cette époque-là ? Ou alors peut-être, pourrais-je être même plus précis si
12 cela vous convient davantage. Après avoir parlé de l'empereur Dusan, vous
13 sautez cinq siècles et vous passez au 19e. Pourquoi avez-vous évité de dire
14 quoi que ce soit concernant l'invasion des Turcs dans les Balkans, le règne
15 de la terreur qu'ils ont instauré, et cetera ?
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une chose à la fois, s'il vous plaît.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'on m'a présenté ce projet, on m'a
18 demandé de parler de la trajectoire politique du nationalisme serbe au 20e
19 siècle. Et j'ai essayé de faire une présentation très concise du 19e
20 siècle. Si je me souviens bien, on m'a prié de garder ce rapport à 40 ou 60
21 pages, y compris les notes en bas de page. J'ai été un peu plus longue que
22 prévu. Mais ça veut dire que tout simplement, il m'a été impossible
23 d'étudier l'histoire qui a précédé le 19e siècle. Manifestement, je suis
24 des plus brève lorsque je le fais, je m'attache au 20e siècle. Je suis
25 personnellement une historienne du 20e siècle. Et je pourrais bien sûr,
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1 parler des périodes précédentes en m'appuyant beaucoup sur ce que d'autres
2 ont écrit. Il n'y a rien d'original d'ailleurs, le cas pour le 19e siècle.
3 Mais dans le cadre de ce rapport, je n'avais pas de place pour le faire,
4 d'autant que je ne suis pas particulièrement qualifiée pour parler des
5 périodes précédentes.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Je l'ai mentionné, Madame Budding, parce que dans votre rapport
8 d'expert, vous avez englobé une période allant dans le passé jusqu'à ce que
9 vous désignez comme étant le règne de l'empereur Dusan autoproclamé
10 jusqu'au 14e siècle et vous remontez jusqu'au 14e siècle avant Jésus-Christ.
11 Et puis vous parlez de l'empereur Dusan qui s'est couronné ou proclamé Tsar
12 lui-même.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Elle a déjà répondu à cette question.
14 Elle vient de le faire s'agissant du projet qu'il lui avait été confié.
15 Avançons, s'il vous plaît.
16 Le compte rendu d'audience devrait être corrigé. Je viens de dire; elle
17 vient de répondre à cette question. Avançons.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Pensez-vous puisque vous venez de mentionner l'Empire de Dusan au 14e
20 siècle, et puis vous avez sauté cinq siècles. Ne pensez-vous pas que pour
21 une approche intégrale, il serait bon de voir quel avait été la
22 contribution des Serbes au combat de l'Europe chrétienne contre les Turcs.
23 Vous n'ignorez pas, vous savez très bien qu'ils ont participé ces Serbes à
24 toutes les guerres de l'Europe chrétienne pour la libération de celle-ci
25 contre les Turcs à compter du 17e siècle et tout au travers du 18e siècle
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1 pour participer à ce qui a été la ligue chrétienne.
2 R. Personne ne le contestera mais seulement, moi, je trouvais que ce
3 n'était pas le sujet de mon rapport. Je ne me suis pas concentrée sur la
4 période des guerres menées contre les ottomans. Si je mentionne l'empereur
5 Dusan, puisque je ne parlais pas de l'époque médiévale, c'est simplement
6 que je me penchais sur la période du romantisme national au 19e siècle. Par
7 conséquent, les hommes d'état serbes du 19e siècle dont je parle, même si
8 je le fais d'une façon rapide, ont fait référence eux à l'empereur Dusan,
9 par exemple, Garasanin, il en parle brièvement de l'Empire de Dusan dans
10 son Nacertanije. Dans les confins de son rapport, c'est la seule raison qui
11 a fait que j'ai mentionné l'Empire de Dusan. Si je n'ai parlé ce n'était
12 pas pour entamer une discussion sur les conquêtes ottomans ou sur les
13 guerres menées contre les ottomans au cours desquelles bien sûr les Serbes
14 ont joué un rôle très important.
15 Q. Il me semble Madame Budding que -- il me semble si je compare tout cela
16 qu'une analyse aussi sélective que vous avez faite de cette histoire serbe
17 pour rédiger votre rapport -- ce -- a été placé au service d'une thèse
18 implicite pour dire que les Serbes n'ont pas de racines d'état, que ce sont
19 des êtres primitifs et sauvages, et très souvent, on voit cela.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut quand même que vous puissiez
21 étayer de tels dires. Donc où, dans ce document, pourrait-on trouver
22 quelque chose susceptible de permettre à qui que ce soit de tirer de telles
23 conclusions ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le fait dont je viens de parler, Monsieur May,
25 est tel, à savoir, votre témoin expert démarre au 14e siècle parle de
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1 l'empereur Dusan, saute cinq siècles et continue avec le 19e. Et je pense
2 que je l'ai expliqué en posant ma question. Et moi c'est ce qui m'a laissé
3 cette impression. Peut-être le témoin va-t-il nous dire qu'il n'en est pas
4 ainsi. Nous pouvons peut-être aller de l'avant.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Mais, Madame Budding, en page 2, parlant d'un port d'événements
7 importants dans l'histoire de la Serbie au début du 19e siècle, en parlant
8 de l'année 1804 et 1815, vous parlez d'insurrections serbes ou de
9 soulèvements populaires serbes, et vous parlez du fait de l'autonomie que
10 les Serbes se sont acquise avec l'aide des Russes.
11 Je dirais que vous minimisez le mouvement véritablement serbe. Or, ne
12 savez-vous pas que dans l'histoire ce n'était pas des soulèvements, des
13 insurrections, mais c'était des soulèvements populaires, véritablement
14 populaires qui avaient pris -- ou qui s'étaient imprégnés du caractère de
15 révolution nationale et sociale en raison de ce féodalisme insupportable de
16 l'occupant ottoman et cela avait fait partie de la révolution européenne.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut que vous posiez une question ?
18 Quelle est cette question ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ma question, si vous aviez la patience de
20 suivre Monsieur May, c'est la suivante.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Ne savez-vous pas qu'il ne s'agissait pas là d'insurrections mais que
23 ce l'était là véritablement du premier et du deuxième soulèvements
24 populaires qui s'étaient intégrés dans le cadre ou dans le courant de la
25 révolution européenne. Ce sont là des insurrections qui ont pris le
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1 caractère, qui ont revêtu le caractère de révolutions en raison de cette
2 emprise ou occupation ottoman insupportable ?
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Etes-vous en mesure de répondre à cette
4 question, Madame le Témoin ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Si la question consiste à savoir si je sais
6 que ce sont là les premiers et seconds soulèvements serbes, bien sûr. Si
7 nous voulons discuter maintenant des aspects nationaux et sociaux, je pense
8 que pour ce qui est du premier soulèvement, beaucoup militent en faveur de
9 voir la chose comme suit, c'est-à-dire qu'il y a un soulèvement social
10 contre l'empire ou le régime génicaire [phon], c'est devenu donc un
11 soulèvement national.
12 Mais là c'est un peu en dehors du domaine qui était le mien puisque nous
13 remontons au début du 19e siècle.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Bien, mais j'ai précisément indiqué, je suppose que vous le savez,
16 c'est ce que j'ai indique que cela faisait partie de la révolution
17 européenne. Ne savez-vous pas que cette révolution avait été l'une des --
18 de toute une série de révolutions civiles qui se sont enchaînées avec la
19 révolution française jusqu'à la révolution turque en 1908, puis 1918, qui
20 ont secoué l'Europe et en Russie par exemple. Et, il s'agissait là de
21 révolution nationale et sociale et que cela fait partie des phénomènes les
22 plus importants de l'histoire européenne du 19e siècle; et la révolution
23 serbe a entamée un processus de renouveau national au sud-est de l'Europe ?
24 R. Je pense que c'est exact à bien des égards, ce que vous dites.
25 Q. Avez-vous connaissance du fait que Leopold Ranke, l'un des plus grands
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1 historiens allemands ? Je n'ai pas à vous le dire, je le dis pour le reste
2 du public parce que vous savez certainement qui est Leopold Ranke. Et c'est
3 un académicien, donc en 1829, à Hambourg, il a rédigé une œuvre qui est
4 intitulée, "La révolution serbe". Avez-vous connaissance de ce -- de cet
5 ouvrage qui a été publié en 1829 à Hambourg sur la révolution serbe ?
6 R. Oui. Il s'agit de la lutte du peuple serbe pour la libération de
7 l'occupation ottoman --
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] J'ai débranché votre micro. Laissez le
9 temps au témoin de répondre.
10 Etes-vous -- connaissez-vous ce qu'a écrit Leopold Ranke ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai lu ces ouvrages il y a des années. Pour
12 le moment, je ne suis pas en mesure de me souvenir de beaucoup de ce que
13 j'ai lu.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce qu'il est considéré comme étant un
15 historien parmi les scientifiques d'aujourd'hui dont ces ouvrages sont tout
16 à fait fiables ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'on a beaucoup évolué depuis les
18 sciences historiques du début du 19e siècle. On le cite aujourd'hui comme
19 exemple d'excellence scientifique en matière d'histoire du 19e siècle.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je voudrais voir la Juriste hors
21 classe ?
22 Oui, Monsieur Milosevic.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Vous souvenez-vous du fait quoi qu'ayant lu ce livre il y a un grand
25 nombre d'années, mais je n'y crois pas étant donné que vous n'êtes pas si
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1 âgée que cela, Ranke pour ce qui est de la lutte serbe pour la libération
2 avait estimé que c'était-là un combat d'une importance extrême pour
3 l'histoire diplomatique et autre de l'Europe de l'est de cette époque-là.
4 Il avait estimé que cela ait constitué un processus historique et que cela
5 constituait une tendance positive revêtant une importance politique des
6 plus grandes pour jalonner la modernisation, l'évolution vers la modernité
7 de cette Europe.
8 R. Je ne me souviens pas de cela précisément mais ça me semble être une
9 évaluation tout à fait raisonnable et plausible.
10 Q. Mais vous estimez qu'il était compétent pour faire des évaluations de
11 ce type à l'époque des événements. Je suppose que vous serez d'accord pour
12 le dire ?
13 R. Certainement.
14 Q. En page 2, première phrase du deuxième paragraphe, vous avez mis au
15 premier plan les efforts des hommes politiques serbes pour ce qui est du
16 renouvellement de l'Empire de Dusan. Cela est inexact.
17 R. Si vous me permettez de donner lecture de la totalité de ces deux
18 phrases. Je dis :
19 "Qu'à partir du milieu du 19e siècle jusqu'à 1918, plusieurs hommes
20 politiques serbes ont cherché des moyens d'élargir l'état serbe afin d'y
21 inclure davantage de Serbes" -- ce sont donc les Serbes qui se trouvaient
22 sous le régime d'Habsburg et sous l'Empire ottoman -- "et dans certains
23 cas, pour acquérir certains des territoires qui avaient été ceux de
24 l'Empire de Dusan. Cette déclaration n'a pas pour intention d'impliquer les
25 hommes politiques serbes envisageaient de recréer la totalité de l'Empire
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1 de Dusan mais plutôt que pour eux, c'était une des sources dans lesquelles
2 ils puisaient pour essayer de définir leurs idées, leurs pensées
3 nationales."
4 Q. Bien. C'est précisément ce que j'affirme. Ne pensez-vous pas que vous
5 êtes en train de procéder à un remplacement de thèse parce qu'en 1804 à
6 1815, le peuple serbe ne s'est-il pas battu pour se libérer de cette
7 esclavage de cinq siècles sous l'Empire ottoman et non pas pour conquérir
8 des territoires comme vous l'indiquez dans la rédaction de votre rapport.
9 R. Pour moi, il n'y a pas d'opposition entre le fait de parler de
10 l'expansion d'un état serbe pour y inclure davantage de Serbes et pour
11 libérer ces Serbes. Ça ne fait pas l'ombre d'un doute au moment de
12 l'expansion de l'état serbe, les Serbes qui se trouvaient dans l'Empire
13 ottoman et sous le régime ottoman ont vu cela comme étant une libération.
14 Il y a Svetozar Markovic qui, dans la deuxième partie du 19e siècle, expose
15 des vues tout à fait pertinentes. En effet, en 1872, il s'est servi de
16 l'expression "Velika Serbia," Grande Serbie pour décrire ce projet qui
17 consiste simplement à repousser les frontières de l'état serbe sans pour
18 autant, simultanément, effectuer un processus de libération sociale et
19 libérale. Je ne dirais donc pas qu'à tout temps et à tous égards, cette
20 déclaration d'expansion était synonyme de libération mais ça était le cas
21 dans beaucoup de cas.
22 Q. Juste un petit rectificatif technique : Dans la traduction, on a dit
23 que vous aviez dit 17e siècle. Je suppose que vous n'avez pas parlé de 17e
24 siècle. Vous n'avez certainement pas relié Svetozar Markovic à la deuxième
25 moitié du 17e siècle, j'imagine c'est une erreur de traduction.
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1 R. C'était soit un problème d'interprétation ou je me suis mal exprimée.
2 Je voulais bien sûr parler du 19e siècle.
3 Q. Je le disais juste pour être tout à fait juste à l'égard de ceux qui
4 écoute la traduction. Je n'ai pas suivi le compte rendu d'audience pour
5 savoir si c'était vous ou quelqu'un d'autre qui s'était trompé.
6 Mais il ne fait pas de doute que cette révolution en 1804 jusqu'en 1815
7 avait été un combat ou une lutte de libération.
8 R. Oui, j'en conviendrai aisément avec vous.
9 Q. Bien. A la fin de votre deuxième paragraphe en page 2, vous dites
10 qu'une sortie sur la mer Adriatique avait été l'objectif stratégique
11 principal des Serbes. Or, ne savez-vous pas que les axes commerciaux,
12 routiers et autres passaient par le sud, par le Monténégro et l'Albanie du
13 nord ? Ils ne pouvaient pas passer par la Hongrie et par la Roumanie,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Oui. C'est au fond ce que je dis, n'est-ce pas ? A savoir que
16 l'objectif était de réduire la dépendance commerciale par rapport à
17 l'Empire austro-hongrois route du nord.
18 Q. Ne savez-vous pas que le traité de Berlin, à l'Article 38,
19 conditionnelle indépendance de la Serbie par la construction d'une voie
20 ferroviaire entre Belgrade-Nis et la frontière turque, ce qui était
21 conforme aux tendances européennes de l'époque demandant à ce que l'Europe
22 centrale et l'Europe orientale se relient au plus vite avec le sud et sud-
23 est du continent européen pour permettre un passage des plus rapide des
24 marchandises vers des mers chaudes. Et cette route passait par, précisément
25 par le Monténégro et l'Albanie du nord, n'est-ce pas ?
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1 R. Je n'étais pas au courant de cet article mais je suis tout à fait prête
2 à l'accepter.
3 Q. En page 3, vous dites que l'affaiblissement de l'Empire ottoman a
4 conduit à des troubles politiques dans les pays sous occupation ottomane
5 mais n'a-t-il pas été à l'opposé, les combats, les révolutions conduites
6 par les peuples balkaniques n'ont-elles occasionné, causé l'affaiblissement
7 de cette Empire ottoman ?
8 R. Je crois que maintenant nous abordons une question qui porte à beaucoup
9 de polémiques parmi les historiographes de l'Empire ottoman. Je ne suis pas
10 experte en la matière, bien entendu, mais je sais que jusqu'à il y a peu de
11 temps, l'avis prédominent c'était de se concentrer totalement sur les
12 faiblesses intérieures de l'Empire ottoman. Par exemple, sur l'indépendance
13 relative des génocidaires et des actions qu'ils ont commises. Je pense que
14 plus récemment, certains historiens historiographes ont tendance à voir
15 l'Empire ottoman comme étant, à bien des égards, un état à viabilité
16 interne capable de réformes et on insiste davantage sur les défaites
17 militaires venant des puissances extérieures et sur les soulèvements
18 populaires des peuples se trouvant sous joug ottoman mais je ne suis pas
19 experte pour me prononcer de façon définitive sur l'importance relative des
20 facteurs externes et internes s'agissant du déclin de l'Empire ottoman.
21 Q. Bien. Mais en page 3, vous vous servez du terme "pays ottoman". Ne
22 s'agit-il pas là de territoires sur lesquels, pendant des siècles, ont vécu
23 des peuples des Balkans ? Et de par leurs droits naturels et historiques,
24 ces terres leur appartenait à eux et cela a été occupé par les Turques dans
25 le courant du 14e, 15e et 16e siècle ?
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1 R. Je pense que vous faites référence à un passage que j'aimerais lire en
2 anglais. En effet, je ne parle pas de "terres ou de pays ottoman", mais je
3 ne sais pas comment ceci a été traduit. C'est vers le bas de la page 3 :
4 "Lorsqu'il s'agissait de reconquérir ces terres des ottomans par le traité
5 de Berlin en 1878 et les guerres de Balkans de 1912-1913, la Serbie avait
6 plus que doublé sa taille et sa population à la veille de la Première
7 guerre mondiale."
8 Donc, ça veut dire qu'ici quand je parle de "terres", je parle de terres
9 dans le sens purement territorial.
10 Q. Mais c'est précisément de cela qu'il s'agit. Ce sont des territoires
11 sur lesquels, pendant des siècles, ont résidé des peuples des Balkans et de
12 par leur droit historique et autre, c'était des terres à eux. Ils ont été
13 occupés par les Turques dans le courant du 14e, 15e et 16e siècle, n'est-ce
14 pas ?
15 R. Oui, c'est vrai.
16 Q. Page 3, vous parlez de la Serbie et de son renouveau moderne et puis
17 vous parlez de la création de la première Yougoslavie. Puis, vous parlez
18 des succès considérables réalisés pour ce qui est de l'accomplissement des
19 projets de prises de territoires.
20 Vous remplacez des thèses. Il ne s'agissait pas de conquête de territoires
21 mais de libération de territoires, qui depuis la création de l'état serbe
22 jusqu'à la chute sous l'emprise de l'Empire ottoman, ont fait partie de
23 l'état serbe. Et si vos souvenirs sont bons, puisque vous traitez de ces
24 questions, je voudrais tout de même vous rappeler que ces territoires-là
25 ont été restitués à la Serbie, par étape, en 1830 jusqu'en 1833, après le
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1 premier et deuxième Hatiserif [phon] parce que la Serbie s'est vue
2 attribuer une autonomie. C'est alors que Krajinska, Mojetska, Palencska
3 [phon], Starovlaska et d'autres régions, ont été restitués. Au congrès de
4 Berlin, en 1878, la Serbie s'est vue restituer la région de Pirotski,
5 Topoliski, et de Vranjski. Et troisième, vous le concluez, à la fin de la
6 guerre de Balkanique, par les traités de Londres et de Bucarest. On a
7 restitué le Kosovo et Metohija, la Macédoine de Vardar, et enfin le long de
8 la vallée du Vardar, et le Sandzak, n'est-ce pas ?
9 R. Permettez-moi de revenir au premier point que vous avez me semble t-il
10 évoqué. Vous pourriez nous dire où on trouve "osvajanje" dans la
11 traduction, puisque vous avez parlé de la page 3.
12 Q. En page 3, vous dites que la Serbie à partir, de son renouveau moderne
13 jusqu'à la création de la première Yougoslavie, a connu des succès notables
14 dans la réalisation de ses projets de conquête de territoire.
15 M. LE JUGE MAY : [aucune interprétation]
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je peux vous aider peut-être. Il s'agit
17 du paragraphe 1, avant dernière phrase à peu près, c'est là qu'on retrouve
18 ce terme de :
19 "Conquête de territoire Turque ou résidaient des Serbes."
20 Paragraphe 1A, et c'est tout à fait la fin dernière phrase.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, nous l'avons trouvé, page 2. Oui,
22 Madame Budding, pourriez-vous nous apporter -- vous l'avez trouvé.
23 C'est peut-être plus simple de vous demander ceci, Monsieur Milosevic.
24 Qu'est-ce que vous voulez dire, que ça ne c'est pas fait d'une seule fois,
25 qu'il y a eu plusieurs étapes pourraient parvenir, c'est à cela que vous
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1 voulez en venir ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'ai fait que citer Mme Budding, et
3 elle a dit que la Serbie, à compter de son renouveau moderne jusqu'à la
4 création de la Yougoslavie, a eu du succès dans la réalisation de ses
5 projets de conquête de territoire. Or j'affirme que Mme Budding est en
6 train de remplacer les thèses en présence parce qu'il ne s'agissait pas de
7 conquête, mais de libération de territoire, et j'ai cité trois phases
8 suivant lesquelles cela s'est passé.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous vous avons compris, inutile
10 d'insister, n'oubliez pas que vous avez peu de temps.
11 Vous avez compris, Madame le Témoin ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai maintenant le passage dans les deux
13 textes. Ce que j'ai dit en anglais, c'est que l'état serbe a connu beaucoup
14 de succès considérables dans ce projet qui consistait à récupérer les
15 terres habitées par des Serbes, de l'Empire ottoman. Gagner en anglais,
16 c'est un terme très neutre. Ça veut dire simplement que l'état serbe a
17 obtenu ces territoires de l'Empire ottoman. Je vois ce que vous voulez dire
18 pour ce qui est de la osvajanje. Je n'ai pas fait moi-même la traduction du
19 texte bien sûr, et je ne sais pas s'il y a eu éventuellement. Il y aurait
20 pu avoir un terme plus neutre, qu'on aurait pu choisir dans la traduction
21 pour exprimer exactement ce que je voulais dire, et ce que j'ai dit
22 d'ailleurs en anglais. Mais il est certain que moi, je me suis pas servi
23 d'un terme qui aurait eu des connotations voulant dire que saurait été une
24 conquête qui n'aurait pas été légitime, pour moi "osvajanje" je ne retrouve
25 ce terme, je ne pense pas que j'aurais choisi moi ce terme-là.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Vous dites succès important dans son projet d'appropriation de
3 territoire, c'est le mot que vous avez utilisé, c'est la raison pour
4 laquelle j'ai parlé de osvajanje, j'ai cité le mot.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non le témoin s'est expliqué sur ce
6 point. Elle s'est expliquée de la façon la plus claire quant à ce qu'elle
7 pensait du sens de ce terme. Alors passez à autre chose, votre temps est
8 limité. Pendant la pause, nous allons réfléchir au temps qui vous restera,
9 mais vous avez déjà utilisé plus d'une heure.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, si vous pensez qu'une question
11 n'est pas pertinente, vous pouvez me le dire, mais je suis incapable
12 d'interroger ce témoin d'une autre façon que de cette façon-ci. Car il
13 s'agit d'un expert et je lui pose les questions que je pense utiles de
14 poser à un expert. Alors, je vous prie, veuillez exclure les questions dont
15 vous pensez qu'elles sont non pertinentes. Si non, à quoi peut bien servir
16 un contre-interrogatoire ?
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Madame Budding, page 5, deuxième phrase, deuxième paragraphe, vous
19 affirmez que l'état serbe, au cours des guerres Balkaniques, a acquis une
20 partie de Sandzak, ainsi que la région qui était peuplée par des non-
21 Serbes. Savez-vous que l'armée serbe, au moment de la libération, tant du
22 peuple serbe, que du reste de la population de la région a libéré cette
23 région de la domination turque, mais n'a pas conquis cette région. Elle
24 s'est contentée de la libérer.
25 R. Je ne peux donner mon accord à l'idée que les populations non-serbes de
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1 cette région, et notamment la population albanaise, considéraient ces
2 événements comme le signe de libération.
3 Q. Fort bien. Mais savez-vous que la région de Kosovo, du Sandzak, et
4 d'une partie de la Macédoine, constituent un tout sur le plan historique,
5 et que la dénomination de ces régions, de ce tout était la vieille Serbie.
6 C'était le berceau de l'état serbe au moyen age, état qui existait dans la
7 région jusqu'au moment où, en 1830 -- jusqu'au moment où les Turques sont
8 arrivés dans les Balkans, et ils ne sont devenus -- ils n'ont fait partie
9 de la Serbie qu'en 1830, mais après seulement des guerres Balkaniques,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Certainement.
12 Q. Savez-vous que dans l'histoire serbe, un certain nombre d'études ont
13 été publiées par des éminents universitaires comme Stojan Novakovic, Jovan
14 Cvijic, qui est spécialiste de l'histoire macédonienne, et de l'histoire de
15 la vieille Serbie, qui a publié son ouvrage en 1906. Svetislav, spécialiste
16 historien qui a publié son étude en 1904, je pense que vous connaissez ces
17 études ?
18 R. Je connais certainement Stojan Novakovic, et Jovan Cvijic, mais je
19 répète que je ne suis pas spécialiste de la période pré moderne. Donc je
20 connais, bien sûr, le fait que l'on utilise l'expression "vieille Serbie"
21 pour qualifier cette région, mais l'histoire antérieure au moyen age est un
22 domaine sur lequel je n'ai tout simplement pas travaillé.
23 Q. Mais Cvijic n'est pas un historien, c'est un géographe. Je tenais
24 simplement à vous corriger sur ce point.
25 Savez-vous que jusqu'au début du 19e siècle, dans les historiographies de
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1 l'Europe de l'ouest, on parle du Sandzak, de Kosmet, de la Macédoine, de la
2 vallée du Vardar, et qu'on décrit cette partie importante de la Serbie sur
3 les cartes géographiques également, comme un tout sur le plan géographique
4 en 1692, la Serbie figure également, et y compris sur les cartes
5 autrichiennes. Adam Von Wijn, un officier autrichien --
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est de cette façon que l'on perd du
7 temps, lorsque vous vous mettez à lire des listes.
8 Madame la Professeure Budding, vous avez compris ce qui vous a été dit, à
9 savoir que des cartes du 16e siècle -- une carte, en tout cas, que sur une
10 carte du 16e siècle, on trouvait mention de la vieille Serbie, mais je ne
11 vois pas très bien quelle est peut-être la pertinence ? C'est ce que l'on
12 essaie de dire par cela.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas non plus la pertinence de
14 ce point traité dans mon rapport, car il y est fait mention de l'existence
15 de cartes autrichiennes qui utilisent l'expression "vieille Serbie".
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Moi je vois un lien avec le sujet dont nous traitons puisque vous avez
18 affirmé. Je vous ai cité cette affirmation de votre part, mais vous avez
19 peut-être perdu le fil.
20 Donc, page 5, deuxième phrase, deuxième paragraphe, vous affirmez que la
21 Serbie, après les guerres Balkaniques, a acquis le Kosovo, la vallée du
22 Vardar en Macédoine et une partie du Sandzak. A présent ce dont je vous
23 parle c'est d'un fait qui montre bien que ce territoire pour lequel vous
24 affirmez qu'au cours des guerres Balkaniques, l'état serbe s'en est emparé,
25 et bien, ces régions constituaient la vieille Serbie pour tous les
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1 historiens et cartographes, et ce depuis une époque bien antérieure à celle
2 dont vous affirmez qu'il s'agit de l'époque au cours de laquelle la Serbie
3 s'est emparée de cette région. Je vous ai cité un nombre d'universitaires,
4 un nombre de cartographes italiens, autrichiens, donc vous ne pouvez pas
5 dire que l'état serbe s'est emparé du Kosovo, de la vallée du Vardar en
6 Macédoine et du Sandzak, car tout indique
7 --
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez répondre le témoin.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] La difficulté que j'ai c'est que vous répétez
10 le terme "osvojiti" -- s'emparez, indique l'interprète -- alors moi j'ai lu
11 tout cela en anglais et le terme que j'ai utilisé, les termes que j'ai
12 utilisés étaient relativement neutres. Ils n'avaient pour but que
13 d'exprimer le fait que l'état serbe a eu recours à des moyens militaires
14 pour prendre le contrôle de ces régions, qui par le passé, relevaient de
15 l'Empire ottoman.
16 Si j'ai dit que je considérais que la population serbe de ces régions
17 considérait ces événements comme une forme de libération et que les
18 populations non-serbes n'ont pas eu le même avis dans la plupart des cas,
19 j'ai effectivement dit cela, mais je n'ai pas utilité le terme osvojiti de
20 façon déterminée car je n'ai pas écrit mon rapport en langue serbe.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Passons à autre chose, je vous prie.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Mais avant de passer à autre chose, je voudrais vous rappeler
24 simplement, que s'agissant de la vieille Serbie, donc de ces régions pour
25 lesquelles vous venez de dire qu'elles ne pouvaient pas être considérées
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1 comme libérées, mais Aleksandar Hufilding [phon] a écrit au sujet de cette
2 vieille Serbie en 1900 et quelque; Spencer a écrit également en 1859 à ce
3 sujet; Hanits [phon], un écrivain allemand bien connu, a aussi écrit à ce
4 sujet, il a utilisé l'expression "vieille Serbie"; Theodore Rippen, un
5 professeur autrichien l'a fait également; Edward Richter, un professeur de
6 Graz, l'a fait également; Gaston Gravier [phon] en a fait autant dans son
7 ouvrage sur les Serbes et les Albanais, publié en 1911 à Paris. Il utilise
8 l'expression "vieille Serbie" et souligne que le Prizren, le Kosovo-
9 Metohija et d'autres régions font partie de cette vieille Serbie. Donc un
10 certain nombre de personnalités ont écrit à ce sujet ?
11 R. Je ne connais pas ces publications précises, mais je ne conteste pas le
12 fait que l'expression "vieille Serbie" était utilisée très couramment pour
13 désigner ces régions à l'époque.
14 Q. Fort bien. Ce que -- ce dont je parlais c'était du fait qu'il y a eu
15 libération de la vieille Serbie et pas conquête.
16 En page 3 de votre rapport, vous parlez du fait que les Serbes appliquaient
17 la définition du nationalisme fournie par Ernest
18 Gellner : Aspiration des peuples à rejoindre leurs compatriotes et à les
19 unir dans un seul et même état. Etes-vous au courant du fait que la
20 définition des états nationaux créés par de nombreuses nations européennes
21 au 19e siècle, par exemple, les Allemands, les Italiens, les Roumains, les
22 Bulgares, les Grecs, les Polonais, étaient précisément celle-ci ?
23 R. Certainement, lorsque j'ai cité Gellner, je ne voulais pas dire que les
24 responsables politiques serbes appliquaient la définition de Gellner, mais
25 j'ai appliqué moi-même cette définition de façon à souligner le parallèle
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1 qui existait entre le nationalisme serbe du 19e siècle et d'autres
2 mouvements nationaux existant en Europe à la même période.
3 Q. Donc, comme je le dis, les Grecs, les Italiens, les Polonais, les
4 Bulgares, les Hongrois et d'autres, avaient exactement la même thèse,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Oui, bien entendu. Dans chaque cas, il y a des spécificités, mais je
7 crois que les mouvements nationaux, qui se sont développés en Europe au 19e
8 siècle, sont de bien des façons assez comparables les uns aux autres.
9 Q. Fort bien. Madame Budding, en page 4 de votre rapport, vous affirmez
10 que ceux qui défendent -- ceux qui -- que ceux qui étaient donc favorables
11 à l'appartenance à la Yougoslavie étaient, pour l'essentiel, des
12 intellectuels croates et quelques partisans serbes auxquels vous faites
13 référence, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, je pense que nous avons vu deux Svetozars qui adhéraient à l'idée
15 de la Grande Yougoslavie, par exemple.
16 Q. Savez-vous Mihajlo Obrenovic, un comte serbe, était l'un des partisans
17 les plus fermes de la création d'une vaste communauté englobant tous les
18 Slaves du sud au 19e siècle et qu'au 20e siècle parmi les Serbes, grand
19 partisan de l'idée yougoslave, on trouve le géographe Jovan Cvijic, dont je
20 viens de parler -- que je viens d'évoquer dans une des questions que je
21 vous ai posées ainsi qu'un critique littéraire, Jovan Skerlic, qui est l'un
22 des intellectuels les plus connus de son époque ?
23 R. Je pense que ce que je voulais dire dans l'opposition, que j'ai établie
24 entre le soutien à l'idée yougoslave parmi les Croates et parmi les Serbes,
25 résidait dans le fait que pour les Croates, l'idée de créer une unité des
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1 Slaves du sud dans le cadre d'une République yougoslave s'appuyait sur une
2 -- l'idée d'une communauté serbo-croate plus vaste, qui pouvait s'illustrer
3 par les événements qui se déroulaient sur le terrain. Alors que pour les
4 Serbes, très franchement, les Serbes de Serbie par opposition aux Serbes de
5 l'Empire Habsburg, et bien, pour eux, l'idée serbe était beaucoup plus
6 forte parce que l'état yougoslave jusqu'à la Première guerre mondiale était
7 une utopie. Et Stojan Novakovic, par exemple, a écrit un ouvrage en 1911,
8 si je ne m'abuse, où il imaginait Belgrade un siècle plus tard et il voyait
9 Belgrade comme la capitale d'un état yougoslave. Mais avant la Première
10 guerre mondiale, il décrivait cela comme un projet tout à fait utopique et
11 c'est cette idée-là que je soulignais en opposant le projet d'un état serbe
12 par rapport au projet d'un état yougoslave.
13 Q. Mais j'affirme pour ma part que ceci est inexact car le comte Mihajlo
14 Obrenovic, un comte serbe, était l'un des plus fermes partisans de la
15 création d'un état yougoslave par réunification des Slaves de la région.
16 Ceci est-il exact ou pas ?
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin a déjà répondu à cette
18 question. Passons à autre chose.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. En page 4 de votre rapport, vous dites que les Serbes et les Croates
22 étaient désireux d'inclure les Slaves islamisés dans leur nation, mais
23 savez-vous que, dans les Balkans, les Musulmans étaient dans leur grande
24 majorité des Serbes et pour partie des Croates, qui se sont convertis à
25 l'islam pour sauver leurs têtes et pour s'opposer à la violence du pouvoir
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1 turc et défendre leurs biens de la destruction et du pillage ?
2 R. Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas spécialiste de la période
3 ottoman. Ce que je crois savoir du processus de conversion en Bosnie en
4 particulier, c'est que la majorité des experts aujourd'hui estime que la
5 majorité des convertis proviennent de l'église bosniaque qui n'était pas
6 très organisée et qui, tout simplement, n'avait pas la force nécessaire
7 pour résister à la conquête ottomane aussi bien que les églises orthodoxe
8 et croate. Donc, lorsque vous dites que la majorité des convertis étaient
9 des Serbes, je ne serais pas nécessairement prête à accepter cette
10 affirmation. Mais je ne serais pas non plus en fait, prête à contester
11 cette affirmation car ce n'est pas la période de mon domaine de spécialité.
12 Et, en fait, je pense qu'il est un peu anachronique de nos jours,
13 d'affirmer que tous les membres de l'église serbe de l'époque avaient une
14 conscience serbe et que tous les catholiques avaient une conscience
15 catholique avant la conquête ottomane. Mais, en réalité, je ne peux pas
16 discuter de cette question dans le cadre de connaissance d'expert.
17 Q. Et bien, dans ce cas, je ne vais pas vous interroger dans ce sens, mais
18 vous savez sans doute, qu'en Bosnie-Herzégovine, on savait exactement qui
19 étaient les familles d'origine turque, et que
20 celles-ci ne fréquentaient même pas les Musulmans de Bosnie, c'est-à-dire,
21 les chrétiens islamisés et là, je n'entre pas dans le fait de savoir si ces
22 chrétiens islamisés étaient d'origine orthodoxe ou catholique.
23 R. Si je comprends bien ce que vous voulez dire, j'y répondrai en disant
24 que je suis bien sûr d'accord pour accepter l'idée d'une distinction
25 existante à l'époque entre les populations d'origine turque et les
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1 populations chrétiennes islamisées. Nous savons bien que les Musulmans
2 slaves se désignaient eux-mêmes, parfois comme des Turci, c'est-à-dire, des
3 Turcs, mais qu'ils faisaient bien la distinction avec les populations
4 d'origine turque qui étaient désignées par un autre mot.
5 Q. Mais savez-vous qu'Ilija Garasanin, dans son programme de libération où
6 il assistait sur l'origine yougoslave et sur la langue utilisée par les
7 Musulmans, préconisait une collaboration étroite avec les Musulmans de
8 façon à combattre l'Empire ottoman et qu'à de nombreuses reprises, il a
9 proposé des mesures qui étaient même défavorables pour les intérêts serbes.
10 Et vous savez sans doute également, puisqu'on vous a interrogé sur ce point
11 hier, que Rizvanbegovic, par exemple, était d'Herzégovine; Halilovici, de
12 Sarajevo; Filipovici, Miralamici [phon], Azifagici [phon], Idrizbegovici,
13 d'Herzégovine. Vous connaissez tous ces noms qui sont les noms de chrétiens
14 islamisés.
15 R. J'ai du mal à vous suivre. Mais si vous parlez de Garasanin dans
16 Nacertanije effectivement, on voit des références à la nécessité de
17 garantir la liberté de culte aux catholiques et orthodoxes, ainsi qu'aux
18 Musulmans.
19 Q. En page 4 de votre rapport, note en bas de page 9, vous parlez de
20 l'article de Vuk Karadzic "Les Serbes ensemble et partout." Et à votre
21 avis, cet article est une des sources des malentendus à venir. Affirmez-
22 vous que c'est vous que Karadzic qui a imaginé de fonder l'idée de nation
23 sur l'utilisation d'une langue commune et sur le stokavien ?
24 R. Est-ce que j'affirme que l'existence d'une nation doit reposer sur
25 l'emploi d'une langue commune ? C'est bien cela que vous me demander ?
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1 Q. Non. Non. Je vous demande si vous affirmez que l'idée selon laquelle
2 une nation est une communauté de langue et que le stokavien est cette
3 langue. Est-ce que vous affirmez que c'est une idée émanant de Vuk
4 Karadzic ?
5 R. Oui. Je dis que c'est bien Vuk Karadzic qui a déclaré que les nations
6 devaient être définies sur une base linguistique.
7 Q. Donc, vous estimez que cette idée lui appartenait ?
8 R. Pas à lui personnellement, bien sûr. C'était je crois, la définition
9 générale de la nation à l'époque, qui à mon avis, devrait être associée
10 davantage à l'idée de groupes humains.
11 Q. Mais vous citez vous que Karadzic, qui selon vous, est à la base d'une
12 idée qui ensuite a provoqué les malentendus à venir. Les noms de Johan
13 Kristopher et Adelung, un grammaticien [phon] allemand
14 -- un lexicographe allemand qui a vécu de 1732 à 1806 ou bien le nom de
15 Johan Herder, autre écrivain allemand, historiographe, philosophe
16 allemand ?
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quel est le but de la citation de ces
18 noms ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je peux me permettre --
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez répondre l'accusé.
21 Dans quel but citez-vous cette liste de noms ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, vous n'avez pas écouté la
23 question qui précédait. Mais mon but est le même que dans la question
24 précédente que j'ai posée en rapport avec une affirmation faite en note en
25 bas de page, note en bas de page 9, de la page 4 du rapport, qui mentionne
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1 l'article de Vuk Karadzic, "Les Serbes tous ensembles et partout," qui
2 selon le témoin est à la base des malentendus qui ont surgi, plus tard. Je
3 lui ai demandé si elle pensait que l'idée selon laquelle une nation se
4 fonde sur une communauté linguistique et notamment, sur l'emploi de la
5 langue stokavienne, était bien l'idée défendue par Vuk Karadzic à l'époque.
6 Et ensuite, j'ai cité comme vous le savez sans doute, parmi eux on trouve
7 Fihte par exemple, Fihte un philosophe allemand --
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Posez une question si vous voulez
9 que le témoin réponde. Dans quel but alignez-vous cette liste de noms ?
10 Dites-le, si vous le voulez bien, et si vous le pouvez.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux le faire bien sûr, Monsieur May, même
12 si ici, c'est moi qui pose les questions et pas vous. Mais savez-vous que
13 ces hommes dont les noms figurent dans cette liste que vous ne me permettez
14 pas de lire et qui comporte les noms des intellectuels européens les plus
15 importants de l'époque. Savez-vous, Madame le Témoin, que ces hommes en
16 tant que représentants du rationalisme intellectuel européen de l'époque,
17 défendaient l'idée qu'une nation est réunie par une langue. Et que ce
18 n'était pas le cas de Vuk Karadzic qui, pour sa part, s'est contenté de
19 reprendre cette idée.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais dans ma réponse précédente,
21 la réponse que j'ai faite avant votre dernière question, vous m'aviez
22 demandé si je pensais que c'était l'idée de Vuk Karadzic et j'ai répondu
23 bien sûr, que ce n'était pas son idée personnelle à lui, et que cette idée
24 était associée à l'idée de Herder. Et ensuite, vous m'avez demandé si
25 j'avais entendu parler d'autres noms.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Fort bien. Mais il n'y a pas que Herder dans le groupe de personnes qui
3 défendaient cette idée. Il y en a bien d'autres, n'est-ce pas, Madame
4 Budding ? Donc, les représentants du rationalisme européen défendaient
5 l'idée qu'une nation est réunie par l'emploi d'une langue commune, n'est-ce
6 pas, à l'époque ?
7 R. Certainement. Si je puis me permettre de citer ce que j'ai dit au sujet
8 de Karadzic dans ma rapport qui est très bref; en fait, en page 3, je dis
9 que dans le contexte de son époque et des luttes anticléricales de
10 l'époque, Karadzic insistait sur le fait que les nations devaient être
11 définies sur base linguistique et non sur base religieuse et que ceci était
12 tout à fait compréhensible, compte tenu du contexte de l'époque. Et lorsque
13 j'utilise cette expression, je disais précisément que la définition de la
14 nation selon les bases de Herder était la définition prévalant en Europe à
15 l'époque parmi les penseurs européens.
16 Q. Oui. Mais j'ai cru comprendre que dans votre note en bas de page 9, en
17 page 4 de votre rapport, lorsque vous citez cet article de Vuk Karadzic,
18 vous le citez comme étant à la racine, à la base d'une idée qui par la
19 suite à suscité de nombreux malentendus.
20 R. Dans le corps du rapport, premier paragraphe de la page 3, je dis que
21 sa définition de la Serbité a toutefois été impossible à maintenir
22 puisqu'elle a été rejetée par la plupart de ceux qu'elle prétendait
23 concerner.
24 Q. Mais savez-vous qu'Adelung, dont nous avons cité le nom dans un
25 instant, a affirmé que le vieux Slavo s'est divisé en trois langues, le
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1 polonais, le russe et le serbe, et que toutes les langues slaves du sud
2 sont finalement des langues découlant de la langue serbe originale. Ce
3 n'est pas une affirmation de Karadzic, mais d'Adelung.
4 R. J'ai cru comprendre que la question que vous me posiez consistait à me
5 demander si je pensais que les idées de Vuk Karadzic, à l'époque,
6 illustraient plus largement les idées répandues en Europe quant à
7 l'influence de la langue sur la constitution des nations. Et, à cette
8 question, j'ai répondu qu'indubitablement c'était le cas.
9 Q. Fort bien, merci beaucoup. Mais êtes-vous au courant du fait qu'en 1849
10 déjà, le régime des Habsburg a décidé de publier un journal officiel dans
11 dix provinces de l'empire, et notamment en langue serbe, et que les Croates
12 étaient autorisés à baptiser ce journal officiel, à rédiger ce journal
13 officiel en langue illyrienne ?
14 R. Non, je ne savais pas cela.
15 Q. Est-ce qu'il vous parait que ceci va à l'encontre de l'idée de Karadzic
16 qui estimait que tout ceux qui parlaient stokavien étaient Serbes ?
17 R. Je ne comprends pas très bien comment une décision de l'Empire
18 d'Habsburg peut avoir une pertinence quelconque par rapport à l'idée
19 exprimée par Vuk Karadzic.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. L'heure de la pause est
21 arrivée.
22 Monsieur Milosevic, vous pourrez consacrer la prochaine séance au contre-
23 interrogatoire de ce témoin. Vous avez déjà disposé d'un temps important.
24 C'est à nous qu'il appartient de décider du temps qui vous êtes imparti et,
25 si vous n'utilisez pas ce temps de façon efficace, c'est votre problème, et
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1 le problème de personne d'autre. Donc, vous disposez encore de la séance
2 suivante.
3 Maître Tapuskovic, est-ce que vous avez des questions à poser ?
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais quelques
5 questions, mais cela dépendra du temps qui me sera imparti.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous souhaiterions que vous ne soyez pas
7 trop long, une demie heure vous sera sûrement accordée, mais si vous
8 pouviez utiliser moins d'une demie heure, ceci serait très bien.
9 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête de M. Tapuskovic.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci.
11 M. NICE : [interprétation] Je ne prévois pas de nombreuses questions dans
12 le cadre des questions supplémentaires après le contre-interrogatoire. Mais
13 j'aimerais que les Juges de cette Chambre insistent auprès de l'Accusé,
14 pour qu'il traite de questions qui figurent à la fin du rapport.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous sommes arrivés à la date de 1849.
16 M. NICE : [interprétation] Les pages 1 à 9 ne sont que des pages
17 introductives au 20e siècle, et ce serait vraiment dommage, si l'Accusé
18 n'interrogeait pas ce témoin historien sur des questions plus pertinentes,
19 et plus liées au 20e siècle, Car ce rapport est destiné à aider les Juges
20 et aider Me Tapuskovic. Bien sûr nous aurons grand plaisir à entendre les
21 questions que Me Tapuskovic aura à poser, mais le temps faisant défaut --
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je considère qu'il n'est absolument pas
24 opportun de parler de ce rapport en tentant de voir dans ce rapport ce qui
25 est pertinent et ce qui n'est pas pertinent. A mon avis, puisque j'ai reçu
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1 ce rapport, c'est le rapport entier qui est pertinent. Il n'est pas
2 appartient à M. Nice de déterminer quelles sont les parties du rapport qui,
3 selon lui, sont pertinentes. Ce rapport est soumis ici en tant que rapport.
4 J'ai demandé tout à l'heure à quoi pourrait bien servir un contre-
5 interrogatoire si je n'étais pas autorisé à passer en revue l'intégralité
6 de ce rapport. J'ai bien l'intention de traiter de l'ensemble du rapport,
7 mais, si vous limitez le temps à ma disposition, la presse de toute façon
8 ne cesse de dire déjà qu'ici la question la plus importante c'est la
9 question de l'heure qui passe, de l'heure qui tourne, de l'horloge, et rien
10 d'autre.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
12 Pause de 20 minutes
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
14 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Continuons donc, Madame Budding, là où nous nous étions arrêtés. Savez-
18 vous que Vuk Karadzic a pris l'idée de Jernej Kopitar, pour ce qui est du
19 parlé stokavien dans le serbe et définition de cette langue comme étant du
20 serbe.
21 R. Oui, j'ai lu à propos de l'influence des idées de Kopitar. Je ne peux
22 pas -- ça se passait en 1811, mais je ne peux pas le dire précisément.
23 Q. Mais savez-vous que Vuk Karadzic était un philologue ? Ce n'était pas
24 un homme politique, qu'il ne traitait que des questions linguistiques et il
25 ne parlait pas de "nation" au sens politique du terme pour parler
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1 d'organisation politique ?
2 R. C'est sûr que je le sais. Je sais que c'était un linguiste davantage
3 qu'un homme politique. Je pense qu'il est le linguiste Serbe le plus connu.
4 Q. Et avez-vous eu l'occasion de -- d'apprendre qu'en 1861, il a écrit un
5 texte sur les Serbes et les Croates où il a présenté des positions et je
6 vais vous citer ce qu'il a dit :
7 "Que si une nation, en tant que communauté linguistique, ne pouvait pas
8 fonctionner, alors il ne pouvait être rien fait d'autre si ce n'est de
9 procéder à un partage en fonction de la langue ou de la religion. Et les
10 uns ne renonceront pas à leurs noms serbes et ceux qui sont de foi
11 catholique romaine n'ont qu'à dire qu'ils sont Croates s'ils le veulent."
12 Je crois que vous avez certainement eu l'occasion de le lire.
13 R. Permettez-moi de préciser ce qui est dit dans mon rapport. Je ne
14 parlais pas de la totalité de la vie et de l'œuvre de Karadzic puisque je
15 n'évoque cet homme qu'en une seule phrase. Je devais aborder rapidement,
16 brièvement, le 19e siècle. Je demande si la définition linguistique donnée
17 à l'état était tenable ou pas -- soutenable ou pas, et je cite dans la même
18 veine la Nacertanije de Garasanin sont pour autant contestés qu'ailleurs.
19 Garasanin a présenté un projet d'état qui était différent de ce qu'il dit
20 dans la Nacertanije et je ne conteste pas que Karadzic, à d'autres endroits
21 et en d'autres moments, émet des avis qui ne sont pas ce qui est exprimé
22 dans l'expression "Srbi Svi i Svuda", les Serbes partout et ensembles.
23 Q. Mais savez-vous qu'un Croate, Ljudevit Gaj, en 1830, a présenté une
24 proposition de réunification des Serbes en un seul peuple pour procéder à
25 l'unification des religions, des églises et égaliser les dialectes pour
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1 faire une langue littéraire conjointe. Et il y a des traces historiques,
2 disant que cela a été repris en 1848 à l'occasion d'un entretien avec un
3 Polonais, Bistranovski, et il a ajouté que Belgrade devait la capitale du
4 futur état conjoint, en raison de sa position géographique favorable et des
5 sentiments populaires, qui s'y retrouvait ou qui s'y recoupait. Vous avez
6 cela dans les écrits d'un autre académicien, M. Ekmecic, en 1800 et
7 quelques. Donc, en 1900 et quelque, vous voyez donc que déjà Ljudevit Gaj,
8 en 1848, en a parlé dans une conversation avec Bistranovski, le saviez-vous
9 ou pas ?
10 R. Je sais sans nul doute que Ljudevit Gaj et que les Illyriens ont
11 considéré que les Serbes et les Croates ne constituaient qu'un peuple parce
12 les Illyriens ont pris un choix linguiste, lequel a permis l'unification de
13 la langue. Je n'ai pas tout à fait compris le but profond de votre
14 question.
15 Q. Mais le but profond c'est qu'en 1848, en s'entretenant avec le polonais
16 Bistranovski, il précisait que Belgrade devait devenir cette capitale de
17 l'état conjoint futur et il avance les raisons pour se faire. Donc déjà,
18 Ljudevit Gaj, en 1848, disait que Belgrade devait devenir la capitale
19 commune à cette étape.
20 R. Je n'étais pas au courant de ce qu'avait dit, de cette façon, M. Gaj,
21 mais ça semble être dans le droit file de sa philosophie générale.
22 Q. Mais étant donné que vous avez mentionné et vous dites que vous n'avez
23 mentionné une fois, Vuk Karadzic, or moi, j'ai compris que vous aviez
24 considéré que c'était l'un des fondateurs de l'hégémonisme serbe. Si je me
25 trompe, il n'est alors point nécessaire d'en débattre plus en avant.
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1 R. Est-ce que vous seriez prêt à mieux définir cette notion "d'hégémonisme
2 serbe". Vous l'avez, en effet, utilisé plusieurs fois et je ne vois pas
3 trop ce que ceci recouvre.
4 Q. Les efforts déployés aux fins de faire en sorte que les Serbes
5 prédominent par rapport aux autres.
6 R. Je n'établirai aucun lien entre cette idée et Vuk Karadzic.
7 Q. Ne savez-vous pas qu'Ivo Pilar, un adepte fervent du mouvement bravo
8 croate et fervent adepte du mouvement chauvin, dans un livre publié à
9 Vienne en 1911, a lancé, pour la première fois, une thèse disant que Vuk
10 Karadzic était le créateur -- l'instigateur de l'impérialisme serbe et cela
11 est affirmé par un autre croate qui se réfère à l'hégémonisme impérialiste
12 dans l'œuvre de Ante Starcevic.
13 R. Non, je ne suis pas au courant de ce qui l'un ou l'autre de ces
14 ouvrages.
15 Q. Bien. Vous parlez dans votre rapport de limites floues de la Serbité.
16 Vous le dites en page 4, premier paragraphe -- vous parlez de contours peu
17 précis de cette Serbité. Dites-moi alors -- expliquez-moi quelles sont ces
18 limites floues qui ont permis aux hommes politiques serbes de continuer à
19 rêver d'une unification de tous les Serbes dans un seul et même état ?
20 R. Je ne dirais pas que ceci leur a permis de poursuivre leurs efforts,
21 mais je dirais que ceci a contribué à une absence de clarté dans la pensée
22 car l'idée de l'unification de tous les Serbes et l'idée de la création
23 d'un état des Slaves du sud, de façon plus générale, n'est pas claire. En
24 d'autres termes, ce que j'affirme dans mon rapport, c'est que bon nombre
25 d'hommes politiques serbes dans la période, qui a précédé la création de
Page 24908
1 l'état yougoslave, n'ont pas fait de distinction claire dans leur esprit
2 entre la création ou la poursuite de l'extension, ou l'expansion de l'état
3 serbe et la création d'un état des Slaves du sud, une Yougoslavie qui
4 aurait été un projet séparé.
5 Q. Bon. Mais dites-moi qu'advient-il des autres peuples européens qui ont
6 eu la possibilité de rêver de leur unification à eux. Alors est-ce que
7 c'est peut-être ces mêmes contours variés et souvent flous dont vous
8 parlez ?
9 R. Je pense qu'il faudrait prendre un exemple précis, d'un peuple précis
10 pour aborder le sujet à bon escient. Prenez, par exemple, l'unification
11 italienne, parallèle des plus intéressants. Car beaucoup ont estimé qu'au
12 moment de l'unification de l'Italie, il n'y avait à peu près 2 % de la
13 population qui parlait l'italien standard. Et si vous aviez des gens de
14 Milan, qui étaient à Naples, ils n'étaient pas compris des napolitains
15 lorsqu'ils parlaient le milanais. C'est là un autre exemple où les
16 frontières sont un peu floues.
17 Prenons la France, par contraste, parallèle intéressant sous un autre
18 angle, parce qu'il montre où vous avez un état dont les frontières d'état
19 sont relativement stables sur une longue période et là, il est possible de
20 transformer des paysans en français. Vous avez le titre d'un ouvrage bien
21 connu qui parle de la création de la nation française entre 1870 et 1918.
22 Je ne parle pas de façon générale parce qu'il n'y a pas un seul modèle
23 européen de la création -- de la naissance d'un état.
24 Q. En page 4, note de bas de page 10, en citant la littérature afférente
25 aux Nacertanije, vous citez le livre de Vasa Cubrilovic et un article de
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1 Jelavic, daté de 1948 [sic], qui a jugé que c'était là un programme Grande
2 Serbie. Ne savez-vous pas qu'il y a des centaines de livres de rédiger au
3 sujet du Nacertanije ?
4 R. Je suis sûr que c'est vrai. Permettez-moi de relever que je cite
5 également un ouvrage publié par l'Académie serbe, un recueil d'articles
6 appelé simplement "Ilija Garasanin". Et je cite notamment l'article de
7 Samardzic. Auparavant, j'avais, je crois, signer ce qu'avait écrit un autre
8 auteur à propos de la Nacertanije.
9 Effectivement, voyez la note de bas de page 5, c'est là que je signe ce
10 qu'a écrit Radovan Samardzic à la conférence internationale de l'Académie
11 des sciences en décembre 1987 pour commémorer Garasanin.
12 Q. Dites-moi, alors pourquoi estimez-vous que Charles Jelavic serait
13 propice à apporter des jugements sur le Nacertanije et dire que c'est là la
14 source de l'hégémonisme grand serbe ?
15 R. Jelavic ne fait pas une telle affirmation. Si je l'ai cité ou plutôt
16 son article, c'est qu'il prend le projet de Zach, c'est là-dessus que se
17 passe la Nacertanije, mais il inclut aussi le texte de ce concept de
18 Nacertanije. Et il se pense plus précisément sur la question de savoir de
19 quelle façon Garasanin change le texte de Zach. Ce qu'il dit de façon plus
20 précise, c'est qu'à bien des endroits, Garasanin a remplacé des phrases où
21 Zach avait utilisé le terme Slave du sud et Garasanin remplace ce terme par
22 Serbe.
23 Une question différente, c'est celle de savoir si ceci transforme le texte
24 en un programme Grande Serbie. Je l'ai dit dans la note de bas de page. Si
25 on commence à discuter du caractère Grande Serbie ou de la Nacertanije,
Page 24910
1 c'est quelque chose d'anachronique parce que vers les années 1840, ce
2 qu'écrivait Garasanin c'était ce qui semblait réaliste. J'ai dit que
3 beaucoup d'hommes politiques dont Garasanin voyait un projet yougoslave
4 comme étant davantage à un projet utopique et qu'il faudrait donc repousser
5 pour ce qui est de sa concrétisation à beaucoup plus tard.
6 Ce que je veux faire valoir à propos du Nacertanije, c'est qu'il aborde
7 uniquement les terres se trouvant sous l'emprise de l'Empire ottoman, mais
8 Garasanin ne fait pas dans esprit de distinction claire ou n'attribue pas
9 beaucoup d'importance au fait qu'il y a certaines terres qui devraient
10 faire partie des terres serbes, par exemple, en Bosnie-Herzégovine, on a
11 des habitants qui ne se considèrent pas comme Serbes. Et il le sait
12 parfaitement et je l'ai déjà dit. Il parle de la nécessité d'avoir une
13 tolérance en matière de religion mais je ne pense pas qu'il faisait une
14 distinction entre cette distinction qu'il voyait, "Et que ça voudrait dire
15 qu'il faudrait créer un état, des états du sud davantage que continuez
16 l'état des Serbes." C'est simplement ce que je voulais dire à propos de la
17 Nacertanije.
18 Q. Fort bien, et quoi qu'à mon avis, il ne serait pas approprié de
19 procéder à des raccourcissements des questions que j'ai à poser concernant
20 le rapport que vous avez rédigé vous-même. J'essaierais de résumer et de
21 vous demander si vous avez eu l'opportunité de lire un grand nombre
22 d'historiens serbes, croates et étrangers qui ont également écrit des
23 ouvrages concernant le Nacertanije mais qui n'ont pas considéré que
24 c'était-là un grand -- un programme Grande Serbie mais un programme
25 yougoslave, donc qui avait pour viser la création d'un état yougoslave, par
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1 exemple, Vasil Popovic et, "La politique yougoslave du temps de Napoléon
2 III," publié en 1925; Vladislav Stranjakovic, le programme yougoslave de la
3 "Principauté de Serbie en 1804." Le livre a été publié en 1931, et puis la
4 "Création de Nacertanije ou alors," Slobodan Jovanovic, "Les défenseurs de
5 la constitution et leur gouvernement, en 1838." Publié en 1933 [sic]. Et
6 encore un historien américain David McKenzie qui a publié un livre disant,
7 "Ilija Garasanin, le Bismarck des Balkans en 1925 [sic]." Puis vous avez le
8 prince Czartoryski et le livre de Henry Batovski.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Encore une liste, dit le président.
10 Quelle est votre question ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai posé déjà la question, Monsieur May,
12 mais il apparaît avec évidence que vous n'entendez pas mes questions.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais impossible, vous énoncez une liste.
14 Vous commencez en disant que "vous allez être concis", puis vous poursuivez
15 par l'énumération de toute une série de noms.
16 Mais peut-être que Mme la Professeure a compris. Donnez-lui le temps de
17 répondre à ce que vous avez dit jusqu'à présent. Non, non. Je vous
18 interromps, je donne la parole au témoin.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'ai bien compris l'objet général de cette
20 question consiste à demander quelles sont mes sources principales pour ce
21 qui est du Nacertanije.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Mais attendez qu'elle parle
23 d'abord des sources et puis vous posez votre question.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Outre les sources déjà citées dans mon
25 rapport, je me suis servie d'un livre appelé "Nikar Nacertanije" [phon] de
Page 24912
1 Rados Ljusic, Belgrade. C'est une étude générale très intéressante sur le
2 plan de l'histoire et qui résume bien des idées de cet auteur que vous
3 venez de citer. Donc, je crois que je connais assez bien l'évolution de la
4 Yougoslavie sous l'angle de l'historiographie et du Nacertanije, mais je ne
5 suis pas à même de vous dire précisément ce que chacun de ces auteurs a
6 dit. Concrètement, de façon générale, les historiens yougoslaves de la
7 période d'entre guerre ont vu la Nacertanije comme étant un projet Grande
8 Serbie et servait aussi de la Yougoslavie d'après-guerre; et Nacertanije
9 c'est quelque chose pour moi d'assez anachronique.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Certes, mais il n'était point de doute qu'un grand nombre d'auteurs
12 tant serbes que croates et étrangers, des historiens, donc ont tous
13 considéré que le Nacertanije avait été un programme plutôt yougoslave que
14 Grande Serbie. J'espère que vous en êtes consciente, Madame Budding ?
15 R. Je ne sais pas si ces personnes étaient nombreuses mais il est
16 incontestable qu'il y a eu diverses interprétations du Nacertanije qui ont
17 vu ce programme comme étant un programme yougoslave.
18 Q. Bien. Savez-vous que c'est notamment en Croatie -- dans
19 l'historiographie croate, autrichienne et allemande, il y a eu une
20 propagande de développer qui a suivi Charles Jelavic qui ont considéré que
21 le Nacertanije avait été la source de tous les maux dans les Balkans et
22 qu'ils ont pris cela comme preuve suprême de la volonté des Serbes
23 d'exercer une hégémonie.
24 R. Rien de la sorte dans l'article de Jelavic. C'est simplement l'article
25 d'un scientifique qui fait une comparaison de texte du Nacertanije de
Page 24913
1 Garasanin et de Zach.
2 Q. Mais l'opinion d'un grand nombre d'historiens dit bien que les
3 malentendus des hommes de science au sujet de Nacertanije lorsque la
4 politique idéologique de l'Allemagne a commencé à accuser la Serbie d'être
5 coupable de la Première guerre mondiale en 1914. Il a rattaché cela à la
6 politique nationale qui était celle de celle-ci. Et vous n'ignorez
7 certainement pas que la thèse a été lancée par un général autrichien Stefan
8 Sarkosic dans son livre, son ouvrage "Le procès de Banja Luka en 1933", et
9 cela a été repris par Tomislav Sidak [phon] à Zagreb en 1942-1943, donc
10 pendant encore la durée de la Deuxième guerre mondiale.
11 Et encore Petar Simunic qui dit, "Nacertanije, l'acte secret -- document
12 secret de la volonté serbe -- "
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous débranche. Il y a au début une
14 question puis ça se transforme en liste, en énumération, Madame la
15 Professeure Budding. Avez-vous quelque chose à propos des Allemands qui
16 auraient accusé la Serbie ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est vrai de façon générale, mais je ne peux
18 pas me prononcer sur toutes les sources citées. Je pense qu'il y a eu des
19 interprétations tendancieuses du concept de Nacertanije, d'où ma note de
20 bas de la page dans le rapport qui dit, qu'à mon avis, toute cette
21 discussion qui consiste, à savoir, si le Nacertanije c'est Grande Serbie ou
22 Yougoslave. C'est un débat anachronique à l'instar de tous documents
23 historiques. Il faut le voir dans le contexte de son époque, à savoir, les
24 années 1840 et après.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Pour être plus précis, 1844. Savez-vous que le Nacertanije n'a pas été
2 le fruit d'une hégémonie grand serbe mais une idée des gouvernements
3 français et britanniques, qui ont joué un rôle crucial dans la définition
4 de ce Nacertanije parce qu'elles ont conseillé le prince serbe Milos
5 Obrenovic de conduire une politique qui le dissocierait du protectorat
6 russe. Et c'est à cet effet qu'on avait proposé la création d'une grande
7 fédération slave qui en sus de la Serbie devait englober la Bosnie, la
8 Macédoine, la Croatie et d'autres. Ils avaient redouté comme l'émigration
9 polonaise et nombreuse en Europe occidentale, qui avait redouté suite à la
10 chute de prince Milos, qu'on allait quitter cette politique de
11 rassemblement des Slaves du sud pour se retourner vers la Russie. Par
12 conséquent, l'idée d'u Nacertanije est britannique. Le cadre est donné par
13 les Polonais et le Polonais Adam Czartoryski a été une sorte
14 d'intermédiaire. Vous retrouverez cela dans le livre de l'académicien
15 Ekmecic intitulé, "La création de la Yougoslavie," entre 1840 et 1918. Ce
16 que je veux faire valoir a parlé du rôle joué par Zach, c'est précisément
17 de cela que je parlais. Je parlais des différences entre les textes de Zach
18 et ceux de Garasanin. Je ne suis pas d'accord avec ce que vous affirmez,
19 que ceci s'est fait sur l'initiative des gouvernements français et
20 britannique. Même s'il est vrai de dire qu'à l'époque, ces gouvernements
21 étaient favorables à une telle idée. Ceci vient précisément de la
22 communauté d'émigrés polonais qui se sont regroupés autour du prince Adam
23 Czartoryski, qui était quand même l'envoyé de Garasanin.
24 Et puisque nous parlons de Garasanin; à mes yeux, ce qui le fait sortir du
25 lot des autres hommes d'état serbe du 19e siècle, c'est précisément, sa
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1 prudence et même les soupçons qu'il avait à propos de la Russie et des
2 intentions de la Russie dans les Balkans.
3 M. NICE : [interprétation] Cela fait à peu près -- il reste encore à peu
4 près une heure de contre-interrogatoire. Je comprends que vous décidez
5 qu'il revient à l'accusé d'utiliser ce temps, mais le rapport répond au
6 besoin de la Chambre et s'attache surtout aux périodes modernes. Puis-je
7 vous aider en disant clairement que le plus clair de ce rapport ne parle
8 pas seulement du 20e siècle, mais des questions qui se posent ici dans ce
9 procès. On parle longuement du mémorandum et de l'accusé. Si ces parties ne
10 sont pas contestées dans le contre-interrogatoire, l'Accusation au moment
11 de son réquisitoire pourra dire que ceci n'aura pas été contesté. Nous
12 sommes obligés de le faire. Et nous serons d'ailleurs très ravis de le
13 faire. C'est tout ce que je veux dire afin d'exhorter par votre truchement
14 l'accusé à ne pas gaspiller le temps qui lui est donné.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il est au courant du temps qui lui est
16 donné. Et à lui, s'il veut rester dans le 19e siècle, plutôt que dans le 20e
17 ou le 21e, libre à lui de le faire.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je ne puis interpréter ceci que
19 comme une violence à mon égard. Parce qu'il n'y a aucune finalité à contre-
20 interroger si je n'ai pas la possibilité de traverser le rapport tout
21 entier. Je ne vais pas abréger mon contre-interrogatoire. Vous pouvez
22 éteindre mon micro quand vous voulez. Mais ce que M. Nice veut constater,
23 que je n'ai pas contesté parce que vous ne m'avez pas donné le temps de le
24 faire, ça ce sont des modalités qui sont, ou des façons de faire qui sont
25 les vôtres. Moi, j'ai déjà dit qu'ici on voulait refaçonner l'histoire.
Page 24916
1 Vous faites venir un expert en histoire, vous ne me permettez pas de
2 contre-interroger cet historien, sur les questions dont nous traitons ici.
3 Alors.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il nous revient à nous de le dire. Mais
5 je le répète. Si vous avez un historien, celui que vous avez devant vous,
6 si vous décidez de consacrer tout votre temps à des temps révolus plutôt
7 qu'à des événements plus récents, on ne peut pas vous en empêcher. Mais
8 votre temps est limité. Mais si vous contestez les conclusions, surtout si
9 ce sont celles qui vous concernent, et bien vous devriez le faire dans le
10 temps qui vous reste.
11 Vous vous sentez bien, Madame le témoin, si vous voulez une pause, dites-
12 nous le nous.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non tout va bien.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais bien sûr que je conteste. Mais j'y
16 viendrai, quand je viendrai à cette partie là du rapport. Et j'estime que
17 vous ne devriez pas limiter mon temps de
18 contre-interrogatoire. Parce que tout simplement, vous avez le critère de
19 l'heure et rien d'autre.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Madame Budding, savez-vous qui est David Urkvart ? C'était un diplomate
22 britannique, il était secrétaire de la mission à Istanbul.
23 R. Non, je ne le connais pas.
24 Q. Et savez-vous que c'est Urkvart ? Parce que vous avez dit que ce
25 n'était pas l'idée du gouvernement britannique. A l'occasion de sa visite
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1 en 1832 et 1833, au nom du gouvernement britannique qui l'a présenté au
2 prince Milos Obrenovic, serbe, l'idée afférente à la création de ce
3 Nacertanije. Dites-moi seulement oui ou non ?
4 R. Non, je ne pense pas comprendre votre question. Vous affirmez que dans
5 les années 1830, quelqu'un a suggéré que soit créé un document qui est
6 apparu en 1844, sous le concept de Nacertanije ?
7 Q. Oui, ou Urkvart, à l'occasion de sa visite à la Serbie en 1932 et 1933,
8 au nom du gouvernement britannique a présenté au prince serbe Milos
9 Obrenovic, une idée afférente à la rédaction du Nacertanije. Le saviez-vous
10 ou pas ? Répondez-moi par un oui ou par un non ?
11 R. Mais ça me semble insensé. Parce que Nacertanije est bien sûr préparé
12 au moment où Karadjordjevic est roi. Mais je ne vois pas ce que vous voulez
13 dire. Vous dites que 50 [sic] ans avant la création de ce document, ça ne
14 fait pas l'ombre d'un doute bien sûr, que ceci est appuyé sur Zach qui
15 vient de la communauté des émigrés polonais. Mais qu'est-ce que vous voulez
16 dire; que bien auparavant quelqu'un a suggéré à un roi d'une autre dynastie
17 que soit créé ce document. Là, je ne comprends pas.
18 Q. Oui. Mais c'est précisément le dénommé Urkvart, et je crois que vous
19 faites erreur ici --
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dernière question sur ce sujet, sur
21 lequel vous vous êtes longuement appesanti.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Bien. Alors savez-vous que le dénommé Urkvart, dans la revue du foreign
24 office [sic] appelée Portfolio en 1843, et c'est de quelle année date le
25 Nacertanije ?
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1 R. 1844.
2 Q. Était-ce le règne des Karadjordjevic ou des Obrenovic ?
3 R. Des Karadjordjevic effectivement.
4 Q. Mais ce n'est pas exact.
5 R. Excusez-moi c'est vrai.
6 Q. En 1844, Madame.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un à la fois, s'il vous plaît.
8 Abandonnons ce sujet, passons à autre chose.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Bien. Mais écoutez je vous prie. En 1844, Urkvart a publié une première
11 version du Nacertanije. Il a dit "mémoire projet sur le gouvernement
12 serbe." Avant que Garasanin ne ponde un texte qui est servi, qui est pris
13 comme exemple de l'hégémonie grand serbe. Et cela se trouve dans le
14 patrimoine de Urkvart, au collège de Oxford, dans sa bibliothèque.
15 R. Permettez-moi de revenir sur un volet de cette question. Vous avez
16 donc, à chaque fois à parler de l'hégémonisme grand serbe. Mais moi, je
17 n'utilise ce terme nulle part, ni dans mon rapport, ni ailleurs. Je ne vois
18 comment vous pouvez dire que Nacertanije est pour moi un exemple ou le
19 document de l'hégémonisme grand serbe. Et je l'ai déjà dit plusieurs fois
20 aujourd'hui, toute cette polémique portant sur la question de savoir si le
21 Nacertanije est un document à caractère yougoslave ou Grande Serbie; c'est
22 là pour moi un débat qui n'a pas lieu d'être, qui est anachronique.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Passons à un autre sujet.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Fort bien. Vous dites que la Bosnie-Herzégovine était au centre des
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1 ambitions serbes après être passée en 1878 sous l'administration
2 autrichienne. Ne savez-vous pas qu'au congrès de Berlin, l'Autriche avait
3 reçu mandat d'occuper la Bosnie-Herzégovine. Et le prince serbe et roi,
4 futur roi Milan Obrenovic donc, c'était toujours Obrenovic, malheureusement
5 pour vous, vous vous êtes trompée là-dessus, et son héritier Alexandre,
6 n'avaient aucune prétention à l'égard de la Bosnie-Herzégovine, puisqu'ils
7 suivaient la politique austrophile [sic]. Ce qui est notamment valide pour
8 les Obrenovic ?
9 R. Tout à fait vrai. C'est vrai qu'après, on a les Obrenovic qui ont une
10 politique austrophile. Et que de cette façon, ils ne cherchent pas
11 l'appropriation de terres étant sous tutelle autrichienne. Lorsque j'ai
12 parlé des aspirations serbes, à ce
13 moment-là, je voyais ça dans un sens plus large. Manifestement, les
14 intellectuels serbes continuent de considérer que la
15 Bosnie-Herzégovine est une terre serbe. Il suffirait de faire un petit bond
16 dans le temps. Vers 1911, on a le statut de l'organisation de l'unification
17 ou de la mort. On voit la Bosnie-Herzégovine notamment, comme étant une
18 terre serbe. Mais je ne conteste pas ce que vous dites à propos de la
19 politique étrangère du roi Obrenovic qui est arrivé plus tard ou des rois
20 de la lignée Obrenovic.
21 Q. A la même page, en parlant de Bosnie-Herzégovine, vous ne donnez pas de
22 renseignements concrets, mais s'agissant de la religion, des confessions.
23 Mais ne savez-vous pas qu'en date du 10 octobre 1910, il y a eu un
24 recensement qui a été effectué par le gouvernement national de Bosnie-
25 Herzégovine, et je ne vais pas vous donner lecture des chiffres. Mais il y
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1 avait 43,49 % de population serbe orthodoxe, 32,25 % de Musulmans et 22,17
2 % de catholiques romains. Et auparavant, il y avait 43,29 % de Serbes --
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Cernons les problèmes. Commençons par le
4 recensement de 1910, est-ce que ces chiffres sont plus ou moins corrects ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le dis dans mon rapport, même au moment du
6 premier recensement après 1878, les Serbes étaient le groupe le plus
7 important. Il y avait une base religieuse à ce recensement, ce qui veut
8 dire que ceux de confession orthodoxe représentaient le groupe religieux le
9 plus important en Bosnie-Herzégovine.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Bien. Et ne savez-vous pas que cette proportion de la majorité relative
12 serbe est restée en vigueur jusque vers les années 60 du 20e siècle ?
13 R. Oui, c'est vrai de façon générale. Les premiers recensements d'après-
14 guerre sont difficiles à interpréter. Car il y avait le problème évoqué
15 hier. Différentes options sont alors ouvertes au Musulmans, en fonction des
16 recensements consécutifs quant à la façon dont ils peuvent s'exprimer et
17 s'identifier.
18 Q. Dans la première phrase du paragraphe 2, page 5, vous parlez de la
19 Serbie en sa qualité de Piedmont potentiel des Slaves du Sud. Savez-vous ce
20 que cela signifie au figuré, le Piedmont ? Est-ce que cela ne signifie pas
21 centre du mouvement de libération par analogie au mouvement de libération
22 de l'Italie ?
23 R. Pour moi, ce n'est pas quelque chose de figurer. Après tout, c'est le
24 rôle littéralement joué par le Piedmont. Mais c'est précisément ce à quoi
25 je veux en venir. Les gens de Serbie et aussi les Slaves de l'Empire
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1 ottoman et de Habsburg voyaient potentiellement la Serbie comme cela.
2 Q. Dites-moi pourquoi la libération des Serbes est-elle identifiée par vos
3 soins comme -- non, non, je laisse tomber. Je ne vais pas vous poser cette
4 question. Vous avez expliqué qu'il s'agissait d'une erreur de traduction.
5 Quand vous parlez du Kosmet, vous omettez de dire Kosovo [sic] et Metohija.
6 Pourquoi le faites-vous ?
7 R. Je suppose que je le fais pour les raisons pour lesquelles je parle de
8 la Bosnie plutôt que de la Bosnie-Herzégovine. Parce que communément, on
9 utilise la première partie du terme pour représenter le tout.
10 Q. Vous avez à l'esprit le terme dans son intégralité. En page 8, en note
11 de bas de page 18 et 21 et note de bas de page 19, vous citez un livre que
12 "le Kosovo, brève histoire" d'un historien britannique, Malcolm. Ne savez-
13 vous pas que l'institut historiographique de l'Académie serbe des sciences
14 a organisé une table ronde pour étudier les valeurs de cet ouvrage. Et je
15 crois que vous ne contesterez pas qu'ont pris part à cette étude, Ekmecic,
16 Slavenko Terzic [phon], Bodozem, Dimic, Mila Bjelajac qui ont contesté la
17 valeur intrinsèque de cet ouvrage, et ont parlé de façon très critique de
18 cet ouvrage en disant que ce n'était pas un ouvrage scientifique mais un
19 faux unilatéral et que c'était un pamphlet de propagande incitant à la
20 guerre. Et j'espère que vous avez pu constater qu'il y a eu un livre qui a
21 été publié en réponse à cet œuvre, à cet ouvrage de Malcolm intitulé "Brève
22 histoire du Kosovo." Avez-vous eu l'occasion de voir cela ?
23 R. Oui. Et je pensais que ce que dit Mila Bjelajac et Dimic, si je me
24 souviens bien, il y a peut-être eu d'autres intervenants. Mais je pense que
25 ces deux hommes ont fait valoir des choses tout à fait solides. Je
Page 24922
1 n'accepte pas la totalité de l'ouvrage de Malcolm. Mais je m'en suis servi
2 comme j'ai écrit aussi -- je me suis servi de ce qu'a dit Vickers,
3 moi-même. C'est la littérature secondaire, parce que je ne connais pas
4 l'albanais. Donc, je voulais en plus des sources serbes que je peux accéder
5 beaucoup plus facilement, je voulais outre cela, utiliser ce qu'ont fait
6 les historiens pour parler de l'Albanie.
7 Q. En page 8, vous affirmez qu'après le congrès de Berlin jusqu'en 1912,
8 il y a eu des violences sporadiques à l'égard ou à l'encontre des Slaves au
9 Kosovo. Et quand vous parlez du Kosmet, du Kosovo et Metohija, vous parlez
10 de Slaves. Qui étaient ces Slaves ? C'étaient des Russes, des Tchèques, des
11 Slovaques, des Slovènes ? Pourquoi ne dites-vous pas simplement que
12 c'étaient des Serbes et des Monténégrins ?
13 R. J'ai utilisé le terme de Slaves pour ne pas toujours parler de Serbes
14 et de Monténégrins. Hier, vous avez laissé entendre que si je me servais
15 des termes serbes et monténégrins, je faisais, ce faisant une dénégation de
16 l'état du Monténégro. Lorsque je parle de la population slave, je parle
17 précisément des Serbes et des Monténégrins.
18 Q. Bien. Au moins la chose est claire. A la note de bas de page 19, vous
19 dites que l'on conteste le nombre des immigrants du Kosovo. Et vous citez
20 les données de Stevan Pavlovic, parlant de 150 000 et Malcolm parlant lui,
21 de 60 000 personnes. Et les raisons de ces départs étaient-ils de nature
22 politique ? Etait-ce la conséquence de la terreur et des crimes commis par
23 les Albanais ?
24 R. Je crois que c'est vrai de façon générale. Mais il faut comprendre ceci
25 dans le contexte du démantèlement ou de l'effondrement généralisé de
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1 l'ordre européen dans les parties ottomanes de l'Empire. Les événements du
2 Kosovo, à ce moment-là, après 1878 doivent se voir dans le contexte de la
3 dégradation des rapports. Il y a là, l'arrivée de réfugiés musulmans qui
4 viennent de régions qui viennent d'être prises par la Serbie.
5 Q. Mais moi, je me réfère à des chiffres. Cent cinquante mille avancé par
6 Pavlovic et Malcolm parlant de 60 000. Et vous demandez que cela soit
7 contesté, parce que l'écart est grand entre ces chiffres. Est-ce que cela
8 signifie et j'imagine que vous le savez, un anthropologue, Niko Zupancic,
9 dont vous avez certainement entendu parlé, un historien, un Tchèque,
10 Konstantin Jiriczek en 1913 ont présenté à l'Université de Vienne des
11 renseignements disant que depuis 1866 [sic] jusqu'en 1912, il a été chassé
12 du Kosovo 150 000 Serbes.
13 R. Je n'étais pas au courant de cet ouvrage-là. Tous les chiffres
14 mentionnés à propos du Kosovo sont d'une interprétation difficile,
15 difficile de rétablir ces preuves aussi pour le 20e siècle. Puisque les
16 recensements sont considérés comme étant peu fiables. Là où il y a un
17 gouvernement fort, c'est peut-être la raison. Ce n'est pas une région qui a
18 une fonction particulière dans le gouvernement. Il est difficile de se
19 prononcer de façon précise quant aux chiffres exacts de réfugiés quelle que
20 soit la période. Mais je ne conteste aucunement le fait qu'à ce moment-là,
21 il y avait des nombres considérables de Slaves qui ont été chassés par la
22 dégradation de la situation et par les brutalités exercées contre eux.
23 Q. J'étais en train précisément de parler de 1866 à 1912, période où on a
24 chassé ou on a expulsé 150 000 et Jiriczek et Zupancic en ont parlé dans
25 leurs textes. Mais savez-vous qu'il y a un grand nombre de rapports
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1 présentés par des étrangers et envoyés par les étrangers, depuis le Kosovo
2 qui parlaient de la terreur très grande exercée par les Albanais à
3 l'encontre des Serbes ? Le Manchester Guardian, le 1er septembre 1883, a
4 rédigé des textes disant que l'on tuait quotidiennement des chrétiens à
5 Kosovo et que c'était les Albanais qui le faisaient. Je vous cite à la
6 lettre ce qui est dit par le Manchester Guardian qui dit, que l'on tuait
7 quotidiennement au Kosovo des Serbes et que c'était des Albanais qui le
8 faisaient. Et Arthur Evans en date du 16 septembre 1885 a rédigé dans le
9 même journal qu'au Kosovo, c'était la tyrannie des terroristes islamistes.
10 C'est ce qu'Arthur Evans écrit dès 1885.
11 R. Je n'étais pas au courant de ces sources-là précisément, cependant,
12 dans mon rapport, je le dis. Je dis ce que vous dites maintenant, c'est
13 qu'il y a eu des violences à l'encontre de la population slave autour de
14 cette période.
15 Q. Oui. Mais cette tyrannie elle existe de nos jours étant donné que sous
16 l'égide des Nations Unies on a expulsé 150 000 [sic] Serbes du Kosovo de
17 nos jours encore.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Non. Maintenant, on parle
19 d'histoire. Avancez.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Savez-vous, Madame, qu'il y a des renseignements de sources
23 diplomatiques britanniques. Nous parlons de documents diplomatiques
24 britanniques publiés en 1904 à Londres concernant la terreur albanaise à
25 l'égard des Serbes ? L'ambassadeur Sir George Bonham, en 1901, a déjà écrit
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1 au ministre des Affaires étrangères, parlant de 40 familles serbes qui
2 avaient fui le Kosovo suite à la terreur albanaise pour aller en Serbie. Le
3 consul Young [sic] en 1901 a écrit également au ministre disant, "Que la
4 vieille Serbie," à savoir, le Kosovo et Metohija, était encore une région
5 troublée en raison de l'absence du règne de la loi en raison de la terreur
6 exercée par les Albanais; et il y a encore 250 familles qui ont fui la
7 Serbie en raison de la terreur exercée par les Albanais là-bas. Avez-vous
8 eu l'occasion de vous pencher sur ces renseignements-là. Parce qu'il s'agit
9 de documents diplomatiques d'origine britannique ?
10 R. Non, non, je n'ai pas vue ces sources-là, cependant qu'elles cadrent
11 bien avec ce que je dis dans le rapport.
12 Q. Et savez-vous que le gouvernement du Royaume de Serbie a publié les
13 documents diplomatiques concernant les crimes au Kosovo pour les besoins de
14 la conférence de La Haye, crimes commis entre 1899 et au-delà -- pour la
15 conférence de La Haye de 1899 ? Avez-vous vu ces documents ?
16 R. Non. Je le dis uniquement en deux phrases. Le rapport ne s'approfondit
17 pas -- n'approfondit pas la question du 19e siècle, ce qui veut dire que je
18 n'ai pas consulté ces sources-là.
19 Q. Bien. En page 8, vous parlez et je cite de ce que vous dites :
20 "Cette suite d'événements ne promettaient rien de bon pour ce qui est de la
21 position des Albanais dans le nouvel état et ce qui est dissocié de leurs
22 positions peu naturelles en leur qualité de non-Slaves, dans un entourage
23 de Slaves."
24 Que voyez-vous de peu naturel pour ce qui est de ces Albanais qui n'étaient
25 -- qui étaient dans un -- qui n'était pas un état de tous les Slaves du
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1 sud ? Parce que les Bulgares sont également des Slaves du sud. Ils ne
2 faisaient pas partie de cet état.
3 R. Permettez-moi de lire la phrase que j'ai écrite en anglais, parfois il
4 y a rien de différent. Je ne me plains pas du tout ici de la traduction qui
5 a été faite de mon texte, mais je ne suis pas à même de défendre les termes
6 en Serbe comme je peux le faire en anglais parce qu'en anglais j'ai choisi
7 les textes moi-même.
8 Voici ce que je dis en anglais :
9 "Cette suite d'événements inauguraient rien de bon pour les positions des
10 Albanais dans ce nouvel état mis à part leurs situations de non-Slaves dans
11 un état des Slaves du sud."
12 Je pense que cette notion de non-Slaves ce n'est pas une connotation
13 particulière. C'est simplement une exception. La Yougoslavie elle a été
14 créée en tant qu'état des Slaves du sud. Même dans son intitulé initial,
15 Royaume des Serbes, des Croates, et des Slovènes, il est clair qu'il y a là
16 une idée de l'état même avant que soit retenu cette exception en 1989
17 [sic], c'est pour ça que c'était l'idée d'un état des Slaves du sud, d'où
18 ma qualification des Albanais comme étant une situation sortant de
19 l'ordinaire ou anormale, exceptionnelle, puisque manifestement ce ne sont
20 pas des Slaves.
21 Q. Savez-vous que le nouvel état auquel vous faites référence en 1918 a
22 repris les obligations internationales qui garantissaient le statut
23 juridique des minorités nationales, y compris, les Albanais ?
24 R. Oui, oui. C'était effectivement la structure qui apparaît de façon
25 systématique en Europe orientale entre les deux guerres mondiales. Il y a
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1 beaucoup de garantie pour ce qui est des droits des minorités et ce sont
2 des obligations de droit qui sont prises -- qui sont des engagements pris
3 par les nouveaux états qui se sont succédés.
4 Q. Oui, mais il ne s'agit pas seulement d'obligations rhétoriquement
5 prises sur le plan juridique. Ne savez-vous pas que les efforts de cet état
6 des Serbes, des Croates et des Slovènes, qui a adopté des lois relatives
7 pour ce qui est des régions peuplées par les Albanais au Kosovo, Metohija
8 après 1920, il a été ouvert plus de 1 400 écoles, il a été construit 480
9 bâtiments d'écoles, immeubles donc et il a été employé plus de 2 000
10 instituteurs. Le tout conformément aux obligations qui ont été contractées,
11 et ce, dans les langues de ces minorités nationales. Avez-vous à votre
12 disposition les renseignements -- des renseignements de cette nature-là ?
13 R. Il m'est impossible de me prononcer sur le nombre d'écoles construites,
14 le nombre d'instituteurs. Voici comment je comprends au fond la chose,
15 l'état s'était forcé de fournir des instituteurs qui étaient des Musulmans
16 de Bosnie qui donnait des cours en Serbie et il y avait bien sûr
17 l'enseignement général par la population albanaise qui était en langue
18 turque.
19 Mais si je comprends bien ce qu'il en est de la situation des Albanais
20 entre les deux guerres, il faut surtout -- ce qui compte le plus, c'est
21 l'attitude de gouvernement yougoslave à l'égard de ses minorités. On a pris
22 des efforts concernés -- concertés pour changer la composition
23 démographique. On a encouragé la colonisation de la région, on a encouragé
24 les colons serbes et monténégrins à venir s'y installer et on a également
25 cherché des accords avec le gouvernement de Turquie pour que soient
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1 transférés des groupes démographiques; en d'autres termes, pour que
2 beaucoup d'Albanais soient envoyés de la Yougoslavie en Turquie.
3 Q. Bon. Je ne vais pas vous donner davantage de citations concernant le
4 nombre des élèves, par exemple, 14 415 élèves non-Serbes en 1924 et 1925.
5 Mais entre 1931 et 1934, en sus de ce que j'ai cité, il a été ouvert 451
6 écoles religieuses où il y avait 50 muftis et 500 imams, et des écoles
7 religieuses où se formaient les religieux albanais.
8 R. Je n'avais pas ces chiffres mais ils correspondent bien à ce que j'ai
9 dit quant à l'utilisation d'instituteurs musulmans et à l'utilisation de la
10 langue turque dans des écoles au fond religieuses.
11 Q. J'abandonne alors le sujet pour aller un peu plus vite. Vous dites que
12 la plupart des Serbes en savait très peu au sujet des autres peuples slaves
13 du sud et qu'ils étaient non préparés à la vie dans cette Yougoslavie
14 multiethnique. Expliquez-moi, partant de quoi vous pouvez affirmer telle
15 chose ? Vous pensez que les Serbes et les Croates -- les Slovènes et les
16 Croates en savaient plus long au sujet des Serbes ?
17 R. J'essaie de retrouver le passage.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Effectivement. C'est à quelle page ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 9 : "La grande majorité en savait très
20 peu."
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Alors, je voudrais savoir si les Slovènes et les Croates en savaient un
23 peu plus au sujet des Serbes ?
24 R. Non. C'est ce que je dis dans mon rapport. Je ne trouve pas le passage
25 pour le moment, mais si je me souviens bien (20-21 page 24924) écrit que ce
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1 que les Serbes avaient en commun avec les autres groupes de la Yougoslavie,
2 c'est qu'ils avaient relativement peu de chose à propos des autres groupes
3 ethniques.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 6, 1er paragraphe, dernière phrase.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je cite : "La grande
6 majorité des Serbes, tout comme les autres populations de la Yougoslavie,
7 savaient relativement peu de chose à propos des populations Slaves du sud,
8 et dans ce sens-là, était peu préparée à une Yougoslavie plurinationale."
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Mais les Siciliens pendant la création de l'Italie, étaient-ils eux
11 préparés à un espace ethnique très varié, ou alors, la barrière était-elle
12 préparée à ce concept de l'Allemagne unifiée ?
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne pense pas que ceci va nous aider à
14 régler les questions concrètes. Avançons.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Vous parlez de la déclaration de Nis, et de Nikola Pasic en 1914 et du
17 Regent Aleksandar en 1916, et cela dans le contexte de l'idée Grande
18 Serbie, veuillez nous expliquer ce qu'il y avait de Grande Serbie dans leur
19 texte à eux. Etait-ce le fait de s'être employé en faveur d'une Serbie
20 forte aux fins de créer une Yougoslavie forte ?
21 R. Ce que je veux dire exactement par rapport à ce texte, c'est qu'aucune
22 distinction n'est faite entre l'idée de la Grande Serbie, Velika Srbija, et
23 l'idée de la Yougoslavie. Dans la déclaration de Nis la grande entreprise
24 de l'état serbe ait vu comme étant la pérennisation de ce que l'état serbe
25 a fait au moment de l'unification de tous les Serbes. Vous avez la
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1 déclaration du prince Aleksandar Karakodjevi [phon]. Il est dit :
2 "De façon à ce que nous fassions de la Serbie un pays grand, qui inclura
3 tous les Serbes et des Yougoslaves avant que ce soit une Yougoslavie forte
4 et puissante."
5 Ça me semble très clair, dans son esprit la Grande Serbie, la Velika
6 Srbija, est synonyme de la Yougoslavie.
7 Permettez-moi également de relever, puisque ceci dit en note de bas de
8 page, je trouve mes sources dans un livre appelé lui-même "Velika Srbija,"
9 "Grande Serbie" publié à Belgrade dans les années 1920, et qui est l'œuvre
10 d'un Serbe de Bosnie, un historien Curovic de Mostar. J'utilise ce livre
11 comme exemple, non seulement parce qu'on y trouve ce passage que je viens
12 de citer, mais aussi parce qu'il était publié à Belgrade dans les années
13 1920, deux fois, d'abord sous le titre de "Velika Srbija", "Grande Serbie",
14 et puis l'autre titre étant "Ujedinjenje," "Unification" et je trouve que
15 ce livre des années 1920, est présenté comme étant l'apogée du processus
16 parcouru au 19e siècle; du rassemblement serbe dans un seul et même état.
17 En d'autre terme l'état yougoslave n'est pas conçu comme étant quelque
18 chose de fondamentalement nouveau. Je ne dis pas qu'aucun Serbe ne savait
19 faire la distinction entre la Serbie et la Yougoslavie. Il suffit pour s'en
20 convaincre de voir les intellectuels de l'université de Belgrade qui
21 participent à la création de la Yougoslavie. Certains y voyaient un état
22 fédéral, mais jamais -- et ils ont bien compris qu'il y avait une
23 différence. Ce que je dis c'est que vu le climat politique prédominant à
24 l'époque, on ne comprenait pas nécessairement la différence entre la Grande
25 Serbie, Velika Srbija et la Yougoslavie.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, la nature de ce contre-
2 interrogatoire est telle que le témoin est obligé de donner des réponses
3 très longues. Je vous demande une fois de plus de réexaminer vos décisions
4 pour ce qui est des limites de temps qui me sont impartis.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien sûr. Bien sûr, qu'on verra mais je
6 parle en mon nom personnel, vous avez consacré le plus clair de trois
7 heures de contre-interrogatoire à polémiquer avec le témoin. Et sur ce qui
8 est pour moi, une des questions très peu pertinente en tout cas, très peu
9 pertinente par rapport aux événements d'aujourd'hui. Si c'est votre
10 décision, c'est ainsi que vous utilisez votre temps. Avancez.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais Monsieur May, je ne m'attends pas à vous
12 voir apprendre l'histoire serbe en une session ici. Mais je m'attends à ce
13 que vous prêtiez attention sur des faits qui sont importants et pertinents
14 qui disent une vérité notoire, disant que la Serbie n'a pas occupé le
15 Kosovo, mais que le Kosovo pendant des siècles fait partie de la Serbie. Ce
16 sont là, des questions que j'estime quand même importantes.
17 Or, étant donné que l'on est en train de recouper ou de redécouper
18 l'histoire, j'estime que cela est tout à fait important et pertinent.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Mais Madame Budding, vous avez parlé de la déclaration de Nis, or dans
21 cette déclaration de Nis, il est précisément indiqué que la Première guerre
22 mondiale devait se terminer par l'unification des peuples serbes, croates,
23 et slovènes pour faire un état unique yougoslave. Vous ne pouvez pas
24 désigner cela comme étant Grande Serbie. Cette déclaration de Nis adoptée
25 en 1914, parle de l'unification des peuples serbes, croates et slovènes, en
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1 a-t-il été ainsi ou pas ? Dites-moi, je vous prie, oui ou non pour que nous
2 ne perdions pas de temps, je vous en prie.
3 R. Je pense que c'est vrai. Dans la déclaration de Nis, ce que j'essaie de
4 faire passer comme message, c'est que l'idée de l'état serbe a été utilisée
5 comme synonyme de l'intégration des peuples dans la Yougoslavie. Mais c'est
6 vrai, c'est un peu différent de ce que je viens de citer, par exemple, dans
7 la déclaration faite par le prince Aleksandar.
8 Q. Je ne peux pas perdre davantage notre temps pour tirer des choses au
9 clair jusqu'au bout. Et pourquoi n'avez-vous pas mentionné la déclaration
10 de Corfu, datant de 1917, et les positions des hommes politiques slovènes
11 et croates rassemblés autour du comité yougoslave qui demandaient à créer
12 un état yougoslave romain avec la Serbie aux fins d'éviter le sort des
13 peuples vaincus après l'échec des forces de l'axe puisque les leurs
14 s'étaient battus du côté de l'Autriche et de l'Allemagne contre la Grande-
15 Bretagne, la France, la Russie, et la Serbie qui s'étaient retrouvés du
16 même côté ? Pourquoi avez-vous sauté cette déclaration de Corfu ?
17 R. Parce que je n'étais pas en train d'écrire l'histoire de ce qui avait
18 débouché sur une unification de la Yougoslavie, donc je ne parlais pas de
19 la Première guerre mondiale. Manifestement, la déclaration de Corfu est de
20 plus importante si j'avais écris ce genre de chose. Mais moi j'ai essayé
21 d'aborder la totalité de la période précédant la création du premier état
22 yougoslave, et j'essayais de le faire de la façon la plus concise possible.
23 Q. Bon. L'explication c'est la volonté d'être concis.
24 Vous dites en fin de page 10 que la création des royaumes des Serbes,
25 Croates et Slovènes a fait en sorte que la question, le problème des Serbes
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1 était résolu, parce que les Serbes ont vécu dans un même état. Mais le même
2 principe, n'a-t-il pas été en vigueur pour les Croates et les Slovènes, qui
3 eux aussi ont solutionné leur problème national parce qu'ils sont retrouvés
4 réunis dans un seul et même état, n'est-ce pas ?
5 R. Je ne me suis penchée sur cette question, mais ce n'est pas vrai
6 puisqu'une grosse partie de la cote de l'Adriatique, Istrie, faisait
7 toujours partie de l'Italie. Quant aux Slovènes, il y avait bon nombre
8 d'entre eux qui étaient restés en Italie et en Autriche. Je ne serais donc
9 pas d'accord avec vous pour dire que la création de l'état yougoslave
10 signifiait qu'on incluait toutes ces populations dans un seul et même état,
11 du moins pour ce qui est du premier état yougoslave.
12 Q. Oui. Il était resté aussi des Serbes à l'extérieur de cet état en
13 Hongrie, en Romanie, vous le savez très bien également. Mais passons,
14 malheureusement, en raison de ces limitations que je considère
15 véritablement comme étant une violence à mon égard, je tiens à continuer.
16 Donc, à la fin de la page 11, vous dites que sur le territoire yougoslave,
17 dans le courant de la Deuxième guerre mondiale, il y a eu à peu près un
18 million de morts, le chiffre est-il exact [sic] ? Le chiffre officiel
19 publié après la guerre, dit
20 1 706 000 morts. Le saviez-vous ?
21 R. Il est sans aucun doute vrai que c'est le nombre officiel présenté après
22 la guerre pour demander des dédommagements aux Allemands, mais les études
23 faites récemment montrent que dans ce chiffre, on reprend aussi les pertes
24 démographiques. Donc, on ne parle pas du nombre de personnes tuées pendant
25 la guerre, on y reprend le nombre de personnes qui n'ont pas vu le jour à
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1 cause de la guerre.
2 Q. Bon. Vous contestez cela. Donc, en page 15, vous dites que
3 l'immigration extrémiste oustachi constituait un groupe marginal dans le
4 peuple croate et dans la politique croate. Si cela est vrai, comment se
5 peut-il qu'un groupe aussi marginalisé et réuni pendant quatre ans sur
6 l'état indépendant croate et a réussi à organiser et appliquer une campagne
7 de génocide à l'encontre des Serbes, qui d'après ce que vous dites vous-
8 même, constituait le tiers de la Croatie -- le tiers de la population de la
9 Croatie et qu'ils ont tué plus de 700 000 Serbes ? Or, vous parlez d'un
10 chiffre de quelques "centaines de milliers de victimes."
11 R. Avant de répondre de façon générale à la question, j'ai un problème de
12 traduction. Je vois ce qui apparaît à mon compte rendu est, "vous parlez de
13 centaines de milliers". C'est vrai, j'ai parlé de centaines de milliers
14 mais n'avez-vous pas dit stotinu [phon], donc 100 000. Est-ce que nous
15 pourrions tirer ceci au clair parce que moi, je n'ai pas dit 100 000 mais
16 plusieurs centaines de milliers.
17 Q. Comment les avez-vous qualifié ces pertes ?
18 R. J'ai dit que des centaines de milliers de personnes avaient trouvé la
19 mort. Dans une note de bas de page, on parle d'environ 300 000. Ces
20 chiffres ne sont pas encore établis de façon certaine. On pourrait parler
21 des raisons pour lesquelles il y a ces imprécisions.
22 Puis-je maintenant revenir à votre question générale ? Vous demandez
23 comment ce groupe marginalisé a pu régner pendant quatre ans ?
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça n'aurait pas été possible s'il n'avait pas
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1 été placé à la tête du pays par les Allemands. Il n'aurait pas pu
2 administré le pays, cet état dit indépendant, il était divisé entre les
3 zones allemandes et italiennes. Et même avec cette aide immense apportée
4 par des Allemands, ils ne sont pas parvenus à contrôler de grosses parties
5 du territoire.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Fort bien. Pourquoi avez-vous passé sous silence les méthodes génocides
8 de ce gouvernement croate pour ce qui est de l'extermination physique du
9 peuple serbe ? C'est précisément Viktor Novak, un Croate et un académicien,
10 qui en a parlé dans son œuvre intitulé, "Magnum Crimen" et il a notamment
11 souligné le rôle négatif de l'Eglise catholique dont les prêtres ont
12 également pris part à la perpétration des crimes à l'égard des Serbes. Est-
13 ce que cela est contesté ou pas ?
14 R. Je vois deux questions dans celle-là. La première, c'est de savoir
15 pourquoi je ne parle pas des méthodes utilisées dans le génocide par les
16 Oustachi. Je dis que les Oustachi se sont livrés à un génocide. Pour moi,
17 ça ne fait pas l'objet d'un doute dans le contexte du rapport où j'essayais
18 d'être bref, je ne voyais pas pourquoi je devais parler de ces diverses
19 méthodes utilisées par les Oustachi. Quant au rôle joué par l'Eglise
20 catholique, c'est incontestable là aussi. Il y a des prêtres qui ont
21 participé à la persécution, aux assassinats et aux conversions forcées de
22 bon nombre de Serbes.
23 Q. Bien. Vous avez peut-être lu le livre de John Cornwall, "Hitler,
24 parlant de l'histoire secrète -- [imperceptible]", publié en 1998.
25 R. Non. Je n'ai pas lu. Je ne parle pas dans mon rapport. Je ne devrais
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1 pas parler du rôle du Vatican.
2 Q. Il y aura quelqu'un pour rédiger ce rapport également. Mais dites-moi,
3 étant donné que vous avez, à mon avis, minimiser grandement le nombre des
4 Serbes tués dans cette Croatie dans le courant du génocide dont nous avons
5 parlé, je voudrais dire qu'à seulement à Jasenovac --
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est pas là, une qualification
7 évitable de la réponse donnée. Poursuivez.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Si cela n'est pas le cas, savez-vous, par exemple, je ne vais pas vous
10 donner lecture des encyclopédies et du reste, des différents lexiques mais
11 je vais vous parler de l'encyclopédie de "Holocaust" à Jérusalem, on parle
12 de 600 000 tués à Jasenovac. C'est l'encyclopédie de l'Holocaust à
13 Jérusalem, au musée Jadvachem [phon].
14 R. Je ne pense pas que 600 000 personnes soient mortes à Jasenovac. Et en
15 disant cela, je ne pense pas minimiser ce qui s'est fait, le mal qui s'est
16 fait là. Je dis que les Oustachi ont tenté un génocide à l'égard de la
17 population serbe. On ne peut pas utiliser d'autres mots pour le dire.
18 Mais pour ce qui est du nombre exact, je m'appuis sur ce que disent deux
19 historiens ou démographes dont le travail est le plus accepté et le plus
20 respecté au cours des années 1980, et ce qu'ils disent était bien le
21 chiffre donné par d'autres pour les pertes démographiques. Personne ne sait
22 exactement combien de Serbes ont été tués dans l'état indépendant de
23 Croatie. On peut faire des estimations, mais à partir de ce qu'on sait
24 aujourd'hui, personne ne peut ventiler de façon exacte, le nombre de tués à
25 Jasenovac, le nombre de tués parce qu'ils ont été placés dans des églises
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1 et brûlés vifs, combien ont été tués dans des fosses. Je ne pense pas que
2 ceci minimise de quelconque façon ce qu'on fait les Oustachi si on n'a pas
3 de chiffres exacts à propos de ceux qui sont morts à Jasenovac.
4 Q. Mais je pense que l'on conteste les choses si on minimise les chiffres
5 indépendamment du fait qu'il y a eu génocide. Il convient de parler de
6 chiffres aussi. Vous dites, en page 16, que pendant la Deuxième guerre
7 mondiale, il a été expulsé des dizaines de milliers de Serbes du Kosovo et
8 Metohija. Or, nous avons des recherches effectuées par les Italiens dans
9 leur zone d'occupation, ils disent qu'il y a été expulsé plus de 40 000
10 Serbes. Or, les autorités allemandes de Pristina ont été saisies par
11 30 000, ou plutôt, 70 000 Serbes les ont contactés pour demander
12 l'autorisation de déménager. Et Pavle Dzeletovic en parle dans son livre
13 "Le mouvement baliste". Il parle de 90 330 [sic] Serbes et Monténégrins
14 d'expulsés. Alors, donc en tout et pour tout, cela devrait constituer un
15 total de 200 000 Serbes expulsés.
16 R. Une fois de plus, lorsqu'on examine ces chiffres, il faut comprendre
17 que les sources ne sont pas complètes, exhaustives. L'estimation donnée
18 s'agissant du régime allemand à Belgrade n'était-ce pas en 1944 ? Est-ce
19 qu'on ne disait pas, à ce moment-là, 40 000 Serbes avaient été expulsés,
20 Serbes et Monténégrins, on s'entend. Il est probable que le chiffre est
21 exact parce que les Allemands, en général, archivaient bien ce genre de
22 choses. Ils étaient très préoccupés par le chaos, l'anarchie occasionnée
23 par leur occupation de la Serbie, par l'afflue de réfugiés venant de l'état
24 oustacha mais aussi du Kosovo contrôlé par les Italiens.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Mais Monsieur May, vous n'allez pas
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1 m'accorder un délai supplémentaire ? Est-ce bien cela ?
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Et bien, est-ce que vous contestez un fait confirmé par un groupe
5 d'auteurs qui ont rédigé un ouvrage traitant du Kosovo et Metohija, à
6 savoir que plus de 10 000 Serbes ont été tués qui s'ajoute aux 70 000 et
7 93 000 ? Donc, nous avons déjà parlé des chiffres par le même 200 000
8 personnes tuées par les Balistes albanais.
9 R. Je suppose que le chiffre de 10 000 morts est probablement plus précis.
10 Encore une fois, il est très difficile de préciser les chiffres sur la base
11 des éléments à notre disposition. J'ai déjà parlé du chiffre, Zerjavic,
12 Kocevic, des pertes subies pendant la guerre et pour l'ex-Yougoslavie, les
13 pertes par ces deux hommes se situent à quelques points de pourcentage
14 d'écart. Mais pour le Kosovo, les chiffres cités sont très -- beaucoup plus
15 différents et ceci est dû en partie au fait que les recensements réalisés
16 dans la région n'étaient pas très dignes de confiance. Donc, j'hésiterais
17 moi-même à m'avancer en citant des chiffres particuliers. Mais 10 000 me
18 semble à peu près correct. Ils ont été tués par les Balistis et je pense
19 qu'il est difficile de citer un chiffre précis.
20 Q. Fort bien. Je ne vais pas m'appesantir.
21 Mais en page 48, vous dites que les Serbes étaient particulièrement --
22 manifestaient une suspicion particulière à l'égard de la constitution d'une
23 identité yougoslave. Pourquoi dites-vous cela puisque dans des textes
24 précédents, vous avez affirmé que les Serbes de Yougoslavie s'étaient
25 totalement unifiés, étaient totalement unis, en d'autres termes, la
Page 24939
1 Yougoslavie n'a-t-elle pas été la réalisation de leur rêve de s'unir au
2 sein d'un même état ?
3 R. Où est-ce que je dis que les Serbes manifestaient une suspicion
4 particulière à l'égard de l'identité yougoslave ou de l'unité yougoslave ?
5 Je regarde la page 48. Je ne pense pas que je n'ai jamais dit une chose de
6 ce genre et je ne retrouve pas ce passage.
7 M. NICE : [interprétation] Si l'accusé nous donnait -- nous localisait la
8 citation dans la version B/C/S, le témoin pourrait retrouver le passage
9 immédiatement.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai retrouvé. Mais j'essaie simplement de
11 lire --
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Je dis que c'était en page 48. Mais poursuivons. Nous n'avons pas de
14 temps. Si vous n'avez pas dit cela et bien tant pis.
15 En page 56 et 57, vous parlez du philosophe Mihajlo Djuric et vous évoquez
16 le discours prononcé par lui au sujet des frontières internes qui ont
17 provoqué une tragédie au début des années 1990. Savez-vous que Mihajlo
18 Djuric est devenu professeur d'université à Vienne peu de temps après et
19 membre de l'académie des Sciences ? Alors quelle est la méthode
20 scientifique que vous employez pour proférer une affirmation de ce genre ?
21 R. Lorsque je parle du discours de Mihajlo Djuric, je ne relie pas aux
22 années 1990, donc je ne vois pas très bien ce à quoi vous faites référence
23 dans la citation que vous venez de faire de mes propos.
24 Q. Je ne peux pas vous le dire, je n'ai pas le temps.
25 En page 88, vous dites que Slobodan Milosevic a réduit de façon draconienne
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1 l'autonomie des provinces autonomes. Dites-moi, je vous prie en quoi a
2 consisté cette réduction de l'autonomie des provinces autonomes ?
3 Rapidement parce que je n'ai pas beaucoup de temps.
4 R. Et bien, compte tenu des amendements constitutionnels votés au
5 printemps 1989 dont l'objet principal consistait à supprimer les garanties
6 que prévoyait la constitution de 1964 [sic], à savoir que la constitution
7 des républiques ne pouvait pas être amendée, hors l'agrément des
8 républiques et des provinces autonomes. La nouvelle constitution serbe
9 votée en 1990 est à la base de mon propos.
10 Q. Fort bien. Mais tout cela se passait à l'intérieur de la Serbie et cela
11 n'a nui en aucun cas aux droits d'une quelconque autre république de la
12 Yougoslavie. Je suppose que vous êtes consciente de cela ?
13 R. Et bien, je ne serais pas entièrement d'accord avec vous. Je ne pense
14 pas que cela n'a pas eu d'effets sur les droits des autres républiques
15 yougoslaves. Car, bien entendu, puisque les provinces étaient des éléments
16 constitutifs de la fédération et que leur statut n'a pas changé une fois
17 que ces amendements constitutionnels ont rendu les provinces autonomes,
18 subordonnées à la Serbie. Cela a eu un effet important au niveau de la
19 fédération et, notamment, compte tenu du fait que les représentants du
20 Kosovo et de la Vojvodine au sein de la présidence pouvaient désormais être
21 considérés comme relevant du contrôle des représentants serbes, compte tenu
22 du changement de statut de la province, qui, désormais, donnait à la Serbie
23 trois voix au sein de la présidence. Alors que par le passé, chaque
24 république disposait d'une voix.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous demandez un
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1 temps -- un délai supplémentaire. Nous vous accordons dix minutes
2 supplémentaires jusqu'à midi vingt-cinq. Cela vous donne donc dix minutes
3 de plus que le temps initial dont vous disposiez.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Vous dites en page 87, que le nationalisme serbe n'est pas le seul
7 responsable du démantèlement de la Yougoslavie mais également le
8 nationalisme slovène et le nationalisme croate, même si c'est le
9 nationalisme serbe qui est le plus à blâmer pour cela.
10 Alors Madame Budding, en choisissant un certain nombre de faits
11 historiques, vous tenez en permanence à souligner que les Serbes sont
12 coupables de tout.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, Monsieur Milosevic, vous ne pouvez
14 pas contre-interroger de cette façon. D'abord, vous avez fait référence à
15 la page 87, je suppose que vous vouliez dire page 57. Et puis, il faut
16 absolument que vous citiez un passage précis. Dans ce cas-là, vous pouvez
17 poser une question. Mais fonder vos questions sur des allégations
18 générales, de la nature de celle que vous venez de formuler, est un manque
19 d'équité à l'égard du témoin.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Vraiment je n'ai pas le temps
21 maintenant de rechercher des passages dans toutes ces pages.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Mais, Madame, considérez-vous que les Serbes sont coupables d'avoir
24 voulu des droits égaux pour les Serbes, égaux à ceux dont jouissaient les
25 autres ? Ou pensez-vous qu'ils demandaient des droits supérieurs à ceux
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1 dont jouissaient les autres.
2 R. Je pense que les Serbes, lorsqu'ils ont cherché à obtenir une révision
3 du statut des provinces, se sont efforcés de redresser des torts qu'ils
4 étaient tout à fait légitimes pour eux de ressentir. Mais, dans le même
5 temps, je ne pense pas qu'il aurait été possible d'agir ainsi sans
6 déséquilibrer l'équilibre qui existait au niveau fédéral, et donc de
7 menacer les autres. Si nous partons de l'hypothèse qu'une fois que les
8 provinces ont été réintégrées à la Serbie, les dirigeants serbes auraient
9 pu dire :
10 "Et bien, à partir de maintenant, les provinces autonomes ne font plus
11 partie -- ne sont plus des éléments constitutifs de la fédération -- mais
12 donc ne devraient plus avoir de représentants au niveau de la présidence
13 fédérale."
14 Ceci n'aurait pas entraîné une modification aussi importante de
15 l'équilibre, du rapport de force au niveau fédéral. Cela aurait eu d'autres
16 conséquences bien entendu. Mais je pense que la façon dont les choses se
17 sont passées n'a pas eu pour résultat de rendre les Serbes égaux aux autres
18 au sein de la Yougoslavie mais, a eu pour conséquence de créer chez les
19 autres la crainte de voir la Serbie s'emparer du pouvoir ultime en
20 Yougoslavie.
21 Q. Mais ce qui s'est passé c'est précisément ce que vous venez de dire. A
22 savoir que par les amendements de la constitution yougoslave, les provinces
23 autonomes n'ont plus été des éléments constitutifs de la fédération et la
24 Serbie s'est retrouvée au grade de république égale en droits à toutes les
25 autres républiques. Mais, bien entendu, ceci a constitué un processus qui
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1 n'a pas pu s'accomplir du jour au lendemain. Je suppose que vous êtes au
2 courant de cela ?
3 R. Y a-t-il une question dans ce que vous venez de dire ?
4 Q. Oui. Il y a une question. Etes-vous au courant de cela ?
5 R. Je suis au courant du fait que les amendements à la constitution ont
6 rendu les provinces autonomes, ont fait que les provinces autonomes
7 n'étaient plus des éléments constitutifs de la fédération. Mais ce que je
8 dis, c'est que cette façon de procéder a créé une situation dans laquelle
9 les représentants des provinces n'avaient plus aucune raison de siéger dans
10 les instances fédérales où, en fait, s'ils avaient siégé, ils n'auraient
11 plus été que des représentants de la République de Serbie.
12 Q. Ils y sont restés par la force d'inertie jusqu'à l'application des
13 modifications, des amendements qui devaient être appliqués dans la
14 République de Serbie puisque ce processus de transformation, d'amendements,
15 est un processus. Je suppose que vous devez vous en rendre compte.
16 Je manque de temps. Donc, je poursuis.
17 En page 89, vous citez une partie du programme du Parti socialiste de
18 Serbie, qui est dirigé vers les Serbes vivant hors de Serbie. Alors, la
19 question que je vous pose est la suivante : Savez-vous que les bases du
20 programme établies par le Parti socialiste de Serbie reposaient sur les
21 dispositions de la déclaration de Stockholm de l'international Socialiste
22 de 1989 et qu'une partie du programme que vous citez a été repris à partir
23 du programme du SDP, qui en 1988 [sic], avait adopté des positions
24 absolument identiques dans son programme à lui. Dites-moi simplement, oui
25 ou non ?
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1 R. Non, je ne savais pas cela.
2 Q. Fort bien. Fort bien. Vous avez cité hier, un rapport rédigé à l'issu
3 d'une réunion qui se tenait dans une Villa Dalmatia. Je ne me souviens plus
4 exactement mais je pense que c'était la première réunion des présidents des
5 républiques qui devaient s'occuper et discuter de l'avenir de la
6 Yougoslavie. Il y a eu ensuite d'autres réunions de ce genre, en Slovanie,
7 à Sarajevo et en toutes sortes de lieux par la suite. Vous vous rappelez
8 bien de cela, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. C'était la réunion tenue au mois de mars.
10 Q. Et bien, voici la citation de ce que j'ai dit en faveur de la
11 Yougoslavie, bien sûr, je cite :
12 "La Yougoslavie, en tant que structure étatique, regroupant des peuples
13 égaux dans des frontières internationalement reconnues, existe, et toute
14 modification de sa structure, en tant qu'état, n'est possible que sur la
15 base d'une opinion librement exprimée de tous ces peuples par voix de
16 référendum et dans le respect du droit de chacun de ses peuples, s'agissant
17 d'une éventuelle sécession. S'agissant de l'exercice de ce droit, il est
18 nécessaire que soit, avant tout, respecté les intérêts nationaux, culturels
19 et historiques et autres de toute la nation yougoslave."
20 Je répète bien, de toute la nation yougoslave. C'est donc le point de vue
21 que je défendais lorsque j'ai parlé d'égalité.
22 Et j'ajoute un peu plus loin :
23 "S'agissant des frontières, il n'existe pas de perfection. La perfection
24 n'existe pas, les frontières parfaites n'existent nulle part. Mais en
25 appliquant la formule de la confédération, aucun peuple ne serait plus
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1 divisé que ne pourrait être le peuple serbe," et cetera, et cetera.
2 Mon discours se poursuit --
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant.
4 Vous rappelez-vous de cela, Madame Budding ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. J'ai reçu, il y a un instant, un exemplaire de Politika du 29 mars.
9 Madame Budding connaît ce journal.
10 Il est question de "L'achèvement de discussions à Split lors de la première
11 réunion en question destinée à faire tout ce qui est possible pour trouver
12 une solution à la crise."
13 Et nous lisons, je cite : "Les présidents des républiques se sont entendus
14 pour résoudre la crise étatique et la crise politique de la Yougoslavie sur
15 la base du respect des droits des citoyens et des droits nationaux par des
16 accords conclus démocratiquement. La Yougoslavie, en tant que structure
17 étatique, doit respecter les droits égaux de tous. Bien entendu, il est
18 possible de modifier sa structure interne mais ce, uniquement, dans le
19 respect du droit des peuples à l'autodétermination," et cetera.
20 "Donc ceci est le début de ce qui a été dit au cours de ces discussions."
21 Mais vous rappelez-vous ? Je ne sais plus si cela s'est passé lors du
22 troisième ou quatrième sommet des six présidents de républiques, mais en
23 tout cas, le sommet dont je parle s'est tenu à Sarajevo et Izetbegovic et
24 Gligorov y ont fait connaître leurs programmes. Et tous deux, lors de cette
25 réunion, ont proposé les grandes lignes d'un compromis qui aurait pu
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1 permettre à la Yougoslavie de continuer à exister en tant qu'état. Vous
2 vous souvenez de cela ?
3 R. Je m'en souviens mais je dois ajouter que je n'ai eu accès aux procès-
4 verbaux que de la première réunion de ce genre, du premier sommet. Donc
5 pour les autres sommets, ce que j'en sais, vient de la presse. Donc
6 s'agissant de déterminer qui a dit quoi, mes connaissances à ce sujet sont
7 beaucoup plus générales.
8 Q. Et bien, je suis désolé de cela mais lors de ce sommet où Gligorov et
9 Izetbegovic ont présenté les grandes lignes de leur plan, un plan qui a
10 même été baptisé plan conjoint Izetbegovic et Gligorov, s'agissant de ce
11 plan Gligorov et Izetbegovic, et de la réaction de la délégation serbe,
12 c'est moi qui dirigeait la délégation serbe. Et bien, j'ai accepté ces
13 grandes lignes présentées par Izetbegovic et Gligorov même s'il s'agissait,
14 pour moi, d'un compromis important et d'un sacrifice important pour nous.
15 Mais ceci a été fait pour aller dans le sens d'une solution pacifique.
16 Etes-vous au courant de cela ? C'est de notoriété publique.
17 R. Je pense que nous avons avancé dans le temps. En 1991, un certain
18 nombre d'événements se sont produits qui sont de notoriété publique.
19 D'autres se sont déroulés dans les coulisses et je ne suis au courant que
20 de ce qui a été rendu public. Donc il est devenu beaucoup plus difficile
21 pour moi de situer les événements dans leur contexte et de dire avec une
22 précision absolue quel est le crédit que l'on peut accorder aux
23 propositions que vous avez acceptées à l'époque ?
24 Q. Fort bien. Mais Madame Budding, vous parlez dans votre rapport d'un
25 procès-verbal qui n'appartient pas au domaine public et qui est identique à
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1 ceux qui ont été dressés lors des autres sommets. Ce qui a été communiqué
2 au public, c'est ce que j'ai lu qui est un extrait d'articles de presse. A
3 savoir ce qui concerne cet accord destiné à régler la situation de façon
4 démographique et pacifique dans le respect des droits de toutes les nations
5 à l'autodétermination et du droit de chacun à l'égalité. Mais il fallait
6 bien trouver une solution. Ça c'était de notoriété publique.
7 S'agissant des autres sommets, nous examinons encore une fois les procès-
8 verbaux pour établir quelle était la position des différentes républiques
9 s'agissant de la poursuite de l'existence de la Yougoslavie. Ce que je
10 souhaiterais savoir c'est si vous savez que ce plan Izetbegovic-Gligorov
11 proposé lors du sommet de Sarajevo a été accepté par moi et par la
12 direction serbe, par conséquent. Est-ce que vous êtes au courant de cela ou
13 pas ?
14 R. Je ne me souviens pas de ce sommet en particulier ni de ce que les
15 différents participants y ont dit. Et je l'ai déjà dit.
16 Q. Et bien je ne poursuivrai pas mes questions dans ce sens si tel est le
17 cas.
18 En page 75 de votre rapport, vous dites que dans la région de Kosmet, il y
19 a eu une modernisation et une urbanisation importante. Savez-vous qu'à
20 partir du milieu des années 1960, donc au 20e siècle, le fond destiné au
21 développement des régions insuffisamment développées, a consacré au
22 développement économique du Kosovo et de la Metohija, et ce, au quotidien,
23 1 300 000 dollars en moyenne, chaque jour ?
24 R. Je ne pourrais rien dire de ce chiffre mais je peux dire qu'il est
25 certain que l'apport de ce fond destiné au développement des régions moins
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1 développées a été très important, très significatif, s'agissant du
2 développement économique du Kosovo pendant toutes les années 1960 et ce,
3 jusqu'aux années 1980.
4 Q. Et même plus tard, parce que M. l'ambassadeur Christopher Hill m'a dit,
5 à moi, puisqu'il était chef de la mission en Albanie pendant un certain
6 temps, il m'a dit : Lorsque je quitte l'Albanie pour rentrer au Kosovo,
7 j'ai l'impression d'être entré à Disneyland.
8 Etes-vous consciente de la différence de développement qu'il y avait entre
9 le Kosovo, qui en Yougoslavie, était considéré comme une région non
10 développée. C'est la raison pour laquelle le Kosovo recevait tous ces
11 financements. Donc la différence de développement entre le Kosovo et
12 l'Albanie où, en l'absence de terrorisme serbe, les Albanais construisaient
13 leur propre économie, leur propre pays. Est-ce que vous vous rendez compte
14 que la différence de développement entre le Kosovo et l'Albanie était
15 énorme ?
16 R. Je crois que ceci est tout à fait exact. Cela dépend un peu du contexte
17 dans lequel vous situez les faits, bien entendu, car la situation relative
18 du Kosovo en Yougoslavie s'est aggravée après la guerre. Je crois que le
19 revenu, par tête, était égal à un quart de celui de la Slovénie et qu'à la
20 fin de l'existence de l'état, le rapport était de un à huit entre les deux.
21 Mais je ne conteste en aucun cas, le fait que l'état yougoslave a déployé
22 de grands efforts pour développer le Kosovo.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Deux questions encore, Monsieur
24 Milosevic.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Vous rendez-vous compte que le souci, la volonté de développer le
2 Kosovo, le soin, l'attention consacrée à cette question a présidé à
3 l'occupation du Kosovo qui a eu lieu sous les gîtes des Nations Unies ?
4 R. Je ne pourrais pas parler de la période des années 1990. J'ai quelques
5 connaissances à ce sujet, bien entendu, mais cela ne fait pas partie de mes
6 connaissances d'expert.
7 Q. Madame Budding, j'aimerais encore vous poser quelques questions au
8 sujet d'un certain nombre d'autres éléments. J'avais l'intention de vous en
9 poser plusieurs. Mais je ne vous en poserai donc qu'une seule. Dans votre
10 thèse de doctorat, vous parlez de plusieurs occasions où les Serbes n'ont
11 pas pu donner leur accord pour la création d'une confédération dans le
12 pays, qui aurait de fait signifié la destruction de la Yougoslavie. Vous
13 dites, que les Serbes n'ont pas accepté donc la division géographique du
14 pays en plusieurs unités correspondant aux divisions de la fédération. Je
15 pense que ceci n'est pas contesté. Ceci est écrit dans votre thèse de
16 doctorat. Les Serbes n'ont pas pu accepter une confédéralisation et par là
17 même, une destruction des frontières existant dans la Yougoslavie. Car cela
18 aurait entraîné une dispersion des Serbes, une plus grande dispersion
19 géographique des Serbes, n'est-ce pas ?
20 R. Dans ma thèse de doctorat, je parle à plusieurs reprises du fait que
21 les Serbes étaient la nation la plus dispersée au sein de la Yougoslavie.
22 Et que ceci a eu une incidence sur leurs positions et leurs attitudes
23 politiques vis-à-vis de la décentralisation de la Serbie. Mais je n'ai
24 jamais dit que les Serbes ne pouvaient pas admettre une solution
25 confédérale.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien, merci. Nous allons suspendre
2 pendant 20 minutes. Maître Tapuskovic, ce sera votre tour à notre retour
3 dans le prétoire.
4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 29.
5 --- L'audience est reprise à 12 heures 56.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous m'avez interrompu à la moitié de la
8 dernière des questions que vous m'aviez accordées, Monsieur May.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit ce que j'ai
10 fait. Mais si vous voulez reposer la question, faite-le ?
11 Vous avez encore le droit de poser cette question-là, pas plus ?
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. C'est précisément la question dont j'ai posé la moitié. A savoir, la
14 thèse de doctorat où vous dites que les Serbes ne pouvaient pas accepter la
15 confédéralisation et à la désintégration de la Yougoslavie le long des
16 frontières existantes, en raison de leur dispersion au-delà de ces
17 frontières. Mais dans votre rapport, vous reprochez aux Serbes le fait
18 d'avoir pensé à l'unité nationale sans pour autant voir l'expérience
19 historique commune des Serbes de l'autre côté de la Drina avec les autres
20 peuples dans ces territoires-là. Donc, est-ce que vous tirer de là, la
21 conclusion disant que cette expérience des Serbes, historique des Serbes
22 avec les Croates là-bas, y compris le génocide dont nous avons parlé tout à
23 l'heure, se trouve être un lien plus proche, plus fort et une motivation
24 plus grande que cet esprit communautaire avec les autres Serbes, ou pensez-
25 vous qu'il puisse y avoir un leader à avoir le droit de décider de procéder
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1 à une discontinuité de tout cela sans procéder à un référendum avant cela ?
2 Mais le Izetbegovic que vous avez mentionné a lui, tenu un référendum sans
3 les Serbes et a causé la guerre.
4 R. Et bien, tout d'abord, je reviens à ma thèse, je l'ai déjà dit. Je ne
5 dis pas que les Serbes ne pouvaient pas accepter la confédéralisation, et
6 puis il y a une question plus générale, celle des référendums nationaux. Je
7 l'ai dit hier. Pour moi ce n'est tout simplement pas une idée réaliste
8 puisqu'il y avait tellement de régions à forte population mixte, surtout
9 les zones urbaines.
10 Qu'est-ce que ferait, qu'est-ce qu'aurait signifié un référendum national
11 dans ces régions. Bien sûr, que des gens ont des intérêts nationaux. Ils ne
12 veulent pas être opprimés. Ils veulent pouvoir utiliser la langue qui est
13 la leur. Mais les gens ne vivent pas dans des nations, ils vivent dans des
14 maisons, dans des appartements, ils vivent avec des gens à partir --
15 appartenant à d'autres nations.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic vous avez la
17 parole.
18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci Monsieur le Juge.
19 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :
20 Q. [interprétation] Dr Budding, je traiterai uniquement des positions
21 avancées par votre rapport, à savoir parce que vous avez déterminé vous-
22 même, rien d'autre. Peut-être vais-je vous communiquer des renseignements
23 notoirement connus. Mais dans le contexte seulement des positions qui ont
24 été les vôtres, ou plutôt celles que vous avez avancées, rien d'autre. Et
25 je ne vais traiter que de la période allant de 1918 à 1945 et au-delà,
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1 parce que cela est une période qui n'est pas seulement de l'histoire pour
2 les gens qui ont vécu sur ces territoires-là, mais cela fait 90 ans. Etant
3 donné que la vie normale d'un homme est de l'ordre de 80, il y a bon nombre
4 de gens qui sont encore en vie, et qui ont vécu du temps de la Première et
5 de la Deuxième guerre mondiale.
6 R. C'est exact.
7 Q. Je me propose donc de commencer par le paragraphe 4B de votre rapport,
8 qui lui traite de la période allant de 1918 à 1945, pour fournir une
9 explication à l'intention des membres de cette Chambre. Les questions de
10 continuité et de contraste.
11 R. Oui.
12 Q. -- 4B ?
13 R. On a comme intitulé partisans et Chetniks, ah oui, oui je vois,
14 continuité et contraste.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est quel paragraphe, oui 4B, je vois.
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Continuité et contraste.
17 Q. Et pour que vous ne donniez pas lecture vous-même de ce premier
18 paragraphe, je me propose de vous en donner lecture, et de vous demander si
19 c'est là une position de nature générale à vous.
20 "Les éléments qui ont déterminé le rapport des Serbes à l'égard de l'état
21 yougoslave socialiste, comportant soit des éléments importants de
22 continuité avec la première Yougoslave, ainsi que des différences
23 considérables. Du point de vue structurel, on pouvait dire que la position
24 serbe a demeuré inchangée. L'état yougoslave a continué d'exister dans le
25 cadre de frontières analogues ou semblables, et les Serbes ont continué
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1 d'être le plus grand des groupes ethniques. En sus les Serbes ont pu
2 considérer que (du fait de leur participation au mouvement des partisans)
3 ont joué un rôle de premier plan, pour ce qui est de la création de cette
4 deuxième Yougoslavie, tout comme pour la première. Ces éléments-là
5 fournissent des éléments pour un attachement en continuité à l'état
6 yougoslave en sa qualité d'état, où tous les Serbes se trouvaient unifiés
7 et cela leur fournissait un sentiment particulier disons au terme duquel la
8 Serbie serait garante de cet état."
9 R. Le titre a bien dit l'avis que j'ai.
10 Q. Ce qui m'intéresse maintenant, et là viennent mes questions. Est-ce que
11 cet attachement des Serbes et malheureusement, je me dois de traiter de
12 tout cela, quoi que peut-être les Juges de la Chambre vont juger cela de
13 façon autre mais je me dois de soulever cette question. Or, cet attachement
14 des Serbes à une option qui est de cette nature-là, ne constitue-t-elle pas
15 la possibilité pour eux, de voir garantir leur intégrité physique
16 également.
17 R. Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre question.
18 Q. Non, non je vais être plus précis. Je vais vous donner deux
19 renseignements, vous n'ignorez pas que cette première Yougoslavie, a été
20 créée une fois que toute la population masculine dans le courant de la
21 Première guerre ait péri à raison de 65 % de celle-ci.
22 R. Oui.
23 Q. Et à un endroit dans votre rapport, vous avez déterminé que dans la
24 Deuxième guerre mondiale, il y a eu 1 million de morts, d'après l'opinion
25 que vous avez formulée vous-même, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Vous avez également exprimé une opinion disant que sur ce million, il y
3 avait un peu plus de 500 000 Serbes, parmi ces victimes.
4 R. A peu près oui, à peu près 500 000.
5 Q. Donc la nécessité des Serbes de vivre dans cet état-là, dans ce type
6 d'état n'a-t-elle pas pour visée de ne plus se retrouver dans une position
7 aussi, ou des situations aussi tragiques à l'avenir, pour avoir une fois de
8 plus tant de morts.
9 R. Je pense que les morts qui sont tombés au cours de la Première guerre
10 mondiale, ils sont tombés dans le contexte historique de cette guerre. Si
11 vous parlez de la Deuxième guerre mondiale, ces morts sont dus à la nature
12 fasciste du régime, dans l'état indépendant de Croatie. Il y a bien sûr
13 d'autres facteurs qui interviennent dans d'autres parties du pays.
14 Mais il est utile de relever que, pour ce qui est de la Deuxième guerre
15 mondiale, le nombre de personnes tuées, le nombre de Serbes tués, ne
16 représente pas simplement le nombre de Serbes tués par d'autres gens, mais
17 aussi de Serbes tués par d'autres Serbes, au cours de combats opposant les
18 Chetniks et les Partisans.
19 Q. Je suis bien d'accord, je vous poserai des questions là-dessus aussi.
20 Mais restons-en à ce que j'ai entamé.
21 En répondant à l'une des questions posées par M. Nice, vous avez parlé
22 d'une chose, et cela figure dans votre rapport. Vous avez dit en effet, que
23 sur ces territoires-là, il y avait tout le temps des intérêts des grandes
24 puissances, qui s'opposaient les uns aux autres. Vous avez parlé de
25 rivalité des grandes puissances. Vous l'avez indiqué dans votre rapport.
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1 Qu'ils souhaitaient élargir leur influence, propager leur influence vers
2 ces territoires-là.
3 R. C'est bien ce que j'ai dit.
4 Q. Ce que je voudrais maintenant, c'est que vous expliquiez à l'intention
5 des Juges, s'il pouvait arriver quoi que ce soit de par la volonté de
6 quelque peuple que ce soit sur le territoire de l'ex- Yougoslavie, et des
7 peuples qui vivaient sous l'autorité de la monarchie de Habsburg. Et sans
8 pour autant qu'il y ait décision des grandes puissances, pouvaient-ils
9 faire de nouvels états ou des états à part, s'il n'y avait pas eu des
10 grandes puissances pour leur approuver la chose ou pas ?
11 R. Pour ce qui est de la période allant jusqu'après la seconde guerre
12 mondiale, je dirais qu'une telle chose n'aurait pas pu se produire,
13 indépendamment de la volonté des grandes puissances.
14 Q. Merci. C'est la première des choses que je voulais soulever. Mais tout
15 est en corrélation l'un avec l'autre.
16 Donc vous avez précisément dans ce même chapitre, le chapitre 4B, mais dans
17 le paragraphe suivant vous parlez de la période qui a suivi l'année 1945,
18 et vous dites :
19 "Après 1945, les partisans ont affirmé que du fait de la création d'un état
20 fédéral, ils avaient résolu les problèmes ethniques de la Yougoslavie."
21 C'est bien ce que vous dites ?
22 R. Effectivement.
23 Q. "Dans le courant des premières années, après la guerre, le fédéralisme
24 yougoslave a essentiellement servi à des fins de propagande. L'état
25 yougoslave a d'abord suivi un modèle soviétique qui avait été formellement
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1 fédéraliste, mais centralisé de manière efficace, et placé sous le contrôle
2 du parti." N'est-ce pas ?
3 R. C'est bien ce que je dis.
4 Q. Je voudrais vous demander, si c'était non seulement sous le contrôle du
5 parti, mais aussi de l'armée et sous l'autorité de Josip Broz Tito ?
6 R. Certainement, la direction interne du parti et surtout particulièrement
7 Tito.
8 Q. Voyez-vous maintenant, vous dites plus loin "les partisans dans leurs
9 discours faisaient clairement la différence entre leur fraternité et unité"
10 placées sur une égalité ethnique exprimée au travers d'un système
11 fédéraliste, et du faux de -- l'unité fausse imposée qui avait existé dans
12 l'état -- qui existait entre les deux guerres.
13 R. C'est bien ce que j'ai écrit.
14 Q. Ensuite, vous dites, Tito, lui-même, revenait à maintes reprises sur le
15 sujet dans le courant des premières années après la guerre. Et plus tard,
16 il disait, le processus de Versailles a conduit à la création d'une
17 création artificielle d'une Yougoslavie qui existait sur le papier, mais
18 non pas dans le cœur de ses citoyens.
19 C'est ce que vous dites.
20 R. J'ai intégré ce discours effectivement.
21 Q. On va plus loin et on dit : "Qu'une situation aussi déprimante a semé
22 la haine parmi les peuples yougoslaves et a généré la catastrophe survenue
23 en 1941."
24 Ce sont encore les propos à Tito, n'est-ce pas ?
25 R. Exact. Là, je paraphrase ce qui est dit, ce n'est pas une citation en
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1 tant que telle.
2 Q. Exactement. Et vient maintenant l'essentiel, ce sont des propos à lui
3 que vous paraphrasez probablement mais qui disent :
4 "L'unité yougoslave véritable n'a été réalisée qu'en 1945. Nous nous sommes
5 formellement divisés en créant des unités fédérales aux fins de mieux nous
6 unir dans la réalité." N'est-ce pas ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Ma question est la suivante : Il a dit en public et il a prononcé à
9 haute voix que ces unités fédérales existaient sur le plan juridique
10 formel, mais qu'il y avait unité fondée réellement sur l'unité et la
11 fraternité ?
12 R. Je pense que c'est une façon exacte de présenter l'opinion de Tito.
13 Dans d'autres citations, il parle des frontières. Ce qu'il a dit au moment
14 de la réunion fondatrice du parti serbe où il dit que les frontières ne
15 sont pas aussi importantes que cela parce qu'on ne craint pas des
16 frontières d'état qui vont lutter les uns contre les autres.
17 Q. C'est exactement cela. Et il en a été ainsi jusqu'à son âge de 82 ans,
18 parce que, quand il a eu 82 ans, il y a eu les changements afférant à la
19 constitution, notamment, après la constitution adoptée en 1974.
20 R. Pour ce qui est d'une date exacte, d'une année exacte, je dirais
21 simplement que certaines des modifications les plus importantes en matière
22 de décentralisation sont essentiellement liées aux modifications ou aux
23 amendements de la constitution de 1971.
24 Q. Je suis bien d'accord. Je vous réfère -- je vous ramène maintenant aux
25 paragraphes 4D où vous parlez de décentralisation et de l'éveil des
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1 consciences nationales. C'est un chapitre important. Je ne peux pas en
2 traiter en entier. Je n'ai pas le temps de le faire, mais vous parlez d'une
3 décentralisation du parti et de l'état yougoslave, n'est-ce pas ?
4 R. Ici vous faites référence au paragraphe qui commence -- où on trouve --
5 dans lequel on trouve la phrase "Kakua Yugoslavia postijela
6 decentralisopina [phon]," mais lorsque la Yougoslavie est devenue
7 décentralisée.
8 Q. C'est bien dans ce paragraphe que je me réfère, le 4D.
9 R. Oui, je vois, je vois. Je retrouve ce passage.
10 Q. Et vous parlez-là du processus entamé en 1968 ou 1971, peu importe, il
11 y a processus de décentralisation du parti et de l'état yougoslave, n'est-
12 ce pas ?
13 R. Exact.
14 Q. Et à un endroit déterminé, vous dites :
15 "Les amendements à la constitution entre 1968 et 1971 ont modifié de façon
16 considérable la position autonome des provinces en Yougoslavie. Grâce à ces
17 amendements-là, le Kosovo et la Vojvodina ont obtenu une plus grande
18 indépendance à l'égard de la Serbie et une autonomie plus grande dans le
19 processus de prises de décision." N'est-ce pas ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Puis vous enchaînez à un endroit, vous indiquez que :
22 "Partant de ces amendements-là, les républiques se sont vues attribuer en
23 premier lieu leur souveraineté et autres attributions."
24 R. J'ai du mal à trouver ce passage. Pourriez-vous m'aider en me donnant
25 un numéro de page, par exemple, où j'en parle.
Page 24959
1 Q. J'ai du mal maintenant à retrouver, parce que j'ai la version B/C/S
2 sous les yeux, mais peu importe, serait-il exact de dire ce qui suit :
3 "Les amendements ont fait que la plupart des décisions fédérales concernant
4 les questions et les problèmes économiques étaient adoptés par consensus
5 des républiques et provinces. En fait, cela a introduit un droit de veto
6 pour les républiques et provinces, chose qui a constitué la plus -- le plus
7 radical des changements."
8 R. Exact.
9 Q. Et vous mettez un terme à ce chapitre en disant : que tous ces
10 éléments-là, tout comme les éléments afférant aux réformes économiques en
11 cours, ont mis en place une ambiance qui a permis la mise en place d'une
12 prise de conscience jamais vue à ce jour pour ce qui est de la conscience
13 nationale. Et les Croates, eux, s'étaient rassemblés au niveau d'un
14 mouvement qui a secoué les fondations de cette Yougoslavie et vous parlez
15 du printemps croate. Les Slovènes demandaient des privilèges pour leur
16 république par rapport au gouvernement fédéral. Les Macédoniens demandaient
17 une église autonome et en Bosnie-Herzégovine, les Musulmans se sont vus
18 attribuer le statut de peuple, de nation, et les Albanais se sont prononcés
19 contre les Serbes et la Serbie. C'est bien ce que vous nous dites, n'est-ce
20 pas ?
21 R. Je relèverais uniquement ceci. Vous semblez voir à une grille de
22 lecture ou plutôt une lecture à partir d'une autre traduction. Mais de
23 façon générale, c'est à peu près correct.
24 Q. C'est la version la plus récente que nous ayons obtenue, c'est la
25 dernière des versions un peu modifiée par rapport à la première. Mais je ne
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1 voudrais pas m'attarder davantage là-dessus. On parle d'Albanais, il en est
2 question ici. Ils se sont prononcés comme ils se sont prononcés. Et vous
3 terminez ce chapitre-là et vous dites qu'en novembre 1968 parmi les
4 étudiants à Pristina, il y a eu des manifestations. Et vous indiquez que
5 cette période, allant de 1961 à 1971 a été caractérisée par des -- une
6 émigration [sic] de la population slave de cette province et ce, en
7 quantité considérable. Vous le mentionnez dans le rapport et vous référez à
8 la période 1961, 1971.
9 R. Je ne me souviens pas d'avoir parlé de --
10 Q. C'est la dernière des phrases dans ce paragraphe ?
11 R. J'ai dans -- la traduction c'est ---
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Excusez-moi, pourriez-vous parler
13 anglais.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a une traduction différente, mais je
15 m'excuse.
16 L'émigration des Slaves de la province -- je ne retrouve pas ce passage,
17 attendez que je le trouve pour m'assurer de ce que je représente bien ce
18 passage --
19 Voici ce que j'ai dit : "L'émigration Slave de la province a eu pour
20 résultat une baisse spectaculaire du nombre de Serbes et de Monténégrins au
21 cours de la décennie, qui est intervenue entre le recensement de 1961 et de
22 1971."
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
24 Q. Justement. Je vais d'abord vous poser une question, à savoir, la
25 suivante : ces déplacements ethniques ont-ils été dûs à ces amendements ou
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1 est-ce que cela a été chose manifeste tout au long de ces décennies-là ?
2 R. L'émigration semble s'être accélérée après 1966, mais on peut dire de
3 façon générale qu'elle a été une réalité pendant toutes les années 1960.
4 Q. Bon. Penchez-vous maintenant sur le chapitre suivant, 4E : "Réactions
5 en Serbie : dilemmes de la décentralisation."
6 C'est comme ça que ça se présente.
7 R. J'ai retrouvé le passage.
8 Q. Le premier paragraphe, notamment, et je crois que c'est important pour
9 la Chambre, et j'estime que cela aura de l'importance lorsqu'on viendra
10 décider de quelque chose.
11 Vous avez dit que :
12 "Le mouvement Croate pouvait constituer un danger pour des raisons autres
13 en sa qualité de groupe ethnique. En deuxième position, en Yougoslavie avec
14 près de 20% de la population, les Croates pouvaient compromettre
15 l'existence de l'état d'une façon que les -- qu'ils ne pouvaient être
16 celles des Monténégrins et des Macédoniens. Qui plus est, tout mouvement
17 vers l'indépendance de la Croatie faisait revivre les souvenirs des
18 souffrances serbes dans l'état croate indépendant fasciste. Et la place
19 centrale du Kosovo, dans le mythe national serbe, signifiait, aux yeux du
20 peuple serbe, que le mouvement albanais était le plus traumatisant de
21 tous."
22 R. C'est exact.
23 Q. Je me propose de revenir maintenant au paragraphe 3(A), au chapitre
24 3(A).
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous demande
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1 encore un peu de patience pour terminer avec ce que j'avais à dire. Ceci
2 concerne la Deuxième guerre mondiale en Yougoslavie.
3 Q. "Cela concerne l'état croate indépendant et le Kosovo."
4 R. J'ai besoin d'un certain temps pour retrouver le passage. Maintenant,
5 je l'ai, je vous remercie.
6 Q. Vous dites, ici, vous affirmez ici :
7 "Après l'attaque hitlérienne contre la Yougoslavie en 1941, il y a eu
8 dissolution de l'état. Pour ce qui est de la désintégration qui s'est
9 suivie, ces différents territoires ont été attribués au 3e Reich, à
10 l'Albanie, le Kosovo, à la Bulgarie, à l'Hongrie et à l'Italie."
11 N'est-ce pas ?
12 R. Tout à fait exact.
13 Q. Et puis vous parlez de ce génocide. On n'y reviendra pas parce que vous
14 avez déjà répondu à ces questions puis vous faites des évaluations
15 concernant les victimes de cette guerre et à la fin, vous dites : un nombre
16 relativement faible de victimes en Serbie, c'est bien ce que vous dites ?
17 R. C'est exact.
18 Q. Et en page 20, là où ça commence avec les partisans et les Chetniks, à
19 savoir, le 3(B) --
20 R. Oui.
21 Q. -- on y dit :
22 "Comme on l'a déjà dit dans le courant, dans nos textes précédents, pendant
23 la Deuxième guerre mondiale, les Serbes ont non seulement été exposés à la
24 cruauté générale de l'occupation, mais ils ont été les cibles concrètes de
25 violence de grandes envergures tant dans l'état croate indépendante qu'au
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1 Kosovo."
2 Je vous demande la chose suivante : Quand vous parlez de cruauté générale
3 subie pendant l'occupation, avez-vous à l'esprit les victimes civiles, là
4 où, par exemple, ce sont les Hongrois qui avaient exercé leur autorité au
5 nord de la Serbie ou pour ce qui est des territoires sous l'occupation
6 bulgare dans la Serbie de l'est. Avez-vous eu à l'esprit ces victimes-là ?
7 R. Je connais mieux les chiffres en matière de pertes où vous avez une
8 population mixte, notamment, avec les Hongrois. Il y a eu le massacre à
9 Novi Sad -- le massacre du Nouvel An à Novi Sad.
10 Q. Et qui c'est qui a été les victimes ?
11 R. Je ne sais pas exactement combien de Serbes ont été victimes. Des
12 Serbes, c'était des Serbes.
13 Q. Or, justement, vous savez que les seules villes à avoir été bombardées
14 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, lorsque Hitler a décidé d'entamer,
15 de lancer une guerre vers ces territoires-là, c'était Belgrade et d'autres
16 villes, n'est-ce pas ?
17 R. Pour autant que je le sache, mais je ne sais pas s'il aurait pu larguer
18 des bombes ailleurs. Mais il est certain que Belgrade a été bombardé et que
19 ce bombardement qui est l'offensif la plus importante.
20 Q. Et vous savez que seulement en Serbie, pour un soldat allemand, on
21 fusillait 100 civils serbes, notamment, à Kraljevo et Kragujevac, ça vous
22 le savez ? C'est bien exact ?
23 R. Oui. Oui. C'est tout à fait exact, absolument.
24 Q. Et pour ne pas nous attarder là-dessus, il s'agissait d'une cruauté qui
25 n'était pas généralisée, mais qui était bien différente de ce qui se
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1 passait en Pologne ou ailleurs. Donc, c'est dans les Balkans, par rapport
2 aux Serbes, que les mesures les plus draconiennes ont été prises.
3 R. En ce qui concerne l'occupation allemande, oui, je crois que c'est
4 exact si ce n'est que je préciserais que la façon dont les Allemands ont
5 traité les Polonais étaient pour autant que ce soit possible encore plus
6 brutal.
7 Q. Bien. Je vous demande de vous pencher sur ce chapitre où vous parlez de
8 ces régimes sur le territoire de la Serbie. Au 3(A), vous dites, au
9 paragraphe 2 :
10 "Au Kosovo, pendant la Deuxième guerre mondiale, il y a eu encore une
11 modification de son statut -- une deuxième modification de statut dans le
12 courant du 20e siècle avec une issue destructrice prévisible."
13 Puis, vous vous référez à une note de bas de page, numéro 40, et vous dites
14 là :
15 "En revenant à la situation d'avant 1912 et à ce qui s'est passé dans le
16 courant de la Première guerre mondiale, les habitants monténégrins et
17 serbes sont, une fois de plus, devenus des citoyens de deuxième ordre alors
18 que les Albanais ont pris la position analogue à celle qu'ils avaient eu du
19 temps du règne des Turques."
20 Et vous citez bien cette citation ? Est-il exact de dire qu'à chaque fois
21 que le régime a changé et que d'autres puissances ont mêlé leurs droits de
22 ce qui se passait dans ces territoires-là, c'est bien ce qui se passait,
23 n'est-ce pas ?
24 R. Oui. Oui. C'est ce que je veux dire lorsque je parlais de ce cycle de
25 renversement de statut.
Page 24965
1 Q. Et voilà, j'en viens à la fin. Nous avons le chapitre 5(A) et je me
2 réfère, notamment, à la fin de ce 5(A) où vous dites :
3 "Le troisième élément de la crise yougoslave, à savoir, les manifestations
4 des Albanais au Kosovo en printemps 1980, on pouvait, à première vue,
5 considérer que c'était un problème local, même trivial par rapport aux
6 autres. Mais les événements au Kosovo ont revêtu une importance capitale,
7 cruciale, pour l'avenir de la Yougoslavie. Les expulsions des Serbes et des
8 Monténégrins du Kosovo sont devenues le principal problème du pays dans
9 cette période-là et c'est ce phénomène qui a permis d'accélérer la lutte
10 entre les républiques pour ce qui est de la constitution de 1974. Donc, le
11 Kosovo est devenu le catalyseur de ce qui s'est passé au niveau du
12 démantèlement de la Yougoslavie."
13 R. C'est bien ce que je dis.
14 Q. Et, pour finir, la dernière question à ce sujet-là se situe en page 25,
15 le paragraphe 4(B) -- juste le paragraphe avant le 4(B), et vous dites :
16 "Chaque fois que l'unité de la Yougoslavie était affaiblie, il y a eu
17 besoin de promouvoir l'unité culturelle et politique de tous les Serbes."
18 Donc, c'est bien ce qu'on disait ? Il y avait toujours ce danger de présent
19 à l'esprit, à savoir, de voir se répéter ce qui c'était passé pendant la
20 Première et pendant la Deuxième guerre mondiale ?
21 R. Donnez-moi le temps de retrouver le passage en anglais. Je ne pense pas
22 avoir utilisé le terme de besoin "potreba." Pourriez-vous me rappeler où se
23 trouve se passage, dans quel chapitre ?
24 Q. C'est 4(A), à la fin.
25 M. NICE : [interprétation] Je pense que c'est la page 14 ou 15.
Page 24966
1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit qu'au cours des trente années qui ont
2 précédé l'effondrement de la Yougoslavie, le déclin -- tout déclin dans
3 l'unité culturelle et politique de la Yougoslavie a suscité une
4 mobilisation de tous les Serbes en faveur de l'unité politique ou
5 culturelle. Donc, je me suis contenté de décrire ce qui s'est passé. Je
6 n'ai pas dit que ce qui était ainsi n'était un besoin parce qu'à mes yeux,
7 ce sera là formuler un jugement de valeur.
8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
9 Q. Mais y avait-il des appréhensions dont vous parlez compte tenu des
10 réminiscences de ce qui s'étaient passées pendant la Première et Deuxième
11 guerre mondiale ?
12 R. Sans nul doute. Cette crainte -- cette peur existait.
13 Q. Je vais finir avec le problème afférent au mémorandum. Vous avez dit à
14 ce sujet-là -- vous avez dit que, dans le mémorandum, il y avait peu de
15 choses nouvelles et qu'en général, c'étaient des questions dont avaient
16 traitées des professeurs de la faculté de droit dès 1971, déjà.
17 R. Oui, il n'y a pas grand-chose de nouveau dans ce mémorandum. La plupart
18 des grands courants intellectuels, qu'on trouve dans le mémorandum existent
19 déjà, apparaissent déjà avant l'existence de ce document. Je ne remontrais
20 pas, cependant, jusqu'à 1971.
21 Q. Une toute dernière question pour ce qui est du programme du SPS, vous
22 avez dit à ce sujet, que "
23 "Dans ce programme, il est précisé qu'une nouvelle constitution de la
24 Yougoslavie devrait permettre qu'au sein de la Yougoslavie, il soit créé
25 des provinces autonomes."
Page 24967
1 Et, un peu plus loin, vous dites :
2 "L'objectif principal de cette proposition, qui s'est manifestée dans une
3 forme analogue, en 1971, à l'occasion des débats constitutionnels."
4 Donc, c'est ce qu'on avait déjà mentionné en 1971. On allait insister sur
5 l'autonomie des Serbes en Croatie. Il n'y avait pas de prétention
6 territoriale du tout, n'est-ce pas ?
7 R. S'agissant des propositions concrètes en faveur de la création des
8 provinces autonomes, je crois que vous avez raison.
9 M. NICE : [interprétation] Une question en deux volets bref.
10 Nouvel interrogatoire par M. Nice :
11 Q. [interprétation] Madame la Professeure Budding, l'accusé vous a posé
12 une question et on a corrigé la façon dont il l'a posée; cependant, il a
13 fait valoir une thèse selon laquelle, dans votre rapport tout entier, vous
14 soulignez la thèse sur laquelle il faut attribuer la cause de tous les
15 problèmes aux Serbes. Est-ce que vous avez jamais défendu cette idée ?
16 R. Non, et je le dis de façon explicite à maints endroits. Le sujet même,
17 l'objet de ce rapport, c'est le nationalisme serbe, mais ça ne veut pas
18 dire pour autant que pour moi, le nationalisme serbe est le seul
19 responsable du démantèlement de la Yougoslavie.
20 Q. Deuxième question, page 60, en version en langue anglaise, tel que
21 déposé auprès du Greffe, vous dites ces deux phrases-ci. Page 60, vers le
22 milieu de la page, vous analysez ce rapport et vous dites que la teneur de
23 ce rapport "n'a pas pour objet d'impliquer que les dirigeants serbes"; pas
24 seulement les Serbes, mais aussi" :
25 "-- ses dirigeants soient les seuls responsables de l'effondrement de la
Page 24968
1 Yougoslavie. Indépendamment des actions des Serbes, des forces en faveur de
2 l'indépendance existaient aussi bien en Slovénie qu'en Croatie. Mais la
3 politique et la rhétorique de Milosevic, surtout au moment où celles-ci ont
4 commencé à fonctionner dans le contexte de la rivalité électorale post-
5 communiste, on a vu un déplacement de ces forces qui étaient marginales
6 pour devenir politiquement importante."
7 C'est la position que vous arrêtez dans votre rapport. Vous la maintenez
8 aujourd'hui ?
9 R. Tout à fait.
10 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce
11 témoin. Je vous remercie.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je demande que la thèse de
13 doctorat de Mme Budding soit versée au dossier en qualité de pièce à
14 conviction.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Lorsque nous la recevrons, nous
16 réfléchirons pour savoir ce qu'il convient de faire de cette thèse, mais
17 nous ne perdons pas de vue de votre requête. Nous en traiterons demain
18 matin.
19 Madame Budding, ceci m'est fin à votre déposition. Merci d'être venue
20 devant le Tribunal pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer.
21 [Le témoin se retire]
22 M. NICE : [interprétation] Parlons maintenant du versement au dossier de la
23 thèse. Ça se fera lundi. Je ne serai pas là personnellement, mais ça sera
24 fait.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
Page 24969
1 M. NICE : [interprétation] C'est Mme Bauer qui va poser des questions au
2 prochain témoin. Il y avait des questions d'ordre administratives. Il
3 s'agit notamment de la liste complète révisée des témoins. Vous ne l'aurez
4 pas avant lundi, je le crains. Je vous fais part de ceci, mais je ne
5 prévois pas qu'il faudra réserver d'autres moments de l'audience aux
6 questions administratives la semaine prochaine. Il serait peut-être utile
7 d'y consacrer cinq minutes pour voir ce que donnera la dernière phase de la
8 représentation des moyens à charge dans ce procès.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Vous parlez d'une nouvelle liste des
10 témoins. Je suppose que l'ordre de comparution --
11 M. NICE : [interprétation] [imperceptible]
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. C'est la liste générale. Non, ce
13 n'est pas une liste particulière.
14 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est la liste générale qui fait le point
15 de la situation. Vous l'aurez, j'espère, lundi.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais j'espère que dès demain, nous
17 pourrons parler de certaines des déclarations préalables visées par
18 l'Article 92 bis.
19 M. NICE : [interprétation] M. Groome est averti. Il est prêt pour demain.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
21 Appelons le témoin suivant.
22 Mme BAUER : [interprétation] Nous appelons à la barre M. Stanko Erstic en
23 application d'une ordonnance rendue par la Chambre le 11 avril 2003. Les
24 parties relatives aux paragraphes 11 et 15 de sa déclaration préalable
25 seront présentées ici au moment des débats de viva voce.
Page 24970
1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez prononcer la
3 déclaration solennelle.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la
5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
7 LE TÉMOIN: STANKO ERSTIC [Assermenté]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Bauer, vous avez la parole.
10 Interrogatoire principal par Mme Bauer :
11 Q. [interprétation] Veuillez décliner votre identité, Monsieur. Vous
12 m'entendez, Monsieur ?
13 R. Oui. Oui. Je vous entends.
14 Q. Veuillez décliner votre identité au besoin du dossier de l'audience.
15 R. Je m'appelle Stanko Erstic.
16 Q. Monsieur Erstic, le 19 juin, est-ce que vous avez passé en revue votre
17 déclaration préalable en présence d'un représentant du Tribunal et avez-
18 vous signé une déclaration attestant de l'exactitude des dires consignés
19 dans cette déclaration ?
20 R. Oui.
21 Mme BAUER : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement
22 au dossier de ladite déclaration.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation 510.
24 Mme BAUER : [interprétation] Je vais commencer par le résumé vous
25 concernant, Monsieur le Témoin.
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1 Le témoin est un maçon de métier. Il habite Medvidja, un village qui, avant
2 la guerre, avait une population mixte d'environ 70 foyers, se trouvant dans
3 la municipalité d'Obrovac aux limites de la municipalité de Benkovac.
4 Les villages habités surtout par des Serbes entouraient Medvidja avant la
5 guerre. Les rapports entre les deux ethniques étaient bons avant la guerre;
6 cependant, après le référendum en faveur de l'indépendance croate en 1990,
7 les Serbes de ces villages ont commencé à avoir une attitude plus hostile
8 par rapport aux Croates.
9 Ils se rassemblaient dans un bar de la localité qui est devenu le lieu où
10 se réunissaient les hommes de la milice de Martic. On entendait des chants
11 nationalistes. Il y avait un panneau à l'entrée de ce bar. On disait que
12 les Croates et les chiens n'avaient pas le droit de venir boire. Le témoin
13 se rappelle, que dans ces chants, il y avait un de ceux-ci qui disaient :
14 "Milosevic va vous envoyer de la laitue car on va -- il y aura de la viande
15 parce qu'on va abattre des Croates."
16 La population croate avait peur, mais a toléré ce type de comportement
17 parce que les Serbes étaient de plus en plus armés. Et il y a eu une
18 présence accrue de la milice de Martic à Medvidja avant la guerre, le
19 témoin l'a constaté. Les hommes de Martic avaient un uniforme de camouflage
20 gris avec l'écusson qu'ils portaient à la manche, celui de la milice et de
21 la SAO de Krajina en cyrillique.
22 Il y a eu des barrages qui furent érigés par des habitants locaux armés. Il
23 fallait passer, pour se déplacer, la situation est devenue de plus en plus
24 dangereuse pour les Croates. Il y a eu de plus en plus de barrages, de
25 postes de contrôle érigés contre les Croates qui ont été arrêtés, pour
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1 certains d'entre eux.
2 Le 2 novembre 1991, le témoin a été arrêté sans raison apparente, par deux
3 des hommes de Martic, des Serbes de la localité. Il a d'abord été emmené à
4 Kistanje par ces hommes, où il y avait beaucoup de représentants de la
5 milice de Martic. Et puis de là, il a été emmené au poste de police
6 d'Obravac qui était aussi aux mains des hommes de cette milice. Le
7 lendemain, les policiers l'ont interrogé à propos du déplacement des
8 Croates, de l'existence d'armes et de la possession qu'auraient les
9 habitants du village de Medvidja d'un transmetteur radio. En dépit du fait
10 que le témoin a nié savoir quoi que soit à propos de ces événements, deux
11 membres de la milice de Martic l'ont emmené dans l'ancienne prison --
12 l'ancien hôpital de Knin qui servait de prison.
13 C'est là qu'il a été détenu avec 120 autres prisonniers qui étaient tous
14 des non-Serbes des villages mixtes ou des villages croates de la Krajina.
15 Il y avait pour la plupart des civils à l'exception de 20 membres de
16 militaire croate.
17 La milice de Martic travaillait comme garde à la prison. Et chaque jour,
18 les prisonniers étaient sortis de leur cellule, battus et couverts
19 d'injures. Le témoin estime qu'il a eu de la chance parce qu'il a seulement
20 eu deux côtes cassées et quelques côtes fracturées -- une côte fracturée.
21 Les détenus étaient insultés par les gardes qui disaient que la nation
22 croate devait être détruite, que tous les Croates devaient être tués, que
23 Split, Sibernik, [phon] ou Zadar étaient en feu et que Sibenik serait aussi
24 détruit.
25 Une partie de l'hôpital servait de dortoir aux hommes du capitaine Dragan
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1 et aux membres de la JNA -- les forces de réserve de la JNA plus
2 exactement. Les soldats du capitaine Dragan se comportaient différemment
3 par rapport aux autres. On le constatait à leur parler qu'ils n'étaient pas
4 de la localité, mais qu'ils venaient de Bosnie ou même de Serbie. Et puis,
5 ils portaient des uniformes différents, de ceux de Martic.
6 Au cours de sa détention, le témoin a vu Milan Martic qui se déplaçait dans
7 le périmètre de la prison.
8 Q. Est-ce qu'à l'époque, vous connaissiez M. Martic, Monsieur le Témoin ?
9 R. Non.
10 Q. Comment avez-vous appris qu'il s'agissait de M. Martic ?
11 R. C'est ce qu'ils nous ont dit, les gardes qui nous surveillaient.
12 Q. A quelque moment que ce soit, avez-vous vu un haut gradé de l'armée, au
13 cours de votre détention dans cette prison de Knin ?
14 R. J'ai vu M. Mladic.
15 Q. Est-ce que vous connaissiez déjà M. Mladic ?
16 R. Non.
17 Q. Et comment avez-vous appris que c'était M. Mladic ?
18 R. C'est ce qu'ils m'ont dit les gardes, pendant que je nettoyais le
19 couloir. C'est là qu'ils m'ont dit que c'était Mladic.
20 Q. Que faisait M. Mladic ?
21 R. Il se déplaçait à l'intérieur de la prison. Il était escorté par des
22 hommes du capitaine Dragan, par l'armée.
23 Q. Est-ce que vous l'avez revu une fois de plus, plus tard ?
24 R. Oui. Quand il y a eu l'échange, quand on a été échangé, entre Zitnic et
25 Pakovo Selo.
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1 Q. Est-ce que vous avez été échangé ?
2 R. Mais c'est entre les deux.
3 Q. Non, non, ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je vous ai
4 demandé à quel moment vous avez fait l'objet d'un échange.
5 R. Le 2 novembre 1991.
6 Q. Qui vous a amené au lieu où se faisait l'échange ?
7 R. C'est la police spéciale qui nous y a amenés, la JNA.
8 Q. Mais comment savez-vous que c'était la police spéciale de la JNA ?
9 R. C'est ce que les gardes nous ont dit. Ils nous ont dit, vous allez être
10 échangés et la police spéciale va vous escorter. Et nous l'avons vu en les
11 voyant. Nous avons vu que c'était des soldats de la JNA.
12 Q. Vous avez dit, en les regardant, en les voyant. Mais qu'est-ce que vous
13 voulez dire précisément ?
14 R. Et bien, ils portaient l'uniforme vert de l'armée du type de celui
15 qu'avait la JNA. Et puis, ils avaient aussi des gilets pare-balles.
16 Q. Pourriez-vous nous dire combien de détenus se trouvant à la prison de
17 Knin ont été échangés ce jour-là ?
18 R. Une centaine.
19 Q. Et vous avez été échangé combien -- contre combien de soldats -- de
20 prisonniers serbes ?
21 R. Une soixantaine.
22 Q. Que faisait Mladic lorsque vous l'avez vu à l'occasion de cet échange ?
23 R. Il était assis. Il y avait aussi la Croix rouge internationale, les
24 gens de Split. Ils étaient en train de discuter, regarder une liste pour
25 voir si tout le monde était bien présent de part et d'autre.
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1 Q. Est-ce que vous avez revu M. Mladic ailleurs, dans des circonstances
2 différentes après cet échange ?
3 R. Uniquement à la télévision.
4 Mme BAUER : [interprétation] Je poursuis la lecture du résumé.
5 Le témoin n'est pas rentré dans sa maison familiale de Medvidja, pas
6 jusqu'après l'opération Tempête en 1995. Lorsqu'il s'est retrouvé dans son
7 village, il a constaté que sa maison et dix autres maisons avaient été
8 rasées par le feu et que deux église du village avaient été plastiquées ou
9 endommagées par des explosifs.
10 Nous avons des pièces. Et le témoin a examiné quelques écussons qui sont
11 versés en annexe de cette déclaration en application du 92 BIS. Il les a
12 vus -- il les a passés en revue pendant la procédure du 92 BIS. Mais il les
13 avait vus, ces écussons, pendant qu'il se trouvait à l'hôpital de Knin.
14 Trois de ces écussons ont déjà été versés au dossier. Il s'agit des pièces
15 349, intercalaire 11, intercalaire 12 et 13. Ne sont versés ici qu'à titre
16 de référence du résumé, ces pièces. Les trois autres écussons qui ne furent
17 pas partie de cette déposition, se trouvent à l'intercalaire 2 de la pièce
18 510. Il s'agit des intercalaires 3 et 4. Nous les avons isolés pour que ce
19 soit plus clair.
20 C'est ainsi que se termine l'interrogatoire principal.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça c'est une question -- il est une
22 question qui doit être précisée. Nous avons la date de l'échange ainsi que
23 la date de l'arrestation. Apparemment, c'est la même date, 2 novembre 1991,
24 d'après ce qui est concilié ici. Pourriez-vous tirer ceci au clair ?
25 Mme BAUER : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Erstic, à quel moment avez-vous été arrêté par les hommes de
2 la milice de Martic, alors que vous étiez dans votre village ?
3 R. En 1991, le 2 octobre.
4 Q. Et quand avez-vous fait l'objet d'un échange ?
5 R. Le 2 novembre 1991, un mois plus tard donc.
6 Q. Je vous remercie.
7 Mme BAUER : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Le Greffe veut soulever une
9 question. Le Greffe soulève la question des écussons. Nous avons un
10 classeur où les écussons se trouvent. Je ne connais pas la cote. Oui, c'est
11 la pièce 349. Pourrait-on les rassembler en un seul et même endroit. Ce
12 serait manifestement préférable.
13 Voici ce que je vous propose de faire d'ici à demain. Contactez le Greffe
14 pour avoir une même cote pour la totalité de ces écussons.
15 Mme BAUER : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous pouvons maintenant lever
17 l'audience.
18 Monsieur Erstic, nous allons devoir vous demander de revenir pour terminer
19 votre déposition demain matin. Rappelez-vous ceci, vous n'êtes sensé parler
20 à personne de votre déposition tant qu'elle n'est pas terminée. Ceci
21 s'applique également aux représentants du bureau du Procureur. Veuillez
22 être de retour dans ce prétoire demain matin à 9 heures.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le ferai.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. L'audience est levée.
25 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le vendredi 25 juillet
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1 2003, à 9 heures.
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